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(Dix heures vingt minutes)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission élue permanente des affaires culturelles se
réunit pour entendre les personnes et organismes sur le projet de loi no
109, Loi sur le cinéma et la vidéo.
Sont membres de cette commission: Mme Bacon (Chomedey), MM. Baril
(Rouyn-Noranda-Témiscamingue), Champagne (Mille-Îles), Charbonneau
(Verchères), de Bellefeuille (Deux-Montagnes), Dupré
(Saint-Hyacinthe), Hains (Saint-Henri), Proulx (Saint-Jean), Richard
(Montmorency), Ryan (Argenteuil), Saintonge (Laprairie).
Les intervenants sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Blouin (Rousseau),
Dauphin (Marquette), Lavigne (Beauharnois), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), MM.
LeBlanc (Montmagny-L'Islet), Leduc (Fabre), Rochefort (Gouin) et
Vallières (Richmond).
M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je voudrais que vous
m'ajoutiez comme intervenant, s'il vous plaît.
Le Président (M. Gagnon): C'est bien. Voici l'ordre du
jour pour aujourd'hui. Nous entendrons Alliance Québec, l'Association
pour le jeune cinéma québécois, la Société
des auteurs... Oui, M. le député de Vachon.
M. Payne: Est-ce que vous êtes bien renseigné sur
les membres de la commission?
Une voix: Nous avons remarqué quelques erreurs.
Le Président (M. Gagnon): II se peut qu'il y ait des
erreurs. On va vérifier, M. le député de Vachon. Est-ce
qu'il y a des changements depuis hier? Est-ce que ce sont les mêmes
personnes qu'hier? C'est complètement changé. Alors, je vais
donner l'ordre du jour. On va me donner une liste corrigée. Voici la
liste corrigée. J'espère, cette fois-ci, que j'aurai tous les
membres. À la place de M. Baril, nous avons M. Dussault
(Châteauguay). À la place de M. Charbonneau, nous avons M. LeBlanc
(Montmagny-L'Islet). À la place de M. de Bellefeuille, nous avons Mme
Harel (Maisonneuve). À la place de M. Dupré (Saint-Hyacinthe),
nous avons M. Payne
(Vachon).
Comme intervenants: Mme Lachapelle (Dorion), MM. Scowen
(Notre-Dame-de-Grâce), Bertrand (Vanier) et Marx (D'Arcy McGee).
M. Proulx: Et le député de Saint-Jean est membre de
la commission parlementaire des affaires culturelles.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Saint-Jean, je n'ai pas votre nom comme membre de la commission, mais on peut
l'ajouter.
M. Proulx: Mon nom n'y est pas.
Le Président (M. Gagnon): Non, je ne l'ai pas. Oui, oui.
M. Proulx, je l'ai, d'ailleurs, mentionné tantôt.
M. Proulx: J'étais pris dans la tempête.
Le Président (M. Gagnon): Mais la tempête, pour
vous, n'était pas tellement loin. Alors, voici l'ordre du jour pour
aujourd'hui: Alliance Québec, l'Association pour le jeune cinéma
québécois, la Société des auteurs, recherchistes,
documentalistes et compositeurs, l'Union des artistes, l'Association
québécoise des critiques de cinéma, le Congrès juif
canadien, l'Association des câblodistributeurs du Québec Inc.,
l'Association canadienne de la radio et de la télévision de
langue française Inc., la Confédération
générale de la publicité et le Conseil des agences de
publicité du Québec.
On m'avise que les groupes ne sont pas tous arrivés,
c'est-à-dire qu'ils ne sont pas arrivés dans l'ordre actuel; il y
en a qui sont pris dans la tempête, soit aux aéroports, soit sur
la route entre Drummondville et Québec. Les groupes qui sont
arrivés sont la Société des auteurs et recherchistes,
l'Union des artistes, l'Association canadienne de la radio et de la
télévision de langue française et la
Confédération générale de la publicité.
Oui, M. le député de D'Arcy McGee.
M. Marx: J'aurais une question pour le ministre. Hier, le
ministre a promis de déposer un rapport auquel il a fait
référence dans son discours. J'aimerais lui demander s'il a une
copie de ce rapport aujourd'hui.
M. Richard: Pourriez-vous m'indiquer de
quel rapport il s'agit?
M. Marx: Vous avez fait référence à un
rapport; je pense que c'est à la page 15 de votre
mémoire.
M. Richard: M. le Président, c'est en voie d'être
imprimé et, dès que ce sera prêt, je le remettrai.
M. Marx: Aujourd'hui? M. Richard: Je l'espère.
M. Marx: Sinon, ce sera nécessaire pour moi de poser la
question encore une fois demain matin, vendredi et ainsi de suite.
Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le député
de Châteauguay.
M. Dussault: Je remarque que la personne représentant
l'Association des câblodistributeurs du Québec est arrivée.
Il s'agit de Mme Legris. Elle est dans la salle.
Le Président (M. Gagnon): Oui. Voici la suggestion que
j'ai à vous faire: Est-ce qu'on commence par l'organisme qui
était au numéro 3 de l'ordre du jour?
M. Dussault: Oui.
Le Président (M. Gagnon): Alors, j'invite, d'abord, la
Société des auteurs, recherchistes, documentalistes et
compositeurs à prendre place à la table, s'il vous
plaît.
M. Dussault: M. le Président, pendant qu'ils prendront
place, pourriez-vous, s'il vous plaît, faire un changement à la
liste des membres du parti ministériel? Il s'agirait d'indiquer mon nom
comme intervenant et d'indiquer M. Blouin (Rousseau), comme membre.
Le Président (M. Gagnon): Alors, si vous voulez vous
présenter et présenter les gens qui vous accompagnent.
Société des auteurs, recherchistes,
documentalistes et compositeurs
M. Gurik (Robert): Robert Gurik, président de la
Société des auteurs, recherchistes, documentalistes et
compositeurs. Marc F. Gélinas et Isabelle Doré,
administrateurs.
Le Président (M. Gagnon): Je pense qu'il y aurait entente
entre les deux partis ici pour qu'on prenne une heure environ par
mémoire.
Une voix: Au maximum.
Le Président (M. Gagnon): Au maximum. Disons vingt minutes
pour la lecture du mémoire et vingt minutes à chaque parti pour
poser des questions. Cela ne veut pas dire que ce sera nécessairement
extrêmement rigide, mais ce sera à peu près le temps dont
on pourra disposer. Alors, je vous cède la parole.
M. Gurik: La SARDEC a été fondée en 1945 et
incorporée selon la loi des syndicats professionnels en 1949. Elle
regroupe des auteurs, recherchistes, documentalistes et compositeurs de langue
française oeuvrant au Canada dans les domaines de la radio, de la
télévision, du cinéma et de l'audiovisuel. Elle a pour
objet l'étude, la défense et le développement des
intérêts économiques, sociaux et moraux de ses membres. La
SARDEC négocie avec les producteurs des conventions régissant la
commande et les licences d'utilisation de textes. Elle négocie
régulièrement et gère les conventions collectives des
auteurs, recherchistes et documentalistes de langue française...
Le Président (M. Gagnon): Je pense qu'il y a un
problème avec le son. Je ne sais pas si les autres entendent bien?
Une voix: Oui.
Le Président (M. Gagnon): Vous entendez bien?
Une voix: Oui.
M. Gurik: ...avec la Société Radio-Canada. Elle est
présentement en discussion avec la Direction générale des
moyens d'enseignement du ministère de l'Éducation du
Québec pour la négociation d'une entente touchant la commande et
l'utilisation des textes de ses productions destinées au secteur de
l'éducation.
La SARDEC participe aussi aux grands débats de l'heure
provoqués par l'évolution des lois, des organismes et des
technologies dans les domaines du cinéma, de l'audiovisuel, de la
radiodiffusion et de la télédiffusion et du droit d'auteur. Elle
a participé à la Conférence des associations de
créateurs et créatrices du Québec et à la
préparation de son mémoire sur la refonte anticipée de la
loi canadienne du droit d'auteur. Elle est à rédiger un contrat
type pour les auteurs de l'audiovisuel tenant compte des plus récents
développements technologiques dans le secteur. Elle est en relation avec
l'Institut québécois du cinéma et siège au
comité consultatif des programmes de la Société de
développement de l'industrie cinématographique canadienne.
Finalement, la SARDEC est le seul représentant des auteurs
dramatiques, littéraires et de l'audiovisuel du Canada et
de l'Amérique du Nord à la CISAC
(Confédération internationale des sociétés
d'auteurs) qui regroupe 116 sociétés d'auteurs de 55 pays. Pour
les conseils internationaux de 1983, la SARDEC est le grand rapporteur sur
plusieurs questions, entre autres la télévision payante et la
câblodistribution en Amérique du Nord. Elle siège aussi
à l'Affiliation internationale des unions d'auteurs, qui regroupe la
Grande-Bretagne, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et les
États-Unis, côte ouest et côte est, ainsi que l'ACTRA.
L'affiliation représente plus de 11 000 auteurs actifs dans le monde
entier. (10 h 30)
C'est à la lumière de cette compétence que la
SARDEC se sent habilitée à se prononcer au nom des auteurs
scénaristes de cinéma et de vidéo sur le projet de loi no
109. Le projet de loi présenté est amputé de toute sa
partie financière qui, nous le supposons, relèvera du prochain
discours sur le budget. Tant et aussi longtemps que nous ne connaîtrons
pas l'ampleur et la structure de l'enveloppe budgétaire affectée
au cinéma et à la vidéo par le gouvernement, il nous est
difficile d'apprécier et d'approuver les changements structurels que
propose la loi. Si le dédoublement de l'institut sert uniquement de
programme de relance de l'emploi pour fonctionnaires, la situation de
l'industrie du cinéma risque de s'enliser davantage. Toutefois, si les
nouvelles structures sont dotées de crédits suffisants pour qu'il
en reste pour les créateurs une fois tous les fonctionnaires
payés et si les deux nouveaux organismes jouent leur rôle de
catalyseur et de médiateur de l'industrie, l'avenir est peut-être
moins sombre.
À titre de représentants des auteurs de l'audiovisuel et
du cinéma, nous demandons au gouvernement par le biais de cette
commission parlementaire de profiter de l'occasion que lui procure le projet de
loi no 109 pour développer et consolider le métier de
scénariste chez nous. Pourquoi faire une telle demande? Parce que le
poste budgétaire de scénariste est souvent le premier à
être amputé, sinon à sauter, alors que le scénario
constitue toujours le premier ingrédient essentiel d'une production de
qualité. À cause de la prétendue indigence des moyens
financiers mis à leur disposition, trop de réalisateurs ou de
producteurs se sont improvisés scénaristes pour épargner
de l'argent, avec les résultats que l'on sait. Comme le soulignait
à juste titre le rapport Eournier, l'ère des personnes-orchestres
doit prendre fin si on veut assurer la survie et la qualité de notre
cinéma. Toujours pour les mêmes raisons d'économie de bouts
de chandelle, combien de fois avons-nous vu une partie importante de l'aide
à la scénarisation être détournée par le
producteur cosignataire d'un projet afin de maintenir en vie sa maison de
production. Ce n'est pas en lésinant sur les crédits
alloués aux scénarios qu'on bâtira une industrie saine et
efficace.
À cause de leur méconnaissance des questions de droits
d'auteur, à cause de la voracité ou de l'incompétence de
certains producteurs, trop d'auteurs et de scénaristes se sont vus
privés du fruit légitime de leur travail: les droits d'auteur.
Ayant cédé tous leurs droits aux producteurs contre un plat de
lentilles, certains ont vu leurs oeuvres vendues à l'étranger,
diffusées à la télévision sans toucher un
traître sou. Aucune industrie ne peut prétendre à la
stabilité et à la qualité si elle n'assure pas, d'abord et
avant tout, la stabilité et la qualité de ses fournisseurs de
matière première. Or, les droits d'auteur ont toujours
constitué la meilleure façon de rétribuer
équitablement l'originalité, la qualité et la
popularité d'une oeuvre. Tant et aussi longtemps que des documents aussi
essentiels à la survie et au développement du métier de
scénariste que les contrats de droits d'auteur seront
rédigés par des "apprentis sorciers" plus ou moins bien
intentionnés et d'une compétence douteuse en la matière,
le cinéma et la vidéo québécois feront fausse
route. L'ère des contrats rédigés sur des dos de
calendriers doit prendre fin.
Avec l'aide financière et technique du service gouvernemental de
la propriété intellectuelle du ministère des Affaires
culturelles et en consultation avec l'Association des réalisateurs et
réalisatrices de films du Québec, la SARDEC supervise la
rédaction d'un modèle de contrat qui garantirait des tarifs
planchers pour l'écriture et une claire définition des droits
d'auteur et de leur rémunération; qui tiendrait compte des
besoins légitimes des producteurs et des nouvelles
réalités technologiques; qui serait accessible à tous les
auteurs ou scénaristes, qu'ils soient membres de la SARDEC ou non.
Nous voudrions que la nouvelle loi sur la vidéo et le
cinéma rende obligatoires de tels contrats dans tous les cas où
le producteur obtient des subventions ou des deniers publics pour le
financement de son projet. Les personnes qui se disent producteurs
privés chez nous ne sont, dans la plupart des cas, que des gestionnaires
indépendants de fonds publics provenant de l'Institut
québécois du cinéma, de la Société de
développement de l'industrie cinématographique canadienne, de la
Société Radio-Canada, de Radio-Québec, de la Direction
générale des moyens d'enseignement du ministère de
l'Éducation, etc. Il nous apparaît donc normal, si ces producteurs
sont financés en tout ou en partie par des deniers publics, que les
auteurs reçoivent, selon la formule désormais consacrée,
"leur juste part de créateurs."
La proposition de la SARDEC ne vise pas à assouvir une quelconque
vengeance des
auteurs-scénaristes contre les producteurs, mais bien à
assainir les relations contractuelles dans le milieu du cinéma par un
rééquilibrage des forces en présence. Il ne faut pas
oublier que l'auteur, par la nature même du métier qu'il exerce,
se retrouve à la fois seul face aux producteurs et en concurrence avec
ses collègues, ce qui ne facilite pas le regroupement et la
solidarité. C'est, d'ailleurs, une des raisons qui ont fait
qu'historiquement, dans le monde occidental, les intérêts des
auteurs ont toujours été protégés par des lois sur
le droit d'auteur.
Même si les auteurs attendent beaucoup de la prochaine
révision de la loi canadienne sur le droit d'auteur, nous n'entretenons
aucune illusion et ne laissons passer aucune occasion d'améliorer le
sort et les conditions d'exercice du métier d'auteur. C'est pourquoi
nous demandons au gouvernement du Québec de poursuivre sa contribution
à l'amélioration du statut de l'auteur déjà bien
amorcée avec le livre blanc La juste part du créateur, en
exigeant des producteurs privés qu'ils normalisent leurs relations avec
les auteurs-scénaristes.
En conséquence, au nom de toutes les personnes exerçant le
métier d'auteur et de scénariste au Québec, la SARDEC
formule les recommandations suivantes: premièrement, que l'article 16 de
la présente loi soit modifié de façon que les auteurs
forment une entité distincte des compositeurs et qu'ils aient pleine
représentation au conseil d'administration de l'institut; et,
deuxièmement, conformément à l'esprit de l'alinéa 5
de l'article 3 du projet de loi, qu'un modèle de contrat respectant le
droit d'auteur devienne universel et obligatoire dans tous les cas où un
producteur bénéficie de l'aide financière de l'État
pour son projet, au sens de l'alinéa 3 de l'article 64. Je vous
remercie.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Richard: Je vous remercie, M. Gurik. J'aurais une question
à vous poser. Vous proposez dans votre mémoire qu'un
modèle de contrat soit établi en vertu des dispositions de la
loi. Ne croyez-vous pas qu'il appartiendrait plutôt à la
société chargée d'aider le financement du cinéma de
voir à exiger, peut-être, que les droits d'auteur soient
respectés? Puisqu'il s'agit d'une situation évolutive, on voit
mal comment on pourrait imposer un modèle de contrat dans une loi, parce
qu'une loi ne se change pas tous les jours. Il faudrait peut-être se
garantir une certaine souplesse en l'incluant dans les programmes plutôt
que dans la loi.
M. Gurik: Oui.
M. Richard: Au fond, ce qui vous intéresse, c'est que les
droits d'auteur soient respectés.
M. Gurik: C'est que les droits d'auteur soient respectés
et qu'il y ait une sorte de civilisation de la situation de
l'auteur-scénariste par rapport au producteur. De la même
façon que, par exemple, à Radio-Canada on a une sorte de
convention qui établit à la fois des tarifs planchers, le respect
des reprises, le respect des droits de suite, je pense qu'il est possible, dans
l'industrie du cinéma, d'établir une sorte de convention
générale plancher qui permettrait, du moins, à l'auteur
d'avoir une sorte d'excellence, une sorte de garantie de
sécurité.
M. Richard: Je vous remercie.
Le Président (M. Gagnon): M. Gélinas.
M. Gélinas (Marc F.): Ce n'est pas tellement qu'on demande
que soit inscrit dans la loi un modèle de contrat, mais plutôt que
la loi fixe un cadre qui incite au respect de certains principes. Un des
principes, c'est la juste part du créateur dans la subvention. Un second
principe, c'est celui de la licence spécifique qui est limitée
dans le temps et dans l'espace. Un troisième principe, c'est celui des
droits de suite pour la vie utile de l'oeuvre. On n'a pas fixé le
contrat quand on a dit cela, mais on a établi des principes
directeurs.
M. Richard: Je vous remercie.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Laprairie.
M. Saintonge: Dans votre première recommandation demandant
la modification de l'article 16, pouvez-vous m'expliquer un peu la distinction
entre compositeur et auteur?
M. Gurik: Au cinéma, la participation et l'intervention
d'un auteur et d'un compositeur est totalement différente. L'auteur
arrive au début même de l'édifice, c'est-à-dire que
c'est sur ce scénario ou sur ce qu'il écrit que se bâtit
l'édifice de 100 000 $, 200 000 $, 1 000 000 $, 1 500 000 $. Le
compositeur ne vient que lorsque le film est, pour ainsi dire, presque
complété, pour faire la musique d'accompagnement. Je pense que ce
sont deux choses totalement différentes. Notre intervention est
totalement différente. Le scénariste est présent au
départ même de l'aventure cinématographique audiovisuelle
et le compositeur est à la fin de cette aventure. Un compositeur, pour
le préciser, c'est celui qui fait la musique du film.
M. Saintonge: Considérant les implications de l'article
16, dans le fond, avec le nombre de représentants maximal au conseil
d'administration, est-ce qu'il n'y a pas, quand même, un certain lien qui
rapproche les auteurs et les compositeurs qui justifierait qu'un
représentant pour les deux serait suffisant?
M. Gurik: Non, je ne le pense pas, parce que, comme je vous le
disais tout à l'heure, l'auteur est au départ même du film.
C'est sur lui que se bâtit le fondement même de toute
l'aventure.
M. Gélinas: Si vous me le permettez, dans le rapport
Fournier, on parle de l'équipe des créateurs. L'équipe des
créateurs comporte le producteur, le réalisateur et le
scénariste. On ne parle pas des compositeurs là-dedans. Le
scénariste est vraiment un pilier. C'est à partir du
scénario qu'on fait le film. C'est un des ingrédients
essentiels.
Le Président (M. Gagnon): D'autres questions? Alors, je
remercie la Société des auteurs. Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Ce sont des questions auxquelles peut-être
plusieurs de mes collègues ont déjà des réponses.
Pour la compréhension des choses, je ne sais pas si c'est à vous
ou au ministre que je devrais poser la question. Si je comprends bien, dans le
moment, vos droits d'auteur ne sont protégés d'aucune
façon par les lois du Québec. Est-ce que j'interprète
mal?
M. Gurik: Non, c'est-à-dire qu'il y a une pratique qui
fait que le producteur en général demande le plus souvent une
cession totale des droits pour toutes sortes de raisons historiques et de
marché, il demande une cession totale des droits comme cela se fait aux
États-Unis où, par exemple, un producteur privé peut
acheter à un prix forfaitaire à peu près tous les droits
que l'auteur peut apporter.
Mme Lavoie-Roux: Du côté des Affaires culturelles,
qu'est-ce qui dans la loi protège les droits d'auteur non seulement dans
le cas du cinéma. Il y a quand même des dispositions dans les lois
pour les protéger. Est-ce qu'il existe quelque chose?
M. Richard: Le droit commun, mais la juridiction en
matière de droits d'auteur est une juridiction fédérale,
M. Gurik a invoqué, tout à l'heure, les négociations qui
sont en cours présentement entre le ministère de
l'Éducation et la SARDEL pour le paiement des droits d'auteur en rapport
avec tout ce qui est utilisé dans le réseau de
l'éducation, ce qui n'est pas sans importance.
Mme Lavoie-Roux: J'avais à l'esprit qu'il y avait
déjà certaines discussions qui avaient cours et cela n'a pas
encore abouti.
M. Gélinas: Ce que nous disons, ce n'est pas qu'il n'y a
pas de lois sur le droit d'auteur; il y a une loi canadienne du droit d'auteur
qui est en instance de réforme. Ce qu'on dit, c'est que le gouvernement
dit qu'il prône la juste part des créateurs. Par contre, la
pratique dans le milieu jusqu'à maintenant a été une
dénégation de cette juste part des créateurs. Le
gouvernement lui-même n'a pas respecté sa propre politique
jusqu'à maintenant. Ce que l'on demande nous, c'est qu'il inscrive dans
ses propres lois et règlements ces principes et non seulement dans le
livre blanc. C'est ce qu'on demande essentiellement.
Mme Lavoie-Roux: Quand vous dites que le gouvernement n'a pas
respecté ses propres lois, vous parlez du gouvernement
fédéral à ce moment-là.
M. Gélinas: Non, je dis que le gouvernement n'a pas
respecté sa propre politique. C'est ce que je disais.
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Gélinas: Le gouvernement publie le livre blanc sur la
juste part du créateur. Par contre, il fait signer des contrats de
louage de services à Radio-Québec.
Mme Lavoie-Roux: Ah oui, le gouvernement du Québec.
M. Gélinas: Oui. Alors, un contrat de louage de services,
ça c'est un contrat où il n'y a pas de droit d'auteur, il n'y a
pas de droits de suite. On loue nos services et on s'en va.
Mme Lavoie-Roux: Ce que j'ai pu comprendre de votre intervention,
M. Gurik, c'est qu'avec Radio-Canada vous avez, quand même, un cadre un
peu plus précis pour protéger ces droits. Est-ce que j'ai mal
compris ou est-ce exact?
M. Gélinas: Oui, c'est exact.
(10 h 45)
Mme Lavoie-Roux: Est-ce un modèle qui pourrait être,
jusqu'à un certain point, applicable dans le cas du Québec?
M. Gélinas: Ce serait le paradis, quant à nous,
madame. C'est très simple.
Mme Lavoie-Roux: Alors, vous avez déjà un
modèle. Cette fois, ils ne seront pas obligés de trouver leurs
normes et leurs critères, M. le ministre.
M. Richard: Oui.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Rousseau.
M. Blouin: Dans la première partie de votre
mémoire, vous relatez très justement que tout l'exercice
préparatoire qui a été fait, ainsi que l'exercice final
qu'on est en train de faire ne donneront pas grand-chose s'il n'y a pas des
sommes significatives qui sont mises à la disposition de l'industrie du
cinéma par l'État.
Une voix: Pourriez-vous parler un peu plus fort?
M. Blouin: Avec plaisir. Je disais que dans la première
partie du mémoire...
Une voix: Je ne sais pas si je suis sourd, mais j'ai peine
à vous entendre.
M. Blouin: ...la SARDEC indique, avec beaucoup de justesse, que
s'il n'y a pas de sommes substantielles qui sont mises à la disposition
de l'industrie du cinéma par l'État, tous les efforts qui ont
été faits pour essayer d'apporter des correctifs et des nouveaux
moyens d'intervention n'auront pas été très utiles. Vous
vous interrogez, par exemple, sur la lourdeur bureaucratique éventuelle
des structures prévues par le projet de loi. Votre crainte est un peu
que, si des crédits supplémentaires sont ajoutés, la
machine bureaucratique vienne les avaler dans une grande mesure. J'aimerais que
le ministre nous indique si, effectivement, les structures qu'il prévoit
risquent d'avaler une grande partie des montants qui seraient mis à la
disposition de l'industrie cinématographique.
M. Richard: M. le député de Rousseau, je voudrais
vous rappeler, à cet égard, que le rapport Fournier proposait
sept structures différentes. Nous avons réussi à inclure
tous les mandats proposés par le rapport Fournier à
l'intérieur de trois structures. Il y en a deux qui existent
présentement. Finalement, ce que nous ajoutons, c'est le nouvel Institut
québécois du cinéma, qui sera une structure très
très légère puisque l'institut n'aura pas à
s'occuper de la gestion des programmes. Ce que nous ajoutons aussi, c'est la
régie, mais qui, elle-même, va inclure ce qui existe
déjà, c'est-à-dire le bureau de surveillance, de telle
sorte que les coûts additionnels sont relativement minimes. Enfin, on
parle de coûts additionnels, mais, en incluant la régie qui
était réclamée depuis si longtemps et qui est un outil
absolument indispensable, on parle de coûts additionnels
inférieurs à 500 000 $.
M. Blouin: Merci.
Le Président (M. Gagnon): Cela va, M. le
député de Rousseau? Cela va. M. le député de D'Arcy
McGee.
M. Marx: Je lis votre deuxième recommandation. Je
comprends que vous voulez avoir un amendement au projet de loi afin que le
ministre prévoie, dans sa loi -comment dirais-je? - un contrat type. Si
le ministre veut bien le faire, il peut le faire, parce qu'il est de notre
compétence de légiférer en ce qui concerne des contrats
entre Québécois ou entre un Québécois et quelqu'un
de l'extérieur. Mais est-ce que l'Assemblée nationale doit
intervenir dans chaque loi quand il y a une subvention du gouvernement
accordée à un fournisseur de services ou à un organisme?
Est-ce que l'Assemblée nationale doit intervenir chaque fois et
prévoir les arrangements contractuels entre les personnes? Il y a aussi
la question de la liberté de commerce. Chacun peut faire le contrat
qu'il veut bien faire. Supposons que, dans une autre commission parlementaire,
on parle de concessionnaires d'automobiles qui se font jouer par des grosses
compagnies. Cela peut être d'autres fournisseurs et ainsi de suite. Il
n'y a pas de limite à cela. Comme législateurs, on peut
prévoir un contrat type pour tout le monde. Mais je ne pense pas que ce
soit la façon d'agir et de transiger dans notre société ou
notre système.
M. Gurik: Je pense qu'il y a un cas très particulier ici.
Parce que le titre du rapport Fournier, c'est Une question de survie et
d'excellence. Or, si on fait une survie sans excellence, on va, encore une
fois, être pris à faire des gâteaux à
l'intérieur et à ne pas déboucher vers l'extérieur.
Je pense que l'excellence elle-même est basée vraiment sur la
situation du créateur à l'intérieur même de cette
survie. Je pense qu'il y a presque un précédent dans ce genre de
choses, puisque dans la loi elle-même, vous faites le rapport des
distributeurs et des exploitants de salles et vous établissez des
principes de répartition entre les deux. Nous ne parlons pas de
contrats, nous parlons d'établir des principes qui permettent
l'excellence des créateurs et de la situation des créateurs.
M. Marx: Je ne suis pas tout à fait d'accord avec cet
article comme je ne suis pas d'accord avec d'autres articles dans ce projet de
loi. Ce n'est pas nous qui avons rédigé cela.
M. Richard: Heureusement que ce n'est pas vous qui l'avez
rédigé!
M. Marx: On va le corriger en cours de route. Mais votre
association a-t-elle essayé de rédiger un contrat type pour
vos
membres? Avez-vous essayé de faire quelque chose
vous-mêmes, c'est-à-dire de voir les personnes
concernées?
M. Gurik: Nous sommes en train de le faire et nous devons
terminer d'ici un mois.
M. Marx: Oui. Je pense que ce n'est pas souhaitable que, chaque
fois qu'il y a un groupe qui a un problème dans notre
société, on vienne à l'Assemblée nationale et qu'on
demande que celle-ci règle le problème pour tout le monde, dans
chacun des domaines. Qu'on ait un bail type qu'on a mis dans nos lois,
d'accord, mais on ne peut pas avoir un contrat type pour chaque transaction
qu'on fait. C'est cela, le problème.
M. Gélinas: Essentiellement, nous ne demandons pas que la
loi contienne un contrat type - cela, je le répète - mais que la
loi incorpore certains principes. Nous, on va se charger d'un contrat type et
de faire des contrats qui vont respecter ces principes. Cela, c'est une
chose.
L'autre chose, je suis entièrement d'accord avec vous quand vous
dites que vous ne croyez pas que le gouvernement doive intervenir partout. Mais
on est dans une instance ici où le gouvernement intervient, où le
gouvernement change les règles du jeu, déjà. Il les change
pour les producteurs. Puis, les lois du marché ne jouent plus pour les
producteurs comme elles le feraient dans une situation ordinaire. Le
scénariste, lui, d'une certaine façon, est démuni parce
qu'il est seul et il est en compétition avec ses collègues, entre
autres, parce que l'espace économique au Québec est petit. Vous
savez, on peut faire le même parallèle avec le producteur. Si on
laissait les producteurs à eux-mêmes, comme le projet de loi
actuel laisse les auteurs à eux-mêmes, il y aurait très peu
de producteurs de films au Québec. Alors, nous, si on veut de
l'excellence, il faut choyer au moins les trois axes de l'équipe de
création là-dedans. Oui, si on intervient dans le marché
et qu'on le fausse, qu'on s'occupe du producteur. Qu'on s'occupe aussi de son
fournisseur de matière première et qu'on le mette au moins dans
une situation d'égalité pour pouvoir négocier avec lui.
Qu'on ne le mette pas en état d'infériorité structurelle
au départ. C'est ce qu'on dit parce que la situation est faussée.
Et on est d'accord là-dessus. Si on ne l'était pas, on
s'arrangerait avec nos propres affaires.
M. Marx: Mais si on veut régler les problèmes du
cinéma, où cela va-t-il s'arrêter? Cela ne s'arrêtera
sûrement pas avec vous. Cela pourrait être des placiers dans les
théâtres, dans les salles de cinéma. Ils vont dire qu'on a
tout réglé: les producteurs, les distributeurs, les auteurs, et
que, maintenant, c'est à leur tour. Il y a une limite à tout
cela. Il faut tirer la ligne quelque part et je me demande où tirer la
ligne. J'aimerais peut-être demander au ministre de vous aider, parce
qu'il a toutes les ressources nécessaires. Peut-être pourrait-il
vous aider à rédiger votre contrat type et peut-être
peut-il prendre des mesures autres que législatives pour vous aider
à faire respecter davantage vos contrats. Il y a la pression aussi du
ministère. Il y a toutes sortes de formes d'action sans qu'il y ait
d'intervention législative chaque fois.
Le Président (M. Gagnon): M. Gélinas.
M. Gélinas: Peut-être, mais nous croyons que voici
une belle occasion pour le gouvernement et pour le ministère d'incarner
leur volonté et leurs politiques. C'est tout ce que nous demandons de
faire, de les incarner, de les sortir de la théorie et de les
actualiser. Alors, voici une bonne façon de les actualiser.
Peut-être qu'une autre façon, entre autres, c'est par la
réglementation interne de l'institut. C'est peut-être la vraie
solution, au bout du compte. Mais, une chose est certaine, c'est que le
gouvernement ne peut pas prôner une politique de la juste part du
créateur et ne pas intervenir au niveau des auteurs. Cela est clair,
à notre avis.
M. Richard: M. Gélinas, n'y a-t-il pas déjà
des programmes d'aide à la scénarisation instaurés par
l'Institut québécois du cinéma?
M. Gélinas: II y en a, mais ils ne tiennent absolument pas
compte du normatif entre les producteurs, les auteurs et les
réalisateurs. L'institut donne de l'argent, juge sur le fond du projet,
mais ne juge pas sur l'articulation de ce qui se passe entre les gens qui sont
parties prenantes au projet.
M. Richard: J'aurais une dernière question. La SARDEC
regroupe à la fois les auteurs et les compositeurs et, comme
regroupement des deux, ce matin, vous intervenez pour que la loi, en quelque
sorte, fasse une distinction entre les auteurs et les compositeurs.
M. Gurik: C'est-à-dire que nous ne regroupons pas les
compositeurs. C'est un nom qui existe depuis des années et qui est
resté dans le titre, mais, en fait, il y a très peu de
compositeurs. Il y a des associations professionnelles qui représentent
vraiment les compositeurs, mais nous ne représentons pas les
compositeurs, en fait. C'était dans notre nom, au départ et nous
ne l'avons pas changé depuis.
M. Richard: Je réfère au premier
paragraphe de votre mémoire. Quand vous décrivez la
SARDEC, vous dites qu'elle regroupe des auteurs, recherchistes, documentalistes
et compositeurs de langue française.
M. Gurik: À partir du titre, on a fait une erreur en
disant cela. On ne représente pas les compositeurs maintenant.
M. Richard: D'accord.
M. Gurik: C'est un lapsus; nos excuses.
M. Richard: Je vous remercie, M. Gurik.
Le Président (M. Gagnon): Je remercie la
Société des auteurs, recherchistes, documentalistes et
compositeurs de son mémoire.
Maintenant, j'appelle le Congrès juif canadien. Ses porte-parole
sont-ils arrivés? Non.
L'Association canadienne de la radio et de la télévision
de langue française Inc. Les représentants sont arrivés.
Il s'agit du mémoire 3M.
Association canadienne de la radio
et de la télévision de langue
française Inc.
M. Arpin (Michel): M. le Président, M. le ministre,
mesdames et messieurs de la commission parlementaire sur les affaires
culturelles, je m'appelle Michel Arpin. Je suis président de
l'Association canadienne de la radio et de la télévision de
langue française. À ma gauche se trouvent M. Roger Hudon,
vice-président de ladite association et, à ma droite, M. Jean
Normandeau, directeur général.
L'Association canadienne de la radio et de la télévision
de langue française regroupe la quasi-totalité des entreprises de
télévision privées de langue française du
Québec. Ses membres sont ou associés au réseau TVA ou
affiliés à la Société Radio-Canada et leurs signaux
atteignent à peu près toutes les régions du
Québec.
L'ACRTF avait, dès sa parution en août dernier, pris
connaissance du rapport de la Commission d'étude sur le cinéma et
l'audiovisuel, intitulé Le cinéma, une question de survie et
d'excellence, et dont le président était Guy Fournier. Ce rapport
est maintenant connu comme étant le rapport Fournier. Ce rapport
soumettait une série de recommandations, ainsi qu'une proposition de
loi. L'actuel projet de loi no 109 reprend, avec peu de modifications, cette
proposition du rapport Fournier et se veut donc une conséquence dudit
rapport. Ce faisant et aux fins de nos commentaires, nous considérons le
rapport Fournier et le projet de loi comme indissociables. (11 heures)
Le projet de loi no 109, nous en convenons, ne fait aucune
référence à l'industrie de la télédiffusion
privée. Or, en quoi notre industrie a-t-elle intérêt
à vous transmettre les présents commentaires? Nous constatons,
à la lecture comparative de la proposition de loi et du projet de loi no
109, que la vidéo occupe une place importante dans le projet de loi. On
prend même soin de la définir en tant que support. Tout au long de
ces deux textes, on fera référence au cinéma et à
la vidéo. De plus, les articles 2 et 3 traitant de la politique du
cinéma et de la vidéo sont tout à fait concordants. Ceci
ne laisse aucun doute, dans notre esprit, quant aux intentions du
législateur de donner aux organismes créés par cette loi
les pouvoirs nécessaires pour réglementer le contenant,
c'est-à-dire le support de ladite oeuvre, aussi bien que ceux qui en
font une utilisation pour fins de production, exploitation, circulation, quel
que soit ce support, y compris la vidéo.
Comme le démontre si bien le rapport Fournier, les
télédiffuseurs sont d'importants producteurs dans le domaine de
la vidéo. Par contre, la production du télédiffuseur
privé, sur film ou sur vidéo, n'est pas a priori une oeuvre
cinématographique destinée à être
présentée en public. Il s'agit plutôt d'une émission
destinée à être diffusée à la
télévision en conformité avec les lois canadiennes qui
régissent ce média.
En vertu de la licence qu'il détient du CRTC (Conseil de la
radiodiffusion et des télécommunications canadiennes) le
télédiffuseur privé n'est pas un producteur ou un
réalisateur de cinéma et nous vous soumettons qu'il y aurait lieu
d'être plus précis, au chapitre I du projet de loi. Dans un
premier temps, il importe de bien faire la distinction entre le contenu,
c'est-à-dire l'oeuvre, et le contenant, c'est-à-dire le support.
En second lieu, il importe également que les champs d'activité
visés par ce projet de loi en matière de cinéma et de
vidéo soient clairement libellés.
De plus, la consommation que font les télédiffuseurs en
matière de cinéma et de vidéo ne se limite pas à ce
qu'ils produisent eux-mêmes; toutefois, ce qu'ils acquièrent de
l'extérieur est destiné à être
télédiffusé. Il y aurait donc lieu, là encore,
d'éliminer tout ambiguïté quant à l'exploitation et
à la circulation des oeuvres acquises par un
télédiffuseur. Il est à noter, en effet, que le CRTC
régit déjà l'acquisition, l'exploitation et la circulation
des oeuvres diffusées par les télédiffuseurs
privés.
S'il importe d'être clair quant aux objectifs de ce projet de loi
et aux cadres de son application, c'est bien parce que certains des articles
qu'on y retrouve, si interprétés trop largement, sont de nature
à
permettre une intrusion dans le domaine de la
télédiffusion.
C'est dans le libellé trop général qu'on retrouve
souvent les pires ambiguïtés et l'article 103 nous semble en
être un bel exemple. L'interdiction de produire dans le domaine du
cinéma ou de la vidéo, sur une base professionnelle, sans permis
de producteur, ne fait aucune référence au champ
d'activité visé par le projet de loi et que nous devons
présumer être l'industrie cinématographique.
J'attirerai également votre attention sur le fait que les
télédiffuseurs, comme nous vous l'indiquions plus tôt, sont
d'importants producteurs, sur une base professionnelle, dans le domaine de la
vidéo. Mais, puisque leur produit est destiné à une
diffusion télévisée et non à être
présenté en public, nous soumettons à votre attention que
le libellé de cet article requiert d'être plus précis quant
aux professionnels du cinéma qui y sont visés.
Qui plus est, il existe une multitude de maisons de production, ainsi
que de photographes indépendants et de travailleurs autonomes à
qui on reconnaît le statut de professionnel et dont la
quasi-totalité de la production est destinée à l'industrie
de la publicité et à l'industrie de la
télédiffusion. Vous n'êtes pas sans savoir que, de plus en
plus, ces maisons et ces professionnels indépendants font appel aux
techniques de la vidéo pour toutes sortes de raisons,
c'est-à-dire: souplesse d'exécution, de reprise, facilité
de montage, économie de temps et d'argent pour le producteur et pour le
client, et, par conséquent, maintien d'une saine situation de
concurrence dans un contexte de libre marché.
Or, les articles 103 à 106 du projet de loi que nous avons devant
nous, et tels que libellés, auraient pour conséquence de freiner
l'esprit d'initiative de tous ces pigistes et producteurs indépendants
dont dépend l'industrie de la publicité et, par voie de
conséquence, l'industrie de la télédiffusion. Il nous
semble qu'il serait opportun de connaître les intentions du
législateur dans ce domaine et les raisons pour lesquelles l'article 103
a été ainsi rédigé. Nous sommes d'avis qu'une telle
obligation à l'endroit des télédiffuseurs, des producteurs
indépendants et des pigistes dont les activités ne sont pas
reliées à l'industrie cinématographique au sens où
nous présumons que le projet de loi no 109 l'entend ne doit pas
être retenue.
Qu'il nous suffise de vous rappeler que, de façon
générale, de tels articles, ou règlements qui en
découlent, n'ont pour tout effet que d'alourdir une machine
administrative que l'entreprise privée se doit de maintenir à un
niveau minimal, les coûts y afférents étant souvent de
nature à réduire considérablement les faibles profits qui
lui permettent de demeurer concurrentielle et de se développer. En
effet, la viabilité d'un producteur indépendant ou d'un pigiste
dépend entièrement de son rendement, de la qualité et des
coûts de son produit, somme toute, de sa capacité de
répondre aux attentes et aux besoins de sa clientèle, comme le
veulent les lois du marché et de la libre concurrence.
L'article 103 nous apparaît ambigu et inutilement contraignant. Il
n'est pas le seul, hélas! À moins que ne nous soient
clarifiés l'intention du législateur et le cadre
spécifique du présent projet de loi, nous croyons qu'il en serait
de même pour les articles 94, 95, 96 et 97. À cause de la nature
même de leur produit, les télédiffuseurs sont
appelés à transiger avec une multitude d'individus et
d'entreprises et sont, à la fois, des acheteurs et des distributeurs de
films et de matériel vidéo. Interprétés largement
et à moins que leur sens ne soit clarifié, ces articles
pourraient avoir pour conséquence d'empêcher un
télédiffuseur qui ne serait pas titulaire d'un permis de
distributeur de vendre, louer, prêter ou échanger les
émissions produites dans ses studios ou encore acquises des producteurs
indépendants à d'autres télédiffuseurs, tandis que
le produit des transactions en cause sert à des fins de diffusion et non
pas à des fins de présentation en public.
Est-ce à dire que le télédiffuseur ne pourrait pas,
non plus, à moins d'être titulaire dudit permis de distributeur,
négocier la vente, la location, le prêt ou l'échange de ses
émissions avec des intérêts autres que canadiens pour
diffusion à l'étranger? Est-ce à dire également que
le télédiffuseur ne pourrait pas, non plus, effectuer l'achat
sous licence de productions françaises, américaines ou autres
pour d'autres stations de télévision québécoises ou
canadiennes à l'étranger ou par le biais de maisons de
distribution établies au Québec, mais appartenant à des
Non-Canadiens?
Autant d'hypothèses qui nous apparaissent toutes comme devant
faire l'objet de clarifications sérieuses quant à
l'interprétation d'articles qui auraient pour effet d'alourdir un
processus de négociation de vente et d'achat de films et de productions,
basé sur la qualité d'un produit et sur sa capacité de
satisfaire aux attentes et aux besoins et goûts du public et de
l'auditoire auquel il est destiné.
Nous soumettons, enfin, à votre attention que
l'interprétation de ces articles met en cause les articles 110, 111,
112, 113 et 114 qui traitent du certificat de dépôt requis par un
titulaire de permis de distributeur pour vendre, louer, prêter ou
échanger du matériel vidéo à un commerçant
de détail agissant sur une base commerciale.
Il nous apparaît évident, tel que déjà
mentionné, que ce projet de loi s'adresse à
l'industrie cinématographique pour tout matériel, quel
qu'en soit le contenant ou le support, devant servir à des
présentations de films en public, ce qui, par conséquent, exclut
dans notre esprit l'industrie de la télédiffusion. Ce n'est
toujours là qu'interprétation de notre part puisque les
intentions du législateur ne sont pas clairement exprimées dans
le projet de loi no 109. Si notre industrie s'en inquiète, c'est bien
parce que le rapport Fournier a été généreux
à l'endroit des télédiffuseurs privés en termes de
critiques, bien entendu. Mais c'est aussi et surtout parce que ledit rapport
Fournier propose certaines mesures qui vont à l'encontre de tout
principe démocratique et de liberté de fonctionnement de notre
système de libre entreprise, entre autres, celle voulant que la survie
d'une industrie qui ne sait pas satisfaire les besoins et attentes de son
marché soit assurée par une autre industrie.
Nous en voulons à cette mesure parce que, comme industrie, les
télédiffuseurs sont soumis à des lois concurrentielles qui
les obligent à se remettre en question régulièrement,
à repenser leur produit et à ajuster la programmation de leurs
émissions, d'une part, pour satisfaire aux besoins et aux attentes de
leur auditoire et, d'autre part, pour s'assurer qu'ils conservent leur part
d'un marché que la pénétration de nouvelles technologies
et de nouveaux services vient constamment fragmenter. Sans compter que toute
nouvelle pénétration d'un service et toute arrivée d'un
nouvel intervenant ont pour effet d'augmenter les coûts de production
d'émissions du télédifuseur conventionnel puisqu'il lui
faudra doubler ses efforts en matière de recherche ou d'analyse de
marché et de programmation.
Nous en voulons encore à une autre mesure que propose le rapport
Fournier et qui veut que ce soit par le biais d'une taxe que l'on vienne
solutionner, ne serait-ce qu'en partie, les problèmes de l'industrie du
cinéma. Certes, le principe de cette taxe n'est pas repris dans le
projet de loi no 109, mais il ne nous paraît pas déplacé de
le soulever. En effet, l'article 198 nous indique d'où proviendraient
les fonds pour l'exercice en cours, mais laisse à la discrétion
du ministre responsable de la préparation du budget le soin de
déterminer la provenance et l'allocation des crédits
nécessaires à l'administration du projet de loi qui nous
intéresse. Il ne nous vient, certes pas, à l'idée que le
prochain budget pourrait contenir une taxe additionnelle sur la
publicité électronique télévisée; ce serait
prématuré de notre part. Toutefois, nous désirons porter
à votre attention que la publicité électronique fait
déjà l'objet d'une taxe de 2% qui ne sert que dans une infime
mesure aux fins auxquelles elle est destinée. L'ACRTF a
déjà été informée que, depuis le
début de l'application de cette taxe, les sommes recueillies sont
versées au fonds consolidé du revenu plutôt qu'à
l'aide à la protection du consommateur. Cela nous fait dire que, pour
l'exercice en cours, l'industrie de la télédiffusion
privée et celle de la publicité contribueront à faire
vivre l'industrie du cinéma selon les modalités prévues
dans le présent projet de loi no 109, ce à quoi nous ne saurions
souscrire pour toutes les raisons mentionnées.
L'ACRTF croit fermement que l'industrie cinématographique a sa
place au Québec, mais encore lui faut-il, pour assurer sa survie, se
soumettre à toutes les lois de la libre concurrence et du marché
et, de ce fait, se remettre en cause et chercher à satisfaire un public
qui continuera à être de plus en plus critique de ce qui lui est
offert, tout comme le font les autres industries.
En terminant, nous croyons qu'il est opportun de vous rappeler que la
quasi-totalité des entreprises de télédiffusion
privées au Québec sont situées en région et se
qualifient de l'appellation de petites et moyennes entreprises. Par
conséquent, toute taxe additionnelle n'aurait pour résultat que
de pénaliser des entreprises déjà lourdement
imposées à plusieurs paliers de gouvernement. Nous reconnaissons
qu'il n'est pas de la compétence de cette commission parlementaire
d'intervenir au niveau des budgets dont devront disposer les régies et
autres organismes que ce projet de loi no 109 nous propose, mais, puisqu'un des
grands principes de l'autonomie de l'entreprise privée est
déjà en cause, à savoir qu'une industrie est
déjà taxée et qu'il est proposé que cette taxe
vienne assurer la survie d'une autre industrie, nous vous prions de vous
assurer que le projet de loi no 109, dans son intention et dans son
libellé, respectera les grands principes qui nous animent tous et qui
sont une condition sine qua non à un sain développement de notre
société. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Merci beaucoup. M. le
ministre.
M. Richard: M. Arpin, je voudrais, en vous remerciant d'avoir
été présent aux séances de cette commission
parlementaire, apporter immédiatement une précision. Je ne pense
pas que l'esprit du projet de loi nous amenait à conclure que les
télédiffuseurs et les organismes qui sont déjà
régis par le CRTC et qui obtiennent un permis du CRTC soient assujettis
à toutes les exigences du projet de loi que nous proposons. Mais je
reconnais qu'il faudra peut-être, à cet égard, apporter des
précisions et des clarifications. Toutefois, il me semble que les
producteurs de messages publicitaires qui font, eux, partie intégrante
de l'industrie du cinéma devraient être assujettis à la
loi.
(11 h 15)
M. Arpin: M. le ministre, on peut certainement déterminer
un certain nombre, un certain type de producteurs de messages publicitaires. Il
y a certainement les maisons de production cinématographique qui
produisent également des messages publicitaires. Nos entreprises de
télédiffusion, certaines d'entre elles, ont également des
sociétés satellites. Je pense, par exemple, au groupe
Télé-Métropole qui a une maison de production sous le nom
de JPL Productions, au groupe CFCF qui a aussi sa propre maison qui s'appelle
Champlain Productions, qui produisent des messages publicitaires et quelques
productions vidéos à des fins de diffusion. D'autre part, comme
je le mentionnais, beaucoup de producteurs indépendants produisent
également du cinéma et du message publicitaire.
Votre question m'amène à disserter: Est-ce que les maisons
satellites affiliées aux entreprises de télédiffusion
devraient, elles également, être soumises aux mêmes
règles, à l'émission d'un même permis? Pour ma part,
je ne pense pas qu'il soit souhaitable qu'elles soient soumises à
l'émission d'un permis. Notre société - je parle d'une
façon plus large - est administrée à coups de permis de
toutes sortes. Je faisais le décompte du nombre de permis dans
l'industrie de la radiodiffusion: permis municipaux, permis de la Commission de
la santé et de la sécurité du travail, permis de ceci,
permis de cela, permis du CRTC, permis du ministère
fédéral des Communications, permis pour ondes courtes et pour
ondes plus longues. Et à chaque fois, c'est 10 $, 25 $, 800 $, 1,5% des
revenus bruts.
Finalement, on utilise le mot "permis" pour déguiser des taxes
indirectes, pour faire vivre une bureaucratie, pour fournir des statistiques
à l'UNESCO sur une base annuelle. L'UNESCO nous demande à toutes
les années: Combien y a-t-il de producteurs de cinéma dans votre
région ou de membres de votre association? Évidemment, si je
représente la régie en question et que je délivre des
permis, cela prend moins de temps. Je dis: J'ai délivré 187
permis. Il y a 187 producteurs. Cela, c'est pour satisfaire une bureaucratie,
je vous soumets cela en tant que commentaire personnel, un cri du coeur.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Richard: M. Arpin, cri du coeur pour cri du coeur, j'aimerais
vous citer un passage du rapport Fournier et vous demander de confirmer ou
d'infirmer les propos de la commission Fournier. Je cite, à la page 52
du rapport: "Si, incontestablement, la télévision a tiré
avantage du cinéma, celui-ci ne fut guère payé en retour.
La fréquentation cinématographique en salle a subi un
fléchissement constant et important que les sommes versées par
les télévisions pour l'acquisition des films sont bien loin
d'avoir compensé. Ces sommes sont sans rapport réel avec le
coût du produit et l'importance de l'auditoire rejoint. Un seul exemple:
au Québec, en 1980, 43% des heures de programmation-réseau des
télévisions québécoises étaient
consacrées au cinéma (long métrage ou série sur
film), mais leur coût d'acquisition n'excédait pas 7% du budget
total des émissions." Est-ce que vous êtes en mesure d'infirmer ou
de confirmer cette affirmation quand même assez lourde de
conséquences?
M. Arpin: M. le ministre, cette affirmation du rapport Fournier,
on l'a regardée avec beaucoup de soin, puisqu'elle nous pointe du doigt
en tant qu'industrie passive ou qui profiterait d'une autre industrie, qui
vivrait aux dépens d'une autre industrie. Quand on mentionne que 43% des
heures d'écoute sont destinées à la présentation
cinématographique, il faut répartir, dans la grille-horaire, ces
43%. Une partie importante de la grille-horaire de la télévision
fait appel au cinéma, mais ce n'est pas nécessairement en
fonction de la consommation par l'auditoire. Il faut se rappeler que la
télévision fonctionne 18 à 19 heures, des fois 20 heures
par jour, mais les auditoires se concentrent principalement à
l'intérieur d'un bloc de 2 h 30 à 3 heures, peut-être 4
heures dans la journée. Pendant les autres heures de diffusion, une
série de contenus, dont du cinéma, est présentée en
reprise très souvent, et des séries sont
représentées bon an mal an jusqu'à deux ou trois fois,
seulement pour offrir un choix au téléspectateur, lui permettre
de revoir des choses qu'il a appréciées, ou voir des choses qu'il
aurait pu manquer.
De là à établir que ces 43% représentent 7%
de paiement, il faut faire une grande distinction. Il faut voir les sommes
d'argent qui sont versées pour les premiers passages par rapport aux
sommes qui sont également versées pour les passages secondaires.
Il faut voir également les sommes qui sont payées pour les
productions québécoises et canadiennes par rapport aux sommes qui
sont payées pour les productions américaines de série B ou
C. Quand on fait l'analyse détaillée des prix payés au
Québec comme au Canada pour les séries de meilleure
qualité et les séries québécoises, on
s'aperçoit que le télédiffuseur canadien ou
québécois est certainement plus généreux que 7% tel
qu'affirmé dans le rapport Fournier.
Le Président (M. Gagnon): Le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: J'aimerais vous féliciter de votre
présentation que j'ai trouvée très réaliste, vos
propos, très terre à terre. Il faut que quelqu'un parle comme
cela de temps à autre devant cette commission, sinon on va se perdre
dans les nuages.
Il y avait un éditorial assez intéressant aujourd'hui dans
le Devoir. Je ne sais pas si le ministre en a déjà pris
connaissance. C'est intitulé "D'Hollywood à Québec". Je
pense que c'est très intéressant. Je ne veux pas lire tout
l'éditorial par M. Michel Nadeau dans le Devoir d'aujourd'hui. Juste
quatre paragraphes parce que je pense que cela enchaîne avec votre
intervention. Il a écrit: "Mais, à travers la pléthore de
recettes qui seront promues par différents groupes au nom de "la
réappropriation du cinéma entre des mains
québécoises," il faudra garder à l'esprit une question
fondamentale: jusqu'à combien doivent payer le cinéphile et le
contribuable québécois pour corriger cette situation et
satisfaire les besoins du "milieu"? Le ministre des Affaires culturelles, M.
Clément Richard, - je ne dis pas que je suis tout à fait d'accord
sur chaque mot, M. le ministre - a fort mal engagé le débat en
annonçant très sérieusement, hier, vers 14 heures, la fin
du "colonialisme" des "gens de Los Angeles et Toronto qui choisissent les films
présentés au Québec". Mais el Libertador - c'est la
ministre, j'imagine - du cinéma québécois devra se
rappeler cependant que ce ne seront pas ses fonctionnaires ou encore les
"représentants du milieu" qui limiteront le choix des spectateurs
québécois, au nom d'un isolationnisme culturel
dépassé."
À la fin de l'éditorial, il a écrit: "Producteurs,
réalisateurs, distributeurs québécois ont raison de
vouloir obtenir une plus grande part des ressources financières
disponibles pour le cinéma. Ces prétentions sont d'autant plus
valables que le cinéma en salle, industrie lourde et coûteuse,
devient la sidérurgie des industries culturelles. "Cependant, le
cinéma québécois doit accepter le défi de la
concurrence. Le repli n'est valable qu'à court terme; le public
n'acceptera jamais d'être privé des films qu'il aime pour
protéger abusivement un secteur qui ne peut lui offrir des productions
similaires. Plutôt que de vouloir rebâtir Hollywood, les
Québécois doivent trouver leur place, petite mais réelle,
dans ce puissant outil d'affirmation culturelle. Le cinéma
québécois ne survivra que s'il accepte de devenir vraiment
international."
Je pense que cela enchaîne un peu avec ce que vous avez dit mais
d'une autre façon. C'est implicite dans votre intervention que cette loi
sera une mine d'or pour les avocats. Il y a la surréglementation, cela
prendra quatre permis. Il y a quatre permis visés dans la loi, il y a
trois organismes, chacun avec le pouvoir d'adopter des règlements. On ne
va jamais se retrouver dans tout cela.
Pour être plus précis, je vais vous poser une question.
À la page 4, vous avez donné l'impression qu'il n'est pas certain
que cette loi s'appliquerait à l'industrie de la
télévision. C'est-à-dire que vous avez mentionné
les articles 103 à 106, 110 et 111. Il y a une présomption dans
chaque loi que l'Assemblée nationale ne veut pas outrepasser ses
compétences. Le ministre vient de dire que nous n'avons pas de
compétence en ce qui concerne la télévision.
Peut-être que c'est malheureux mais c'est de la compétence
fédérale à cause d'une certaine jurisprudence.
M. Richard: C'est très malheureux.
M. Marx: C'est cela. Il faut récupérer des choses
en négociant avec Ottawa sans toujours blâmer le
fédéral. À mon avis, ces articles ne s'appliquent pas
à votre industrie, mais je vois le problème que vous avez
soulevé, à savoir que ce n'est pas clair. Avant que ce soit
complètement clarifié, vous allez dépenser beaucoup
d'argent en demandant des avis juridiques des avocats, etc. Quoique le ministre
a toutes les ressources nécessaires; pour lui, aller en cour et
dépenser 1 000 000 $, ce n'est rien. C'est M. Parizeau qui va trouver
l'argent dans un fond de tiroir. Aucun problème pour cela.
M. Arpin: ...l'aide au cinéma.
M. Marx: Oui. Il va dépenser plus d'argent à
défendre cette loi qu'à accorder des subventions en fonction de
la loi. C'est plus ou moins normal. Mais est-ce que vous avez des
précisions à apporter à ces articles? Est-ce que vous avez
des recommandations précises à suggérer? Peut-être
qu'on peut prendre en note ces recommandations précises et demander au
ministre de les bien considérer et peut-être même de
modifier son projet de loi aujourd'hui même.
M. Arpin: Je demanderai à M. Normandeau, notre directeur
général, de répondre à cette question.
M. Normandeau (Jean): Je pense qu'on a été
suffisamment clair dans notre exposé ou dans le mémoire que vous
avez en main. Il y a peut-être une distinction à faire qui serait
fondamentale. Le champ d'application de ce projet de loi vise l'industrie qui
produit pour fin de présentation en public. Je pense qu'on l'a
souligné à certains endroits dans le texte. Il s'agit bien d'une
production cinéma et/ou vidéo, puisqu'on utilise
considérablement la vidéo maintenant dans presque toutes les
entreprises de
télédiffusion, et presque en exclusivité. Donc,
pour "présentation en public", il faut faire la distinction.
D'ailleurs, M. Arpin le mentionnait ce matin, il y a peut-être
lieu de chercher là-dessus. Il y aurait déjà une
jurisprudence, je pense, en ce qui a trait à l'interprétation des
mots "présentation en public".
M. Richard: M. le Président...
Le Président (M. Gagnon): Je pensais que vous alliez poser
une question au ministre à la fin de votre intervention. M. Arpin.
M. Arpin: On fait une distinction entre "présentation en
public" et "présentation au public".
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Richard: Je voudrais d'abord donner une réponse
très brève au député de D'Arcy McGee et lui dire
que j'aurai l'occasion de lui répondre beaucoup plus longuement un peu
plus tard. Tout ce que nous proposons s'inspire finalement de l'esprit de la
libre concurrence et du libre marché. Nous nous inspirons non seulement
de la philosophie, mais de la législation américaine. Ce que nous
proposons, c'est d'interdire, ici, ce qui est formellement interdit aux
États-Unis, vous le savez, M. le député de D'Arcy McGee.
Et précisément dans un esprit de libre concurrence et de libre
marché. (11 h 30)
Maintenant, M. Arpin, j'avoue que je suis un peu sidéré
par une partie de votre mémoire. Je pense bien que vous admettrez sans
peine que vous existez et que vous produisez des émissions en vertu d'un
permis qui vous est accordé par un organisme fédéral. Un
permis qui, précisément, fait de votre marché un
marché protégé et qui limite - c'est le moins qu'on puisse
dire, puisque c'est la raison même de l'émission des permis - la
libre concurrence et le libre marché. Or, voilà que c'est sur la
base idéologique de la libre concurrence et du libre marché
qu'une association de radiotélédiffuseurs vient présenter
un mémoire, elle qui vit uniquement parce qu'elle obtient des permis qui
protègent son marché, qui freinent la libre concurrence et qui
posent des limites au libre marché. Et ce que vous venez nous dire
aujourd'hui c'est: Vous devriez laisser le marché complètement
libre, complètement libéré. J'avoue que ça
m'étonne un peu. C'est peut-être un peu facile, quand on dispose
en quelque sorte d'un marché protégé, de réclamer
l'ouverture du marché pour le reste du monde.
M. Arpin: M. le ministre, M. le Président, l'affirmation
que vous faites dans votre question n'est certainement pas sans valeur quand on
regarde le passé. Quand on regarde le présent et l'avenir, on
voit l'introduction des nouvelles technologies, la multiplication des canaux
par le biais de la câblodistribution, l'introduction de la
télévision payante (quatre nouveaux services cette année),
les satellites à captation directe qui sont déjà
d'ailleurs en place et qui se mettront à nous acheminer des contenus
dès le printemps ou l'été prochain. Cette multitude de
nouveaux services va faire éclater les technologies traditionnelles
telles que la télévision. La notion de marché
protégé pour la télévision est une notion du
passé. Ce n'est pas une notion actuelle. En tout cas, c'est une notion
qui est en train de s'effriter.
La télévision, pour l'acquisition de ses contenus, devient
de plus en plus concurrentielle avec la télévision payante. Au
moment où on se parle, il y a une surenchère sur le coût
des produits. Et, à tout le moins, pour encore quelques mois, les
télédiffuseurs privés vont se comporter comme les
télédiffuseurs privés se sont comportés aux
États-Unis, il y a trois ou quatre ans, quand les réseaux de
télévision payante ont été introduits. Il y a eu
une surenchère des paiements pour les meilleurs produits. Après
cela, le cycle de la distribution, des contenus cinématographiques va se
stabiliser et la télévision va trouver son jalon. Mais, pendant
un certain temps, il y a une guerre des prix. Au bénéfice de qui?
Au bénéfice des producteurs. Ceux, évidemment, qui ont des
productions à offrir. Maintenant, les productions vont toujours se payer
en fonction de la consommation qui en a été faite.
Au premier cycle, il y a une équation qui est traditionnelle dans
l'industrie du cinéma et l'industrie de la télévision. Le
prix offert pour l'acquisition d'un contenu est fonction du rendement de ce
contenu. Je parle du cinéma en salle. Or, comme l'affirme
l'éditorial que M. Marx nous lisait un peu plus tôt, le
cinéma québécois, malheureusement, n'a pas eu une si
grande consommation quand il a été distribué dans les
marchés primaires. Chez les téléspectateurs, il y a
certains films qui ont eu plus de succès que d'autres. Ils ont
été payés plus cher aussi que les autres par le
télédiffuseur, qui s'est comporté selon la loi
traditionnelle. Mais il y a certains films qui sont des films à vocation
beaucoup plus spécifique qu'on voudrait voir l'industrie de la
télévision subventionner parce qu'ils n'ont pas eu de
consommation par les télédiffuseurs. Je veux bien qu'on participe
à une formulation cinématographique forte, mais il faut aussi que
les producteurs fassent des produits que les gens veulent consommer.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: C'est comme pour les voitures, comme pour n'importe quel
autre produit, on n'a pas de marché pour les grosses voitures
américaines, on va importer des petites japonaises.
M. Arpin: Le rapport Fournier fait deux affirmations bien
contradictoires là-dessus. À la page 15, on dit: "Au
Québec, bon an, mal an, 900 000 000 de spectateurs fréquentent
les films de long métrage, sans aller au cinéma." D'ailleurs,
c'est une partie de ce que M. Richard disait tantôt qui est reprise.
Mais, quand on va à la page 130 du même rapport, on dit:
"L'étude que l'institut et la commission ont commandée
conjointement à SORECOM dévoile que l'attitude des spectateurs
québécois est assez nettement négative à
l'égard du cinéma québécois lui-même." C'est
un fait. Vous l'avez évalué vous-même. Il y a eu une
excellente table ronde il y a quelques mois à Radio-Canada où on
a vu les membres de l'institut, les producteurs de cinéma mais aussi des
télédiffuseurs, des télédiffuseurs publics, cette
fois-ci, s'exprimer et exprimer les mêmes vues que celles que
j'exprime.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de D'Arcy McGee
M. Marx: Dans les médias et au cours de rencontres avec
les électeurs et électrices du Québec, je n'ai pas
trouvé une forte demande pour un tel projet de loi avec toutes les
restrictions qu'on y voit. Il est évident que c'est une loi qui
émane d'une demande des gens du milieu et des fonctionnaires. Ce n'est
pas à la demande populaire qu'on fait cela, comme on a fait d'autres
lois au Québec, depuis vingt ans, qui sont vraiment à la demande
de la population. Le ministre a dit qu'il s'inspirait beaucoup du libre
marché aux États-Unis, de la libre concurrence aux
États-Unis, mais, si je comprends bien, ce qu'on interdit aux
États-Unis, c'est l'intégration verticale, c'est-à-dire
que le producteur ne peut pas avoir un réseau de distribution et les
distributeurs ne peuvent pas être propriétaires de salles, et
ainsi de suite. Donc, pas d'intégration verticale. Si c'est ce que le
ministre a voulu faire, parce qu'il dit s'inspirer beaucoup des
Américains, il a manqué son coup par ce projet de loi. Il va
peut-être tenter de nous expliquer comment il va atteindre son but, parce
que ce n'est pas ce qu'il a fait.
Si le ministre veut vraiment réglementer et
légiférer en ce qui concerne la présentation en public et,
si je comprends bien, cela veut dire surtout dans les salles, qu'on le dise
dans la loi. Pourquoi ne pas clarifier la loi comme on vient de nous le
demander? J'aimerais demander au ministre de prendre l'engagement, aujourd'hui,
d'apporter ces clarifications. On met toute l'industrie et toutes ces personnes
dans une situation d'incertitude. Le ministre de la Justice, l'autre jour, pour
expliquer sa loi 111, a dit: Bon, on a écarté la charte, on a
fait tout cela pour avoir une sécurité judiciaire.
M. Blouin: Ce n'est pas conforme au règlement.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Rousseau...
M. Marx: M. le Président...
M. Blouin: II est en train de reprendre...
Le Président (M. Gagnon): ...si vous voulez avoir la
parole...
M. Blouin: ...le débat sur la loi 111. Il dit des
faussetés en plus.
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Blouin: II dit des faussetés complètes.
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît, M. le député de Rousseau.
M. Marx: M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Merci. Le député de Rousseau a voté
trois fois pour cette loi 111.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee...
M. Marx: Oui.
Le Président (M. Gagnon): ...je vous demanderais de
revenir au sujet.
M. Marx: Je parle de la façon dont ce gouvernement
gouverne, c'est-à-dire, la conception que le gouvernement a des lois. En
ce qui concerne la loi 111, on a parlé de la sécurité
judiciaire, mais, ici, je trouve que c'est encore plus important parce que tout
le monde va être dans une situation d'incertitude. Il y a une loi qui est
rédigée d'une façon "lousse", pour utiliser une bonne
expression québécoise. Tout le monde va s'y perdre; personne ne
va s'y retrouver. On demande, ici, des clarifications. Le ministre ne peut-il
pas prendre l'engagement, aujourd'hui, de clarifier cette situation et
d'écarter ce qu'il ne veut pas avoir dans la loi et d'y mettre ce
qu'il veut y voir?
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Richard: M. le Président, je regrette le ton
démagogique utilisé par le député de D'Arcy McGee.
Hier, pourtant, nous avions eu l'occasion de faire une analyse assez sereine et
assez sérieuse de ce projet de loi. Il fait mine d'oublier que si nous
sommes en commission parlementaire, avec audiences publiques, c'est
précisément pour tenter de bonifier, dans toute la mesure du
possible, ce projet de loi, ce que j'ai moi-même dit à l'ouverture
de la commission parlementaire. Alors, j'aimerais demander au
député de Û'Arcy McGee de cesser de tenir des propos
démesurément démagogiques, de cesser de ternir le climat
de la commission et d'apporter une contribution utile et valable à ces
séances de la commission.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Le ministre s'est trompé de cible. Ce n'est pas
en m'attaquant qu'il fera avancer les choses ici. J'aimerais savoir si le
ministre prendra ou est prêt à prendre l'engagement de donner
suite aux suggestions qui sont fort valables de clarifier ce problème.
Deuxième point, est-ce que le ministre suivra vraiment l'exemple
américain en ce qui concerne la prohibition d'une intégration
verticale? Il a dit qu'il s'était beaucoup inspiré des lois et
des pratiques aux États-Unis. Donc deux questions.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, après
quoi ce sera à Mme la députée de L'Acadie.
M. Richard: M. le Président, je n'ai rien à ajouter
aux propos que j'ai déjà tenus.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
L'Acadie.
M. Marx: Deux fois zéro fait zéro. M. Champagne:
Mon droit de parole...
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse! Au moment où
vous aviez demandé la parole, j'avais déjà une demande de
Mme la députée de L'Acadie.
Une voix: Cela ne fait rien.
M. Dussault (Châteauguay): II y a quand même le droit
d'alternance, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): De toute façon, il reste
20 minutes, est-ce que...
Mme Lavoie-Roux: Oh! Quant à moi, je n'ai pas d'objection
si le député de Laval veut...
M. Champagne: Non, non, le député de
Mille-Îles, s'il vous plaît.
Le Président (M. Gagnon): Pour le présent
mémoire...
Mme Lavoie-Roux: Vous nous avez toujours parlé de Laval
hier soir.
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, M. le
député de Mille-Îles.
M. Champagne: Voici, c'est simplement pour faire une observation
face à ce que le député de D'Arcy McGee vient de dire
à savoir qu'il n'a pas trouvé que, dans son milieu, cette loi sur
le cinéma, la loi 109, répondait à une demande ou à
un besoin comme tel. Et puis je ne sais pas si dans le comté de D'Arcy
McGee, on parle de cette loi ou d'un besoin particulier. Mais il arrive un peu
en contradiction avec le critique officiel de l'Opposition, le
député de Saint-Henri, qui disait hier en introduction devant
cette commission: "En général, le projet de loi a reçu un
accueil favorable, sinon vraiment chaleureux dans le milieu." Et il continue:
"mais tous reconnaissent...
M. Marx: C'est ce que j'ai dit.
M. Champagne: "...le bien-fondé de ce projet de loi, qui
répond à une attente et à un besoin certain." Il faudrait
quand même que les gens de l'Opposition s'entendent entre eux pour
montrer...
Mme Lavoie-Roux: II n'y a pas de dictature chez nous.
M. Champagne: "...que ce projet de loi était attendu du
public."
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Champagne: Alors, nous avons eu le résumé d'une
étude qui a été présentée ici, ce qu'on
appelle le rapport de la Commission d'étude sur le cinéma et
l'audiovisuel, qui a duré plusieurs années. Nous avons ce
résultat. Je pense que nous sommes ici ce matin pour discuter d'une
façon sereine sur le bien-fondé de cette étude. S'il faut
bonifier certains articles de la loi, nous en sommes, mais je pense que c'est
un besoin du milieu.
M. Hains: Question de règlement, s'il vous
plaît.
Le Président (M. Gagnon): Question de
règlement, M. le député de Saint-Henri.
M. Hains: J'accepte très bien votre remarque M. le
député et c'est vrai que j'ai dit cela, que le projet de loi
répondait à un besoin certain et qu'il avait reçu un
accueil chaleureux. Mais je n'ai évidemment pas détruit non plus
l'idée que le projet de loi demeure imparfait et que nous devons
travailler ensemble - c'était l'esprit de coopération que j'avais
demandé hier - à l'amélioration... Ce qui a
été apporté aujourd'hui par les gens qui sont ici devant
nous mérite certainement beaucoup de considération. C'est ce que
mon confrère a voulu relever en demandant à M. le ministre s'il
voulait prendre toutes ces choses en bonne considération...
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député de Saint-Henri.
M. Hains: ...et je pense que c'était l'idée de
l'affaire.
Le Président (M. Gagnon): Ce n'était pas une
question de règlement, c'était une question d'opinion. Vous aurez
probablement l'occasion d'y revenir.
Mme la députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je voudrais quand
même revenir sur la remarque de mon collègue de Mille-Îles.
Je pense qu'il est évident que le député de Saint-Henri a
dit que le projet avait été favorablement accueilli dans le
milieu et on souscrit à ceci, on l'attendait depuis longtemps; mais il y
a le milieu cinématographique et il y a aussi la population en
général. Je pense que l'objectif de cette commission, c'est de
rechercher un heureux équilibre entre ce qu'un milieu particulier, que
nous respectons, veut avoir et aussi ce que l'ensemble de la population veut
avoir. (11 h 45)
II ne faudrait pas parler de démagogie et s'énerver si
quelqu'un vient devant cette assemblée et fait valoir des points de vue
contradictoires auxquels ils ne souscrivent pas en totalité ou
même qui remettent en question, selon leur propre point de vue, venant
d'un autre milieu, des principes qui sont dans le projet de loi. Je pense que
c'est le but de l'exercice auquel nous sommes conviés. Et dans ce sens,
je pense que les questions de mon collègue étaient tout à
fait pertinentes. Il essaie de comprendre le point de vue des témoins
qui sont ici - je n'aime pas beaucoup le mot "témoin" - des
invités qui sont ici devant nous.
J'aurais une question précise, M. le Président. Vous
faites, à plusieurs endroits, allusion aux taxes ou aux obligations
financières que les entreprises de télédiffusion
privée ont au Québec. Sans l'affirmer, vous dites: On peut
soulever la possibilité de taxes supplémentaires qui nous
incomberaient pour venir appuyer une autre industrie et vous faites une
comparaison, je pense... Je ne sais pas si c'est avec le taxi, je pensais que
c'était...
M. Arpin: L'article 198 prévoit les fonds seulement pour
un an.
Mme Lavoie-Roux: Oui. Vous vous qualifiez de petites et moyennes
entreprises et on parle beaucoup, ici au Québec, de la
nécessité de protéger et même d'encourager la petite
et la moyenne entreprise. Ma question précise est la suivante:
Pourriez-vous nous dire quel est le pourcentage de ce que vous payez en droits
ou en taxes ou en redevances gouvernementales, que ce soit à un palier
de gouvernement ou à un autre? Quel est le pourcentage de vos revenus
qui y est consacré? C'est quand même important, quand on parle de
taxes supplémentaires et ainsi de suite, de savoir et d'avoir une image
un peu plus exacte que ce que vous dites dans votre mémoire.
Le Président (M. Gagnon): M. Arpin.
M. Arpin: Merci, M. le Président. Premièrement, on
qualifie l'industrie de la radiodiffusion de petites et moyennes entreprises.
Au Québec, même avec une entreprise de la taille de
Télé-Métropole qu'on pourrait vouloir qualifier de grande
entreprise, personnellement, je la qualifierais au mieux de moyenne-grande.
Quoi qu'il en soit, dans les 500 plus grosses entreprises au Canada du
Financial Post, Télé-Métropole ne s'y situe pas. Donc,
elle n'est pas dans les 500 premières, même si c'est une
moyenne-grande dans mon esprit.
Notre association est constituée de quatorze
membres-télévision: deux, que je qualifierais de
moyennes-grandes, une à Montréal et une à Québec et
les douze autres que je qualifierais de petites et de moyennes. Les stations de
télévision de Carleton, de Rivière-du-Loup, de
Jonquière, de Rouyn, de Hull, de Chicoutimi - mon collègue
à côté de moi est de Chicoutimi -ne sont certainement pas,
dans mon esprit, des entreprises qu'on peut qualifier même de moyennes,
ce sont de petites entreprises.
Notre industrie paie un droit de licence au CRTC qui est
l'équivalent de 1,5% de son revenu brut annuel. Notre industrie paie
à l'association des droits d'auteur, et je parle de la CAPAC, les
auteurs, compositeurs et éditeurs de musique du Canada et la
société d'exécution du Canada, l'équivalent de 2,6%
de ses revenus bruts. Notre industrie paie des droits de licence au
ministère fédéral des Communications pour des droits
minimaux, dois-je dire, mais, quand même,
elle paie ses impôts comme n'importe quelle autre entreprise. Elle
paie ses taxes d'affaires comme n'importe quelle autre entreprise. Au
départ, elle paie une taxe de 2% sur la publicité
électronique. Elle est la seule industrie du secteur publicitaire
à payer cette taxe de 2% et là, je compte la publicité
électronique, c'est la radio et la télévision en
l'occurrence. L'écrit, les panneaux-réclame ne paient pas cette
taxe. C'est une taxe spécifique à l'industrie des médias
électroniques.
Et dans le rapport Fournier, on invite le gouvernement à
considérer une taxe supplémentaire de 5% sur les revenus bruts de
la télévision, cette fois-ci. C'est vrai que le projet de loi no
109 n'en fait pas une incidence directe, mais la présomption est
là dans notre esprit. Je me permettrai de dire que cette taxe de 2% que
je mentionnais tantôt et cette taxe présumée sont des taxes
à l'entreprise privée. On sait très bien, puisque la
société Radio-Canada a gagné sa cause devant la Cour
supérieure, que les ententes fédérales-provinciales
quinquennales sur le champ de taxation n'avaient pas prévu que la
société Radio-Canada paierait une taxe de 2% sur la
publicité électronique.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Rousseau.
M. Blouin: M. Arpin, tout à l'heure vous avez cité
le rapport Fournier, à la page 130, et vous avez insisté un peu
sur les résultats d'un sondage SORECOM sur l'attitude des spectateurs
québécois à l'égard du cinéma produit ici.
Je rejoins les propos du député de D'Arcy McGee,
c'est-à-dire que je voudrais les commenter aussi, lorsqu'il cite
certaines parties de l'article de Michel Nadeau qui, à mon point de vue,
manque un peu d'ouverture et de jugement global. Voici pourquoi. Vous avez
cité, par exemple, la partie du sondage SORECOM qui porte sur le
jugement global que les Québécois portent sur leur
cinématographie, mais vous avez oublié la partie du même
sondage qui dit que les Québécois, d'autre part, ont un jugement
tout à fait positif sur des oeuvres cinématographiques
québécoises très précises, et on en mentionne une
série.
M. Arpin: Ce que je partage, M. le député.
M. Blouin: Ce que je voudrais vous dire, c'est que le jugement
sévère que vous portez sur l'engouement du public
québécois envers son cinéma, vous pourriez le porter aussi
sur 80% de la production cinématographique américaine, parce que
effectivement les Américains boudent environ 80% de leur production
cinématographique et en accueillent environ 20% favorablement. Vous
comprendrez que l'économie générale de ce projet de loi et
du débat que nous tenons, c'est justement de prendre les moyens et de
mettre ces moyens à la disposition des gens qui font du cinéma au
Québec, pour qu'effectivement il y ait de la production
cinématographique au Québec.
Actuellement, en 1982, le Québec a produit, en tout et partout,
deux films. À ce rythme-là, si on considère qu'aux
États-Unis 80% des films ne sont pas reçus par le public, cela
pourra nous prendre cinq ou six ans avant d'avoir une production qui sera
effectivement reçue par le public. Alors, il faut faire attention
lorsqu'on porte un jugement sur l'intérêt du public envers son
cinéma. Il n'y a pas de recette magique pour arriver avec un
succès au cinéma. Il faut faire une série de productions
de qualité pour finir par accrocher le public, mais s'il ne se fait pas
de production et si, comme on le constate maintenant, toute l'industrie, toute
l'infrastructure cinématographique au Québec est en train de
mourir et de s'effondrer, c'est évident que le public ne connaîtra
jamais d'engouement pour le cinéma. L'objectif de ce que nous faisons
maintenant, c'est de relever cette industrie et de lui donner les moyens
d'exister et de faire vivre une cinématographie nationale.
M. Arpin: M. le Président...
Le Président (M. Gagnon): M. Arpin.
M. Arpin: ...je suis entièrement d'accord avec
l'affirmation que vous venez de faire. Ce que je vous dis, c'est de ne pas la
faire à mes dépens, comme à une autre industrie. Le
sondage dont vous faites mention, j'ai dit moi-même tantôt, quand
j'ai cité cet extrait du rapport Fournier, qu'il y avait des productions
qui étaient meilleures que les autres. J'ai fait la remarque, à
savoir que les télédiffuseurs québécois se
comportaient, dans l'achat du produit cinématographique, selon les lois
de l'économie du marché, c'est-à-dire qu'on paie plus cher
pour un film qui a eu un meilleur succès. C'est exactement ce que j'ai
dit. Je vous remercie, d'ailleurs, d'appuyer l'affirmation que je faisais.
M. Blouin: Si on s'entend, tant mieux.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Vanier et leader du gouvernement.
M. Bertrand: C'est à titre de ministre des Communications,
dans le cas présent, étant donné la présence de
l'Association canadienne de la radio et de la télévision de
langue française. Je sais qu'il y a des remarques contenues dans ce
mémoire qu'on retrouvera aussi dans le mémoire de l'Association
des câblodistributeurs du Québec et dans le mémoire de la
COGEP, dans le
monde de la publicité en général, qui se
rejoignent.
Pour l'essentiel, je comprends que l'argumentation que vous voulez
développer est en ce sens que cette loi est relative au cinéma et
à la vidéo. On n'indique pas, à l'intérieur de la
loi, de quelle façon, par exemple, les budgets de l'Institut
québécois du cinéma pourront être augmentés
au cours des prochaines années, puisque, effectivement, on est
obligé de constater qu'à l'heure actuelle ils sont presque
dérisoires, étant donné les besoins qui existent pour le
développement de l'industrie cinématographique
québécoise, environ 4 000 000 $, je crois. On se pose la question
- même si ce n'est pas dans le projet de loi, cela viendra si on veut
donner suite au projet de loi - où percevra-t-on les fonds qui seront
nécessaires pour augmenter la capacité de l'industrie du
cinéma et de la vidéo de produire autant qu'il le faudrait dans
la perspective des objectifs fixés, énoncés dans le projet
de loi no 109?
Dans ce contexte, les quatre groupes qui pourraient constituer ce que je
pourrais appeler jusqu'à un certain point, si vous me le permettez, M.
le ministre des Affaires culturelles, mes clientèles en tant que
ministre des Communications, à savoir les gens du secteur de la
câblodistribution, de la télédiffusion, de la
publicité, rechignent, c'est le cas de le dire, sur un 3% additionnel
sur la publicité à la télévision et...
M. Arpin: Je vous remercie, M. le ministre, d'avoir réduit
de 3% à 5%. Déjà, on a 2%, il faudrait gagner l'autre
3%.
M. Bertrand: Oui, mais le 2%, je tenais pour acquis que, s'il y
avait une décision qui devait être prise, ce serait un 3%
ajouté au 2% qui existe déjà.
M. Arpin: Le rapport Fournier propose un beau 5% de plus. On
allait de 2% à 7%, mais...
M. Bertrand: Alors donc, 7%...
Le Président (M. Gagnon): Vous avez la parole.
M. Bertrand: ...7% et, dans le cas de la câblodistribution,
10%. D'après les quelques chiffres que j'ai pu recueillir provenant
à la fois des organismes comme le vôtre et d'autres sources
d'information, il apparaîtrait que 5% de taxe sur la publicité
à la télévision rapporterait environ 8 000 000 $ au
trésor public et que 10% d'une taxe spéciale pour aider
l'industrie du cinéma perçue chez les câblodistributeurs
apporterait aussi environ 8 000 000 $. Donc, il y a là un montant
substantiel de 16 000 000 $ perçu chez des groupes qui "profitent" -
entre guillemets - jusqu'à un certain point, de la présence du
cinéma. Cela va de soi, on n'a qu'à regarder ce qui est
diffusé à la télévision, que ce soit par des
réseaux traditionnels, conventionnels, comme Radio-Canada,
Radio-Québec, Télé-Métropole, CTV ou par le biais
de la câblodistribution, incluant l'arrivée de la
télévision payante. Donc, vous êtes très intimement
liés à l'industrie du cinéma, qu'on le veuille ou qu'on ne
le veuille pas, c'est une partie de votre gagne-pain. Dans cette perspective,
l'ajout de ces taxes, qui représentent des montants substantiels, dans
votre esprit, va avoir un impact sur le monde de l'industrie de la
télévision et, on pourra le voir plus tard, sur l'industrie de la
câblodistribution et aussi bien sûr, sur les gens du monde de la
publicité; partant de cela, nous ferons des recommandations.
Je serais intéressé de savoir, de votre part, si,
effectivement, vous avez constaté au cours des cinq ou six
dernières années une évolution quelconque en ce qui
concerne, par exemple, ce que représentaient les revenus des entreprises
de télévision en termes de publicité? En d'autres mots,
est-ce que la tendance est à une décroissance certaine,
évidente, qui pourrait mettre en péril l'existence même de
certaines entreprises de télévision ou si, au contraire, on peut
croire qu'il y a une reprise, qu'il y a de nouvelles possibilités qui se
sont développées, au cours des derniers mois, et qui laissent
présager une remontée du pourcentage des revenus provenant de la
publicité? (12 heures)
M. Arpin: M. le Président, M. le ministre, le constat que
notre association fait de l'évolution du budget publicitaire
québécois est un constat de réduction. On voit, depuis le
début de la conjoncture économique que l'on vit,
décroître d'une façon très appréciable les
budgets des annonceurs nationaux et aussi des annonceurs locaux.
On a commencé, comme association, à sentir cette
problématique chez nos membres du groupe de la radio. Je portais
à l'attention du ministre des Communications, il y a quelques semaines,
la situation pénible dans laquelle notre association a dû se
retrouver, au cours des 18 derniers mois où on a perdu 33 membres sur
70, à cause de la conjoncture économique. 33 de nos membres se
sont retirés pour faire une économie de cotisation, cotisation
qui n'est pas marginale, mais cotisation qui n'était pas quand
même une dépense somptuaire, pour une industrie.
Donc, on a été frappé gravement. Les annonceurs
nationaux ont révisé leur politique de mise en marché des
produits. Ils ont révisé aussi leur politique de dépense
publicitaire. On voit présentement un
déplacement ou une accélération de ce
phénomène. Et on voit maintenant la télévision
frappée du même problème.
Je mentionnais tantôt 33 défections; des 33, on a eu 31
stations de radio et deux stations de télévision. Ce qui est
à noter c'est que les deux stations de télévision se sont
retirées très récemment. Quand on constate et qu'on
analyse l'évolution du marché de la publicité au
Québec, on arrive à la conclusion que cela se restreint.
Télé-Métropole, qui a publié récemment ses
états financiers trimestriels, a montré une légère
diminution de ses revenus publicitaires. Les entreprises qui sont membres de
notre association et qui ne publient pas d'états financiers publics nous
mentionnent aussi une diminution de la dépense publicitaire.
Donc, on sera affecté pendant combien de temps? C'est difficile
à évaluer. La reprise économique est lente, elle est plus
lente qu'on l'avait prévu dans les secteurs de la mise en marché.
On est plutôt en phase de récupération qu'en phase de
relance.
M. Bertrand: Je m'excuse, je voudrais poursuivre un peu
là-dessus, si vous me le permettez, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, nous avons
dépassé l'heure qui était allouée à ce
mémoire. Je ne vois pas d'inconvénient à ce qu'on
poursuive, d'ailleurs le consentement a été donné au
début, mais je voudrais qu'on puisse entendre l'Association pour le
jeune cinéma québécois, avant de suspendre pour le
dîner.
M. Bertrand: Alors, je vais essayer de faire en sorte que mes
questions soient les plus brèves possible. Je veux quand même
obtenir ces chiffres parce qu'il m'apparaît très important
qu'avant que le gouvernement ne prenne des décisions relativement
à ces nouvelles sources de taxation, autant auprès des
entreprises de câblodistribution que des entreprises de
télédiffusion, on y regarde de très près quant aux
impacts que cela peut avoir, autant sur les entreprises de
télévision que sur les entreprises de
câblodistribution.
M. Arpin, je vous donne des chiffres. Par exemple, ici; vous dites que
vous représentez au Québec 14 entreprises de
télévision. Il y en a deux qui ne sont pas membres, ce sont CKRS
et CFER, si ma mémoire est bonne.
M. Arpin: Exact.
M. Bertrand: Vous en représentez 14. J'ai des chiffres
ici, de 1977 à 1981, autant pour les petites et moyennes entreprises de
télévision que pour les grandes entreprises de
télévision. Ce que cela laisse transparaître, c'est que le
pourcentage de la publicité locale a baissé, autant d'ailleurs
chez les grandes que chez les petites, à peu près dans les
mêmes proportions, passant environ de 41%, 42% à 36% en l'espace
d'environ 5 ans. Il apparaîtrait, je voudrais là-dessus avoir
votre information, qu'au cours de l'année 1982, puisque mes chiffres
s'arrêtent à 1981, la publicité locale aurait eu tendance
à augmenter. Maintenant elle se situerait davantage autour de 40%.
D'après les chiffres qu'on aurait des projections, en fait pour le
premier trimestre de 1983 - vous allez me dire que ce sont des projections
-elle pourrait rejoindre environ 50%. Est-ce que ces chiffres sont exacts?
M. Arpin: M. le ministre, on a fait un sondage auprès de
chacun de nos membres pour constater effectivement l'affirmation que vous
faites à savoir qu'il y a diminution de la part de la dépense
nationale et, par conséquent, une augmentation de la part de la
dépense locale, pour l'année 1982. Quant à l'année
1983 - dans ce cas-ci, j'ai des informations très fragmentaires - pour
les deux premiers trimestres de 1983, je me retrouve quand même avec des
réponses de seulement quatre de mes membres où je constate une
diminution appréciable, dans trois cas, de la dépense nationale.
Dans un autre cas, il y a un pourcentage identique à celui de 1982.
M. Bertrand: Maintenant, quant aux entreprises que vous
représentez, soit les 14 entreprises de télévision,
toujours, est-ce que vous avez, au moment où on se parle, des chiffres
assez précis relativement au taux de rendement de ces entreprises au
cours de la dernière année, par exemple, et au profit ou au
déficit de l'ensemble de ces 14 entreprises? Tout à l'heure, vous
avez parlé des membres de votre association, mais je crois savoir que,
là-dedans, il y a aussi des stations de radio. Dans le domaine des
stations de radio, effectivement, on sait qu'il y a environ 50% des stations
qui sont déficitaires. Mais quant aux entreprises de
télévision, quelle est la situation?
M. Arpin: Je n'ai pas de donnée très
précise. Mais je vais demander à M. Roger Hudon, notre
vice-président de télévision, un associé du
réseau TVA qui est en communication avec ses homologues d'autres
régions, de vous fournir un élément de réponse.
M. Hudon (Roger): Je n'aurai pas le chiffre exact du pourcentagee
en réponse à votre question concernant le...
M. Bertrand: ...le taux de rendement.
M. Hudon: ...le taux de rendement. Ce que j'ai comme information,
cette année, c'est qu'il y a eu une diminution des ventes
d'environ 20% sur l'an passé. Cela s'est senti dans les milieux
périphériques, tels Chicoutimi, Rimouski, Jonquière et
Rivière-du-Loup, surtout pour une diminution nationale. C'est la raison
pour laquelle le pourcentage local a augmenté. Parce que, effectivement,
les deux montants ont diminué.
M. Bertrand: Vous êtes, vous-même, M. Hudon, de
Télé-Métropole?
M. Hudon: De Chicoutimi.
M. Arpin: De CJPM-TV, à Chicoutimi.
M. Bertrand: D'accord. Vous êtes associé au
réseau?
M. Hudon: Oui, je suis associé à TVA.
M. Bertrand: Est-ce qu'il n'est pas exact, contrairement à
ce que dit le Conseil des agences de publicité dans son
mémoire-organisme que nous rencontrerons un peu plus tard - qu'il y a
une faible élasticité des budgets publicitaires consacrés
à la télévision et que cela pourrait dissuader plus d'un
annonceur d'avoir recours à ce média? N'est-il pas exact que
Télé-Métropole et le réseau TVA ont augmenté
leur tarif de 10% pour la publicité récemment?
M. Hudon: Non, pas récemment. Peut-être en
septembre, comme à chaque année. Mais, pas récemment.
M. Bertrand: C'est ce que j'appelle tout récemment. Enfin,
il y a environ six mois.
M. Hudon: Oui. Maintenant, j'imagine que votre sous-question est:
Est-ce que la taxe sur la publicité a une influence sur l'achat des
publicitaires chez vous? Je pense que oui. Parce que les budgets qui sont
consacrés aux stations sont consacrés à des budgets en
argent et non en pénétration d'auditoire. Ce qui fait que lorsque
les agences de publicité ou les marchands calculent des montants de
publicité, ils les calculent uniquement sur leur montant et non pas sur
le nombre d'occasions présentées, je dirais.
M. Bertrand: Maintenant, comme je crois bien sentir de toute
façon, et je termine là-dessus, que l'industrie de la
télévision, loin de vouloir - je pense que ce n'est pas le sens
de votre mémoire - se mettre en situation, bien qu'évidemment il
y ait une forme de concurrence, car on est dans une situation de libre
marché et qu'elle ne veuille pas éviter cette concurrence, mais,
au contraire, l'encourager et, si possible, même en profiter comme
entreprise, ce qui est normal, ne veut pas décourager les efforts de
l'industrie du cinéma de se développer. Par ailleurs, je pense
que vous souhaiteriez, si jamais on demandait aux entreprises de
télévision ou de câblodistribu-tion - on verra pour les
autres tout à l'heure - un certain effort quant à ce qu'on
pourrait appeler la participation à une espèce de fonds de
soutien, qu'on tienne compte aussi des efforts que les entreprises de
télévision elles-mêmes peuvent faire et pourraient faire et
donc d'une forme de réinjection de ces sources de revenus au sein des
entreprises de télévision payante, dans la mesure où,
évidemment, elles sont prêtes à assumer une partie des
responsabilités dans le cadre du développement de l'industrie du
cinéma. Est-ce qu'on se comprend bien? Est-ce que vous avez bien lu le
rapport Fournier dans cette perspective?
M. Arpin: Effectivement, j'allais ajouter à ce que vous
venez d'affirmer et reprendre une affirmation qui a été faite un
peu plus tôt par M. le ministre des Affaires culturelles, à savoir
que 43% des grilles horaires était faits de cinéma et de
séries cinématographiques, ce qui me permet de dire que 57% est
fait d'autres choses. Et ces autres choses, ce sont la production vidéo,
la production faite localement dans chacune des régions, des productions
faisant appel à des talents québécois, à des
talents locaux, à des artistes, à des musiciens, à des
cameramen, à des équipes techniques, à des infrastructures
de production. Donc, il ne faut pas négliger non plus ce 57%, ce
rôle moteur que joue, entre autres, la télévision dans
toute la dynamique de la création de produits audiovisuels.
M. Bertrand: M. le Président, en conclusion, je voudrais
simplement adresser aux gens de l'ACRTF un message que, peut-être, je
répéterai pour d'autres types d'organismes: II m'apparaît
souhaitable qu'effectivement il puisse s'établir une forme de
collaboration entre l'industrie du cinéma, l'industrie de la
télévision, l'industrie de la câblodistribution, qu'on
doive viser à ce que personne ne soit perdant dans la transaction et
qu'avant de prendre des décisions quant à de nouvelles sources de
taxation - que ce soit pour les entreprises de télévision ou de
câblodistribution - on mesure l'impact de ces sources nouvelles de
taxation. Et, que dans la mesure où il y en aurait de nouvelles, on
puisse s'assurer que, tout en permettant le développement de l'industrie
du cinéma - ce à quoi, je pense, tout le monde croit - on
n'empêche pas, ce faisant, le développement de l'industrie de la
télévision et de la câblodistribution. Je crois qu'à
ce point de vue il y aurait lieu de mesurer très sérieusement
l'impact de toute nouvelle source de taxation pour ce type d'entreprise.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Oui, Mme la
députée de L'Acadie.
Est-ce que vous aviez quelque chose à ajouter, M. Arpin?
M. Arpin: Je vous remercie beaucoup, M. le ministre. Je me
permettrai de dire que notre association souhaite également une
industrie cinématographique forte au Québec. Il n'y a pas de
doute dans notre esprit. Cela va nous stimuler également comme
industrie. Si les films sont bons, à la télévision cela
devrait être encore meilleur.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, si le ministre des
Communications le permet, j'aimerais lui poser une courte question. En page 10
du mémoire qui vient de nous être présenté, on dit
au sujet de la taxe de 2% qui est prélevée sur la
publicité électronique et qui - si ma mémoire est bonne -
devait être consacrée au service des consommateurs, que les sommes
recueillies à la suite de l'imposition de cette taxe n'auraient pas
été utilisées à cette fin - en tout cas pas d'une
façon globale - et auraient été versées au fonds
consolidé du revenu. Est-ce que le ministre peut infirmer ou confirmer
cette affirmation du mémoire?
M. Bertrand: Je remercie beaucoup Mme la députée de
me poser la question. Cette taxe de 2% qui, effectivement, devait aller
directement à la contre-publicité, surtout pour des campagnes
contre le tabagisme, l'alcoolisme, etc., depuis un certain nombre
d'années ne va pas entièrement à ce type de campagne. Bien
sûr, il y a des campagnes, par exemple celle... On en a eu plusieurs de
ce type-là...
Mme Lavoie-Roux: Oui, c'est à l'intérieur du
ministère des Affaires sociales en général. (12 h 15)
M. Bertrand: ...qui ont été
récupérées par le biais d'autres ministères et,
pour ce qui est de l'Office de la protection du consommateur, elles vont
à d'autres types de communication qui ne sont pas nécessairement
de la contre-publicité. Mais dans cette perspective - je crois que je
pourrai peut-être joindre mes efforts à ceux du ministre des
Affaires culturelles - si nous voulons véritablement nous assurer
qu'avant de parler d'une nouvelle taxe de 5% on puisse faire en sorte que cette
première taxe de 2%, qui devait aller directement à la
contre-publicité, comme on l'appelait à l'époque, puisse
être utilisée pour le développement de l'industrie du
cinéma. Je pense qu'à ce moment-là, un pas énorme
aurait été franchi, dans la mesure évidemment où
maintenant on donnerait un nouvel objectif à ce 2% de publicité,
qui n'était pas ce qui avait été fixé au
départ, mais qui, de toute façon, en cours de route, a pour ainsi
dire, je pense, dévié de son objectif initial.
Mme Lavoie-Roux: Alors, ce que le ministre me dit c'est qu'il y a
une partie de ce 2% de taxe qui est retournée au fonds consolidé
de la province.
M. Bertrand: C'est cela, pour servir à des programmes de
publicité, dans certains cas, ou de communication qui vont dans le sens
des objectifs qui avaient été fixés à
l'époque mais qui ne sont pas nécessairement ce qu'on pourrait
appeler de la contre-publicité telle qu'il avait été
indiqué dans l'objectif exposé à ce moment-là, dans
le contexte de cette perception d'une taxe de 2% auprès des entreprises
de télédiffusion sur la publicité diffusée.
M. Marx: Juste une petite question.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: N'est-il pas vrai que le ministre des Finances, M.
Parizeau, n'aime pas les taxes qu'on appelle "earmarked taxes".
C'est-à-dire qu'on va taxer et on va mettre l'argent dans un programme
quelconque. La politique du Québec est de taxer et de mettre tout
l'argent dans le fonds consolidé. C'est bien beau. Vous pouvez dire: On
va imposer une taxe de 8% pour avoir tant d'argent qu'on va mettre dans le
cinéma, mais ce n'est pas sûr qu'il va y aller.
C'est-à-dire que, après la perception, c'est versé dans le
fonds consolidé et cela peut servir n'importe où.
M. Bertrand: C'est la raison pour laquelle, d'ailleurs - et c'est
pourquoi j'ai beaucoup apprécié la question de Mme la
députée de L'Acadie - je considère qu'avant de prendre une
décision relativement à une surtaxe de 5% pour les entreprises de
télévision ou de 10% pour les entreprises de
câblodistribution - il ne s'agit pas de surtaxe dans ce cas-là -
ce qui représente des montants substantiels que j'évalue à
environ 16 000 000 $ d'après les chiffres que j'ai, quand on sait qu'il
existe déjà une taxe de 2% prélevée auprès
des entreprises de télévision, je pense qu'il faudrait que le
ministre des Affaires culturelles et le ministre des Communications, d'un
commun accord, travaillent ensemble pour voir de quelle façon, comment
dirais-je? on va utiliser les fonds qui seraient ainsi recueillis. Car, dans le
domaine de la gestion financière - vous me direz que je n'ai pas
à parler au nom du ministre des Finances - quand on
prélève des taxes, celles-ci vont directement d'abord au
fonds consolidé et par la suite sont réparties dans
différents ministères ou organismes gouvernementaux au moment du
dépôt des crédits. Cette opération se fait avant le
31 mars de chaque année. Alors, je crois qu'il s'agit d'avoir
là-dessus - c'est pour cela que j'en ai parlé tantôt - des
mesures d'impact et s'assurer que ce ne sont pas des façons
déguisées de prélever de nouvelles taxes alors que, dans
l'esprit du rapport Fournier, le sens qui est donné à ces taxes,
c'est de les diriger directement vers l'industrie du cinéma. Voulant, en
quelque sorte, me faire le porte-parole ici - et, je pense, à juste
titre - des entreprises de télévision et de
câblodistribution et des agences de publicité, je veux être
bien certain, avant qu'on prenne des décisions là-dessus, qu'on
ait un débat, et on l'aura fort probablement, sur le sens à
donner à ce type de recommandation.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre.
Mme Lavoie-Roux: II faudra que vous surveilliez le ministre des
Finances...
Le Président (M. Gagnon): Merci, MM. Arpin, Hudon et
Normandeau ainsi que l'Association canadienne de la radio et de la
télévision de langue française de votre mémoire.
J'inviterais maintenant l'Association pour le jeune cinéma
québécois à se présenter. M. Payette.
Association pour le jeune cinéma
québécois
M. Payette (Michel): C'est cela. Michel Payette. Je suis le
directeur général de l'Association pour le jeune cinéma
québécois.
Le Président (M. Gagnon): Vous avez la parole.
M. Payette: Je m'excuse d'avoir dû venir seul ce matin,
étant donné que nous ouvrions hier soir, en même temps que
la commission parlementaire ouvrait ici, le quatrième Festival
international du film super 8mm du Québec, à Montréal.
D'ailleurs, le déplacement de la commission nous a causé quelques
problèmes. On a jugé important quand même de se
déplacer ce matin. Il faut vous dire qu'hier soir, à l'ouverture
du festival, nous avons déjà parlé de cette commission
parlementaire et nous avons assuré notre public nombreux que nous
viendrions défendre la cause de cette alternative
cinématographique dont nous faisons la promotion.
L'Association pour le jeune cinéma québécois se
présente à la commission pour soulever un point qui lui semble
tout à fait essentiel relativement à la concertation des
intervenants dans le développement de l'infrastructure artistique,
industrielle et commerciale du cinéma et de la vidéo au
Québec.
La technique moderne offre désormais sur le marché des
outils de production audiovisuelle légers et économiques, qui
tendent à rendre la création cinématographique de plus en
plus accessible à l'ensemble des citoyens. Il existe ainsi au
Québec un très grand nombre de réalisateurs, fussent-ils
qualifiés de jeunes cinéastes, de cinéastes amateurs,
cinéastes indépendants, cinéastes artisans,
semi-professionnels, non-professionnels, relève, ou quoi encore, qui
exercent une activité de production et de création
cinématographique appréciable et appréciée.
Ainsi, l'Association pour le jeune cinéma québécois
regroupe et représente environ 500 membres, eux-mêmes
regroupés à l'intérieur d'instances régionales dans
sept, et bientôt neuf, des dix grandes régions administratives du
Québec, qui produisent au moins une centaine de courts, moyens et
même longs métrages par année.
L'ensemble de cette production n'a rien à envier
quantitativement, ni même qualitativement, à la grande production
industrielle et commerciale. Son inspiration prend racine dans la
réalité quotidienne et l'imaginaire collectif de notre peuple.
Elle constitue un témoignage authentique de la culture populaire des
Québécois.
Or, pour un gouvernement qui a toujours prétendu vouloir
favoriser une telle notion de développement culturel populaire ouvert
à l'ensemble de cette réalité vécue quotidiennement
par les Québécois, et rendant la création accessible aux
expressions de culture de tous les citoyens, force est de reconnaître que
ceux-ci se trouvent totalement exclus du présent projet de loi, qui ne
semble faire place à autre chose qu'à une concertation de la
grande industrie. Il s'agit là d'une position politiquement
inacceptable, puisque la grande majorité des citoyens créateurs
se trouve totalement ignorée du projet, au profit d'une élite
commerciale et industrielle déjà fort
privilégiée.
Pourtant, la grande industrie elle-même aurait avantage à
collaborer et à s'associer plus étroitement au travail de la
relève. Le cinéma, comme commerce, est un spectacle de
divertissement. Pour survivre et réussir, il doit sans cesse renouveler
son réservoir de talents. À la limite, l'industrie du
cinéma devrait peut-être s'inspirer à ce sujet de celle du
sport qui, elle, n'a jamais ignoré que son avenir à long terme
dépendait d'abord et avant tout de la relève qu'elle saurait
préparer. Il nous semble qu'une véritable politique
cinématographique devrait donc s'élaborer à partir d'une
concertation
de tous les intervenants du cinéma au Québec.
D'ailleurs, le rapport de la récente tournée du ministre
des Affaires culturelles souligne très clairement et dramatiquement
l'absence de concertation entre le ministère des Affaires culturelles et
ses ministères partenaires, dont la division, entre autres,
socio-culturelle du ministère du Loisir, de la Chasse et de
Pêche.
Voilà donc, selon nous, une belle occasion de concrétiser
enfin ces projets de concertation autrement que par des paroles. Puisque c'est
à l'Institut québécois du cinéma et de la
vidéo que devront s'élaborer les grandes lignes de la politique
cinématographique du Québec, nous jugeons essentiel qu'y soit
représentée cette vaste majorité de citoyens
créateurs, qui ne saurait tolérer d'être ainsi exclue du
projet de loi. Vous excuserez le jeu de mots un peu facile en vous disant que
c'est un peu de sang neuf qu'il faudrait dans ce projet de loi no 109.
En résumé donc, étant donné les objectifs de
la politique du cinéma qui sont définis à l'article 3 du
présent projet de loi no 109; étant donné que la poursuite
de ces objectifs ne peut se faire qu'à partir d'une véritable
concertation de tous les intervenants du milieu et de l'industrie du
cinéma au Québec; étant donné que l'Institut
québécois du cinéma et de la vidéo est
appelé à devenir le lieu privilégié de cette
concertation, en vertu des fonctions qui lui sont attribuées aux
articles 33 et 34 de la loi; étant donné qu'un grand nombre de
citoyens du Québec, couvrant un secteur important de l'activité
cinématographique se trouvent largement ignorés et nullement
représentés à l'intérieur des groupes
définis à l'article 16 composant le conseil d'administration de
l'institut; étant donné que les énoncés de
politique du gouvernement en matière culturelle ont pourtant toujours
favorisé une notion de développement culturel axé non
seulement sur la culture d'élite, la "grande culture", mais aussi sur
une notion d'accessibilité aux instruments de création et
d'expression de la culture populaire inspirée de la
réalité quotidienne et de l'imaginaire collectif de tous les
Québécois; étant donné que, à cet effet, le
manque de concertation entre les différents ministères
impliqués dans le développement culturel vient d'être
à nouveau souligné au ministre lors de sa récente
tournée; enfin, que le développement de la relève doit
consituer une des lignes de force du développement à long terme
d'une véritable infrastructure artistique, industrielle et commerciale
du cinéma et de la vidéo; l'Association pour le jeune
cinéma québécois et ses groupes régionaux ou
affiliés proposent; d'abord, que soit ajouté à l'article
16 un neuvième groupe représenté au conseil
d'administration de l'institut, désignant les citoyens créateurs
mentionnés précédemment, que l'on pourrait peut-être
regrouper sous le vocable, entre autres, de "la relève"; et qu'en vertu
de son mandat national, de sa représentativité régionale,
de son caractère démocratique et du travail qu'elle accomplit
depuis plusieurs années, l'Association pour le jeune cinéma
québécois soit reconnue comme un digne représentant de ce
mouvement populaire d'expression cinématographique de la part des
citoyens du Québec.
Je pourrais en savoir plus long sur cette chose. Malheureusement la
commission coïncidait avec le Festival du film super 8mm qui s'est ouvert
à Montréal. Je vous souligne qu'on y présente cette
année une centaine de films, dont une cinquantaine de films
québécois qui proviennent de toutes les régions du
Québec, une cinquantaine de films qui proviennent d'une vingtaine de
pays, et que là l'expression d'une culture populaire est tout à
fait authentique.
Le Président (M. Gagnon): Merci M. Payette. M. le
ministre.
M. Richard: Je voudrais vous remercier, M. Payette, de votre
présentation et de l'intérêt que vous portez à la
cause du cinéma québécois.
Si j'ai bien compris le sens et la portée de votre
mémoire, vous seriez d'accord avec l'économie
générale des propositions contenues dans le projet de loi no 109,
sauf que vous nous indiquez que votre association souhaiterait occuper un
siège au conseil d'administration du nouvel Institut
québécois du cinéma.
Je voudrais juste vous signaler qu'il y a beaucoup de demandes pour
occuper un siège à l'Institut québécois du
cinéma et on va peut-être se retrouver - sans faire de jeu de mot
cette fois - avec 120 personnes au sein du conseil d'administration. Cela pose
évidemment une difficulté: c'est qu'il serait souhaitable, bien
sûr, que le plus grand nombre d'associations soient présentes au
sein du conseil d'administration de l'Institut québécois du
cinéma mais, d'autre part, on ne peut tout de même pas
élargir ce conseil à plus de douze membres. Je vous rappelle,
à cet égard, que l'Institut québécois du
cinéma lui-même nous propose de le réduire de douze
à dix membres mais que tous les autres nous demandent un siège de
plus. Cela va être un petit peu problématique mais ce que je vous
indique immédiatement, c'est qu'il y a quatre membres du conseil
d'administration qui vont être nommés par le Conseil des ministres
et qu'on tiendra compte des associations les plus représentatives et des
associations qui, par la force des choses, se sont trouvées exclues dans
le projet de loi.
M. Payette: J'apprécie tout de même le fait que vous
prendrez cette chose en considération. Je suis bien conscient qu'il y a
effectivement énormément d'organismes qui vont réclamer
des sièges au conseil d'administration. Ce sera à vous d'en juger
plus tard.
On voulait soulever aussi un problème très
spécifique: l'espèce d'isolement qu'on a eu du fait de cette
concertation interministérielle qui est dure à saisir et dont on
parle depuis longtemps. L'association fait historiquement affaire avec le
ministère du Loisir et le dossier a déjà passé un
certain temps aux Affaires culturelles puisqu'il est revenu au ministère
du Loisir. (12 h 30)
II est difficile de départager la zone grise entre les deux et on
nous a promis cette concertation. On cherche encore de quelle façon elle
pourrait se réaliser concrètement. Si on décide une
politique cinématographique d'ensemble, il serait bien qu'à un
moment donné on puisse vraiment avoir un lieu où on puisse
discuter de cinéma à partir du tout début, des gens qui
commencent à faire du cinéma et voir comment on va élargir
les bases de création pour aller jusqu'au grand long métrage de
prestige québécois; on pourrait en sortir un ou deux par
année. Je crois que c'est un cas particulier et qui recoupe un ensemble
d'intervenants dans tout le Québec. Je crois que la création
cinématographique perce difficilement dans les régions. Il n'y a
pas beaucoup d'organismes qui ont réussi au niveau du cinéma
à s'implanter régionalement et à susciter une
création et une production. À ce niveau, nous proposons des
solutions qui font de plus en plus leurs preuves dans différentes
régions du Québec.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Laprairie.
M. Saintonge: J'ai une question à vous poser, M. Payette.
Vous faites allusion dans votre mémoire à la concertation des
gens du milieu. Vous mentionnez que même le ministre a reconnu l'absence
de concertation entre le ministère des Affaires culturelles et d'autres
ministères. Quelle serait la concertation souhaitée pour vous
entre le ministère des Affaires culturelles et les autres
ministères pour favoriser les gens du cinéma et les jeunes
cinéastes?
M. Payette: Nous avons clairement un mandat qui débute
dans le champ du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche,
en ce sens qu'on essaie de promouvoir l'accessibilité de l'expression
cinématographique à tous les citoyens. Je dis souvent, et je suis
sûr que c'est le cas parmi les membres de la commission permanente des
affaires culturelles: Qui n'a pas un jour pensé faire un film, qui ne
s'est jamais dit: Si je faisais un film, je ferais telle chose? On essaie de
rendre cette chose possible pour quiconque veut s'exprimer par le
médium. On débute dans ce sens dans le terrain du
ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.
M. Saintonge: Classification amateurs-professionnels.
M. Payette: Mais on aboutit dans le domaine du ministère
des Affaires culturelles en termes de développement à travers
tout cela. Par exemple, le festival vise cette année à
présenter la création qui se fait dans une année et les
nouveaux talents; ils ne sont pas toujours jeunes en âge, mais c'est en
termes de la durée de temps qu'ils ont comme créateurs. À
ce moment-là, on débouche sur le terrain du ministère des
Affaires culturelles et sur un aspect commercial et industriel où on
propose des possibilités, j'oserais dire douces et écologiques,
pour employer une analogie avec le secteur de l'énergie. On parle aussi
de rentabiliser les films québécois sur un marché
restreint, de façon à produire de façon locale et autonome
à faible coût pour des marchés restreints. Notre mandat
touche à deux ministères; c'est pour cela qu'on dit qu'il faut
trouver un moyen de ne pas se faire constamment relancer la balle d'un
ministère à l'autre, voir de quelle façon on peut penser
au développement d'une relève et qu'il y ait un lieu où la
relève, le milieu du jeune cinéma puisse discuter avec
l'industrie professionnelle et voir de quelle façon on peut se
concerter.
M. Saintonge: Je vais vous souhaiter la concertation, mais je
vous demanderais s'il n'y aurait pas un moyen, selon votre expérience,
de faire une concertation utile entre le ministère des Affaires
culturelles, le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche
et le ministère de l'Éducation, j'imagine aussi,
possiblement.
M. Payette: Oui. On cherche la façon de faire cette
concertation. On parle des problèmes qu'on a vécus à ce
niveau-là. Entre autres, on sent que les portes sont plutôt
fermées du côté de l'Institut québécois du
cinéma quant à ce qu'on propose. Il faudrait avoir des
discussions quelque part à ce niveau. Elles sont difficiles à
concrétiser et à matérialiser. On dit: Oui, oui, oui, il y
a une concertation interministérielle, semble-t-il, entre les
comités de fonctionnaires ou de sous-ministres, mais on ne voit rien de
tangible. On pense qu'on pourrait la faire en étant au conseil
d'administration de l'institut avec les gens du milieu officiel du
cinéma au Québec.
Le Président (M. Gagnon): Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Ma question ne
touche pas le contenu de votre mémoire, mais j'imagine que vous
réfléchissez quotidiennement sur le cinéma
québécois...
M. Payette: Oui.
M. Lavoie-Roux: ...et son avenir, ses chances de
développement, etc. Des affirmations ont été faites ici,
hier soir, et même un peu ce matin, mais peut-être davantage hier
soir, sur l'avenir du cinéma québécois. Vous avez
parlé de rentabilité et, d'un autre côté, vous
parlez aussi d'auditoires restreints dans le cas du cinéma à
caractère plus régional. On a eu des affirmations disant qu'on
devrait peut-être se concentrer sur des courts métrages,
plutôt que des longs métrages, de type documentaire comme, je
pense, ce que l'Office national du film a fait traditionnellement. Hier, on a
interrogé les gens du cinéma parallèle qui ont
exprimé des vues sur la difficulté de pénétration
du cinéma québécois même à l'intérieur
du Québec. Est-ce que vous avez ce même sentiment? Quelles sont
les causes? On pourrait mettre beaucoup d'argent et la
pénétration pourrait ne pas se faire davantage. Il y a deux
questions: Premièrement, quant aux difficultés de
pénétration du cinéma québécois
auprès des auditoires québécois et, deuxièmement,
quant à l'avenir des longs métrages au Québec, compte tenu
de leur coût et compte tenu de leurs possibilités de diffusion. Le
seul auquel je peux me référer - il y en a peut-être
d'autres - je pense aux Plouffe avec lequel on espérait une diffusion
à l'étranger, qu'on a tenté avec un succès...
M. Richard: Attention...
Mme Lavoie-Roux: ...bien relatif. Est-ce que je me trompe?
M. Richard: Oui, Mme la député de L'Acadie, c'est
qu'on avait escompté un énorme succès en France, qui n'a
pas eu lieu, il faut le reconnaître; il y a eu un succès relatif,
mais pas un énorme succès, pour toutes sortes de raisons. Mais,
le film "Les Plouffe" a été vendu à plusieurs
télévisions étrangères, notamment, si je ne
m'abuse, à la télévision brésilienne. Vous voyez,
c'est un peu comme cela qu'on peut un tant soit peu rétablir notre
balance des paiements, parce qu'on achète tellement de l'étranger
en la matière qu'il devient important qu'on vende une part aux
télévisions étrangères et qu'il y ait une part du
cinéma québécois qui soit exportable. Je ne
prétends pas que tout le cinéma québécois peut et
doit être exportable, mais il y a une part qui doit l'être, ne
serait-ce que pour compenser notre balance des paiements qui est dramatiquement
déficitaire.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que, finalement - je pourrais revenir
après - "Les Plouffe" a été un projet rentable?
M. Richard: II ne fera pas les profits escomptés, mais je
crois savoir qu'il pourra, éventuellement, faire ses frais.
Mme Lavoie-Roux: Alors...
M. Richard: Ce qui est déjà
considérable...
Mme Lavoie-Roux: Oui, oui.
M. Richard: ...parce que c'est avec des ventes à
l'étranger; donc, ce sont des entrées de devises.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie, M. le ministre. Je reviens
à mes deux questions: Quelles sont les difficultés, à
votre point de vue, de pénétration du cinéma
québécois auprès d'auditoires québécois et,
deuxièmement, selon vos réflexions, non seulement de vous, mais
des jeunes qui sont associés avec vous, quelle est la rentabilité
à long terme de s'engager dans le développement et la production
de longs métrages par rapport à des courts métrages
à caractère plus restrictif et limité?
Le Président (M. Gagnon): M. Payette.
M. Payette: Je ne suis pas certain si je vais vraiment pouvoir
répondre à toutes vos questions. Une réflexion qu'on se
fait, c'est que la diffusion pour les films québécois se fait
beaucoup par la télévision, comme pour le cinéma en
général. Avec la multiplication des canaux de
télévision, avec la télévision à
péage et toutes ces choses, on aura le choix entre deux
possibilités: c'est qu'il va y avoir un "dumping" d'émissions
américaines traduites et vendues ici à bas prix et la seule
façon de les concurrencer c'est peut-être par des produits qui
seraient économiques, qui pourraient rivaliser par le prix et qui
pourraient rivaliser, au niveau de l'intérêt, par la pertinence et
l'originalité de leur contenu, en s'adressant spécifiquement
à des clientèles locales sur des problèmes qui les
concernent.
Dans ce sens-là, nous on pense qu'il y a de la place pour du
court, moyen et long métrage, documentaire, de fiction ou de toutes
sortes, et qui seraient un authentique reflet d'une réalité
vécue ici et qui pourrait rejoindre ces publics-là. On n'a pas
nécessairement besoin de produire des films avec des immenses budgets
pour atteindre la
clientèle d'ici, voire même de l'étranger. M. le
ministre soulignait la vente des "Plouffe" à la télévision
brésilienne; on a vendu des petits et courts métrages super 8mm
à la télévision belge et française
récemment; ce n'est peut-être pas suffisant pour rétablir
la balance des paiements, mais c'est un début.
Mme Lavoie-Roux: Mais cette difficulté de
pénétration auprès des auditoires québécois,
est-ce que vous la sentez ou si elle n'existe pas? C'est un peu le contraire
qu'on a entendu ici.
M. Payette: La difficulté auprès des
télédiffuseurs...
Mme Lavoie-Roux: ...des auditoires québécois.
M. Payette: Je veux dire que pour nous, cela va assez bien. On
découvre un certain engouement partout où l'on va. Les gens
reviennent voir ces films et ils sont intéressés à voir ce
que des gens ordinaires ont fait, ce que des gens ordinaires avec un petit plus
de talent ont fait et font, et même de voir ce que leur voisin a à
dire, ce qu'il peut faire, comment il peut s'exprimer, voir même,
peut-être, comment eux-mêmes pourraient un jour, non seulement
être strictement passifs, mais participer et devenir actifs dans tout
cela.
Là-dessus, le rapport Fournier, dans ses derniers chapitres parle
d'éducation, de développement de la culture
cinématographique au Québec, de l'école du cinéma,
etc. Je pense qu'il y a des alternatives populaires d'éducation et
d'information là-dessus.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie. Je n'ai pas l'impression
d'avoir eu une réponse à ma question mais je comprends que vous,
c'est votre domaine, alors vous dites qu'il faut trouver d'autres moyens de
pénétrer, peut-être avec des choses plus restreintes au
plan budgétaire qui permettraient une meilleure rentabilisation.
M. Payette: Je n'ai pas vu de...
Mme Lavoie-Roux: Voici ma question précise: vous, vous ne
voyez pas de difficulté à la pénétration du
marché québécois?
M. Payette: Non.
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Saint-Henri.
M. Dupré: Votre festival international du film, que vous
annoncez très délicatement à la télévision,
est-ce que c'est parrainé ou si vous êtes enfin parrainé ou
patronné par le ministère des Affaires culturelles?
M. Payette: Je suis presque heureux que vous me posiez la
question. Nous avons de l'aide, à ce niveau, de plusieurs organismes,
à partir du ministère du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche, du ministère des Affaires intergouvernementales, du
ministère de l'Éducation, le bureau des festivals d'Ottawa,
l'Office national du film et en bas de la liste, l'Institut
québécois du cinéma qui a attribué 500 $ à
l'organisation de notre festival. Je vous avoue que si on en avait eu les
moyens, le comité organisateur, je pense, aurait retourné le
chèque.
M. Hains: Est-ce que ce serait une bonne chose si vous
étiez patronné comme cela par le ministère des Affaires
culturelles pour aider vraiment le travail que vous faites? C'est un travail de
pionnier auprès de la jeunesse d'aujourd'hui.
M. Payette: Je pense qu'il faudrait une meilleure implication, en
termes concrets et financiers, du ministère des Affaires culturelles
dans ce domaine.
M. Hains: Vous pourriez avoir aussi, en même temps
peut-être, des prix d'excellence qui pourraient aller avec cela. Une
distribution, peut-être pas d'Oscars, mais de "Cléments" qui
pourraient aider tous nos jeunes à continuer à
s'intéresser à cet art cinématographique.
Une voix: Pourquoi pas?
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Richard: J'ai eu l'occasion d'indiquer hier, peut-être
que le député de Saint-Henri était distrait à ce
moment-là, que, puisqu'il y a un organisme chargé
spécifiquement de subventionner toutes les personnes morales ou
physiques qui s'occupent de cinéma québécois, le
ministère des Affaires culturelles et le ministre des Affaires
culturelles se sont toujours interdit d'intervenir à l'encontre des
décisions de l'Institut québécois du cinéma. Vous
seriez le premier, j'en suis convaincu, M. le député de
Saint-Henri, à me reprocher d'intervenir en quelque sorte en appel des
décisions de l'Institut québécois du cinéma. Je
peux vous dire que je n'ai jamais voulu intervenir malgré toutes les
demandes. Autrement, c'est toute la structure même de l'Institut
québécois du cinéma qui serait remise en cause.
Alors, quelle que soit la sympathie que je peux éprouver parfois
pour certains organismes, j'ai toujours laissé le soin à
l'Institut québécois du cinéma, mieux placé que le
ministre, car c'est pour cela qu'on a
une loi et que le Parti libéral a créé, il y a
quelques années, l'Institut québécois du cinéma, M.
le député de Saint-Henri. Alors, vous ne me demanderez tout de
même pas d'intervenir à l'encontre des décisions de
l'Institut québécois du cinéma. Je suis sûr que ce
n'est pas ce que vous vouliez dire, n'est-ce pas?
M. Hains: Non, non, mais vous avez justement derrière vous
le président de l'institut, je crois. Alors, il serait bon de faire
parvenir votre demande et toutes les suggestions que je vous ai faites à
ce sujet.
Le Président (M. Gagnon): M. Payette.
M. Payette: C'est dans ce sens que je pense que, à la
base, il faudrait avoir de meilleures discussions avec l'institut. Il est
difficile de faire valoir nos dossiers. On a beau les préparer du mieux
qu'on peut et y mettre énormément d'énergie, il est
difficile parfois de pénétrer jusqu'au conseil d'administration
de l'institut pour les défendre.
Mme Lavoie-Roux: ...du Parti québécois,
d'après ce que je crois comprendre.
Le Président (M. Gagnon): Oui, merci.
M. Payette: J'aurais encore une petite chose importante à
souligner. Dans la liste des regroupements régionaux affiliés
à l'association qui est là, c'est par erreur qu'a
été inscrit le RIICEQ, le Regroupement des intervenants de
l'industrie du cinéma de l'Est du Québec. Je crois que vous
l'avez entendu hier. Ce regroupement collabore avec nous sur certains dossiers.
Entre autres, il s'occupe de la présentation du festival à
Rimouski et à Rivière-du-Loup. Je voulais clarifier cela, parce
que j'en ai discuté avec eux. Il n'y a aucun protocole formel qui a
été signé. Comme je vous le dis, c'est un groupe qui
collaborait avec nous. On ne voudrait pas que vous croyiez que les
revendications de RIICEQ se trouvent incluses dans celles de l'association. Ils
font vraiment un travail en région qui est tout à fait
différent du nôtre. Je dirais même qu'ils font justement une
concertation à partir de la relève jusqu'au développement
de l'industrie en région, comme on souhaiterait peut-être que cela
se fasse à l'échelle du Québec. Donc, je ne voudrais pas
nuire à leur propre mémoire.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Michel Payette. Bonne
chance à votre festival. Je remercie aussi l'association que vous
représentez. Nous suspendons nos travaux jusqu'à 15 heures.
M. Payette: On vous a laissé le programme du festival
à l'arrière.
Le Président (M. Gagnon): Merci. (Suspension de la
séance à 12 h 48)
(Reprise de la séance à 15 h 10)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission des affaires culturelles poursuit ses travaux.
À la suspension pour le dîner, nous en étions rendus au
groupe Alliance Québec. Est-ce ce groupe qu'on voit à la
table?
M. Parisella (John): Oui, c'est bien ça, M. le
Président.
Le Président (M. Gagnon): Alors, je vous laisse la parole.
Nous nous étions entendus pour vingt minutes pour le dépôt
du mémoire et vingt minutes de questions de chaque côté,
c'est-à-dire une heure environ pour chaque mémoire. M.
Brooks?
Alliance Québec
M. Parisella: Merci beaucoup. M. le Président, messieurs
les membres de la commission parlementaire, membres du parti ministériel
et du parti de l'Opposition...
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que vous pourriez vous
identifier?
M. Parisella: Oui, je vais m'identifier. Mon nom est John
Parisella. Je suis directeur du programme d'emplois et des affaires du groupe
Alliance Québec. Je suis assisté aujourd'hui par notre directeur
des communications et préposé à la culture, M. Bill
Brooks.
Je dois, au départ, présenter des excuses de la part de M.
Campbell Gordon, qui devait présenter le mémoire aujourd'hui.
À cause de ses obligations professionnelles, il n'a pas pu se
rendre. Je voudrais faire une mention spéciale à Me Daniel
Levenson, jeune avocat, qui a eu une très grande participation dans la
préparation de ce mémoire.
J'aimerais vous offrir mes excuses et les excuses de l'Alliance pour
notre retard de ce matin. Nous sommes partis de Montréal ce matin, mais
je dois dire que c'est beaucoup plus accueillant à l'intérieur de
la salle qu'à l'extérieur à cause de la
température. Donc, j'espère ne pas vous désappointer dans
les moments qui viennent.
Avant de faire la lecture du mémoire, je pense qu'il serait
peut-être bon de dire quelques mots au sujet du groupe que je
représente. Le groupe Alliance Québec a été
créé, a été fondé au mois de janvier de l'an
dernier. Il a tenu son premier congrès où il
y a eu, pour la première fois peut-être dans l'histoire de
la communauté anglophone du Québec, une sélection de
leaders de façon démocratique et l'élaboration d'un
programme d'action que nous avons déposé auprès du premier
ministre dans les jours qui ont suivi le premier congrès.
En fait, Alliance Québec est un projet social très
ambitieux car notre but est d'essayer de contribuer, le plus positivement
possible, à l'évolution du Québec en reconnaissant
clairement et sans équivoque la primauté du français au
Québec, mais en demandant et en faisant la promotion du respect des
droits de la minorité d'expression anglaise du Québec.
En conséquence, nous faisons des représentations depuis
plusieurs mois, spécifiquement, malgré qu'il faille quand
même être très précis et très honnête,
en disant que les représentations que nous faisons sont faites depuis
plusieurs années par d'autres groupes et concernent le domaine des
affaires sociales et des services sociaux, le domaine de l'éducation et
le domaine de l'emploi.
Ces représentations ont pour but de promouvoir un sentiment
d'appartenance au Québec dans la communauté anglophone et
d'établir le dialogue avec la communauté majoritaire du
Québec dans le but d'établir un équilibre linguistique
où, en somme, l'évolution d'une communauté se ferait de
façon positive et constructive pour l'avenir du Québec.
Pour nous, on peut définir la communauté anglophone comme
une communauté linguistique contrairement aux définitions qui,
d'après nous, sont beaucoup plus restrictives, celles qui ont tendance
à voir le Québec comme étant une société
homogène francophone avec des groupes culturels. Nous reconnaissons la
dimension, le caractère français du Québec, mais, pour
nous, la communauté anglophone représente une communauté
linguistique avec les différents groupes culturels qui en font
partie.
Plusieurs, peut-être, vont se demander pourquoi Alliance
Québec fait des représentations sur un projet de loi dans le
domaine du cinéma et de la vidéo. Je vois le député
de Saint-Jean qui signale que cela lui est venu à l'esprit. En somme,
nous avons élaboré une politique dans le domaine de la culture
lors de notre premier congrès. Mais, de plus, nous croyons que ce sujet,
ce dossier, touche la dimension des idées, la liberté
d'expression et la créativité. Pour nous, c'est une question de
droit fondamental et nous croyons que c'est à ce moment-ci, alors que le
Québec est en train de se doter d'un projet de loi, en vue d'une loi
future sur ce sujet, que la communauté anglophone du Québec doit
faire une représentation de la façon la plus positive dans un
contexte québécois.
Avant de faire la lecture du mémoire, j'aimerais juste signaler
qu'effectivement, pour les raisons que je viens de souligner il y a quelques
instants, notre but n'est pas de faire des représentations sur les
aspects les plus techniques de la loi. C'est surtout pour attirer votre
attention sur le fait que nous sommes effectivement en faveur des objectifs de
la loi et que l'atteinte de ces objectifs ne doit pas se faire de façon
à pénaliser une communauté ou une autre ou à nier
l'existence d'une certaine diversité culturelle. Nous ne croyons pas que
la loi vise cela, mais c'est simplement, on peut dire, un rappel ou une
représentation dans le but que cela soit clair dans l'esprit des
législateurs des deux côtés de la commission.
En plus de cela, nos représentations viseront la dimension de la
liberté d'expression et la créativité. Nous vous ferons
part de certaines inquiétudes face à la loi d'une façon
spécifique. Donc, pour ne pas prendre plus de temps qu'il ne m'en reste,
je commence la lecture du mémoire.
Les principaux objectifs du projet de loi sur le cinéma et la
vidéo sont de toute évidence d'enrourager le développement
d'une industrie endogène du film québécois et de
promouvoir le développement du cinéma québécois et
la dissémination d'une culture cinématographique au
Québec. L'initiative du gouvernement dans la promotion de ces buts
économiques et culturels ne peut que recevoir le plein appui des
Québécois de toute origine culturelle. Néanmoins, un
projet législatif pour engendrer l'accomplissement de ces buts doit,
à notre avis, être conçu et formulé avec soin pour
ne pas être au détriment de la diversité culturelle du
Québec, ni diminuer le droit fondamental de tout Québécois
à la liberté d'expression et d'accès aux idées
exprimées de quelque manière que ce soit.
La politique gouvernementale dans le domaine culturel ainsi que la
législation de mise en oeuvre d'une telle politique devraient être
destinées à promouvoir la dissémination d'un ensemble
complet d'idées. À cette fin, l'encouragement de la culture
québécoise pourrait s'accomplir d'une façon positive en
stimulant le développement des instruments d'expression des
communautés culturelles qui composent le Québec et en
améliorant l'accès à des expressions du genre,
plutôt qu'en restreignant un tel développement et un tel
accès, ou en limitant l'accès à l'expression des
idées dont l'origine est à l'extérieur du
Québec.
Alliance Québec est heureuse de noter la reconnaissance
explicitement accordée dans le statut proposé à
l'importance majeure du respect de la liberté d'expression et de
créativité. Alliance Québec appuie pleinement l'intention
évidente du projet législatif d'accélérer le
processus d'accès du
public québécois aux versions françaises de films
en versions autres qu'en français, de stimuler la production de films au
Québec et de promouvoir le développement et la conservation du
cinéma qui reflète la culture québécoise ainsi
qu'un système ordonné de distribution et de diffusion de films au
Québec.
En étudiant le projet législatif, Alliance Québec
base son analyse sur les mêmes principes fondamentaux que ceux qui
concernent toute question qui porte sur la langue. Nous croyons qu'il est
important de protéger la langue et la culture française au
Québec, mais nous croyons aussi que ceci peut s'accomplir sans
pénaliser la communauté anglophone. Ce n'est pas mutuellement
exclusif que de considérer comme des buts de doter les deux
communautés linguistiques de dignité et de
sécurité.
Nous sommes sans équivoque, comme nous l'avons mentionné
dans le mémoire, en faveur de la protection et de la promotion de la
langue française au Québec. Je pense que c'est peut-être
bon de noter que la communauté anglophone a non seulement dit ces
paroles, mais elle a quand même fait d'énormes progrès dans
les dernières années.
À titre d'exemple, il y a au-delà de 18 000 enfants qui
sont présentement inscrits dans les écoles françaises qui,
selon les articles de la 101, ont accès à l'école
anglaise, mais qui sont présentement inscrits à l'école
française. Je pense que c'est un aspect très positif.
Nous avons récemment obtenu du gouvernement
fédéral, dans le domaine de l'emploi, que les unilingues
anglophones aient la possibilité de suivre des cours de français
à temps plein, des cours intensifs qui pourront durer trois, quatre ou
six semaines, dans le but de s'intégrer sur le marché du travail
québécois et qui n'auraient pas à prouver leur
disponibilité de travail pour cette période. Donc, c'est un
aspect positif d'encourager l'intégration et la connaissance de la
langue française, de la part de la minorité.
Dans le domaine des hôpitaux, vous avez l'article 20 de la loi 101
qui touche la question des tests pour l'engagement, les promotions et les
transferts. La plupart des hôpitaux qu'on qualifie d'expression anglaise
ont déjà commencé à préparer des tests dans
le but d'atteindre l'objectif de la loi. Donc, je pense que c'est
important de noter cette dimension, qu'il y a eu d'énormes
progrès positifs plutôt que de trop s'arrêter, à mon
avis, sur des aspects qui sont en train de se corriger. Je pense qu'il y a
certainement une volonté positive de la part de la
communauté.
Les inquiétudes d'Alliance Québec se résument au
domaine suivant: In certain instances, the proposed provisions are unduly vague
or ambiguous and, as a result, may be open to misinterpretation or
misapplication ways which are not conductive to the achievement of the fullest
possible range of benefits to Quebeckers. Similarly, and with the same
potentially adverse consequences, a great deal of precisions is left to the
regulation making powers conferred on the Minister or the other bodies charged
under the proposed Legislation with a variety of possibilities.
En somme, nous avons certaines inquiétudes qui touchent certains
termes auxquels je vais faire référence dans quelques instants.
Je pense que c'est peut-être vraiment de mise de les porter à
votre attention et peut-être d'avoir certaines précisions, lorsque
vous allez considérer des modifications possibles à la loi.
La deuxième inquiétude se résume comme suit:
Certain provisions of the proposed law may have the effect of limiting the
access of the Québec public to non-French language, specifically English
films, rather than promoting access to French language versions of such
films.
En somme, pour nous, imposer des restrictions va à l'encontre de
la liberté d'expression. C'est dans cette perspective que nous portons
ces inquiétudes à votre attention.
L'article 3. Bien que le paragraphe 1 ait pour but la promotion d'une
infrastructure d'une industrie du film québécois, le paragraphe 2
s'adresse au développement d'un "cinéma québécois".
Cette déclaration en termes généraux, sur le
développement d'un cinéma québécois, est
désirable. Toutefois, devant l'absence de définition de ce terme,
il devient impossible de déterminer l'étendue qu'il pourrait
avoir. Tel que reflété dans le paragraphe 1, il semble que ce
soit un objectif sain que d'encourager la production de films
généralement au Québec sans égard à la
perspective et au contenu culturel.
Selon notre jugement, la notion de cinéma québécois
devrait être plus clairement définie pour assurer le
développement d'une infrastructure équilibrée de
l'industrie du film et éviter ou bien l'exclusion de communautés
culturelles particulières d'un appui gouvernemental ou bien toute autre
restriction à l'usage de n'importe quelle communauté culturelle
des moyens cinématographiques de s'exprimer.
Nous reconnaissons, il n'y a pas de doute, je pense qu'il faut quand
même le signaler, que le gouvernement du Québec a une
responsabilité première dans le développement de cette
industrie pour la population francophone du Québec. Je pense que c'est
à signaler et à reconnaître que, à notre avis, si le
gouvernement du Québec ne prend pas des mesures, on peut se poser la
question à savoir qui les prendra pour
atteindre les buts. Par contre, cette reconnaissance de la
réalité québécoise ne devrait pas aller à
l'encontre de la diversité culturelle dont nous nous faisons le
porte-parole en ce moment.
Articles 37 et 61. D'une façon similaire, le projet
législatif attache beaucoup d'importance à la notion de "film
québécois", un terme qui n'est pas défini. Malgré
l'absence de définition, la Société générale
du cinéma et de la vidéo est chargée, entre autres choses,
de promouvoir ou de fournir de l'assistance financière en ce qui a trait
aux films québécois, avec la responsabilité d'identifier
les oeuvres qui sont des films québécois en accord avec les
normes prescrites par l'Institut québécois du cinéma et de
la vidéo. Les normes pour reconnaître une oeuvre comme film
québécois sont à établir par l'institut par
règlement, après consultation auprès de la
société. Il y a un besoin de définir les termes "film
québécois" de façon à reconnaître la fresque
de la diversité culturelle du Québec et les avantages sociaux,
économiques et culturels de l'industrie équilibrée du film
qui encourage le plus vaste éventail d'expression d'idées
culturelles ou autres. Nous aimerions aussi recommander qu'on garantisse encore
plus la nature représentative de la composition de l'institut par
l'inclusion d'un ou plusieurs représentants du public consommateur.
En ce qui concerne l'institut, la régie et la
société qui seront établis par cette loi, nous rappelons
au gouvernement son engagement déclaré d'augmenter la
représentation non francophone aux commissions nommées par le
gouvernement.
Je pense que des rapports, qui ont été rendus publics, ont
indiqué ou ont démontré un certain manque de
représentativité. Le gouvernement s'est montré, à
notre avis, très sensible à cette dimension-là. C'est
évidemment reconnu non seulement dans le livre blanc sur la culture,
mais aussi spécifiquement dans le volume "Autant de façons
d'être québécois", le plan d'action que le gouvernement a
mis sur pied il y a environ deux ans.
Quant aux pouvoirs de réglementation, il suffit de dire que
l'exercice de ces pouvoirs devra être suivi d'une façon vigilante
pour assurer que les objectifs qui sont les priorités
déclarées de la loi soient atteints sans enlever de la
diversité culturelle québécoise ou enfreindre la
créativité et la liberté d'expression de n'importe quel
secteur particulier de la société québécoise.
Les articles 77 et 116. L'article 77 donne à la régie le
pouvoir de décider si un film "ne porte pas atteinte à l'ordre
public ou aux bonnes moeurs". Les conséquences de cette
détermination par la régie sont d'une importance
considérable pour la société québécoise
puisque c'est sur cette base qu'on peut interdire ou limiter l'exploitation de
films. Dans l'exercice de tels pouvoirs, il est clair qu'on requiert de la
régie d'en déterminer les limites selon certains droits
fondamentaux garantis par la Charte des droits et libertés de la
personne du Québec, tels que la liberté d'expression. (15 h
30)
Toutes les fois qu'une loi ou qu'un organisme qui en découle
porte sur les libertés fondamentales, toutes les précautions
doivent être prises pour protéger ces libertés. Puisque la
régie aura le mandat de prendre des décisions portant sur les
droits fondamentaux, nous suggérons que l'article 116, qui porte sur la
nomination des membres de la régie, soit amendé de la même
façon que l'article 58 de la Charte des droits et libertés de la
personne, c'est-à-dire que les membres de la régie soient
nommés avec l'approbation des deux tiers des membres de
l'Assemblée nationale. Puisque la régie doit dépendre des
normes de la communauté dans l'accomplissement de cet aspect de son
mandat, il convient à la communauté québécoise de
participer d'une façon aussi directe que raisonnable à la
nomination de ceux qui détermineront ces standards. Ce mécanisme
de nomination s'est avéré efficace dans le cas de la Commission
des droits de la personne. On ne pourrait qu'augmenter la confiance du public
envers les personnes choisies pour entreprendre cette responsabilité
importante conférée par la régie.
L'article 79. Malgré l'intention légitime qui motive la
formulation de l'article 79, de telles dispositions pourraient en pratique
retarder d'une façon significative ou restreindre l'accès du
public québécois aux films en versions autres que
française. L'intervention législative qui porte sur le domaine de
la liberté d'expression devrait aller du côté de la
prévention en protégeant l'éventail complet de la
dissémination des idées. Mais si on ne peut pas prédire
avec certitude l'effet qu'auront les dispositions de l'article 79 sur les
réseaux de distribution des films en versions autres que
française au Québec, Alliance Québec ne peut pas donner
son appui à un mécanisme qui, de par sa nature même, peut
mettre en danger l'accès des Québécois aux films en
versions autres que française.
Notre point de vue est que l'objectif des dispositions devrait se
poursuivre par un moyen incitateur direct pour améliorer le processus
d'accès du Québécois aux versions françaises de
films non français. La forme précise de ce moyen incitateur
serait mieux déterminée par ceux qui sont plus au courant de la
distribution des produits cinématographiques. Cependant, le moyen
incitateur, par exemple, pourrait revêtir simplement la forme d'une
subvention par la Société
générale du cinéma et de la vidéo, à
l'intérieur de son mandat d'assistance financière, dans le but de
couvrir une partie ou la totalité des coûts de préparation
des versions françaises de films en langue autre que le français.
Ces coûts pourraient être des prêts recouvrables par la
société à partir des revenus de distribution.
Quelles que soient les modalités, Alliance Québec
recommande que le système proposé à l'article 79 soit
remplacé par un mécanisme quelconque, des moyens incitateurs
directs pour une distribution de pointe en langue française de films non
français, ce qui ne met pas en danger l'accès à de tels
films.
En somme, nous avons une très sérieuse
préoccupation quant à l'accès des films et quant à
la restriction à l'accès des films. Je ne pense pas que ce soit
l'accès des films qui soit le problème comme le fait que le
principe de la restriction va, à notre avis, à l'encontre de la
liberté d'expression.
Quant à l'incitation, nous croyons finalement qu'il devrait y
avoir des moyens, des mécanismes pour promouvoir la traduction des
films. Évidemment, en aucune façon, nous ne sommes en faveur de
films auxquels la collectivité francophone du Québec n'aurait pas
accès. Nous sommes en faveur de la traduction des films.
Quant à la question des jours, je voudrais seulement vous donner
un exemple à savoir à quel point la question des 60 jours peut
avoir un effet. Par exemple, s'il y a un film qui est distribué à
Montréal, en premier lieu, pendant trois ou quatre semaines, les 60
jours commencent déjà à compter. Évidemment,
pendant le temps que les films passent dans les autres communautés
anglophones du Québec - et nous avons quand même des
communautés anglophones dans les Cantons de l'Est, la Gaspésie,
la Côte-Nord, l'Outaouais et la région de Québec -
ça ne laisse pas beaucoup de temps et il se peut, effectivement, que des
régions soient affectées. Sans entrer dans le débat du
nombre de jours, notre représentation se fait de façon à
favoriser la promotion des films plutôt que leur restriction.
Aux articles 87 et suivants, en ce qui a trait à la section II du
chapitre III du projet de loi, qui porte sur les permis, nous faisons les
commentaires suivants. Bien qu'il n'y ait pas d'objection possible à se
doter d'un mécanisme approprié pour accorder des permis, pour
assurer un degré de supervision des exploitants, des distributeurs et
des producteurs, les conditions d'obtention de tels permis devraient être
définies d'une façon précise pour éviter l'abus
potentiel de la discrétion administrative résultant en des
restrictions dans la dissémination d'idées par le médium
du film. On suppose que le mécanisme des permis entend servir comme
mécanisme administratif surtout pour assurer le suivi des normes qui
feront la promotion plutôt que la restriction de la production, la
distribution ou l'exploitation de films au Québec, de façon
à protéger l'accès du public au cinéma.
En ce qui a trait au permis du producteur, proposé aux articles
103 et suivants, on peut s'interroger à savoir s'il est approprié
de demander au producteur de fournir à la Régie du cinéma
et de la vidéo un rapport annuel d'activités, sans que
l'étendue d'un tel rapport soit sévèrement restreinte.
Pour ce qui est du permis du distributeur, proposé aux articles 94 et
suivants, il appert que l'insertion du paragraphe qui suit le paragraphe 3 de
l'article 97 crée le résultat non intentionnel de demander qu'un
actionnaire corporatif d'un distributeur respecte les 80% de
propriété canadienne, sans égard au pourcentage d'actions
détenues par cet actionnaire.
En somme, ce n'est pas notre prise de position à propos de cette
question, cela a peut-être été porté à votre
attention avant. Dans la préparation de notre mémoire, il
semblait y avoir une certaine confusion quant au contenu de
propriété canadienne (Canadian Ownership) au point de vue de
l'actionnaire corporatif. Supposons que vous ayez une compagnie à 90% ou
99% canadienne et 1% américaine ou qui ne satisferait pas aux
dispositions des paragraphes 2 et 3, est-ce que c'est vraiment dans l'esprit de
la loi? C'est simplement un point de clarification que nous voulons porter
à votre attention.
En ce qui a trait au permis de tournage, il est à espérer
que le mécanisme de permis ne soit pas appliqué de façon
arbitraire, empêchant les producteurs étrangers de se servir du
Québec comme emplacement de tournage de leurs films.
En conclusion, évidemment, nous crayons que cette loi
mérite l'appui de tous les Québécois. The aims of la Loi
sur le cinéma et la vidéo are worthy of the support of all
Quebeckers. Provided that the scope of the legislation is appropriately limited
or clarified in certain areas as stated above, these aims can be achieved on
the basis of a scrupulous respect for, and encouragement of free expression and
access to ideas.
M. le Président, avant que l'on passe à la période
de questions, je voudrais remercier c'est toujours bon de faire des
remerciements avant la période de questions - la commission
parlementaire de nous avoir donné la possibilité de faire notre
présentation. J'ai suivi moi-même quelque peu le débat hier
soir. Je ne suis pas un expert dans le domaine de la culture, mais je peux vous
signaler qu'à mon avis votre commission fonctionne avec un esprit
très large, qui est digne du projet de loi que vous présentez. De
la part de mon groupe et de la part de ma communauté, la
communauté
anglophone du Québec, je tiens à vous remercier de cette
occasion de rencontre et de ce privilège. Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci beaucoup. M. le
ministre?
M. Richard: M. le Président, je voudrais tout d'abord
remercier Alliance Québec et, en particulier, celui qui
représente le groupe aujourd'hui, M. Parisella. Je pense que vous nous
avez apporté une contribution intéressante et je vous remercie
aussi de l'appui que vous apportez au projet de loi et aux objectifs poursuivis
par ce projet de loi.
Je voudrais, si vous me le permettez, dissiper immédiatement
certaines inquiétudes et engager, ne serait-ce que quelques minutes, le
dialogue avec vous sur une interrogation que vous formulez dans votre
mémoire. Je voudrais dissiper vos inquiétudes en ce qui a trait
à l'article 3 sur la définition de "production
québécoise" ou de "cinéma québécois". Je
voudrais vous rappeler que les critères existent déjà, ils
sont publiés et retenus dans le choix des programmes fait par l'Institut
québécois du cinéma. Je parle des critères visant
à déterminer ce qu'est un film québécois. Je pense
que vous pourriez vous réconcilier assez facilement avec les
critères retenus par l'Institut québécois du cinéma
qui ne posaient pas de problèmes et qui dissiperaient, au contraire,
toutes les inquiétudes que vous pourriez avoir à cet
égard.
J'en profite, non pas pour déposer, parce qu'on ne peut pas le
faire en commission parlementaire, mais pour remettre aux membres de la
commission parlementaire le contenu des différents programmes - c'est
Mme la députée de L'Acadie, je crois, qui avait formulé la
demande hier - existants à l'Institut québécois du
cinéma. Justement, on y définit ce qu'est une production
québécoise. Dans mon esprit, en tout cas, l'article 3 ne saurait
aller plus loin que ce qui est contenu déjà dans la
définition qu'en donne l'Institut québécois du
cinéma. J'en profite donc pour vous remettre le texte.
J'ai maintenant une observation à faire en ce qui a trait
à l'article 79. L'objectif de l'article 79, objectif que vous
reconnaissez d'ailleurs d'emblée, c'est de permettre la sortie en
version française de films qui sont projetés au Québec en
version anglaise ou en d'autres langues. Ce qu'il faut se rappeler, cela est
très important, M. Parisella, pour les fins de mon propos, c'est que
très souvent la version française de ces films existe
déjà mais n'est pas utilisée pour toutes sortes de raisons
que, je l'espère, on pourra nous expliquer plus tard au cours de ces
séances. On retarde indûment la sortie en version française
des films, version qui existe déjà. Je pourrais vous donner de
multiples exemples de films qui sont sortis en français à Paris
trois mois, six mois, voire un an avant leur sortie en langue française
au Québec. On pourrait parler longuement des raisons qu'on peut deviner
derrière cette statégie de marketing. Vous imaginez que, dans de
pareilles conditions, retenir votre recommandation d'avoir des incitatifs
fiscaux, ou même - vous utilisez le mot "octroi" - des subventions pour
des firmes qui possèdent déjà la version française
uniquement pour leur dire: Écoutez, on va vous payer pour que vous
projetiez au Québec la version que vous possédez
déjà, ce serait un peu indécent. Je pense que vous ne
seriez pas d'accord pour qu'on agisse ainsi. (15 h 45)
D'autre part, pourquoi devrions-nous payer des firmes qui, malgré
tout, exploitent leurs films au Québec, le plus souvent, je suppose -
puisque ça fait des années et des années que cela existe -
avec profit? Pourquoi devrions-nous payer, par exemple, pour qu'on puisse
traduire au Québec E.T.? Vous imaginez bien qu'il n'y a pas un pays dans
le monde qui serait d'accord pour payer pour faire en sorte que des firmes qui
exploitent avec profit - et c'est normal -des films sur un territoire
donné soient subventionnées pour produire une version dans la
langue du pays où elles exploitent un film, surtout quand on sait que,
le plus souvent -et j'insiste là-dessus - cette version française
existe déjà. Vous imaginez bien que, s'il y avait une autre
solution, on pourrait l'adopter assez facilement. Ce qu'on recherche
essentiellement, ce n'est pas de priver qui que ce soit de voir des films dans
quelque langue que ce soit. Au contraire. Tout l'objectif du projet de loi vise
à faire en sorte que le territoire québécois reste
essentiellement ouvert sur le cinéma international, le cinéma
mondial, qu'il reste un marché très ouvert et que les
cinéphiles du Québec aient accès à un cinéma
varié, de qualité et à un cinéma qui s'ouvre sur le
monde entier. Mais, pour cela, il faut malheureusement adopter des mesures
législatives, sans quoi on n'y parviendra pas.
M. Parisella: Sur cette question, je peux vous dire
qu'évidemment, comme nous l'avons indiqué dans le mémoire,
nous sommes en faveur de toutes les formes d'incitation qui pourraient forcer
les compagnies que vous mentionnez pour que les films soient distribués.
Je trouve qu'il est anormal que cette situation existe.
Par contre, M. le ministre des Affaires culturelles, notre point de vue
vient surtout du fait que nous ne croyons pas que la communauté
anglophone doit être pénalisée dans l'atteinte de
l'objectif que vous mentionnez qui est d'ailleurs un objectif noble. Quant
à moi, de la façon qu'on a présenté ce
mémoire, on n'a pas "entériné"
le débat sur le nombre de jours, je pense que je l'ai
signalé, mais, pour nous, le principe fondamental est qu'il n'y ait pas
de restriction de façon qu'une communauté soit
pénalisée directement. Je pense qu'il doit y avoir une
façon... Je ne sais pas si tous les intervenants dans l'industrie
peuvent apporter des solutions beaucoup plus précises et beaucoup plus
réalistes que celles qu'on apporte, parce que nous basons notre
argumentation sur un principe. Quant aux modalités du principe et
à son application, je conviens qu'il y a sûrement des experts
autres qu'Alliance Québec. Mais, malgré tout cela, on ne peut pas
faire de recul sur le principe parce que, pour nous, cela veut dire qu'une
communauté est effectivement choisie comme étant une cible et,
pour nous, cela ne fait pas partie de la façon que nous voyons l'avenir
du non-francophone au Québec. Je fais simplement appel à
l'imagination du gouvernement et des législateurs pour trouver une
solution qui pourrait atteindre l'objectif, régler le problème
que vous avez signalé tout en respectant le principe que nous avons
évoqué dans notre mémoire.
M. Richard: M. Parisella, je voudrais juste vous rappeler que ce
n'est pas à proprement parler le gouvernement ni le ministre des
Affaires culturelles qui sont les auteurs de l'article 79. L'article 79 a
été une recommandation unanime d'un comité d'étude
qui s'appelait...
M. Marx: ...
M. Richard: ...le comité Fournier à qui nous
avons... Pourquoi attaquer, M. le député de D'Arcy McGee, les
membres de la commission d'étude?
M. Marx: Ce n'est pas une attaque, c'est juste une
constatation.
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Richard: Je n'ai nommé aucune... Oui, j'en ai
nommé une sur cinq, excusez.
M. Marx: Question de règlement.
Le Président (M. Gagnon): Question de règlement, M.
le député de D'arcy McGee.
M. Marx: Je veux juste signaler au ministre que la commission a
fait beaucoup de suggestions. Il n'a pas retenu toutes les suggestions de la
commission, il a retenu ce qu'il a voulu retenir.
Le Président (M. Gagnon): Ce n'est pas une question de
règlement. Vous aurez l'occasion de prendre la parole tantôt. M.
le ministre, vous avez la parole.
M. Richard: Je voudrais vous rappeler que c'est la commission
Fournier qui, unanimement... Nous nous sommes adressés à des
experts, à ceux qui possédaient l'expertise pour faire une
recommandation pour régler enfin le problème. Et voilà que
des experts, représentant tout le milieu du cinéma, des
producteurs, des réalisateurs de la télévision, nous
disent: La solution au problème, c'est l'article 79 qui mettra un terme
à la discrimination dont sont victimes les Québécois
francophones. C'est cette recommandation que nous avons adoptée et que
nous avons ensuite traduite dans un projet de loi.
M. Parisella: Disons encore, pour ne pas "entériner" les
débats, que je conviens avec vous et je ne discute pas des
recommandations de la commission d'étude dont vous faites mention. C'est
simplement... Ou encore vous faites référence à des gens
du milieu de l'industrie, ce que nous recommandons de faire effectivement, sauf
que malgré tout cela il devrait y avoir une espèce de
reconnaissance que c'est quand même une restriction au principe
fondamental de la liberté d'expression, en ce qui nous concerne. C'est
simplement cette dimension qu'on tient à apporter à l'attention
du législateur. Quant aux 60 ou 120 ou 200 jours, je ne suis pas expert
dans ce domaine, et je ne crois pas que mon collègue le soit. Mais nous
croyons quand même qu'on ne peut pas régler une discrimination
évidente comme celle que vous avez signalée en incluant une
discrimination possible. Bien, il y a une discrimination. S'il y a un groupe
à qui l'accès sera prohibé à un moment
donné, il y a une discrimination.
M. Richard: Non, en tout cas, ce n'est pas...
M. Parisella: Ce n'est pas votre définition de la
discrimination.
M. Richard: Vous pouvez être assuré que ce n'est pas
l'objectif qu'on poursuit.
M. Parisella: Non. Je sais que ce n'est pas un objectif,
d'accord.
M. Richard: Et on ne pense pas que cela donnera ce
résultat. En tout cas, j'espère que cela ne donnera jamais ce
résultat.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Notre-Dame de Grâce.
M. Scowen: Je veux d'abord remercier M. Parisella et Alliance
Québec pour avoir présenté ce mémoire. Il a
été très modeste
dans ses paroles lorsqu'il a décrit le travail qui était
effectué par Alliance Québec depuis maintenant quelques mois.
J'espère que le gouvernement va non seulement remercier Alliance
Québec pour le mémoire, mais qu'il donnera suite à
quelques-unes des suggestions. Ils avaient déjà une
expérience semblable avec les revendications qu'ils ont faites
auprès du premier ministre concernant la loi 101. Cet organisme a
proposé six modifications qui étaient appuyées, je pense,
par une grande majorité de la population, et les six ont
été rejetées du revers de la main par le premier ministre.
Je pense que c'est évident que c'est un groupe modéré qui
fait des efforts sérieux pour encourager l'intégration de la
communauté anglophone et de la communauté francophone en
créant des ponts entre les deux. Ils ont besoin d'encouragement.
J'espère que le ministre ne va pas réserver le même sort
à leurs recommandations que celui que le premier ministre a
réservé récemment dans un autre cas.
Je pense qu'il y a plusieurs aspects très intéressants
dans le mémoire d'Alliance Québec. Si vous me le permettez, je
veux aller juste un peu plus loin dans cette question de l'article 79 parce
qu'à ma connaissance, il n'a pas été abordé dans
ses détails jusqu'ici à la commission.
Si je comprends la position du ministre, et je cite à peu
près ce qu'il a dit au journal The Gazette qui était...
C'était dans le journal, ce matin. Il a dit que ces restrictions
proposées dans l'article 79 n'auront, à toutes fins utiles, aucun
effet sur la diffusion des films anglais au Québec quant à la
quantité et le moment où ils seront diffusés.
Je pense que je peux dire, au nom d'Alliance Québec et
certainement au nom de tous les Québécois qui ne sont pas
francophones que, si c'est possible de rédiger un texte de loi qui, dans
son application, aura pour effet d'ajouter des films qui sont disponibles en
français et en même temps qui n'ont aucun effet sur la
disponibilité des films en anglais ou dans les autres langues, on serait
d'accord à 100%. Parce que je suis complètement d'accord avec le
ministre pour dire que le Québec est à 81% ou 85% francophone. Il
va de soi que nous avons la responsabilité d'encourager les
distributeurs des films à présenter les films en langue
française. Si le gouvernement du Québec ne s'occupe pas de cette
question, qui le fera? Alors, d'accord.
Mais il est difficile dans mon esprit que vous puissiez rédiger
un texte de loi qui créera seulement des avantages; il y aura aussi des
inconvénients. Si c'est le cas cette fois-ci, tant mieux, on
l'acceptera. Mais je pense que le ministre a la responsabilité de
démontrer que c'est le cas. Je veux seulement brièvement lui
poser une question, ou à M. Parisella, parce que M. Parisella, dans son
mémoire, prétend qu'Alliance Québec aura, à cause
de l'article 79, des délais. C'est peut-être aller un peu plus
loin dans la plomberie, mais c'est pour qu'on puisse faire un petit pas en
avant dans cette question.
Si je comprends bien, le distributeur d'un film de langue anglaise ou de
langue italienne ou de n'importe quelle autre langue aura trois choix. Je
prendrai l'exemple des films de langue anglaise parce que c'est clair que c'est
cet aspect qui est le plus important. Il peut décider de
présenter les deux films doublés en français et en anglais
en même temps dans un nombre illimité de copies. Si je comprends
bien, dans l'esprit de plusieurs de ces distributeurs de films, ils attendront
possiblement que le doublage soit fait en France, si c'est un grand film, parce
qu'ils savent que, pour que ce film soit présenté en France, il
faut qu'il soit doublé en France. Cela n'a pas de bon sens de le faire
doubler à Québec pour le marché français du
Québec et, par la suite, en France pour le marché
français. Alors, il dira: Le Québec accepte le doublage
français. Les Français n'acceptent pas le doublage
québécois. Donc, j'attendrai le moment où le film sera
rendu public en France pour le présenter en anglais ou en
français au Québec. Peut-être que cette question n'est pas
claire, mais je pense que le ministre comprendra. C'est une question que je
trouve importante. C'est possible que le Québec devienne une filiale de
l'industrie de doublage français, non seulement dans le cas des films
français, mais dans le cas de la version originale anglaise à
cause de l'article 79.1. Donc, si le distributeur veut quand même
présenter le film en version anglaise immédiatement, il a le
droit de le présenter, selon le sous-article 2, s'il produit un contrat
avec une compagnie de doublage québécoise, au moment où il
demande le visa pour le Québec. C'est une possibilité, mais il
sera obligé de se rendre compte que ce film doublé au
Québec ne peut pas être diffusé en France. Alors, je vois
une utilisation limitée du deuxième article ou sous-article de
l'article 79.
Finalement, vous avez la troisième possibilité, celle des
films dont le distributeur pense probablement, au départ, que le
marché ne sera jamais assez intéressant pour justifier un
doublage. Il le présente pendant 60 jours et si, par hasard, cela marche
mieux que prévu, il peut toujours retourner au sous-article 2 et
présenter un contrat de doublage, ou il peut attendre après 60
jours et espérer que le marché sera épuisé et, par
la suite, retirer le film du marché. Je vois déjà trois
possibilités au moins de choses qui peuvent retarder et même
empêcher les films en version originale anglaise d'être
présentés ici.
Premièrement, le cas des grands films où les distributeurs
vont décider que la distribution en anglais doit attendre la diffusion
de la version française en Europe, et ça pourrait prendre un,
deux, trois, ou six mois avant qu'ils soient présentés au Canada.
Donc, c'est possible qu'on puisse se trouver dans la situation où les
grands films anglais ne sont pas disponibles au Québec en anglais en
même temps qu'ils sont disponibles en Ontario. Ils vont effectivement
décider que, pour l'avenir, le Québec fait partie du
marché européen pour les grands films où, très
souvent, les films apparaissent un peu après qu'ils ont paru au Canada
et en Amérique du Nord. (16 heures)
Une deuxième possibilité, c'est que les films vont arriver
ici pour 60 jours et, à cause de ce tunnel dans lequel ils sont
obligés d'entrer pour 120 jours - le tunnel est de 180 jours, je pense -
après 60 jours, ils disparaissent du marché pour
réapparaître après. Je me pose la question à savoir
s'il existe un marché après 60 jours qui justifie que cela soit
présenté encore pendant une semaine ou deux ou trois. Est-ce que
ce n'est pas vrai que ces films doivent disparaître du marché
pendant cette période? Si oui, pourquoi?
Finalement, en ce qui concerne ces films qui ne justifient pas une
présentation dans les deux langues, qu'est-ce qui arrivera avec un film
pour lequel le distributeur trouve une salle, disons, dans le centre de
Montréal; il présente la première version, la
première copie, le chronomètre se met en marche dès ce
moment, mais, un mois après, une autre salle devient disponible dans le
nord de Montréal, sur la rive sud? Si je comprends bien, le
chronomètre était déjà en marche il y a 30 jours et
on risque de se trouver avec un film qui est disponible dans une salle pour une
période beaucoup plus limitée que les 60 jours.
Je termine en disant que je n'ai pas exploré tous les aspects
possibles des problèmes qui pourraient être causés par
cette série de règles assez compliquées. Mais c'est clair
dans mon esprit qu'il y a des possibilités que le ministre n'ait pas
raison quant aux revendications disant ceci: Les restrictions ne feront aucune
différence sur les disponibilités des films en version
anglaise.
Quand il a répondu à M. Parisella tantôt, il a mis
l'accent sur un autre aspect que j'ignorais. Il disait: Le problème, ce
ne sont pas les films qui ne sont pas doublés. Le problème, ce
sont les films qui sont déjà doublés. Je ne vois aucune
objection, quant à moi, à dire dans une loi ou un
règlement que, s'il existe une version française d'un film dans
une langue autre que française, au moment où ce film est
diffusé au Québec, il faut que les deux versions soient
diffusées en même temps. Si, effectivement, le problème
qu'il essaie de régler, c'est le problème de diffusion
simultanée des films qui existent déjà dans les deux
langues, si c'est cela le but, on peut rédiger un projet de loi dans ce
sens.
Pour toutes ces raisons et un paquet d'autres que je pense ne pas
comprendre, parce qu'il y a beaucoup d'inconnu dans les conséquences de
cette affaire, je demande au ministre ou à M. Parisella, si vous
préférez, d'expliquer davantage ce point.
M. Richard: M. le Président...
Le Président (M. Gagnon): Avant de vous laisser la parole,
à vous ou à M. Parisella, je vous ferai remarquer qu'il faudrait
peut-être raccourcir un peu les interventions, parce que cela prendra un
certain temps. J'ai encore six intervenants en avant et vous avez pris quinze
minutes pour poser votre question. Vous avez le droit de le faire. J'aimerais
qu'on aille un peu plus rapidement, notre heure est déjà
terminée.
M. Richard: M. le Président, je serai très bref,
parce que j'aurai l'occasion de revenir plus tard là-dessus. Je voudrais
simplement signaler au député de Notre-Dame-de-Grâce, qui
s'est exprimé quand même avec une sérénité de
bon aloi, qu'il a fait un petit oubli - involontaire bien sûr -en ce qui
a trait à l'article 79. Le sous-titrage est prévu...
M. Scowen: ...aller voir le sous-titrage au Québec.
M. Richard: Comme le sous-titrage est prévu, toutes les
objections que vous avez soulevées tombent, puisque le sous-titrage ne
coûte pas cher, qu'il est facile à faire et... Oui, mais quand
même, on leur donne... Mme la députée de L'Acadie, vous me
dites: Ce n'est pas fameux. On donne la possibilité de faire le
sous-titrage, et demandez à un très grand nombre de personnes qui
sont allées voir le film Gandhi qui n'auraient pas
apprécié qu'il y ait du sous-titrage. Je reconnais
d'emblée que l'immense majorité des citoyens
québécois, évidemment ceux qui ne sont pas parfaitement
bilingues, préfèrent le doublage. D'autres
préfèrent, les grands cinéphiles bilingues
préfèrent le sous-titrage. Mais le sous-titrage est prévu
là-dedans. Il faut donc être de mauvaise foi pour refuser de faire
le sous-titrage. Il y a une façon d'éviter, d'échapper aux
autres rigueurs de l'article 79 uniquement en sous-titrant les films. On en
est, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, au point
où maintenant, au Québec, on sous-titre en anglais avant de
présenter en français des films étrangers.
En pleine ville de Québec, ici même, à
côté du parlement, vous ne pouvez pas voir de film en
français, mais vous pouvez voir des films allemands sous-titrés
en anglais.
M. Scowen: Pourquoi?
M. Richard: ...parce que c'est le monopole de ceux qui exploitent
le cinéma au Québec.
M. Scowen: Mais pourquoi ils font cela? Parce que c'est plus
rentable? Les gens préfèrent cela?
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît: M. le ministre.
M. Richard: Alors, vous aurez l'occasion, M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce, de revenir là-dessus.
Encore une fois, il est important de signaler que si, au moins, il y avait le
sous-titrage, cela permet d'échapper aux rigueurs d'autres lois. Donc,
on ne peut pas nous taxer de vouloir embêter les gens. On dit: Tout ce
que vous avez à faire, c'est de sous-titrer au moins en attendant.
L'autre problème est majeur aussi et cela répond en même
temps à cela. C'est que le plus souvent, encore une fois, on
possède la version française. Elle existe. Elle est
présentée ailleurs qu'au Québec. Mais au Québec,
les films, comme je le rappelais dans la déclaration d'ouverture, ont
une double carrière. Gandhi va avoir une double carrière à
Québec, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. E.T. a
eu une triple carrière. Mes propres enfants sont tous allés voir
E.T. deux fois. Une fois en anglais...
M. Scowen: Ils sont allés trois ou quatre fois.
M. Richard: ...malheureusement, ils n'ont pas compris. Ils sont
retournés le voir une fois qu'il a été doublé en
français. C'est fait uniquement pour ponctionner deux fois les
cinéphiles québécois. C'est ça que cela veut
empêcher. Essentiellement, c'est cela.
M. Scowen: Une question très courte. Est-ce que vous
croyez qu'en dépit de tout cela...
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît! M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, une
très courte question; est-ce que vous l'avez terminée?
M. Scowen: Est-ce que vous...
Mme Lavoie-Roux: M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce a le droit d'intervenir au moins 20 minutes. Je ne
vois pas pourquoi tout le monde proteste.
Le Président (M. Gagnon): Absolument.
Mme le députée de L'Acadie, j'accepte votre question de
règlement, excepté qu'on s'est entendu sur 20 minutes de chaque
côté pour poser des questions. Alors, je me rends compte
qu'actuellement le député de Notre-Dame-de-Grâce a presque
épuisé les 20 minutes de votre côté. Je n'ai aucune
objection à lui céder la parole pour les deux ou trois minutes
qui restent.
M. Scowen: Est-ce que le ministre prétend encore que cette
loi n'aura aucun effet sur la disponibilité des films en anglais?
M. Richard: Si ceux qui exploitent le cinéma au
Québec sont de bonne foi, non.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: Moi, ma question s'adresse aux représentants
d'Alliance Québec. En fait, pour faire une parenthèse courte,
effectivement, il y a à l'affiche, exclusivement pendant des mois, des
films... Je sais, par exemple, avoir vu E.T. en anglais avec ma fille, parce
qu'il y a un tel marketing qu'on ne peut pas y échapper, et on y
retourne en français. Effectivement, comme consommatrice, il se trouve
qu'il y a une ponction qui est faite sur les cinéphiles
québécois qui sont mis en situation de voir un film deux fois.
Qu'on retourne voir le même film deux fois parce qu'on en a le
goût, oui. Mais qu'on y soit obligé, je pense que cela se
présente fort différemment.
Ma question s'adresse aux représentants d'Alliance Québec
pour les amener peut-être, parce qu'ils ont une préoccupation qui
était évidente dans leur mémoire, à bien
préciser les termes. Notamment, vous demandiez des précisions
concernant le cinéma québécois, ou concernant la
définition des termes "films québécois". Moi, je vous
demanderais... À la page 3 de votre mémoire, dans le dernier
paragraphe, quand, par exemple, vous recommandez que l'institut, la
régie, la société qui seront créés à
la suite du projet de loi, vous invitez le gouvernement à y faire
siéger un représentant non francophone. Je vais vous demander de
préciser le terme, parce qu'à ce que je sache il y a de nombreux
concitoyens qui sont d'origine grecque, portugaise ou italienne et qui sont
francophones. Quand vous dites "non francophone", vous ne voulez quand
même pas signifier par là que les communautés culturelles
québécoises sont non francophones? À qui faites-vous
référence quand vous dites "non francophones"? Est-ce qu'il
s'agit d'autres que les Canadiens français? Je ne le pense pas.
M. Parisella: Non.
Mme Harel: Parce que bon nombre de nos concitoyens des
communautés culturelles sont francophones.
M. Parisella: D'accord. Je pense que votre question est
excellente.
Le Président (M. Gagnon): M. Parisella. M. Parisella:
Vous me permettez? Le Président (M. Gagnon): Oui.
M. Parisella: Elle mérite sûrement une
réponse précise. Dans le contexte où nous utilisons les
mots "non francophone", évidemment, nous reconnaissons qu'il y a des
communautés culturelles qui ont comme première langue de
communication, dans le contexte nord-américain, le français. Nous
le reconnaissons. Donc, nous ne prenons pas la position que tous les groupes
des communautés culturelles font partie de la communauté
anglophone du Québec. Quand on dit "non francophones", on parle de
personnes italiennes ou grecques ou de différentes autres
communautés culturelles dont la première langue de communication,
autre que la langue d'origine, est l'anglais.
Donc, c'est une définition plus large que celle que le
gouvernement semble donner à certains moments à la
communauté anglophone, mais c'est plus restreint que de dire que toute
personne qui est d'origine autre que canadienne-française fait partie
des non-francophones. Non, ce n'est pas la question. Nous demandons une
représentation d'une personne qui peut être grecque ou italienne
ou anglaise, dont la première langue de communication, autre que la
langue d'origine, se trouve à être l'anglais.
Mme Harel: Vous auriez peut-être intérêt
à mieux définir cela en utilisant les termes "communauté
culturelle".
M. Parisella: Oui.
Mme Harel: Parce que l'appellation "non francophone" est
certainement très inadéquate dans les circonstances.
M. Parisella: Oui.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Simplement sur ce point, je pense qu'il est reconnu
qu'il y a deux peuples fondateurs au Canada et que les immigrants se greffent
à l'un ou à l'autre. En venant vivre au Canada, on devient soit
francophone, soit anglophone. Je pense que c'est évident. Il y a des
immigrants italiens qui viennent au Canada et qui deviennent des francophones.
Il y en a d'autres qui deviennent des anglophones. Je trouve que l'expression
"communauté culturelle", n'est pas exacte. De toute façon, on va
faire ce débat à un autre moment.
Le Président (M. Gagnon): C'est une très bonne
idée.
M. Marx: C'est une très bonne idée. Merci, M. le
Président. De toute façon, je trouve cela un peu péjoratif
quelquefois de parler des communautés culturelles. Il y a des gens qui
sont ici depuis deux siècles déjà et ce sont encore des
Grecs. C'est encore de la responsabilité du ministre des
Communautés culturelles et de l'Immigration de répondre à
leurs besoins, etc.
Quant à l'article 79 sur le doublage, tout le monde est d'accord
que les films devraient être disponibles en langue française.
C'est un objectif louable, noble. Notre porte-parole, le député
de Saint-Henri, a déjà dit que nous sommes d'accord sur ce but
dans la loi.
M. Parisella a dit que la loi ne vise pas à diminuer les droits
et les libertés des Québécois. Je suis d'accord, mais,
quand il a dit cela, il ne s'agissait pas de diminuer seulement les droits des
anglophones au Québec. Il y a aussi des francophones au Québec
qui verront leurs droits diminuer. Je pense à l'article de Mme Lysiane
Gagnon, dans la Presse du 21 décembre 1982 sur les films au
Québec. Je peux demander qu'on en fasse des copies pour les membres de
la commission. Elle a dit dans cet article que, si la loi est adoptée
telle quelle, le Québec va devenir ce qu'on appelle en anglais un
"back-water" en ce qui concerne l'industrie du film. C'est-à-dire que ce
serait une région de troisième zone, si la loi était
adoptée telle quelle. En ce moment, c'est une région de
première zone.
Un instant, M. le Président. Le ministre a beaucoup
simplifié quand il a parlé du doublage. Je ne sais pas si
c'était conscient ou inconscient. Le sous-titrage, cela ne marche pas au
Québec. À Chicoutimi, personne ne va voir vraiment les films
sous-titrés. Le problème de doublage est beaucoup plus
compliqué que le ministre ne le laissait entendre. J'aimerais lire un
passage que j'ai trouvé dans le mémoire de l'Association
canadienne des distributeurs de films - je vais faire une lecture assez rapide
- où on donne à titre d'exemple des titres de films... (16 h
15)
Le Président (M. Gagnon): Je vous demanderais, M. le
député, d'aller très rapidement parce que
réellement on a dépassé le temps. Il y a encore beaucoup
d'intervenants et je me demande si on n'est pas en train de faire un
débat de deuxième lecture plutôt que d'entendre les
invités ici répondre aux questions. On est censé
maintenant poser des questions à nos invités.
Alors, très très rapidement.
M. Marx: Oui, je vais juste lire cela à titre
d'exemple.
M. Champagne: Question de privilège.
Le Président (M. Gagnon): II n'y a pas de question de
privilège.
M. Marx: II n'y a pas de question de privilège.
M. Champagne: J'ai une demande d'information.
Le Président (M. Gagnon): Question de
règlement?
M. Champagne: Question de règlement. Comme ce
mémoire n'a pas encore été présenté par le
groupe, ne serait-il pas mieux, M. le député de D'Arcy McGee, de
le lire et de le commenter au moment où les gens vont le
présenter?
M. Marx: D'accord, je ne le lirai pas. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Gagnon): Effectivement, je
préférerais cela et je voudrais que vous terminiez le plus
rapidement possible pour laisser la chance aux autres membres de la commission
de poser des questions.
M. Marx: Que le député de Mille-Îles me
laisse dire dans mes mots ce que je veux dire, au lieu de me dire ce que je
peux lire et ce que je ne peux pas lire. Ce n'est pas à lui de
décider. À titre d'exemple, M. le Président...
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Mille-Îles posait la question au président aussi.
M. Champagne: Oui.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Mille-Îles.
M. Champagne: Vous avez devant vous le mémoire d'un groupe
qui va se présenter éventuellement. Alors, ne serait-ce pas bon
-je pose la question - d'attendre?
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Mille-Îles, vous aviez posé votre question de règlement et
je suis entièrement d'accord que, s'il y a un extrait de mémoire
à lire, on aura l'occasion de discuter de ce mémoire lorsque nos
invités viendront.
M. Marx: M. le Président, question de règlement. Il
y a des sujets qu'on trouve dans chacun des mémoires. Est-ce que c'est
le député de Mille-Îles qui va décider quand il faut
discuter de tel ou tel sujet qui se trouve dans les mémoires? Si on
règle le problème maintenant, il ne sera pas nécessaire de
discuter de cette question en profondeur lorsqu'on arrivera à d'autres
mémoires.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee, le député de Mille-Îles a tout simplement
soulevé une question de règlement et il m'a demandé,
à moi, de trancher. Alors, je suis entièrement d'accord avec ce
qu'on a soulevé. Ce n'est pas le député de
Mille-Îles qui décide. On aura l'occasion de discuter de ce
mémoire lorsque les invités viendront le présenter. Alors,
je voudrais que vous terminiez le plus rapidement possible pour donner la
parole à d'autres.
M. Marx: J'ai une opinion sur cette question de doublage.
J'aimerais vous donner des titres de certains films distribués au
Québec par les membres de l'association des "majors" qui ont connu des
succès importants en version anglaise au cours des trois
dernières années et qui n'ont jamais été
disponibles en français. Je donne, par exemple "Deathtrap", "Personal
Best", "Man From Snowy River". Ces films n'ont jamais été
doublés parce qu'il n'y avait pas de marché suffisant en langue
française. Un film français, comme La fille prodigue, sorti en
France en septembre 1981, n'a jamais été joué au
Québec; Le faussaire, décembre 1981, jamais disponible ici et
ainsi de suite. J'ai toute une liste. C'est donc dire que c'est plus
compliqué que cela. Parce qu'un film existe en France, en langue
française, cela ne veut pas dire qu'il sera visionné au
Québec.
Le Président (M. Gagnon): Conclusion?
M. Marx: Ma conclusion, c'est que je suis sûr que le
ministre n'a pas visé à diminuer les droits de qui que ce soit,
soit les francophones ou les anglophones, ou les cinéphiles, etc. au
Québec. Mais ce n'est pas le but de la loi qu'il faut examiner, ce sont
les effets de la loi. On peut avoir un but louable, mais les effets peuvent
être néfastes. Et il n'y a aucune garantie ici, aucune indication
que Montréal et Québec ne deviendront pas des régions de
troisième ordre en ce qui concerne les films. J'aimerais avoir l'opinion
de M. Parisella sur cette question. Est-ce qu'Alliance Québec a vraiment
étudié cette question?
Le Président (M. Gagnon): M. Parisella, rapidement, s'il
vous plaît. Après quoi, je laisserai la parole au
député de Vachon. M. Parisella?
M. Parisella: Pardon? Je n'ai pas suivi le débat.
Le Président (M. Gagnon): Le député de
D'Arcy McGee vous a posé une question.
M. Parisella: Excusez-moi. Vous avez une question, M. le
député?
M. Marx: Je l'ai posée.
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre!
M. Marx: Mais, M. le Président...
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Vachon, vous avez la parole.
M. Marx: M. le Président, j'aimerais reposer ma
question.
M. Payne: Mr Speaker, I think that it is evident from the
questions that we have had this afternoon that perhaps the...
Le Président (M. Gagnon): Un instant. M. le
député de D'Arcy McGee. Voulez-vous reformuler votre
question?
M. Marx: La question, c'est que j'ai dit que j'étais
d'accord avec vous que le ministre ne vise pas à diminuer les droits de
qui que ce soit au Québec. J'imagine qu'il y a plus de francophones qui
voient des films anglais au Québec que d'anglophones - cela c'est un
autre problème - mais comment voyez-vous les effets de cette loi en ce
qui concerne le visionnement des films en anglais? Est-ce que cette loi va
diminuer le nombre des films disponibles en langue anglaise, si elle est
adoptée telle quelle?
M. Parisella: Votre question, en réalité, va un peu
au-delà de la portée de notre mémoire. Je pense que vous
demandez, plus ou moins, une évaluation, en somme, que les gens de
l'industrie sont mieux placés pour donner. Vraiment, nos
préoccupations, M. le député, c'est surtout la dimension
de restriction. Le ministre semble nous donner des assurances - il nous les a
répétées dans ses interventions - qui sont de nature
à ne pas limiter l'accès aux films. Je dois signaler, en passant,
que ce ne sont pas seulement les anglophones qui vont voir des films en
anglais, ce sont tous les Québécois. Pour nous, c'est le principe
qui est en jeu. Nous voyons des problèmes dans la loi telle qu'elle est
écrite à cause du fait que nous avons un certain nombre de jours
qui sont signalés. Si le ministre, après consultation
sérieuse - et je présume qu'elle est de cette nature-là -
peut nous assurer que la restriction ne sera pas limitée aux films,
à ce moment-là, nous sommes prêts à appuyer la
proposition. Pour le moment, nous avons des inquiétudes et,
évidemment, nous allons attendre de voir ce qui va sortir de cette
commission parlementaire pour voir si nos inquiétudes sont
fondées.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Vachon. Auparavant, je voudrais m'excuser auprès
de Mme la députée de Maisonneuve. Est-ce que vous aviez
terminé?
Mme Harel: Oui.
Le Président (M. Gagnon): Je sais que le
député de D'Arcy McGee a pris la parole, mais je me demande si je
la lui avais donnée.
Mme Harel: Je pense que oui. Mais, en fait, je pense bien que,
pour résumer, vous n'avez pas l'intention d'être
hégémonique à l'égard des communautés
culturelles en les attribuant uniquement au groupe linguistique anglophone.
C'est bien cela?
M. Marx: Après combien de générations?
Le Président (M. Gagnon): M. Parisella, vous avez la
parole.
M. Parisella: Je pense que, quand même, il faut aussi
apporter une autre petite précision. Quand nous parlons de films autres,
des films pour les communautés culturelles, évidemment, il y a
des films qui peuvent être dans une autre langue que la langue anglaise.
En somme, - et je pense qu'il faut que je précise les termes avec vous -
quand vous m'avez demandé tantôt comment je définissais un
non-francophone, je vous ai donné notre définition, mais, d'un
autre côté, dans notre mémoire nous faisons appel à
une reconnaissance de la diversité culturelle. Donc, cela n'inclut pas
seulement l'anglais et le français, cela en inclut d'autres. Pour
répondre à votre question de tantôt, pour nous, le
non-francophone que nous représentons, c'est le non-francophone dont la
première langue de communication au Québec, autre que la langue
d'origine, est l'anglais. Je ne sais si cela précise davantage?
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Vachon.
M. Payne: I will say a few words in English, Mr Speaker, because
the question of freedom of expression invariably comes up with the briefs which
are presented by Alliance Québec and I share many of your preoccupations
as you know. At the same time, I would like to put it into some kind of
perspective. I would like to suggest that the Member for D'Arcy McGee would
shut up because he has interrupted everybody else
for the last 20 minutes.
M. Marx: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee, question de règlement.
M. Marx: Question de règlement. Je demande au
député de Vachon de bien vouloir retirer ses paroles. Il m'a
interrompu quinze fois pendant que je parlais. Je n'ai jamais dit un mot. Si je
veux faire une remarque à mes collègues à
côté de moi, je suis bien libre de le faire.
M. Blouin: Soyez plus discret, M. le député.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Vachon, vous avez la parole.
M. Marx: M. le Président, je...
M. Payne: When we are talking about freedom of expression, I
think it is very important that we should talk...
M. Marx: M. le Président, je demande qu'il retire ses
paroles parce qu'elles ne sont pas parlementaires et que cela porte atteinte
à mes privilèges et à mes droits comme
député.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'arcy McGee...
M. Marx: Est-ce que vous avez décidé, M. le
Président?
Le Président (M. Gagnon): Oui, je laisse la parole au
député de Vachon.
M. Payne: I think that...
M. Marx: En vertu de quoi avez-vous décidé?
Avez-vous fait vérifier les règles de...
Le Président (M. Gagnon): S'il vous plaît! Je crois
que vous avez pris déjà passablement du temps de cette commission
pour l'étude de ce mémoire. Maintenant, la parole est au
député de Vachon.
M. Marx: Question de règlement, M. le Président.
Est-ce qu'on a droit, à cette commission, de dire n'importe quoi,
n'importe comment, comme l'a fait le député de Vachon?
M. Payne: Ce n'est pas une question de dire n'importe quoi. Vous
ne me laissez pas parler.
M. Marx: Mais est-ce que tout est permis ici?
M. Payne: II n'est pas permis de dire quoi que ce soit,
semble-t-il.
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre!
M. Payne: Vous qui semblez être le meilleur
défenseur du droit d'expression, vous devriez de temps à autre
laisser les députés du côté gouvernemental - dans le
cas présent, moi-même - prendre la parole. Je l'ai demandée
il y a une demi-heure. Vous avez parlé pendant 35 minutes.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Vachon a la parole.
M. Saintonge: Question de règlement.
M. Payne: So to come back to the point which...
Le Président (M. Gagnon): Question de règlement, M.
le député de Laprairie.
M. Saintonge: Je maintiendrais, sur une question de
règlement, qu'on a porté atteinte aux privilèges du
député de D'Arcy McGee, M. Marx. Je pense que vous devez, comme
président, demander au député de Vachon de retirer les
paroles qu'il a prononcées en violation des privilèges du
député de D'Arcy McGee.
Une voix: Ce n'est pas pertinent.
M. Saintonge: On vous demande de prendre la décision
à cette fin, purement et simplement.
Une voix: Ce n'est pas pertinent.
M. Payne: With respect to Mr Parisella at the discussion of
freedom...
M. Saintonge: Question de règlement, M. le
Président. Est-ce que je comprends que vous refusez la demande du
député de D'Arcy McGee?
Le Président (M. Gagnon): Je comprends que le
député de Vachon avait la parole et que le député
de D'Arcy McGee, encore une fois, a trouvé le moyen de couper la parole
à ce député. De fait, cela fait au moins une demi-heure
qu'il demande la parole et je ne voudrais pas qu'on s'éternise sur ce
sujet. Je laisse maintenant la parole au député de Vachon.
Mme Lavoie-Roux: Question de règlement.
M. Payne: II will try again to present my position to...
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
L'Acadie, oui.
Mme Lavoie-Roux: C'est plutôt une demande de directive, M.
le Président. Est-ce que vous considérez que c'est du langage
parlementaire lorsqu'un collègue d'un côté de la Chambre
dit à l'autre: "Shut up!"
Le Président (M. Gagnon): Je vérifierai,
madame.
M. Marx: Demande de directive, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: M. le Président, si vous acceptez que le
député de Vachon dise "shut up", je peux lui dire de se fermer la
gueule. Est-ce que c'est cela, le langage parlementaire ici?
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Vachon.
M. Marx: Est-ce deux poids, deux mesures?
Mme Lavoie-Roux: C'est vrai, M. le Président.
M. Champagne: M. le Président, je me suis senti
lésé comme député de Mille-Îles, tout
à l'heure, lorsque vous m'avez donné une réponse un peu
cavalière. Alors, je pense que cela compense.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Vachon, est-ce qu'il y aurait possibilité de mettre de l'ordre...
M. Payne: I think that the behavior of the Opposition, in terms
of refusing some kind of freedom of expression, is not the best "plaidoyer"
this afternoon for the thesis that has just been putting out.
To come back to Alliance Québec, I do not see how in fact the
three provisos for the giving of a visa cannot be enacted with any kind of
equity. The bill proposes three possibilities under which English films should
be shown. The first one: if an equal number of films exist on the market. This
is very often the case; we have had the demonstration from the Minister a few
minutes ago. Secondly - and this is the gamble of the whole issue - if the
distributor can show that within a reasonable period of time, there will be a
copy available on the market. I believe that when we see that the law is
adopted, the Minister and the National Assembly will be in a position to judge
whether in fact it has penalized, in other words, put back the appearence or
the availability of films in English. For the moment, like most Members of the
Government and the Opposition, we are not in a position at this particular
moment to judge exactly how it will work out.
Thirdly, failing that assurance, the 60 days which are extendable to 180
days. I think that is reasonable. But again I come back: the good faith in the
bill - and this is the economy of the bill as far as I am concerned - is useful
in so far as it said: "La régie will have the opportunity to decide what
is reasonable." If you got objections to it as a member of the community, or
myself, well, the National Assembly is the forum where to bring the amendment
that is necessary. (16 h 30)
Thirdly, the possibility of the "régie" showing themselves,
demonstrating themselves what is reasonable, I think that we cannot give a
better provision than that, because you yourselves say it is very difficult to
bring measures which will encourage or force the multinationals to conform. I
cannot see any better formulation than that.
Finally, I would simply ask, if the Minister would confirm that he has
an open mind on that, that we revise it after, let us say, six months or a year
or eighteen months and see, in fact, whether it is the case.
M. Parisella: I would just like to react to the statement of the
deputy for Vachon. It seems that, if I understood you correctly, what you are
saying is that this provision of the law would be adopted and then we would see
how it works out and make corrections.
If that is the correct interpretation of your statement, I must
respectfully disagree with you, especially at this particular stage where I
think it is time now to perhaps take a lenghtier look at the whole concept of
restriction versus the concept of access, or the principal of restriction
versus the principal of access.
I can see your intentions seem to be in a positive vein, but I must tell
you respectfully that I am very much concerned still and I think my colleague
may have something to say with respect to the rural communities and the
application of section 79 which, I think, add to our concern. Would you like to
add to that, Bill?
M. Payne: Before he does, perhaps I could just add a word to what
you said. You are talking about freedom of expression, but, in fact, freedom of
expression is something which pertains to the collectivity and, first of all,
the main thrust of the bill is to allow the films to be available in French for
those who wish to watch them first in French.
M. Parisella: But what do you mean by
collectivity? Is the anglophone population a part of that
collectivity?
M. Payne: The thrust of the bill is one thing, that it will allow
French people to see the dubbed version faster. That is the proposition.
M. Parisella: We are not in disagreement with that.
M. Payne: In fact, if you are not in disagreement, you are
obviously in agreement.
M. Parisella: We are not in agreement with the restrictive
elements that are contained in that provision which put a time limit and we are
not, at this point in time, given the assurances that... First of all, we just
do not feel that any restrictive element in the piece of legislation is
positive to the freedom of expression.
M. Payne: That is where I come back to my basic principle. You
have got to put the freedom of expression on the one hand -and you are talking
about the limitation of the freedom of expression of the English community -
and collaborate it with the other principle, which is the freedom of access of
the francophone community or those who want to watch the films in French.
M. Parisella: Remember too, if you are assuming that only
francophones go and see French versions and only anglophones go and see English
versions, I mean, when we make representations concerned with restriction,
earlier in the brief, I perhaps was a little too restrictive in my definition,
but so are francophones restricted, all Quebeckers get restricted when a film
is removed from the market. Essentially, this is what we are arguing, that that
is not a positive way of attaining what I think the minister has as a very
laudable goal, which is the promotion of the industry and the increased access
to the French version of an English or another language film.
M. Payne: You are presuming that it will not allow French people
to see a dubbed version of the film faster and that that, I suggest, is the
effect of the application of the bill. But what I am saying is that your
homework is not completed with respect...
M. Parisella: We do not know about the effect, Mr. Payne...
M. Payne: You are not...
M. Parisella: ...I mean we just know that those are the terms in
the legislation, but we are not sure about the effect yet. You are telling me:
Trust me, we will pass the legislation and then, if the effect is not positive,
we will change it. I am saying that, as a member of the English-speaking
Community, I would be irresponsible to agree with you on this particular point.
I think now is the time, we are in a parliamentary commission, to do a serious
sitting.
M. Payne: If you would just let me finish what I was
saying...
M. Parisella: I did not mean to interrupt you, but I just want to
make that...
M. Payne: You are looking at it from a very narrow perspective
and pushing - and I agree with you, to a certain extent - for your own freedom
of expression for the English Community, but you are not prepared to make that
principle compatible with the right, which is fundamental too, of access to the
francophone community.
The other point which I would like to make comes in with respect to
article 77, when you bring in the same preoccupation concerning fundamental
liberties. There, you are talking about the fact that...
Le Président (M. Gagnon): Puis-je vous demander d'aller
assez rapidement, s'il vous plaît?
M. Payne: Very briefly, it does not diminish public values or
morals. In fact, any bill has this kind of proposition in which we are talking
about the principle of censorship. It has nothing basically to do with
fundamental rights that article at all. That is a red herring.
M. Parisella: Article 77 does not...
M. Payne: If you have got a censorship board or "Bureau de
surveillance", it has basically nothing to do with fundamental rights in so far
as any bill itself will in fact diminish certain rights.
M. Parisella: If this bureau or commission decides that the film
is not allowed to be presented, you are in effect cutting on the dissemination
of ideas. So, I am not sure.
M. Payne: You were not present in yesterday's discussions.
M. Parisella: Is it not that a reduction of the freedom of
expression?
M. Payne: In so far, as any bill reduces certain rights. Comment
on dit cela en français? l'empêchement du libel diffamatoire, par
exemple. Toute loi, every
bill diminishes certain rights. But to talk about fundamental rights
being jeopardized by this bill, I think it is a red herring.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Mille-Îles.
M. Champagne: M. le Président, je remercie...
M. Parisella: M. le Président, excusez-moi, je pense que
M. le député de Vachon avait convenu que mon collègue
dirait quelque chose...
Le Président (M. Gagnon): Oui, d'accord.
M. Parisella: ...sur l'effet de l'article 79 dans les
communautés rurales et on a arrêté. Seulement un
instant.
M. Brooks: Oui. J'aimerais peut-être faire une correction
aux paroles de M. Payne au sujet de la prolongation du délai de 60
jours. Si je comprends bien le projet de loi no 109, ce n'est pas, après
l'expiration de 60 jours, une prolongation de 180 jours; c'est un délai
de 180 jours où le film ne peut être présenté ou
diffusé.
Le Président (M. Gagnon): Très bien. M. le
député de Mille-Îles.
M. Champagne: M. le Président, premièrement,
j'aimerais remercier M. Parisella du mémoire qu'il a
déposé. En page 2, où il parle au nom d'Alliance
Québec je lis: "Nous croyons qu'il est important de protéger la
langue et la culture françaises au Québec." Nous aussi, mais j'ai
une certaine inquiétude. Je vois ici: "Films qui ont été
visionnés au Québec en 1980-1981, cinéma en langue
française, 45%; et cinéma en langue anglaise, 49%." Je pense
qu'on partage l'inquiétude, parce que le cinéma français
n'est pas visionné à sa juste valeur.
Si je regarde maintenant les films de court métrage qui ont
été visionnés au Québec, selon la langue, en
1980-1981, cinéma en langue française, cela a été
de 45%, et cinéma en langue anglaise, 52%. Je vois ces statistiques en
annexe au rapport Fournier. Je pense que les inquiétudes viennent aussi
de la communauté francophone. Je n'accepte pas l'incitatif dont vous
avez parlé. Je sais bien que vous avez une largeur de vue au point de
vue incitatif. Lorsqu'on sait que les compagnies américaines ont fait 20
000 000 $ de profits l'an dernier, entre autres, croyez-vous que ce serait
correct que l'Institut québécois du cinéma doive faire en
sorte qu'en plus de faire des bénéfices, ces compagnies devraient
aussi recevoir certaines sommes d'argent de l'Institut québécois
du cinéma pour aider à la traduction? Une première
question.
M. Parisella: Seulement pour faire une réflexion sur la
question de la protection, Alliance Québec est en faveur de la
protection de la langue. Ce ne sont pas des paroles en l'air, ce sont des
paroles sincères. Je comprends les inquiétudes que vous avez
signalées du côté francophone. J'en conviens et je pense
que c'est juste que vous les ayez signalées. Avant de répondre
à votre question sur les statistiques, le public est, évidemment,
libre de choisir les films qu'il veut voir. Tant qu'on vit dans un
système où le libre choix existe au point de vue de la
sélection des films, je pense qu'on peut, évidemment, arriver
avec des statistiques comme celles que vous signalez.
Au point de vue de l'industrie et de la question des 20 000 000 $, je
dois signaler que je n'ai pas ces chiffres à l'appui. C'est
évident que, si l'État doit dépenser des fonds publics
pour inciter une industrie à répondre aux attentes de la
population lorsque cette industrie fait des profits assez significatifs, je
suis certain que, à ce moment-là, vous avez raison de soulever
certaines inquiétudes.
Par contre, je crois qu'on a vu, dans plusieurs domaines de l'action
gouvernementale, que ce soit par l'Office de la langue française ou dans
d'autres domaines, que l'Etat est prêt à faire des
déboursés pour atteindre certains objectifs. N'oubliez pas que
vous parlez d'entreprises privées; l'entreprise privée n'a pas
les mêmes inquiétudes sociales ou culturelles que celles que vous
pouvez avoir, parce que, évidemment, elles sont basées sur
d'autres principes. Mais je ne suis pas de ceux qui croient que l'État
ne doit pas utiliser ces moyens pour atteindre certains objectifs. C'est dans
cet esprit que nous avons fait cette proposition, pour essayer de favoriser ou
de promouvoir l'industrie dans le contexte québécois.
M. Champagne: Mais il y a une chose que je voudrais ajouter. Vous
parlez de libre choix. Encore faut-il qu'il y ait un choix. Si le film est
simplement en version anglaise, comment pouvez-vous avoir le choix d'aller le
voir en français? Lorsque vous disiez tout à l'heure qu'il ne
fallait pas pénaliser une communauté, j'en suis, mais encore
faut-il faire en sorte qu'on ne pénalise pas aussi l'autre
communauté. Je veux vous donner l'exemple suivant: Le film Arthur est
sorti à Paris en janvier 1982 et la version française est sortie
à Montréal six mois après. Pourquoi? Vous avez ici le film
Les Rouges. Il est sorti au mois d'avril 1982 à Paris; cela veut dire
que la version française existait. Le film est sorti ici au mois de
décembre 1982, cela veut dire 35 semaines plus tard. Pourquoi? C'est
cela. Lorsqu'on parle de communautés pénalisées, nous en
sommes. La
version existe et on n'a pas le film. Je vais vous donner un autre
exemple: Rag-Time est sorti dans la version française à Paris le
25 novembre 1981 et il est sorti à Montréal le 4 juin 1982, soit
un retard de 33 semaines. Lorsque vous parlez de libre choix, j'en suis.
Lorsque vous dites qu'il ne faut pas pénaliser une communauté,
j'en suis. Mais il faut se donner les moyens pour que chacune des
communautés ne soit pas pénalisée et il faut le faire avec
un certain discernement.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. Parisella.
M. Parisella: J'ai une petite réaction. Évidemment,
je ne peux pas être en désaccord avec ce que vous dites et notre
mémoire dit clairement que nous sommes en faveur de ce projet. Je pense
que le projet parle par lui-même et, dans notre conclusion que j'ai lue
en anglais, j'ai noté cette dimension de notre présentation.
C'est simplement le fait qu'on parle de pénaliser. C'est que nous
croyons qu'à ce moment-ci vous êtes en train de faire
l'étude d'un projet de loi qui, possiblement, avant de se rendre
à l'autre étape, va subir certaines modifications et nous mettons
une mise en garde que nous croyons assez sérieuse. On ne semble pas
être trop à couteaux tirés au point de vue des objectifs.
Je pense que notre problème se situe au niveau des moyens. Je dois vous
dire encore, respectueusement, que nous avons une inquiétude quant aux
moyens qui sont préconisés dans le projet de loi. Mais nous
espérons qu'on puisse en venir à une solution où les deux
communautés ne seront pas pénalisées, si c'est possible
dans notre société d'arriver à une telle fin.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Avant de vous
céder la parole, M. le député de Rousseau, je vous avise
que je mets fin à la discussion à 16 h 45.
M. Blouin: Cela ne sera pas très long.
Le Président (M. Gagnon): Cela fait déjà une
heure et demie. (16 h 45)
M. Blouin: Oui, mais c'était quand même un des
sujets fondamentaux. Je crois qu'il était important, effectivement, d'en
discuter assez longuement pour qu'on puisse finir les uns les autres par
connaître nos positions exactes.
M. Parisella, je vais vous poser une très brève question,
d'abord, et, ensuite, je parlerai, moi aussi, mais très rapidement pour
qu'on finisse à moins quart. Lorsque vous avez rédigé
votre mémoire, est-ce que vous étiez vraiment conscient que
l'article 79 comportait l'option du sous-titrage?
M. Parisella: Là, vous me posez une question de nature un
peu plus technique.
M. Blouin: Cela fait une grande différence.
M. Parisella: Disons que mon collègue pourrait
peut-être donner une précision un peu plus exacte.
M. Brooks: Au sujet de l'accessibilité des films
d'ailleurs, la question a été posée par le
député de D'Arcy McGee.
M. Blouin: Non, non, je m'excuse, ce n'est pas ça que je
demande. C'est parce que le président me bouscule, je suis obligé
de vous bouculer un peu. Tout ce que je vous demande, c'est si, lorsque vous
avez écrit votre mémoire, vous étiez conscient que
l'article 79 comportait l'option du sous-titrage et non seulement du doublage
des films.
M. Brooks: Oui, oui.
M. Blouin: Bon. Est-ce que vous étiez conscient
également du coût qu'entraîne le sous-titrage d'un film?
Cela coûte combien?
M. Brooks: Nous ne sommes pas des experts dans ce domaine.
M. Blouin: Le coût du marché actuel pour sous-titrer
un film à Montréal, c'est d'environ 1500 $ et on prévoit
que les coûts diminueront compte tenu des équipements techniques
électroniques hautement spécialisés qui sont en train
d'accaparer le marché. Est-ce que vous pensez, compte tenu des profits
que font les gens qui mettent ces films en marché, qu'une pareille
barrière de 1000 $ à 1500 $ est vraiment une entrave à la
liberté d'expression pour un distributeur qui se plie à la loi et
qui fait sous-titrer son film en français? Est-ce que vous pensez que
ça vient empêcher la communauté anglophone, par exemple, de
voir rapidement certains films qui seraient disponibles, le fait, pour le
producteur ou pour le distributeur - je ne sais pas trop - de se plier à
cette opération de sous-titrage qui ne lui coûtera presque rien et
qui lui permettra à sa guise de présenter les films où il
voudra les présenter?
M. Parisella: M. le député de Rousseau, je ne suis
pas un expert dans le domaine technique. Par contre, je reconnais que vos
expériences antérieures vous mettent dans une position où
vous pouvez nous apporter des précisions. Je pense que ce n'est pas un
problème quant au principe que nous défendons face à
l'article 79. Si ce que vous dites au sujet du sous-titrage n'a pas le
résultat de créer une restriction, à ce
moment, vous avez apporté une dimension importante au
débat. Nous tenons encore à la dimension restriction. Je dois
dire que le fait que votre intervention est la dernière et qu'elle est
de cette nature-là, c'est quand même positif. Vous essayez
évidemment de répondre à nos inquiétudes à
ce sujet. Moi, je reste ferme avec le principe et si vous, vous êtes
aussi ferme avec la dimension technique et que les législateurs se
sentent assurés compte tenu des représentations qui leur auront
été faites, à ce moment-là, je pense qu'on va non
seulement être d'accord avec les objectifs, mais aussi avec les
moyens.
Je ne peux pas vous donner de réponse. Je pense que votre
question était quand même positive et non pas pour essayer de nous
acculer au mur. Si tel est le cas, comme on dit, le principe n'est pas
fondamentalement en jeu et on tient au principe d'empêchement et de
restriction.
M. Blouin: Merci.
Le Président (M. Gagnon): II me reste encore Mme la
députée de L'Acadie et M. le député de
Châteauguay. Je m'excuse, je ne veux pas bousculer les membres de la
commission. La commission est maîtresse de ses travaux, excepté
que, par respect pour nos autres invités qui attendent ici depuis le
matin - je pense, entre autres, à l'Union des artistes, enfin à
tous nos invités qui sont maintenant arrivés et qui ont dû
braver la température pour se rendre à Québec - je
voudrais bien qu'on puisse les entendre. Je vous demande la permission
d'arrêter la discussion avec Alliance Québec immédiatement.
Mais si la commission n'est pas d'accord, on peut continuer. On a
déjà donné une heure et demie à ce
mémoire-là.
Oui, M. le député de Châteauguay.
M. Dussault: Nous aurons d'autres occasions de reparler de la
question.
Le Président (M. Gagnon): Je vous remercie. Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je renonce à mon droit de parole, M. le
Président.
Le Président (M. Gagnon): Vous êtes bien aimable,
madame. Je remercie le groupe Alliance Québec pour son
mémoire.
J'invite maintenant les représentants de l'Union des artistes
à venir prendre place. Bonjour, madame. Vous êtes Mme Louise
Deschâtelets? Je vous laisse la parole afin de présenter votre
mémoire.
Union des artistes
Mme Deschâtelets (Louise): M. le Président, M. le
ministre, mesdames et messieurs les députés membres de cette
commission, avant de procéder à la lecture du mémoire de
l'Union des artistes, je vais vous présenter les deux personnes qui
m'accompagnent. À ma droite, M. Marc Bellier, artiste interprète
québécois, membre du conseil d'administration de l'Union des
artistes et responsable de la commission de politique externe, qui a vu
à l'étude du rapport Fournier et du projet de loi qui ont
mené à la rédaction du mémoire; à ma gauche,
M. Marcel Barthe, directeur des communications extérieures de l'Union
des artistes.
L'Union des artistes est un syndicat professionnel incorporé en
vertu de la Loi sur les syndicats professionnels. Fondée en 1937
à partir d'une poignée de chanteuses et de chanteurs
lésés dans leurs droits, l'union regroupe aujourd'hui plus de
3000 membres qui travaillent dans le domaine culturel et des communications et,
notamment, au théâtre, au cinéma, à la radio,
à la télévision, au doublage, à la danse, aux
créations chorégraphiques et aux annonces publicitaires.
Notre organisme a pour but principal la défense des droits et des
intérêts socio-économiques des artistes interprètes,
danseurs et communicateurs francophones au Canada. De plus, l'organisme offre
des services de protection personnelle à ses membres, soit fonds de
pension par la Caisse de sécurité du spectacle, assurances,
services juridiques, car la pratique du métier d'artiste est parmi les
moins bien protégées de notre société. L'Union des
artistes se veut, enfin, le porte-parole officiel des milliers de praticiens
oeuvrant au sein de notre communauté culturelle. Il est donc clair que
le projet de loi no 109, qui concerne l'industrie du cinéma au
Québec, nous touche directement. L'Union des artistes considère
que ses membres sont des partenaires essentiels de cette industrie et
qu'à ce titre leur voix doit être entendue et
écoutée alors que le gouvernement s'apprête à
intervenir pour modifier les règles du jeu du cinéma et son
développement.
Le débat public, amorcé par le rapport de la commission
Fournier et qui se poursuit par cette commission parlementaire, nous
apparaît comme étant une des dernières occasions dans
l'avenir immédiat de réitérer notre position comme
artistes partenaires sur le développement d'un véritable
cinéma national sain et dynamique. Notre présence ici
témoigne de l'importance que nos membres accordent à la relance
de notre industrie cinématographique et de notre désir d'y
participer activement.
Nous aimerions affirmer, dès le début de cette
intervention, que l'Union des artistes est favorable au contenu
général du projet de loi no 109. Pour nous, ce projet de loi
adopte à la fois l'esprit essentiel et
aussi, à plusieurs endroits et sur plusieurs aspects, la lettre
du rapport Fournier et la proposition de projet de loi qu'il contenait. Pour
l'Union des artistes, le rapport Fournier constitue un effort concret,
rationnel et progressiste de relancer l'industrie du cinéma au
Québec. Ainsi, nous ne pouvons que constater que l'accueil très
favorable réservé au rapport par l'ensemble des intervenants du
milieu cinématographique, dès sa diffusion publique, a fortement
influencé le gouvernement québécois dans ses intentions
législatives et nous en sommes heureux.
Nous aimerions, de plus, souligner notre satisfaction de constater une
certaine diligence de la part du législateur à ce sujet. En
effet, il n'est pas fréquent de nos jours qu'un texte de loi de cette
importance soit déposé et rendu public à peine quelques
mois après que la commission d'étude sur le même
thème a déposé son rapport. Nous formulons
immédiatement le souhait que cette diligence se poursuive au-delà
de la dimension législative et que les aspects réglementaires et
surtout financiers qu'implique la réforme en cours reçoivent une
attention et une mise en application tout aussi rapides.
En somme, malgré des réserves et les commentaires
importants sur quelques points précis que nous évoquerons plus
tard, l'Union des artistes estime que le projet de loi no 109 constitue un
jalon important de la réforme nécessaire pour donner à
notre industrie cinématographique son deuxième souffle. Il nous
paraissait important de le souligner avant de commenter des dispositions
précises du projet de loi dans un sens comme dans l'autre.
Puisque nous sommes dans une envolée positive et pour y demeurer
encore un peu, permettez-nous maintenant de commenter brièvement
certains aspects du projet de loi qui paraissent particulièrement
significatifs pour nous, artistes interprètes, et sur lesquels nous
aimerions insister. D'abord, nous aimerions insister sur trois aspects
principaux: les structures proposées par le projet de loi, la
propriété canadienne et québécoise dans le secteur
de la distribution et, finalement, avec plus d'insistance encore,
l'instauration d'un système national de billetterie.
Le projet de loi 109 réduit à trois au lieu de sept, tel
que le proposait le rapport Fournier, les organismes créés ou
remodelés pour assurer développement et contrôle dans ce
secteur. L'Union des artistes estime qu'il s'agit là d'une sage
décision. En effet, malgré notre compréhension des raisons
qui ont motivé la Commission d'étude sur le cinéma et
l'audiovisuel, nous estimons qu'une prolifération de structures dans
notre société déjà trop bureaucratisée, peu
importe leur taille, multiplie le risque de créer des petits empires et
des conflits de juridictions. À long terme, on aboutit presque
inévitablement à des injections financières massives dans
l'administration et la gestion des boîtes plutôt que dans le
développement, la production et la création
cinématographiques. Nous pensons que l'industrie
cinématographique québécoise, sans en sous-estimer
l'importance ni la taille, peut très bien fonctionner dans le cadre des
structures proposées par le présent projet de loi.
L'étude attentive du projet de loi nous ayant permis de constater
qu'à peu de choses près les mandats dévolus aux sept
organismes par la commission Fournier se retrouvaient au sein des trois
organismes créés par la loi, la proposition gouvernementale nous
semble plus avantageuse. Nous souhaitons que cet allégement de
structures améliore l'efficacité et l'étroite
collaboration qui doivent exister entre l'ensemble des intervenants.
Toutefois, sur le plan des structures, des imprécisions
demeurent. En effet, l'UDA espère que le gouvernement respectera un
principe fondamental du rapport Fournier, à savoir que les structures
d'organisation et de développement de notre cinéma soient
contrôlées et gérées par les artisans,
créateurs et producteurs, c'est-à-dire par le milieu du
cinéma. La loi 109 reflète bien cette préoccupation dans
son article sur la composition de l'Institut québécois du
cinéma. Cependant, le texte de loi ne précise rien à ce
sujet pour la 5ociété générale du cinéma et
de la vidéo et pour la Régie du cinéma et de la
vidéo. Quelles sont les intentions du ministre à ce sujet? Une
réponse à cette interrogation nous rassurerait. À notre
avis, à la limite, seul l'organisme de contrôle, soit la
régie, pourrait peut-être échapper à cette
règle, à cause de son rôle plus administratif et de ses
fonctions quasi judiciaires.
Un autre point positif important de la loi 109 pour l'UDA, ce sont les
dispositions exigeant que les entreprises de distribution travaillant au
Québec soient propriété canadienne ou
québécoise à 80%. Il est grand temps que la
société québécoise soit au moins aussi
protectionniste dans le secteur culturel que l'ensemble des autres
collectivités occidentales, dont certaines qui se définissent
même comme les porte-flambeaux du libéralisme économique et
de l'ouverture des marchés.
Finalement, nous allons vous parler du projet d'implantation d'une
billetterie nationale. De l'avis de l'UDA, voilà un des
éléments essentiels de la réforme envisagée,
puisqu'elle permettra enfin à tous les partenaires, sans exception, de
connaître la véritable situation du cinéma au
Québec. De plus, pour un organisme comme le nôtre, un tel
système de billetterie nationale contribuera à résoudre un
problème important que nous vivons depuis toujours. Ainsi, à la
condition absolument vitale que les syndicats
représentant les artistes interprètes et les techniciens
aient accès aux données complètes compilées par la
billetterie nationale, nous serons enfin en mesure de mieux défendre les
intérêts de nos membres souvent laissés pour compte dans
cette industrie.
Il arrive assez fréquemment des cas où plusieurs de nos
comédiennes et comédiens -et cela arrive également aux
techniciens -ne sont pas encore payés pour du travail
exécuté dans des films d'ici et effectué depuis plusieurs
années. Le dernier en liste de ces films est Une journée en taxi
dont le tournage s'est effectué depuis plus de trois ans. À ce
jour, près de 100 interprètes n'ont pas été
rémunérés pour leur participation à ce film
diffusé en salle depuis plusieurs mois maintenant. C'est un film qui est
même mis en nomination dans un festival canadien de cinéma.
Dans certaines circonstances et afin d'éviter que le producteur
ne déclare faillite et ainsi risquer de tout perdre, l'UDA a
déjà consenti dans le passé à attendre la sortie
d'un film avant d'engager des poursuites. Ainsi, si le film devient un
succès, les premiers profits peuvent théoriquement être
versés aux artistes interprètes qui ont travaillé à
cette réalisation. Cependant, dans la pratique, cela est
extrêmement difficile puisqu'il est presque totalement impossible
d'obtenir des renseignements exacts sur le nombre de billets vendus pour tel
film et ainsi de vérifier les niveaux réels de profits
réalisés.
Avec l'existence d'un système national de billetterie efficace,
une telle lacune grave pourrait être corrigée. Cependant, il est
absolument nécessaire que nous puissions avoir accès à
toutes les données de la régie qui contrôle cette
billetterie. Nous espérons que la récente loi sur
l'accessibilité à l'information gouvernementale permettra aux
organismes syndicaux d'être informés des chiffres précis
sur chacun des films diffusés en salle. Voilà une deuxième
question à laquelle une réponse précise du ministre serait
appréciée. Voilà pour l'envolée positive. (17
heures)
Nous aimerions maintenant informer la commission des réserves ou
critiques que nous formulons à l'endroit du projet de loi 109 et aussi,
dans certains cas, à l'endroit du rapport de la commission
d'étude. Cette partie de notre intervention portera sur les trois
thèmes suivants: la place de l'artiste interprète dans l'ensemble
de la réforme en cours; les versions françaises, le sous-titrage
et les autres prescriptions restrictives du projet de loi; le problème
du doublage fait au Québec.
L'Union des artistes estime que les artistes interprètes qui
jouent dans les films sont des partenaires extrêmement importants du
milieu du cinéma québécois. D'ailleurs, bien que nous,
comédiens et comédiennes, ne soyons pas, bien sûr, les
seuls responsables du succès de tel ou tel film, il faut
reconnaître que nous sommes souvent un facteur important dans le
succès d'une production cinématographique d'ici. Or, à
notre avis - et nous estimons important que l'Union des artistes le souligne -
tant le rapport Fournier que les dispositions principales du projet de loi 109
ne réservent pas une place de grand choix au partenaire que nous
estimons être. En fait, bien sûr, cet oubli ou cette absence de
préoccupation ne fait que confirmer la situation actuelle, mais il nous
apparaît important de souligner publiquement cette situation et cette
tribune nous en offre l'occasion.
L'Union des artistes, en tant qu'organisme, mais surtout ses membres ont
toujours été d'ardents défenseurs et protagonistes du
développement d'un cinéma national dynamique et en santé.
À tous les jours, plusieurs gestes que nous posons visent à
favoriser la production cinématographique de chez nous. Nous sommes
très souvent, nous l'avouons publiquement, beaucoup plus souples envers
nos vis-à-vis patronaux et nos employeurs de l'industrie
québécoise du cinéma qu'envers ceux de tous les autres
secteurs. D'ailleurs, notre convention collective du cinéma en est un
exemple évident. Plusieurs dispositions de cette convention sont
inférieures ou plus souples que celles des autres conventions pour des
situations parfaitement identiques. En fait, nous ne comptons plus le nombre de
fois où des comédiens ont fait des concessions importantes pour
permettre la réalisation d'un film d'ici: baisse de tarifs,
réinvestissement partiel ou total du salaire dans la production afin de
mener à terme le projet, don total du cachet, etc.
On nous demande toujours, en premier, de participer également
à l'effort collectif. Cependant, malgré ces concessions,
l'artiste interprète très souvent ne peut rien dire sur le texte,
sur le type d'interprétation qu'on lui demande d'exécuter, sur
les "rushes" ou le montage. On lui demande d'être collectiviste lorsqu'il
s'agit de céder des droits, mais on ne l'écoute pas ou on le
consulte rarement sur le produit lui-même. En fait, les comédiens,
les artistes interprètes ne sont jamais impliqués dans le projet
global. En outre, lorsqu'un tel film devient un succès ou, à tout
le moins, couvre ses frais, les comédiens n'ont que très rarement
un retour sur leur part de l'investissement collectif, ce qui n'est pas le cas
pour plusieurs autres participants au projet.
Quelle place le projet de loi Fournier et le projet de loi no 109
réservent-ils aux artistes interprètes? Une place au sein du
conseil d'administration de l'Institut
québécois du cinéma et des mesures
légèrement plus serrées qu'auparavant au sujet de la
présentation de versions françaises de films étrangers
lesquelles pourraient, théoriquement, augmenter les possibilités
de doublage ici. Nous verrons, cependant, un peu plus loin que cela risque
d'être strictement théorique.
Ainsi, tous les excellents mécanismes d'aide et de soutien
proposés par le rapport
Fournier et retenus dans le projet de loi 109 s'adressent à tous
les autres groupes sauf aux artistes interprètes. Les retours
automatiques sur billeterie, les primes au succès en salle, les primes
à la qualité, cela, c'est pour les producteurs, les
réalisateurs, les scénaristes, les jeunes innovateurs et
explorateurs qui bénéficieront de l'aide à la recherche.
L'artiste interprète, lui, ne bénéficie d'aucun de ces
mécanismes d'aide.
Pourquoi n'y aurait-il pas une part de cette prime au succès en
salle pour tel ou tel film, ou à la qualité, qui soit remise aux
artistes interprètes qui ont joué dans ce film, à la
condition, bien sûr, que cette somme serve exclusivement à des
fins de perfectionnement: cours, stages particuliers, investissements dans un
nouveau film, échanges avec l'étranger ou réinvestissement
sous une forme ou une autre dans le cinéma?
N'est-ce pas là, aussi, une autre forme de
réinvestissement dans notre cinéma et notre vie culturelle
nationale que de participer au perfectionnement de ces acteurs partenaires?
Ce serait là, il nous semble, une façon tangible de
démontrer la volonté du gouvernement de faire une meilleure place
aux artistes interprètes dans cette industrie et, en fait, ce ne serait
qu'un juste retour des choses pour les nombreux efforts, concessions et
sacrifices faits par les artistes interprètes pour participer au
développement d'un véritable cinéma d'ici. Nous aimerions
sur ce point également recevoir une réponse du ministre. De plus,
si une telle proposition était acceptée, nous désirons
être consultés à la fois sur les critères
d'attribution de ces primes et sur les critères qui prévaudront
pour le calcul des montants qui retourneront aux artistes
interprètes.
Nous aimerions maintenant commenter ce fameux article 79 qui a
déjà fait couler beaucoup d'encre et qui en fait couler pas mal
cet après-midi. Au risque d'en étonner sûrement
quelques-uns, l'Union des artistes estime que les quelques prescriptions
restrictives de ce projet de loi, notamment au sujet du doublage, du
sous-titrage et des versions françaises, sont, somme toute, minimales et
constituent une approche un peu timide. Comme plusieurs autres groupes
viendront sûrement affirmer le contraire - et c'est leur droit, je le
reconnais - l'Union des artistes pense qu'il est utile de vous donner sa
perception à ce sujet et ce, malgré les foudres que nous risquons
de recevoir d'une certaine clientèle extrêmement minoritaire. Pour
l'Union des artistes, les "60 jours de grâce", comme nous les appelons,
sont extrêmement généreux. Huit semaines complètes
de diffusion, sept jours par semaine, à deux représentations par
jour, à l'affiche du même cinéma, ou de plusieurs autres en
plus, constituent une marque de succès que n'atteignent pas 75% des
films à l'affiche à Montréal. Lorsque nous avançons
ce chiffre, nous sommes conservateurs.
Ainsi, nous sommes parfaitement d'accord avec la commission Fournier
pour dire que "ce délai est plus que largement suffisant pour permettre
la diffusion au Québec, en première exclusivité, de tous
les types de films pour lesquels un doublage ou un sous-titrage en langue
française s'avère superflu ou trop coûteux." Pourquoi
faudrait-il que cela soit "largement suffisant"? Pourquoi pas "suffisant" tout
simplement? À notre avis, un délai de 30 jours serait beaucoup
plus pertinent et respecterait mieux le public francophone
québécois sans aucunement ennuyer les "majors" qui n'auraient
aucune difficulté à respecter ce délai si telle
était l'exigence légale. Aujourd'hui, elles profitent de notre
mollesse. Pourquoi le leur reprocher? Changeons les règles du jeu et
elles s'y conformeront puisque nos exigences seront encore de beaucoup en
deçà de celles de plusieurs pays où
pénètrent depuis toujours ces "majors" et leurs films.
Il nous semble qu'après quatre semaines de visionnement en
anglais les Québécois bilingues qui, grâce à leur
habileté linguistique, auront le plaisir de voir le film en version
originale auront eu le temps de le faire. Il nous semble qu'il serait
grandement alors temps de permettre aux citoyens moins familiers avec la langue
anglaise de pouvoir bénéficier, eux aussi, quatre semaines plus
tard, du même film dans leur langue et celle de la majorité.
Est-ce là trop demander? Cela n'empêchera pas, d'ailleurs, que ce
même film poursuive sa carrière en version originale au même
moment.
Sur quels critères techniques ou scientifiques base-t-on notre
argumentation, direz-vous? Malheureusement, nous ne possédons pas le
personnel de recherchistes suffisant qui nous permettrait de faire de longues
études pour appuyer certaines de nos affirmations, dont la
présente. Voilà une autre lacune importante, d'ailleurs, que
viendrait combler un système efficace de billetterie nationale. On
arrêterait enfin, de part et d'autre, de faire des hypothèses et
on pourrait discuter sur des chiffres réels.
Notre point de vue là-dessus découle, donc, de notre
propre connaissance des rouages de l'industrie cinématographique et de
discussions là-dessus depuis plusieurs années avec plusieurs
partenaires du milieu cinématographique. Nous sommes convaincus
que les distributeurs de films qui dépassent les 30 jours
à l'affiche peuvent techniquement et financièrement
réaliser une version française dans les délais prescrits.
En terminant sur ce point, nous aimerions, à tout le moins, être
informés des raisons qui motivent le choix des 60 jours par la
commission et retenu par le ministre.
Le rapport Fournier évoquait très brièvement que
les mesures qu'il proposait pour le doublage et sous-titrage auraient
probablement pour effet d'augmenter le doublage fait au Québec pour les
films faits en d'autres langues que le français. C'est la seule allusion
à cette question dans l'ensemble du rapport. De son côté,
la loi 109 est totalement muette là-dessus. Et, pourtant, cette question
est extrêmement importante pour nos membres. Nous aimerions donc ouvrir
le débat à ce sujet.
L'Union des artistes estime, pour sa part, que les mesures
proposées par le rapport Fournier et reprises par la loi 109 au sujet
des versions françaises, du doublage et du sous-titrage auront une
très faible incidence à court terme et même à moyen
ou long terme sur un accroissement du doublage fait ici. S'il n'y a pas
d'autres efforts faits à d'autres paliers sur ce point, ce sont les
artistes interprètes français que nous risquons de favoriser par
l'adoption du présent article 79. En effet, un tel article obligera la
réalisation d'un peu plus de versions françaises dans des
délais un peu plus rapides. Or, dans la situation actuelle, à
cause de la sévérité des lois à ce sujet dans notre
"très chère mère patrie", à la suite des pressions
syndicales, les "majors" vont toutes faire doubler leurs films en France
puisque c'est à cette seule condition qu'ils peuvent y être
diffusés. Ainsi, lorsqu'on donne aux "majors" 60 jours pour doubler un
film en français, elles ont amplement le temps d'aller faire travailler
nos collègues parisiens. Ce n'est pas ainsi que l'on pourra
améliorer la situation.
Pour l'Union des artistes, outre la réduction du délai
à 30 jours qui aurait une incidence immédiate, il y a deux autres
grandes avenues d'intervention possibles à ce sujet et les deux
nécessitent l'appui du gouvernement québécois. La
première voie -nous l'avons déjà exposée
publiquement dans le passé, sans grands résultats jusqu'à
présent, il faut le dire - c'est la voie de la négociation entre
les gouvernements du Québec et de la France dans le cadre des accords de
coopération entre nos deux pays. Il faut que notre gouvernement, de
concert avec l'Union des artistes, exige un certain assouplissement des
règles françaises au sujet de la pénétration en
territoire français de films étrangers doublés au
Québec.
Nous avons tenté de sensibiliser le gouvernement du
Québec, de façon répétée, à ce sujet,
depuis plusieurs années.
Dernièrement, dans une rencontre avec le ministre des Affaires
intergouvernementales, qui portait sur les motifs de notre insatisfaction face
à la reconduction presque automatique des accords France-Québec
au sujet de TVFQ 99, l'Union des artistes est revenue sur cette question du
doublage auprès de M. Jacques-Yvan Morin. C'était le 15 octobre.
Quelques semaines plus tard, par voie de communiqué, ce dernier
annonçait qu'il consulterait les artisans du milieu culturel
québécois avant le prochain renouvellement des accords
France-Québec. Nous attendons avec beaucoup d'impatience, mais aussi
d'espoir ces rencontres de consultation, même si nous n'avons eu aucune
nouvelle à ce sujet depuis.
Il faut que notre gouvernement se préoccupe de cette question et
profite de ses rapports directs avec le gouvernement français pour
exposer et faire valoir le point de vue des artistes québécois.
5oyez assurés que, de notre côté, nous sensibilisons
continuellement nos collègues français qui, d'ailleurs, se sont
montrés de plus en plus ouverts à la discussion sur ce sujet
récemment.
La deuxième voie doit se diriger vers les "majors"
américaines ou nos collègues canadiens-anglais. En effet, il nous
semble qu'à ce jour aucun effort majeur de sensibilisation n'a
été fait auprès d'eux pour leur exposer les avantages
qu'ils retireraient à effectuer le doublage ici. Nous croyons fortement
que, dans plusieurs situations, le doublage au Québec donnerait de
meilleurs résultats pour le cinéma américain ou canadien
anglais que le travail exécuté à Paris. D'ailleurs, il en
est ainsi du théâtre depuis quelques années. Le jeune
théâtre américain ou le théâtre très
contemporain de nos voisins du Sud préfère maintenant se faire
traduire par des dramaturges québécois plutôt que
français. Michel Tremblay traduit beaucoup mieux Zindel que ne peut le
faire un dramaturge français, d'après les spécialilstes du
théâtre. Notre double appartenance à
"l'américanité" et à la francophonie nous permet,
semble-t-il, de mieux saisir l'esprit, l'essence des réalités
décrites par le théâtre américain, que ne le
feraient des collègues français.
Il nous semble que l'exemple du théâtre pourrait aussi se
retrouver au cinéma où la vision américaine du monde
s'exprime souvent dans toute sa splendeur!!!
Le gouvernement devrait, par son Office québécois du
commerce extérieur, ou SODICC, nous aider à sensibiliser le
milieu anglo-saxon sur nos capacités et sur la qualité du
doublage qui peut se faire ici. Ainsi, les deux opérations menées
de front pourraient, il me semble, aboutir à augmenter le nombre de
productions doublées chez nous beaucoup plus que l'article 79, tel qu'il
est rédigé présentement. Bien sûr, ces
démarches, s'ajoutant à la réduction de 30 jours,
auraient probablement des effets bénéfiques beaucoup plus
concrets. Il nous paraissait important, au moment où s'amorce une
réflexion sérieuse sur l'industrie du cinéma, d'aborder ce
sujet capital pour nos membres. Ceci termine le volet de nos commentaires
précis sur le projet de loi no 109 lui-même et sur les
améliorations que nous vous demandons d'y apporter.
Avant de terminer notre intervention, il nous paraîtrait important
de profiter de notre présence parmi vous pour formuler quelques
commentaires généraux sur certains aspects du rapport Fournier
qui ne sont pas formellement traités dans le projet de loi puisqu'ils
sont des sujets à dimension autre que législative. En effet, le
développement du cinéma québécois ne tient pas
qu'à l'adoption d'une loi intéressante sur le sujet. Il y a aussi
des aspects financiers, budgétaires et politiques qu'il ne faut pas
négliger.
Nous aimerions, d'abord, soulever le cas de Radio-Québec. Presque
cinq mois avant la sortie du rapport Applebaum-Hébert, le rapport
Fournier abordait de front le problème des relations entre les
producteurs privés et indépendants et les maisons de production
étatiques que sont Radio-Canada et Radio-Québec. L'analyse est
très sévère et, sans arriver aux mêmes conclusions
draconiennes que le tandem du rapport fédéral, le rapport sur le
cinéma recommande que la société Radio-Québec
accorde un pourcentage minimal formel aux producteurs indépendants.
Quelle est la position des artistes ou de l'organisme qui les
représente dans cette confrontation qui a, d'ailleurs, pris beaucoup
d'ampleur depuis la parution du rapport Applebaum-Hébert? Eh bien, la
position de l'Union des artistes n'est ni monolithique ni absolue. De toute
façon nous, les artistes, sommes pris entre l'arbre et l'écorce.
Nous travaillons et négocions des conventions collectives de travail
avec les deux groupes. En principe, nous sommes d'accord avec les personnes qui
prétendent que des sommes investies dans la production
indépendante risquent de déboucher sur une production de
qualité relativement équivalente, mais plus considérable
que les mêmes sommes confiées aux sociétés
d'État. De ce fait, il en découlerait un travail accru pour nos
membres et cela ne peut qu'avoir des effets bénéfiques sur la
situation socio-économique des artistes interprètes. (17 h
15)
Cependant, nous sommes loin d'être convaincus, compte tenu de la
situation économique actuelle, qu'un gouvernement qui réduirait
de X dollars les budgets de production de Radio-Québec
transférerait intégralement les mêmes sommes en soutien au
secteur indépendant. Ainsi, ce qui risque d'arriver, c'est plutôt
une perte sèche sur les deux fronts: des employés permanents
autrefois affectés à la production à Radio-Québec
qui se tourneront les pouces ou effectueront des tâches qui ne les
intéressent pas et pas plus de travail dans le secteur
indépendant.
Même si nos relations avec Radio-Québec ont souvent
été difficiles, son existence crée quand même du
travail pour nos membres. En ce sens, Radio-Québec est un
élément positif dans le secteur de la production audiovisuelle.
Ainsi, la seule chose qui pourrait justifier qu'on y réduise les budgets
de production ou, si vous voulez, qu'on en ralentisse ou stoppe la croissance,
c'est que ces sommes soient totalement et intégralement
réinvesties dans la production par les indépendants. Sinon, le
statu quo est plus intéressant pour nous. En clair, si vous ne nous
offrez pas le pain, on préfère la galette aux miettes.
De plus, Radio-Québec est un employeur unique d'une certaine
taille, ce qui en général représente un aspect positif
pour un organisme comme le nôtre dans la gestion des conventions
collectives. Il est évident que la tâche serait plus ardue,
à tout le moins au départ, de gérer une convention
collective avec un nombre très élevé de petits producteurs
indépendants. Cela ne constitue, cependant, pas une objection de
principe, mais plutôt une difficulté supplémentaire que
nous aurions à vivre.
L'Union des artistes aimerait également insister auprès du
gouvernement sur l'importance des abris fiscaux pour développer notre
industrie cinématographique et demande au ministre et à ses
collègues de bien considérer les recommandations à cet
effet contenues dans la rapport Fournier. Il nous semble essentiel que vous
interveniez auprès du gouvernement fédéral, au moment de
rencontres interministérielles, sur cette dimension importante d'appui
à notre cinéma national.
L'Union des artistes aimerait, en terminant cet exposé, insister
sur une dimension que nous considérons comme essentielle dans toute
cette réforme sur le cinéma qui est peut-être en train de
se dérouler présentement, soit la dimension financière. En
effet, le projet de loi que nous étudions, ou tout autre projet,
d'ailleurs, qui serait plus ou moins large et englobant, ne réglera
absolument pas les problèmes du fait de sa simple adoption par
l'Assemblée nationale. Un projet de loi, c'est utile, c'est
nécessaire, c'est important, mais les mesures de contrôle et les
changements de structures légales n'ont jamais, à elles seules,
permis la régénération et l'effervescence dans un secteur
d'activité. Autrement dit, si ce projet de loi qui nous apparaît
très intéressant - nous l'avons dit à
plusieurs reprises - n'est pas accompagné d'une injection
financière importante, tout ce beau travail aura été,
à notre avis, un peu futile et accessoire, un exercice de
rhétorique qui n'apportera pas la véritable relance
souhaitée, un squelette sans chair. Il faut le dire clairement, l'Union
des artistes estime que les recommandations et les suggestions
budgétaires du rapport Fournier sont aussi importantes que ses
suggestions législatives et structurales. À notre avis, les unes
ne vont pas sans les autres.
Le fonds de soutien au cinéma, les formules de retour automatique
et de primes au succès, de primes à la qualité, d'aide
à la recherche, les crédits à la production
indépendante et l'aide aux distributeurs et aux exploitants sont toutes
des mesures qui nous paraissent intéressantes et réalisables. Les
solutions apportées sont à la fois originales et
réalistes. De plus, dans la presque totalité des cas, les
solutions proposées relèvent exclusivement de votre juridiction,
ce qui évite les interminables conflits constitutionnels.
Nous aimerions aussi insister sur la pertinence des mesures transitoires
proposées par la commission Fournier et demander leur mise en
application pour une relance rapide de l'industrie, car vous savez que le temps
presse. La production cinématographique chez nous a rarement
été à un niveau si bas. La conséquence est claire
pour l'ensemble des artisans du milieu, techniciens comme interprètes:
nous grossissons le rang des chômeurs à tous les jours, sans
prestation aucune, par ailleurs.
Dans votre déclaration à la conférence de presse de
présentation du projet de loi, M. le ministre, vous avez affirmé
que l'ensemble des mesures non législatives proposées par le
rapport Fournier était à l'étude par vos collègues
du Conseil du trésor, du ministère de l'Éducation et du
ministère des Finances. L'Union des artistes espère que ces
rencontres donneront des résultats rapidement et que ce n'est pas une
technique pour reléguer ces dispositions essentielles aux oubliettes,
car peu importe la qualité du projet de loi no 109, nous refusons que la
présente réforme ne repose que sur cette seule pièce
législative.
Pour l'Union des artistes, il est essentiel que les sommes que la
commission Fournier proposait d'allouer au milieu du cinéma le soient,
et rapidement. Si le gouvernement trouve des méthodes ou des sources
qu'il estime meilleures que celles proposées, nous n'avons pas
d'objection. Ce qui compte pour nous, c'est que des sommes équivalentes
soient investies dans cette industrie culturelle, que nos membres travaillent
et que toute cette mise en place ne prenne pas une autre décennie. Il
faut que le gouvernement profite de l'unanimité qui semble enfin
régner dans cette industrie et agisse rapidement.
Finalement, l'Union des artistes espère être
consultée pour les autres étapes du processus de mise en place de
la réforme à la suite de l'adoption de la présente loi:
règlements, critères d'attribution de l'aide à l'industrie
et à ses partenaires, etc. Nous aimerions, en conclusion,
réitérer notre satisfaction quant au contenu essentiel du projet
de loi no 109 et à la rapidité avec laquelle le ministre
désire procéder. Nous espérons que la présente
commission considérera sérieusement les modifications que nous
avons proposées, c'est-à-dire: premièrement, que le milieu
cinématographique québécois soit majoritaire sur
l'ensemble des lieux décisionnels des organismes créés par
la présente loi; deuxièmement, que l'on ajoute les artistes
interprètes dans la liste des intervenants pouvant recevoir un retour
automatique sur succès de guichet et des primes à la
qualité; troisièmement, que l'on réduise de 60 à 30
jours la période permise de diffusion dans une seule langue autre que le
français.
Soyez assurés que l'Union des artistes continuera, tout en
défendant les intérêts de ses membres, à travailler
à la renaissance de l'industrie cinématographique d'ici. Je vous
remercie.
Le Président (M. Gagnon): Merci madame. M. le
ministre.
M. Richard: M. le Président, je voudrais remercier Mme
Deschâtelets et les collègues qui l'accompagnent. Je pense qu'il
s'agit de la présentation d'un mémoire dont la facture est
remarquable. Tous les membres de la commission, je pense, le
reconnaîtront. Je voudrais tout de suite vous faire une observation en ce
qui a trait aux 60 jours. Nous avons voulu - je pense que vous avez
assisté aux séances de la commission depuis ce matin - être
le moins contraignants possible et je pense que vous avez pu comprendre
pourquoi. Il nous apparaissait que ce n'était pas trop contraignant, 60
jours, et qu'en même temps nous pourrions peut-être atteindre les
objectifs poursuivis.
D'autre part, la question essentielle que je voudrais vous poser va
porter sur le problème de la qualité. Ce matin, vous étiez
présents quand, à plusieurs occasions, on a parlé de
l'importance d'offrir aux Québécoises et aux
Québécois un produit de qualité. Il me semble qu'on fait
souvent état des échecs en matière de cinéma
québécois et que, pour des motifs que j'ignore, on parle beaucoup
moins souvent des succès du cinéma québécois. Je
pense que, s'il y a une personne qui est habilitée à nous parler
des succès du cinéma québécois, c'est bien la
présidente de l'Union des artistes. Je voudrais entendre vos
commentaires là-dessus, Mme Deschâtelets.
Mme Deschâtelets: M. le ministre, vous soulevez une
question qui nous préoccupe beaucoup. J'ai eu l'occasion de lire
quelques-uns des mémoires qui sont présentés devant cette
commission et aussi de voir certains articles de journaux où on
prétendait que le cinéma québécois n'était
pas un cinéma de qualité, donc invendable à
l'étranger, que les produits, les films américains ou en langue
autre que le français doublés ici n'avaient pas la qualité
des films doublés en France. Je puis vous dire que nous pourrions nous
insulter de ces affirmations, étant donné que nous sommes les
premiers touchés par de telles affirmations et que l'Union des artistes
prétend représenter des artistes interprètes
professionnels, ayant des qualités professionnelles équivalentes
à celles des interprètes des autres pays, tant américains
qu'européens, et que ces affirmations sont tout à fait gratuites.
Mais, bien sûr, M. le ministre, si une industrie cinématographique
nationale telle que celle du Québec ne produit que deux films en un an -
c'était le cas l'année dernière - il est difficile
d'arriver à cent produits de qualité égale ou
équivalente à celle des produits fabriqués aux
État-Unis ou en Europe. Si vous demandiez à l'équipe des
Nordiques de ne jouer qu'un jour par mois, il est évident que cette
équipe serait moins bonne qu'elle ne l'est. Je ne fais pas de
partisanerie, je suis à Québec, je parle des Nordiques. C'est la
même chose en matière culturelle; si vous ne produisez pas de
films, autant les scénaristes, que les réalisateurs, que les
interprètes ne se perfectionnent pas.
Mais, à la base, j'aimerais que les gens, en dehors du fait
qu'ils puissent dire que tel film ou que tel autre film n'a pas fait
succès, prennent aussi le temps de parler des films "Les bons
débarras", "J. À. Martin photographe", "Deux femmes en or" et de
multiples autres films qui non seulement ont réussi à faire leur
frais mais à faire des profits. Si je reviens à "J. À.
Martin photographe", nous avons une interprète dans ce film qui a
gagné un prix au festival de Cannes, un des festival les plus
prestigieux, Monique Mercure en l'occurrence.
Donc, je trouve un peu incroyable que des citoyens
québécois, qu'ils soient ministres, députés ou quoi
que ce soit, continuent à affirmer que notre cinémato-graphie n'a
pas de valeur. Certaines personnes l'ont affirmé. Je considère
qu'on devrait aussi s'arrêter à ce qui est bien fait, à ce
qui a de la valeur, et à partir de ça s'étendre aussi sur
les films de qualité.
De plus, je pense que plus il y aura de production, plus il y aura de
bons films. C'est évident que la production cinématographique
japonaise est immense, sauf que ce qu'on en voit ce sont les chefs-d'oeuvre.
Nous on a un petit peu plus de difficulté à envoyer nos
chefs-d'oeuvre parce qu'on n'en fait presque pas. Quand on en envoie un, c'est
par décennie. Mais c'est normal puisque la production est tellement
réduite.
M. Richard: Je vous remercie, Mme Deschâtelets.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Saint-Henri.
M. Hains: Oui, Mme Deschâtelets, je veux d'abord vous
féliciter moi aussi pour votre beau mémoire. C'est clair, c'est
substantiel et la diction est vraiment charmante et rapide. C'est très
très très apprécié.
M. Richard: Comme quoi on peut faire du doublage au
Québec, M. le député de Saint-Henri.
M. Hains: Dans votre mémoire, en haut de la page 5, vous
appuyez l'allégement des structures, ce qui se rapporte
évidemment au rapport de M. Fournier. Vous ne semblez pas quand
même enfin trop trop hésiter à accepter le nouvel organisme
du cinéma et de la vidéo. Vous semblez cependant toujours
hésiter sur cette question de surcharge au point de vue organismes,
disant que c'est créer un risque que d'avoir comme ça de petits
empires et des conflits de juridiction. Est-ce que vous voyez la même
chose avec la création de cette nouvelle société?
Pensez-vous que cela va augmenter ce danger de conflit de juridiction, puis de
création de petits empires?
Mme Deschâtelets: Je ne crois pas, M. le
député. Je considère que les trois structures
proposées dans le projet de loi sont trois structures qui auront des
mandats différents et complémentaires. Cette
complémentarité et cette différence feront que les trois
organismes pourront travailler conjointement à la condition, bien
sûr, comme on le souligne un peu plus loin dans notre mémoire,
qu'ils soient composés d'intervenants issus du milieu
cinématographique.
M. Hains: Très bien, merci. En page 6, maintenant, vous
insistez pour que les structures d'organisation et de développement
"soient contrôlées et gérées par les artisans,
créateurs et producteurs, c'est-à-dire le milieu du
cinéma." Vous vous inquiétez même un peu du recrutement des
membres de la société et de la régie qui sera
laissé à la discrétion et au bon désir du ministre.
Ma question est celle-ci: Ne trouvez-vous pas qu'il y a vraiment une saveur
corporatiste un peu épicée dans tout cela? Parce que ce groupe
restreint, quoique très digne et très compétent, nous vous
en rendons hommage, je ne doute pas de cela, est-ce que quand
même ce n'est pas un peu contraignant pour la notion de
diversité d'opinions, l'étalement de la qualité? En
même temps est-ce que les goûts et les intérêts du
public ne risquent pas quand même de perdre un peu leur
priorité?
Mme Deschâtelets: Je puis vous dire, M. le
député, que nous soulignons que nous voudrions que la
majorité des membres des conseils d'administration de ces trois
institutions soit composée de gens du milieu. Nous n'avons pas
d'objection qu'il y ait d'autres personnes. Ici, je fais
référence à la composition actuelle de l'Institut
québécois du cinéma qui est de gens du milieu; entre
autres, étant donné que c'est un conseil d'administration petit,
il y a un représentant du public dans cet organisme-là. C'est
dans cet esprit que nous favorisons à ces conseils d'administration, une
majorité de représentants du milieu avec bien sûr d'autres
types de représentants. Nous n'excluons pas des représentants du
public ou d'autres types d'organismes ayant un intérêt dans le
milieu cinématographique. Nous voudrions qu'une majorité soit
composée de gens du milieu.
M. Hains: Merci.
Le Président (M. Gagnon): M. le député.
M. Hains: Vous vous plaignez aussi, avec raison je crois, du peu
d'importance donnée à l'artiste interprète dans l'ensemble
de la réforme. Là-dessus vous me rejoignez parce que j'ai
beaucoup dit dans mon discours d'ouverture que, dans toute cette structure, on
semble oublier l'humain et, par conséquent, on semble oublier aussi
l'artiste interprète.
J'aimerais vous entendre dire ce que vous aimeriez qu'on inclue dans la
loi. Enfin, qu'est-ce qu'on pourrait faire davantage afin que votre rôle
soit vraiment reconnu dans ce projet de loi?
Mme Deschâtelets: Dans les demandes les plus importantes
que nous faisons au ministre quant à son projet de loi, il y en a deux
que je peux vous citer. Celle que nous soyons partie à ces primes au
succès ou primes à la qualité qui seront
réinvesties chez les intervenants du cinéma, primes au
succès auxquelles nous ne participons pas actuellement. Je pense que
c'est un point important, étant donné que les artistes font
partie intégrante du succès d'un film, à l'égal
d'un réalisateur ou d'un scénariste. Nous voudrions que ces
primes au succès soient réparties de façon
adéquate. Nous ne demandons pas la plus grosse part, mais nous demandons
une part.
Un deuxième point. Nous voudrions aussi, en plus de cet
élément qui touche les artistes interprètes, que des
mesures soient prises pour réduire au minimum la période de 60
à 30 jours pour la sortie d'un film en langue française. Cette
mesure ne nous touchera pas immédiatement dans un premier temps,
puisque, on le sait très bien, sans des mesures parallèles il est
impossible que le doublage ou le sous-titrage soit fait automatiquement ici.
Mais, au moins, c'est une mesure incitatrice. Par cette mesure, jumelée
avec des négociations parallèles faites par le gouvernement
québécois avec le gouvernement français, on arriverait
peut-être à un moyen terme et à des méthodes de
fonctionnement qui puissent faire revivre l'industrie du doublage.
Est-ce que je réponds à votre question?
M. Hains: Oui, oui, très bien. Merci. Justement, pour en
revenir à la question de la période, vous trouvez ce délai
de 60 jours, comme vous dites, comme une approche minimale et très
timide?
Mme Deschâtelets: C'est tout à fait timide.
M. Hains: Je vais finir ma question. Je respecte
évidemment votre opinion, mais vous hésitez un peu à la
défendre quand même en invoquant un peu le manque de recherchistes
à cet effet. Non?
Mme Deschâtelets: C'est-à-dire que nous n'avons pas
de chiffre précis. Nous avançons un certain nombre de chiffres
que nous formulons à partir d'expériences vécues. Nos
membres font du doublage actuellement. Selon les quelques productions
cinématographiques qui ont été doublées ici, on
calcule que, dans une période de 30 jours, un film peut être
doublé au Québec, comme il peut l'être aussi en Europe en
l'espace de 30 jours.
Un film peut être sous-titré dans une période
maximale de 15 jours. Donc, on se base sur des chiffres que nous connaissons
à partir de notre travail. Bien sûr, les autres intervenants, tels
les "majors", soulignent que c'est impossible de doubler un film dans cette
période. Par contre, puisqu'on s'est déjà servi du
mémoire des "majors", je vais m'en servir moi-même. À un
moment donné, ils disent qu'on devrait attendre quelques mois, sinon
près d'un an dans certains cas, pour qu'un film doublé soit
disponible. Voyez à la page 11 de leur mémoire. Par contre, en
page 15 de ce même mémoire, ils disent eux-mêmes que les
maisons de doublage françaises sont fermées au mois de juin.
À partir de ce moment-là, un film qui serait diffusé au
Québec au mois de juin, les maisons de doublage étant
fermées en France - évidemment, ils en déduisent que les
films seront doublés en France - ils disent que, si le film était
présenté au Québec en juin, la
version française du film ne pourrait sortir avant le mois de
septembre. Ce qui fait deux mois. Ils passent de près d'un an à
deux mois, à l'intérieur de leur mémoire. Ce sont eux qui
font faire le doublage.
À partir de cela, je dis que nous n'avons pas de preuve, mais ils
n'en ont pas plus de leur part. Donc, donnons-nous des moyens d'avoir des
preuves.
M. Hains: Mais je continue à dire que vous semblez douter
un peu de l'effet de cet article 79. Vous dites, un peu plus loin à la
page 21, si je ne m'abuse, que "ce n'est pas ainsi qu'on va améliorer la
situation. Pour l'UDA, outre un délai de 30 jours qui aurait une
incidence immédiate, il y a deux autres grandes avenues". Pour ma part
aussi; on dirait qu'on se rencontre énormément. C'est ce sur quoi
j'ai insisté dans mon discours, c'est-à-dire la
négociation avec ces gens-là, avec la France et,
deuxièmement, avec les "majors". Est-ce que vous pourriez, avec votre
voix, essayer de convaincre notre ministre que c'est possible?
Mme Deschâtelets: Je suis d'accord avec vous pour continuer
d'affirmer que cette mesure, cet article 79, dans les faits, n'est qu'une
technicité. Pour nous, cela ne représentera pas plus de travail.
Cela ne représentera pas plus de doublage pour nos membres. C'est
évident. Mais il est essentiel, au moins, que cet article reste tel
qu'il est. C'est le minimum. Que le ministre veuille le changer, nous en
serions fort heureux et nous le lui demandons. Mais, le minimum que nous
exigeons, c'est que ce qui est dans l'article 79 continue à exister au
moment où la loi sera votée en Chambre. Ce serait
épouvantable que cet article disparaisse ou qu'il soit minimisé.
Nous parlons pour nous. Il est bien évident que, pour l'industrie de
doublage non plus, ce n'est pas une mesure qui à court terme va
favoriser le travail dans leurs studios. Mais il est évident qu'à
plus ou moins long terme, si au moins on a cette mesure-là et que,
parallèlement, le gouvernement s'entend pour négocier autre chose
d'autre part, en jumelant les deux exercices, l'exercice de loi et l'exercice
de négocation, on arrivera à quelque chose de potable et de
valable pour nous.
M. Hains: Alors, une dernière question peut-être au
sujet de Radio-Québec. Êtes-vous d'accord, en principe, avec
l'idée de cesser la production à Radio-Québec, à
condition que les sommes investies soient complètement reconduites dans
la production privée? Est-ce que vous pourriez commenter
là-dessus?
Mme Deschâtelets: D'abord, je vais vous corriger un peu.
Nous avons dit de stopper la croissance de Radio-Québec et non pas de
fermer la boîte prioritairement. Je ne voudrais pas que vous nous fassiez
dire ce que nous n'avons pas dit.
Si le gouvernement veut procéder de la sorte, les sommes totales
qui sont attribuées actuellement à Radio-Québec pour faire
de la production, si elles sont réinvesties automatiquement dans la
production privée, il est évident que pour nous cela
représente une masse de travail plus importante. Je pense que personne
n'est inconscient ici et tout le monde doit savoir - ou si vous ne le savez
pas, je vous le dis, vous pourrez vérifier les chiffres - qu'une
production fabriquée dans une société d'État, comme
Radio-Canada ou Radio-Québec, coûte plus cher que chez les
producteurs privés. Donc, à partir de ce moment-là, si un
producteur privé bénéficie du même montant d'argent,
il est évident qu'il fera plus de productions. Mais nous ne sommes pas
d'accord avec le fait que vous stoppiez la croissance de Radio-Québec
d'une façon ou d'une autre et que ces sommes-là soient
dirigées vers d'autres fins que celles de la véritable production
cinématographique. Et, à partir de ce moment-là, que ce
soit au moins les producteurs indépendants qui en
bénéficient, eux qui bâtissent une cinématographie
nationale.
M. Hains: Je vous remercie et je vous offre mes
félicitations pour votre beau travail.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Mille-Îles.
M. Champagne: Merci, M. le Président. Je m'associe aux
collègues qui m'ont précédé pour féliciter
Mme Deschâtelets de la qualité du mémoire qu'elle a
présenté.
J'ai peur peut-être de répéter certaines questions,
mais c'est très important au sujet de l'article 79. En page 17, vous
dites: "...sans aucunement ennuyer les "majors" qui n'auraient aucune
difficulté à entrer dans ce délai - de trente jours - si
telle était l'exigence légale". Etes-vous capable de me faire la
preuve que les "majors" ne seront aucunement ennuyés si on met le
délai à trente jours?
Mme Deschâtelets: Pourquoi les "majors" seraient-ils
ennuyés de le faire ici quand ils ne sont pas ennuyés de le faire
en France? Ils le font en France. La loi l'exige.
Ils le font. Ils sortent les films en version française en
France, à peu près, dans la majorité des cas, en
même temps qu'ils sortent aux États-Unis et, dans plusieurs cas
où les films ne sortent pas en France en même temps qu'aux
États-Unis, c'est strictement une question de marketing. Il est bien
évident que la sortie des films dans un pays a un impact sur la
population et qu'on
choisit le meilleur moment pour cette population pour choisir le film.
En France, c'est peut-être le mois d'avril ou mai, ici c'est
peut-être le mois de septembre et, aux États-Unis, c'est
peut-être le mois d'octobre. Il y a ces raisons qui justifient gu'un film
ne sorte pas en même temps aux Etats-Unis et en France. Mais dans la
majorité des cas, je dis bien la majorité des cas - nos
collègues artistes interprètes français qui vivent de
l'industrie du doublage et qui en vivent grassement pourraient vous le dire -
les films sortent à peu près en même temps qu'aux
États-Unis et vous pouvez le vérifier.
M. Champagne: D'accord. Au sujet de la commission, vous dites:
Changeons les règles du jeu et ils s'y conformeront puisque nos
exigences seront encore de beaucoup en deçà de celles de
plusieurs pays où pénètrent depuis toujours les "majors"
et leurs films.
J'aimerais savoir quelles sont les exigences dans d'autres pays face
à ces "majors"?
Mme Deschâtelets: Si je pense à la France, un film
américain - prenons le cas des Américains, mais tout autre film
en langue autre que le français qui sort en territoire français -
doit être doublé sur le territoire français. C'était
une loi qui existait pour le cinéma distribué en salle et qui a
été extensionnée au cinéma diffusé sur les
chaînes de télévision. À quatorze heures
près, on permet une quarantaine d'heures de diffusion d'émissions
doublées qui sont permises sur les ondes de la télévision.
Mais, au cinéma, cela n'existe pas. Donc, pour diffuser un film en salle
en France, il faut que le film soit diffusé en salle. Dans d'autres
pays, vous avez des mesures différentes. En Belgique, par exemple, il
existe un contingentement de productions étrangères. Il n'existe
pas de normes en matière de doublage mais, par contre, il existe un
contingentement en matière d'entrée de films étrangers. Je
préfère ne pas contingenter les films étrangers et donner
à la population québécoise l'accès complet à
toutes les cinématographies nationales étrangères mais,
par contre, permettre à l'industrie, ici, de vivre - et l'industrie du
doublage en est une - à partir de productions étrangères
qui prennent la place de productions locales sur les écrans de
cinéma et dans les salles de télévision.
M. Champagne: Est-ce que vous voulez dire, par le fait
même, que nous sommes plus généreux qu'ailleurs?
Mme Deschâtelets: Je ne parle même pas de
générosité. Nous avons laissé faire les gens
jusqu'à maintenant. Il n'y a personne à blâmer, mais je
pense qu'il est temps de s'en rendre compte.
M. Champagne: Merci beaucoup.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Mme la
députée de Chomedey.
Mme Bacon: Merci, M. le Président. J'aimerais revenir, si
vous le voulez bien, à la page 14 où vous indiquez,
évidemment, le retour automatique sur la billetterie, la prime au
succès, la prime à la qualité et le fait que l'artiste
interprète ne bénéficie d'aucun de ces mécanismes
d'aide. Vous aimeriez que cela serve, en fait, à des fins de
perfectionnement. Est-ce que c'est un peu dans le style des bourses qui sont
données par le Conseil des arts? Est-ce que c'est un peu dans ce
genre-là que vous voyez l'aide qui serait donnée aux
interprètes?
Mme Deschâtelets: Pas nécessairement. Ce pourrait
être, par exemple, pour aider les interprètes à avoir
accès à des cours ailleurs, bien sûr, sous forme de bourses
mais aussi avec l'obligation pour l'artiste, par la suite, de réinvestir
d'une certaine façon dans une production nationale, soit par sa
participation à l'intérieur d'un film, soit par - à titre
d'exemple, on a essayé d'évaluer tout cela - la présence
d'un artiste interprète dans des groupes de cours pour former de jeunes
étudiants en cinématographie. La remise de ces sommes servirait
pour l'interprète lui-même mais aussi pour la collectivité
du cinéma.
Mme Bacon: Qui croyez-vous serait habilité à mettre
de l'avant des critères de sélection? Est-ce que ce serait
l'Union des artistes même? Est-ce que vous vous êtes penchés
sur cette question des critères? Parce qu'il y a quand même un
problème de critères de sélection. Qui serait
habilité à le faire, d'après vous?
Mme Deschâtelets: Dans la structure proposée par la
loi, je pense que cela ferait partie des attributions directes de l'Institut
québécois du cinéma avec, bien entendu, la participation
de certains intervenants comme des membres de l'Union des artistes qui
pourraient faire un certain nombre de suggestions. Il est bien évident
que cela ne pourrait pas être l'Union des artistes elle-même...
Mme Bacon: Non.
Mme Deschâtelets: ...qui décide de cela. On se
trouverait juge et partie face à nos propres membres. Je pense que
l'union pourrait être un élément de suggestion pour
l'Institut québécois du cinéma afin qu'il bâtisse
les critères.
Mme Bacon: Est-ce que vous verriez un comité
spécial à l'intérieur de l'institut, qui
serait ce comité de sélection?
Mme Deschâtelets: Je pense que ce pourrait être un
comité spécial avec l'approbation du conseil d'administration de
l'institut sur ces critères. Cela nous semblerait une mesure
valable.
Mme Bacon: Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Mme Deschâtelets, vous avez dit tantôt, en
faisant référence à certaines mesures, "qui puissent faire
revivre l'industrie du doublage" et je me suis demandée qu'est-ce qui
est arrivé à cette industrie pour qu'elle ait besoin
d'être...
Mme Deschâtelets: Elle est moribonde.
Mme Harel: II ne s'agit pas seulement d'un second souffle. Il
s'agit, en fait, d'une situation qui est plus dramatique encore?
Mme Deschâtelets: Dans le cinéma, c'est un second
souffle. Dans l'industrie du doublage, ils en sont à la survie et je
pense qu'ils viendront vous le dire eux-mêmes. Il y a à peu
près cinq ou six ans, il existait - mon camarade pourrait le dire - une
quinzaine de maisons de doublage. Actuellement, il n'en existe que...
M. Bellier (Marc): ...cinq ou six qui survivent...
Mme Deschâtelets: ...qui survivent parce qu'il y a peu de
produits à doubler et, en plus, encore dans le domaine
cinématographique, tous les films sont doublés en France, mais
une très grande majorité, le pourcentage qu'ils ont à
doubler est minime. En ce qui concerne, les émissions de
télévision, on achète des séries
télévisées doublées en France exclusivement pour le
Québec. Cela n'existe plus à une aussi haute échelle
qu'autrefois, mais cela existe encore où des sociétés
comme Radio-Canada achètent des séries doublées en France
et des séries qui ne sont diffusées que sur les ondes de la
télévision canadienne-française. Alors, cette industrie
vivote. Si je pense à nos propres membres, nous avions il y a cinq ou
six ans environ 150 personnes qui travaillaient dans le secteur du doublage,
nous n'en avons plus que 50, au maximum. Je vous donne des chiffres maximaux.
(17 h 45)
M. Bellier: Et sur le plan cinématographique, cela va
encore plus loin, c'est que même des productions canadiennes anglophones
sont doublées en France, en français, même pas par les
acteurs québécois. Les productions cinématographi- ques
canadiennes anglophones sont doublées en français en France. Cela
va aussi loin que cela.
Mme Harel: Est-ce qu'il vous semble que votre recommandation de
réduire de 60 à 30 jours puisse avoir un impact direct?
Mme Deschâtelets: Quant à moi, je pense que cet
impact ne serait pas sur la totalité des films à doubler, mais au
moins sur une proportion de films que les Américains sortent ici
spécifiquement au Québec avant de les sortir en France ou
même sans les sortir en France. Cela aurait au moins un impact sur une
partie de la production. Nous sommes bien conscients que nous ne pouvons pas
rapatrier la totalité de la production en doublage, la totalité
du doublage. C'est bien évident, le bassin de la population ne le permet
pas. Mais au moins, cette partie pourrait nous revenir et permettre à
l'industrie de vivre.
Mme Harel: Est-ce qu'il y a des films qui sortent ici, comme vous
le mentionniez, tout de suite sans qu'ils soient diffusés en France?
Mme Deschâtelets: Cela existe.
Mme Harel: Dans les films américains?
Mme Deschâtelets: II y a des films américains, comme
il y en a qui sortent uniquement en France et qui ne sortent jamais ici, cela
dépend.
Mme Harel: II ne vous semble pas que cela pourrait en fait
exclure du marché québécois des films qui n'auraient pas
de sortie ici ou dont la sortie serait retardée.
Mme Deschâtelets: Absolument pas puisque le doublage n'est
pas essentiel. Les industries techniques vivent aussi du sous-titrage et le
sous-titrage, les "majors" le disent eux-mêmes, ils affirmaient, il y a
deux ans, que cela coûtait 8000 $ pour sous-titrer; cela en coûte
1500 $. Alors, je pense que 1500 $ pour sous-titrer un film et deux semaines au
maximum pour le faire, cela leur permettrait de le faire ici. Nous parlons plus
particulièrement du doublage parce que c'est une source de revenus pour
nos membres, mais ils ont toujours la porte de sortie du sous-titrage qui est
là prévue dans la loi et dont ils peuvent se servir en n'importe
quel temps.
Mme Harel: J'ai une autre question à vous poser. Ceci dit,
je trouve que votre intervention est assez magistrale sur toute cette question
en rapport avec la disposition 79 du projet de loi. Cette question que je vous
adresse concerne la recommandation que
vous faites disant que le milieu cinématographique soit
majoritaire sur l'ensemble des lieux décisionnels, dites-vous, et
où vous faites référence particulièrement à
l'institut, où ce sera le cas, et à la société.
Comme la société a comme mandat de répartir les fonds du
gouvernement destinés au secteur privé du cinéma et de la
vidéo, est-ce qu'il ne vous semble pas plausible qu'il puisse y avoir,
à l'occasion, conflit d'intérêts ou du moins apparence de
conflit d'intérêts?
Mme Deschâtelets: Si on pense au fonctionnement actuel de
l'institut - parce que je suis membre du conseil d'administration de l'institut
- il n'y a, à ma connaissance, pas eu de conflit
d'intérêts, étant donné qu'au moment de voter, si on
a un intérêt, quel qu'il soit, dans quelque production que ce
soit, on se retire au moment du vote et toutes les décisions
d'attribution de sommes sont faites à partir d'un jury. Ce sont les
jurys qui décident et qui font des recommandations au conseil
d'administration de l'institut.
Même si le conseil d'administration de l'institut est
constitué de gens du milieu, ce ne sont pas ces gens qui lisent les
projets et qui décident que ces projets sont acceptables ou non. Ce sont
des jurys secrets. Donc, à partir de cela, les recommandations viennent
et on n'étudie pas nous-mêmes le projet. Si la recommandation est
négative, le jury a raison là-dessus. Donc, le conflit
d'intérêts n'existe pas, à ma connaissance.
Mme Harel: J'imagine qu'il peut se produire, ce conflit, s'il y a
de nombreuses recommandations positives et s'il y a un arbitrage à faire
dans la répartition des sommes?
Mme Deschâtelets: Cela pourrait exister dans ces cas, je ne
le nie pas.
Mme Harel: D'accord.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je voudrais poursuivre sur la question de ma
collègue de Maisonneuve. Pourquoi vous semble-t-il aussi fondamental que
les structures d'organisation et de développement soient
contrôlées et gérées par les artisans
créateurs et producteurs? Je comprends qu'il faut que ce soit des gens
d'abord intéressés à ce milieu, qui soient familiers avec
ce milieu. Lorsqu'on examine la composition d'un grand nombre de conseils
d'administration, que ce soit en éducation, en affaires sociales ou en
économique etc., en général, ce sont des personnes qui,
à un moment ou l'autre, ont des intérêts dans ces domaines,
mais ce ne sont pas nécessairement des gens qui y sont directement
impliqués. Je voudrais essayer de saisir le rationnel pour que vous
soyez aussi formels dans votre recommandation. N'y aurait-il pas gain
également à ce que, justement, un nombre plus important de
personnes n'étant pas directement impliquées dans le milieu de la
création et des productions soient aussi membres, deviennent des
interprètes extrêmement précieux pour vous auprès de
la communauté, auprès du gouvernement? Il me semble qu'il y
aurait un gain quelconque, même pour vous, à modifier la structure
telle qu'elle existe présentement.
Mme Deschâtelets: L'exemple à l'appui que je vais
vous donner pour justifier notre affirmation est celui de l'Institut
québécois du cinéma. Le milieu du cinéma, tout le
monde le sait depuis fort longtemps, est un milieu qui a vécu de
nombreuses difficultés internes avant d'en arriver à un
fonctionnement sain et serein tel que celui qui existe à l'institut.
C'est à partir des interventions des gens du milieu et de la
présence des gens du milieu à la table du conseil
d'administration de l'institut que les consensus se sont faits et que
l'unanimité arrive à se faire dans un milieu très
difficile et très bouillant.
Donc, nous partons de cet exemple. Il est évident que l'apport de
gens de l'extérieur peut être valable à la condition que la
majorité de l'industrie soit présente à ces tables,
à notre avis, étant donné que les formes de métier
que nous exerçons ne ressemblent en rien à tout autre
fonctionnement dans les autres industries.
Donc, nous considérons que les gens du milieu sont plus aptes
à faire comprendre et percevoir la réalité du milieu. Nous
sommes d'accord, je pense, pour qu'un certain nombre de personnes à
l'extérieur du milieu soient présentes au conseil
d'administration mais, à notre avis, la présence majoritaire des
gens du milieu - et l'institut est là pour le prouver - a ses lettres de
noblesse.
Mme Lavoie-Roux: J'accepte votre explication, votre affirmation.
Mais il reste que - et peut-être que cela n'est pas relié au fait
que ce soit très majoritairement composé de gens du milieu - on a
entendu, depuis hier, cinq ou six mémoires, et il y en a deux ou trois
qui ont été assez critiques des décisions de l'institut,
à savoir qu'ils sont toujours oubliés, que telle région
est favorisée et que la leur ne l'est pas. Enfin, on a eu des remarques
à cet effet. Alors, il se peut qu'à l'intérieur, vous
fonctionniez d'une façon plus harmonieuse et avec moins de
tiraillements, mais je me demande si la présence en plus grand nombre de
gens de "l'extérieur" ne permettrait pas de faire un arbitrage qui
serait moins sujet à la critique puisqu'on a entendu... Je n'ai pas lu
tous les autres mémoires, je ne sais pas s'il y a des
critiques de ce genre qui se répètent, mais
particulièrement sur la composition... La députée de
Maisonneuve parlait de la composition de la Société
générale du cinéma et de la vidéo, où on
fera la distribution de subventions, où on portera quand même des
jugements. Vous dites que vous feriez peut-être exception pour la
régie, mais pas pour la Société du cinéma et de la
vidéo qui est la société qui a pour fonction très
explicite de procéder à des jugements, à la distribution
de fonds, etc., et cela m'étonne un peu.
Mme Deschâtelets: II est bien sûr que tout organisme
ayant à prendre des décisions pour ou contre certains demandeurs
est toujours critiqué. Il est bien évident que l'institut est
sûrement critiqué à l'égal de tout autre organisme,
sauf que je considère et nous considérons à l'Union des
artistes que le travail de l'institut depuis le début de son existence
jusqu'à maintenant a réussi à faire une unanimité
du milieu. La réaction des gens à la présentation du
projet de loi et du rapport de la commission Fournier en est un exemple
évident. Donc, cette unanimité n'a jamais existé
auparavant, c'était la guerre totale en tout temps. Maintenant, on en
est arrive, avec le cheminement de l'institut, à cette situation.
D'accord, il y a des critiques, mais je pense que la présence
majoritaire des gens du milieu a servi à cela.
À notre avis, la poursuite de cette façon de faire est
idéale.
Mme Lavoie-Roux: La deuxième question que j'ai s'adresse
peut-être davantage au ministre, mais vous y touchez d'une façon
très développée. C'est toute la question du doublage des
films. Je vais rappeler qu'en 1977, lors du premier voyage officiel du premier
ministre en France, après l'élection de 1976, avant même
son départ, cette question avait été soulevée par
moi-même à l'Assemblée nationale et il devait en discuter
à Paris. C'était en 1977, à ce moment-là, il y
avait une grève. Vous faites allusion, d'ailleurs, aux pressions des
syndicats français. J'ai oublié sa réponse à son
retour de voyage, mais il y a une chose certaine, le problème
n'était pas réglé. Je pense que c'est très
important. Déjà, à ce moment-là, les compagnies se
sentaient vraiment en voie de disparition à la suite de cette politique.
Y a-t-il des espoirs, M. le ministre? Parce que c'est un problème
réel, ce n'est pas un problème imaginé. Dans nos accords
franco-québécois, cela m'étonne beaucoup qu'on ne soit pas
arrivé à s'entendre ou, au moins, à une espèce de
compromis. Je ne sais pas de quelle façon et quelles pourraient en
être les modalités, mais cela m'apparaît une
abnégation, - abnégation n'est même pas le mot - une
démission tout à fait incompréhensible de la part du
gouvernement du Québec.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Richard: M. le Président, avec votre permission,
j'aimerais apporter une très brève réponse à la
question fort pertinente soulevée par Mme la députée de
L'Acadie. Il est vrai que des démarches ont déjà
été entreprises auprès du gouvernement français.
J'ai moi-même eu l'occasion de m'entretenir à ce sujet avec mon
homologue, le ministre de la Culture de France. Ce n'est pas très facile
à régler, parce que cela relève essentiellement des
syndicats français. C'est l'opposition des syndicats français qui
est en cause. Sauf que - je pense que Mme Deschâtelets va pouvoir ajouter
à mon propos - simultanément, il faut entreprendre des
négociations avec le gouvernement français, d'une part, et avec
les syndicats en ayant l'appui - j'espère bien, je pense qu'il nous est
acquis d'avance - de l'Union des artistes, en particulier.
Comme les rapports entre l'Union des artistes et les syndicats
québécois sont de plus en plus fréquents et que les
rapports entre les interprètes québécois et leurs
collègues sont de plus en plus fréquents, je pense qu'il y a lieu
d'espérer que la situation s'améliore dans un proche avenir. Il y
a des solutions originales qui sont maintenant proposées et
j'espère bien pouvoir les proposer, avec l'appui de l'Union des
artistes, à nos collègues français. Je pense que ce ne
serait pas le moment de parler des solutions originales auxquelles on songe
avant de leur en parler à eux d'abord.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, moi...
Le Président (M. Gagnon): Madame, est-ce que vous aviez un
complément de réponse?
Mme Deschâtelets: Si madame veut poursuivre, mais j'aurais
peut-être un élément supplémentaire. Je pense que
votre information sur ce qui s'est passé en 1977 est assez juste. Le
premier ministre était nanti d'une mission globale dont une petite
partie était celle du doublage. À cette époque, nous avons
perdu notre bataille; semble-t-il que nous avons été
échangés contre un achat massif de cuivre, nous a-ton dit. Je
pense que l'échange était valable. On s'en est plaint mais il
était justifié dans les circonstances. Par contre je puis vous
dire que les syndicats français étaient, comme le souligne M. le
ministre, très très fermés à toute ouverture de
leur marché de doublage. Ils avaient un monopole là-dessus.
Depuis six mois ils sont pressés de toute part,
parce que membres de la Communauté économique
européenne, pour ouvrir le marché du doublage et le marché
du cinéma français.
Comme ils sont obligés maintenant de partager avec les
Européens ils ne veulent pas le faire avant d'en être
arrivés à une entente avec nous parce qu'une brèche faite
dans ce secteur-là est une brèche qui sera, après, non
calfeutrable. À partir de cela, ils nous ont prévenus qu'ils
étaient prêts à intervenir auprès de leur
gouvernement, parce qu'ils sont toujours partie aux discussions sur le sujet,
dans le sens de favoriser une pénétration de leur marché
du doublage et une accession pour les Québécois francophones
à un pourcentage du doublage fait en France et aussi à un
pourcentage des films doublés dans les salles de cinéma. Je pense
que c'est une ouverture importante qu'il faut saisir à bras-le-corps
parce que ce n'est pas leur genre. Ils nous en ont déjà
prévenus. À l'Union des artistes, actuellement, on travaille sur
le dossier. Nous avons déjà prévenu M. le ministre que
dans le cadre d'échanges avec le gouvernement français, nous
étions prêts à collaborer, étant donné que le
syndicat est prêt à s'ouvrir enfin. (18 heures)
Mme Lavoie-Roux: Dans le fond, la Communauté
européenne aura plus de poids que le gouvernement du Québec comme
pression auprès des syndicats pour agir. D'ailleurs, je ne voudrais pas
entrer sur un autre terrain. Quand, en fin de compte, on réalise qu'il y
a plus d'échanges entre la France et l'Ontario qu'entre la France et le
Québec, cela laisse songeur. Mais on peut vous assurer, parce que cela
n'est pas nos préoccupations immédiates, que nous allons
continuer d'aiguillonner le gouvernement -peut-être qu'on ne l'a pas
assez fait après 1977 - sur ce point qui apparaît
extrêmement important. Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Rousseau.
M. Blouin: Mme Deschâtelets, habituellement, les gens
félicitent les membres de l'Union des artistes pour leurs beaux
programmes. Cela me faisait rire aujourd'hui d'entendre tout le monde vous
féliciter pour votre beau mémoire, mais je pense que ce sont
quand même des témoignages mérités. Je voudrais
soulever un point, parce que vous avez apporté des
éléments extrêmement importants, qui est fondamental et qui
touche effectivement le doublage, le sous-titrage des films au Québec.
Au cours des discussions de la journée, on a reçu plusieurs
informations techniques, très pertinentes et importantes qui
démontraient que d'abord cela ne coûte pas cher de sous-titrer des
films. Cela ne coûte pas des fortunes non plus. Deuxièmement, vous
nous avez expliqué très justement que, d'une part, dans certains
pays on avait des exigences beaucoup plus importantes que celles-là et
que, d'autre part, on pouvait le faire dans un délai qui pouvait
être évalué à environ 30 jours, un mois, pour
doubler un film.
Quinze jours pour le sous-titrer, alors cela fait pencher un peu le
tableau vers le délai de 30 jours plutôt que vers le délai
de 60 jours. Mais il y a un argument encore plus fondamental que vous avez
apporté qui m'a renversé un peu. À la page 16 de votre
mémoire, vous nous précisez qu'environ 75% des films
projetés au Québec pourraient échapper aux dispositions de
la loi si effectivement le délai de 60 jours est maintenu parce que la
majorité des films projetés au Québec, après huit
semaines, disparaît du tableau. C'est un argument extrêmement
important, pour répondre au principe de la loi. S'il y a 75% des
visionnements qui échappent au principe de la loi, on peut s'interroger
à nouveau sur le principe lui-même. J'aimerais que vous me disiez
comment vous en êtes venus à identifier ces 75%? Sur quelles
données précises vous êtes-vous basés pour en
arriver là?
Mme Deschâtelets: Nous avons pris les chiffres qui
étaient soumis dans le rapport Fournier, à savoir le temps de
distribution en salle, combien de temps les films restaient à l'affiche.
À part les très gros succès, vous vérifierez que 60
jours sont à peu près le maximum qu'un film puisse rester
à l'affiche dans une salle de cinéma. Je vous parlerai simplement
en amateur de cinéma si on pense à des films très
spécialisés ou à des films qui n'ont pas une diffusion
très large, on doit toujours se presser d'aller les voir parce qu'on
sait très bien qu'un mois plus tard ils ne seront plus à
l'affiche. Je vous parle d'une majorité de films parce que les films
à succès ne sont quand même pas des majorités. Si on
pense, par exemple, au projet de loi en ce qui touche particulièrement
l'article 79, vous avez au point 3 de cet article que la régie appose un
visa temporaire sur les copies en langue autre que le français pour une
période de 60 jours et sur toutes les copies
présentées.
Si vous voulez exploiter un film à l'intérieur de 60
jours, même un film comme "E.T." qui serait présenté dans
40 salles aurait fini son temps d'exploitation en langue anglaise. Ce sont des
chiffres qui parlent d'eux-mêmes. Même un film comme "E.T.", sur
toutes les copies présentées, pas sur une copie, cela veut dire
que le film pourrait être présenté dans 40 salles et si
vous regardez les propriétaires de salles, les salles appartiennent
à peu près toutes aux mêmes personnes à part
quelques propriétaires de
salles qui sont québécois, les "majors" américains
pourraient exploiter un film et même un film comme "E.T." à deux
représentations par jour, sept jours par semaine, pendant 60 jours, dans
40 cinémas, faites le calcul...
M. Barthe (Marcel): II y a une autre chose importante qu'on
pourrait souligner, lorsqu'un distributeur ou un producteur fait une demande de
permis ou de visa, s'il est capable de démontrer, preuves à
l'appui, à la régie qui serait créée son intention
de le doubler, il ne reçoit pas un visa temporaire si la régie a
les documents pertinents, il reçoit déjà un visa permanent
qui lui permet de diffuser tout de suite son film. Le délai raisonnable
peut être de 30 jours; s'ils n'ont pas doublé en 30 jours, mais
plutôt en 35 jours, la régie va attendre les cinq jours
supplémentaires, mais ils n'ont pas le couteau sur la gorge. Dès
qu'ils démontrent leur intention de le doubler, automatiquement ils ont
un visa permanent et non pas temporaire. C'est un point important à
souligner.
L'autre point, les films extrêmement importants ou
extrêmement populaires qui dépasseraient ces 60 jours; prenons
l'exemple classique dont les journalistes ont souvent parlé, "E.T.". Les
producteurs, les distributeurs et les propriétaires de ces films - ceux
qui font de l'argent avec ces films -auraient tout le loisir du monde...
D'ailleurs, ils l'ont fait dans toutes les langues possibles et imaginables,
ils l'ont doublé en arabe, ils l'ont doublé en allemand. Le film
faisait tellement d'argent qu'ils étaient capables de le doubler dans
des productions nationales; ils auraient même sûrement
accepté de le doubler au Québec, avec l'argent qu'ils faisaient
avec un tel film, même si leur doublage en France n'était pas
prêt pour les prescriptions, mais il faut que l'exigence juridique soit
là. Si elle n'existe pas, pourquoi ne s'occuperaient-ils pas du double
marché et n'en profiteraient-ils pas? C'est normal, il faut les
comprendre.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Rousseau, avant de vous laisser la parole à nouveau, il me faut
maintenant une permission de la commission pour continuer les travaux,
puisqu'on dépasse 18 heures.
M. Blouin: M. le Président, je crois que cela va.
Le Président (M. Gagnon): D'accord?
Mme Deschâtelets: Est-ce que je pourrais juste...
Le Président (M. Gagnon): Oui, Mme Deschâtelets.
Mme Deschâtelets: ...à partir d'une affirmation que
vient de faire M. le député à savoir que si, comme on
vient de le démontrer, à l'article 79 peuvent échapper un
bon nombre de productions, il devrait être corrigé. À
partir de ce que j'ai entendu aujourd'hui, la discussion épouvantable
qui existe sur ce petit article qui, en fait, n'est à peu près
rien - je le souligne encore une fois - si le ministre se met en tête
d'aller un peu plus loin, je lui dis: Bonne chance.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce et ensuite ce sera le député de D'Arcy
McGee. Non?
M. Scowen: Juste une très brève question. Vous avez
dit qu'il y a nombre de producteurs de films canadiens-anglais qui font le
doublage de leur film. Est-ce que c'est entièrement à cause de ce
problème des règles du jeu français ou y a-t-il une autre
raison?
M. Bellier: C'est certainement à cause de cela dans le
sens que, s'ils faisaient doubler leurs films au Québec, ils ne
pourraient pas les passer sur les écrans français, donc ils
préfèrent les faire doubler en France, sachant très bien
que nous, on prendra le doublage français, même pour nos films
canadiens-anglais.
M. Scowen: Si ce règlement français n'existait pas,
ils auraient tendance à le faire faire ici?
M. Bellier: C'est certain.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee, une toute petite question.
M. Marx: Une toute petite question, mais j'aimerais faire
remarquer que ce n'est pas un petit article, c'est le plus long article de la
loi.
Mme Deschâtelets: Je ne parlais pas en termes de nombre de
lignes; excusez-moi.
M. Marx: En ce qui concerne le doublage qu'on fait en France, ce
n'est pas exigé par la loi, c'est la coutume ou la pratique, il n'y a
pas de...
Mme Deschâtelets: C'est exigé par la loi qu'ils
soient doublés en France, ils ne peuvent pas être doublés
ailleurs.
M. Bellier: Et si je prends de plus...
M. Richard: Je voudrais faire une distinction qui n'est pas
faite. Ce qui est exigé c'est que, s'ils sont doublés, ce soit en
France, mais c'est toujours doublé.
M. Marx: Donc, ce n'est pas nécessaire de doubler. Si
c'est doublé...
M. Richard: Non, mais c'est toujours doublé.
M. Marx: Dans la pratique.
Mme Deschâtelets: Tous les films en langue
étrangère...
Des voix: ...
Le Président (M. Gagnon): Attention, plusieurs vont parler
en même temps. Mme Deschâtelets.
Mme Deschâtelets: Je vais corriger mon affirmation, si vous
l'avez mal comprise, M. le député. Tous les films en langue autre
que le français qui passent sur le territoire français doivent
être ou doublés ou sous-titrés pour que les Français
les comprennent, étant donné que la langue du pays est le
français et, à partir du moment où un film étranger
doit être doublé ou sous-titré pour être
diffusé, il doit être doublé ou sous-titré en
territoire français.
M. Marx: Le ministre m'a induit en erreur et je vous remercie de
l'avoir corrigé. Maintenant...
Le Président (M. Gagnon): C'est votre deuxième
toute petite question, M. le député de D'Arcy McGee!
M. Marx: Je suis tout à fait d'accord avec vous quand vous
dites dans votre mémoire que la loi, telle que rédigée, ne
va pas vraiment favoriser le doublage au Québec. Quant à moi il
n'y a vraiment aucune mesure incitative pour prévoir qu'on va faire le
doublage au Québec.
Si on prend le paragraphe 1 de l'article: "Si le distributeur a deux
versions..." Bon, cela va, il va avoir son visa. Mais, on peut passer à
côté du paragraphe 2, parce que le paragraphe 3 permet d'avoir un
visa pour 60 jours et après cela, s'il a la version doublée
venant de France c'est parfait, il peut continuer d'avoir son visa pour la
version anglaise et ainsi de suite. Donc, si c'est l'intention, dans cette loi,
de favoriser le doublage au Québec, je pense qu'on est
complètement passé à côté parce que, en
lisant ces trois paragraphes de cet article, je ne vois pas pourquoi on ferait
du doublage au Québec.
Le Président (M. Gagnon): Mme
Deschâtelets.
Mme Deschâtelets: M. le député, je vous dirai
que je ne crois pas que l'intention de cet article de la loi soit de favoriser
le doublage. C'est pour favoriser le citoyen francophone
québécois qui n'a pas accès à la production
étrangère en langue autre que le français en même
temps que le citoyen qui a une compréhension de la langue anglaise. On
parle ici d'une majorité de 70% de la population du Québec. Je
pense que sous cet aspect-là - je veux bien parler en ce qui touche le
doublage étant donné qu'on aimerait cela qu'il y en ait plus -
l'intérêt du citoyen québécois est largement plus
important. Cet article 79 favorise l'intérêt du citoyen
québécois.
M. Marx: Oui, mettons que cela peut induire des gens en erreur
parce qu'on parle de doublage en français de films au Québec et
il y a beaucoup d'invités qui ont parlé de cela. On voit que
cette mesure ne doit pas avoir cet effet. Je comprends l'effet d'avoir des
films disponibles en français, mais cela n'incitera pas les gens
à faire le doublage au Québec. C'est cela le point que j'aimerais
souligner.
Mme Deschâtelets: Vous avez bien lu, M. le
député...
Le Président (M. Gagnon): Mme
Deschâtelets, et après ce sera au député de
Laprairie.
Mme Deschâtelets: Vous avez, effectivement, bien lu, M. le
député. Mais vous n'étiez peut-être pas
présent au moment où j'ai lu le mémoire de l'Union des
artistes. On dit aussi que cette mesure en est une minimale et essentielle et
que si cette mesure - et Mme Lavoie-Roux l'a souligné tout à
l'heure - est accompagnée d'autres mesures, on arrivera à
l'objectif de faire faire du doublage et du sous-titrage au Québec.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Richard: M. le Président, très brièvement
pour conclure, je veux tout simplement dire ceci. On ne pourra manifestement -
et c'est l'avantage d'avoir le député de D'Arcy McGee à la
table -jamais l'induire en erreur. Il est toujours dans l'erreur.
Le Président (M. Gagnon): Merci, Mme Deschâtelets,
M. Barthe et M. Bellier et merci à l'Union des artistes. Je suspends les
travaux jusqu'à vingt heures.
(Suspension de la séance à 18 h 13)
(Reprise de la séance à 20 h 15)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre,
s'il vous plaît!
La commission permanente des affaires culturelles reprend ses travaux et
je voudrais savoir si, à l'ordre du jour, nous en serions rendus
à l'Association québécoise des critiques de cinéma.
Ce groupement est-il arrivé?
Une voix: Je pense qu'il va passer en deuxième lieu.
Le Président (M. Gagnon): En deuxième lieu. Alors,
nous allons appeler le Congrès juif canadien. Vous êtes, je
présume, à la table actuellement.
Une voix: Oui.
Le Président (M. Gagnon): Je vous cède la parole
immédiatement pour nous livrer votre mémoire.
Congrès juif canadien
M. Schlesinger (Frank): Merci. M. le Président, membres de
la commission parlementaire, au nom du Congrès juif canadien,
région de Québec, je vous remercie de nous donner la
possibilité de vous adresser la parole aujourd'hui. Permettez-moi de
vous présenter les membres de notre petite délégation.
À ma droite, le docteur Jim Archibald, qui est le directeur
exécutif du Congrès juif canadien, région de
Québec, et je suis Frank Schlesinger, président du Congrès
juif canadien, région de Québec. M. Myer Levy, qui est notre
directeur des relations communautaires, était censé venir avec
nous aujourd'hui, mais, à cause de la tempête de neige, il a
été retardé à Montréal et il ne peut donc
pas être ici. C'est un cas fortuit de force majeure et on s'excuse.
Brièvement, j'aimerais vous donner un aperçu de ce qu'est
le Congrès juif canadien. Nous sommes l'organisme représentatif
de la communauté juive et reconnu comme étant son porte-parole
officiel. Les officiers sont élus par voie de processus
démocratique. Le mémoire qui sera présenté
aujourd'hui est le produit d'un sous-comité de notre comité des
relations communautaires, le sous-comité étant
présidé par Mme Dorothy Wrightman.
Le Congrès juif canadien, région de Québec, a, par
le passé, appuyé le gouvernement dans ses efforts pour assurer
l'accès pour tous les Québécois à des services et
des produits en langue française. Le Congrès juif canadien a
cependant toujours soutenu que ces efforts ne doivent limiter ni la pleine
liberté d'expression, ni la libre circulation d'idées et de
matériel culturel.
Selon son analyse du projet de loi no 109, Loi sur le cinéma et
la vidéo, le Congrès juif canadien comprend que le gouvernement
du Québec vise à remédier à certains maux qui
existent dans l'industrie québécoise du cinéma. Rien de
plus méritoire, surtout si on procédait en respectant la
première partie de l'article 3 du projet de loi.
Face à ce projet de loi, nous nous posons de sérieuses
questions quant à l'existence du pouvoir de censure dans une
société libre, d'autant plus que le projet de loi no 109 semble
présenter des possibilités d'abus éventuels.
Différents problèmes se posent: le contrôle sur la
délivrance des permis de producteur et d'exploitation, le classement des
films et l'interdiction même de présenter des films dans les
salles de cinéma.
À l'article 94, on précise l'aspect commercial de
l'entreprise, tandis qu'aux articles 73, 87 et 107, on ne parle pas de cet
aspect. Est-ce que les organismes à but non lucratif comme le
nôtre seront obligés d'obtenir un visa et un permis d'exploitation
afin de présenter un film à titre non commercial? Quoique le
gouvernement dispose de mécanismes légitimes lui permettant de
maintenir l'ordre public et de préserver les bonnes moeurs, les
individus doivent être particulièrement vigilants afin de
préserver leurs droits et libertés.
Aux termes du présent projet de loi, l'impossibilité de
faire appel dans certains cas semble donner au gouvernement ou à ses
agents un pouvoir absolu de censure détenu par un groupuscule
directement rattaché au pouvoir politique. Ainsi, le gouvernement
disposerait-il par cette loi de deux pouvoirs éventuellement dangereux:
un pouvoir de contrôle direct sur le développement culturel et un
pouvoir réel de censure. Je vois que M. le ministre cherche cela dans
notre mémoire. C'est simplement un précis. Je n'ai pas encore
commencé la lecture de notre mémoire. Cela va venir
bientôt.
Tout cela, est-ce bien nécessaire alors que le Code pénal
prévoit des mécanismes pour contrer des expressions publiques
d'obscénité et de haine? Toute éventualité de
censure unilatérale de la part du gouvernement ou de ses fondés
de pouvoir présente des dangers qui pourraient hypothéquer les
libertés des individus dans une société
démocratique. Même les pouvoirs de contrôle implicitement
contenus dans ce projet de loi pourraient entraîner éventuellement
certains abus.
Pour cette raison, le Congrès juif canadien aurait
préféré que le gouvernement encourage le
développement de l'industrie cinématographique
québécoise sans opter pour des mesures coercitives, par exemple,
telles que prévues à l'article 7 du projet de loi.
Le développement d'une industrie culturelle, voilà
l'objectif déclaré du projet de loi. Il ne devrait pas s'agir de
punir, mais plutôt d'encourager.
We will in our brief state that it is essential to amend this bill or at
least certain articles which would have the effect of allowing the Government
and its institutions to curtail to create freedoms in the production of works
of arts, and the freedom of expression or the right to choose cultural
materials in a fundamentally democratic society. Le Congrès juif
canadien croit que les amendements qu'il proposera dans le présent
mémoire permettront d'améliorer le projet de loi no 109 et
d'aider à créer des mécanismes de régulation plus
sensibles aux besoins de la population dans le domaine du développement
et du contrôle culturel et d'éviter ainsi au gouvernement de
tomber dans l'isolation du nationalisme culturel.
Enfin, nous nous opposons à toute loi qui aura pour effet de
priver les citoyens du droit de se prévaloir de toute loi qui
protège les droits et libertés de l'homme. Pour cette raison,
nous demandons que l'article 199 soit biffé.
Ces brèves remarques que je viens de faire ne sont pas tout
à fait répétées dans notre mémoire, mais
font un genre d'introduction. Maintenant, si vous voulez, je suis prêt
à lire notre mémoire si vous pensez que cela serait une bonne
idée. Je vais essayer d'être assez rapide pour pouvoir donner le
temps de répondre aux questions après.
Le Président (M. Gagnon): Vous pouvez le lire ou vous
pouvez aussi le résumer.
M. Schlesinger: Peut-être que ce serait plus facile si je
le lisais, mais à une vitesse assez rapide.
Le Président (M. Gagnon): C'est cela.
M. Schlesinger: Si je vais trop vite, vous pouvez m'interrompre.
Les tenants des droits de la personne examinent avec circonspection tout projet
de loi dans le domaine du développement culturel. De façon
générale, les lois régissant cette sphère
d'activité tendent à ronger certaines libertés dont la
liberté d'expression. Cela est d'autant plus vrai chez les
minorités culturelles, sociales ou politiques que de telles lois ont
d'habitude pour objectif de renforcer la prédominance culturelle de la
majorité.
Toutefois, les objectifs de lois favorisant le développement
culturel peuvent être tout à fait légitimes et même
louables. Parmi ces objectifs, on pourrait compter la protection des moeurs
publiques, l'information aux consommateurs et la protection de ceux-ci ainsi
que la caution de normes du travail et de techniques acceptables. Par ailleurs,
de telles lois peuvent prévoir certains moyens de faciliter et de
favoriser le développement d'industries culturelles nationales et
d'assurer le plus grand accès par la population tout entière ou
par une portion de celle-ci à une grande gamme de produits
culturels.
Comme dans le cas de beaucoup de projets de loi, l'histoire a
démontré que des lois dans le domaine de la culture doivent
suivre une ligne bien définie afin d'atteindre les buts positifs sans
enregistrer certains effets négatifs.
Le projet de loi no 109, Loi sur le cinéma et la vidéo,
présenté par le ministre des Affaires culturelles vise à
atteindre certains objectifs compréhensibles et à remédier
à certains maux qui existent dans l'industrie québécoise
du cinéma. Favoriser le développement de l'industrie
cinématographique dans cette province et prévoir une
réglementation efficace des réseaux de distribution du film sont
des objectifs naturels et logiques. Qui plus est, il semblerait utile
d'encourager l'industrie à assurer un accès rapide à des
films dans des langues autres que le français à la population
francophone, que ce soit par le biais du doublage ou celui des sous-titres en
français. Assurer l'accès au matériel culturel en langue
française fait partie d'une politique de longue date des derniers
gouvernements du Québec, tout comme plusieurs gouvernements du
Québec ont fait un effort pour assurer aux francophones un accès
à toute une gamme de produits et de services en langue
française.
Bien que le Congrès juif canadien ait appuyé le
gouvernement dans ses efforts pour assurer l'accès de tous les
Québécois à des services et produits en langue
française, les efforts pour assurer un accès aux services et
produits en langue française ne doivent, comme il a été
dit ci-dessus, limiter ni la liberté d'expression des citoyens, ni la
libre circulation d'idées et de matériel culturel dans n'importe
laquelle des langues utilisées lors de la production ou la diffusion de
telles idées ou d'un tel matériel. La population du Québec
tout entière doit conserver tous les droits dans ce domaine.
Par ailleurs, toute procédure de régulation doit
fonctionner de la façon la plus ouverte possible sans permettre la
moindre occasion d'abus administratifs, sans permettre une discrétion
arbitraire de la part de personnes ou d'organismes administratifs et sans
restreindre de façon déraisonnable les producteurs, les
distributeurs ou le public.
En général, les principes d'action affirmative,
plutôt que la restriction de possibilités, devraient s'appliquer.
Le gouvernement devrait adopter comme objectifs de favoriser l'expansion de la
production, de la diffusion et de l'exposition de films d'origine
québécoise et d'ouvrir l'accès à des films
sous-titrés ou doublés à la communauté francophone
sans pour autant réduire l'accès à toute autre
catégorie de
films. Dans la mesure où un projet de loi atteint ce double
objectif sans restreindre les droits et libertés fondamentaux, un tel
projet de loi pourrait être utile et efficace dans l'expansion de la
diffusion de matériel culturel au Québec.
Certains articles du projet de loi no 109 entrent directement en conflit
avec l'un ou plusieurs des principes ci-dessus mentionnés. Certains abus
dans l'application du projet de loi pourraient découler de
l'imprécision du langage. D'autres articles favorisent, d'après
l'estimation du Congrès juif canadien, ce que l'on peut appeler un
excès de pouvoirs discrétionnaires ministériels,
administratifs ou régulateurs. D'autres articles encore tendraient
à restreindre la diffusion de produits culturels essentiels dans les
langues autres que le français, sans pour autant améliorer
sensiblement l'accès à des films dans cette langue-ci.
Le Congrès juif canadien a l'intention, dans le présent
mémoire, d'exprimer certaines préoccupations fondamentales en
regard du projet de loi no 109 qui, moyennant la considération des
législateurs avant l'adoption d'une nouvelle loi ayant pour but de
favoriser le développement du cinéma et d'assurer son
contrôle, lui permettraient d'atteindre les objectifs du projet de loi
tout en assurant un accès à la gamme aussi grande que possible de
produits culturels.
Le Congrès juif canadien se préoccupe sérieusement
de l'éventualité d'un abus de pouvoir de censure avec le projet
de loi no 109. Aussi estime-t-il que la Régie du cinéma et de la
vidéo ne disposerait ni de structures ni de procédures
suffisamment ouvertes pour se sensibiliser à une gamme
représentative de valeurs communautaires.
Selon l'article 77, la régie ne classe pas un film qui porte
atteinte à l'ordre public ou aux bonnes moeurs, si bien qu'un tel film
sera privé du visa attestant son classement. Par voie de
conséquence, selon l'article 73, nul ne peut présenter un tel
film et celui-ci se trouve, à toutes fins utiles, interdit. La
régie, comme le dit le titre du chapitre III du projet de loi no 109,
dispose donc d'un pouvoir de contrôle réel lui permettant ni plus
ni moins de censurer éventuellement des oeuvres d'art
cinématrographiques.
On ne trouve nulle part ailleurs, ni à l'article 127 du projet de
loi, ni comme fonctions ni comme pouvoirs de la régie, la censure
cinématographique. Cependant, ce semble être un pouvoir
réel compris de façon implicite dans ce projet de loi.
Afin de démocratiser les institutions créées par ce
projet de loi, le Congrès juif canadien recommande que la régie
se compose de six membres, dont un président élu parmi ceux-ci,
tous nommés par le gouvernement sur la recommandation du ministre des
Affaires culturelles qui publie dans la presse écrite, deux mois avant
de formuler sa recommandation, un avis public demandant que toute personne
intéressée informe le ministre de son désir de se faire
entendre avant que toute recommandation de nomination ne soit faite au
gouvernement. Le ministre serait alors obligé de consulter au
préalable les intéressés avant de recommander au
gouvernement de procéder à la nomination définitive de
l'un quelconque des membres de la régie. Ainsi, le ministre et le
gouvernement devraient, dans leur propre intérêt, prendre en
considération toute représentation provenant de divers secteurs
de la population.
Après avoir instauré des moyens de consultation
communautaire plus étendus au sein de la régie, d'aucuns
pourraient accepter que la régie dispose de certains pouvoirs de
censure, car le gouvernement doit disposer d'un mécanisme
légitime lui permettant de maintenir l'ordre public et de
préserver les bonnes moeurs.
Cependant, conscient du besoin de refléter les valeurs
communautaires dans ce type de situation et d'assurer que la régie
reflète en réalité ces mêmes valeurs dans la mise en
application des dispositions du projet de loi no 109 touchant le classement, le
Congrès juif canadien se trouve dans l'obligation de recommander que le
personnel de la régie justifie devant les membres de la régie,
d'une façon claire et précise, le fondement et les raisons de ses
propres décisions ou recommandations de classement. (20 h 30)
Selon le présent projet de loi, la régie aurait la
responsabilité formelle d'exercer un pouvoir de contrôle, voire de
censure du cinéma. Le gouvernement québécois a
actuellement l'intention de remettre entre les mains de trois personnes
choisies par le gouvernement - article 116 - la responsabilité de
déterminer si un film porte atteinte à l'ordre public ou aux
bonnes moeurs. Le président de la régie dispose également
de certains pouvoirs, soit celui d'exercer une influence directe sur le
gouvernement relativement à la nomination d'autres personnes pour
assurer l'intérim pendant l'absence ou l'incapacité d'un membre
de la régie - article 119 - et celui de désigner, en fait, les
membres du personnel de la régie chargés de classer les oeuvres
cinématographiques (article 122). Dans l'exercice de ses fonctions, la
régie tient des séances où le quorum est de deux membres
seulement (article 124).
Le Congrès juif canadien pense que sa position en regard de la
composition de la régie permettra de résoudre certaines
préoccupations. Il recommande également que le quorum soit de
quatre membres lors des séances de la régie plutôt que de
deux ainsi que stipulé ci-dessus.
II est vrai qu'il y a appel à la Cour provinciale des
décisions de la régie autres que celles touchant les
décisions sur le classement - articles 134 et 135 - et la
révision de telles décisions (articles 140 à 144). Selon
le présent projet de loi, l'impossibilité de faire appel
relativement à des décisions sur le classement de films semble
alors donner à la régie un pouvoir absolu de censure qui demeure
entre les mains d'un groupuscule qui est directement rattaché au
gouvernement. Cela donne, par conséquent, à celui-ci deux
pouvoirs: un pouvoir de contrôle et, derrière cela, un pouvoir de
censure qui échappe à tout forum public et qui, sur le plan
légal, ne rend pas nécessaire la consultation avec un groupe de
personnes plus représentatif des valeurs communautaires. À cet
égard, il serait plus judicieux de remplacer la révision par la
régie de ses propres décisions (chapitre III, section VI,
paragraphe 1) par un appel des décisions sur le classement devant la
Cour provinciale, ce qui empêcherait ainsi la régie d'assumer,
dans ce cas, des pouvoirs quasi judiciaires. Quoiqu'une telle procédure
d'appel procure une certaine protection contre les abus, elle n'infirmerait pas
les décisions de la régie jusqu'au moment où la cour rende
sa décision. Cette situation tend à souligner le fait que les
principes fondamentaux d'une démocratie parlementaire ne sont pas
respectés par le présent projet de loi dans la mesure où
tout gouvernement pourrait très facilement prendre des décisions
et mettre ces mêmes décisions en vigueur relativement à la
censure du cinéma et en ignorant totalement tous les
éléments qui composent une société
structurée, telle que celle dans laquelle nous vivons.
Le projet de loi no 109 ne prévoit aucun mécanisme
permettant au public de faire appel relativement aux décisions sur le
classement rendues par la régie. Quoi qu'il en soit, le gouvernement
devrait, selon l'analyse du Congrès juif canadien, faire des efforts
pour informer le grand public, à savoir que le Code pénal
prévoit des mécanismes pour contrer les expressions publiques
d'obscénité ou de haine.
Bien que le Congrès juif canadien comprenne clairement
l'utilité de procéder à un classement obligatoire de films
avant qu'ils ne soient présentés au public dans le but de
maintenir l'ordre public et de préserver les bonnes moeurs, le
Congrès juif canadien recommande cependant que le projet de loi soit
modifié afin d'écarter toute éventualité de censure
unilatérale de la part du gouvernement ou de ses fondés de
pouvoir, d'inclure dans le projet de loi des procédures d'appel dans les
cas de refus de classement de films par la régie et de définir
clairement les tâches démocratiques et consultatives de la
régie vis-à-vis de certains groupes de citoyens
représentés. De tels amendements tendraient à restreindre
les pouvoirs implicites de censure dont la régie dispose selon le
présent projet de loi.
Le Congrès juif canadien estime également que les pouvoirs
de contrôle qui se trouvent implicitement stipulés aux articles 78
et 79 pourraient aussi entraîner certains abus de la part de la
régie. Pour cette raison, le Congrès juif canadien est d'avis que
l'article 79 devrait être amendé afin de prévoir des
encouragements d'ordre fiscal pour l'industrie cinématographique
québécoise dans le but d'encourager l'industrie à produire
dans des délais raisonnables des versions doublées ou
sous-titrées en français de films dont la version originale a
été tournée en une langue autre que le français. Un
tel amendement serait plus conforme aux objectifs déclarés du
projet de loi, soit favoriser le développement du cinéma au
Québec, sans obliger le gouvernement à adopter des mesures
punitives ou excessivement coercitives à cet égard. Cette
méthode permettrait également de prévenir la
nécessité de mettre sur pied un organisme administratif
surorganisé et donc coûteux, chargé de mettre en
application l'article 79 tel que présenté actuellement.
Quant aux permis devant être délivrés selon la
section IV du chapitre III, le Congrès juif canadien est d'avis que
l'exigence de délivrer des permis de producteur peut consister en une
restriction de certaines libertés et que cette section devrait
être amendée afin d'assurer que la délivrance de permis de
producteur ne constitue en aucune façon une restriction de la
liberté d'expression, ni de la liberté de créer, ni de la
liberté de gagner sa vie.
Les organismes créés en vertu du présent projet de
loi ont des pouvoirs de réglementation à l'intérieur d'une
loi-cadre éventuelle. De façon plus spécifique, le
présent projet de loi prévoit que les règlements
susceptibles d'être adoptés en vertu de la loi entrent en vigueur
dans plusieurs cas le jour de leur publication dans la Gazette officielle.
Encore une fois, et le gouvernement et les organismes créés
éventuellement en vertu du présent projet de loi disposeraient de
pouvoirs qui leur permettraient d'échapper au scrutin public direct.
Il importe donc d'amender ce projet de loi là où les
articles s'appliquant soit à l'institut, soit à la
société, soit à la régie prévoient
l'adoption de règlements et cela, dans le but de s'assurer que ces
organismes consultent dûment plusieurs groupes de citoyens
québécois avant de proposer l'adoption de règlements.
Le Congrès juif canadien recommande également que tout
règlement et que toute politique adoptés en vertu du
présent projet de loi, sans exception aucune, soient publiés
par le ministre des Affaires culturelles dans la Gazette officielle sous
forme de projet, en même temps qu'un avis à l'effet que telle
politique ou tel règlement ne serait proposé au gouvernement pour
adoption que trente jours, au moins, après la publication du projet de
règlement ou de politique dans la Gazette officielle.
Par ailleurs, le ministre devrait être obligé par la loi de
consulter toute personne intéressée à exprimer ou à
enregistrer ses objections à l'endroit d'un projet de règlement
ou de politique avant que le ministre ne les recommande au gouvernement pour
adoption. Le Congrès juif canadien est d'avis que la "surorganisation"
institutionnelle de l'industrie cinématographique
québécoise est à éviter; que le gouvernement et
même les organismes créés en vertu d'un éventuelle
loi sur le cinéma et la vidéo devraient être plus sensibles
à l'opinion publique et que ce projet de loi ne devrait permettre, en
aucune façon, ni au gouvernement ni à ses institutions de
restreindre la liberté de créer et de produire des oeuvres d'art
ou la liberté de s'exprimer dans une société
fondamentalement démocratique.
Le nationalisme culturel comme force sociopolitique pourrait
bénéficier à l'industrie cinématographique
québécoise. Cependant, nonobstant les avantages que le projet de
loi 109 pourrait procurer à l'industrie, il y a toutefois certains
dangers inhérents qui relèvent de ce type de force
sociopolitique. Le Congrès juif canadien demande instamment au
gouvernement d'être conscient de ces dangers et de faire prendre
conscience aux organismes qui dépendent du gouvernement de ces
mêmes dangers, car il n'y a pas de distinction nette et claire entre le
nationalisme linguistique et le nationalisme racial.
Aucun régime vraiment démocratique ne peut ni ne doit
favoriser le développement d'un nationalisme racial. Par
conséquent, dans le but de respecter la liberté de tous les
secteurs de la société québécoise sans égard
à la langue, à la race ou à la croyance, le gouvernement
du Québec devrait porter particulièrement attention à tout
projet de loi dans le domaine de la culture. Le Congrès juif canadien
est d'avis que lorsqu'on établit des contrôles dans le domaine du
développement culturel, les mécanismes de contrôle doivent
être définis de façon aussi claire et spécifique que
possible afin d'éviter toute éventualité de
décision arbitraire et d'abus de la part de quelque gouvernement, de
quelque ministre ou de quelque organisme régulatoire que ce soit.
Le Congrès juif canadien croit que les amendements
proposés au projet de loi no 109 permettraient de l'améliorer et
d'aider à créer des mécanismes régulatoires plus
sensibles aux besoins de la population dans le domaine du développement
et du contrôle culturels. Toute loi dans ce domaine doit être
adoptée de façon à garantir le respect des principes de la
libre circulation de matériel culturel et du droit des consommateurs
à faire un libre choix parmi toutes les ressources culturelles
disponibles dans une société libre et ouverte.
Le tout est respectueusement soumis.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le président du
Congrès juif canadien. M. le ministre.
M. Richard: M. le Président, je vous remercie. Je voudrais
vous remercier, M. Schlesinger, d'avoir tenu à être présent
pour nous soumettre votre mémoire. Je vous remercie aussi pour
l'intérêt que vous portez à la cause du
développement culturel au Québec.
Toutefois, je voudrais me permettre une observation. Il semble que le
principe philosophique qui sous-tend votre mémoire est à l'effet
que l'État ne doit jamais limiter la libre circulation des biens
culturels dans l'une quelconque des langues ' utilisées lors de la
production ou de la diffusion de ces biens culturels. Est-ce que je me
trompe?
M. Schlesinger: L'essentiel, c'est que la loi pénale peut
contrôler l'obscénité, la haine et ce genre de choses.
Après, nous prétendons que la liberté absolue d'expression
doit régner.
M. Richard: Ma question est maintenant la suivante: Que doit
faire l'État lorsqu'il constate que des entreprises privées
limitent cette libre circulation au nom de leurs intérêts
commerciaux? Puis-je vous rappeler ces mots de Montesquieu: "entre le fort et
le faible, c'est la liberté qui opprime et le droit qui affranchit"? Je
pense que vous allez être d'accord avec cela.
M. Schlesinger: Dans une certaine mesure, sauf qu'il faut se
rappeler que vous avez donné l'exemple, quand vous avez posé des
questions aux personnes venues ici avant nous, qu'il y a des compagnies
commerciales qui ont déjà des films doublés en
français, mais qui retiennent la publication au Québec pour une
autre raison, pour créer un double marché. Alors, on ne voit
aucun empêchement qu'une loi dise, si une version française existe
déjà, qu'il est obligatoire que la version française soit
démontrée ou exhibée en même temps que la version
anglaise, parce que cela n'empêchera pas que la version anglaise soit
exhibée, mais cela va encourager, en même temps que l'autre le
sera. Je n'ai rien contre une telle chose.
D'autre part, je vous réfère à l'article 7 de votre
projet de loi qui concerne l'aide
financière à l'industrie québécoise. Je
crois que s'il y avait moyen de donner des subventions non pas aux "majors",
non pas aux compagnies étrangères, mais à nos propres
compagnies, pour que notre système soit concurrentiel dans le
marché mondial... Je crois que si on était vraiment concurrentiel
ici, si on pouvait mettre en vigueur un marché ici qui soit
compétitif à l'échelle mondiale, des gens pourraient
même venir ici faire leur doublage au lieu d'aller en France.
M. Richard: Alors, vous ne soutenez pas, toutefois, qu'il
faudrait verser 1500 $ aux "majors" qui exploitent un film ici pour qu'ils
puissent le sous-titrer en français et le présenter au
Québec.
M. Schlesinger: Non, ce n'est sûrement pas notre
suggestion.
M. Richard: Je vous remercie, M. Schlesinger.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Je vois l'intérêt général du
Congrès juif canadien pour ce projet de loi. Est-ce que vous avez un
intérêt spécifique? Est-ce qu'il y a quelque chose de
spécifique qui vous touche?
M. Schlesinger: Certainement. Pour commencer, on a notre
intérêt primordial que nous essayons de défendre dans tous
les projets de loi, devant tous les gouvernements, et c'est la défense
de la liberté d'expression, la liberté des droits humains.
Deuxièmement, nous avons un autre intérêt, peut-être
plus spécifique, et c'est la question que j'ai soulevée dans mes
remarques préliminaires. Si on regarde l'article 94, on parle de
l'aspect commercial pour un permis de distributeur. Mais quand on parle d'un
visa, quand on parle d'un permis d'exploitation, quand on parle d'un permis de
producteur, on ne parle pas de l'aspect commercial. Comment cela va-t-il
affecter, par exemple, les archives du Congrès juif canadien? Nous avons
des archives qui comprennent des films qui viennent de partout dans le monde;
italien, hébreu, yiddish, grec, toutes sortes de langues. Nous faisons
la diffusion de ces films dans des institutions éducatives, pour tous
les différents groupes religieux. Cela fait partie de notre patrimoine
culturel et religieux. Est-ce que nous serons obligés d'obtenir un visa
pour un film, l'Holocauste, durant la deuxième guerre mondiale? Est-ce
que nous serons privés de la liberté entière de diffuser
notre histoire dans les institutions parce qu'il n'y a rien dans le projet de
loi, sauf le permis du distributeur, qui limite l'application de cette loi aux
industries ou aux entreprises à but lucratif? (20 h 45)
Nous voyons ici que nous ne pouvons même pas exploiter une salle
de cinéma dans notre propre édifice à Montréal,
à notre siège social sans avoir un permis. Pour nous, c'est
enfreindre gravement la liberté d'expression. Je ne crois pas que le
gouvernement devrait avoir ce genre de droit parce que, après tout, dans
une démocratie, c'est le peuple qui donne les droits aux gouvernements.
Avant que le peuple donne à son gouvernement le droit de brimer la
liberté, il faut qu'il y ait vraiment un grave danger, et même
à ce moment, il faudra que ce soit pour un temps très
limité. Je ne vois pas ce genre de danger ici, à moins que ce
soit une erreur dans le projet de loi et que vraiment il vise seulement les
entreprises commerciales.
M. Marx: C'est l'article 73, c'est cela? "Nul ne peut
présenter un film en public si un visa attestant de son classement n'a
pas été apposé sur la copie de ce film conformément
à la présente loi". Article 73.
M. Schlesinger: Article 73.
M. Marx: C'est cet article qui vous cause des
difficultés?
M. Schlesinger: C'est non seulement l'article 73, mais 87: "Nul
ne peut exploiter un lieu de présentation de film en public..." Il ne
dit pas: Nul ne peut exploiter d'une manière commerciale un lieu de
présentation de film public. La même chose existe dans l'article
94. Dans l'article 94, on dit: "Nul ne peut, sur une base commerciale..."
Alors, pour les distributeurs, c'est bien clair que c'est seulement commercial.
Regardons l'article 103: "Nul ne peut, sur une base professionnelle, effectuer
la production..." Un professionnel, même pour un but non lucratif, ne
peut pas faire un film. Si un professionnel producteur veut faire un film pour
le Congrès juif canadien, il ne peut pas le faire sans avoir un permis
spécial, même si ce n'est pas pour un but lucratif et même
si ce n'est aucunement commercial. Je trouve que cela va très loin.
M. Marx: Moi je n'ai pas la réponse à cela parce
que j'essaie de vous suivre et je fais la même interprétation de
ces articles. J'ai dit ce matin que la loi était rédigée
d'une façon "lousse", peut-être que c'est un exemple. Le ministre
va nous expliquer.
M. Proulx: Qu'est-ce que vous voulez dire par "lousse"?
Lâche?
M. Marx: Si le député de Saint-Jean ne comprend ce
que veut dire "lousse" en
franglais, je vais lui expliquer après. J'ai appris cela durant
mes cours à l'Université de Montréal. Le ministre va nous
expliquer après quelles sont les portées de ces articles. On a
touché un autre sujet et j'ai un peu de difficulté avec votre
argumentation sur la censure parce que, si on prend toutes les provinces au
Canada, on verra qu'au Québec on n'a pas vraiment de censure. En
Nouvelle-Ecosse ils ont empêché le visionnement de The Last Tango,
Le dernier tango à Paris. Cela fait jurisprudence parce que la Cour
suprême du Canada a donné raison au gouvernement provincial. Donc,
ici il n'y a pas de censure dans les faits, sauf si c'est vraiment
obscène. J'imagine que ce ne serait pas visionné parce qu'il y a
le code criminel, comme vous l'avez souligné.
M. Schlesinger: Je crois que la doctrine de "prior restraint",
c'est de cela dont on parle aujourd'hui. Je ne sais pas le mot en
français, mais c'est un concept du "common law", "prior
restraint"...
M. Marx: Censure préalable.
M. Schlesinger: Merci, M. le professeur.
M. Proulx: Maître.
M. Schlesinger: Maître.
M. Proulx: II faut l'appeler maître. Le maître D'Arcy
McGee.
M. Schlesinger: On n'a pas besoin de cela dans notre droit. On a
un Code pénal. On a une législation, au criminel, qui prohibe
l'obscénité, qui défend que des paroles haineuses soient
prononcées. Je crois que si quelqu'un exhibe un film obscène ou
qui prône la violence envers l'être humain ou qui va à
l'encontre du code criminel, on peut porter plainte. Le Procureur
général du Québec, qui est après tout chargé
de l'administration de la justice au Québec, peut porter plainte contre
cette personne et on peut facilement, ou peut-être pas si facilement que
cela, mais on peut quand même voir à ce que les moeurs publiques
soient respectées de cette façon.
M. Marx: Mais le ministre vient de me dire - et on va le
vérifier - que la loi actuelle prévoit la même "censure",
je pense, mais il y a un argument à apporter en ce qui concerne la
censure préalable. Faut-il la voir... Cela serait tout un débat
qu'on ne fera sûrement pas ce soir, parce que dans les faits - il faut
tenir compte des faits aussi et pas seulement des lois - il n'y a pas vraiment
de censure au Québec. Je pense qu'il faut s'en rendre compte et
l'article 77 de la nouvelle loi comporte les mêmes exigences que la loi
actuellement en vigueur.
Je vois peut-être un problème sur le plan théorique
si on est contre le principe de la censure préalable "at large" pour
tout, mais je pense qu'on a toujours fait une distinction pour les films au
moins en Amérique du Nord. Je pense que cela existe dans beaucoup
d'États américains où tout ne peut pas être
visionné.
M. Schlesinger: Je crois que personne ne serait contre un
système de classification pour aider le public ou aider les parents
à juger s'ils doivent laisser leurs enfants aller voir tel genre de
film. Je crois que c'est ce qui existe aux États-Unis. On a PG et toutes
les différentes catégories, mais cela n'empêche pas que le
film soit projeté. D'autre part, même si cela existe dans la loi
actuelle - et il faut l'admettre - cela ne change pas la position du
Congrès juif canadien qui a toujours été contre toute
restriction quant à la liberté d'expression, à moins que
cela ne tombe dans le domaine de la législation criminelle pour limiter
la haine, la violence et l'obscénité.
M. Marx: Seulement une dernière...
Le Président (M. Gagnon): Permettez-vous à M. le
ministre de...
M. Marx: Oui, oui.
M. Richard: M. le Président, je vais pouvoir
répondre à la fois à M. Schlesinger et au
député de D'Arcy McGee. La loi actuelle, présentement en
vigueur, dit ceci: "II est du devoir du bureau d'examiner tout film
cinématographique que l'on se propose de projeter dans la province et
d'accorder l'autorisation de le projeter si, à son avis, sa projection
ne porte pas atteinte à l'ordre public ou aux bonnes moeurs." Et
là, j'ajoute ceci, qui est important pour montrer qu'il y a un
élargissement: "Le bureau autorise la projection d'un film au moyen d'un
visa indiquant la catégorie de spectateurs pour laquelle il est
accordé de la façon suivante: a) film pour tous, spectateurs de
tous âges; b) film pour adolescents et adultes, spectateurs
âgés d'au moins quatorze ans; c) film réservé aux
adultes, spectateurs âgés d'au moins 18 ans."
Je voudrais attirer votre attention sur une chose qui est assez
importante: la mention "quatorze ans" dans la nouvelle loi, ce n'est
qu'indicatif, tandis que dans la loi actuelle, cela constitue une infraction
que de violer la disposition en ce qui a trait aux quatorze ans, aux films pour
adolescents et adultes. Mais maintenant - et là, je pense qu'on rejoint
exactement les propos de M. Schlesinger - on laisse la responsabilité
aux parents.
M. Schlesinger: Oui, mais il y a quand
même un visa.
M. Richard: II y a un élargissement à cet
égard par rapport à la loi actuelle.
M. Schlesinger: Oui, mais la question primordiale pour nous est
le fait que le gouvernement ait le droit d'interdire la projection du film. Je
sais que cela existe actuellement dans la loi et peut-être est-ce plus
large dans le moment, mais, d'autre part, on donne à trois personnes
nommées par le gouvernement le droit de dire qu'un film ne doit pas
être projeté. Nous trouvons que c'est un danger pour la
liberté d'expression.
M. Marx: Si je comprends bien, c'est une question de principe
pour le Congrès juif canadien et il plaide le même argument dans
toutes les provinces au Canada, mais j'aimerais à ce moment-ci
féliciter le Bureau de surveillance du Québec pour son
interprétation large et libérale de notre loi. Il n'y a pas
vraiment de censure au Québec. Il faut s'en rendre compte, même
si, dans la loi, il y a une possibilité.
J'ai seulement une dernière question, parce que vous avez
soulevé quelque chose d'intéressant. Le ministre a soulevé
cela ce matin. Il a dit que "E.T.", par exemple, a été
projeté en France en français au mois de mai, quoiqu'il soit
passé en juin au Québec, mais seulement en anglais.
Supposons qu'on inclue un article dans la loi pour prévoir que,
si un film existe dans les deux langues ou qu'il existe en français
quelque part au monde, on exige que les deux versions soient
présentées en même temps au Québec. Est-ce qu'un tel
article dans ce projet de loi va enfreindre la liberté d'expression?
M. Schlesinger: Je ne croirais pas, je l'ai dit d'ailleurs. S'il
y a une version existante en français, il n'y a aucune raison de ne pas
insister pour que la version française soit présentée en
même temps que la version anglaise. Cela ne limitera sûrement pas
la liberté d'expression d'insister pour qu'en même temps que la
version anglaise, la version française existante soit également
présentée. Je ne crois pas que cela puisse limiter la
liberté d'expression.
M. Marx: Sur ce point, si on veut atteindre le but que le
ministre s'est fixé par ce projet de loi, il faut mettre des dents dans
la loi pour mordre et pas seulement pour sourire. Peut-être le ministre
devrait-il considérer d'inclure un article qui exigerait que les deux
versions passent en même temps, en ce sens que ce soit une exigence du
commerce des films, alors que ce n'est pas une exigence maintenant, ce n'est
pas nécessaire dans le projet de loi tel que rédigé.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Est-ce que vous avez
quelque chose à ajouter, M. le ministre?
M. Richard: Je voudrais juste renvoyer mon collègue et
ami, le député de D'Arcy McGee, au troisième alinéa
de l'article 79. Il y trouvera la réponse à la question qu'il
vient de poser.
M. Marx: Oui, mais supposez...
M. Richard: Ce que vous venez de signaler, c'est exactement
l'objectif de l'article 79.
M. Marx: Mais est-ce exigé par l'article 79?
M. Richard: Bien sûr que c'est exigé. On dit que,
quand une version française existe, on doit la présenter en
même temps et, si elle n'existe pas, aux paragraphes 2 et 3°, on dit
à quoi on doit se soumettre.
M. Marx: Supposons que deux versions existent, mais le
distributeur présente une version anglaise et demande un visa de 40
jours. Peut-il l'avoir seulement pour la version anglaise?
M. Richard: Non.
M. Marx: II ne le peut pas? En vertu de quel paragraphe?
M. Richard: Je vous lis l'alinéa 3 : "si seule une version
autre qu'en français est présentée et que la personne qui
demande le visa démontre à la satisfaction de la régie
qu'aucune version doublée ou sous-titrée en français n'est
disponible au moment du dépôt de la demande, la régie
appose un visa temporaire sur les copies présentées en version
autre qu'en français. Ce visa temporaire est valide jusqu'à ce
qu'une version doublée ou sous-titrée en français devienne
disponible ou pour 60 jours de la date de la première
présentation du film en public, selon le plus rapproché des deux
événements." Voilà.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Mille-Îles.
M. Marx: Donc, il peut avoir un visa temporaire...
M. Richard: Temporaire.
M. Marx: ...pour seulement une version.
M. Richard: Pour une version.
M. Marx: C'est ce que je veux dire, s'il peut avoir un...
M. Richard: Non, c'est qu'on ne veut pas l'interdire, parce qu'il
y a des films de répertoire, M. le député de D'Arcy McGee.
Là vous allez beaucoup plus loin que je n'oserais jamais aller. Il y a
des petits films de répertoire, il y a des films étrangers qui ne
sont pas pour large diffusion et ce serait les pénaliser que de ne pas
inclure l'alinéa
Ce matin, vous étiez à l'autre opposé, ce soir vous
avez franchi la rivière.
M. Marx: Non, je n'ai pas...
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, M. le
député de D'Arcy McGee, si vous me permettez. Là nous
étudions un article; on reviendra à cette discussion au moment de
l'étude article par article.
M. Marx: Mais seulement une petite question car le ministre a
parlé ce matin du film "E.T." Supposons que le cas de "E.T." se produise
une autre fois, qu'est-ce qui va obliger les "majors" à présenter
les deux versions au même moment. Ce n'est pas exigé, c'est... (21
heures)
M. Richard: Paragraphe 1.
M. Marx: Oui, mais ce n'est pas nécessaire...
M. Richard: Si une version autre qu'en français est
présentée...
M. Marx: Ce n'est pas nécessaire de le faire, on pourrait
le faire mais ce n'est pas exigé. La députée de
Maisonneuve me suit sur cela. Ce n'est pas exigé. Vous avez une
incitation, mais "E.T." peut se présenter une autre fois. C'est ce que
je trouve injuste.
Soixante jours, c'est cela. La députée de
Maisonneuve...
M. Richard: Soixante jours.
M. Marx: Je dois m'appuyer sur quelqu'un.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Mille-Îles.
M. Proulx: Elle va aller loin. C'est une députée
qui va aller loin.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Mille-Îles, vous avez la parole.
M. Champagne: Merci M. le Président. M. Schlesinger, vous
dites dans votre conclusion: Garantir le respect des principes de libre
circulation de matériel culturel.
C'est un principe fondamental pour vous. Pour sauvegarder la culture
canadienne, le CRTC - Conseil de la radiodiffusion et des
télécommunications canadiennes - exige des
télédiffuseurs et des radiodiffuseurs un pourcentage de contenu
canadien. Est-ce que vous pensez que le CRTC respecte la libre circulation de
matériel culturel en exigeant des télédiffuseurs, des
radiodiffuseurs, un pourcentage de contenu canadien?
M. Schlesinger: D'abord, je dois vous dire une chose. Nous sommes
de la région du Québec. Nous avons le Congrès juif
canadien national qui s'occupe des questions fédérales. Je ne
veux pas essayer d'éviter la question de cette façon.
Personnellement, si vous me demandez mon opinion, je dirai: Oui, je m'y
opposerais. D'autre part, s'il y avait assez de protection pour voir à
ce que tout le matériel soit visionné mais que, par semaine, un
certain pourcentage devrait être ajouté, à condition qu'il
n'y ait rien de prohibé, on pourrait peut-être, avec une bonne
réglementation, arriver à la condition que les deux aspects du
problème puissent être servis. Mais, sans voir la
réglementation, ce serait difficile de répondre à cette
question hypothétique.
M. Champagne: Oui, comment voulez-vous sauvegarder la culture
canadienne, le produit canadien si vous n'arrivez pas avec une
réglementation? C'est pourquoi le CRTC oblige les radiodiffuseurs et les
télédiffuseurs à un pourcentage et cela contrevient
à la libre circulation de matériel culturel.
Je veux en arriver à la conclusion. Vous êtes en faveur de
la loi 109 qui est une tentative de mettre en place les objectifs facilement
compréhensibles pour l'industrie cinématographique du
Québec, mais faut-il se donner les moyens aussi pour sauvegarder cela.
Et vous continuez: C'est pour encourager le développement de l'industrie
du cinéma et mettre en place des mécanismes de contrôle des
réseaux de distribution. Voilà un objectif qui vous semble
logique et naturel.
M. Schlesinger: Oui.
M. Champagne: Si on veut respecter ou sauvegarder la culture
canadienne, le CRTC prend des moyens de le faire. Pour sauvegarder la culture
québécoise, la culture française au Québec, faut-il
se donner des moyens comme le CRTC le fait.
M. Schlesinger: Je sais que ce que je vais dire n'est pas
très populaire, mais je dois vous dire que, d'après moi, la
culture québécoise n'est pas seulement la culture
française. Je suis Québécois et ma culture est
québécoise. Je tiens absolument à ce que ce soit
respecté. C'est pour cette raison que
lorsque je vois que deux ou trois personnes vont dire: Qu'est-ce que
c'est un film québécois? Est-ce qu'un film produit par le
Congrès juif canadien sera québécois, s'il est produit
à Québec, s'il concerne les résidents de Québec?
Cela, c'est une chose, parce que vous semblez faire la distinction entre
"français" et "québécois".
M. Champagne: Non, c'est une question de principe.
M. Richard: Je regrette là...
M. Champagne: Non, pas du tout. Monsieur, je parle d'une question
de principe et je pense que vous ne répondez pas tout à fait
à ma question de principe.
M. Schlesinger: Sur la question de principe...
M. Champagne: Si on a des objectifs, il faut se donner des
moyens. Le CRTC le fait pour sauvegarder la culture canadienne. Nous avons des
objectifs auxquels vous souscrivez et on vous en remercie. Maintenant, faut-il
se donner des moyens? Les moyens sont dans la loi. La loi fait
réellement un consensus. Je trouve que vous êtes très
sévère en parlant simplement de libre circulation de
matériel culturel, si vous voulez atteindre les objectifs de la loi
109.
M. Schlesinger: Je vous réfère à l'article 7
du projet de loi. Je trouve que vous avez les moyens pour vous donner les
outils nécessaires. Maintenant, M. Archibald voudrait dire quelque chose
là-dessus, avec votre permission.
M. Archibald (Jim): MM. les députés, je vois
évidemment l'intérêt que vous avez à comparer
l'intervention avec une intervention éventuelle portant sur la question
du CRTC. Cependant, comme notre président vient de le faire remarquer,
notre mémoire porte sur un projet de loi. Nous sommes venus ici dans le
but d'échanger certaines idées et peut-être nous aider
à nous donner une loi plus sensible aux besoins des communautés
qui se trouvent au Québec. J'en viens à votre question de
mécanisme parce que, dans le fond, une loi veut prévoir certains
mécanismes pour aider le développement de cette industrie
cinématographique au Québec. L'objectif est en effet louable, on
l'a dit. Prenez, par exemple, l'article 79 de la loi, nous avons dit dans notre
mémoire qu'au lieu d'adopter des règlements que l'on pourrait
interpréter - je dis "pourrait" - comme étant coercitifs, si vous
voulez, on pourrait adopter des mécanismes d'encouragement. C'est pour
cela que notre président s'est référé à
l'article 7. C'est pour cela que dans le mémoire on a porté
attention aux encouragements d'ordre fiscal. On voudrait voir le
développement d'une industrie autochtone ici au Québec.
L'objectif est louable, mais le mécanisme ne devrait pas être,
à notre sens, privatif, coercitif, mais un mécanisme qui
encourage le développement d'une industrie. C'est le point de vue
général qui est donné. J'espère que vous comprenez
l'orientation.
M. Champagne: Voici, je ne pense pas que...
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Mille-Îles, une dernière question sur le sujet.
M. Champagne: Je ne suis pas d'accord avec monsieur.
Le Président (M. Gagnon): On peut facilement
différer d'opinion. Il s'agit de questionner nos invités.
M. Champagne: Je ne considère pas l'article 79 comme
coercitif. Il est incitatif. C'est un domaine commercial. C'est l'offre et la
demande. Si les compagnies américaines ont fait 20 000 000 $ l'an
passé avec le cinéma, avec le visionnement au Québec, je
pense qu'elles ont intérêt à continuer à donner du
cinéma dans notre langue.
Le dernier point est le suivant. Vous parlez du droit des consommateurs
à faire un libre choix parmi toutes les ressources culturelles
disponibles dans une société libre et ouverte. Faut-il encore que
ces ressources culturelles soient disponibles. Lorsqu'on parlait - on revient
toujours au même film -du film "E.T.", si vous avez seulement une version
anglaise, comment pouvez-vous faire un libre choix? C'est pour cela que la loi
109, avec son article 79, va permettre un libre choix en ayant une version
française.
M. Schlesinger: Je vais essayer de répondre aux deux
aspects de votre question. Pour commencer, je ne vois rien dans la loi qui
limite l'application de l'article 79 au film commercial. Si vous me le montrez,
je serai très satisfait de le voir, parce que c'est quelque chose qui
nous concerne beaucoup. Deuxièmement, pour la question du libre choix,
je peux vous dire que personnellement j'ai eu, comme avocat, un client qui
était un doubleur de film. C'étaient des canadiens
français. Je crois qu'ils ont fermé leur porte parce qu'ils n'ont
pas pu obtenir assez de financement pour avoir l'équipement
nécessaire pour faire concurrence aux maisons françaises. S'ils
avaient eu, à ce moment, les subventions nécessaires,
peut-être qu'ils auraient pu faire quelque chose pour concurrencer et
bâtir, ici à Québec, une industrie. Nous sommes - et je
tiens à le souligner - entièrement d'accord
avec l'idée de bâtir une industrie du film ici, à
Québec. C'est très important et c'est très louable. Mais,
comme M. Archibald l'a dit, il faut le faire par voie de subventions, par voie
d'encouragement et non pas en donnant à une régie le droit ou
même en donnant au gouvernement le droit de dire tout simplement: Non
vous ne pouvez pas du tout présenter ce film. Je trouve que c'est
quelque chose qui peut s'étendre par après aux livres, aux
disques, aux bandes magnétiques. Où cela va-t-il s'arrêter?
Est-ce qu'un livre n'est pas aussi quelque chose qui doit pouvoir être lu
par la population en général? Est-ce qu'on pourra dire à
un moment donné que, avant de faire entrer un livre au Québec, il
faut qu'il soit traduit dans les 60 jours? Quelle est la différence?
Parce que, maintenant, les téléviseurs VCR deviennent quelque
chose de presque aussi courant que le livre. Mais, avec cette loi, je ne peux
même pas avoir une vidéocassette s'il n'y a pas de visa dessus,
même si c'est une reproduction d'un livre.
Alors, je vous demanderais de prendre un peu de recul des détails
pour essayer de voir le grand portrait, parce que ce que vous faites dans ce
projet de loi comporte des dangers. On n'est pas ici pour vous dire que vous
avez de mauvaises intentions, ce n'est pas cela. On vous demande tout
simplement de jeter un coup d'oeil là-dessus pour voir les effets
à long terme de priver les citoyens de même un petit doigt. Ce que
vous voulez faire est louable mais les effets possibles sont graves, et c'est
cela qu'il faut voir.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: M. le Président, d'abord, j'aimerais demander
au président du Congrès juif canadien son interprétation
de l'article 103. Il en a fait mention rapidement tantôt et il avait
invoqué l'impossibilité dans laquelle serait le Congrès
juif canadien de faire appel aux services bénévoles d'un
producteur pour réaliser une production. Est-ce que c'est bien là
votre interprétation?
M. Schlesinger: Oui.
Mme Harel: Je m'inscris complètement en faux contre cette
interprétation. Si on lit l'article tel que rédigé, il se
formule comme ceci: "Nul ne peut, sur une base professionnelle, effectuer de la
production dans le domaine du cinéma et de la vidéo s'il n'est
titulaire d'un permis de producteur." Alors, il faut vraiment s'entendre sur
les termes. Il ne s'agit pas d'un travail fait de façon professionnelle
par un bénévole mais sur une base professionnelle. Alors, c'est
vraiment là faire référence à un contrat de
location de services sur une base professionnelle. Je ne pense pas qu'un
producteur qui offrirait ses services comme membre bénévole,
malgré que son produit puisse être de qualité
professionnelle, pourrait être empêché par cet article
d'offrir ses services bénévoles au Congrès juif canadien.
Je ne sais pas. M. le ministre, est-ce que je me trompe dans
l'interprétation de l'article 103?
M. Richard: Non, c'est tout à fait exact, Mme la
députée de Maisonneuve. Il faut que ce soit sur une base
professionnelle. Cela n'inclut donc pas le cas que vous avez
évoqué, absolument pas.
Mme Harel: Alors, le travail peut être fait de façon
professionnelle, évidemment, par quelqu'un qui est
bénévole, c'est bien cela?
M. Schlesinger: Mais peut-être que vous me permettrez de
vous soumettre un exemple. Le Congrès juif canadien, maintenant, est en
train de produire un film sur vidéocassette sur l'histoire de
l'holocauste. On est, maintenant, en train d'agir comme producteur de films
pour capter sur rubans, avant le décès de ces personnes, les
expériences personnelles des survivants d'Auschwitz, de Dachau, de
Mauthausen et des autres camps de concentration des Allemands durant la
deuxième guerre mondiale. Le Congrès juif canadien a signé
des contrats avec des professionnels pour effectuer ce travail. Nous agissons,
en vertu de la loi, comme producteurs sur une base professionnelle. Ce n'est
pas sur une base lucrative et c'est pour les fins éducatives de notre
organisme. Est-ce que vous voulez nous dire qu'une oeuvre comme celle-là
doit avoir le sceau d'un gouvernement? Je trouve cela difficile à croire
dans une démocratie.
M. Richard: Oui, parce que vous confondez à but non
lucratif et à but non commercial. On peut exploiter une entreprise
à but non lucratif, mais cela reste quand même une activité
commerciale.
M. Schlesinger: Ce n'est pas du tout commercial. C'est pour nos
archives et pour distribuer dans les écoles. Je trouve difficile de
croire que, dans une démocratie, un organisme, comme le Congrès
juif canadien, le Congrès italien ou n'importe quel autre groupe, doive
avoir la permission d'un gouvernement pour faire un film de son histoire. Cela
n'est pas acceptable.
Mme Harel: Mais ce n'est pas vous qui devez avoir la permission
du gouvernement, ni le Congrès juif canadien. C'est le producteur.
M. Schlesinger: Mais nous sommes les producteurs en vertu du
projet de loi. La personne qui commande la production du film, cela devient
peut-être une question de définition. Peut-être faudra-t-il
y voir. Là aussi, on a un problème de réglementation. Qui
va faire les règlements? Est-ce que ce sont ces trois personnes? Est-ce
que c'est le gouvernement sans avoir une consultation au préalable? La
définition, telle que rédigée -à titre d'avocat, je
ne sais pas, il y a peut-être d'autres avocats ici - la personne qui
commande une production, c'est le producteur. Si je fais paraître une
annonce dans un journal, je publie l'annonce même si je ne suis pas la
personne qui exige de l'argent pour la publication. C'est peut-être une
question de définition. Si on changeait la définition pour
clairement exclure les gens d'affaires dont je viens de parler, peut-être
que ce serait plus adéquat.
Mme Harel: Sauf que, si vous étiez le producteur comme
vous prétendez ou pensez l'être, vous le seriez sur une base
professionnelle, et vous n'êtes pas, sur une base professionnelle,
producteur de cinéma. Là, il y a vraiment une
ambiguïté dans votre interprétation parce que vous dites
être le producteur, mais si tant est que vous l'êtes sans
l'être sur une base professionnelle, vous n'avez pas besoin, à ce
moment-là, du permis.
Je voudrais revenir à ce que vous plaidiez. Si je comprends bien,
vous plaidiez pour une liberté - vous l'avez dit tantôt -absolue
d'expression.
M. Schlesinger: Non. La liberté d'expression, mais avec
les limites normales, comme prôner la violence, prêcher la haine,
le génocide ou l'obscénité, ces choses qui sont
généralement couvertes par une loi pénale.
Mme Harel: Vous avez, à maintes reprises,
réitéré que vous conceviez le Code pénal comme
suffisant pour permettre aux personnes, aux citoyens, d'intervenir s'ils
considéraient qu'il y avait des abus de commis qui pouvaient faire
référence à des paroles obscènes ou des
comportements haineux. Qu'est-ce que vous pensez, à ce titre, de la
disposition maintenant introduite à l'article 77 réclamée
par les nombreux groupes de femmes du Québec qui demandent d'ajouter,
aux critères utilisés par la régie, celui de ne pas
encourager ni de soutenir la violence sexuelle? Vous concevez que c'est...
M. Schlesinger: L'article 76? Mme Harel: L'article 77.
M. Schlesinger: L'article 77.
Mme Harel: Concevez-vous qu'introduire des dispositions de cette
nature est souhaitable ou non actuellement dans un projet de loi comme celui
qu'on étudie?
M. Schlesinger: On est sûrement opposé à tout
film qui démontrerait la violence sexuelle, mais je prétends que
ce serait obscène et que ce serait une matière pour les cours
criminelles.
Mme Harel: Je ne le partage pas, mais je comprends votre point de
vue qui est de s'en tenir au Code pénal, malgré les
difficultés que cela peut présenter. On sait
particulièrement dans les cas de pornographie les difficultés que
cela peut présenter.
M. Schlesinger: C'est une question de philosophie. Est-ce que
l'État doit, auparavant, priver le citoyen du droit de s'exprimer ou
s'il faut lui donner le droit de s'exprimer, et s'il commet une offense
criminelle, de loger une plainte contre lui, un acte d'accusation contre lui?
Nous prétendons que, dans une société démocratique,
il serait mieux que la personne se contrôle elle-même en sachant
qu'il y a une loi et qu'il va en subir les conséquences s'il enfreint la
loi.
Mme Harel: Vous trouvez donc satisfaisants présentement
les recours qu'on peut avoir en vertu du Code pénal?
M. Schlesinger: Peut-être que le Code pénal a besoin
d'être révisé. Si c'était une session sur la
façon dont il faudrait réviser le Code pénal, il nous
ferait plaisir de présenter un mémoire comme nous le faisons pour
toute autre loi qui concerne le Congrès juif canadien sur les
libertés et droits humains.
Mme Harel: Vous allez me permettre une autre question concernant
cette liberté d'expression, très rapidement.
Le Président (M. Gagnon): Madame...
Mme Harel: Oui, M. le Président. Je n'ai pas abusé
beaucoup durant ces deux journées.
Le Président (M. Gagnon): Je vous ferai remarquer qu'on a
déjà une heure et quelque dix minutes sur ce mémoire et on
en a quatre autres à entendre ce soir.
Mme Harel: J'en prends note. Cela va être très
rapide. Vous avez invoqué très souvent la liberté
d'expression. On peut penser que dans le cas du cinéma, en fait, qu'il
s'agisse d'une notion élargie à la liberté d'audition et
de visionnement, c'était cette réalité que la
liberté d'expression prend dans
le cas de la cinématographie. Je voudrais vraiment vous poser la
question concernant l'article 79. Si vous considérez que demander qu'une
version autre que française soit présentée au minimum avec
une copie sous-titrée, cela avantage la liberté d'expression ou
d'audition ou, si vous voulez, de visionnement d'une majorité ou si, au
contraire, cela prive la liberté d'expression de ceux qui
possèdent ou qui contrôlent les moyens de distribution ou les
moyens de diffusion ou de programmation, de quelle liberté d'expression
parle-t-on? De la liberté d'expression de ceux qui ont le contrôle
et la propriété des moyens de distribution, des moyens de
diffusion, ou de la liberté d'expression de ceux qui n'ont pas les
moyens d'audition ou de visionnement?
M. Schlesinger: Si on n'a pas les moyens, je crois que les
articles 7 et suivants de la loi donnent au gouvernement les moyens de subvenir
aux besoins de l'industrie québécoise pour remédier aux
problèmes qu'on a maintenant dans notre industrie. Je crois que ce n'est
pas en privant les citoyens de voir les films, mais en subventionnant les
producteurs québécois pour qu'ils puissent faire une juste
concurrence qu'on pourra rendre les services nécessaires aux producteurs
importants.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Est-ce que c'est
terminé? Merci au Congrès juif canadien pour cet apport à
cette commission.
M. Schlesinger: C'est nous qui vous remercions.
Le Président (M. Gagnon): J'inviterais maintenant - et je
vais faire un dernier appel à l'Association québécoise des
critiques du cinéma. Est-ce qu'ils sont arrivés? Oui. Je vous
cède la parole.
Association québécoise des critiques de
cinéma
Mme Suchet (Simone): J'aimerais savoir pourquoi vous avez dit: Un
dernier appel, étant donné que je suis là depuis midi
moins le quart? En fait, j'aurais bien aimé...
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse mais suivant l'ordre
du jour, vous deviez passer bien avant cette heure-ci. Chaque fois que j'ai
invité les témoins à se rendre à la table, j'ai
commencé par m'assurer si vous étiez rendue et on me disait
toujours que vous n'y étiez pas.
Mme Suchet: J'étais là, mais j'ai été
gentille aussi. J'ai laissé ma place à d'autres.
M. Schlesinger: II faut que je souligne que madame a
été très gentille envers nous. Nous avons demandé
qu'elle nous cède sa place pour nous permettre de prendre notre
avion.
Le Président (M. Gagnon): Pour moi, c'était le
dernier appel. Je me suis dit: Si on ne les retrouve pas, cela va aller
à demain. Je vous cède la parole.
Mme Suchet: Je représente ici l'Association
québécoise des critiques de cinéma. Normalement, Mme
Françoise Wera aurait dû être ici également mais elle
a été retenue à Montréal pour des raisons
professionnelles, ce qui fait qu'il incombe à moi seule de
présenter notre bref mémoire.
L'Association québécoise des critiques de cinéma,
constituée en 1973, regroupe l'ensemble des personnes reconnues par
l'association comme oeuvrant au Québec dans le domaine de la critique
cinématographique et compte à ce jour une quarantaine de
membres.
Tout en reconnaissant le bien-fondé du projet de loi no 109,
l'Association québécoise des critiques de cinéma voudrait
néanmoins faire quelques recommandations et critiques. Tout d'abord,
l'Association québécoise des critiques de cinéma regrette
l'absence des sections X et XI du rapport Fournier sur l'éducation et la
culture cinématographiques et espère que les ministres de
l'Éducation et des Affaires culturelles, MM. Camille Laurin et
Clément Richard, feront connaître à brève
échéance leurs intentions à ce sujet.
Ensuite, nous passons à l'article 17. L'AQCC recommande que le
président de l'institut soit élu par les douze membres du conseil
d'administration de ce même institut. À l'article 18,
l'Association québécoise des critiques de cinéma
recommande que la critique cinématographique ait une place, elle aussi,
parmi les quatre membres prévus par cet article. Le choix de ce membre
pourrait être fait, en accord avec l'Association québécoise
des critiques de cinéma, selon les règles prévues aux
articles 16 et 17.
Nous passons ensuite à l'article 61, alinéa 3.
L'Association québécoise des critiques de cinéma
recommande fortement que le soutien financier des revues de cinéma soit
considéré comme prioritaire dans la promotion de la culture
cinématographique. Article 77, l'Association québécoise
des critiques de cinéma recommande d'éliminer de cet article les
termes suivants: "Notamment en ce qui n'encourage ni ne soutient la violence
sexuelle", car cette idée est déjà implicite dans
l'ancienne formula qui est d'ailleurs encore utilisée et qui est "ne
porte pas atteinte à l'ordre public et aux bonnes moeurs". Ce n'est pas
que l'Association québécoise des critiques de cinéma
désire encourager la violence sexuelle ou toute autre forme de violence,
d'ailleurs,
mais parce qu'elle craint tout simplement que cet ajout ne prête
flanc peut-être à certains abus.
À l'article 79, l'Association québécoise des
critiques de cinéma recommande qu'on exige pour tout film
présenté en langue autre que le français au moins une
copie sous-titrée en français, même s'il existe des
versions doublées et ceci pour assurer, en premier lieu, le respect de
l'oeuvre originale. Article 97, l'Association québécoise des
critiques de cinéma appuie avec insistance cet article tel qu'il est
rédigé. Article 159, l'Association québécoise des
critiques de cinéma recommande que la régie qui sera
formée par cette loi établisse des règlements stricts afin
d'améliorer les conditions techniques de projection des films.
En conclusion, nous souhaitons que l'Assemblée nationale discute
et adopte avec diligence ce projet de loi que nous acceptons dans son ensemble,
en n'oubliant pas de lui adjoindre les sommes d'argent nécessaires au
bon fonctionnement des organismes dont la création y est prévue.
Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci, madame. M. le
ministre.
M. Richard: Je vous remercie, madame, en vous priant de nous
excuser pour le retard que nous accusons dans le déroulement de nos
travaux. Je voudrais faire une observation. Il y a quelque chose qui m'a
particulièrement plu dans votre court mémoire, c'est quand vous
recommandez fortement que le soutien financier des revues de cinéma soit
considéré comme prioritaire dans la promotion de la culture
cinématographique. Je suis tout à fait d'accord avec cela et
j'espère que la future société d'aide en tiendra compte.
J'ai même la certitude qu'elle en tiendra compte, parce que cela
m'apparaît extrêmement important. Je vous remercie, madame.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. Mme la
députée de Chomedey.
Mme Bacon: J'ai l'impression que vous avez, volontairement ou
non, oublié un paragraphe.
Mme Suchet: J'ai volontairement oublié ce paragraphe parce
que nous avons été un peu pressés pour rédiger ce
mémoire et, dans la diligence que nous avons mise à le
préparer, nous avons fait une erreur d'interprétation. En fait,
ce que nous regrettons est présent dans le projet de loi et c'est la
raison pour laquelle j'ai tout bonnement oublié ce paragraphe.
Mme Bacon: Faites-vous allusion, à ce moment-ci, à
l'article 91?
Mme Suchet: Exactement, à l'article 91.
Mme Bacon: D'accord. Vous exigez aussi, dans le cas d'un film en
langue autre que le français, que obligatoirement - à l'article
79 - il y ait une copie sous-titrée en français. Mentionnez-vous
ou indiquez-vous cette exigence dans votre mémoire parce qu'elle
répond à un besoin qui est généralisé? (21 h
30)
Mme Suchet: Nous pensons que c'est un point qui... D'une part,
nous trouvons étrange ou paradoxal que nous ayons souvent ou assez
fréquemment - je ne devrais pas dire "souvent" - au Québec
l'occasion de voir des films étrangers et par "étrangers" - je
veux dire non anglais ou non anglophone et non français - en langue
originale avec une version sous-titrée en anglais. Le cas est rarissime
en français; déjà c'est un peu paradoxal. Nous pensons
qu'il est nécessaire qu'il y ait une version sous-titrée tout
simplement par respect de l'oeuvre originale. Je crois que ce sont des
détails intangibles, mais qui sont néanmoins très
réels. Il y a toute une atmosphère. Une langue - l'italien par
exemple - n'a pas du tout le même son que l'anglais; le suédois,
c'est la même chose. À de tels niveaux, très intangibles,
il semblerait qu'il soit absolument nécessaire de préserver la
valeur et la qualité de l'oeuvre originale, sans compter que,
techniquement, il est souvent très difficile - en particulier lorsque la
bande sonore est très complexe -de reproduire avec la même
perfection et les mêmes détails toutes les nuances de la bande
sonore.
Mme Bacon: Cette exigence existe pour des films qu'on appelle des
films d'art ou des films qui ne sont pas de nature commerciale. À ce
moment, est-ce qu'on le fait immédiatement, est-ce automatique de
sous-titrer?
Mme Suchet: Non, ce n'est, hélasi pas automatique. Nous
souhaiterions que cela le soit. En plus, nous souhaitons que le sous-titrage
existe également pour des films que l'on peut qualifier de commerciaux.
D'autre part...
Mme Bacon: C'est pour répondre à un besoin de la
population. Est-ce comme critique que vous sentez ce besoin aussi?
Mme Suchet: C'est en premier lieu comme critique, mais je pense
que, après une période d'adaptation, la population
également trouverait très facilement le bien-fondé de
cette demande et s'habituerait tout à fait aux films
sous-titrés.
De toute façon, nous ne demandons pas qu'il n'y ait pas de
version doublée; nous n'éliminons pas du tout la
possibilité qu'il y
ait une version doublée, mais nous souhaitons tout simplement
qu'il y ait au moins une version sous-titrée, pour les raisons que j'ai
mentionnées précédemment.
Le Président (M. Gagnon): Merci, Mme la présidente
de l'Association québécoise des critiques de cinéma, de
cette participation à cette commission.
Mme Suchet: Merci.
Le Président (M. Gagnon): Je demande maintenant aux
représentants de l'Association des câblodistributeurs du
Québec Inc. de prendre place. Mme Diane Legris, je vous prierais de
présenter les gens qui vous accompagnent, de faire la lecture de votre
mémoire et, si possible, compte tenu que l'heure avance, de le...
Association des câblodistributeurs du
Québec Inc.
Mme Legris (Diane): C'était mon intention.
Le Président (M. Gagnon): Mais vous êtes là
depuis très tôt ce matin, donc...
Mme Legris: Depuis hier soir!
Le Président (M. Gagnon): Même depuis hier soir!
Mme Legris: M. le Président, mesdames et messieurs de la
commission, mon nom est Diane Legris. Je suis présidente du conseil
d'administration de l'Association des câblodistributeurs du Québec
et vice-présidente de Câble TV. J'ai, à ma gauche, M.
Gilles Desjardins, vice-président au développement et
planification du groupe Vidéotron et, à ma droite, MM.
Réjean Myre et Claude Lamontagne, respectivement directeur
général et directeur administratif de l'Association des
câblodistributeurs.
Nous sommes heureux de l'occasion qui nous est offerte de vous
présenter nos commentaires concernant le projet de loi no 109 sur le
cinéma et la vidéo.
Permettez-moi d'abord de vous rappeler que l'industrie de la
câblodistribution au Québec dessert 1 500 000 foyers, dont plus de
1 000 000 sont abonnés à ses services. C'est donc dire que nous
rejoignons environ 2 500 000 personnes dans la province, et les entreprises
membres de l'ACQ comptent 90% de ces abonnés.
Tel qu'exprimé dans notre mémoire, notre intervention
porte sur les incidences économiques du projet de loi no 109 et de la
taxe de 10% sur le service de base de la câblodistribution
proposée par le rapport Fournier. Je cite ce rapport: "Dans le cas de la
taxe sur les services de base de câblodis- tribution, nous pourrions
parler de redevance à payer en compensation du privilège dont
jouissent les abonnés de recevoir à domicile une quantité
imposante de programmes, dont plusieurs milliers de longs métrages
annuellement, majoritairement étrangers.
À notre point de vue, il s'agit clairement d'une taxe
imposée à un million de foyers québécois comme
pénalité parce qu'ils ont choisi de payer mensuellement afin
d'avoir accès à des services de divertissement, d'information et
de culture qui ne leur sont pas disponibles souvent autrement.
Ces services comprennent, bien sûr, la télévision
conventionnelle mais aussi des contenus spécialisés tels les
débats de l'Assemblée nationale et de la Chambre des communes
sans oublier, à l'occasion, les commissions parlementaires, TVFQ-99,
Radio-Québec, le canal communautaire et bien d'autres.
Comment réagira donc le consommateur québécois
déjà lourdement taxé?
Négativement, bien sûr, vis-à-vis du Québec
et négativement aussi vis-à-vis de son câblodistributeur
local vu que l'augmentation du tarif ne se traduira pas par
l'amélioration ou l'augmentation des services taxés.
On peut facilement présumer le débranchement
d'abonnés qui vont diminuer chaque jour leur capacité de payer ou
d'autres qui voudront protester face à une hausse injustifiable.
À un moment où le Québec effectue un virage
technologique et où l'Etat établit des tables de concertation
avec notre industrie afin d'élaborer l'avenir des communications au
Québec, peut-on encore considérer le service de câble comme
un privilège?
L'avenir des contenus, au Québec comme ailleurs, passe par celui
des réseaux de distribution et la câblodistribution doit
accroître son accessibilité à la population. Or cette
accessibilité est intrinsèquement liée à
l'extension des réseaux et à l'augmentation de leur
capacité technologique de façon à permettre aux
fournisseurs de contenus l'acheminement et la vente de leur produit aux
consommateurs.
La mesure de taxation proposée aura des conséquences
négatives sur le développement de notre industrie dont la
situation financière n'est pas particulièrement enviable comme
certains sont portés à le croire. L'érosion des revenus
provenant du tarif mensuel à l'abonné se fait sentir depuis
quelques années déjà.
Je cite un extrait du récent document du ministère des
Communications. Le Québec et les communications: Un futur simple? "Outre
cette mise en perspective qui donne à la câblodistribution sa
vraie dimension, il faut noter une nette détérioration de la
situation financière de cette industrie au Québec. En cela, elle
n'a pas de statut
particulier par rapport à la situation financière de ce
secteur au Canada. Durant la période 1972 à 1980, les recettes
d'exploitation ont connu une croissance moyenne annuelle importante
située aux alentours de 20% pendant que les dépenses
d'exploitation et les frais d'intérêt augmentaient respectivement
de 22% et 29% pour la même période. Les profits qui
représentaient 17,5% des recettes en 1972 ont dégringolé
à 0,1% en 1980." Fin de la citation.
Les mesures de restriction de 6% et 5% sur les augmentations du tarif de
base imposées par le gouvernement fédéral laissent peu de
place à une amélioration de la situation à court et
à moyen terme.
Le livre publié par le ministère des Communications,
Bâtir l'avenir, fait état des montants et des ressources qui
seront requis en recherche et en développement si notre industrie doit
être un outil privilégié et un partenaire dans l'avenir des
communications au Québec. La venue de la télévision
payante a nécessité des investissements importants en
immobilisation technique des réseaux. Ces améliorations
permettront, dans un avenir rapproché, d'offrir des services
spécialisés optionnels auxquels les gens s'abonneront selon leurs
goûts, leurs besoins et leurs capacités de payer.
À notre avis, cette avenue est la seule qui permettra à
l'industrie du cinéma et de la vidéo de se tailler une place sur
le marché québécois. Le gouvernement en est d'ailleurs
conscient puisque dans son document, Un futur simple?, il énumère
un ensemble de programmations payantes qui pourraient assez facilement
être développées et vendues: théâtre et
spectacles, éducation permanente, sports, nouvelles, musique
vidéo. Plutôt que d'alimenter le climat négatif qui existe
depuis trop longtemps entre les différents partenaires des
communications au Québec, le gouvernement ne pourrait-il pas agir comme
catalyseur et favoriser la mise en chantier de projets dynamiques où
chacun y trouverait son compte, incluant le consommateur? N'est-ce pas
là la première prémisse pour bâtir l'avenir?
M. le Président, mesdames et messieurs de la commission, je vous
remercie pour votre attention.
La Présidente (Mme Harel): Merci, Mme Legris.
M. le ministre.
M. Richard: Je vous remercie de votre présentation, Mme
Legris. Comme je sais que mon collègue a des questions à vous
poser, je vais lui céder la parole.
La Présidente (Mme Harel): M. le ministre des
Communications.
M. Bertrand: J'aurais été prêt à ce
que mon collègue, le député de Saint-Henri, puisse poser
des questions immédiatement. D'abord, je me réjouis
évidemment que l'Association des câblodistributeurs du
Québec nous fasse connaître sa réaction à ce projet
de loi sur le cinéma et la vidéo. Je ne répéterai
pas ce que j'ai dit ce matin au moment où l'Association canadienne de la
radio et de la télévision de langue française
comparaissait devant cette commission. Certaines questions du même ordre
me paraissent devoir être posées à l'Association des
câblodistributeurs du Québec.
Mme Legris, vous avez été une ardente, comment dirais-je,
dame au sein de cette association pour la promotion, la défense et les
intérêts de la câblodistribution. Mon ami, Gilles
Desjardins, vous accompagne et représente l'association en même
temps qu'une compagnie qui rejoint un marché fort important de la
câblodistribution au Québec. Vous êtes des exemples
éloquents de ce que les câblodistributeurs ont fait au
Québec depuis un certain nombre d'années. Je ne parle pas de
juridiction. Je sais que dans le cadre de cette commission nous devons,
malheureusement, déborder cette question, quoique du côté
de l'Opposition, comme du côté du parti ministériel, nous
soyons, sur ces questions, fondamentalement d'accord, câblodistribution,
télévision payante, communications, etc. Il y a là, je
crois, un consensus qui est fort intéressant.
Au-delà de cela, parlant du projet de loi sur le cinéma et
la vidéo, effectivement, nous avons constaté, dans l'analyse des
revenus d'abonnement des entreprises de câblodistribution au cours de
l'année la plus récente que nous ayons, 1981, qu'il y a un
certain nombre d'entreprises de câblodistribution qui ont accusé
des déficits. Je cite, par exemple, Vidéotron, Câblevision
nationale; je peux parler aussi de Câble TV, à laquelle vous
appartenez, Mme Legris; je peux parler de Télésag, qui a aussi
accusé des déficits, et de Câblovision du
Bas-Saint-Laurent.
Il y a des entreprises qui ont, malgré ce contexte de crise
économique, connu certains surplus, mais certaines entreprises -je
m'excuse auprès des autres qui représentent 25% des
abonnés de la câblodistribution - comme Vidéotron,
Câblevision nationale et de Câble TV, qui rejoignent 75% des
abonnés du câble au Québec, il y a eu des déficits
enregistrés au cours de l'année 1981.
Je note aussi, et je crois que c'est important de le signaler, que nous
avons au Québec la possibilité de profiter d'une expertise
considérable en matière de câblodistribution. Malgré
les débats juridictionnels que nous avons connus, il n'en demeure pas
moins que notre industrie de la câblodistribution s'est
développée de façon telle et les efforts qui ont
été mis en recherche et
développement ont été tels que nous faisons figure
d'industrie d'avant-garde dans ce domaine en particulier. Je suis donc sensible
au fait que, comme vous le disiez vous-même Mme Legris, la politique des
6% et 5% que le gouvernement fédéral a imposée pour les
entreprises de câblodistribution, conjuguée à des
problèmes qu'ont connus les entreprises au niveau des immobilisations
-et, à moins que je ne me trompe, il y a une taxe fédérale
qui s'applique aux achats faits pour les immobilisations - vous avez dans
certains cas rencontré des problèmes qui se sont soldés
par des déficits budgétaires. (21 h 45)
II y a, dans le rapport Fournier, et non pas dans le projet de loi
soumis par le ministre des Affaires culturelles, cette allusion faite à
une taxe de 10% sur les entreprises de câblodistribution puisqu'elles
diffusent, pour une bonne part, des émissions qui doivent être
considérées comme du type "cinéma". Ce que j'aimerais
savoir, c'est, à partir de cette politique des 6% et 5% pendant
deux ans, à partir des efforts que les entreprises de
câblodistribution mettent dans la recherche-développement, dans la
pénétration de marchés, pour étendre au maximum les
marchés québécois - parce qu'elles ne rejoignent pas tous
les foyers québécois en ce moment; vous parliez tout à
l'heure d'environ 1 000 000 de foyers qui peuvent en ce moment être
rejoints - étant donné les immobilisations que cela comporte,
avec les taxes qui y sont attachées et relevant du gouvernement
fédéral, et étant donné l'introduction de la
télévision payante... Ici je voudrais ouvrir une
parenthèse. Tout le monde sait que nous sommes placés dans un
contexte extrêmement délicat. Ce n'est pas à vous Mme
Legris, ni à vous M. Desjardins que j'apprendrai que ce dossier de la
télévision payante nous pose d'énormes problèmes au
niveau québécois: toutes les provinces du Canada et les deux
partis politiques présents à l'Assemblée nationale ont
indiqué que la télévision payante devait relever de leur
juridiction, donc de la juridiction québécoise et provinciale
pour les autres provinces du Canada.
Au niveau de l'application du règlement que nous avons ensemble
préparé et au niveau de ce que nous pourrions appeler l'injection
de revenus dans l'industrie cinématographique québécoise,
je voudrais savoir, donc, étant donné cette application des 6% et
5%, étant donné vos projets d'immobilisation, étant
donné vos projets de ce que je pourrais appeler la recherche
-développement pour être en mesure de vous maintenir à la
fine pointe du développement en matière de
câblodistribution - je pense à toute l'exportation possible de
notre potentiel de câblodistribution - et, finalement, étant
donné l'introduction de la télévision à
péage avec les problèmes que cela pose en matière
juridictionnelle et en ce qu'on pourrait appeler la réinjection des
profits, des revenus dans l'industrie du cinéma au Québec,
comment, le plus objectivement possible, envisagez-vous cette recommandation
faite par le rapport Fournir d'une taxe d'environ 10% aux entreprises de
câblodistribution? Je veux bien qu'on tienne compte de l'ensemble des
problèmes qui nous sont posés.
Mme Legris: Votre question comporte plusieurs facettes que je me
dois de toucher, M. le ministre. Il convient peut-être ici de faire un
petit historique et de se rappeler que l'industrie de la
câblodistribution, tout d'abord, existe depuis environ 32 ans. Ce sont de
petits entrepreneurs qui, lorsqu'un premier signal de télévision
est devenu disponible, c'est-à-dire hors de nos frontières -
naturellement, c'était la télévision qui venait de voir le
jour, ce qui fut suivi, quelques années plus tard, d'un premier signal
canadien - donc, ces électroniciens, se sont dit: De quelle façon
pourrait-on, nous aussi, avoir la télévision au Québec?
C'est ainsi que naquit notre industrie.
Il est important de se rappeler qu'encore à ce jour il existe, au
Québec, 139 entreprises dont la majorité sont des petites et
moyennes entreprises, des PME. Ainsi, 60 d'entre elles comptent moins de 1000
abonnés, 75 d'entre elles comptent de 1000 à 10 000
abonnés et 14 seulement comptent plus de 10 000 abonnés.
M. Bertrand: Mme Legris, je m'excuse. Je ne voudrais surtout pas,
en vous interrompant, paraître désagréable à votre
endroit, mais reconnaissez-vous qu'il se développe, dans le domaine de
la câblodistribution, ce qu'on a connu un peu dans le domaine de la
téléphonie au Québec? Il y a des entreprises qui occupent
de plus en plus un marché très important et
Vidéotron-Câblevision nationale, qui constitue un groupe, et le
vôtre, Câble TV, rejoignent en ce moment 75% des abonnés sur
le territoire québécois.
Mme Legris: Effectivement. Le petit historique statistique dont
je viens de vous faire part avait pour but de démontrer que les
incidences des 6% et 5% ont des répercussions directes sur une bonne
partie, sinon la majorité, des entreprises, parce que le tarif de base,
si nous excluons la télévision à péage, qui est, en
moyenne, 7 $ par mois en province, continue de demeurer la seule source de
revenu de ces entreprises. En ce qui concerne la recherche et le
développement, il est bien évident que ce n'est pas la
majorité des entreprises qui y consacrent une partie importante de leurs
revenus. Ces efforts sont concentrés encore, à ce jour, dans le
groupe Vidéotron bien que
l'entreprise Câble TV, depuis la récente acquisition, ait
également convenu dans ses promesses d'acquisition qu'elle consacrerait
une partie de ses revenus à la recherche. Quant aux autres
entrepreneurs, ils continuent de souscrire au Fonds canadien de recherche en
développement sur la câblodis-tribution proportionnellement au
nombre de leurs abonnés.
En ce qui concerne l'extension des réseaux, il existe divers
regroupements industriels qui prennent pour nom soit Intervision, soit
Microbec. Si l'on prend le réseau Microbec, il achemine à une
vingtaine de petits câblodistributeurs des régions
éloignées des signaux qui ne sont pas autrement captables. Dans
certaines régions, ces signaux incluent Radio-Québec. En ce qui
concerne le réseau Intervision, il s'agit de regroupements
régionaux dont l'entreprise nationale Vidéotron est au coeur. Vu
que ces systèmes sont représentés dans diverses parties de
la province: Montréal, Québec, la Mauricie, Victoriaville,
Cap-de-la-Madeleine et Sherbrooke, dans ces régions, la taille de
l'entreprise a fait que dans certains endroits il a été possible,
en mettant ensemble leurs ressources et celles des petits
câblodistributeurs adjacents, de procéder à un
réaménagement de la technologie afin de permettre une extension
des réseaux, une amélioration de la qualité et de la
quantité des signaux, etc.
Vous le mentionniez à juste titre, ce n'est pas partout que cela
s'est produit, ce n'est pas partout au Québec que la
télévision payante est disponible, pour la bonne et simple raison
que dans au moins 50% des cas les investissements de base requis seraient tout
simplement trop dispendieux pour que les câblodistributeurs puissent
même songer à amener soit des canaux supplémentaires, soit
la télévision payante. Donc, la télévision payante
et les autres développements, c'est-à-dire l'extension à
30 et à 35 canaux, ne sont pas encore une réalité. Vu
l'érosion qu'a subie depuis quelques années la seule source de
revenu du câble, soit celle du tarif de base qui n'a presque pas
augmenté face à l'inflation quand même galopante des
dernières années, il est bien évident qu'à moins
que l'industrie ne puisse profiter de sources de revenus additionnelles dans un
avenir assez rapproché, les 6% rajoutés aux efforts en recherche
et développement, rajoutés à l'extension des
réseaux, rajoutés à l'extension possible et souhaitable de
nos produits et de notre expertise, tout cela fait qu'à moins que nous
ne puissions en retirer un revenu quelconque dans un avenir assez
immédiat, non seulement cela va-t-il être au point de stagnation -
d'ailleurs, l'extension des réseaux est déjà en stagnation
- mais cela deviendra dans un état de rétrogradation.
Vous me demandez de relier à la mesure proposée par le
rapport Fournier les conséquences d'une taxe additionnelle de 10%. Ce
que je viens de vous exposer, c'est avant la taxe. C'est l'état actuel
des choses. Il est quand même assez facile d'y rajouter une taxe de 10%
et d'extrapoler les conséquences d'une telle taxe sur une bonne partie
de nos entreprises. Bien entendu, nous sommes conscients que les contenus qui
sont véhiculés par le câble sont, en bonne partie, des
longs métrages. Il est bien évident également que ces
longs métrages ne sont pas majoritairement produits au Québec et,
s'ils l'étaient, il n'y aurait pas de présente commission
parlementaire parce qu'on serait vraiment au-dessus de nos affaires.
Cependant, il faut se rappeler que le rôle du
câblodistributeur en est un de retransmetteur de signaux et que c'est
grâce à lui que la télévision conventionnelle - les
stations privées, etc. - et tous ses contenus se rendent dans plusieurs
domiciles. Quand on parle des contenus additionnels qui ne sont pas disponibles
autrement, il est bien évident que, si l'on parle des débats de
l'Assemblée nationale ou si l'on parle du canal communautaire, nous ne
tombons plus dans les préoccupations des gens du cinéma.
Cependant, depuis quelques années, nous avons dit à maintes
reprises dans tous les endroits où il nous a été possible
de le faire, que ce soit devant le gouvernement provincial ou devant le
gouvernement fédéral, que le câblodistributeur est un
distributeur et qu'il a besoin de produits pour vendre aux consommateurs.
On reconnaît également que, en ce qui concerne la
disponibilité de contenu québécois, il y a une
pénurie bien entendu, mais que, par l'imposition d'une taxe, on se mette
à produire plus de contenu québécois, cela ne veut pas
dire que le contenu va se rendre aux consommateurs; nous n'avons pas le droit
de rendre disponibles ces contenus et de les vendre. Tant que nous serons en
économie de libre marché, pour que quelque chose soit produit,
cela prend de l'argent et, vu que l'argent ne pousse pas dans les arbres, cela
veut dire que le produit doit éventuellement être vendu à
quelqu'un. Pour qu'il puisse être vendu par quelqu'un, il faut qu'il
passe par un système de distribution. Vu qu'il s'agit ici de produit
audiovisuel, de produit électronique, il doit suivre bien sûr la
voie des médias électroniques qui ont la capacité
technologique de rendre ce produit aux consommateurs.
Or, toute taxe, qu'elle soit dans notre industrie ou dans d'autres
secteurs, qu'elle rapporte un fonds de 25 000 000 $, Dieu sait combien de bons
longs métrages on peut produire avec cette somme. On regarde la
série télévisée "The Winds of War", qui a
occupé 18 heures de notre vie pendant seulement une semaine, et elle a
coûté 40 000 000 $. Alors si, avec les
25 000 000 $, nous croyons avoir frappé une mine d'or qui va
faire refleurir le cinéma québécois, peut-être
frappe-t-on à la mauvaise porte.
Nous disons: Notre rôle est de distribuer des contenus. Si l'on
prend l'exemple de la télévision payante, il y a eu des
partenaires du domaine de la production qui sont devenus détenteurs de
license, qui ont mis ensemble des programmations, qui donnent des commandes de
productions, qui paient des droits d'auteur sur des contenus. C'est la nature
de leur permis. Une fois ces contenus disponibles, ils doivent ensuite aller
voir des réseaux de distribution. Alors, ils nous vendent le produit sur
lequel les droits ont été payés, sur lequel les
producteurs se sont servis, etc. Nous, en retour, nous couvrons nos frais et
nous rendons ensuite ce produit disponible aux consommateurs. (22 heures)
Comment se fait-il qu'il ne soit pas possible que le même
cheminement soit fait avec le produit québécois? Nous croyons que
le premier cadre d'ouverture est celui de la télévision payante.
Nous croyons que le prochain cadre d'ouverture pour tous ces contenus
audiovisuels sera nécessairement l'étagement des services qu'il
convient maintenant d'appeler, dans sa terminologie française, les
services de "tiering".
Si on me demande: De quelle façon voit-on les effets d'une taxe?
C'est bien évident que toute taxe, quelle qu'elle soit, a toujours des
effets négatifs non seulement sur le secteur qui doit la percevoir et la
retourner, mais sur le consommateur parce que le consommateur fait face
à l'inflation et, à un moment donné, il doit faire un
choix sur l'endroit où il va dépenser son argent.
Nous disons: Si le consommateur québécois décide
que la mensualité qu'il ne paiera pas à l'avenir est celle de la
câblodistribution, je me demande où tous ces beaux films et
produits spécialisés québécois se rendront à
domicile. Comment seront-ils vendus? Semble-t-il, nous avons déjà
vidé l'avenue du cinéma et ce n'est pas suffisant. Nous, on
essaie, depuis longtemps, d'être un des partenaires dans la chaîne
de la production et de la distribution vers le consommateur, mais, tant que
nous n'aurons pas le droit de vendre ces produits, nous ne voyons pas comment
le coeur du problème sera réglé.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre...
Mme Legris: Je ne sais pas, M. le ministre, si j'ai
répondu. Votre question était assez vaste.
M. Bertrand: Oui, je...
Mme Legris: Naturellement, soyez bien à l'aise de revenir
sur certains des éléments.
M. Bertrand: Oui. Je m'en excuse, Mme Legris. Je comprends
très bien que vous ayez besoin de tout ce temps pour y répondre.
Deux dernières questions très brèves: l'une à vous,
l'autre à M. Desjardins.
La première à vous. Vous avez parlé
d'étagement des services. On en parle de plus en plus. C'est un
débat qui est en cours au CRTC. Dans la mesure où la
télévision payante est considérée comme une
télévision de luxe, de plus en plus, est-ce qu'il vous
apparaît normal que le règlement que nous avons à
administrer en ce moment sur la télévision fasse part d'un
certain pourcentage des revenus de la télévision payante qui soit
réinjecté dans l'industrie du cinéma au Québec? De
quelle façon? Je pense que cela reste à déterminer, par
les entreprises de câblodistribution, par les grands grossistes
nationaux, mais, comme il s'agit d'une télévision de luxe, est-ce
qu'il n'y a pas là une source de revenus qui pourrait être
intéressante pour l'industrie du cinéma, dans la mesure où
nous voulons favoriser la production québécoise?
À M. Desjardins, deuxièmement, est-ce qu'il n'est pas
exact que, depuis que nous avons entendu parler de ces problèmes de
déficit de la compagnie Vidéotron-Câblevision nationale,
qui rejoint tout de même 60% des abonnés du câble au
Québec, au cours des derniers mois, il y aurait des nouvelles
rafraîchissantes et des projections intéressantes qui laisseraient
croire que, d'une situation de déficit, cette compagnie passerait
progressivement à une situation de profit? Alors, Mme Legris.
Mme Legris: Je pense, en effet, normal qu'une partie des revenus
produits par la chaîne de la télévision payante soient
effectivement versés, soit au cinéma québécois ou
à la production québécoise. Je ne veux pas faire de jeu de
mots, mais, dans mon esprit, "québécois" peut s'insérer
très bien dans le contexte "contenu canadien" également.
Si je songe aux chaînes actuelles de télévision
payante qui ont reçu des permis, les chaînes Premier Choix, First
Choice, C Channel et TVEC, qui sont les quatre qui ont le droit d'être
distribuées au Québec, ces quatre réseaux prévoient
et doivent, de par leurs conditions de permis, effectivement investir dans des
programmations canadiennes, donc québécoises, et non seulement
investir, mais verser des montants d'argent; non seulement investir
eux-mêmes, mais faire faire des productions dont le coût est
inscrit dans le prix de vente de leurs produits aux entreprises de
câblodistribution. Nous ne voyons pas pourquoi le cinéma
québécois ne pourrait pas s'inscrire comme
les autres à l'intérieur de ces chaînes
créées spécifiquement pour promouvoir entre autres le
cinéma dont le cinéma québécois francophone. Le
cinéma québécois y trouverait non seulement un
marché dans le Québec, mais une couverture, si on prend la
chaîne TVEC, par exemple, qui veut se donner non seulement une allure,
mais une identité majoritairement québécoise. Ces contenus
verraient non seulement le marché du Québec, mais le
marché des Maritimes et le marché sud et ouest de l'Ontario. Nous
souscrivons non seulement à cela, mais nous le faisons
déjà parce que, quand TVEC nous vend son produit 10 $ par mois,
dans les 10 $, nous lui avons déjà payé 2 $ qui seront
versés à la production.
Nous croyons que les producteurs québécois devraient
être encouragés à utiliser ce médium actuellement
extraordinaire qui a été créé justement avec la
préoccupation que les Canadiens, dont les Québécois
d'origine francophone, puissent y trouver leur compte. Nous souhaitons que,
dans tous les services qui découleront, que l'on appelle les services
à étagement, qui seront des services plus
spécialisés... Nous avons donné aujourd'hui des exemples
de contenus d'éducation permanente, de contenus de musique vidéo,
des choses pour lesquelles les gens paieraient, nous le savons. Le premier
élan de la télévision payante, pour se créer des
fonds, devait en être un de divertissement et devait en être un qui
s'adresse à la masse. C'est bien évident, on n'a qu'à
regarder le domaine de la radiodiffusion.
Avant que Radio-Québec puisse se permettre d'avoir une existence,
elle avait quand même derrière elle toute la tradition de la
télévision conventionnelle et privée qui avait
donné l'élan à la radiodiffusion et qui a ainsi permis aux
chaînes de télévision éducative de voir le jour.
Mais les chaînes éducatives n'auraient jamais pu
précéder la radiodiffusion. C'est ce qui, on l'espère, se
produira dans le domaine de la télévision payante et des services
à étagement. Il est bien entendu que, présentement, sur
les écrans d'une plus grande entreprise en particulier, il y a des
contenus plus spécialisés, mais c'est bien restreint parce que
nous n'avons pas le droit de les vendre. Le jour où nous aurons le droit
de vendre, cela voudra dire qu'il y a de l'argent qui entre pour aller faire
produire. La chaîne est complète. C'est ce que nous
souhaitons.
M. Desjardins (Gilles): Je voudrais simplement, avant de
répondre à la question qui m'a été posée par
M. le ministre, ajouter un point à la question à laquelle Mme
Legris a répondu. C'est le point suivant: Dans le contexte des service
à étagement, ce que l'industrie du câble a proposé
de faire, c'est d'utiliser 15% des revenus de ces services à
étagement, qui représenteraient, pour l'ensemble du Canada, 75
000 000 $ sur une période de cinq ans, c'est-à-dire que les 15%
des revenus totaux qui viendraient pour les services à étagement
seraient de 75 000 000 $. Ce qui veut dire, si on regarde la proportion qui
pourrait aller au Québec, que ce serait entre 20% et 25% de 75 000 000
$, cela veut dire à peu près le quart des 75 000 000 $.
Même si au niveau des chiffres, c'est à peu près la part
qui nous reviendrait et qui pourrait être utilisée pour la
production qui viendrait du Québec en langue française, ou
même la production dans les deux langues, personnellement, je m'engage
ici à aller chercher plus que cela parce que, dans nos relations avec
les secteurs de la radiodiffusion, des producteurs et des autres entreprises de
câblodistribution au Canada, on serait en mesure, étant
donné les besoins et les nécessités linguistiques pour
notre marché, d'aller chercher des répercussions qui seraient
plus grandes que 20% ou 25% des 75 000 000 $. Je mentionne cela parce que, pour
nous, la câblodistribution, après avoir analysé ces
questions depuis fort longtemps et en profondeur - je peux vous dire que nous,
à Vidéotron, on se préoccupe constamment de ces choses
dans le contexte du Québec, mais aussi dans un contexte plus large - on
se dit que, si on a un impact sur ce qui se passe ici et ailleurs, cela aura
des répercussions sur les producteurs d'ici qui peuvent produire non
seulement pour le Québec, mais qui peuvent produire aussi pour le reste
du Canada et pour l'ensemble de l'Amérique du Nord ou même de
l'Europe.
Cet argent, selon nous, serait utilisé d'une façon plus
efficace et permettrait au secteur de la production de l'industrie du
cinéma d'obtenir des résultats qui seraient meilleurs que de
venir chercher une taxe sur les revenus du service de base des
câblodis-tributeurs, la déposer dans un fonds et la
réutiliser. En faisant cela, on perd le lien entre les producteurs et le
public. Il faut trouver un moyen de s'organiser pour que ce que les producteurs
produisent soit ce que le public veut et est prêt à payer. Je
reviens à ce que mentionnait Mme Legris tout à l'heure.
Maintenant, pour passer à la question qui m'a été
posée par M. le ministre des Communications concernant la situation
financière de Câblovision nationale, je voudrais vous mentionner,
simplement comme introduction, un peu l'historique du groupe Vidéotron
qui a acheté Câblovision nationale, une compagnie où il y
avait d'immenses travaux à faire pour l'amener à des standards
d'excellence sur le plan de la capacité de distribution, de l'avancement
technologique et les mettre au même niveau que ceux qui existaient
à Télécâble-Vidéotron, l'entreprise
originale.
Nous avons donc, très rapidement,
hypothéqué l'avenir, c'est-à-dire qu'on a mis en
marche tous les travaux afin de faire toutes les immobilisations
nécessaires pour nous amener à un niveau de développement
qui est celui que vous connaissez aujourd'hui. On avait prévu, à
ce moment-là, qu'on recevrait des augmentations du CRTC de l'ordre de
20% ou de 25%, étant donné l'amélioration du service et
les services additionnels que nous désirions offrir dans les plus brefs
délais. On voulait faire cela très rapidement parce qu'on croit
dans cette forme de développement des communications au Québec.
C'est une approche comme celle-là qui nous permet d'être où
on est aujourd'hui en tant que groupe Vidéotron. Et j'accepte les
compliments ou les remarques faites par M. le ministre, à savoir que le
groupe Vidéotron est reconnu dans l'Est du Canada comme étant
à la pointe du développement et de la technologie dans le domaine
de la câblodistribution. D'ailleurs, on est souvent consulté
à cet égard.
Malheureusement, ce qui s'est produit, c'est que...
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, je vais devoir vous
demander d'abréger un peu la réponse parce qu'on a encore
d'autres choses pour ce soir. (22 h 15)
M. Desjardins: Ce ne sera pas très long. Je
considérais que c'était important pour expliquer où on en
est maintenant. Malheureusement, on a eu seulement des augmentations de 6% et
de 5%. Cela nous a menés dans une situation financière
déficitaire, à Câblovision nationale. Alors, on a dû
arrêter nos projets d'immobilisation, nos projets d'expansion des
services dans certains endroits où on devait offrir des services et dans
certains endroits où on devait augmenter la capacité des canaux,
etc., afin de redresser la situation financière.
À ce moment-ci, ce que nous sommes en train de faire, c'est de
demander des augmentations additionnelles au CRTC selon le processus de
circonstances exceptionnelles, ce qui devrait nous permettre de continuer, de
compléter les immobilisations nécessaires à
l'amélioration de notre service. Cela est absolument nécessaire
si on veut être en mesure d'offrir les contenus, que ce soit la
télévision payante aux différents endroits où on
n'est pas capable de l'offrir maintenant ou les services par étagement.
Pour que les contenus rapportent de l'argent aux producteurs, il faut
être en mesure de les distribuer au plus grand nombre de personnes
possible sur l'ensemble de notre territoire. C'est pour cela que cet argent est
mieux utilisé à cette fin, parce que c'est la meilleure
façon d'obtenir des revenus plus grands aux producteurs.
L'autre point qu'il est important de mentionner, c'est que nous,
à Vidéotron, on a un certain nombre de projets comme, par
exemple, le projet Vidacom que je vous mentionne comme cela. Je n'ai
malheureusement pas le temps d'entrer dans les détails, mais il faut
laisser de l'argent à l'industrie du câble, à
Vidéotron, pour être en mesure de poursuivre ces
développements et de faire entrer ces nouvelles technologies qui ont
été développées, qui sont produites au
Québec, dans les autres marchés, dans les autres pays. On est
continuellement sollicité par les pays d'Europe, comme la France et
l'Angleterre, où il y a actuellement de grands projets de
développement dans le câble, des pays qui ont 60 000 000 à
75 000 000 de population. On est constamment consulté, chaque mois, par
des gens qui ont des projets très précis et qui veulent nous
consulter, nous du Québec, de Vidéotron. Donc, il faut absolument
avoir les moyens, il faut absolument que vous nous donniez des moyens de
continuer les recherches et surtout d'être en mesure de faire les
investissements nécessaires dans un projet comme Vidacom qui est
actuellement, au niveau de la câblodistribution, le projet le plus
avancé au monde.
C'est seulement de cette façon qu'on pourra entrer dans les
marchés nord-américains et européens. J'ajouterais
même, étant donné l'équipement et l'infrastructure
qu'on a développés, que c'est de cette façon qu'on va
démontrer à ces gens, partout au monde, comment on utilise la
technologie la plus avancée pour livrer les contenus dans les domiciles,
ce qui va permettre de ramener le maximum de dollars aux producteurs, que ce
soit dans l'industrie du cinéma ou de la vidéo. Je pense que
c'est un point assez important.
Le Président (M. Gagnon): Je vais devoir vous demander de
terminer parce que...
M. Desjardins: C'est terminé.
Le Président (M. Gagnon): C'est terminé?
M. Desjardins: Voilà.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee. Pardon, c'est vrai. À 22 heures, je m'excuse, est-ce que
la commission est consentante à poursuivre les travaux, parce que,
normalement, l'ordre de la Chambre était de terminer à 22 heures?
Est-ce que la commission est d'accord? Il nous reste encore deux groupes
à entendre.
M. Richard: On a un consentement tacite.
Mme Lavoie-Roux: C'était juste pour le
président.
Le Président (M. Gagnon): C'est ce que j'ai
présumé. M. le député de D'Arcy McGee.
Je ne vous demanderai pas d'être court dans vos questions puisque
vous n'avez pas encore posé de questions à ce groupe, mais je
vous demanderais d'essayer de concentrer les réponses le plus
possible.
M. Marx: Vous avez deviné, M. le Président. J'ai
deux questions très courtes. Premièrement, en ce qui concerne les
taxes, quel est le fardeau fiscal dans d'autres juridictions,
c'est-à-dire dans d'autres provinces canadiennes ou peut-être aux
États-Unis, en ce qui concerne les câblodistributeurs? Est-ce que
le fardeau fiscal est à peu près le même en Ontario, en
Colombie britannique, dans l'État de New York, ainsi de suite?
J'aimerais avoir une certaine comparaison, si c'est possible.
Mme Legris: C'est difficile pour moi de faire une comparaison, en
tout cas, pour le secteur américain. Peut-être que d'autres...
M. Marx: Le secteur canadien.
Mme Legris: Canadien? Peut-être faut-il seulement relater
ici la nature des mesures fiscales que nous avons au Québec, et on
extrapole facilement pour les autres provinces. Nous avons ici, entre autres,
une fiscalité municipale de 2%. C'est la fameuse taxe de 2%. Nous avons
une taxe de 9% sur les télécommunications, qui est
facturée aux abonnés. Cela varie de province en province. Nous
avons un loyer pour l'occupation du domaine public, qui peut varier d'un
secteur à l'autre. Nous avons des redevances fédérales au
CRTC, qui sont les mêmes, cependant, dans tout le Canada! Saviez-vous
quelle est la mesure de ce loyer pour les redevances
fédérales?
Une voix: 1,50 %. Mme Legris: 1,50%.
Mme Lavoie-Roux: Vous n'avez pas la comparaison avec les autres
provinces?
Mme Legris: Pour le CRTC, c'est la même chose d'une
province à l'autre.
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais pour les autres, non.
Mme Legris: La taxe sur les télécommunications est
une taxe de vente. Au Québec, elle est de 9%. Dans les autres provinces,
elle varie. Celle de 2% est particulière au Québec. Il en existe
peut-être de nature semblable ailleurs, mais je ne puis vous le dire. Les
autres taxes sont des taxes sur le capital et des taxes d'affaires qui ont leur
particularité québécoise et que je ne suis pas en mesure
de comparer avec celles des autres provinces. Il y a la taxe
fédérale de vente sur les achats qui est, bien sûr, la
même pour les autres provinces. Il y a la taxe provinciale de vente sur
les achats qui s'applique également sur les montants de taxe
fédérale, qui varie de province en province. Il y a tout le
domaine des impôts, tant fédéral que provincial.
Naturellement, l'impôt provincial variera d'une province à
l'autre. Il y a les taxes d'affaires, les taxes de la Commission des normes du
travail et de la Commission de la santé et de la sécurité
du travail. Il y a maintenant la nouvelle taxe sur les frais d'installation
d'un décodeur, qui peut varier d'une province à l'autre. Je ne
puis vous donner la variante pour chacune des provinces. Je me suis seulement
permis de vous donner la liste des taxes et redevances diverses que nous avons
ici. Je m'excuse de l'imprécision de ma réponse.
M. Desjardins: Pourrais-je ajouter brièvement à
cette question?
Le Président (M. Gagnon): Oui, M. Desjardins.
M. Desjardins: Ce que je voudrais proposer ici, c'est de fournir
à la commission le détail des taxes qu'on paie déjà
au Québec par rapport aux taxes qui sont payées dans les
provinces et, en plus, de faire une comparaison avec les États-Unis. Je
peux vous dire dès maintenant, sans me tromper, que c'est au
Québec qu'on paie le plus de taxes dans l'industrie de la
câblodis-tribution. Je pourrai vous indiquer plus
précisément la différence qui existe avec les autres
provinces, parce que cela varie d'une province à l'autre, mais au
Québec, c'est le plus élevé et, dans la plupart des
provinces du Canada, c'est assurément plus élevé qu'aux
États-Unis. Par exemple, aux États-Unis, les gens ne paient pas
de redevances -comme on le fait au CRTC - au niveau du FCC. De plus, la taxe de
vente, comme tout le monde le sait, est plus élevée au
Québec. En Alberta, il n'y en a pas, etc.
Le Président (M. Gagnon): Ce sont ces détails que
vous allez essayer d'avoir pour les membres de la commission.
M. Desjardins: Oui, cela me fera plaisir.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Oui. Votre conclusion ne me surprend pas, parce que,
dans d'autres domaines, on paie plus de taxes aussi, sur l'essence et ainsi de
suite. On peut en faire une liste. On fait cela de temps à autre. Si
le député de Rousseau veut que je dresse une liste des
taxes qu'on paie au Québec...
Le Président (M. Gagnon): Pas ce soir.
M. Marx: Non? Pas ce soir?
M. Blouin: Allez-vous faire cela ce soir?
Le Président (M. Gagnon): Non, pas ce soir, M. le
député de Rousseau.
M. Marx: Je vais parler seulement de l'essence s'il veut.
Bon!
M. Blouin: Vous me rassurez. Vous la déposerez.
M. Marx: Mais passons à ma deuxième question. Vous
n'avez pas vraiment parlé de vos activités de production.
Pouvez-vous apporter des précisions là-dessus?
Mme Legris: J'ai parlé des activités de production
des 138 entreprises et je laisserai la 139e entreprise à mon
collègue de Vidéotron. Je puis vous dire que les activités
de production de ces 138 entreprises sont restreintes à la production
pour le canal communautaire.
M. Marx: Je trouve qu'on peut améliorer les productions du
canal communautaire. Quand c'est filmé - je ne sais pas quel est le bon
mot - ce n'est pas vraiment bien fait. Si on regarde le canal 9 à
Montréal, j'imagine qu'on pourrait investir un peu plus d'argent,
changer les décors en arrière de temps à autre, ne pas
avoir toujours la même table, peut-être avoir deux caméras
au lieu d'une, etc.
Mme Legris: J'espère que vous parlez de l'autre entreprise
de Montréal. Je vous indiquerai que...
M. Marx: Non, mais l'idée, c'est...
Mme Legris: ...si nous avions le droit de faire payer à
nos abonnés les nombreux frais qu'il en coûte pour le personnel,
pour le remplacement des équipements, pour les décors, etc., il
serait naturellement plus facile de faire de meilleures productions en ce qui
concerne celles que nous faisons nous-mêmes. Il faut, cependant, se
rappeler que la condition du permis de canal communautaire est essentiellement
de remettre des caméras à des gens qui n'ont jamais fait de
production et qui doivent se produire. C'est l'intention du canal communautaire
de rendre disponibles à la population des équipements qui lui
permettent de s'organiser elle-même. C'est un peu comme la radio
communautaire qui n'a pas comme objet de concurrencer la radio conventionnelle.
D'ailleurs, elle est réglementée à cet égard.
M. Marx: Mais le caméraman qui filme ces productions
à la télévision communautaire, il travaille pour un membre
de votre association.
Mme Legris: Dans la plupart des cas, ce n'est pas le cas. La
plupart du temps, des gens de la communauté viennent chercher un
équipement et c'est l'obligation que les entreprises ont devant le CRTC
de le rendre disponible.
M. Marx: Mais supposons qu'il y ait un studio, pour
préciser cette question...
Le Président (M. Gagnon): C'est votre quatrième
question; vous en aviez seulement deux, M. le député.
M. Marx: M. le Président, ce sont des sous-questions. Par
exemple, un des membres de votre association a un studio sur la rue Beaubien
Est. Ce ne sont pas des gens de n'importe où qui peuvent être des
cameramen.
M. Desjardins: Je peux répondre à votre question,
M. le député. Je suis tout à fait d'accord avec
vous - ce n'est pas Beaubien Est, c'est 90 Beaubien Ouest - que la
qualité des émissions communautaires pourrait être bien
meilleure. Non seulement n'avons-nous qu'une caméra mais elle est fixe.
La raison pour laquelle c'est ainsi, c'est qu'on n'a pas d'argent; c'est assez
clair.
M. Marx: Mais je trouve que souvent les productions que vous
faites - vous pouvez venir ici et dire aux Québécois: On fait la
production - sont d'une qualité tellement pauvre qu'il n'y a pas
d'incitation pour les gens à les regarder.
M. Desjardins: D'accord, mais l'autre point que je veux
clarifier...
M. Marx: Même à l'Assemblée nationale, on
fait une meilleure production.
Mme Legris: Avec des budgets pas mal plus
élevés.
M. Desjardins: Je suis d'accord avec cela.
Mme Lavoie-Roux: Comment la production de l'Assemblée
nationale coûte-t-elle, M. le ministre?
Le Président (M. Gagnon): M.
Desjardins, vous étiez en train de répondre.
M. Desjardins: Je voudrais clarifier un
point important à ce sujet. Selon notre approche, au groupe
Vidéotron, nous ne sommes pas dans la production. Nous avons un canal
communautaire que nous mettons à la disposition des différents
groupes communautaires, mais nous ne sommes pas dans la production, nous sommes
des distributeurs. Nous sommes un peu comme un centre commercial et nous avons
des espaces disponibles pour les boutiques. On a des espaces disponibles pour
les gens qui offrent toutes sortes de programmations qui existent, plus la
télévision payante, plus les services par étagement, etc.
On est là pour cela et, un peu comme vous allez dans un centre
commercial, les gens peuvent avoir de tout. On considère notre
rôle de cette façon. Alors, nous ne sommes pas dans la
production.
M. Marx: Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci, madame et messieurs de
l'Association des câblodistributeurs du Québec Inc.
J'inviterais maintenant la Confédération
générale de la publicité - on me dit que les deux
mémoires qui restent sont ensemble -ainsi que le Conseil des agences de
publicité du Québec. Vous êtes M. Allard?
Confédération
générale
de la publicité et Conseil
des agences de publicité du
Québec
M. Allard (Jean-Marie): Jean-Marie de son prénom.
Le Président (M. Gagnon): M. Jean-Marie Allard. Alors, je
vous cède le micro, en vous demandant de nous présenter les gens
qui vous accompagnent. (22 h 30)
M. Allard: M. le Président, M. le ministre, M. les membres
de la commission, je sais que vous avez été heureux de savoir
que, vu l'heure tardive, nous avons convenu, ma consoeur de gauche et
moi-même, d'amalgamer nos deux mémoires. Étant donné
que nous ne formons qu'une seule et même famille en termes de
publicité, nous avons décidé de ramasser tout cela dans
une seule présentation. Mon confrère de droite vous est familier,
c'est Jean Normandeau qui est le directeur général de
l'Association canadienne de la radio et de la télévision de
langue française, qui était assis à cette table ce matin,
et il y a Me Louise Paul, à ma gauche, qui est la secrétaire
générale du Conseil des agences de publicité du
Québec.
Cela m'amène à vous dire que l'organisme que je
représente, la Confédération générale de la
publicité, est un regroupement volontaire des principales associations
sectorielles reliées au domaine de la publicité au Québec,
à savoir l'Association canadienne des annonceurs, l'Association
canadienne de la radio et de la télévision de langue
française, l'Association des quotidiens du Québec, l'Association
des magazines du Canada, le Conseil des agences de publicité du
Québec, le Publicité-Club et l'Advertising and Sales Executives
Club de Montréal.
Notre mandat est essentiellement de deux ordres: d'une part, agir comme
forum à l'intérieur de notre industrie et, d'autre part,
principalement agir comme porte-parole de l'industrie de la publicité
là où les intérêts communs de tous nos partenaires
sont en jeux et où le processus normal de la libre expression
commerciale est affecté.
Avant d'entrer dans la présentation même de notre
mémoire, j'aimerais déposer officiellement pour le
procès-verbal de la commission parlementaire un erratum qui s'est
glissé dans le texte de présentation et que nous avons remis au
secrétariat des commissions parlementaires. J'aimerais m'assurer que cet
erratum soit un document officiel.
Notre mémoire se divise essentiellement en deux parties et
j'essaierai de le résumer au maximum: d'une part, quelques commentaires
d'ordre général et, dans un deuxième temps, une position
plus explicite au chapitre du financement des organismes proposés par le
projet de loi no 109.
Au niveau des commentaires généraux, je crois qu'il y a
lieu de vous proposer que quelques définitions soient éclaircies.
Si l'on présume, au départ, que l'intention du gouvernement est
de légiférer en matière de cinéma diffusé en
salle ou repiqué sur vidéo pour consommation à domicile,
nous sommes d'avis que la définition des termes "film" et
"matériel vidéo" que l'on retrouve en page 5 du projet de loi
pourrait laisser croire que le législateur voudrait s'immiscer dans le
domaine de la télévision, étant donné le manque de
clarté de ce texte.
Afin d'éviter toute confusion, nous suggérons que ces
définitions soient revues et corrigées. Je crois, d'ailleurs, que
l'ACRTF vous en a fait mention ce matin. À la COGEP,
Confédération générale de la publicité,
résumée dans son acronyme par COGEP - c'est le terme que nous
allons utiliser au cours de notre présentation - nous sommes d'avis que
ces mêmes remarques s'appliquent également au libellé de
l'article 37 que vous retrouvez en page 11 du projet de loi, qui pourrait,
encore une fois, laisser croire que l'Institut du cinéma et de la
vidéo pourrait éventuellement intervenir en matière de
contenu. Si tel était le cas, nous aimerions suggérer à la
commission que cet article serait contraire au principe de la liberté
d'expression si chère à notre société.
Étant donné que l'industrie de la publicité est
déjà très lourdement réglementée tant au
niveau fédéral que
provincial, nous nous permettons également de signifier
publiquement notre appui à tous ceux et celles qui font commerce du
cinéma et qui voudront vous exprimer leur inquiétude au cours de
ces trois jours d'audiences au chapitre du contrôle et de la surveillance
du cinéma et de la vidéo au Québec.
À la lecture du projet de loi, n'y a-t-il pas lieu de se
questionner, en effet, sur les intentions réelles du législateur?
Comment, en effet, peut-on prétendre vouloir donner priorité au
"développement d'entreprises québécoises
indépendantes et financièrement autonomes dans le domaine du
cinéma" lorsque, quelques pages plus loin, le même texte propose
une surenchère de contrôles qui nous paraissent pour le moins
abusifs: un permis de tournage, un permis de production, un permis de
distribution, un permis d'exploitation, un contrôle du partage des
recettes minimales entre les exploitants de salle et les distributeurs, un
contrôle hebdomadaire des films présentés en salle, du
nombre de billets vendus, des recettes brutes et nettes de chaque exploitant de
salle de cinéma, sans compter toutes les autres informations que la
régie décidera d'exiger par voie de règlement? Nous sommes
d'avis que toutes ces mesures sont totalement contraires aux intentions
déclarées du gouvernement en ce qui a trait au respect du
principe de la libre entreprise.
Une autre question nous vient à l'esprit: Est-ce que la
Régie du cinéma et de la vidéo aura le loisir de refuser
un permis? Si oui, à partir de quels critères? Si, au contraire,
l'émission d'un permis est automatique, alors pourquoi en
émettre, sinon, peut-être, pour perpétuer le jeu de
l'aquarium? Qui plus est, toutes les mesures en matière de permis
impliqueraient la mise sur pied d'une nouvelle bureaucratie que la
société québécoise ne saurait tolérer,
à notre avis, alors que le gouvernement s'emploie par tous les moyens
à comprimer les dépenses publiques.
Ceci met fin à nos commentaires d'ordre général. Ce
qui nous amène plus spécifiquement en commission parlementaire
aujourd'hui, c'est ce que le projet de loi propose en termes de mise sur pied
d'une société d'aide financière à l'entreprise
privée du cinéma. Le principe d'une intervention de l'État
dans le but de stimuler financièrement le développement du
cinéma québécois n'est pas a priori mis en cause par la
COGEP. Nous nous inquiétons, cependant, de la proposition contenue au
paragraphe 7 du projet de loi où il est fait mention d'un fonds de
soutien au cinéma qui serait administré par la
Société générale du cinéma et de la
vidéo. Bien que ce projet de loi ne précise pas de façon
spécifique la manière dont le gouvernement entend alimenter ce
fonds, l'industrie de la publicité veut toutefois alerter les membres de
cette commission au sujet de certaines recommandations en matière de
financement proposées par le rapport Eournier, recommandations qui sont
présentement évaluées par le ministre des Finances et
certains de ses collègues du cabinet.
Respectant les motifs de l'État qui sous-tendent les
recommandations, lesquels sont peut-être fort louables, nous en
convenons, il nous importe, par ailleurs, de vous faire part de certains
aspects qui pourraient nuire à l'atteinte de l'objectif premier de ce
projet de loi, soit la relance soutenue de l'industrie
cinématographique.
Le rapport Fournier recommande, entre autres mesures, "une augmentation
de 5% de la taxe de vente du temps d'antenne pour les messages publicitaires et
les commandites de prestige". Nous sommes d'avis que l'application d'une telle
recommandation entraînerait des conséquences néfastes tant
pour le gouvernement que pour l'industrie privée, y compris celle du
cinéma, ainsi, évidemment, que pour les consommateurs. Nous nous
opposons tout aussi fermement, et pour les mêmes raisons, à
l'imposition d'une taxe spéciale aux câblodistributeurs.
Si l'on convient que l'État peut avoir la volonté
politique, voire la responsabilité, de protéger le patrimoine
cinématographique québécois, nous croyons qu'il revient
alors à l'ensemble de la société d'en porter le fardeau
financier à même les revenus généraux
déjà existants. Une taxe spéciale sur la publicité
et les commandites de prestige à la télévision
impliquerait que l'État veuille imposer à une industrie
spécifique le fardeau d'en supporter directement une autre. Cette
démarche est, pour nous, irrecevable, car elle est contraire aux lois
d'une saine concurrence dans une économie de libre marché.
La taxe de 2% sur la publicité électronique, qui a
été introduite lors de l'exposé budgétaire du
ministre des Finances en avril 1977 "aux fins d'accroître les
crédits de l'Office de protection du consommateur pour leurs frais de
publicité", appelée la contre-publicité, nous en savons
quelque chose dans l'industrie de la publicité. Or, il est de
notoriété publique que cette taxe n'a pas servi aux fins pour
lesquelles elle a été instituée à l'exception des
trois premières années et seulement dans une proportion de 45%,
le reste étant versé au fonds consolidé de la province.
Quant au budget de contre-publicité pour les années 1982-1983,
d'après nos informations, il est nul.
Bien que la tentation pourrait être forte, l'industrie de la
publicité voit mal comment le gouvernement conviendrait d'accentuer
davantage cette discrimination à l'endroit de la publicité.
Celui-ci devrait, au contraire, s'employer à corriger cette injustice en
éliminant la taxe de 2% dite
spéciale dès le prochain budget et nous espérons
que votre commission saura dûment faire le message au ministre des
Finances avant le mois d'avril prochain.
Au-delà de cette injustice, le fait demeure que le principe
même de taxer la publicité est mauvais en soi et que son effet est
totalement dissuasif. La publicité commerciale est l'un des principaux
moteurs de notre économie. Elle permet de stimuler la demande de biens
et de services et, conséquemment, de diminuer le coût unitaire que
paie le consommateur, sans mentionner, évidemment, tout l'impact sur le
phénomène de la création d'emplois. Taxer la
publicité a pour effet immédiat de ralentir ce moteur de
l'économie, donc, de diminuer la demande, d'affecter le niveau de
l'emploi et de faire augmenter les coûts unitaires qui sont
assumés par le consommateur. Voilà, à notre avis, une
simple loi du marché qu'on ne peut contester. Cela revient à dire
qu'une entreprise déciderait de couper sa force de vente afin de
rationaliser ses dépenses.
L'équation peut se faire d'une façon très simple.
Ce que le gouvernement va chercher en taxe sur la publicité actuellement
avec la taxe de 2% (d'après nos informations, c'est 5 000 000 $ par
année au Québec) n'a pas de commune mesure avec ce qu'il perd en
taxe de vente directe. Une étude récente et fort
détaillée du professeur Donald Hendon, de Memorial University, de
Terre-Neuve, relativement à l'expérience de cette province en
cette matière, est sans équivoque. Vous trouverez en annexe de
notre mémoire un sommaire de cette étude. Nous profitons de cette
occasion également pour déposer officiellement l'étude
complète du professeur Hendon que nous avons remise au
secrétariat des commissions parlementaires qui m'a assuré que ce
document serait distribué à tous les membres de cette commission.
Le mérite de cette étude réside dans le fait qu'elle a
permis d'illustrer, à partir d'une expérience concrète
vécue à Terre-Neuve, l'impact réel de la publicité
sur l'économie générale d'une société
donnée et de confirmer une des théories fondamentales du
processus de marketing dans un système de libre marché.
En résumé, le professeur Hendon a clairement
démontré que Terre-Neuve, en imposant une taxe de 4% sur toute la
publicité, avait provoqué à chaque année un
ralentissement général de l'économie de l'ordre de 14 000
000 $, se privant ainsi d'un revenu potentiel de quelque 1 500 000 $ en revenus
directs issus de la taxe de vente sur les biens et services. 1,5% étant
donné que la taxe de vente à Terre-Neuve est de 11%. En
contrepartie, cependant, la taxe de 4% sur la publicité ne rapporte
à Terre-Neuve annuellement que 626 000 $ au trésor
terre-neuvien.
Qu'est-ce que cela signifie en termes simples? Cela signifie et confirme
que chaque dollar investi en publicité doit en principe
générer 20 fois sa mise en ce qui concerne la demande des biens
et services si l'on se place au niveau de l'échelle. Si l'on estime que
le trésor public du Québec compte aller chercher par une taxe de
7% sur la publicité, 2% plus les 5% que le rapport Fournier propose,
soit 17 500 000 $ par cette taxe de 7%, l'économie
générale du Québec serait alors appauvrie de quelque 350
000 000 $. En termes de taxe de vente directe sur les biens et services - 9%,
en ce qui nous concerne - cela représente donc un manque à gagner
pour le trésor public de quelque 32 000 000 $ dans les coffres de
l'État. Pour aller chercher 17 500 000 $ avec la taxe sur la
publicité, le gouvernement se prive, en principe, d'un revenu de 32 000
000 $. Je crois qu'il y a là matière à réflexion.
(22 h 45)
En plus d'affecter directement les goussets de l'État, une taxe
de 7% sur la publicité aura, d'après nous, un impact
négatif et causera un préjudice très sérieux aux
entreprises vivant de la publicité. Il est certain qu'une telle mesure
incitera plus d'un annonceur à modifier sa stratégie de
marketing, étant donné la faible élasticité des
budgets publicitaires consacrés à la télévision. En
effet, un annonceur visant le marché francophone doit déjà
encourir des frais considérablement plus élevés que son
concurrent du marché anglophone pour rejoindre un groupe cible de
même envergure. Il va sans dire que si l'écart s'accroît,
l'annonceur désireux de rejoindre un auditoire francophone devra avoir
recours à d'autres médias que la télévision afin de
générer un retour sur son investissement publicitaire
équivalent à celui de ses concurrents. D'ailleurs, en termes
absolus, le dollar publicitaire au Québec ne vaudrait plus que 93% du
même dollar en Ontario, auquel s'ajoute le fait que les coûts de
production de la publicité télévisée au
Québec sont déjà plus onéreux étant
donné l'auditoire total quatre fois plus petit à l'encontre
duquel les coûts de production sont amortis.
En termes concrets, cela impliquera nécessairement un manque
à gagner substantiel pour les stations de télévision au
Québec soit parce que les annonceurs dits nationaux plafonneront
inévitablement leur investissement publicitaire dans ce type de
médias ou soit parce que les annonceurs de ressources moindres, soit les
annonceurs locaux ou régionaux, déplaceront carrément
leurs placements publicitaires vers d'autres types de médias,
étant donné le trop faible retour sur leur investissement. Il va
sans dire, dans cette situation, que les stations de télévision
régionales et locales seront les premières et les plus durement
touchées par une telle mesure, lorsque l'on considère que
la publicité dite locale représente plus de 60% de leurs
revenus. Les maisons de production, celles-là mêmes qui
réclament une aide gouvernementale pour faire des longs métrages,
verront conséquemment la quantité des productions de film ou de
vidéo pour fins publicitaires décroître en proportion.
Est-il nécessaire de rappeler à la commission, comme l'a
confirmé le rapport Fournier, que la production de films publicitaires
représente plus de 25% de l'ensemble des revenus des maisons de
production au Québec? Plutôt que de servir de bouc
émissaire, la publicité devrait être
considérée comme un élément
privilégié favorisant le développement de l'industrie
cinématographique au Québec. À ce titre, ne serait-il pas
plus souhaitable de mettre en place des mesures fiscales incitatives, et non
pas régressives, afin d'encourager davantage les annonceurs à
produire leurs films publicitaires au Québec? Les maisons de production
québécoises auraient tout à gagner à faire pression
auprès du gouvernement en cette matière, lorsque l'on
considère le pourcentage de messages publicitaires tourné
à Toronto, et des messages français.
En résumé, l'industrie de la publicité s'oppose,
donc, à ce que soit retenue par le gouvernement la proposition d'imposer
une taxe additionnelle de 5% sur la vente du temps d'antenne pour les messages
publicitaires et les commandites de prestige dans le but de financer les
structures mises en place pour venir en aide à l'industrie du
cinéma au Québec, d'une part, parce qu'elle juge cette mesure
discriminatoire; deuxièmement, parce qu'elle juge que son application
aura un impact négatif pour l'industrie du cinéma et de la
publicité et pour le trésor public; troisièmement, parce
qu'en fin de compte, c'est le consommateur qui, encore une fois, sera le grand
perdant; quatrièmement, parce qu'il est loin d'être acquis,
à notre avis, que le train de mesures proposées par le
gouvernement dans son projet de loi no 109 offrira à l'industrie
privée du cinéma québécois les moyens
nécessaires de mettre en marché un produit compétitif de
haute qualité, principal garant de succès, donc de survie, de
cette industrie dans un système de libre marché. Enfin,
l'industrie de la publicité est d'avis qu'une allocation plus
rationnelle des ressources financières déjà existantes au
fonds consolidé de la province aux fins de stimulation économique
et de protection de notre patrimoine culturel permettra au gouvernement
d'éviter d'imposer à une industrie spécifique le fardeau
de supporter directement le cinéma québécois.
En terminant, permettez-moi, au nom de tous les partenaires de notre
industrie, de vous remercier pour l'occasion qui nous a été
fournie de vous exprimer notre point de vue sur ce projet de loi.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Allard. M. le
ministre.
M. Richard: Merci, M. le Président. Je voudrais vous
remercier à mon tour d'avoir tenu à vous présenter devant
la commission parlementaire.
J'aurais une observation importante à faire, tout de même.
Vous vous en prenez assez fortement, je pense, aux mesures de contrôle
qui sont prévues par le projet de loi en disant que vous ne comprenez
pas cela, que ces contrôles n'aideraient pas l'industrie et que cela vous
étonne. Je me demande si vous saviez, au moment d'écrire ces
lignes, que ces contrôles sont unanimement demandés, voire
exigés par la totalité de l'industrie du cinéma. C'est
l'industrie du cinéma qui, unanimement, pour toutes sortes de raisons -
dont les unes ont déjà été exposées ici et
d'autres le seront plus tard -réclame ces contrôles parce qu'ils
sont absolument essentiels. Et quand je dis toute l'industrie, cela veut dire
les producteurs, cela veut dire les réalisateurs, cela veut dire les
distributeurs. Par exemple, vous vous en prenez à la billetterie, alors
que la billetterie est même applaudie par les "majors" américaines
pour des raisons qu'il serait probablement trop long de vous expliciter ici.
Alors, cela m'étonne de voir qu'un spécialiste d'une industrie,
qui est l'industrie de la publicité, vienne en quelque sorte dire
à toute l'industrie du cinéma qu'ils ne devraient pas agir comme
ils agissent, qu'ils ne devraient pas réclamer ces contrôles.
D'autre part, je voudrais dissiper vos inquiétudes. Le permis de
tournage est automatique et il existera, comme il existe partout dans le monde,
uniquement pour que les professionnels du métier, les professionnels du
cinéma au Québec soient en mesure, sachant qu'un tournage se
fait, d'offrir leurs services. C'est comme cela que cela se fait partout dans
le monde. On n'innove pas dans la matière; on suit, et plusieurs
années après, les autres. La même chose pour le permis de
producteur qui sera également automatique. C'est pour permettre de
savoir qu'un producteur s'est engagé dans la voie de la production d'un
film; c'est tout.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Permettez-moi, d'abord, de parler un peu de cette
question de permis. Il me semble que le simple fait qu'un permis soit
demandé par une industrie n'est pas en soi une justification pour qu'un
tel permis soit accordé, ainsi que la réglementation qui
l'accompagne. Très souvent les membres
d'une industrie demandent un genre de réglementation parce que
c'est dans leur intérêt. Mais il y a d'autres personnes qui sont
souvent visées par ces permis. Je dois vous dire que je ne suis pas, en
principe, contre l'un ou l'autre de ces permis. Mais il me semble que vous
devez faire la démonstration que c'est quelque chose qui va aider
l'industrie cinématographique et les consommateurs qui sont les
personnes qui regardent ces films.
Finalement, il me semble que, si l'industrie cinématographique au
Québec a besoin d'une liste publiée par le gouvernement pour
prendre connaissance de l'existence d'une production qui est en train de se
réaliser, c'est une démonstration, quant à moi, d'un
manque d'agressivité de sa part. J'ai passé 20 ans dans le
secteur privé et je n'avais jamais une liste du gouvernement de clients
potentiels à qui je pouvais m'adresser. J'ai pris la peine d'envoyer les
vendeurs partout pour essayer de découvrir ce qui se passe à
l'extérieur.
Alors, il existe au Québec - c'est bien connu et vous l'avez
admis à plusieurs reprises en Chambre - une manie pour la
réglementation. Si cela existe ailleurs dans n'importe quel pays ou
région, c'est une justification pour le faire ici. Si cela n'existe pas,
il y a un cerveau avec un peu d'imagination dans l'un ou l'autre de nos
ministères qui y pense et c'est le fait que ce sera une première
au monde qu'on utilise pour justifier cette réglementation. Mais vous
devez admettre, M. le ministre, que cette manie de la réglementation est
une chose pour laquelle votre gouvernement est critiqué depuis
maintenant six ans; c'est quelque chose que vous avez vous-mêmes comme
problème et que vous avez accepté de réduire. Vous avez
même développé une grille d'analyse qui est
complètement inutile. Le ministre Landry avait la politesse de m'envoyer
une copie de ce document et la réglementation pour réglementer la
réglementation est plus compliquée que n'importe quel document
que j'aie jamais vu de ma vie.
Je répète: Je ne suis pas convaincu que le simple fait que
l'industrie de la distribution ou de la production exige un permis pour ceux
qui veulent tourner le film, c'est en soi une justification pour un tel permis.
Ce n'est pas une question mais c'est un commentaire sur la vôtre.
Je veux clarifier l'autre aspect du document qui a été
présenté et qui touche le financement où vous attaquez
l'idée d'une taxe sur la publicité. Si je comprends bien, ce
principe d'une taxe sur la publicité n'est pas explicite dans le projet
de loi. Ce n'est même pas implicite. Le gouvernement dit dans l'article
7, tout simplement, qu'une aide financière peut être
accordée au secteur privé du cinéma et de la vidéo
à même des fonds que le gouvernement destine annuellement à
ce secteur. On peut imaginer que ces sommes viendront des fonds
généraux comme toutes les autres sommes qui sont versées
pour toutes les autres fins. Mais vous êtes retourné au document
de la commission Fournier parce que c'est là que la taxe de 7%
était prévue et je suis d'accord avec vous que dans ce document
c'est très clair.
Je pense qu'il est peut-être convenable que je pose au ministre la
question que vous n'avez pas posée. Peut-être qu'il ne sera pas
capable de répondre parce que, finalement, c'est une question qui
relève du ministre des Finances. Avez-vous, M. le ministre, l'intention
de recommander au ministre des Finances une taxe sur la publicité comme
proposé dans le rapport Fournier?
M. Richard: Vous imaginez bien, M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce, qu'il ne m'appartient pas ce soir et qu'il ne
m'appartiendra probablement pas dans trois semaines, un mois ou deux mois de
révéler le discours sur le budget. (23 heures)
Le Président (M. Gagnon): M. Allard, vous aviez
demandé la parole tantôt.
M. Allard: M. le ministre, à l'heure qu'il est et au
nombre de personnes qu'il y a ici, on est presque en famille. On peut
peut-être même se rapprocher.
M. Bertrand: II y a des centaines de milliers de personnes qui
vous écoutent.
M. Allard: Qui nous regardent à la
télévision.
M. Richard: La grande famille québécoise!
M. Scowen: Ce n'est pas tout à fait la question que j'ai
posée au ministre. Je n'ai pas demandé au ministre les intentions
de M. Parizeau dans son budget. J'ai demandé au ministre s'il allait
recommander au ministre des Finances une telle taxe.
M. Richard: J'ai déjà eu l'occasion, M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce, d'indiquer que les taxes
recommandées par le rapport Fournier pour soutenir l'industrie du
cinéma faisaient l'objet d'une évaluation au ministère des
Finances, au Conseil du trésor et auprès de tous ceux qui sont
intéressés.
M. Scowen: Est-ce que je peux vous poser une autre question au
nom des personnes qui ont présenté ce mémoire?
Êtes-vous personnellement impressionné par la démonstration
qu'ils ont faite, à savoir que les retombées de ce genre de taxe
seront essentiellement négatives pour le fisc, pour le
trésor?
M. Richard: Je ne suis pas encore convaincu, M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce, pour répondre plus
directement à votre question, qu'une taxe voulant récolter 17 500
000 $ - je pense qu'il y a là une première erreur, puisqu'il ne
s'agirait pas de 17 500 000 $, mais plutôt de 8 000 000 $ -priverait le
trésor québécois d'une somme aussi faramineuse que 350 000
000 $. Je pourrais inverser le raisonnement et dire: Oui, cela le priverait de
350 000 000 $ en taxes, mais ne taxons que l'industrie de la publicité
et éliminons toutes les autres taxes, là, on va augmenter la
consommation. On pourrait inverser le raisonnement.
M. Allard: D'une part, M. le ministre, je présume que vous
vous référez à un communiqué que nous avons
émis. Les 350 000 000 $, si vous lisez bien, ce n'est pas en termes de
taxes, mais en termes d'impact sur l'économie. Sur ces 350 000 000 $, le
trésor public pourrait appliquer une taxe, la taxe de vente de 9% qui
correspondrait à 32 000 000 $. Tout vient du principe, de la
règle qui dit que, pour chaque dollar investi en publicité, il
est convenu d'espérer d'aller chercher, en termes de demande de biens et
de services, vingt fois la mise de l'investissement.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: En terminant, je veux remercier la
Confédération générale de la publicité pour
son mémoire. Je ne vous ai pas posé des questions directement ce
soir, parce que les deux parties essentielles de votre mémoire sont
très claires et précises. Le message pour le ministre et le
gouvernement est exceptionnellement bien fait.
En terminant, je veux dire qu'aujourd'hui, même si je
n'étais pas présent pour tous et chacun des mémoires, cela
a été révélateur pour moi. Les deux objectifs de
votre projet de loi sont essentiellement: premièrement, d'encourager le
développement d'une industrie du film au Québec;
deuxièmement, d'encourager la diffusion des films dans la langue
française au Québec pour les consommateurs
québécois. Il me semble que la plupart des personnes qui se sont
présentées aujourd'hui ont, chacune à leur façon,
fait des démonstration assez impressionnantes qu'il est possible que
vous ayez manqué le bateau. Les critiques envers le système de
taxation au sujet de l'article 97, au sujet de l'article 79, au sujet de la
réglementation excessive et de la question des permis étaient
fort pertinentes. Je vous demande de prendre cela en considération parce
que, je le répète, les deux objectifs sont très louables.
Mais il me semble que, de plus en plus - le dernier mémoire l'a
soulevé d'une façon très claire - le problème
fondamental, au moins pour la création d'une industrie forte ici au
Québec, c'est la détermination du gouvernement d'investir
davantage des sommes pour aider et pour subventionner ces personnes.
Le gouvernement se trouve aujourd'hui dans une situation où il ne
peut pas le faire parce qu'il est au bord de la faillite pour une série
de raisons qui découlent des expériences des six dernières
années. En conséquence, pour essayer de démontrer qu'il
fait quelque chose, qu'il est actif là-dedans, il a recours à des
solutions qu'il a souvent utilisées, c'est-à-dire adopter une loi
pleine de permis et de règlements. Cela a bien fonctionné en
1976, en 1977, en 1978 et en 1980. On l'a défini comme un bon
gouvernement. Mais je pense qu'aujourd'hui la population commence à se
réveiller et à réaliser que ce chemin vers la
prospérité, et de nos agents économiques en
général, et de l'industrie spécialisée comme
celle-ci, est peut-être une fausse route. Merci.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre des
Communications.
M. Bertrand: M. le Président, j'aurai une seule question,
à la toute fin de mon intervention, à poser à M.
Allard.
Cela dit, il m'apparaît que, contrairement à ce que dit le
député de Notre-Dame-de-Grâce, ce qui ressort de nos
discussions d'aujourd'hui, c'est qu'il y a un accord de principe
éminemment important qui se dégage, autant du côté
de l'Opposition que du côté gouvernemental et, même, de la
part de ces personnes qui sont venues témoigner, de quelque groupe
qu'elles soient, pour dire qu'il y a lieu de déployer tous les efforts
pour redorer le blason de l'industrie du cinéma et de la vidéo au
Québec. Cela m'apparaît absolument indiscutable et, de ce
côté-là, je crois deviner une très large
unanimité.
M. Scowen: Absolument.
M. Bertrand: D'accord. Partant de là, je crois que nous
avons parcouru un bout de chemin qui, pour le débat en deuxième
lecture, s'annonce très prometteur.
Deuxièmement, nous avons eu des discussions à
différents paliers, à l'occasion, sur ces questions de permis.
Nous pourrons revenir, lors des discussions en commission parlementaire pour
l'étude article par article, sur ces questions de taxation qui ne sont
même pas contenues dans le projet de loi. Et là-dessus, tout
ministre des Communications que je sois et sachant que ces formes de taxation
s'adressent plus particulièrement à des industries avec
lesquelles j'entretiens des rapports réguliers, soit le monde de la
télévision, de la câblodistribution et de la
publicité, il n'y a rien dans le projet de loi soumis par le
ministre des Affaires culturelles qui fait référence à ces
sources de taxation. Donc, nous pourrons avoir un débat sur l'ensemble
de la loi qui nous permettra de dégager très rapidement un accord
de principe fort intéressant.
Partant de là, je me dis que le monde de la
télévision, aujourd'hui même, en réponse à
certaines questions, nous a fait déjà la démonstration
qu'il y avait, malgré cette crise économique que nous traversons,
des possibilités d'augmenter les revenus en publicité et que,
étant donné l'introduction de la télévision
payante, étant donné l'introduction de nouveaux services dans le
domaine de la câblodistribution, il était possible d'introduire de
nouveaux revenus qui pouvaient permettre à des entreprises
déficitaires de générer des revenus additionnels qui en
feraient des entreprises de profit.
Troisièmement, m'adressant au monde de la publicité et
sachant le dynamisme de ce type d'entreprise qui a des particularités
assez exceptionnelles, il n'est pas impossible d'imaginer que cette industrie
qui, j'en suis convaincu, croit fondamentalement en l'avenir du cinéma
au Québec et voudrait, à sa façon, y contribuer, pourra
développer des modèles de participation, quels qu'ils soient. Je
ne veux pas engager qui que ce soit, je ne veux pas faire de prédictions
pour l'avenir, mais je sais que, dans certains pays, par exemple - et le
député de Notre-Dame-de-Grâce, qui a beaucoup
voyagé, le sait - la publicité est présente dans les
salles de cinéma. Il n'est pas impossible de penser que la
publicité pourra trouver dans les salles de cinéma certaines
sources de revenu qui pourraient s'avérer un tant soit peu
intéressantes.
Cela étant dit, pour ces trois secteurs particuliers où je
me sens une certaine responsabilité, télévision,
câblodistribution et publicité, sans renier, bien au contraire,
les objectifs qui sont fixés dans le projet de loi sur le cinéma
et la vidéo et tout en prenant en considération des
difficultés qui peuvent se poser en cours de route sur des questions
relatives à la plus ou moins grande bureaucratie qui pourrait
accompagner l'adoption d'un tel projet de loi et sur les problèmes que
pourraient faire surgir les nouvelles sources de taxation, je suis convaincu,
comme ministre des
Communications, que nous réussirons, autant dans le monde de la
télévision, de la câblodistribution que de la
publicité, à trouver ce que j'appellerais ce modus Vivendi, ce
terrain d'entente où tous et chacun essaieront de faire le maximum pour
aider à développer une industrie du cinéma que nous
sentons actuellement au Québec trop faible et qui mérite notre
encouragement de quelque façon que ce soit, mais sans pour autant brimer
ce qui m'apparaît être normal, c'est-à-dire la
vitalité et le développement des industries de la
télévision, de la câblodistribution et de la
publicité.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. Allard, vous vouliez
ajouter quelque chose?
M. Allard: Si vous me le permettez, M. le Président,
j'aimerais réagir à cette dernière intervention du
ministre des Communications. Je veux bien concevoir que nous sommes tous
solidaires et partenaires. D'autre part, nous savons effectivement que la
publicité a le dos très large et qu'on l'accuse de temps en temps
de tous les maux de la terre. Nous sommes responsables de l'alcoolisme, nous
sommes responsables du tabagisme, nous sommes responsables de je ne sais plus
quoi et j'en passe. Je ne voudrais pas, en plus de cela, que l'on
prétende que l'industrie se doit de mettre la main dans sa poche pour
aider les cinéastes québécois aujourd'hui, pour aider
demain les écrivains, pour aider après-demain les graphistes qui
sont tous, jusqu'à un certain point, mal en point comme industrie
à certains niveaux, à certains degrés, à un moment
donné.
Au-delà de la préoccupation que nous partageons en tant
que société que l'industrie du cinéma au Québec a
une difficulté particulière d'avoir sa place au soleil - je pense
que tout le monde le reconnaît - et que le gouvernement se doit de
trouver des stimulants économiques pour lui rendre la tâche la
plus facile possible, quand viendra le jour où le gouvernement fera la
même démarche pour aider l'industrie de la
télévision, l'industrie de la presse écrite, l'industrie
du cinéma, l'industrie des relations publiques et j'en passe?
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Allard: Excusez-moi, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Excusez-moi.
M. Allard: J'aimerais également revenir à un
commentaire du ministre des Affaires culturelles. Je ne voudrais surtout pas en
faire une guerre de chiffres, mais vous m'avez repris tantôt en disant
qu'il y aurait eu une erreur dans notre règle de trois. Ce ne serait pas
17 500 000 $ selon la démonstration que nous avons faite, mais bien de 8
000 000 $. Si 2% de la taxe sur la publicité, en ce moment, rapportent 5
000 000 $ au trésor public, notre règle de trois dit que 7%
égalent 17 500 000 $, à moins que nous ne soyons pas allés
à la
même école. (23 h 15)
M. Richard: On ne veut pas faire une guerre de chiffres. On aura
l'occasion de s'en reparler. Je voudrais simplement terminer en
répondant aux propos du député de
Notre-Dame-de-Grâce. Il y a eu une commission d'étude qui a
été formée - on l'a rappelé souvent - de cinq
experts dans le domaine de l'industrie du cinéma: un important
président-directeur général d'une entreprise
d'exploitation de salles au Québec, un important producteur, deux
producteurs, un auteur, des gens dans le domaine de la
télévision. Unanimement, les cinq personnes qui formaient cette
commission d'étude ont recommandé, pour régler le
problème de l'industrie du cinéma, sept structures
différentes et un très grand nombre de contrôles qui leur
paraissaient nécessaires. Je voudrais rappeler au député
de Notre-Dame-de-Grâce que des sept structures, j'en ai, finalement,
retenu trois. Donc, j'ai réduit de quatre structures la proposition de
la commission Fournier. Sauf qu'il y avait déjà - il faut aussi
le rappeler - deux structures existantes, ce qui veut dire qu'il n'y a qu'une
structure qui s'ajoute.
J'ai réduit également, quand on connaît bien le
rapport Fournier, le nombre de contrôles. Si j'en ai conservé -
cela doit être dit - c'est parce que l'industrie du cinéma, dans
sa totalité - vous les avez entendus comme moi, M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce - est venue me dire que ces
contrôles sont absolument essentiels. Ceux-là, vous ne pouvez pas
ne pas les conserver dans votre projet de loi, parce que la vitalité
même de l'industrie du cinéma en dépend. Voilà
pourquoi nous proposons, dans ce projet de loi, un certain nombre de
contrôles. Ce n'est pas avec beaucoup d'enthousiasme que je propose des
contrôles. Je le fais uniquement parce que toute l'industrie du
cinéma, unanimement, appuyant en cela le rapport Fournier qui
était aussi un rapport unanime, recommandait un plus grand nombre de
contrôles. Je les ai réduits à leur strict minimum. Cela,
vous auriez dû le dire, M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce. Vous auriez dû ajouter également que,
dans le projet de loi, il n'y a aucune mesure d'ordre fiscal.
Là-dessus, je vous dis merci, encore une fois, et bonne nuit.
Le Président (M. Gagnon): Madame et messieurs de la
Confédération générale de la publicité et du
Conseil des agences de publicité du Québec, merci de votre
présence et de votre participation à cette commission. Nous avons
terminé l'ordre du jour à 23 h 15. Bonne nuit à tous.
La commission des affaires culturelles ajourne ses travaux à
demain, 10 heures.
(Fin de la séance à 23 h 19)