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Version finale

32nd Legislature, 3rd Session
(November 9, 1981 au March 10, 1983)

Wednesday, February 23, 1983 - Vol. 26 N° 241

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et d'organismes concernant le projet de loi no 109 - Loi sur le cinéma et la vidéo


Journal des débats

 

(Dix heures vingt minutes)

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission élue permanente des affaires culturelles se réunit pour entendre les personnes et organismes sur le projet de loi no 109, Loi sur le cinéma et la vidéo.

Sont membres de cette commission: Mme Bacon (Chomedey), MM. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), Champagne (Mille-Îles), Charbonneau (Verchères), de Bellefeuille (Deux-Montagnes), Dupré (Saint-Hyacinthe), Hains (Saint-Henri), Proulx (Saint-Jean), Richard (Montmorency), Ryan (Argenteuil), Saintonge (Laprairie).

Les intervenants sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Blouin (Rousseau), Dauphin (Marquette), Lavigne (Beauharnois), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), MM. LeBlanc (Montmagny-L'Islet), Leduc (Fabre), Rochefort (Gouin) et Vallières (Richmond).

M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, je voudrais que vous m'ajoutiez comme intervenant, s'il vous plaît.

Le Président (M. Gagnon): C'est bien. Voici l'ordre du jour pour aujourd'hui. Nous entendrons Alliance Québec, l'Association pour le jeune cinéma québécois, la Société des auteurs... Oui, M. le député de Vachon.

M. Payne: Est-ce que vous êtes bien renseigné sur les membres de la commission?

Une voix: Nous avons remarqué quelques erreurs.

Le Président (M. Gagnon): II se peut qu'il y ait des erreurs. On va vérifier, M. le député de Vachon. Est-ce qu'il y a des changements depuis hier? Est-ce que ce sont les mêmes personnes qu'hier? C'est complètement changé. Alors, je vais donner l'ordre du jour. On va me donner une liste corrigée. Voici la liste corrigée. J'espère, cette fois-ci, que j'aurai tous les membres. À la place de M. Baril, nous avons M. Dussault (Châteauguay). À la place de M. Charbonneau, nous avons M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet). À la place de M. de Bellefeuille, nous avons Mme Harel (Maisonneuve). À la place de M. Dupré (Saint-Hyacinthe), nous avons M. Payne

(Vachon).

Comme intervenants: Mme Lachapelle (Dorion), MM. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce), Bertrand (Vanier) et Marx (D'Arcy McGee).

M. Proulx: Et le député de Saint-Jean est membre de la commission parlementaire des affaires culturelles.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Saint-Jean, je n'ai pas votre nom comme membre de la commission, mais on peut l'ajouter.

M. Proulx: Mon nom n'y est pas.

Le Président (M. Gagnon): Non, je ne l'ai pas. Oui, oui. M. Proulx, je l'ai, d'ailleurs, mentionné tantôt.

M. Proulx: J'étais pris dans la tempête.

Le Président (M. Gagnon): Mais la tempête, pour vous, n'était pas tellement loin. Alors, voici l'ordre du jour pour aujourd'hui: Alliance Québec, l'Association pour le jeune cinéma québécois, la Société des auteurs, recherchistes, documentalistes et compositeurs, l'Union des artistes, l'Association québécoise des critiques de cinéma, le Congrès juif canadien, l'Association des câblodistributeurs du Québec Inc., l'Association canadienne de la radio et de la télévision de langue française Inc., la Confédération générale de la publicité et le Conseil des agences de publicité du Québec.

On m'avise que les groupes ne sont pas tous arrivés, c'est-à-dire qu'ils ne sont pas arrivés dans l'ordre actuel; il y en a qui sont pris dans la tempête, soit aux aéroports, soit sur la route entre Drummondville et Québec. Les groupes qui sont arrivés sont la Société des auteurs et recherchistes, l'Union des artistes, l'Association canadienne de la radio et de la télévision de langue française et la Confédération générale de la publicité.

Oui, M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: J'aurais une question pour le ministre. Hier, le ministre a promis de déposer un rapport auquel il a fait référence dans son discours. J'aimerais lui demander s'il a une copie de ce rapport aujourd'hui.

M. Richard: Pourriez-vous m'indiquer de

quel rapport il s'agit?

M. Marx: Vous avez fait référence à un rapport; je pense que c'est à la page 15 de votre mémoire.

M. Richard: M. le Président, c'est en voie d'être imprimé et, dès que ce sera prêt, je le remettrai.

M. Marx: Aujourd'hui? M. Richard: Je l'espère.

M. Marx: Sinon, ce sera nécessaire pour moi de poser la question encore une fois demain matin, vendredi et ainsi de suite.

Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Je remarque que la personne représentant l'Association des câblodistributeurs du Québec est arrivée. Il s'agit de Mme Legris. Elle est dans la salle.

Le Président (M. Gagnon): Oui. Voici la suggestion que j'ai à vous faire: Est-ce qu'on commence par l'organisme qui était au numéro 3 de l'ordre du jour?

M. Dussault: Oui.

Le Président (M. Gagnon): Alors, j'invite, d'abord, la Société des auteurs, recherchistes, documentalistes et compositeurs à prendre place à la table, s'il vous plaît.

M. Dussault: M. le Président, pendant qu'ils prendront place, pourriez-vous, s'il vous plaît, faire un changement à la liste des membres du parti ministériel? Il s'agirait d'indiquer mon nom comme intervenant et d'indiquer M. Blouin (Rousseau), comme membre.

Le Président (M. Gagnon): Alors, si vous voulez vous présenter et présenter les gens qui vous accompagnent.

Société des auteurs, recherchistes, documentalistes et compositeurs

M. Gurik (Robert): Robert Gurik, président de la Société des auteurs, recherchistes, documentalistes et compositeurs. Marc F. Gélinas et Isabelle Doré, administrateurs.

Le Président (M. Gagnon): Je pense qu'il y aurait entente entre les deux partis ici pour qu'on prenne une heure environ par mémoire.

Une voix: Au maximum.

Le Président (M. Gagnon): Au maximum. Disons vingt minutes pour la lecture du mémoire et vingt minutes à chaque parti pour poser des questions. Cela ne veut pas dire que ce sera nécessairement extrêmement rigide, mais ce sera à peu près le temps dont on pourra disposer. Alors, je vous cède la parole.

M. Gurik: La SARDEC a été fondée en 1945 et incorporée selon la loi des syndicats professionnels en 1949. Elle regroupe des auteurs, recherchistes, documentalistes et compositeurs de langue française oeuvrant au Canada dans les domaines de la radio, de la télévision, du cinéma et de l'audiovisuel. Elle a pour objet l'étude, la défense et le développement des intérêts économiques, sociaux et moraux de ses membres. La SARDEC négocie avec les producteurs des conventions régissant la commande et les licences d'utilisation de textes. Elle négocie régulièrement et gère les conventions collectives des auteurs, recherchistes et documentalistes de langue française...

Le Président (M. Gagnon): Je pense qu'il y a un problème avec le son. Je ne sais pas si les autres entendent bien?

Une voix: Oui.

Le Président (M. Gagnon): Vous entendez bien?

Une voix: Oui.

M. Gurik: ...avec la Société Radio-Canada. Elle est présentement en discussion avec la Direction générale des moyens d'enseignement du ministère de l'Éducation du Québec pour la négociation d'une entente touchant la commande et l'utilisation des textes de ses productions destinées au secteur de l'éducation.

La SARDEC participe aussi aux grands débats de l'heure provoqués par l'évolution des lois, des organismes et des technologies dans les domaines du cinéma, de l'audiovisuel, de la radiodiffusion et de la télédiffusion et du droit d'auteur. Elle a participé à la Conférence des associations de créateurs et créatrices du Québec et à la préparation de son mémoire sur la refonte anticipée de la loi canadienne du droit d'auteur. Elle est à rédiger un contrat type pour les auteurs de l'audiovisuel tenant compte des plus récents développements technologiques dans le secteur. Elle est en relation avec l'Institut québécois du cinéma et siège au comité consultatif des programmes de la Société de développement de l'industrie cinématographique canadienne.

Finalement, la SARDEC est le seul représentant des auteurs dramatiques, littéraires et de l'audiovisuel du Canada et

de l'Amérique du Nord à la CISAC (Confédération internationale des sociétés d'auteurs) qui regroupe 116 sociétés d'auteurs de 55 pays. Pour les conseils internationaux de 1983, la SARDEC est le grand rapporteur sur plusieurs questions, entre autres la télévision payante et la câblodistribution en Amérique du Nord. Elle siège aussi à l'Affiliation internationale des unions d'auteurs, qui regroupe la Grande-Bretagne, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis, côte ouest et côte est, ainsi que l'ACTRA. L'affiliation représente plus de 11 000 auteurs actifs dans le monde entier. (10 h 30)

C'est à la lumière de cette compétence que la SARDEC se sent habilitée à se prononcer au nom des auteurs scénaristes de cinéma et de vidéo sur le projet de loi no 109. Le projet de loi présenté est amputé de toute sa partie financière qui, nous le supposons, relèvera du prochain discours sur le budget. Tant et aussi longtemps que nous ne connaîtrons pas l'ampleur et la structure de l'enveloppe budgétaire affectée au cinéma et à la vidéo par le gouvernement, il nous est difficile d'apprécier et d'approuver les changements structurels que propose la loi. Si le dédoublement de l'institut sert uniquement de programme de relance de l'emploi pour fonctionnaires, la situation de l'industrie du cinéma risque de s'enliser davantage. Toutefois, si les nouvelles structures sont dotées de crédits suffisants pour qu'il en reste pour les créateurs une fois tous les fonctionnaires payés et si les deux nouveaux organismes jouent leur rôle de catalyseur et de médiateur de l'industrie, l'avenir est peut-être moins sombre.

À titre de représentants des auteurs de l'audiovisuel et du cinéma, nous demandons au gouvernement par le biais de cette commission parlementaire de profiter de l'occasion que lui procure le projet de loi no 109 pour développer et consolider le métier de scénariste chez nous. Pourquoi faire une telle demande? Parce que le poste budgétaire de scénariste est souvent le premier à être amputé, sinon à sauter, alors que le scénario constitue toujours le premier ingrédient essentiel d'une production de qualité. À cause de la prétendue indigence des moyens financiers mis à leur disposition, trop de réalisateurs ou de producteurs se sont improvisés scénaristes pour épargner de l'argent, avec les résultats que l'on sait. Comme le soulignait à juste titre le rapport Eournier, l'ère des personnes-orchestres doit prendre fin si on veut assurer la survie et la qualité de notre cinéma. Toujours pour les mêmes raisons d'économie de bouts de chandelle, combien de fois avons-nous vu une partie importante de l'aide à la scénarisation être détournée par le producteur cosignataire d'un projet afin de maintenir en vie sa maison de production. Ce n'est pas en lésinant sur les crédits alloués aux scénarios qu'on bâtira une industrie saine et efficace.

À cause de leur méconnaissance des questions de droits d'auteur, à cause de la voracité ou de l'incompétence de certains producteurs, trop d'auteurs et de scénaristes se sont vus privés du fruit légitime de leur travail: les droits d'auteur. Ayant cédé tous leurs droits aux producteurs contre un plat de lentilles, certains ont vu leurs oeuvres vendues à l'étranger, diffusées à la télévision sans toucher un traître sou. Aucune industrie ne peut prétendre à la stabilité et à la qualité si elle n'assure pas, d'abord et avant tout, la stabilité et la qualité de ses fournisseurs de matière première. Or, les droits d'auteur ont toujours constitué la meilleure façon de rétribuer équitablement l'originalité, la qualité et la popularité d'une oeuvre. Tant et aussi longtemps que des documents aussi essentiels à la survie et au développement du métier de scénariste que les contrats de droits d'auteur seront rédigés par des "apprentis sorciers" plus ou moins bien intentionnés et d'une compétence douteuse en la matière, le cinéma et la vidéo québécois feront fausse route. L'ère des contrats rédigés sur des dos de calendriers doit prendre fin.

Avec l'aide financière et technique du service gouvernemental de la propriété intellectuelle du ministère des Affaires culturelles et en consultation avec l'Association des réalisateurs et réalisatrices de films du Québec, la SARDEC supervise la rédaction d'un modèle de contrat qui garantirait des tarifs planchers pour l'écriture et une claire définition des droits d'auteur et de leur rémunération; qui tiendrait compte des besoins légitimes des producteurs et des nouvelles réalités technologiques; qui serait accessible à tous les auteurs ou scénaristes, qu'ils soient membres de la SARDEC ou non.

Nous voudrions que la nouvelle loi sur la vidéo et le cinéma rende obligatoires de tels contrats dans tous les cas où le producteur obtient des subventions ou des deniers publics pour le financement de son projet. Les personnes qui se disent producteurs privés chez nous ne sont, dans la plupart des cas, que des gestionnaires indépendants de fonds publics provenant de l'Institut québécois du cinéma, de la Société de développement de l'industrie cinématographique canadienne, de la Société Radio-Canada, de Radio-Québec, de la Direction générale des moyens d'enseignement du ministère de l'Éducation, etc. Il nous apparaît donc normal, si ces producteurs sont financés en tout ou en partie par des deniers publics, que les auteurs reçoivent, selon la formule désormais consacrée, "leur juste part de créateurs."

La proposition de la SARDEC ne vise pas à assouvir une quelconque vengeance des

auteurs-scénaristes contre les producteurs, mais bien à assainir les relations contractuelles dans le milieu du cinéma par un rééquilibrage des forces en présence. Il ne faut pas oublier que l'auteur, par la nature même du métier qu'il exerce, se retrouve à la fois seul face aux producteurs et en concurrence avec ses collègues, ce qui ne facilite pas le regroupement et la solidarité. C'est, d'ailleurs, une des raisons qui ont fait qu'historiquement, dans le monde occidental, les intérêts des auteurs ont toujours été protégés par des lois sur le droit d'auteur.

Même si les auteurs attendent beaucoup de la prochaine révision de la loi canadienne sur le droit d'auteur, nous n'entretenons aucune illusion et ne laissons passer aucune occasion d'améliorer le sort et les conditions d'exercice du métier d'auteur. C'est pourquoi nous demandons au gouvernement du Québec de poursuivre sa contribution à l'amélioration du statut de l'auteur déjà bien amorcée avec le livre blanc La juste part du créateur, en exigeant des producteurs privés qu'ils normalisent leurs relations avec les auteurs-scénaristes.

En conséquence, au nom de toutes les personnes exerçant le métier d'auteur et de scénariste au Québec, la SARDEC formule les recommandations suivantes: premièrement, que l'article 16 de la présente loi soit modifié de façon que les auteurs forment une entité distincte des compositeurs et qu'ils aient pleine représentation au conseil d'administration de l'institut; et, deuxièmement, conformément à l'esprit de l'alinéa 5 de l'article 3 du projet de loi, qu'un modèle de contrat respectant le droit d'auteur devienne universel et obligatoire dans tous les cas où un producteur bénéficie de l'aide financière de l'État pour son projet, au sens de l'alinéa 3 de l'article 64. Je vous remercie.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Richard: Je vous remercie, M. Gurik. J'aurais une question à vous poser. Vous proposez dans votre mémoire qu'un modèle de contrat soit établi en vertu des dispositions de la loi. Ne croyez-vous pas qu'il appartiendrait plutôt à la société chargée d'aider le financement du cinéma de voir à exiger, peut-être, que les droits d'auteur soient respectés? Puisqu'il s'agit d'une situation évolutive, on voit mal comment on pourrait imposer un modèle de contrat dans une loi, parce qu'une loi ne se change pas tous les jours. Il faudrait peut-être se garantir une certaine souplesse en l'incluant dans les programmes plutôt que dans la loi.

M. Gurik: Oui.

M. Richard: Au fond, ce qui vous intéresse, c'est que les droits d'auteur soient respectés.

M. Gurik: C'est que les droits d'auteur soient respectés et qu'il y ait une sorte de civilisation de la situation de l'auteur-scénariste par rapport au producteur. De la même façon que, par exemple, à Radio-Canada on a une sorte de convention qui établit à la fois des tarifs planchers, le respect des reprises, le respect des droits de suite, je pense qu'il est possible, dans l'industrie du cinéma, d'établir une sorte de convention générale plancher qui permettrait, du moins, à l'auteur d'avoir une sorte d'excellence, une sorte de garantie de sécurité.

M. Richard: Je vous remercie.

Le Président (M. Gagnon): M. Gélinas.

M. Gélinas (Marc F.): Ce n'est pas tellement qu'on demande que soit inscrit dans la loi un modèle de contrat, mais plutôt que la loi fixe un cadre qui incite au respect de certains principes. Un des principes, c'est la juste part du créateur dans la subvention. Un second principe, c'est celui de la licence spécifique qui est limitée dans le temps et dans l'espace. Un troisième principe, c'est celui des droits de suite pour la vie utile de l'oeuvre. On n'a pas fixé le contrat quand on a dit cela, mais on a établi des principes directeurs.

M. Richard: Je vous remercie.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Laprairie.

M. Saintonge: Dans votre première recommandation demandant la modification de l'article 16, pouvez-vous m'expliquer un peu la distinction entre compositeur et auteur?

M. Gurik: Au cinéma, la participation et l'intervention d'un auteur et d'un compositeur est totalement différente. L'auteur arrive au début même de l'édifice, c'est-à-dire que c'est sur ce scénario ou sur ce qu'il écrit que se bâtit l'édifice de 100 000 $, 200 000 $, 1 000 000 $, 1 500 000 $. Le compositeur ne vient que lorsque le film est, pour ainsi dire, presque complété, pour faire la musique d'accompagnement. Je pense que ce sont deux choses totalement différentes. Notre intervention est totalement différente. Le scénariste est présent au départ même de l'aventure cinématographique audiovisuelle et le compositeur est à la fin de cette aventure. Un compositeur, pour le préciser, c'est celui qui fait la musique du film.

M. Saintonge: Considérant les implications de l'article 16, dans le fond, avec le nombre de représentants maximal au conseil d'administration, est-ce qu'il n'y a pas, quand même, un certain lien qui rapproche les auteurs et les compositeurs qui justifierait qu'un représentant pour les deux serait suffisant?

M. Gurik: Non, je ne le pense pas, parce que, comme je vous le disais tout à l'heure, l'auteur est au départ même du film. C'est sur lui que se bâtit le fondement même de toute l'aventure.

M. Gélinas: Si vous me le permettez, dans le rapport Fournier, on parle de l'équipe des créateurs. L'équipe des créateurs comporte le producteur, le réalisateur et le scénariste. On ne parle pas des compositeurs là-dedans. Le scénariste est vraiment un pilier. C'est à partir du scénario qu'on fait le film. C'est un des ingrédients essentiels.

Le Président (M. Gagnon): D'autres questions? Alors, je remercie la Société des auteurs. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Ce sont des questions auxquelles peut-être plusieurs de mes collègues ont déjà des réponses. Pour la compréhension des choses, je ne sais pas si c'est à vous ou au ministre que je devrais poser la question. Si je comprends bien, dans le moment, vos droits d'auteur ne sont protégés d'aucune façon par les lois du Québec. Est-ce que j'interprète mal?

M. Gurik: Non, c'est-à-dire qu'il y a une pratique qui fait que le producteur en général demande le plus souvent une cession totale des droits pour toutes sortes de raisons historiques et de marché, il demande une cession totale des droits comme cela se fait aux États-Unis où, par exemple, un producteur privé peut acheter à un prix forfaitaire à peu près tous les droits que l'auteur peut apporter.

Mme Lavoie-Roux: Du côté des Affaires culturelles, qu'est-ce qui dans la loi protège les droits d'auteur non seulement dans le cas du cinéma. Il y a quand même des dispositions dans les lois pour les protéger. Est-ce qu'il existe quelque chose?

M. Richard: Le droit commun, mais la juridiction en matière de droits d'auteur est une juridiction fédérale, M. Gurik a invoqué, tout à l'heure, les négociations qui sont en cours présentement entre le ministère de l'Éducation et la SARDEL pour le paiement des droits d'auteur en rapport avec tout ce qui est utilisé dans le réseau de l'éducation, ce qui n'est pas sans importance.

Mme Lavoie-Roux: J'avais à l'esprit qu'il y avait déjà certaines discussions qui avaient cours et cela n'a pas encore abouti.

M. Gélinas: Ce que nous disons, ce n'est pas qu'il n'y a pas de lois sur le droit d'auteur; il y a une loi canadienne du droit d'auteur qui est en instance de réforme. Ce qu'on dit, c'est que le gouvernement dit qu'il prône la juste part des créateurs. Par contre, la pratique dans le milieu jusqu'à maintenant a été une dénégation de cette juste part des créateurs. Le gouvernement lui-même n'a pas respecté sa propre politique jusqu'à maintenant. Ce que l'on demande nous, c'est qu'il inscrive dans ses propres lois et règlements ces principes et non seulement dans le livre blanc. C'est ce qu'on demande essentiellement.

Mme Lavoie-Roux: Quand vous dites que le gouvernement n'a pas respecté ses propres lois, vous parlez du gouvernement fédéral à ce moment-là.

M. Gélinas: Non, je dis que le gouvernement n'a pas respecté sa propre politique. C'est ce que je disais.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Gélinas: Le gouvernement publie le livre blanc sur la juste part du créateur. Par contre, il fait signer des contrats de louage de services à Radio-Québec.

Mme Lavoie-Roux: Ah oui, le gouvernement du Québec.

M. Gélinas: Oui. Alors, un contrat de louage de services, ça c'est un contrat où il n'y a pas de droit d'auteur, il n'y a pas de droits de suite. On loue nos services et on s'en va.

Mme Lavoie-Roux: Ce que j'ai pu comprendre de votre intervention, M. Gurik, c'est qu'avec Radio-Canada vous avez, quand même, un cadre un peu plus précis pour protéger ces droits. Est-ce que j'ai mal compris ou est-ce exact?

M. Gélinas: Oui, c'est exact.

(10 h 45)

Mme Lavoie-Roux: Est-ce un modèle qui pourrait être, jusqu'à un certain point, applicable dans le cas du Québec?

M. Gélinas: Ce serait le paradis, quant à nous, madame. C'est très simple.

Mme Lavoie-Roux: Alors, vous avez déjà un modèle. Cette fois, ils ne seront pas obligés de trouver leurs normes et leurs critères, M. le ministre.

M. Richard: Oui.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Rousseau.

M. Blouin: Dans la première partie de votre mémoire, vous relatez très justement que tout l'exercice préparatoire qui a été fait, ainsi que l'exercice final qu'on est en train de faire ne donneront pas grand-chose s'il n'y a pas des sommes significatives qui sont mises à la disposition de l'industrie du cinéma par l'État.

Une voix: Pourriez-vous parler un peu plus fort?

M. Blouin: Avec plaisir. Je disais que dans la première partie du mémoire...

Une voix: Je ne sais pas si je suis sourd, mais j'ai peine à vous entendre.

M. Blouin: ...la SARDEC indique, avec beaucoup de justesse, que s'il n'y a pas de sommes substantielles qui sont mises à la disposition de l'industrie du cinéma par l'État, tous les efforts qui ont été faits pour essayer d'apporter des correctifs et des nouveaux moyens d'intervention n'auront pas été très utiles. Vous vous interrogez, par exemple, sur la lourdeur bureaucratique éventuelle des structures prévues par le projet de loi. Votre crainte est un peu que, si des crédits supplémentaires sont ajoutés, la machine bureaucratique vienne les avaler dans une grande mesure. J'aimerais que le ministre nous indique si, effectivement, les structures qu'il prévoit risquent d'avaler une grande partie des montants qui seraient mis à la disposition de l'industrie cinématographique.

M. Richard: M. le député de Rousseau, je voudrais vous rappeler, à cet égard, que le rapport Fournier proposait sept structures différentes. Nous avons réussi à inclure tous les mandats proposés par le rapport Fournier à l'intérieur de trois structures. Il y en a deux qui existent présentement. Finalement, ce que nous ajoutons, c'est le nouvel Institut québécois du cinéma, qui sera une structure très très légère puisque l'institut n'aura pas à s'occuper de la gestion des programmes. Ce que nous ajoutons aussi, c'est la régie, mais qui, elle-même, va inclure ce qui existe déjà, c'est-à-dire le bureau de surveillance, de telle sorte que les coûts additionnels sont relativement minimes. Enfin, on parle de coûts additionnels, mais, en incluant la régie qui était réclamée depuis si longtemps et qui est un outil absolument indispensable, on parle de coûts additionnels inférieurs à 500 000 $.

M. Blouin: Merci.

Le Président (M. Gagnon): Cela va, M. le député de Rousseau? Cela va. M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Je lis votre deuxième recommandation. Je comprends que vous voulez avoir un amendement au projet de loi afin que le ministre prévoie, dans sa loi -comment dirais-je? - un contrat type. Si le ministre veut bien le faire, il peut le faire, parce qu'il est de notre compétence de légiférer en ce qui concerne des contrats entre Québécois ou entre un Québécois et quelqu'un de l'extérieur. Mais est-ce que l'Assemblée nationale doit intervenir dans chaque loi quand il y a une subvention du gouvernement accordée à un fournisseur de services ou à un organisme? Est-ce que l'Assemblée nationale doit intervenir chaque fois et prévoir les arrangements contractuels entre les personnes? Il y a aussi la question de la liberté de commerce. Chacun peut faire le contrat qu'il veut bien faire. Supposons que, dans une autre commission parlementaire, on parle de concessionnaires d'automobiles qui se font jouer par des grosses compagnies. Cela peut être d'autres fournisseurs et ainsi de suite. Il n'y a pas de limite à cela. Comme législateurs, on peut prévoir un contrat type pour tout le monde. Mais je ne pense pas que ce soit la façon d'agir et de transiger dans notre société ou notre système.

M. Gurik: Je pense qu'il y a un cas très particulier ici. Parce que le titre du rapport Fournier, c'est Une question de survie et d'excellence. Or, si on fait une survie sans excellence, on va, encore une fois, être pris à faire des gâteaux à l'intérieur et à ne pas déboucher vers l'extérieur. Je pense que l'excellence elle-même est basée vraiment sur la situation du créateur à l'intérieur même de cette survie. Je pense qu'il y a presque un précédent dans ce genre de choses, puisque dans la loi elle-même, vous faites le rapport des distributeurs et des exploitants de salles et vous établissez des principes de répartition entre les deux. Nous ne parlons pas de contrats, nous parlons d'établir des principes qui permettent l'excellence des créateurs et de la situation des créateurs.

M. Marx: Je ne suis pas tout à fait d'accord avec cet article comme je ne suis pas d'accord avec d'autres articles dans ce projet de loi. Ce n'est pas nous qui avons rédigé cela.

M. Richard: Heureusement que ce n'est pas vous qui l'avez rédigé!

M. Marx: On va le corriger en cours de route. Mais votre association a-t-elle essayé de rédiger un contrat type pour vos

membres? Avez-vous essayé de faire quelque chose vous-mêmes, c'est-à-dire de voir les personnes concernées?

M. Gurik: Nous sommes en train de le faire et nous devons terminer d'ici un mois.

M. Marx: Oui. Je pense que ce n'est pas souhaitable que, chaque fois qu'il y a un groupe qui a un problème dans notre société, on vienne à l'Assemblée nationale et qu'on demande que celle-ci règle le problème pour tout le monde, dans chacun des domaines. Qu'on ait un bail type qu'on a mis dans nos lois, d'accord, mais on ne peut pas avoir un contrat type pour chaque transaction qu'on fait. C'est cela, le problème.

M. Gélinas: Essentiellement, nous ne demandons pas que la loi contienne un contrat type - cela, je le répète - mais que la loi incorpore certains principes. Nous, on va se charger d'un contrat type et de faire des contrats qui vont respecter ces principes. Cela, c'est une chose.

L'autre chose, je suis entièrement d'accord avec vous quand vous dites que vous ne croyez pas que le gouvernement doive intervenir partout. Mais on est dans une instance ici où le gouvernement intervient, où le gouvernement change les règles du jeu, déjà. Il les change pour les producteurs. Puis, les lois du marché ne jouent plus pour les producteurs comme elles le feraient dans une situation ordinaire. Le scénariste, lui, d'une certaine façon, est démuni parce qu'il est seul et il est en compétition avec ses collègues, entre autres, parce que l'espace économique au Québec est petit. Vous savez, on peut faire le même parallèle avec le producteur. Si on laissait les producteurs à eux-mêmes, comme le projet de loi actuel laisse les auteurs à eux-mêmes, il y aurait très peu de producteurs de films au Québec. Alors, nous, si on veut de l'excellence, il faut choyer au moins les trois axes de l'équipe de création là-dedans. Oui, si on intervient dans le marché et qu'on le fausse, qu'on s'occupe du producteur. Qu'on s'occupe aussi de son fournisseur de matière première et qu'on le mette au moins dans une situation d'égalité pour pouvoir négocier avec lui. Qu'on ne le mette pas en état d'infériorité structurelle au départ. C'est ce qu'on dit parce que la situation est faussée. Et on est d'accord là-dessus. Si on ne l'était pas, on s'arrangerait avec nos propres affaires.

M. Marx: Mais si on veut régler les problèmes du cinéma, où cela va-t-il s'arrêter? Cela ne s'arrêtera sûrement pas avec vous. Cela pourrait être des placiers dans les théâtres, dans les salles de cinéma. Ils vont dire qu'on a tout réglé: les producteurs, les distributeurs, les auteurs, et que, maintenant, c'est à leur tour. Il y a une limite à tout cela. Il faut tirer la ligne quelque part et je me demande où tirer la ligne. J'aimerais peut-être demander au ministre de vous aider, parce qu'il a toutes les ressources nécessaires. Peut-être pourrait-il vous aider à rédiger votre contrat type et peut-être peut-il prendre des mesures autres que législatives pour vous aider à faire respecter davantage vos contrats. Il y a la pression aussi du ministère. Il y a toutes sortes de formes d'action sans qu'il y ait d'intervention législative chaque fois.

Le Président (M. Gagnon): M. Gélinas.

M. Gélinas: Peut-être, mais nous croyons que voici une belle occasion pour le gouvernement et pour le ministère d'incarner leur volonté et leurs politiques. C'est tout ce que nous demandons de faire, de les incarner, de les sortir de la théorie et de les actualiser. Alors, voici une bonne façon de les actualiser. Peut-être qu'une autre façon, entre autres, c'est par la réglementation interne de l'institut. C'est peut-être la vraie solution, au bout du compte. Mais, une chose est certaine, c'est que le gouvernement ne peut pas prôner une politique de la juste part du créateur et ne pas intervenir au niveau des auteurs. Cela est clair, à notre avis.

M. Richard: M. Gélinas, n'y a-t-il pas déjà des programmes d'aide à la scénarisation instaurés par l'Institut québécois du cinéma?

M. Gélinas: II y en a, mais ils ne tiennent absolument pas compte du normatif entre les producteurs, les auteurs et les réalisateurs. L'institut donne de l'argent, juge sur le fond du projet, mais ne juge pas sur l'articulation de ce qui se passe entre les gens qui sont parties prenantes au projet.

M. Richard: J'aurais une dernière question. La SARDEC regroupe à la fois les auteurs et les compositeurs et, comme regroupement des deux, ce matin, vous intervenez pour que la loi, en quelque sorte, fasse une distinction entre les auteurs et les compositeurs.

M. Gurik: C'est-à-dire que nous ne regroupons pas les compositeurs. C'est un nom qui existe depuis des années et qui est resté dans le titre, mais, en fait, il y a très peu de compositeurs. Il y a des associations professionnelles qui représentent vraiment les compositeurs, mais nous ne représentons pas les compositeurs, en fait. C'était dans notre nom, au départ et nous ne l'avons pas changé depuis.

M. Richard: Je réfère au premier

paragraphe de votre mémoire. Quand vous décrivez la SARDEC, vous dites qu'elle regroupe des auteurs, recherchistes, documentalistes et compositeurs de langue française.

M. Gurik: À partir du titre, on a fait une erreur en disant cela. On ne représente pas les compositeurs maintenant.

M. Richard: D'accord.

M. Gurik: C'est un lapsus; nos excuses.

M. Richard: Je vous remercie, M. Gurik.

Le Président (M. Gagnon): Je remercie la Société des auteurs, recherchistes, documentalistes et compositeurs de son mémoire.

Maintenant, j'appelle le Congrès juif canadien. Ses porte-parole sont-ils arrivés? Non.

L'Association canadienne de la radio et de la télévision de langue française Inc. Les représentants sont arrivés. Il s'agit du mémoire 3M.

Association canadienne de la radio

et de la télévision de langue française Inc.

M. Arpin (Michel): M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs de la commission parlementaire sur les affaires culturelles, je m'appelle Michel Arpin. Je suis président de l'Association canadienne de la radio et de la télévision de langue française. À ma gauche se trouvent M. Roger Hudon, vice-président de ladite association et, à ma droite, M. Jean Normandeau, directeur général.

L'Association canadienne de la radio et de la télévision de langue française regroupe la quasi-totalité des entreprises de télévision privées de langue française du Québec. Ses membres sont ou associés au réseau TVA ou affiliés à la Société Radio-Canada et leurs signaux atteignent à peu près toutes les régions du Québec.

L'ACRTF avait, dès sa parution en août dernier, pris connaissance du rapport de la Commission d'étude sur le cinéma et l'audiovisuel, intitulé Le cinéma, une question de survie et d'excellence, et dont le président était Guy Fournier. Ce rapport est maintenant connu comme étant le rapport Fournier. Ce rapport soumettait une série de recommandations, ainsi qu'une proposition de loi. L'actuel projet de loi no 109 reprend, avec peu de modifications, cette proposition du rapport Fournier et se veut donc une conséquence dudit rapport. Ce faisant et aux fins de nos commentaires, nous considérons le rapport Fournier et le projet de loi comme indissociables. (11 heures)

Le projet de loi no 109, nous en convenons, ne fait aucune référence à l'industrie de la télédiffusion privée. Or, en quoi notre industrie a-t-elle intérêt à vous transmettre les présents commentaires? Nous constatons, à la lecture comparative de la proposition de loi et du projet de loi no 109, que la vidéo occupe une place importante dans le projet de loi. On prend même soin de la définir en tant que support. Tout au long de ces deux textes, on fera référence au cinéma et à la vidéo. De plus, les articles 2 et 3 traitant de la politique du cinéma et de la vidéo sont tout à fait concordants. Ceci ne laisse aucun doute, dans notre esprit, quant aux intentions du législateur de donner aux organismes créés par cette loi les pouvoirs nécessaires pour réglementer le contenant, c'est-à-dire le support de ladite oeuvre, aussi bien que ceux qui en font une utilisation pour fins de production, exploitation, circulation, quel que soit ce support, y compris la vidéo.

Comme le démontre si bien le rapport Fournier, les télédiffuseurs sont d'importants producteurs dans le domaine de la vidéo. Par contre, la production du télédiffuseur privé, sur film ou sur vidéo, n'est pas a priori une oeuvre cinématographique destinée à être présentée en public. Il s'agit plutôt d'une émission destinée à être diffusée à la télévision en conformité avec les lois canadiennes qui régissent ce média.

En vertu de la licence qu'il détient du CRTC (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes) le télédiffuseur privé n'est pas un producteur ou un réalisateur de cinéma et nous vous soumettons qu'il y aurait lieu d'être plus précis, au chapitre I du projet de loi. Dans un premier temps, il importe de bien faire la distinction entre le contenu, c'est-à-dire l'oeuvre, et le contenant, c'est-à-dire le support. En second lieu, il importe également que les champs d'activité visés par ce projet de loi en matière de cinéma et de vidéo soient clairement libellés.

De plus, la consommation que font les télédiffuseurs en matière de cinéma et de vidéo ne se limite pas à ce qu'ils produisent eux-mêmes; toutefois, ce qu'ils acquièrent de l'extérieur est destiné à être télédiffusé. Il y aurait donc lieu, là encore, d'éliminer tout ambiguïté quant à l'exploitation et à la circulation des oeuvres acquises par un télédiffuseur. Il est à noter, en effet, que le CRTC régit déjà l'acquisition, l'exploitation et la circulation des oeuvres diffusées par les télédiffuseurs privés.

S'il importe d'être clair quant aux objectifs de ce projet de loi et aux cadres de son application, c'est bien parce que certains des articles qu'on y retrouve, si interprétés trop largement, sont de nature à

permettre une intrusion dans le domaine de la télédiffusion.

C'est dans le libellé trop général qu'on retrouve souvent les pires ambiguïtés et l'article 103 nous semble en être un bel exemple. L'interdiction de produire dans le domaine du cinéma ou de la vidéo, sur une base professionnelle, sans permis de producteur, ne fait aucune référence au champ d'activité visé par le projet de loi et que nous devons présumer être l'industrie cinématographique.

J'attirerai également votre attention sur le fait que les télédiffuseurs, comme nous vous l'indiquions plus tôt, sont d'importants producteurs, sur une base professionnelle, dans le domaine de la vidéo. Mais, puisque leur produit est destiné à une diffusion télévisée et non à être présenté en public, nous soumettons à votre attention que le libellé de cet article requiert d'être plus précis quant aux professionnels du cinéma qui y sont visés.

Qui plus est, il existe une multitude de maisons de production, ainsi que de photographes indépendants et de travailleurs autonomes à qui on reconnaît le statut de professionnel et dont la quasi-totalité de la production est destinée à l'industrie de la publicité et à l'industrie de la télédiffusion. Vous n'êtes pas sans savoir que, de plus en plus, ces maisons et ces professionnels indépendants font appel aux techniques de la vidéo pour toutes sortes de raisons, c'est-à-dire: souplesse d'exécution, de reprise, facilité de montage, économie de temps et d'argent pour le producteur et pour le client, et, par conséquent, maintien d'une saine situation de concurrence dans un contexte de libre marché.

Or, les articles 103 à 106 du projet de loi que nous avons devant nous, et tels que libellés, auraient pour conséquence de freiner l'esprit d'initiative de tous ces pigistes et producteurs indépendants dont dépend l'industrie de la publicité et, par voie de conséquence, l'industrie de la télédiffusion. Il nous semble qu'il serait opportun de connaître les intentions du législateur dans ce domaine et les raisons pour lesquelles l'article 103 a été ainsi rédigé. Nous sommes d'avis qu'une telle obligation à l'endroit des télédiffuseurs, des producteurs indépendants et des pigistes dont les activités ne sont pas reliées à l'industrie cinématographique au sens où nous présumons que le projet de loi no 109 l'entend ne doit pas être retenue.

Qu'il nous suffise de vous rappeler que, de façon générale, de tels articles, ou règlements qui en découlent, n'ont pour tout effet que d'alourdir une machine administrative que l'entreprise privée se doit de maintenir à un niveau minimal, les coûts y afférents étant souvent de nature à réduire considérablement les faibles profits qui lui permettent de demeurer concurrentielle et de se développer. En effet, la viabilité d'un producteur indépendant ou d'un pigiste dépend entièrement de son rendement, de la qualité et des coûts de son produit, somme toute, de sa capacité de répondre aux attentes et aux besoins de sa clientèle, comme le veulent les lois du marché et de la libre concurrence.

L'article 103 nous apparaît ambigu et inutilement contraignant. Il n'est pas le seul, hélas! À moins que ne nous soient clarifiés l'intention du législateur et le cadre spécifique du présent projet de loi, nous croyons qu'il en serait de même pour les articles 94, 95, 96 et 97. À cause de la nature même de leur produit, les télédiffuseurs sont appelés à transiger avec une multitude d'individus et d'entreprises et sont, à la fois, des acheteurs et des distributeurs de films et de matériel vidéo. Interprétés largement et à moins que leur sens ne soit clarifié, ces articles pourraient avoir pour conséquence d'empêcher un télédiffuseur qui ne serait pas titulaire d'un permis de distributeur de vendre, louer, prêter ou échanger les émissions produites dans ses studios ou encore acquises des producteurs indépendants à d'autres télédiffuseurs, tandis que le produit des transactions en cause sert à des fins de diffusion et non pas à des fins de présentation en public.

Est-ce à dire que le télédiffuseur ne pourrait pas, non plus, à moins d'être titulaire dudit permis de distributeur, négocier la vente, la location, le prêt ou l'échange de ses émissions avec des intérêts autres que canadiens pour diffusion à l'étranger? Est-ce à dire également que le télédiffuseur ne pourrait pas, non plus, effectuer l'achat sous licence de productions françaises, américaines ou autres pour d'autres stations de télévision québécoises ou canadiennes à l'étranger ou par le biais de maisons de distribution établies au Québec, mais appartenant à des Non-Canadiens?

Autant d'hypothèses qui nous apparaissent toutes comme devant faire l'objet de clarifications sérieuses quant à l'interprétation d'articles qui auraient pour effet d'alourdir un processus de négociation de vente et d'achat de films et de productions, basé sur la qualité d'un produit et sur sa capacité de satisfaire aux attentes et aux besoins et goûts du public et de l'auditoire auquel il est destiné.

Nous soumettons, enfin, à votre attention que l'interprétation de ces articles met en cause les articles 110, 111, 112, 113 et 114 qui traitent du certificat de dépôt requis par un titulaire de permis de distributeur pour vendre, louer, prêter ou échanger du matériel vidéo à un commerçant de détail agissant sur une base commerciale.

Il nous apparaît évident, tel que déjà mentionné, que ce projet de loi s'adresse à

l'industrie cinématographique pour tout matériel, quel qu'en soit le contenant ou le support, devant servir à des présentations de films en public, ce qui, par conséquent, exclut dans notre esprit l'industrie de la télédiffusion. Ce n'est toujours là qu'interprétation de notre part puisque les intentions du législateur ne sont pas clairement exprimées dans le projet de loi no 109. Si notre industrie s'en inquiète, c'est bien parce que le rapport Fournier a été généreux à l'endroit des télédiffuseurs privés en termes de critiques, bien entendu. Mais c'est aussi et surtout parce que ledit rapport Fournier propose certaines mesures qui vont à l'encontre de tout principe démocratique et de liberté de fonctionnement de notre système de libre entreprise, entre autres, celle voulant que la survie d'une industrie qui ne sait pas satisfaire les besoins et attentes de son marché soit assurée par une autre industrie.

Nous en voulons à cette mesure parce que, comme industrie, les télédiffuseurs sont soumis à des lois concurrentielles qui les obligent à se remettre en question régulièrement, à repenser leur produit et à ajuster la programmation de leurs émissions, d'une part, pour satisfaire aux besoins et aux attentes de leur auditoire et, d'autre part, pour s'assurer qu'ils conservent leur part d'un marché que la pénétration de nouvelles technologies et de nouveaux services vient constamment fragmenter. Sans compter que toute nouvelle pénétration d'un service et toute arrivée d'un nouvel intervenant ont pour effet d'augmenter les coûts de production d'émissions du télédifuseur conventionnel puisqu'il lui faudra doubler ses efforts en matière de recherche ou d'analyse de marché et de programmation.

Nous en voulons encore à une autre mesure que propose le rapport Fournier et qui veut que ce soit par le biais d'une taxe que l'on vienne solutionner, ne serait-ce qu'en partie, les problèmes de l'industrie du cinéma. Certes, le principe de cette taxe n'est pas repris dans le projet de loi no 109, mais il ne nous paraît pas déplacé de le soulever. En effet, l'article 198 nous indique d'où proviendraient les fonds pour l'exercice en cours, mais laisse à la discrétion du ministre responsable de la préparation du budget le soin de déterminer la provenance et l'allocation des crédits nécessaires à l'administration du projet de loi qui nous intéresse. Il ne nous vient, certes pas, à l'idée que le prochain budget pourrait contenir une taxe additionnelle sur la publicité électronique télévisée; ce serait prématuré de notre part. Toutefois, nous désirons porter à votre attention que la publicité électronique fait déjà l'objet d'une taxe de 2% qui ne sert que dans une infime mesure aux fins auxquelles elle est destinée. L'ACRTF a déjà été informée que, depuis le début de l'application de cette taxe, les sommes recueillies sont versées au fonds consolidé du revenu plutôt qu'à l'aide à la protection du consommateur. Cela nous fait dire que, pour l'exercice en cours, l'industrie de la télédiffusion privée et celle de la publicité contribueront à faire vivre l'industrie du cinéma selon les modalités prévues dans le présent projet de loi no 109, ce à quoi nous ne saurions souscrire pour toutes les raisons mentionnées.

L'ACRTF croit fermement que l'industrie cinématographique a sa place au Québec, mais encore lui faut-il, pour assurer sa survie, se soumettre à toutes les lois de la libre concurrence et du marché et, de ce fait, se remettre en cause et chercher à satisfaire un public qui continuera à être de plus en plus critique de ce qui lui est offert, tout comme le font les autres industries.

En terminant, nous croyons qu'il est opportun de vous rappeler que la quasi-totalité des entreprises de télédiffusion privées au Québec sont situées en région et se qualifient de l'appellation de petites et moyennes entreprises. Par conséquent, toute taxe additionnelle n'aurait pour résultat que de pénaliser des entreprises déjà lourdement imposées à plusieurs paliers de gouvernement. Nous reconnaissons qu'il n'est pas de la compétence de cette commission parlementaire d'intervenir au niveau des budgets dont devront disposer les régies et autres organismes que ce projet de loi no 109 nous propose, mais, puisqu'un des grands principes de l'autonomie de l'entreprise privée est déjà en cause, à savoir qu'une industrie est déjà taxée et qu'il est proposé que cette taxe vienne assurer la survie d'une autre industrie, nous vous prions de vous assurer que le projet de loi no 109, dans son intention et dans son libellé, respectera les grands principes qui nous animent tous et qui sont une condition sine qua non à un sain développement de notre société. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Merci beaucoup. M. le ministre.

M. Richard: M. Arpin, je voudrais, en vous remerciant d'avoir été présent aux séances de cette commission parlementaire, apporter immédiatement une précision. Je ne pense pas que l'esprit du projet de loi nous amenait à conclure que les télédiffuseurs et les organismes qui sont déjà régis par le CRTC et qui obtiennent un permis du CRTC soient assujettis à toutes les exigences du projet de loi que nous proposons. Mais je reconnais qu'il faudra peut-être, à cet égard, apporter des précisions et des clarifications. Toutefois, il me semble que les producteurs de messages publicitaires qui font, eux, partie intégrante de l'industrie du cinéma devraient être assujettis à la loi.

(11 h 15)

M. Arpin: M. le ministre, on peut certainement déterminer un certain nombre, un certain type de producteurs de messages publicitaires. Il y a certainement les maisons de production cinématographique qui produisent également des messages publicitaires. Nos entreprises de télédiffusion, certaines d'entre elles, ont également des sociétés satellites. Je pense, par exemple, au groupe Télé-Métropole qui a une maison de production sous le nom de JPL Productions, au groupe CFCF qui a aussi sa propre maison qui s'appelle Champlain Productions, qui produisent des messages publicitaires et quelques productions vidéos à des fins de diffusion. D'autre part, comme je le mentionnais, beaucoup de producteurs indépendants produisent également du cinéma et du message publicitaire.

Votre question m'amène à disserter: Est-ce que les maisons satellites affiliées aux entreprises de télédiffusion devraient, elles également, être soumises aux mêmes règles, à l'émission d'un même permis? Pour ma part, je ne pense pas qu'il soit souhaitable qu'elles soient soumises à l'émission d'un permis. Notre société - je parle d'une façon plus large - est administrée à coups de permis de toutes sortes. Je faisais le décompte du nombre de permis dans l'industrie de la radiodiffusion: permis municipaux, permis de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, permis de ceci, permis de cela, permis du CRTC, permis du ministère fédéral des Communications, permis pour ondes courtes et pour ondes plus longues. Et à chaque fois, c'est 10 $, 25 $, 800 $, 1,5% des revenus bruts.

Finalement, on utilise le mot "permis" pour déguiser des taxes indirectes, pour faire vivre une bureaucratie, pour fournir des statistiques à l'UNESCO sur une base annuelle. L'UNESCO nous demande à toutes les années: Combien y a-t-il de producteurs de cinéma dans votre région ou de membres de votre association? Évidemment, si je représente la régie en question et que je délivre des permis, cela prend moins de temps. Je dis: J'ai délivré 187 permis. Il y a 187 producteurs. Cela, c'est pour satisfaire une bureaucratie, je vous soumets cela en tant que commentaire personnel, un cri du coeur.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Richard: M. Arpin, cri du coeur pour cri du coeur, j'aimerais vous citer un passage du rapport Fournier et vous demander de confirmer ou d'infirmer les propos de la commission Fournier. Je cite, à la page 52 du rapport: "Si, incontestablement, la télévision a tiré avantage du cinéma, celui-ci ne fut guère payé en retour. La fréquentation cinématographique en salle a subi un fléchissement constant et important que les sommes versées par les télévisions pour l'acquisition des films sont bien loin d'avoir compensé. Ces sommes sont sans rapport réel avec le coût du produit et l'importance de l'auditoire rejoint. Un seul exemple: au Québec, en 1980, 43% des heures de programmation-réseau des télévisions québécoises étaient consacrées au cinéma (long métrage ou série sur film), mais leur coût d'acquisition n'excédait pas 7% du budget total des émissions." Est-ce que vous êtes en mesure d'infirmer ou de confirmer cette affirmation quand même assez lourde de conséquences?

M. Arpin: M. le ministre, cette affirmation du rapport Fournier, on l'a regardée avec beaucoup de soin, puisqu'elle nous pointe du doigt en tant qu'industrie passive ou qui profiterait d'une autre industrie, qui vivrait aux dépens d'une autre industrie. Quand on mentionne que 43% des heures d'écoute sont destinées à la présentation cinématographique, il faut répartir, dans la grille-horaire, ces 43%. Une partie importante de la grille-horaire de la télévision fait appel au cinéma, mais ce n'est pas nécessairement en fonction de la consommation par l'auditoire. Il faut se rappeler que la télévision fonctionne 18 à 19 heures, des fois 20 heures par jour, mais les auditoires se concentrent principalement à l'intérieur d'un bloc de 2 h 30 à 3 heures, peut-être 4 heures dans la journée. Pendant les autres heures de diffusion, une série de contenus, dont du cinéma, est présentée en reprise très souvent, et des séries sont représentées bon an mal an jusqu'à deux ou trois fois, seulement pour offrir un choix au téléspectateur, lui permettre de revoir des choses qu'il a appréciées, ou voir des choses qu'il aurait pu manquer.

De là à établir que ces 43% représentent 7% de paiement, il faut faire une grande distinction. Il faut voir les sommes d'argent qui sont versées pour les premiers passages par rapport aux sommes qui sont également versées pour les passages secondaires. Il faut voir également les sommes qui sont payées pour les productions québécoises et canadiennes par rapport aux sommes qui sont payées pour les productions américaines de série B ou C. Quand on fait l'analyse détaillée des prix payés au Québec comme au Canada pour les séries de meilleure qualité et les séries québécoises, on s'aperçoit que le télédiffuseur canadien ou québécois est certainement plus généreux que 7% tel qu'affirmé dans le rapport Fournier.

Le Président (M. Gagnon): Le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: J'aimerais vous féliciter de votre présentation que j'ai trouvée très réaliste, vos propos, très terre à terre. Il faut que quelqu'un parle comme cela de temps à autre devant cette commission, sinon on va se perdre dans les nuages.

Il y avait un éditorial assez intéressant aujourd'hui dans le Devoir. Je ne sais pas si le ministre en a déjà pris connaissance. C'est intitulé "D'Hollywood à Québec". Je pense que c'est très intéressant. Je ne veux pas lire tout l'éditorial par M. Michel Nadeau dans le Devoir d'aujourd'hui. Juste quatre paragraphes parce que je pense que cela enchaîne avec votre intervention. Il a écrit: "Mais, à travers la pléthore de recettes qui seront promues par différents groupes au nom de "la réappropriation du cinéma entre des mains québécoises," il faudra garder à l'esprit une question fondamentale: jusqu'à combien doivent payer le cinéphile et le contribuable québécois pour corriger cette situation et satisfaire les besoins du "milieu"? Le ministre des Affaires culturelles, M. Clément Richard, - je ne dis pas que je suis tout à fait d'accord sur chaque mot, M. le ministre - a fort mal engagé le débat en annonçant très sérieusement, hier, vers 14 heures, la fin du "colonialisme" des "gens de Los Angeles et Toronto qui choisissent les films présentés au Québec". Mais el Libertador - c'est la ministre, j'imagine - du cinéma québécois devra se rappeler cependant que ce ne seront pas ses fonctionnaires ou encore les "représentants du milieu" qui limiteront le choix des spectateurs québécois, au nom d'un isolationnisme culturel dépassé."

À la fin de l'éditorial, il a écrit: "Producteurs, réalisateurs, distributeurs québécois ont raison de vouloir obtenir une plus grande part des ressources financières disponibles pour le cinéma. Ces prétentions sont d'autant plus valables que le cinéma en salle, industrie lourde et coûteuse, devient la sidérurgie des industries culturelles. "Cependant, le cinéma québécois doit accepter le défi de la concurrence. Le repli n'est valable qu'à court terme; le public n'acceptera jamais d'être privé des films qu'il aime pour protéger abusivement un secteur qui ne peut lui offrir des productions similaires. Plutôt que de vouloir rebâtir Hollywood, les Québécois doivent trouver leur place, petite mais réelle, dans ce puissant outil d'affirmation culturelle. Le cinéma québécois ne survivra que s'il accepte de devenir vraiment international."

Je pense que cela enchaîne un peu avec ce que vous avez dit mais d'une autre façon. C'est implicite dans votre intervention que cette loi sera une mine d'or pour les avocats. Il y a la surréglementation, cela prendra quatre permis. Il y a quatre permis visés dans la loi, il y a trois organismes, chacun avec le pouvoir d'adopter des règlements. On ne va jamais se retrouver dans tout cela.

Pour être plus précis, je vais vous poser une question. À la page 4, vous avez donné l'impression qu'il n'est pas certain que cette loi s'appliquerait à l'industrie de la télévision. C'est-à-dire que vous avez mentionné les articles 103 à 106, 110 et 111. Il y a une présomption dans chaque loi que l'Assemblée nationale ne veut pas outrepasser ses compétences. Le ministre vient de dire que nous n'avons pas de compétence en ce qui concerne la télévision. Peut-être que c'est malheureux mais c'est de la compétence fédérale à cause d'une certaine jurisprudence.

M. Richard: C'est très malheureux.

M. Marx: C'est cela. Il faut récupérer des choses en négociant avec Ottawa sans toujours blâmer le fédéral. À mon avis, ces articles ne s'appliquent pas à votre industrie, mais je vois le problème que vous avez soulevé, à savoir que ce n'est pas clair. Avant que ce soit complètement clarifié, vous allez dépenser beaucoup d'argent en demandant des avis juridiques des avocats, etc. Quoique le ministre a toutes les ressources nécessaires; pour lui, aller en cour et dépenser 1 000 000 $, ce n'est rien. C'est M. Parizeau qui va trouver l'argent dans un fond de tiroir. Aucun problème pour cela.

M. Arpin: ...l'aide au cinéma.

M. Marx: Oui. Il va dépenser plus d'argent à défendre cette loi qu'à accorder des subventions en fonction de la loi. C'est plus ou moins normal. Mais est-ce que vous avez des précisions à apporter à ces articles? Est-ce que vous avez des recommandations précises à suggérer? Peut-être qu'on peut prendre en note ces recommandations précises et demander au ministre de les bien considérer et peut-être même de modifier son projet de loi aujourd'hui même.

M. Arpin: Je demanderai à M. Normandeau, notre directeur général, de répondre à cette question.

M. Normandeau (Jean): Je pense qu'on a été suffisamment clair dans notre exposé ou dans le mémoire que vous avez en main. Il y a peut-être une distinction à faire qui serait fondamentale. Le champ d'application de ce projet de loi vise l'industrie qui produit pour fin de présentation en public. Je pense qu'on l'a souligné à certains endroits dans le texte. Il s'agit bien d'une production cinéma et/ou vidéo, puisqu'on utilise considérablement la vidéo maintenant dans presque toutes les entreprises de

télédiffusion, et presque en exclusivité. Donc, pour "présentation en public", il faut faire la distinction.

D'ailleurs, M. Arpin le mentionnait ce matin, il y a peut-être lieu de chercher là-dessus. Il y aurait déjà une jurisprudence, je pense, en ce qui a trait à l'interprétation des mots "présentation en public".

M. Richard: M. le Président...

Le Président (M. Gagnon): Je pensais que vous alliez poser une question au ministre à la fin de votre intervention. M. Arpin.

M. Arpin: On fait une distinction entre "présentation en public" et "présentation au public".

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Richard: Je voudrais d'abord donner une réponse très brève au député de D'Arcy McGee et lui dire que j'aurai l'occasion de lui répondre beaucoup plus longuement un peu plus tard. Tout ce que nous proposons s'inspire finalement de l'esprit de la libre concurrence et du libre marché. Nous nous inspirons non seulement de la philosophie, mais de la législation américaine. Ce que nous proposons, c'est d'interdire, ici, ce qui est formellement interdit aux États-Unis, vous le savez, M. le député de D'Arcy McGee. Et précisément dans un esprit de libre concurrence et de libre marché. (11 h 30)

Maintenant, M. Arpin, j'avoue que je suis un peu sidéré par une partie de votre mémoire. Je pense bien que vous admettrez sans peine que vous existez et que vous produisez des émissions en vertu d'un permis qui vous est accordé par un organisme fédéral. Un permis qui, précisément, fait de votre marché un marché protégé et qui limite - c'est le moins qu'on puisse dire, puisque c'est la raison même de l'émission des permis - la libre concurrence et le libre marché. Or, voilà que c'est sur la base idéologique de la libre concurrence et du libre marché qu'une association de radiotélédiffuseurs vient présenter un mémoire, elle qui vit uniquement parce qu'elle obtient des permis qui protègent son marché, qui freinent la libre concurrence et qui posent des limites au libre marché. Et ce que vous venez nous dire aujourd'hui c'est: Vous devriez laisser le marché complètement libre, complètement libéré. J'avoue que ça m'étonne un peu. C'est peut-être un peu facile, quand on dispose en quelque sorte d'un marché protégé, de réclamer l'ouverture du marché pour le reste du monde.

M. Arpin: M. le ministre, M. le Président, l'affirmation que vous faites dans votre question n'est certainement pas sans valeur quand on regarde le passé. Quand on regarde le présent et l'avenir, on voit l'introduction des nouvelles technologies, la multiplication des canaux par le biais de la câblodistribution, l'introduction de la télévision payante (quatre nouveaux services cette année), les satellites à captation directe qui sont déjà d'ailleurs en place et qui se mettront à nous acheminer des contenus dès le printemps ou l'été prochain. Cette multitude de nouveaux services va faire éclater les technologies traditionnelles telles que la télévision. La notion de marché protégé pour la télévision est une notion du passé. Ce n'est pas une notion actuelle. En tout cas, c'est une notion qui est en train de s'effriter.

La télévision, pour l'acquisition de ses contenus, devient de plus en plus concurrentielle avec la télévision payante. Au moment où on se parle, il y a une surenchère sur le coût des produits. Et, à tout le moins, pour encore quelques mois, les télédiffuseurs privés vont se comporter comme les télédiffuseurs privés se sont comportés aux États-Unis, il y a trois ou quatre ans, quand les réseaux de télévision payante ont été introduits. Il y a eu une surenchère des paiements pour les meilleurs produits. Après cela, le cycle de la distribution, des contenus cinématographiques va se stabiliser et la télévision va trouver son jalon. Mais, pendant un certain temps, il y a une guerre des prix. Au bénéfice de qui? Au bénéfice des producteurs. Ceux, évidemment, qui ont des productions à offrir. Maintenant, les productions vont toujours se payer en fonction de la consommation qui en a été faite.

Au premier cycle, il y a une équation qui est traditionnelle dans l'industrie du cinéma et l'industrie de la télévision. Le prix offert pour l'acquisition d'un contenu est fonction du rendement de ce contenu. Je parle du cinéma en salle. Or, comme l'affirme l'éditorial que M. Marx nous lisait un peu plus tôt, le cinéma québécois, malheureusement, n'a pas eu une si grande consommation quand il a été distribué dans les marchés primaires. Chez les téléspectateurs, il y a certains films qui ont eu plus de succès que d'autres. Ils ont été payés plus cher aussi que les autres par le télédiffuseur, qui s'est comporté selon la loi traditionnelle. Mais il y a certains films qui sont des films à vocation beaucoup plus spécifique qu'on voudrait voir l'industrie de la télévision subventionner parce qu'ils n'ont pas eu de consommation par les télédiffuseurs. Je veux bien qu'on participe à une formulation cinématographique forte, mais il faut aussi que les producteurs fassent des produits que les gens veulent consommer.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: C'est comme pour les voitures, comme pour n'importe quel autre produit, on n'a pas de marché pour les grosses voitures américaines, on va importer des petites japonaises.

M. Arpin: Le rapport Fournier fait deux affirmations bien contradictoires là-dessus. À la page 15, on dit: "Au Québec, bon an, mal an, 900 000 000 de spectateurs fréquentent les films de long métrage, sans aller au cinéma." D'ailleurs, c'est une partie de ce que M. Richard disait tantôt qui est reprise. Mais, quand on va à la page 130 du même rapport, on dit: "L'étude que l'institut et la commission ont commandée conjointement à SORECOM dévoile que l'attitude des spectateurs québécois est assez nettement négative à l'égard du cinéma québécois lui-même." C'est un fait. Vous l'avez évalué vous-même. Il y a eu une excellente table ronde il y a quelques mois à Radio-Canada où on a vu les membres de l'institut, les producteurs de cinéma mais aussi des télédiffuseurs, des télédiffuseurs publics, cette fois-ci, s'exprimer et exprimer les mêmes vues que celles que j'exprime.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de D'Arcy McGee

M. Marx: Dans les médias et au cours de rencontres avec les électeurs et électrices du Québec, je n'ai pas trouvé une forte demande pour un tel projet de loi avec toutes les restrictions qu'on y voit. Il est évident que c'est une loi qui émane d'une demande des gens du milieu et des fonctionnaires. Ce n'est pas à la demande populaire qu'on fait cela, comme on a fait d'autres lois au Québec, depuis vingt ans, qui sont vraiment à la demande de la population. Le ministre a dit qu'il s'inspirait beaucoup du libre marché aux États-Unis, de la libre concurrence aux États-Unis, mais, si je comprends bien, ce qu'on interdit aux États-Unis, c'est l'intégration verticale, c'est-à-dire que le producteur ne peut pas avoir un réseau de distribution et les distributeurs ne peuvent pas être propriétaires de salles, et ainsi de suite. Donc, pas d'intégration verticale. Si c'est ce que le ministre a voulu faire, parce qu'il dit s'inspirer beaucoup des Américains, il a manqué son coup par ce projet de loi. Il va peut-être tenter de nous expliquer comment il va atteindre son but, parce que ce n'est pas ce qu'il a fait.

Si le ministre veut vraiment réglementer et légiférer en ce qui concerne la présentation en public et, si je comprends bien, cela veut dire surtout dans les salles, qu'on le dise dans la loi. Pourquoi ne pas clarifier la loi comme on vient de nous le demander? J'aimerais demander au ministre de prendre l'engagement, aujourd'hui, d'apporter ces clarifications. On met toute l'industrie et toutes ces personnes dans une situation d'incertitude. Le ministre de la Justice, l'autre jour, pour expliquer sa loi 111, a dit: Bon, on a écarté la charte, on a fait tout cela pour avoir une sécurité judiciaire.

M. Blouin: Ce n'est pas conforme au règlement.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Rousseau...

M. Marx: M. le Président...

M. Blouin: II est en train de reprendre...

Le Président (M. Gagnon): ...si vous voulez avoir la parole...

M. Blouin: ...le débat sur la loi 111. Il dit des faussetés en plus.

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Blouin: II dit des faussetés complètes.

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît, M. le député de Rousseau.

M. Marx: M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Merci. Le député de Rousseau a voté trois fois pour cette loi 111.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee...

M. Marx: Oui.

Le Président (M. Gagnon): ...je vous demanderais de revenir au sujet.

M. Marx: Je parle de la façon dont ce gouvernement gouverne, c'est-à-dire, la conception que le gouvernement a des lois. En ce qui concerne la loi 111, on a parlé de la sécurité judiciaire, mais, ici, je trouve que c'est encore plus important parce que tout le monde va être dans une situation d'incertitude. Il y a une loi qui est rédigée d'une façon "lousse", pour utiliser une bonne expression québécoise. Tout le monde va s'y perdre; personne ne va s'y retrouver. On demande, ici, des clarifications. Le ministre ne peut-il pas prendre l'engagement, aujourd'hui, de clarifier cette situation et

d'écarter ce qu'il ne veut pas avoir dans la loi et d'y mettre ce qu'il veut y voir?

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Richard: M. le Président, je regrette le ton démagogique utilisé par le député de D'Arcy McGee. Hier, pourtant, nous avions eu l'occasion de faire une analyse assez sereine et assez sérieuse de ce projet de loi. Il fait mine d'oublier que si nous sommes en commission parlementaire, avec audiences publiques, c'est précisément pour tenter de bonifier, dans toute la mesure du possible, ce projet de loi, ce que j'ai moi-même dit à l'ouverture de la commission parlementaire. Alors, j'aimerais demander au député de Û'Arcy McGee de cesser de tenir des propos démesurément démagogiques, de cesser de ternir le climat de la commission et d'apporter une contribution utile et valable à ces séances de la commission.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Le ministre s'est trompé de cible. Ce n'est pas en m'attaquant qu'il fera avancer les choses ici. J'aimerais savoir si le ministre prendra ou est prêt à prendre l'engagement de donner suite aux suggestions qui sont fort valables de clarifier ce problème. Deuxième point, est-ce que le ministre suivra vraiment l'exemple américain en ce qui concerne la prohibition d'une intégration verticale? Il a dit qu'il s'était beaucoup inspiré des lois et des pratiques aux États-Unis. Donc deux questions.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, après quoi ce sera à Mme la députée de L'Acadie.

M. Richard: M. le Président, je n'ai rien à ajouter aux propos que j'ai déjà tenus.

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de L'Acadie.

M. Marx: Deux fois zéro fait zéro. M. Champagne: Mon droit de parole...

Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse! Au moment où vous aviez demandé la parole, j'avais déjà une demande de Mme la députée de L'Acadie.

Une voix: Cela ne fait rien.

M. Dussault (Châteauguay): II y a quand même le droit d'alternance, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): De toute façon, il reste 20 minutes, est-ce que...

Mme Lavoie-Roux: Oh! Quant à moi, je n'ai pas d'objection si le député de Laval veut...

M. Champagne: Non, non, le député de Mille-Îles, s'il vous plaît.

Le Président (M. Gagnon): Pour le présent mémoire...

Mme Lavoie-Roux: Vous nous avez toujours parlé de Laval hier soir.

Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, M. le député de Mille-Îles.

M. Champagne: Voici, c'est simplement pour faire une observation face à ce que le député de D'Arcy McGee vient de dire à savoir qu'il n'a pas trouvé que, dans son milieu, cette loi sur le cinéma, la loi 109, répondait à une demande ou à un besoin comme tel. Et puis je ne sais pas si dans le comté de D'Arcy McGee, on parle de cette loi ou d'un besoin particulier. Mais il arrive un peu en contradiction avec le critique officiel de l'Opposition, le député de Saint-Henri, qui disait hier en introduction devant cette commission: "En général, le projet de loi a reçu un accueil favorable, sinon vraiment chaleureux dans le milieu." Et il continue: "mais tous reconnaissent...

M. Marx: C'est ce que j'ai dit.

M. Champagne: "...le bien-fondé de ce projet de loi, qui répond à une attente et à un besoin certain." Il faudrait quand même que les gens de l'Opposition s'entendent entre eux pour montrer...

Mme Lavoie-Roux: II n'y a pas de dictature chez nous.

M. Champagne: "...que ce projet de loi était attendu du public."

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Champagne: Alors, nous avons eu le résumé d'une étude qui a été présentée ici, ce qu'on appelle le rapport de la Commission d'étude sur le cinéma et l'audiovisuel, qui a duré plusieurs années. Nous avons ce résultat. Je pense que nous sommes ici ce matin pour discuter d'une façon sereine sur le bien-fondé de cette étude. S'il faut bonifier certains articles de la loi, nous en sommes, mais je pense que c'est un besoin du milieu.

M. Hains: Question de règlement, s'il vous plaît.

Le Président (M. Gagnon): Question de

règlement, M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: J'accepte très bien votre remarque M. le député et c'est vrai que j'ai dit cela, que le projet de loi répondait à un besoin certain et qu'il avait reçu un accueil chaleureux. Mais je n'ai évidemment pas détruit non plus l'idée que le projet de loi demeure imparfait et que nous devons travailler ensemble - c'était l'esprit de coopération que j'avais demandé hier - à l'amélioration... Ce qui a été apporté aujourd'hui par les gens qui sont ici devant nous mérite certainement beaucoup de considération. C'est ce que mon confrère a voulu relever en demandant à M. le ministre s'il voulait prendre toutes ces choses en bonne considération...

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: ...et je pense que c'était l'idée de l'affaire.

Le Président (M. Gagnon): Ce n'était pas une question de règlement, c'était une question d'opinion. Vous aurez probablement l'occasion d'y revenir.

Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je voudrais quand même revenir sur la remarque de mon collègue de Mille-Îles. Je pense qu'il est évident que le député de Saint-Henri a dit que le projet avait été favorablement accueilli dans le milieu et on souscrit à ceci, on l'attendait depuis longtemps; mais il y a le milieu cinématographique et il y a aussi la population en général. Je pense que l'objectif de cette commission, c'est de rechercher un heureux équilibre entre ce qu'un milieu particulier, que nous respectons, veut avoir et aussi ce que l'ensemble de la population veut avoir. (11 h 45)

II ne faudrait pas parler de démagogie et s'énerver si quelqu'un vient devant cette assemblée et fait valoir des points de vue contradictoires auxquels ils ne souscrivent pas en totalité ou même qui remettent en question, selon leur propre point de vue, venant d'un autre milieu, des principes qui sont dans le projet de loi. Je pense que c'est le but de l'exercice auquel nous sommes conviés. Et dans ce sens, je pense que les questions de mon collègue étaient tout à fait pertinentes. Il essaie de comprendre le point de vue des témoins qui sont ici - je n'aime pas beaucoup le mot "témoin" - des invités qui sont ici devant nous.

J'aurais une question précise, M. le Président. Vous faites, à plusieurs endroits, allusion aux taxes ou aux obligations financières que les entreprises de télédiffusion privée ont au Québec. Sans l'affirmer, vous dites: On peut soulever la possibilité de taxes supplémentaires qui nous incomberaient pour venir appuyer une autre industrie et vous faites une comparaison, je pense... Je ne sais pas si c'est avec le taxi, je pensais que c'était...

M. Arpin: L'article 198 prévoit les fonds seulement pour un an.

Mme Lavoie-Roux: Oui. Vous vous qualifiez de petites et moyennes entreprises et on parle beaucoup, ici au Québec, de la nécessité de protéger et même d'encourager la petite et la moyenne entreprise. Ma question précise est la suivante: Pourriez-vous nous dire quel est le pourcentage de ce que vous payez en droits ou en taxes ou en redevances gouvernementales, que ce soit à un palier de gouvernement ou à un autre? Quel est le pourcentage de vos revenus qui y est consacré? C'est quand même important, quand on parle de taxes supplémentaires et ainsi de suite, de savoir et d'avoir une image un peu plus exacte que ce que vous dites dans votre mémoire.

Le Président (M. Gagnon): M. Arpin.

M. Arpin: Merci, M. le Président. Premièrement, on qualifie l'industrie de la radiodiffusion de petites et moyennes entreprises. Au Québec, même avec une entreprise de la taille de Télé-Métropole qu'on pourrait vouloir qualifier de grande entreprise, personnellement, je la qualifierais au mieux de moyenne-grande. Quoi qu'il en soit, dans les 500 plus grosses entreprises au Canada du Financial Post, Télé-Métropole ne s'y situe pas. Donc, elle n'est pas dans les 500 premières, même si c'est une moyenne-grande dans mon esprit.

Notre association est constituée de quatorze membres-télévision: deux, que je qualifierais de moyennes-grandes, une à Montréal et une à Québec et les douze autres que je qualifierais de petites et de moyennes. Les stations de télévision de Carleton, de Rivière-du-Loup, de Jonquière, de Rouyn, de Hull, de Chicoutimi - mon collègue à côté de moi est de Chicoutimi -ne sont certainement pas, dans mon esprit, des entreprises qu'on peut qualifier même de moyennes, ce sont de petites entreprises.

Notre industrie paie un droit de licence au CRTC qui est l'équivalent de 1,5% de son revenu brut annuel. Notre industrie paie à l'association des droits d'auteur, et je parle de la CAPAC, les auteurs, compositeurs et éditeurs de musique du Canada et la société d'exécution du Canada, l'équivalent de 2,6% de ses revenus bruts. Notre industrie paie des droits de licence au ministère fédéral des Communications pour des droits minimaux, dois-je dire, mais, quand même,

elle paie ses impôts comme n'importe quelle autre entreprise. Elle paie ses taxes d'affaires comme n'importe quelle autre entreprise. Au départ, elle paie une taxe de 2% sur la publicité électronique. Elle est la seule industrie du secteur publicitaire à payer cette taxe de 2% et là, je compte la publicité électronique, c'est la radio et la télévision en l'occurrence. L'écrit, les panneaux-réclame ne paient pas cette taxe. C'est une taxe spécifique à l'industrie des médias électroniques.

Et dans le rapport Fournier, on invite le gouvernement à considérer une taxe supplémentaire de 5% sur les revenus bruts de la télévision, cette fois-ci. C'est vrai que le projet de loi no 109 n'en fait pas une incidence directe, mais la présomption est là dans notre esprit. Je me permettrai de dire que cette taxe de 2% que je mentionnais tantôt et cette taxe présumée sont des taxes à l'entreprise privée. On sait très bien, puisque la société Radio-Canada a gagné sa cause devant la Cour supérieure, que les ententes fédérales-provinciales quinquennales sur le champ de taxation n'avaient pas prévu que la société Radio-Canada paierait une taxe de 2% sur la publicité électronique.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Rousseau.

M. Blouin: M. Arpin, tout à l'heure vous avez cité le rapport Fournier, à la page 130, et vous avez insisté un peu sur les résultats d'un sondage SORECOM sur l'attitude des spectateurs québécois à l'égard du cinéma produit ici. Je rejoins les propos du député de D'Arcy McGee, c'est-à-dire que je voudrais les commenter aussi, lorsqu'il cite certaines parties de l'article de Michel Nadeau qui, à mon point de vue, manque un peu d'ouverture et de jugement global. Voici pourquoi. Vous avez cité, par exemple, la partie du sondage SORECOM qui porte sur le jugement global que les Québécois portent sur leur cinématographie, mais vous avez oublié la partie du même sondage qui dit que les Québécois, d'autre part, ont un jugement tout à fait positif sur des oeuvres cinématographiques québécoises très précises, et on en mentionne une série.

M. Arpin: Ce que je partage, M. le député.

M. Blouin: Ce que je voudrais vous dire, c'est que le jugement sévère que vous portez sur l'engouement du public québécois envers son cinéma, vous pourriez le porter aussi sur 80% de la production cinématographique américaine, parce que effectivement les Américains boudent environ 80% de leur production cinématographique et en accueillent environ 20% favorablement. Vous comprendrez que l'économie générale de ce projet de loi et du débat que nous tenons, c'est justement de prendre les moyens et de mettre ces moyens à la disposition des gens qui font du cinéma au Québec, pour qu'effectivement il y ait de la production cinématographique au Québec.

Actuellement, en 1982, le Québec a produit, en tout et partout, deux films. À ce rythme-là, si on considère qu'aux États-Unis 80% des films ne sont pas reçus par le public, cela pourra nous prendre cinq ou six ans avant d'avoir une production qui sera effectivement reçue par le public. Alors, il faut faire attention lorsqu'on porte un jugement sur l'intérêt du public envers son cinéma. Il n'y a pas de recette magique pour arriver avec un succès au cinéma. Il faut faire une série de productions de qualité pour finir par accrocher le public, mais s'il ne se fait pas de production et si, comme on le constate maintenant, toute l'industrie, toute l'infrastructure cinématographique au Québec est en train de mourir et de s'effondrer, c'est évident que le public ne connaîtra jamais d'engouement pour le cinéma. L'objectif de ce que nous faisons maintenant, c'est de relever cette industrie et de lui donner les moyens d'exister et de faire vivre une cinématographie nationale.

M. Arpin: M. le Président...

Le Président (M. Gagnon): M. Arpin.

M. Arpin: ...je suis entièrement d'accord avec l'affirmation que vous venez de faire. Ce que je vous dis, c'est de ne pas la faire à mes dépens, comme à une autre industrie. Le sondage dont vous faites mention, j'ai dit moi-même tantôt, quand j'ai cité cet extrait du rapport Fournier, qu'il y avait des productions qui étaient meilleures que les autres. J'ai fait la remarque, à savoir que les télédiffuseurs québécois se comportaient, dans l'achat du produit cinématographique, selon les lois de l'économie du marché, c'est-à-dire qu'on paie plus cher pour un film qui a eu un meilleur succès. C'est exactement ce que j'ai dit. Je vous remercie, d'ailleurs, d'appuyer l'affirmation que je faisais.

M. Blouin: Si on s'entend, tant mieux.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Vanier et leader du gouvernement.

M. Bertrand: C'est à titre de ministre des Communications, dans le cas présent, étant donné la présence de l'Association canadienne de la radio et de la télévision de langue française. Je sais qu'il y a des remarques contenues dans ce mémoire qu'on retrouvera aussi dans le mémoire de l'Association des câblodistributeurs du Québec et dans le mémoire de la COGEP, dans le

monde de la publicité en général, qui se rejoignent.

Pour l'essentiel, je comprends que l'argumentation que vous voulez développer est en ce sens que cette loi est relative au cinéma et à la vidéo. On n'indique pas, à l'intérieur de la loi, de quelle façon, par exemple, les budgets de l'Institut québécois du cinéma pourront être augmentés au cours des prochaines années, puisque, effectivement, on est obligé de constater qu'à l'heure actuelle ils sont presque dérisoires, étant donné les besoins qui existent pour le développement de l'industrie cinématographique québécoise, environ 4 000 000 $, je crois. On se pose la question - même si ce n'est pas dans le projet de loi, cela viendra si on veut donner suite au projet de loi - où percevra-t-on les fonds qui seront nécessaires pour augmenter la capacité de l'industrie du cinéma et de la vidéo de produire autant qu'il le faudrait dans la perspective des objectifs fixés, énoncés dans le projet de loi no 109?

Dans ce contexte, les quatre groupes qui pourraient constituer ce que je pourrais appeler jusqu'à un certain point, si vous me le permettez, M. le ministre des Affaires culturelles, mes clientèles en tant que ministre des Communications, à savoir les gens du secteur de la câblodistribution, de la télédiffusion, de la publicité, rechignent, c'est le cas de le dire, sur un 3% additionnel sur la publicité à la télévision et...

M. Arpin: Je vous remercie, M. le ministre, d'avoir réduit de 3% à 5%. Déjà, on a 2%, il faudrait gagner l'autre 3%.

M. Bertrand: Oui, mais le 2%, je tenais pour acquis que, s'il y avait une décision qui devait être prise, ce serait un 3% ajouté au 2% qui existe déjà.

M. Arpin: Le rapport Fournier propose un beau 5% de plus. On allait de 2% à 7%, mais...

M. Bertrand: Alors donc, 7%...

Le Président (M. Gagnon): Vous avez la parole.

M. Bertrand: ...7% et, dans le cas de la câblodistribution, 10%. D'après les quelques chiffres que j'ai pu recueillir provenant à la fois des organismes comme le vôtre et d'autres sources d'information, il apparaîtrait que 5% de taxe sur la publicité à la télévision rapporterait environ 8 000 000 $ au trésor public et que 10% d'une taxe spéciale pour aider l'industrie du cinéma perçue chez les câblodistributeurs apporterait aussi environ 8 000 000 $. Donc, il y a là un montant substantiel de 16 000 000 $ perçu chez des groupes qui "profitent" - entre guillemets - jusqu'à un certain point, de la présence du cinéma. Cela va de soi, on n'a qu'à regarder ce qui est diffusé à la télévision, que ce soit par des réseaux traditionnels, conventionnels, comme Radio-Canada, Radio-Québec, Télé-Métropole, CTV ou par le biais de la câblodistribution, incluant l'arrivée de la télévision payante. Donc, vous êtes très intimement liés à l'industrie du cinéma, qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas, c'est une partie de votre gagne-pain. Dans cette perspective, l'ajout de ces taxes, qui représentent des montants substantiels, dans votre esprit, va avoir un impact sur le monde de l'industrie de la télévision et, on pourra le voir plus tard, sur l'industrie de la câblodistribution et aussi bien sûr, sur les gens du monde de la publicité; partant de cela, nous ferons des recommandations.

Je serais intéressé de savoir, de votre part, si, effectivement, vous avez constaté au cours des cinq ou six dernières années une évolution quelconque en ce qui concerne, par exemple, ce que représentaient les revenus des entreprises de télévision en termes de publicité? En d'autres mots, est-ce que la tendance est à une décroissance certaine, évidente, qui pourrait mettre en péril l'existence même de certaines entreprises de télévision ou si, au contraire, on peut croire qu'il y a une reprise, qu'il y a de nouvelles possibilités qui se sont développées, au cours des derniers mois, et qui laissent présager une remontée du pourcentage des revenus provenant de la publicité? (12 heures)

M. Arpin: M. le Président, M. le ministre, le constat que notre association fait de l'évolution du budget publicitaire québécois est un constat de réduction. On voit, depuis le début de la conjoncture économique que l'on vit, décroître d'une façon très appréciable les budgets des annonceurs nationaux et aussi des annonceurs locaux.

On a commencé, comme association, à sentir cette problématique chez nos membres du groupe de la radio. Je portais à l'attention du ministre des Communications, il y a quelques semaines, la situation pénible dans laquelle notre association a dû se retrouver, au cours des 18 derniers mois où on a perdu 33 membres sur 70, à cause de la conjoncture économique. 33 de nos membres se sont retirés pour faire une économie de cotisation, cotisation qui n'est pas marginale, mais cotisation qui n'était pas quand même une dépense somptuaire, pour une industrie.

Donc, on a été frappé gravement. Les annonceurs nationaux ont révisé leur politique de mise en marché des produits. Ils ont révisé aussi leur politique de dépense publicitaire. On voit présentement un

déplacement ou une accélération de ce phénomène. Et on voit maintenant la télévision frappée du même problème.

Je mentionnais tantôt 33 défections; des 33, on a eu 31 stations de radio et deux stations de télévision. Ce qui est à noter c'est que les deux stations de télévision se sont retirées très récemment. Quand on constate et qu'on analyse l'évolution du marché de la publicité au Québec, on arrive à la conclusion que cela se restreint. Télé-Métropole, qui a publié récemment ses états financiers trimestriels, a montré une légère diminution de ses revenus publicitaires. Les entreprises qui sont membres de notre association et qui ne publient pas d'états financiers publics nous mentionnent aussi une diminution de la dépense publicitaire.

Donc, on sera affecté pendant combien de temps? C'est difficile à évaluer. La reprise économique est lente, elle est plus lente qu'on l'avait prévu dans les secteurs de la mise en marché. On est plutôt en phase de récupération qu'en phase de relance.

M. Bertrand: Je m'excuse, je voudrais poursuivre un peu là-dessus, si vous me le permettez, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, nous avons dépassé l'heure qui était allouée à ce mémoire. Je ne vois pas d'inconvénient à ce qu'on poursuive, d'ailleurs le consentement a été donné au début, mais je voudrais qu'on puisse entendre l'Association pour le jeune cinéma québécois, avant de suspendre pour le dîner.

M. Bertrand: Alors, je vais essayer de faire en sorte que mes questions soient les plus brèves possible. Je veux quand même obtenir ces chiffres parce qu'il m'apparaît très important qu'avant que le gouvernement ne prenne des décisions relativement à ces nouvelles sources de taxation, autant auprès des entreprises de câblodistribution que des entreprises de télédiffusion, on y regarde de très près quant aux impacts que cela peut avoir, autant sur les entreprises de télévision que sur les entreprises de câblodistribution.

M. Arpin, je vous donne des chiffres. Par exemple, ici; vous dites que vous représentez au Québec 14 entreprises de télévision. Il y en a deux qui ne sont pas membres, ce sont CKRS et CFER, si ma mémoire est bonne.

M. Arpin: Exact.

M. Bertrand: Vous en représentez 14. J'ai des chiffres ici, de 1977 à 1981, autant pour les petites et moyennes entreprises de télévision que pour les grandes entreprises de télévision. Ce que cela laisse transparaître, c'est que le pourcentage de la publicité locale a baissé, autant d'ailleurs chez les grandes que chez les petites, à peu près dans les mêmes proportions, passant environ de 41%, 42% à 36% en l'espace d'environ 5 ans. Il apparaîtrait, je voudrais là-dessus avoir votre information, qu'au cours de l'année 1982, puisque mes chiffres s'arrêtent à 1981, la publicité locale aurait eu tendance à augmenter. Maintenant elle se situerait davantage autour de 40%. D'après les chiffres qu'on aurait des projections, en fait pour le premier trimestre de 1983 - vous allez me dire que ce sont des projections -elle pourrait rejoindre environ 50%. Est-ce que ces chiffres sont exacts?

M. Arpin: M. le ministre, on a fait un sondage auprès de chacun de nos membres pour constater effectivement l'affirmation que vous faites à savoir qu'il y a diminution de la part de la dépense nationale et, par conséquent, une augmentation de la part de la dépense locale, pour l'année 1982. Quant à l'année 1983 - dans ce cas-ci, j'ai des informations très fragmentaires - pour les deux premiers trimestres de 1983, je me retrouve quand même avec des réponses de seulement quatre de mes membres où je constate une diminution appréciable, dans trois cas, de la dépense nationale. Dans un autre cas, il y a un pourcentage identique à celui de 1982.

M. Bertrand: Maintenant, quant aux entreprises que vous représentez, soit les 14 entreprises de télévision, toujours, est-ce que vous avez, au moment où on se parle, des chiffres assez précis relativement au taux de rendement de ces entreprises au cours de la dernière année, par exemple, et au profit ou au déficit de l'ensemble de ces 14 entreprises? Tout à l'heure, vous avez parlé des membres de votre association, mais je crois savoir que, là-dedans, il y a aussi des stations de radio. Dans le domaine des stations de radio, effectivement, on sait qu'il y a environ 50% des stations qui sont déficitaires. Mais quant aux entreprises de télévision, quelle est la situation?

M. Arpin: Je n'ai pas de donnée très précise. Mais je vais demander à M. Roger Hudon, notre vice-président de télévision, un associé du réseau TVA qui est en communication avec ses homologues d'autres régions, de vous fournir un élément de réponse.

M. Hudon (Roger): Je n'aurai pas le chiffre exact du pourcentagee en réponse à votre question concernant le...

M. Bertrand: ...le taux de rendement.

M. Hudon: ...le taux de rendement. Ce que j'ai comme information, cette année, c'est qu'il y a eu une diminution des ventes

d'environ 20% sur l'an passé. Cela s'est senti dans les milieux périphériques, tels Chicoutimi, Rimouski, Jonquière et Rivière-du-Loup, surtout pour une diminution nationale. C'est la raison pour laquelle le pourcentage local a augmenté. Parce que, effectivement, les deux montants ont diminué.

M. Bertrand: Vous êtes, vous-même, M. Hudon, de Télé-Métropole?

M. Hudon: De Chicoutimi.

M. Arpin: De CJPM-TV, à Chicoutimi.

M. Bertrand: D'accord. Vous êtes associé au réseau?

M. Hudon: Oui, je suis associé à TVA.

M. Bertrand: Est-ce qu'il n'est pas exact, contrairement à ce que dit le Conseil des agences de publicité dans son mémoire-organisme que nous rencontrerons un peu plus tard - qu'il y a une faible élasticité des budgets publicitaires consacrés à la télévision et que cela pourrait dissuader plus d'un annonceur d'avoir recours à ce média? N'est-il pas exact que Télé-Métropole et le réseau TVA ont augmenté leur tarif de 10% pour la publicité récemment?

M. Hudon: Non, pas récemment. Peut-être en septembre, comme à chaque année. Mais, pas récemment.

M. Bertrand: C'est ce que j'appelle tout récemment. Enfin, il y a environ six mois.

M. Hudon: Oui. Maintenant, j'imagine que votre sous-question est: Est-ce que la taxe sur la publicité a une influence sur l'achat des publicitaires chez vous? Je pense que oui. Parce que les budgets qui sont consacrés aux stations sont consacrés à des budgets en argent et non en pénétration d'auditoire. Ce qui fait que lorsque les agences de publicité ou les marchands calculent des montants de publicité, ils les calculent uniquement sur leur montant et non pas sur le nombre d'occasions présentées, je dirais.

M. Bertrand: Maintenant, comme je crois bien sentir de toute façon, et je termine là-dessus, que l'industrie de la télévision, loin de vouloir - je pense que ce n'est pas le sens de votre mémoire - se mettre en situation, bien qu'évidemment il y ait une forme de concurrence, car on est dans une situation de libre marché et qu'elle ne veuille pas éviter cette concurrence, mais, au contraire, l'encourager et, si possible, même en profiter comme entreprise, ce qui est normal, ne veut pas décourager les efforts de l'industrie du cinéma de se développer. Par ailleurs, je pense que vous souhaiteriez, si jamais on demandait aux entreprises de télévision ou de câblodistribu-tion - on verra pour les autres tout à l'heure - un certain effort quant à ce qu'on pourrait appeler la participation à une espèce de fonds de soutien, qu'on tienne compte aussi des efforts que les entreprises de télévision elles-mêmes peuvent faire et pourraient faire et donc d'une forme de réinjection de ces sources de revenus au sein des entreprises de télévision payante, dans la mesure où, évidemment, elles sont prêtes à assumer une partie des responsabilités dans le cadre du développement de l'industrie du cinéma. Est-ce qu'on se comprend bien? Est-ce que vous avez bien lu le rapport Fournier dans cette perspective?

M. Arpin: Effectivement, j'allais ajouter à ce que vous venez d'affirmer et reprendre une affirmation qui a été faite un peu plus tôt par M. le ministre des Affaires culturelles, à savoir que 43% des grilles horaires était faits de cinéma et de séries cinématographiques, ce qui me permet de dire que 57% est fait d'autres choses. Et ces autres choses, ce sont la production vidéo, la production faite localement dans chacune des régions, des productions faisant appel à des talents québécois, à des talents locaux, à des artistes, à des musiciens, à des cameramen, à des équipes techniques, à des infrastructures de production. Donc, il ne faut pas négliger non plus ce 57%, ce rôle moteur que joue, entre autres, la télévision dans toute la dynamique de la création de produits audiovisuels.

M. Bertrand: M. le Président, en conclusion, je voudrais simplement adresser aux gens de l'ACRTF un message que, peut-être, je répéterai pour d'autres types d'organismes: II m'apparaît souhaitable qu'effectivement il puisse s'établir une forme de collaboration entre l'industrie du cinéma, l'industrie de la télévision, l'industrie de la câblodistribution, qu'on doive viser à ce que personne ne soit perdant dans la transaction et qu'avant de prendre des décisions quant à de nouvelles sources de taxation - que ce soit pour les entreprises de télévision ou de câblodistribution - on mesure l'impact de ces sources nouvelles de taxation. Et, que dans la mesure où il y en aurait de nouvelles, on puisse s'assurer que, tout en permettant le développement de l'industrie du cinéma - ce à quoi, je pense, tout le monde croit - on n'empêche pas, ce faisant, le développement de l'industrie de la télévision et de la câblodistribution. Je crois qu'à ce point de vue il y aurait lieu de mesurer très sérieusement l'impact de toute nouvelle source de taxation pour ce type d'entreprise.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Oui, Mme la députée de L'Acadie.

Est-ce que vous aviez quelque chose à ajouter, M. Arpin?

M. Arpin: Je vous remercie beaucoup, M. le ministre. Je me permettrai de dire que notre association souhaite également une industrie cinématographique forte au Québec. Il n'y a pas de doute dans notre esprit. Cela va nous stimuler également comme industrie. Si les films sont bons, à la télévision cela devrait être encore meilleur.

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, si le ministre des Communications le permet, j'aimerais lui poser une courte question. En page 10 du mémoire qui vient de nous être présenté, on dit au sujet de la taxe de 2% qui est prélevée sur la publicité électronique et qui - si ma mémoire est bonne - devait être consacrée au service des consommateurs, que les sommes recueillies à la suite de l'imposition de cette taxe n'auraient pas été utilisées à cette fin - en tout cas pas d'une façon globale - et auraient été versées au fonds consolidé du revenu. Est-ce que le ministre peut infirmer ou confirmer cette affirmation du mémoire?

M. Bertrand: Je remercie beaucoup Mme la députée de me poser la question. Cette taxe de 2% qui, effectivement, devait aller directement à la contre-publicité, surtout pour des campagnes contre le tabagisme, l'alcoolisme, etc., depuis un certain nombre d'années ne va pas entièrement à ce type de campagne. Bien sûr, il y a des campagnes, par exemple celle... On en a eu plusieurs de ce type-là...

Mme Lavoie-Roux: Oui, c'est à l'intérieur du ministère des Affaires sociales en général. (12 h 15)

M. Bertrand: ...qui ont été récupérées par le biais d'autres ministères et, pour ce qui est de l'Office de la protection du consommateur, elles vont à d'autres types de communication qui ne sont pas nécessairement de la contre-publicité. Mais dans cette perspective - je crois que je pourrai peut-être joindre mes efforts à ceux du ministre des Affaires culturelles - si nous voulons véritablement nous assurer qu'avant de parler d'une nouvelle taxe de 5% on puisse faire en sorte que cette première taxe de 2%, qui devait aller directement à la contre-publicité, comme on l'appelait à l'époque, puisse être utilisée pour le développement de l'industrie du cinéma. Je pense qu'à ce moment-là, un pas énorme aurait été franchi, dans la mesure évidemment où maintenant on donnerait un nouvel objectif à ce 2% de publicité, qui n'était pas ce qui avait été fixé au départ, mais qui, de toute façon, en cours de route, a pour ainsi dire, je pense, dévié de son objectif initial.

Mme Lavoie-Roux: Alors, ce que le ministre me dit c'est qu'il y a une partie de ce 2% de taxe qui est retournée au fonds consolidé de la province.

M. Bertrand: C'est cela, pour servir à des programmes de publicité, dans certains cas, ou de communication qui vont dans le sens des objectifs qui avaient été fixés à l'époque mais qui ne sont pas nécessairement ce qu'on pourrait appeler de la contre-publicité telle qu'il avait été indiqué dans l'objectif exposé à ce moment-là, dans le contexte de cette perception d'une taxe de 2% auprès des entreprises de télédiffusion sur la publicité diffusée.

M. Marx: Juste une petite question.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: N'est-il pas vrai que le ministre des Finances, M. Parizeau, n'aime pas les taxes qu'on appelle "earmarked taxes". C'est-à-dire qu'on va taxer et on va mettre l'argent dans un programme quelconque. La politique du Québec est de taxer et de mettre tout l'argent dans le fonds consolidé. C'est bien beau. Vous pouvez dire: On va imposer une taxe de 8% pour avoir tant d'argent qu'on va mettre dans le cinéma, mais ce n'est pas sûr qu'il va y aller. C'est-à-dire que, après la perception, c'est versé dans le fonds consolidé et cela peut servir n'importe où.

M. Bertrand: C'est la raison pour laquelle, d'ailleurs - et c'est pourquoi j'ai beaucoup apprécié la question de Mme la députée de L'Acadie - je considère qu'avant de prendre une décision relativement à une surtaxe de 5% pour les entreprises de télévision ou de 10% pour les entreprises de câblodistribution - il ne s'agit pas de surtaxe dans ce cas-là - ce qui représente des montants substantiels que j'évalue à environ 16 000 000 $ d'après les chiffres que j'ai, quand on sait qu'il existe déjà une taxe de 2% prélevée auprès des entreprises de télévision, je pense qu'il faudrait que le ministre des Affaires culturelles et le ministre des Communications, d'un commun accord, travaillent ensemble pour voir de quelle façon, comment dirais-je? on va utiliser les fonds qui seraient ainsi recueillis. Car, dans le domaine de la gestion financière - vous me direz que je n'ai pas à parler au nom du ministre des Finances - quand on

prélève des taxes, celles-ci vont directement d'abord au fonds consolidé et par la suite sont réparties dans différents ministères ou organismes gouvernementaux au moment du dépôt des crédits. Cette opération se fait avant le 31 mars de chaque année. Alors, je crois qu'il s'agit d'avoir là-dessus - c'est pour cela que j'en ai parlé tantôt - des mesures d'impact et s'assurer que ce ne sont pas des façons déguisées de prélever de nouvelles taxes alors que, dans l'esprit du rapport Fournier, le sens qui est donné à ces taxes, c'est de les diriger directement vers l'industrie du cinéma. Voulant, en quelque sorte, me faire le porte-parole ici - et, je pense, à juste titre - des entreprises de télévision et de câblodistribution et des agences de publicité, je veux être bien certain, avant qu'on prenne des décisions là-dessus, qu'on ait un débat, et on l'aura fort probablement, sur le sens à donner à ce type de recommandation.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre.

Mme Lavoie-Roux: II faudra que vous surveilliez le ministre des Finances...

Le Président (M. Gagnon): Merci, MM. Arpin, Hudon et Normandeau ainsi que l'Association canadienne de la radio et de la télévision de langue française de votre mémoire. J'inviterais maintenant l'Association pour le jeune cinéma québécois à se présenter. M. Payette.

Association pour le jeune cinéma québécois

M. Payette (Michel): C'est cela. Michel Payette. Je suis le directeur général de l'Association pour le jeune cinéma québécois.

Le Président (M. Gagnon): Vous avez la parole.

M. Payette: Je m'excuse d'avoir dû venir seul ce matin, étant donné que nous ouvrions hier soir, en même temps que la commission parlementaire ouvrait ici, le quatrième Festival international du film super 8mm du Québec, à Montréal. D'ailleurs, le déplacement de la commission nous a causé quelques problèmes. On a jugé important quand même de se déplacer ce matin. Il faut vous dire qu'hier soir, à l'ouverture du festival, nous avons déjà parlé de cette commission parlementaire et nous avons assuré notre public nombreux que nous viendrions défendre la cause de cette alternative cinématographique dont nous faisons la promotion.

L'Association pour le jeune cinéma québécois se présente à la commission pour soulever un point qui lui semble tout à fait essentiel relativement à la concertation des intervenants dans le développement de l'infrastructure artistique, industrielle et commerciale du cinéma et de la vidéo au Québec.

La technique moderne offre désormais sur le marché des outils de production audiovisuelle légers et économiques, qui tendent à rendre la création cinématographique de plus en plus accessible à l'ensemble des citoyens. Il existe ainsi au Québec un très grand nombre de réalisateurs, fussent-ils qualifiés de jeunes cinéastes, de cinéastes amateurs, cinéastes indépendants, cinéastes artisans, semi-professionnels, non-professionnels, relève, ou quoi encore, qui exercent une activité de production et de création cinématographique appréciable et appréciée.

Ainsi, l'Association pour le jeune cinéma québécois regroupe et représente environ 500 membres, eux-mêmes regroupés à l'intérieur d'instances régionales dans sept, et bientôt neuf, des dix grandes régions administratives du Québec, qui produisent au moins une centaine de courts, moyens et même longs métrages par année.

L'ensemble de cette production n'a rien à envier quantitativement, ni même qualitativement, à la grande production industrielle et commerciale. Son inspiration prend racine dans la réalité quotidienne et l'imaginaire collectif de notre peuple. Elle constitue un témoignage authentique de la culture populaire des Québécois.

Or, pour un gouvernement qui a toujours prétendu vouloir favoriser une telle notion de développement culturel populaire ouvert à l'ensemble de cette réalité vécue quotidiennement par les Québécois, et rendant la création accessible aux expressions de culture de tous les citoyens, force est de reconnaître que ceux-ci se trouvent totalement exclus du présent projet de loi, qui ne semble faire place à autre chose qu'à une concertation de la grande industrie. Il s'agit là d'une position politiquement inacceptable, puisque la grande majorité des citoyens créateurs se trouve totalement ignorée du projet, au profit d'une élite commerciale et industrielle déjà fort privilégiée.

Pourtant, la grande industrie elle-même aurait avantage à collaborer et à s'associer plus étroitement au travail de la relève. Le cinéma, comme commerce, est un spectacle de divertissement. Pour survivre et réussir, il doit sans cesse renouveler son réservoir de talents. À la limite, l'industrie du cinéma devrait peut-être s'inspirer à ce sujet de celle du sport qui, elle, n'a jamais ignoré que son avenir à long terme dépendait d'abord et avant tout de la relève qu'elle saurait préparer. Il nous semble qu'une véritable politique cinématographique devrait donc s'élaborer à partir d'une concertation

de tous les intervenants du cinéma au Québec.

D'ailleurs, le rapport de la récente tournée du ministre des Affaires culturelles souligne très clairement et dramatiquement l'absence de concertation entre le ministère des Affaires culturelles et ses ministères partenaires, dont la division, entre autres, socio-culturelle du ministère du Loisir, de la Chasse et de Pêche.

Voilà donc, selon nous, une belle occasion de concrétiser enfin ces projets de concertation autrement que par des paroles. Puisque c'est à l'Institut québécois du cinéma et de la vidéo que devront s'élaborer les grandes lignes de la politique cinématographique du Québec, nous jugeons essentiel qu'y soit représentée cette vaste majorité de citoyens créateurs, qui ne saurait tolérer d'être ainsi exclue du projet de loi. Vous excuserez le jeu de mots un peu facile en vous disant que c'est un peu de sang neuf qu'il faudrait dans ce projet de loi no 109.

En résumé donc, étant donné les objectifs de la politique du cinéma qui sont définis à l'article 3 du présent projet de loi no 109; étant donné que la poursuite de ces objectifs ne peut se faire qu'à partir d'une véritable concertation de tous les intervenants du milieu et de l'industrie du cinéma au Québec; étant donné que l'Institut québécois du cinéma et de la vidéo est appelé à devenir le lieu privilégié de cette concertation, en vertu des fonctions qui lui sont attribuées aux articles 33 et 34 de la loi; étant donné qu'un grand nombre de citoyens du Québec, couvrant un secteur important de l'activité cinématographique se trouvent largement ignorés et nullement représentés à l'intérieur des groupes définis à l'article 16 composant le conseil d'administration de l'institut; étant donné que les énoncés de politique du gouvernement en matière culturelle ont pourtant toujours favorisé une notion de développement culturel axé non seulement sur la culture d'élite, la "grande culture", mais aussi sur une notion d'accessibilité aux instruments de création et d'expression de la culture populaire inspirée de la réalité quotidienne et de l'imaginaire collectif de tous les Québécois; étant donné que, à cet effet, le manque de concertation entre les différents ministères impliqués dans le développement culturel vient d'être à nouveau souligné au ministre lors de sa récente tournée; enfin, que le développement de la relève doit consituer une des lignes de force du développement à long terme d'une véritable infrastructure artistique, industrielle et commerciale du cinéma et de la vidéo; l'Association pour le jeune cinéma québécois et ses groupes régionaux ou affiliés proposent; d'abord, que soit ajouté à l'article 16 un neuvième groupe représenté au conseil d'administration de l'institut, désignant les citoyens créateurs mentionnés précédemment, que l'on pourrait peut-être regrouper sous le vocable, entre autres, de "la relève"; et qu'en vertu de son mandat national, de sa représentativité régionale, de son caractère démocratique et du travail qu'elle accomplit depuis plusieurs années, l'Association pour le jeune cinéma québécois soit reconnue comme un digne représentant de ce mouvement populaire d'expression cinématographique de la part des citoyens du Québec.

Je pourrais en savoir plus long sur cette chose. Malheureusement la commission coïncidait avec le Festival du film super 8mm qui s'est ouvert à Montréal. Je vous souligne qu'on y présente cette année une centaine de films, dont une cinquantaine de films québécois qui proviennent de toutes les régions du Québec, une cinquantaine de films qui proviennent d'une vingtaine de pays, et que là l'expression d'une culture populaire est tout à fait authentique.

Le Président (M. Gagnon): Merci M. Payette. M. le ministre.

M. Richard: Je voudrais vous remercier, M. Payette, de votre présentation et de l'intérêt que vous portez à la cause du cinéma québécois.

Si j'ai bien compris le sens et la portée de votre mémoire, vous seriez d'accord avec l'économie générale des propositions contenues dans le projet de loi no 109, sauf que vous nous indiquez que votre association souhaiterait occuper un siège au conseil d'administration du nouvel Institut québécois du cinéma.

Je voudrais juste vous signaler qu'il y a beaucoup de demandes pour occuper un siège à l'Institut québécois du cinéma et on va peut-être se retrouver - sans faire de jeu de mot cette fois - avec 120 personnes au sein du conseil d'administration. Cela pose évidemment une difficulté: c'est qu'il serait souhaitable, bien sûr, que le plus grand nombre d'associations soient présentes au sein du conseil d'administration de l'Institut québécois du cinéma mais, d'autre part, on ne peut tout de même pas élargir ce conseil à plus de douze membres. Je vous rappelle, à cet égard, que l'Institut québécois du cinéma lui-même nous propose de le réduire de douze à dix membres mais que tous les autres nous demandent un siège de plus. Cela va être un petit peu problématique mais ce que je vous indique immédiatement, c'est qu'il y a quatre membres du conseil d'administration qui vont être nommés par le Conseil des ministres et qu'on tiendra compte des associations les plus représentatives et des associations qui, par la force des choses, se sont trouvées exclues dans le projet de loi.

M. Payette: J'apprécie tout de même le fait que vous prendrez cette chose en considération. Je suis bien conscient qu'il y a effectivement énormément d'organismes qui vont réclamer des sièges au conseil d'administration. Ce sera à vous d'en juger plus tard.

On voulait soulever aussi un problème très spécifique: l'espèce d'isolement qu'on a eu du fait de cette concertation interministérielle qui est dure à saisir et dont on parle depuis longtemps. L'association fait historiquement affaire avec le ministère du Loisir et le dossier a déjà passé un certain temps aux Affaires culturelles puisqu'il est revenu au ministère du Loisir. (12 h 30)

II est difficile de départager la zone grise entre les deux et on nous a promis cette concertation. On cherche encore de quelle façon elle pourrait se réaliser concrètement. Si on décide une politique cinématographique d'ensemble, il serait bien qu'à un moment donné on puisse vraiment avoir un lieu où on puisse discuter de cinéma à partir du tout début, des gens qui commencent à faire du cinéma et voir comment on va élargir les bases de création pour aller jusqu'au grand long métrage de prestige québécois; on pourrait en sortir un ou deux par année. Je crois que c'est un cas particulier et qui recoupe un ensemble d'intervenants dans tout le Québec. Je crois que la création cinématographique perce difficilement dans les régions. Il n'y a pas beaucoup d'organismes qui ont réussi au niveau du cinéma à s'implanter régionalement et à susciter une création et une production. À ce niveau, nous proposons des solutions qui font de plus en plus leurs preuves dans différentes régions du Québec.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Laprairie.

M. Saintonge: J'ai une question à vous poser, M. Payette. Vous faites allusion dans votre mémoire à la concertation des gens du milieu. Vous mentionnez que même le ministre a reconnu l'absence de concertation entre le ministère des Affaires culturelles et d'autres ministères. Quelle serait la concertation souhaitée pour vous entre le ministère des Affaires culturelles et les autres ministères pour favoriser les gens du cinéma et les jeunes cinéastes?

M. Payette: Nous avons clairement un mandat qui débute dans le champ du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, en ce sens qu'on essaie de promouvoir l'accessibilité de l'expression cinématographique à tous les citoyens. Je dis souvent, et je suis sûr que c'est le cas parmi les membres de la commission permanente des affaires culturelles: Qui n'a pas un jour pensé faire un film, qui ne s'est jamais dit: Si je faisais un film, je ferais telle chose? On essaie de rendre cette chose possible pour quiconque veut s'exprimer par le médium. On débute dans ce sens dans le terrain du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

M. Saintonge: Classification amateurs-professionnels.

M. Payette: Mais on aboutit dans le domaine du ministère des Affaires culturelles en termes de développement à travers tout cela. Par exemple, le festival vise cette année à présenter la création qui se fait dans une année et les nouveaux talents; ils ne sont pas toujours jeunes en âge, mais c'est en termes de la durée de temps qu'ils ont comme créateurs. À ce moment-là, on débouche sur le terrain du ministère des Affaires culturelles et sur un aspect commercial et industriel où on propose des possibilités, j'oserais dire douces et écologiques, pour employer une analogie avec le secteur de l'énergie. On parle aussi de rentabiliser les films québécois sur un marché restreint, de façon à produire de façon locale et autonome à faible coût pour des marchés restreints. Notre mandat touche à deux ministères; c'est pour cela qu'on dit qu'il faut trouver un moyen de ne pas se faire constamment relancer la balle d'un ministère à l'autre, voir de quelle façon on peut penser au développement d'une relève et qu'il y ait un lieu où la relève, le milieu du jeune cinéma puisse discuter avec l'industrie professionnelle et voir de quelle façon on peut se concerter.

M. Saintonge: Je vais vous souhaiter la concertation, mais je vous demanderais s'il n'y aurait pas un moyen, selon votre expérience, de faire une concertation utile entre le ministère des Affaires culturelles, le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche et le ministère de l'Éducation, j'imagine aussi, possiblement.

M. Payette: Oui. On cherche la façon de faire cette concertation. On parle des problèmes qu'on a vécus à ce niveau-là. Entre autres, on sent que les portes sont plutôt fermées du côté de l'Institut québécois du cinéma quant à ce qu'on propose. Il faudrait avoir des discussions quelque part à ce niveau. Elles sont difficiles à concrétiser et à matérialiser. On dit: Oui, oui, oui, il y a une concertation interministérielle, semble-t-il, entre les comités de fonctionnaires ou de sous-ministres, mais on ne voit rien de tangible. On pense qu'on pourrait la faire en étant au conseil d'administration de l'institut avec les gens du milieu officiel du cinéma au Québec.

Le Président (M. Gagnon): Mme la

députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Ma question ne touche pas le contenu de votre mémoire, mais j'imagine que vous réfléchissez quotidiennement sur le cinéma québécois...

M. Payette: Oui.

M. Lavoie-Roux: ...et son avenir, ses chances de développement, etc. Des affirmations ont été faites ici, hier soir, et même un peu ce matin, mais peut-être davantage hier soir, sur l'avenir du cinéma québécois. Vous avez parlé de rentabilité et, d'un autre côté, vous parlez aussi d'auditoires restreints dans le cas du cinéma à caractère plus régional. On a eu des affirmations disant qu'on devrait peut-être se concentrer sur des courts métrages, plutôt que des longs métrages, de type documentaire comme, je pense, ce que l'Office national du film a fait traditionnellement. Hier, on a interrogé les gens du cinéma parallèle qui ont exprimé des vues sur la difficulté de pénétration du cinéma québécois même à l'intérieur du Québec. Est-ce que vous avez ce même sentiment? Quelles sont les causes? On pourrait mettre beaucoup d'argent et la pénétration pourrait ne pas se faire davantage. Il y a deux questions: Premièrement, quant aux difficultés de pénétration du cinéma québécois auprès des auditoires québécois et, deuxièmement, quant à l'avenir des longs métrages au Québec, compte tenu de leur coût et compte tenu de leurs possibilités de diffusion. Le seul auquel je peux me référer - il y en a peut-être d'autres - je pense aux Plouffe avec lequel on espérait une diffusion à l'étranger, qu'on a tenté avec un succès...

M. Richard: Attention...

Mme Lavoie-Roux: ...bien relatif. Est-ce que je me trompe?

M. Richard: Oui, Mme la député de L'Acadie, c'est qu'on avait escompté un énorme succès en France, qui n'a pas eu lieu, il faut le reconnaître; il y a eu un succès relatif, mais pas un énorme succès, pour toutes sortes de raisons. Mais, le film "Les Plouffe" a été vendu à plusieurs télévisions étrangères, notamment, si je ne m'abuse, à la télévision brésilienne. Vous voyez, c'est un peu comme cela qu'on peut un tant soit peu rétablir notre balance des paiements, parce qu'on achète tellement de l'étranger en la matière qu'il devient important qu'on vende une part aux télévisions étrangères et qu'il y ait une part du cinéma québécois qui soit exportable. Je ne prétends pas que tout le cinéma québécois peut et doit être exportable, mais il y a une part qui doit l'être, ne serait-ce que pour compenser notre balance des paiements qui est dramatiquement déficitaire.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que, finalement - je pourrais revenir après - "Les Plouffe" a été un projet rentable?

M. Richard: II ne fera pas les profits escomptés, mais je crois savoir qu'il pourra, éventuellement, faire ses frais.

Mme Lavoie-Roux: Alors...

M. Richard: Ce qui est déjà considérable...

Mme Lavoie-Roux: Oui, oui.

M. Richard: ...parce que c'est avec des ventes à l'étranger; donc, ce sont des entrées de devises.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie, M. le ministre. Je reviens à mes deux questions: Quelles sont les difficultés, à votre point de vue, de pénétration du cinéma québécois auprès d'auditoires québécois et, deuxièmement, selon vos réflexions, non seulement de vous, mais des jeunes qui sont associés avec vous, quelle est la rentabilité à long terme de s'engager dans le développement et la production de longs métrages par rapport à des courts métrages à caractère plus restrictif et limité?

Le Président (M. Gagnon): M. Payette.

M. Payette: Je ne suis pas certain si je vais vraiment pouvoir répondre à toutes vos questions. Une réflexion qu'on se fait, c'est que la diffusion pour les films québécois se fait beaucoup par la télévision, comme pour le cinéma en général. Avec la multiplication des canaux de télévision, avec la télévision à péage et toutes ces choses, on aura le choix entre deux possibilités: c'est qu'il va y avoir un "dumping" d'émissions américaines traduites et vendues ici à bas prix et la seule façon de les concurrencer c'est peut-être par des produits qui seraient économiques, qui pourraient rivaliser par le prix et qui pourraient rivaliser, au niveau de l'intérêt, par la pertinence et l'originalité de leur contenu, en s'adressant spécifiquement à des clientèles locales sur des problèmes qui les concernent.

Dans ce sens-là, nous on pense qu'il y a de la place pour du court, moyen et long métrage, documentaire, de fiction ou de toutes sortes, et qui seraient un authentique reflet d'une réalité vécue ici et qui pourrait rejoindre ces publics-là. On n'a pas nécessairement besoin de produire des films avec des immenses budgets pour atteindre la

clientèle d'ici, voire même de l'étranger. M. le ministre soulignait la vente des "Plouffe" à la télévision brésilienne; on a vendu des petits et courts métrages super 8mm à la télévision belge et française récemment; ce n'est peut-être pas suffisant pour rétablir la balance des paiements, mais c'est un début.

Mme Lavoie-Roux: Mais cette difficulté de pénétration auprès des auditoires québécois, est-ce que vous la sentez ou si elle n'existe pas? C'est un peu le contraire qu'on a entendu ici.

M. Payette: La difficulté auprès des télédiffuseurs...

Mme Lavoie-Roux: ...des auditoires québécois.

M. Payette: Je veux dire que pour nous, cela va assez bien. On découvre un certain engouement partout où l'on va. Les gens reviennent voir ces films et ils sont intéressés à voir ce que des gens ordinaires ont fait, ce que des gens ordinaires avec un petit plus de talent ont fait et font, et même de voir ce que leur voisin a à dire, ce qu'il peut faire, comment il peut s'exprimer, voir même, peut-être, comment eux-mêmes pourraient un jour, non seulement être strictement passifs, mais participer et devenir actifs dans tout cela.

Là-dessus, le rapport Fournier, dans ses derniers chapitres parle d'éducation, de développement de la culture cinématographique au Québec, de l'école du cinéma, etc. Je pense qu'il y a des alternatives populaires d'éducation et d'information là-dessus.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie. Je n'ai pas l'impression d'avoir eu une réponse à ma question mais je comprends que vous, c'est votre domaine, alors vous dites qu'il faut trouver d'autres moyens de pénétrer, peut-être avec des choses plus restreintes au plan budgétaire qui permettraient une meilleure rentabilisation.

M. Payette: Je n'ai pas vu de...

Mme Lavoie-Roux: Voici ma question précise: vous, vous ne voyez pas de difficulté à la pénétration du marché québécois?

M. Payette: Non.

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Saint-Henri.

M. Dupré: Votre festival international du film, que vous annoncez très délicatement à la télévision, est-ce que c'est parrainé ou si vous êtes enfin parrainé ou patronné par le ministère des Affaires culturelles?

M. Payette: Je suis presque heureux que vous me posiez la question. Nous avons de l'aide, à ce niveau, de plusieurs organismes, à partir du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, du ministère des Affaires intergouvernementales, du ministère de l'Éducation, le bureau des festivals d'Ottawa, l'Office national du film et en bas de la liste, l'Institut québécois du cinéma qui a attribué 500 $ à l'organisation de notre festival. Je vous avoue que si on en avait eu les moyens, le comité organisateur, je pense, aurait retourné le chèque.

M. Hains: Est-ce que ce serait une bonne chose si vous étiez patronné comme cela par le ministère des Affaires culturelles pour aider vraiment le travail que vous faites? C'est un travail de pionnier auprès de la jeunesse d'aujourd'hui.

M. Payette: Je pense qu'il faudrait une meilleure implication, en termes concrets et financiers, du ministère des Affaires culturelles dans ce domaine.

M. Hains: Vous pourriez avoir aussi, en même temps peut-être, des prix d'excellence qui pourraient aller avec cela. Une distribution, peut-être pas d'Oscars, mais de "Cléments" qui pourraient aider tous nos jeunes à continuer à s'intéresser à cet art cinématographique.

Une voix: Pourquoi pas?

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Richard: J'ai eu l'occasion d'indiquer hier, peut-être que le député de Saint-Henri était distrait à ce moment-là, que, puisqu'il y a un organisme chargé spécifiquement de subventionner toutes les personnes morales ou physiques qui s'occupent de cinéma québécois, le ministère des Affaires culturelles et le ministre des Affaires culturelles se sont toujours interdit d'intervenir à l'encontre des décisions de l'Institut québécois du cinéma. Vous seriez le premier, j'en suis convaincu, M. le député de Saint-Henri, à me reprocher d'intervenir en quelque sorte en appel des décisions de l'Institut québécois du cinéma. Je peux vous dire que je n'ai jamais voulu intervenir malgré toutes les demandes. Autrement, c'est toute la structure même de l'Institut québécois du cinéma qui serait remise en cause.

Alors, quelle que soit la sympathie que je peux éprouver parfois pour certains organismes, j'ai toujours laissé le soin à l'Institut québécois du cinéma, mieux placé que le ministre, car c'est pour cela qu'on a

une loi et que le Parti libéral a créé, il y a quelques années, l'Institut québécois du cinéma, M. le député de Saint-Henri. Alors, vous ne me demanderez tout de même pas d'intervenir à l'encontre des décisions de l'Institut québécois du cinéma. Je suis sûr que ce n'est pas ce que vous vouliez dire, n'est-ce pas?

M. Hains: Non, non, mais vous avez justement derrière vous le président de l'institut, je crois. Alors, il serait bon de faire parvenir votre demande et toutes les suggestions que je vous ai faites à ce sujet.

Le Président (M. Gagnon): M. Payette.

M. Payette: C'est dans ce sens que je pense que, à la base, il faudrait avoir de meilleures discussions avec l'institut. Il est difficile de faire valoir nos dossiers. On a beau les préparer du mieux qu'on peut et y mettre énormément d'énergie, il est difficile parfois de pénétrer jusqu'au conseil d'administration de l'institut pour les défendre.

Mme Lavoie-Roux: ...du Parti québécois, d'après ce que je crois comprendre.

Le Président (M. Gagnon): Oui, merci.

M. Payette: J'aurais encore une petite chose importante à souligner. Dans la liste des regroupements régionaux affiliés à l'association qui est là, c'est par erreur qu'a été inscrit le RIICEQ, le Regroupement des intervenants de l'industrie du cinéma de l'Est du Québec. Je crois que vous l'avez entendu hier. Ce regroupement collabore avec nous sur certains dossiers. Entre autres, il s'occupe de la présentation du festival à Rimouski et à Rivière-du-Loup. Je voulais clarifier cela, parce que j'en ai discuté avec eux. Il n'y a aucun protocole formel qui a été signé. Comme je vous le dis, c'est un groupe qui collaborait avec nous. On ne voudrait pas que vous croyiez que les revendications de RIICEQ se trouvent incluses dans celles de l'association. Ils font vraiment un travail en région qui est tout à fait différent du nôtre. Je dirais même qu'ils font justement une concertation à partir de la relève jusqu'au développement de l'industrie en région, comme on souhaiterait peut-être que cela se fasse à l'échelle du Québec. Donc, je ne voudrais pas nuire à leur propre mémoire.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Michel Payette. Bonne chance à votre festival. Je remercie aussi l'association que vous représentez. Nous suspendons nos travaux jusqu'à 15 heures.

M. Payette: On vous a laissé le programme du festival à l'arrière.

Le Président (M. Gagnon): Merci. (Suspension de la séance à 12 h 48)

(Reprise de la séance à 15 h 10)

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission des affaires culturelles poursuit ses travaux. À la suspension pour le dîner, nous en étions rendus au groupe Alliance Québec. Est-ce ce groupe qu'on voit à la table?

M. Parisella (John): Oui, c'est bien ça, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Alors, je vous laisse la parole. Nous nous étions entendus pour vingt minutes pour le dépôt du mémoire et vingt minutes de questions de chaque côté, c'est-à-dire une heure environ pour chaque mémoire. M. Brooks?

Alliance Québec

M. Parisella: Merci beaucoup. M. le Président, messieurs les membres de la commission parlementaire, membres du parti ministériel et du parti de l'Opposition...

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que vous pourriez vous identifier?

M. Parisella: Oui, je vais m'identifier. Mon nom est John Parisella. Je suis directeur du programme d'emplois et des affaires du groupe Alliance Québec. Je suis assisté aujourd'hui par notre directeur des communications et préposé à la culture, M. Bill Brooks.

Je dois, au départ, présenter des excuses de la part de M. Campbell Gordon, qui devait présenter le mémoire aujourd'hui.

À cause de ses obligations professionnelles, il n'a pas pu se rendre. Je voudrais faire une mention spéciale à Me Daniel Levenson, jeune avocat, qui a eu une très grande participation dans la préparation de ce mémoire.

J'aimerais vous offrir mes excuses et les excuses de l'Alliance pour notre retard de ce matin. Nous sommes partis de Montréal ce matin, mais je dois dire que c'est beaucoup plus accueillant à l'intérieur de la salle qu'à l'extérieur à cause de la température. Donc, j'espère ne pas vous désappointer dans les moments qui viennent.

Avant de faire la lecture du mémoire, je pense qu'il serait peut-être bon de dire quelques mots au sujet du groupe que je représente. Le groupe Alliance Québec a été créé, a été fondé au mois de janvier de l'an dernier. Il a tenu son premier congrès où il

y a eu, pour la première fois peut-être dans l'histoire de la communauté anglophone du Québec, une sélection de leaders de façon démocratique et l'élaboration d'un programme d'action que nous avons déposé auprès du premier ministre dans les jours qui ont suivi le premier congrès.

En fait, Alliance Québec est un projet social très ambitieux car notre but est d'essayer de contribuer, le plus positivement possible, à l'évolution du Québec en reconnaissant clairement et sans équivoque la primauté du français au Québec, mais en demandant et en faisant la promotion du respect des droits de la minorité d'expression anglaise du Québec.

En conséquence, nous faisons des représentations depuis plusieurs mois, spécifiquement, malgré qu'il faille quand même être très précis et très honnête, en disant que les représentations que nous faisons sont faites depuis plusieurs années par d'autres groupes et concernent le domaine des affaires sociales et des services sociaux, le domaine de l'éducation et le domaine de l'emploi.

Ces représentations ont pour but de promouvoir un sentiment d'appartenance au Québec dans la communauté anglophone et d'établir le dialogue avec la communauté majoritaire du Québec dans le but d'établir un équilibre linguistique où, en somme, l'évolution d'une communauté se ferait de façon positive et constructive pour l'avenir du Québec.

Pour nous, on peut définir la communauté anglophone comme une communauté linguistique contrairement aux définitions qui, d'après nous, sont beaucoup plus restrictives, celles qui ont tendance à voir le Québec comme étant une société homogène francophone avec des groupes culturels. Nous reconnaissons la dimension, le caractère français du Québec, mais, pour nous, la communauté anglophone représente une communauté linguistique avec les différents groupes culturels qui en font partie.

Plusieurs, peut-être, vont se demander pourquoi Alliance Québec fait des représentations sur un projet de loi dans le domaine du cinéma et de la vidéo. Je vois le député de Saint-Jean qui signale que cela lui est venu à l'esprit. En somme, nous avons élaboré une politique dans le domaine de la culture lors de notre premier congrès. Mais, de plus, nous croyons que ce sujet, ce dossier, touche la dimension des idées, la liberté d'expression et la créativité. Pour nous, c'est une question de droit fondamental et nous croyons que c'est à ce moment-ci, alors que le Québec est en train de se doter d'un projet de loi, en vue d'une loi future sur ce sujet, que la communauté anglophone du Québec doit faire une représentation de la façon la plus positive dans un contexte québécois.

Avant de faire la lecture du mémoire, j'aimerais juste signaler qu'effectivement, pour les raisons que je viens de souligner il y a quelques instants, notre but n'est pas de faire des représentations sur les aspects les plus techniques de la loi. C'est surtout pour attirer votre attention sur le fait que nous sommes effectivement en faveur des objectifs de la loi et que l'atteinte de ces objectifs ne doit pas se faire de façon à pénaliser une communauté ou une autre ou à nier l'existence d'une certaine diversité culturelle. Nous ne croyons pas que la loi vise cela, mais c'est simplement, on peut dire, un rappel ou une représentation dans le but que cela soit clair dans l'esprit des législateurs des deux côtés de la commission.

En plus de cela, nos représentations viseront la dimension de la liberté d'expression et la créativité. Nous vous ferons part de certaines inquiétudes face à la loi d'une façon spécifique. Donc, pour ne pas prendre plus de temps qu'il ne m'en reste, je commence la lecture du mémoire.

Les principaux objectifs du projet de loi sur le cinéma et la vidéo sont de toute évidence d'enrourager le développement d'une industrie endogène du film québécois et de promouvoir le développement du cinéma québécois et la dissémination d'une culture cinématographique au Québec. L'initiative du gouvernement dans la promotion de ces buts économiques et culturels ne peut que recevoir le plein appui des Québécois de toute origine culturelle. Néanmoins, un projet législatif pour engendrer l'accomplissement de ces buts doit, à notre avis, être conçu et formulé avec soin pour ne pas être au détriment de la diversité culturelle du Québec, ni diminuer le droit fondamental de tout Québécois à la liberté d'expression et d'accès aux idées exprimées de quelque manière que ce soit.

La politique gouvernementale dans le domaine culturel ainsi que la législation de mise en oeuvre d'une telle politique devraient être destinées à promouvoir la dissémination d'un ensemble complet d'idées. À cette fin, l'encouragement de la culture québécoise pourrait s'accomplir d'une façon positive en stimulant le développement des instruments d'expression des communautés culturelles qui composent le Québec et en améliorant l'accès à des expressions du genre, plutôt qu'en restreignant un tel développement et un tel accès, ou en limitant l'accès à l'expression des idées dont l'origine est à l'extérieur du Québec.

Alliance Québec est heureuse de noter la reconnaissance explicitement accordée dans le statut proposé à l'importance majeure du respect de la liberté d'expression et de créativité. Alliance Québec appuie pleinement l'intention évidente du projet législatif d'accélérer le processus d'accès du

public québécois aux versions françaises de films en versions autres qu'en français, de stimuler la production de films au Québec et de promouvoir le développement et la conservation du cinéma qui reflète la culture québécoise ainsi qu'un système ordonné de distribution et de diffusion de films au Québec.

En étudiant le projet législatif, Alliance Québec base son analyse sur les mêmes principes fondamentaux que ceux qui concernent toute question qui porte sur la langue. Nous croyons qu'il est important de protéger la langue et la culture française au Québec, mais nous croyons aussi que ceci peut s'accomplir sans pénaliser la communauté anglophone. Ce n'est pas mutuellement exclusif que de considérer comme des buts de doter les deux communautés linguistiques de dignité et de sécurité.

Nous sommes sans équivoque, comme nous l'avons mentionné dans le mémoire, en faveur de la protection et de la promotion de la langue française au Québec. Je pense que c'est peut-être bon de noter que la communauté anglophone a non seulement dit ces paroles, mais elle a quand même fait d'énormes progrès dans les dernières années.

À titre d'exemple, il y a au-delà de 18 000 enfants qui sont présentement inscrits dans les écoles françaises qui, selon les articles de la 101, ont accès à l'école anglaise, mais qui sont présentement inscrits à l'école française. Je pense que c'est un aspect très positif.

Nous avons récemment obtenu du gouvernement fédéral, dans le domaine de l'emploi, que les unilingues anglophones aient la possibilité de suivre des cours de français à temps plein, des cours intensifs qui pourront durer trois, quatre ou six semaines, dans le but de s'intégrer sur le marché du travail québécois et qui n'auraient pas à prouver leur disponibilité de travail pour cette période. Donc, c'est un aspect positif d'encourager l'intégration et la connaissance de la langue française, de la part de la minorité.

Dans le domaine des hôpitaux, vous avez l'article 20 de la loi 101 qui touche la question des tests pour l'engagement, les promotions et les transferts. La plupart des hôpitaux qu'on qualifie d'expression anglaise ont déjà commencé à préparer des tests dans le but d'atteindre l'objectif de la loi. Donc, je pense que c'est important de noter cette dimension, qu'il y a eu d'énormes progrès positifs plutôt que de trop s'arrêter, à mon avis, sur des aspects qui sont en train de se corriger. Je pense qu'il y a certainement une volonté positive de la part de la communauté.

Les inquiétudes d'Alliance Québec se résument au domaine suivant: In certain instances, the proposed provisions are unduly vague or ambiguous and, as a result, may be open to misinterpretation or misapplication ways which are not conductive to the achievement of the fullest possible range of benefits to Quebeckers. Similarly, and with the same potentially adverse consequences, a great deal of precisions is left to the regulation making powers conferred on the Minister or the other bodies charged under the proposed Legislation with a variety of possibilities.

En somme, nous avons certaines inquiétudes qui touchent certains termes auxquels je vais faire référence dans quelques instants. Je pense que c'est peut-être vraiment de mise de les porter à votre attention et peut-être d'avoir certaines précisions, lorsque vous allez considérer des modifications possibles à la loi.

La deuxième inquiétude se résume comme suit: Certain provisions of the proposed law may have the effect of limiting the access of the Québec public to non-French language, specifically English films, rather than promoting access to French language versions of such films.

En somme, pour nous, imposer des restrictions va à l'encontre de la liberté d'expression. C'est dans cette perspective que nous portons ces inquiétudes à votre attention.

L'article 3. Bien que le paragraphe 1 ait pour but la promotion d'une infrastructure d'une industrie du film québécois, le paragraphe 2 s'adresse au développement d'un "cinéma québécois". Cette déclaration en termes généraux, sur le développement d'un cinéma québécois, est désirable. Toutefois, devant l'absence de définition de ce terme, il devient impossible de déterminer l'étendue qu'il pourrait avoir. Tel que reflété dans le paragraphe 1, il semble que ce soit un objectif sain que d'encourager la production de films généralement au Québec sans égard à la perspective et au contenu culturel.

Selon notre jugement, la notion de cinéma québécois devrait être plus clairement définie pour assurer le développement d'une infrastructure équilibrée de l'industrie du film et éviter ou bien l'exclusion de communautés culturelles particulières d'un appui gouvernemental ou bien toute autre restriction à l'usage de n'importe quelle communauté culturelle des moyens cinématographiques de s'exprimer.

Nous reconnaissons, il n'y a pas de doute, je pense qu'il faut quand même le signaler, que le gouvernement du Québec a une responsabilité première dans le développement de cette industrie pour la population francophone du Québec. Je pense que c'est à signaler et à reconnaître que, à notre avis, si le gouvernement du Québec ne prend pas des mesures, on peut se poser la question à savoir qui les prendra pour

atteindre les buts. Par contre, cette reconnaissance de la réalité québécoise ne devrait pas aller à l'encontre de la diversité culturelle dont nous nous faisons le porte-parole en ce moment.

Articles 37 et 61. D'une façon similaire, le projet législatif attache beaucoup d'importance à la notion de "film québécois", un terme qui n'est pas défini. Malgré l'absence de définition, la Société générale du cinéma et de la vidéo est chargée, entre autres choses, de promouvoir ou de fournir de l'assistance financière en ce qui a trait aux films québécois, avec la responsabilité d'identifier les oeuvres qui sont des films québécois en accord avec les normes prescrites par l'Institut québécois du cinéma et de la vidéo. Les normes pour reconnaître une oeuvre comme film québécois sont à établir par l'institut par règlement, après consultation auprès de la société. Il y a un besoin de définir les termes "film québécois" de façon à reconnaître la fresque de la diversité culturelle du Québec et les avantages sociaux, économiques et culturels de l'industrie équilibrée du film qui encourage le plus vaste éventail d'expression d'idées culturelles ou autres. Nous aimerions aussi recommander qu'on garantisse encore plus la nature représentative de la composition de l'institut par l'inclusion d'un ou plusieurs représentants du public consommateur.

En ce qui concerne l'institut, la régie et la société qui seront établis par cette loi, nous rappelons au gouvernement son engagement déclaré d'augmenter la représentation non francophone aux commissions nommées par le gouvernement.

Je pense que des rapports, qui ont été rendus publics, ont indiqué ou ont démontré un certain manque de représentativité. Le gouvernement s'est montré, à notre avis, très sensible à cette dimension-là. C'est évidemment reconnu non seulement dans le livre blanc sur la culture, mais aussi spécifiquement dans le volume "Autant de façons d'être québécois", le plan d'action que le gouvernement a mis sur pied il y a environ deux ans.

Quant aux pouvoirs de réglementation, il suffit de dire que l'exercice de ces pouvoirs devra être suivi d'une façon vigilante pour assurer que les objectifs qui sont les priorités déclarées de la loi soient atteints sans enlever de la diversité culturelle québécoise ou enfreindre la créativité et la liberté d'expression de n'importe quel secteur particulier de la société québécoise.

Les articles 77 et 116. L'article 77 donne à la régie le pouvoir de décider si un film "ne porte pas atteinte à l'ordre public ou aux bonnes moeurs". Les conséquences de cette détermination par la régie sont d'une importance considérable pour la société québécoise puisque c'est sur cette base qu'on peut interdire ou limiter l'exploitation de films. Dans l'exercice de tels pouvoirs, il est clair qu'on requiert de la régie d'en déterminer les limites selon certains droits fondamentaux garantis par la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, tels que la liberté d'expression. (15 h 30)

Toutes les fois qu'une loi ou qu'un organisme qui en découle porte sur les libertés fondamentales, toutes les précautions doivent être prises pour protéger ces libertés. Puisque la régie aura le mandat de prendre des décisions portant sur les droits fondamentaux, nous suggérons que l'article 116, qui porte sur la nomination des membres de la régie, soit amendé de la même façon que l'article 58 de la Charte des droits et libertés de la personne, c'est-à-dire que les membres de la régie soient nommés avec l'approbation des deux tiers des membres de l'Assemblée nationale. Puisque la régie doit dépendre des normes de la communauté dans l'accomplissement de cet aspect de son mandat, il convient à la communauté québécoise de participer d'une façon aussi directe que raisonnable à la nomination de ceux qui détermineront ces standards. Ce mécanisme de nomination s'est avéré efficace dans le cas de la Commission des droits de la personne. On ne pourrait qu'augmenter la confiance du public envers les personnes choisies pour entreprendre cette responsabilité importante conférée par la régie.

L'article 79. Malgré l'intention légitime qui motive la formulation de l'article 79, de telles dispositions pourraient en pratique retarder d'une façon significative ou restreindre l'accès du public québécois aux films en versions autres que française. L'intervention législative qui porte sur le domaine de la liberté d'expression devrait aller du côté de la prévention en protégeant l'éventail complet de la dissémination des idées. Mais si on ne peut pas prédire avec certitude l'effet qu'auront les dispositions de l'article 79 sur les réseaux de distribution des films en versions autres que française au Québec, Alliance Québec ne peut pas donner son appui à un mécanisme qui, de par sa nature même, peut mettre en danger l'accès des Québécois aux films en versions autres que française.

Notre point de vue est que l'objectif des dispositions devrait se poursuivre par un moyen incitateur direct pour améliorer le processus d'accès du Québécois aux versions françaises de films non français. La forme précise de ce moyen incitateur serait mieux déterminée par ceux qui sont plus au courant de la distribution des produits cinématographiques. Cependant, le moyen incitateur, par exemple, pourrait revêtir simplement la forme d'une subvention par la Société

générale du cinéma et de la vidéo, à l'intérieur de son mandat d'assistance financière, dans le but de couvrir une partie ou la totalité des coûts de préparation des versions françaises de films en langue autre que le français. Ces coûts pourraient être des prêts recouvrables par la société à partir des revenus de distribution.

Quelles que soient les modalités, Alliance Québec recommande que le système proposé à l'article 79 soit remplacé par un mécanisme quelconque, des moyens incitateurs directs pour une distribution de pointe en langue française de films non français, ce qui ne met pas en danger l'accès à de tels films.

En somme, nous avons une très sérieuse préoccupation quant à l'accès des films et quant à la restriction à l'accès des films. Je ne pense pas que ce soit l'accès des films qui soit le problème comme le fait que le principe de la restriction va, à notre avis, à l'encontre de la liberté d'expression.

Quant à l'incitation, nous croyons finalement qu'il devrait y avoir des moyens, des mécanismes pour promouvoir la traduction des films. Évidemment, en aucune façon, nous ne sommes en faveur de films auxquels la collectivité francophone du Québec n'aurait pas accès. Nous sommes en faveur de la traduction des films.

Quant à la question des jours, je voudrais seulement vous donner un exemple à savoir à quel point la question des 60 jours peut avoir un effet. Par exemple, s'il y a un film qui est distribué à Montréal, en premier lieu, pendant trois ou quatre semaines, les 60 jours commencent déjà à compter. Évidemment, pendant le temps que les films passent dans les autres communautés anglophones du Québec - et nous avons quand même des communautés anglophones dans les Cantons de l'Est, la Gaspésie, la Côte-Nord, l'Outaouais et la région de Québec - ça ne laisse pas beaucoup de temps et il se peut, effectivement, que des régions soient affectées. Sans entrer dans le débat du nombre de jours, notre représentation se fait de façon à favoriser la promotion des films plutôt que leur restriction.

Aux articles 87 et suivants, en ce qui a trait à la section II du chapitre III du projet de loi, qui porte sur les permis, nous faisons les commentaires suivants. Bien qu'il n'y ait pas d'objection possible à se doter d'un mécanisme approprié pour accorder des permis, pour assurer un degré de supervision des exploitants, des distributeurs et des producteurs, les conditions d'obtention de tels permis devraient être définies d'une façon précise pour éviter l'abus potentiel de la discrétion administrative résultant en des restrictions dans la dissémination d'idées par le médium du film. On suppose que le mécanisme des permis entend servir comme mécanisme administratif surtout pour assurer le suivi des normes qui feront la promotion plutôt que la restriction de la production, la distribution ou l'exploitation de films au Québec, de façon à protéger l'accès du public au cinéma.

En ce qui a trait au permis du producteur, proposé aux articles 103 et suivants, on peut s'interroger à savoir s'il est approprié de demander au producteur de fournir à la Régie du cinéma et de la vidéo un rapport annuel d'activités, sans que l'étendue d'un tel rapport soit sévèrement restreinte. Pour ce qui est du permis du distributeur, proposé aux articles 94 et suivants, il appert que l'insertion du paragraphe qui suit le paragraphe 3 de l'article 97 crée le résultat non intentionnel de demander qu'un actionnaire corporatif d'un distributeur respecte les 80% de propriété canadienne, sans égard au pourcentage d'actions détenues par cet actionnaire.

En somme, ce n'est pas notre prise de position à propos de cette question, cela a peut-être été porté à votre attention avant. Dans la préparation de notre mémoire, il semblait y avoir une certaine confusion quant au contenu de propriété canadienne (Canadian Ownership) au point de vue de l'actionnaire corporatif. Supposons que vous ayez une compagnie à 90% ou 99% canadienne et 1% américaine ou qui ne satisferait pas aux dispositions des paragraphes 2 et 3, est-ce que c'est vraiment dans l'esprit de la loi? C'est simplement un point de clarification que nous voulons porter à votre attention.

En ce qui a trait au permis de tournage, il est à espérer que le mécanisme de permis ne soit pas appliqué de façon arbitraire, empêchant les producteurs étrangers de se servir du Québec comme emplacement de tournage de leurs films.

En conclusion, évidemment, nous crayons que cette loi mérite l'appui de tous les Québécois. The aims of la Loi sur le cinéma et la vidéo are worthy of the support of all Quebeckers. Provided that the scope of the legislation is appropriately limited or clarified in certain areas as stated above, these aims can be achieved on the basis of a scrupulous respect for, and encouragement of free expression and access to ideas.

M. le Président, avant que l'on passe à la période de questions, je voudrais remercier c'est toujours bon de faire des remerciements avant la période de questions - la commission parlementaire de nous avoir donné la possibilité de faire notre présentation. J'ai suivi moi-même quelque peu le débat hier soir. Je ne suis pas un expert dans le domaine de la culture, mais je peux vous signaler qu'à mon avis votre commission fonctionne avec un esprit très large, qui est digne du projet de loi que vous présentez. De la part de mon groupe et de la part de ma communauté, la communauté

anglophone du Québec, je tiens à vous remercier de cette occasion de rencontre et de ce privilège. Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci beaucoup. M. le ministre?

M. Richard: M. le Président, je voudrais tout d'abord remercier Alliance Québec et, en particulier, celui qui représente le groupe aujourd'hui, M. Parisella. Je pense que vous nous avez apporté une contribution intéressante et je vous remercie aussi de l'appui que vous apportez au projet de loi et aux objectifs poursuivis par ce projet de loi.

Je voudrais, si vous me le permettez, dissiper immédiatement certaines inquiétudes et engager, ne serait-ce que quelques minutes, le dialogue avec vous sur une interrogation que vous formulez dans votre mémoire. Je voudrais dissiper vos inquiétudes en ce qui a trait à l'article 3 sur la définition de "production québécoise" ou de "cinéma québécois". Je voudrais vous rappeler que les critères existent déjà, ils sont publiés et retenus dans le choix des programmes fait par l'Institut québécois du cinéma. Je parle des critères visant à déterminer ce qu'est un film québécois. Je pense que vous pourriez vous réconcilier assez facilement avec les critères retenus par l'Institut québécois du cinéma qui ne posaient pas de problèmes et qui dissiperaient, au contraire, toutes les inquiétudes que vous pourriez avoir à cet égard.

J'en profite, non pas pour déposer, parce qu'on ne peut pas le faire en commission parlementaire, mais pour remettre aux membres de la commission parlementaire le contenu des différents programmes - c'est Mme la députée de L'Acadie, je crois, qui avait formulé la demande hier - existants à l'Institut québécois du cinéma. Justement, on y définit ce qu'est une production québécoise. Dans mon esprit, en tout cas, l'article 3 ne saurait aller plus loin que ce qui est contenu déjà dans la définition qu'en donne l'Institut québécois du cinéma. J'en profite donc pour vous remettre le texte.

J'ai maintenant une observation à faire en ce qui a trait à l'article 79. L'objectif de l'article 79, objectif que vous reconnaissez d'ailleurs d'emblée, c'est de permettre la sortie en version française de films qui sont projetés au Québec en version anglaise ou en d'autres langues. Ce qu'il faut se rappeler, cela est très important, M. Parisella, pour les fins de mon propos, c'est que très souvent la version française de ces films existe déjà mais n'est pas utilisée pour toutes sortes de raisons que, je l'espère, on pourra nous expliquer plus tard au cours de ces séances. On retarde indûment la sortie en version française des films, version qui existe déjà. Je pourrais vous donner de multiples exemples de films qui sont sortis en français à Paris trois mois, six mois, voire un an avant leur sortie en langue française au Québec. On pourrait parler longuement des raisons qu'on peut deviner derrière cette statégie de marketing. Vous imaginez que, dans de pareilles conditions, retenir votre recommandation d'avoir des incitatifs fiscaux, ou même - vous utilisez le mot "octroi" - des subventions pour des firmes qui possèdent déjà la version française uniquement pour leur dire: Écoutez, on va vous payer pour que vous projetiez au Québec la version que vous possédez déjà, ce serait un peu indécent. Je pense que vous ne seriez pas d'accord pour qu'on agisse ainsi. (15 h 45)

D'autre part, pourquoi devrions-nous payer des firmes qui, malgré tout, exploitent leurs films au Québec, le plus souvent, je suppose - puisque ça fait des années et des années que cela existe - avec profit? Pourquoi devrions-nous payer, par exemple, pour qu'on puisse traduire au Québec E.T.? Vous imaginez bien qu'il n'y a pas un pays dans le monde qui serait d'accord pour payer pour faire en sorte que des firmes qui exploitent avec profit - et c'est normal -des films sur un territoire donné soient subventionnées pour produire une version dans la langue du pays où elles exploitent un film, surtout quand on sait que, le plus souvent -et j'insiste là-dessus - cette version française existe déjà. Vous imaginez bien que, s'il y avait une autre solution, on pourrait l'adopter assez facilement. Ce qu'on recherche essentiellement, ce n'est pas de priver qui que ce soit de voir des films dans quelque langue que ce soit. Au contraire. Tout l'objectif du projet de loi vise à faire en sorte que le territoire québécois reste essentiellement ouvert sur le cinéma international, le cinéma mondial, qu'il reste un marché très ouvert et que les cinéphiles du Québec aient accès à un cinéma varié, de qualité et à un cinéma qui s'ouvre sur le monde entier. Mais, pour cela, il faut malheureusement adopter des mesures législatives, sans quoi on n'y parviendra pas.

M. Parisella: Sur cette question, je peux vous dire qu'évidemment, comme nous l'avons indiqué dans le mémoire, nous sommes en faveur de toutes les formes d'incitation qui pourraient forcer les compagnies que vous mentionnez pour que les films soient distribués. Je trouve qu'il est anormal que cette situation existe.

Par contre, M. le ministre des Affaires culturelles, notre point de vue vient surtout du fait que nous ne croyons pas que la communauté anglophone doit être pénalisée dans l'atteinte de l'objectif que vous mentionnez qui est d'ailleurs un objectif noble. Quant à moi, de la façon qu'on a présenté ce mémoire, on n'a pas "entériné"

le débat sur le nombre de jours, je pense que je l'ai signalé, mais, pour nous, le principe fondamental est qu'il n'y ait pas de restriction de façon qu'une communauté soit pénalisée directement. Je pense qu'il doit y avoir une façon... Je ne sais pas si tous les intervenants dans l'industrie peuvent apporter des solutions beaucoup plus précises et beaucoup plus réalistes que celles qu'on apporte, parce que nous basons notre argumentation sur un principe. Quant aux modalités du principe et à son application, je conviens qu'il y a sûrement des experts autres qu'Alliance Québec. Mais, malgré tout cela, on ne peut pas faire de recul sur le principe parce que, pour nous, cela veut dire qu'une communauté est effectivement choisie comme étant une cible et, pour nous, cela ne fait pas partie de la façon que nous voyons l'avenir du non-francophone au Québec. Je fais simplement appel à l'imagination du gouvernement et des législateurs pour trouver une solution qui pourrait atteindre l'objectif, régler le problème que vous avez signalé tout en respectant le principe que nous avons évoqué dans notre mémoire.

M. Richard: M. Parisella, je voudrais juste vous rappeler que ce n'est pas à proprement parler le gouvernement ni le ministre des Affaires culturelles qui sont les auteurs de l'article 79. L'article 79 a été une recommandation unanime d'un comité d'étude qui s'appelait...

M. Marx: ...

M. Richard: ...le comité Fournier à qui nous avons... Pourquoi attaquer, M. le député de D'Arcy McGee, les membres de la commission d'étude?

M. Marx: Ce n'est pas une attaque, c'est juste une constatation.

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Richard: Je n'ai nommé aucune... Oui, j'en ai nommé une sur cinq, excusez.

M. Marx: Question de règlement.

Le Président (M. Gagnon): Question de règlement, M. le député de D'arcy McGee.

M. Marx: Je veux juste signaler au ministre que la commission a fait beaucoup de suggestions. Il n'a pas retenu toutes les suggestions de la commission, il a retenu ce qu'il a voulu retenir.

Le Président (M. Gagnon): Ce n'est pas une question de règlement. Vous aurez l'occasion de prendre la parole tantôt. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Richard: Je voudrais vous rappeler que c'est la commission Fournier qui, unanimement... Nous nous sommes adressés à des experts, à ceux qui possédaient l'expertise pour faire une recommandation pour régler enfin le problème. Et voilà que des experts, représentant tout le milieu du cinéma, des producteurs, des réalisateurs de la télévision, nous disent: La solution au problème, c'est l'article 79 qui mettra un terme à la discrimination dont sont victimes les Québécois francophones. C'est cette recommandation que nous avons adoptée et que nous avons ensuite traduite dans un projet de loi.

M. Parisella: Disons encore, pour ne pas "entériner" les débats, que je conviens avec vous et je ne discute pas des recommandations de la commission d'étude dont vous faites mention. C'est simplement... Ou encore vous faites référence à des gens du milieu de l'industrie, ce que nous recommandons de faire effectivement, sauf que malgré tout cela il devrait y avoir une espèce de reconnaissance que c'est quand même une restriction au principe fondamental de la liberté d'expression, en ce qui nous concerne. C'est simplement cette dimension qu'on tient à apporter à l'attention du législateur. Quant aux 60 ou 120 ou 200 jours, je ne suis pas expert dans ce domaine, et je ne crois pas que mon collègue le soit. Mais nous croyons quand même qu'on ne peut pas régler une discrimination évidente comme celle que vous avez signalée en incluant une discrimination possible. Bien, il y a une discrimination. S'il y a un groupe à qui l'accès sera prohibé à un moment donné, il y a une discrimination.

M. Richard: Non, en tout cas, ce n'est pas...

M. Parisella: Ce n'est pas votre définition de la discrimination.

M. Richard: Vous pouvez être assuré que ce n'est pas l'objectif qu'on poursuit.

M. Parisella: Non. Je sais que ce n'est pas un objectif, d'accord.

M. Richard: Et on ne pense pas que cela donnera ce résultat. En tout cas, j'espère que cela ne donnera jamais ce résultat.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Notre-Dame de Grâce.

M. Scowen: Je veux d'abord remercier M. Parisella et Alliance Québec pour avoir présenté ce mémoire. Il a été très modeste

dans ses paroles lorsqu'il a décrit le travail qui était effectué par Alliance Québec depuis maintenant quelques mois. J'espère que le gouvernement va non seulement remercier Alliance Québec pour le mémoire, mais qu'il donnera suite à quelques-unes des suggestions. Ils avaient déjà une expérience semblable avec les revendications qu'ils ont faites auprès du premier ministre concernant la loi 101. Cet organisme a proposé six modifications qui étaient appuyées, je pense, par une grande majorité de la population, et les six ont été rejetées du revers de la main par le premier ministre. Je pense que c'est évident que c'est un groupe modéré qui fait des efforts sérieux pour encourager l'intégration de la communauté anglophone et de la communauté francophone en créant des ponts entre les deux. Ils ont besoin d'encouragement. J'espère que le ministre ne va pas réserver le même sort à leurs recommandations que celui que le premier ministre a réservé récemment dans un autre cas.

Je pense qu'il y a plusieurs aspects très intéressants dans le mémoire d'Alliance Québec. Si vous me le permettez, je veux aller juste un peu plus loin dans cette question de l'article 79 parce qu'à ma connaissance, il n'a pas été abordé dans ses détails jusqu'ici à la commission.

Si je comprends la position du ministre, et je cite à peu près ce qu'il a dit au journal The Gazette qui était... C'était dans le journal, ce matin. Il a dit que ces restrictions proposées dans l'article 79 n'auront, à toutes fins utiles, aucun effet sur la diffusion des films anglais au Québec quant à la quantité et le moment où ils seront diffusés.

Je pense que je peux dire, au nom d'Alliance Québec et certainement au nom de tous les Québécois qui ne sont pas francophones que, si c'est possible de rédiger un texte de loi qui, dans son application, aura pour effet d'ajouter des films qui sont disponibles en français et en même temps qui n'ont aucun effet sur la disponibilité des films en anglais ou dans les autres langues, on serait d'accord à 100%. Parce que je suis complètement d'accord avec le ministre pour dire que le Québec est à 81% ou 85% francophone. Il va de soi que nous avons la responsabilité d'encourager les distributeurs des films à présenter les films en langue française. Si le gouvernement du Québec ne s'occupe pas de cette question, qui le fera? Alors, d'accord.

Mais il est difficile dans mon esprit que vous puissiez rédiger un texte de loi qui créera seulement des avantages; il y aura aussi des inconvénients. Si c'est le cas cette fois-ci, tant mieux, on l'acceptera. Mais je pense que le ministre a la responsabilité de démontrer que c'est le cas. Je veux seulement brièvement lui poser une question, ou à M. Parisella, parce que M. Parisella, dans son mémoire, prétend qu'Alliance Québec aura, à cause de l'article 79, des délais. C'est peut-être aller un peu plus loin dans la plomberie, mais c'est pour qu'on puisse faire un petit pas en avant dans cette question.

Si je comprends bien, le distributeur d'un film de langue anglaise ou de langue italienne ou de n'importe quelle autre langue aura trois choix. Je prendrai l'exemple des films de langue anglaise parce que c'est clair que c'est cet aspect qui est le plus important. Il peut décider de présenter les deux films doublés en français et en anglais en même temps dans un nombre illimité de copies. Si je comprends bien, dans l'esprit de plusieurs de ces distributeurs de films, ils attendront possiblement que le doublage soit fait en France, si c'est un grand film, parce qu'ils savent que, pour que ce film soit présenté en France, il faut qu'il soit doublé en France. Cela n'a pas de bon sens de le faire doubler à Québec pour le marché français du Québec et, par la suite, en France pour le marché français. Alors, il dira: Le Québec accepte le doublage français. Les Français n'acceptent pas le doublage québécois. Donc, j'attendrai le moment où le film sera rendu public en France pour le présenter en anglais ou en français au Québec. Peut-être que cette question n'est pas claire, mais je pense que le ministre comprendra. C'est une question que je trouve importante. C'est possible que le Québec devienne une filiale de l'industrie de doublage français, non seulement dans le cas des films français, mais dans le cas de la version originale anglaise à cause de l'article 79.1. Donc, si le distributeur veut quand même présenter le film en version anglaise immédiatement, il a le droit de le présenter, selon le sous-article 2, s'il produit un contrat avec une compagnie de doublage québécoise, au moment où il demande le visa pour le Québec. C'est une possibilité, mais il sera obligé de se rendre compte que ce film doublé au Québec ne peut pas être diffusé en France. Alors, je vois une utilisation limitée du deuxième article ou sous-article de l'article 79.

Finalement, vous avez la troisième possibilité, celle des films dont le distributeur pense probablement, au départ, que le marché ne sera jamais assez intéressant pour justifier un doublage. Il le présente pendant 60 jours et si, par hasard, cela marche mieux que prévu, il peut toujours retourner au sous-article 2 et présenter un contrat de doublage, ou il peut attendre après 60 jours et espérer que le marché sera épuisé et, par la suite, retirer le film du marché. Je vois déjà trois possibilités au moins de choses qui peuvent retarder et même empêcher les films en version originale anglaise d'être présentés ici.

Premièrement, le cas des grands films où les distributeurs vont décider que la distribution en anglais doit attendre la diffusion de la version française en Europe, et ça pourrait prendre un, deux, trois, ou six mois avant qu'ils soient présentés au Canada. Donc, c'est possible qu'on puisse se trouver dans la situation où les grands films anglais ne sont pas disponibles au Québec en anglais en même temps qu'ils sont disponibles en Ontario. Ils vont effectivement décider que, pour l'avenir, le Québec fait partie du marché européen pour les grands films où, très souvent, les films apparaissent un peu après qu'ils ont paru au Canada et en Amérique du Nord. (16 heures)

Une deuxième possibilité, c'est que les films vont arriver ici pour 60 jours et, à cause de ce tunnel dans lequel ils sont obligés d'entrer pour 120 jours - le tunnel est de 180 jours, je pense - après 60 jours, ils disparaissent du marché pour réapparaître après. Je me pose la question à savoir s'il existe un marché après 60 jours qui justifie que cela soit présenté encore pendant une semaine ou deux ou trois. Est-ce que ce n'est pas vrai que ces films doivent disparaître du marché pendant cette période? Si oui, pourquoi?

Finalement, en ce qui concerne ces films qui ne justifient pas une présentation dans les deux langues, qu'est-ce qui arrivera avec un film pour lequel le distributeur trouve une salle, disons, dans le centre de Montréal; il présente la première version, la première copie, le chronomètre se met en marche dès ce moment, mais, un mois après, une autre salle devient disponible dans le nord de Montréal, sur la rive sud? Si je comprends bien, le chronomètre était déjà en marche il y a 30 jours et on risque de se trouver avec un film qui est disponible dans une salle pour une période beaucoup plus limitée que les 60 jours.

Je termine en disant que je n'ai pas exploré tous les aspects possibles des problèmes qui pourraient être causés par cette série de règles assez compliquées. Mais c'est clair dans mon esprit qu'il y a des possibilités que le ministre n'ait pas raison quant aux revendications disant ceci: Les restrictions ne feront aucune différence sur les disponibilités des films en version anglaise.

Quand il a répondu à M. Parisella tantôt, il a mis l'accent sur un autre aspect que j'ignorais. Il disait: Le problème, ce ne sont pas les films qui ne sont pas doublés. Le problème, ce sont les films qui sont déjà doublés. Je ne vois aucune objection, quant à moi, à dire dans une loi ou un règlement que, s'il existe une version française d'un film dans une langue autre que française, au moment où ce film est diffusé au Québec, il faut que les deux versions soient diffusées en même temps. Si, effectivement, le problème qu'il essaie de régler, c'est le problème de diffusion simultanée des films qui existent déjà dans les deux langues, si c'est cela le but, on peut rédiger un projet de loi dans ce sens.

Pour toutes ces raisons et un paquet d'autres que je pense ne pas comprendre, parce qu'il y a beaucoup d'inconnu dans les conséquences de cette affaire, je demande au ministre ou à M. Parisella, si vous préférez, d'expliquer davantage ce point.

M. Richard: M. le Président...

Le Président (M. Gagnon): Avant de vous laisser la parole, à vous ou à M. Parisella, je vous ferai remarquer qu'il faudrait peut-être raccourcir un peu les interventions, parce que cela prendra un certain temps. J'ai encore six intervenants en avant et vous avez pris quinze minutes pour poser votre question. Vous avez le droit de le faire. J'aimerais qu'on aille un peu plus rapidement, notre heure est déjà terminée.

M. Richard: M. le Président, je serai très bref, parce que j'aurai l'occasion de revenir plus tard là-dessus. Je voudrais simplement signaler au député de Notre-Dame-de-Grâce, qui s'est exprimé quand même avec une sérénité de bon aloi, qu'il a fait un petit oubli - involontaire bien sûr -en ce qui a trait à l'article 79. Le sous-titrage est prévu...

M. Scowen: ...aller voir le sous-titrage au Québec.

M. Richard: Comme le sous-titrage est prévu, toutes les objections que vous avez soulevées tombent, puisque le sous-titrage ne coûte pas cher, qu'il est facile à faire et... Oui, mais quand même, on leur donne... Mme la députée de L'Acadie, vous me dites: Ce n'est pas fameux. On donne la possibilité de faire le sous-titrage, et demandez à un très grand nombre de personnes qui sont allées voir le film Gandhi qui n'auraient pas apprécié qu'il y ait du sous-titrage. Je reconnais d'emblée que l'immense majorité des citoyens québécois, évidemment ceux qui ne sont pas parfaitement bilingues, préfèrent le doublage. D'autres préfèrent, les grands cinéphiles bilingues préfèrent le sous-titrage. Mais le sous-titrage est prévu là-dedans. Il faut donc être de mauvaise foi pour refuser de faire le sous-titrage. Il y a une façon d'éviter, d'échapper aux autres rigueurs de l'article 79 uniquement en sous-titrant les films. On en est, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, au point où maintenant, au Québec, on sous-titre en anglais avant de présenter en français des films étrangers.

En pleine ville de Québec, ici même, à

côté du parlement, vous ne pouvez pas voir de film en français, mais vous pouvez voir des films allemands sous-titrés en anglais.

M. Scowen: Pourquoi?

M. Richard: ...parce que c'est le monopole de ceux qui exploitent le cinéma au Québec.

M. Scowen: Mais pourquoi ils font cela? Parce que c'est plus rentable? Les gens préfèrent cela?

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît: M. le ministre.

M. Richard: Alors, vous aurez l'occasion, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, de revenir là-dessus. Encore une fois, il est important de signaler que si, au moins, il y avait le sous-titrage, cela permet d'échapper aux rigueurs d'autres lois. Donc, on ne peut pas nous taxer de vouloir embêter les gens. On dit: Tout ce que vous avez à faire, c'est de sous-titrer au moins en attendant. L'autre problème est majeur aussi et cela répond en même temps à cela. C'est que le plus souvent, encore une fois, on possède la version française. Elle existe. Elle est présentée ailleurs qu'au Québec. Mais au Québec, les films, comme je le rappelais dans la déclaration d'ouverture, ont une double carrière. Gandhi va avoir une double carrière à Québec, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. E.T. a eu une triple carrière. Mes propres enfants sont tous allés voir E.T. deux fois. Une fois en anglais...

M. Scowen: Ils sont allés trois ou quatre fois.

M. Richard: ...malheureusement, ils n'ont pas compris. Ils sont retournés le voir une fois qu'il a été doublé en français. C'est fait uniquement pour ponctionner deux fois les cinéphiles québécois. C'est ça que cela veut empêcher. Essentiellement, c'est cela.

M. Scowen: Une question très courte. Est-ce que vous croyez qu'en dépit de tout cela...

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, une très courte question; est-ce que vous l'avez terminée?

M. Scowen: Est-ce que vous...

Mme Lavoie-Roux: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce a le droit d'intervenir au moins 20 minutes. Je ne vois pas pourquoi tout le monde proteste.

Le Président (M. Gagnon): Absolument.

Mme le députée de L'Acadie, j'accepte votre question de règlement, excepté qu'on s'est entendu sur 20 minutes de chaque côté pour poser des questions. Alors, je me rends compte qu'actuellement le député de Notre-Dame-de-Grâce a presque épuisé les 20 minutes de votre côté. Je n'ai aucune objection à lui céder la parole pour les deux ou trois minutes qui restent.

M. Scowen: Est-ce que le ministre prétend encore que cette loi n'aura aucun effet sur la disponibilité des films en anglais?

M. Richard: Si ceux qui exploitent le cinéma au Québec sont de bonne foi, non.

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Moi, ma question s'adresse aux représentants d'Alliance Québec. En fait, pour faire une parenthèse courte, effectivement, il y a à l'affiche, exclusivement pendant des mois, des films... Je sais, par exemple, avoir vu E.T. en anglais avec ma fille, parce qu'il y a un tel marketing qu'on ne peut pas y échapper, et on y retourne en français. Effectivement, comme consommatrice, il se trouve qu'il y a une ponction qui est faite sur les cinéphiles québécois qui sont mis en situation de voir un film deux fois. Qu'on retourne voir le même film deux fois parce qu'on en a le goût, oui. Mais qu'on y soit obligé, je pense que cela se présente fort différemment.

Ma question s'adresse aux représentants d'Alliance Québec pour les amener peut-être, parce qu'ils ont une préoccupation qui était évidente dans leur mémoire, à bien préciser les termes. Notamment, vous demandiez des précisions concernant le cinéma québécois, ou concernant la définition des termes "films québécois". Moi, je vous demanderais... À la page 3 de votre mémoire, dans le dernier paragraphe, quand, par exemple, vous recommandez que l'institut, la régie, la société qui seront créés à la suite du projet de loi, vous invitez le gouvernement à y faire siéger un représentant non francophone. Je vais vous demander de préciser le terme, parce qu'à ce que je sache il y a de nombreux concitoyens qui sont d'origine grecque, portugaise ou italienne et qui sont francophones. Quand vous dites "non francophone", vous ne voulez quand même pas signifier par là que les communautés culturelles québécoises sont non francophones? À qui faites-vous référence quand vous dites "non francophones"? Est-ce qu'il s'agit d'autres que les Canadiens français? Je ne le pense pas.

M. Parisella: Non.

Mme Harel: Parce que bon nombre de nos concitoyens des communautés culturelles sont francophones.

M. Parisella: D'accord. Je pense que votre question est excellente.

Le Président (M. Gagnon): M. Parisella. M. Parisella: Vous me permettez? Le Président (M. Gagnon): Oui.

M. Parisella: Elle mérite sûrement une réponse précise. Dans le contexte où nous utilisons les mots "non francophone", évidemment, nous reconnaissons qu'il y a des communautés culturelles qui ont comme première langue de communication, dans le contexte nord-américain, le français. Nous le reconnaissons. Donc, nous ne prenons pas la position que tous les groupes des communautés culturelles font partie de la communauté anglophone du Québec. Quand on dit "non francophones", on parle de personnes italiennes ou grecques ou de différentes autres communautés culturelles dont la première langue de communication, autre que la langue d'origine, est l'anglais.

Donc, c'est une définition plus large que celle que le gouvernement semble donner à certains moments à la communauté anglophone, mais c'est plus restreint que de dire que toute personne qui est d'origine autre que canadienne-française fait partie des non-francophones. Non, ce n'est pas la question. Nous demandons une représentation d'une personne qui peut être grecque ou italienne ou anglaise, dont la première langue de communication, autre que la langue d'origine, se trouve à être l'anglais.

Mme Harel: Vous auriez peut-être intérêt à mieux définir cela en utilisant les termes "communauté culturelle".

M. Parisella: Oui.

Mme Harel: Parce que l'appellation "non francophone" est certainement très inadéquate dans les circonstances.

M. Parisella: Oui.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Simplement sur ce point, je pense qu'il est reconnu qu'il y a deux peuples fondateurs au Canada et que les immigrants se greffent à l'un ou à l'autre. En venant vivre au Canada, on devient soit francophone, soit anglophone. Je pense que c'est évident. Il y a des immigrants italiens qui viennent au Canada et qui deviennent des francophones. Il y en a d'autres qui deviennent des anglophones. Je trouve que l'expression "communauté culturelle", n'est pas exacte. De toute façon, on va faire ce débat à un autre moment.

Le Président (M. Gagnon): C'est une très bonne idée.

M. Marx: C'est une très bonne idée. Merci, M. le Président. De toute façon, je trouve cela un peu péjoratif quelquefois de parler des communautés culturelles. Il y a des gens qui sont ici depuis deux siècles déjà et ce sont encore des Grecs. C'est encore de la responsabilité du ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration de répondre à leurs besoins, etc.

Quant à l'article 79 sur le doublage, tout le monde est d'accord que les films devraient être disponibles en langue française. C'est un objectif louable, noble. Notre porte-parole, le député de Saint-Henri, a déjà dit que nous sommes d'accord sur ce but dans la loi.

M. Parisella a dit que la loi ne vise pas à diminuer les droits et les libertés des Québécois. Je suis d'accord, mais, quand il a dit cela, il ne s'agissait pas de diminuer seulement les droits des anglophones au Québec. Il y a aussi des francophones au Québec qui verront leurs droits diminuer. Je pense à l'article de Mme Lysiane Gagnon, dans la Presse du 21 décembre 1982 sur les films au Québec. Je peux demander qu'on en fasse des copies pour les membres de la commission. Elle a dit dans cet article que, si la loi est adoptée telle quelle, le Québec va devenir ce qu'on appelle en anglais un "back-water" en ce qui concerne l'industrie du film. C'est-à-dire que ce serait une région de troisième zone, si la loi était adoptée telle quelle. En ce moment, c'est une région de première zone.

Un instant, M. le Président. Le ministre a beaucoup simplifié quand il a parlé du doublage. Je ne sais pas si c'était conscient ou inconscient. Le sous-titrage, cela ne marche pas au Québec. À Chicoutimi, personne ne va voir vraiment les films sous-titrés. Le problème de doublage est beaucoup plus compliqué que le ministre ne le laissait entendre. J'aimerais lire un passage que j'ai trouvé dans le mémoire de l'Association canadienne des distributeurs de films - je vais faire une lecture assez rapide - où on donne à titre d'exemple des titres de films... (16 h 15)

Le Président (M. Gagnon): Je vous demanderais, M. le député, d'aller très rapidement parce que réellement on a dépassé le temps. Il y a encore beaucoup d'intervenants et je me demande si on n'est pas en train de faire un débat de deuxième lecture plutôt que d'entendre les invités ici répondre aux questions. On est censé maintenant poser des questions à nos invités.

Alors, très très rapidement.

M. Marx: Oui, je vais juste lire cela à titre d'exemple.

M. Champagne: Question de privilège.

Le Président (M. Gagnon): II n'y a pas de question de privilège.

M. Marx: II n'y a pas de question de privilège.

M. Champagne: J'ai une demande d'information.

Le Président (M. Gagnon): Question de règlement?

M. Champagne: Question de règlement. Comme ce mémoire n'a pas encore été présenté par le groupe, ne serait-il pas mieux, M. le député de D'Arcy McGee, de le lire et de le commenter au moment où les gens vont le présenter?

M. Marx: D'accord, je ne le lirai pas. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Effectivement, je préférerais cela et je voudrais que vous terminiez le plus rapidement possible pour laisser la chance aux autres membres de la commission de poser des questions.

M. Marx: Que le député de Mille-Îles me laisse dire dans mes mots ce que je veux dire, au lieu de me dire ce que je peux lire et ce que je ne peux pas lire. Ce n'est pas à lui de décider. À titre d'exemple, M. le Président...

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Mille-Îles posait la question au président aussi.

M. Champagne: Oui.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Mille-Îles.

M. Champagne: Vous avez devant vous le mémoire d'un groupe qui va se présenter éventuellement. Alors, ne serait-ce pas bon -je pose la question - d'attendre?

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Mille-Îles, vous aviez posé votre question de règlement et je suis entièrement d'accord que, s'il y a un extrait de mémoire à lire, on aura l'occasion de discuter de ce mémoire lorsque nos invités viendront.

M. Marx: M. le Président, question de règlement. Il y a des sujets qu'on trouve dans chacun des mémoires. Est-ce que c'est le député de Mille-Îles qui va décider quand il faut discuter de tel ou tel sujet qui se trouve dans les mémoires? Si on règle le problème maintenant, il ne sera pas nécessaire de discuter de cette question en profondeur lorsqu'on arrivera à d'autres mémoires.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee, le député de Mille-Îles a tout simplement soulevé une question de règlement et il m'a demandé, à moi, de trancher. Alors, je suis entièrement d'accord avec ce qu'on a soulevé. Ce n'est pas le député de Mille-Îles qui décide. On aura l'occasion de discuter de ce mémoire lorsque les invités viendront le présenter. Alors, je voudrais que vous terminiez le plus rapidement possible pour donner la parole à d'autres.

M. Marx: J'ai une opinion sur cette question de doublage. J'aimerais vous donner des titres de certains films distribués au Québec par les membres de l'association des "majors" qui ont connu des succès importants en version anglaise au cours des trois dernières années et qui n'ont jamais été disponibles en français. Je donne, par exemple "Deathtrap", "Personal Best", "Man From Snowy River". Ces films n'ont jamais été doublés parce qu'il n'y avait pas de marché suffisant en langue française. Un film français, comme La fille prodigue, sorti en France en septembre 1981, n'a jamais été joué au Québec; Le faussaire, décembre 1981, jamais disponible ici et ainsi de suite. J'ai toute une liste. C'est donc dire que c'est plus compliqué que cela. Parce qu'un film existe en France, en langue française, cela ne veut pas dire qu'il sera visionné au Québec.

Le Président (M. Gagnon): Conclusion?

M. Marx: Ma conclusion, c'est que je suis sûr que le ministre n'a pas visé à diminuer les droits de qui que ce soit, soit les francophones ou les anglophones, ou les cinéphiles, etc. au Québec. Mais ce n'est pas le but de la loi qu'il faut examiner, ce sont les effets de la loi. On peut avoir un but louable, mais les effets peuvent être néfastes. Et il n'y a aucune garantie ici, aucune indication que Montréal et Québec ne deviendront pas des régions de troisième ordre en ce qui concerne les films. J'aimerais avoir l'opinion de M. Parisella sur cette question. Est-ce qu'Alliance Québec a vraiment étudié cette question?

Le Président (M. Gagnon): M. Parisella, rapidement, s'il vous plaît. Après quoi, je laisserai la parole au député de Vachon. M. Parisella?

M. Parisella: Pardon? Je n'ai pas suivi le débat.

Le Président (M. Gagnon): Le député de D'Arcy McGee vous a posé une question.

M. Parisella: Excusez-moi. Vous avez une question, M. le député?

M. Marx: Je l'ai posée.

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre!

M. Marx: Mais, M. le Président...

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Vachon, vous avez la parole.

M. Marx: M. le Président, j'aimerais reposer ma question.

M. Payne: Mr Speaker, I think that it is evident from the questions that we have had this afternoon that perhaps the...

Le Président (M. Gagnon): Un instant. M. le député de D'Arcy McGee. Voulez-vous reformuler votre question?

M. Marx: La question, c'est que j'ai dit que j'étais d'accord avec vous que le ministre ne vise pas à diminuer les droits de qui que ce soit au Québec. J'imagine qu'il y a plus de francophones qui voient des films anglais au Québec que d'anglophones - cela c'est un autre problème - mais comment voyez-vous les effets de cette loi en ce qui concerne le visionnement des films en anglais? Est-ce que cette loi va diminuer le nombre des films disponibles en langue anglaise, si elle est adoptée telle quelle?

M. Parisella: Votre question, en réalité, va un peu au-delà de la portée de notre mémoire. Je pense que vous demandez, plus ou moins, une évaluation, en somme, que les gens de l'industrie sont mieux placés pour donner. Vraiment, nos préoccupations, M. le député, c'est surtout la dimension de restriction. Le ministre semble nous donner des assurances - il nous les a répétées dans ses interventions - qui sont de nature à ne pas limiter l'accès aux films. Je dois signaler, en passant, que ce ne sont pas seulement les anglophones qui vont voir des films en anglais, ce sont tous les Québécois. Pour nous, c'est le principe qui est en jeu. Nous voyons des problèmes dans la loi telle qu'elle est écrite à cause du fait que nous avons un certain nombre de jours qui sont signalés. Si le ministre, après consultation sérieuse - et je présume qu'elle est de cette nature-là - peut nous assurer que la restriction ne sera pas limitée aux films, à ce moment-là, nous sommes prêts à appuyer la proposition. Pour le moment, nous avons des inquiétudes et, évidemment, nous allons attendre de voir ce qui va sortir de cette commission parlementaire pour voir si nos inquiétudes sont fondées.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Vachon. Auparavant, je voudrais m'excuser auprès de Mme la députée de Maisonneuve. Est-ce que vous aviez terminé?

Mme Harel: Oui.

Le Président (M. Gagnon): Je sais que le député de D'Arcy McGee a pris la parole, mais je me demande si je la lui avais donnée.

Mme Harel: Je pense que oui. Mais, en fait, je pense bien que, pour résumer, vous n'avez pas l'intention d'être hégémonique à l'égard des communautés culturelles en les attribuant uniquement au groupe linguistique anglophone. C'est bien cela?

M. Marx: Après combien de générations?

Le Président (M. Gagnon): M. Parisella, vous avez la parole.

M. Parisella: Je pense que, quand même, il faut aussi apporter une autre petite précision. Quand nous parlons de films autres, des films pour les communautés culturelles, évidemment, il y a des films qui peuvent être dans une autre langue que la langue anglaise. En somme, - et je pense qu'il faut que je précise les termes avec vous - quand vous m'avez demandé tantôt comment je définissais un non-francophone, je vous ai donné notre définition, mais, d'un autre côté, dans notre mémoire nous faisons appel à une reconnaissance de la diversité culturelle. Donc, cela n'inclut pas seulement l'anglais et le français, cela en inclut d'autres. Pour répondre à votre question de tantôt, pour nous, le non-francophone que nous représentons, c'est le non-francophone dont la première langue de communication au Québec, autre que la langue d'origine, est l'anglais. Je ne sais si cela précise davantage?

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Vachon.

M. Payne: I will say a few words in English, Mr Speaker, because the question of freedom of expression invariably comes up with the briefs which are presented by Alliance Québec and I share many of your preoccupations as you know. At the same time, I would like to put it into some kind of perspective. I would like to suggest that the Member for D'Arcy McGee would shut up because he has interrupted everybody else

for the last 20 minutes.

M. Marx: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee, question de règlement.

M. Marx: Question de règlement. Je demande au député de Vachon de bien vouloir retirer ses paroles. Il m'a interrompu quinze fois pendant que je parlais. Je n'ai jamais dit un mot. Si je veux faire une remarque à mes collègues à côté de moi, je suis bien libre de le faire.

M. Blouin: Soyez plus discret, M. le député.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Vachon, vous avez la parole.

M. Marx: M. le Président, je...

M. Payne: When we are talking about freedom of expression, I think it is very important that we should talk...

M. Marx: M. le Président, je demande qu'il retire ses paroles parce qu'elles ne sont pas parlementaires et que cela porte atteinte à mes privilèges et à mes droits comme député.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'arcy McGee...

M. Marx: Est-ce que vous avez décidé, M. le Président?

Le Président (M. Gagnon): Oui, je laisse la parole au député de Vachon.

M. Payne: I think that...

M. Marx: En vertu de quoi avez-vous décidé? Avez-vous fait vérifier les règles de...

Le Président (M. Gagnon): S'il vous plaît! Je crois que vous avez pris déjà passablement du temps de cette commission pour l'étude de ce mémoire. Maintenant, la parole est au député de Vachon.

M. Marx: Question de règlement, M. le Président. Est-ce qu'on a droit, à cette commission, de dire n'importe quoi, n'importe comment, comme l'a fait le député de Vachon?

M. Payne: Ce n'est pas une question de dire n'importe quoi. Vous ne me laissez pas parler.

M. Marx: Mais est-ce que tout est permis ici?

M. Payne: II n'est pas permis de dire quoi que ce soit, semble-t-il.

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre!

M. Payne: Vous qui semblez être le meilleur défenseur du droit d'expression, vous devriez de temps à autre laisser les députés du côté gouvernemental - dans le cas présent, moi-même - prendre la parole. Je l'ai demandée il y a une demi-heure. Vous avez parlé pendant 35 minutes.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Vachon a la parole.

M. Saintonge: Question de règlement.

M. Payne: So to come back to the point which...

Le Président (M. Gagnon): Question de règlement, M. le député de Laprairie.

M. Saintonge: Je maintiendrais, sur une question de règlement, qu'on a porté atteinte aux privilèges du député de D'Arcy McGee, M. Marx. Je pense que vous devez, comme président, demander au député de Vachon de retirer les paroles qu'il a prononcées en violation des privilèges du député de D'Arcy McGee.

Une voix: Ce n'est pas pertinent.

M. Saintonge: On vous demande de prendre la décision à cette fin, purement et simplement.

Une voix: Ce n'est pas pertinent.

M. Payne: With respect to Mr Parisella at the discussion of freedom...

M. Saintonge: Question de règlement, M. le Président. Est-ce que je comprends que vous refusez la demande du député de D'Arcy McGee?

Le Président (M. Gagnon): Je comprends que le député de Vachon avait la parole et que le député de D'Arcy McGee, encore une fois, a trouvé le moyen de couper la parole à ce député. De fait, cela fait au moins une demi-heure qu'il demande la parole et je ne voudrais pas qu'on s'éternise sur ce sujet. Je laisse maintenant la parole au député de Vachon.

Mme Lavoie-Roux: Question de règlement.

M. Payne: II will try again to present my position to...

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de L'Acadie, oui.

Mme Lavoie-Roux: C'est plutôt une demande de directive, M. le Président. Est-ce que vous considérez que c'est du langage parlementaire lorsqu'un collègue d'un côté de la Chambre dit à l'autre: "Shut up!"

Le Président (M. Gagnon): Je vérifierai, madame.

M. Marx: Demande de directive, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: M. le Président, si vous acceptez que le député de Vachon dise "shut up", je peux lui dire de se fermer la gueule. Est-ce que c'est cela, le langage parlementaire ici?

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Vachon.

M. Marx: Est-ce deux poids, deux mesures?

Mme Lavoie-Roux: C'est vrai, M. le Président.

M. Champagne: M. le Président, je me suis senti lésé comme député de Mille-Îles, tout à l'heure, lorsque vous m'avez donné une réponse un peu cavalière. Alors, je pense que cela compense.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Vachon, est-ce qu'il y aurait possibilité de mettre de l'ordre...

M. Payne: I think that the behavior of the Opposition, in terms of refusing some kind of freedom of expression, is not the best "plaidoyer" this afternoon for the thesis that has just been putting out.

To come back to Alliance Québec, I do not see how in fact the three provisos for the giving of a visa cannot be enacted with any kind of equity. The bill proposes three possibilities under which English films should be shown. The first one: if an equal number of films exist on the market. This is very often the case; we have had the demonstration from the Minister a few minutes ago. Secondly - and this is the gamble of the whole issue - if the distributor can show that within a reasonable period of time, there will be a copy available on the market. I believe that when we see that the law is adopted, the Minister and the National Assembly will be in a position to judge whether in fact it has penalized, in other words, put back the appearence or the availability of films in English. For the moment, like most Members of the Government and the Opposition, we are not in a position at this particular moment to judge exactly how it will work out.

Thirdly, failing that assurance, the 60 days which are extendable to 180 days. I think that is reasonable. But again I come back: the good faith in the bill - and this is the economy of the bill as far as I am concerned - is useful in so far as it said: "La régie will have the opportunity to decide what is reasonable." If you got objections to it as a member of the community, or myself, well, the National Assembly is the forum where to bring the amendment that is necessary. (16 h 30)

Thirdly, the possibility of the "régie" showing themselves, demonstrating themselves what is reasonable, I think that we cannot give a better provision than that, because you yourselves say it is very difficult to bring measures which will encourage or force the multinationals to conform. I cannot see any better formulation than that.

Finally, I would simply ask, if the Minister would confirm that he has an open mind on that, that we revise it after, let us say, six months or a year or eighteen months and see, in fact, whether it is the case.

M. Parisella: I would just like to react to the statement of the deputy for Vachon. It seems that, if I understood you correctly, what you are saying is that this provision of the law would be adopted and then we would see how it works out and make corrections.

If that is the correct interpretation of your statement, I must respectfully disagree with you, especially at this particular stage where I think it is time now to perhaps take a lenghtier look at the whole concept of restriction versus the concept of access, or the principal of restriction versus the principal of access.

I can see your intentions seem to be in a positive vein, but I must tell you respectfully that I am very much concerned still and I think my colleague may have something to say with respect to the rural communities and the application of section 79 which, I think, add to our concern. Would you like to add to that, Bill?

M. Payne: Before he does, perhaps I could just add a word to what you said. You are talking about freedom of expression, but, in fact, freedom of expression is something which pertains to the collectivity and, first of all, the main thrust of the bill is to allow the films to be available in French for those who wish to watch them first in French.

M. Parisella: But what do you mean by

collectivity? Is the anglophone population a part of that collectivity?

M. Payne: The thrust of the bill is one thing, that it will allow French people to see the dubbed version faster. That is the proposition.

M. Parisella: We are not in disagreement with that.

M. Payne: In fact, if you are not in disagreement, you are obviously in agreement.

M. Parisella: We are not in agreement with the restrictive elements that are contained in that provision which put a time limit and we are not, at this point in time, given the assurances that... First of all, we just do not feel that any restrictive element in the piece of legislation is positive to the freedom of expression.

M. Payne: That is where I come back to my basic principle. You have got to put the freedom of expression on the one hand -and you are talking about the limitation of the freedom of expression of the English community - and collaborate it with the other principle, which is the freedom of access of the francophone community or those who want to watch the films in French.

M. Parisella: Remember too, if you are assuming that only francophones go and see French versions and only anglophones go and see English versions, I mean, when we make representations concerned with restriction, earlier in the brief, I perhaps was a little too restrictive in my definition, but so are francophones restricted, all Quebeckers get restricted when a film is removed from the market. Essentially, this is what we are arguing, that that is not a positive way of attaining what I think the minister has as a very laudable goal, which is the promotion of the industry and the increased access to the French version of an English or another language film.

M. Payne: You are presuming that it will not allow French people to see a dubbed version of the film faster and that that, I suggest, is the effect of the application of the bill. But what I am saying is that your homework is not completed with respect...

M. Parisella: We do not know about the effect, Mr. Payne...

M. Payne: You are not...

M. Parisella: ...I mean we just know that those are the terms in the legislation, but we are not sure about the effect yet. You are telling me: Trust me, we will pass the legislation and then, if the effect is not positive, we will change it. I am saying that, as a member of the English-speaking Community, I would be irresponsible to agree with you on this particular point. I think now is the time, we are in a parliamentary commission, to do a serious sitting.

M. Payne: If you would just let me finish what I was saying...

M. Parisella: I did not mean to interrupt you, but I just want to make that...

M. Payne: You are looking at it from a very narrow perspective and pushing - and I agree with you, to a certain extent - for your own freedom of expression for the English Community, but you are not prepared to make that principle compatible with the right, which is fundamental too, of access to the francophone community.

The other point which I would like to make comes in with respect to article 77, when you bring in the same preoccupation concerning fundamental liberties. There, you are talking about the fact that...

Le Président (M. Gagnon): Puis-je vous demander d'aller assez rapidement, s'il vous plaît?

M. Payne: Very briefly, it does not diminish public values or morals. In fact, any bill has this kind of proposition in which we are talking about the principle of censorship. It has nothing basically to do with fundamental rights that article at all. That is a red herring.

M. Parisella: Article 77 does not...

M. Payne: If you have got a censorship board or "Bureau de surveillance", it has basically nothing to do with fundamental rights in so far as any bill itself will in fact diminish certain rights.

M. Parisella: If this bureau or commission decides that the film is not allowed to be presented, you are in effect cutting on the dissemination of ideas. So, I am not sure.

M. Payne: You were not present in yesterday's discussions.

M. Parisella: Is it not that a reduction of the freedom of expression?

M. Payne: In so far, as any bill reduces certain rights. Comment on dit cela en français? l'empêchement du libel diffamatoire, par exemple. Toute loi, every

bill diminishes certain rights. But to talk about fundamental rights being jeopardized by this bill, I think it is a red herring.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Mille-Îles.

M. Champagne: M. le Président, je remercie...

M. Parisella: M. le Président, excusez-moi, je pense que M. le député de Vachon avait convenu que mon collègue dirait quelque chose...

Le Président (M. Gagnon): Oui, d'accord.

M. Parisella: ...sur l'effet de l'article 79 dans les communautés rurales et on a arrêté. Seulement un instant.

M. Brooks: Oui. J'aimerais peut-être faire une correction aux paroles de M. Payne au sujet de la prolongation du délai de 60 jours. Si je comprends bien le projet de loi no 109, ce n'est pas, après l'expiration de 60 jours, une prolongation de 180 jours; c'est un délai de 180 jours où le film ne peut être présenté ou diffusé.

Le Président (M. Gagnon): Très bien. M. le député de Mille-Îles.

M. Champagne: M. le Président, premièrement, j'aimerais remercier M. Parisella du mémoire qu'il a déposé. En page 2, où il parle au nom d'Alliance Québec je lis: "Nous croyons qu'il est important de protéger la langue et la culture françaises au Québec." Nous aussi, mais j'ai une certaine inquiétude. Je vois ici: "Films qui ont été visionnés au Québec en 1980-1981, cinéma en langue française, 45%; et cinéma en langue anglaise, 49%." Je pense qu'on partage l'inquiétude, parce que le cinéma français n'est pas visionné à sa juste valeur.

Si je regarde maintenant les films de court métrage qui ont été visionnés au Québec, selon la langue, en 1980-1981, cinéma en langue française, cela a été de 45%, et cinéma en langue anglaise, 52%. Je vois ces statistiques en annexe au rapport Fournier. Je pense que les inquiétudes viennent aussi de la communauté francophone. Je n'accepte pas l'incitatif dont vous avez parlé. Je sais bien que vous avez une largeur de vue au point de vue incitatif. Lorsqu'on sait que les compagnies américaines ont fait 20 000 000 $ de profits l'an dernier, entre autres, croyez-vous que ce serait correct que l'Institut québécois du cinéma doive faire en sorte qu'en plus de faire des bénéfices, ces compagnies devraient aussi recevoir certaines sommes d'argent de l'Institut québécois du cinéma pour aider à la traduction? Une première question.

M. Parisella: Seulement pour faire une réflexion sur la question de la protection, Alliance Québec est en faveur de la protection de la langue. Ce ne sont pas des paroles en l'air, ce sont des paroles sincères. Je comprends les inquiétudes que vous avez signalées du côté francophone. J'en conviens et je pense que c'est juste que vous les ayez signalées. Avant de répondre à votre question sur les statistiques, le public est, évidemment, libre de choisir les films qu'il veut voir. Tant qu'on vit dans un système où le libre choix existe au point de vue de la sélection des films, je pense qu'on peut, évidemment, arriver avec des statistiques comme celles que vous signalez.

Au point de vue de l'industrie et de la question des 20 000 000 $, je dois signaler que je n'ai pas ces chiffres à l'appui. C'est évident que, si l'État doit dépenser des fonds publics pour inciter une industrie à répondre aux attentes de la population lorsque cette industrie fait des profits assez significatifs, je suis certain que, à ce moment-là, vous avez raison de soulever certaines inquiétudes.

Par contre, je crois qu'on a vu, dans plusieurs domaines de l'action gouvernementale, que ce soit par l'Office de la langue française ou dans d'autres domaines, que l'Etat est prêt à faire des déboursés pour atteindre certains objectifs. N'oubliez pas que vous parlez d'entreprises privées; l'entreprise privée n'a pas les mêmes inquiétudes sociales ou culturelles que celles que vous pouvez avoir, parce que, évidemment, elles sont basées sur d'autres principes. Mais je ne suis pas de ceux qui croient que l'État ne doit pas utiliser ces moyens pour atteindre certains objectifs. C'est dans cet esprit que nous avons fait cette proposition, pour essayer de favoriser ou de promouvoir l'industrie dans le contexte québécois.

M. Champagne: Mais il y a une chose que je voudrais ajouter. Vous parlez de libre choix. Encore faut-il qu'il y ait un choix. Si le film est simplement en version anglaise, comment pouvez-vous avoir le choix d'aller le voir en français? Lorsque vous disiez tout à l'heure qu'il ne fallait pas pénaliser une communauté, j'en suis, mais encore faut-il faire en sorte qu'on ne pénalise pas aussi l'autre communauté. Je veux vous donner l'exemple suivant: Le film Arthur est sorti à Paris en janvier 1982 et la version française est sortie à Montréal six mois après. Pourquoi? Vous avez ici le film Les Rouges. Il est sorti au mois d'avril 1982 à Paris; cela veut dire que la version française existait. Le film est sorti ici au mois de décembre 1982, cela veut dire 35 semaines plus tard. Pourquoi? C'est cela. Lorsqu'on parle de communautés pénalisées, nous en sommes. La

version existe et on n'a pas le film. Je vais vous donner un autre exemple: Rag-Time est sorti dans la version française à Paris le 25 novembre 1981 et il est sorti à Montréal le 4 juin 1982, soit un retard de 33 semaines. Lorsque vous parlez de libre choix, j'en suis. Lorsque vous dites qu'il ne faut pas pénaliser une communauté, j'en suis. Mais il faut se donner les moyens pour que chacune des communautés ne soit pas pénalisée et il faut le faire avec un certain discernement.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. Parisella.

M. Parisella: J'ai une petite réaction. Évidemment, je ne peux pas être en désaccord avec ce que vous dites et notre mémoire dit clairement que nous sommes en faveur de ce projet. Je pense que le projet parle par lui-même et, dans notre conclusion que j'ai lue en anglais, j'ai noté cette dimension de notre présentation.

C'est simplement le fait qu'on parle de pénaliser. C'est que nous croyons qu'à ce moment-ci vous êtes en train de faire l'étude d'un projet de loi qui, possiblement, avant de se rendre à l'autre étape, va subir certaines modifications et nous mettons une mise en garde que nous croyons assez sérieuse. On ne semble pas être trop à couteaux tirés au point de vue des objectifs. Je pense que notre problème se situe au niveau des moyens. Je dois vous dire encore, respectueusement, que nous avons une inquiétude quant aux moyens qui sont préconisés dans le projet de loi. Mais nous espérons qu'on puisse en venir à une solution où les deux communautés ne seront pas pénalisées, si c'est possible dans notre société d'arriver à une telle fin.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Avant de vous céder la parole, M. le député de Rousseau, je vous avise que je mets fin à la discussion à 16 h 45.

M. Blouin: Cela ne sera pas très long.

Le Président (M. Gagnon): Cela fait déjà une heure et demie. (16 h 45)

M. Blouin: Oui, mais c'était quand même un des sujets fondamentaux. Je crois qu'il était important, effectivement, d'en discuter assez longuement pour qu'on puisse finir les uns les autres par connaître nos positions exactes.

M. Parisella, je vais vous poser une très brève question, d'abord, et, ensuite, je parlerai, moi aussi, mais très rapidement pour qu'on finisse à moins quart. Lorsque vous avez rédigé votre mémoire, est-ce que vous étiez vraiment conscient que l'article 79 comportait l'option du sous-titrage?

M. Parisella: Là, vous me posez une question de nature un peu plus technique.

M. Blouin: Cela fait une grande différence.

M. Parisella: Disons que mon collègue pourrait peut-être donner une précision un peu plus exacte.

M. Brooks: Au sujet de l'accessibilité des films d'ailleurs, la question a été posée par le député de D'Arcy McGee.

M. Blouin: Non, non, je m'excuse, ce n'est pas ça que je demande. C'est parce que le président me bouscule, je suis obligé de vous bouculer un peu. Tout ce que je vous demande, c'est si, lorsque vous avez écrit votre mémoire, vous étiez conscient que l'article 79 comportait l'option du sous-titrage et non seulement du doublage des films.

M. Brooks: Oui, oui.

M. Blouin: Bon. Est-ce que vous étiez conscient également du coût qu'entraîne le sous-titrage d'un film? Cela coûte combien?

M. Brooks: Nous ne sommes pas des experts dans ce domaine.

M. Blouin: Le coût du marché actuel pour sous-titrer un film à Montréal, c'est d'environ 1500 $ et on prévoit que les coûts diminueront compte tenu des équipements techniques électroniques hautement spécialisés qui sont en train d'accaparer le marché. Est-ce que vous pensez, compte tenu des profits que font les gens qui mettent ces films en marché, qu'une pareille barrière de 1000 $ à 1500 $ est vraiment une entrave à la liberté d'expression pour un distributeur qui se plie à la loi et qui fait sous-titrer son film en français? Est-ce que vous pensez que ça vient empêcher la communauté anglophone, par exemple, de voir rapidement certains films qui seraient disponibles, le fait, pour le producteur ou pour le distributeur - je ne sais pas trop - de se plier à cette opération de sous-titrage qui ne lui coûtera presque rien et qui lui permettra à sa guise de présenter les films où il voudra les présenter?

M. Parisella: M. le député de Rousseau, je ne suis pas un expert dans le domaine technique. Par contre, je reconnais que vos expériences antérieures vous mettent dans une position où vous pouvez nous apporter des précisions. Je pense que ce n'est pas un problème quant au principe que nous défendons face à l'article 79. Si ce que vous dites au sujet du sous-titrage n'a pas le résultat de créer une restriction, à ce

moment, vous avez apporté une dimension importante au débat. Nous tenons encore à la dimension restriction. Je dois dire que le fait que votre intervention est la dernière et qu'elle est de cette nature-là, c'est quand même positif. Vous essayez évidemment de répondre à nos inquiétudes à ce sujet. Moi, je reste ferme avec le principe et si vous, vous êtes aussi ferme avec la dimension technique et que les législateurs se sentent assurés compte tenu des représentations qui leur auront été faites, à ce moment-là, je pense qu'on va non seulement être d'accord avec les objectifs, mais aussi avec les moyens.

Je ne peux pas vous donner de réponse. Je pense que votre question était quand même positive et non pas pour essayer de nous acculer au mur. Si tel est le cas, comme on dit, le principe n'est pas fondamentalement en jeu et on tient au principe d'empêchement et de restriction.

M. Blouin: Merci.

Le Président (M. Gagnon): II me reste encore Mme la députée de L'Acadie et M. le député de Châteauguay. Je m'excuse, je ne veux pas bousculer les membres de la commission. La commission est maîtresse de ses travaux, excepté que, par respect pour nos autres invités qui attendent ici depuis le matin - je pense, entre autres, à l'Union des artistes, enfin à tous nos invités qui sont maintenant arrivés et qui ont dû braver la température pour se rendre à Québec - je voudrais bien qu'on puisse les entendre. Je vous demande la permission d'arrêter la discussion avec Alliance Québec immédiatement. Mais si la commission n'est pas d'accord, on peut continuer. On a déjà donné une heure et demie à ce mémoire-là.

Oui, M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Nous aurons d'autres occasions de reparler de la question.

Le Président (M. Gagnon): Je vous remercie. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je renonce à mon droit de parole, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Vous êtes bien aimable, madame. Je remercie le groupe Alliance Québec pour son mémoire.

J'invite maintenant les représentants de l'Union des artistes à venir prendre place. Bonjour, madame. Vous êtes Mme Louise Deschâtelets? Je vous laisse la parole afin de présenter votre mémoire.

Union des artistes

Mme Deschâtelets (Louise): M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs les députés membres de cette commission, avant de procéder à la lecture du mémoire de l'Union des artistes, je vais vous présenter les deux personnes qui m'accompagnent. À ma droite, M. Marc Bellier, artiste interprète québécois, membre du conseil d'administration de l'Union des artistes et responsable de la commission de politique externe, qui a vu à l'étude du rapport Fournier et du projet de loi qui ont mené à la rédaction du mémoire; à ma gauche, M. Marcel Barthe, directeur des communications extérieures de l'Union des artistes.

L'Union des artistes est un syndicat professionnel incorporé en vertu de la Loi sur les syndicats professionnels. Fondée en 1937 à partir d'une poignée de chanteuses et de chanteurs lésés dans leurs droits, l'union regroupe aujourd'hui plus de 3000 membres qui travaillent dans le domaine culturel et des communications et, notamment, au théâtre, au cinéma, à la radio, à la télévision, au doublage, à la danse, aux créations chorégraphiques et aux annonces publicitaires.

Notre organisme a pour but principal la défense des droits et des intérêts socio-économiques des artistes interprètes, danseurs et communicateurs francophones au Canada. De plus, l'organisme offre des services de protection personnelle à ses membres, soit fonds de pension par la Caisse de sécurité du spectacle, assurances, services juridiques, car la pratique du métier d'artiste est parmi les moins bien protégées de notre société. L'Union des artistes se veut, enfin, le porte-parole officiel des milliers de praticiens oeuvrant au sein de notre communauté culturelle. Il est donc clair que le projet de loi no 109, qui concerne l'industrie du cinéma au Québec, nous touche directement. L'Union des artistes considère que ses membres sont des partenaires essentiels de cette industrie et qu'à ce titre leur voix doit être entendue et écoutée alors que le gouvernement s'apprête à intervenir pour modifier les règles du jeu du cinéma et son développement.

Le débat public, amorcé par le rapport de la commission Fournier et qui se poursuit par cette commission parlementaire, nous apparaît comme étant une des dernières occasions dans l'avenir immédiat de réitérer notre position comme artistes partenaires sur le développement d'un véritable cinéma national sain et dynamique. Notre présence ici témoigne de l'importance que nos membres accordent à la relance de notre industrie cinématographique et de notre désir d'y participer activement.

Nous aimerions affirmer, dès le début de cette intervention, que l'Union des artistes est favorable au contenu général du projet de loi no 109. Pour nous, ce projet de loi adopte à la fois l'esprit essentiel et

aussi, à plusieurs endroits et sur plusieurs aspects, la lettre du rapport Fournier et la proposition de projet de loi qu'il contenait. Pour l'Union des artistes, le rapport Fournier constitue un effort concret, rationnel et progressiste de relancer l'industrie du cinéma au Québec. Ainsi, nous ne pouvons que constater que l'accueil très favorable réservé au rapport par l'ensemble des intervenants du milieu cinématographique, dès sa diffusion publique, a fortement influencé le gouvernement québécois dans ses intentions législatives et nous en sommes heureux.

Nous aimerions, de plus, souligner notre satisfaction de constater une certaine diligence de la part du législateur à ce sujet. En effet, il n'est pas fréquent de nos jours qu'un texte de loi de cette importance soit déposé et rendu public à peine quelques mois après que la commission d'étude sur le même thème a déposé son rapport. Nous formulons immédiatement le souhait que cette diligence se poursuive au-delà de la dimension législative et que les aspects réglementaires et surtout financiers qu'implique la réforme en cours reçoivent une attention et une mise en application tout aussi rapides.

En somme, malgré des réserves et les commentaires importants sur quelques points précis que nous évoquerons plus tard, l'Union des artistes estime que le projet de loi no 109 constitue un jalon important de la réforme nécessaire pour donner à notre industrie cinématographique son deuxième souffle. Il nous paraissait important de le souligner avant de commenter des dispositions précises du projet de loi dans un sens comme dans l'autre.

Puisque nous sommes dans une envolée positive et pour y demeurer encore un peu, permettez-nous maintenant de commenter brièvement certains aspects du projet de loi qui paraissent particulièrement significatifs pour nous, artistes interprètes, et sur lesquels nous aimerions insister. D'abord, nous aimerions insister sur trois aspects principaux: les structures proposées par le projet de loi, la propriété canadienne et québécoise dans le secteur de la distribution et, finalement, avec plus d'insistance encore, l'instauration d'un système national de billetterie.

Le projet de loi 109 réduit à trois au lieu de sept, tel que le proposait le rapport Fournier, les organismes créés ou remodelés pour assurer développement et contrôle dans ce secteur. L'Union des artistes estime qu'il s'agit là d'une sage décision. En effet, malgré notre compréhension des raisons qui ont motivé la Commission d'étude sur le cinéma et l'audiovisuel, nous estimons qu'une prolifération de structures dans notre société déjà trop bureaucratisée, peu importe leur taille, multiplie le risque de créer des petits empires et des conflits de juridictions. À long terme, on aboutit presque inévitablement à des injections financières massives dans l'administration et la gestion des boîtes plutôt que dans le développement, la production et la création cinématographiques. Nous pensons que l'industrie cinématographique québécoise, sans en sous-estimer l'importance ni la taille, peut très bien fonctionner dans le cadre des structures proposées par le présent projet de loi.

L'étude attentive du projet de loi nous ayant permis de constater qu'à peu de choses près les mandats dévolus aux sept organismes par la commission Fournier se retrouvaient au sein des trois organismes créés par la loi, la proposition gouvernementale nous semble plus avantageuse. Nous souhaitons que cet allégement de structures améliore l'efficacité et l'étroite collaboration qui doivent exister entre l'ensemble des intervenants.

Toutefois, sur le plan des structures, des imprécisions demeurent. En effet, l'UDA espère que le gouvernement respectera un principe fondamental du rapport Fournier, à savoir que les structures d'organisation et de développement de notre cinéma soient contrôlées et gérées par les artisans, créateurs et producteurs, c'est-à-dire par le milieu du cinéma. La loi 109 reflète bien cette préoccupation dans son article sur la composition de l'Institut québécois du cinéma. Cependant, le texte de loi ne précise rien à ce sujet pour la 5ociété générale du cinéma et de la vidéo et pour la Régie du cinéma et de la vidéo. Quelles sont les intentions du ministre à ce sujet? Une réponse à cette interrogation nous rassurerait. À notre avis, à la limite, seul l'organisme de contrôle, soit la régie, pourrait peut-être échapper à cette règle, à cause de son rôle plus administratif et de ses fonctions quasi judiciaires.

Un autre point positif important de la loi 109 pour l'UDA, ce sont les dispositions exigeant que les entreprises de distribution travaillant au Québec soient propriété canadienne ou québécoise à 80%. Il est grand temps que la société québécoise soit au moins aussi protectionniste dans le secteur culturel que l'ensemble des autres collectivités occidentales, dont certaines qui se définissent même comme les porte-flambeaux du libéralisme économique et de l'ouverture des marchés.

Finalement, nous allons vous parler du projet d'implantation d'une billetterie nationale. De l'avis de l'UDA, voilà un des éléments essentiels de la réforme envisagée, puisqu'elle permettra enfin à tous les partenaires, sans exception, de connaître la véritable situation du cinéma au Québec. De plus, pour un organisme comme le nôtre, un tel système de billetterie nationale contribuera à résoudre un problème important que nous vivons depuis toujours. Ainsi, à la condition absolument vitale que les syndicats

représentant les artistes interprètes et les techniciens aient accès aux données complètes compilées par la billetterie nationale, nous serons enfin en mesure de mieux défendre les intérêts de nos membres souvent laissés pour compte dans cette industrie.

Il arrive assez fréquemment des cas où plusieurs de nos comédiennes et comédiens -et cela arrive également aux techniciens -ne sont pas encore payés pour du travail exécuté dans des films d'ici et effectué depuis plusieurs années. Le dernier en liste de ces films est Une journée en taxi dont le tournage s'est effectué depuis plus de trois ans. À ce jour, près de 100 interprètes n'ont pas été rémunérés pour leur participation à ce film diffusé en salle depuis plusieurs mois maintenant. C'est un film qui est même mis en nomination dans un festival canadien de cinéma.

Dans certaines circonstances et afin d'éviter que le producteur ne déclare faillite et ainsi risquer de tout perdre, l'UDA a déjà consenti dans le passé à attendre la sortie d'un film avant d'engager des poursuites. Ainsi, si le film devient un succès, les premiers profits peuvent théoriquement être versés aux artistes interprètes qui ont travaillé à cette réalisation. Cependant, dans la pratique, cela est extrêmement difficile puisqu'il est presque totalement impossible d'obtenir des renseignements exacts sur le nombre de billets vendus pour tel film et ainsi de vérifier les niveaux réels de profits réalisés.

Avec l'existence d'un système national de billetterie efficace, une telle lacune grave pourrait être corrigée. Cependant, il est absolument nécessaire que nous puissions avoir accès à toutes les données de la régie qui contrôle cette billetterie. Nous espérons que la récente loi sur l'accessibilité à l'information gouvernementale permettra aux organismes syndicaux d'être informés des chiffres précis sur chacun des films diffusés en salle. Voilà une deuxième question à laquelle une réponse précise du ministre serait appréciée. Voilà pour l'envolée positive. (17 heures)

Nous aimerions maintenant informer la commission des réserves ou critiques que nous formulons à l'endroit du projet de loi 109 et aussi, dans certains cas, à l'endroit du rapport de la commission d'étude. Cette partie de notre intervention portera sur les trois thèmes suivants: la place de l'artiste interprète dans l'ensemble de la réforme en cours; les versions françaises, le sous-titrage et les autres prescriptions restrictives du projet de loi; le problème du doublage fait au Québec.

L'Union des artistes estime que les artistes interprètes qui jouent dans les films sont des partenaires extrêmement importants du milieu du cinéma québécois. D'ailleurs, bien que nous, comédiens et comédiennes, ne soyons pas, bien sûr, les seuls responsables du succès de tel ou tel film, il faut reconnaître que nous sommes souvent un facteur important dans le succès d'une production cinématographique d'ici. Or, à notre avis - et nous estimons important que l'Union des artistes le souligne - tant le rapport Fournier que les dispositions principales du projet de loi 109 ne réservent pas une place de grand choix au partenaire que nous estimons être. En fait, bien sûr, cet oubli ou cette absence de préoccupation ne fait que confirmer la situation actuelle, mais il nous apparaît important de souligner publiquement cette situation et cette tribune nous en offre l'occasion.

L'Union des artistes, en tant qu'organisme, mais surtout ses membres ont toujours été d'ardents défenseurs et protagonistes du développement d'un cinéma national dynamique et en santé. À tous les jours, plusieurs gestes que nous posons visent à favoriser la production cinématographique de chez nous. Nous sommes très souvent, nous l'avouons publiquement, beaucoup plus souples envers nos vis-à-vis patronaux et nos employeurs de l'industrie québécoise du cinéma qu'envers ceux de tous les autres secteurs. D'ailleurs, notre convention collective du cinéma en est un exemple évident. Plusieurs dispositions de cette convention sont inférieures ou plus souples que celles des autres conventions pour des situations parfaitement identiques. En fait, nous ne comptons plus le nombre de fois où des comédiens ont fait des concessions importantes pour permettre la réalisation d'un film d'ici: baisse de tarifs, réinvestissement partiel ou total du salaire dans la production afin de mener à terme le projet, don total du cachet, etc.

On nous demande toujours, en premier, de participer également à l'effort collectif. Cependant, malgré ces concessions, l'artiste interprète très souvent ne peut rien dire sur le texte, sur le type d'interprétation qu'on lui demande d'exécuter, sur les "rushes" ou le montage. On lui demande d'être collectiviste lorsqu'il s'agit de céder des droits, mais on ne l'écoute pas ou on le consulte rarement sur le produit lui-même. En fait, les comédiens, les artistes interprètes ne sont jamais impliqués dans le projet global. En outre, lorsqu'un tel film devient un succès ou, à tout le moins, couvre ses frais, les comédiens n'ont que très rarement un retour sur leur part de l'investissement collectif, ce qui n'est pas le cas pour plusieurs autres participants au projet.

Quelle place le projet de loi Fournier et le projet de loi no 109 réservent-ils aux artistes interprètes? Une place au sein du conseil d'administration de l'Institut

québécois du cinéma et des mesures légèrement plus serrées qu'auparavant au sujet de la présentation de versions françaises de films étrangers lesquelles pourraient, théoriquement, augmenter les possibilités de doublage ici. Nous verrons, cependant, un peu plus loin que cela risque d'être strictement théorique.

Ainsi, tous les excellents mécanismes d'aide et de soutien proposés par le rapport

Fournier et retenus dans le projet de loi 109 s'adressent à tous les autres groupes sauf aux artistes interprètes. Les retours automatiques sur billeterie, les primes au succès en salle, les primes à la qualité, cela, c'est pour les producteurs, les réalisateurs, les scénaristes, les jeunes innovateurs et explorateurs qui bénéficieront de l'aide à la recherche. L'artiste interprète, lui, ne bénéficie d'aucun de ces mécanismes d'aide.

Pourquoi n'y aurait-il pas une part de cette prime au succès en salle pour tel ou tel film, ou à la qualité, qui soit remise aux artistes interprètes qui ont joué dans ce film, à la condition, bien sûr, que cette somme serve exclusivement à des fins de perfectionnement: cours, stages particuliers, investissements dans un nouveau film, échanges avec l'étranger ou réinvestissement sous une forme ou une autre dans le cinéma?

N'est-ce pas là, aussi, une autre forme de réinvestissement dans notre cinéma et notre vie culturelle nationale que de participer au perfectionnement de ces acteurs partenaires?

Ce serait là, il nous semble, une façon tangible de démontrer la volonté du gouvernement de faire une meilleure place aux artistes interprètes dans cette industrie et, en fait, ce ne serait qu'un juste retour des choses pour les nombreux efforts, concessions et sacrifices faits par les artistes interprètes pour participer au développement d'un véritable cinéma d'ici. Nous aimerions sur ce point également recevoir une réponse du ministre. De plus, si une telle proposition était acceptée, nous désirons être consultés à la fois sur les critères d'attribution de ces primes et sur les critères qui prévaudront pour le calcul des montants qui retourneront aux artistes interprètes.

Nous aimerions maintenant commenter ce fameux article 79 qui a déjà fait couler beaucoup d'encre et qui en fait couler pas mal cet après-midi. Au risque d'en étonner sûrement quelques-uns, l'Union des artistes estime que les quelques prescriptions restrictives de ce projet de loi, notamment au sujet du doublage, du sous-titrage et des versions françaises, sont, somme toute, minimales et constituent une approche un peu timide. Comme plusieurs autres groupes viendront sûrement affirmer le contraire - et c'est leur droit, je le reconnais - l'Union des artistes pense qu'il est utile de vous donner sa perception à ce sujet et ce, malgré les foudres que nous risquons de recevoir d'une certaine clientèle extrêmement minoritaire. Pour l'Union des artistes, les "60 jours de grâce", comme nous les appelons, sont extrêmement généreux. Huit semaines complètes de diffusion, sept jours par semaine, à deux représentations par jour, à l'affiche du même cinéma, ou de plusieurs autres en plus, constituent une marque de succès que n'atteignent pas 75% des films à l'affiche à Montréal. Lorsque nous avançons ce chiffre, nous sommes conservateurs.

Ainsi, nous sommes parfaitement d'accord avec la commission Fournier pour dire que "ce délai est plus que largement suffisant pour permettre la diffusion au Québec, en première exclusivité, de tous les types de films pour lesquels un doublage ou un sous-titrage en langue française s'avère superflu ou trop coûteux." Pourquoi faudrait-il que cela soit "largement suffisant"? Pourquoi pas "suffisant" tout simplement? À notre avis, un délai de 30 jours serait beaucoup plus pertinent et respecterait mieux le public francophone québécois sans aucunement ennuyer les "majors" qui n'auraient aucune difficulté à respecter ce délai si telle était l'exigence légale. Aujourd'hui, elles profitent de notre mollesse. Pourquoi le leur reprocher? Changeons les règles du jeu et elles s'y conformeront puisque nos exigences seront encore de beaucoup en deçà de celles de plusieurs pays où pénètrent depuis toujours ces "majors" et leurs films.

Il nous semble qu'après quatre semaines de visionnement en anglais les Québécois bilingues qui, grâce à leur habileté linguistique, auront le plaisir de voir le film en version originale auront eu le temps de le faire. Il nous semble qu'il serait grandement alors temps de permettre aux citoyens moins familiers avec la langue anglaise de pouvoir bénéficier, eux aussi, quatre semaines plus tard, du même film dans leur langue et celle de la majorité. Est-ce là trop demander? Cela n'empêchera pas, d'ailleurs, que ce même film poursuive sa carrière en version originale au même moment.

Sur quels critères techniques ou scientifiques base-t-on notre argumentation, direz-vous? Malheureusement, nous ne possédons pas le personnel de recherchistes suffisant qui nous permettrait de faire de longues études pour appuyer certaines de nos affirmations, dont la présente. Voilà une autre lacune importante, d'ailleurs, que viendrait combler un système efficace de billetterie nationale. On arrêterait enfin, de part et d'autre, de faire des hypothèses et on pourrait discuter sur des chiffres réels.

Notre point de vue là-dessus découle, donc, de notre propre connaissance des rouages de l'industrie cinématographique et de discussions là-dessus depuis plusieurs années avec plusieurs partenaires du milieu cinématographique. Nous sommes convaincus

que les distributeurs de films qui dépassent les 30 jours à l'affiche peuvent techniquement et financièrement réaliser une version française dans les délais prescrits. En terminant sur ce point, nous aimerions, à tout le moins, être informés des raisons qui motivent le choix des 60 jours par la commission et retenu par le ministre.

Le rapport Fournier évoquait très brièvement que les mesures qu'il proposait pour le doublage et sous-titrage auraient probablement pour effet d'augmenter le doublage fait au Québec pour les films faits en d'autres langues que le français. C'est la seule allusion à cette question dans l'ensemble du rapport. De son côté, la loi 109 est totalement muette là-dessus. Et, pourtant, cette question est extrêmement importante pour nos membres. Nous aimerions donc ouvrir le débat à ce sujet.

L'Union des artistes estime, pour sa part, que les mesures proposées par le rapport Fournier et reprises par la loi 109 au sujet des versions françaises, du doublage et du sous-titrage auront une très faible incidence à court terme et même à moyen ou long terme sur un accroissement du doublage fait ici. S'il n'y a pas d'autres efforts faits à d'autres paliers sur ce point, ce sont les artistes interprètes français que nous risquons de favoriser par l'adoption du présent article 79. En effet, un tel article obligera la réalisation d'un peu plus de versions françaises dans des délais un peu plus rapides. Or, dans la situation actuelle, à cause de la sévérité des lois à ce sujet dans notre "très chère mère patrie", à la suite des pressions syndicales, les "majors" vont toutes faire doubler leurs films en France puisque c'est à cette seule condition qu'ils peuvent y être diffusés. Ainsi, lorsqu'on donne aux "majors" 60 jours pour doubler un film en français, elles ont amplement le temps d'aller faire travailler nos collègues parisiens. Ce n'est pas ainsi que l'on pourra améliorer la situation.

Pour l'Union des artistes, outre la réduction du délai à 30 jours qui aurait une incidence immédiate, il y a deux autres grandes avenues d'intervention possibles à ce sujet et les deux nécessitent l'appui du gouvernement québécois. La première voie -nous l'avons déjà exposée publiquement dans le passé, sans grands résultats jusqu'à présent, il faut le dire - c'est la voie de la négociation entre les gouvernements du Québec et de la France dans le cadre des accords de coopération entre nos deux pays. Il faut que notre gouvernement, de concert avec l'Union des artistes, exige un certain assouplissement des règles françaises au sujet de la pénétration en territoire français de films étrangers doublés au Québec.

Nous avons tenté de sensibiliser le gouvernement du Québec, de façon répétée, à ce sujet, depuis plusieurs années.

Dernièrement, dans une rencontre avec le ministre des Affaires intergouvernementales, qui portait sur les motifs de notre insatisfaction face à la reconduction presque automatique des accords France-Québec au sujet de TVFQ 99, l'Union des artistes est revenue sur cette question du doublage auprès de M. Jacques-Yvan Morin. C'était le 15 octobre. Quelques semaines plus tard, par voie de communiqué, ce dernier annonçait qu'il consulterait les artisans du milieu culturel québécois avant le prochain renouvellement des accords France-Québec. Nous attendons avec beaucoup d'impatience, mais aussi d'espoir ces rencontres de consultation, même si nous n'avons eu aucune nouvelle à ce sujet depuis.

Il faut que notre gouvernement se préoccupe de cette question et profite de ses rapports directs avec le gouvernement français pour exposer et faire valoir le point de vue des artistes québécois. 5oyez assurés que, de notre côté, nous sensibilisons continuellement nos collègues français qui, d'ailleurs, se sont montrés de plus en plus ouverts à la discussion sur ce sujet récemment.

La deuxième voie doit se diriger vers les "majors" américaines ou nos collègues canadiens-anglais. En effet, il nous semble qu'à ce jour aucun effort majeur de sensibilisation n'a été fait auprès d'eux pour leur exposer les avantages qu'ils retireraient à effectuer le doublage ici. Nous croyons fortement que, dans plusieurs situations, le doublage au Québec donnerait de meilleurs résultats pour le cinéma américain ou canadien anglais que le travail exécuté à Paris. D'ailleurs, il en est ainsi du théâtre depuis quelques années. Le jeune théâtre américain ou le théâtre très contemporain de nos voisins du Sud préfère maintenant se faire traduire par des dramaturges québécois plutôt que français. Michel Tremblay traduit beaucoup mieux Zindel que ne peut le faire un dramaturge français, d'après les spécialilstes du théâtre. Notre double appartenance à "l'américanité" et à la francophonie nous permet, semble-t-il, de mieux saisir l'esprit, l'essence des réalités décrites par le théâtre américain, que ne le feraient des collègues français.

Il nous semble que l'exemple du théâtre pourrait aussi se retrouver au cinéma où la vision américaine du monde s'exprime souvent dans toute sa splendeur!!!

Le gouvernement devrait, par son Office québécois du commerce extérieur, ou SODICC, nous aider à sensibiliser le milieu anglo-saxon sur nos capacités et sur la qualité du doublage qui peut se faire ici. Ainsi, les deux opérations menées de front pourraient, il me semble, aboutir à augmenter le nombre de productions doublées chez nous beaucoup plus que l'article 79, tel qu'il est rédigé présentement. Bien sûr, ces

démarches, s'ajoutant à la réduction de 30 jours, auraient probablement des effets bénéfiques beaucoup plus concrets. Il nous paraissait important, au moment où s'amorce une réflexion sérieuse sur l'industrie du cinéma, d'aborder ce sujet capital pour nos membres. Ceci termine le volet de nos commentaires précis sur le projet de loi no 109 lui-même et sur les améliorations que nous vous demandons d'y apporter.

Avant de terminer notre intervention, il nous paraîtrait important de profiter de notre présence parmi vous pour formuler quelques commentaires généraux sur certains aspects du rapport Fournier qui ne sont pas formellement traités dans le projet de loi puisqu'ils sont des sujets à dimension autre que législative. En effet, le développement du cinéma québécois ne tient pas qu'à l'adoption d'une loi intéressante sur le sujet. Il y a aussi des aspects financiers, budgétaires et politiques qu'il ne faut pas négliger.

Nous aimerions, d'abord, soulever le cas de Radio-Québec. Presque cinq mois avant la sortie du rapport Applebaum-Hébert, le rapport Fournier abordait de front le problème des relations entre les producteurs privés et indépendants et les maisons de production étatiques que sont Radio-Canada et Radio-Québec. L'analyse est très sévère et, sans arriver aux mêmes conclusions draconiennes que le tandem du rapport fédéral, le rapport sur le cinéma recommande que la société Radio-Québec accorde un pourcentage minimal formel aux producteurs indépendants.

Quelle est la position des artistes ou de l'organisme qui les représente dans cette confrontation qui a, d'ailleurs, pris beaucoup d'ampleur depuis la parution du rapport Applebaum-Hébert? Eh bien, la position de l'Union des artistes n'est ni monolithique ni absolue. De toute façon nous, les artistes, sommes pris entre l'arbre et l'écorce. Nous travaillons et négocions des conventions collectives de travail avec les deux groupes. En principe, nous sommes d'accord avec les personnes qui prétendent que des sommes investies dans la production indépendante risquent de déboucher sur une production de qualité relativement équivalente, mais plus considérable que les mêmes sommes confiées aux sociétés d'État. De ce fait, il en découlerait un travail accru pour nos membres et cela ne peut qu'avoir des effets bénéfiques sur la situation socio-économique des artistes interprètes. (17 h 15)

Cependant, nous sommes loin d'être convaincus, compte tenu de la situation économique actuelle, qu'un gouvernement qui réduirait de X dollars les budgets de production de Radio-Québec transférerait intégralement les mêmes sommes en soutien au secteur indépendant. Ainsi, ce qui risque d'arriver, c'est plutôt une perte sèche sur les deux fronts: des employés permanents autrefois affectés à la production à Radio-Québec qui se tourneront les pouces ou effectueront des tâches qui ne les intéressent pas et pas plus de travail dans le secteur indépendant.

Même si nos relations avec Radio-Québec ont souvent été difficiles, son existence crée quand même du travail pour nos membres. En ce sens, Radio-Québec est un élément positif dans le secteur de la production audiovisuelle. Ainsi, la seule chose qui pourrait justifier qu'on y réduise les budgets de production ou, si vous voulez, qu'on en ralentisse ou stoppe la croissance, c'est que ces sommes soient totalement et intégralement réinvesties dans la production par les indépendants. Sinon, le statu quo est plus intéressant pour nous. En clair, si vous ne nous offrez pas le pain, on préfère la galette aux miettes.

De plus, Radio-Québec est un employeur unique d'une certaine taille, ce qui en général représente un aspect positif pour un organisme comme le nôtre dans la gestion des conventions collectives. Il est évident que la tâche serait plus ardue, à tout le moins au départ, de gérer une convention collective avec un nombre très élevé de petits producteurs indépendants. Cela ne constitue, cependant, pas une objection de principe, mais plutôt une difficulté supplémentaire que nous aurions à vivre.

L'Union des artistes aimerait également insister auprès du gouvernement sur l'importance des abris fiscaux pour développer notre industrie cinématographique et demande au ministre et à ses collègues de bien considérer les recommandations à cet effet contenues dans la rapport Fournier. Il nous semble essentiel que vous interveniez auprès du gouvernement fédéral, au moment de rencontres interministérielles, sur cette dimension importante d'appui à notre cinéma national.

L'Union des artistes aimerait, en terminant cet exposé, insister sur une dimension que nous considérons comme essentielle dans toute cette réforme sur le cinéma qui est peut-être en train de se dérouler présentement, soit la dimension financière. En effet, le projet de loi que nous étudions, ou tout autre projet, d'ailleurs, qui serait plus ou moins large et englobant, ne réglera absolument pas les problèmes du fait de sa simple adoption par l'Assemblée nationale. Un projet de loi, c'est utile, c'est nécessaire, c'est important, mais les mesures de contrôle et les changements de structures légales n'ont jamais, à elles seules, permis la régénération et l'effervescence dans un secteur d'activité. Autrement dit, si ce projet de loi qui nous apparaît très intéressant - nous l'avons dit à

plusieurs reprises - n'est pas accompagné d'une injection financière importante, tout ce beau travail aura été, à notre avis, un peu futile et accessoire, un exercice de rhétorique qui n'apportera pas la véritable relance souhaitée, un squelette sans chair. Il faut le dire clairement, l'Union des artistes estime que les recommandations et les suggestions budgétaires du rapport Fournier sont aussi importantes que ses suggestions législatives et structurales. À notre avis, les unes ne vont pas sans les autres.

Le fonds de soutien au cinéma, les formules de retour automatique et de primes au succès, de primes à la qualité, d'aide à la recherche, les crédits à la production indépendante et l'aide aux distributeurs et aux exploitants sont toutes des mesures qui nous paraissent intéressantes et réalisables. Les solutions apportées sont à la fois originales et réalistes. De plus, dans la presque totalité des cas, les solutions proposées relèvent exclusivement de votre juridiction, ce qui évite les interminables conflits constitutionnels.

Nous aimerions aussi insister sur la pertinence des mesures transitoires proposées par la commission Fournier et demander leur mise en application pour une relance rapide de l'industrie, car vous savez que le temps presse. La production cinématographique chez nous a rarement été à un niveau si bas. La conséquence est claire pour l'ensemble des artisans du milieu, techniciens comme interprètes: nous grossissons le rang des chômeurs à tous les jours, sans prestation aucune, par ailleurs.

Dans votre déclaration à la conférence de presse de présentation du projet de loi, M. le ministre, vous avez affirmé que l'ensemble des mesures non législatives proposées par le rapport Fournier était à l'étude par vos collègues du Conseil du trésor, du ministère de l'Éducation et du ministère des Finances. L'Union des artistes espère que ces rencontres donneront des résultats rapidement et que ce n'est pas une technique pour reléguer ces dispositions essentielles aux oubliettes, car peu importe la qualité du projet de loi no 109, nous refusons que la présente réforme ne repose que sur cette seule pièce législative.

Pour l'Union des artistes, il est essentiel que les sommes que la commission Fournier proposait d'allouer au milieu du cinéma le soient, et rapidement. Si le gouvernement trouve des méthodes ou des sources qu'il estime meilleures que celles proposées, nous n'avons pas d'objection. Ce qui compte pour nous, c'est que des sommes équivalentes soient investies dans cette industrie culturelle, que nos membres travaillent et que toute cette mise en place ne prenne pas une autre décennie. Il faut que le gouvernement profite de l'unanimité qui semble enfin régner dans cette industrie et agisse rapidement.

Finalement, l'Union des artistes espère être consultée pour les autres étapes du processus de mise en place de la réforme à la suite de l'adoption de la présente loi: règlements, critères d'attribution de l'aide à l'industrie et à ses partenaires, etc. Nous aimerions, en conclusion, réitérer notre satisfaction quant au contenu essentiel du projet de loi no 109 et à la rapidité avec laquelle le ministre désire procéder. Nous espérons que la présente commission considérera sérieusement les modifications que nous avons proposées, c'est-à-dire: premièrement, que le milieu cinématographique québécois soit majoritaire sur l'ensemble des lieux décisionnels des organismes créés par la présente loi; deuxièmement, que l'on ajoute les artistes interprètes dans la liste des intervenants pouvant recevoir un retour automatique sur succès de guichet et des primes à la qualité; troisièmement, que l'on réduise de 60 à 30 jours la période permise de diffusion dans une seule langue autre que le français.

Soyez assurés que l'Union des artistes continuera, tout en défendant les intérêts de ses membres, à travailler à la renaissance de l'industrie cinématographique d'ici. Je vous remercie.

Le Président (M. Gagnon): Merci madame. M. le ministre.

M. Richard: M. le Président, je voudrais remercier Mme Deschâtelets et les collègues qui l'accompagnent. Je pense qu'il s'agit de la présentation d'un mémoire dont la facture est remarquable. Tous les membres de la commission, je pense, le reconnaîtront. Je voudrais tout de suite vous faire une observation en ce qui a trait aux 60 jours. Nous avons voulu - je pense que vous avez assisté aux séances de la commission depuis ce matin - être le moins contraignants possible et je pense que vous avez pu comprendre pourquoi. Il nous apparaissait que ce n'était pas trop contraignant, 60 jours, et qu'en même temps nous pourrions peut-être atteindre les objectifs poursuivis.

D'autre part, la question essentielle que je voudrais vous poser va porter sur le problème de la qualité. Ce matin, vous étiez présents quand, à plusieurs occasions, on a parlé de l'importance d'offrir aux Québécoises et aux Québécois un produit de qualité. Il me semble qu'on fait souvent état des échecs en matière de cinéma québécois et que, pour des motifs que j'ignore, on parle beaucoup moins souvent des succès du cinéma québécois. Je pense que, s'il y a une personne qui est habilitée à nous parler des succès du cinéma québécois, c'est bien la présidente de l'Union des artistes. Je voudrais entendre vos commentaires là-dessus, Mme Deschâtelets.

Mme Deschâtelets: M. le ministre, vous soulevez une question qui nous préoccupe beaucoup. J'ai eu l'occasion de lire quelques-uns des mémoires qui sont présentés devant cette commission et aussi de voir certains articles de journaux où on prétendait que le cinéma québécois n'était pas un cinéma de qualité, donc invendable à l'étranger, que les produits, les films américains ou en langue autre que le français doublés ici n'avaient pas la qualité des films doublés en France. Je puis vous dire que nous pourrions nous insulter de ces affirmations, étant donné que nous sommes les premiers touchés par de telles affirmations et que l'Union des artistes prétend représenter des artistes interprètes professionnels, ayant des qualités professionnelles équivalentes à celles des interprètes des autres pays, tant américains qu'européens, et que ces affirmations sont tout à fait gratuites. Mais, bien sûr, M. le ministre, si une industrie cinématographique nationale telle que celle du Québec ne produit que deux films en un an - c'était le cas l'année dernière - il est difficile d'arriver à cent produits de qualité égale ou équivalente à celle des produits fabriqués aux État-Unis ou en Europe. Si vous demandiez à l'équipe des Nordiques de ne jouer qu'un jour par mois, il est évident que cette équipe serait moins bonne qu'elle ne l'est. Je ne fais pas de partisanerie, je suis à Québec, je parle des Nordiques. C'est la même chose en matière culturelle; si vous ne produisez pas de films, autant les scénaristes, que les réalisateurs, que les interprètes ne se perfectionnent pas.

Mais, à la base, j'aimerais que les gens, en dehors du fait qu'ils puissent dire que tel film ou que tel autre film n'a pas fait succès, prennent aussi le temps de parler des films "Les bons débarras", "J. À. Martin photographe", "Deux femmes en or" et de multiples autres films qui non seulement ont réussi à faire leur frais mais à faire des profits. Si je reviens à "J. À. Martin photographe", nous avons une interprète dans ce film qui a gagné un prix au festival de Cannes, un des festival les plus prestigieux, Monique Mercure en l'occurrence.

Donc, je trouve un peu incroyable que des citoyens québécois, qu'ils soient ministres, députés ou quoi que ce soit, continuent à affirmer que notre cinémato-graphie n'a pas de valeur. Certaines personnes l'ont affirmé. Je considère qu'on devrait aussi s'arrêter à ce qui est bien fait, à ce qui a de la valeur, et à partir de ça s'étendre aussi sur les films de qualité.

De plus, je pense que plus il y aura de production, plus il y aura de bons films. C'est évident que la production cinématographique japonaise est immense, sauf que ce qu'on en voit ce sont les chefs-d'oeuvre. Nous on a un petit peu plus de difficulté à envoyer nos chefs-d'oeuvre parce qu'on n'en fait presque pas. Quand on en envoie un, c'est par décennie. Mais c'est normal puisque la production est tellement réduite.

M. Richard: Je vous remercie, Mme Deschâtelets.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: Oui, Mme Deschâtelets, je veux d'abord vous féliciter moi aussi pour votre beau mémoire. C'est clair, c'est substantiel et la diction est vraiment charmante et rapide. C'est très très très apprécié.

M. Richard: Comme quoi on peut faire du doublage au Québec, M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: Dans votre mémoire, en haut de la page 5, vous appuyez l'allégement des structures, ce qui se rapporte évidemment au rapport de M. Fournier. Vous ne semblez pas quand même enfin trop trop hésiter à accepter le nouvel organisme du cinéma et de la vidéo. Vous semblez cependant toujours hésiter sur cette question de surcharge au point de vue organismes, disant que c'est créer un risque que d'avoir comme ça de petits empires et des conflits de juridiction. Est-ce que vous voyez la même chose avec la création de cette nouvelle société? Pensez-vous que cela va augmenter ce danger de conflit de juridiction, puis de création de petits empires?

Mme Deschâtelets: Je ne crois pas, M. le député. Je considère que les trois structures proposées dans le projet de loi sont trois structures qui auront des mandats différents et complémentaires. Cette complémentarité et cette différence feront que les trois organismes pourront travailler conjointement à la condition, bien sûr, comme on le souligne un peu plus loin dans notre mémoire, qu'ils soient composés d'intervenants issus du milieu cinématographique.

M. Hains: Très bien, merci. En page 6, maintenant, vous insistez pour que les structures d'organisation et de développement "soient contrôlées et gérées par les artisans, créateurs et producteurs, c'est-à-dire le milieu du cinéma." Vous vous inquiétez même un peu du recrutement des membres de la société et de la régie qui sera laissé à la discrétion et au bon désir du ministre. Ma question est celle-ci: Ne trouvez-vous pas qu'il y a vraiment une saveur corporatiste un peu épicée dans tout cela? Parce que ce groupe restreint, quoique très digne et très compétent, nous vous en rendons hommage, je ne doute pas de cela, est-ce que quand

même ce n'est pas un peu contraignant pour la notion de diversité d'opinions, l'étalement de la qualité? En même temps est-ce que les goûts et les intérêts du public ne risquent pas quand même de perdre un peu leur priorité?

Mme Deschâtelets: Je puis vous dire, M. le député, que nous soulignons que nous voudrions que la majorité des membres des conseils d'administration de ces trois institutions soit composée de gens du milieu. Nous n'avons pas d'objection qu'il y ait d'autres personnes. Ici, je fais référence à la composition actuelle de l'Institut québécois du cinéma qui est de gens du milieu; entre autres, étant donné que c'est un conseil d'administration petit, il y a un représentant du public dans cet organisme-là. C'est dans cet esprit que nous favorisons à ces conseils d'administration, une majorité de représentants du milieu avec bien sûr d'autres types de représentants. Nous n'excluons pas des représentants du public ou d'autres types d'organismes ayant un intérêt dans le milieu cinématographique. Nous voudrions qu'une majorité soit composée de gens du milieu.

M. Hains: Merci.

Le Président (M. Gagnon): M. le député.

M. Hains: Vous vous plaignez aussi, avec raison je crois, du peu d'importance donnée à l'artiste interprète dans l'ensemble de la réforme. Là-dessus vous me rejoignez parce que j'ai beaucoup dit dans mon discours d'ouverture que, dans toute cette structure, on semble oublier l'humain et, par conséquent, on semble oublier aussi l'artiste interprète.

J'aimerais vous entendre dire ce que vous aimeriez qu'on inclue dans la loi. Enfin, qu'est-ce qu'on pourrait faire davantage afin que votre rôle soit vraiment reconnu dans ce projet de loi?

Mme Deschâtelets: Dans les demandes les plus importantes que nous faisons au ministre quant à son projet de loi, il y en a deux que je peux vous citer. Celle que nous soyons partie à ces primes au succès ou primes à la qualité qui seront réinvesties chez les intervenants du cinéma, primes au succès auxquelles nous ne participons pas actuellement. Je pense que c'est un point important, étant donné que les artistes font partie intégrante du succès d'un film, à l'égal d'un réalisateur ou d'un scénariste. Nous voudrions que ces primes au succès soient réparties de façon adéquate. Nous ne demandons pas la plus grosse part, mais nous demandons une part.

Un deuxième point. Nous voudrions aussi, en plus de cet élément qui touche les artistes interprètes, que des mesures soient prises pour réduire au minimum la période de 60 à 30 jours pour la sortie d'un film en langue française. Cette mesure ne nous touchera pas immédiatement dans un premier temps, puisque, on le sait très bien, sans des mesures parallèles il est impossible que le doublage ou le sous-titrage soit fait automatiquement ici. Mais, au moins, c'est une mesure incitatrice. Par cette mesure, jumelée avec des négociations parallèles faites par le gouvernement québécois avec le gouvernement français, on arriverait peut-être à un moyen terme et à des méthodes de fonctionnement qui puissent faire revivre l'industrie du doublage.

Est-ce que je réponds à votre question?

M. Hains: Oui, oui, très bien. Merci. Justement, pour en revenir à la question de la période, vous trouvez ce délai de 60 jours, comme vous dites, comme une approche minimale et très timide?

Mme Deschâtelets: C'est tout à fait timide.

M. Hains: Je vais finir ma question. Je respecte évidemment votre opinion, mais vous hésitez un peu à la défendre quand même en invoquant un peu le manque de recherchistes à cet effet. Non?

Mme Deschâtelets: C'est-à-dire que nous n'avons pas de chiffre précis. Nous avançons un certain nombre de chiffres que nous formulons à partir d'expériences vécues. Nos membres font du doublage actuellement. Selon les quelques productions cinématographiques qui ont été doublées ici, on calcule que, dans une période de 30 jours, un film peut être doublé au Québec, comme il peut l'être aussi en Europe en l'espace de 30 jours.

Un film peut être sous-titré dans une période maximale de 15 jours. Donc, on se base sur des chiffres que nous connaissons à partir de notre travail. Bien sûr, les autres intervenants, tels les "majors", soulignent que c'est impossible de doubler un film dans cette période. Par contre, puisqu'on s'est déjà servi du mémoire des "majors", je vais m'en servir moi-même. À un moment donné, ils disent qu'on devrait attendre quelques mois, sinon près d'un an dans certains cas, pour qu'un film doublé soit disponible. Voyez à la page 11 de leur mémoire. Par contre, en page 15 de ce même mémoire, ils disent eux-mêmes que les maisons de doublage françaises sont fermées au mois de juin. À partir de ce moment-là, un film qui serait diffusé au Québec au mois de juin, les maisons de doublage étant fermées en France - évidemment, ils en déduisent que les films seront doublés en France - ils disent que, si le film était présenté au Québec en juin, la

version française du film ne pourrait sortir avant le mois de septembre. Ce qui fait deux mois. Ils passent de près d'un an à deux mois, à l'intérieur de leur mémoire. Ce sont eux qui font faire le doublage.

À partir de cela, je dis que nous n'avons pas de preuve, mais ils n'en ont pas plus de leur part. Donc, donnons-nous des moyens d'avoir des preuves.

M. Hains: Mais je continue à dire que vous semblez douter un peu de l'effet de cet article 79. Vous dites, un peu plus loin à la page 21, si je ne m'abuse, que "ce n'est pas ainsi qu'on va améliorer la situation. Pour l'UDA, outre un délai de 30 jours qui aurait une incidence immédiate, il y a deux autres grandes avenues". Pour ma part aussi; on dirait qu'on se rencontre énormément. C'est ce sur quoi j'ai insisté dans mon discours, c'est-à-dire la négociation avec ces gens-là, avec la France et, deuxièmement, avec les "majors". Est-ce que vous pourriez, avec votre voix, essayer de convaincre notre ministre que c'est possible?

Mme Deschâtelets: Je suis d'accord avec vous pour continuer d'affirmer que cette mesure, cet article 79, dans les faits, n'est qu'une technicité. Pour nous, cela ne représentera pas plus de travail. Cela ne représentera pas plus de doublage pour nos membres. C'est évident. Mais il est essentiel, au moins, que cet article reste tel qu'il est. C'est le minimum. Que le ministre veuille le changer, nous en serions fort heureux et nous le lui demandons. Mais, le minimum que nous exigeons, c'est que ce qui est dans l'article 79 continue à exister au moment où la loi sera votée en Chambre. Ce serait épouvantable que cet article disparaisse ou qu'il soit minimisé. Nous parlons pour nous. Il est bien évident que, pour l'industrie de doublage non plus, ce n'est pas une mesure qui à court terme va favoriser le travail dans leurs studios. Mais il est évident qu'à plus ou moins long terme, si au moins on a cette mesure-là et que, parallèlement, le gouvernement s'entend pour négocier autre chose d'autre part, en jumelant les deux exercices, l'exercice de loi et l'exercice de négocation, on arrivera à quelque chose de potable et de valable pour nous.

M. Hains: Alors, une dernière question peut-être au sujet de Radio-Québec. Êtes-vous d'accord, en principe, avec l'idée de cesser la production à Radio-Québec, à condition que les sommes investies soient complètement reconduites dans la production privée? Est-ce que vous pourriez commenter là-dessus?

Mme Deschâtelets: D'abord, je vais vous corriger un peu. Nous avons dit de stopper la croissance de Radio-Québec et non pas de fermer la boîte prioritairement. Je ne voudrais pas que vous nous fassiez dire ce que nous n'avons pas dit.

Si le gouvernement veut procéder de la sorte, les sommes totales qui sont attribuées actuellement à Radio-Québec pour faire de la production, si elles sont réinvesties automatiquement dans la production privée, il est évident que pour nous cela représente une masse de travail plus importante. Je pense que personne n'est inconscient ici et tout le monde doit savoir - ou si vous ne le savez pas, je vous le dis, vous pourrez vérifier les chiffres - qu'une production fabriquée dans une société d'État, comme Radio-Canada ou Radio-Québec, coûte plus cher que chez les producteurs privés. Donc, à partir de ce moment-là, si un producteur privé bénéficie du même montant d'argent, il est évident qu'il fera plus de productions. Mais nous ne sommes pas d'accord avec le fait que vous stoppiez la croissance de Radio-Québec d'une façon ou d'une autre et que ces sommes-là soient dirigées vers d'autres fins que celles de la véritable production cinématographique. Et, à partir de ce moment-là, que ce soit au moins les producteurs indépendants qui en bénéficient, eux qui bâtissent une cinématographie nationale.

M. Hains: Je vous remercie et je vous offre mes félicitations pour votre beau travail.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Mille-Îles.

M. Champagne: Merci, M. le Président. Je m'associe aux collègues qui m'ont précédé pour féliciter Mme Deschâtelets de la qualité du mémoire qu'elle a présenté.

J'ai peur peut-être de répéter certaines questions, mais c'est très important au sujet de l'article 79. En page 17, vous dites: "...sans aucunement ennuyer les "majors" qui n'auraient aucune difficulté à entrer dans ce délai - de trente jours - si telle était l'exigence légale". Etes-vous capable de me faire la preuve que les "majors" ne seront aucunement ennuyés si on met le délai à trente jours?

Mme Deschâtelets: Pourquoi les "majors" seraient-ils ennuyés de le faire ici quand ils ne sont pas ennuyés de le faire en France? Ils le font en France. La loi l'exige.

Ils le font. Ils sortent les films en version française en France, à peu près, dans la majorité des cas, en même temps qu'ils sortent aux États-Unis et, dans plusieurs cas où les films ne sortent pas en France en même temps qu'aux États-Unis, c'est strictement une question de marketing. Il est bien évident que la sortie des films dans un pays a un impact sur la population et qu'on

choisit le meilleur moment pour cette population pour choisir le film. En France, c'est peut-être le mois d'avril ou mai, ici c'est peut-être le mois de septembre et, aux États-Unis, c'est peut-être le mois d'octobre. Il y a ces raisons qui justifient gu'un film ne sorte pas en même temps aux Etats-Unis et en France. Mais dans la majorité des cas, je dis bien la majorité des cas - nos collègues artistes interprètes français qui vivent de l'industrie du doublage et qui en vivent grassement pourraient vous le dire - les films sortent à peu près en même temps qu'aux États-Unis et vous pouvez le vérifier.

M. Champagne: D'accord. Au sujet de la commission, vous dites: Changeons les règles du jeu et ils s'y conformeront puisque nos exigences seront encore de beaucoup en deçà de celles de plusieurs pays où pénètrent depuis toujours les "majors" et leurs films.

J'aimerais savoir quelles sont les exigences dans d'autres pays face à ces "majors"?

Mme Deschâtelets: Si je pense à la France, un film américain - prenons le cas des Américains, mais tout autre film en langue autre que le français qui sort en territoire français - doit être doublé sur le territoire français. C'était une loi qui existait pour le cinéma distribué en salle et qui a été extensionnée au cinéma diffusé sur les chaînes de télévision. À quatorze heures près, on permet une quarantaine d'heures de diffusion d'émissions doublées qui sont permises sur les ondes de la télévision. Mais, au cinéma, cela n'existe pas. Donc, pour diffuser un film en salle en France, il faut que le film soit diffusé en salle. Dans d'autres pays, vous avez des mesures différentes. En Belgique, par exemple, il existe un contingentement de productions étrangères. Il n'existe pas de normes en matière de doublage mais, par contre, il existe un contingentement en matière d'entrée de films étrangers. Je préfère ne pas contingenter les films étrangers et donner à la population québécoise l'accès complet à toutes les cinématographies nationales étrangères mais, par contre, permettre à l'industrie, ici, de vivre - et l'industrie du doublage en est une - à partir de productions étrangères qui prennent la place de productions locales sur les écrans de cinéma et dans les salles de télévision.

M. Champagne: Est-ce que vous voulez dire, par le fait même, que nous sommes plus généreux qu'ailleurs?

Mme Deschâtelets: Je ne parle même pas de générosité. Nous avons laissé faire les gens jusqu'à maintenant. Il n'y a personne à blâmer, mais je pense qu'il est temps de s'en rendre compte.

M. Champagne: Merci beaucoup.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Mme la députée de Chomedey.

Mme Bacon: Merci, M. le Président. J'aimerais revenir, si vous le voulez bien, à la page 14 où vous indiquez, évidemment, le retour automatique sur la billetterie, la prime au succès, la prime à la qualité et le fait que l'artiste interprète ne bénéficie d'aucun de ces mécanismes d'aide. Vous aimeriez que cela serve, en fait, à des fins de perfectionnement. Est-ce que c'est un peu dans le style des bourses qui sont données par le Conseil des arts? Est-ce que c'est un peu dans ce genre-là que vous voyez l'aide qui serait donnée aux interprètes?

Mme Deschâtelets: Pas nécessairement. Ce pourrait être, par exemple, pour aider les interprètes à avoir accès à des cours ailleurs, bien sûr, sous forme de bourses mais aussi avec l'obligation pour l'artiste, par la suite, de réinvestir d'une certaine façon dans une production nationale, soit par sa participation à l'intérieur d'un film, soit par - à titre d'exemple, on a essayé d'évaluer tout cela - la présence d'un artiste interprète dans des groupes de cours pour former de jeunes étudiants en cinématographie. La remise de ces sommes servirait pour l'interprète lui-même mais aussi pour la collectivité du cinéma.

Mme Bacon: Qui croyez-vous serait habilité à mettre de l'avant des critères de sélection? Est-ce que ce serait l'Union des artistes même? Est-ce que vous vous êtes penchés sur cette question des critères? Parce qu'il y a quand même un problème de critères de sélection. Qui serait habilité à le faire, d'après vous?

Mme Deschâtelets: Dans la structure proposée par la loi, je pense que cela ferait partie des attributions directes de l'Institut québécois du cinéma avec, bien entendu, la participation de certains intervenants comme des membres de l'Union des artistes qui pourraient faire un certain nombre de suggestions. Il est bien évident que cela ne pourrait pas être l'Union des artistes elle-même...

Mme Bacon: Non.

Mme Deschâtelets: ...qui décide de cela. On se trouverait juge et partie face à nos propres membres. Je pense que l'union pourrait être un élément de suggestion pour l'Institut québécois du cinéma afin qu'il bâtisse les critères.

Mme Bacon: Est-ce que vous verriez un comité spécial à l'intérieur de l'institut, qui

serait ce comité de sélection?

Mme Deschâtelets: Je pense que ce pourrait être un comité spécial avec l'approbation du conseil d'administration de l'institut sur ces critères. Cela nous semblerait une mesure valable.

Mme Bacon: Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Mme Deschâtelets, vous avez dit tantôt, en faisant référence à certaines mesures, "qui puissent faire revivre l'industrie du doublage" et je me suis demandée qu'est-ce qui est arrivé à cette industrie pour qu'elle ait besoin d'être...

Mme Deschâtelets: Elle est moribonde.

Mme Harel: II ne s'agit pas seulement d'un second souffle. Il s'agit, en fait, d'une situation qui est plus dramatique encore?

Mme Deschâtelets: Dans le cinéma, c'est un second souffle. Dans l'industrie du doublage, ils en sont à la survie et je pense qu'ils viendront vous le dire eux-mêmes. Il y a à peu près cinq ou six ans, il existait - mon camarade pourrait le dire - une quinzaine de maisons de doublage. Actuellement, il n'en existe que...

M. Bellier (Marc): ...cinq ou six qui survivent...

Mme Deschâtelets: ...qui survivent parce qu'il y a peu de produits à doubler et, en plus, encore dans le domaine cinématographique, tous les films sont doublés en France, mais une très grande majorité, le pourcentage qu'ils ont à doubler est minime. En ce qui concerne, les émissions de télévision, on achète des séries télévisées doublées en France exclusivement pour le Québec. Cela n'existe plus à une aussi haute échelle qu'autrefois, mais cela existe encore où des sociétés comme Radio-Canada achètent des séries doublées en France et des séries qui ne sont diffusées que sur les ondes de la télévision canadienne-française. Alors, cette industrie vivote. Si je pense à nos propres membres, nous avions il y a cinq ou six ans environ 150 personnes qui travaillaient dans le secteur du doublage, nous n'en avons plus que 50, au maximum. Je vous donne des chiffres maximaux. (17 h 45)

M. Bellier: Et sur le plan cinématographique, cela va encore plus loin, c'est que même des productions canadiennes anglophones sont doublées en France, en français, même pas par les acteurs québécois. Les productions cinématographi- ques canadiennes anglophones sont doublées en français en France. Cela va aussi loin que cela.

Mme Harel: Est-ce qu'il vous semble que votre recommandation de réduire de 60 à 30 jours puisse avoir un impact direct?

Mme Deschâtelets: Quant à moi, je pense que cet impact ne serait pas sur la totalité des films à doubler, mais au moins sur une proportion de films que les Américains sortent ici spécifiquement au Québec avant de les sortir en France ou même sans les sortir en France. Cela aurait au moins un impact sur une partie de la production. Nous sommes bien conscients que nous ne pouvons pas rapatrier la totalité de la production en doublage, la totalité du doublage. C'est bien évident, le bassin de la population ne le permet pas. Mais au moins, cette partie pourrait nous revenir et permettre à l'industrie de vivre.

Mme Harel: Est-ce qu'il y a des films qui sortent ici, comme vous le mentionniez, tout de suite sans qu'ils soient diffusés en France?

Mme Deschâtelets: Cela existe.

Mme Harel: Dans les films américains?

Mme Deschâtelets: II y a des films américains, comme il y en a qui sortent uniquement en France et qui ne sortent jamais ici, cela dépend.

Mme Harel: II ne vous semble pas que cela pourrait en fait exclure du marché québécois des films qui n'auraient pas de sortie ici ou dont la sortie serait retardée.

Mme Deschâtelets: Absolument pas puisque le doublage n'est pas essentiel. Les industries techniques vivent aussi du sous-titrage et le sous-titrage, les "majors" le disent eux-mêmes, ils affirmaient, il y a deux ans, que cela coûtait 8000 $ pour sous-titrer; cela en coûte 1500 $. Alors, je pense que 1500 $ pour sous-titrer un film et deux semaines au maximum pour le faire, cela leur permettrait de le faire ici. Nous parlons plus particulièrement du doublage parce que c'est une source de revenus pour nos membres, mais ils ont toujours la porte de sortie du sous-titrage qui est là prévue dans la loi et dont ils peuvent se servir en n'importe quel temps.

Mme Harel: J'ai une autre question à vous poser. Ceci dit, je trouve que votre intervention est assez magistrale sur toute cette question en rapport avec la disposition 79 du projet de loi. Cette question que je vous adresse concerne la recommandation que

vous faites disant que le milieu cinématographique soit majoritaire sur l'ensemble des lieux décisionnels, dites-vous, et où vous faites référence particulièrement à l'institut, où ce sera le cas, et à la société. Comme la société a comme mandat de répartir les fonds du gouvernement destinés au secteur privé du cinéma et de la vidéo, est-ce qu'il ne vous semble pas plausible qu'il puisse y avoir, à l'occasion, conflit d'intérêts ou du moins apparence de conflit d'intérêts?

Mme Deschâtelets: Si on pense au fonctionnement actuel de l'institut - parce que je suis membre du conseil d'administration de l'institut - il n'y a, à ma connaissance, pas eu de conflit d'intérêts, étant donné qu'au moment de voter, si on a un intérêt, quel qu'il soit, dans quelque production que ce soit, on se retire au moment du vote et toutes les décisions d'attribution de sommes sont faites à partir d'un jury. Ce sont les jurys qui décident et qui font des recommandations au conseil d'administration de l'institut.

Même si le conseil d'administration de l'institut est constitué de gens du milieu, ce ne sont pas ces gens qui lisent les projets et qui décident que ces projets sont acceptables ou non. Ce sont des jurys secrets. Donc, à partir de cela, les recommandations viennent et on n'étudie pas nous-mêmes le projet. Si la recommandation est négative, le jury a raison là-dessus. Donc, le conflit d'intérêts n'existe pas, à ma connaissance.

Mme Harel: J'imagine qu'il peut se produire, ce conflit, s'il y a de nombreuses recommandations positives et s'il y a un arbitrage à faire dans la répartition des sommes?

Mme Deschâtelets: Cela pourrait exister dans ces cas, je ne le nie pas.

Mme Harel: D'accord.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais poursuivre sur la question de ma collègue de Maisonneuve. Pourquoi vous semble-t-il aussi fondamental que les structures d'organisation et de développement soient contrôlées et gérées par les artisans créateurs et producteurs? Je comprends qu'il faut que ce soit des gens d'abord intéressés à ce milieu, qui soient familiers avec ce milieu. Lorsqu'on examine la composition d'un grand nombre de conseils d'administration, que ce soit en éducation, en affaires sociales ou en économique etc., en général, ce sont des personnes qui, à un moment ou l'autre, ont des intérêts dans ces domaines, mais ce ne sont pas nécessairement des gens qui y sont directement impliqués. Je voudrais essayer de saisir le rationnel pour que vous soyez aussi formels dans votre recommandation. N'y aurait-il pas gain également à ce que, justement, un nombre plus important de personnes n'étant pas directement impliquées dans le milieu de la création et des productions soient aussi membres, deviennent des interprètes extrêmement précieux pour vous auprès de la communauté, auprès du gouvernement? Il me semble qu'il y aurait un gain quelconque, même pour vous, à modifier la structure telle qu'elle existe présentement.

Mme Deschâtelets: L'exemple à l'appui que je vais vous donner pour justifier notre affirmation est celui de l'Institut québécois du cinéma. Le milieu du cinéma, tout le monde le sait depuis fort longtemps, est un milieu qui a vécu de nombreuses difficultés internes avant d'en arriver à un fonctionnement sain et serein tel que celui qui existe à l'institut. C'est à partir des interventions des gens du milieu et de la présence des gens du milieu à la table du conseil d'administration de l'institut que les consensus se sont faits et que l'unanimité arrive à se faire dans un milieu très difficile et très bouillant.

Donc, nous partons de cet exemple. Il est évident que l'apport de gens de l'extérieur peut être valable à la condition que la majorité de l'industrie soit présente à ces tables, à notre avis, étant donné que les formes de métier que nous exerçons ne ressemblent en rien à tout autre fonctionnement dans les autres industries.

Donc, nous considérons que les gens du milieu sont plus aptes à faire comprendre et percevoir la réalité du milieu. Nous sommes d'accord, je pense, pour qu'un certain nombre de personnes à l'extérieur du milieu soient présentes au conseil d'administration mais, à notre avis, la présence majoritaire des gens du milieu - et l'institut est là pour le prouver - a ses lettres de noblesse.

Mme Lavoie-Roux: J'accepte votre explication, votre affirmation. Mais il reste que - et peut-être que cela n'est pas relié au fait que ce soit très majoritairement composé de gens du milieu - on a entendu, depuis hier, cinq ou six mémoires, et il y en a deux ou trois qui ont été assez critiques des décisions de l'institut, à savoir qu'ils sont toujours oubliés, que telle région est favorisée et que la leur ne l'est pas. Enfin, on a eu des remarques à cet effet. Alors, il se peut qu'à l'intérieur, vous fonctionniez d'une façon plus harmonieuse et avec moins de tiraillements, mais je me demande si la présence en plus grand nombre de gens de "l'extérieur" ne permettrait pas de faire un arbitrage qui serait moins sujet à la critique puisqu'on a entendu... Je n'ai pas lu tous les autres mémoires, je ne sais pas s'il y a des

critiques de ce genre qui se répètent, mais particulièrement sur la composition... La députée de Maisonneuve parlait de la composition de la Société générale du cinéma et de la vidéo, où on fera la distribution de subventions, où on portera quand même des jugements. Vous dites que vous feriez peut-être exception pour la régie, mais pas pour la Société du cinéma et de la vidéo qui est la société qui a pour fonction très explicite de procéder à des jugements, à la distribution de fonds, etc., et cela m'étonne un peu.

Mme Deschâtelets: II est bien sûr que tout organisme ayant à prendre des décisions pour ou contre certains demandeurs est toujours critiqué. Il est bien évident que l'institut est sûrement critiqué à l'égal de tout autre organisme, sauf que je considère et nous considérons à l'Union des artistes que le travail de l'institut depuis le début de son existence jusqu'à maintenant a réussi à faire une unanimité du milieu. La réaction des gens à la présentation du projet de loi et du rapport de la commission Fournier en est un exemple évident. Donc, cette unanimité n'a jamais existé auparavant, c'était la guerre totale en tout temps. Maintenant, on en est arrive, avec le cheminement de l'institut, à cette situation. D'accord, il y a des critiques, mais je pense que la présence majoritaire des gens du milieu a servi à cela.

À notre avis, la poursuite de cette façon de faire est idéale.

Mme Lavoie-Roux: La deuxième question que j'ai s'adresse peut-être davantage au ministre, mais vous y touchez d'une façon très développée. C'est toute la question du doublage des films. Je vais rappeler qu'en 1977, lors du premier voyage officiel du premier ministre en France, après l'élection de 1976, avant même son départ, cette question avait été soulevée par moi-même à l'Assemblée nationale et il devait en discuter à Paris. C'était en 1977, à ce moment-là, il y avait une grève. Vous faites allusion, d'ailleurs, aux pressions des syndicats français. J'ai oublié sa réponse à son retour de voyage, mais il y a une chose certaine, le problème n'était pas réglé. Je pense que c'est très important. Déjà, à ce moment-là, les compagnies se sentaient vraiment en voie de disparition à la suite de cette politique. Y a-t-il des espoirs, M. le ministre? Parce que c'est un problème réel, ce n'est pas un problème imaginé. Dans nos accords franco-québécois, cela m'étonne beaucoup qu'on ne soit pas arrivé à s'entendre ou, au moins, à une espèce de compromis. Je ne sais pas de quelle façon et quelles pourraient en être les modalités, mais cela m'apparaît une abnégation, - abnégation n'est même pas le mot - une démission tout à fait incompréhensible de la part du gouvernement du Québec.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Richard: M. le Président, avec votre permission, j'aimerais apporter une très brève réponse à la question fort pertinente soulevée par Mme la députée de L'Acadie. Il est vrai que des démarches ont déjà été entreprises auprès du gouvernement français. J'ai moi-même eu l'occasion de m'entretenir à ce sujet avec mon homologue, le ministre de la Culture de France. Ce n'est pas très facile à régler, parce que cela relève essentiellement des syndicats français. C'est l'opposition des syndicats français qui est en cause. Sauf que - je pense que Mme Deschâtelets va pouvoir ajouter à mon propos - simultanément, il faut entreprendre des négociations avec le gouvernement français, d'une part, et avec les syndicats en ayant l'appui - j'espère bien, je pense qu'il nous est acquis d'avance - de l'Union des artistes, en particulier.

Comme les rapports entre l'Union des artistes et les syndicats québécois sont de plus en plus fréquents et que les rapports entre les interprètes québécois et leurs collègues sont de plus en plus fréquents, je pense qu'il y a lieu d'espérer que la situation s'améliore dans un proche avenir. Il y a des solutions originales qui sont maintenant proposées et j'espère bien pouvoir les proposer, avec l'appui de l'Union des artistes, à nos collègues français. Je pense que ce ne serait pas le moment de parler des solutions originales auxquelles on songe avant de leur en parler à eux d'abord.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, moi...

Le Président (M. Gagnon): Madame, est-ce que vous aviez un complément de réponse?

Mme Deschâtelets: Si madame veut poursuivre, mais j'aurais peut-être un élément supplémentaire. Je pense que votre information sur ce qui s'est passé en 1977 est assez juste. Le premier ministre était nanti d'une mission globale dont une petite partie était celle du doublage. À cette époque, nous avons perdu notre bataille; semble-t-il que nous avons été échangés contre un achat massif de cuivre, nous a-ton dit. Je pense que l'échange était valable. On s'en est plaint mais il était justifié dans les circonstances. Par contre je puis vous dire que les syndicats français étaient, comme le souligne M. le ministre, très très fermés à toute ouverture de leur marché de doublage. Ils avaient un monopole là-dessus. Depuis six mois ils sont pressés de toute part,

parce que membres de la Communauté économique européenne, pour ouvrir le marché du doublage et le marché du cinéma français.

Comme ils sont obligés maintenant de partager avec les Européens ils ne veulent pas le faire avant d'en être arrivés à une entente avec nous parce qu'une brèche faite dans ce secteur-là est une brèche qui sera, après, non calfeutrable. À partir de cela, ils nous ont prévenus qu'ils étaient prêts à intervenir auprès de leur gouvernement, parce qu'ils sont toujours partie aux discussions sur le sujet, dans le sens de favoriser une pénétration de leur marché du doublage et une accession pour les Québécois francophones à un pourcentage du doublage fait en France et aussi à un pourcentage des films doublés dans les salles de cinéma. Je pense que c'est une ouverture importante qu'il faut saisir à bras-le-corps parce que ce n'est pas leur genre. Ils nous en ont déjà prévenus. À l'Union des artistes, actuellement, on travaille sur le dossier. Nous avons déjà prévenu M. le ministre que dans le cadre d'échanges avec le gouvernement français, nous étions prêts à collaborer, étant donné que le syndicat est prêt à s'ouvrir enfin. (18 heures)

Mme Lavoie-Roux: Dans le fond, la Communauté européenne aura plus de poids que le gouvernement du Québec comme pression auprès des syndicats pour agir. D'ailleurs, je ne voudrais pas entrer sur un autre terrain. Quand, en fin de compte, on réalise qu'il y a plus d'échanges entre la France et l'Ontario qu'entre la France et le Québec, cela laisse songeur. Mais on peut vous assurer, parce que cela n'est pas nos préoccupations immédiates, que nous allons continuer d'aiguillonner le gouvernement -peut-être qu'on ne l'a pas assez fait après 1977 - sur ce point qui apparaît extrêmement important. Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Rousseau.

M. Blouin: Mme Deschâtelets, habituellement, les gens félicitent les membres de l'Union des artistes pour leurs beaux programmes. Cela me faisait rire aujourd'hui d'entendre tout le monde vous féliciter pour votre beau mémoire, mais je pense que ce sont quand même des témoignages mérités. Je voudrais soulever un point, parce que vous avez apporté des éléments extrêmement importants, qui est fondamental et qui touche effectivement le doublage, le sous-titrage des films au Québec. Au cours des discussions de la journée, on a reçu plusieurs informations techniques, très pertinentes et importantes qui démontraient que d'abord cela ne coûte pas cher de sous-titrer des films. Cela ne coûte pas des fortunes non plus. Deuxièmement, vous nous avez expliqué très justement que, d'une part, dans certains pays on avait des exigences beaucoup plus importantes que celles-là et que, d'autre part, on pouvait le faire dans un délai qui pouvait être évalué à environ 30 jours, un mois, pour doubler un film.

Quinze jours pour le sous-titrer, alors cela fait pencher un peu le tableau vers le délai de 30 jours plutôt que vers le délai de 60 jours. Mais il y a un argument encore plus fondamental que vous avez apporté qui m'a renversé un peu. À la page 16 de votre mémoire, vous nous précisez qu'environ 75% des films projetés au Québec pourraient échapper aux dispositions de la loi si effectivement le délai de 60 jours est maintenu parce que la majorité des films projetés au Québec, après huit semaines, disparaît du tableau. C'est un argument extrêmement important, pour répondre au principe de la loi. S'il y a 75% des visionnements qui échappent au principe de la loi, on peut s'interroger à nouveau sur le principe lui-même. J'aimerais que vous me disiez comment vous en êtes venus à identifier ces 75%? Sur quelles données précises vous êtes-vous basés pour en arriver là?

Mme Deschâtelets: Nous avons pris les chiffres qui étaient soumis dans le rapport Fournier, à savoir le temps de distribution en salle, combien de temps les films restaient à l'affiche. À part les très gros succès, vous vérifierez que 60 jours sont à peu près le maximum qu'un film puisse rester à l'affiche dans une salle de cinéma. Je vous parlerai simplement en amateur de cinéma si on pense à des films très spécialisés ou à des films qui n'ont pas une diffusion très large, on doit toujours se presser d'aller les voir parce qu'on sait très bien qu'un mois plus tard ils ne seront plus à l'affiche. Je vous parle d'une majorité de films parce que les films à succès ne sont quand même pas des majorités. Si on pense, par exemple, au projet de loi en ce qui touche particulièrement l'article 79, vous avez au point 3 de cet article que la régie appose un visa temporaire sur les copies en langue autre que le français pour une période de 60 jours et sur toutes les copies présentées.

Si vous voulez exploiter un film à l'intérieur de 60 jours, même un film comme "E.T." qui serait présenté dans 40 salles aurait fini son temps d'exploitation en langue anglaise. Ce sont des chiffres qui parlent d'eux-mêmes. Même un film comme "E.T.", sur toutes les copies présentées, pas sur une copie, cela veut dire que le film pourrait être présenté dans 40 salles et si vous regardez les propriétaires de salles, les salles appartiennent à peu près toutes aux mêmes personnes à part quelques propriétaires de

salles qui sont québécois, les "majors" américains pourraient exploiter un film et même un film comme "E.T." à deux représentations par jour, sept jours par semaine, pendant 60 jours, dans 40 cinémas, faites le calcul...

M. Barthe (Marcel): II y a une autre chose importante qu'on pourrait souligner, lorsqu'un distributeur ou un producteur fait une demande de permis ou de visa, s'il est capable de démontrer, preuves à l'appui, à la régie qui serait créée son intention de le doubler, il ne reçoit pas un visa temporaire si la régie a les documents pertinents, il reçoit déjà un visa permanent qui lui permet de diffuser tout de suite son film. Le délai raisonnable peut être de 30 jours; s'ils n'ont pas doublé en 30 jours, mais plutôt en 35 jours, la régie va attendre les cinq jours supplémentaires, mais ils n'ont pas le couteau sur la gorge. Dès qu'ils démontrent leur intention de le doubler, automatiquement ils ont un visa permanent et non pas temporaire. C'est un point important à souligner.

L'autre point, les films extrêmement importants ou extrêmement populaires qui dépasseraient ces 60 jours; prenons l'exemple classique dont les journalistes ont souvent parlé, "E.T.". Les producteurs, les distributeurs et les propriétaires de ces films - ceux qui font de l'argent avec ces films -auraient tout le loisir du monde... D'ailleurs, ils l'ont fait dans toutes les langues possibles et imaginables, ils l'ont doublé en arabe, ils l'ont doublé en allemand. Le film faisait tellement d'argent qu'ils étaient capables de le doubler dans des productions nationales; ils auraient même sûrement accepté de le doubler au Québec, avec l'argent qu'ils faisaient avec un tel film, même si leur doublage en France n'était pas prêt pour les prescriptions, mais il faut que l'exigence juridique soit là. Si elle n'existe pas, pourquoi ne s'occuperaient-ils pas du double marché et n'en profiteraient-ils pas? C'est normal, il faut les comprendre.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Rousseau, avant de vous laisser la parole à nouveau, il me faut maintenant une permission de la commission pour continuer les travaux, puisqu'on dépasse 18 heures.

M. Blouin: M. le Président, je crois que cela va.

Le Président (M. Gagnon): D'accord?

Mme Deschâtelets: Est-ce que je pourrais juste...

Le Président (M. Gagnon): Oui, Mme Deschâtelets.

Mme Deschâtelets: ...à partir d'une affirmation que vient de faire M. le député à savoir que si, comme on vient de le démontrer, à l'article 79 peuvent échapper un bon nombre de productions, il devrait être corrigé. À partir de ce que j'ai entendu aujourd'hui, la discussion épouvantable qui existe sur ce petit article qui, en fait, n'est à peu près rien - je le souligne encore une fois - si le ministre se met en tête d'aller un peu plus loin, je lui dis: Bonne chance.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce et ensuite ce sera le député de D'Arcy McGee. Non?

M. Scowen: Juste une très brève question. Vous avez dit qu'il y a nombre de producteurs de films canadiens-anglais qui font le doublage de leur film. Est-ce que c'est entièrement à cause de ce problème des règles du jeu français ou y a-t-il une autre raison?

M. Bellier: C'est certainement à cause de cela dans le sens que, s'ils faisaient doubler leurs films au Québec, ils ne pourraient pas les passer sur les écrans français, donc ils préfèrent les faire doubler en France, sachant très bien que nous, on prendra le doublage français, même pour nos films canadiens-anglais.

M. Scowen: Si ce règlement français n'existait pas, ils auraient tendance à le faire faire ici?

M. Bellier: C'est certain.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee, une toute petite question.

M. Marx: Une toute petite question, mais j'aimerais faire remarquer que ce n'est pas un petit article, c'est le plus long article de la loi.

Mme Deschâtelets: Je ne parlais pas en termes de nombre de lignes; excusez-moi.

M. Marx: En ce qui concerne le doublage qu'on fait en France, ce n'est pas exigé par la loi, c'est la coutume ou la pratique, il n'y a pas de...

Mme Deschâtelets: C'est exigé par la loi qu'ils soient doublés en France, ils ne peuvent pas être doublés ailleurs.

M. Bellier: Et si je prends de plus...

M. Richard: Je voudrais faire une distinction qui n'est pas faite. Ce qui est exigé c'est que, s'ils sont doublés, ce soit en France, mais c'est toujours doublé.

M. Marx: Donc, ce n'est pas nécessaire de doubler. Si c'est doublé...

M. Richard: Non, mais c'est toujours doublé.

M. Marx: Dans la pratique.

Mme Deschâtelets: Tous les films en langue étrangère...

Des voix: ...

Le Président (M. Gagnon): Attention, plusieurs vont parler en même temps. Mme Deschâtelets.

Mme Deschâtelets: Je vais corriger mon affirmation, si vous l'avez mal comprise, M. le député. Tous les films en langue autre que le français qui passent sur le territoire français doivent être ou doublés ou sous-titrés pour que les Français les comprennent, étant donné que la langue du pays est le français et, à partir du moment où un film étranger doit être doublé ou sous-titré pour être diffusé, il doit être doublé ou sous-titré en territoire français.

M. Marx: Le ministre m'a induit en erreur et je vous remercie de l'avoir corrigé. Maintenant...

Le Président (M. Gagnon): C'est votre deuxième toute petite question, M. le député de D'Arcy McGee!

M. Marx: Je suis tout à fait d'accord avec vous quand vous dites dans votre mémoire que la loi, telle que rédigée, ne va pas vraiment favoriser le doublage au Québec. Quant à moi il n'y a vraiment aucune mesure incitative pour prévoir qu'on va faire le doublage au Québec.

Si on prend le paragraphe 1 de l'article: "Si le distributeur a deux versions..." Bon, cela va, il va avoir son visa. Mais, on peut passer à côté du paragraphe 2, parce que le paragraphe 3 permet d'avoir un visa pour 60 jours et après cela, s'il a la version doublée venant de France c'est parfait, il peut continuer d'avoir son visa pour la version anglaise et ainsi de suite. Donc, si c'est l'intention, dans cette loi, de favoriser le doublage au Québec, je pense qu'on est complètement passé à côté parce que, en lisant ces trois paragraphes de cet article, je ne vois pas pourquoi on ferait du doublage au Québec.

Le Président (M. Gagnon): Mme

Deschâtelets.

Mme Deschâtelets: M. le député, je vous dirai que je ne crois pas que l'intention de cet article de la loi soit de favoriser le doublage. C'est pour favoriser le citoyen francophone québécois qui n'a pas accès à la production étrangère en langue autre que le français en même temps que le citoyen qui a une compréhension de la langue anglaise. On parle ici d'une majorité de 70% de la population du Québec. Je pense que sous cet aspect-là - je veux bien parler en ce qui touche le doublage étant donné qu'on aimerait cela qu'il y en ait plus - l'intérêt du citoyen québécois est largement plus important. Cet article 79 favorise l'intérêt du citoyen québécois.

M. Marx: Oui, mettons que cela peut induire des gens en erreur parce qu'on parle de doublage en français de films au Québec et il y a beaucoup d'invités qui ont parlé de cela. On voit que cette mesure ne doit pas avoir cet effet. Je comprends l'effet d'avoir des films disponibles en français, mais cela n'incitera pas les gens à faire le doublage au Québec. C'est cela le point que j'aimerais souligner.

Mme Deschâtelets: Vous avez bien lu, M. le député...

Le Président (M. Gagnon): Mme

Deschâtelets, et après ce sera au député de Laprairie.

Mme Deschâtelets: Vous avez, effectivement, bien lu, M. le député. Mais vous n'étiez peut-être pas présent au moment où j'ai lu le mémoire de l'Union des artistes. On dit aussi que cette mesure en est une minimale et essentielle et que si cette mesure - et Mme Lavoie-Roux l'a souligné tout à l'heure - est accompagnée d'autres mesures, on arrivera à l'objectif de faire faire du doublage et du sous-titrage au Québec.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Richard: M. le Président, très brièvement pour conclure, je veux tout simplement dire ceci. On ne pourra manifestement - et c'est l'avantage d'avoir le député de D'Arcy McGee à la table -jamais l'induire en erreur. Il est toujours dans l'erreur.

Le Président (M. Gagnon): Merci, Mme Deschâtelets, M. Barthe et M. Bellier et merci à l'Union des artistes. Je suspends les travaux jusqu'à vingt heures.

(Suspension de la séance à 18 h 13)

(Reprise de la séance à 20 h 15)

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre,

s'il vous plaît!

La commission permanente des affaires culturelles reprend ses travaux et je voudrais savoir si, à l'ordre du jour, nous en serions rendus à l'Association québécoise des critiques de cinéma. Ce groupement est-il arrivé?

Une voix: Je pense qu'il va passer en deuxième lieu.

Le Président (M. Gagnon): En deuxième lieu. Alors, nous allons appeler le Congrès juif canadien. Vous êtes, je présume, à la table actuellement.

Une voix: Oui.

Le Président (M. Gagnon): Je vous cède la parole immédiatement pour nous livrer votre mémoire.

Congrès juif canadien

M. Schlesinger (Frank): Merci. M. le Président, membres de la commission parlementaire, au nom du Congrès juif canadien, région de Québec, je vous remercie de nous donner la possibilité de vous adresser la parole aujourd'hui. Permettez-moi de vous présenter les membres de notre petite délégation. À ma droite, le docteur Jim Archibald, qui est le directeur exécutif du Congrès juif canadien, région de Québec, et je suis Frank Schlesinger, président du Congrès juif canadien, région de Québec. M. Myer Levy, qui est notre directeur des relations communautaires, était censé venir avec nous aujourd'hui, mais, à cause de la tempête de neige, il a été retardé à Montréal et il ne peut donc pas être ici. C'est un cas fortuit de force majeure et on s'excuse.

Brièvement, j'aimerais vous donner un aperçu de ce qu'est le Congrès juif canadien. Nous sommes l'organisme représentatif de la communauté juive et reconnu comme étant son porte-parole officiel. Les officiers sont élus par voie de processus démocratique. Le mémoire qui sera présenté aujourd'hui est le produit d'un sous-comité de notre comité des relations communautaires, le sous-comité étant présidé par Mme Dorothy Wrightman.

Le Congrès juif canadien, région de Québec, a, par le passé, appuyé le gouvernement dans ses efforts pour assurer l'accès pour tous les Québécois à des services et des produits en langue française. Le Congrès juif canadien a cependant toujours soutenu que ces efforts ne doivent limiter ni la pleine liberté d'expression, ni la libre circulation d'idées et de matériel culturel.

Selon son analyse du projet de loi no 109, Loi sur le cinéma et la vidéo, le Congrès juif canadien comprend que le gouvernement du Québec vise à remédier à certains maux qui existent dans l'industrie québécoise du cinéma. Rien de plus méritoire, surtout si on procédait en respectant la première partie de l'article 3 du projet de loi.

Face à ce projet de loi, nous nous posons de sérieuses questions quant à l'existence du pouvoir de censure dans une société libre, d'autant plus que le projet de loi no 109 semble présenter des possibilités d'abus éventuels. Différents problèmes se posent: le contrôle sur la délivrance des permis de producteur et d'exploitation, le classement des films et l'interdiction même de présenter des films dans les salles de cinéma.

À l'article 94, on précise l'aspect commercial de l'entreprise, tandis qu'aux articles 73, 87 et 107, on ne parle pas de cet aspect. Est-ce que les organismes à but non lucratif comme le nôtre seront obligés d'obtenir un visa et un permis d'exploitation afin de présenter un film à titre non commercial? Quoique le gouvernement dispose de mécanismes légitimes lui permettant de maintenir l'ordre public et de préserver les bonnes moeurs, les individus doivent être particulièrement vigilants afin de préserver leurs droits et libertés.

Aux termes du présent projet de loi, l'impossibilité de faire appel dans certains cas semble donner au gouvernement ou à ses agents un pouvoir absolu de censure détenu par un groupuscule directement rattaché au pouvoir politique. Ainsi, le gouvernement disposerait-il par cette loi de deux pouvoirs éventuellement dangereux: un pouvoir de contrôle direct sur le développement culturel et un pouvoir réel de censure. Je vois que M. le ministre cherche cela dans notre mémoire. C'est simplement un précis. Je n'ai pas encore commencé la lecture de notre mémoire. Cela va venir bientôt.

Tout cela, est-ce bien nécessaire alors que le Code pénal prévoit des mécanismes pour contrer des expressions publiques d'obscénité et de haine? Toute éventualité de censure unilatérale de la part du gouvernement ou de ses fondés de pouvoir présente des dangers qui pourraient hypothéquer les libertés des individus dans une société démocratique. Même les pouvoirs de contrôle implicitement contenus dans ce projet de loi pourraient entraîner éventuellement certains abus.

Pour cette raison, le Congrès juif canadien aurait préféré que le gouvernement encourage le développement de l'industrie cinématographique québécoise sans opter pour des mesures coercitives, par exemple, telles que prévues à l'article 7 du projet de loi.

Le développement d'une industrie culturelle, voilà l'objectif déclaré du projet de loi. Il ne devrait pas s'agir de punir, mais plutôt d'encourager.

We will in our brief state that it is essential to amend this bill or at least certain articles which would have the effect of allowing the Government and its institutions to curtail to create freedoms in the production of works of arts, and the freedom of expression or the right to choose cultural materials in a fundamentally democratic society. Le Congrès juif canadien croit que les amendements qu'il proposera dans le présent mémoire permettront d'améliorer le projet de loi no 109 et d'aider à créer des mécanismes de régulation plus sensibles aux besoins de la population dans le domaine du développement et du contrôle culturel et d'éviter ainsi au gouvernement de tomber dans l'isolation du nationalisme culturel.

Enfin, nous nous opposons à toute loi qui aura pour effet de priver les citoyens du droit de se prévaloir de toute loi qui protège les droits et libertés de l'homme. Pour cette raison, nous demandons que l'article 199 soit biffé.

Ces brèves remarques que je viens de faire ne sont pas tout à fait répétées dans notre mémoire, mais font un genre d'introduction. Maintenant, si vous voulez, je suis prêt à lire notre mémoire si vous pensez que cela serait une bonne idée. Je vais essayer d'être assez rapide pour pouvoir donner le temps de répondre aux questions après.

Le Président (M. Gagnon): Vous pouvez le lire ou vous pouvez aussi le résumer.

M. Schlesinger: Peut-être que ce serait plus facile si je le lisais, mais à une vitesse assez rapide.

Le Président (M. Gagnon): C'est cela.

M. Schlesinger: Si je vais trop vite, vous pouvez m'interrompre. Les tenants des droits de la personne examinent avec circonspection tout projet de loi dans le domaine du développement culturel. De façon générale, les lois régissant cette sphère d'activité tendent à ronger certaines libertés dont la liberté d'expression. Cela est d'autant plus vrai chez les minorités culturelles, sociales ou politiques que de telles lois ont d'habitude pour objectif de renforcer la prédominance culturelle de la majorité.

Toutefois, les objectifs de lois favorisant le développement culturel peuvent être tout à fait légitimes et même louables. Parmi ces objectifs, on pourrait compter la protection des moeurs publiques, l'information aux consommateurs et la protection de ceux-ci ainsi que la caution de normes du travail et de techniques acceptables. Par ailleurs, de telles lois peuvent prévoir certains moyens de faciliter et de favoriser le développement d'industries culturelles nationales et d'assurer le plus grand accès par la population tout entière ou par une portion de celle-ci à une grande gamme de produits culturels.

Comme dans le cas de beaucoup de projets de loi, l'histoire a démontré que des lois dans le domaine de la culture doivent suivre une ligne bien définie afin d'atteindre les buts positifs sans enregistrer certains effets négatifs.

Le projet de loi no 109, Loi sur le cinéma et la vidéo, présenté par le ministre des Affaires culturelles vise à atteindre certains objectifs compréhensibles et à remédier à certains maux qui existent dans l'industrie québécoise du cinéma. Favoriser le développement de l'industrie cinématographique dans cette province et prévoir une réglementation efficace des réseaux de distribution du film sont des objectifs naturels et logiques. Qui plus est, il semblerait utile d'encourager l'industrie à assurer un accès rapide à des films dans des langues autres que le français à la population francophone, que ce soit par le biais du doublage ou celui des sous-titres en français. Assurer l'accès au matériel culturel en langue française fait partie d'une politique de longue date des derniers gouvernements du Québec, tout comme plusieurs gouvernements du Québec ont fait un effort pour assurer aux francophones un accès à toute une gamme de produits et de services en langue française.

Bien que le Congrès juif canadien ait appuyé le gouvernement dans ses efforts pour assurer l'accès de tous les Québécois à des services et produits en langue française, les efforts pour assurer un accès aux services et produits en langue française ne doivent, comme il a été dit ci-dessus, limiter ni la liberté d'expression des citoyens, ni la libre circulation d'idées et de matériel culturel dans n'importe laquelle des langues utilisées lors de la production ou la diffusion de telles idées ou d'un tel matériel. La population du Québec tout entière doit conserver tous les droits dans ce domaine.

Par ailleurs, toute procédure de régulation doit fonctionner de la façon la plus ouverte possible sans permettre la moindre occasion d'abus administratifs, sans permettre une discrétion arbitraire de la part de personnes ou d'organismes administratifs et sans restreindre de façon déraisonnable les producteurs, les distributeurs ou le public.

En général, les principes d'action affirmative, plutôt que la restriction de possibilités, devraient s'appliquer. Le gouvernement devrait adopter comme objectifs de favoriser l'expansion de la production, de la diffusion et de l'exposition de films d'origine québécoise et d'ouvrir l'accès à des films sous-titrés ou doublés à la communauté francophone sans pour autant réduire l'accès à toute autre catégorie de

films. Dans la mesure où un projet de loi atteint ce double objectif sans restreindre les droits et libertés fondamentaux, un tel projet de loi pourrait être utile et efficace dans l'expansion de la diffusion de matériel culturel au Québec.

Certains articles du projet de loi no 109 entrent directement en conflit avec l'un ou plusieurs des principes ci-dessus mentionnés. Certains abus dans l'application du projet de loi pourraient découler de l'imprécision du langage. D'autres articles favorisent, d'après l'estimation du Congrès juif canadien, ce que l'on peut appeler un excès de pouvoirs discrétionnaires ministériels, administratifs ou régulateurs. D'autres articles encore tendraient à restreindre la diffusion de produits culturels essentiels dans les langues autres que le français, sans pour autant améliorer sensiblement l'accès à des films dans cette langue-ci.

Le Congrès juif canadien a l'intention, dans le présent mémoire, d'exprimer certaines préoccupations fondamentales en regard du projet de loi no 109 qui, moyennant la considération des législateurs avant l'adoption d'une nouvelle loi ayant pour but de favoriser le développement du cinéma et d'assurer son contrôle, lui permettraient d'atteindre les objectifs du projet de loi tout en assurant un accès à la gamme aussi grande que possible de produits culturels.

Le Congrès juif canadien se préoccupe sérieusement de l'éventualité d'un abus de pouvoir de censure avec le projet de loi no 109. Aussi estime-t-il que la Régie du cinéma et de la vidéo ne disposerait ni de structures ni de procédures suffisamment ouvertes pour se sensibiliser à une gamme représentative de valeurs communautaires.

Selon l'article 77, la régie ne classe pas un film qui porte atteinte à l'ordre public ou aux bonnes moeurs, si bien qu'un tel film sera privé du visa attestant son classement. Par voie de conséquence, selon l'article 73, nul ne peut présenter un tel film et celui-ci se trouve, à toutes fins utiles, interdit. La régie, comme le dit le titre du chapitre III du projet de loi no 109, dispose donc d'un pouvoir de contrôle réel lui permettant ni plus ni moins de censurer éventuellement des oeuvres d'art cinématrographiques.

On ne trouve nulle part ailleurs, ni à l'article 127 du projet de loi, ni comme fonctions ni comme pouvoirs de la régie, la censure cinématographique. Cependant, ce semble être un pouvoir réel compris de façon implicite dans ce projet de loi.

Afin de démocratiser les institutions créées par ce projet de loi, le Congrès juif canadien recommande que la régie se compose de six membres, dont un président élu parmi ceux-ci, tous nommés par le gouvernement sur la recommandation du ministre des Affaires culturelles qui publie dans la presse écrite, deux mois avant de formuler sa recommandation, un avis public demandant que toute personne intéressée informe le ministre de son désir de se faire entendre avant que toute recommandation de nomination ne soit faite au gouvernement. Le ministre serait alors obligé de consulter au préalable les intéressés avant de recommander au gouvernement de procéder à la nomination définitive de l'un quelconque des membres de la régie. Ainsi, le ministre et le gouvernement devraient, dans leur propre intérêt, prendre en considération toute représentation provenant de divers secteurs de la population.

Après avoir instauré des moyens de consultation communautaire plus étendus au sein de la régie, d'aucuns pourraient accepter que la régie dispose de certains pouvoirs de censure, car le gouvernement doit disposer d'un mécanisme légitime lui permettant de maintenir l'ordre public et de préserver les bonnes moeurs.

Cependant, conscient du besoin de refléter les valeurs communautaires dans ce type de situation et d'assurer que la régie reflète en réalité ces mêmes valeurs dans la mise en application des dispositions du projet de loi no 109 touchant le classement, le Congrès juif canadien se trouve dans l'obligation de recommander que le personnel de la régie justifie devant les membres de la régie, d'une façon claire et précise, le fondement et les raisons de ses propres décisions ou recommandations de classement. (20 h 30)

Selon le présent projet de loi, la régie aurait la responsabilité formelle d'exercer un pouvoir de contrôle, voire de censure du cinéma. Le gouvernement québécois a actuellement l'intention de remettre entre les mains de trois personnes choisies par le gouvernement - article 116 - la responsabilité de déterminer si un film porte atteinte à l'ordre public ou aux bonnes moeurs. Le président de la régie dispose également de certains pouvoirs, soit celui d'exercer une influence directe sur le gouvernement relativement à la nomination d'autres personnes pour assurer l'intérim pendant l'absence ou l'incapacité d'un membre de la régie - article 119 - et celui de désigner, en fait, les membres du personnel de la régie chargés de classer les oeuvres cinématographiques (article 122). Dans l'exercice de ses fonctions, la régie tient des séances où le quorum est de deux membres seulement (article 124).

Le Congrès juif canadien pense que sa position en regard de la composition de la régie permettra de résoudre certaines préoccupations. Il recommande également que le quorum soit de quatre membres lors des séances de la régie plutôt que de deux ainsi que stipulé ci-dessus.

II est vrai qu'il y a appel à la Cour provinciale des décisions de la régie autres que celles touchant les décisions sur le classement - articles 134 et 135 - et la révision de telles décisions (articles 140 à 144). Selon le présent projet de loi, l'impossibilité de faire appel relativement à des décisions sur le classement de films semble alors donner à la régie un pouvoir absolu de censure qui demeure entre les mains d'un groupuscule qui est directement rattaché au gouvernement. Cela donne, par conséquent, à celui-ci deux pouvoirs: un pouvoir de contrôle et, derrière cela, un pouvoir de censure qui échappe à tout forum public et qui, sur le plan légal, ne rend pas nécessaire la consultation avec un groupe de personnes plus représentatif des valeurs communautaires. À cet égard, il serait plus judicieux de remplacer la révision par la régie de ses propres décisions (chapitre III, section VI, paragraphe 1) par un appel des décisions sur le classement devant la Cour provinciale, ce qui empêcherait ainsi la régie d'assumer, dans ce cas, des pouvoirs quasi judiciaires. Quoiqu'une telle procédure d'appel procure une certaine protection contre les abus, elle n'infirmerait pas les décisions de la régie jusqu'au moment où la cour rende sa décision. Cette situation tend à souligner le fait que les principes fondamentaux d'une démocratie parlementaire ne sont pas respectés par le présent projet de loi dans la mesure où tout gouvernement pourrait très facilement prendre des décisions et mettre ces mêmes décisions en vigueur relativement à la censure du cinéma et en ignorant totalement tous les éléments qui composent une société structurée, telle que celle dans laquelle nous vivons.

Le projet de loi no 109 ne prévoit aucun mécanisme permettant au public de faire appel relativement aux décisions sur le classement rendues par la régie. Quoi qu'il en soit, le gouvernement devrait, selon l'analyse du Congrès juif canadien, faire des efforts pour informer le grand public, à savoir que le Code pénal prévoit des mécanismes pour contrer les expressions publiques d'obscénité ou de haine.

Bien que le Congrès juif canadien comprenne clairement l'utilité de procéder à un classement obligatoire de films avant qu'ils ne soient présentés au public dans le but de maintenir l'ordre public et de préserver les bonnes moeurs, le Congrès juif canadien recommande cependant que le projet de loi soit modifié afin d'écarter toute éventualité de censure unilatérale de la part du gouvernement ou de ses fondés de pouvoir, d'inclure dans le projet de loi des procédures d'appel dans les cas de refus de classement de films par la régie et de définir clairement les tâches démocratiques et consultatives de la régie vis-à-vis de certains groupes de citoyens représentés. De tels amendements tendraient à restreindre les pouvoirs implicites de censure dont la régie dispose selon le présent projet de loi.

Le Congrès juif canadien estime également que les pouvoirs de contrôle qui se trouvent implicitement stipulés aux articles 78 et 79 pourraient aussi entraîner certains abus de la part de la régie. Pour cette raison, le Congrès juif canadien est d'avis que l'article 79 devrait être amendé afin de prévoir des encouragements d'ordre fiscal pour l'industrie cinématographique québécoise dans le but d'encourager l'industrie à produire dans des délais raisonnables des versions doublées ou sous-titrées en français de films dont la version originale a été tournée en une langue autre que le français. Un tel amendement serait plus conforme aux objectifs déclarés du projet de loi, soit favoriser le développement du cinéma au Québec, sans obliger le gouvernement à adopter des mesures punitives ou excessivement coercitives à cet égard. Cette méthode permettrait également de prévenir la nécessité de mettre sur pied un organisme administratif surorganisé et donc coûteux, chargé de mettre en application l'article 79 tel que présenté actuellement.

Quant aux permis devant être délivrés selon la section IV du chapitre III, le Congrès juif canadien est d'avis que l'exigence de délivrer des permis de producteur peut consister en une restriction de certaines libertés et que cette section devrait être amendée afin d'assurer que la délivrance de permis de producteur ne constitue en aucune façon une restriction de la liberté d'expression, ni de la liberté de créer, ni de la liberté de gagner sa vie.

Les organismes créés en vertu du présent projet de loi ont des pouvoirs de réglementation à l'intérieur d'une loi-cadre éventuelle. De façon plus spécifique, le présent projet de loi prévoit que les règlements susceptibles d'être adoptés en vertu de la loi entrent en vigueur dans plusieurs cas le jour de leur publication dans la Gazette officielle. Encore une fois, et le gouvernement et les organismes créés éventuellement en vertu du présent projet de loi disposeraient de pouvoirs qui leur permettraient d'échapper au scrutin public direct.

Il importe donc d'amender ce projet de loi là où les articles s'appliquant soit à l'institut, soit à la société, soit à la régie prévoient l'adoption de règlements et cela, dans le but de s'assurer que ces organismes consultent dûment plusieurs groupes de citoyens québécois avant de proposer l'adoption de règlements.

Le Congrès juif canadien recommande également que tout règlement et que toute politique adoptés en vertu du présent projet de loi, sans exception aucune, soient publiés

par le ministre des Affaires culturelles dans la Gazette officielle sous forme de projet, en même temps qu'un avis à l'effet que telle politique ou tel règlement ne serait proposé au gouvernement pour adoption que trente jours, au moins, après la publication du projet de règlement ou de politique dans la Gazette officielle.

Par ailleurs, le ministre devrait être obligé par la loi de consulter toute personne intéressée à exprimer ou à enregistrer ses objections à l'endroit d'un projet de règlement ou de politique avant que le ministre ne les recommande au gouvernement pour adoption. Le Congrès juif canadien est d'avis que la "surorganisation" institutionnelle de l'industrie cinématographique québécoise est à éviter; que le gouvernement et même les organismes créés en vertu d'un éventuelle loi sur le cinéma et la vidéo devraient être plus sensibles à l'opinion publique et que ce projet de loi ne devrait permettre, en aucune façon, ni au gouvernement ni à ses institutions de restreindre la liberté de créer et de produire des oeuvres d'art ou la liberté de s'exprimer dans une société fondamentalement démocratique.

Le nationalisme culturel comme force sociopolitique pourrait bénéficier à l'industrie cinématographique québécoise. Cependant, nonobstant les avantages que le projet de loi 109 pourrait procurer à l'industrie, il y a toutefois certains dangers inhérents qui relèvent de ce type de force sociopolitique. Le Congrès juif canadien demande instamment au gouvernement d'être conscient de ces dangers et de faire prendre conscience aux organismes qui dépendent du gouvernement de ces mêmes dangers, car il n'y a pas de distinction nette et claire entre le nationalisme linguistique et le nationalisme racial.

Aucun régime vraiment démocratique ne peut ni ne doit favoriser le développement d'un nationalisme racial. Par conséquent, dans le but de respecter la liberté de tous les secteurs de la société québécoise sans égard à la langue, à la race ou à la croyance, le gouvernement du Québec devrait porter particulièrement attention à tout projet de loi dans le domaine de la culture. Le Congrès juif canadien est d'avis que lorsqu'on établit des contrôles dans le domaine du développement culturel, les mécanismes de contrôle doivent être définis de façon aussi claire et spécifique que possible afin d'éviter toute éventualité de décision arbitraire et d'abus de la part de quelque gouvernement, de quelque ministre ou de quelque organisme régulatoire que ce soit.

Le Congrès juif canadien croit que les amendements proposés au projet de loi no 109 permettraient de l'améliorer et d'aider à créer des mécanismes régulatoires plus sensibles aux besoins de la population dans le domaine du développement et du contrôle culturels. Toute loi dans ce domaine doit être adoptée de façon à garantir le respect des principes de la libre circulation de matériel culturel et du droit des consommateurs à faire un libre choix parmi toutes les ressources culturelles disponibles dans une société libre et ouverte.

Le tout est respectueusement soumis.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le président du Congrès juif canadien. M. le ministre.

M. Richard: M. le Président, je vous remercie. Je voudrais vous remercier, M. Schlesinger, d'avoir tenu à être présent pour nous soumettre votre mémoire. Je vous remercie aussi pour l'intérêt que vous portez à la cause du développement culturel au Québec.

Toutefois, je voudrais me permettre une observation. Il semble que le principe philosophique qui sous-tend votre mémoire est à l'effet que l'État ne doit jamais limiter la libre circulation des biens culturels dans l'une quelconque des langues ' utilisées lors de la production ou de la diffusion de ces biens culturels. Est-ce que je me trompe?

M. Schlesinger: L'essentiel, c'est que la loi pénale peut contrôler l'obscénité, la haine et ce genre de choses. Après, nous prétendons que la liberté absolue d'expression doit régner.

M. Richard: Ma question est maintenant la suivante: Que doit faire l'État lorsqu'il constate que des entreprises privées limitent cette libre circulation au nom de leurs intérêts commerciaux? Puis-je vous rappeler ces mots de Montesquieu: "entre le fort et le faible, c'est la liberté qui opprime et le droit qui affranchit"? Je pense que vous allez être d'accord avec cela.

M. Schlesinger: Dans une certaine mesure, sauf qu'il faut se rappeler que vous avez donné l'exemple, quand vous avez posé des questions aux personnes venues ici avant nous, qu'il y a des compagnies commerciales qui ont déjà des films doublés en français, mais qui retiennent la publication au Québec pour une autre raison, pour créer un double marché. Alors, on ne voit aucun empêchement qu'une loi dise, si une version française existe déjà, qu'il est obligatoire que la version française soit démontrée ou exhibée en même temps que la version anglaise, parce que cela n'empêchera pas que la version anglaise soit exhibée, mais cela va encourager, en même temps que l'autre le sera. Je n'ai rien contre une telle chose.

D'autre part, je vous réfère à l'article 7 de votre projet de loi qui concerne l'aide

financière à l'industrie québécoise. Je crois que s'il y avait moyen de donner des subventions non pas aux "majors", non pas aux compagnies étrangères, mais à nos propres compagnies, pour que notre système soit concurrentiel dans le marché mondial... Je crois que si on était vraiment concurrentiel ici, si on pouvait mettre en vigueur un marché ici qui soit compétitif à l'échelle mondiale, des gens pourraient même venir ici faire leur doublage au lieu d'aller en France.

M. Richard: Alors, vous ne soutenez pas, toutefois, qu'il faudrait verser 1500 $ aux "majors" qui exploitent un film ici pour qu'ils puissent le sous-titrer en français et le présenter au Québec.

M. Schlesinger: Non, ce n'est sûrement pas notre suggestion.

M. Richard: Je vous remercie, M. Schlesinger.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Je vois l'intérêt général du Congrès juif canadien pour ce projet de loi. Est-ce que vous avez un intérêt spécifique? Est-ce qu'il y a quelque chose de spécifique qui vous touche?

M. Schlesinger: Certainement. Pour commencer, on a notre intérêt primordial que nous essayons de défendre dans tous les projets de loi, devant tous les gouvernements, et c'est la défense de la liberté d'expression, la liberté des droits humains. Deuxièmement, nous avons un autre intérêt, peut-être plus spécifique, et c'est la question que j'ai soulevée dans mes remarques préliminaires. Si on regarde l'article 94, on parle de l'aspect commercial pour un permis de distributeur. Mais quand on parle d'un visa, quand on parle d'un permis d'exploitation, quand on parle d'un permis de producteur, on ne parle pas de l'aspect commercial. Comment cela va-t-il affecter, par exemple, les archives du Congrès juif canadien? Nous avons des archives qui comprennent des films qui viennent de partout dans le monde; italien, hébreu, yiddish, grec, toutes sortes de langues. Nous faisons la diffusion de ces films dans des institutions éducatives, pour tous les différents groupes religieux. Cela fait partie de notre patrimoine culturel et religieux. Est-ce que nous serons obligés d'obtenir un visa pour un film, l'Holocauste, durant la deuxième guerre mondiale? Est-ce que nous serons privés de la liberté entière de diffuser notre histoire dans les institutions parce qu'il n'y a rien dans le projet de loi, sauf le permis du distributeur, qui limite l'application de cette loi aux industries ou aux entreprises à but lucratif? (20 h 45)

Nous voyons ici que nous ne pouvons même pas exploiter une salle de cinéma dans notre propre édifice à Montréal, à notre siège social sans avoir un permis. Pour nous, c'est enfreindre gravement la liberté d'expression. Je ne crois pas que le gouvernement devrait avoir ce genre de droit parce que, après tout, dans une démocratie, c'est le peuple qui donne les droits aux gouvernements. Avant que le peuple donne à son gouvernement le droit de brimer la liberté, il faut qu'il y ait vraiment un grave danger, et même à ce moment, il faudra que ce soit pour un temps très limité. Je ne vois pas ce genre de danger ici, à moins que ce soit une erreur dans le projet de loi et que vraiment il vise seulement les entreprises commerciales.

M. Marx: C'est l'article 73, c'est cela? "Nul ne peut présenter un film en public si un visa attestant de son classement n'a pas été apposé sur la copie de ce film conformément à la présente loi". Article 73.

M. Schlesinger: Article 73.

M. Marx: C'est cet article qui vous cause des difficultés?

M. Schlesinger: C'est non seulement l'article 73, mais 87: "Nul ne peut exploiter un lieu de présentation de film en public..." Il ne dit pas: Nul ne peut exploiter d'une manière commerciale un lieu de présentation de film public. La même chose existe dans l'article 94. Dans l'article 94, on dit: "Nul ne peut, sur une base commerciale..." Alors, pour les distributeurs, c'est bien clair que c'est seulement commercial. Regardons l'article 103: "Nul ne peut, sur une base professionnelle, effectuer la production..." Un professionnel, même pour un but non lucratif, ne peut pas faire un film. Si un professionnel producteur veut faire un film pour le Congrès juif canadien, il ne peut pas le faire sans avoir un permis spécial, même si ce n'est pas pour un but lucratif et même si ce n'est aucunement commercial. Je trouve que cela va très loin.

M. Marx: Moi je n'ai pas la réponse à cela parce que j'essaie de vous suivre et je fais la même interprétation de ces articles. J'ai dit ce matin que la loi était rédigée d'une façon "lousse", peut-être que c'est un exemple. Le ministre va nous expliquer.

M. Proulx: Qu'est-ce que vous voulez dire par "lousse"? Lâche?

M. Marx: Si le député de Saint-Jean ne comprend ce que veut dire "lousse" en

franglais, je vais lui expliquer après. J'ai appris cela durant mes cours à l'Université de Montréal. Le ministre va nous expliquer après quelles sont les portées de ces articles. On a touché un autre sujet et j'ai un peu de difficulté avec votre argumentation sur la censure parce que, si on prend toutes les provinces au Canada, on verra qu'au Québec on n'a pas vraiment de censure. En Nouvelle-Ecosse ils ont empêché le visionnement de The Last Tango, Le dernier tango à Paris. Cela fait jurisprudence parce que la Cour suprême du Canada a donné raison au gouvernement provincial. Donc, ici il n'y a pas de censure dans les faits, sauf si c'est vraiment obscène. J'imagine que ce ne serait pas visionné parce qu'il y a le code criminel, comme vous l'avez souligné.

M. Schlesinger: Je crois que la doctrine de "prior restraint", c'est de cela dont on parle aujourd'hui. Je ne sais pas le mot en français, mais c'est un concept du "common law", "prior restraint"...

M. Marx: Censure préalable.

M. Schlesinger: Merci, M. le professeur.

M. Proulx: Maître.

M. Schlesinger: Maître.

M. Proulx: II faut l'appeler maître. Le maître D'Arcy McGee.

M. Schlesinger: On n'a pas besoin de cela dans notre droit. On a un Code pénal. On a une législation, au criminel, qui prohibe l'obscénité, qui défend que des paroles haineuses soient prononcées. Je crois que si quelqu'un exhibe un film obscène ou qui prône la violence envers l'être humain ou qui va à l'encontre du code criminel, on peut porter plainte. Le Procureur général du Québec, qui est après tout chargé de l'administration de la justice au Québec, peut porter plainte contre cette personne et on peut facilement, ou peut-être pas si facilement que cela, mais on peut quand même voir à ce que les moeurs publiques soient respectées de cette façon.

M. Marx: Mais le ministre vient de me dire - et on va le vérifier - que la loi actuelle prévoit la même "censure", je pense, mais il y a un argument à apporter en ce qui concerne la censure préalable. Faut-il la voir... Cela serait tout un débat qu'on ne fera sûrement pas ce soir, parce que dans les faits - il faut tenir compte des faits aussi et pas seulement des lois - il n'y a pas vraiment de censure au Québec. Je pense qu'il faut s'en rendre compte et l'article 77 de la nouvelle loi comporte les mêmes exigences que la loi actuellement en vigueur.

Je vois peut-être un problème sur le plan théorique si on est contre le principe de la censure préalable "at large" pour tout, mais je pense qu'on a toujours fait une distinction pour les films au moins en Amérique du Nord. Je pense que cela existe dans beaucoup d'États américains où tout ne peut pas être visionné.

M. Schlesinger: Je crois que personne ne serait contre un système de classification pour aider le public ou aider les parents à juger s'ils doivent laisser leurs enfants aller voir tel genre de film. Je crois que c'est ce qui existe aux États-Unis. On a PG et toutes les différentes catégories, mais cela n'empêche pas que le film soit projeté. D'autre part, même si cela existe dans la loi actuelle - et il faut l'admettre - cela ne change pas la position du Congrès juif canadien qui a toujours été contre toute restriction quant à la liberté d'expression, à moins que cela ne tombe dans le domaine de la législation criminelle pour limiter la haine, la violence et l'obscénité.

M. Marx: Seulement une dernière...

Le Président (M. Gagnon): Permettez-vous à M. le ministre de...

M. Marx: Oui, oui.

M. Richard: M. le Président, je vais pouvoir répondre à la fois à M. Schlesinger et au député de D'Arcy McGee. La loi actuelle, présentement en vigueur, dit ceci: "II est du devoir du bureau d'examiner tout film cinématographique que l'on se propose de projeter dans la province et d'accorder l'autorisation de le projeter si, à son avis, sa projection ne porte pas atteinte à l'ordre public ou aux bonnes moeurs." Et là, j'ajoute ceci, qui est important pour montrer qu'il y a un élargissement: "Le bureau autorise la projection d'un film au moyen d'un visa indiquant la catégorie de spectateurs pour laquelle il est accordé de la façon suivante: a) film pour tous, spectateurs de tous âges; b) film pour adolescents et adultes, spectateurs âgés d'au moins quatorze ans; c) film réservé aux adultes, spectateurs âgés d'au moins 18 ans."

Je voudrais attirer votre attention sur une chose qui est assez importante: la mention "quatorze ans" dans la nouvelle loi, ce n'est qu'indicatif, tandis que dans la loi actuelle, cela constitue une infraction que de violer la disposition en ce qui a trait aux quatorze ans, aux films pour adolescents et adultes. Mais maintenant - et là, je pense qu'on rejoint exactement les propos de M. Schlesinger - on laisse la responsabilité aux parents.

M. Schlesinger: Oui, mais il y a quand

même un visa.

M. Richard: II y a un élargissement à cet égard par rapport à la loi actuelle.

M. Schlesinger: Oui, mais la question primordiale pour nous est le fait que le gouvernement ait le droit d'interdire la projection du film. Je sais que cela existe actuellement dans la loi et peut-être est-ce plus large dans le moment, mais, d'autre part, on donne à trois personnes nommées par le gouvernement le droit de dire qu'un film ne doit pas être projeté. Nous trouvons que c'est un danger pour la liberté d'expression.

M. Marx: Si je comprends bien, c'est une question de principe pour le Congrès juif canadien et il plaide le même argument dans toutes les provinces au Canada, mais j'aimerais à ce moment-ci féliciter le Bureau de surveillance du Québec pour son interprétation large et libérale de notre loi. Il n'y a pas vraiment de censure au Québec. Il faut s'en rendre compte, même si, dans la loi, il y a une possibilité.

J'ai seulement une dernière question, parce que vous avez soulevé quelque chose d'intéressant. Le ministre a soulevé cela ce matin. Il a dit que "E.T.", par exemple, a été projeté en France en français au mois de mai, quoiqu'il soit passé en juin au Québec, mais seulement en anglais.

Supposons qu'on inclue un article dans la loi pour prévoir que, si un film existe dans les deux langues ou qu'il existe en français quelque part au monde, on exige que les deux versions soient présentées en même temps au Québec. Est-ce qu'un tel article dans ce projet de loi va enfreindre la liberté d'expression?

M. Schlesinger: Je ne croirais pas, je l'ai dit d'ailleurs. S'il y a une version existante en français, il n'y a aucune raison de ne pas insister pour que la version française soit présentée en même temps que la version anglaise. Cela ne limitera sûrement pas la liberté d'expression d'insister pour qu'en même temps que la version anglaise, la version française existante soit également présentée. Je ne crois pas que cela puisse limiter la liberté d'expression.

M. Marx: Sur ce point, si on veut atteindre le but que le ministre s'est fixé par ce projet de loi, il faut mettre des dents dans la loi pour mordre et pas seulement pour sourire. Peut-être le ministre devrait-il considérer d'inclure un article qui exigerait que les deux versions passent en même temps, en ce sens que ce soit une exigence du commerce des films, alors que ce n'est pas une exigence maintenant, ce n'est pas nécessaire dans le projet de loi tel que rédigé.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Est-ce que vous avez quelque chose à ajouter, M. le ministre?

M. Richard: Je voudrais juste renvoyer mon collègue et ami, le député de D'Arcy McGee, au troisième alinéa de l'article 79. Il y trouvera la réponse à la question qu'il vient de poser.

M. Marx: Oui, mais supposez...

M. Richard: Ce que vous venez de signaler, c'est exactement l'objectif de l'article 79.

M. Marx: Mais est-ce exigé par l'article 79?

M. Richard: Bien sûr que c'est exigé. On dit que, quand une version française existe, on doit la présenter en même temps et, si elle n'existe pas, aux paragraphes 2 et 3°, on dit à quoi on doit se soumettre.

M. Marx: Supposons que deux versions existent, mais le distributeur présente une version anglaise et demande un visa de 40 jours. Peut-il l'avoir seulement pour la version anglaise?

M. Richard: Non.

M. Marx: II ne le peut pas? En vertu de quel paragraphe?

M. Richard: Je vous lis l'alinéa 3 : "si seule une version autre qu'en français est présentée et que la personne qui demande le visa démontre à la satisfaction de la régie qu'aucune version doublée ou sous-titrée en français n'est disponible au moment du dépôt de la demande, la régie appose un visa temporaire sur les copies présentées en version autre qu'en français. Ce visa temporaire est valide jusqu'à ce qu'une version doublée ou sous-titrée en français devienne disponible ou pour 60 jours de la date de la première présentation du film en public, selon le plus rapproché des deux événements." Voilà.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Mille-Îles.

M. Marx: Donc, il peut avoir un visa temporaire...

M. Richard: Temporaire.

M. Marx: ...pour seulement une version.

M. Richard: Pour une version.

M. Marx: C'est ce que je veux dire, s'il peut avoir un...

M. Richard: Non, c'est qu'on ne veut pas l'interdire, parce qu'il y a des films de répertoire, M. le député de D'Arcy McGee. Là vous allez beaucoup plus loin que je n'oserais jamais aller. Il y a des petits films de répertoire, il y a des films étrangers qui ne sont pas pour large diffusion et ce serait les pénaliser que de ne pas inclure l'alinéa

Ce matin, vous étiez à l'autre opposé, ce soir vous avez franchi la rivière.

M. Marx: Non, je n'ai pas...

Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, M. le député de D'Arcy McGee, si vous me permettez. Là nous étudions un article; on reviendra à cette discussion au moment de l'étude article par article.

M. Marx: Mais seulement une petite question car le ministre a parlé ce matin du film "E.T." Supposons que le cas de "E.T." se produise une autre fois, qu'est-ce qui va obliger les "majors" à présenter les deux versions au même moment. Ce n'est pas exigé, c'est... (21 heures)

M. Richard: Paragraphe 1.

M. Marx: Oui, mais ce n'est pas nécessaire...

M. Richard: Si une version autre qu'en français est présentée...

M. Marx: Ce n'est pas nécessaire de le faire, on pourrait le faire mais ce n'est pas exigé. La députée de Maisonneuve me suit sur cela. Ce n'est pas exigé. Vous avez une incitation, mais "E.T." peut se présenter une autre fois. C'est ce que je trouve injuste.

Soixante jours, c'est cela. La députée de Maisonneuve...

M. Richard: Soixante jours.

M. Marx: Je dois m'appuyer sur quelqu'un.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Mille-Îles.

M. Proulx: Elle va aller loin. C'est une députée qui va aller loin.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Mille-Îles, vous avez la parole.

M. Champagne: Merci M. le Président. M. Schlesinger, vous dites dans votre conclusion: Garantir le respect des principes de libre circulation de matériel culturel.

C'est un principe fondamental pour vous. Pour sauvegarder la culture canadienne, le CRTC - Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes - exige des télédiffuseurs et des radiodiffuseurs un pourcentage de contenu canadien. Est-ce que vous pensez que le CRTC respecte la libre circulation de matériel culturel en exigeant des télédiffuseurs, des radiodiffuseurs, un pourcentage de contenu canadien?

M. Schlesinger: D'abord, je dois vous dire une chose. Nous sommes de la région du Québec. Nous avons le Congrès juif canadien national qui s'occupe des questions fédérales. Je ne veux pas essayer d'éviter la question de cette façon.

Personnellement, si vous me demandez mon opinion, je dirai: Oui, je m'y opposerais. D'autre part, s'il y avait assez de protection pour voir à ce que tout le matériel soit visionné mais que, par semaine, un certain pourcentage devrait être ajouté, à condition qu'il n'y ait rien de prohibé, on pourrait peut-être, avec une bonne réglementation, arriver à la condition que les deux aspects du problème puissent être servis. Mais, sans voir la réglementation, ce serait difficile de répondre à cette question hypothétique.

M. Champagne: Oui, comment voulez-vous sauvegarder la culture canadienne, le produit canadien si vous n'arrivez pas avec une réglementation? C'est pourquoi le CRTC oblige les radiodiffuseurs et les télédiffuseurs à un pourcentage et cela contrevient à la libre circulation de matériel culturel.

Je veux en arriver à la conclusion. Vous êtes en faveur de la loi 109 qui est une tentative de mettre en place les objectifs facilement compréhensibles pour l'industrie cinématographique du Québec, mais faut-il se donner les moyens aussi pour sauvegarder cela. Et vous continuez: C'est pour encourager le développement de l'industrie du cinéma et mettre en place des mécanismes de contrôle des réseaux de distribution. Voilà un objectif qui vous semble logique et naturel.

M. Schlesinger: Oui.

M. Champagne: Si on veut respecter ou sauvegarder la culture canadienne, le CRTC prend des moyens de le faire. Pour sauvegarder la culture québécoise, la culture française au Québec, faut-il se donner des moyens comme le CRTC le fait.

M. Schlesinger: Je sais que ce que je vais dire n'est pas très populaire, mais je dois vous dire que, d'après moi, la culture québécoise n'est pas seulement la culture française. Je suis Québécois et ma culture est québécoise. Je tiens absolument à ce que ce soit respecté. C'est pour cette raison que

lorsque je vois que deux ou trois personnes vont dire: Qu'est-ce que c'est un film québécois? Est-ce qu'un film produit par le Congrès juif canadien sera québécois, s'il est produit à Québec, s'il concerne les résidents de Québec? Cela, c'est une chose, parce que vous semblez faire la distinction entre "français" et "québécois".

M. Champagne: Non, c'est une question de principe.

M. Richard: Je regrette là...

M. Champagne: Non, pas du tout. Monsieur, je parle d'une question de principe et je pense que vous ne répondez pas tout à fait à ma question de principe.

M. Schlesinger: Sur la question de principe...

M. Champagne: Si on a des objectifs, il faut se donner des moyens. Le CRTC le fait pour sauvegarder la culture canadienne. Nous avons des objectifs auxquels vous souscrivez et on vous en remercie. Maintenant, faut-il se donner des moyens? Les moyens sont dans la loi. La loi fait réellement un consensus. Je trouve que vous êtes très sévère en parlant simplement de libre circulation de matériel culturel, si vous voulez atteindre les objectifs de la loi 109.

M. Schlesinger: Je vous réfère à l'article 7 du projet de loi. Je trouve que vous avez les moyens pour vous donner les outils nécessaires. Maintenant, M. Archibald voudrait dire quelque chose là-dessus, avec votre permission.

M. Archibald (Jim): MM. les députés, je vois évidemment l'intérêt que vous avez à comparer l'intervention avec une intervention éventuelle portant sur la question du CRTC. Cependant, comme notre président vient de le faire remarquer, notre mémoire porte sur un projet de loi. Nous sommes venus ici dans le but d'échanger certaines idées et peut-être nous aider à nous donner une loi plus sensible aux besoins des communautés qui se trouvent au Québec. J'en viens à votre question de mécanisme parce que, dans le fond, une loi veut prévoir certains mécanismes pour aider le développement de cette industrie cinématographique au Québec. L'objectif est en effet louable, on l'a dit. Prenez, par exemple, l'article 79 de la loi, nous avons dit dans notre mémoire qu'au lieu d'adopter des règlements que l'on pourrait interpréter - je dis "pourrait" - comme étant coercitifs, si vous voulez, on pourrait adopter des mécanismes d'encouragement. C'est pour cela que notre président s'est référé à l'article 7. C'est pour cela que dans le mémoire on a porté attention aux encouragements d'ordre fiscal. On voudrait voir le développement d'une industrie autochtone ici au Québec. L'objectif est louable, mais le mécanisme ne devrait pas être, à notre sens, privatif, coercitif, mais un mécanisme qui encourage le développement d'une industrie. C'est le point de vue général qui est donné. J'espère que vous comprenez l'orientation.

M. Champagne: Voici, je ne pense pas que...

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Mille-Îles, une dernière question sur le sujet.

M. Champagne: Je ne suis pas d'accord avec monsieur.

Le Président (M. Gagnon): On peut facilement différer d'opinion. Il s'agit de questionner nos invités.

M. Champagne: Je ne considère pas l'article 79 comme coercitif. Il est incitatif. C'est un domaine commercial. C'est l'offre et la demande. Si les compagnies américaines ont fait 20 000 000 $ l'an passé avec le cinéma, avec le visionnement au Québec, je pense qu'elles ont intérêt à continuer à donner du cinéma dans notre langue.

Le dernier point est le suivant. Vous parlez du droit des consommateurs à faire un libre choix parmi toutes les ressources culturelles disponibles dans une société libre et ouverte. Faut-il encore que ces ressources culturelles soient disponibles. Lorsqu'on parlait - on revient toujours au même film -du film "E.T.", si vous avez seulement une version anglaise, comment pouvez-vous faire un libre choix? C'est pour cela que la loi 109, avec son article 79, va permettre un libre choix en ayant une version française.

M. Schlesinger: Je vais essayer de répondre aux deux aspects de votre question. Pour commencer, je ne vois rien dans la loi qui limite l'application de l'article 79 au film commercial. Si vous me le montrez, je serai très satisfait de le voir, parce que c'est quelque chose qui nous concerne beaucoup. Deuxièmement, pour la question du libre choix, je peux vous dire que personnellement j'ai eu, comme avocat, un client qui était un doubleur de film. C'étaient des canadiens français. Je crois qu'ils ont fermé leur porte parce qu'ils n'ont pas pu obtenir assez de financement pour avoir l'équipement nécessaire pour faire concurrence aux maisons françaises. S'ils avaient eu, à ce moment, les subventions nécessaires, peut-être qu'ils auraient pu faire quelque chose pour concurrencer et bâtir, ici à Québec, une industrie. Nous sommes - et je tiens à le souligner - entièrement d'accord

avec l'idée de bâtir une industrie du film ici, à Québec. C'est très important et c'est très louable. Mais, comme M. Archibald l'a dit, il faut le faire par voie de subventions, par voie d'encouragement et non pas en donnant à une régie le droit ou même en donnant au gouvernement le droit de dire tout simplement: Non vous ne pouvez pas du tout présenter ce film. Je trouve que c'est quelque chose qui peut s'étendre par après aux livres, aux disques, aux bandes magnétiques. Où cela va-t-il s'arrêter? Est-ce qu'un livre n'est pas aussi quelque chose qui doit pouvoir être lu par la population en général? Est-ce qu'on pourra dire à un moment donné que, avant de faire entrer un livre au Québec, il faut qu'il soit traduit dans les 60 jours? Quelle est la différence? Parce que, maintenant, les téléviseurs VCR deviennent quelque chose de presque aussi courant que le livre. Mais, avec cette loi, je ne peux même pas avoir une vidéocassette s'il n'y a pas de visa dessus, même si c'est une reproduction d'un livre.

Alors, je vous demanderais de prendre un peu de recul des détails pour essayer de voir le grand portrait, parce que ce que vous faites dans ce projet de loi comporte des dangers. On n'est pas ici pour vous dire que vous avez de mauvaises intentions, ce n'est pas cela. On vous demande tout simplement de jeter un coup d'oeil là-dessus pour voir les effets à long terme de priver les citoyens de même un petit doigt. Ce que vous voulez faire est louable mais les effets possibles sont graves, et c'est cela qu'il faut voir.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: M. le Président, d'abord, j'aimerais demander au président du Congrès juif canadien son interprétation de l'article 103. Il en a fait mention rapidement tantôt et il avait invoqué l'impossibilité dans laquelle serait le Congrès juif canadien de faire appel aux services bénévoles d'un producteur pour réaliser une production. Est-ce que c'est bien là votre interprétation?

M. Schlesinger: Oui.

Mme Harel: Je m'inscris complètement en faux contre cette interprétation. Si on lit l'article tel que rédigé, il se formule comme ceci: "Nul ne peut, sur une base professionnelle, effectuer de la production dans le domaine du cinéma et de la vidéo s'il n'est titulaire d'un permis de producteur." Alors, il faut vraiment s'entendre sur les termes. Il ne s'agit pas d'un travail fait de façon professionnelle par un bénévole mais sur une base professionnelle. Alors, c'est vraiment là faire référence à un contrat de location de services sur une base professionnelle. Je ne pense pas qu'un producteur qui offrirait ses services comme membre bénévole, malgré que son produit puisse être de qualité professionnelle, pourrait être empêché par cet article d'offrir ses services bénévoles au Congrès juif canadien. Je ne sais pas. M. le ministre, est-ce que je me trompe dans l'interprétation de l'article 103?

M. Richard: Non, c'est tout à fait exact, Mme la députée de Maisonneuve. Il faut que ce soit sur une base professionnelle. Cela n'inclut donc pas le cas que vous avez évoqué, absolument pas.

Mme Harel: Alors, le travail peut être fait de façon professionnelle, évidemment, par quelqu'un qui est bénévole, c'est bien cela?

M. Schlesinger: Mais peut-être que vous me permettrez de vous soumettre un exemple. Le Congrès juif canadien, maintenant, est en train de produire un film sur vidéocassette sur l'histoire de l'holocauste. On est, maintenant, en train d'agir comme producteur de films pour capter sur rubans, avant le décès de ces personnes, les expériences personnelles des survivants d'Auschwitz, de Dachau, de Mauthausen et des autres camps de concentration des Allemands durant la deuxième guerre mondiale. Le Congrès juif canadien a signé des contrats avec des professionnels pour effectuer ce travail. Nous agissons, en vertu de la loi, comme producteurs sur une base professionnelle. Ce n'est pas sur une base lucrative et c'est pour les fins éducatives de notre organisme. Est-ce que vous voulez nous dire qu'une oeuvre comme celle-là doit avoir le sceau d'un gouvernement? Je trouve cela difficile à croire dans une démocratie.

M. Richard: Oui, parce que vous confondez à but non lucratif et à but non commercial. On peut exploiter une entreprise à but non lucratif, mais cela reste quand même une activité commerciale.

M. Schlesinger: Ce n'est pas du tout commercial. C'est pour nos archives et pour distribuer dans les écoles. Je trouve difficile de croire que, dans une démocratie, un organisme, comme le Congrès juif canadien, le Congrès italien ou n'importe quel autre groupe, doive avoir la permission d'un gouvernement pour faire un film de son histoire. Cela n'est pas acceptable.

Mme Harel: Mais ce n'est pas vous qui devez avoir la permission du gouvernement, ni le Congrès juif canadien. C'est le producteur.

M. Schlesinger: Mais nous sommes les producteurs en vertu du projet de loi. La personne qui commande la production du film, cela devient peut-être une question de définition. Peut-être faudra-t-il y voir. Là aussi, on a un problème de réglementation. Qui va faire les règlements? Est-ce que ce sont ces trois personnes? Est-ce que c'est le gouvernement sans avoir une consultation au préalable? La définition, telle que rédigée -à titre d'avocat, je ne sais pas, il y a peut-être d'autres avocats ici - la personne qui commande une production, c'est le producteur. Si je fais paraître une annonce dans un journal, je publie l'annonce même si je ne suis pas la personne qui exige de l'argent pour la publication. C'est peut-être une question de définition. Si on changeait la définition pour clairement exclure les gens d'affaires dont je viens de parler, peut-être que ce serait plus adéquat.

Mme Harel: Sauf que, si vous étiez le producteur comme vous prétendez ou pensez l'être, vous le seriez sur une base professionnelle, et vous n'êtes pas, sur une base professionnelle, producteur de cinéma. Là, il y a vraiment une ambiguïté dans votre interprétation parce que vous dites être le producteur, mais si tant est que vous l'êtes sans l'être sur une base professionnelle, vous n'avez pas besoin, à ce moment-là, du permis.

Je voudrais revenir à ce que vous plaidiez. Si je comprends bien, vous plaidiez pour une liberté - vous l'avez dit tantôt -absolue d'expression.

M. Schlesinger: Non. La liberté d'expression, mais avec les limites normales, comme prôner la violence, prêcher la haine, le génocide ou l'obscénité, ces choses qui sont généralement couvertes par une loi pénale.

Mme Harel: Vous avez, à maintes reprises, réitéré que vous conceviez le Code pénal comme suffisant pour permettre aux personnes, aux citoyens, d'intervenir s'ils considéraient qu'il y avait des abus de commis qui pouvaient faire référence à des paroles obscènes ou des comportements haineux. Qu'est-ce que vous pensez, à ce titre, de la disposition maintenant introduite à l'article 77 réclamée par les nombreux groupes de femmes du Québec qui demandent d'ajouter, aux critères utilisés par la régie, celui de ne pas encourager ni de soutenir la violence sexuelle? Vous concevez que c'est...

M. Schlesinger: L'article 76? Mme Harel: L'article 77. M. Schlesinger: L'article 77.

Mme Harel: Concevez-vous qu'introduire des dispositions de cette nature est souhaitable ou non actuellement dans un projet de loi comme celui qu'on étudie?

M. Schlesinger: On est sûrement opposé à tout film qui démontrerait la violence sexuelle, mais je prétends que ce serait obscène et que ce serait une matière pour les cours criminelles.

Mme Harel: Je ne le partage pas, mais je comprends votre point de vue qui est de s'en tenir au Code pénal, malgré les difficultés que cela peut présenter. On sait particulièrement dans les cas de pornographie les difficultés que cela peut présenter.

M. Schlesinger: C'est une question de philosophie. Est-ce que l'État doit, auparavant, priver le citoyen du droit de s'exprimer ou s'il faut lui donner le droit de s'exprimer, et s'il commet une offense criminelle, de loger une plainte contre lui, un acte d'accusation contre lui? Nous prétendons que, dans une société démocratique, il serait mieux que la personne se contrôle elle-même en sachant qu'il y a une loi et qu'il va en subir les conséquences s'il enfreint la loi.

Mme Harel: Vous trouvez donc satisfaisants présentement les recours qu'on peut avoir en vertu du Code pénal?

M. Schlesinger: Peut-être que le Code pénal a besoin d'être révisé. Si c'était une session sur la façon dont il faudrait réviser le Code pénal, il nous ferait plaisir de présenter un mémoire comme nous le faisons pour toute autre loi qui concerne le Congrès juif canadien sur les libertés et droits humains.

Mme Harel: Vous allez me permettre une autre question concernant cette liberté d'expression, très rapidement.

Le Président (M. Gagnon): Madame...

Mme Harel: Oui, M. le Président. Je n'ai pas abusé beaucoup durant ces deux journées.

Le Président (M. Gagnon): Je vous ferai remarquer qu'on a déjà une heure et quelque dix minutes sur ce mémoire et on en a quatre autres à entendre ce soir.

Mme Harel: J'en prends note. Cela va être très rapide. Vous avez invoqué très souvent la liberté d'expression. On peut penser que dans le cas du cinéma, en fait, qu'il s'agisse d'une notion élargie à la liberté d'audition et de visionnement, c'était cette réalité que la liberté d'expression prend dans

le cas de la cinématographie. Je voudrais vraiment vous poser la question concernant l'article 79. Si vous considérez que demander qu'une version autre que française soit présentée au minimum avec une copie sous-titrée, cela avantage la liberté d'expression ou d'audition ou, si vous voulez, de visionnement d'une majorité ou si, au contraire, cela prive la liberté d'expression de ceux qui possèdent ou qui contrôlent les moyens de distribution ou les moyens de diffusion ou de programmation, de quelle liberté d'expression parle-t-on? De la liberté d'expression de ceux qui ont le contrôle et la propriété des moyens de distribution, des moyens de diffusion, ou de la liberté d'expression de ceux qui n'ont pas les moyens d'audition ou de visionnement?

M. Schlesinger: Si on n'a pas les moyens, je crois que les articles 7 et suivants de la loi donnent au gouvernement les moyens de subvenir aux besoins de l'industrie québécoise pour remédier aux problèmes qu'on a maintenant dans notre industrie. Je crois que ce n'est pas en privant les citoyens de voir les films, mais en subventionnant les producteurs québécois pour qu'ils puissent faire une juste concurrence qu'on pourra rendre les services nécessaires aux producteurs importants.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Est-ce que c'est terminé? Merci au Congrès juif canadien pour cet apport à cette commission.

M. Schlesinger: C'est nous qui vous remercions.

Le Président (M. Gagnon): J'inviterais maintenant - et je vais faire un dernier appel à l'Association québécoise des critiques du cinéma. Est-ce qu'ils sont arrivés? Oui. Je vous cède la parole.

Association québécoise des critiques de cinéma

Mme Suchet (Simone): J'aimerais savoir pourquoi vous avez dit: Un dernier appel, étant donné que je suis là depuis midi moins le quart? En fait, j'aurais bien aimé...

Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse mais suivant l'ordre du jour, vous deviez passer bien avant cette heure-ci. Chaque fois que j'ai invité les témoins à se rendre à la table, j'ai commencé par m'assurer si vous étiez rendue et on me disait toujours que vous n'y étiez pas.

Mme Suchet: J'étais là, mais j'ai été gentille aussi. J'ai laissé ma place à d'autres.

M. Schlesinger: II faut que je souligne que madame a été très gentille envers nous. Nous avons demandé qu'elle nous cède sa place pour nous permettre de prendre notre avion.

Le Président (M. Gagnon): Pour moi, c'était le dernier appel. Je me suis dit: Si on ne les retrouve pas, cela va aller à demain. Je vous cède la parole.

Mme Suchet: Je représente ici l'Association québécoise des critiques de cinéma. Normalement, Mme Françoise Wera aurait dû être ici également mais elle a été retenue à Montréal pour des raisons professionnelles, ce qui fait qu'il incombe à moi seule de présenter notre bref mémoire.

L'Association québécoise des critiques de cinéma, constituée en 1973, regroupe l'ensemble des personnes reconnues par l'association comme oeuvrant au Québec dans le domaine de la critique cinématographique et compte à ce jour une quarantaine de membres.

Tout en reconnaissant le bien-fondé du projet de loi no 109, l'Association québécoise des critiques de cinéma voudrait néanmoins faire quelques recommandations et critiques. Tout d'abord, l'Association québécoise des critiques de cinéma regrette l'absence des sections X et XI du rapport Fournier sur l'éducation et la culture cinématographiques et espère que les ministres de l'Éducation et des Affaires culturelles, MM. Camille Laurin et Clément Richard, feront connaître à brève échéance leurs intentions à ce sujet.

Ensuite, nous passons à l'article 17. L'AQCC recommande que le président de l'institut soit élu par les douze membres du conseil d'administration de ce même institut. À l'article 18, l'Association québécoise des critiques de cinéma recommande que la critique cinématographique ait une place, elle aussi, parmi les quatre membres prévus par cet article. Le choix de ce membre pourrait être fait, en accord avec l'Association québécoise des critiques de cinéma, selon les règles prévues aux articles 16 et 17.

Nous passons ensuite à l'article 61, alinéa 3. L'Association québécoise des critiques de cinéma recommande fortement que le soutien financier des revues de cinéma soit considéré comme prioritaire dans la promotion de la culture cinématographique. Article 77, l'Association québécoise des critiques de cinéma recommande d'éliminer de cet article les termes suivants: "Notamment en ce qui n'encourage ni ne soutient la violence sexuelle", car cette idée est déjà implicite dans l'ancienne formula qui est d'ailleurs encore utilisée et qui est "ne porte pas atteinte à l'ordre public et aux bonnes moeurs". Ce n'est pas que l'Association québécoise des critiques de cinéma désire encourager la violence sexuelle ou toute autre forme de violence, d'ailleurs,

mais parce qu'elle craint tout simplement que cet ajout ne prête flanc peut-être à certains abus.

À l'article 79, l'Association québécoise des critiques de cinéma recommande qu'on exige pour tout film présenté en langue autre que le français au moins une copie sous-titrée en français, même s'il existe des versions doublées et ceci pour assurer, en premier lieu, le respect de l'oeuvre originale. Article 97, l'Association québécoise des critiques de cinéma appuie avec insistance cet article tel qu'il est rédigé. Article 159, l'Association québécoise des critiques de cinéma recommande que la régie qui sera formée par cette loi établisse des règlements stricts afin d'améliorer les conditions techniques de projection des films.

En conclusion, nous souhaitons que l'Assemblée nationale discute et adopte avec diligence ce projet de loi que nous acceptons dans son ensemble, en n'oubliant pas de lui adjoindre les sommes d'argent nécessaires au bon fonctionnement des organismes dont la création y est prévue. Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci, madame. M. le ministre.

M. Richard: Je vous remercie, madame, en vous priant de nous excuser pour le retard que nous accusons dans le déroulement de nos travaux. Je voudrais faire une observation. Il y a quelque chose qui m'a particulièrement plu dans votre court mémoire, c'est quand vous recommandez fortement que le soutien financier des revues de cinéma soit considéré comme prioritaire dans la promotion de la culture cinématographique. Je suis tout à fait d'accord avec cela et j'espère que la future société d'aide en tiendra compte. J'ai même la certitude qu'elle en tiendra compte, parce que cela m'apparaît extrêmement important. Je vous remercie, madame.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Chomedey.

Mme Bacon: J'ai l'impression que vous avez, volontairement ou non, oublié un paragraphe.

Mme Suchet: J'ai volontairement oublié ce paragraphe parce que nous avons été un peu pressés pour rédiger ce mémoire et, dans la diligence que nous avons mise à le préparer, nous avons fait une erreur d'interprétation. En fait, ce que nous regrettons est présent dans le projet de loi et c'est la raison pour laquelle j'ai tout bonnement oublié ce paragraphe.

Mme Bacon: Faites-vous allusion, à ce moment-ci, à l'article 91?

Mme Suchet: Exactement, à l'article 91.

Mme Bacon: D'accord. Vous exigez aussi, dans le cas d'un film en langue autre que le français, que obligatoirement - à l'article 79 - il y ait une copie sous-titrée en français. Mentionnez-vous ou indiquez-vous cette exigence dans votre mémoire parce qu'elle répond à un besoin qui est généralisé? (21 h 30)

Mme Suchet: Nous pensons que c'est un point qui... D'une part, nous trouvons étrange ou paradoxal que nous ayons souvent ou assez fréquemment - je ne devrais pas dire "souvent" - au Québec l'occasion de voir des films étrangers et par "étrangers" - je veux dire non anglais ou non anglophone et non français - en langue originale avec une version sous-titrée en anglais. Le cas est rarissime en français; déjà c'est un peu paradoxal. Nous pensons qu'il est nécessaire qu'il y ait une version sous-titrée tout simplement par respect de l'oeuvre originale. Je crois que ce sont des détails intangibles, mais qui sont néanmoins très réels. Il y a toute une atmosphère. Une langue - l'italien par exemple - n'a pas du tout le même son que l'anglais; le suédois, c'est la même chose. À de tels niveaux, très intangibles, il semblerait qu'il soit absolument nécessaire de préserver la valeur et la qualité de l'oeuvre originale, sans compter que, techniquement, il est souvent très difficile - en particulier lorsque la bande sonore est très complexe -de reproduire avec la même perfection et les mêmes détails toutes les nuances de la bande sonore.

Mme Bacon: Cette exigence existe pour des films qu'on appelle des films d'art ou des films qui ne sont pas de nature commerciale. À ce moment, est-ce qu'on le fait immédiatement, est-ce automatique de sous-titrer?

Mme Suchet: Non, ce n'est, hélasi pas automatique. Nous souhaiterions que cela le soit. En plus, nous souhaitons que le sous-titrage existe également pour des films que l'on peut qualifier de commerciaux. D'autre part...

Mme Bacon: C'est pour répondre à un besoin de la population. Est-ce comme critique que vous sentez ce besoin aussi?

Mme Suchet: C'est en premier lieu comme critique, mais je pense que, après une période d'adaptation, la population également trouverait très facilement le bien-fondé de cette demande et s'habituerait tout à fait aux films sous-titrés.

De toute façon, nous ne demandons pas qu'il n'y ait pas de version doublée; nous n'éliminons pas du tout la possibilité qu'il y

ait une version doublée, mais nous souhaitons tout simplement qu'il y ait au moins une version sous-titrée, pour les raisons que j'ai mentionnées précédemment.

Le Président (M. Gagnon): Merci, Mme la présidente de l'Association québécoise des critiques de cinéma, de cette participation à cette commission.

Mme Suchet: Merci.

Le Président (M. Gagnon): Je demande maintenant aux représentants de l'Association des câblodistributeurs du Québec Inc. de prendre place. Mme Diane Legris, je vous prierais de présenter les gens qui vous accompagnent, de faire la lecture de votre mémoire et, si possible, compte tenu que l'heure avance, de le...

Association des câblodistributeurs du Québec Inc.

Mme Legris (Diane): C'était mon intention.

Le Président (M. Gagnon): Mais vous êtes là depuis très tôt ce matin, donc...

Mme Legris: Depuis hier soir!

Le Président (M. Gagnon): Même depuis hier soir!

Mme Legris: M. le Président, mesdames et messieurs de la commission, mon nom est Diane Legris. Je suis présidente du conseil d'administration de l'Association des câblodistributeurs du Québec et vice-présidente de Câble TV. J'ai, à ma gauche, M. Gilles Desjardins, vice-président au développement et planification du groupe Vidéotron et, à ma droite, MM. Réjean Myre et Claude Lamontagne, respectivement directeur général et directeur administratif de l'Association des câblodistributeurs.

Nous sommes heureux de l'occasion qui nous est offerte de vous présenter nos commentaires concernant le projet de loi no 109 sur le cinéma et la vidéo.

Permettez-moi d'abord de vous rappeler que l'industrie de la câblodistribution au Québec dessert 1 500 000 foyers, dont plus de 1 000 000 sont abonnés à ses services. C'est donc dire que nous rejoignons environ 2 500 000 personnes dans la province, et les entreprises membres de l'ACQ comptent 90% de ces abonnés.

Tel qu'exprimé dans notre mémoire, notre intervention porte sur les incidences économiques du projet de loi no 109 et de la taxe de 10% sur le service de base de la câblodistribution proposée par le rapport Fournier. Je cite ce rapport: "Dans le cas de la taxe sur les services de base de câblodis- tribution, nous pourrions parler de redevance à payer en compensation du privilège dont jouissent les abonnés de recevoir à domicile une quantité imposante de programmes, dont plusieurs milliers de longs métrages annuellement, majoritairement étrangers.

À notre point de vue, il s'agit clairement d'une taxe imposée à un million de foyers québécois comme pénalité parce qu'ils ont choisi de payer mensuellement afin d'avoir accès à des services de divertissement, d'information et de culture qui ne leur sont pas disponibles souvent autrement.

Ces services comprennent, bien sûr, la télévision conventionnelle mais aussi des contenus spécialisés tels les débats de l'Assemblée nationale et de la Chambre des communes sans oublier, à l'occasion, les commissions parlementaires, TVFQ-99, Radio-Québec, le canal communautaire et bien d'autres.

Comment réagira donc le consommateur québécois déjà lourdement taxé?

Négativement, bien sûr, vis-à-vis du Québec et négativement aussi vis-à-vis de son câblodistributeur local vu que l'augmentation du tarif ne se traduira pas par l'amélioration ou l'augmentation des services taxés.

On peut facilement présumer le débranchement d'abonnés qui vont diminuer chaque jour leur capacité de payer ou d'autres qui voudront protester face à une hausse injustifiable.

À un moment où le Québec effectue un virage technologique et où l'Etat établit des tables de concertation avec notre industrie afin d'élaborer l'avenir des communications au Québec, peut-on encore considérer le service de câble comme un privilège?

L'avenir des contenus, au Québec comme ailleurs, passe par celui des réseaux de distribution et la câblodistribution doit accroître son accessibilité à la population. Or cette accessibilité est intrinsèquement liée à l'extension des réseaux et à l'augmentation de leur capacité technologique de façon à permettre aux fournisseurs de contenus l'acheminement et la vente de leur produit aux consommateurs.

La mesure de taxation proposée aura des conséquences négatives sur le développement de notre industrie dont la situation financière n'est pas particulièrement enviable comme certains sont portés à le croire. L'érosion des revenus provenant du tarif mensuel à l'abonné se fait sentir depuis quelques années déjà.

Je cite un extrait du récent document du ministère des Communications. Le Québec et les communications: Un futur simple? "Outre cette mise en perspective qui donne à la câblodistribution sa vraie dimension, il faut noter une nette détérioration de la situation financière de cette industrie au Québec. En cela, elle n'a pas de statut

particulier par rapport à la situation financière de ce secteur au Canada. Durant la période 1972 à 1980, les recettes d'exploitation ont connu une croissance moyenne annuelle importante située aux alentours de 20% pendant que les dépenses d'exploitation et les frais d'intérêt augmentaient respectivement de 22% et 29% pour la même période. Les profits qui représentaient 17,5% des recettes en 1972 ont dégringolé à 0,1% en 1980." Fin de la citation.

Les mesures de restriction de 6% et 5% sur les augmentations du tarif de base imposées par le gouvernement fédéral laissent peu de place à une amélioration de la situation à court et à moyen terme.

Le livre publié par le ministère des Communications, Bâtir l'avenir, fait état des montants et des ressources qui seront requis en recherche et en développement si notre industrie doit être un outil privilégié et un partenaire dans l'avenir des communications au Québec. La venue de la télévision payante a nécessité des investissements importants en immobilisation technique des réseaux. Ces améliorations permettront, dans un avenir rapproché, d'offrir des services spécialisés optionnels auxquels les gens s'abonneront selon leurs goûts, leurs besoins et leurs capacités de payer.

À notre avis, cette avenue est la seule qui permettra à l'industrie du cinéma et de la vidéo de se tailler une place sur le marché québécois. Le gouvernement en est d'ailleurs conscient puisque dans son document, Un futur simple?, il énumère un ensemble de programmations payantes qui pourraient assez facilement être développées et vendues: théâtre et spectacles, éducation permanente, sports, nouvelles, musique vidéo. Plutôt que d'alimenter le climat négatif qui existe depuis trop longtemps entre les différents partenaires des communications au Québec, le gouvernement ne pourrait-il pas agir comme catalyseur et favoriser la mise en chantier de projets dynamiques où chacun y trouverait son compte, incluant le consommateur? N'est-ce pas là la première prémisse pour bâtir l'avenir?

M. le Président, mesdames et messieurs de la commission, je vous remercie pour votre attention.

La Présidente (Mme Harel): Merci, Mme Legris.

M. le ministre.

M. Richard: Je vous remercie de votre présentation, Mme Legris. Comme je sais que mon collègue a des questions à vous poser, je vais lui céder la parole.

La Présidente (Mme Harel): M. le ministre des Communications.

M. Bertrand: J'aurais été prêt à ce que mon collègue, le député de Saint-Henri, puisse poser des questions immédiatement. D'abord, je me réjouis évidemment que l'Association des câblodistributeurs du Québec nous fasse connaître sa réaction à ce projet de loi sur le cinéma et la vidéo. Je ne répéterai pas ce que j'ai dit ce matin au moment où l'Association canadienne de la radio et de la télévision de langue française comparaissait devant cette commission. Certaines questions du même ordre me paraissent devoir être posées à l'Association des câblodistributeurs du Québec.

Mme Legris, vous avez été une ardente, comment dirais-je, dame au sein de cette association pour la promotion, la défense et les intérêts de la câblodistribution. Mon ami, Gilles Desjardins, vous accompagne et représente l'association en même temps qu'une compagnie qui rejoint un marché fort important de la câblodistribution au Québec. Vous êtes des exemples éloquents de ce que les câblodistributeurs ont fait au Québec depuis un certain nombre d'années. Je ne parle pas de juridiction. Je sais que dans le cadre de cette commission nous devons, malheureusement, déborder cette question, quoique du côté de l'Opposition, comme du côté du parti ministériel, nous soyons, sur ces questions, fondamentalement d'accord, câblodistribution, télévision payante, communications, etc. Il y a là, je crois, un consensus qui est fort intéressant.

Au-delà de cela, parlant du projet de loi sur le cinéma et la vidéo, effectivement, nous avons constaté, dans l'analyse des revenus d'abonnement des entreprises de câblodistribution au cours de l'année la plus récente que nous ayons, 1981, qu'il y a un certain nombre d'entreprises de câblodistribution qui ont accusé des déficits. Je cite, par exemple, Vidéotron, Câblevision nationale; je peux parler aussi de Câble TV, à laquelle vous appartenez, Mme Legris; je peux parler de Télésag, qui a aussi accusé des déficits, et de Câblovision du Bas-Saint-Laurent.

Il y a des entreprises qui ont, malgré ce contexte de crise économique, connu certains surplus, mais certaines entreprises -je m'excuse auprès des autres qui représentent 25% des abonnés de la câblodistribution - comme Vidéotron, Câblevision nationale et de Câble TV, qui rejoignent 75% des abonnés du câble au Québec, il y a eu des déficits enregistrés au cours de l'année 1981.

Je note aussi, et je crois que c'est important de le signaler, que nous avons au Québec la possibilité de profiter d'une expertise considérable en matière de câblodistribution. Malgré les débats juridictionnels que nous avons connus, il n'en demeure pas moins que notre industrie de la câblodistribution s'est développée de façon telle et les efforts qui ont été mis en recherche et

développement ont été tels que nous faisons figure d'industrie d'avant-garde dans ce domaine en particulier. Je suis donc sensible au fait que, comme vous le disiez vous-même Mme Legris, la politique des 6% et 5% que le gouvernement fédéral a imposée pour les entreprises de câblodistribution, conjuguée à des problèmes qu'ont connus les entreprises au niveau des immobilisations -et, à moins que je ne me trompe, il y a une taxe fédérale qui s'applique aux achats faits pour les immobilisations - vous avez dans certains cas rencontré des problèmes qui se sont soldés par des déficits budgétaires. (21 h 45)

II y a, dans le rapport Fournier, et non pas dans le projet de loi soumis par le ministre des Affaires culturelles, cette allusion faite à une taxe de 10% sur les entreprises de câblodistribution puisqu'elles diffusent, pour une bonne part, des émissions qui doivent être considérées comme du type "cinéma". Ce que j'aimerais savoir, c'est, à partir de cette politique des 6% et 5% pendant deux ans, à partir des efforts que les entreprises de câblodistribution mettent dans la recherche-développement, dans la pénétration de marchés, pour étendre au maximum les marchés québécois - parce qu'elles ne rejoignent pas tous les foyers québécois en ce moment; vous parliez tout à l'heure d'environ 1 000 000 de foyers qui peuvent en ce moment être rejoints - étant donné les immobilisations que cela comporte, avec les taxes qui y sont attachées et relevant du gouvernement fédéral, et étant donné l'introduction de la télévision payante... Ici je voudrais ouvrir une parenthèse. Tout le monde sait que nous sommes placés dans un contexte extrêmement délicat. Ce n'est pas à vous Mme Legris, ni à vous M. Desjardins que j'apprendrai que ce dossier de la télévision payante nous pose d'énormes problèmes au niveau québécois: toutes les provinces du Canada et les deux partis politiques présents à l'Assemblée nationale ont indiqué que la télévision payante devait relever de leur juridiction, donc de la juridiction québécoise et provinciale pour les autres provinces du Canada.

Au niveau de l'application du règlement que nous avons ensemble préparé et au niveau de ce que nous pourrions appeler l'injection de revenus dans l'industrie cinématographique québécoise, je voudrais savoir, donc, étant donné cette application des 6% et 5%, étant donné vos projets d'immobilisation, étant donné vos projets de ce que je pourrais appeler la recherche -développement pour être en mesure de vous maintenir à la fine pointe du développement en matière de câblodistribution - je pense à toute l'exportation possible de notre potentiel de câblodistribution - et, finalement, étant donné l'introduction de la télévision à péage avec les problèmes que cela pose en matière juridictionnelle et en ce qu'on pourrait appeler la réinjection des profits, des revenus dans l'industrie du cinéma au Québec, comment, le plus objectivement possible, envisagez-vous cette recommandation faite par le rapport Fournir d'une taxe d'environ 10% aux entreprises de câblodistribution? Je veux bien qu'on tienne compte de l'ensemble des problèmes qui nous sont posés.

Mme Legris: Votre question comporte plusieurs facettes que je me dois de toucher, M. le ministre. Il convient peut-être ici de faire un petit historique et de se rappeler que l'industrie de la câblodistribution, tout d'abord, existe depuis environ 32 ans. Ce sont de petits entrepreneurs qui, lorsqu'un premier signal de télévision est devenu disponible, c'est-à-dire hors de nos frontières - naturellement, c'était la télévision qui venait de voir le jour, ce qui fut suivi, quelques années plus tard, d'un premier signal canadien - donc, ces électroniciens, se sont dit: De quelle façon pourrait-on, nous aussi, avoir la télévision au Québec? C'est ainsi que naquit notre industrie.

Il est important de se rappeler qu'encore à ce jour il existe, au Québec, 139 entreprises dont la majorité sont des petites et moyennes entreprises, des PME. Ainsi, 60 d'entre elles comptent moins de 1000 abonnés, 75 d'entre elles comptent de 1000 à 10 000 abonnés et 14 seulement comptent plus de 10 000 abonnés.

M. Bertrand: Mme Legris, je m'excuse. Je ne voudrais surtout pas, en vous interrompant, paraître désagréable à votre endroit, mais reconnaissez-vous qu'il se développe, dans le domaine de la câblodistribution, ce qu'on a connu un peu dans le domaine de la téléphonie au Québec? Il y a des entreprises qui occupent de plus en plus un marché très important et Vidéotron-Câblevision nationale, qui constitue un groupe, et le vôtre, Câble TV, rejoignent en ce moment 75% des abonnés sur le territoire québécois.

Mme Legris: Effectivement. Le petit historique statistique dont je viens de vous faire part avait pour but de démontrer que les incidences des 6% et 5% ont des répercussions directes sur une bonne partie, sinon la majorité, des entreprises, parce que le tarif de base, si nous excluons la télévision à péage, qui est, en moyenne, 7 $ par mois en province, continue de demeurer la seule source de revenu de ces entreprises. En ce qui concerne la recherche et le développement, il est bien évident que ce n'est pas la majorité des entreprises qui y consacrent une partie importante de leurs revenus. Ces efforts sont concentrés encore, à ce jour, dans le groupe Vidéotron bien que

l'entreprise Câble TV, depuis la récente acquisition, ait également convenu dans ses promesses d'acquisition qu'elle consacrerait une partie de ses revenus à la recherche. Quant aux autres entrepreneurs, ils continuent de souscrire au Fonds canadien de recherche en développement sur la câblodis-tribution proportionnellement au nombre de leurs abonnés.

En ce qui concerne l'extension des réseaux, il existe divers regroupements industriels qui prennent pour nom soit Intervision, soit Microbec. Si l'on prend le réseau Microbec, il achemine à une vingtaine de petits câblodistributeurs des régions éloignées des signaux qui ne sont pas autrement captables. Dans certaines régions, ces signaux incluent Radio-Québec. En ce qui concerne le réseau Intervision, il s'agit de regroupements régionaux dont l'entreprise nationale Vidéotron est au coeur. Vu que ces systèmes sont représentés dans diverses parties de la province: Montréal, Québec, la Mauricie, Victoriaville, Cap-de-la-Madeleine et Sherbrooke, dans ces régions, la taille de l'entreprise a fait que dans certains endroits il a été possible, en mettant ensemble leurs ressources et celles des petits câblodistributeurs adjacents, de procéder à un réaménagement de la technologie afin de permettre une extension des réseaux, une amélioration de la qualité et de la quantité des signaux, etc.

Vous le mentionniez à juste titre, ce n'est pas partout que cela s'est produit, ce n'est pas partout au Québec que la télévision payante est disponible, pour la bonne et simple raison que dans au moins 50% des cas les investissements de base requis seraient tout simplement trop dispendieux pour que les câblodistributeurs puissent même songer à amener soit des canaux supplémentaires, soit la télévision payante. Donc, la télévision payante et les autres développements, c'est-à-dire l'extension à 30 et à 35 canaux, ne sont pas encore une réalité. Vu l'érosion qu'a subie depuis quelques années la seule source de revenu du câble, soit celle du tarif de base qui n'a presque pas augmenté face à l'inflation quand même galopante des dernières années, il est bien évident qu'à moins que l'industrie ne puisse profiter de sources de revenus additionnelles dans un avenir assez rapproché, les 6% rajoutés aux efforts en recherche et développement, rajoutés à l'extension des réseaux, rajoutés à l'extension possible et souhaitable de nos produits et de notre expertise, tout cela fait qu'à moins que nous ne puissions en retirer un revenu quelconque dans un avenir assez immédiat, non seulement cela va-t-il être au point de stagnation - d'ailleurs, l'extension des réseaux est déjà en stagnation - mais cela deviendra dans un état de rétrogradation.

Vous me demandez de relier à la mesure proposée par le rapport Fournier les conséquences d'une taxe additionnelle de 10%. Ce que je viens de vous exposer, c'est avant la taxe. C'est l'état actuel des choses. Il est quand même assez facile d'y rajouter une taxe de 10% et d'extrapoler les conséquences d'une telle taxe sur une bonne partie de nos entreprises. Bien entendu, nous sommes conscients que les contenus qui sont véhiculés par le câble sont, en bonne partie, des longs métrages. Il est bien évident également que ces longs métrages ne sont pas majoritairement produits au Québec et, s'ils l'étaient, il n'y aurait pas de présente commission parlementaire parce qu'on serait vraiment au-dessus de nos affaires.

Cependant, il faut se rappeler que le rôle du câblodistributeur en est un de retransmetteur de signaux et que c'est grâce à lui que la télévision conventionnelle - les stations privées, etc. - et tous ses contenus se rendent dans plusieurs domiciles. Quand on parle des contenus additionnels qui ne sont pas disponibles autrement, il est bien évident que, si l'on parle des débats de l'Assemblée nationale ou si l'on parle du canal communautaire, nous ne tombons plus dans les préoccupations des gens du cinéma. Cependant, depuis quelques années, nous avons dit à maintes reprises dans tous les endroits où il nous a été possible de le faire, que ce soit devant le gouvernement provincial ou devant le gouvernement fédéral, que le câblodistributeur est un distributeur et qu'il a besoin de produits pour vendre aux consommateurs.

On reconnaît également que, en ce qui concerne la disponibilité de contenu québécois, il y a une pénurie bien entendu, mais que, par l'imposition d'une taxe, on se mette à produire plus de contenu québécois, cela ne veut pas dire que le contenu va se rendre aux consommateurs; nous n'avons pas le droit de rendre disponibles ces contenus et de les vendre. Tant que nous serons en économie de libre marché, pour que quelque chose soit produit, cela prend de l'argent et, vu que l'argent ne pousse pas dans les arbres, cela veut dire que le produit doit éventuellement être vendu à quelqu'un. Pour qu'il puisse être vendu par quelqu'un, il faut qu'il passe par un système de distribution. Vu qu'il s'agit ici de produit audiovisuel, de produit électronique, il doit suivre bien sûr la voie des médias électroniques qui ont la capacité technologique de rendre ce produit aux consommateurs.

Or, toute taxe, qu'elle soit dans notre industrie ou dans d'autres secteurs, qu'elle rapporte un fonds de 25 000 000 $, Dieu sait combien de bons longs métrages on peut produire avec cette somme. On regarde la série télévisée "The Winds of War", qui a occupé 18 heures de notre vie pendant seulement une semaine, et elle a coûté 40 000 000 $. Alors si, avec les

25 000 000 $, nous croyons avoir frappé une mine d'or qui va faire refleurir le cinéma québécois, peut-être frappe-t-on à la mauvaise porte.

Nous disons: Notre rôle est de distribuer des contenus. Si l'on prend l'exemple de la télévision payante, il y a eu des partenaires du domaine de la production qui sont devenus détenteurs de license, qui ont mis ensemble des programmations, qui donnent des commandes de productions, qui paient des droits d'auteur sur des contenus. C'est la nature de leur permis. Une fois ces contenus disponibles, ils doivent ensuite aller voir des réseaux de distribution. Alors, ils nous vendent le produit sur lequel les droits ont été payés, sur lequel les producteurs se sont servis, etc. Nous, en retour, nous couvrons nos frais et nous rendons ensuite ce produit disponible aux consommateurs. (22 heures)

Comment se fait-il qu'il ne soit pas possible que le même cheminement soit fait avec le produit québécois? Nous croyons que le premier cadre d'ouverture est celui de la télévision payante. Nous croyons que le prochain cadre d'ouverture pour tous ces contenus audiovisuels sera nécessairement l'étagement des services qu'il convient maintenant d'appeler, dans sa terminologie française, les services de "tiering".

Si on me demande: De quelle façon voit-on les effets d'une taxe? C'est bien évident que toute taxe, quelle qu'elle soit, a toujours des effets négatifs non seulement sur le secteur qui doit la percevoir et la retourner, mais sur le consommateur parce que le consommateur fait face à l'inflation et, à un moment donné, il doit faire un choix sur l'endroit où il va dépenser son argent.

Nous disons: Si le consommateur québécois décide que la mensualité qu'il ne paiera pas à l'avenir est celle de la câblodistribution, je me demande où tous ces beaux films et produits spécialisés québécois se rendront à domicile. Comment seront-ils vendus? Semble-t-il, nous avons déjà vidé l'avenue du cinéma et ce n'est pas suffisant. Nous, on essaie, depuis longtemps, d'être un des partenaires dans la chaîne de la production et de la distribution vers le consommateur, mais, tant que nous n'aurons pas le droit de vendre ces produits, nous ne voyons pas comment le coeur du problème sera réglé.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre...

Mme Legris: Je ne sais pas, M. le ministre, si j'ai répondu. Votre question était assez vaste.

M. Bertrand: Oui, je...

Mme Legris: Naturellement, soyez bien à l'aise de revenir sur certains des éléments.

M. Bertrand: Oui. Je m'en excuse, Mme Legris. Je comprends très bien que vous ayez besoin de tout ce temps pour y répondre. Deux dernières questions très brèves: l'une à vous, l'autre à M. Desjardins.

La première à vous. Vous avez parlé d'étagement des services. On en parle de plus en plus. C'est un débat qui est en cours au CRTC. Dans la mesure où la télévision payante est considérée comme une télévision de luxe, de plus en plus, est-ce qu'il vous apparaît normal que le règlement que nous avons à administrer en ce moment sur la télévision fasse part d'un certain pourcentage des revenus de la télévision payante qui soit réinjecté dans l'industrie du cinéma au Québec? De quelle façon? Je pense que cela reste à déterminer, par les entreprises de câblodistribution, par les grands grossistes nationaux, mais, comme il s'agit d'une télévision de luxe, est-ce qu'il n'y a pas là une source de revenus qui pourrait être intéressante pour l'industrie du cinéma, dans la mesure où nous voulons favoriser la production québécoise?

À M. Desjardins, deuxièmement, est-ce qu'il n'est pas exact que, depuis que nous avons entendu parler de ces problèmes de déficit de la compagnie Vidéotron-Câblevision nationale, qui rejoint tout de même 60% des abonnés du câble au Québec, au cours des derniers mois, il y aurait des nouvelles rafraîchissantes et des projections intéressantes qui laisseraient croire que, d'une situation de déficit, cette compagnie passerait progressivement à une situation de profit? Alors, Mme Legris.

Mme Legris: Je pense, en effet, normal qu'une partie des revenus produits par la chaîne de la télévision payante soient effectivement versés, soit au cinéma québécois ou à la production québécoise. Je ne veux pas faire de jeu de mots, mais, dans mon esprit, "québécois" peut s'insérer très bien dans le contexte "contenu canadien" également.

Si je songe aux chaînes actuelles de télévision payante qui ont reçu des permis, les chaînes Premier Choix, First Choice, C Channel et TVEC, qui sont les quatre qui ont le droit d'être distribuées au Québec, ces quatre réseaux prévoient et doivent, de par leurs conditions de permis, effectivement investir dans des programmations canadiennes, donc québécoises, et non seulement investir, mais verser des montants d'argent; non seulement investir eux-mêmes, mais faire faire des productions dont le coût est inscrit dans le prix de vente de leurs produits aux entreprises de câblodistribution. Nous ne voyons pas pourquoi le cinéma québécois ne pourrait pas s'inscrire comme

les autres à l'intérieur de ces chaînes créées spécifiquement pour promouvoir entre autres le cinéma dont le cinéma québécois francophone. Le cinéma québécois y trouverait non seulement un marché dans le Québec, mais une couverture, si on prend la chaîne TVEC, par exemple, qui veut se donner non seulement une allure, mais une identité majoritairement québécoise. Ces contenus verraient non seulement le marché du Québec, mais le marché des Maritimes et le marché sud et ouest de l'Ontario. Nous souscrivons non seulement à cela, mais nous le faisons déjà parce que, quand TVEC nous vend son produit 10 $ par mois, dans les 10 $, nous lui avons déjà payé 2 $ qui seront versés à la production.

Nous croyons que les producteurs québécois devraient être encouragés à utiliser ce médium actuellement extraordinaire qui a été créé justement avec la préoccupation que les Canadiens, dont les Québécois d'origine francophone, puissent y trouver leur compte. Nous souhaitons que, dans tous les services qui découleront, que l'on appelle les services à étagement, qui seront des services plus spécialisés... Nous avons donné aujourd'hui des exemples de contenus d'éducation permanente, de contenus de musique vidéo, des choses pour lesquelles les gens paieraient, nous le savons. Le premier élan de la télévision payante, pour se créer des fonds, devait en être un de divertissement et devait en être un qui s'adresse à la masse. C'est bien évident, on n'a qu'à regarder le domaine de la radiodiffusion.

Avant que Radio-Québec puisse se permettre d'avoir une existence, elle avait quand même derrière elle toute la tradition de la télévision conventionnelle et privée qui avait donné l'élan à la radiodiffusion et qui a ainsi permis aux chaînes de télévision éducative de voir le jour. Mais les chaînes éducatives n'auraient jamais pu précéder la radiodiffusion. C'est ce qui, on l'espère, se produira dans le domaine de la télévision payante et des services à étagement. Il est bien entendu que, présentement, sur les écrans d'une plus grande entreprise en particulier, il y a des contenus plus spécialisés, mais c'est bien restreint parce que nous n'avons pas le droit de les vendre. Le jour où nous aurons le droit de vendre, cela voudra dire qu'il y a de l'argent qui entre pour aller faire produire. La chaîne est complète. C'est ce que nous souhaitons.

M. Desjardins (Gilles): Je voudrais simplement, avant de répondre à la question qui m'a été posée par M. le ministre, ajouter un point à la question à laquelle Mme Legris a répondu. C'est le point suivant: Dans le contexte des service à étagement, ce que l'industrie du câble a proposé de faire, c'est d'utiliser 15% des revenus de ces services à étagement, qui représenteraient, pour l'ensemble du Canada, 75 000 000 $ sur une période de cinq ans, c'est-à-dire que les 15% des revenus totaux qui viendraient pour les services à étagement seraient de 75 000 000 $. Ce qui veut dire, si on regarde la proportion qui pourrait aller au Québec, que ce serait entre 20% et 25% de 75 000 000 $, cela veut dire à peu près le quart des 75 000 000 $. Même si au niveau des chiffres, c'est à peu près la part qui nous reviendrait et qui pourrait être utilisée pour la production qui viendrait du Québec en langue française, ou même la production dans les deux langues, personnellement, je m'engage ici à aller chercher plus que cela parce que, dans nos relations avec les secteurs de la radiodiffusion, des producteurs et des autres entreprises de câblodistribution au Canada, on serait en mesure, étant donné les besoins et les nécessités linguistiques pour notre marché, d'aller chercher des répercussions qui seraient plus grandes que 20% ou 25% des 75 000 000 $. Je mentionne cela parce que, pour nous, la câblodistribution, après avoir analysé ces questions depuis fort longtemps et en profondeur - je peux vous dire que nous, à Vidéotron, on se préoccupe constamment de ces choses dans le contexte du Québec, mais aussi dans un contexte plus large - on se dit que, si on a un impact sur ce qui se passe ici et ailleurs, cela aura des répercussions sur les producteurs d'ici qui peuvent produire non seulement pour le Québec, mais qui peuvent produire aussi pour le reste du Canada et pour l'ensemble de l'Amérique du Nord ou même de l'Europe.

Cet argent, selon nous, serait utilisé d'une façon plus efficace et permettrait au secteur de la production de l'industrie du cinéma d'obtenir des résultats qui seraient meilleurs que de venir chercher une taxe sur les revenus du service de base des câblodis-tributeurs, la déposer dans un fonds et la réutiliser. En faisant cela, on perd le lien entre les producteurs et le public. Il faut trouver un moyen de s'organiser pour que ce que les producteurs produisent soit ce que le public veut et est prêt à payer. Je reviens à ce que mentionnait Mme Legris tout à l'heure.

Maintenant, pour passer à la question qui m'a été posée par M. le ministre des Communications concernant la situation financière de Câblovision nationale, je voudrais vous mentionner, simplement comme introduction, un peu l'historique du groupe Vidéotron qui a acheté Câblovision nationale, une compagnie où il y avait d'immenses travaux à faire pour l'amener à des standards d'excellence sur le plan de la capacité de distribution, de l'avancement technologique et les mettre au même niveau que ceux qui existaient à Télécâble-Vidéotron, l'entreprise originale.

Nous avons donc, très rapidement,

hypothéqué l'avenir, c'est-à-dire qu'on a mis en marche tous les travaux afin de faire toutes les immobilisations nécessaires pour nous amener à un niveau de développement qui est celui que vous connaissez aujourd'hui. On avait prévu, à ce moment-là, qu'on recevrait des augmentations du CRTC de l'ordre de 20% ou de 25%, étant donné l'amélioration du service et les services additionnels que nous désirions offrir dans les plus brefs délais. On voulait faire cela très rapidement parce qu'on croit dans cette forme de développement des communications au Québec. C'est une approche comme celle-là qui nous permet d'être où on est aujourd'hui en tant que groupe Vidéotron. Et j'accepte les compliments ou les remarques faites par M. le ministre, à savoir que le groupe Vidéotron est reconnu dans l'Est du Canada comme étant à la pointe du développement et de la technologie dans le domaine de la câblodistribution. D'ailleurs, on est souvent consulté à cet égard.

Malheureusement, ce qui s'est produit, c'est que...

Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, je vais devoir vous demander d'abréger un peu la réponse parce qu'on a encore d'autres choses pour ce soir. (22 h 15)

M. Desjardins: Ce ne sera pas très long. Je considérais que c'était important pour expliquer où on en est maintenant. Malheureusement, on a eu seulement des augmentations de 6% et de 5%. Cela nous a menés dans une situation financière déficitaire, à Câblovision nationale. Alors, on a dû arrêter nos projets d'immobilisation, nos projets d'expansion des services dans certains endroits où on devait offrir des services et dans certains endroits où on devait augmenter la capacité des canaux, etc., afin de redresser la situation financière.

À ce moment-ci, ce que nous sommes en train de faire, c'est de demander des augmentations additionnelles au CRTC selon le processus de circonstances exceptionnelles, ce qui devrait nous permettre de continuer, de compléter les immobilisations nécessaires à l'amélioration de notre service. Cela est absolument nécessaire si on veut être en mesure d'offrir les contenus, que ce soit la télévision payante aux différents endroits où on n'est pas capable de l'offrir maintenant ou les services par étagement. Pour que les contenus rapportent de l'argent aux producteurs, il faut être en mesure de les distribuer au plus grand nombre de personnes possible sur l'ensemble de notre territoire. C'est pour cela que cet argent est mieux utilisé à cette fin, parce que c'est la meilleure façon d'obtenir des revenus plus grands aux producteurs.

L'autre point qu'il est important de mentionner, c'est que nous, à Vidéotron, on a un certain nombre de projets comme, par exemple, le projet Vidacom que je vous mentionne comme cela. Je n'ai malheureusement pas le temps d'entrer dans les détails, mais il faut laisser de l'argent à l'industrie du câble, à Vidéotron, pour être en mesure de poursuivre ces développements et de faire entrer ces nouvelles technologies qui ont été développées, qui sont produites au Québec, dans les autres marchés, dans les autres pays. On est continuellement sollicité par les pays d'Europe, comme la France et l'Angleterre, où il y a actuellement de grands projets de développement dans le câble, des pays qui ont 60 000 000 à 75 000 000 de population. On est constamment consulté, chaque mois, par des gens qui ont des projets très précis et qui veulent nous consulter, nous du Québec, de Vidéotron. Donc, il faut absolument avoir les moyens, il faut absolument que vous nous donniez des moyens de continuer les recherches et surtout d'être en mesure de faire les investissements nécessaires dans un projet comme Vidacom qui est actuellement, au niveau de la câblodistribution, le projet le plus avancé au monde.

C'est seulement de cette façon qu'on pourra entrer dans les marchés nord-américains et européens. J'ajouterais même, étant donné l'équipement et l'infrastructure qu'on a développés, que c'est de cette façon qu'on va démontrer à ces gens, partout au monde, comment on utilise la technologie la plus avancée pour livrer les contenus dans les domiciles, ce qui va permettre de ramener le maximum de dollars aux producteurs, que ce soit dans l'industrie du cinéma ou de la vidéo. Je pense que c'est un point assez important.

Le Président (M. Gagnon): Je vais devoir vous demander de terminer parce que...

M. Desjardins: C'est terminé.

Le Président (M. Gagnon): C'est terminé?

M. Desjardins: Voilà.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee. Pardon, c'est vrai. À 22 heures, je m'excuse, est-ce que la commission est consentante à poursuivre les travaux, parce que, normalement, l'ordre de la Chambre était de terminer à 22 heures? Est-ce que la commission est d'accord? Il nous reste encore deux groupes à entendre.

M. Richard: On a un consentement tacite.

Mme Lavoie-Roux: C'était juste pour le président.

Le Président (M. Gagnon): C'est ce que j'ai présumé. M. le député de D'Arcy McGee.

Je ne vous demanderai pas d'être court dans vos questions puisque vous n'avez pas encore posé de questions à ce groupe, mais je vous demanderais d'essayer de concentrer les réponses le plus possible.

M. Marx: Vous avez deviné, M. le Président. J'ai deux questions très courtes. Premièrement, en ce qui concerne les taxes, quel est le fardeau fiscal dans d'autres juridictions, c'est-à-dire dans d'autres provinces canadiennes ou peut-être aux États-Unis, en ce qui concerne les câblodistributeurs? Est-ce que le fardeau fiscal est à peu près le même en Ontario, en Colombie britannique, dans l'État de New York, ainsi de suite? J'aimerais avoir une certaine comparaison, si c'est possible.

Mme Legris: C'est difficile pour moi de faire une comparaison, en tout cas, pour le secteur américain. Peut-être que d'autres...

M. Marx: Le secteur canadien.

Mme Legris: Canadien? Peut-être faut-il seulement relater ici la nature des mesures fiscales que nous avons au Québec, et on extrapole facilement pour les autres provinces. Nous avons ici, entre autres, une fiscalité municipale de 2%. C'est la fameuse taxe de 2%. Nous avons une taxe de 9% sur les télécommunications, qui est facturée aux abonnés. Cela varie de province en province. Nous avons un loyer pour l'occupation du domaine public, qui peut varier d'un secteur à l'autre. Nous avons des redevances fédérales au CRTC, qui sont les mêmes, cependant, dans tout le Canada! Saviez-vous quelle est la mesure de ce loyer pour les redevances fédérales?

Une voix: 1,50 %. Mme Legris: 1,50%.

Mme Lavoie-Roux: Vous n'avez pas la comparaison avec les autres provinces?

Mme Legris: Pour le CRTC, c'est la même chose d'une province à l'autre.

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais pour les autres, non.

Mme Legris: La taxe sur les télécommunications est une taxe de vente. Au Québec, elle est de 9%. Dans les autres provinces, elle varie. Celle de 2% est particulière au Québec. Il en existe peut-être de nature semblable ailleurs, mais je ne puis vous le dire. Les autres taxes sont des taxes sur le capital et des taxes d'affaires qui ont leur particularité québécoise et que je ne suis pas en mesure de comparer avec celles des autres provinces. Il y a la taxe fédérale de vente sur les achats qui est, bien sûr, la même pour les autres provinces. Il y a la taxe provinciale de vente sur les achats qui s'applique également sur les montants de taxe fédérale, qui varie de province en province. Il y a tout le domaine des impôts, tant fédéral que provincial. Naturellement, l'impôt provincial variera d'une province à l'autre. Il y a les taxes d'affaires, les taxes de la Commission des normes du travail et de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Il y a maintenant la nouvelle taxe sur les frais d'installation d'un décodeur, qui peut varier d'une province à l'autre. Je ne puis vous donner la variante pour chacune des provinces. Je me suis seulement permis de vous donner la liste des taxes et redevances diverses que nous avons ici. Je m'excuse de l'imprécision de ma réponse.

M. Desjardins: Pourrais-je ajouter brièvement à cette question?

Le Président (M. Gagnon): Oui, M. Desjardins.

M. Desjardins: Ce que je voudrais proposer ici, c'est de fournir à la commission le détail des taxes qu'on paie déjà au Québec par rapport aux taxes qui sont payées dans les provinces et, en plus, de faire une comparaison avec les États-Unis. Je peux vous dire dès maintenant, sans me tromper, que c'est au Québec qu'on paie le plus de taxes dans l'industrie de la câblodis-tribution. Je pourrai vous indiquer plus précisément la différence qui existe avec les autres provinces, parce que cela varie d'une province à l'autre, mais au Québec, c'est le plus élevé et, dans la plupart des provinces du Canada, c'est assurément plus élevé qu'aux États-Unis. Par exemple, aux États-Unis, les gens ne paient pas de redevances -comme on le fait au CRTC - au niveau du FCC. De plus, la taxe de vente, comme tout le monde le sait, est plus élevée au Québec. En Alberta, il n'y en a pas, etc.

Le Président (M. Gagnon): Ce sont ces détails que vous allez essayer d'avoir pour les membres de la commission.

M. Desjardins: Oui, cela me fera plaisir.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Oui. Votre conclusion ne me surprend pas, parce que, dans d'autres domaines, on paie plus de taxes aussi, sur l'essence et ainsi de suite. On peut en faire une liste. On fait cela de temps à autre. Si

le député de Rousseau veut que je dresse une liste des taxes qu'on paie au Québec...

Le Président (M. Gagnon): Pas ce soir.

M. Marx: Non? Pas ce soir?

M. Blouin: Allez-vous faire cela ce soir?

Le Président (M. Gagnon): Non, pas ce soir, M. le député de Rousseau.

M. Marx: Je vais parler seulement de l'essence s'il veut. Bon!

M. Blouin: Vous me rassurez. Vous la déposerez.

M. Marx: Mais passons à ma deuxième question. Vous n'avez pas vraiment parlé de vos activités de production. Pouvez-vous apporter des précisions là-dessus?

Mme Legris: J'ai parlé des activités de production des 138 entreprises et je laisserai la 139e entreprise à mon collègue de Vidéotron. Je puis vous dire que les activités de production de ces 138 entreprises sont restreintes à la production pour le canal communautaire.

M. Marx: Je trouve qu'on peut améliorer les productions du canal communautaire. Quand c'est filmé - je ne sais pas quel est le bon mot - ce n'est pas vraiment bien fait. Si on regarde le canal 9 à Montréal, j'imagine qu'on pourrait investir un peu plus d'argent, changer les décors en arrière de temps à autre, ne pas avoir toujours la même table, peut-être avoir deux caméras au lieu d'une, etc.

Mme Legris: J'espère que vous parlez de l'autre entreprise de Montréal. Je vous indiquerai que...

M. Marx: Non, mais l'idée, c'est...

Mme Legris: ...si nous avions le droit de faire payer à nos abonnés les nombreux frais qu'il en coûte pour le personnel, pour le remplacement des équipements, pour les décors, etc., il serait naturellement plus facile de faire de meilleures productions en ce qui concerne celles que nous faisons nous-mêmes. Il faut, cependant, se rappeler que la condition du permis de canal communautaire est essentiellement de remettre des caméras à des gens qui n'ont jamais fait de production et qui doivent se produire. C'est l'intention du canal communautaire de rendre disponibles à la population des équipements qui lui permettent de s'organiser elle-même. C'est un peu comme la radio communautaire qui n'a pas comme objet de concurrencer la radio conventionnelle. D'ailleurs, elle est réglementée à cet égard.

M. Marx: Mais le caméraman qui filme ces productions à la télévision communautaire, il travaille pour un membre de votre association.

Mme Legris: Dans la plupart des cas, ce n'est pas le cas. La plupart du temps, des gens de la communauté viennent chercher un équipement et c'est l'obligation que les entreprises ont devant le CRTC de le rendre disponible.

M. Marx: Mais supposons qu'il y ait un studio, pour préciser cette question...

Le Président (M. Gagnon): C'est votre quatrième question; vous en aviez seulement deux, M. le député.

M. Marx: M. le Président, ce sont des sous-questions. Par exemple, un des membres de votre association a un studio sur la rue Beaubien Est. Ce ne sont pas des gens de n'importe où qui peuvent être des cameramen.

M. Desjardins: Je peux répondre à votre question, M. le député. Je suis tout à fait d'accord avec vous - ce n'est pas Beaubien Est, c'est 90 Beaubien Ouest - que la qualité des émissions communautaires pourrait être bien meilleure. Non seulement n'avons-nous qu'une caméra mais elle est fixe. La raison pour laquelle c'est ainsi, c'est qu'on n'a pas d'argent; c'est assez clair.

M. Marx: Mais je trouve que souvent les productions que vous faites - vous pouvez venir ici et dire aux Québécois: On fait la production - sont d'une qualité tellement pauvre qu'il n'y a pas d'incitation pour les gens à les regarder.

M. Desjardins: D'accord, mais l'autre point que je veux clarifier...

M. Marx: Même à l'Assemblée nationale, on fait une meilleure production.

Mme Legris: Avec des budgets pas mal plus élevés.

M. Desjardins: Je suis d'accord avec cela.

Mme Lavoie-Roux: Comment la production de l'Assemblée nationale coûte-t-elle, M. le ministre?

Le Président (M. Gagnon): M.

Desjardins, vous étiez en train de répondre.

M. Desjardins: Je voudrais clarifier un

point important à ce sujet. Selon notre approche, au groupe Vidéotron, nous ne sommes pas dans la production. Nous avons un canal communautaire que nous mettons à la disposition des différents groupes communautaires, mais nous ne sommes pas dans la production, nous sommes des distributeurs. Nous sommes un peu comme un centre commercial et nous avons des espaces disponibles pour les boutiques. On a des espaces disponibles pour les gens qui offrent toutes sortes de programmations qui existent, plus la télévision payante, plus les services par étagement, etc. On est là pour cela et, un peu comme vous allez dans un centre commercial, les gens peuvent avoir de tout. On considère notre rôle de cette façon. Alors, nous ne sommes pas dans la production.

M. Marx: Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci, madame et messieurs de l'Association des câblodistributeurs du Québec Inc.

J'inviterais maintenant la Confédération générale de la publicité - on me dit que les deux mémoires qui restent sont ensemble -ainsi que le Conseil des agences de publicité du Québec. Vous êtes M. Allard?

Confédération générale

de la publicité et Conseil

des agences de publicité du Québec

M. Allard (Jean-Marie): Jean-Marie de son prénom.

Le Président (M. Gagnon): M. Jean-Marie Allard. Alors, je vous cède le micro, en vous demandant de nous présenter les gens qui vous accompagnent. (22 h 30)

M. Allard: M. le Président, M. le ministre, M. les membres de la commission, je sais que vous avez été heureux de savoir que, vu l'heure tardive, nous avons convenu, ma consoeur de gauche et moi-même, d'amalgamer nos deux mémoires. Étant donné que nous ne formons qu'une seule et même famille en termes de publicité, nous avons décidé de ramasser tout cela dans une seule présentation. Mon confrère de droite vous est familier, c'est Jean Normandeau qui est le directeur général de l'Association canadienne de la radio et de la télévision de langue française, qui était assis à cette table ce matin, et il y a Me Louise Paul, à ma gauche, qui est la secrétaire générale du Conseil des agences de publicité du Québec.

Cela m'amène à vous dire que l'organisme que je représente, la Confédération générale de la publicité, est un regroupement volontaire des principales associations sectorielles reliées au domaine de la publicité au Québec, à savoir l'Association canadienne des annonceurs, l'Association canadienne de la radio et de la télévision de langue française, l'Association des quotidiens du Québec, l'Association des magazines du Canada, le Conseil des agences de publicité du Québec, le Publicité-Club et l'Advertising and Sales Executives Club de Montréal.

Notre mandat est essentiellement de deux ordres: d'une part, agir comme forum à l'intérieur de notre industrie et, d'autre part, principalement agir comme porte-parole de l'industrie de la publicité là où les intérêts communs de tous nos partenaires sont en jeux et où le processus normal de la libre expression commerciale est affecté.

Avant d'entrer dans la présentation même de notre mémoire, j'aimerais déposer officiellement pour le procès-verbal de la commission parlementaire un erratum qui s'est glissé dans le texte de présentation et que nous avons remis au secrétariat des commissions parlementaires. J'aimerais m'assurer que cet erratum soit un document officiel.

Notre mémoire se divise essentiellement en deux parties et j'essaierai de le résumer au maximum: d'une part, quelques commentaires d'ordre général et, dans un deuxième temps, une position plus explicite au chapitre du financement des organismes proposés par le projet de loi no 109.

Au niveau des commentaires généraux, je crois qu'il y a lieu de vous proposer que quelques définitions soient éclaircies. Si l'on présume, au départ, que l'intention du gouvernement est de légiférer en matière de cinéma diffusé en salle ou repiqué sur vidéo pour consommation à domicile, nous sommes d'avis que la définition des termes "film" et "matériel vidéo" que l'on retrouve en page 5 du projet de loi pourrait laisser croire que le législateur voudrait s'immiscer dans le domaine de la télévision, étant donné le manque de clarté de ce texte.

Afin d'éviter toute confusion, nous suggérons que ces définitions soient revues et corrigées. Je crois, d'ailleurs, que l'ACRTF vous en a fait mention ce matin. À la COGEP, Confédération générale de la publicité, résumée dans son acronyme par COGEP - c'est le terme que nous allons utiliser au cours de notre présentation - nous sommes d'avis que ces mêmes remarques s'appliquent également au libellé de l'article 37 que vous retrouvez en page 11 du projet de loi, qui pourrait, encore une fois, laisser croire que l'Institut du cinéma et de la vidéo pourrait éventuellement intervenir en matière de contenu. Si tel était le cas, nous aimerions suggérer à la commission que cet article serait contraire au principe de la liberté d'expression si chère à notre société.

Étant donné que l'industrie de la publicité est déjà très lourdement réglementée tant au niveau fédéral que

provincial, nous nous permettons également de signifier publiquement notre appui à tous ceux et celles qui font commerce du cinéma et qui voudront vous exprimer leur inquiétude au cours de ces trois jours d'audiences au chapitre du contrôle et de la surveillance du cinéma et de la vidéo au Québec.

À la lecture du projet de loi, n'y a-t-il pas lieu de se questionner, en effet, sur les intentions réelles du législateur? Comment, en effet, peut-on prétendre vouloir donner priorité au "développement d'entreprises québécoises indépendantes et financièrement autonomes dans le domaine du cinéma" lorsque, quelques pages plus loin, le même texte propose une surenchère de contrôles qui nous paraissent pour le moins abusifs: un permis de tournage, un permis de production, un permis de distribution, un permis d'exploitation, un contrôle du partage des recettes minimales entre les exploitants de salle et les distributeurs, un contrôle hebdomadaire des films présentés en salle, du nombre de billets vendus, des recettes brutes et nettes de chaque exploitant de salle de cinéma, sans compter toutes les autres informations que la régie décidera d'exiger par voie de règlement? Nous sommes d'avis que toutes ces mesures sont totalement contraires aux intentions déclarées du gouvernement en ce qui a trait au respect du principe de la libre entreprise.

Une autre question nous vient à l'esprit: Est-ce que la Régie du cinéma et de la vidéo aura le loisir de refuser un permis? Si oui, à partir de quels critères? Si, au contraire, l'émission d'un permis est automatique, alors pourquoi en émettre, sinon, peut-être, pour perpétuer le jeu de l'aquarium? Qui plus est, toutes les mesures en matière de permis impliqueraient la mise sur pied d'une nouvelle bureaucratie que la société québécoise ne saurait tolérer, à notre avis, alors que le gouvernement s'emploie par tous les moyens à comprimer les dépenses publiques.

Ceci met fin à nos commentaires d'ordre général. Ce qui nous amène plus spécifiquement en commission parlementaire aujourd'hui, c'est ce que le projet de loi propose en termes de mise sur pied d'une société d'aide financière à l'entreprise privée du cinéma. Le principe d'une intervention de l'État dans le but de stimuler financièrement le développement du cinéma québécois n'est pas a priori mis en cause par la COGEP. Nous nous inquiétons, cependant, de la proposition contenue au paragraphe 7 du projet de loi où il est fait mention d'un fonds de soutien au cinéma qui serait administré par la Société générale du cinéma et de la vidéo. Bien que ce projet de loi ne précise pas de façon spécifique la manière dont le gouvernement entend alimenter ce fonds, l'industrie de la publicité veut toutefois alerter les membres de cette commission au sujet de certaines recommandations en matière de financement proposées par le rapport Eournier, recommandations qui sont présentement évaluées par le ministre des Finances et certains de ses collègues du cabinet.

Respectant les motifs de l'État qui sous-tendent les recommandations, lesquels sont peut-être fort louables, nous en convenons, il nous importe, par ailleurs, de vous faire part de certains aspects qui pourraient nuire à l'atteinte de l'objectif premier de ce projet de loi, soit la relance soutenue de l'industrie cinématographique.

Le rapport Fournier recommande, entre autres mesures, "une augmentation de 5% de la taxe de vente du temps d'antenne pour les messages publicitaires et les commandites de prestige". Nous sommes d'avis que l'application d'une telle recommandation entraînerait des conséquences néfastes tant pour le gouvernement que pour l'industrie privée, y compris celle du cinéma, ainsi, évidemment, que pour les consommateurs. Nous nous opposons tout aussi fermement, et pour les mêmes raisons, à l'imposition d'une taxe spéciale aux câblodistributeurs.

Si l'on convient que l'État peut avoir la volonté politique, voire la responsabilité, de protéger le patrimoine cinématographique québécois, nous croyons qu'il revient alors à l'ensemble de la société d'en porter le fardeau financier à même les revenus généraux déjà existants. Une taxe spéciale sur la publicité et les commandites de prestige à la télévision impliquerait que l'État veuille imposer à une industrie spécifique le fardeau d'en supporter directement une autre. Cette démarche est, pour nous, irrecevable, car elle est contraire aux lois d'une saine concurrence dans une économie de libre marché.

La taxe de 2% sur la publicité électronique, qui a été introduite lors de l'exposé budgétaire du ministre des Finances en avril 1977 "aux fins d'accroître les crédits de l'Office de protection du consommateur pour leurs frais de publicité", appelée la contre-publicité, nous en savons quelque chose dans l'industrie de la publicité. Or, il est de notoriété publique que cette taxe n'a pas servi aux fins pour lesquelles elle a été instituée à l'exception des trois premières années et seulement dans une proportion de 45%, le reste étant versé au fonds consolidé de la province. Quant au budget de contre-publicité pour les années 1982-1983, d'après nos informations, il est nul.

Bien que la tentation pourrait être forte, l'industrie de la publicité voit mal comment le gouvernement conviendrait d'accentuer davantage cette discrimination à l'endroit de la publicité. Celui-ci devrait, au contraire, s'employer à corriger cette injustice en éliminant la taxe de 2% dite

spéciale dès le prochain budget et nous espérons que votre commission saura dûment faire le message au ministre des Finances avant le mois d'avril prochain.

Au-delà de cette injustice, le fait demeure que le principe même de taxer la publicité est mauvais en soi et que son effet est totalement dissuasif. La publicité commerciale est l'un des principaux moteurs de notre économie. Elle permet de stimuler la demande de biens et de services et, conséquemment, de diminuer le coût unitaire que paie le consommateur, sans mentionner, évidemment, tout l'impact sur le phénomène de la création d'emplois. Taxer la publicité a pour effet immédiat de ralentir ce moteur de l'économie, donc, de diminuer la demande, d'affecter le niveau de l'emploi et de faire augmenter les coûts unitaires qui sont assumés par le consommateur. Voilà, à notre avis, une simple loi du marché qu'on ne peut contester. Cela revient à dire qu'une entreprise déciderait de couper sa force de vente afin de rationaliser ses dépenses.

L'équation peut se faire d'une façon très simple. Ce que le gouvernement va chercher en taxe sur la publicité actuellement avec la taxe de 2% (d'après nos informations, c'est 5 000 000 $ par année au Québec) n'a pas de commune mesure avec ce qu'il perd en taxe de vente directe. Une étude récente et fort détaillée du professeur Donald Hendon, de Memorial University, de Terre-Neuve, relativement à l'expérience de cette province en cette matière, est sans équivoque. Vous trouverez en annexe de notre mémoire un sommaire de cette étude. Nous profitons de cette occasion également pour déposer officiellement l'étude complète du professeur Hendon que nous avons remise au secrétariat des commissions parlementaires qui m'a assuré que ce document serait distribué à tous les membres de cette commission. Le mérite de cette étude réside dans le fait qu'elle a permis d'illustrer, à partir d'une expérience concrète vécue à Terre-Neuve, l'impact réel de la publicité sur l'économie générale d'une société donnée et de confirmer une des théories fondamentales du processus de marketing dans un système de libre marché.

En résumé, le professeur Hendon a clairement démontré que Terre-Neuve, en imposant une taxe de 4% sur toute la publicité, avait provoqué à chaque année un ralentissement général de l'économie de l'ordre de 14 000 000 $, se privant ainsi d'un revenu potentiel de quelque 1 500 000 $ en revenus directs issus de la taxe de vente sur les biens et services. 1,5% étant donné que la taxe de vente à Terre-Neuve est de 11%. En contrepartie, cependant, la taxe de 4% sur la publicité ne rapporte à Terre-Neuve annuellement que 626 000 $ au trésor terre-neuvien.

Qu'est-ce que cela signifie en termes simples? Cela signifie et confirme que chaque dollar investi en publicité doit en principe générer 20 fois sa mise en ce qui concerne la demande des biens et services si l'on se place au niveau de l'échelle. Si l'on estime que le trésor public du Québec compte aller chercher par une taxe de 7% sur la publicité, 2% plus les 5% que le rapport Fournier propose, soit 17 500 000 $ par cette taxe de 7%, l'économie générale du Québec serait alors appauvrie de quelque 350 000 000 $. En termes de taxe de vente directe sur les biens et services - 9%, en ce qui nous concerne - cela représente donc un manque à gagner pour le trésor public de quelque 32 000 000 $ dans les coffres de l'État. Pour aller chercher 17 500 000 $ avec la taxe sur la publicité, le gouvernement se prive, en principe, d'un revenu de 32 000 000 $. Je crois qu'il y a là matière à réflexion. (22 h 45)

En plus d'affecter directement les goussets de l'État, une taxe de 7% sur la publicité aura, d'après nous, un impact négatif et causera un préjudice très sérieux aux entreprises vivant de la publicité. Il est certain qu'une telle mesure incitera plus d'un annonceur à modifier sa stratégie de marketing, étant donné la faible élasticité des budgets publicitaires consacrés à la télévision. En effet, un annonceur visant le marché francophone doit déjà encourir des frais considérablement plus élevés que son concurrent du marché anglophone pour rejoindre un groupe cible de même envergure. Il va sans dire que si l'écart s'accroît, l'annonceur désireux de rejoindre un auditoire francophone devra avoir recours à d'autres médias que la télévision afin de générer un retour sur son investissement publicitaire équivalent à celui de ses concurrents. D'ailleurs, en termes absolus, le dollar publicitaire au Québec ne vaudrait plus que 93% du même dollar en Ontario, auquel s'ajoute le fait que les coûts de production de la publicité télévisée au Québec sont déjà plus onéreux étant donné l'auditoire total quatre fois plus petit à l'encontre duquel les coûts de production sont amortis.

En termes concrets, cela impliquera nécessairement un manque à gagner substantiel pour les stations de télévision au Québec soit parce que les annonceurs dits nationaux plafonneront inévitablement leur investissement publicitaire dans ce type de médias ou soit parce que les annonceurs de ressources moindres, soit les annonceurs locaux ou régionaux, déplaceront carrément leurs placements publicitaires vers d'autres types de médias, étant donné le trop faible retour sur leur investissement. Il va sans dire, dans cette situation, que les stations de télévision régionales et locales seront les premières et les plus durement touchées par une telle mesure, lorsque l'on considère que

la publicité dite locale représente plus de 60% de leurs revenus. Les maisons de production, celles-là mêmes qui réclament une aide gouvernementale pour faire des longs métrages, verront conséquemment la quantité des productions de film ou de vidéo pour fins publicitaires décroître en proportion.

Est-il nécessaire de rappeler à la commission, comme l'a confirmé le rapport Fournier, que la production de films publicitaires représente plus de 25% de l'ensemble des revenus des maisons de production au Québec? Plutôt que de servir de bouc émissaire, la publicité devrait être considérée comme un élément privilégié favorisant le développement de l'industrie cinématographique au Québec. À ce titre, ne serait-il pas plus souhaitable de mettre en place des mesures fiscales incitatives, et non pas régressives, afin d'encourager davantage les annonceurs à produire leurs films publicitaires au Québec? Les maisons de production québécoises auraient tout à gagner à faire pression auprès du gouvernement en cette matière, lorsque l'on considère le pourcentage de messages publicitaires tourné à Toronto, et des messages français.

En résumé, l'industrie de la publicité s'oppose, donc, à ce que soit retenue par le gouvernement la proposition d'imposer une taxe additionnelle de 5% sur la vente du temps d'antenne pour les messages publicitaires et les commandites de prestige dans le but de financer les structures mises en place pour venir en aide à l'industrie du cinéma au Québec, d'une part, parce qu'elle juge cette mesure discriminatoire; deuxièmement, parce qu'elle juge que son application aura un impact négatif pour l'industrie du cinéma et de la publicité et pour le trésor public; troisièmement, parce qu'en fin de compte, c'est le consommateur qui, encore une fois, sera le grand perdant; quatrièmement, parce qu'il est loin d'être acquis, à notre avis, que le train de mesures proposées par le gouvernement dans son projet de loi no 109 offrira à l'industrie privée du cinéma québécois les moyens nécessaires de mettre en marché un produit compétitif de haute qualité, principal garant de succès, donc de survie, de cette industrie dans un système de libre marché. Enfin, l'industrie de la publicité est d'avis qu'une allocation plus rationnelle des ressources financières déjà existantes au fonds consolidé de la province aux fins de stimulation économique et de protection de notre patrimoine culturel permettra au gouvernement d'éviter d'imposer à une industrie spécifique le fardeau de supporter directement le cinéma québécois.

En terminant, permettez-moi, au nom de tous les partenaires de notre industrie, de vous remercier pour l'occasion qui nous a été fournie de vous exprimer notre point de vue sur ce projet de loi.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Allard. M. le ministre.

M. Richard: Merci, M. le Président. Je voudrais vous remercier à mon tour d'avoir tenu à vous présenter devant la commission parlementaire.

J'aurais une observation importante à faire, tout de même. Vous vous en prenez assez fortement, je pense, aux mesures de contrôle qui sont prévues par le projet de loi en disant que vous ne comprenez pas cela, que ces contrôles n'aideraient pas l'industrie et que cela vous étonne. Je me demande si vous saviez, au moment d'écrire ces lignes, que ces contrôles sont unanimement demandés, voire exigés par la totalité de l'industrie du cinéma. C'est l'industrie du cinéma qui, unanimement, pour toutes sortes de raisons - dont les unes ont déjà été exposées ici et d'autres le seront plus tard -réclame ces contrôles parce qu'ils sont absolument essentiels. Et quand je dis toute l'industrie, cela veut dire les producteurs, cela veut dire les réalisateurs, cela veut dire les distributeurs. Par exemple, vous vous en prenez à la billetterie, alors que la billetterie est même applaudie par les "majors" américaines pour des raisons qu'il serait probablement trop long de vous expliciter ici. Alors, cela m'étonne de voir qu'un spécialiste d'une industrie, qui est l'industrie de la publicité, vienne en quelque sorte dire à toute l'industrie du cinéma qu'ils ne devraient pas agir comme ils agissent, qu'ils ne devraient pas réclamer ces contrôles.

D'autre part, je voudrais dissiper vos inquiétudes. Le permis de tournage est automatique et il existera, comme il existe partout dans le monde, uniquement pour que les professionnels du métier, les professionnels du cinéma au Québec soient en mesure, sachant qu'un tournage se fait, d'offrir leurs services. C'est comme cela que cela se fait partout dans le monde. On n'innove pas dans la matière; on suit, et plusieurs années après, les autres. La même chose pour le permis de producteur qui sera également automatique. C'est pour permettre de savoir qu'un producteur s'est engagé dans la voie de la production d'un film; c'est tout.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Permettez-moi, d'abord, de parler un peu de cette question de permis. Il me semble que le simple fait qu'un permis soit demandé par une industrie n'est pas en soi une justification pour qu'un tel permis soit accordé, ainsi que la réglementation qui l'accompagne. Très souvent les membres

d'une industrie demandent un genre de réglementation parce que c'est dans leur intérêt. Mais il y a d'autres personnes qui sont souvent visées par ces permis. Je dois vous dire que je ne suis pas, en principe, contre l'un ou l'autre de ces permis. Mais il me semble que vous devez faire la démonstration que c'est quelque chose qui va aider l'industrie cinématographique et les consommateurs qui sont les personnes qui regardent ces films.

Finalement, il me semble que, si l'industrie cinématographique au Québec a besoin d'une liste publiée par le gouvernement pour prendre connaissance de l'existence d'une production qui est en train de se réaliser, c'est une démonstration, quant à moi, d'un manque d'agressivité de sa part. J'ai passé 20 ans dans le secteur privé et je n'avais jamais une liste du gouvernement de clients potentiels à qui je pouvais m'adresser. J'ai pris la peine d'envoyer les vendeurs partout pour essayer de découvrir ce qui se passe à l'extérieur.

Alors, il existe au Québec - c'est bien connu et vous l'avez admis à plusieurs reprises en Chambre - une manie pour la réglementation. Si cela existe ailleurs dans n'importe quel pays ou région, c'est une justification pour le faire ici. Si cela n'existe pas, il y a un cerveau avec un peu d'imagination dans l'un ou l'autre de nos ministères qui y pense et c'est le fait que ce sera une première au monde qu'on utilise pour justifier cette réglementation. Mais vous devez admettre, M. le ministre, que cette manie de la réglementation est une chose pour laquelle votre gouvernement est critiqué depuis maintenant six ans; c'est quelque chose que vous avez vous-mêmes comme problème et que vous avez accepté de réduire. Vous avez même développé une grille d'analyse qui est complètement inutile. Le ministre Landry avait la politesse de m'envoyer une copie de ce document et la réglementation pour réglementer la réglementation est plus compliquée que n'importe quel document que j'aie jamais vu de ma vie.

Je répète: Je ne suis pas convaincu que le simple fait que l'industrie de la distribution ou de la production exige un permis pour ceux qui veulent tourner le film, c'est en soi une justification pour un tel permis. Ce n'est pas une question mais c'est un commentaire sur la vôtre.

Je veux clarifier l'autre aspect du document qui a été présenté et qui touche le financement où vous attaquez l'idée d'une taxe sur la publicité. Si je comprends bien, ce principe d'une taxe sur la publicité n'est pas explicite dans le projet de loi. Ce n'est même pas implicite. Le gouvernement dit dans l'article 7, tout simplement, qu'une aide financière peut être accordée au secteur privé du cinéma et de la vidéo à même des fonds que le gouvernement destine annuellement à ce secteur. On peut imaginer que ces sommes viendront des fonds généraux comme toutes les autres sommes qui sont versées pour toutes les autres fins. Mais vous êtes retourné au document de la commission Fournier parce que c'est là que la taxe de 7% était prévue et je suis d'accord avec vous que dans ce document c'est très clair.

Je pense qu'il est peut-être convenable que je pose au ministre la question que vous n'avez pas posée. Peut-être qu'il ne sera pas capable de répondre parce que, finalement, c'est une question qui relève du ministre des Finances. Avez-vous, M. le ministre, l'intention de recommander au ministre des Finances une taxe sur la publicité comme proposé dans le rapport Fournier?

M. Richard: Vous imaginez bien, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, qu'il ne m'appartient pas ce soir et qu'il ne m'appartiendra probablement pas dans trois semaines, un mois ou deux mois de révéler le discours sur le budget. (23 heures)

Le Président (M. Gagnon): M. Allard, vous aviez demandé la parole tantôt.

M. Allard: M. le ministre, à l'heure qu'il est et au nombre de personnes qu'il y a ici, on est presque en famille. On peut peut-être même se rapprocher.

M. Bertrand: II y a des centaines de milliers de personnes qui vous écoutent.

M. Allard: Qui nous regardent à la télévision.

M. Richard: La grande famille québécoise!

M. Scowen: Ce n'est pas tout à fait la question que j'ai posée au ministre. Je n'ai pas demandé au ministre les intentions de M. Parizeau dans son budget. J'ai demandé au ministre s'il allait recommander au ministre des Finances une telle taxe.

M. Richard: J'ai déjà eu l'occasion, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, d'indiquer que les taxes recommandées par le rapport Fournier pour soutenir l'industrie du cinéma faisaient l'objet d'une évaluation au ministère des Finances, au Conseil du trésor et auprès de tous ceux qui sont intéressés.

M. Scowen: Est-ce que je peux vous poser une autre question au nom des personnes qui ont présenté ce mémoire? Êtes-vous personnellement impressionné par la démonstration qu'ils ont faite, à savoir que les retombées de ce genre de taxe seront essentiellement négatives pour le fisc, pour le trésor?

M. Richard: Je ne suis pas encore convaincu, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, pour répondre plus directement à votre question, qu'une taxe voulant récolter 17 500 000 $ - je pense qu'il y a là une première erreur, puisqu'il ne s'agirait pas de 17 500 000 $, mais plutôt de 8 000 000 $ -priverait le trésor québécois d'une somme aussi faramineuse que 350 000 000 $. Je pourrais inverser le raisonnement et dire: Oui, cela le priverait de 350 000 000 $ en taxes, mais ne taxons que l'industrie de la publicité et éliminons toutes les autres taxes, là, on va augmenter la consommation. On pourrait inverser le raisonnement.

M. Allard: D'une part, M. le ministre, je présume que vous vous référez à un communiqué que nous avons émis. Les 350 000 000 $, si vous lisez bien, ce n'est pas en termes de taxes, mais en termes d'impact sur l'économie. Sur ces 350 000 000 $, le trésor public pourrait appliquer une taxe, la taxe de vente de 9% qui correspondrait à 32 000 000 $. Tout vient du principe, de la règle qui dit que, pour chaque dollar investi en publicité, il est convenu d'espérer d'aller chercher, en termes de demande de biens et de services, vingt fois la mise de l'investissement.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: En terminant, je veux remercier la Confédération générale de la publicité pour son mémoire. Je ne vous ai pas posé des questions directement ce soir, parce que les deux parties essentielles de votre mémoire sont très claires et précises. Le message pour le ministre et le gouvernement est exceptionnellement bien fait.

En terminant, je veux dire qu'aujourd'hui, même si je n'étais pas présent pour tous et chacun des mémoires, cela a été révélateur pour moi. Les deux objectifs de votre projet de loi sont essentiellement: premièrement, d'encourager le développement d'une industrie du film au Québec; deuxièmement, d'encourager la diffusion des films dans la langue française au Québec pour les consommateurs québécois. Il me semble que la plupart des personnes qui se sont présentées aujourd'hui ont, chacune à leur façon, fait des démonstration assez impressionnantes qu'il est possible que vous ayez manqué le bateau. Les critiques envers le système de taxation au sujet de l'article 97, au sujet de l'article 79, au sujet de la réglementation excessive et de la question des permis étaient fort pertinentes. Je vous demande de prendre cela en considération parce que, je le répète, les deux objectifs sont très louables. Mais il me semble que, de plus en plus - le dernier mémoire l'a soulevé d'une façon très claire - le problème fondamental, au moins pour la création d'une industrie forte ici au Québec, c'est la détermination du gouvernement d'investir davantage des sommes pour aider et pour subventionner ces personnes.

Le gouvernement se trouve aujourd'hui dans une situation où il ne peut pas le faire parce qu'il est au bord de la faillite pour une série de raisons qui découlent des expériences des six dernières années. En conséquence, pour essayer de démontrer qu'il fait quelque chose, qu'il est actif là-dedans, il a recours à des solutions qu'il a souvent utilisées, c'est-à-dire adopter une loi pleine de permis et de règlements. Cela a bien fonctionné en 1976, en 1977, en 1978 et en 1980. On l'a défini comme un bon gouvernement. Mais je pense qu'aujourd'hui la population commence à se réveiller et à réaliser que ce chemin vers la prospérité, et de nos agents économiques en général, et de l'industrie spécialisée comme celle-ci, est peut-être une fausse route. Merci.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre des Communications.

M. Bertrand: M. le Président, j'aurai une seule question, à la toute fin de mon intervention, à poser à M. Allard.

Cela dit, il m'apparaît que, contrairement à ce que dit le député de Notre-Dame-de-Grâce, ce qui ressort de nos discussions d'aujourd'hui, c'est qu'il y a un accord de principe éminemment important qui se dégage, autant du côté de l'Opposition que du côté gouvernemental et, même, de la part de ces personnes qui sont venues témoigner, de quelque groupe qu'elles soient, pour dire qu'il y a lieu de déployer tous les efforts pour redorer le blason de l'industrie du cinéma et de la vidéo au Québec. Cela m'apparaît absolument indiscutable et, de ce côté-là, je crois deviner une très large unanimité.

M. Scowen: Absolument.

M. Bertrand: D'accord. Partant de là, je crois que nous avons parcouru un bout de chemin qui, pour le débat en deuxième lecture, s'annonce très prometteur.

Deuxièmement, nous avons eu des discussions à différents paliers, à l'occasion, sur ces questions de permis. Nous pourrons revenir, lors des discussions en commission parlementaire pour l'étude article par article, sur ces questions de taxation qui ne sont même pas contenues dans le projet de loi. Et là-dessus, tout ministre des Communications que je sois et sachant que ces formes de taxation s'adressent plus particulièrement à des industries avec lesquelles j'entretiens des rapports réguliers, soit le monde de la télévision, de la câblodistribution et de la

publicité, il n'y a rien dans le projet de loi soumis par le ministre des Affaires culturelles qui fait référence à ces sources de taxation. Donc, nous pourrons avoir un débat sur l'ensemble de la loi qui nous permettra de dégager très rapidement un accord de principe fort intéressant.

Partant de là, je me dis que le monde de la télévision, aujourd'hui même, en réponse à certaines questions, nous a fait déjà la démonstration qu'il y avait, malgré cette crise économique que nous traversons, des possibilités d'augmenter les revenus en publicité et que, étant donné l'introduction de la télévision payante, étant donné l'introduction de nouveaux services dans le domaine de la câblodistribution, il était possible d'introduire de nouveaux revenus qui pouvaient permettre à des entreprises déficitaires de générer des revenus additionnels qui en feraient des entreprises de profit.

Troisièmement, m'adressant au monde de la publicité et sachant le dynamisme de ce type d'entreprise qui a des particularités assez exceptionnelles, il n'est pas impossible d'imaginer que cette industrie qui, j'en suis convaincu, croit fondamentalement en l'avenir du cinéma au Québec et voudrait, à sa façon, y contribuer, pourra développer des modèles de participation, quels qu'ils soient. Je ne veux pas engager qui que ce soit, je ne veux pas faire de prédictions pour l'avenir, mais je sais que, dans certains pays, par exemple - et le député de Notre-Dame-de-Grâce, qui a beaucoup voyagé, le sait - la publicité est présente dans les salles de cinéma. Il n'est pas impossible de penser que la publicité pourra trouver dans les salles de cinéma certaines sources de revenu qui pourraient s'avérer un tant soit peu intéressantes.

Cela étant dit, pour ces trois secteurs particuliers où je me sens une certaine responsabilité, télévision, câblodistribution et publicité, sans renier, bien au contraire, les objectifs qui sont fixés dans le projet de loi sur le cinéma et la vidéo et tout en prenant en considération des difficultés qui peuvent se poser en cours de route sur des questions relatives à la plus ou moins grande bureaucratie qui pourrait accompagner l'adoption d'un tel projet de loi et sur les problèmes que pourraient faire surgir les nouvelles sources de taxation, je suis convaincu, comme ministre des

Communications, que nous réussirons, autant dans le monde de la télévision, de la câblodistribution que de la publicité, à trouver ce que j'appellerais ce modus Vivendi, ce terrain d'entente où tous et chacun essaieront de faire le maximum pour aider à développer une industrie du cinéma que nous sentons actuellement au Québec trop faible et qui mérite notre encouragement de quelque façon que ce soit, mais sans pour autant brimer ce qui m'apparaît être normal, c'est-à-dire la vitalité et le développement des industries de la télévision, de la câblodistribution et de la publicité.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. Allard, vous vouliez ajouter quelque chose?

M. Allard: Si vous me le permettez, M. le Président, j'aimerais réagir à cette dernière intervention du ministre des Communications. Je veux bien concevoir que nous sommes tous solidaires et partenaires. D'autre part, nous savons effectivement que la publicité a le dos très large et qu'on l'accuse de temps en temps de tous les maux de la terre. Nous sommes responsables de l'alcoolisme, nous sommes responsables du tabagisme, nous sommes responsables de je ne sais plus quoi et j'en passe. Je ne voudrais pas, en plus de cela, que l'on prétende que l'industrie se doit de mettre la main dans sa poche pour aider les cinéastes québécois aujourd'hui, pour aider demain les écrivains, pour aider après-demain les graphistes qui sont tous, jusqu'à un certain point, mal en point comme industrie à certains niveaux, à certains degrés, à un moment donné.

Au-delà de la préoccupation que nous partageons en tant que société que l'industrie du cinéma au Québec a une difficulté particulière d'avoir sa place au soleil - je pense que tout le monde le reconnaît - et que le gouvernement se doit de trouver des stimulants économiques pour lui rendre la tâche la plus facile possible, quand viendra le jour où le gouvernement fera la même démarche pour aider l'industrie de la télévision, l'industrie de la presse écrite, l'industrie du cinéma, l'industrie des relations publiques et j'en passe?

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Allard: Excusez-moi, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Excusez-moi.

M. Allard: J'aimerais également revenir à un commentaire du ministre des Affaires culturelles. Je ne voudrais surtout pas en faire une guerre de chiffres, mais vous m'avez repris tantôt en disant qu'il y aurait eu une erreur dans notre règle de trois. Ce ne serait pas 17 500 000 $ selon la démonstration que nous avons faite, mais bien de 8 000 000 $. Si 2% de la taxe sur la publicité, en ce moment, rapportent 5 000 000 $ au trésor public, notre règle de trois dit que 7% égalent 17 500 000 $, à moins que nous ne soyons pas allés à la

même école. (23 h 15)

M. Richard: On ne veut pas faire une guerre de chiffres. On aura l'occasion de s'en reparler. Je voudrais simplement terminer en répondant aux propos du député de Notre-Dame-de-Grâce. Il y a eu une commission d'étude qui a été formée - on l'a rappelé souvent - de cinq experts dans le domaine de l'industrie du cinéma: un important président-directeur général d'une entreprise d'exploitation de salles au Québec, un important producteur, deux producteurs, un auteur, des gens dans le domaine de la télévision. Unanimement, les cinq personnes qui formaient cette commission d'étude ont recommandé, pour régler le problème de l'industrie du cinéma, sept structures différentes et un très grand nombre de contrôles qui leur paraissaient nécessaires. Je voudrais rappeler au député de Notre-Dame-de-Grâce que des sept structures, j'en ai, finalement, retenu trois. Donc, j'ai réduit de quatre structures la proposition de la commission Fournier. Sauf qu'il y avait déjà - il faut aussi le rappeler - deux structures existantes, ce qui veut dire qu'il n'y a qu'une structure qui s'ajoute.

J'ai réduit également, quand on connaît bien le rapport Fournier, le nombre de contrôles. Si j'en ai conservé - cela doit être dit - c'est parce que l'industrie du cinéma, dans sa totalité - vous les avez entendus comme moi, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce - est venue me dire que ces contrôles sont absolument essentiels. Ceux-là, vous ne pouvez pas ne pas les conserver dans votre projet de loi, parce que la vitalité même de l'industrie du cinéma en dépend. Voilà pourquoi nous proposons, dans ce projet de loi, un certain nombre de contrôles. Ce n'est pas avec beaucoup d'enthousiasme que je propose des contrôles. Je le fais uniquement parce que toute l'industrie du cinéma, unanimement, appuyant en cela le rapport Fournier qui était aussi un rapport unanime, recommandait un plus grand nombre de contrôles. Je les ai réduits à leur strict minimum. Cela, vous auriez dû le dire, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Vous auriez dû ajouter également que, dans le projet de loi, il n'y a aucune mesure d'ordre fiscal.

Là-dessus, je vous dis merci, encore une fois, et bonne nuit.

Le Président (M. Gagnon): Madame et messieurs de la Confédération générale de la publicité et du Conseil des agences de publicité du Québec, merci de votre présence et de votre participation à cette commission. Nous avons terminé l'ordre du jour à 23 h 15. Bonne nuit à tous.

La commission des affaires culturelles ajourne ses travaux à demain, 10 heures.

(Fin de la séance à 23 h 19)

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