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(Dix heures quinze minutes)
Le Président (M. Paré): Mesdames et messieurs,
bonjour et bienvenue à la commission élue permanente des affaires
culturelles qui se réunit aux fins d'entendre les personnes et les
organismes en regard du projet de loi no 109, Loi sur le cinéma et la
vidéo.
Les membres de la commission pour aujourd'hui seront: Mme Bacon
(Chomedey), M. Champagne (Mille-Îles), M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet),
Mme Harel (Maisonneuve), M. Dussault (Châteauguay), M. Hains
(Saint-Henri), M. Proulx (Saint-Jean), M. Doyon (Louis-Hébert), M.
Richard (Montmagny), M. Dauphin (Marquette)...
M. Richard: Pardon, M. le Président, mon comté est
Montmorency.
Le Président (M. Paré): Je m'excuse, M. Richard
(Montmorency).
M. Proulx: L'ancien comté d'Alexandre Taschereau. Il a
été là pendant trente-six ans.
Une voix: C'est un avenir prometteur!
M. Proulx: II va être là pendant trente ans!
Des voix: Ah! Ah! Ah!
Le Président (M. Paré): Donc, on poursuit: M.
Dauphin (Marquette), M. Lavigne (Beauharnois).
Les intervenants à la même commission sont: M. Blouin
(Rousseau), M. Bisaillon (Sainte-Marie), Mme Lachapelle (Dorion), M. Leduc
(Fabre), M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce), M. Bertrand (Vanier) et M. Marx
(D'Arcy McGee).
Les organismes qui vont présenter des mémoires aujourd'hui
sont, dans l'ordre: Le Groupe d'intervention vidéo, l'Association
canadienne des distributeurs de films, Les cinémas Astre, Paradis et
Mascouche, Ciné-Parc Sainte-Adèle, Cinéma Oméga,
Ciné-Parc Viau, Ciné-Parc Saint-Eustache, l'Association
québécoise des industries techniques du cinéma et de la
télévision Inc., l'Association québécoise des
distributeurs de films, l'Association des propriétaires de
cinémas du Québec Inc., l'Association des producteurs de films du
Québec, Mme Hélène Gauthier et M. Pascal Roberge (à
titre personnel), M. Réal Larochelle (à titre personnel), le
Regroupement régional des producteurs de films de Québec.
Donc, nous allons essayer, si possible, de maintenir chacune des
présentations, y compris la présentation et la période de
questions qui suit, à une heure, afin d'être capables de passer
tous les mémoires aujourd'hui.
Tel qu'entendu, nous allons procéder immédiatement
à la présentation des mémoires avec le Groupe
d'intervention vidéo, représenté par Mme Albanie Morin. La
parole est à vous, Mme Morin.
Groupe d'intervention vidéo
Mme Morin (Albanie): Le Groupe d'intervention vidéo existe
depuis huit ans. Je veux d'abord vous lire le rapport qu'on avait
présenté.
A la lecture du projet de loi no 109, nous sommes étonnés
de voir à quel point la vidéo est méconnue comme oeuvre de
création. Par conséquent, le souci de diffuser ou de promouvoir
la représentation de cet art semble absent dans la loi. La vidéo
n'est pas la reproduction de film sur vidéo. C'est une création
spécifique.
Je fais vous faire un petit historique du groupe que je
représente qui vous donnera une idée des conditions dans
lesquelles le groupe est né, ses conditions de survie, pourquoi il y a
eu autant d'efforts qui ont été faits pour survivre. Je
reviendrai ensuite aux détails de la loi et des modifications que nous
suggérons.
Le Groupe d'intervention vidéo a huit ans d'existence. C'est
beaucoup, pour un groupe qui, toujours, a dû survivre en marge de la
reconnaissance officielle et des budgets qui l'accompagnent. Le vidéo
n'est pas subventionné par l'Institut québécois du
cinéma. Nous avons quand même réussi à mettre sur
pied un réseau de distribution viable - et ceci malgré le
désintéressement des politiques culturelles
québécoises à l'égard de la vidéo - un
réseau qui a subvenu à nos dépenses de production et de
distribution. Cet acharnement à produire, à diffuser, à
survivre coûte que coûte a été motivé par un
désir de survie et d'autonomie.
Lorsque le groupe a été formé en 1975,
nous tenions à contrôler nos moyens de production. La
vidéo, 1/2 pouce à ce moment-là, encore toujours jeune et
soi-disant légère, rendait possible l'acquisition
d'équipement de tournage et de montage. De plus, dans le contexte de la
lutte entre l'État québécois et le fédéral
sur la juridiction des communications, on pouvait compter sur une aide
gouvernementale. Cela se passe en 1975. Depuis 1977, le ministère des
Communications a exclu les groupes vidéo de son programme d'aide et nous
n'avions pas les moyens d'acquérir l'équipement 3M de pouce. Nous
avons appris à nous débrouiller avec les moyens du bord, tant
pour la diffusion ou distribution que pour la production. Nos bandes circulent,
et circulent beaucoup. Le réseau de distribution s'élargit. Les
groupes que nous touchons sont les groupes populaires, les groupes de femmes,
les associations officielles politiques ou militantes de toutes sortes, les
syndicats, les maisons d'enseignement, les cégeps, les
universités, les polyvalentes.
Ces conditions de survie ne sont pas les meilleures. Il est difficile de
recruter les énergies nouvelles. Le bénévolat-vidéo
n'est pas une carrière alléchante. À cette époque,
le Groupe d'intervention vidéo survit grâce à des femmes.
Ce sont les femmes qui tiennent la boîte. Maintenant que la vidéo
commence à acquérir ses titres de noblesse, il arrive qu'on nous
fasse sentir notre petitesse. Est-il nécessaire de répondre que
nous n'avons pas choisi la marginalité? C'est la suite des
événements qui l'ont créée. Comme disait une fille
en 1979, ce n'est pas par plaisir qu'on prend 56 jobs en même temps,
qu'on court livrer une cassette à l'heure du midi en même temps
qu'on écoute le répondeur en fin de journée et qu'on
retourne les appels le lendemain. C'est dans ces conditions qu'on a tenu quand
même à faire survivre la boîte parce qu'on était
convaincu que nos productions valaient la peine d'être vues. La demande
qu'on en avait justifiait cette croyance, mais on n'avait jamais
l'énergie et le temps pour faire du marketing, pour les faire
connaître. Néanmoins, on a des appels et les vidéos
circulent. C'est le signe de la qualité et de la demande pour ce genre
de production.
Quant au style de production, une des préoccupations du GIV
était de faire une production alternative, tant au niveau du contenu que
de la forme. Au début, la vidéo, très collée
à la télévision dont elle utilise le même support,
avait tendance à en emprunter le style. Maintenant, à travers
recherches et expérimentation, nous arrivons à développer
un langage qui nous soit propre. Nous faisons des documents qui ont quelque
chose à dire et qui le disent autrement. Grâce à des amis
électroniciens ingénieux, nous arrivons à obtenir une
qualité technique très acceptable. Alors, nous sentons que nous
avons des acquis solides, une plus grande maîtrise de la technique et du
langage vidéo, une meilleure connaissance de la gestion et surtout une
expérience de diffusion et de distribution qui nous a permis de
survivre.
Voici que le médium vidéo maintenant prend du prestige. On
est à une période qu'on pourrait appeler l'ère
vidéo, on en parle beaucoup. Ceux-là mêmes qui, il n'y a
pas si longtemps, méprisaient l'image électronique cherchent
aujourd'hui à l'approcher. Ils l'expérimentent, une
découverte, comme des explorateurs pénétrant dans un
immense champ vierge. Ils négligent de voir les acquis. Nous sommes
là aujourd'hui pour faire reconnaître nos acquis, faire
reconnaître le fait qu'on est là, que cela fait longtemps qu'on
travaille avec ce médium, qu'on en connaît les moyens et qu'on les
contrôle.
Nous savons depuis longtemps que la vidéo légère
peut servir à produire des "newsreel", des reportages, des outils
d'animation, des émissions destinées au câble, mais aussi
des créations hors des studios de télévision, des
créations faites avec de l'équipement léger. La pratique
vidéo exige la connaissance de son langage et de sa quincaillerie. Nous
savons par expérience que les productions mal faites ne se vendent pas.
Nos vidéos ont mérité des mentions et des prix non
négligeables. Nos productions ont pénétré toutes
les régions du Québec, elles ont été
diffusées au Canada anglais, aux États-Unis et en Europe.
Certaines d'entre elles ont connu une diffusion que bien des films
québécois pourraient envier. Alors, ce travail mérite
d'être reconnu. Quelle reconnaissance nous accordera-t-on? L'État
québécois, dans l'élaboration de ses politiques nouvelles,
se souviendra-t-il des interlocutrices de 1977? Voilà un peu, en survol,
ce qu'est le GIV.
Maintenant je peux revenir vraiment aux modifications spécifiques
que nous recommandons à la loi. Alors, à l'article 3, au
paragraphe 2... Ce qui ressort de la loi, quand on parle de la vidéo,
c'est qu'on semble avoir systématiquement ajouté après le
mot "cinéma" le mot "vidéo". Pourtant, il y des endroits
où on l'a oublié. Si le mot "film" inclut la production
vidéo parce que son résultat a un effet cinématographique,
rien ne nous permet de croire que le mot "cinéma" inclut le mot
"vidéo" dans la loi. Alors, c'est pourquoi nous avons soulevé les
manques suivants: Comme je disais tout à l'heure, à l'article 3,
paragraphe 2, on parle du développement d'entreprises
québécoises indépendantes et financièrement
autonomes dans le domaine du cinéma et de la vidéo. Au paragraphe
2: "Le développement du cinéma québécois et la
diffusion de la culture cinématographique dans toutes les régions
du Québec." Alors, que fait-on du
développement de la vidéo et de la diffusion de la culture
vidéographique? C'est totalement absent. Si vous voulez soutenir ce
médium, il faut l'inscrire. À l'article 16, pour la composition
du conseil d'administration de l'institut, on dit: "Le ministre reconnaît
au moins une association représentative de chacun des groupes suivants
du secteur privé du cinéma:". Alors, si on veut
représenter le secteur de la vidéo, où sera-t-il? Comment
doit se faire la représentation du secteur privé de la
vidéo à toutes ses étapes et à chacune des
instances? En vidéo, il y a quand même aussi de la
création, il y a aussi la distribution, il y a la production et il y a
la distribution en ondes. À l'article 61, au paragraphe 2, on parle "de
promouvoir ou d'aider financièrement la création
cinématographique et la production de films reconnus comme films
québécois." Encore une fois la même question: Où est
la création vidéographique? Et la production de vidéos
reconnus comme des productions québécoises?
Paragraphe 3: Promouvoir ou aider financièrement le cinéma
québécois en favorisant sa représentation dans les
festivals et autres manifestations cinématographiques et de promouvoir
la culture cinématographique au Québec. C'est la même
question: Où est la représentation des vidéos?
Nous avons l'expérience d'être allés à des
festivals vidéos. J'en profite pour vous dire que les vidéos du
Québec sont reconnus pour leur qualité. Je suis moi-même
allée à Amsterdam présenter des vidéos; je suis
allée rencontrer des gens à Copenhague, au Danemark, qui avaient
des exemplaires de nos vidéos. Nos vidéos sont en
dépôt à la délégation
québécoise. Lors d'une visite en France, je me souviens d'avoir
vu des vidéos du Québec - alors que je ne travaillais pas dans
cette boîte - qui étaient montrés comme de la culture
québécoise.
Les vidéos sont allés à San Francisco, à
Tokyo, à un festival à Bordeaux. Au Canada anglais, les
vidéos québécois sont très appréciés.
Des manifestations extérieures de vidéo, il en existe et il
faudrait les soutenir comme on soutient la même chose au
cinéma.
Maintenant, l'article 63. La société peut,
conformément à la loi, conclure des accords avec tout
gouvernement, un de ses ministères ou organismes, dans le but de
favoriser l'exécution de ses fonctions. Nous avons vu là
l'occasion pour que la société intervienne auprès de la
Régie des services publics, auprès du ministère des
Communications ou de Radio-Québec pour enfin rendre accessibles les
ondes pour lesquelles les productions vidéo sont créées.
Parce que les productions vidéo ne sont pas faites pour être
diffusées seulement en circuit fermé. Elles sont aussi faites
pour être diffusées sur les ondes. C'est étonnant que dans
la loi on n'ait pas prévu des mesures transitoires où, justement,
il y a des ententes avec la Régie des services publics ou avec
Radio-Québec.
Ne pas parler de l'accès aux ondes, ce n'est pas vraiment traiter
de la vidéo. Reconnaître la vidéo, c'est lui rendre les
ondes accessibles. (10 h 30)
Les autres demandes sont plus techniques. C'est l'article 95 où
on parle des permis de distributeur. Alors, dans le cas de la diffusion des
vidéocassettes en circuit fermé, dans des institutions
d'enseignement, des cégeps, des organismes, pour la distribution
à des fins éducatives et culturelles, on se demandait s'il
faudrait un permis de distributeur, si cela était
considéré comme de la distribution sur une base commerciale.
À l'article 110, c'est toute la section concernant le
matériel vidéo. Ce qu'on a appelé dans la loi
"matériel vidéo", entre les articles 109 et 114, ce dont on
traite surtout, c'est du matériel de reproduction vidéo. On
semble vouloir - ce qui est excellent - contrôler la reproduction et
protéger les droits d'auteur sur les documents visuels, mais la
vidéo, ce n'est pas seulement la reproduction de films. Dans un cas
comme le nôtre, où on distribue des créations en
vidéo, on s'est demandé si on était visé par cela,
s'il faudrait qu'on obtienne des certificats de dépôt pour des
créations sur lesquelles nous avons des droits comme les distributeurs
de cinéma? C'est la même chose concernant le problème des
visas, il y a beaucoup de questions techniques quant à la distribution.
Doit-on avoir un visa? Doit-on avoir un certificat de dépôt qu'il
faudrait prévoir plus attentivement pour le cas des distributeurs de
création vidéo?
Voilà, on a fait le tour des critiques spécifiques sur la
loi. Il y a un dernier point sur lequel j'aimerais insister, c'est l'importance
de rendre les ondes accessibles pour la vidéo, vu qu'elle est faite pour
être diffusée sur les ondes. Cela a été le propos de
la Coopérative de production vidéo-scopique de Montréal,
qui a présenté son mémoire dans ce sens, disant que ce
qu'il fallait, c'était de rendre les ondes accessibles. Voilà,
j'ai fini. Avez-vous des questions?
Le Président (M. Paré): Merci, Mme Morin. J'ai
l'impression qu'il y aura des questions. La parole est à vous, M. le
ministre.
M. Richard: M. le Président, je veux d'abord remercier Mme
Morin de la présentation de ce mémoire qui est, je pense,
très positif. J'ai une question assez importante à vous poser. Je
vous attendais,
en fait, pour vous poser cette question. Il est vrai - et vous l'avez
signalé - qu'il y a certains problèmes de concordance dans la loi
par rapport à la vidéo. Si on parlait simplement, au lieu de
parler de la Loi sur le cinéma et la vidéo, de Loi sur le
cinéma et si on indiquait à l'article 1 que le mot
"cinéma" comprend la vidéo, est-ce que cela ne réglerait
pas d'un seul coup à peu près tous les problèmes que vous
avez signalés?
Mme Morin: À cela...
M. Richard: Parce que j'avoue que de l'intituler...
Mme Morin: C'est cela.
M. Richard: ...Loi sur le cinéma et la vidéo
m'agace un peu. Je pense qu'on voulait, par là, montrer l'importance que
nous accordons à la vidéo. Mais en même temps, cela
crée des problèmes de concordance. Si, d'un seul coup, dès
l'article 1, le cinéma comprend la vidéo...
Mme Morin: Oui.
M. Richard: ...cela veut dire que l'ensemble de la loi
s'appliquerait à la vidéo et que cela ne poserait plus les
problèmes de concordance dont vous avez fait état?
Mme Morin: C'est possible. Je ne vous donnerai pas une
déclaration totale disant: Oui, cela réglerait tout. C'est ce
qu'on a essayé de faire avec le mot "film" et cela ne l'a pas fait. On
dit: Une oeuvre produite à l'aide de moyens techniques et ayant comme
résultat un effet cinématographique, quel qu'en soit le
support.
M. Richard: Oui.
Mme Morin: Toutes les fois que le mot "cinéma" arrivait,
cela ne l'était pas. Peut-être que cela réglerait plusieurs
des questions que j'ai soulevées. Je vous rappelle par contre...
M. Richard: C'est parce que ce qu'on a craint - je vous avoue
que, quant à moi, cela réglerait tous les problèmes -
c'est que les gens de la vidéo disent: On nous néglige, etc. Il y
avait une certaine valeur pédagogique à parler de la Loi sur le
cinéma et la vidéo, mais je ne pense pas que ce soit exact...
Mme Morin: De?
M. Richard: ...de l'intituler en parlant de la Loi sur le
cinéma et la vidéo. Ce sera la seule loi. On parle
généralement ou bien uniquement d'une loi sur le
cinéma...
Mme Morin: Oui.
M. Richard: ...ou bien d'une loi sur le cinéma et
l'audiovisuel.
Mme Morin: L'audiovisuel, oui.
M. Richard: Ensuite, on pourrait inclure une définition
qui comprendrait la vidéo.
Mme Morin: Peut-être que cela se tiendrait beaucoup. Oui,
je vois bien que la définition pourrait tout englober. Ce que je
soulève comme question, à ce moment-là, à la
section 16 sur la représentativité à l'institut, c'est que
cela posera des problèmes, parce que si le cinéma regroupe aussi
la vidéo, il y a plus de gens. Est-ce que les gens des cinémas et
des vidéos vont devoir se partager les bancs?
M. Richard: Cela, de toute manière, c'est un article
très problématique, parce que j'ai déjà eu
l'occasion d'indiquer qu'on parle, dans le projet de loi, d'un conseil
d'administration de douze membres. Je pense qu'il y a maintenant au-delà
d'une vingtaine d'associations qui nous demandent un siège au sein du
conseil d'administration. Cela restera à voir. On ne peut certainement
pas satisfaire tout le monde. L'offre est plus importante que la demande.
Mme Morin: Oui, mais il faut trouver une façon pour que
les gens qui font de la vidéo soient représentés afin de
défendre leurs intérêts.
M. Richard: Oui, mais là vous négociez. Il y a
quatre personnes qui vont être nommées au sein du conseil
d'administration qui n'émaneront pas des associations
désignées à l'article 16. Alors ça laisse un
certain jeu. Une autre solution serait d'augmenter...
Mme Morin: ...le nombre de personnes.
M. Richard: ...le nombre de personnes à 30 ou 35. Cela
ferait un peu lourd comme conseil d'administration.
Mme Morin: Mais ces personnes pourraient élire un
sous-comité.
M. Richard: Remarquez que l'Institut québécois nous
demande de réduire de 12 à 10.
Mme Morin: Mais c'est une tentative, moi je...
M. Richard: Si je comprends bien, si vous aviez un siège
au sein du conseil d'administration de l'institut, vous n'auriez pas
d'objection à ce que l'on modifie
l'intitulé de la loi, à la condition bien sûr qu'il
y ait une définition qui inclue la vidéo.
Mme Morin: Moi, je pourrais dire cela. Mais je mets des
bémols, et je voudrais bien le regarder encore après. Quant
à l'article 16, un siège, moi, je ne trouve pas que c'est
suffisant parce qu'il y a le même problème en vidéo. C'est
qu'il y a des distributeurs, des créateurs, des producteurs. La
répartition que vous avez là existe aussi en vidéo. Alors
une voix vidéo pour représenter tout ce monde-là, c'est
mettre beaucoup trop sur une personne. Alors il faut au moins qu'il y ait la
production et la distribution; il faut qu'il y en ait au moins deux.
M. Richard: Alors là c'est un conseil d'administration de
50 personnes dont il faudrait parler.
Mme Morin: Je suis là pour défendre les
intérêts de mon milieu.
M. Richard: Je cède la parole à quelqu'un d'autre.
Je vous remercie encore une fois, madame Morin.
Le Président (M. Paré): La parole est maintenant
à Mme la députée de Chomedy.
Mme Bacon: Merci, M. le Président. Madame Morin, vous
dites que votre texte reflète vos espoirs, vos inquiétudes et vos
questions, mais reflètent aussi votre enthousiasme; je pense à
l'enthousiasme du milieu. Vous avez passé plusieurs pages, mais j'ai
quand même fait la lecture de votre texte.
Mme Morin: L'historique, oui. Je n'étais pas pour tout
lire.
Mme Bacon: Vous revenez souvent sur le fait que, en fait, c'est
un groupe de femmes qui travaillent ensemble. Je ne voudrais quand même
pas que, parce que c'est un groupe de femmes, vous vous sentiez
inférieures à des groupes d'hommes qui font la même chose.
C'est un peu ça qu'on sent. Je pense que ce sont des vieux
clichés qu'on va oublier, si vous le voulez, ce matin, parce que vous
défendez bien votre point de vue et les désirs du milieu
aussi.
Je ne voudrais quand même pas que pour un siège on laisse
tomber différentes étapes du projet de loi qui peuvent être
importantes pour le groupe de vidéo. Je suis d'accord sur le fait qu'il
y ait une présence de votre milieu au niveau de l'institut, mais il y a
quand même, dans la loi, et vous avez vous-même donné des
articles bien précis, les besoins et les désirs du milieu de la
vidéo.
Je pense que ça aussi on va y regarder davantage, parce qu'il ne
suffit pas d'ajouter vidéo, il faudra, comme le ministre le disait
tantôt, faire des concordances à certains articles pour que soit
inclus tout le domaine de la vidéo et non seulement le
cinéma.
Vos activités sont liées particulièrement à
la vidéo, en plus de la production, de la distribution ou
l'exploitation. Quand vous parlez de festival, est-ce que vous pourriez nous
donner d'autres activités? Il n'y a pas que les festivals, je pense
qu'il y a beaucoup d'autres activités dans lesquelles vous êtes
impliquées.
Mme Morin: Bon, déjà la production, c'est trouver
de l'argent pour le faire, c'est parfois trouver des acteurs, trouver
l'équipement, c'est faire le tournage, ensuite le montage, etc. Bon,
cela c'est simplement la production. À la boîte que je
représente, le Groupe d'intervention vidéo, nous prenons les
productions déjà faites par d'autres groupes, en plus des
nôtres. Là, c'est tout le travail de faire des fiches techniques,
de faire connaître les vidéos, d'envoyer l'information sur ces
vidéos à des institutions d'enseignement, à toutes les
personnes susceptibles d'être intéressées par ce genre de
production. Cela peut avoir l'air de rien, mais ça occupe des
journées, parce que c'est tout un travail de bureau que d'être
là, de faire des envois, de faire connaître, et, lors des
festivals, d'envoyer les productions aussi.
Ce sont des vidéos qui servent dans des classes pour animer un
débat ou qui peuvent aussi bien passer à la
télévision. Un exemple: Chaperon rouge. Avez-vous vu cela
à Radio-Québec? Bon, ça, c'est une vidéo sur le
viol et la violence faite aux femmes. Une autre: La perle rare, sur le travail
des secrétaires. Ce n'était pas un milieu habituel de diffusion
vidéo, mais à cause du sujet on est allé rejoindre le plus
de gens susceptibles d'être intéressés. Et on a rejoint
là tout un public qui n'était pas encore touché par ce
médium.
Mme Bacon: D'accord.
Mme Morin: Alors, c'est cela le travail.
Mme Bacon: Comme aide financière, est-ce que vous iriez
aussi loin qu'accepter, par exemple, des primes à la qualité, des
primes au recyclage?
Mme Morin: Des primes à la qualité?
Mme Bacon: II y a des gens qui aimeraient bien avoir une aide
financière pour donner une meilleure qualité de produit, par
exemple, quand on parle de production. Est-ce que vous iriez aussi loin
qu'accepter, dans votre aide financière - parce que vous avez besoin
d'aide financière - des primes à la qualité de vos
produits?
Mme Morin: Je trouve cela piégé, des primes
à la qualité. D'abord, la qualité, c'est subjectif. Nous,
on dit que nos productions sont toutes de qualité. Cela, on l'annonce,
on le dit et les productions vidéo sont de qualité, je vous
l'assure.
Mme Bacon: Mais il ne faudrait pas avoir de complexes.
Mme Morin: Cela dépend des points de vue. On peut trouver
que quelquefois cela prend du temps avant qu'on apprécie
l'originalité du montage ou le propos différent d'une
vidéo ou d'un film. Alors, prime à la qualité, si c'est la
qualité technique...
Mme Bacon: Oui, oui.
Mme Morin: ...je veux bien, mais si on touche par là au
propos, à la cohérence, à l'originalité, c'est
très subjectif. Et...
Mme Bacon: Vous hésiteriez?
Mme Morin: ...j'y vois un piège. Je trouve que c'est
piégé.
Mme Bacon: Est-ce que vous trouvez que le projet de loi - et je
pense que vous avez fait quand même des remarques très importantes
au début - ne considère pas l'importance actuelle de la
vidéo? Parce que vous avez quand même été bien
précise dans les demandes que vous avez faites, dans ce que
j'appellerais un ajustement du projet de loi.
Mme Morin: Non, le projet de loi...
Mme Bacon: On parle de concordance et on inclut la vidéo
au départ, mais il faut tout revoir quand même. Certains articles
sont très importants pour le domaine de la vidéo. Est-ce que vous
trouvez qu'en ce moment le projet de loi ne la couvre pas suffisamment ou ne
lui donne pas suffisamment d'importance?
Mme Morin: Non, le projet de loi ne reconnaît pas du tout
que, depuis douze ans, il se fait de la création vidéo au
Québec, que ce sont des créations, que c'est reconnu dans
d'autres pays en dehors du Québec, que cela a circulé et que la
vidéo québécoise a été citée. On ne
dirait pas qu'il y a une culture vidéographique à lire le projet
de loi.
Mme Bacon: En fait, c'est toute l'importance de la vidéo
dans le domaine des communications pour les années à venir, au
fond.
Mme Morin: Oui, cela va évoluer vers cela. Il y a des
compagnies de cinéma qui se mettent à faire de la vidéo,
mais cela existe depuis longtemps et il faut reconnaître les acquis qui
sont là.
Mme Bacon: Oui, d'accord.
Le Président (M. Paré): La parole est maintenant
à M. le député de Mille-Îles.
M. Champagne: Merci, M. le Président. Mme Morin, c'est
bien sûr que je fais la distinction entre votre organisme, qui est un
organisme de création, et..
Mme Morin: Et de distribution.
M. Champagne: ...de distribution? Très bien. Voici. J'ai
été moi-même très surpris de voir que dans mon
patelin, le quartier Duvernay, depuis un an, il y a déjà quatre
clubs de distribution de vidéocassettes. Cela devient de plus en plus
important...
Mme Morin: Oui. (10 h 45)
M. Champagne: ...j'ai maintenant une certaine crainte parce que
je suis allé visiter un de ces clubs-là, entre autres, à
Laval. Sur 3000 titres différents, il n'y avait que 300 titres en
français. Cela veut dire que 10% de la distribution était en
français et environ 95% de la population est française. J'ai
certaines appréhensions. Ma question pourrait s'adresser à vous
ou au ministre. Jusqu'à quel point l'article 79 dans lequel on dit: Dans
le but de favoriser la représentation en public et peut-être aussi
en privé de versions sous-titrées ou doublées en
français de films...? Dans mon esprit, il est bien sûr qu'il
s'agit aussi de films vidéocassette. J'ai une certaine
appréhension parce que si la loi ne va pas assez loin, jusqu'à
quel point ces clubs de vidéocassette seront-ils obligés de faire
du sous-titrage ou du doublage en français? C'est mon
appréhension et je pense qu'on est ici pour voir que la
vidéocassette entrera dans nos moeurs. Ce sera de plus en plus
populaire. M. le ministre, pourriez-vous me rassurer face à mes
appréhensions? Est-ce qu'on aura éventuellement une distribution
française adéquate?
M. Richard: L'article 79 s'applique à la vidéo au
même titre qu'au film, parce que le mot film dans l'esprit des
légistes incluait la vidéo.
Mme Morin: Quand vous parlez des clubs vidéo...
M. Richard: Pour projection en public. Mme Morin:
Pardon?
M. Richard: Je m'excuse, Mme Morin. Je voulais préciser
que c'était pour une
projection en public, une présentation en public plutôt,
pas en privé.
Mme Morin: Vous ne parlez donc pas des clubs vidéo
à ce moment-là. Dans les clubs vidéo, les gens peuvent
louer pour faire des projections publiques.
M. Champagne: C'est cela. Non, non, pas des projections
publiques. Ceux qui ont une vidéocassette à la maison peuvent
louer. On n'a pas assez de films français. Ma préoccupation
était de savoir si on avait, par la loi 79, assez d'assurance pour avoir
de plus en plus de vidéocassettes françaises.
Mme Morin: Je dois vous avouer que j'ai lu cet article-là.
J'ai vu ce qui était visé mais j'ai eu des préoccupations
plutôt pour la sorte de travail que le groupe fait et les vidéos
faites ici. On veut acquérir une vidéo des États-Unis mais
dans notre réseau, on veut la sous-titrer. Il n'est pas question pour
nous de diffuser une vidéo en anglais parce que, pour la population
qu'on cherche à rejoindre, il faut l'avoir en français. Je ne me
sens pas contrainte par cela, étant donné qu'on la fait
nous-mêmes. Ce n'est pas nécessaire parce qu'on a le souci
de...
M. Champagne: C'est pour cela qu'au début j'ai fait la
distinction: Vous êtes surtout un organisme de création.
Mme Morin: Et de distribution de créations d'ici.
M. Champagne: De créations d'ici. Mme Morin: C'est
cela.
M. Champagne: Les traductions d'ailleurs se font plutôt
timides et elles sont lentes.
Mme Morin: Dans notre cas, quand on envisage des productions
d'autres provinces ou d'autres pays, on ne peut pas imaginer les diffuser sans
les traduire parce que, pour rejoindre le monde et pour que la vidéo
soit comprise, il est important qu'elle soit traduite. On n'a pas le
comportement d'imposer une production dans une autre langue.
Comprenez-vous?
M. Champagne: D'accord. On va espérer que ces
clubs-là favorisent le plus possible la traduction et qu'on puisse
offrir à la clientèle francophone beaucoup de titres
différents.
Le Président (M. Paré): La parole est maintenant au
député de Louis-Hébert.
M. Doyon: Merci, M. le Président. On parle de productions
vidéo. Pour situer ces productions dans l'ensemble de ce qu'est
l'industrie de l'image, de la projection cinématographique ou de ce qui
permet aux gens de se recréer ou de s'instruire, quelle est la
proportion occupée actuellement par la vidéo par rapport au
cinéma conventionnel? Est-ce que vous pouvez nous donner une idée
de cela? Combien de personnes ont vu des représentations publiques de
productions du genre de celles que vous faites ou que vous distribuez par
rapport au cinéma? Est-ce que vous avez une idée de cela? De quel
ordre s'agit-il?
Mme Morin: Je ne peux pas avoir une idée précise
parce que, pour les films diffusés en salle, il y a des billets. Les
vidéos sont louées par des professeurs, ils les diffusent dans
leur salle de classe. S'il y a trois classes de sociologie au cégep qui
regardent une de nos productions, on sait que cela peut faire 90
élèves. Mais on ne tient pas cette comptabilité. Il arrive
qu'un professeur en prenne pour trois. L'événement du 8 mars, on
a toujours deux ou trois vidéos, alors il y a des femmes qui les
regardent beaucoup. Je n'ai pas de nombre. C'est un circuit pour lequel je n'ai
pas de chiffres précis. Il n'y a pas d'entrée payée, cela
dépend des groupes qui les ont vues. Je peux juste vous dire - qu'est-ce
que je peux vous dire - que cela a circulé beaucoup.
M. Doyon: Avec votre permission, M. le Président,
peut-être que vous êtes en mesure d'éclairer cette
commission parlementaire d'une meilleure façon en ce qui concerne les
productions proprement dites. Est-ce que depuis les cinq dernières
années, vous êtes en mesure de nous indiquer l'augmentation
proportionnelle, le taux d'augmentation, ou je ne sais trop, des productions
vidéo? Qu'est-ce que cela était il y a trois ans, par rapport
à ce que c'est maintenant? Cela donnerait une idée de
l'évolution de ce genre d'instrument, de ce genre d'outil. Est-ce que
vous pouvez nous donner certaines indications à ce sujet?
Mme Morin: Ce que je peux vous dire, c'est qu'il se fait de plus
en plus de tournage en vidéo, que c'est plus économique, cela a
toujours été considéré -même si cela devient
plus cher - plus économique que le film, qu'elle se développe, le
fait de pouvoir regarder à l'écran au fur et à mesure que
c'est enregistré permet des sortes de créations où les
gens se reprennent. Il peut y avoir une interaction entre ce qu'ils voient
d'eux sur l'écran et la sorte de production.
Il faudrait demander aux compagnies de production de films si elles
changent en vidéo et pourquoi? Ce que je peux vous dire, c'est que nous
avons survécu à diffuser nos vidéos, sans passer sur les
ondes et sans
avoir de salle publique. Il n'y a pas de salles attitrées dans le
moment où on va et "au programme, cette semaine, était le
vidéo." Cela n'existe pas.
C'est vraiment par un circuit parallèle qu'on arrive à la
faire connaître. Cela ne répond pas de façon précise
à votre question.
Le Président (M. Paré): Merci. La parole est
maintenant au député de Châteauguay.
M. Dussault: Merci, M. le Président. Mme Morin, je
voudrais savoir quels ont été jusqu'à maintenant, pour
votre groupe spécifiquement, vos sources de financement autres que
celles de la location de vos vidéos?
Mme Morin: En 1980, on a reçu 3000 $ du Conseil des arts.
En 1981, on a reçu 4000 $ du Secrétariat d'État, section
promotion de la femme. En 1982, on a reçu 12 000 $ du Conseil des arts
au fonctionnement et 5000 $ du Secrétariat d'État. Les
subventions du Secrétariat d'État ne devaient jamais couvrir le
fonctionnement et devaient aider à la promotion. Ce que cela pouvait
payer, c'étaient des frais de téléphone, le transport en
autobus pour se rendre là, les envois postaux. Ce qu'on faisait, c'est
qu'on envoyait une fille dans le Bas-du-Fleuve, à Rimouski, dans le
Saguenay faire connaître les vidéos, les distribuer et planifier
un horaire. Les 4000 $ étaient utilisés très vite. La
subvention du Conseil des arts, cette année, permet, pour la
première fois, qu'on ait l'équivalent d'une personne à
temps plein pour faire la distribution parce qu'on a toujours fonctionné
avec un peu de bénévolat.
L'assurance-chômage, bon, c'est cela, il faut arrondir les coins
et étirer l'argent. C'est comme cela qu'on a fonctionné.
M. Dussault: C'est votre cas. Est-ce que vous pensez qu'en
général le fonctionnement de l'industrie vidéo est
analogue à la vôtre sur le plan du financement?
Mme Morin: Que le fonctionnement de quoi?
M. Dussault: Des autres, que l'ensemble de l'industrie
vidéo est analogue à la vôtre sur le plan du
financement?
Mme Morin: Les autres groupes qui font des créations ici
et qui les font connaître, oui, ils ont un fonctionnement analogue au
nôtre. Le vidéographe est une institution assez connue, en tout
cas, à Montréal; il a été fortement
subventionné par le Conseil des arts ce qui lui a donné plus de
latitude et plus d'employés. Il a eu la vie plus facile; c'est cela.
M. Dussault: Et maintenant que la Loi sur le cinéma et la
vidéo vous couvrira et vous donnera un statut égal, en fait,
à celui du cinéma en général, vos chances devraient
augmenter, dorénavant, de vous voir reconnaître cette
capacité de recevoir des fonds...
Mme Morin: Oui.
M. Dussault: ...par l'entremise du gouvernement provincial, du
gouvernement du Québec, à partir des organismes qui auront un
rôle à jouer dans ce sens.
Mme Morin: Alors, ce serait une aide pour faire connaître
les créations vidéo ici. J'apprécierais beaucoup.
Le Président (M. Paré): Merci. La parole est
maintenant à Mme la députée de Chomedey.
Mme Bacon: J'ai juste une petite question. J'aurais envie -
l'occasion est trop facile - de faire précéder cela d'une petite
remarque pour le député de Châteauguay, si vous me
permettez, Mme Morin; il regrettera d'avoir posé sa question.
M. Dussault: La guerre va reprendre, M. le Président.
Mme Bacon: Tout ce qui vient d'Ottawa déplaît au
député de Châteauguay. J'aimerais savoir quelle est
l'ouverture que vous a faite l'institut par rapport à vos demandes.
Est-ce qu'on a été ouvert ou réceptif à vos
demandes ou si on a refusé les demandes que vous avez faites, si demande
a eu lieu.
Mme Morin: L'expérience que j'en ai est par un autre
groupe qui s'appelle la Coop vidéo de Montréal. Au tout
début, quand l'institut a été créé, on a
subventionné une ou deux productions vidéo. Depuis ce temps,
c'est un refus systématique. L'institut disait: Nous ne sommes pas
impliqués dans la vidéo. Personnellement, pour aller faire
connaître la vidéo à un festival à Amsterdam, faire
connaître des productions vidéo et des films, on a pu obtenir 2500
$ par l'institut pour envoyer trois personnes à Amsterdam avec des films
et des productions vidéo. C'est la seule fois où on a
touché de l'argent et heureusement que c'était un festival de
film et de vidéo, sinon on n'aurait rien eu.
Le Président (M. Paré): Je vous remercie, Mme
Morin, pour votre présentation et pour avoir accepté de
répondre à nos questions.
Mme Morin: Merci.
Le Président (M. Paré): Merci. J'inviterais
maintenant l'Association canadienne des distributeurs de films à prendre
place ici à l'avant, s'il vous plaît.
Bienvenue mesdames et messieurs. J'inviterais maintenant le porte-parole
à se présenter et à faire connaître aussi les gens
qui l'accompagnent à la commission, s'il vous plaît. La parole est
à vous.
Association canadienne des distributeurs de
films
M. Laurent (Jacques): M. le Président, M. le ministre,
mesdames et messieurs les députés, mon nom est Jacques Laurent.
Je suis avocat; je suis le porte-parole de l'Association canadienne des
distributeurs de films. Je suis accompagné ce matin de M. Millard Roth,
à ma gauche, qui est l'administrateur délégué de
cette association, à Toronto, de M. Jean-Paul Hurtubise, qui est le
gérant de la société de distribution de films Universal
pour le Québec et qui est également le président de la
division québécoise de cette association, de même que par
Me Marie Gagnon de mon cabinet d'avocat.
Au départ, je tiens à vous remercier de nous avoir
invités à ces audiences publiques de votre commission
parlementaire. Comme vous le savez, nous avons préparé et
déposé un mémoire. Je tiens pour acquis et j'aime à
croire que vous en avez pris connaissance, tout au moins dans ses lignes
directrices, alors je ne me permettrai pas d'accaparer votre temps en en
faisant la lecture complète. (11 heures)
Je vous dirai au départ, comme il est bien dit dans notre
mémoire, que l'association que je représente partage
entièrement, globalement, les objectifs de ce projet de loi et qui sont
énumérés à l'article 3. L'association que je
représente, pour votre information, compte sept membres qui sont les
sociétés de distribution suivantes: La Columbia, la Paramount, la
Universal, United Artists, Warner Brothers, Twentieth Century Fox et MGM. (11
heures)
Ces sociétés font affaires au Québec depuis les
débuts du cinéma. Leur entreprise consiste principalement en la
distribution de la plupart des grandes productions cinématographiques
américaines. Elles sont au Québec depuis les débuts du
cinéma, comme je vous le souligne, et elles ont toujours fait des
efforts particuliers pour que les films dont elles ont la distribution et
droits de distribution puissent être projetés et visionnés
au Québec, particulièrement à Montréal, en
même temps que dans les grands centres d'Amérique du Nord.
Les principales préoccupations de l'association portent, par
ordre numérique, sur l'article 75, qui concerne le dépôt de
certains contrats de distribution, sur l'article 79, qui concerne le doublage
et le sous-titrage des films en langue anglaise; sur l'article 91 portant sur
la billetterie; naturellement, sur l'article 97 par lequel le
législateur veut imposer une propriété canadienne aux
sociétés de distribution; enfin, sur l'article 107 qui concerne
les ententes entre distributeurs et exploitants et finalement, sur l'article
110.
Avant de m'attacher à vous exposer la nature précise de
ces préoccupations, j'aimerais prendre quelques minutes de votre temps
pour jouer le rôle d'un professeur - ce n'est peut-être pas
tellement recherché par les temps qui courent - vous expliquer
brièvement en quoi consiste la mise à jour des films de nature
commerciale dans notre continent nord-américain.
Vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a plusieurs intervenants. Le
premier est le producteur. Les films que nos sociétés
distribuent, sont produits soit par des grandes sociétés
américaines, soit par des producteurs indépendants. De plus, soit
dit en passant, les productions américaines sont l'oeuvre, à
titre de producteurs, d'indépendants - les grandes
sociétés de production américaines se détachant de
plus en plus de la production elle-même.
Le producteur donc a un râle, au départ, d'assembleur. Soit
qu'il recherche un texte, un scénario, soit qu'on lui en offre. C'est
lui qui rassemble les premiers éléments à partir d'une
oeuvre, qui recherche un réalisateur, un metteur en scène, un
scénariste, les chefs de la musique, qui participe naturellement
à la sélection des comédiens qui oeuvreront. Cette
tâche d'assemblage se concrétise dans certains documents, des
conventions où - je le souligne tout de suite - un des points les plus
importants est l'établissement du partage des droits,
particulièrement des droits d'auteur.
Lorsque cet assemblage initial est complété, entre en jeu
- ou il peut entrer en jeu en même temps au départ - le
distributeur. Le rôle du distributeur est particulier. Il peut avoir, au
départ, un rôle de financement. Il peut être celui qui va
permettre au producteur de financer les premières heures, les
premières tâches du film. Il a aussi le rôle de faire le
choix des salles en fonction, je le souligne au départ également,
des équipements des salles. Parce que chaque salle, vous n'êtes
pas sans le savoir, n'a pas toujours le même équipement. Certaines
peuvent présenter des films en son "Dolby", d'autres, 70 et 35 mm. Les
salles, donc, ont des équipements particuliers. Son rôle consiste
également à déterminer les dates de visionnement et de
projection des oeuvres.
En contrepartie du certain montant de
financement qu'il peut accorder aux producteurs, le distributeur
reçoit les droits de distribution et certains droits sur le film
lui-même. Par la suite, et toujours en même temps, si vous voulez,
mais simultanément, puisque c'est une activité qui a plusieurs
facettes, il se charge de la mise en marché, de la publicité et
de la promotion du film.
On vous a peut-être dit ou vous vous êtes peut-être
laissé dire que le choix des salles, au Québec en particulier,
pouvait être contrôlé par les grands distributeurs que je
représente. Je dis, au départ, que ceci n'est pas tout à
fait la vérité. Le choix des salles appartient, au Québec,
à tous les distributeurs. Je vous donne un exemple: le film Les uns, les
autres, une oeuvre française, a été projeté lorsque
la salle qui plaisait au distributeur, en l'occurrence M. Faré,
était disponible, c'est-à-dire Le Parisien.
Quatrième intervention, le laboratoire où se termine la
finition du film. Je souligne ici, parce que je veux ouvrir des
parenthèses à l'occasion, qu'à ce moment-là,
étant donné les contraintes de disponibilité de salles qui
sont imposées au distributeur, les contraintes de dates pour la
projection du film, il se passe ordinairement, au laboratoire - je le sais par
expériences - occasionnellement, un certain affolement. On est
pressé, il faut que les copies soient livrées.
C'est à ce moment-là - j'ouvre la parenthèse pour
vous parler tout de suite du doublage - que certains ont pu vous
suggérer que le doublage pouvait avoir lieu. Cela ne se passe pas
ordinairement comme cela, puisqu'en raison des délais qui deviennent de
plus en plus courts et de l'affolement qui peut exister dans ces derniers
moments, ceux qui peuvent être chargés du doublage,
c'est-à-dire le producteur, le réalisateur et même les
comédiens, ne sont ordinairement pas disponibles et n'ont pas le temps
même de penser et surtout pas de procéder au doublage.
Je vous souligne, à titre d'exemple, qu'à Montréal,
il est arrivé, le 19 janvier, un film qui s'appelle "Sophie's choice".
C'est un grand succès du cinéma américain, qui est en
nomination d'ailleurs pour des oscars. Il a été projeté
à Montréal à peu près en même temps qu'aux
États-Unis. Je suis informé que le doublage de la voix de
l'actrice principale, Mme Street, sera fait par elle. C'est elle qui, dans les
studios parisiens de postsynchronisation, procédera à son propre
doublage. Alors, il est inutile de penser que Mme Street, dans les derniers
moments, pouvait également se doubler. Tandis que le film sera
projeté, elle procédera maintenant à doubler sa propre
voix en français. C'est un droit qui peut lui appartenir en vertu de la
convention du contrat qu'elle a signé au départ avec le
producteur.
Je reviens donc au déroulement de ce qu'est un film. Une fois
donc que le film est passé par le laboratoire, le voici mis à la
disposition des exploitants, par l'intermédiaire des distributeurs, dans
les salles qui ont été réservées à cet effet
et aux dates qui ont été prévues. Pour ne pas être
plus long, c'est la fin de ma leçon. Vous pourrez, naturellement,
m'interroger au terme de cet exposé.
Maintenant, d'emblée, je vous ferai connaître, puisque
c'est le but principal de notre intervention, les positions prises par
l'association que je représente à certains des articles de votre
projet de loi, en commençant naturellement par l'article 97, qui est
pour nous, vous n'en doutez sûrement pas, tout à fait
inacceptable, en plus d'être légèrement blessant.
M. le Président, il nous apparaît clair, à partir du
texte de cette disposition de l'article 97, et particulièrement du
deuxième alinéa, comme il nous apparaît clair dans les
propos qui ont été tenus par M. le ministre des Affaires
culturelles depuis l'ouverture de ces audiences publiques, que le gouvernement
vise directement à chasser du marché de la distribution des films
du Québec les "majors" qui font partie de l'association. Il ne fait
aucun doute qu'il s'agit d'une expulsion; expulsion tout à fait,
à notre point de vue, discriminatoire. Elle vise les "majors" qui sont
ici depuis le début du cinéma, qui sont de bons citoyens
corporatifs, qui emploient un certain nombre de gens à Montréal
pour s'occuper de la distribution. Elle ne vise personne d'autres. Le projet de
loi ne touche à aucun des autres intervenants du monde
cinématographique, ni les exploitants ni les producteurs, strictement
les distributeurs et en particulier les "majors".
Cette disposition, M. le Président, se rapproche, vous n'en
doutez pas, de l'expropriation, mais, malheureusement, elle n'est pas
d'intérêt public comme c'est le cas ordinairement en
matière d'expropriation. On ne veut pas, par cette disposition, que
l'État ou une société d'État soit substituée
aux "majors". On veut simplement que ceux-ci, étant chassés,
laissent leur place à d'autres entrepreneurs, à d'autres
entreprises de distribution dont les actions votantes seraient détenues
par des citoyens canadiens.
Je vous dirai que cette expulsion, loin de favoriser les relations de
réciprocité entre distributeurs et producteurs
québécois, donc entre le milieu québécois et le
milieu américain, comme le souhaite le rapport Fournier, ne fera que
créer de l'animosité et de l'hostilité auprès des
organisations, sociétés et personnalités du monde
cinématographique.
Je vous reporte, M. le Président, à la page 98 du rapport
Fournier. On y dit pour commencer: Le contrôle du marché
intérieur constitue - c'est aux pages 97 et 98 - aussi un facteur
important pour faciliter le
rayonnement du cinéma québécois à travers le
monde, car l'observation nous permet de dégager trois façons
principales d'assurer une présence importante d'un cinéma
national à l'étranger. Le rapport décrit deux de ces
façons. La troisième, et je cite: "L'autre façon, pour des
pays comme le Québec qui sont petits par leur population et par leur
volume de production, consiste à faire appel à la
réciprocité et à produire des oeuvres d'une grande
qualité et d'une grande originalité."
À la page 98, on dit: "Quant à la
réciprocité, elle constitue la réelle clef de voûte
de toute politique raisonnée d'exportation, cette politique étant
d'autant plus essentielle que le marché national ne saurait suffire, en
raison de son étroitesse même, à rembourser les
investissements importants qu'exige aujourd'hui la production
cinématographique. La réciprocité permet aux petits pays
de pénétrer les marchés étrangers en offrant la
possibilité d'accueillir en retour la production des cinémas
nationaux confrontés à des problèmes similaires". Je ne
crois pas que par l'expulsion des sociétés américaines de
distribution on veuille rechercher cette réciprocité.
Quatrièmement: Je vous dis, M. le Président, que les
premières victimes de cette expulsion discriminatoire seront les
cinéphiles eux-mêmes, puisque rien dans la loi, rien dans les
faits, si ce ne sont des présomptions - et M. le ministre, qui est
allé à l'école de M. Louis-Philippe Pigeon à
l'Université Laval, sait ce que sont des présomptions - ne peut
assurer qu'une fois chassés du Québec, les "majors" conviendront
de confier la distribution de leurs produits au Québec à des
intermédiaires canadiens ou québécois. (11 h 15)
Je vais insister là-dessus, M. le Président. Il n'y a rien
qui puisse assurer que cette distribution de films sera confiée à
des entreprises canadiennes. Ce n'est pas une question de boycott, ce n'est pas
une question de mettre au rancart puisque, dans le contexte, ce ne sont pas les
"majors" qui ont boycotté le Québec et qui le boycottent. Au
contraire, comme je vous l'ai dit tantôt, par leur assiduité ils
ont fait du Québec un marché de premier ordre. Ils ont fait de
Montréal une ville où les films américains sont
visionnés en même temps que dans les grandes villes
américaines.
Il faut être naïf pour croire que cette opération
pourrait se faire et même se faire facilement. Il y a plus que des
conventions, il y a plus que des cessions, il y a aussi une question de gros
sous en matière de distribution. À titre d'exemple, M. le
Président, nous recevons au Québec et nous avons le
privilège de visionner des films français. J'ai fait remarquer
dans notre mémoire qu'il y avait toujours des délais, que je
qualifie d'à peu près pardonnables, entre la sortie des films
français à Paris et leur sortie à Montréal. Je vous
donne un exemple.
Le film Le retour de Martin Guerre, c'est une oeuvre de grande
importance, a été projeté à Paris pour la
première fois, me dit-on, au mois de février mais sûrement
au mois de mai; il est sur les écrans parisiens depuis le mois de mai.
Ce film est arrivé à Montréal - je ne sais pas si c'est
toujours la deuxième plus grande ville française au monde - au
mois de février. Une copie au cinéma Dauphin. Les
Québécois de la ville de Québec, ceux de Sherbrooke,
Trois-Rivières n'en ont pas, puisqu'il n'y a qu'une copie. Je ne sais
pas la raison qui fait que le distributeur qui a les droits de distribuer ce
film au Québec ne s'en soit procuré qu'une copie. De toute
manière, vous avez un exemple là. Alors que les Américains
que je représente ont toujours distribué les films
américains sur le marché québécois en nombre
suffisant pour répondre à la demande, les films français,
en plus de nous arriver trois, quatre, six, dix mois après leur sortie
à Paris, nous arrivent ici en une ou deux copies.
Les deuxièmes victimes de cette expulsion discriminatoire, M. le
Président, seront naturellement les exploitants de salle. Vous aurez
l'occasion de les entendre tantôt, vous le leur demanderez. Ils auront,
si la situation se matérialise, moins de produits -et moins de profit -
à offrir dans leur salle.
Je vous souligne que cette mesure d'expulsion est unique dans le monde
occidental. Il n'y a aucun autre pays, y compris la France et la Suède,
qui a adopté une mesure semblable vis-à-vis des distributeurs
étrangers. Je me suis laissé dire qu'une partie de notre
mémoire qui traitait d'une ressemblance possible entre le Québec
et la Mozambique avait pu déplaire. C'est vrai que ce n'est pas
drôle. J'aurais préféré, M. le Président, que
nous écrivions dans ce mémoire qu'à la suite de l'adoption
de cette loi, le Québec ressemble ou se rapproche plutôt d'un pays
comme la Suisse ou la Suède, à population identique, deux pays
qui nous ont permis de voir des oeuvres cinématographiques de grande
qualité, le fruit du génie de Alain Taner ou de Bergman. Ce sont
des pays qui ont mis sur le marché des produits de grande qualité
sans jamais, M. le Président, sans jamais, je le souligne, penser un
instant à chasser les distributeurs américains de leur
territoire.
Je ne veux pas ici entamer une discussion d'ordre juridique, mais je
vous dis humblement que cette disposition ne saura résister à une
contestation juridique, le cas échéant, puisque cette disposition
de l'article 97 est contraire à la jurisprudence établie,
à l'effet que les gouvernements des provinces ne peuvent aucunement
réglementer le
capital-actions, ni les détenteurs de capital-actions des
corporations ou sociétés créées en vertu des lois
fédérales.
Cette disposition, M. le Président, est d'une nouveauté
sans pareille. Elle n'existe pas, naturellement, dans la loi adoptée en
1975. Elle n'existait pas dans le projet de loi déposé par votre
prédécesseur, M. Vaugeois. Les "majors" ont été
pris par totale surprise et n'ont jamais été invités
à établir entre elles et le gouvernement ou le milieu - et le
milieu, si vous préférez - une négociation qui aurait
permis d'éviter l'affrontement que vous recherchez par cette
disposition. D'ailleurs, quel est le but recherché?
À la lumière des propos du ministre et à la
lumière de ce qui est écrit dans le rapport, on a cru
déceler que le but de cette disposition était de favoriser la
production québécoise, la production nationale. Si vous me
permettez de vous poser une question, ou tout au moins de me la poser, je
voudrais savoir en quoi une compagnie canadienne établie à
Winnipeg, à Vancouver ou à Toronto va aider la production
québécoise.
M. le ministre a souligné - dans le rapport, il en est fait
mention - qu'il y aurait possibilité d'établir des primes
incitatrices. Les "majors" que je représente n'en ont jamais
demandé. Ce n'est pas un de leurs voeux. Au surplus, je voudrais savoir
-je pose la question - en quoi, s'ils avaient l'avantage d'obtenir la
distribution des films américains, les distributeurs
québécois qui d'ailleurs, selon les propos de M. Godbout, de
l'institut, sont les mieux structurés au pays... Je rapporte ce qu'il
disait, à 16 h 20 le 22: "La seule province où il y a une
infrastructure de distribution qui est assez solide et qui, bon an, mal an,
distribue pas mal de films, c'est le Québec". En quoi, dis-je,
même les distributeurs québécois, s'ils avaient l'avantage
d'avoir les produits américains, ce qui n'est pas assuré,
seraient-ils portés à réinvestir dans les productions
nationales québécoises? Il n'y a rien dans la loi qui en traite.
Il n'y a rien qui les oblige.
Je vais vous donner un exemple. Il y a eu, il y a quelques
années, une production québécoise intitulée "Meat
Balls", produite par un distributeur bien connu du Québec qui agissait
à titre de producteur et de distributeur. Je ne le nommerai pas, mais
ceux qui connaissent le milieu savent de qui je parle. Ce fut un succès
commercial non pas sans pareil, mais remarquable. "Meat Balls": tourné
en Ontario par un producteur-distributeur québécois,
réalisé par un Ontarien, doublé à Paris et
distribué par Paramount. C'est un exemple. Alors je ne vois pas et je
cherche encore à savoir comment un distributeur québécois
va être enclin, en tout temps et en toute circonstance, à
contribuer formellement et sans jamais de répit à la production
nationale. Je ne vois pas, M. le Président, d'avantages pour les
Québécois, je ne vois pas d'avantages pour le Québec, mais
plutôt pour le Canada.
M. le ministre, dans quelques-uns de ses propos, a laissé
entendre qu'il fallait mettre fin au colonialisme qui semble nous affliger.
Vous conviendrez qu'il est difficile de répondre brièvement
à de tels propos. Je dirai simplement que, si nous sommes
colonisés dans ce domaine, nous serions à tout le moins aussi
colonisés au Québec dans le domaine du livre, des revues, de la
musique, qui sont aussi des arts d'expression. Or, le ministre nous parle,
d'autre part, dans son texte inaugural, d'ouverture exceptionnelle sur le
monde. Je me demande à quelle sorte d'ouverture on peut faire allusion
quand le premier geste qu'on veut porter pour s'ouvrir sur le monde, c'est de
fermer la porte à nos voisins américains qui comptent parmi les
plus grands producteurs, les plus grands réalisateurs de films au
monde.
Que font les autres pays qui seraient pareillement colonisés?
Est-ce qu'ils expulsent les distributeurs étrangers? Ce n'est pas le
cas; dans aucun pays, aucun pays du monde occidental. Je ne parle pas de
l'Albanie. Je vous dis que, s'il y a une forme de colonialisme qui existe, ce
n'est pas par les Américains qu'elle nous est imposée. Cela me
fait de la peine de croire que cela peut être par nos cousins de France.
Je vous ai parlé des délais que ceux-ci mettaient à nous
envoyer par avion - cela existe - leurs produits. Des mois, parfois des
années et, des fois, jamais. On ne les voit pas. Ils les conservent pour
eux.
D'autre part, les "majors" - je vous l'ai souligné - n'ont jamais
cessé d'accorder au marché québécois le même
traitement qu'ils accordent à leur propre marché. Ni mieux, ni
pire. Toujours sous ce thème de la colonisation, on nous rapporte que
seulement 3% de la programmation des salles du Québec relève du
cinéma québécois et que ceci serait une forme de
colonialisme. Vous aurez l'occasion de demander aux exploitants si les films
québécois sont interdits dans les salles. Je suis informé,
au contraire, que les films québécois sont visionnés dans
les salles du Québec par les exploitants. M. Bernard, le
président, vous confirmera cela. Est-ce que c'est une forme de
colonisation, si ces films québécois ne sont pas toujours
appréciés par le public?
Je vous donne un exemple. À la fin des années
soixante-dix, M. Gratien Gélinas, l'ancien président de la
Société de développement de l'industrie
cinématographique canadienne avait lancé l'idée -et cela
s'est matérialisé - du nouveau réseau. C'était un
réseau qui avait été créé pour permettre au
milieu cinématographique québécois de faire voir ses
oeuvres. On a investi, en une année, 350 000 $ pour
l'exploitation de ce nouveau réseau. Au bout de l'année, quand on
a fait le calcul, on a compté 7000 entrées payantes. Cela voulait
dire 50 $ par entrée pour voir les films du nouveau réseau.
Est-ce une forme de colonialisme si les gens ne sont pas attirés par des
films? Il faudrait s'expliquer ou se faire expliquer comment il se fait que les
37 films subventionnés par l'institut en 1981, dont une douzaine - si ma
mémoire est bonne - sont des longs métrages de fiction, en plus
de tous les autres films québécois qui ont été
produits dans les années antérieures n'ont attiré que 3%
du public québécois. Je ne crois pas que cela soit une forme de
colonialisme. C'est une question de fait. C'est une question de goût. Un
film plaît ou ne plaît pas.
Je ne crois pas que ce soit en fermant les portes sur la distribution
des films américains que le Québec se créera une industrie
cinématographique. Je crois qu'on devrait plutôt porter nos yeux
vers les Américains et voir ce qui se passe là-bas. J'ai entendu
dire qu'on voulait interdire au Québec ce qui était interdit aux
États-Unis. Qu'est-ce que les Américains font dans le domaine
cinématographique? On n'a qu'à étudier brièvement
la liste de tous les réalisateurs étrangers qui ont produit des
chefs-d'oeuvre en terre américaine avec l'aide du milieu
américain. Je vais vous en nommer quelques-uns: Bertolucci, Truffaut,
Louis Malle, Leone, Lelouch, Polanski. Il n'y a pas d'Américains dans
cela. Ils ont pu travailler aux États-Unis. Notre compatriote
célèbre, Denis Héroux, en société avec M.
John Kemeny, également un citoyen canadien, ont produit de grandes
oeuvres aux États-Unis. Je ne vous ferai pas la liste des
comédiens étrangers qui oeuvrent là-bas. (11 h 30)
Je crois, M. le Président, que si on veut fermer les portes aux
distributeurs, cela sera un signe avant-coureur de ce qui arrivera dans les
années qui viennent.
Douzièmement, M. le ministre nous a indiqué qu'il
recherchait par ce projet de loi la création de milliers d'emplois
directs et indirects en fermant la porte des sociétés, en
expulsant les sociétés de distribution américaines. Il va
tout de suite en mettre 25 à la porte parce qu'il y a 25 personnes qui
travaillent à Montréal pour les sociétés. J'estime,
au nom de l'association que je représente, que cet article constitue
à la fois une entrave majeure aux principes suivants que vous avez
énoncés: De liberté de choix, d'ouverture sur le monde et
de dialogue culturel entre les nations parce que pour plusieurs, même
certains des députés qui ont fait connaître leur point de
vue, voir un film américain à Montréal en même temps
que cela a sorti à New York cet été, cela constitue un
élément et un privilège de notre culture
québécoise nord-américaine dont on peut
bénéficier et dont ne bénéficient même pas
nos cousins de France ni du Royaume-Uni. Exemple - je ne reviendrai pas sur cet
exemple, - E.T. sorti à New York et à Montréal au mois de
juin 1982, sorti à Paris et à Londres dans le United Kingdom, le
1er décembre 1982. J'ai bien dit Londres. Alors qu'ici on l'avait tout
de suite.
Je ne veux pas me faire poète, mais je veux tout simplement vous
rappeler deux lignes d'un auteur, Saint-Exupéry, qui disait dans Pilote
de guerre, et sûrement que cela vEi retenir l'attention du
député de Saint-Jean: Dans ma civilisation, celui qui
diffère de moi, loin de me léser, m'enrichit. Je continue. Je
veux savoir - je pose la question - quel dommage les "majors" ont causé
au Québec depuis qu'ils sont arrivés ici au début du
siècle? Je vais vous donner quelques résultats de leurs
activités.
Montréal, de l'aveu de tous, est devenue une ville de
premières où on peut voir les films américains en
même temps que leur projection à New York, à Los Angeles,
et avant leur projection dans d'autres États américains. Ils sont
distribués dans toutes les régions du Québec,
répondant à un des objectifs de la loi, c'est-à-dire le
développement du cinéma québécois et la diffusion
de la culture cinématographique dans toutes les régions du
Québec.
Cela prend des sous pour distribuer. On en a l'exemple avec les films
français qui nous arrivent avec seulement une copie. Les "majors" en ont
mis des sous puisque quand ils distribuent cela, ils ne distribuent pas cela
à la petite cuillère. Troisième avantage d'un nombre
restreint de films américains qui étaient doublés en
français au début des années soixante, en 1982, je vous
souligne que 55% des films américains distribués par les "majors"
avaient été doublés. Au surplus, dans cet esprit de
réciprocité que vous semblez vouloir rechercher, les "majors",
comme je le souligne d'ailleurs plus amplement dans notre mémoire, ont
contribué à la distribution de films canadiens et
québécois aux États-Unis. Dernier exemple, la production
québéco-canado-française La guerre du feu, de Denis
Héroux, a été distribuée dans des centaines de
salles américaines par la Fox.
C'est entendu que les "majors", comme la plupart des grands
distributeurs, ne sont pas intéressés - question de
marché, une question de qualité dont on parle tous - à
distribuer des films de petite qualité. D'ailleurs, la majorité
des films qu'ils distribuent sont des films à succès. Certains en
ont moins, il va sans dire, mais ils ne sont pas intéressés
à distribuer des films ni au Canada, ni aux États-Unis, qui
n'auraient aucun attrait pour quelque public que ce soit. Bref, cette
disposition, en plus d'être
menacée par des arrêts de nos tribunaux, lèse les
premiers intéressés, ceux dont on ne parie pas tellement souvent:
les clients, ceux qui font vivre le cinéma, ceux qui paient 3 $, 4 $, 5
$ pour aller aux petites vues.
Je crois qu'on devrait cesser occasionnellement de parler du milieu, y
compris des "majors", de le saupoudrer de compliments et de subventions, mais
qu'on pense plutôt aux cinéphiles avant que, de toute
façon, comme dans d'autres pays du monde occidental,
particulièrement l'Angleterre, les salles de cinéma
traditionnelles soient vides ou n'exitent plus. Vous n'êtes pas sans
savoir - je l'ai dit dans mon mémoire - qu'en Angleterre, cela n'existe
plus ou à peine, la salle conventionnelle de cinéma, étant
donné que la vidéocassette y est entrée de plain-pied.
Le rôle du législateur - je n'ai certainement pas de
leçon à vous donner, mais je tiens quand même à vous
le souligner - à mon humble avis, c'est un rôle de clairvoyance,
c'est un rôle futuriste. Le législateur doit prévoir les
conséquences de ses lois. Son rôle n'est pas d'essayer, par une
disposition, d'atteindre un objectif, mais de s'assurer que son objectif sera
atteint.
Je ne sais pas si c'est un proverbe chinois, arabe, américain ou
québécois, mais on m'a dit que: "Dans le doute,
abstiens-toi."
Cela étant dit sur l'article 97, j'aimerais vous faire quelques
commentaires sur l'article 107 qui n'est pas sans nous préoccuper. C'est
un article qui porte sur les ententes entre exploitants et distributeurs. Je
serai bref. Je vous souligne simplement que c'est une disposition très
particulière que l'on ne retrouve que dans peu de lois
québécoises concernant des produits fondamentaux: produits
agricoles, l'électricité, le gaz, les produits laitiers et ses
succédanés. On ne retrouve pas ce genre d'ingérence de
l'État ou d'une de ses sociétés dans les relations
commerciales d'hommes d'affaires qui sont des adultes et qui font affaires
ensemble depuis longtemps. Elle est discriminatoire, encore une fois. Je ne
vois pas, M. le ministre, pourquoi, en partant de là, le
législateur ne voudrait pas imposer des ententes à pourcentage
dans le domaine du livre entre les écrivains et les éditeurs,
dans le domaine de la peinture entre artistes et galeries. Nous sommes dans le
domaine des arts, cela pourrait aussi bien trouver sa place dans ces domaines.
Je crois que cela ne trouverait pas sa place nulle part et que c'est une
ingérence qui n'a pas de place dans un tel commerce qu'est la
distribution et l'exploitation des films. Comme a dit d'ailleurs le
député, M. Hains, de Saint-Henri, à 15 heures, le 22
février: "Si ce n'est pas mettre le nez dans la chambre du voisin, c'est
certainement mettre la main dans ses affaires."
D'autre part, je ne crois pas d'ailleurs que cette disposition soit
souhaitée par la plupart des exploitants. Il n'a jamais
été porté à ma connaissance que les entreprises de
distribution dont on a parlé aient demandé qu'une telle
disposition intervienne dans la loi. Je crois humblement qu'il s'agit d'une
entrave aux commerces, une imposition d'une réglementation dont on n'a
pas besoin, surtout par les temps qui courent. Encore une fois, sans vouloir
parler d'avocasserie, il est possible que nos tribunaux jugent à nouveau
cette disposition invalide puisqu'elle traite de commerce international et
surtout de droits d'auteurs qui est une juridiction exclusivement
fédérale, heureusement ou malheureusement.
Brièvement, je voudrais, avant de conclure, apporter des
précisions sur des chiffres - on a parlé de chiffres - qui ont
été lancés occasionnellement. Simplement, au chapitre des
entrées, des admissions payantes, dans les salles
régulières et les ciné-parcs au Québec, partant de
Statistique Canada de l'année 1980 - c'est le dernier qui soit
publié malheureusement, je vous dirai, M. le Président, sans
vouloir corriger personne que selon Statistique Canada, en 1980, et c'est un
marché qui n'est pas en croissance, tout le monde le sait, il y a eu au
Québec 20 700 000 entrées payantes - je comprends les
ciné-parcs - et non 30 000 000, que les recettes des cinémas
réguliers au Québec ont été de 54 000 000 $ alors
qu'en Ontario elles étaient de 108 000 000 $ pour un nombre égal
de salles: 280, 279; que les taxes d'amusement imposées par le
Québec ou ses municipalités se sont chiffrées, pour les
cinémas réguliers toujours, pour l'année 1980, à 5
400 000 $ au Québec alors qu'en Ontario on soutirait, en taxes
d'amusement, 536 000 $ et que le nombre d'emplois à temps partiel et
à temps plein au Québec, pour cette année-là, a
été de 2174 et en Ontario de 4309.
Sur les chiffres d'affaires, sans vouloir vous dévoiler tous les
détails, les "majors" -parce que, encore une fois, il y a des chiffres
qui ont été avancés - sur les chiffres d'affaires, les
"majors" faisant affaires au Québec, les sept sociétés que
je vous ai énumérées, je veux que vous sachiez que
celles-ci ont réalisé constamment au cours des quatre
dernières années des chiffres d'affaires de 13 000 000 $ par
année, soit une moyenne de moins de 2 000 000 $ pour chacune d'entre
elles. Et sur leurs profits - je voudrais finir tout de suite sur les chiffres
- je voudrais corriger ce qui a été dit par les
représentants que vous avez entendus hier après-midi. Il ne faut
pas parler de profits de 200 000 000 $ à 250 000 000 $; la recette brute
en 1980 au Canada, pas au Québec, au Canada, a été de 311
000 000 $ de laquelle il faut déduire les salaires, les salles, les
équipements, etc.
Sur les autres dispositions, M. le Président, de ce projet de loi
dont j'ai parlé au début, les articles 75, 79, 91 et 110, nous
nous en remettons au texte de notre mémoire, ne voulant pas accaparer
plus de votre temps.
Je voudrais prendre une minute pour conclure et vous
réitérer que l'association que je représente appuie le
gouvernement entièrement dans la poursuite de ses objectifs tels que
décrits à l'article 3. Toutefois, la lourdeur de cette loi, les
entraves, les mécanismes multipliés, les pouvoirs immenses
confiés à ces mécanismes ne sont pas, à notre
humble avis, de nature à favoriser l'éclosion d'une industrie que
l'on dit être en péril.
C'est surprenant de constater ce qui suit. Dans la plupart des pays du
monde occidental, les artistes sont ordinairement les gens les plus
épris de liberté. Ce sont les protecteurs. Ils s'affichent - ils
font plus que s'afficher - ils s'affichent, dis-je, en tant que protecteurs des
libertés des individus. Ils sont reconnus pour leur opposition aux
ingérences de l'État, quel qu'il soit. Ce qui me surprend ici,
c'est que le milieu cinématographique, comme on aime à l'appeler,
souhaite tellement l'ingérence de l'État que je ne vois pas
comment cette ingérence ne pourrait faire autrement que de rendre les
personnalités du milieu tributaires de l'État et de ses agents.
Ce sera peut-être une nouvelle forme de colonisation, je ne sais, mais
c'est surprenant.
M. le Président, les "majors", qui sont parmi les plus importants
intervenants du monde cinématographique international, seront donc
chassés du Québec par l'effet de cette disposition. Je crois
qu'il eut été préférable de les consulter, de
négocier, d'établir avec eux des modalités de
réciprocité et de contribution de toute nature. Non. On
décrète par cette loi, on les bannit, on les chasse du
Québec. Je peux vous assurer que les "majors" que je représente,
tout américains qu'ils soient, sont bien avant tout disposés
à s'entendre avec vous du gouvernement et avec le milieu. Avant
d'entreprendre la querelle qui, pour celui qui voit clair, coûtera bien
plus cher aux Québécois et aux Québécoises,
cinéphiles ou non, qu'elle ne rapportera, ceux-ci sont tout
disposés à établir avec le milieu, y compris le
gouvernement, des modalités de contribution, d'assistance et de
réciprocité. En ce faisant, on évitera les
conséquences graves de cette expulsion discriminatoire qui est
recherchée par ce projet de loi. Je vous remercie.
Le Président (M. Paré): Merci, M.
Laurent, pour votre présentation. La parole est maintenant au
ministre des Affaires culturelles.
M. Richard: Je vous remercie, M. le Président. J'ai une
première observation à faire qui sera sous la forme du
complément d'une citation faite par Me Laurent. Me Laurent nous a
cité le rapport Fournier, à la page 98, le troisième
paragraphe, si ma mémoire est fidèle, sauf qu'il a
peut-être oublié, manifestement de façon involontaire, la
partie clé de ce troisième paragraphe de la page 98 du rapport
Fournier que je cite au complet cette fois. "Quant à la
réciprocité, elle constitue la réelle clé de
voûte de toute politique raisonnée d'exportation, cette politique
étant d'autant plus essentielle que le marché national ne saurait
suffire, en raison de son étroitesse même, à rembourser les
investissements importants qu'exige aujourd'hui la production
cinématographique. La réciprocité permet aux petits pays
de pénétrer sur les marchés étrangers, en offrant
la possibilité d'accueillir en retour la production des cinémas
nationaux confrontés à des problèmes similaires." Et
là, j'ajoute la petite phrase qui a été omise: "Mais il
faut comprendre que cette réciprocité ne peut s'exercer que si
elle repose, pour chaque partenaire sur le contrôle de son propre
marché intérieur." Et là, j'ajoute: "Pour toutes ces
raisons, la commission a élaboré un train de mesures visant
à garantir une réappropriation minimale par le Québec de
son marché cinématographique intérieur." Et la
recommandation est contenue tout de suite après: "Pour conjurer la
mainmise étrangère sur le secteur de la distribution, la
commission recommande que seules les entreprises qui seront
propriété canadienne à 80% et plus soient
autorisées à distribuer des films au Québec." La petite
phrase importante, bien sûr, qui n'avait pas été
citée: "Mais il faut comprendre que cette réciprocité ne
peut s'exercer que si elle repose, pour chaque partenaire, sur le
contrôle de son propre marché intérieur."
On a aussi évoqué le fait que j'avais parlé,
à quelques occasions, de colonialisme, en décrivant la situation
du cinéma au Québec. Je voudrais vous rappeler, Me Laurent, que
je n'ai pas été le premier à utiliser cette expression. Je
pense même qu'elle m'a été inspirée par le rapport
Fournier et ensuite par un éditorial du Devoir du 21 octobre 1982,
où M. Michel Nadeau écrit, et je cite le deuxième
paragraphe au complet: "II est difficile de ne pas être sympathique
à une industrie autochtone entourée de géants venus
d'ailleurs pour vider les tiroirs-caisses. Tout en se gardant de toute
inflation verbale -c'est M. Nadeau qui parle - on ne peut éviter les
mots "colonialisme" et "impérialisme" pour décrire la situation
du cinéma au Québec. Les chiffres sont déconcertants.
Seulement 3% du temps-écran dans les salles de cinéma est
consacré à la projection d'oeuvres québécoises.
Plus de 60%
des films à la télévision ont été
tournés aux USA. Tout le réseau de la distribution est
contrôlé de Los Angeles via un commis anglophone à Toronto.
Cinéphiles et téléspectateurs versent ainsi des dizaines
de millions de dollars à une industrie dont la contribution est nulle
à la culture et à l'économie québécoise."
C'est une citation de Michel Nadeau.
M. le Président, je voudrais faire une autre observation qui
m'apparaît extrêmement importante. Me Laurent, en parlant de la
distribution de films québécois aux États-Unis, a
indiqué qu'on était disposé à distribuer certains
films québécois sur le marché américain, mais
encore, disait-il, fallait-il que ces films soient de qualité
nécessaire. On laisse ainsi ententre - je le déplore - que seuls
deux films québécois ont, jusqu'à maintenant,
été de qualité suffisante pour intéresser un
quelconque public américain, c'est-à-dire "Les Plouffe" et "La
guerre du feu". "Kamouraska", "Les ordres", "J-A. Martin, photographe", "Les
bons débarras", "Mourir à tue-tête" sont, si j'ai bien
compris, des films de qualité inférieure aux films de
série B qui sont distribués par les "majors" américains.
Pourtant, cet avis n'est pas tout à fait partagé, permettez-moi
de vous le dire, ni par les spectateurs, ni par les jurys internationaux qui
ont décerné des prix à ces films dans les festivals. Je
voudrais vous rappeler que, lorsque "Les mâles" de Gilles Carie s'est
classé second au "box office" après "The Exorcist" en Argentine,
il faut bien croire que les spectateurs appréciaient davantage ce film
de Gilles Carle que bien des films américains.
On a également parlé de la situation du livre, j'aimerais
immédiatement corriger une erreur de taille qui a été
commise. D'abord, je voudrais rappeler que, dans le domaine du livre, de grands
producteurs, Nathan, Marabout, Laffont, Le Robert, Larousse, et autres
utilisent, eux, des distributeurs québécois et je ne sache pas
qu'ils s'en portent plus mal.
Vous avez également évoqué la situation du livre
pour dire qu'on ne saurait imposer les mêmes contraintes en ce qui a
trait aux interventions prévues dans le domaine du livre. Je vous
rappelle, Me Laurent, que ces ententes existent et sont appliquées entre
les libraires, les distributeurs et les éditeurs, suivant le cas. Cela
existe déjà dans le domaine du livre.
Vous avez également parlé du faible pourcentage du
temps-écran consacré au cinéma québécois et
vous avez parfaitement raison, puisque - cela aurait dû être dit
aussi, cela a déjà été dit devant la commission -
en 1982, seulement deux longs métrages ont été produits au
Québec grâce à l'apport, à la contribution de
l'Institut québécois du cinéma.
Vous avez également parlé du fait que cette loi
était, en quelque sorte, unique. Je crois que, là-dessus, Me
Laurent, vous avez parfaitement raison. Mais si elle est unique, cette loi,
c'est que la situation géopolitique du Québec est
également unique. C'est que la situation du cinéma au
Québec est également unique. Ailleurs, on a procédé
d'autres manières, par des lois et des réglementations
différentes, mais qui visaient souvent les mêmes objectifs, mais
des lois et réglementations faites à la lumière des
situations géopolitiques qui prévalent ailleurs. Vous auriez
dû indiquer qu'en Suisse, par exemple, c'est le contingentement qui
prévaut, qu'aucune mesure de contingentement n'est prévue dans le
projet de loi qui a été présenté à
l'Assemblée nationale et qui fait l'objet de discussions en commission
parlementaire, aucune mesure de contingentement.
Vous avez également omis de rappeler que le gouvernement
fédéral - et à bon droit, je pense, j'ai hâte de
vous entendre là-dessus - en ce qui a trait à la
câblodistribution, à la télédiffusion et à la
radiodiffusion, a exactement la même règle des 80%, quant à
la propriété canadienne. Ce n'est donc pas tout à fait
unique puisque cela existe pour la câblodistribution, pour la
télédiffusion, pour la radiodiffusion, ces règles de
propriété canadienne, pour évidemment empêcher que
toute la radio, toute la télévision et toute la
câblodistribution soient contrôlées de l'extérieur.
Vous avez omis de dire, Me Laurent, qu'à l'occasion d'une rencontre que
j'ai eue avec vous, je vous ai demandé ce que vous proposiez et votre
réponse a été: Le statu quo. Je vous ai dit, Me Laurent,
que le statu quo pour nous était absolument inacceptable.
J'aurai d'autres questions à vous poser, mais je voudrais, avant
de céder la parole à d'autres membres de la commission
parlementaire et pour ne pas occuper tout le temps, terminer ces
premières observations en vous rappelant - vous avez fait état
des films de Denis Héroux - que Denis Héroux, dans une
déclaration, s'est dit tout à fait d'accord avec le projet de
loi.
Vous avez évoqué la présentation du film "E.T.". Je
voudrais vous rappeler que "E.T." a été présenté -
vous auriez dû le dire - au festival de Cannes en version
française en mai 1982. Il a été présenté au
Québec en version anglaise en juin 1982, et la version française
n'est venue qu'en décembre 1982.
Voilà, M. le Président, mes premières observations.
J'aurai, bien sûr, à intervenir un peu plus tard. Juste avant, je
voudrais corriger une petite erreur qui se retrouve dans votre mémoire.
Vous indiquez que Paul Newman, par exemple, accepterait difficilement de se
faire doubler au Québec. Je crois que vous auriez dû choisir un
autre
exemple, puisque Paul Newman a été doublé au
Québec à l'occasion du film "Slap Shot", et avec beaucoup de
succès. Cela a été un doublage applaudi par tout le monde.
Il a été doublé au Québec.
Alors, M. le Président, pour ne pas occuper tout le temps, je
voudrais céder la parole à d'autres intervenants.
Le Président (M. Paré): Je m'excuse, il est
interdit de manifester dans la salle. La parole est maintenant au
député de Saint-Henri.
M. Hains: Me Laurent, je vais vous poser quelques petites
questions, contrairement à M. le ministre, pour un peu éclairer
nos lanternes sans vouloir cependant entamer moi non plus de longues
discussions.
À la page 33, l'association mentionne toute une série de
mesures et de participation à la vie cinématographique canadienne
et québécoise; c'est dans votre rapport. Toutefois, un
problème a été soulevé, j'aimerais beaucoup avoir
la réponse. C'est à propos des films qui font double
carrière, parce qu'on retarde la publication de la version
française le plus possible afin que nos gens intéressés -
c'est le cas du film "E.T.", puisque c'est le film modèle de ce
temps-là - l'exploitent à pleine capacité dans sa version
anglaise avant de le produire en français. Cela fait, comme on le dit
souvent, une double ponction au point de vue financier chez les consommateurs.
Est-ce que vous pourriez commenter un peu cette pratique?
M. Laurent: Là, vous m'entraînez sur le terrain
glissant du doublage.
M. Hains: Allons-y. (12 heures)
M. Laurent: Pour répondre à votre question
relativement au film "E.T.", je ne veux pas qu'on se lance des mots parce que
je n'étais pas à Cannes, moi, M. Richard. Madame Gagnon y
était et elle m'assure que le film "E.T." projeté à Cannes
l'a été en anglais. Il y avait peut-être des sous-titres,
me glisse-t-on à l'oreille. Le film "E.T." est l'oeuvre de M. Spielberg.
Il faudrait apprendre à le connaître. M. Spielberg, me dit-on
encore - il ne me l'a pas dit à moi -se réserve, comme cela
existe dans de nombreuses oeuvres, tel que je l'ai exposé au
départ, le droit et le privilège de procéder au doublage
de son film. Comme cela, pour lui, il a été lancé en
anglais sur le marché nord-américain au mois de juin. J'ouvre une
parenthèse ici pour vous dire que les grands succès, règle
générale - ce n'est pas une règle absolue... Il y a une
série qui a été lancée ici au début du mois
de juin et une autre série au mois de décembre, pour les vacances
de Noël. "E.T." a été lancé en anglais au mois de
décembre. On a procédé à son doublage en France,
selon toute apparence, sous la direction de M. Spielberg. Et quand le film a
été disponible, puisqu'il a été montré
à Paris, me dit-on encore une fois, pour la première fois le 1er
décembre, même jour qu'à Londres, soit dit en passant, les
copies se sont envolées de Paris vers Montréal et sont
arrivées ici le 10. Je ne peux pas répondre autre chose à
propos de "E.T." Ce sont les seules connaissances que j'ai de ce film.
M. Hains: C'est ce que j'avais lu d'ailleurs, moi aussi,
c'est-à-dire que le film était sorti en version en France le 1er
décembre 1982. Maintenant, M. le ministre nous dit que ce serait la
version sous-titrée.
M. Richard: La version sous-titrée française, c'est
à cela que je faisais allusion, était disponible en mai 1982,
à Cannes.
M. Laurent: M. le ministre, entendons-nous. Elle a
peut-être été montrée aux amateurs, aux experts du
milieu, à Cannes, mais elle n'a jamais été projetée
commercialement avec des sous-titres français en France.
M. Richard: Non, non, mais donc la copie existait.
M. Laurent: Une copie sous-titrée. Spielberg a
peut-être voulu vous faire un sous-titre pour le vendre à Cannes,
mais il ne l'a pas mis sur le marché avec un doublage. Il voulait...
M. Richard: Me Laurent, on reparlera de beaucoup d'autres cas
plus tard.
M. Laurent: Cela me fera plaisir.
M. Hains: M. le Président, ce que je vous demandais bien
clairement, c'est: Est-ce que vraiment cette politique de prolonger le plus
possible la durée d'une version anglaise, afin de faire le plus de
profits possible et, après cela, simplement arriver avec la version
française, est-ce que vraiment cette politique existe?
M. Laurent: C'est une politique qui n'existe pas. Mais c'est une
réalité que le film doublé présente des
difficultés. Le doublage d'un film, dis-je, présente certaines
difficultés. Je n'ai de leçon à donner à personne
en vous disant que doubler un film, c'est un peu plus compliqué que de
traduire un article de loi, y compris traduire une loi au complet.
Je vous ai dit tantôt que, de plus en plus, les grandes maisons de
production américaines évitent la production, s'en
détachent. Elles s'occupent plus
particulièrement de distribution. Les films sont produits par des
maisons indépendantes, par des producteurs indépendants qui
s'attachent les services de réalisateurs, de comédiens, pour en
faire des succès. On sait que le succès d'un film tourne souvent
autour du nom d'un réalisateur ou de celui d'un des comédiens.
Ceux-ci - et c'est une coutume qui s'établit - se réservent
souvent les droits de doubler leurs films ou de les faire doubler par qui ils
veulent et au moment où ils le veulent. Le distributeur n'y peut souvent
rien, d'une part. D'autre part, quand les copies arrivent sur les
marchés américains, M. le député de Saint-Henri, le
15 décembre - il y a une foule de films qui sont sortis au début
du mois de décembre ou autour du mois de décembre à New
York -c'est regrettable, je le regrette autant que ceux qui...
C'est regrettable que les copies françaises ne soient pas
prêtes aussi vite, mais il faut quand même prendre le temps, comme
je l'ai dit dans mon mémoire, d'abord de traduire le texte, de trouver
les voix, de trouver les comédiens, de préparer les
génériques. Il y a une foule de taches qu'il faut faire. Ceci se
fait à Paris; malheureusement ou heureusement, ça se fait
à Paris. Je dis que c'est malheureux quant à moi. Et c'est une
question politique. Ce n'est pas aux distributeurs américains, ce n'est
pas à eux d'imposer au gouvernement français et à
l'homologue de notre ministre des Affaires culturelles, M. Lang, des politiques
de doublage. En France, le doublage se fait par des Français, dans des
studios français. Alors, il faut prendre le film de New York, l'envoyer
à Paris, travailler à la traduction, au générique,
trouver les voix. Il faut aussi tenir compte de la disponibilité des
salles, des studios de postsynchronisation. On n'entre pas là comme au
dépanneur pour aller acheter une pinte de lait. Il faut attendre son
tour. Cela prend un certain temps. Occasionnellement, il y a des
comédiens qui se réservent, comme des réalisateurs ou des
producteurs, tous les droits sur le doublage. Il faut attendre après eux
aussi. Il n'y a pas d'avantages pour un distributeur à retenir une
version doublée française pour un marché français.
La plupart des films américains sont montrés en version originale
à Montréal et à Québec, grosso modo. Il y a aussi
d'autres villes où ils sont montrés, mais, grosso modo, ce sont
les deux gros marchés du Québec. Dans les régions
périphériques, au Saguenay, les films,
généralement, sont projetés en langue française. Il
n'y a pas un distributeur qui ne serait pas intéressé à ce
que la copie française arrive dans cette région-là le plus
tôt possible, et qu'elle puisse arriver dans les cinémas de
Québec et de Montréal le plus tôt possible. Mais si elle
n'est pas disponible, s'il n'y a pas de copie? C'est une contrainte
physique.
Il y a aussi un élément dont il faut tenir compte. C'est
la disponibilité des salles. Les salles ne sont pas disponibles au jour
le jour. Les salles sont souvent réservées. Il y a des salles
spécifiques avec des équipements spécifiques pour projeter
des films spécifiques. Les salles ne sont pas toujours disponibles au
premier jour où la copie française arrive sur le marché.
Il faut attendre la disponibilité de la salle. Ce sont des
contraintes.
Je dis que les distributeurs américains -je le souligne pour que
vous le sachiez - ont fait des efforts remarquables, à mon avis, pour
assurer le doublage des films puisque aujourd'hui 55% des films
américains sont doublés. Il faut compter que, sur la
totalité de leurs films, il y en a qui n'ont pas d'intérêt
pour une audience québécoise francophone. Il y a des films qui ne
sont pas doublés. Ce phénomène des retards
occasionnés par les salles - je tiens à vous le souligner - en ce
qui a trait aux films français... Je comprends qu'on puisse reprocher
aux distributeurs de retarder, mais c'est un reproche qui est mal
adressé; on devrait adresser les mêmes reproches à nos
amis, à nos cousins de France. Qu'attendent-ils pour nous envoyer leurs
films? Quand ils nous les envoient, c'est en une ou deux copies. Souvent, c'est
en raison de la non-disponibilité des salles. Je vous ai donné
l'exemple du film "Les uns, les autres" qui était sur les tablettes
à Montréal, mais le distributeur tenait spécifiquement
à ce que ce film soit projeté dans une salle spécifique,
une salle du Parisien où il y a une clientèle particulière
pour voir ce film-là. Cela a été un succès. Je ne
sais pas depuis combien de mois ce film est projeté. C'est une exigence
du distributeur qui doit tenir compte de la disponibilité des salles de
l'exploitant.
M. Hains: Quant aux articles 97 et 107, dès le
début de la commission, dans notre présentation, j'avais
demandé la négociation, parce que vraiment on en a marre de ces
affrontements inutiles qu'on peut souvent régler quand on veut s'asseoir
l'un en face de l'autre. J'aimerais poser une question à M. le ministre.
Est-ce que, vraiment, vous vous êtes assis avec les représentants
de l'Association canadienne des distributeurs de films pour discuter avec eux
des problèmes que nous posent actuellement ces articles 97 et 107?
M. Richard: II y un mois ou un mois et demi - je ne saurais
préciser davantage, je pourrais vous donner la date exacte un peu plus
tard, peut-être que Me Laurent s'en souvient; remarquez que le rapport
Fournier a été rendu public, avec ses principales
recommandations, le 2 septembre - j'ai eu une demande de rencontre de Me
Laurent. Je
l'ai rencontré, en compagnie de mon directeur de cabinet, et ce
qu'on avait à nous proposer - il faut faire attention -c'était
sur trois articles; à l'époque, il n'y avait que trois articles
qui faisaient l'objet de discussion: l'article 79, bien sûr et, pour
l'article 97, c'était le statu quo.
M. Hains: Est-ce que c'était avant la sortie du projet de
loi ou après?
M. Richard: Non, après.
M. Hains: Après. C'était donc déjà
fondu un peu dans un projet de loi.
M. Richard: Après la sortie du projet de loi. Je vous
ferai remarquer que la recommandation, les deux dispositions qu'il y a dans le
projet de loi en ce qui a trait, entre autres, à l'article 97 et
l'article 99 étaient déjà contenues dans le rapport
Fournier qui a été rendu public le 2 septembre.
M. Hains: Me Laurent, j'aurais une autre question à vous
poser. J'en ai plusieurs petites, mais on va faire cela brièvement, si
vous voulez, parce que j'aimerais bien avoir toutes sortes de petites
réponses rapides. On m'a suggéré ce matin un compromis. Je
vous en fais part. Probablement que vous y avez déjà pensé
vous-même. Que penseriez-vous si les "majors" ne s'occupaient que de la
distribution des films américains et laissaient au Québec la
distribution des films étrangers?
M. Laurent: C'est quelque chose qui se négocie facilement
et sur lequel on pourrait s'entendre facilement. M. le ministre est au
courant.
Mme Bacon: Une question, s'il vous plaît, qui y est
rattachée. Est-ce que, lors de la rencontre, ce sujet a
été discuté avec le ministre?
M. Laurent: Voici, madame, je suis avocat. Je ne veux pas me
sentir lié par le secret professionnel. Nous avons discuté d'une
foule de choses avec M. le ministre. Il a pris les devants et il a
dévoilé ce dont nous avions parlé. Je ne me permets pas de
dévoiler ce dont nous avons causé.
M. Hains: À la page 10, vous nous promettez et vous vous
promettez aussi à vous-mêmes, en rapport avec l'article 79,
toujours l'article un peu glissant, de faire des efforts dans la mesure du
possible pour accélérer la traduction française des films.
Est-ce que vous pourriez nous dire très brièvement ce que vous
voudriez faire de plus à l'avenir pour accélérer cette
parution?
M. Laurent: Je vais vous donner un exemple où il y a un
effort qui a été fait. J'avais été moi-même
mis dans l'erreur par des informations qu'on m'avait données. "The
Verdict". Je reviens toujours à notre ami Newman. On m'avait dit que
c'était compliqué, Newman, etc. Je me suis laissé dire que
"The Verdict", qui est sorti à New York à la mi-décembre,
allait être à Montréal en version française
incessamment. Donc, dans une période d'un peu plus de 60 jours,
peut-être 80, peut-être pas 90 jours, mais 80 jours. Les efforts
seront faits. Je ne veux blesser personne. Vous m'avez parlé du film
"Slap Shot" qui a été doublé. Effectivement, c'est un film
de Newman qui avait été doublé en France, au
départ. Quand on l'a projeté ici, sur les écrans du
Québec, cela n'a pas pris. C'est un langage qui ne convenait pas
à l'auditoire québécois. Le distributeur l'a fait
redoubler à Montréal. Je vous soulignerai que c'est une des
seules productions américaines, malheureusement, qui a été
doublée à Montréal au cours des trois ou cinq
dernières années, une des seules sur des centaines de films.
Les efforts, M. le député de Saint-Henri, nous sommes tout
à fait disposés à les faire parce qu'on les fait
naturellement, c'est-à-dire d'envoyer le film là où le
doublage se fera. Ce n'est pas aux distributeurs américains, comme je
vous le soulignais, à demander à l'honorable ministre de la
culture française de corriger ses lois et de s'adapter un peu à
nos difficultés. C'est une question politique qui se règle entre
ministres, à mon humble point de vue.
M. Richard: Si vous me permettez, M. le député de
Saint-Henri, il n'appartient donc pas aux "majors" de dicter une politique du
doublage au gouvernement français pas plus qu'il n'appartient aux
"majors", si je comprends bien, de dicter une politique de doublage au
gouvernement québécois.
M. Laurent: Bien non.
M. Richard: Je vous remercie, Me Laurent.
M. Laurent: J'en prends note.
M. Hains: Maintenant, est-ce que vous pourriez nous dire
très honnêtement, publiquement, combien en moyenne cela peut
prendre de temps pour faire le doublage d'un film? Une moyenne. Je sais qu'il y
a tellement d'aléas à gauche et à droite, mais, en
moyenne, parce qu'on nous chante sur tous les tons que 60 jours, ce serait
suffisant. D'autres ont parlé de 30 jours et ils avaient l'air bien
certains de leur coup. Moi, je vous pose la question bien honnêtement:
Combien en moyenne cela peut-il prendre de temps?
Une voix: C'est une grosse question.
M. Laurent: Oui, c'est une grosse question. Il y a des
difficultés. J'ai dit que ce sont des difficultés pratiques.
M. Hains: Oui, je sais.
M. Laurent: Dans notre mémoire, voici ce qu'on dit
à la page 13: Pour doubler un film, il faut non seulement remettre au
laboratoire tous les éléments nécessaires au doublage et
préparer les traductions et l'adaptation, mais aussi choisir des acteurs
et actrices dont la voix sera la plus rapprochée possible de celle de
chacun des acteurs et actrices du film en langue originale. La
disponibilité de ces gens n'est pas toujours facile. Je veux dire que la
disponibilité peut retarder le doublage d'un film. Je vous ai dit aussi
que le réalisateur, le producteur, les comédiens se
réservaient des droits sur le doublage. Je ne le sais pas, je ne peux
pas vous répondre. Je serais malheureux de vous dire... Cela
dépend de la qualité du doublage. C'est très important. Il
y a, à la télévision de Radio-Canada, notre
société d'État nationale - je veux dire...
Des voix: ...fédérale... (12 h 15)
M. Laurent: ...fédérale, celle-là - un
programme qui revient tous les jeudis soirs; c'est exceptionnel à ce
qu'il paraît. Cela s'appelle: "Vivre à trois". C'est la version
française, québécoise, nationale, d'une série-savon
américaine qui s'appelle "Three's Company". Vous la regarderez, vous
verrez s'il s'agit d'un doublage qui convient. C'est un doublage qui est fait
chez nous. Je ne veux blesser personne, mais vous m'en reparlerez. On peut
faire un doublage... Je peux vous régler cela dans deux jours, me
dit-on, un doublage, mais vous regarderez le jeudi soir ce que cela donne, des
doublages de deux jours.
M. Hains: Je comprends cela pour les films à moyen
succès et à petit succès, mais, pour un film où on
investit beaucoup d'argent, de publicité et qui a de gros budgets, une
grosse campagne de marketing, est-ce que, durant ce temps, on ne pourrait pas
préparer sa fameuse version française pour la sortir
simultanément?
M. Laurent: Non, me dit-on, parce que, comme je vous le
décrivais, lorsque arrivent les délais, les derniers jours de la
sortie du film, quand il est en laboratoire et qu'il est sur le point
d'être projeté, que les copies sont sur le point d'être
livrées aux distributeurs, il y a un affolement que les gens du milieu
connaissent. Il y a un affolement qui fait que les gens qui sont chargés
du doublage ne sont pas disponibles et ne sont pas intéressés,
à ce moment, à s'occuper de cette question qui, pour eux, est
secondaire. Je le dis à regret, mais c'est secondaire.
M. Hains: J'ai une autre petite question; j'en ai plusieurs,
comme vous voyez. On va bien parce qu'on est bref tous les deux. Que
pensez-vous des films sous-titrés au point de vue vraiment de la
popularité? On dit que cela peut être aussi populaire et tout
cela... Est-ce que c'est vrai? Est-ce que c'est faux? D'après votre
expérience et peut-être d'après des statistiques que vous
pourriez nous donner.
M. Laurent: J'ai une réponse à deux volets. Je me
suis laissé dire encore une fois que les films sous-titrés ne
plaisaient pas dans l'ensemble - ce sont les exploitants qui pourront vous le
confirmer - à l'auditoire, d'une part. D'autre part, je me suis
laissé dire par un personnage du milieu qu'il n'y aurait rien qui nous
empêcherait de changer cette habitude. S'il y a des sous-titres qui sont
valables, c'est une habitude qui peut se transformer. Aujourd'hui, les gens, me
dit-on, n'aiment pas voir les films sous-titrés. Si les sous-titrages
sont de meilleure qualité, peut-être qu'on pourra changer, au
cours des années, cette habitude.
M. Hains: À la page 14, vous ne nous lancez pas une
fleur.
M. Laurent: Et le sous-titrage, vous savez, M. le
député de Saint-Henri, ce n'est pas tout à fait
déplaisant, cela ne coûte pas cher pour un distributeur. On vous a
dit ce que cela coûtait.
M. Hains: 1500 $.
M. Laurent: C'est cela.
M. Hains: Voilà.
M. Laurent: C'est vite fait.
M. Hains: M. le ministre m'a bien informé
là-dessus. Maintenant, à la page 14, vous nous dites vraiment
qu'on est naïf. J'accepte bien de croire que l'industrie
québécoise du doublage et de la postsynchronisation ne peut pas
rivaliser avec celle de la France, notre mère patrie, pour les longs
métrages. Ce n'est pas tellement flatteur, mais est-ce
véridique?
M. Laurent: Cela me fait de la peine, mais ce semble être
la vérité. Ce n'est pas une question de se blesser non plus et de
se sentir blessé. En France, l'industrie de la postsynchronisation
existe depuis longtemps. C'est une industrie qui a une tradition, qui a des
coutumes, qui a un équipement qui est
peut-être plus sophistiqué que l'équipement qu'on
peut retrouver à Montréal et on en a des exemples pratiques. Je
viens de vous en donner un. Je ne sais même pas qui a fait la
postsynchronisation de "Three's Company", mais ce n'est pas glorieux. Je suis
sûr qu'au Québec, on peut faire de magnifiques
postsynchronisations, de très bons doublages. Il s'agit de s'y mettre et
de constituer l'industrie, mais cela ne me semble pas être aussi facile
que d'ouvrir un dépanneur.
M. Hains: Maintenant, à un autre endroit aussi, vous nous
dites que c'est encore un peu naïf de notre part. Vous nous dites que
c'est un voeu pieux que de croire que le distributeur - Est-ce que vous
comprenez bien? C'est à la page 19, on est très religieux ici,
alors on fait des voeux pieux - va vouloir doubler des films ici au
Québec.
M. Laurent: C'est un motif économique. Je suis sûr
qu'on vous en a déjà parlé. Le coût moyen du
doublage d'un film de durée moyenne est de 45 000 $. Parmi ceux qui ont
des droits sur les films - parce que le distributeur ne conserve pas toujours
tous les droits; le producteur a des droits, le producteur souvent paie la note
finale, il va sans dire - rares sont les distributeurs, américains ou
autres, y compris celui qui a distribué le film "Meatballs" dont je vous
ai parlé - sans vouloir l'identifier - qui vont consentir à payer
une fois 45 000 $ à un studio parisien pour atteindre un marché
de 75 000 000 de pesonnes en Europe et venir payer un autre montant de 45 000 $
au Québec pour avoir le même produit.
M. Hains: Qui ne serait pas accepté ensuite en France, je
crois...
M. Laurent: Qui ne soit pas accepté en France; c'est
blessant et c'est une question, comme je vous le dis, qui ne relève pas
des distributeurs.
M. Hains: Encore une ou deux petites questions. À la page
16, vous nous dites qu'au cours des trois dernières années, 55%
des films distribués au Québec ont été
doublés en français. Ma question est celle-ci: Cela peut
représenter combien de films, en moyenne, par année, qui seraient
doublés? Parce que je n'ai aucune idée du nombre de films.
M. Laurent: M. Hurtubise m'informe ici que Universal, qui est un
des distributeurs importants, a distribué, au cours des récentes
années, en moyenne 20 films par année, grosso modo, et 10 sont
doublés.
M. Hains: J'aurais une dernière question et je me demande
si je devrais vous la poser parce que c'est justement l'idée toujours de
l'affrontement mais disons que je la pose quand même. Est-ce qu'on peut
déduire de tout ce que vous nous avez dit tout à l'heure que les
"majors" vont vraiment modifier leurs activités au Québec si ce
projet de loi passait tel quel?
M. Laurent: M. le député, elles ne pourront pas les
modifier, elles vont être expulsées. Quand on n'est plus
là, on ne modifie rien, on s'en va. Il n'y a rien à modifier. Si
on vous dit: Allez-vous-en, vous ne pouvez rien modifier. Vous vous en allez
chez vous, cela finit là.
Mme Bacon: Une sous-question, M. le Président. Est-ce que
vous nous dites bien, si on veut bien comprendre, que, si cette loi est
adoptée telle que rédigée, telle que
présentée - vous parlez d'expulsion - les "majors" quittent le
Québec?
M. Laurent: Oui. Ils sont forcés de quitter. Ils ont la
personnalité américaine. Toutes ces sociétés, les
sept sociétés, leur capital-actions est très
majoritairement, sinon en totalité, détenu par des
Américains: compagnies, sociétés ou individus. Ils ne
pourront donc plus faire de demandes de permis. Ils vont être
disqualifiés.
Mme Bacon: Comme distributeur?
M. Laurent: Comme distributeur, pour le Québec seulement.
Ils vont naturellement continuer à distribuer leurs films dans les
autres parties du Canada.
M. Hains: J'ai fini, Me Laurent. Je vous remercie.
M. Laurent: Je vous en prie.
Le Président (M. Paré): La parole est maintenant
à Mme la députée de Maisonneuve.
Mme Harel: M. le Président, il y a trois aspects
particuliers du mémoire sur lesquels j'aimerais avoir des
éclaircissements. Je vous réfère à la page 31 de
votre mémoire. On y lit ceci: "L'histoire nous démontre
pourtant le contraire puisque les grandes sociétés de
distribution ont toujours assisté le cinéma
québécois valable." À l'annexe 3 de votre mémoire,
vous nous présentez une liste de productions cinématographiques
ayant fait l'objet d'une entente de distribution avec certains des membres.
Je pense que les faits sont plus têtus que les affirmations qui
peuvent être faites. Je vous demanderais quelles autres productions
originales, en version française, ont été
réalisées par un producteur québécois. Votre liste
porte sur les années
soixante-dix à maintenant, donc, en treize ans, l'histoire
récente des treize dernières années, puisque c'est
d'histoire qu'il s'agit. Il nous semble à la lecture qu'il n'y aurait
que le film "Les Plouffe" qui aurait été parmi ceux qui auraient
fait l'objet d'une entente de distribution.
Je vous paraphrase un peu. Il était 11 h 36 quand vous avez dit
que les "majors" ne sont pas intéressés à mettre en
circulation exactement ceci: "Des films de petite qualité qui n'ont
aucun attrait pour aucun public que ce soit." Vous nous avez dit penser d'abord
aux cinéphiles quand vous faisiez votre présentation.
On a fait état tantôt de films comme "Les bons
débarras", "Les mâles", "Kamouraska", "Les ordres",
"Réjeanne Padovani", "La vraie nature de Bernadette". Ces films qui ont
connu de grands succès n'ont fait l'objet d'aucune entente de
distribution. La question que je vous pose est la suivante. À la page
31, vous proposez au gouvernement du Québec de soutenir l'industrie
cinématographique. Vous faites aussi d'autres affirmations, un peu plus
au début de votre texte - je pense que c'est à la page 5 - et
vous dites que "l'association croit qu'il est important d'encourager et de
protéger la production et la distribution de films"... Vous le croyez
pour les autres, si je comprends bien, mais, à la lumière des
faits, pas pour vous-mêmes. Quand vous encouragez le gouvernement du
Québec à supporter l'industrie, vous l'encouragez à
produire des films qui seront vus dans des festivals, mais qui ne seront pas
distribués par vous.
M. Laurent: Si je saisis bien votre question, vous me demandez
comment il se fait que toutes ces oeuvres que vous avez citées, entre
autres - une de vos questions -qui avaient été citées par
M. le ministre, "Les Ordres", "Réjeanne Padovani", etc., n'ont pas
été distribuées. Je vous répondrai
carrément. Ces films, les producteurs n'en ont pas confié la
distribution aux "majors", ils en ont confié la distribution à
d'autres distributeurs. Alors, si ces autres distributeurs n'ont pas
jugé utile, opportun et valable, commercialement ou autrement, de les
distribuer aux États-Unis, ne vous en prenez pas aux "majors".
Mme Harel: En d'autres termes, c'est bien dommage.
M. Laurent: Ce n'est pas dommage, mais quand Denis Héroux,
Mme la députée de Maisonneuve, produit un film et qu'il veut
qu'il soit distribué mondialement, il le fait distribuer par un
distributeur qui connaît le marché où il veut que le film
soit distribué. "La guerre du feu", qui est un succès commercial,
qui est une production de Héroux, parce qu'on en a parlé, qui est
québécois et qui est favorable à votre loi, dites-vous -
ce n'est pas ce qu'il m'a dit - il l'a fait distribuer par la Fox. André
Link qui a fait "Meatballs", il l'a fait distribuer par la Paramount. Alors,
cela a passé aussi. Cela a été vu, "Meatballs". Cela a
été un succès. Cela s'est vendu, cela a été
vu.
Mme Harel: J'en conclus qu'il ne s'agissait donc pas de ces films
de petite qualité que vos clients ne sont pas intéressés
à distribuer.
M. Laurent: On parle des films de petite qualité, je ne
sais pas. Vous savez, il y a des films, des noms, "Scandale", j'en avais une
liste tantôt, des films qui ne se vendront pas, qui ne plaisent pas.
Alors, peut-être qu'ils ne seront pas intéressés à
les distribuer. Mais si ces gens, si les producteurs de ces chefs-d'oeuvre en
avaient confié la distribution aux "majors", ils auraient probablement
été distribués à travers les États-Unis. Ils
n'y sont pas allés, ils ne se sont pas adressés aux distributeurs
américains, ils se sont adressés à des distributeurs
canadiens ou québécois qui ont fait leur boulot. Ils ont
peut-être été distribués aux États-Unis. Je
vous donne la liste de ceux qui ont été distribués par les
"majors".
Mme Harel: Quand vous parlez de Denis Héroux, lorsqu'il
distribue au Québec, il le fait par un distributeur
québécois et, à l'extérieur, il le fait par des
distributeurs étrangers. J'aurais deux autres aspects.
M. Laurent: Cela arrive très souvent que des territoires
de distribution soient partagés.
Mme Harel: C'est ce que propose le projet de loi.
M. Laurent: Ce n'est pas ce que vous proposez. Un instant!
Mme Harel: Vous avez abondamment parlé du doublage. Vous
avez invoqué toutes sortes de considérations qui, selon vous,
justifient la situation actuelle. Vous avez peut-être vu... Je ne sais
pas si vous avez eu l'occasion de prendre...
M. Laurent: Madame, je m'excuse, la situation actuelle concernant
l'article 97?
Mme Harel: Oui. Vous avez peut-être pris connaissance d'une
étude qui a été remise aux membres de la commission - je
ne sais pas si vous avez suivi les travaux de la commission depuis le
début - et qui porte sur les délais de distribution des films
américains en version française.
M. Laurent: Le rapport CEGIR?
Mme Harel: C'est cela.
M. Laurent: Je ne l'ai pas vu.
Mme Harel: Cette étude voulait explorer la question des
délais dans le doublage et la distribution des longs métrages
américains en version française, l'objectif étant
d'analyser précisément ces délais et d'en identifier les
causes. On prend bien soin d'insister, dans cette étude, sur le fait
qu'il s'agit seulement de délais minimaux et qui ne tiennent pas compte
des délais supplémentaires de la mise en marché, seulement
de ceux qui peuvent être étudiés à partir de
l'émission du visa. Il apparaît, chiffres à l'appui, que
70% des films américains doublés subissent des délais
strictement reliés à la distribution et aux considérations
de marché au Québec. Le délai moyen de distribution se
situe autour de trois mois. (12 h 30)
M. Laurent: Je vous ai donné tantôt une
réponse qui est peut-être seulement partielle, mais ce dont il
faut tenir compte, c'est la disponibilité des salles qui ont des
équipements particuliers qui sont déjà -excusez-moi
l'expression - "bookées" d'avance. Alors...
Mme Harel: Je trouve cela intéressant, parce que, à
la page 19, justement, vous invoquez cette raison, ce motif, en disant que
c'est la raison de la non-disponibilité des salles. Mais on aura
l'occasion d'y revenir -d'ailleurs, j'y reviendrai - avec des exploitants de
salles au cours de la journée, parce que plusieurs d'entre eux
considèrent que le problème, c'est la non-disponibilité
des films. Vous savez sans doute que, maintenant, devant la commission sur les
pratiques restrictives du commerce, Cinéplex demande l'émission
d'une ordonnance concernant la disponibilité des films. Je lis, par
exemple, une intervention qui a été faite par un exploitant qui
disait ceci: II y a un très grand contrôle, sinon un
contrôle exclusif, sur la distribution des films dans les
ciné-parcs, les cinémas indépendants. Il signalait qu'il
en était malheureusement rendu à accepter des films qui ont
déjà passé à la télévision, que cela
ne pouvait plus durer, que cette concentration n'était pas possible et
qu'il demandait au ministère d'intervenir pour démocratiser le
réseau de distribution de films.
M. Laurent: II y a une chose qui est fondée dans ce que
vous dites - en fait, ce n'est pas vous qui le dites, c'est cet intervenant -
c'est qu'il est vrai que, dans les régions périphériques,
il peut y avoir non-disponibilité de certains films, parce que le
distributeur servira d'abord le marché de Montréal et le
marché de Québec. Ce n'est pas vrai simplement des "majors",
c'est surtout vrai de nos cousins français, il ne faut jamais les
oublier. Eux, ils nous envoient cela à la petite pièce, une copie
de "Martin Guerre" pour Montréal. Québec? Venez le voir à
Montréal si vous voulez le voir.
Mme Harel: On va avoir l'occasion d'y revenir avec les
exploitants. Je termine là-dessus. Dans cette étude
réalisée sur les délais de distribution...
M. Laurent: Cela a été réalisé pour
le compte de qui, cette étude?
Mme Harel: ...par CEGIR...
M. Laurent: Cela a été réalisé pour
le compte de qui, madame?
Mme Harel: Pour l'institut québécois; mais est-ce
que cela la met en cause pour autant?
M. Laurent: Non, non. C'est parce que je ne savais pas...
Mme Harel: Je pense que vous conviendrez avec moi qu'elle a
été faite sur une base professionnelle. On concluait, au fait,
qu'il y avait ces délais, que, dans la majorité des cas, les
délais entre la version originale et la version française
à Montréal sont essentiellement des délais de distribution
et non de doublage. Techniquement parlant, il semble, par conséquent,
possible de réduire ces délais.
M. Laurent: C'est peut-être possible. Je vous ai dit qu'on
a fait des efforts. Mais je vous dirai, quant à la consistance ... Je ne
veux absolument pas mettre en doute la valeur professionnelle de ce rapport. Je
ne l'ai pas vu, je n'ai pas eu le temps d'en prendre connaissance, ni moi ni
personne de ceux qui sont avec moi. Je viens de demander à M. Hurtubise
qui est avec moi si la société CEGIR, dans toute son
impartialité, l'a consulté. C'est un des gros distributeurs de
films et il ne l'a jamais vu.
Mme Harel: Est-ce que vous voulez connaître la
méthodologie de l'étude?
M. Laurent: Non, non, je le lirai.
Mme Harel: Parce qu'il n'aurait pas nécessairement besoin
de consulter...
M. Laurent: Ah! Bien cela...
Mme Harel: ...compte tenu de la méthodologie qui a
été utilisée.
M. Laurent: Je n'ai pas eu l'occasion de le lire. Je ne peux pas
y répondre.
Le Président (M. Paré): Est-ce que vous avez
terminé?
Mme Harel: C'est tout, M. le Président.
Le Président (M. Paré): La parole est maintenant
à Mme la députée de Chomedey.
Mme Bacon: Très rapidement, M. le Président,
j'aimerais quand même faire remarquer qu'on pourrait souvent
éviter certains problèmes ou certaines confrontations quand il y
a une meilleure consultation, si on veut vraiment qu'un projet de loi
réponde à la demande du milieu. On s'aperçoit ici que
votre milieu, en tout cas, n'a pas demandé certains des articles de la
loi.
J'aimerais beaucoup demander au ministre - on parle beaucoup
d'exploitation et de distribution de films - quelles sont les sommes
consacrées par l'Institut québécois du cinéma
depuis sa fondation, au secteur de l'exploitation et au secteur de la
distribution? Est-ce que vous pouvez fournir aux membres de la commission les
sommes qui sont consacrées?
M. Richard: Madame la députée de Chomedey, ces
sommes apparaissent dans les rapports annuels de l'Institut
québécois du cinéma. Je pourrai vous remettre le rapport
pour le dernier exercice financier de l'Institut québécois du
cinéma.
Mme Bacon: Est-ce qu'on exige des rapports des gens à qui
l'on remet ces sommes, soit pour l'exploitation et pour la distribution?
M. Richard: Je m'excuse, Madame la députée de
Chomedey.
Mme Bacon: Est-ce qu'on exige des rapports, du secteur de
l'exploitation et du secteur de la distribution, de ceux à qui l'on
remet des sommes?
M. Richard: J'imagine que l'institut exige des rapports...
Mme Bacon: ...dans les deux cas.
M. Richard: ...dans les deux cas. J'ai les chiffres ici pour cinq
années, dans le rapport de l'Institut québécois du
cinéma; pour l'exploitation; de 1977 à 1982, c'est 658 744 $, et
pour la distribution, c'est 2 084 000 $.
Mme Bacon: Est-ce qu'on a accès à ces
rapports-là? Est-ce qu'il y a possibilité...
M. Richard: Oui, oui, c'est le rapport public, madame la
députée de Chomedey, et je peux vous remettre
immédiatement celui-ci.
Mme Bacon: Non, non, ce n'est pas tellement celui-là.
Est-ce qu'on peut consulter les rapports des exploitants, par exemple, de ceux
qui font l'exploitation et de ceux qui font la distribution?
M. Richard: Oui, il n'y a pas de problème
là-dessus.
Le Président (M. Paré): La parole est maintenant
à M. le député de Châteauguay.
M. Dussault: Merci, M. le Président. Me Laurent, au tout
début de son exposé, nous a parlé de l'attitude des
"majors" et il nous a dit en particulier qu'ils avaient favorisé
Montréal parce qu'ils avaient fait en sorte que les films en version
anglaise sortent à Montréal en même temps qu'à New
York et dans les autres villes des États-Unis. C'est la
réalité puis, effectivement, je pense qu'il y a lieu de remercier
les "majors" pour avoir favorisé Montréal de la sorte. L'ont-ils
fait par générosité, pour nos beaux yeux, ou parce qu'il y
a un marché ici?
M. Laurent: Les "majors", ce sont des hommes d'affaires qui sont
à la fois généreux, qui aiment les beaux yeux et qui
recherchent les marchés.
M. Dussault: C'est une réponse habile, mais j'ai cru
comprendre, à travers vos propos, qu'il s'agissait d'un marché.
Est-ce que le marché québécois est un marché
important ou négligeable, à votre point de vue?
M. Laurent: Ce n'est pas un marché ni important, ni
négligeable, c'est sûrement un marché agréable. Je
ne veux pas jouer sur les mots. Comme je vous l'ai dit, c'est un marché
de 13 000 000 $, au cours des dernières années, qui n'est ni
croissant ni décroissant. Je vous soulignerai, pour être encore
plus précis, que comme c'est un marché qui est un peu en
décroissance et qu'eux, leur part en dollars est constante, il est
normal de présumer qu'ils s'approprient peut-être un peu plus
d'oeuvres en distribution. En dollars, c'est fixe à 13 000 000 $ par
année depuis trois ou quatre ans.
M. Dussault: Alors, compte tenu qu'on nous a dit tout à
l'heure qu'on s'est donné la peine de traduire, de doubler "Slap shot"
en québécois parce que c'était utile ici, on a donc
dépensé de l'argent en double pour ce faire. De vos propos je
peux comprendre qu'à travers les événements le
marché québécois
est un marché attrayant. Le moins qu'on puisse dire, c'est un
marché attrayant. Est-ce qu'on peut penser qu'il va le rester,
attrayant, après la loi 109, M. Laurent?
M. Laurent: Pas pour eux, parce qu'eux ne seront plus ici. Ils ne
feront plus affaires ici.
M. Dussault: Je parle des "majors", là.
M. Laurent: Les "majors" ne seront plus ici.
M. Dussault: Les "majors", les compagnies américaines qui
produisent des films intéressants, des films attrayants, des films du
même genre, qui ont intéressé les Québécois
depuis de nombreuses années et qui vont quand même continuer
à intéresser encore les Québécois. Donc le
marché va être encore là. Alors, ce film qui est produit
aux États-Unis, il va encore être disponible. C'est ça que
je voudrais savoir. Est-ce que la loi 109 va faire en sorte que ce
film-là ne sera plus disponible?
M. Laurent: Monsieur, je vais vous répondre de la
façon suivante. Dans le moment, les "majors", puis depuis toujours,
n'ont jamais boycotté le Québec, au contraire. Ils ont toujours
distribué leurs films ici.
M. Dussault: D'accord, je vous remercie.
M. Laurent: ...avec plaisir et empressement.
M. Dussault: Je vous remercie, vous me rassurez.
M. Laurent: ...là on leur dit...
M. Dussault: ...on aura donc encore droit...
M. Laurent: Ah! non, non, non. Vous me comprenez mal,
monsieur.
M. Dussault: ...à ces films-là. Et, s'il arrivait
qu'il y avait quelque réticence, il y aura sans doute moyen de combler
les lacunes par du film québécois qu'on va valoriser
dorénavant encore plus, par du film étranger qu'on nous aura
traduit en français, parce qu'il y a de plus en plus de goût, chez
les Québécois, pour voir ces films. Je pense aux films polonais,
entre autres, des films extraordinaires. Maintenant qu'on a la
possibilité de les avoir aussi doublés ici, je suis convaincu
qu'il y aura, s'il y a des lacunes - je suis sûr qu'il n'y en aura pas
-on trouvera le moyen de les combler. Mais j'ai bien compris, à travers
vos propos, que le marché québécois est un marché
attrayant, intéressant et que ceux qui produisent aux États-Unis
trouveront un intérêt à nous en refiler encore. À ce
moment-là vous me rassurez beaucoup, M. Laurent.
M, Laurent: Je ne veux pas vous rassurer, mais je voudrais donner
la parole à M. Hurtubise, de la "Universal", qui va vous dire quelles
sont les possibilités qui vont pouvoir se présenter à la
"Universal", si le projet de loi est adopté tel quel. M. Hurtubise
pourra vous répondre.
M. Hurtubise (Jean-Paul): De prime abord, j'ai été
avisé par Toronto que si le projet de loi était adopté tel
quel, on fermerait nos portes, tout simplement.
M. Laurent: De toute manière, on n'a pas le choix, M. le
Président. Quand on perd son permis d'exploitation, on s'en va. Il y a
peut-être d'autres façons de procéder. On y voit quand la
loi est adoptée et que les cendres sont retombées.
M. Dussault: Merci. J'ai terminé, M. le
Président.
Le Président (M. Paré): Est-ce que vous avez
terminé? Il y en a d'autres. La parole est maintenant au
député de Mille-Îles.
M. Champagne: Merci, M. le Président. Je me
réjouis, Me Laurent, de votre conclusion. Vous dites bien:
"L'association est d'avis que les objectifs poursuivis par le présent
gouvernement du Québec dans cette loi 109 sont très louables et
elle appuie le gouvernement dans la poursuite de ceux-ci." C'est bien comme
dispositions. Et vous ajoutez: "Toutefois, bien que l'association soumette
certaines modifications mineures..."
À la suite de votre exposé, il semble que ce ne soit pas
simplement des modifications mineures. C'est très gros ce que vous dites
ce matin, pour moi. Vous dites qu'on veut chasser les "majors", vous parlez
d'expulsion discriminatoire. Je ne sais pas si c'est de l'inflation verbale ou
un grossissement verbal, mais à la fois vous êtes en faveur de
notre position, de nos objectifs, et vous nous terrorisez par vos
dernières paroles: Nous, on ne visionnera plus ici, nous, on ne
distribuera plus ici. On est en ballant.
C'est bien sûr qu'il faut se donner des moyens. Il y a 5 000 000
de Québécois francophones au Québec et il y a 250 000 000
d'anglophones autour de nous. Pour conserver la culture française au
Québec, il faut se donner des moyens. Je regarde, pour garder la culture
canadienne, quels sont les moyens qu'on prend. Vous revenez toujours sur
l'article 97, qui est
semblable, presque mot pour mot, à la loi sur la radiodiffusion
fédérale. Ici, à l'article 97: "La Régie
délivre ou renouvelle un permis de distributeur à toute personne
(...) pourvu: "1° s'il s'agit d'une personne physique, qu'elle soit de
citoyenneté canadienne; "2° s'il s'agit d'une corporation avec
capital-actions, qu'au moins 80% des actions de son capital-actions..."
Je regarde ici la loi du CRTC. Pour avoir droit à la
radiodiffusion et à la télédiffusion des programmes
canadiens, premièrement, on exige un contenu canadien. Je ne sais pas si
c'est une entrave à la liberté, mais c'est une sauvegarde de la
culture canadienne comme telle. Et je vois ici: "Aux fins de la présente
directive, une société canadienne habile est une
société constituée en vertu des lois du Canada et d'une
province du Canada." Deuxièmement, le président et toute autre
personne agissant en qualité de président ainsi que chaque
administrateur ou autre membre de la direction sont citoyens canadiens.
Troisièmement, s'il s'agit d'une société ayant un
capital-actions dont au moins 4/5 des actions...
On arrive à peu près au même règlement pour
sauvegarder la culture canadienne; on veut garder les artistes canadiens, on
veut faire travailler les artistes canadiens. D'autre part, au Québec,
on veut garder, par le projet de loi, notre culture française, on veut
faire la promotion de notre culture française. On prend à peu
près les mêmes moyens et vous dites qu'il s'agit
d'ingérence de l'État. Vous criez au scandale.
Comment conciliez-vous la position du CRTC qui, pour garder la culture
canadienne, agit de telle façon? On prend à peu près les
mêmes moyens et vous êtes scandalisés. Vous nous comparez
à d'autres pays, au Mozambique entre autres. (12 h 45)
M. Laurent: Et à la Suisse, aussi, il ne faut pas
l'oublier. Brièvement, dans les conclusions de notre mémoire on
dit - je le répète - que "l'association est d'avis que les
objectifs poursuivis par la loi" sont très louables." Les objectifs sont
à l'article 3. Je l'ai dit, on l'a écrit et je
répète qu'on est parfaitement d'accord avec cela.
Deuxièmement, nous disons dans ce mémoire que
"l'association soumet certaines modifications mineures à la
rédaction du texte de quelques articles. Ce sont les articles 71, 75,
110 et 79. Vous avez oublié la dernière partie: "Elle demeure
totalement en désaccord avec l'article 97" dont on a surtout
parlé. Il est entendu que, lorsqu'on est sur le point de se faire
chasser, on n'a pas envie d'être d'accord avec le décret qui vous
expulse. On ne peut pas être d'accord avec cela. C'est impensable.
Je m'étonne que vous alliez recueillir dans les lois
fédérales des dispositions qui conviendraient à notre
situation au Québec. Cela m'étonne de voir cela. Je vous dirai,
sans vouloir jouer sur les mots, qu'il s'agit de deux domaines qui sont quand
même différents. La radio et la télévision ne sont
pas du tout - malgré qu'il puisse y avoir certaines ressemblances - une
question de distribution de films. Ce que je vous rappellerai, c'est que le
Canada, les États-Unis, la France, la Suède, l'Angleterre,
l'Espagne, le Portugal n'ont jamais adopté de telles dispositions pour
la distribution de films alors que ces pays peuvent - le Canada, on le sait;
pour la France, je suis sûr que c'est tout étatique la
radiotélévision ou en grande partie - étatiser - en
Angleterre, la BBC - ou nationaliser leur réseau de radio et de
télévision. La question qui nous préoccupe n'est pas une
question de radiotélévision, c'est une question de distribution
de pellicule.
M. Champagne: C'est aussi une question de protection de la
culture, de distribution de la culture. On joue peut-être sur les mots,
ici. Vous parlez, à un moment donné, de s'entendre avec le milieu
des distributeurs. Vous êtes capable de le faire à certaines
conditions et vous avez parlé de modalités. Est-ce qu'on pourrait
savoir ici, à cette commission, quelles seraient ces modalités
pour en arriver à un consensus qui serait acceptable?
M. Laurent: Oui, cela me fait plaisir que vous souleviez cette
question. Je l'ai dit tantôt et je vais le préciser. Il existe, en
vertu de cette loi, une disposition qui veut qu'un fonds de soutien soit
créé. C'est l'article 7. Je ne retrouve rien dans cette loi qui
fasse que les intervenants, particulièrement les distributeurs et les
exploitants, soient appelés à contribuer à ce fonds de
soutien. Je le dis au nom de l'association et j'espère que ce sera
retenu: L'association est tout à fait disposée à discuter
et à mettre sur pied un système, des modalités par
lesquelles les distributeurs contribueraient à un fonds de soutien du
cinéma. Ce n'est pas prévu dans cette loi. Il nous ferait plaisir
de discuter et d'accepter, en termes d'une négociation, les
modalités, mais cela n'est pas prévu. Vous conviendrez, M. le
député, que c'est assez difficile pour un groupe de
sociétés, un groupe d'individus - je représente un groupe
de sept sociétés -de discuter, de vouloir négocier quand
on a le couperet rendu presque au ras de la peau.
L'expulsion à l'article 97.2 - je ne peux pas jouer sur les mots,
M. le ministre, qui est avocat va vous le dire - veut dire: Allez-vous-en.
Quand on est dans cette situation, il est assez difficile de faire des
propositions avant d'y avoir réfléchi et, y
ayant bien réfléchi, je vous ai fait une proposition et
j'espère qu'elle sera retenue. Il y aurait d'autres modalités qui
pourraient être mises de l'avant et avec lesquelles les "majors"
pourraient bien vivre. En tout cas, ils pourraient tout au moins contribuer
d'une autre façon qu'une contribution au fonds de soutien. Il pourrait y
avoir des modalités de réciprocité dont on parle tellement
dans le rapport Fournier, la réciprocité d'échange de
produit. Quant à M. le ministre, je vais répondre tantôt
très brièvement à tout ce qu'il m'a dit.
Mme la députée de Maisonneuve m'a souligné qu'il y
avait eu de grandes pièces québécoises qui n'avaient
jamais été distribuées aux États-Unis. J'ai
souligné que les producteurs, les propriétaires de ces oeuvres,
ceux qui avaient des droits sur ces oeuvres n'ont pas semblé juger
utile, ni opportun, de faire affaires avec les distributeurs américains.
S'ils l'avaient fait, peut-être que leurs films auraient
été distribués. Il n'y a rien qui nous empêche
d'établir des modalités de réciprocité par
lesquelles les "majors" s'engageront à distribuer dans leur pays, les
États-Unis, et dans les autres pays où ils font affaires certains
des produits québécois. Faites des propositions,
établissez des modalités et il me sera agréable d'en
discuter.
M. Champagne: II y avait un autre élément. Il y a
des ententes internationales qui arrivent sur certains sujets. Voici ce qu'on
dit: Si vous voulez avoir un contrat, vous devez avoir un genre de succursale
dans notre pays, comme Bombardier doit en avoir une à Barre, au Vermont;
Bombardier a investi et elle a droit à certains contrats. Je ne veux pas
aller dans tous les détails. Est-ce que les "majors" ne pourraient pas
faire en sorte qu'ils aient un genre de "succursale", non pas dans le sens
péjoratif du mot, je le mets bien entre guillemets? Est-ce que ce serait
quelque chose de pensable que les "majors" aient - appelons cela ainsi pour se
comprendre - une succursale ici au Canada ou au Québec qui ferait la
distribution de leurs films?
M. Laurent: Les "majors" ont tous les sept, dans le moment, leur
siège social ou bureau d'affaires à Toronto. Ils ont des bureaux
d'affaires à Montréal. Ce qu'on veut, par cette loi, c'est que,
pour le Québec, ils ne pourraient plus y faire affaires. Dans le moment,
M. Hurtubise travaille à Montréal, il a du personnel, il s'occupe
de ses films à partir du boulevard Saint-Laurent à
Montréal, il paie ses taxes.
M. Champagne: Je m'adresse à M. Hurtubise: En quoi cela
changera-t-il, avec l'article 97, du jour au lendemain votre distribution? Je
voudrais savoir cela. Si vous êtes ici, en quoi cela changera-t-il votre
distribution? Est-ce que, du jour au lendemain, il n'y aura plus de films? Vous
en distribuerez encore, vous serez encore à Montréal.
M. Hurtubise: Vous voudriez qu'on soit à 80% canadien. La
compagnie n'est pas à 80% canadienne. Alors, vous voudriez qu'on soit
à 80% canadien ici, mais qu'ils me donnent leurs films.
M. Champagne: Est-ce impensable?
M. Hurtubise: Je crois que c'est quelque chose d'impensable.
M. Champagne: Mais pourquoi est-ce impensable?
M. Hurtubise: II faudra que je leur donne une garantie, si je
veux avoir la distribution des films Universal.
M. Champagne: Et vous ne voulez pas l'entreprendre?
M. Hurtubise: Cela peut coûter 1 000 000 $ ou 1 500 000 $,
je ne le sais pas.
M. Champagne: Est-ce une question financière ou une
question de principe?
M. Hurtubise: C'est une question financière, certainement,
qui serait à discuter au préalable.
M. Champagne: Alors, cela veut dire qu'il y aurait des avenues
possibles.
M. Hurtubise: Peut-être. Je ne le sais pas. Quant à
moi, je suis gérant de la succursale au Québec, j'ai un patron
qui est gérant général à Toronto. C'est à
lui qu'il faudrait demander la réponse.
M. Champagne: Oui. Alors, M. Hurtubise, je vous remercie, ainsi
que M. Laurent. Je pense qu'on s'aperçoit qu'il y a quand même des
avenues possibles et je m'en réjouis.
Le Président (M. Paré): Sur le même sujet, M.
le député de Saint-Jean.
M. Proulx: Dans la même voie que le député de
Mille-Îles, les "majors" ont combien d'employés à Toronto
et combien d'employés à Montréal à peu près,
en chiffres ronds?
M. Laurent: En chiffres ronds: à Toronto, une centaine et
à Montréal, vingt-cinq.
M. Richard: M. le Président, je voudrais faire deux
observations supplémentaires. À la page 23 de votre
mémoire, Me Laurent vous signalez que l'alinéa 3 de l'article 79
risque de briser la carrière en première exclusivité de
certains films davantage appréciés par la clientèle
anglophone. Vous mentionnez, d'ailleurs, quelques titres que vous qualifiez de
succès auprès de cette clientèle. C'est à la page
23 de votre mémoire. Vous mentionnez "Personal Best" et "Man from Snowry
River". Pourtant, les informations que j'ai pu obtenir m'indiquent que
"Personal Best" avait tenu l'affiche 56 jours en première
exclusivité à Montréal et "Man from Snowry River", 63
jours, c'est-à-dire qu'à trois jours près ces films que
vous citez comme des succès importants - je le répète -
n'auraient pas été gênés par l'article 19.
M. Laurent: Non.
M. Richard: Vous le reconnaissez. J'en déduis que
l'article 79, troisième alinéa, s'il ne nuit pas à ces
deux "succès" - c'est vous-mêmes qui les qualifiez de
succès - nuiraient encore moins à des films de qualité
inférieure ou dont le succès est moindre. Vous êtes
d'accord avec cela, n'est-ce-pas?
Me Laurent, une autre observation. Vous dites dans votre mémoire
que les "majors" sont de bons citoyens corporatifs et font des efforts pour
amener les versions françaises au Québec. Vous avouez
réaliser un chiffre d'affaires de 13 000 000 $. En même temps, ce
qui m'étonne, si on prend l'exemple de "E.T.", dont les recettes-guichet
brutes ont été de 4 700 000 $, c'est que vous n'ayez pas
été disposés à payer 45 000 $ pour en faire le
doublage au Québec. Les recettes-guichet au Québec de "E.T.", 4
700 000 $ et ce n'est pas terminé. Il en aurait coûté 45
000 $ pour faire faire un doublage au Québec pour respecter la
clientèle cinéphile québécoise. J'ai de la
difficulté à réconcilier...
M. Laurent: Personnellement, sans consulter personne, je trouve
que cela aurait été un très bon investissement d'investir
45 000 $, mais la question, ne la posez pas à la mauvaise personne,
à Jacques Laurent ou à l'association; posez-la à
Spielberg. Appelez-le et demandez-lui s'il était intéressé
à faire faire son doublage au Québec.
M. Richard: Maintenant, Me Laurent...
M. Laurent: Ou ailleurs, d'ailleurs, en Suisse, en Belgique, en
Espagne.
M. Richard: ...je voudrais vous rappeler qu'il y a quatre ans le
gouvernement du Canada a - pour utiliser votre expression puisque c'est
manifestement votre expression préférée - expulsé
Time Magazine. Je continue toujours depuis lors - cela fait quatre ans je
crois, quatre ou cinq ans - à lire de façon hebdomadaire Time
Magazine, expulsé méchamment par le gouvernement
fédéral. Je voudrais vous rappeler en terminant, puisqu'il est
maintenant treize heures, qu'aux États-Unis le système de
distribution est fort différent et surtout que la législation et
les arrêts des tribunaux interdisent l'intégration verticale et
que vous ne pourriez pas faire aux États-Unis ce qui est fait au
Québec.
En terminant, Me Laurent, je ne peux pas résister à la
tentation de citer une fois de plus Montesquieu qui, dans L'esprit des lois, a
dit: "Entre le fort et le faible, c'est la liberté qui opprime et le
droit qui affranchit".
M. Laurent: M. le Président, vous me permettrez...
Le Président (M. Paré): Étant donné
qu'il est 13 heures et que, selon notre règlement, on doit suspendre
jusqu'à 15 heures, j'aurais besoin du consentement pour qu'on puisse
terminer l'audition du présent mémoire. Il y a deux autres
intervenants qui ont demandé la parole. Est-ce que j'ai le consentement
unanime pour qu'on puisse poursuivre?
Des voix: Oui.
Le Président (M. Paré): Oui. Les travaux sont
poursuivis. Voulez-vous commenter tout de suite?
M. Laurent: Je vais garder tout cela pour la fin.
Le Président (M. Paré): La parole est maintenant au
député de Saint-Henri.
M. Mains: J'ai une toute petite question, Me Laurent. Les
propriétaires de salles de cinéma, disons dans les environs, dans
les périphéries surtout, et de ciné-parcs se plaignent
énormément de ce temps-ci - on a entendu des plaidoiries
là-dessus - du manque de ressources en films. Ils sont condamnés,
nous disent-ils, à ne projeter que des films pornos. Je ne vous accuse
pas. Vous avez le dos large, mais je ne vous accuse pas du tout. Pourriez-vous
nous dire qui, vraiment, est responsable? Cela a l'air que plusieurs vont
fermer leurs portes, si la chose continue.
M. Laurent: Je vais demander à M. Hurtubise, qui est
familier avec ces questions, de vous répondre. (13 heures)
M. Hurtubise: On parle de films à grand succès. On
parle de deux, trois et
peut-être, au maximum, de quatre films par année. Alors, ce
sont ces quatre films qui vont faire la différence entre rester ouvert
ou fermer. Parce que même un film à succès, pour être
présenté dans ces endroits. Ce serait assez limité parce
qu'il y a des films qui sont présentés à Montréal,
comme on l'a dit, pour certaines raisons avec le système de son "dolby".
Ils prennent l'affiche et ces petits cinémas ne sont pas
équipés. Cela dure assez longtemps et on s'en va en province avec
les autres copies. Comme je vous le dis, ce sera toujours la même chose.
Ce sera pour trois ou quatre gros films par année. Les autres sont
accessibles.
Le Président (M. Paré): Merci. Étant
donné qu'il n'y a plus d'intervenant, puisqu'on vient de me dire que
l'on retire l'autre question, est-ce que vous aviez des commentaires pour
terminer?
M. Laurent: Oui, brièvement. Cela me fait de la peine que
M. Richard soit parti et qu'il ne puisse pas en prendre connaissance.
Le Président (M. Paré): C'est une question de
quelques secondes.
M. Hains: J'en profite pour vous dire merci de votre
intervention, au nom de l'Opposition.
M. Laurent: Je vais être très bref pour
répondre aux propos de M. le ministre, Clément Richard. Dans sa
première intervention, il m'a souligné avec justesse que j'avais
négligé de compléter la lecture du troisième
paragraphe de la page 98 du rapport Fournier. Je ne l'ai fait ni
volontairement, ni involontairement. Je me suis arrêté là,
quant à moi, et je me pose encore la question sur la pertinence de ces
propos, puisque M. Richard me dit: II faut comprendre que cette
réciprocité ne peut s'exercer que si elle repose sur le
contrôle de son marché intérieur. C'est bien dit ici. Je
dis simplement en réponse - je ne veux pas poser de question et
éterniser le débat -que j'aimerais connaître des exemples
de pays du monde occidental qui ont le contrôle de leur propre
marché intérieur par l'effet d'une disposition semblable à
celle de l'article 97. Je n'en connais pas.
Je vais répondre tout de suite à sa question. M. le
ministre nous citait le cas de la Suisse où il y a des contingentements.
Bravo pour les contingentements, mais les distributeurs américains, la
Fox, la Columbia, la Paramount, n'ont jamais été expulsés
de la Suisse. Elles font encore des affaires là. Il peut y avoir des
règles de contingentement. Ce n'est pas cela qu'on nous propose
aujourd'hui. C'est la porte qu'on nous propose. Il y a une marge entre un
contingentement et l'expulsion.
Deuxièmement, on a parlé à flots de colonisation.
M. le ministre nous a rapporté les paroles remarquables de M. Nadeau. Je
répondrai par la bouche de M. Nadeau à M. le ministre. M. Nadeau,
le 23 février, disait: "Le ministre des Affaires culturelles a fort mal
engagé le débat en annonçant très
sérieusement hier vers 14 heures la fin du colonialisme des gens de Los
Angeles et de Toronto qui choisissent les films présentés au
Québec." Il continue, du côté droit de son editorial: "Mais
les étrangers sont-ils entièrement responsables des malheurs du
cinéma québécois?" Ce n'est pas moi qui ai écrit
cela. C'est M. Nadeau qui se répond.
Sur la distribution des films québécois de qualité
dont on a parlé - la qualité, c'est quelque chose d'assez
subjectif, malheureusement - je répondrai, M. le ministre, comme je l'ai
fait à Mme la députée de Maisonneuve, que les oeuvres
citées n'ont jamais été cédées pour
distribution à des distributeurs américains. Pour ceux qui ont
osé - on peut dire oser - qui ont daigné s'adresser aux
distributeurs américains, comme Denis Héroux pour faire
distribuer ses films, ils les ont distribués avec plaisir, avec
empressement et avec profit.
Vous me parlez du Time Magazine. Je n'ai pas connaissance de la loi.
J'ai connaissance de ce qui s'est fait. On pourrait les comparer longuement
comme on pourrait parler des lois sur la radio et la
télédiffusion. Mais je sais une seule chose, M. le ministre: tout
ce que cela m'a fait perdre - moi aussi, cela fait quinze ans que je lis le
Time - c'est qu'avant, au moins, on avait une section qui portait sur les
affaires canadiennes et qu'aujourd'hui on n'en a plus. Je ne sais pas ce que
cela a donné. Moi, cela m'a fait perdre quatre pages, parce qu'il y
avait quatre pages dans le Time Magazine toutes les semaines qui portaient sur
les questions canadiennes. C'est fini. On en a une page par... La
dernière fois, on a parlé de la campagne des conservateurs. On
parle de nous autres...
M. Richard: On l'a dans les pages internationales maintenant.
M. Laurent: C'est ça. Une fois par deux mois. D'ailleurs,
je me demande si c'est le modèle qu'on recherche. Peu importe, ce sont
les réponses que je voulais donner à M. le ministre, aux propos
qu'il avait tenus. Je soulignerai, en terminant, que nous n'avons pas, lors de
conversations ou d'autre façon, demandé ou exigé de statu
quo sur l'ensemble de la situation. Au contraire, notre mémoire
fourmille de louanges, de termes avec lesquels nous sommes d'accord. On vous a
dit qu'on était d'accord, qu'on était plus que d'accord avec le
système de billetterie. On vous a dit qu'on était d'accord avec
un contrôle de la vidéo, qu'on
était d'accord avec une foule de nouvelles dispositions. Il est
normal, M. le ministre, qu'on ne soit pas d'accord avec le fait de recevoir un
billet d'expulsion, un billet aller seulement vers New York; on ne peut pas
être d'accord avec ça.
M. Richard: M. le Président, pour clore cette discussion
qui a été, je pense, intéressante, je voudrais simplement
rappeler ceci: Nulle part ailleurs dans le monde il n'y a, comme au
Québec, ce monopole de la distribution et de l'exploitation des salles,
même pas aux États-Unis où cela serait interdit.
Je voudrais rappeler que mon homologue, le ministre de la culture de
France, est en train d'adopter des dispositions réglementaires pour
casser les monopoles français de distribution, pas les monopoles
étrangers, les monopoles français de distribution. Puisque Me
Laurent a cité Michel Nadeau, moi aussi, je voudrais le citer pour lui
rappeler qu'il y a à peine quelques semaines non seulement il
n'était pas question pour les "majors" de faire quelque couverture que
ce soit, mais on passait des accords de distribution avec les grands
distributeurs français pour faire en sorte que le Québec devienne
complètement, y compris pour la distribution de films français,
le "domestic market" américain.
Je ne sais pas si le débat a été mal engagé,
je ne sais pas si la loi ou le projet de loi est si mauvais, mais je constate
que, depuis qu'il y a un projet de loi, on a des "majors" devant nous qui se
disent disposés à ne plus étendre leur monopole en passant
des accords de distribution au Québec, même pour les films
français. On a enfin des "majors" américains qui se disent
disposés à composer. Il me semble que cela témoigne du
fait que le débat était fort bien engagé. Je vous
remercie, M. le Président.
Le Président (M. Paré): Alors, M. Laurent, mesdames
et messieurs, merci beaucoup de votre présentation, du temps que vous
avez consacré à la commission. À la suite d'une entente
entre les deux partis, contrairement à ce que l'on retrouve dans les
règlements, étant donné aussi la quantité de
mémoires que nous avons à recevoir aujourd'hui, les travaux
reprendront à 14 h 30 au lieu de 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 09)
(Reprise de la séance à 14 h 55)
Le Président (M. Paré): À l'ordre, s'il vous
plaît! Mesdames et messieurs, la commission parlementaire des affaires
culturelles reprend ses travaux dans le but d'entendre les personnes et les
organismes en regard du projet de loi no 109, Loi sur le cinéma et la
vidéo. Nous allons poursuivre cet après-midi l'audition des
mémoires. À la suite d'une entente survenue entre les organismes
que je vais nommer et aussi d'un commun accord de la part des deux partis, il
va y avoir une présentation commune pour les groupes suivants:
ciné-parc Sainte-Adèle, les cinémas Astre Paradis et
Mascouche, cinéma Oméga, ciné-parc Viau et
ciné-parc Saint-Eustache. Le premier intervenant sera M. Jacques Blain -
ciné-parc Sainte-Adèle -que j'inviterais, à mesure qu'ils
prendront la parole, à nous présenter les intervenants et les
groupes qu'il représente. La parole est à vous, M. Blain.
Exploitants indépendants
M. Blain (Jacques): Je vous remercie, M. le Président. M.
le ministre, MM. les membres de la commission, je m'appelle Jacques Blain. Je
pense que le président l'a dit tantôt. M'accompagnent aujourd'hui,
M. Guzzo, à ma gauche, M. Gabbamonte et M. André Monette,
à ma droite. Nous représentons un groupe de six exploitants
indépendants qui possèdent 21 écrans au Québec. Je
vais faire un peu l'historique et dire pourquoi nous nous sommes
regroupés aujourd'hui. Les exploitants faisant partie de notre groupe
avaient présenté individuellement des mémoires
auprès de la commission et se sont quelque peu ravisés par la
suite. Ils ont déposé un addenda à tous ces
mémoires qui avaient été présentés de
façon individuelle. Les positions qui y sont défendues sont
communes à tous les exploitants. L'addenda a été
déposé dans le but de permettre aux législateurs d'avoir
une idée plus précise sur ce qu'on veut plutôt que des
solutions divergentes.
Nous aimerions tout d'abord vous relire quelques passages des
mémoires qui avaient été présentés par les
exploitants. Je ne serai pas le porte-parole exclusif du groupe. Les gens avec
moi liront à tour de rôle certains passages des mémoires
qui avaient été présentés et, par la suite, je vous
présenterai mon addenda.
En premier lieu, je tiens pour acquis que les membres ont
déjà pris connaissance des mémoires qui ont
été déposés, mais j'aimerais tout de même
relire certains passages du mémoire qui a été
déposé par M. Angelo Guzzo. Plus particulièrement en page
2, M. Guzzo dit: Deux grands circuits d'exploitation dans le domaine du
cinéma s'assurent présentement l'exclusivité de tous les
films susceptibles d'avoir un certain succès. L'exclusivité des
meilleurs films étant donc réservée à ces deux
grands circuits, le propriétaire indépendant doit souvent
attendre pendant plusieurs mois afin de pouvoir obtenir un film à
succès. Il faut toujours attendre que ces deux entités en
aient terminé de façon définitive avec le film
avant de pouvoir le faire tourner dans sa salle de cinéma. Cette
situation est inacceptable.
Je voudrais rappeler aux membres de la commission que, ce matin, il a
été question d'un problème de salle pour distribuer les
films. Selon nous, c'est un faux problème, parce qu'on revendique
l'accessibilité aux films.
Un autre passage du mémoire de M. Guzzo, à la page 4: En
1975, je me suis, en quelque sorte, affilié à France Film que
j'avais réussi à intéresser à la
présentation de quelques films en primeur au cinéma Paradis. Les
résultats que je comptais obtenir de cette affiliation ne furent pas
aussi importants que je le croyais, puisque France Film connaissait elle aussi
à cette époque certaines difficultés. Ainsi,
l'approvisionnement de longs métrages à succès continuait
et continue toujours d'être très limité. Par
conséquent, en 1977, dans le but de rendre le cinéma Paradis plus
rentable, j'ai décidé de le doter de deux salles de projection de
plus. J'ai investi dans ce projet 340 000 $ et je n'ai jamais réussi
à y trouver mon profit.
Par la suite, j'ai contacté un des grands circuits d'exploitation
à plusieurs reprises afin de le convaincre de faire la programmation du
cinéma Paradis. Enfin, à l'été 1979, le circuit en
question a accepté ma proposition. Ainsi, je payais à cette
dernière 500 $ par semaine et ce, dans l'unique but de pouvoir
présenter de bons films susceptibles de rapporter les profits
escomptés et de satisfaire le plus grand nombre de clients possible.
Effectivement, durant les cinq premières semaines de janvier 1980, mon
chiffre d'affaires brut fut de 65 000 $, alors que durant les cinq
premières semaines de janvier 1981 mon chiffre d'affaires brut ne fut
que de 25 000 $, mon association avec ce circuit étant terminée
à cette époque. (15 heures)
À la fin de 1979, j'ai acheté le cinéma de
Mascouche et j'ai conclu avec le même circuit une entente semblable
à celle que j'avais contractée pour le cinéma Paradis
concernant la programmation. Je payais, évidemment, une somme
additionnelle de 400 $ par semaine à cette fin. Cette entente me
permettait non seulement de faire un gros chiffre d'affaires et d'attirer
beaucoup de clients, mais elle me permettait aussi de satisfaire toute la
population environnante. Malheureusement, l'accord avec ce circuit se
révéla d'assez courte durée. En effet, lorsque le circuit
fit l'acquisition de deux ciné-parcs, il se désintéressa
totalement des 900 $ par semaine que je lui versais. La programmation pour le
compte des cinémas Mascouche et Paradis se révéla,
dès lors, beaucoup moins raffinée, parfois même
inexistante. D'un commun accord, nous avons donc brisé ce contrat.
Je réfère la commission à la page 8 du même
rapport où il est intéressant de lire ceci à propos de
"E.T.", puisqu'il en a souvent été question devant cette
commission. "J'ai réussi a obtenir le film "E.T.", qui joue
présentement en anglais dans un de mes cinémas, à
Mascouche. Cependant, je ne peux absolument pas présenter ce film dans
une de mes salles de cinéma à Montréal, puisqu'il joue
actuellement dans différents cinémas appartenant à un des
grands circuits. Je tiens à vous souligner qu'il existe actuellement, en
versions anglaise et française, environ 35 copies de ce film. "Enfin, au
cours du mois de juillet 1982, le distributeur du film "La maison du lac" m'a
contacté afin de m'offrir deux copies de ce film, le grand circuit
d'exploitation qui l'avait joué dans ses cinémas ayant
décidé qu'il en avait terminé. Mon acceptation de ces
copies ayant été confirmée, j'ai donc assumé le
coût de la publicité dans les journaux, pour me faire aviser
dès le lendemain, par le distributeur, que le grand circuit en question
avait changé d'idée. En conséquence, j'ai dû fermer
deux de mes salles à défaut de pouvoir programmer un autre film
en temps utile. "Quelque temps auparavant, le film "L'enfant lumière"
m'avait également été retiré à la
dernière minute, parce qu'il a dû rejouer dans un cinéma
appartenant à un des grands circuits d'exploitation où il avait
déjà tourné une première fois."
Je vous prie de retenir que les exemples qui précèdent ne
sont que quelques cas d'espèce qui reflètent une situation
à laquelle nous, les propriétaires de cinémas
indépendants, devons faire face quotidiennement. Nous sommes en fait
tenus d'oeuvrer dans un milieu de contrainte et d'engagements brisés.
Par exemple, actuellement je ne peux annoncer dans les journaux
montréalais le film "E.T.", qui joue dans l'une de mes salles, à
Mascouche, puisque ce même film est présenté en même
temps à Montréal par un des grands circuits. De plus, il arrive
régulièrement que les distributeurs nous promettent des films
pour se décommander à la dernière minute en faveur des
deux plus gros exploitants de salles.
Comme vous pouvez le constater, l'accès aux bons films est
actuellement inexistant pour le propriétaire de cinéma
indépendant. Il n'est pas normal qu'un exploitant indépendant ne
puisse présenter, en même temps que les grands circuits
d'exploitation, un long métrage recherché par le public.
L'indépendant, par l'entremise du distributeur, se voit continuellement
obligé de prendre les restes des deux grands et, si cette situation
persiste, les indépendants vont tous fermer leurs portes.
Je vous reporte à la page 11. J'aimerais vous lire un autre
extrait: "II ressort clairement de l'article 3.3 du projet de loi qu'un des
objectifs prioritaires de cette loi est le développement d'entreprises
québécoises indépendantes et financièrement
autonomes dans le domaine du cinéma et de la vidéo. Bien entendu,
cette politique alimente les espoirs des exploitants indépendants, mais
force m'est de constater que les dispositions de ce projet de loi ne comportent
aucune solution utile à rencontre des problèmes précis
déjà exposés et contre lesquels nous devons lutter. En
effet, il appert que cet objectif a été négligé en
ce qui a trait aux propriétaires de salles de cinéma
indépendants."
J'aimerais vous lire deux petits commentaires à propos d'autres
articles du projet de loi. Si je comprends bien la portée de l'article
79 du projet de loi, en exigeant la présentation simultanée d'une
version française et anglaise d'un film dont la langue est autre que le
français, celui-ci aurait, entre autres, pour effet de mettre à
la disposition des exploitants un plus grand nombre de copies de films.
À première vue, je pourrais émettre l'hypothèse que
les propriétaires indépendants bénéficieront de
cette innovation. Par ailleurs, je suis d'avis qu'il en résulterait
simplement qu'un plus grand nombre de copies de films seraient mises à
la disposition des grands circuits et ce, à défaut de mesures
législatives, prévoyant une distribution équitable de
copies parmi tous les exploitants.
 propos de l'article 107, l'article 107 du projet de loi
régissant les ententes entre exploitants et distributeurs et
prévoyant une réglementation minimale sur le pourcentage de la
recette brute réservée à chacun n'incitera pas non plus,
à notre avis, les distributeurs à cesser de favoriser les grands
circuits au détriment des exploitants indépendants.
En guise de conclusion - à la page 16 -messieurs, mesdames les
membres de la commission, nous réitérons qu'il n'est pas normal
qu'un propriétaire de cinéma indépendant ne puisse
présenter en même temps que les grands circuits d'exploitation un
long métrage recherché par le public.
J'aimerais vous lire également la conclusion du mémoire
qui a été présenté par M. Jean-Guy Mathers, du
ciné-parc Saint-Eustache, qui s'exprime ainsi. C'est à la page 2
du mémoire de 2 pages: "Nous espérons que nous saurons vous
convaincre que les lois doivent être changées afin d'abolir ce
pouvoir abusif de monopole que détiennent ces grandes corporations et
pour redonner aux compagnies indépendantes le loisir d'entrer dans la
compétition avec des chances plus équitables."
J'aimerais céder la parole à M. Gabbamonte qui vous lira
son court mémoire.
M. Gabbamonte.
M. Gabbamonte (Sam): Bonjour, M. le ministre, M. le
Président et autres membres de la commission, les médias ont
consacré beaucoup de temps et d'espace, ces derniers mois, au
phénomène cinématographique de la décennie: "E.T."
On parle souvent de "E.T.", à ce qu'il semble.
Un public retrouve le chemin des salles en nombre jamais vu, des
recettes records, le "pop corn" se vend à la tonne, le coke coule
à flot. Un entrefilet du journal La Presse signale que même les
municipalités profitent de cette manne inattendue par le biais de la
taxe d'amusement. Une bonne affaire pour le cinéma! Je devrais
plutôt dire pour les circuits des salles, car dans la situation actuelle,
les propriétaires indépendants qui ont le malheur d'être
sur le territoire que se sont octroyé Cinémas unis et
Odéon, pourront finalement mettre la main sur une copie de ce film
phénomène lorsque sera lancé "E.T. III".
La situation est tragique et ridicule. Maintes fois
dénoncée, la main mise sur la circulation de films par les deux
grands réseaux de salles n'a pas changé, et il n'y a rien dans le
projet de loi no 109 qui semble indiquer une volonté de changement.
Nous ne pouvons lutter contre la coalition des distributeurs majeurs
américains et des deux circuits Cinémas Unis et Odéon.
Tout se passe à Hollywood et il est inadmissible que nous soyons
systématiquement écartés de la mise en marché des
films dans notre propre pays.
Combien de temps allons-nous encore tolérer cette situation de
colonisés? Comme je le disais, nous ne pouvons lutter seuls. Notre
unique force, c'est notre gouvernement. Si notre gouvernement ne réagit
pas énergiquement, son inaction et son indifférence signifieront
notre disparition rapide.
Ces propos que certains seront tentés de qualifier d'alarmistes
ne le sont surtout pas pour quiconque a une connaissance le moindrement
sommaire du cinéma. Notre situation est désespérée.
Sans intervention, nous devrons nous résigner à programmer
uniquement des films érotiques, quoique avec la concurrence que
s'apprête à nous faire la télévision payante, cette
solution semble des plus aléatoires.
Que faire d'autre? Transformer notre espace en entrepôt ou en
magasin de meubles? Finalement, c'est ce qui nous semble la solution la plus
réaliste.
M. le ministre, nous ne demandons pas grand-chose. Nous demandons
seulement la chance de pouvoir programmer les films au même titre que
Cinémas-Unis et Odéon. Dans une foule d'autres domaines, les
petits indépendants peuvent rivaliser et offrir les mêmes produits
et services que Steinberg,
Eaton, Simpson, Pascal et d'autres. Pourquoi pas nous?
M. le ministre, nous concluons en vous rappelant que nous ne voulons pas
de subventions, pas de prêts ni d'aide. Nous ne voulons pas d'argent du
gouvernement, nous voulons tout simplement des films. Merci.
M. Blain: M. Monette va vous citer quelques extraits de deux
autres mémoires qui ont été présentés par M.
Brouillette et M. Guilbert.
M. Monette (André): M. le Président, M. le
ministre, Mesdames et Messieurs de la commission, je crois bien que vous avez
pris connaissance du mémoire de Pont-Viau. Je vais tout simplement lire
à la page 4 la conclusion.
En bref, je veux tout simplement que ce soit le public qui décide
du sort de mon cinéma et non les deux grands circuits pancanadiens. Que
le public décide si une salle lui convient, que le public décide
si ma salle est propre, accueillante et confortable, que le public
décide de l'utilité du service que j'offre. Pour ce faire, je
dois absolument pouvoir programmer, dans des délais raisonnables, les
films les plus récents.
M. le ministre, ces audiences sont finalement celles de la
dernière chance pour les exploitants indépendants.
J'espère de tout coeur que la nouvelle loi tiendra compte de notre
situation.
Maintenant, je vais vous lire le mémoire du ciné-parc
Sainte-Adèle; c'est tout court.
Un des grands principes qui sous-tend l'organisation même de tout
notre système social est celui de la libre concurrence. Certes, nous
sommes loin des grandes théories de Keynes, puisque l'État
intervient de plus en plus dans tous les secteurs de l'économie.
Cette intervention, quoique contraire aux principes mêmes du libre
marché, se fait fréquemment lorsqu'il y a disproportion entre les
forces en présence et sert à rétablir un certain
équilibre dans le marché.
Si nous sommes ici aujourd'hui, c'est justement que l'État
s'apprête à intervenir dans un domaine économique et que
nous devons sérieusement nous demander si nous souhaitons son
intervention.
Par principe, notre position serait de demander à l'État
de ne pas intervenir. Malheureusement, notre expérience dans
l'exploitation d'un ciné-parc nous force à revoir notre position
et à demander à l'État de prendre les dispositions
nécessaires pour mettre un terme aux pratiques commerciales des "majors"
américains. Ces pratiques découlent des liens occultes qui
unissent ces "majors" aux succursales Cinémas Unis et Odéon.
Maintes fois dénoncées, ces pratiques sont connues de tous
et consistent à limiter l'accès aux films à succès
aux propriétaires indépendants. Par exemple, je ne peux mettre la
main sur un film pour mon ciné-parc avant qu'Odéon n'ait
présenté ce film. Pourtant, nos ciné-parcs sont
situés dans des régions différentes, le mien est au nord
de Sainte-Adèle, et le sien à Saint-Jérôme. Une
trentaine de kilomètres séparent nos écrans.
Abusive, déloyale et carrément illégale, cette
pratique commerciale doit être dénoncée, et comme il n'y a
aucune concertation possible avec ces "majors" et les circuits, l'État
doit prendre les mesures qui s'imposent pour briser ce cartel.
Les exemples de concertation entre Cinémas Unis, Odéon et
les "majors" sont nombreux et bien documentés. Mes confrères,
exploitants indépendants, en ont d'ailleurs soumis plusieurs cas
à la commission Fournier.
Notre situation est sans issue et nous ne pouvons attendre
indéfiniment une autre enquête. Vous devez agir et vite.
Merci.
M. Blain: J'aimerais vous communiquer l'addenda qui a
été déposé tout récemment auprès de
la commission parlementaire, qui résume une position commune qui a
été adoptée par ce regroupement spontané
d'exploitants indépendants.
Depuis le dépôt de leur mémoire destiné
à la commission parlementaire, six exploitants indépendants se
sont regroupés pour présenter une position commune qui fait
l'objet du présent document. Le projet de loi no 109 contient plusieurs
dispositions touchant directement l'exploitation et la distribution. Nulle
part, on n'y traite des difficultés d'approvisionnement en films.
Pourtant, le problème est de taille, mais il y a divergence d'opinions
quant aux solutions possibles. Devant une telle situation, les signataires du
document ont senti le besoin de se concerter pour réclamer
l'intervention du législateur. Par cet addenda, les exploitants
indépendants tenteront de démontrer l'urgence et l'importance de
prévoir dans la loi des pouvoirs particuliers concernant
l'approvisionnement en films, quitte à différer quelque peu
l'application des mesures concrètes.
De tous les mémoires présentés par les exploitants
indépendants devant la commission parlementaire, il ressort clairement
que leur situation actuelle n'a rien de reluisant. On peut parler de marasme
économique qui varie de l'un à l'autre, selon l'endettement ou la
capacité de survivre à des déficits accumulés. Pour
plusieurs, il est déjà trop tard, ils ont dû fermer leurs
portes. Le plus grand problème identifié par les exploitants
indépendants réside dans l'approvisionnement en films rentables.
La revendication n'est pas originale. Depuis plusieurs années, ils
demandent que l'on
mette fin au monopole créé en faveur des circuits de
salles de cinéma par les grandes maisons de distribution de films. Les
solutions proposées ne manquent pas. Certains suggèrent la
création de zone où l'exclusivité de la
présentation d'un film serait assurée à une salle ou
à un circuit de salles. En dehors de cette zone, sous réserve de
la disponibilité des copies, le film pourrait être accessible
à d'autres exploitants. D'autres croient en une formule plus coercitive.
Les distributeurs seraient obligés de réserver un pourcentage
prédéterminé des copies disponibles pour les exploitants
indépendants.
La Commission d'étude sur le cinéma et l'audiovisuel s'est
déjà penchée sur diverses hypothèses: un
système d'enchère publique, un pourcentage des copies
destinées aux exploitants indépendants ou encore un genre
d'office de mise en marché. Aucune de ces formules n'a semblé,
à la commission, pouvoir s'appliquer au Québec. La commission ne
fait aucune recommandation et elle délègue à l'Institut
québécois du cinéma le mandat de réévaluer
le problème d'approvisionnement en films. S'il y a lieu, l'institut
prendra les dispositions qui s'imposent. Les exploitants indépendants ne
peuvent malheureusement pas attendre encore plusieurs années. Leur
existence même est en jeu et toute mesure dilatoire risque de leur
être fatale.
Nous souhaitons exposer rapidement à la commission parlementaire
qu'il existe d'autres solutions que nous qualifierons d'intermédiaires.
Sans déterminer de façon précise les modalités
d'une intervention législative touchant à l'accessibilité
aux films, il est possible d'énoncer une volonté politique de
mettre fin aux abus et de se doter des outils pour le faire. (15 h 15)
Depuis plusieurs années, tous les intervenants de l'industrie
cinématographique se sont prêtés à maintes
consultations par des comités de toutes sortes. C'est peu de temps
après l'adoption de la Loi sur le cinéma, en 1976, que les rondes
de consultations ont débuté. Aussitôt mise en application,
la loi de 1976 a fait la preuve de ses carences et de la
nécessité d'adopter une loi dite loi-cadre qui régirait de
façon cohérente l'ensemble des activités de l'industrie
cinématographique québécoise.
La Commission d'étude sur le cinéma et l'audiovisuel a
été la dernière création du processus de
consultation.
Le rapport de la CECA, publié à l'automne 1982, est un
document important en ce qu'il évalue très justement la
problématique de notre cinématographie nationale. À
preuve, la majorité des propositions formulées par les
commissaires a obtenu l'assentiment de l'ensemble du milieu. Le
législateur aussi reconnaît le bien-fondé des
recommandations de la CECA, puisque le projet de loi à l'étude
aujourd'hui reprend l'essence de ce rapport.
En ce qui concerne plus particulièrement les secteurs de
l'exploitation et de la distribution, nous aimerions rappeler les constatations
faites par la CECA. À la page 34 du rapport de la CECA, intitulé:
"Une question de survie et d'excellence", les commissaires constatent qu'en
1979 65% des recettes-guichet au Québec étaient destinées
aux quatre grands circuits suivants: Cinémas-Unis, Odéon, France
Film et Cinévic.
Selon eux, deux raisons expliquent que les grands circuits
détiennent une telle part du marché: premièrement, ces
grands circuits sont souvent des organisations pancanadiennes qui
possèdent les meilleures salles des centres urbains;
deuxièmement, ces mêmes circuits pancanadiens
bénéficient d'ententes privilégiées et exclusives
avec les grandes compagnies américaines de distribution.
Et la commission de conclure: "Donc, pour les villes de Montréal
et de Québec, cela signifie un monopole en première sortie non
seulement sur le produit traditionnellement et internationalement le plus
rentable, le film américain, mais sur la crème de la production
mondiale dont ces "majors" acquièrent de plus en plus fréquemment
les droits pour l'Amérique du Nord tout entière." Ceci est
à la page 35.
La situation privilégiée des grands circuits porte de
lourdes conséquences pour les exploitants indépendants. Les
commissaires eux-mêmes en arrivent à des constatations des plus
alarmantes. Je cite un extrait, à la page 35, du rapport de la
commission Fournier: "Confinée de plus en plus exclusivement aux
reprises dans les centres urbains de Montréal et de Québec, trop
disséminée ailleurs au Québec pour tenir tête aux
"majors" qui détiennent un quasi-monopole sur l'approvisionnement en
films rentables, la majorité des petits exploitants indépendants
québécois fait des chiffres d'affaires annuels dérisoires.
Plusieurs d'entre eux sont d'ailleurs menacés de disparaître
à brève échéance: dans les six premiers mois de
1982, 35 ont fermé leurs portes."
La fermeture d'une salle de cinéma représente beaucoup
plus que l'échec financier d'un propriétaire de salle. C'est la
menace de voir disparaître un réseau dont les ramifications
véhiculent partout en province la culture cinématographique.
C'est peut-être, à moyen terme, sonner le glas de tous les
exploitants indépendants.
Le rapport Bredin, publié en France en 1981, disait: "Comme la
fermeture de l'école est la fin du village, la dernière
séance de cinéma est la mort du petit bourg."
Il serait injuste de ne pas reconnaître la pertinence des
recommandations de la CECA en matière de distribution et d'exploitation.
Nous ne prétendons pas non
plus que le projet de loi oublie les exploitants indépendants.
Plusieurs des recommandations de la CECA trouvent leur écho dans le
projet de loi. Par exemple, la recommandation de la CECA concernant la
"canadianisation" des compagnies de distribution peut donner un nouvel
élan aux relations entre distributeurs et exploitants. Elle est reprise
à l'article 97 du projet de loi.
Cette autre recommandation de la CECA au sujet d'un programme d'aide
automatique à la distribution et à l'exploitation, les
exploitants en félicitent l'initiative. C'est le genre d'aide dont ils
ont besoin pour améliorer leur salle. Même si le programme n'est
pas spécifiquement prévu dans le projet de loi, la
Société générale du cinéma et de la
vidéo est dotée des pouvoirs nécessaires à sa mise
en place.
Enfin, le pouvoir donné à la Régie du cinéma
et de la vidéo de réglementer le plafond du pourcentage que peut
exiger un distributeur mettra fin à des abus dont sont trop souvent
victimes les exploitants indépendants. Malheureusement, malgré
les tristes constatations de la CECA, malgré l'urgence de la situation,
le projet de loi ignore complètement le problème de
l'approvisionnement en films. Pourtant, c'est un problème qui nous
semble préalable à la mise en oeuvre des dispositions du projet
de loi concernant la distribution et l'exploitation. Si les exploitants
indépendants disparaissent, il sera trop tard pour qu'ils profitent des
programmes d'aide automatique. La Régie du cinéma et de la
vidéo pourra toujours fixé des plafonds de pourcentage. Si les
exploitants indépendants ne peuvent obtenir de films, l'exercice restera
académique. Nous ne surprendrons personne en soulignant que la situation
des exploitants indépendants au Québec ressemble
étrangement à celle de leurs confrères d'autres pays.
Pour ne citer que la France, il est établi que les exploitants
indépendants français survivent difficilement aux regroupements
des circuits Pathé et Gaumont. L'État français a
déjà tenté de limiter la puissance des grands de la
distribution et de l'exploitation, par exemple, par sa commission de la
concurrence ou par des ordonnances gouvernementales. Il subsiste certainement
des difficultés. Nous ne suggérons pas d'importer le
modèle français. Notre spécificité culturelle,
géographique et démographique exigent des solutions originales.
Face aux difficultés vécues par les exploitants, il nous faut
trouver des solutions qui respectent la réalité de l'industrie
cinématographique québécoise. Pour l'instant, les
exploitants indépendants réclament l'énoncé d'une
volonté politique claire et non équivoque de leur venir en
aide.
Concernant l'accessibilité aux films, la Commission
d'étude sur le cinéma et l'audiovisuel ne suggère aucune
mesure à court terme pour venir en aide aux exploitants
indépendants. Elle propose de s'en remettre au futur Institut
québécois du cinéma pour qu'il prenne, dans les
années futures, les mesures qui s'imposent. Les exploitants
indépendants ne contestent pas l'analyse de la problématique
faite par la commission. Par ailleurs, ils n'acceptent pas que l'on
diffère encore une prise de position sur la question de
l'accessibilité aux films. Le gouvernement québécois
s'apprête à adopter une loi sur le cinéma. Il nous faut
agir maintenant. La loi doit contenir une disposition spécifique
permettant à la régie du cinéma et de l'audiovisuel
d'intervenir dans le processus d'approvisionnement en films. Selon
l'hypothèse de la CECA, l'institut pourra aviser des dispositions qu'il
jugera alors nécessaires de prendre s'il y a lieu.
Si la loi ne prévoit pas à tout le moins un pouvoir de
réglementation, seules des mesures administratives seront possibles.
Quant à la possibilité d'amender la loi, nous connaissons tous
les délais inhérents à une telle procédure.
Succinctement dit, si, dans deux ans, l'institut suggère des mesures
concrètes et précises pour réglementer l'approvisionnement
en films, ces mesures resteront des voeux pieux parce que la loi n'aura pas
prévu le pouvoir de les mettre en application. Il est d'usage,
semble-t-il, de répondre aux récriminations des exploitants
indépendants par un argument d'ordre constitutionnel. Depuis qu'ils
réclament l'aide de l'État, on a souvent opposé aux
exploitants, cependant, que le Québec ne pouvait légiférer
en la matière, le commerce étant de la juridiction exclusive du
gouvernement fédéral.
Nous trouvons important de discuter cette objection que nous croyons mal
fondée. La constitution canadienne confie effectivement la juridiction
sur les échanges et le commerce au Parlement fédéral.
Parallèlement, les Législatures provinciales ont juridiction sur
le droit civil et la propriété sur leurs territoires respectifs.
À première vue, les deux juridictions semblent concurrentes. Les
tribunaux ont du se pencher sur la question et ils ont clairement défini
les limites du pouvoir fédéral, de telle sorte que les provinces
puissent continuer à exercer pleinement leur juridiction. Depuis
l'adoption de la constitution en 1967, d'abord, le Conseil privé,
ensuite la Cour suprême du Canada ont confirmé que les provinces
avaient toute autorité pour réglementer le commerce
intraprovincial. On réserve au Parlement fédéral la
juridiction sur le commerce interprovincial et international. Il est
intéressant de citer deux arrêts récents de la Cour
suprême du Canada
qui confirment la juridiction des provinces sur le commerce
intraprovincial.
Dans les arrêts les Supermarchés Dominion, dans
l'arrêt la Brasserie Labatt, rendus en 1980, la Cour suprême n'a
pas hésité à déclarer invalides des lois du
gouvernement fédéral qui réglementaient le commerce
intraprovincial. L'opinion des constitutionnalistes est au même effet.
Dans son étude sur le droit constitutionnel au Canada, le professeur
Hogue, après une étude exhaustive de la jurisprudence, constate
la juridiction des gouvernements provinciaux sur le commerce intraprovincial.
Selon le professeur Hogue, le cinéma relève de l'autorité
de la province comme faisant partie des pouvoirs réservés aux
Parlements provinciaux. Le constitutionnaliste québécois, Gil
Rémillard, dans son livre intitulé: "Le fédéralisme
canadien" a consacré un chapitre aux communications. Il reconnaît
au Québec une compétence législative totale et exclusive
sur les films produits dans la province. Pour les films produits à
l'étranger, il soutient qu'une province n'a qu'un pouvoir limité.
La législation provinciale ne doit pas contredire une législation
du gouvernement central. Dans ce cas, la loi fédérale aurait
prépondérance. Il conclut en disant qu'une loi provinciale
concernant le commerce cinématographique serait valide pour autant que
son objet ne vise que des transactions ayant lieu entièrement dans la
province.
La réserve émise par M. Rémillard sur les limites
de la juridiction québécoise ne pose aucune difficulté. Il
n'existe pas actuellement de loi fédérale relative aux relations
contractuelles entre distributeurs et exploitants. Et même s'il en
existait, nous sommes convaincus que la Cour suprême affirmerait
l'autorité provinciale dans une telle matière qui n'a pas de
portée extraprovinciale. Quoi qu'il en soit, les dispositions de
l'article 107 du projet de loi se fondent sur le même pouvoir
législatif que des dispositions éventuelles sur
l'approvisionnement en films. Si le législateur québécois
a pleine juridiction pour adopter l'article 107, aucun argument d'ordre
constitutionnel ne peut plus être opposé aux exploitants
indépendants.
Nous voulons parler d'un dernier type d'obstacle que nous qualifierons
d'obstacle d'applicabilité. D'aucuns soulèveront que nous n'avons
pas encore trouvé la façon de réglementer
l'accessibilité aux films. La Commission d'étude sur le
cinéma et l'audiovisuel n'a pu formuler de recommandations
précises. Les exploitants indépendants avancent diverses
hypothèses. Peut-être la spécificité de notre
marché interdit-elle d'emprunter des solutions étrangères.
Nous en convenons. La façon de réglementer l'approvisionnement en
films reste à trouver. À ce chapitre, nous pouvons
raisonnablement espérer que des projets de solutions verront le jour
d'ici peu. Selon la suggestion de la CECA, l'institut devra se pencher sur la
question. Il faut donc se réserver la possibilité de mettre en
application le fruit de cette réflexion. Aujourd'hui, tout ce que les
exploitants indépendants réclament, c'est que soit prévue
dans la loi sur le cinéma la possibilité de réglementer
l'approvisionnement en films. L'objection de la formule à
découvrir ne saurait constituer une fin de non-recevoir aux demandes des
exploitants indépendants.
Les exploitants indépendants recommandent donc d'inclure dans la
nouvelle loi sur le cinéma une disposition conférant à la
Régie du cinéma et de la vidéo le pouvoir de
réglementer l'accessibilité aux films. Rien ne s'oppose à
l'addition dans la loi d'une telle disposition, ni les arguments d'ordre
constitutionnel ni les arguments d'applicabilité. Parfois, la seule
existence d'un pouvoir de réglementation dans une loi porte des effets
dissuasifs qui incitent les parties à régler elles-mêmes
leurs différends. La menace d'une intervention de l'État dans un
secteur constitue en elle-même une thérapie. L'obligation pour la
Régie du cinéma et de la vidéo de tenir des audiences
publiques fournit, selon nous, une autre garantie que les pouvoirs qui lui sont
confiés seront utilisés à bon escient. Tout comme dans le
cas de l'article 107, il est impensable que la régie établisse
une réglementation qui soit invivable pour les intéressés.
Ce que réclament aujourd'hui les exploitants indépendants
s'inscrit nécessairement dans la logique du projet de loi.
Préalablement aux pouvoirs confiés à la Régie du
cinéma et de la vidéo d'établir des pourcentages maxima
exigibles d'un distributeur, il nous semble logique de permettre aux
exploitants d'avoir accès aux films. Le problème des pourcentages
abusifs ne survient qu'après avoir obtenu le droit de projeter un
film.
Question de survie également. Si le problème de
l'accessibilité aux films ne trouve pas rapidement de solution, il n'y
aura plus d'exploitants indépendants qui pourront profiter d'une
réglementation disposant du partage des recettes-guichet. Personne ne
conteste l'existence d'un grave problème pour les exploitants
indépendants. Ils sont en droit de réclamer l'expression d'une
volonté politique claire de leur venir en aide. Concrètement,
l'expression de cette volonté politique doit s'exprimer par le pouvoir
donné à la Régie du cinéma et de la vidéo de
réglementer l'approvisionnement en films. Si, en 1983, la nouvelle loi
sur le cinéma ignore ce problème particulier auxquels sont
confrontés les exploitants indépendants, il faudra attendre
plusieurs années avant que la loi ne soit amendée. Pour nombre
d'entre eux, il sera déjà trop tard.
Cet addenda s'inscrit dans l'idée de ne pas rater le bateau
législatif qui passe actuellement. Si vous oubliez les exploitants
indépendants, si on oublie de parler du problème de
l'approvisionnement en films, cela va poser des problèmes tellement
vitaux et essentiels à plusieurs d'entre eux qu'ils vont
disparaître.
C'était l'essentiel du message que nous avions à vous
livrer. Nous serons heureux de répondre à vos questions. Je vous
remercie. (15 h 30)
Le Président (M. Paré): Merci, messieurs. S'il y a
des questions, la parole sera d'abord au ministre des Affaires culturelles.
M. Richard: M. le Président, mes premiers mots vont
être pour remercier les représentants des exploitants
indépendants pour la qualité de leur mémoire et la
sérénité de leurs propos, malgré la situation
qu'ils vivent et qui manifestement n'est pas très agréable.
J'aimerais formuler une question à n'importe quel d'entre vous,
peut-être M. Blain. Je pense qu'il serait intéressant, pour les
membres de la commission parlementaire, que vous fassiez une description
sommaire de la situation qui prévaut en matière d'exploitation de
salles. Vous avez parlé des quatre grands - si je peux m'exprimer ainsi
-Cinémas Unis, Odéon, France Film et Cinévic et, bien
sûr, des exploitants indépendants. Pourriez-vous préciser
les chiffres approximatifs, à tout le moins, en ce qui a trait, par
exemple, au nombre de salles et d'écrans possédés par les
uns et les autres ou sous le contrôle des uns et des autres.
M. Blain: Là-dessus, j'aimerais laisser la parole à
M. Guzzo. Votre question est à deux volets, si j'ai bien compris, il
pourra vous faire un exposé de la situation des exploitants
indépendants.
Juste un petit commentaire, c'est sans doute le hasard qui fait bien les
choses. On a trouvé amusant que, ce matin, on nous parle d'un
problème de salles, alors que, cet après-midi, nous vous parlons
d'un problème de films. Il y a quelqu'un qui ne dit pas la
vérité. Je ne sais pas si c'est nous, mais en tout cas, je laisse
répondre M. Guzzo.
M. Guzzo (Angelo): Je n'ai pas bien compris la question. Vous
voulez savoir combien il y a d'écrans dans les Cinémas Unis au
Québec?
M. Richard: C'est cela.
M. Guzzo: Et combien de salles appartiennent aux cinémas
Odéon?
M. Richard: Odéon, France Film,
Cinévic et les exploitants.
M. Guzzo: Le problème est que cela concerne
l'agglomération de Montréal et c'est surtout Cinémas Unis
et Odéon. Remarquez que je pourrais me tromper...
M. Richard: Approximativement.
M. Guzzo: ...mais c'est environ 45 écrans pour les
Cinémas Unis et 30 pour les cinémas Odéon. Mais
peut-être quelqu'un d'autre pourrait-il vous le dire plus exactement que
moi, je n'ai jamais compté combien il y en a, mais c'est à peu
près la situation.
M. Richard: Mais, dans la même région, combien
d'exploitants indépendants?
M. Guzzo: Comme nous venons de vous le dire, nous
représentons 22 écrans de propriétaires
indépendants de l'agglomération montréalaise.
M. Richard: Je vais, pour le moment, céder la parole
à d'autres intervenants.
Le Président (M. Paré): La parole est maintenant au
député de Marquette.
M. Dauphin: Merci, M. le Président. Je tiens
également, au nom de l'Opposition, à vous remercier pour la
présentation de votre mémoire et vous dire le grand
intérêt ressenti par nous tous à l'égard de votre
problème.
J'aimerais juste bien comprendre disons que le ministre m'a un peu
volé ce que je voulais vous demander - en pratique, comment cela
fonctionne. Si je comprends bien, les grands distributeurs américains,
les "majors" ont des espèces d'ententes avec les grands circuits pour la
distribution des films?
M. Guzzo: Chaque lundi matin on fait la programmation et on
décide ce qu'on va passer le vendredi prochain, parce que c'est à
chaque vendredi qu'on change le programme. Donc, les lundis matins, nous sommes
pris au téléphone pour savoir ce qu'il y a de disponible. Il faut
attendre qu'un film cesse de passer dans un cinéma Odéon ou une
salle des Cinémas Unis pour l'avoir. Comme le disait M. Hurtubise tout
à l'heure, il arrive parfois qu'on ait ce film trois semaines plus tard
parce que le film n'a connu aucun succès, mais il peut arriver
qu'après deux ans, un film tienne encore l'affiche dans une des salles
des Cinémas Unis ou Odéon et, nous, nous ne l'aurons pas.
Même si le film est passé dans une petite salle de 100
sièges des Cinémas Unis ou Odéon dans
l'agglomération montréalaise, nous ne pouvons pas avoir ce film.
Si on les appelle pour avoir ces films, ils nous rient
en pleine figure comme si on demandait la lune. On nous répond:
Qu'est-ce que vous dites là? Vous savez très bien que c'est ainsi
que cela se passe. C'est une chose acquise. Si j'appelle un distributeur pour
avoir tel film et qu'il est à l'affiche d'un cinéma Odéon,
il ne me prend pas au sérieux.
M. Dauphin: Autrement dit, dès le départ les grands
distributeurs se trouvent à privilégier les grands circuits.
M. Guzzo: Je peux vous dire même plus. Souvent, il arrive
que Cinémas Unis ont terminé avec un film et on le retire
du marché. Il suffit seulement que Cinémas Unis ou les
cinémas Odéon promettent de le reprendre six mois plus tard pour
que les films retournent sur les tablettes. Je peux vous donner beaucoup
d'exemples. On a retiré les films du marché pour les remettre
à nouveau à l'affiche et encore, sur les écrans du circuit
Odéon ou ceux des Cinémas Unis. Ils nous arrivent quand
réellement il ne nous reste plus rien et c'est là qu'on nous
reproche qu'à notre salle, ils ne gagnent pas d'argent. Dans des
conditions pareilles, il est impossible de faire de l'argent. Pourtant, dans ma
situation, à moins qu'il y ait un prix spécial... J'ai
déjà projeté des films en primeur avec cette compagnie.
Pour autant que je payais 500 $ seulement pour le cinéma Paradis et 400
$ pour le cinéma de Mascouche, on m'a donné ces films. Alors,
j'ai donné des recettes très intéressantes à cette
compagnie quand on m'a donné la possibilité de jouer ces films.
Il faudrait payer 900 $ par semaine au cinéma Odéon pour avoir la
possibilité d'y jouer ces films. Quelquefois, je vais en projeter
quelques-uns en primeur et d'autres, quelque deux ou trois semaines plus tard,
mais cela me donnait la possibilité de projeter. Souvent, si on fait des
comparaisons - j'ai tous les règlements qu'on a adoptés à
l'époque - dans mes salles, on gagnait plus d'argent que pouvait en
gagner le cinéma Bonventure. Prenons un cas spécifique,
"L'Express de Minuit", en collaboration avec le cinéma Odéon,
j'ai eu la possibilité de pouvoir le projeter en même temps qu'il
jouait dans la salle du cinéma Odéon. Dans ma salle, dans l'est
de Montréal, on gagnait plus d'argent qu'il n'en gagnait au
cinéma Bonaventure. J'ai gardé ce film à l'affiche pendant
quinze semaines.
M. Dauphin: Autrement dit, pour bien comprendre, si on
privilégie dès le départ les grands circuits pour la
distribution et qu'on ne vous appelle pas, c'est parce qu'il y a une raison
bien évidente. Selon moi, c'est parce qu'ils leur donnent plus d'argent.
C'est pour cela qu'ils ne vous contactent pas.
M. Guzzo: Mais nous n'avons rien à faire avec les
privilégiés. Ces deux circuits font certaines pressions sur les
distributeurs. Peu importe si ce sont des distributeurs américains,
québécois, mais ils font pression sur tous les distributeurs de
sorte que si un film joue dans une de leurs salles, il ne faut pas qu'on l'ait.
Naturellement, un distributeur... Si un film est à l'affiche au
cinéma Parisien et que je veux le projeter dans une de mes salles
à Saint-Léonard ou dans l'est de Montréal, les
Cinémas Unis ou le cinéma Odéon dira: Bon, si tu le donnes
au cinéma Astre, on l'enlèvera du cinéma Parisien. C'est
normal que le cinéma Parisien, là où il est placé
peut encore gagner 10 000 $ en recettes pendant que je peux en gagner 2000 $,
3000 $ ou 4000 $, cela dépend. Donc, les distributeurs sont
coincés de la façon qu'ils subissent cette situation eux
aussi.
M. Dauphin: Justement, c'est une question d'argent. Mais vous
aviez avant une espèce de "deal" avec eux.
M. Guzzo: C'est cela. Pendant huit mois, j'ai payé des
frais de programmation à la compagnie Odéon pour avoir
accès à ce produit le plus tôt possible. Pendant huit ou
neuf mois, l'affaire a fonctionné. Durant cette période, j'ai
donné des recettes assez intéressantes. Souvent, on fait des
comparaisons de mes salles avec celles qu'il y a au centre-ville, mais ils ne
font jamais de comparaison de mes salles avec ce qu'ils ont à Brossard,
à Laval ou aux alentours. On fait une comparaison entre ma salle et la
meilleure salle qu'ils ont au centre-ville. Pourtant, je sais très bien
que ce n'est pas une comparaison qui tient debout. Je sais aussi que dans mes
salles, on peut faire aussi bien que celles des cinémas de Brossard, de
Laval et des alentours.
M. Dauphin: J'ai cru entendre que vous aviez avant... Je ne me
souviens plus, on l'a dit tantôt assez rapidement; pour quelle raison
est-ce que vous n'avez plus cette entente?
M. Guzzo: Ce qui est arrivé. Je pense - c'est une
supposition personnelle - qu'à l'époque le cinéma
Odéon n'était pas nécessairement intéressé
à 1900 $ par semaine, mais il se servait de mes salles pour monopoliser
encore plus le produit et l'empêcher d'aller aux ciné-parcs Laval
et Boucherville qui, à l'époque étaient la
propriété d'un certain M. Coisac si je ne me trompe pas. Donc,
tant qu'ils n'ont pas acquis cette salle avec les miennes, cela permettait de
monopoliser davantage le produit. Une fois qu'ils eurent acquis ces
ciné-parcs, mes salles ne les intéressaient plus; ils n'avaient
pas le temps de s'en occuper. J'ai dû leur demander. Dans ces conditions,
on m'a enlevé 900 $ et on ne
m'a rien donné en retour et c'était
préférable. On avait une entente qui aurait dû durer un an
et j'ai préféré en terminer avec cette entente avant le
temps, même si je perdais les 900 $.
Ce que je tiens à souligner, c'est que je comprends très
mal pourquoi un distributeur qui ne veut pas nous donner les films... Si, on
achète demain matin mes salles ou celles du cinéma Odéon
ou des Cinémas Unis - ils les achèteront un jour ou l'autre parce
que je n'ai pas le choix - dans cette salle, ils projetteront tous les
meilleurs films. Je peux vous citer un exemple. Dans certains cinémas de
Montréal, présentement, on a de très petites salles. L'une
de ces petites salles a peut-être 100 sièges, une autre en a 160;
cela fait quelques mois qu'Odéon les a prises mais présentement
ils jouent tous les films qu'il faut jouer, et les propriétaires de
cinémas de Montréal et un autre propriétaire de
cinéma indépendant dans les mêmes conditions que
nous...
M. Dauphin: Je vais laisser la chance à d'autres, je
reviendrai tantôt.
Le Président (M. Paré): M. le ministre.
M. Richard: J'aimerais vous poser une question additionnelle. Les
"majors" américains, ce matin - je ne sais pas si vous étiez
présent...
M. Guzzo: Oui, j'étais là.
M. Richard: ...affirment, dans leur mémoire, que si elles
ne doublent pas au Québec, c'est qu'il n'y a que 280 salles de
cinéma et donc qu'il manque de salles. Je cite: "Le Québec ne
comptant que 280 salles commerciales de cinéma, il n'est pas toujours
possible, loin de là, de présenter en même temps plusieurs
copies d'un film en raison de la non-disponibilité des salles." Est-ce
que vous et vos collègues seriez disposés à
présenter dans vos salles des copies doublées des films?
M. Guzzo: Certainement.
Le Président (M. Paré): M. Blain.
M. Blain: Au niveau de la problématique, M. le ministre,
je pense que c'est reconnu mondialement. Je reporte les membres de la
commission au rapport Fournier. L'étude de la situation qui en a
été faite nous semble assez juste. Là où il y a un
problème, c'est qu'on n'a suggéré aucune solution à
court terme. Il nous semble de la plus grande importance de prévoir
quelque chose à court terme.
Finalement, le problème des pourcentages est secondaire par
rapport au problème de l'approvisionnement. Comme je le disais dans mon
mémoire, dans la logique du projet de loi, il serait normal, avant qu'on
régisse les pourcentages, avant qu'on donne des subventions, avant qu'on
instaure des programmes d'aide directe aux distributeurs et aux exploitants,
qu'on leur donne des films. Cela semble fondamental, pourtant il y a comme un
petit trou dans le projet de loi. Cela nous semble très important qu'on
prévoie quelque chose à ce titre. La formule pour
réglementer, on ne l'a pas trouvée. On est tous d'accord avec
cela, mais on peut la trouver d'ici trois ans.
Je répète encore ce que j'ai dit tantôt.
Actuellement, on est dans une situation bizarre. Enfin, la commission
d'étude Fournier dit: II y a un problème majeur. On le
délègue à l'institut. Nous pensons que dans deux ou trois
ans l'institut va nous dire: Effectivement, il y a un problème et nous
suggérons telle ou telle solution. On ne pourra rien faire, on aura
raté le bateau. Ce n'est rien que d'inclure dans la loi aujourd'hui une
disposition comme celle-là. Elle existe déjà à
l'article 107.
M. Richard: Si j'ai bien saisi, cela a pour conséquence
que vous êtes obligés -vous me corrigerez si je me trompe - assez
fréquemment de présenter des films de qualité
inférieure ou des films qui connaissent un moins grand
succès.
M. Blain: De façon plus générale, les
exploitants indépendants présentent des films sur lesquels ils
peuvent mettre la main, cela se résume aussi facilement que cela.
M. Guzzo: ...c'est en fonction de ce qu'on peut avoir, on ne sait
jamais. Souvent, je mets un film à l'affiche et le client me demande
quand je vais le faire passer. Qui sait? Le bon Dieu? On ne sait jamais. Cela
dépend quand il aura fini d'être présenté chez
Odéon. Si un film obtient un succès, cela peut prendre deux ans
avant qu'on l'ait, c'est cela le problème.
M. Fournier, dans ses recommandations, nous explique que le
système... Moi, je vais suggérer un système de pourcentage
pour les indépendants. Là il nous dit que ce n'est pas
applicable, mais ne nous explique pas pourquoi ce n'est pas applicable.
J'aimerais bien qu'il m'explique un peu pourquoi ce n'est pas applicable. On
parlait de pourcentage. Je comprends mal pourquoi, si un film est sorti en huit
copies, on ne pourrait pas avoir une de ces huit copies pour qu'on puisse se la
passer entre nous? Peu importe si je l'ai un temps limité, disons deux
ou trois semaines et ensuite je pourrai la passer à mon collègue
et à un autre, etc. Le dernier qui l'aura, c'est toujours bien mieux
qu'il l'ait deux mois après plutôt que huit mois. Il l'aura
beaucoup plus tôt qu'auparavant.
II suffirait qu'on mette une copie de plus à notre disposition et
on saura bien s'entendre.
M. Richard: Vous dites, M. Guzzo, que vous n'avez aucune
sécurité en ce qui a trait à l'approvisionnement en films.
Comment faites-vous pour faire votre publicité, pour annoncer que vous
allez présenter tel ou tel autre film?
M. Guzzo: On sait le lundi matin ce qu'on peut présenter.
Donc, le lundi, je sais si je présente tel film ou si je ne le
présente pas.
M. Richard: Quand?
M. Guzzo: Le lundi. (15 h 45)
M. Richard: Vous savez le lundi que vous allez présenter
un film, mais à quel moment?
M. Guzzo: Le vendredi qui s'en vient. M. Richard: Le
vendredi.
M. Guzzo: Parfois même, comme je le citais dans le cas de
"La maison sur le lac", le lundi matin, je suis contacté par le
distributeur, par le gérant, M. Hurtubise -qui était ici ce matin
- pour me faire dire qu'il y a enfin deux copies qu'il peut me donner. Lundi,
il me promet les deux copies. Je fais mon budget publicitaire. Je décide
de la grandeur de l'annonce dans le journal, etc. Le mardi matin, à 10
heures, il m'appelle pour me dire qu'il a de mauvaises nouvelles pour moi. Cela
veut dire que le cinéma Odéon a décidé de retenir
le film au cinéma Champlain. Je suis pris à ce moment.
Dans l'après-midi, j'appelle le programmateur du cinéma
Odéon et je lui dis: D'accord, il y a deux copies; donc, tu prends une
copie pour le Champlain, tu n'en as besoin que d'une. Tu pourrais me donner
l'autre copie pour l'est de Montréal. Cela fait cinq mois que tu as le
film. Ce n'est pas la grosse foule de l'est qui va venir au Champlain cette
semaine. Il dit: Non, c'est une question de principe. On ne veut pas
créer un précédent, on ne peut pas te donner le film. On
se laisse sur cela à 16 h 30 pour y repenser et il me dit qu'il me
rappellera le mercredi pour trouver une solution à tout cela.
Le mercredi, il ne m'appelle pas. Moi aussi, j'ai ma fierté, je
n'appelle pas, je ne veux pas demander la charité. Je décide de
fermer mes salles. Cette semaine, dans le Journal de Montréal et dans la
Presse, mon annonce sort disant que je me soucie de mes clients, mais le film
tel qu'annoncé dans l'horaire - parce qu'il est déjà trop
tard pour changer l'horaire et qu'il y a beaucoup de gens qui suivent les
horaires pour aller au cinéma... Je me soucie de mes clients, mais
à cause de la situation monopolistique des deux chaînes de
cinéma, je ne pourrai avoir les deux films.
Des situations comme celles-là arrivent assez souvent. Il arrive
même parfois que j'aie un film, comme c'est arrivé il y a trois ou
quatre semaines, par exemple, le film "Blade Runner"; le distributeur de Warner
Bros. a décidé de me le donner. Il a fait une erreur, parce qu'il
s'est adonné que ce même film était présenté
dans un cinéma de Montréal, autrefois un cinéma
indépendant. Donc, pendant qu'il est présenté au
cinéma de Montréal, je ne pourrai présenter le film "Blade
Runner". J'ai été obligé de retirer le film du
cinéma Paradis. La deuxième semaine, je n'ai pas pu le
présenter. Le distributeur s'est fait engueulé par ses "boss" de
Toronto parce qu'il m'avait donné un film pendant que celui-ci
était présenté dans les salles de l'Odéon. Des
situations comme celle-là arrivent très souvent. Peut-être
que vous avez de la difficulté à me croire, mais c'est la pure
réalité, vous pouvez me croire.
M. Richard: Avez-vous remboursé vos frais de
publicité?
M. Guzzo: Je n'ai pas demandé d'être
remboursé non plus, parce que je suis quand même toujours
là. Mais avec ce que j'ai dit ici aujourd'hui, je ne sais pas ce qui va
arriver lundi prochain. Lundi prochain, il va me refuser le film. Je vais
être obligé de fermer. C'est la vérité. Cela
dépend... Je ne peux pas...
M. Richard: Je n'ai pas d'autres questions.
Le Président (M. Paré): M. le député
de Marquette.
M. Dauphin: En conclusion, je ne sais pas si vous avez convaincu
le ministre, mais je pense que du côté de l'approvisionnement en
films il y a un problème sérieux. Ce que vous demandez
finalement, c'est un pouvoir réglementaire au niveau de la régie,
le pouvoir de réglementer au niveau de l'approvisionnement.
Évidemment, comme je l'ai dit hier, sans vouloir abuser du temps de la
commission, c'est sûr qu'on peut faire pression, on peut demander des
choses au même titre que vous, étant dans l'Opposition, comme vous
le savez. Je voudrais juste savoir si le ministre va prendre en
considération l'essentiel de votre mémoire, en prendre bonne note
et savoir s'il a l'intention éventuellement d'ajouter foi à votre
mémoire.
M. Richard: Je vais répondre immédiatement, cher
collègue, que je vais
prendre la recommandation des exploitants indépendants en
très sérieuse considération. C'est encore plus que prendre
bonne note, M. le député de Saint-Henri.
Le Président (M. Paré): Messieurs, je vous remercie
de votre présentation et d'avoir accepté de répondre
à nos questions.
J'inviterais maintenant l'organisme suivant à prendre place ici
à l'avant. Il s'agit de l'Association québécoise des
industries techniques du cinéma et de la télévision
Inc.
Bienvenue à la commission. Je vous demanderais de vous
présenter. La parole est à vous.
Association québécoise
des industries techniques du cinéma
et de la télévision Inc.
Mme Lauzon (Hélène): Bonjour. Je suis
Hélène Lauzon, présidente de l'Association
québécoise des industries techniques du cinéma et de la
télévision Inc. Je voudrais tout d'abord vous remercier de nous
avoir permis d'exprimer notre point de vue sur le projet de loi no 109. Je vais
vous faire la lecture de notre mémoire et j'aimerais, si possible,
ajouter ensuite quelques commentaires à ce mémoire. Je serai
à votre disposition pour les questions.
Ce mémoire a été préparé par
l'Association québécoise des industries techniques du
cinéma et de la télévision Inc., qui regroupe la
totalité des sociétés québécoises de
doublage et les laboratoires associés à cette
activité.
Il se veut notre réponse aux conséquences du projet de loi
no 109.
Dans les chapitres suivants, nous vous donnerons la composition de notre
association et vous démontrerons son importance financière. Nous
allons expliquer la situation actuelle du doublage et démontrer ses
possibilités financières, expliquer pourquoi nous croyons que le
projet de loi no 109 est insuffisant et, finalement, soumettre nos
recommandations.
Les membres de notre association sont sept sociétés
québécoises qui, pour la plupart, travaillent depuis de
nombreuses années dans l'industrie du doublage. Vous trouverez le nom et
l'adresse de ces sociétés ainsi que le nom de leurs principaux
représentants ci-après. Les maisons sont: Bellevue Pathé,
Ciné-Groupe, Cinélume, Ciné-Sync, Sonolab,
Synchro-Québec et Télé-Montage.
La situation actuelle de l'industrie québécoise du
doublage. Les sociétés membres représentent les plus
importantes compagnies de doublage au Canada. Elles fournissent de l'emploi
à plus de 150 personnes à temps plein. Quelque 350 autres
résidents québécois tirent annuellement du travail qu'ils
exécutent pour ces sociétés soit une part importante, soit
l'essentiel de leur revenu.
Les studios de doublage, en effet, procurent du travail à toute
une gamme de professionnels et de techniciens: traducteurs-adaptateurs,
détecteurs, calligraphes, monteurs, directeurs de plateaux,
ingénieurs du son, projectionnistes et comédiens. Pour certains
métiers spécialisés, il s'agit même là d'une
source d'emploi exclusive.
Globalement, les activités de doublage, de sous-titrage et les
activités connexes de laboratoire représentent annuellement au
Québec un chiffre d'affaires de 2 500 000 $, dont 1 900 000 $ sont
affectés aux salaires et aux cachets. Ce chiffre d'affaires porte sur
l'ensemble du doublage toutes catégories, cinéma et
télévision, réalisé au Québec.
Par rapport au nombre de films doublés qui sont exploités
en salles au Québec, la part du marché du doublage impartie
à l'industrie québécoise n'excède pas 7%. En effet,
sur environ 300 longs métrages exploités annuellement au
Québec en langue française, 275 sont doublés en France, et
sur environ 200 longs métrages exploités annuellement au
Québec en langue anglaise, 190 sont doublés ou sous-titrés
à l'étranger.
Il s'ensuit que la quasi-totalité des films exploités au
Québec, doublés ou sous-titrés, le sont à
l'étranger, et plus particulièrement en France qui jouit,
grâce à des mesures législatives protectionnistes, d'un
véritable monopole en matière de doublage vers le
français. Il est important de noter, à cet égard, que
depuis 1949, la France s'est dotée d'instruments législatifs
portant obligation aux distributeurs désireux d'exploiter un film en
territoire français d'en faire réaliser le doublage et le
sous-titrage en France. Ultérieurement, cette restriction a
été révisée et adaptée en fonction des
accords sur la libre circulation des biens et des personnes dans le cadre de la
communauté économique européenne.
Compte tenu de l'importance numérique du marché
français, de la réglementation coercitive relative à la
postsynchronisation et compte tenu du défaut d'une réglementation
de même nature au Canada ou au Québec, il va de soi que tout
distributeur soucieux de s'assurer une exploitation internationale en version
française se conforme à la loi française. Ce faisant, le
distributeur peut ainsi non seulement exploiter son film en France, mais a tout
le loisir d'utiliser la même version dans l'ensemble des pays
partiellement ou entièrement francophones, y compris le
Québec.
Il ressort de cette situation que l'industrie québécoise
du doublage se trouve lésée d'un marché multi-millionnaire
auquel l'accès lui est pratiquement interdit, en raison de lois et de
règlements imposés dans un autre pays, au profit des
sociétés et
professionnels de ce pays. Dans les circonstances, il n'est pas excessif
de faire référence à un état de colonisation,
puisque cette pratique se fait au détriment des intérêts
québécois, à la fois sur le plan du développement
culturel et sur celui du développement économique. De telle sorte
que l'activité du doublage au Québec se trouve plafonnée,
sans perspective de croissance et, de ce fait, menacée non seulement
dans son développement, mais dans son existence même.
À l'heure actuelle, le revenu qu'engendre l'activité
domestique du doublage de film présenté en salle au Québec
se chiffre, toutes choses étant prises en compte, par moins de 500 000 $
par an. Or, par rapport au volume de longs et courts métrages
exploités annuellement au Québec en version doublée,
l'appropriation du doublage par les sociétés
québécoises représenterait - en se fondant sur les
données du Bureau de surveillance du cinéma pour les
années 1978-1979, 1979-1980 - en une augmentation du chiffre d'affaires
d'environ 13 000 000 $ dont près de 10 000 000 $ seraient versés
en salaires ou cachets aux artistes, techniciens, professionnels de studio et
laboratoires.
À titre indicatif, le tableau de la répartition du revenu
de 13 000 000 $ se présente comme suit: 25% aux comédiens: 3 250
000 $; 9% aux adaptateurs: 1 170 000 $; 6% aux détecteurs calligraphies:
780 000 $; 6% aux assembleurs monteurs: 780 000 $; 17% aux studios,
ingénieurs du son, directeurs de plateau, projectionnistes: 2 210 000 $;
10% aux laboratoires: 1 300 000 $; 12% à l'administration: 1 560 000 $;
15% profits avant impôt: 1 950 000 $.
Les objectifs du projet de loi no 109 étant, entre autres, le
développement d'entreprises québécoises
indépendantes et financièrement autonomes, l'association est
d'avis que l'article 79 ne contient aucune mesure permettant d'atteindre cet
objectif. Cet article assure la sortie simultanée -français,
autres langues - des films présentés sur nos écrans. Mais
pour atteindre ce but, il retire virtuellement l'industrie du doublage des
mains des Québécois. En effet, quel distributeur
québécois ou canadien assumera les frais d'un doublage au
Québec quand il n'aura qu'à attendre la version doublée
réalisée ailleurs pour pouvoir exploiter son film sur notre
territoire?
Puisque tous les efforts déployés dans le passé par
notre industrie, par l'ensemble de nos partenaires et par le gouvernement
québécois pour obtenir une juste part du marché du
doublage se sont toujours révélés vains, nous recommandons
que, en conformité avec les objectifs d'affirmation culturelle et
économique du gouvernement, l'obtention d'un visa d'exploitation de tout
film étranger au
Québec soit désormais conditionnel à un doublage
réalisé au Québec ou au Canada.
Je voudrais, si vous me permettez, ajouter quelques commentaires
à la suite des interventions de ce matin. La situation, aujourd'hui, en
1983, de notre industrie, qu'est-ce que c'est? En ce qui a trait au doublage de
longs métrages, l'an passé, en 1982, nous avons
réalisé environ 25 doublages de longs métrages. La plupart
étaient ou des films sans intérêt pour les Français,
du genre de "Polyester", "Chea and Chong", des choses comme celles-là,
ou des films érotiques.
Pour ce qui est des doublages pour la télévision, sur plus
de vingt séries américaines à l'affiche à
Radio-Canada ou à Télé-Métropole, cinq
étaient doublées ici. Quant à Radio-Québec, il a
donné en contrats de doublage à notre industrie, la magnifique
somme de 77 000 $ l'an passé.
La situation actuelle est à ce point critique que la plupart des
maisons de doublage et des laboratoires ont été obligés de
faire de nombreuses mises à pied dans leur personnel. Parmi les
comédiens qui se spécialisaient dans le doublage, plusieurs ont
vu leurs revenus fondre de façon dramatique. Quant aux techniciens
spécialisés, détecteurs, calligraphes, traducteurs, qui
sont tous des travailleurs autonomes, donc n'ayant pas droit à
l'assurance-chômage, plusieurs d'entre eux ont eu le bonheur de
découvrir ce que c'était être bénéficiaire de
l'assurance sociale.
Pendant ce temps, sur nos écrans, on présentait 431 films
doublés ou sous-titrés en français et en anglais. De ce
nombre, 31 étaient des films canadiens qui, pour la presque
totalité, sont doublés en France. Il ne faudrait pas oublier que
le pays qui fait le doublage fait aussi le tirage des copies de ce
doublage.
Le Bureau de surveillance du cinéma a visé, l'an dernier,
6 500 000 mètres de pellicules 35 millimètres. Les laboratoires
québécois n'ont pas tiré plus de 5% de ces 6 500 000
mètres de film.
Depuis 1972 - comme je l'ai déjà dit -notre association et
les gouvernements québécois ont tenté de négocier
avec la France une entente qui nous permettrait d'obtenir notre juste part du
marché du doublage. Nous nous sommes toujours heurtés à un
refus catégorique de la part du gouvernement français, celui-ci
invoquant les pressions des comédiens et des syndicats français
pour ne pas négocier avec nous. Cela revient à dire que les
syndicats et les comédiens français décident du sort de
notre industrie. Nous sommes convaincus que la loi que nous demandons est le
seul moyen qui amènera la France à enfin négocier des
ententes qui nous permettront d'obtenir une part équitable du
marché du doublage. Merci. (16 heures)
Le Président (M. Paré): La parole est
maintenant à vous, M. le ministre.
M. Richard: Je voudrais, d'abord, remercier Mme Lauzon et
immédiatement lui poser une question. Votre mémoire ne fait pas
état des copies de films qui sont tirées par les laboratoires.
Est-ce que les copies des films exploités au Québec sont, en
fait, tirées ici à votre connaissance?
Mme Lauzon: Non. Si on regarde les chiffres du rapport annuel du
Bureau de surveillance du cinéma, ils ont visé 6 500 000 pieds de
films l'an passé. Les laboratoires du Québec n'en ont pas
développé plus de 5%. Le restant vient de la France, des
États-Unis ou des pays d'où ces films viennent.
M. Richard: Mme Lauzon, je ne sais pas si vous étiez
présente ce matin, mais les distributeurs américains nous ont
affirmé que leurs laboratoires étaient souvent affolés de
l'abondance de travail.
Mme Lauzon: Ils peuvent venir au Québec, on n'est pas
affolé du tout de ce temps-ci. Vous pouvez demander à tous les
gens qui travaillent dans le cinéma comment c'est.
M. Richard: Vous seriez disposés, bien sûr, à
tirer les copies des films américains, compte tenu qu'ils sont
affolés de l'abondance de travail.
Mme Lauzon: Oui. La même chose s'applique aussi au
doublage. On dit que cela prend je ne sais combien de mois pour doubler en
France. Au Québec, on double en deux mois un long métrage.
M. Richard: Mme Lauzon, je comprends très bien le
problème que vous avez exposé. J'espère bien que les
syndicats québécois et le gouvernement québécois
pourront, de part et d'autre, négocier avec leurs partenaires, leurs
collègues français pour avoir une meilleure part du gâteau.
Sauf que vous devez bien reconnaître que votre recommandation n'est pas
sans péril, non plus, puisque le marché québécois -
c'est une contrainte avec laquelle il nous faut, hélas, vivre - ne
serait peut-être pas toujours suffisant pour assurer le doublage ici de
chacun des films. Vous devez, j'en suis sûr, envisager d'autres solutions
que le double doublage, si je peux m'exprimer ainsi.
Mme Lauzon: Nous sommes entièrement conscients de tout
cela. La raison pour laquelle on demande cette loi, c'est afin que le
Québec ait une arme égale à celle de la France. Les
Français ont leur fameux décret qui dit: Bon, un doublage doit
être fait en France pour passer. Tant que le Québec n'aura pas une
loi équivalente, les Français ne voudront pas discuter. Ils ne
l'ont jamais voulu depuis 1972. Tous les gens qui ont participé à
toutes les commissions le savent. Ils feignent de nous recevoir. Ils ne veulent
même pas nous entendre parler de doublage. On dit, nous: Le jour
où on aura une loi égale à la leur, peut-être
qu'enfin on pourra leur parler. C'est une porte pour nous.
M. Richard: II paraît que maintenant ils sont un peu mieux
disposés, mais je n'en ai pas la certitude.
Mme Lauzon: Moi non plus.
Le Président (M. Paré): Terminé? M. le
député de Saint-Henri.
M. Hains: Mme Lauzon, je me faisais un peu la même
réflexion que M. le ministre. Un contresens semble exister dans votre
mémoire, ici à l'article 3.12 où vous dites: II va de soi
que tout distributeur soucieux de s'assurer une exploitation internationale,
évidemment, va se conformer à la loi française. Alors,
à la fin, comme l'a dit M. le ministre, vous recommandez que ce soit
indispensable d'avoir un visa d'exploitation ici au Québec pour la
présentation des films. Au fond, cela revient à la même
chose.
Mme Lauzon: Pour nous, c'est le seul moyen d'en arriver à
négocier avec la France. Entre parenthèses, vous demandiez ce
matin ce que représentaient les 55% de films américains qui ont
été doublés. Cela dépend de quelle année on
parle. D'après le rapport du Bureau de surveillance du cinéma, si
c'est 1979-1980, c'est 95 longs métrages et, si c'est 1980-1981, c'est
97 longs métrages.
M. Hains: Merci. Maintenant, on peut bien demander, quand
même, à M. le ministre si notre colonie continue à
poursuivre des négociations avec la mère patrie sur cette
question. Est-ce que cela continue?
M. Richard: Oui, M. le député de Saint-Henri.
J'espère bien avoir des contacts à brève
échéance avec mon homologue français, mais, encore une
fois, on nous opposera sans doute que c'est un problème qui est
soulevé par les syndicats français. Je pense qu'il faut, de part
et d'autre, c'est-à-dire les syndicats québécois - je
pense, en particulier, à l'Union des artistes - et le gouvernement
québécois, tenter d'amadouer les syndicats français et le
gouvernement français à cet égard. On sait que le
gouvernement français s'est déjà dit à peu
près disposé à négocier des ententes, mais que les
syndicats - on s'en souviendra - s'y
étaient opposés.
M. Mains: II y a une chose que je trouve vraiment outrageante,
c'est quand nous avons ici un film québécois qui, lorsqu'il s'en
va en France, doit passer par une nouvelle traduction française. Cela
été dit par la présidente même de l'Union des
artistes.
Mme Lauzon: Cela a été fait dans le cas des "Bons
débarras".
M. Hains: Pardon?
Mme Lauzon: Cela s'est fait dans le cas du film "Les bons
débarras". "Les bons débarras" a même été
sorti en anglais en France.
M. Hains: Oui, parce que c'est Mme Deschâtelets même
qui l'a dit.
M. Richard: M. le député de Saint-Henri, je dois
quand même vous dire - la vérité a ses droits - que cela a
pu arriver de façon exceptionnelle, mais, d'une manière
générale, il y une "tolérance" entre guillemets pour les
films québécois, même canadiens.
M. Hains: Parce que c'est outrageant, quand même.
M. Richard: Oui, je sais, M. le député de
Saint-Henri. Je suis tout à fait d'accord avec vous et je partage votre
indignation.
M. Hains: Voilà! Je suis heureux qu'on partage au moins
quelque chose, malgré qu'on partage beaucoup.
Maintenant, une dernière petite question. Croyez-vous qu'il soit
vraiment possible de négocier des contrats avec l'Association canadienne
des distributeurs de films, qui était ici ce matin? J'ai entendu dire
par une des personnes qui travaillent chez vous que les négociations
étaient vraiment commencées entre votre association et
l'Association canadienne des distributeurs de films que nous avons reçue
ce matin. Y a-t-il quelque chose d'engagé dans ce domaine?
Mme Lauzon: Non, pas que je sache.
M. Hains: Pas que vous sachiez. Je tiens cela d'une personne
sûre.
Mme Lauzon: Avec notre association?
M. Hains: L'Association Astral, c'est chez vous?
Mme Lauzon: Non.
M. Hains: Non? Ce n'est pas chez vous?
Mme Lauzon: C'est pour cela... M. Hains: Pardon?
Mme Lauzon: Astral est une compagnie qui fait partie de notre
association.
M. Hains: Non, mais c'est ce que je veux dire.
Mme Lauzon: C'est parce que je ne suis pas dans les secrets de ce
qui se passe dans la compagnie Astral, Bellevue, Pathé.
M. Hains: Ah bon! J'espère que c'est vrai qu'il va
vraiment y avoir communication entre vous et cette association canadienne qui
pourrait avoir, comme on disait, du travail, vu qu'ils sont vraiment
affolés, paraît-il, devant le travail qui les attend.
Mme Lauzon: Bellevue, Pathé a toujours eu beaucoup de
doublages - le mot "beaucoup" est toujours relatif - de longs métrages
parce qu'ils produisent eux-mêmes beaucoup de films. Il font très
souvent le doublage de leurs propres films. C'est une des raisons pour
lesquelles ils en font.
Le Président (M. Paré): Mme la
députée de Chomedey.
Mme Bacon: Cela va être très bref. Je voudrais
peut-être suggérer au ministre que, lors des prochaines rencontres
- je ne veux pas minimiser les pouvoirs du ministre des Affaires culturelles -
entre les premiers ministres du Québec et de la France, on cesse de
penser aux cuivres comme on l'a fait en 1977 et qu'on ramène
peut-être le doublage pour donner du travail à nos artistes
québécois. J'aimerais demander à Mme Lauzon si on peut
vraiment rivaliser -parce qu'on fait toujours des comparaisons,
malheureusement; c'est toujours odieux, pour employer un vieux cliché -
avec la technique française, sur le plan technique. Nos artistes
peuvent-ils vraiment rivaliser avec les artistes français pour le
doublage? A-t-on des spécialistes en doublage suffisamment nombreux pour
remplir ce marché qui est devant nous?
Mme Lauzon: Oui. La première des choses, c'est que
plusieurs compagnies de doublage de Montréal, du point de vue
équipement technique, sont mieux équipées que les
compagnies françaises. Notre équipement est beaucoup plus
moderne, beaucoup plus neuf et tout cela. Au point de vue des comédiens,
nos comédiens sont aussi bons que les comédiens français.
C'est évident qu'on ne pourrait pas, demain matin,
se mettre à faire tous les doublages qui entrent sur le
territoire québécois, mais ce qu'on demande, c'est qu'il y ait un
commencement. À ce moment-là, oui, on est capable de rivaliser de
qualité, à une condition aussi, c'est qu'on ait des budgets qui
ne soient pas comme les budgets qu'on a actuellement quand on fait des
doublages. Au Québec, la moyenne des budgets de doublage est de 20 000
$. Tout le monde parle d'un budget de 45 000 $ pour faire un doublage. Cela ne
s'est jamais vu au Québec, un doublage de 45 000 $. C'est 20 000 $ en
moyenne que nous avons. En plus, on refait souvent les génériques
en français dans les doublages que l'on fait, ce que la France ne fait
pas.
Mme Bacon: Et la France ne faisant pas les
génériques facture ces 45 000 $. C'est plus dispendieux. Le taux
français, en fait, est plus élevé.
Mme Lauzon: Non, c'est parce que cet argent leur permet de
travailler beaucoup plus lentement. Le doublage est lié au temps que
vous avez pour le faire. Votre budget est la partie la plus importante. Si vous
avez un budget de 20 000 $, vous devez travailler à une certaine vitesse
si vous voulez arriver à avoir un peu de revenu à la fin. Vous
n'avez pas le choix.
Mme Bacon: Au fond, le travail, c'est votre budget.
Mme Lauzon: Oui. Un des facteurs qui déterminent la
qualité d'un doublage c'est le budget qu'on a pour le faire.
M. Richard: M. le Président, j'aurais une dernière
question à poser à Mme Lauzon. Vous avez évoqué le
fait, tout à l'heure, que vous étiez maintenant en face de
licenciements et de mises à pied. Est-ce que cela signifie qu'il y a eu
une détérioration de la situation et pourquoi, si c'est le cas,
bien sûr?
Mme Lauzon: Disons que la plus grande part des revenus des
compagnies de doublage a toujours été, dans le passé, les
doublages pour la télévision; cela a toujours
représenté une très grande part de nos revenus en
doublage. La France, à la fin des années soixante et au
début des années soixante-dix, a toléré - si ma
mémoire est bonne, c'était 40 heures - 40 heures de doublage fait
au Québec. Mais cette situation a changé; maintenant, elle n'en
accepte plus; ce n'est pas officiel, c'est officieux, mais il n'y a pas un
doublage québécois pour la télévision qui va passer
sur les ondes en France. Depuis ce temps, les distributeurs font faire leur
doublage en France, parce qu'ils sont sûrs de vendre leur émission
en France et de la vendre au Québec quand même.
M. Richard: Merci. Mes derniers mots seront une réflexion
pour mon collègue, le député de Saint-Henri qui va, je
pense, doubler notre commune indignation en ce qui a trait au film "Les bons
débarras"; c'est un distributeur américain qui l'a fait doubler
en anglais en France, en l'occurrence International Exchange.
M. Hains: Cela double, oui.
Le Président (M. Paré): Là-dessus, Mme
Lauzon, merci du temps que vous avez accepté de consacrer à la
commission. J'inviterais maintenant l'organisme suivant à prendre place
en avant. Il s'agit de l'Association québécoise des distributeurs
de films. Messieurs, bienvenue à la commission. J'inviterais maintenant
le porte-parole à se présenter et aussi à nous
présenter la personne qui l'accompagne.
Association québécoise des distributeurs
de films
M. Meunier (Robert): Mon nom est Robert Meunier, je suis le
porte-parole de l'Association québécoise des distributeurs de
films et je suis accompagné de M. Pierre René, qui est membre du
conseil d'administration de ladite association.
M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs les
membres de la commission, avec votre permission, plutôt que de lire le
mémoire que nous avons déjà soumis et qui, de toute
façon, fait officiellement partie des dossiers de la commission, nous
aimerions, à ce stade-ci, axer notre présentation orale sur deux
points que nous jugeons d'une importance primordiale. Mais, auparavant, nous
croyons, toutefois, nécessaire de manifester notre satisfaction
générale devant le projet no 109 et l'esprit combatif qui
l'anime. De tous les projets de loi présentés depuis quelques
années, il est sûrement celui qui ose le plus dans sa
volonté de défendre les intérêts artistiques,
culturels, économiques et industriels de la société
québécoise. Nous espérons que notre intervention pourra
lui apporter le soutien nécessaire pour résister aux attaques de
ceux qui font passer en premier leurs intérêts pécuniaires,
sans souci de nos intérêts culturels et sans se soucier de
contribuer à notre industrie nationale. Nous espérons, de
même, que notre intervention pourra peut-être lui apporter encore
plus de dents.
Premier sujet, l'article 79 sur l'accessibilité aux films dans la
langue de la majorité. Établissons tout de suite que nous,
distributeurs, n'avons aucun intérêt économique dans la
promulgation de cet article, bien au contraire, puisque nous
sommes directement assujettis aux contraintes qui y sont contenues. Nous
croyons, toutefois, de notre devoir de défendre le droit de la
très grande majorité du peuple québécois à
voir les films dans sa propre langue. Le cinéma est sûrement le
véhicule culturel le plus populaire et le problème de savoir dans
quelle langue ce véhicule culturel s'adressera au peuple
québécois est fondamental pour la survie de la culture de ce
peuple. (16 h 15)
Certains intervenants sont venus dénoncer l'article 79,
prétendant que cette loi brimerait les droits des minorités
linguistiques, sachant fort bien qu'il n'en était rien, mais voulant
semer le doute, certains, afin de protéger leurs intérêts
financiers, d'autres parce qu'ils ne perdent jamais l'occasion de marquer des
points dans une rivalité qui se situe sur un autre champ de bataille que
celui-ci. N'oublions pas que cette province est francophone à environ
80%. Bien que nous n'accepterions pas de participer à la suppression des
droits des minorités linguistiques, si jamais cela était
proposé, nous ne pouvons pas, non plus, accepter qu'on demande à
80% de la population d'abandonner les siens pour satisfaire les exigences des
autres. C'est cette dernière situation qui prévaut
présentement et que certains voudraient maintenir.
Tout ce que l'article 79 veut accomplir et édicter, de fait,
c'est de permettre à ces 80% de la population de voir les films aussi
rapidement qu'il est possible de le faire, rien de plus. Premièrement,
la loi exige que si des copies sont disponibles en français, soit par
voie de doublage, soit par sous-titrage, elles doivent être visées
en même temps par la régie en nombre au moins égal en
français. Je dois faire remarquer qu'on n'exige même pas des
sorties simultanées. Théoriquement, on pourrait emprunter une
copie de l'étranger, la faire viser et la retourner sans jamais la
sortir. J'ose espérer, toutefois, que personne n'aurait le culot de se
servir de ce subterfuge.
Deuxième possibilité: si le distributeur a
déjà commencé à faire un doublage ici, il peut
obtenir un visa immédiat. En aparté, j'ajouterais, pour avoir
moi-même fait doubler des films au Québec, qu'on peut obtenir des
doublages d'une qualité supérieure si on veut bien en assumer le
coût.
Enfin, dernier scénario, celui où il n'y a pas de copie
disponible présentement en français. Le distributeur peut
toujours, tout de même, obtenir un visa pour 60 jours. Qui peut, alors,
oser prétendre qu'un groupe pourrait ne pas avoir accès à
certains films si ce n'est, finalement, des Canadiens français qui, eux,
ne sont pas protégés parce que, si un film a une carrière
de moins de 60 jours, il n'y a aucune obligation de faire viser une copie en
français. Dire qu'on va trop loin, c'est vraiment de la pure
démagogie.
Passons maintenant à l'article 97 sur la réappropriation
du marché. À lire la réaction de certaines personnes sur
les dispositions de l'article 97 du projet de loi et sur certaines
déclarations concernant les membres de notre association, on serait
porté à croire que l'AQDF (Association québécoise
des distributeurs de films) cache un groupuscule d'extrémistes
politiques, d'empêcheurs de tourner en rond voulant demeurer bien au
chaud au fond de leur lit pendant que les émissaires des politiciens
nationalistes viennent leur porter des barils de subventions. La
réalité est tout à fait à l'opposé. L'AQDF
est composée d'hommes d'affaires qui, bon an, mal an, tous,
individuellement, et même les plus petits d'entre eux, engagent leur
responsabilité financière pour des sommes supérieures
à 100 000 $, et dans la plupart des cas, plutôt plusieurs
centaines qu'une seule, dans l'acquisition de droits de films à des fins
de distribution. Ces chiffres ne comptent pas les frais de sortie de films,
presque aussi considérables, et ne comptent pas, non plus, des frais
administratifs très importants, tout cela en espérant qu'il reste
quelques sommes pour subvenir à leurs besoins personnels et à
ceux de leur famille. Je me dois d'ajouter que tout cela se fait sans obtenir
de subvention du gouvernement.
Pourquoi les distributeurs, qui ne sont pas ici pour vous demander de
l'argent, vous demandent-ils, toutefois, la protection de l'article 97? C'est,
d'abord, le privilège de toute industrie locale de demander une
protection contre l'industrie étrangère, que ce soit l'industrie
de l'automobile ou celle du textile. C'est aux instances gouvernementales de
juger de la nécessité de la leur accorder. Ce n'est donc pas
propre au cinéma et nous ne sommes pas les premiers à le
faire.
D'ailleurs - on les en remercie - les "majors", dans leur
mémoire, à la page 37, établissent qu'il y a des
précédents juridiques et ajoutent que, dans le cas de l'industrie
agricole et de l'industrie laitière, ces lois sont justifiées
parce qu'elles concernent des produits dits fondamentaux. Je suppose qu'ils
jugent notre demande injustifiée parce qu'ils jugent que le
cinéma n'est pas un de ces produits fondamentaux. Pour eux, la culture
du peuple, c'est facultatif. Nous préférons l'attitude du
ministre des Affaires culturelles qui disait dans une entrevue accordée
au critique cinématographique de la Presse: "Ce serait aberrant qu'un
gouvernement qui émane d'une formation politique créée
précisément en vue d'un projet national renonce à un
cinéma national qui est le moyen privilégié de
l'affirmation de l'identité nationale et du rayonnement dans le monde."
Les membres de l'Opposition pourront ne pas
aimer la référence à un parti politique; je ne
pense pas qu'ils puissent contester l'objectif qui y est mentionné: la
survie d'un cinéma national. D'ailleurs, un intervenant - et je corrige
ici, c'est le président de l'institut qui l'avait fait remarquer -
soulignait que l'image qu'on se faisait des différents peuples de la
terre nous provenait de leur cinéma et que, sans cinéma, les
nations n'avaient pas d'image.
Or, vous avez pu lire le rapport Fournier, entendre l'institut, l'Union
des artistes, plusieurs autres intervenants et vous entendrez encore les
producteurs et d'autres vous dire que ceux qui contrôlent la distribution
contrôlent le cinéma. Bien sûr, si nous étions les
seuls à le dire, cela pourrait être suspect. Mais tous les groupes
intéressés dans une cinématographie nationale
répètent que, sans le contrôle de la distribution par des
distributeurs canadiens indépendants, il n'y aura pas de
cinématographie nationale. C'est facile à comprendre. Ce sont les
distributeurs qui, par l'acquisition de films pour notre territoire,
décident quels films pourront être vus au Québec. Celui qui
aura la main haute sur cette industrie contrôlera nécessairement
le marché du film.
Or, comment les distributeurs canadiens peuvent-ils arriver à
contrôler ce secteur puisqu'ils n'ont presque plus accès aux
films? En ce qui concerne les films américains, bien sûr, la plus
grande partie, certainement les plus commerciaux, appartiennent aux "majors".
Quant aux films français, ils ont longtemps été
distribués par nos membres, mais nous sont de plus en plus
inaccessibles. D'abord, la France possède aussi des "majors" et certains
- comme la Gaumont - ont décidé de venir s'établir
directement ici, d'autres, de s'allier avec un "major" américain pour
exploiter leurs films en Amérique. Il en fut de même de
Para-France. Et nous apprenons que de nouvelles associations sont en train
d'être créées comme l'accord Fox-Hachette.
De plus, les "majors" américains ont aussi décidé
d'exploiter les sources d'approvisionnement de l'Europe, de l'Asie, de toutes
les cinematographies nationales, en fait. Nous avons même vu des "majors"
comme United Artists créer des succursales comme la United Artists
Classics dans le but spécifique d'acheter ce genre de films.
Il ne faut pas croire que, si les Européens ou autres
préfèrent accorder leurs films aux "majors" plutôt
qu'à nous, cela serait dû au fait que les "majors" rapportent plus
d'argent au Québec. Bien au contraire. Récemment United Artists
Classics se vantait de fonctionner purement à pourcentage sans garantir
de minimum, sans fournir d'à-valoir alors que les distributeurs
québécois en offrent régulièrement.
D'ailleurs, lors du dernier festival de Cannes, un de nos membres a
offert le plus haut prix jamais offert pour un film français pour le
territoire du Québec et on a refusé de le lui vendre. La raison
principale de cette pratique, c'est que lorsque les Américains
acquièrent des droits de films pour leur pays, presque tous exigent
automatiquement qu'on leur cède aussi les droits du Canada puisqu'ils
conçoivent le Canada comme leur marché domestique. Donc, si le
producteur étranger veut avoir accès au marché
américain, il ne peut nous céder son film ou n'osera le faire
tant qu'il ne connaître pas la décision américaine. Un de
nos distributeurs a déjà eu, d'ailleurs très
récemment, un contrat d'achat d'un film conditionnel au fait qu'avant
telle date les distributeurs américains ne lui aient pas fait une offre
acceptable. Vous comprendrez que, s'il faut maintenant signer des contrats
d'achat que le vendeur pourra annuler si, par la suite, il peut vendre son film
aux États-Unis, il ne nous sera plus possible d'exercer notre
profession.
Il y a encore plus énorme. L'année dernière, lors
d'une réunion à la SDICC, les producteurs ont demandé
à la SDICC d'incorporer à des contrats qui les lient entre eux
des clauses les obligeant à confier à des distributeurs canadiens
les films financés par la SDICC, car lorsque ces films étaient
vendus aux "majors" américains pour leur territoire, ils ne les
achetaient que si on leur accordait aussi le territoire canadien. Les films
canadiens ne peuvent plus être distribués par des distributeurs
canadiens, de cette façon.
La situation que je viens de décrire va en empirant. Comme nos
sources d'approvisionnement sont de plus en plus restreintes, nos membres se
livrent à des luttes sauvages pour acquérir le plus de films
disponibles et se lancent dans une surenchère dont les seuls
bénéficiaires sont des exportateurs étrangers, alors que
nous nous affaiblissons d'autant plus.
Nous sommes une espèce en voie d'extinction et nous vous
demandons qui alors distribuera les films québécois parce que les
"majors" américains, à une ou deux exceptions près, n'ont
jamais distribué de films québécois tournés en
français et ce, ni au Québec ni à l'étranger. Vous
n'avez, d'ailleurs, qu'à consulter leur liste en annexe à leur
mémoire.
Même, lorsqu'un distributeur canadien indépendant a
réussi à mettre la main sur un film, encore doit-il avoir
accès aux écrans. Il faut comprendre qu'en général
chaque distributeur joue tous ses films dans le même réseau. Par
exemple, Paramount joue ses films chez Famous Players et Universal chez
Canadian Odeon. Il est bien certain que, pour s'assurer de l'exclusivité
de leurs films, les réseaux de salles vont, par contre, s'engager
à présenter tous leurs films. Et le distributeur
québécois verra ses films
s'empoussiérer sur des tablettes en attendant qu'on puisse leur
trouver un trou, et cela même si son film est parfois plus rentable que
plusieurs films américains qui passent avant lui. N'oubliez pas que les
Américains, eux-mêmes, avouent que seuls 20% de leurs films sont
rentables.
Il y a aussi des distributeurs québécois qui obtiennent
des succès quand on leur donne la possibilité d'agir.
Présentement à Montréal, "Les uns et les autres" et "Diva"
sont respectivement en 77e et 49e semaine, ce qui prouve l'habileté et
la compétence de nos membres. Par contre, un de nos membres qui a
produit "Meat Balls" - cela a été écrit avant les
interventions de ce matin - n'avait jamais pu avoir de bonnes dates pour son
film. Il était allé à Toronto pour les obtenir. Devant ce
fait, il vendit son film aux "majors" qui obtinrent ces dates et le film fut
l'immense succès populaire que l'on connaît. Tout cela parce que
les "majors" possédaient un meilleur accès aux salles.
Une simple règle de trois nous indique donc que, si les
distributeurs canadiens indépendants sont les seuls à distribuer
des films québécois d'expression française et que s'ils
n'ont pas accès aux salles, le film québécois d'expression
française sera absent de nos écrans.
Un autre point: les distributeurs ont aussi largement contribué
à notre cinéma-tographie nationale. En étudiant l'histoire
de notre production nationale, on s'aperçoit qu'avant 1965 il y a eu
occasionnellement des films produits au Québec. Ils ont presque tous
été produits par France Film qui était aussi, à
l'époque, le seul distributeur québécois d'importance. En
1966 ou 1967 et jusque vers 1973, la distribution canadienne
indépendante était prospère parce que les "majors"
américains se confinaient alors à la distribution de leurs
propres films.
Cette période fut aussi la période la plus prospère
du cinéma québécois et les films d'alors étaient
produits par ces mêmes distributeurs. Après cette date, la
distribution canadienne indépendante est tombée en chute libre,
comme notre production nationale. Le lien est évident.
L'article 97 permet l'émission d'un permis de distributeur
à des compagnies canadiennes à 80%. Toutefois, une telle
proportion ne nous assure pas nécessairement d'une part active
canadienne dans la distribution. En effet, il serait encore très facile
de contourner la loi en créant des compagnies de manutention de films,
à 80% canadiennes, qui obtiendraient un contrat de distribution de la
compagnie étrangère, mais qui ne jouiraient que d'un très
léger pourcentage des recettes et dont le seul travail réel
serait d'obtenir le visa, de s'occuper de la manutention de la pellicule et de
la publicité. Tout l'argent continuerait ainsi à fuir à
l'étranger qui conserverait aussi le pouvoir décisionnel, ce qui
maintiendrait son pouvoir de pression sur les exploitants.
La seule façon de lutter contre ce détournement serait
d'amender l'article 75 pour faire disparaître la permission de ne
produire qu'une autorisation de présentation de films plutôt que
de produire le contrat de distribution et aussi que la loi oblige la
régie, avant d'émettre tout permis de distribution, à
s'assurer que les cessions de droits de distribution à des entreprises
canadiennes soient bien réelles. À cet égard, il faut que
la régie fixe par règlement les conditions dans tous les contrats
de distribution qu'elle jugera nécessaires pour l'atteinte et le respect
des présents objectifs, ce que la loi ne lui permet pas
nécessairement de faire présentement. J'ai cité le rapport
Fournier à la page 99.
En somme, il est essentiel que la régie ait un mandat clair et
les pouvoirs requis pour adopter toute réglementation qu'elle juge
nécessaire à une réappropriation réelle et non
fictive du marché et cela, dans un délai plus rapide que les deux
années prévues à l'article 87.
Enfin, nous appuyons les demandes de l'Association des producteurs
concernant l'octroi au secteur privé de toute commandite de
différents ministères. Dans le même ordre d'idées,
nous croyons que tous les organismes publics devraient, en matière de
présentation de films ou de matériel vidéo,
s'approvisionner uniquement auprès des distributeurs réellement
québécois.
Quant à certaines déclarations fracassantes entendues ou
lues ces derniers jours, nous ajoutons ceci. Je ne sais pas si le Mozambique
est le seul pays à avoir son article 97, mais il y a plusieurs pays qui
vont plus loin en imposant un contingentement, c'est-à-dire en limitant
le nombre de films étrangers pouvant être importés dans
leur pays. Nous n'avons jamais demandé que les films américains
soient exclus de notre territoire, bien que plusieurs nous accusent de le
faire. Bien au contraire, nous voulons que ces films soient distribués
par nos soins. Ainsi, nous pourrons imposer notre présence sur les
écrans et conserver une partie des 18 000 000 $ qui prennent le chemin
des États-Unis.
Je terminerai en remerciant la commission de nous avoir accordé
la possibilité d'exposer notre point de vue et en répondant
à Michel Nadeau, éditorialiste au Devoir, que le parfait
colonisé n'est pas celui qui choisit de se battre pour défendre
ses droits, mais celui qui a perdu ses droits, mais ne s'en rend pas compte ou
s'en accommode. Merci.
Le Président (M. Paré): Merci, M. Meunier.
La parole est maintenant à vous, M. le
ministre.
M. Richard: M. le Président, je voudrais remercier M.
Meunier de la présentation de ce mémoire qui m'est apparu
très éloquent pour décrire la situation de la distribution
au Québec. J'aurai une question à vous poser. Les distributeurs
américains ce matin dans leur mémoire nous ont accusés de
ne pas sortir les films européens et français très
rapidement. Ils citent, d'ailleurs, des exemples précis à la page
23 de leur mémoire. Qu'avez-vous à répondre à cela?
(16 h 30)
M. Meunier: Les exemples qu'ils donnent sont, d'ailleurs, assez
comiques. Je pense que cela prouve exactement ce que l'on dit. Ces films n'ont
pas pu sortir parce que nous avons des difficultés d'accès aux
salles. Maintenant, quant à un film qu'ils mentionnent, "Le faussaire",
je leur ferai remarquer que le film leur appartient. Il appartient à une
de leurs succursales, United Artists Classics, qui, d'après ce que j'ai
entendu dire d'un des propriétaires de salles qui passe
présentement la version sous-titrée anglaise, refuse
carrément de sortir la version en sous-titres français alors
qu'elle est sortie à Paris. Mais le film leur appartient.
M. Richard: M. Meunier, on met également en doute, dans le
mémoire des distributeurs américains, le fait qu'accorder le
droit de cité aux distributeurs québécois, chez nous, aura
une incidence positive sur la relance de la production cinématographique
québécoise. Vous prétendez le contraire. Avez-vous des
données chiffrées à nous donner à cet
égard?
M. René (Pierre): Si vous me le permettez, je vais
répondre à cette question. La compagnie France Film a investi, de
1945, c'est-à-dire les tout débuts quand même du
cinéma, à 1981, environ 1 500 000 $ dans la production
québécoise. Cela compte pour 43 films. J'ai des chiffres, par
exemple, de Cinépix, d'André Link qui, soit à titre de
producteurs, de coproducteurs, de distributeurs, qui faisaient des annonces et
des choses du genre, se sont intéressés dans 24 films. Je pense
qu'il y a Films Mutuels aussi.
M. Meunier: J'ai la liste des Films Mutuels ici. En 1971, deux
films; en 1972, trois films; en 1973, deux films; en 1974, trois films; en
1975, un film; en 1976, un film; en 1977, un film et en 1978, un film. Je crois
que c'est à peu près la même progression et la même
régression que l'on pouvait lire tout à l'heure dans notre
mémoire. Il y en a d'autres.
M. René: Je n'en ai pas d'autres.
M. Meunier: II y en a d'autres aussi, comme M. Malo qui obtient
présentement, parmi nos distributeurs, les plus beaux succès
commerciaux. Il est encore dans la production parce que c'est un de nos
distributeurs qui, présentement, a le plus de succès. Dans les
dernières années, il a produit les deux films de Micheline
Lanctot. Il a coproduit avec Mutuels un des films de leur liste et il coproduit
présentement avec la France. D'autres distributeurs, à
l'époque aussi, ont déjà produit des films lorsqu'ils
étaient en affaires. Il ne le sont plus maintenant.
M. Richard: Une dernière question, M. Meunier ou M.
René. Pourriez-vous décrire brièvement, sommairement
comment cela se passe en réalité, la distribution et l'achat des
films? Comment faites-vous pour avoir les droits sur les films que vous avez
à distribuer? La cuisine, en d'autres termes.
M. Meunier: Dans la situation actuelle, nous sommes
obligés maintenant de faire des offres dès qu'un projet est
annoncé, parfois sans même connaître les acteurs, parce que
le bassin de films que l'on peut acheter est tellement restreint qu'on ne peut
plus attendre de voir les films. Vous ne pourrez jamais obtenir un film de
Truffaut si vous attendez de le voir. Dès que François Truffaut
annonce qu'il fait un film, il faut tout de suite faire une offre.
M. René: Pour être plus clair, le Québec est
quand même présentement - vous excuserez l'expression anglaise -
un "seller's market", c'est-à-dire qu'il y a beaucoup plus de demandes
de la part des distributeurs qu'il y a d'offres, ce qui fait qu'essentiellement
cela provoque naturellement une hausse des prix et cela amène aussi le
distributeur à prendre des risques plus élevés et plus
rapidement pour s'assurer de l'approvisionnement en produit.
Quand vous me demandez la cuisine, eh bien, il y a toutes sortes de
méthodes, mais normalement, dans les gros films, par exemple, les
distributeurs indépendants vont habituellement être obligés
de se commettre sur scénario. Je me suis moi-même impliqué
strictement sur le nom d'un réalisateur, sans scénario, tout
simplement un réalisateur, puis cela a été une bonne
affaire, remarquez. J'ai été chanceux. Dans d'autres occasions,
les gens vont courir les festivals, le marché de Milan. Tu regardes les
films, tu fais des offres, tu les paies et après tu prends ta perte ou
ton profit.
M. Richard: Mais une fois que vous avez les films, il vous faut
les placer en salles. Vous nous indiquez dans votre mémoire que les
"majors" vont toujours dans les mêmes salles, c'est-à-dire que
Universal
va toujours chez Odéon ou Cinémas Unis ou inversement et
ainsi de suite. En somme, les "majors" se partagent les deux, trois ou quatre
grands. C'est exact.
Je cède la parole à d'autres intervenants. Merci, encore
une fois.
Le Président (M. Paré): M. le député
de Saint-Henri.
M. Hains: Pas une nouvelle question, mais enfin cela va
être un peu nouveau parce que cela fait longtemps qu'on en a
parlé. À la page 5 de votre mémoire, vous semblez donner
votre appui, votre consentement au fonds de soutien du cinéma. Cela va?
Est-ce que vraiment vous êtes d'accord avec les mesures que propose quand
même le rapport Fournier dans ce domaine? Croyez-vous, par exemple, que
la câblodistri-bution va pouvoir supporter une taxe de 10%, de la
publicité ou une taxe supplémentaire de 5%, et des taxes de 2 $,
disons, sur des cassettes vierges, etc? Pensez-vous que vraiment on puisse
imposer ce fonds de soutien pour ramasser les 25 000 000 $ dont on a vraiment
besoin?
M. René: Vous allez le réaliser,
c'est-à-dire le savoir quand vous aurez fait les études
nécessaires pour savoir si ces gens sont à même de payer.
C'est une suggestion qui a été faite à la commission
Fournier. L'Association des distributeurs, du moins, est tout à fait
d'accord. Mais il est évident que d'aucune façon on ne pourrait,
par exemple, mettre en péril une industrie ou certaines entreprises pour
en aider d'autres. Je veux dire qu'on ne règle pas de problèmes
à ce moment; on s'en crée. Je ne le sais pas. Écoutez, je
n'ai pas vu les états financiers des stations de télé, je
n'ai pas vu les états financiers, non plus, des
câblodistributeurs, mais je pense que c'est de l'information qui vous est
accessible.
M. Hains: Parce que cela va certainement demeurer une question
fondamentale. Vous dites vous-même ici, d'ailleurs: Si cette structure
qu'on est en train de monter dans le projet de loi n'est pas vraiment
étayée par ces 25 000 000 $, tout cela va rester,
évidemment, lettre morte dans les années à venir. Je sais
que cela cause un très grave problème actuellement pour le
gouvernement. On sait les crises que nous traversons actuellement. Avec vous,
je vais dire qu'il faut presque prier que le Seigneur nous envoie des dollars
d'en haut pour qu'enfin ce projet soit mis en vigueur.
M. René: Dommage que M. Caouette soit
décédé.
M. Hains: Bien oui.
M. René: II aurait pu vous en fournir, quand
même.
M. Hains: Je ne sais pas si le ministre a des nouvelles
là-dessus au point de vue financier, si cela avance et si notre ministre
du Revenu commence à s'intéresser à la chose. Cela va
demeurer quand même, je crois, un problème fondamental pour mettre
cette structure en marche.
M. Richard: M. le député de Saint-Henri, je vous
répondrai que je suis en relation très étroite et
constante avec le Très-Haut.
M. Hains: Avec le Très-Haut. Maintenant, si vous descendez
un peu plus sur terre, allez-vous rencontrer le ministre des Finances aussi
dans ce sens? C'est ma seule question. Je veux savoir vraiment, si vous allez
donner votre approbation, en général. Évidemment, cela
peut être autre chose que ça mais, de toute façon, je crois
que tout le monde est à la recherche de finances pour faire avancer la
structure.
M. René: Une chose qui a été dite, je pense,
par M. Richard au cours de la semaine - je suivais cela à la maison,
c'est bien excitant, je vous félicite pour votre programme, d'ailleurs,
c'est très beau - c'est qu'il n'y avait pratiquement pas de lois, qu'il
n'y en avait aucune où on incorporait dans la loi un pourcentage ou des
sommes d'argent. Moi, quelqu'un m'a dit qu'il y avait la loi provinciale qui
protège ou qui vise à améliorer la race chevaline. Il y a
une loi pour la protection de la race chevaline; elle est provinciale. C'est
une taxe. Il y a tant d'argent, il y a un pourcentage des revenus qui s'en va
pour protéger la race chevaline. Il y en a une, quand même.
M. Richard: Celle-là, M. René, je ne la connaissais
pas. J'ai dit que j'en connaissais une qui était la loi constitutive de
l'Institut québécois sur la culture, qui a en quelque sorte un
budget protégé. J'ai surtout insisté sur le fait que s'en
tenir, par exemple, à 5% du budget du ministère des Affaires
culturelles ne m'apparaissait pas une proposition tout à fait
réaliste parce qu'on pourrait y perdre parfois, même si on
pourrait y gagner de temps en temps.
M. René: Probablement. M. Richard: D'accord.
Le Président (M. Paré): La parole est maintenant
à Mme la députée de Maisonneuve.
Mme Harel: M. Meunier, en fait, j'ai deux questions. Il y en a
une que je pose un
peu par curiosité puisqu'on a beaucoup dit que le public
québécois était réfractaire au sous-titrage.
J'aimerais avoir votre opinion là-dessus.
M. Meunier: Tout dépend du type de film. Il est bien
certain que le grand public ne préférera pas les films
sous-titrés, mais je pense que la question du sous-titrage a
été mal abordée, à savoir si le public veut les
voir sous-titrés ou doublés. Je pense que l'article 79 n'existe
que pour protéger certaines personnes qui doivent attendre six mois pour
voir un film. Au moins pourront-elles comprendre le film en regardant les
sous-titres. Cela ne veut pas dire que c'est ce qu'elles
préfèrent. C'est un pis-aller. C'est, si je ne trompe, la raison
pour laquelle c'est inclus dans la loi.
M. René: Je voudrais ajouter à cela que le
sous-titrage, par exemple, ne convient pas du tout à la
télévision. Ce n'est pratiquement pas possible. À ce
moment-là, il faut entrer dans un sous-titrage électronique et,
si vous avez déjà vu cela, cela prend quand même trop
d'espace sur l'écran. Avec le sous-titrage cinématographique, ce
qui arrive, c'est qu'on perd les deux coins et la dernière ligne. Donc,
on n'avance pas tellement. Le sous-titrage n'est pas tellement une solution,
quand même.
Mme Harel: Ce n'est pas populaire. M. René:
Non.
Mme Harel: Les distributeurs américains ont fait valoir ce
matin qu'en quittant, si tant est que les décisions dont M. Hurtubise
faisait mention à Toronto... Croyez-vous que s'ils quittent, justement,
comme le prévoit le projet de loi, les cinéphiles
québécois vont, en fait, être pénalisés?
M. Meunier: II y a plusieurs scénarios possibles.
Présentement, les distributeurs américains détiennent des
droits sur notre territoire pour un certain nombre de mois à venir. La
décision leur appartient. Bien sûr, ils pourraient décider
de dire: Nous détenons déjà des droits sur des films; ces
films, vous ne les aurez pas. Par contre, il faut dire que ce marché
leur a rapporté 18 000 000 $. Ils ont dit ce matin 13 000 000 $, mais
d'autres membres de leur association disent 18 000 000 $. Peu importe. Les
hommes d'affaires américains sont très pragmatiques. Ils vont
dans des pays où on leur dit: "Yankee, go home", mais ils y vont quand
même s'il y a de l'argent à faire. Les films qu'ils viennent faire
ici au Québec leur rapportent 18 000 000 $. Je doute que le boycott soit
très long, si jamais boycott il y a. De plus, au niveau
fédéral, il semble qu'on étudie aussi grandement cet
aspect de la loi et sûrement qu'on regarde attentivement ce qui va se
passer au Québec. Si jamais cela se passait de la même
façon au Canada, ce serait 92 000 000 $ qu'ils auraient à
boycotter. Je ne vois personne boycotter 92 000 000 $. Et même s'ils
décidaient de le faire, les films ne leur appartiennent pas comme tels.
Ils achètent des droits de distribution pour des territoires
donnés. Quand les droits qu'ils ont seront expirés et qu'il sera
temps d'acheter des droits pour de nouveaux films, les producteurs auront,
à ce moment-là, le choix de dire: On vous les donne pour tout le
monde, même si on sait fort bien que dans ce pays vous ne pouvez pas les
distribuer. Ils pourront aussi dire: Nous, on n'est pas pour perdre ce
marché. On va vous céder les droits pour tous les territoires,
sauf cet endroit où vous n'en avez pas le droit, où vous
choisissez de ne pas sous-traiter avec des distributeurs locaux. Nous ferons
affaires avec des distributeurs locaux et nous vendrons notre produit à
ces gens. Je ne vois pas, par exemple, Steven Spielberg refuser 4 300 000 $ ou
la part du producteur et la part du distributeur, parce que, parfois, c'est
identique. Je ne le vois pas.
Mme Harel: Je vous remercie. C'est peut-être une suggestion
que j'aurais à vous faire. Je ne sais pas, en fait, comment elle sera
reçue par le ministre des Affaires culturelles. Je n'ai pas eu
l'occasion de lui en parler, mais dans la mesure où l'industrie demande
une certaine sécurité quant à l'enveloppe
budgétaire consacrée au cinéma, plutôt que de
réclamer un pourcentage du budget alloué au ministère des
Affaires culturelles, avec les difficultés que cela peut
présenter, il pourrait peut-être y avoir l'hypothèse, par
exemple, d'un budget protégé à l'intérieur du
budget des Affaires culturelles pour l'industrie cinématographique.
M. Richard: Cela existe déjà, en quelque sorte, Mme
la députée de Maisonneuve. Dois-je répéter...
Mme Harel: Selon le bon vouloir du ministre.
M. Richard: ...ce que j'ai déjà dit à
plusieurs reprises, que le budget consacré à l'industrie
cinématographique du Québec serait sensiblement augmenté?
(16 h 45)
Mme Harel: Merci. Combien?
M. Richard: À des produits très hauts.
Le Président (M. Paré): Vous avez terminé?
La parole est maintenant au député de Marquette.
M. Dauphin: Si vous le permettez, juste
deux petites questions. La première est en relation avec la page
3 de votre mémoire, concernant votre revendication voulant que "toute
société à être créée par la nouvelle
loi revienne sous la tutelle de l'institut". Doit-on en conclure que vous
préféreriez la formule de filiale que l'on a retrouvée, si
je ne m'abuse, dans la commission Fournier, c'est-à-dire un groupe
d'individus hors de l'institut, mais sous la responsabilité de
l'institut?
M. Meunier: Lorsqu'on a étudié le projet de loi,
cela nous apparaissait ainsi. Par la suite, parce que d'autres problèmes
nous sont apparus plus importants en tant que distributeurs, nous avons
travaillé surtout sur ceux-là et il semblerait que certaines
autres instances qui ont eu à continuer l'étude de cette partie
de la loi auraient eu des assurances qu'elles pourraient vivre avec le projet
de loi actuel. Mais, en tout cas, au moment où on l'a
étudié, cela nous paraissait important que cela reste sous la
responsabilité de l'institut, parce que, après tout,
c'était un des principes du rapport Fournier, la
représentativité du milieu. Je pense que c'est peut-être la
première fois ou, en tout cas, une des rares fois où une
industrie pouvait vraiment prendre des décisions la concernant et que ce
principe était très apprécié.
M. René: En fait, je pourrais ajouter à cela que
l'impression que nous avions, à la lecture du projet de loi, c'est que
l'institut, c'est-à-dire le conseil des douze, des huit ou des neuf
membres, selon le cas, n'avait absolument rien à dire sur les
activités de la société générale; je parle
de l'administration. On craignait sérieusement de s'en aller dans un
pattern où l'administration prendrait le gros morceau du budget et
léserait quand même les secteurs de production auxquels on
voudrait destiner cet argent. On nous a rassurés en nous disant que ce
n'était pas du tout le cas.
M. Dauphin: Juste une dernière question, si vous le
permettez, M. le Président. Si on prend l'interprétation de
l'article 97 qu'ont faite les intervenants de ce matin, les "majors", en
pratique, ce serait l'expulsion pure et simple des compagnies distributrices
américaines. On a aussi soulevé l'argument que, dans certains
pays comme la Suisse, on avait des mesures plus douces, style contingentement.
Je me trompe peut-être sur la signification à donner, mais, en ce
qui me concerne, ils ont semblé dire que c'était plus doux de les
contingenter que de les mettre dehors. Vous, vous semblez dire le
contraire.
M. Meunier: Oui, cela dépend du point de vue où on
se place. Il est certain que, pour elles, le contingentement est beaucoup moins
absolu que la loi actuelle, parce que, dans le contingentement, elles restent,
mais elles ne peuvent distribuer tous leurs produits. Par contre, le produit
américain -parce qu'il faut bien faire la distinction entre les
distributeurs des "majors" américains et le film américain; ce
n'est pas du tout la même chose - dans le cadre de l'article 97, aura
toujours accès à notre marché. Si on veut nous le donner,
il ne sera d'aucune façon limité, alors que, dans le
contingentement, seulement une partie des films américains pourrait
venir ici. Alors, si on se place du côté du cinéphile, du
consommateur et si on se place du côté des créateurs
américains, le contingentement est beaucoup plus agressif contre
eux.
M. Dauphin: D'accord.
Le Président (M. Paré): M. le député
de Châteauguay.
M. Dussault: M. le Président, ma question devait porter
sur l'éventuelle et hypothétique grande colère des
"majors" américains. Ma collègue a bien posé la question
et je suis très satisfait de la réponse de M. Meunier.
Le Président (M. Paré): Donc, les questions
étant épuisées, M. Meunier et M.
René, merci de votre participation à la commission.
M. René: Merci.
Le Président (M. Paré): Merci beaucoup.
Étant donné qu'il nous reste plusieurs intervenants à
écouter et que cela peut prendre encore quelque temps, nous allons
suspendre pour quelques minutes, soit environ une dizaine de minutes, et nous
allons revenir immédiatement ensuite avec l'Association des
propriétaires de cinémas du Québec Inc. Donc, c'est
suspendu pour dix à quinze minutes.
(Suspension de la séance à 16 h 51)
(Reprise de la séance à 17 h 13)
Le Président (M. Paré): À l'ordre, s'il vous
plaît, mesdames et messieurs. Je demanderais à tous les gens de
reprendre leur place, s'il vous plaît, pour que la commission élue
permanente des affaires culturelles puisse poursuivre l'audition des
mémoires relativement à la loi 109.
Nous étions rendus à l'audition du mémoire
présenté par l'Association des propriétaires de
cinémas du Québec Inc. Comme vous avez déjà pris
place, je vais demander... Un instant, s'il vous plaît!
J'inviterais le porte-parole de l'Association des propriétaires
de cinémas du Québec Inc. à se présenter et
à bien vouloir nous présenter aussi les personnes qui
l'accompagnent. Ensuite, la parole sera à vous pour la
présentation du mémoire.
Association des propriétaires de cinémas
de Québec Inc.
M. Godin (Robert P.): Merci, M. le Président. Mon nom est
Robert Godin; je suis avocat de l'Association des propriétaires de
cinémas du Québec Inc.; à ma gauche, M. Lome Bernard,
président de l'association, directeur régional et membre du
conseil d'administration des cinémas Odéon Ltée; à
ma droite, M. Marcel Venne, qui est aussi administrateur de l'Association des
propriétaires de cinémas et qui est président de trois
entreprises indépendantes de cinéma dans la région de
Joliette, Shawinigan et Grand-Mère.
En guise d'introduction, je peux vous dire un tout petit peu ce qu'est
l'Association des propriétaires de cinémas. C'est une association
qui existe maintenant depuis 1932 - elle a 51 années d'existence - et
qui regroupe la grande majorité des écrans au Québec, les
écrans de cinémas et les écrans de ciné-parcs; en
fait, ses membres sont propriétaires de 75% des écrans au
Québec.
Les exploitants de salles emploient directement 2500 employés au
Québec. Ils ont des recettes au guichet brutes annuelles d'environ 60
000 000 $ et ils ont un investissement en bâtisses, en équipement,
en immobilisations d'au moins 100 000 000 $. C'est donc dire que les
exploitants de salles jouent, au Québec, un rôle significatif. On
aimerait vous présenter notre mémoire d'une façon
générale en soulignant certains aspects du mémoire
plutôt que de le lire au complet. Je couvrirai certains aspects,
certaines dispositions. M. Bernard couvrira l'article 79. M. Venne couvrira
l'article 91, la question de la billetterie et certaines dispositions de
l'article 159.
Au départ, on a voulu mentionner, comme on l'a fait dans d'autres
mémoires, que les exploitants de salles exercent un commerce où
la rentabilité doit être significative et où elle doit
certainement être comparable à celle que ses membres pourraient
retirer d'investissements semblables dans des commerces comparables. Comme je
l'ai mentionné, les exploitants de salles ont des investissements
considérables tant au point de vue des immobilisations et de
l'équipement que du personnel. C'est un investissement qui, d'une
façon générale, est à vocation unique. Il ne peut
pas s'adapter facilement à d'autres utilisations. Au moment où on
vous parle, les salles de cinéma ont un public fragile. Vous avez sans
doute pris connaissance de l'étude SORECOM qui fait état de la
fragilité du public des salles de cinéma, un public qui a un
choix toujours plus grand de possibilités.
On a déjà fait des représentations à la
Régie des services publics à l'occasion des auditions par les
requérants sur la télévision payante. On a fait
état des difficultés qui nous semblent certaines si la
télévision payante n'est pas réglementée dans sa
programmation, dans l'utilisation d'un produit cinématographique qui est
exactement le même produit qui devrait être accessible aux
exploitants de salles. D'ailleurs, les promoteurs de la
télévision payante font état dans leur publicité
que 75% de leur programmation seront composés de films récents.
C'est exactement le même produit, dont on sait la rareté et la
difficulté d'obtenir la disponibilité, qui sera utilisé
par les câblodistributeurs à l'occasion de la
télévision payante.
Pour ces raisons, on veut demander au législateur de faire preuve
de beaucoup de prudence en s'immisçant dans le domaine du cinéma,
de la distribution et de l'exploitation. C'est un domaine qui est fragile,
c'est un domaine qui est précaire, c'est aussi un domaine qui
répond à des normes qui sont employées à
l'échelle nord-américaine. Avec la fragilité du public en
ce moment, il faudra toujours être très prudent en cette
matière.
En ce qui a trait au projet de loi lui-même, ce qui nous a sans
doute frappés, à première vue, c'est
l'élément de législation déléguée. Il
est certain que c'est une technique législative qui est employée
de plus en plus par le législateur. Dans le domaine culturel, c'est une
technique qui doit certainement nous inspirer beaucoup de prudence.
La plupart des dispositions de la loi 109 sont des dispositions d'ordre
administratif, de structure; on crée l'institut, on crée la
société générale, on crée la régie,
on pourvoit à la nomination de membres et on donne un pouvoir de
réglementation, mais sans définir, sauf à quelques
exceptions près, de politique certaine. La vraie substance de la
politique en matière de cinéma doit venir plus tard par la
réglementation.
Dans notre mémoire, on a fait état de toute la
série d'articles où on ne fait que créer un système
de délégation qui, éventuellement, doit revenir à
un processus de décret.
Sans doute, l'historique des lois du cinéma, depuis plusieurs
années, a appris aux législateurs, certainement aux
différents gouvernements, que c'est un domaine bien spécial,
c'est un domaine bien particulier, un domaine où il est difficile de
prévoir, de façon législative et catégorique, les
mesures qui seront bénéfiques ou utiles. On voulait mentionner ce
point pour inciter tout le monde à la diligence et à la prudence
parce
qu'à ce moment-ci on ne sait pas vraiment quelle sera la
politique du cinéma, sauf sur certains points; il faudra attendre, comme
je le disais, de voir les règlements. Le processus de consultation devra
être suivi avec rigueur et tous les intervenants de l'industrie devront
être prudents à cet égard.
Dans un sens, il est difficile de commenter le projet de loi no 109,
sauf sur des points où il y a un certain sensationnalisme comme celui
dont on a entendu parler ce matin. Il est difficile de commenter une politique
du cinéma à partir du projet qui nous est soumis.
Toutefois, on a certains commentaires -je peux peut-être les
prendre rapidement -par exemple, à l'article 47, où on aimerait
que l'institut soit consulté lors de la nomination des membres du
conseil d'administration de la société
générale.
À l'article 53, il semble y avoir une question de
rédaction. On parle des "membres de la société", mais j'ai
l'impression qu'on veut plutôt parler des membres du conseil
d'administration de la société, à moins qu'on ne
prévoie que la société soit composée de membres, ce
qui ne ressort pas du projet de loi.
À l'article 64, on devrait utiliser la même
procédure de mise en application que celle qui est prévue
à l'article 61.
L'article 77 est certainement important. On suggère de biffer les
mots "notamment en ce qu'il n'encourage ni ne soutient la violence sexuelle".
Il nous apparaît que les difficultés d'administration qui peuvent
résulter de l'insertion de ces mots dans l'article devraient vous
inciter à enlever ces mots. On voit mal, au point de vue pratique,
comment la régie va pouvoir vivre avec cela. Qui va décider si un
film encourage ou incite? Si un film encourage ou incite, est-ce que la
régie perd sa juridiction? Quelle sorte de situation créerait-on?
Il me semble que le critère qu'on énonce en mettant ces mots dans
l'article est tellement subjectif que c'est imposer à la régie un
fardeau qui sera très difficile à supporter.
Notre commentaire pour la catégorie "14 ans" est plutôt
pour s'assurer qu'on a bien compris le sens de la loi, qu'effectivement la
classe de "14 ans" n'est pas une classe exclusive et que les parents pourront
accompagner les enfants de moins 14 ans, si tel est le cas. On voulait
simplement s'assurer que c'était bien l'intention.
M. Richard: Oui, c'est le cas.
M. Godin (Robert P.): Le troisième commentaire qu'on avait
concernait "18 ans avec réserves". Les membres de l'association en ont
reparlé. Ce qu'on recherche vraiment, c'est d'éviter que dans un
ciné-parc à écran multiple il n'y ait à la fois un
film pour 18 ans et un film pour 14 ans, ou un film pour tous. Ce qu'on avait
suggéré, c'est que, dans un cas de ciné-parc à
écran multiple, la classification la plus rigoureuse soit applicable, de
sorte que s'il y avait un film pour 18 ans qui passait et un film pour tous,
l'ensemble du ciné-parc, dans cette programmation, ce serait une
classification de 18 ans. C'est pour éviter les problèmes.
Enfin, j'aimerais mentionner simplement notre commentaire à
l'article 87. Après vérification avec nos membres, je crois que
la disposition transitoire à l'article 87 nous protège
adéquatement sur ce point. Je ne crois pas qu'on ait de problème
à cet effet.
J'aimerais maintenant que M. Bernard nous parle de l'article 79, dont on
a parlé suffisamment jusqu'à maintenant. Je crois qu'on peut
ajouter encore quelques points.
M. Bernard (Lorne): Merci. À l'article 79, au
début, on lit: "Dans le but de favoriser la présentation en
public et simultanée de versions sous-titrées ou doublées
en français..." C'est cet esprit qu'on doit conserver. Depuis le
début de la commission, j'entends parler de copies sous-titrées.
Comme principe, je veux amener des versions françaises le plus
rapidement possible. Je vois la clause qui nous permettrait de faire du
sous-titrage comme étant un assouplissement de l'ancien article 73 de la
loi 20. Je trouve que c'est vraiment un assouplissement, je le
répète. Cela donne une chance aux exploitants, parce que
même si le distributeur - parce que nous, nous ne sommes jamais
propriétaires des films - fait tout son possible, il n'est pas capable
de répondre au critère de doubler immédiatement. Alors, il
a quand même cette possibilité.
Je n'ai pas voulu courir de risque, parce qu'au début il se
lançait tellement de chiffres, les prix variaient de 15 000 $ à
2000 $. On essayait de rejoindre les gens en Europe pour savoir exactement ce
que comportait le sous-titrage. Finalement, un distributeur indépendant
québécois, M. Jean Zaloum, qui avait quand même
travaillé un peu dans le doublage, qui avait fait faire des films, m'a
présenté un type de Montréal. J'ai été
extrêmement soulagé, parce qu'on avait toujours
l'inquiétude de savoir si les copies allaient arriver de l'Europe ou si
on allait être forcés de faire des copies sous-titrées si
loin de chez nous. J'ai rencontré le monsieur et les chiffres que j'ai
obtenus correspondent aux chiffres que le ministre a donnés hier. En
somme, si on inclut le prix de la traduction, de 600 $ à 800 $, la
première copie coûte 1200 $ et les autres copies 700 $. À
ce moment, toujours avec l'idée -parce que comme vous savez, il y a des
problèmes de copie de film, tout le monde veut avoir les films qui
rapportent; personne ne veut avoir les films qui ne rapportent
pas, c'est sûr - d'amener les copies le plus rapidement possible -
c'est la position officielle de l'association - nous appuyons l'article 79.
Mais nous vous demandons de garder la clause de 60 jours, parce que,
même avec la meilleure volonté, on ne prend pas un film dans une
boîte et on ne le met pas à l'écran; ce n'est pas si facile
que cela. Il y a une certaine planification, une campagne publicitaire. Si
c'est un film américain, il faut faire des "spots" à la radio,
à la télévision. C'est du travail. La première
semaine, pour employer un terme du milieu, on y "met le paquet". Lundi matin,
avec les chiffres qui sont devant nous, on doit quand même, comme
administrateurs, se poser une question: Est-ce que vraiment le film est bon ou
si c'est l'effet de la campagne publicitaire que je viens de faire, "spots" au
canal 10, Journal de Montréal et tout? On se dit: C'est lundi, on va
voir sa performance sur semaine. Il y a sept jours de passés. Le vrai
critère, c'est la deuxième fin de semaine. Si, à la
deuxième fin de semaine, le film se maintient avec des chiffres
respectables, immédiatement encore - parce qu'on n'est pas
propriétaires du film - on peut exercer de la pression sur la maison
distributrice et lui dire: Écoutez, faites-vous aller, doublez! (17 h
30)
À ce moment, je trouve que l'article 79 est assurément une
amélioration sur l'ancienne position. Personne n'est vraiment
brimé dans ses droits, sauf le cas dont il a été question
hier... où on se demandait si on pouvait rajouter des dialogues
là-dessus. Je trouve que c'est une position complètement
acceptable.
Les sous-titrages sont-ils populaires au Québec? À un
moment, tout en essayant de me préparer pour l'ancienne loi 20, article
73, je me suis installé avec une équipe à la porte du
cinéma de Côte-des-Neiges. Il y avait une équipe à
la porte du cinéma Atwater, au Laval, au Champlain; nous avons fait un
sondage. On demandait aux personnes: Dans les cinémas anglais, les films
que vous venez voir en version anglaise, s'il y avait des sous-titres, vous y
opposeriez-vous ou serait-ce une cause pour ne pas vous rendre au
cinéma? Chez les anglophones, il semble y avoir très peu
d'objections. Chez les francophones, on rencontrait quelques types qui nous
expliquaient: Lorsque je viens voir un film en anglais, je veux le voir en
anglais. On répondait: Le fait que des sous-titres sont là ne
vous empêche quand même pas de venir.
En somme, ce n'est certainement pas la meilleure façon
jusqu'à maintenant, malgré que moi, j'ai vu des films
européens sous-titrés et c'était très acceptable.
On a eu d'autres objections, à savoir qu'on ne pouvait pas utiliser ces
copies dans nos ciné-parcs.
C'est vrai que ces copies ne passeraient pas dans les ciné-parcs.
Les distributeurs nous disaient que ces copies, hors Québec, ne
pourraient pas servir. Il y a peut-être une éducation à
faire pour habituer. Comme je vous dis, le but ce n'est pas de se servir de
l'article 79 pour faire venir des copies sous-titrées; on veut faire
venir des versions. Pour pouvoir nous maintenir, et je pense que cela a
été l'esprit de la commission Fournier, c'est certainement un
assouplissement et on peut vivre avec.
M. Godin (Robert P.): M. Marcel Venne va nous parler un peu plus
maintenant de la billetterie, à l'article 91, d'une suggestion d'ajouter
un article 97a avec certaines modifications et aussi des dispositions du
sous-paragraphe 4 et du sous-paragraphe 5 de l'article 159.
M. Venne (Marcel): M. le Président, M. le ministre,
madame, messieurs, j'aimerais intervenir ici concernant l'article 91 de la loi
qui est relatif à la billetterie nationale. Évidemment, pour
nous, c'est très important et on aimerait apporter quelques suggestions
pour qu'effectivement une telle billetterie soit des plus efficaces. À
l'article 91, pour nous, il est évident que, si on nous demande de
remplir de tels rapports et de fournir de tels renseignements dans un
délai aussi court, soit une semaine, c'est, dans la pratique,
impossible, parce qu'on nous demande de déterminer les taux de location
de films et vous conviendrez avec moi que ce n'est pas le lendemain de la
dernière projection qu'on négocie les paiements du film. Il est
bien évident qu'il y a un peu de délai. En dehors de cela, il y a
certains cinémas qui font affaires avec des agences de programmation.
À ce moment, ils doivent envoyer le rapport des recettes à
l'agence en question. L'agence doit négocier et faire part du
règlement au propriétaire de salle qui, par la suite, fera son
paiement et saura à quel niveau il doit payer. Donc, en dedans d'une
semaine, cela nous semble très difficile. Ce qu'on suggère dans
le mémoire, c'est que ce soit un rapport mensuel, qui est beaucoup plus
facilement acceptable, et qu'il soit remis le 20e jour du mois suivant.
À ce moment, je pense qu'on pourrait vivre facilement et toutes les
recettes seraient là, compilées, semaine par semaine, comme vous
le demandez. Aussi, on vous dirait à qui appartient le film et de quelle
façon cela a été payé et tout cela, simplement pour
rendre la chose plus facile.
Par contre, on considère que, pour qu'une billetterie soit la
plus précise possible, on ne doit pas être les seuls à
faire le rapport en question, parce qu'un film, vous le savez fort bien comme
moi, n'a pas de revenus qu'exclusivement en salle.
Si vous le permettez, j'aimerais vous
lire - c'est très court - les suggestions qu'on a
apportées et les raisons pour lesquelles on aimerait qu'il y ait un
petit changement à la billetterie. Dans la situation actuelle, il est
important d'obtenir rapidement les renseignements concernant l'exploitation du
cinéma en salles commerciales. On est en droit de se demander si c'est
pour aider les institutions chargées d'élaborer et d'appliquer
les politiques cinématographiques ou si c'est plutôt pour faire le
travail de contrôle des distributeurs, lequel travail profiterait surtout
aux "majors" américains qui accaparent plus de 60% du chiffre d'affaires
dans ce champ d'activité.
Deux raisons principales nous font poser cette question de choix.
Premièrement, comme les politiques cinématographiques prennent un
certain temps - on pourrait dire un temps certain - à être
précisées, la presque totalité des renseignements
demandés par la future billetterie sont déjà fournis par
les salles de cinéma et ciné-parcs au Bureau de la statistique du
Québec, donc disponibles pour ces besoins; on remplit cela depuis
déjà de nombreuses années. Deuxièmement, la loi
évite - et c'est une lacune importante -d'exiger du secteur de la
distribution qu'il produise un rapport hebdomadaire qui n'existe nulle part. Ce
rapport est un outil indispensable pour protéger l'État
investisseur, les producteurs et tous les travailleurs de l'industrie - soit
réalisateurs, artisans - puisque les relations d'affaires de ceux qui
précèdent existent entre eux et la distribution, mais pas avec
l'exploitation.
Considérant que les revenus provenant des salles commerciales
représentent une minorité des sommes perçues par les
distributeurs, ce rapport devrait comprendre - c'est là que c'est
important - les revenus de salles commerciales, les revenus de salles non
commerciales, ce qu'on appelle les salles parallèles, les revenus de la
télévision payante, les revenus de la télévision
conventionnelle, les revenus des ventes de cassettes vidéo - qui sont de
plus en plus populaires - les revenus de sous-distribution -car souvent les
films 16mm sont sous-distribués par d'autres - et tous les autres
revenus provenant de la distribution dans le domaine du cinéma et de
l'audio-visuel et, finalement, tout autre renseignement déterminé
par règlement de la régie.
Un tel rapport serait infiniment plus utile que celui de l'exploitation
- mais on n'enlève pas celui de l'exploitation; il reste là quand
même, évidemment - si on se fie à l'annexe 4.2.3 de la page
278 du rapport de la CECA où il est démontré que les films
distribués au Canada en 1979, dans le secteur commercial (salles et
ciné-parcs) ne représentent que 5,1% du total, tandis que ceux
distribués à la télévision représentent
69,9% et dans le secteur non commercial 25%, pour le total de 100%.
L'Association des propriétaires de cinémas du
Québec souligne que les distributeurs, en vertu des contrats qui les
lient avec les exploitants, possèdent déjà un droit de
contrôle physique qu'ils exercent juridiquement chaque fois qu'ils ont
les preuves que les recettes sont manipulées. Ces preuves sont obtenues
soit par vérification secrète ou par vérification
comptable exigible en tout temps par le distributeur. Cette vérification
comptable est faite par des firmes spécialisées pour les
distributeurs et à leurs frais. Depuis quelques années, plusieurs
vérifications semblables ont été entreprises et quelques
poursuites judiciaires se sont soldées par des condamnations ou des
règlements hors cour.
Nous pensons donc que, si le projet de loi no 109 n'est pas
modifié pour inclure ce rapport hebdomaire obligatoire des distributeurs
à la régie, la billetterie devient une risée et n'a plus
sa raison d'être. Nous suggérons donc, à ce
moment-là, d'inclure le rapport des distributeurs pour vraiment avoir le
portrait total de l'exploitation des films au Québec, et c'est
essentiel.
À l'article 159, paragraphes 4 et 5, on nous donne des normes
techniques de projection ou des normes techniques physiques
d'aménagement des salles de cinéma. Nous avons été
grandement surpris parce qu'on s'est dit: Effectivement, si on a besoin d'une
armée d'inspecteurs pour vérifier si les salles sont en bon
état, elles doivent être vraiment dans un état pitoyable.
Alors, j'ai fait ma petite enquête auprès des membres de notre
association et cela a donné l'exercice suivant. Remarquez que je ne vous
en ferai pas la lecture, c'est très long, mais je vais vous donner
quelques exemples.
On s'est dit: Depuis les dix dernières années, combien de
salles ont été construites au Québec et combien y en
a-t-il qui ont été foncièrement rénovées?
À ce moment-là, j'ai posé la question en parlant d'un
investissement minimal de 100 000 $, pour que ce soit vraiment sérieux.
Or, certains ont investi jusqu'à 3 000 000 $. Bon! Cela regroupe combien
de salles? À notre grande surprise - vous savez qu'il y a 354
écrans en salles de cinéma au Québec - il y en a 202, soit
57%, qui ont été construites ou foncièrement
rénovées depuis dix ans. C'est là que je ne comprends pas,
plus de 57% des salles sont dans un état des plus excellents. Cela ne
veut pas dire que celles qui datent de plus de dix ans sont dans un état
pitoyable, je pense.
Seulement quelques exemples en passant. Tout le monde connaît le
cinéma Parisien à Montréal, le cinéma Loews et le
Palace. Ici, dans la ville de Québec, il y a les Galeries de la
capitale; c'est tout récent. Place Québec. Mais on va aller en
province. On me dira: On intervient seulement au
niveau des grandes villes. En province? Parfait! II y a le cinéma
du complexe à Alma, les cinémas Montenach à Beloeil, le
cinéma Carol à Forestville, le cinéma Pine à
Sainte-Adèle. Il y en a 202. Je ne veux pas les nommer tous.
À ce moment-là on s'est dit: On ne voit pas quelle est
l'utilité d'avoir des normes si sévères alors qu'on a
investi 30 000 000 $ depuis dix ans. Je pense que c'est même plus que le
budget de l'institut depuis les cinq dernières années. Il n'y
avait pas de loi qui nous y a obligés. On l'a fait parce que le
marché nous l'a demandé. Pourquoi? Il y a une raison, bien
sûr. C'est la venue des salles multiples. Aujourd'hui, les gens veulent
un plus grand choix. On doit s'adapter. On doit diviser les salles. En faisant
cela, il est bien évident qu'on rénove la salle. C'est bien
sûr. Les équipements cinématographiques ont aussi subi une
innovation technologique et on a dû suivre le mouvement. À ce
moment-là, la majorité des salles a subi des rénovations
sérieuses.
C'est pourquoi on demande, à la lumière de ces courtes
explications, qu'on retire les normes techniques. Soit dit en passant, on est
déjà régi par la loi sur les édifices publics et on
ne peut pas ouvrir un cinéma et le construire de n'importe quelle
façon. Il est bien évident qu'on est déjà
régi en ce moment par une loi. Je pense qu'on s'y conforme dans la
majorité des cas. C'était l'intervention que je voulais vous
faire en rapport avec l'article 159.
M. Bernard: J'aimerais ajouter qu'à
l'avant-dernière réunion de notre association nous avons
rencontré des responsables du ministère du Travail et de la
Main-d'Oeuvre pour mettre en marche un plan de visite et d'inspection de toutes
nos salles au point de vue de la sécurité, de
l'évacuation, etc. Comme M. Venne l'indique, nous sommes vraiment
surveillés, les inspecteurs sont dans nos salles. En grande
majorité, où c'est possible, il y a eu beaucoup de personnes qui
se sont conformées. Dans l'ensemble, les salles au Québec sont en
très bon ordre.
Le Président (M. Paré): Merci, messieurs, de la
présentation. Aviez-vous terminé?
M. Godin (Robert P.): Peut-être que M. Bernard pourrait
lire rapidement, à la fin de notre mémoire, à la page 17,
quelques conclusions qui reprennent certaines des idées qui sont
énoncées dans le mémoire. Ce serait peut-être utile
pour la commission.
M. Bernard: Merci. Sous réserve des commentaires
ci-dessus, l'APCQ est, en principe, d'accord avec les grandes lignes du projet
de loi 109, pourvu, toutefois, que son adoption ait comme résultat
immédiat les conséquences suivantes: une plus grande
accessibilité pour les exploitants au produit cinématographique
et une rationalisation des conditions commerciales afférentes à
l'exploitation de ce produit.
Il est certain que, dans certains coins de la province - et on l'a vu
tout à l'heure avec certains exploitants, il y a des problèmes.
Je suis ici à titre de président de l'association. Je ne suis pas
ici comme directeur d'Odéon. Je n'ai certainement pas à avoir
honte de la conduite de la compagnie Odéon qui est ici depuis 35 ans
avec des investissements; c'est une compagnie canadienne avec des actionnaires
au Québec. Peut-être que tout le monde ne nous aime pas, mais on
reconnaît, quand même, qu'on apporte une contribution
extrêmement valable au monde du cinéma. C'est la première
chose. On devrait avoir un certain résultat, au moins des études
pour voir ce qu'il y a à faire. Ce n'est pas dire que tout le monde a
raison. Il y a toujours les deux côtés de la médaille. (17
h 45)
On voudrait avoir également une réglementation efficace
des réseaux parallèles. J'avais trois valises pleines de
matériaux. C'est encore dans ma chambre au Hilton. Lorsque j'ai vu le
fardeau de travail que vous aviez, tous les organismes qui doivent encore
passer devant vous, j'ai décidé d'essayer de prononcer seulement
quelques petites paroles pour vous indiquer le problème. Dans tous les
coins de la province, nous avons mis un système en marche où on
demandait aux exploitants de salles, lorsqu'ils verraient des brasseries, des
bars ou des endroits non licenciés présenter des films
commerciaux, des établissements dont la vocation n'est pas de
présenter des films 100% commerciaux, de nous faire des rapports. Comme
je vous le disais, il y a trois caisses pleines de documentation à n'en
plus finir.
Lorsqu'ils ont fait leur présentation, ils parlaient toujours de
réseaux parallèles qui faisaient du cinéma à but
non lucratif. Parmi mes propres salles et celles de mes membres, nous en avons
beaucoup de salles à but non lucratif, mais nous, ce n'est pas parce
qu'on le veut. Je pense qu'aujourd'hui, si le gouvernement veut vraiment et
sérieusement se pencher sur le problème du cinéma au
Québec, il faudrait commencer par ramener le cinéma où il
est censé être joué, soit dans les salles de cinéma.
Il y a toujours toutes sortes d'installations. C'est rendu qu'on peut voir des
films dans les motels, dans toutes sortes d'endroits. Comment le réseau
parallèle peut-il avoir tellement d'influence? Est-ce si grave que cela?
Le rapport SORECOM indique combien notre situation est fragile. Vous n'avez
qu'à aller dans une salle de cinéma sur semaine, parce qu'il faut
réaliser qu'on ne présente
pas toujours "E.T." Tout le monde, surtout M. Richard, qui est pour
"E.T.", est influencé par les statistiques sur "E.T." J'ai des salles de
cinéma où nous avons ouvert le balcon pour la première
fois depuis 1952. Ce sont les effets de "E.T.", mais ce serait vraiment fausser
les statistiques de dire que "E.T." est la règle du jeu. Sur semaine, si
dans un endroit comme Longueuil, au cégep, avec un magnifique catalogue,
avec de belles photos de ses programmes à venir, il y a 125 personnes
qui vont voir un film à prix réduit, c'est sûr qu'elles ne
peuvent pas être dans la salle de cinéma. On se sert des
installations scolaires. L'autre soir un monsieur nous disait que cela change
parce que vu qu'on commence à avoir moins d'argent, on commence à
exiger un loyer. Mais nous avons toujours été obligés de
payer un loyer. Vous essaierez de payer des gens en leur disant: As-tu
travaillé pour moi cette semaine, es-tu bénévole? Nous
n'en avons pas de bénévoles. Il faut absolument faire face
à nos obligations. Si le gouvernement veut vraiment faire quelque chose,
qu'il fasse au moins un effort sérieux pour ramener le cinéma
où il devrait être: dans les salles de cinéma.
On parle de réglementation efficace de la vidéo, y compris
la vente et la location de matériel vidéo, dans la mesure
où cette industrie est en concurrence directe avec les exploitants de
salles. Les "tapes" sont rendus à 2 $. Les droits d'auteur sont-ils
respectés? C'est votre juridiction, parce qu'il y a toujours des
problèmes de juridiction quand on parle de télévision
à péage et de vidéo. C'est sûr que vous devriez vous
pencher sur ce problème. Vous savez qu'un des seuls coins au monde
où "E.T." ne fait pas d'argent, c'est en Angleterre, parce qu'il y a des
vidéo-cassettes partout. Ceux qui sont installés pour vendre des
vidéo-cassettes ont le droit d'utiliser des affiches qui ne sont
même pas approuvées par le Bureau de surveillance du
cinéma. Lorsqu'on a pris contact avec M. Guérin, il nous a
indiqué que vu que c'est pour usage dans la maison, ils n'ont pas de
contrôle. Alors, dans la salle de cinéma. On peut trouver une
certaine affiche, approuvée par le Bureau de surveillance du
cinéma, de celui qui vend de la vidéo, n'importe quelle sorte
d'affiches. Cela prendrait une certaine réglementation, c'est possible,
et une prise de conscience réaliste, de la part du gouvernement,
relativement aux effets néfastes que peuvent avoir sur les exploitants
l'absence de contrôle effectif de la programmation et de l'exploitation
de films à la télévision à péage.
Je ne parlerai pas de mes visites à M. Fox parce que cela n'a
absolument rien donné. Au mois de juin dernier, moi et Marcel Venne nous
rendions à Québec rencontrer le ministre des Communications qui
nous remettait un décret passé le 10 mars 1982 dans lequel un
préambule qui disait à l'article 7 qu'il y avait un certain
contrôle parce qu'il ne fallait pas que la télévision
payante entre en concurrence indûment avec les salles de cinéma.
J'ai appris la différence entre un préambule et un décret
quand c'est dans la loi parce que cela ne veut absolument rien dire.
À ce moment, si vous êtes vraiment sérieux et si
vous voulez vraiment nous aider - je sais comment c'est difficile - il faudrait
commencer par arrêter de toujours nous expliquer des questions de
juridiction. Il doit certainement y avoir moyen d'arriver à un certain
compromis, de faire bouger certaines personnes pour que notre industrie puisse
survivre. Parce que, en termes pratiques, dans le cas des ciné-parcs,
normalement on emploie du produit qui a joué quatre, cinq, six mois
avant, après les lancements de films dans le temps des fêtes,
c'était sur les écrans; il y a beaucoup de ces films qui vont
avoir passé à la télévision payante. Ils ont
l'habitude d'annoncer des films dans leurs programmes qui s'en viennent
à la télévision payante, mais ces films sont encore dans
nos salles de cinéma. À ce moment, est-ce qu'il va se
développer une certaine attitude: Pourquoi payer pour aller dans les
salles de cinéma si ces films s'en viennent bientôt à la
télévision payante?
Lorsqu'on utilise 75% du contenu des films, on emploie 100% lorsqu'on
est pris avec des bâtisses à vocation unique, s'il n'y a vraiment
pas un effort pour avoir certains contrôles sur la
télévision payante, vous pourrez passer votre loi et vous pourrez
offrir des programmes d'aide pour aider l'amélioration des salles en
province, cela ne vaudra rien. Ils vont avoir d'énormes
difficultés. Ce qui va se produire, cela va créer ici des
situations comme dans la ville de New-York. Les cinémas dans les grands
centres, Montréal, Québec, vont faire une sortie avec des films
qui vont avoir une carrière très courte et ensuite la
télévision payante va faire ses effets.
On voudrait également parler, on espère, de l'absence de
nouvelles taxes qui viendraient augmenter le prix des billets d'entrée
dans les salles de cinéma, augmentation qui provoquerait une
désaffection certaine des spectateurs.
Je me suis permis de me renseigner au sujet de la taxe sur les
spectacles dans les autres provinces. Elle est de 10% en Ontario après
3,50 $; en Colombie canadienne, et en Alberta, il n'y en a pas; en
Saskatchewan, 10% dans les municipalités, la même chose au
Manitoba; pour les autres provinces, la taxe est de 10%. J'espère qu'il
ne sera pas question, dans le contexte actuel, avec la venue de la
télévision payante, avec tous les autres problèmes qu'on
a, de songer à imposer une autre taxe sur notre industrie.
On vous a toujours suggéré - M. Venne, M. Gendron avant
nous - d'essayer de prendre les moyens pour faire le rapatriement de cette taxe
des municipalités. Je comprends que c'est difficile, mais c'est
également difficile pour nous. Pour nous, il ne sera pas question qu'il
y ait une augmentation de taxe.
Nous suggérons aussi l'injection par le gouvernement, au cours de
l'exercice 1983-1984, d'une somme suffisante pour permettre à la
société générale comme successeur de l'Institut du
cinéma de compléter les programmes d'aide à l'exploitation
déjà amorcée et l'étude par le gouvernement des
répercussions que peut avoir sur l'industrie cinématographique
québécoise et particulièrement sur le secteur de
l'exploitation, l'investissement du gouvernement, par l'entremise de son
ministère des Communications, dans le réseau de
télévision payante de Télévision de l'Est du
Québec (TVEC) Inc. J'espère qu'on ne sera pas pris dans une
situation où, d'un côté, le gouvernement adopte une loi
pour nous protéger et, d'un autre côté, investit dans la
télévision payante. Il va falloir que ce soit clarifié.
Depuis ce matin que vous posez des questions pour clarifier la situation, alors
que nous serions en position pour en poser. Une loi pour nous protéger
et une autre loi pour nous créer de la concurrence.
Relativement au pouvoir très vaste de la Régie du
cinéma et de la vidéo, le gouvernement devrait s'assurer que
l'ingérence de la régie dans les domaines de l'exploitation
commerciale est vraiment nécessaire et bénéfique pour ce
secteur de l'industrie, compte tenu de la qualité des salles et de leurs
équipements, qui est très élevée au Québec.
Marcel Venne a très bien couvert ces points. Je vous remercie.
Le Président (M. Paré): Merci beaucoup, messieurs,
de votre présentation. Avant de céder la parole au ministre, je
voudrais juste avoir le consentement unanime des membres de la commission pour
poursuivre les travaux après 18 heures.
M. Richard: Consentement, M. le Président.
Le Président (M. Paré): Consentement. La parole est
à vous, M. le ministre.
M. Richard: M. le Président, je voudrais remercier MM.
Godin, Venne et Bernard de la présentation conjointe de leur
mémoire. Ce qui m'a particulièrement plu, c'est l'approche
très positive que vous avez adoptée dans la critique du projet de
loi.
Je veux immédiatement vous donner l'assurance que toutes les
suggestions, les recommandations que vous faites visant à bonifier le
projet de loi seront examinées avec minutie.
Je voudrais immédiatement faire une observation en ce qui a trait
à la législation déléguée. Je crois que M.
Meunier a un peu raison. Je pense qu'en même temps, implicitement, ses
propos indiquaient qu'on n'avait pas tellement le choix. Mon collègue,
le député de Trois-Rivières, M. Vaugeois, que la question
a toujours préoccupé au plus haut point, me suggérait,
hier encore, que ce projet de loi, en ce qui a trait à sa
législation déléguée, fasse l'objet de cette
éventuelle commission parlementaire qui pourra exister dans le cadre des
nouveaux règlements adoptés par l'Assemblée nationale lors
de l'ajournement du mois de décembre dernier, permettant justement
à une commission parlementaire spécifique de se pencher sur la
législation déléguée. Ce serait intéressant
qu'une commission parlementaire se penche sur la législation
déléguée en ce qui a trait à ce projet de loi.
Je dois vous dire toutefois que quel que soit le mécanisme
choisi, c'est avec beaucoup de soin que nous adopterons cette
législation déléguée, étant bien conscients
de l'impact que cela peut avoir.
En ce qui a trait maintenant aux normes techniques dont on a fait
état, j'ai envie d'avouer avec un peu de candeur que j'ai
été très réticent à inclure ces
contrôles dans le projet de loi parce que je cherchais constamment
à éliminer le plus grand nombre possible de contrôles. Je
n'ai jamais eu l'intention de créer une police du cinéma au
Québec, sauf qu'on m'a signalé que certaines salles de
cinéma n'étaient pas conformes aux normes techniques minimales,
et que, ce faisant, elles se trouvaient en quelque sorte à violer
l'intégralité des oeuvres. C'est par rapport à un petit
nombre de salles, je pense. C'est ce qui m'a convaincu, à la fin, qu'on
devrait peut-être inclure des dispositions visant à surveiller en
quelque sorte les normes techniques pour faire en sorte que les droits des
consommateurs et des cinéphiles soient aussi respectés pour qu'il
n'y ait pas de publicité trompeuse. On pensait en particulier aux normes
techniques concernant les projecteurs. On m'a même signalé
qu'à certains endroits les projecteurs ne seraient pas au bon angle, de
telle sorte qu'il y a un tiers du film qui n'apparaît pas sur
l'écran. Je voulais vous donner l'esprit dans lequel cela a
été inclus. Cela fait peut-être partie des 43% dont vous
avez parlé. C'est comme cela qu'on a vaincu ma réticence. Encore
une fois, je voudrais vous remercier et M. Bernard. J'aurais un conseil
à vous donner avec humour, si jamais les salles des cinémas
Odéon se vidaient, je pense que vous auriez intérêt
à jouer dans les films que vous présentez; il n'y aurait pas de
problème pour vos salles.
M. Bernard: Si je pouvais avoir le rôle du deuxième
film d'"E.T."
Le Président (M. Paré): La parole est maintenant au
député de Saint-Henri.
M. Hains: Félicitations, c'est vrai que vous nous avez mis
en veine ce soir malgré la fatigue qu'on commence à ressentir. On
vous remercie. Ce que j'ai bien aimé, Me Godin, c'est votre
début, parce que le reste on en parle depuis tellement longtemps; cela a
apporté un élément nouveau en nous disant que c'est
vraiment difficile dans le projet de loi de commenter la politique du
cinéma. Évidemment, les objectifs sont là. C'est l'article
no 3. Mais on ne peut pas saisir les intentions et les objectifs. Je pense bien
que ce sera toute la réglementation qui arrivera par après qui va
nous donner vraiment l'esprit de la politique. C'est cela qui est un peu
dangereux. C'est de cela dont j'ai un peu peur. C'est qu'on donne au fond un
chèque en blanc à M. le ministre. Il va falloir lui faire
vraiment confiance parce que...
Non, mais c'est un fait. Dans cet esprit parce que j'avais sorti un
grand mot dans ma déclaration, j'avais dit qu'il y avait un vacuum
philosophique et politique qui n'existait pas. C'est de la structure. Je ne
dirais pas, pour ne pas insulter M. le ministre, que c'est de la structurite,
mais c'est vraiment cela. D'après moi, cela manque - j'ai insisté
beaucoup au tout début - d'une philosophie, d'une politique. Alors vous,
Me Godin, qu'est-ce que vous auriez pu y ajouter en gros pour donner un peu
plus de philosophie de la politique dans la loi 109?
M. Godin (Robert P.): Ce n'est pas facile à
répondre. Je ne suis pas le ministre des Affaires culturelles. Je ne
suis pas chargé de l'élaboration d'une politique. Comme je l'ai
mentionné aussi, je peux comprendre un peu pourquoi la loi est
rédigée de cette façon. Cela fait très longtemps
que je travaille dans le dossier du cinéma. J'ai vécu les
premières heures des premières consultations et j'ai eu le
plaisir de voir ici aujourd'hui des gens qui ont vieilli comme moi. Ils
viennent voir un peu ce qui se passe. J'ai vécu l'inhabileté de
plusieurs ministres, l'incapacité de plusieurs ministres des Affaires
culturelles de faire aboutir des projets de loi sur le cinéma.
Évidemment, avec une loi qui a été adoptée, le plus
grand nombre de ses dispositions importantes n'ont jamais été
mises en vigueur.
Je pense que c'est vrai que c'est dangereux. On s'en remet vraiment au
gouvernement, on s'en remet vraiment au ministre. Quand on analyse le projet,
on revient constamment au ministre. Il n'y a rien qui peut se faire. Il y a
très peu de définitions de politiques.
Par ailleurs, cela reconnaît aussi la spécificité de
l'industrie du cinéma qui est une industrie bien particulière,
qui répond à des règles bien particulières. Et ce
serait, je pense, difficile, à moins de vraiment faire des études
encore plus poussées, encore plus longues d'arriver à un projet
de loi vraiment beaucoup plus définitif. Je pense qu'on n'en viendrait
pas à bout. On serait dans la même situation: toujours être
dépassé par les événements, toujours arriver trop
tard avec un projet qui ne correspond pas vraiment à la situation. Je
pense que c'est un mal avec lequel on doit vivre. Je pense aussi qu'il va
falloir - et je le disais un peu pour notre association, mais pour tout le
monde - être extrêmement vigilant. Il y a un processus de
consultation qui est prévu pour les types de règlements qui sont
importants. Je pense que ce processus, il faudra tous le suivre et tous y
participer d'une façon sérieuse parce que c'est cela, finalement,
qui est la contrepartie.
M. Hains: Une autre petite question, peut-être. Est-ce que
vous voulez répondre?
M. Richard: Je voulais ajouter rapidement un commentaire ou, si
vous voulez, une réplique à ce que vous avez dit mon cher
collègue, député de Saint-Henri. C'est que pour moi, toute
la philosophie au contraire est contenue dans le projet de loi. Je reconnais
qu'il manque des ingrédients, et pour cause, c'est qu'il n'y avait pas
de billetterie. La billetterie nous permettra d'avoir désormais une
information complète nous permettant d'avoir une réglementation
plus adéquate. C'est pourquoi je pense que Me Meunier reconnaît
qu'on ne pouvait pas aller plus loin dans le projet de loi. Je vous ferai
remarquer qu'encore aujourd'hui il y a des groupes qui se sont
présentés devant nous et qui nous ont demandé d'ajouter
à la loi déléguée. Alors, toute la philosophie est
là, mais il manque des ingrédients. C'est absolument normal, on
ne pouvait pas faire autrement. Mais on essaiera d'y aller avec beaucoup de
prudence.
M. Godin (Robert P.): Puis-je ajouter quelque chose? Je vous
ferai remarquer que là où vous avez mis des dispositions
particulières, ces dispositions ont donné lieu à un
débat très vivant. Je pense à la canadianisation des
distributeurs américains. Vous avez une disposition précise selon
laquelle vous énoncez une politique, et cela a donné lieu
à ce qu'on sait. L'article 79 sur les 60 jours aussi, encore là
vous avez une disposition précise. Cela a permis de ventiler et de faire
ressortir beaucoup de choses. Éventuellement, il y aura des dispositions
dans les règlements aussi importantes qui auront des effets aussi
directs sur l'industrie,
mais on ne peut pas en parler parce qu'elles ne sont pas là,
elles ne sont pas disponibles. Je n'ai pas de solution immédiate.
M. Hains: C'est tellement vrai, au fond, que les "majors" ce
matin n'ont contesté que six articles sur 200. Alors, c'est un peu la
preuve de ce que vous avancez. Quant à la billetterie, seulement une
petite question très rapide. Actuellement, n'avez-vous pas des rapports
mensuels à fournir, vous, les exploitants, à l'institut?
M. Venne: Non. Actuellement, ce qu'on remplit, c'est un rapport
de statistiques mensuel tous les mois pour toutes les salles de cinéma
et pour tous les films joués au Québec. Ces rapports de
statistiques, c'est Statistique Québec qui les rend publics tous les ans
ou tous les deux ans. Mais, évidemment, ce n'est pas rendu public d'une
façon spécifique, salle par salle, film par film. C'est sur
l'ensemble du territoire, par section; soit dans la région de
Montréal, par exemple, telle date, il y a eu tant d'assistance pour tant
de films. On n'a pas de rapports à présenter à l'institut,
pas du tout.
M. Hains: C'est vous-mêmes qui faites vos rapports
mensuellement.
M. Venne: Absolument. Depuis de nombreuses années, on fait
des rapports de statistiques tous les mois pour toutes les salles de
cinéma du Québec.
M. Hains: C'est ce qu'on me disait ce matin. Un expert dans la
ligne me disait que si, vraiment, on ne veut que cela actuellement, même
si ce n'était que mensuel, on investirait presque 500 000 $ inutilement
parce que cela se fait actuellement. Le point majeur, paraît-il - je
pense que vous l'avez bien exprimé - serait que les distributeurs soient
eux-mêmes assujettis à cette billetterie. Je pense que
c'était là votre point majeur.
M. Venne: Oui.
M. Hains: Autrement, on me disait ce matin que ce serait de
l'argent investi presque inutilement, si on ne s'en tenait qu'aux
exploitants.
M. Venne: Oui, parce que comme le dit le ministre, il veut avoir
finalement le profil véridique. On ne doit pas avoir que les chiffres
d'exploitation en salles. Parce que l'artisan qui a travaillé dans le
film... Je me souviens de l'Union des artistes qui est venue ici et qui disait:
Bon, on a droit nous aussi de savoir. Effectivement, si le film est vendu
à la télévision à péage, en salle
parallèle, je pense que cela grossit les recettes. Ils sont en droit de
savoir eux aussi ce qui se passe là pour avoir droit au retour dont ils
s'attendent. C'est essentiel de couvrir l'ensemble. On ne peut pas demander
seulement à un secteur précis de dévoiler ses chiffres. Il
faut que ce soit pour tout le monde si on veut que ce soit efficace.
M. Hains: Merci.
Le Président (M. Paré): M. le député
de Châteauguay.
M. Dussault: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse
à M. Bernard. Mon intervention sera très courte, s'il
répond non à la question. Il a parlé tout à l'heure
de parallélisme dans la présentation des films et de
bénévoles. Je me suis senti un peu concerné parce que j'ai
parlé de cela hier en commission. Je voudrais savoir s'il veut vraiment
nous dire qu'il faudrait récupérer totalement le cinéma
dans les salles de cinéma, s'il vise vraiment les ciné-clubs, ce
qui se fait dans les salles d'écoles, ce qui se fait en termes
d'activités dans différents milieux comme éducation
cinématographique. Est-ce cela que vous visez vraiment lorsque vous
dites qu'il faudrait tout rapatrier dans les salles de cinéma?
M. Bernard: Celui qui utilise le réseau scolaire pour
faire jouer des films éducatifs, etc.. L'historique commence toujours
par du cinéma éducatif. Ils exploitent leur salle à des
buts non lucratifs et, quelques semaines après, cela devient un
cinéma commercial. C'est là qu'est le problème. Si, dans
une certaine région, le secteur commercial ne répond pas vraiment
aux besoins de la population, il ne faut pas dire: C'est tout pour nous autres
et rien pour les autres, sauf que, lorsqu'on prend le temps d'examiner la
performance de certains cégeps et tout, ce ne sont vraiment pas des
ciné-clubs. Ce sont des cinémas qui font affaires à des
endroits où ils n'ont pas de dépenses, parce qu'ils utilisent
l'équipement de l'État.
Certainement! M. le ministre disait qu'il y avait un projecteur un peu
croche. Il y a des endroits... C'est rendu que n'importe qui, si ces gens ont
un peu besoin d'argent, ceci et cela, ils appellent et disent: Ce sont des
distributions en "16" et, comme on dit, on a toujours des relations
privilégiées avec les distributeurs, mais, quand ils veulent
vendre un "16" sans nous le dire, ils le font vite, soyez-en très
assurés. À ce moment-là, on fait du cinéma
n'importe où. C'est seulement dans ce but.
M. Dussault: Mais est-ce que ces gens vous font vraiment
concurrence?
M. Bernard: Certainement, lorsqu'ils jouent les mêmes films
que...
M. Dussault: Est-ce que, dans la majorité des cas...
M. Bernard: Excusez-moi. Oui, assurément, lorsqu'ils
jouent les mêmes films que nous.
M. Dussault: Mais est-ce dans la majorité des cas qu'on
utilise des films qui sont généralement présentés
au public? Je serais porté à vous donner raison si,
effectivement, cette concurrence était si directe, mais il
m'apparaît que, très souvent, ces activités rapprochent le
cinéma du milieu, parce qu'un milieu peut difficilement se rapprocher
des cinémas. Il y a beaucoup d'endroits au Québec où il
n'y a pas de cinéma, où il est difficile... Il faudrait amener
les adultes ou les enfants en autobus pour aller dans un cinéma à
un endroit. Je pense qu'il y a beaucoup d'activités de ce type qu'il
faudrait vraiment accepter en soi, sinon, ce serait vraiment se couper d'une
possibilité de faire de l'éducation cinématographique.
Généralement, ce sont des activités qui vont vous amener
une clientèle. Je me rappelle que j'ai été initié
au cinéma à l'école dans des activités du samedi
matin, dans des groupes de loisirs, et aujourd'hui, je suis un fervent amateur
de cinéma. C'est ainsi que j'y ai pris goût. Je suis convaincu que
beaucoup de ces gens vont aller ensuite dans vos salles pour voir des films qui
sont beaucoup plus des films de saison. Les ciné-clubs se font avec des
films qui sont passés dans les cinémas il y a deux, trois, dix ou
vingt ans. Cela ne vous nuit sûrement pas. Il me semble que c'est
beaucoup de ces activités.
M. Bernard: M. le Président, M. le député,
est-ce que ce serait permis ou dans les règles que je vous fasse
parvenir une partie de mon immense dossier sur le cinéma
parallèle? Vous en jugerez vous-mêmes. C'est sûr que c'est
très raisonnable, ce que vous me dites, dans le secteur où c'est
cela. Si le président m'accorde ce privilège, il me fera plaisir
de faire parvenir à la commission une partie de notre dossier sur le
cinéma parallèle. Je pense que vous allez certainement être
capables de vous en faire une idée.
M. Dussault: Je verrai donc les abus à ce
moment-là. C'est cela? Ce sont les abus que je verrai?
M. Bernard: Non, non, tout. Vous lirez les lettres de tout...
M. Dussault: Vous savez, j'ai beaucoup de lecture à faire.
Ne m'envoyez pas quelque chose de gros comme cela. Je vous remercie.
Le Président (M. Paré): La permission est
accordée. On le fera distribuer aux membres de la commission. Je crois
que M. Venne avait un complément de réponse.
M. Venne: Oui. J'aimerais donner un complément de
réponse, effectivement. Nous ne nous sommes jamais opposés au
cinéma parallèle. On a toujours été d'accord. On a
même présenté un mémoire lorsque l'association des
cinémas dits parallèles du Québec a été
fondée. On est allé rencontrer ces gens. On leur a soumis un
mémoire sur la façon qu'on juge être bonne: l'intervention
culturelle, les films qui ne sont pas présentés en région
dans des salles commerciales, mais là où on s'oppose, c'est
quand, effectivement, dans certains cinémas parallèles, on
présente les films avant les salles, qu'on présente des films
commerciaux, qu'il n'y a pas de carte de membre, que c'est un prix d'admission
fixe. Là, on dit que c'est de la concurrence déloyale, parce
qu'ils utilisent les salles de l'État et, par conséquent, ils
présentent si peu de films québécois qu'ils nous mettent
vraiment à l'aise ces gens-là. Ce n'est pas croyable. Oui, c'est
un fait. On se battra toujours contre cela, mais que les salles
parallèles diffusent du cinéma, on est d'accord et c'est
important que les gens voient du cinéma et y prennent goût, comme
vous l'avez fait vous-même.
Le Président (M. Paré): Merci. La parole est
maintenant au député de Mille-Îles.
M. Champagne: M. le Président, ma question s'adresse
à M. Bernard. Vous avez parlé, vers la fin, du rapatriement de la
taxe payée aux municipalités. Premièrement, quelle est
l'importance de cette taxe? Pourquoi suggérez-vous cela? Est-ce que, par
le fait même qu'on la récupérerait, nous investirions
davantage dans les cinémas et que les municipalités ne font rien
à ce sujet? (18 h 15)
M. Bernard: Oui. C'est une position qui a été prise
par notre association depuis plusieurs années. Il est clair que les
municipalités, en vertu de la Loi sur les cités et villes, font
la perception de ce montant et c'est appliqué à leur fonds de
roulement général. Elles s'en servent pour n'importe quelle
fonction. C'est sûr - je suis ici depuis lundi - qu'avec tout le monde
qui vous demande de l'argent, à un certain moment, cela va vous prendre
de l'argent et j'aime mieux que ces 10% soient retournés à
l'industrie du cinéma que de nous imposer 10%
supplémentaires.
M. Champagne: Dans une ville comme Montréal, avez-vous une
petite idée des sommes perçues?
M. Bernard: Je m'excuse je n'ai pas ces statistiques.
M. Venne: C'est simple, 60 000 000 $ à 10% font 6 000 000
$.
M. Bernard: C'est cela.
M. Champagne: Cela veut dire que la ville de Montréal
retirerait 6 000 000 $?
M. Bernard: Non, dans l'ensemble du Québec.
M. Venne: Dans toutes les municipalités et l'argent
perçu en taxes par les municipalités doit servir aux loisirs.
C'est assez étrange qu'on crée ou qu'on bâtisse des
complexes qui nous font compétition avec nos propres taxes.
M. Champagne: Alors, vous suggérez, au lieu de donner ces
6 000 000 $ aux municipalités, on devrait le récupérer.
C'est vous qui le suggérez, afin qu'on puisse le réinvestir
ensuite pour le cinéma.
M. Venne: De le mettre dans le fonds de soutien.
M. Bernard: Pour vous donner un exemple, il y a un endroit
où il y a un ciné-parc où on ne fait pas la cueillette des
vidanges, il n'y a pas de département d'incendie et où on
perçoit 10% de taxe sur les entrées. Pourquoi? Parce que c'est
indiqué dans la Loi sur les cités et villes qu'ils ont le droit
d'avoir une taxe de 10%, et ils le prennent.
M. Champagne: Une dernière question, mais je voudrais une
courte réponse, peut-être pourriez-vous y répondre assez
longuement, M. Bernard. Vous représentez tous les propriétaires
de cinémas du Québec. Pour vous et pour l'ensemble des
propriétaires, le cinéma québécois a-t-il de
l'avenir, M. Bernard?
M. Bernard: Écoutez...
M. Champagne: L'esprit du projet de loi c'est de favoriser le
cinéma québécois.
M. Bernard: Vous allez me donner le temps de respirer, parce que
je dois admettre que vous me posez une question extrêmement directe et je
vais vous répondre avec la même franchise.
Je me considère un défenseur inconditionnel du
cinéma québécois. Par les circonstances, l'édifice
où j'ai mes bureaux est le cinéma Dauphin. Je ne peux pas
m'empêcher de me souvenir de "J.-A. Martin photographe", de "Mourir
à tue-tête", de "Cordelia" qui ont établi des records de
recettes. Si ma mémoire est bonne, cela a quand même pris un film
de l'envergure du "Dernier métro" pour battre "Cordelia". On commence
à jouer pas mal dans les grosses ligues quand on en est rendu
là.
Je trouve - je vais essayer d'être bref - que le problème
qui se pose... J'ai donc trouvé cela malheureux lorsque le film "Les
Plouffe" a connu un certain échec à Paris. Nous sommes un peu
masochistes, on a pris le bas de la page d'un journal pour parler de nos
échecs. Ensuite, il y a eu une émission à la
télévision pour parler de nos échecs. On aurait pu parler
de "Les bons débarras", etc. Mais je pense que, oui, le cinéma
québécois est important, il est essentiel. Une fois, je parlais
à Marcel et il m'a dit qu'il y avait eu 12 000 $ de recettes à
Joliette pour "Les Plouffe", c'est sûr que les gens y sont allés.
Tout cinéma pour nous est important, et le cinéma
québécois et le cinéma au Québec, mais le
cinéma québécois a certainement sa place, je lui souhaite
bonne chance. Il n'aura certainement pas plus d'échecs que les
Américains, parce que, à la fin de l'année, cela se
balance, on voit une couple de films qui marchent très bien. Mais pour
qu'on puisse entrer dans la tête des gens que cela vaut la peine de se
déplacer pour voir cela, il faut arrêter de parler de nos
échecs. Il faut quand même parler du bon cinéma qui a fait
ses preuves, c'est tout.
M. Champagne: D'accord. Merci pour cette réponse, c'est un
très bon témoignage, je pense qu'on est dans la bonne direction
avec le projet de loi no 109, qui veut aussi faire la promotion du
cinéma québécois et on a un bon témoignage d'une
personne qui vit du cinéma depuis de nombreuses années. Merci, M.
Bernard.
Le Président (M. Paré): Sur ces bonnes notes pour
le cinéma québécois, merci, MM. Bernard, Godin et Venne
d'avoir pris le temps de venir répondre à nos questions.
J'inviterais maintenant l'intervenant suivant à prendre place ici
en avant. Il s'agit de l'Association des producteurs de films du Québec.
Bienvenue à la commission. Je demanderais au porte-parole du groupe de
se présenter et aussi de nous présenter les personnes qui
l'accompagnent.
Association des producteurs de films du
Québec
Mme Boisvert (Nicole): Merci, M. le Président. Mon nom est
Nicole Boisvert. Je suis la présidente de l'Association des producteurs
de films du Québec. À ma droite, M. François Champagne,
qui est responsable à l'APFQ depuis plusieurs années du dossier
commandite et fiscalité; M. Jacques Pettigrew, directeur à
l'APFQ; à ma gauche, M. Eric Fournier, vice-président de
l'APFQ, et M. Michael Spencer, secrétaire général
de l'APFQ.
M. le Président, M. le ministre, distingués membres de la
commission, tout d'abord, peut-être que je devrais très
brièvement vous présenter l'Association des producteurs de films
du Québec.
L'association a été fondée en 1966 et elle a pris
la relève de l'Association professionnelle des cinéastes afin de
pouvoir réunir en une seule corporation les différents secteurs
clés de la production cinématographique. C'est ainsi
qu'aujourd'hui l'APFQ regroupe non seulement 60 compagnies de production de
films et de vidéo dans différentes spécialités,
telles que le long métrage, la téléproduction, le
documentaire, le message publicitaire, le film industriel et de commandite,
mais compte aussi parmi ses membres huit laboratoires et maisons de
services.
Tel que le précisent nos lettres patentes, les principaux
objectifs de l'APFQ sont de promouvoir et de conserver l'intérêt
commun de tous ceux qui sont impliqués dans l'industrie
cinématographique au Canada, en conservant les plus hauts standards
possibles faire tous les efforts afin de corriger tout abus qui pourrait
survenir dans l'industrie cinématographique, encourager une
coopération étroite entre tous ceux qui font partie de
l'industrie cinématographique et représenter les compagnies
membres auprès des organismes d'État.
Dotée d'un secrétariat permanent, l'APFQ est
gérée par un bureau de direction de neuf membres élus qui,
en plus de voir à l'administration courante, préparent les
politiques et programmes cf'action de l'association pouvant favoriser
l'avancement de la cause de l'industrie cinématographique. Dans cette
perspective, l'APFQ intervient régulièrement auprès des
trois paliers de gouvernement, des milieux d'affaires nationaux et
internationaux.
Je vais vous lire le plus rapidement possible notre mémoire. J'ai
fait un ou deux petits ajouts, alors ne cherchez pas trop dans vos pages. Ce
sont des petites surprises.
Dès la parution du rapport de la Commission d'étude sur le
cinéma et l'audiovisuel, l'APFQ a fait connaître au ministre des
Affaires culturelles, M. Clément Richard, sa satisfaction et son appui
à la politique globale énoncée par cette commission. Nous
profitons de l'occasion qui nous est offerte aujourd'hui pour féliciter
publiquement et remercier le ministre des Affaires culturelles, d'une part,
d'avoir respecté les délais et les étapes promises:
dépôt du rapport en juin 1982, dépôt du projet de loi
en décembre 1982 et tenue de la commission parlementaire en
février 1983, et, d'autre part, pour souligner son courage politique, en
proposant en grande première dans ce pays une vision globale et à
long terme du développement de l'industrie du cinéma et de
l'audiovisuel.
La qualité du rapport de la commission Fournier est, selon nous,
une preuve de l'efficacité et de la cohésion de notre milieu
lorsqu'il s'agit du renouveau de notre cinéma. Notre association s'est
vivement intéressée à cette commission et elle est
présentement soucieuse de voir respecter des recommandations qui
assureront la survie de notre industrie. L'Association des producteurs de films
du Québec reconnaît que le projet de loi no 109 respecte l'esprit
des conclusions de la commisison Fournier et nous appuyons ce projet de loi.
Néanmoins, cet appui ne nous empêche pas de vous souligner
l'importance de la représentation du milieu pour toutes les questions le
concernant. Nous appuyons fortement les cinq objectifs énoncés
à l'article 3 du projet de loi, notamment, l'implantation et le
développement de l'infrastructure artistique, industrielle et
commerciale du cinéma et de la vidéo et surtout le
développement d'entreprises québécoises
indépendantes et financièrement autonomes dans le domaine du
cinéma et de la vidéo.
C'est donc dans cet esprit que nous vous soumettons les suggestions et
les propos qui suivent. Le rapport Fournier parle de survie, mais il parle
aussi d'excellence. Qu'il me soit permis ici de vous rappeler que nos films ont
été et sont invités au festival de Cannes, à ceux
de Berlin, de Los Angeles, de Chicago, de Taormina et de Venise; que nos
documentaires remportent dans le monde entier des prix internationaux, et ce
à la douzaine. Qu'il me soit également permis de vous rappeler
que les plus gros succès du box-office du Québec ont souvent
été des films québécois. Et si la presse
québécoise est présente, j'aimerais lui
répéter une deuxième fois: Qu'il me soit également
permis de vous rappeler que les plus gros succès du box-office du
Québec ont souvent été des films québécois.
À moins qu'on ne soit publié dans un journal du Mozambique.
Enfin!
L'industrie cinématographique indépendante n'a pas
à prouver qu'elle a le potentiel pour subvenir en qualité aux
besoins du marché domestique et que cette qualité peut lui
permettre d'augmenter sa part du marché international. Le Bureau des
festivals nous apprend que de janvier à septembre 1982, le secteur
indépendant s'est mérité 102 prix sur 127 aux festivals
internationaux auxquels il a été invité à
participer. Je me retiens, sinon je répéterais cela aussi. Les
titres que plusieurs se sont plu à énumérer depuis le
début de la commission prouvent que la ci-nématographie
québécoise a su déjà s'établir des assises
solides dont les classiques sont connus et appréciés par tous les
publics. Ils révèlent, cependant, l'aspect tragique de notre
situation par leur nombre qui diminue
et qui risque d'atteindre très bientôt le point
zéro. Est-il utile de répéter qu'il ne s'est
malheureusement tourné que deux longs métrages en 1982? Le
cinéma est un des modes de présentation et de
représentation de la mémoire du temps. Il est essentiel que
l'infrastructure qui le sous-tendra lui permette de se développer
librement et pleinement.
Nous allons maintenant faire une brève analyse du projet de loi.
Tout d'abord, et cela nous concerne, l'Institut québécois du
cinéma et de la vidéo. Le projet de loi no 109 respecte
l'ensemble des recommandations de la commission à ce sujet. À
l'article 16, nous retrouvons ceci: "Le ministre reconnaît au moins une
association représentative de chacun des groupes du secteur privé
du cinéma." Voilà. L'APFQ est tout à fait favorable
à l'implication de ces huit partenaires pour l'élaboration des
politiques de notre industrie. Ces huit membres de l'institut pourraient de
plus suggérer au ministre une liste de personnes issues du milieu
péricinématographique. Quatre autres membres provenant soit de la
télévision, des régions et de la clientèle
s'ajouteraient ainsi pour former un conseil de douze membres de l'institut.
C'est à l'article 18. (18 h 30)
Lorsque le conseil de l'institut est complet, nous demandons qu'il
procède à l'élection d'un président et d'un
vice-président choisis parmi les huit membres issus du milieu. Ici, je
cite le rapport Fournier: L'Institut québécois du cinéma
et de la vidéo doit être le principal artisan de la politique
cinématographique du Québec. Il doit être l'instance de
réflexion et d'orientation qui fixe les objectifs et les modes
d'utilisation de l'aide de l'État à l'industrie
cinématographique et au développement d'un cinéma
régional. Il est également et de façon majoritaire sous la
gouverne de la profession.
La Société générale du cinéma et de
la vidéo. Nous comprenons, M. le Président, les motifs d'un
allégement des structures institutionnelles proposé par la
commission Fournier, mais nous ne comprenons pas les raisons qui motivent
l'abolition de l'affiliation de cet organisme à l'institut.
Cette affiliation n'empêche en rien que cette
société soit administrée par un conseil d'administration
de cinq personnes, dégagées de tout conflit
d'intérêts, qu'elles soient nommées par le gouvernement
à la recommandation du ministre après consultation de
l'institut.
Dans cette structure, le poste de président
directeur-général de la société
générale aura une influence déterminante sur tout notre
milieu. C'est un des postes clés. Ce P.-D.G. proposera les programmes
même si l'institut a le dernier mot. Il doit donc connaître les
rouages de l'industrie de la production cinématographique et de la
vidéo en plus d'être doué d'un haut sens de la gestion.
Nous sommes satisfaits de voir le P.-D.G. entouré de quatre
personnes au conseil d'administration de la société
générale, ce qui permet un apport plus grand d'idées et
d'expertise dans des domaines tels que la finance, le marketing, la promotion
et la recherche.
Mais nous souhaitons que ces autres membres du conseil soient
nommés par le ministre, à la recommandation de l'institut qui
reflétera les besoins du milieu.
L'article 62. La société générale doit
administrer les fonds que le gouvernement destine au secteur privé du
cinéma et de la vidéo et attribuer l'aide financière selon
les formes prévues à l'article 8. Toutefois, nous souhaitons que
l'institut conserve le mandat exclusif de fixer les orientations, de
déterminer les budgets annuels et les programmes de la
société générale et de lui allouer les fonds que le
gouvernement destine au secteur privé.
L'article 63 prévoit que la société peut conclure
des accords avec tout gouvernement, un de ses ministères ou organismes.
Toutefois, pour que le mandat de l'institut soit efficace et qu'il puisse faire
appliquer ses politiques, il est essentiel que la recommandation de la
commission Fournier je vous reporte à la page 80 - soit introduite dans
le présent projet de loi, notamment, que la SODICC consulte l'institut,
principal instrument de la politique cinématographique du Québec
et obtienne son autorisation avant de procéder à toute
intervention concernant la propriété d'entreprises de
cinéma et de vidéo. De cette façon, on assure une
cohérence de l'intervention concernant la propriété
d'entreprises de cinéma et de vidéo.
Il ne faut pas oublier que la SODICC a un pouvoir d'intervention
économique considérable en comparaison de celui des institutions
du milieu cinématographique. Elle pourrait, d'un seul investissement,
bouleverser tous les objectifs de l'institut.
La Régie du cinéma et de la vidéo. Nous supportons
la création de la Régie du cinéma et de la vidéo.
Toutefois, la commission Fournier avait proposé trois organismes de
surveillance et de contrôle: L'Office de surveillance du cinéma,
le Conseil de surveillance du cinéma, la Régie du cinéma
et de la vidéo.
Encore une fois, nous comprenons l'allégement de la structure
proposée. La régie, dans ce projet de loi no 109, a un conseil de
trois membres dont un président nommé par le gouvernement. Ne
pourrions-nous pas, là aussi, inclure un mécanisme de
consultation de l'institut? Comme vous le voyez, on aimerait être
présent un peu partout.
Nous appuyons les articles 73 à 76 qui donnent à la
régie la fonction de classification des films, mais la commission
Fournier avait prévu qu'un organisme comme le Conseil de surveillance du
cinéma sollicite des opinions, reçoive et entende les suggestions
des personnes sur toutes les questions relatives à la classification des
films. Il était donc prévu que cet organisme donne son avis sur
toutes les questions relatives à la classification des films et
notamment sur les critères de classification.
Le projet de loi no 109 ne propose pas un tel organisme. Nous
déplorons ce fait et nous réitérons formellement notre
appui à la création d'un Conseil de surveillance du cinéma
composé de dix membres, dont cinq nommés par le ministre, sur
recommandation de l'institut. Ils sont choisis parmi les secteurs suivants: les
réalisateurs, les producteurs, les auteurs-interprètes, les
distributeurs et les exploitants. Cinq autres membres sont nommés par le
ministre, après consultation des principaux groupes, associations et
organismes intéressés par l'exploitation du cinéma.
La régie doit tenir compte de l'opinion du milieu et du consensus
social. Peut-on encore admettre que seuls trois membres de la régie
aient l'autorité absolue de définir ce qui porte atteinte
à l'ordre public et aux bonnes moeurs? D'où l'importance de
l'existence d'un Conseil de surveillance du cinéma, conseil qui nous
semble indispensable pour éviter les interprétations abusives de
l'article 77. Nous recommandons la prudence dans ce domaine et nous
désirons que le spectateur soit protégé au même
titre que la création et la liberté d'expression.
Notre association appuie, bien sûr, la francisation du
marché du cinéma au Québec, telle que définie
à l'article 19 du projet de loi. Cet article donne au public
québécois la liberté du choix de sa version, quelle soit
originale, doublée ou sous-titrée. Nous ne saurions trop insister
ici sur l'importance, pour le développement global de notre industrie,
d'apporter au plus tôt les correctifs nécessaires qui permettront
l'épanouissement de l'industrie du doublage au Québec.
Nous voyons dans les articles 87 à 108 une réforme
importante de notre industrie. Tout d'abord, l'élément majeur est
la réappropriation du secteur de la distribution. C'est un
élément essentiel du développement de l'industrie et il
est absolument vital que l'on contrôle la distribution, car tant et aussi
longtemps que nous ne contrôlerons pas la distribution, la production
nationale ne pourra prendre son essor.
En ce qui concerne les permis de distributeur, d'exploitant et de
producteur, ainsi que les permis de tournage, l'APFQ est d'accord de se plier
à ces articles de loi qui permettront une meilleure évaluation de
l'activité de notre milieu. Ne serait-ce que dans un but statistique,
ces informations sont essentielles à notre développement.
L'autre aspect majeur est la billetterie, l'obligation pour les
exploitants de tenir à jour les données hebdomadaires sur les
entrées en termes d'argent et de personnes. Nous recommandons que ces
données soient publiées hebdomadairement, ce qui nous indiquerait
les comportements de notre marché.
Lors de l'établissement de la réglementation (aux articles
158 et 159), nous souhaitons être consultés pour évaluer
avec la régie la portée de ces règlements et pour en
faciliter l'application quotidienne.
Le fonds de soutien est absent du projet de loi, mais j'aimerais quand
même en dire quelques mots. L'harmonisation du milieu
cinématographique, telle que proposée par le projet de loi no
109, ne pourra s'accomplir sans un fonds de soutien alimenté de
façon permanente et croissante. Pour assurer une véritable
relance et une continuité du cinéma au Québec, le fonds de
soutien doit comporter des sommes importantes de l'ordre de 25 000 000 $
proposés par la commission Fournier, à la page 55. Les
recommandations de cette commission pour alimenter ce fonds essentiel au
développement de notre industrie culturelle sont fondées sur la
participation financière de ceux qui en sont les principaux usagers tels
les télédiffuseurs privés ou d'État, les
câblodistributeurs, les utilisateurs de cassettes, etc.
Un autre absent, la commandite gouvernementale. Nous pensons que la
production dite commanditée est un élément important de
notre industrie cinématographique. Tout ce secteur, à notre avis,
devrait faire l'objet d'un examen approfondi et ce dans la perspective des
visées gouvernementales consistant à favoriser le
développement de la PME.
La commandite gouvernementale a été depuis de nombreuses
années une source intarissable de frustrations pour le secteur
privé au Québec. L'adoption en 1975 d'une première loi
cadre sur le cinéma provoqua une situation soulevant des
inquiétudes quant à la cohérence de l'action
gouvernementale qui, via l'institut, soutient le développement d'une
industrie cinématographique et audiovisuelle indépendante qu'elle
concurrence d'autre part en favorisant l'émergence de toutes sortes de
sections, unités, ateliers, etc., de productions gouvernementales qui
disposent, tout compte fait, de budgets considérables; sans compter le
gaspillage de fonds publics et d'énergie qui accompagnent toujours de
telles situations confuses. Ainsi, au nom des politiques énoncées
dans le projet de loi no 109, nous demandons que le gouvernement se retire
complètement de la production audiovisuelle, qu'il favorise une
politique d'auteurs en production
gouvernementale et qu'il révise la politique d'appel d'offres et
de soumissions.
Nous demandons également que le gouvernement s'abstienne de toute
concurrence au secteur privé par le biais de ses institutions, notamment
Radio-Québec. Nous suggérons qu'il confie à
Radio-Québec un mandat de programmation et de diffuseur et qu'il remette
la production au secteur privé.
En conclusion, aux dires des commissaires de la commission Fournier, le
modèle d'intervention qu'il recommande et que nous appuyons est tout
d'une pièce. On ne peut pas le disséquer pour n'en appliquer que
certaines parties sans compromettre sa cohérence. Nous ne soulignons pas
cette caractéristique du modèle proposé pour forcer la
main de l'État, mais seulement pour le mettre en garde contre la
tentation qu'il pourrait avoir de céder à certaines pressions ou
d'appliquer les recommandations qui feront plus naturellement que d'autres
l'unanimité. On ne saurait trop dire, trop répéter
l'urgence de l'adoption de cette loi 109 pour revitaliser l'industrie du
cinéma et de l'audiovisuel, secteur primordial de la culture
québécoise.
Encore une toute petite page. Je voudrais vous rappeler, en terminant,
que le secteur indépendant de production de cinéma est né
seul, s'est financé seul, à l'ombre de Radio-Canada et de l'ONF,
et envers et contre toute logique. Ce cinéma est né de la passion
et de la détermination de quelques créateurs,
réalisateurs, producteurs, techniciens qui farouchement se sont
entêtés à doter ce petit pays d'un grand et populaire
cinéma. Au cours de toutes ces années, ils se sont battus pour
que le Québec trouve sa place dans le monde. Maintenant que
l'infrastructure de cette industrie est en place, maintenant que nous avons
fait nos preuves, nous avons besoin de votre support. Nous avons besoin de
cette loi pour assurer la continuité et pour harmoniser notre
industrie.
Bien qu'il nous soit pénible à nous, producteurs,
entrepreneurs libres et indépendants, de vous supplier de faire
très vite, je le fais au nom de tous mes collègues, car nous
étouffons. Nous avons lutté seuls jusqu'à maintenant.
Aujourd'hui, nous avons besoin d'être épaulés. Nous avons
besoin de sentir derrière nous un appui inconditionnel. Nous avons
besoin urgemment de cette législation et du fonds de soutien. M. le
Président, si l'État n'intervient pas et n'injecte pas une aide
massive dans les entreprises québécoises et autonomes de
production, elles n'auront peut-être qu'un bilan de fermeture à
déposer le 31 décembre 1983 et si certains, comme on l'a entendu
ce matin, se sentent menacés d'expulsion, nous, nous sommes
menacés de mort. Merci, M. le Président.
(18 h 45)
Le Président (M. Paré): Merci beaucoup, Mme
Boisvert. La parole est maintenant à vous, M. le ministre.
M. Richard: M. le Président, je voudrais remercier d'abord
Mme Boisvert et ses collègues de cette contribution majeure et
extrêmement importante aux travaux de la commission parlementaire. Je
voudrais donner l'assurance, encore une fois, que c'est minutieusement et avec
beaucoup de soin que nous analyserons les recommandations et les suggestions
qui sont contenues dans ce mémoire. Pour le bénéfice des
membres de la commission parlementaire, Mme Boisvert, pourriez-vous nous donner
un aperçu sommaire du processus de financement d'une production
cinématographique?
Mme Boisvert: Je veux bien, M. le ministre, et avec plaisir. Si
vous voulez bien, nous allons prendre l'exemple d'un film de 1 000 000 $ et
voir comment, au Québec, on peut arriver à financer un film. Je
vous souligne au passage que le coût moyen de production d'un film de
long métrage aux États-Unis est de 10 000 000 $. Alors, nous
serons modestes.
Comment trouve-t-on 1 000 000 $ en ce moment au Québec? On peut
en trouver 20% à l'institut, si l'institut a des fonds disponibles. Vous
savez qu'il ne dispose en ce moment, à toutes fins utiles, que de 3 000
000 $. C'est vrai qu'il a plus de 3 000 000 $. C'est 4 000 000 $ ou 4 500 000 $
et tout, mais de disponibles pour nous, pour la scénarisation, pour la
production et pour l'aide à l'exploitation, cela revient finalement
à un chiffre assez restreint. Donc, nous avons 200 000 $ là. Nous
pouvons aller chercher un autre 20% à la SDICC, mais là aussi les
caisses sont un peu vides. Depuis avril 1982, les caisses sont vides et, quand
elles sont pleines, le secteur francophone n'a droit qu'à 900 000 $,
pour 7 000 000 de francophones au Canada, pour appuyer la scénarisation,
la production, l'aide aux distributeurs, la participation aux festivals,
etc.
Nous allons également chercher 10% -c'est la part du producteur -
100 000 $, quand les années sont bonnes. En plus, nous pouvons faire une
prévente à Radio-Canada et on obtient à ce
moment-là, en moyenne, 35 000 $ en investissements et 35 000 $ en
prévente, c'est-à-dire pour les droits de diffusion, et
peut-être que si tout va bien, on pourra obtenir 50 000 $ de la
télévision payante, ce qui nous fait un budget de 585 000 $.
Là où il y a un problème, et cela explique tout
à fait la situation de la production indépendante dans ce pays,
c'est comment je comble ce qui reste entre 585 000 $ et 1 000 000 $, si je suis
un
entrepreneur valable et si les membres de mon association sont des
hommes et des femmes d'affaires. Il faut absolument aller chercher une avance
de distribution. Vous savez que c'est ainsi que les Américains et les
Français financent leurs films, parce que j'ai produit également
en France et aux États-Unis. Nos distributeurs sont dans un tel
état de disette, comment voulez-vous qu'ils m'apportent une avance de
distribution de 100 000 $, par exemple? La pratique aux États-Unis comme
en France est également d'aller chercher une avance des salles, des
avances sur les recettes. Il y a aussi une autre pratique. Nous allons chercher
des avances des ventes à l'étranger. Pour arriver à notre
1 000 000 $, c'est la façon dont on devrait procéder, mais
à cause de la situation des distributeurs indépendants dans ce
pays, à cause de notre non-accessibilité à certains
réseaux, il nous est impossible en ce moment d'arriver à cette
somme et c'est pourquoi nous demandons votre aide.
M. Richard: Quand vous parlez, Mme Boisvert, de
non-accessibilité à certains réseaux, est-ce que vous
pourriez préciser?
Mme Boisvert: Ce matin il a été dit par,
appelons-les par leur nom, les "majors" qu'on ne leur offrait pas nos produits.
Ce n'est absolument pas vrai. Chacun d'entre nous, à un moment ou
l'autre, a présenté des projets et c'est extrêmement rare
qu'ils aient été acceptés. Parfois, nos textes sont
superbes - je pourrais vous citer certains titres - ils sont tellement bons
qu'on veut nous les acheter et les "majors" veulent les produire
eux-mêmes. À ce moment, je leur réponds: "If it is good for
you, Sir, I think it is good for me too", et on s'entête, mais cela ne
remplit pas les poches. Alors on a vraiment besoin d'un peu d'aide pour
retrouver les belles années qu'on a connues au cours des années
soixante et début soixante-dix. C'est à cette époque que
nos distributeurs indépendants ont contribué à
compléter le financement de nos productions et cela a donné des
résultats étonnants.
M. Richard: Mme Boisvert, à cet égard, croyez-vous
que les dispositions de l'article 97, quant à la réappropriation
de la distribution, seraient une amorce de solution?
Mme Boisvert: À peu près tout le monde a
parlé sur le sujet, c'est l'inconvénient de parler presque
à la fin, mais j'ai envie de vous le dire, parce que cela n'a pas
été dit jusqu'à maintenant. Tous les "majors", je crois,
sauf deux, ne sont même pas incorporés au Canada, ils sont tous
incorporés au Delaware, il y en a un qui est incorporé aux
Pays-Bas. Est-ce que vous pouvez me dire ce que cela laisse au Canada? Donc, la
canadianisation est absolument essentielle, pas seulement au Québec, je
crois que cela va servir à tout le monde. Il y a des millions de dollars
- là, je ne veux pas me lancer dans les chiffres, parce qu'on en a
entendu plusieurs qui étaient un peu différents - on sera tous
d'accord là-dessus, il y en a quand même pour des millions et ces
millions repartent sans laisser de traces, enfin celles qu'on aimerait voir
laisser au Québec, ils repartent vers les États-Unis.
M. Richard: Mme Boisvert, vous avez entendu les différents
mémoires qui ont été présentés, puisque vous
dites justement que vous êtes parmi les derniers, en tant que producteurs
québécois, à vous présenter devant la commission.
Est-ce qu'il y a des commentaires, des suggestions, des recommandations qui
vous sont venus à l'esprit et que vous souhaiteriez transmettre à
la commission?
Mme Boisvert: Si vous me donnez le choix, j'en ai tellement. Si
vous voulez bien qu'on reste jusqu'à 20 heures ce soir, moi, je veux
bien!
Il y a plusieurs choses, qu'on a entendues au cours des derniers jours,
qui nous ont donné plein d'idées. Ce matin, j'ai
été absolument ravie quand j'ai entendu Jacques Laurent dire que
les Américains sont d'excellents hommes d'affaires et, en cela, je suis
tout à fait d'accord avec lui. En plus, il a dit qu'ils sont
généreux, alors j'étais encore plus ravie et je me suis
prise à rêver en imaginant que, demain matin, on aurait 25 000 000
$ et, en plus, on aurait une contribution de 15 000 000 $, ce qui nous ferait
40 000 000 $ pour nous l'industrie, c'est-à-dire exactement le budget de
"The Winds of War" - c'est 18 heures de télé - et ainsi on pourra
avoir quand même une cassette intéressante.
Ce qui m'a amusée aussi, c'est quand on a parlé de "Meat
Balls". Je pense que le distributeur ne m'en voudra pas trop de parler de son
affaire, mais malheureusement il n'est pas là. J'ai entendu quelques
faussetés que j'aimerais bien corriger. C'est vrai que le producteur,
qui est Québécois et qui est distributeur
québécois, qui a produit "Meat Balls", n'a pas pu le distribuer
au Québec et au Canada. J'aimerais vous dire pourquoi. Parce que ce film
a été financé en tout ou en partie par des investisseurs
privés et lorsque ce film a été présenté aux
"majors", les "majors" ont offert 300 000 $ pour les droits de distribution au
Canada.
Le distributeur indépendant, le distributeur
québécois n'était pas en mesure d'offrir la même
somme pour ces investisseurs. Il avait vraiment un cas de conscience à
ce moment, déchiré entre ne pas pouvoir distribuer, alors qu'on
est son propre producteur et son propre producteur
sur son propre territoire, mais déchiré aussi par un
problème moral: Il ne pouvait pas frustrer ses propres investisseurs
d'un retour garanti d'une somme de 300 000 $. J'espère que cela vous
expose d'une façon très claire et convaincante la situation de la
production et de la distribution dans le pays.
Si vous me le permettez, je vais vous parler de deux ou trois autres
choses, M. le ministre. Je vais vous parler de la baisse de la... Vous savez
que tous les secteurs dans cette industrie sont absolument
interdépendants. Pour qu'on arrive à une production
québécoise saine, il faut que tous les milieux fonctionnent,
soient en plein essor en même temps, que ce soit le long métrage,
la commandite, les documentaires, les films pour la télé, les
messages publicitaires.
Je peux vous dire qu'en ce moment il y a une baisse dramatique de la
production des films de messages publicitaires. Cela va jusqu'à
peut-être 40%. Il y a aussi le risque qu'il y ait un déplacement
de la production vers Toronto. Il y a également une baisse dramatique
dans la commandite gouvernementale, autant fédérale que
provinciale, et j'aimerais peut-être laisser la parole à un
spécialiste de la question qui peut vous expliquer brièvement
quelle est la situation aujourd'hui.
M. Champagne (François): En fait, concernant la commandite
gouvernementale, il y a eu une baisse de l'ordre de 72% de 1975 à 1983,
et cette baisse est attribuable à différents facteurs dont, ici
au gouvernement du Québec pour une part, la formation de certains
ateliers internes. C'est une drôle de coïncidence mais les chiffres
ont commencé à baisser à partir de ce moment. Il y a eu
différentes interventions, entre autres, auprès de M. O'Neill en
1976, lors d'une rencontre célèbre où le sous-ministre des
Communications de l'époque, M. Gérard Frigon, a mentionné,
quand on lui a fait part de nos craintes concernant la mise sur pied d'une
structure de production interne gouvernementale: "Over my dead body, il ne
saurait en être question."
Maintenant, sept ans après, nos craintes sont fondées, les
ateliers audiovisuels qui produisent des documents audiovisuels pour le
gouvernement du Québec comptent maintenant plus de dix employés
et la commission Fournier a dénombré plus de 90 employés
de l'État qui ne produisent que de l'audiovisuel au gouvernement du
Québec. Entre nous, ce ne sont seulement ceux qu'ils ont bien
trouvé.
Si on considère le coût de cette masse salariale, c'est
énorme. Pour pouvoir supporter une telle masse salariale dans le secteur
privé, vous pouvez tout de suite imaginer que cela prend un chiffre
d'affaires de l'ordre de 10 000 000 $ pour supporter 90 employés
permanents. On se pose de sérieuses questions quant à la
rentabilité, effectivement, de cet investissement dans du personnel pour
la production interne au gouvernement. Est-ce que je réponds
à...
Mme Boisvert: Justement, j'en profite pour mentionner... Hier, on
a posé une question. On demandait: Combien y a-t-il de personnes qui
travaillent dans l'industrie cinématographique? Nous avons fait des
recherches. Je peux vous dire qu'au Canada il y a 35 000 personnes qui ont un
emploi permanent dans le cinéma, plus 10 000 à la pige, pour un
total de 45 000, ce qui nous fait au Québec entre 15 000 et 20 000
personnes qui travaillent et qui vivent du cinéma, que ce soit dans nos
laboratoires, dans nos maisons de production, que ce soit dans le doublage chez
les comédiens. Donc, je pense que c'est assez valable comme chiffres.
(19 heures)
II y a des choses aussi... Je vous ai glissé un mot sur
Radio-Canada, mais j'aimerais bien ne pas oublier Radio-Québec, cela
pourrait faire des jaloux. J'aimerais vous donner le chiffre faramineux que les
indépendants obtiennent en acquisition pour leurs produits. C'est la
somme totale de 325 000 $ que nous nous séparons. Je vous ai
donné le nombre de maisons de production faisant partie de cette
association et il y en a quand même quelques autres. Parmi les malheurs
qui nous sont arrivés cette année aussi, nous avons vu la
disparition des 100% d'amortissement pour les investisseurs. Voilà pour
nous une autre source qui vient de disparaître depuis le 31
décembre 1982.
Il y a un nouveau phénomène également qui est la
télévision payante. Vous savez qu'au cours des deux
dernières années, l'APFQ a fait des quantités de rapports
qu'elle a produits au CRTC avant que les permis ne soient livrés aux
détenteurs actuels de permis. Je ne veux pas être
l'empêcheuse de danser en rond, mais je peux vous dire - et c'est
vérifiable - qu'en première page d'un magazine
spécialisé du cinéma - c'est le Hollywood Reporter - il
était écrit en grosses lettres: "Gold Rush for American TV
Producers", en ce qui concerne notre télévision payante. À
ce jour, je ne peux pas vous dire que les retombées pour le secteur
francophone soient énormes. Nous pourrons vous donner des chiffres un
peu plus tard. C'est peut-être vrai qu'il vont atteindre leurs 30% de
contenu canadien, mais j'aimerais bien - et Dieu sait que j'aime bien le sport
- que ce ne soit pas seulement en hockey. Je n'ai rien contre les Nordiques,
remarquez, mais que ce soit en hockey, en tennis ou en boxe, j'aimerais que
nous, les indépendants, nous ayons la possibilité de
présenter nos longs métrages, c'est-à-dire nous mettre
à tourner de nouveaux longs
métrages francophones, des documentaires et des documents de
variétés, etc.
Il est essentiel que l'État agisse très vite pour
permettre aux producteurs indépendants de pouvoir enfin obtenir des
positions majoritaires quand nous faisons des coproductions avec
l'étranger. Vous savez qu'au Canada, il y a plusieurs traités
signés avec différents pays, que ce soit la France, Israël,
l'Italie, l'Allemagne et l'Angleterre. Un de nos drames, à cause de la
petitesse de notre marché et à cause de la petitesse de nos
moyens, c'est qu'il nous est très difficile d'arriver en position
majoritaire. Or c'est important de détenir 60% ou 80% dans un film,
parce que c'est seulement à cette condition que vous pouvez imposer un
metteur en scène québécois et que vous pouvez imposer des
vedettes. Il est donc essentiel d'être le plus fort, et on en a marre
d'être les plus faibles depuis très longtemps.
Il y a aussi - je dois le souligner - nos banques canadiennes qui sont
les plus conservatrices au monde dans le domaine du cinéma. Je
rêve de voir très bientôt, à l'institut, des
mécanismes qui nous permettront à nous, Québécois,
de fonctionner comme les Américains et comme les Français,
c'est-à-dire d'avoir une institution qui connaisse le cinéma et
qui soit en mesure de faire des escomptes de nos propres contrats de vente, que
ce soit au Japon, etc. Vous savez, on n'a pas envie d'être
subventionnés, et, en fait, à l'institut, ce sont des
investissements qu'on fait dans nos productions. Nous n'avons pas une
mentalité d'assistés sociaux et nous ne voulons absolument pas
vivre aux crochets de l'État. On veut un coup de main pour pouvoir
continuer l'oeuvre que nous avons commencée.
Peut-être un dernier point. Ce sont les
télémonopoles. Comme elles jouissent d'un monopole, elles
devraient avoir certaines obligations envers le public, comme le CRTC leur
donne des privilèges, je crois que lorsqu'on reçoit des
privilèges, on se doit d'en faire bénéficier les gens de
sa communauté.
M. Richard: J'ai une dernière question un peu directe. Je
voudrais que vous répétiez combien il y a de maisons de
production au Québec.
Mme Boisvert: À notre association, il y a 60 maisons de
production et huit maisons de services et laboratoires. Mais vous avez vu
défiler devant vous d'autres associations qui sont, soit des
associations de vidéo ou d'autres petites maisons, mais je crois que
l'APFQ regroupe les maisons les plus importantes et établies depuis
très longtemps. Vous avez, à ma droite, le président d'une
société de production québécoise qui existe depuis
31 ans. Il est beaucoup trop modeste pour le mentionner, mais je peux vous dire
que sa maison a gagné, au cours des années, 45 prix
internationaux, c'est quand même pas mal. Je ne vous parle pas de prix au
Québec, mais sur le plan international.
M. Richard: Compte tenu de l'étroitesse du marché
québécois et compte tenu de la concurrence qui existe à
l'échelle internationale, n'y aurait-il pas intérêt
à ce qu'on assiste - ce n'est pas une affirmation, c'est une question
que je pose - à une consolidation des entreprises de production
québécoise?
Mme Boisvert: C'est ce que nous faisons de plus en plus. Vous
avez des regroupements. Je pense que nous sommes arrivés à
maturité. Nos maisons existent depuis 20 ans, si on veut faire une
moyenne et, de plus en plus, à l'intérieur de maisons de
production, vous retrouvez des gens qui font de la commandite, des.
commerciaux; vous avez une section long métrage; vous avez une section
documentaire; vous avez une section télévision. Ces regroupements
sont en train de se faire. Tout le monde a fait ses armes et c'est
maintenant...
M. Richard: Croyez-vous que cela va se poursuivre?
Mme Boisvert: Je le crois. C'est la tendance. Je pense que c'est
la façon de survivre, d'être efficace, de produire rapidement en
espérant avoir quelques contrats pour la télévision
payante, qui sera bouffeuse de pellicules. L'avenir est là et nous en
sommes conscients. Il y a des regroupements à l'intérieur de nos
maisons; il y a plusieurs discussions à ce sujet. Il y a d'ailleurs des
regroupements, cela va même plus loin que cela, entre les distributeurs
québécois. Il y a maintenant l'association de doublage que vous
avez entendue ce matin, qui partage notre secrétariat. Nous sommes
interdépendants et nous avons tout avantage, par exemple, que
l'industrie du doublage soit extrêmement forte. Je le dis d'une
façon assez égoïste, parce que c'est important pour les
producteurs que les maisons de doublage soient saines. Pourquoi est-ce
important? Parce que les maisons de doublage font travailler nos
comédiens et nos comédiennes, c'est-à-dire qu'elles les
gardent dans notre milieu, qu'elles les gardent au travail. Quand nous sommes
en production d'un long métrage ou d'une série de
télé, ces gens-là sont de plus en plus
expérimentés et nous sont disponibles. Il faut absolument avoir
les moyens de garder un bassin important de gens compétents que nous
sommes.
M. Richard: Je vous remercie encore une fois et je cède la
parole à d'autres intervenants.
Le Président (M. Paré): M. le député
de Saint-Henri.
M. Hains: Madame, je pense bien que M. le ministre vous a
complètement accaparée. Je ne l'en blâme pas, c'est un
égoïsme bien placé. Je n'ai vraiment plus de questions
à vous poser. Je garde la joie de vous avoir regardée et de vous
avoir écoutée.
Mme Boisvert: Monsieur, je dois dire que je suis suffisamment
libérée pour accepter le compliment.
M. Proulx: Madame, je vous demanderais pourquoi vous portez tous
les cinq une rose. Vous avez exprimé votre joie en disant que le rapport
s'est fait très vite, que le ministre a agi avec diligence. Est-ce pour
exprimer votre joie à l'égard du ministre qui a fait un excellent
travail?
Mme Boisvert: Ce matin, je dois dire que nous avons
été remplis de joie, je pense que toute la profession a
vibré - je vous le dis, M. le ministre - quand vous avez dit que plus
jamais dans ce pays nous n'aurons le statu quo et on veut
célébrer un peu. C'est un nouveau départ.
Le Président (M. Paré): Nous allons fêter
avec vous! Merci, Mme Boisvert, merci messieurs de votre présentation et
du temps que vous avez consacré pour répondre à nos
questions.
Mme Boisvert: Merci.
Le Président (M. Paré): J'inviterais maintenant les
prochains intervenants à se présenter à la table en avant.
Il s'agit d'une présentation, à titre personnel, de Mme
Hélène Gauthier et M. Pascal Roberge.
Ils ne sont pas là. Nous allons donc reporter la
présentation de ce mémoire à la fin et je vais maintenant
appeler le dernier groupe apparaissant sur la liste, c'est-à-dire le
Regroupement régional des producteurs de films de Québec.
Bienvenue à la commission. Je demanderais au porte-parole de
s'identifier et de nous présenter la personne qui l'accompagne.
Regroupement régional des producteurs de films
de Québec
M. Seers (Richard): Mon nom est Richard Seers, j'agis comme
président du regroupement, et je vous présente Pauline Geoffrion,
du regroupement également et des Films Cenatos. Nous allons vous faire
une lecture très rapide de notre mémoire, qui est assez bref.
M. le ministre, mesdames et messieurs, membres de cette commission
parlementaire, nous tenons d'abord à vous remercier de l'occasion qui
nous est fournie de vous faire part de notre opinion concernant l'étude
de ce projet de loi sur le cinéma et la vidéo. Nous sommes
d'autant plus heureux de le faire que nous sentons que l'heure est venue de
concrétiser, au sein d'une loi, les nombreuses attentes maintes fois
exprimées par les milieux professionnels du cinéma depuis
déjà plusieurs années. Après nombre d'études
et de commissions, il nous apparaît essentiel de passer désormais
à l'action.
Il existe, dans la région de Québec, une trentaine de
maisons de production. Ce sont toutes de petites entreprises oeuvrant dans tous
les secteurs de la production: commandites gouvernementales, messages
publicitaires, courts, moyens et longs métrages de genre documentaire et
fiction dramatique pour la télévision et les salles de
cinéma. Parmi nos clients, nous comptons Radio-Canada et
Radio-Québec, national et régional, quoique très
occasionnellement dans ce dernier cas. Nos investisseurs sont l'Institut
québécois du cinéma, la SODICC, l'ONF et les investisseurs
privés.
Parmi ces producteurs indépendants, dix sont membres du
Regroupement régional des producteurs de films de Québec, une
association professionnelle existant maintenant depuis près de quatre
ans et ayant pour objectifs la promotion et la défense des
intérêts de ses membres.
Ces mêmes producteurs ont recours, pour les besoins de leurs
productions, aux meilleures compétences de la région dans tous
les secteurs techniques: caméra, son, régie, montage, etc. Ces
pigistes sont réunis, pour la très grande majorité, au
sein d'une association professionnelle créée il y a près
de deux ans et qui regroupe près d'une centaine de membres, La Pige.
De plus, on a créé, à l'Université Laval, il
y a déjà dix ans, une mineure en cinéma, programme
d'enseignement où l'on retrouve aujourd'hui plusieurs dizaines
d'étudiants avides de réaliser leurs premières oeuvres
cinématographiques et pressés d'aller occuper le champ de la
pratique professionnelle, si l'occasion peut se présenter.
Par cette description de notre milieu, il ne fait aucun doute, quant
à nous, que la région de Québec témoigne d'un
dynamisme étonnant par sa production cinématographique et
vidéo. Mais ne nous y trompons pas, il serait plus juste d'affirmer que
telle était la situation il y a encore quelques mois, avec la production
de séries pour la télévision et la production de deux
longs métrages, "Les doux aveux" et "Les yeux rouges", au point que la
commission Fournier en arrivait, dans
son rapport, à recommander que l'Institut québécois
du cinéma ouvre un bureau à Québec, ce sur quoi nous ne
pouvons qu'être d'accord. (19 h 15)
Mais les lendemains de la veille sont parfois lancinants et
pénibles. Crise économique, dites-vous! Pour en connaître
toute l'intensité, vous n'avez qu'à constater l'état
alarmant du milieu du cinéma où sévit un taux de
chômage chronique et désastreux, où les faillites
d'entreprises se ramassent à la pelle. De là l'urgence et la
nécessité du présent projet de loi sur le cinéma et
la vidéo.
C'est avec conviction que nous avons préparé le
mémoire que nous avons présenté à la commission
Fournier, en décembre 1981. C'est avec enthousiasme que nous avons pris
connaissance du rapport Fournier constatant dès lors que l'ensemble des
recommandations était fidèle aux recommandations que nous avions
alors exprimées, comme tant d'autres intervenants.
C'est pourquoi nous ne pouvons qu'appuyer entièrement l'adoption
et l'application, dans les plus brefs délais, de ce projet de loi sur le
cinéma et la vidéo. Cependant, afin de rendre plus satisfaisant
ce projet de loi déjà très encourageant, nous nous
permettons ces quelques remarques, ponctuées des recommandations
pertinentes. 1. Nous tenons que soit maintenu dans la loi tout le secteur de la
vidéo. Il serait en effet anachronique de continuer à ignorer
toute la production vidéo qui a, surtout ces dernières
années, occupé un espace toujours croissant au sein de la
production audiovisuelle au Québec. Il est important que les producteurs
vidéo, qui sont souvent aussi producteurs de cinéma, puissent
bénéficier des différents programmes d'aide disponibles.
2. À notre grand étonnement, nous avons constaté un oubli
dans le présent projet de loi. En effet, dans la proposition de loi
figurant au rapport Fournier, on pouvait lire l'article suivant touchant la
formation du conseil d'administration de l'Institut québécois du
cinéma. L'article 18 se lisait ainsi: "Le ministre, avec le souci
d'assurer une représentation de la télévision, de la
clientèle et des régions, choisit quatre membres et en propose la
nomination au gouvernement." Cet article parle de lui-même et nous
comprenons mal qu'il n'apparaisse pas dans l'actuel projet de loi. Nous sommes
d'avis que les conseils d'administration doivent être composés des
représentants de chacune des associations représentatives des
différents secteurs du cinéma.
Cependant, nous devons constater que ces associations sont toutes
montréalaises, même si elles ont un statut provincial. Aussi, nous
croyons juste et nécessaire que des représentants des
régions puissent siéger à ce conseil d'administration afin
de sensibiliser et convaincre leurs pairs que le développement du
cinéma et de la vidéo au Québec doit s'effectuer tout
autant en région que dans la grande métropole.
Nous avons en région notre propre réalité
cinématographique et nous devons l'exprimer. Nous avons, nous aussi, une
situation économique à améliorer.
Aussi, nous recommandons à la commission que soit
réinséré dans le projet de loi no 109 cet article 18
ci-haut énoncé, non seulement pour la
représentativité des régions mais aussi pour celle de la
télévision et de la clientèle; histoire, pour le
cinéma québécois, de mieux faire valoir l'obtention de son
espace-écran à la télévision, autant privée
que publique et, de prendre le pouls du public en retrouvant une
clientèle qu'il n'a pas toujours eue, c'est bien connu. 3. Dans le
projet de loi no 109, l'article 8 énumère la forme que peut
prendre l'aide financière pour les besoins de l'industrie
cinématographique et vidéo au Québec. À la section
V de ce même projet de loi, on propose la création d'une nouvelle
société, désignée comme étant la
Société générale du cinéma et de la
vidéo, qui aurait, somme toute, le mandat d'administrer l'attribution de
l'aide financière au bénéfice des entreprises
cinématographiques québécoises.
Après étude de ces dispositions, nous recommandons que
tout ce qui regarde l'aide financière aux entreprises de cinéma
et de vidéo soit dévolu à la SODICC plutôt
qu'à la Société générale du cinéma et
de la vidéo, ceci afin d'éviter toute situation de conflit
d'intérêts.
En effet, nous croyons qu'un programme d'aide financière aux
entreprises doit être mis en place. Cette aide doit comporter tout autant
une aide à la gestion d'entreprise qu'une aide au perfectionnement des
producteurs professionnels. Cette aide aux entreprises doit avoir plusieurs
formes telles que celles énumérées à l'article 8 du
projet de loi. Mais nous recommandons qu'il soit possible d'en créer une
autre: l'investissement par achat de capital-actions dans une compagnie de
production cinématographique et vidéo. Nous concevons qu'il
puisse s'agir là d'une mesure exceptionnelle, mais cette
possibilité peut s'avérer un dispositif intéressant, entre
autres pour susciter un regroupement d'entreprises intéressées
à unir leurs ressources en vue de pénétrer de nouveaux
marchés ou afin de procéder à un regroupement de services.
D'autres exemples peuvent évidemment être imaginés comme
les nouvelles technologies.
Quoi qu'il en soit, puisque la SODICC administre déjà le
programme d'aide à la vidéo, nous sommes d'avis qu'il devrait
tout simplement en être de même pour l'aide financière aux
entreprises de cinéma. Encore
une fois, afin d'éviter que la Société
générale du cinéma et de la vidéo se retrouve dans
une situation où, par exemple, après avoir fait un prêt
à une entreprise, elle croit nécessaire d'aider une production
cinématographique de cette même entreprise pour mieux garantir son
prêt. Le fait est qu'une équivoque pourrait se produire.
L'article 103 énonce qu'il sera nécessaire d'obtenir
désormais un permis de producteur pour oeuvrer sur une base
professionnelle dans le secteur du cinéma et de la vidéo. Nous
croyons que cet article ne doit pas avoir pour résultat de
régenter la pratique professionnelle du cinéma et de la
vidéo. C'est pourquoi nous demandons de connaître, avant
l'adoption de cet article, les critères devant déterminer son
application et qui seront précisés par règlement, que ce
soit d'ailleurs le montant du droit prescrit et l'énoncé des
autres exigences, s'il y a lieu, à l'émission de ce permis de
producteur.
Par ailleurs, nous apprécierions que la définition de
producteur indépendant soit reconnue comme la commission Fournier
l'avait fait dans son rapport, à savoir un producteur qui n'a aucun lien
direct ou indirect avec un télédiffuseur. Si les
télédiffuseurs privés surtout doivent faire leur part dans
le développement d'un cinéma national, ce ne sera pas alors que
par l'entremise de leur propre succursale.
Enfin, cette étape que constitue l'adoption du projet de loi no
109 nous apparaît plus que jamais déterminante. Le gouvernement
québécois doit faire preuve de volonté politique car il
s'agit là d'un enjeu politique important. Le gouvernement
fédéral s'apprête lui aussi à intervenir plus que
jamais dans le secteur de l'industrie cinématographique et vidéo.
Il serait désolant de constater qu'il occupe seul tout cet espace
culturel pour le moins névralgique dans notre société des
communications.
Nous constatons que le projet de loi no 109 crée de nouvelles
structures administratives et en réaménage d'autres. Nous ne
voudrions pas nous retrouver dans un appareil bureaucratique qui tourne
à vide. En d'autres mots, il ne faut pas qu'une nouvelle caméra
pour faire du cinéma et de la vidéo, mais aussi de la pellicule
et de la bande magnétoscopique, de l'argent, quoi.
L'adoption de ce projet de loi ne vaut que dans la mesure où le
fonds de soutien au cinéma est constitué. À ce titre nous
appuyons fermement les propositions du rapport Fournier. Il faudra les
réaliser. Les utilisateurs et consommateurs de films devront
sérieusement y contribuer et pour cause.
Aussi, nous recommandons que conséquemment à l'adoption du
projet de loi no 109, le gouvernement s'engage immédiatement à
disposer, amender et rendre applicables les lois et règlements
créant les différentes taxes et impositions devant alimenter le
fonds de soutien au cinéma et que l'abri fiscal soit augmenté lui
aussi à 150% tel que recommandé dans le rapport Fournier.
Ce n'est qu'à cette condition que le cinéma
québécois aura toute la dimension et l'envergure dont nous le
croyons capable. Occuper son espace sur tous les écrans, que ce soit
ceux des salles comme ceux de la télévision conventionnelle et
payante, à l'échelle locale, nationale et internationale. Il en
va de notre essor culturel et économique. Merci.
Le Président (M. Paré): Merci beaucoup. Je donne
maintenant la parole au ministre des Affaires culturelles.
M. Richard: M. le Président, je voudrais remercier M.
Seers et sa collègue de la présentation de ce mémoire qui
est fort intéressant. Je vous attendais un peu, comme un groupe
précédent, pour vous poser une question. Que diriez-vous si nous
laissions tomber le mot "vidéo" de l'intitulé de la loi pour
ensuite avoir une définition immédiatement à l'article 1
de la loi pour dire que le film comprend la vidéo? De telle sorte que la
concordance serait faite pour l'ensemble des dispositions contenues dans le
projet de loi.
M. Seers: Personnellement je ne vois pas d'objection si on peut
dire que dans le plus grand est contenu le plus petit, mais je ne sais pas si
les gens qui y oeuvrent, surtout dans le secteur vidéo, seraient
d'accord avec une pareille définition. En fait, il s'agit, à
notre point de vue, d'une question de support sur laquelle on ne veut surtout
pas s'enfarger à l'intérieur du Regroupement des producteurs de
Québec, qui est une toute petite association, comme vous avez pu le
constater, qui n'existe que depuis quelques années. On regroupe des
producteurs en cinéma et des gens qui oeuvrent plus spécialement,
sinon exclusivement, en vidéo.
De fait, le secteur de la production vidéo est appelé
à croître plus que jamais. Ce qui importe à notre point de
vue c'est que, sans jouer sur les mots et sur les définitions, la
vidéo, tout comme le cinéma, soit finalement couverte par le
même terme. Si c'est possible et utile, pourquoi pas?
En fait, notre soutien à la question de la vidéo tenait
à l'effet que les programmes d'aide disponibles, par exemple à
l'institut, ne couvraient pas le secteur de la vidéo pour le moment.
M. Richard: C'est-à-dire que dans notre esprit cela
couvrait, mais ce n'était peut-être pas suffisamment...
M. Seers: Ah oui, en l'ajoutant au
projet de loi tel quel. Bien sûr. M. Richard: C'est
cela.
M. Seers: On tenait simplement à le maintenir.
M. Richard: En ce qui a trait aux inquiétudes que vous
avez exprimées par rapport à certains permis, en particulier le
permis de producteur, je dois vous dire que dans notre esprit, en tout cas, il
s'agit d'un permis nominal et automatique. On a expliqué les objectifs
qu'il y a derrière cela à plusieurs reprises. Il en sera ainsi
d'ailleurs, à peu près, sans doute, du permis de tournage.
M. Seers: C'est ce que nous avions cru comprendre aussi, mais
nous voulions être certains que c'est bien ce que nous avions
compris.
M. Richard: Ne vous inquiétez pas. Au moment de l'adoption
de la réglementation, il y en aura beaucoup pour me le rappeler. Je
cède maintenant la parole à mon collègue de
l'Opposition.
Le Président (M. Paré): M. le député
de Saint-Henri.
M. Hains: Mon cher monsieur, moi, je vous félicite pour
votre patience. Cela a été très généreux de
votre part de nous attendre si longtemps. J'ai juste une petite remarque. C'est
qu'à la fin de votre mémoire, à la page 7, vous demandez
au gouvernement de s'engager immédiatement à imposer - c'est
vraiment dit comme cela - les taxes et les impositions qui sont
recommandées dans le rapport Fournier. Je ne sais pas si vous avez
pensé à toutes les conséquences quand même que cela
peut comporter parce qu'on dit toujours que nous sommes tellement taxés
ici au Québec. Les gens sont rendus presque à bout à ce
point de vue. Je me demande - le ministre pourrait peut-être nous en
glisser un mot - comment il va falloir aller chercher ce capital que tout le
monde dit indispensable. Il est nécessaire, c'est la clé du
succès, c'est le nerf de la guerre. Est-ce qu'il va falloir vraiment
aller jusque-là pour pourvoir le trésor de ces 25 000 000 $ dont
on a tant besoin?
M. Seers: Enfin, en ce qui nous concerne, c'est certain que
l'adoption de la loi ne prend tout son sens que dans la mesure où il y a
effectivement des fonds disponibles et suffisants pour que cette loi serve
à quelque chose. Si on crée un nouvel institut
québécois, une société générale du
cinéma et de la vidéo, on insiste sur le fait que cela ne doit
pas être des structures supplémentaires qui, finalement, ne feront
que tourner à vide en ayant un supplément budgétaire par
rapport à ce qui existe maintenant, mais qui en fait se trouvera
absorbé par des structures administratives supplémentaires qui
prennent du volume. Il est important, à notre sens, qu'il y ait un fonds
de soutien très appréciable et on souhaiterait idéalement
que ce ne soit pas que sensible. On parle de 20 000 000 $ à 25 000 000 $
et non de 6 000 000 $ à notre sens.
Comment se procurer ces 25 000 000 $? À notre point de vue,
l'ensemble du rapport Fournier fait des recommandations très
intéressantes en ce sens et le fait d'insister sur les
télédiffuseurs privés, par exemple, on n'est pas
persuadé qu'ici, à Québec, comme ailleurs... On a
parlé tantôt de Télémonopole. Ici, on a
Télé-Capitale. Enfin, je ne sais pas s'il est arrivé
souvent à certains membres de cette commission de voir des films
québécois à la télévision de
Télé-Capitale, qui, en soi, exerce une activité presque
monopolistique à l'Est de Montréal. La question se pose. Si
effectivement des télédiffuseurs privés
bénéficient de privilèges, il est souhaitable que ces
privilèges ne soient pas qu'à leur seul bénéfice et
le soient aussi à l'intention des spectateurs et des producteurs
indépendants.
C'est pour cela qu'on a insisté sur la notion et la
définition de producteur indépendant, pour faire en sorte que ces
monopoles ne fassent pas que créer des succursales pour produire leur
propre matériel. Si le cinéma québécois doit
trouver son espace écran... On a vu les représentations des
exploitants de salles tout à l'heure. C'est vrai que l'espace
écran est beaucoup plus large à la télévision
désormais conventionnelle et payante. Il faut donc occuper cet espace.
(19 h 30)
Si le cinéma québécois doit aussi occuper son
espace écran, il est important que les télédiffuseurs
privés, tout autant que publics, nous fassent une place de choix ou du
moins une possibilité. Or, le fonds de soutien, enfin, ce que le rapport
Fournier prévoyait, c'était de le constituer à même
les taxes sur les revenus publicitaires des télévisions
privées et, donc, en ce sens, leur permettait, sauf erreur, de disposer
de ces 5% qui les affectaient pour eux-mêmes, d'amorcer des productions
avec le secteur indépendant et verser 3%, toujours sauf erreur, au fonds
de soutien, et en garder 2% pour leurs productions. En ce sens, le
mécanisme nous apparaissait très intéressant. Cependant,
on comprend bien que les publicitaires, eux, vont imputer la facture à
qui de droit. Si on compte sur l'essor du cinéma et de ses
retombées économiques, je pense que c'est amplement
justifié.
Le Président (M. Paré): Je vous remercie beaucoup
pour la présentation de votre mémoire. Moi aussi je me joins au
député de Saint-Henri pour vous remercier pour votre patience
parce que cela fait déjà quelques minutes que l'heure du
dîner est passée. Encore une fois, merci.
M. Seers: Pour aller manger. Merci.
Le Président (M. Paré): J'appellerais maintenant,
une dernière fois, les personnes qui avaient demandé à
présenter un mémoire à titre personnel, soit Mme
Hélène Gauthier et M. Pascal Roberge.
Donc, comme ces gens ne sont pas ici, on va prendre le mémoire
pour dépôt seulement. J'aimerais aussi rappeler aux membres de la
commission, avant de terminer, qu'il y a justement une liste de mémoires
qui ont été présentés pour dépôt
seulement, donc, je vais les énumérer. Il y a
premièrement, à titre personnel, Mme Yvonne Van den Nangel,
ensuite, la Coop vidéo de Montréal. En troisième lieu, le
Conseil du patronat du Québec. Un quatrième mémoire pour
dépôt seulement, le Conservatoire d'art cinématographique
de Montréal, le Conseil de la culture de l'Estrie, l'Association
féminine d'éducation et d'action sociale. À titre
personnel, M. Réal Larochelle. Il y a l'Association des consommateurs du
Canada et à cause de leur absence, à titre personnel, Mme
Hélène Gauthier et M. Pascal Roberge. Donc, je demanderais au
rapporteur, le député de Rousseau, de faire rapport à
l'Assemblée nationale dès que possible.
Je remercie tous les intervenants qui se sont présentés
à la commission ainsi que les membres de la commission pour les quatre
jours de présence ici à cette table. Maintenant que la commission
a rempli le mandat qui lui avait été confié, avant de
clore, je vais laisser la parole au ministre qui me demande la parole.
Conclusion
M. Richard: Je demande la parole pour remercier tous ceux et
celles qui ont voulu apporter leur contribution aux travaux de cette commission
parlementaire en présentant des mémoires ou en déposant
des mémoires. Je pense que cela a permis aux membres de la commission
parlementaire de voir comment le projet de loi qui est soumis à
l'étude de l'Assemblée nationale pourra être
bonifié. C'est au-delà de 40, 46 mémoires que nous avons
eus à analyser, à étudier. Je répète que ces
mémoires, globalement, constituent une contribution extrêmement
importante - je crois m'exprimer au nom de tous les membres de la commission
parlementaire - aux travaux de cette commission.
Je voudrais vous remercier, M. le Président, vous et tous les
membres de la commission parlementaire pour leur contribution extrêmement
importante aussi, aussi bien du côté de l'Opposition que du
côté de la majorité ministérielle.
Je voudrais enfin - je pense que cela ne doit pas être
oublié - remercier toute l'équipe de production, cameramen,
techniciens et distributeurs, s'il y a lieu, qui ont permis de
télédiffuser nos travaux. Il n'y a pas eu beaucoup de commissions
parlementaires dont les travaux ont été
télévisés. Je pense que cela a été
intéressant de voir que nous avons ainsi pu rejoindre des milliers de
Québécoises et de Québécois qui en
connaîtront davantage, tout comme nous, sur la situation du cinéma
au Québec et du cinéma québécois.
Je ne voudrais pas oublier tout le personnel de l'enregistrement au
journal des Débats. Ce sera un document d'archives, je pense,
très important, dont le milieu du cinéma pourra s'enorgueillir
plus tard. Je pense que ce seront des documents extrêmement
importants.
Je voudrais remercier, enfin, ceux qui, occasionnellement, ont pu
écouter la retransmission télédiffusée de ces
travaux. Merci à tous et vive le cinéma, vive le cinéma
québécois.
Des voix: Bravo!
Le Président (M. Paré): Merci à tous. La
commission, ayant maintenant rempli le mandat qui lui avait été
confié, est donc ajournée sine die. Merci. Bonsoir, mesdames et
messieurs.
(Fin de la séance à 19 h 36)