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Version finale

32nd Legislature, 3rd Session
(November 9, 1981 au March 10, 1983)

Friday, February 25, 1983 - Vol. 26 N° 245

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et d'organismes concernant le projet de loi no 109 - Loi sur le cinéma et la vidéo


Journal des débats

 

(Dix heures quinze minutes)

Le Président (M. Paré): Mesdames et messieurs, bonjour et bienvenue à la commission élue permanente des affaires culturelles qui se réunit aux fins d'entendre les personnes et les organismes en regard du projet de loi no 109, Loi sur le cinéma et la vidéo.

Les membres de la commission pour aujourd'hui seront: Mme Bacon (Chomedey), M. Champagne (Mille-Îles), M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet), Mme Harel (Maisonneuve), M. Dussault (Châteauguay), M. Hains (Saint-Henri), M. Proulx (Saint-Jean), M. Doyon (Louis-Hébert), M. Richard (Montmagny), M. Dauphin (Marquette)...

M. Richard: Pardon, M. le Président, mon comté est Montmorency.

Le Président (M. Paré): Je m'excuse, M. Richard (Montmorency).

M. Proulx: L'ancien comté d'Alexandre Taschereau. Il a été là pendant trente-six ans.

Une voix: C'est un avenir prometteur!

M. Proulx: II va être là pendant trente ans!

Des voix: Ah! Ah! Ah!

Le Président (M. Paré): Donc, on poursuit: M. Dauphin (Marquette), M. Lavigne (Beauharnois).

Les intervenants à la même commission sont: M. Blouin (Rousseau), M. Bisaillon (Sainte-Marie), Mme Lachapelle (Dorion), M. Leduc (Fabre), M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce), M. Bertrand (Vanier) et M. Marx (D'Arcy McGee).

Les organismes qui vont présenter des mémoires aujourd'hui sont, dans l'ordre: Le Groupe d'intervention vidéo, l'Association canadienne des distributeurs de films, Les cinémas Astre, Paradis et Mascouche, Ciné-Parc Sainte-Adèle, Cinéma Oméga, Ciné-Parc Viau, Ciné-Parc Saint-Eustache, l'Association québécoise des industries techniques du cinéma et de la télévision Inc., l'Association québécoise des distributeurs de films, l'Association des propriétaires de cinémas du Québec Inc., l'Association des producteurs de films du Québec, Mme Hélène Gauthier et M. Pascal Roberge (à titre personnel), M. Réal Larochelle (à titre personnel), le Regroupement régional des producteurs de films de Québec.

Donc, nous allons essayer, si possible, de maintenir chacune des présentations, y compris la présentation et la période de questions qui suit, à une heure, afin d'être capables de passer tous les mémoires aujourd'hui.

Tel qu'entendu, nous allons procéder immédiatement à la présentation des mémoires avec le Groupe d'intervention vidéo, représenté par Mme Albanie Morin. La parole est à vous, Mme Morin.

Groupe d'intervention vidéo

Mme Morin (Albanie): Le Groupe d'intervention vidéo existe depuis huit ans. Je veux d'abord vous lire le rapport qu'on avait présenté.

A la lecture du projet de loi no 109, nous sommes étonnés de voir à quel point la vidéo est méconnue comme oeuvre de création. Par conséquent, le souci de diffuser ou de promouvoir la représentation de cet art semble absent dans la loi. La vidéo n'est pas la reproduction de film sur vidéo. C'est une création spécifique.

Je fais vous faire un petit historique du groupe que je représente qui vous donnera une idée des conditions dans lesquelles le groupe est né, ses conditions de survie, pourquoi il y a eu autant d'efforts qui ont été faits pour survivre. Je reviendrai ensuite aux détails de la loi et des modifications que nous suggérons.

Le Groupe d'intervention vidéo a huit ans d'existence. C'est beaucoup, pour un groupe qui, toujours, a dû survivre en marge de la reconnaissance officielle et des budgets qui l'accompagnent. Le vidéo n'est pas subventionné par l'Institut québécois du cinéma. Nous avons quand même réussi à mettre sur pied un réseau de distribution viable - et ceci malgré le désintéressement des politiques culturelles québécoises à l'égard de la vidéo - un réseau qui a subvenu à nos dépenses de production et de distribution. Cet acharnement à produire, à diffuser, à survivre coûte que coûte a été motivé par un désir de survie et d'autonomie.

Lorsque le groupe a été formé en 1975,

nous tenions à contrôler nos moyens de production. La vidéo, 1/2 pouce à ce moment-là, encore toujours jeune et soi-disant légère, rendait possible l'acquisition d'équipement de tournage et de montage. De plus, dans le contexte de la lutte entre l'État québécois et le fédéral sur la juridiction des communications, on pouvait compter sur une aide gouvernementale. Cela se passe en 1975. Depuis 1977, le ministère des Communications a exclu les groupes vidéo de son programme d'aide et nous n'avions pas les moyens d'acquérir l'équipement 3M de pouce. Nous avons appris à nous débrouiller avec les moyens du bord, tant pour la diffusion ou distribution que pour la production. Nos bandes circulent, et circulent beaucoup. Le réseau de distribution s'élargit. Les groupes que nous touchons sont les groupes populaires, les groupes de femmes, les associations officielles politiques ou militantes de toutes sortes, les syndicats, les maisons d'enseignement, les cégeps, les universités, les polyvalentes.

Ces conditions de survie ne sont pas les meilleures. Il est difficile de recruter les énergies nouvelles. Le bénévolat-vidéo n'est pas une carrière alléchante. À cette époque, le Groupe d'intervention vidéo survit grâce à des femmes. Ce sont les femmes qui tiennent la boîte. Maintenant que la vidéo commence à acquérir ses titres de noblesse, il arrive qu'on nous fasse sentir notre petitesse. Est-il nécessaire de répondre que nous n'avons pas choisi la marginalité? C'est la suite des événements qui l'ont créée. Comme disait une fille en 1979, ce n'est pas par plaisir qu'on prend 56 jobs en même temps, qu'on court livrer une cassette à l'heure du midi en même temps qu'on écoute le répondeur en fin de journée et qu'on retourne les appels le lendemain. C'est dans ces conditions qu'on a tenu quand même à faire survivre la boîte parce qu'on était convaincu que nos productions valaient la peine d'être vues. La demande qu'on en avait justifiait cette croyance, mais on n'avait jamais l'énergie et le temps pour faire du marketing, pour les faire connaître. Néanmoins, on a des appels et les vidéos circulent. C'est le signe de la qualité et de la demande pour ce genre de production.

Quant au style de production, une des préoccupations du GIV était de faire une production alternative, tant au niveau du contenu que de la forme. Au début, la vidéo, très collée à la télévision dont elle utilise le même support, avait tendance à en emprunter le style. Maintenant, à travers recherches et expérimentation, nous arrivons à développer un langage qui nous soit propre. Nous faisons des documents qui ont quelque chose à dire et qui le disent autrement. Grâce à des amis électroniciens ingénieux, nous arrivons à obtenir une qualité technique très acceptable. Alors, nous sentons que nous avons des acquis solides, une plus grande maîtrise de la technique et du langage vidéo, une meilleure connaissance de la gestion et surtout une expérience de diffusion et de distribution qui nous a permis de survivre.

Voici que le médium vidéo maintenant prend du prestige. On est à une période qu'on pourrait appeler l'ère vidéo, on en parle beaucoup. Ceux-là mêmes qui, il n'y a pas si longtemps, méprisaient l'image électronique cherchent aujourd'hui à l'approcher. Ils l'expérimentent, une découverte, comme des explorateurs pénétrant dans un immense champ vierge. Ils négligent de voir les acquis. Nous sommes là aujourd'hui pour faire reconnaître nos acquis, faire reconnaître le fait qu'on est là, que cela fait longtemps qu'on travaille avec ce médium, qu'on en connaît les moyens et qu'on les contrôle.

Nous savons depuis longtemps que la vidéo légère peut servir à produire des "newsreel", des reportages, des outils d'animation, des émissions destinées au câble, mais aussi des créations hors des studios de télévision, des créations faites avec de l'équipement léger. La pratique vidéo exige la connaissance de son langage et de sa quincaillerie. Nous savons par expérience que les productions mal faites ne se vendent pas. Nos vidéos ont mérité des mentions et des prix non négligeables. Nos productions ont pénétré toutes les régions du Québec, elles ont été diffusées au Canada anglais, aux États-Unis et en Europe. Certaines d'entre elles ont connu une diffusion que bien des films québécois pourraient envier. Alors, ce travail mérite d'être reconnu. Quelle reconnaissance nous accordera-t-on? L'État québécois, dans l'élaboration de ses politiques nouvelles, se souviendra-t-il des interlocutrices de 1977? Voilà un peu, en survol, ce qu'est le GIV.

Maintenant je peux revenir vraiment aux modifications spécifiques que nous recommandons à la loi. Alors, à l'article 3, au paragraphe 2... Ce qui ressort de la loi, quand on parle de la vidéo, c'est qu'on semble avoir systématiquement ajouté après le mot "cinéma" le mot "vidéo". Pourtant, il y des endroits où on l'a oublié. Si le mot "film" inclut la production vidéo parce que son résultat a un effet cinématographique, rien ne nous permet de croire que le mot "cinéma" inclut le mot "vidéo" dans la loi. Alors, c'est pourquoi nous avons soulevé les manques suivants: Comme je disais tout à l'heure, à l'article 3, paragraphe 2, on parle du développement d'entreprises québécoises indépendantes et financièrement autonomes dans le domaine du cinéma et de la vidéo. Au paragraphe 2: "Le développement du cinéma québécois et la diffusion de la culture cinématographique dans toutes les régions du Québec." Alors, que fait-on du

développement de la vidéo et de la diffusion de la culture vidéographique? C'est totalement absent. Si vous voulez soutenir ce médium, il faut l'inscrire. À l'article 16, pour la composition du conseil d'administration de l'institut, on dit: "Le ministre reconnaît au moins une association représentative de chacun des groupes suivants du secteur privé du cinéma:". Alors, si on veut représenter le secteur de la vidéo, où sera-t-il? Comment doit se faire la représentation du secteur privé de la vidéo à toutes ses étapes et à chacune des instances? En vidéo, il y a quand même aussi de la création, il y a aussi la distribution, il y a la production et il y a la distribution en ondes. À l'article 61, au paragraphe 2, on parle "de promouvoir ou d'aider financièrement la création cinématographique et la production de films reconnus comme films québécois." Encore une fois la même question: Où est la création vidéographique? Et la production de vidéos reconnus comme des productions québécoises?

Paragraphe 3: Promouvoir ou aider financièrement le cinéma québécois en favorisant sa représentation dans les festivals et autres manifestations cinématographiques et de promouvoir la culture cinématographique au Québec. C'est la même question: Où est la représentation des vidéos?

Nous avons l'expérience d'être allés à des festivals vidéos. J'en profite pour vous dire que les vidéos du Québec sont reconnus pour leur qualité. Je suis moi-même allée à Amsterdam présenter des vidéos; je suis allée rencontrer des gens à Copenhague, au Danemark, qui avaient des exemplaires de nos vidéos. Nos vidéos sont en dépôt à la délégation québécoise. Lors d'une visite en France, je me souviens d'avoir vu des vidéos du Québec - alors que je ne travaillais pas dans cette boîte - qui étaient montrés comme de la culture québécoise.

Les vidéos sont allés à San Francisco, à Tokyo, à un festival à Bordeaux. Au Canada anglais, les vidéos québécois sont très appréciés. Des manifestations extérieures de vidéo, il en existe et il faudrait les soutenir comme on soutient la même chose au cinéma.

Maintenant, l'article 63. La société peut, conformément à la loi, conclure des accords avec tout gouvernement, un de ses ministères ou organismes, dans le but de favoriser l'exécution de ses fonctions. Nous avons vu là l'occasion pour que la société intervienne auprès de la Régie des services publics, auprès du ministère des Communications ou de Radio-Québec pour enfin rendre accessibles les ondes pour lesquelles les productions vidéo sont créées. Parce que les productions vidéo ne sont pas faites pour être diffusées seulement en circuit fermé. Elles sont aussi faites pour être diffusées sur les ondes. C'est étonnant que dans la loi on n'ait pas prévu des mesures transitoires où, justement, il y a des ententes avec la Régie des services publics ou avec Radio-Québec.

Ne pas parler de l'accès aux ondes, ce n'est pas vraiment traiter de la vidéo. Reconnaître la vidéo, c'est lui rendre les ondes accessibles. (10 h 30)

Les autres demandes sont plus techniques. C'est l'article 95 où on parle des permis de distributeur. Alors, dans le cas de la diffusion des vidéocassettes en circuit fermé, dans des institutions d'enseignement, des cégeps, des organismes, pour la distribution à des fins éducatives et culturelles, on se demandait s'il faudrait un permis de distributeur, si cela était considéré comme de la distribution sur une base commerciale.

À l'article 110, c'est toute la section concernant le matériel vidéo. Ce qu'on a appelé dans la loi "matériel vidéo", entre les articles 109 et 114, ce dont on traite surtout, c'est du matériel de reproduction vidéo. On semble vouloir - ce qui est excellent - contrôler la reproduction et protéger les droits d'auteur sur les documents visuels, mais la vidéo, ce n'est pas seulement la reproduction de films. Dans un cas comme le nôtre, où on distribue des créations en vidéo, on s'est demandé si on était visé par cela, s'il faudrait qu'on obtienne des certificats de dépôt pour des créations sur lesquelles nous avons des droits comme les distributeurs de cinéma? C'est la même chose concernant le problème des visas, il y a beaucoup de questions techniques quant à la distribution. Doit-on avoir un visa? Doit-on avoir un certificat de dépôt qu'il faudrait prévoir plus attentivement pour le cas des distributeurs de création vidéo?

Voilà, on a fait le tour des critiques spécifiques sur la loi. Il y a un dernier point sur lequel j'aimerais insister, c'est l'importance de rendre les ondes accessibles pour la vidéo, vu qu'elle est faite pour être diffusée sur les ondes. Cela a été le propos de la Coopérative de production vidéo-scopique de Montréal, qui a présenté son mémoire dans ce sens, disant que ce qu'il fallait, c'était de rendre les ondes accessibles. Voilà, j'ai fini. Avez-vous des questions?

Le Président (M. Paré): Merci, Mme Morin. J'ai l'impression qu'il y aura des questions. La parole est à vous, M. le ministre.

M. Richard: M. le Président, je veux d'abord remercier Mme Morin de la présentation de ce mémoire qui est, je pense, très positif. J'ai une question assez importante à vous poser. Je vous attendais,

en fait, pour vous poser cette question. Il est vrai - et vous l'avez signalé - qu'il y a certains problèmes de concordance dans la loi par rapport à la vidéo. Si on parlait simplement, au lieu de parler de la Loi sur le cinéma et la vidéo, de Loi sur le cinéma et si on indiquait à l'article 1 que le mot "cinéma" comprend la vidéo, est-ce que cela ne réglerait pas d'un seul coup à peu près tous les problèmes que vous avez signalés?

Mme Morin: À cela...

M. Richard: Parce que j'avoue que de l'intituler...

Mme Morin: C'est cela.

M. Richard: ...Loi sur le cinéma et la vidéo m'agace un peu. Je pense qu'on voulait, par là, montrer l'importance que nous accordons à la vidéo. Mais en même temps, cela crée des problèmes de concordance. Si, d'un seul coup, dès l'article 1, le cinéma comprend la vidéo...

Mme Morin: Oui.

M. Richard: ...cela veut dire que l'ensemble de la loi s'appliquerait à la vidéo et que cela ne poserait plus les problèmes de concordance dont vous avez fait état?

Mme Morin: C'est possible. Je ne vous donnerai pas une déclaration totale disant: Oui, cela réglerait tout. C'est ce qu'on a essayé de faire avec le mot "film" et cela ne l'a pas fait. On dit: Une oeuvre produite à l'aide de moyens techniques et ayant comme résultat un effet cinématographique, quel qu'en soit le support.

M. Richard: Oui.

Mme Morin: Toutes les fois que le mot "cinéma" arrivait, cela ne l'était pas. Peut-être que cela réglerait plusieurs des questions que j'ai soulevées. Je vous rappelle par contre...

M. Richard: C'est parce que ce qu'on a craint - je vous avoue que, quant à moi, cela réglerait tous les problèmes - c'est que les gens de la vidéo disent: On nous néglige, etc. Il y avait une certaine valeur pédagogique à parler de la Loi sur le cinéma et la vidéo, mais je ne pense pas que ce soit exact...

Mme Morin: De?

M. Richard: ...de l'intituler en parlant de la Loi sur le cinéma et la vidéo. Ce sera la seule loi. On parle généralement ou bien uniquement d'une loi sur le cinéma...

Mme Morin: Oui.

M. Richard: ...ou bien d'une loi sur le cinéma et l'audiovisuel.

Mme Morin: L'audiovisuel, oui.

M. Richard: Ensuite, on pourrait inclure une définition qui comprendrait la vidéo.

Mme Morin: Peut-être que cela se tiendrait beaucoup. Oui, je vois bien que la définition pourrait tout englober. Ce que je soulève comme question, à ce moment-là, à la section 16 sur la représentativité à l'institut, c'est que cela posera des problèmes, parce que si le cinéma regroupe aussi la vidéo, il y a plus de gens. Est-ce que les gens des cinémas et des vidéos vont devoir se partager les bancs?

M. Richard: Cela, de toute manière, c'est un article très problématique, parce que j'ai déjà eu l'occasion d'indiquer qu'on parle, dans le projet de loi, d'un conseil d'administration de douze membres. Je pense qu'il y a maintenant au-delà d'une vingtaine d'associations qui nous demandent un siège au sein du conseil d'administration. Cela restera à voir. On ne peut certainement pas satisfaire tout le monde. L'offre est plus importante que la demande.

Mme Morin: Oui, mais il faut trouver une façon pour que les gens qui font de la vidéo soient représentés afin de défendre leurs intérêts.

M. Richard: Oui, mais là vous négociez. Il y a quatre personnes qui vont être nommées au sein du conseil d'administration qui n'émaneront pas des associations désignées à l'article 16. Alors ça laisse un certain jeu. Une autre solution serait d'augmenter...

Mme Morin: ...le nombre de personnes.

M. Richard: ...le nombre de personnes à 30 ou 35. Cela ferait un peu lourd comme conseil d'administration.

Mme Morin: Mais ces personnes pourraient élire un sous-comité.

M. Richard: Remarquez que l'Institut québécois nous demande de réduire de 12 à 10.

Mme Morin: Mais c'est une tentative, moi je...

M. Richard: Si je comprends bien, si vous aviez un siège au sein du conseil d'administration de l'institut, vous n'auriez pas d'objection à ce que l'on modifie

l'intitulé de la loi, à la condition bien sûr qu'il y ait une définition qui inclue la vidéo.

Mme Morin: Moi, je pourrais dire cela. Mais je mets des bémols, et je voudrais bien le regarder encore après. Quant à l'article 16, un siège, moi, je ne trouve pas que c'est suffisant parce qu'il y a le même problème en vidéo. C'est qu'il y a des distributeurs, des créateurs, des producteurs. La répartition que vous avez là existe aussi en vidéo. Alors une voix vidéo pour représenter tout ce monde-là, c'est mettre beaucoup trop sur une personne. Alors il faut au moins qu'il y ait la production et la distribution; il faut qu'il y en ait au moins deux.

M. Richard: Alors là c'est un conseil d'administration de 50 personnes dont il faudrait parler.

Mme Morin: Je suis là pour défendre les intérêts de mon milieu.

M. Richard: Je cède la parole à quelqu'un d'autre. Je vous remercie encore une fois, madame Morin.

Le Président (M. Paré): La parole est maintenant à Mme la députée de Chomedy.

Mme Bacon: Merci, M. le Président. Madame Morin, vous dites que votre texte reflète vos espoirs, vos inquiétudes et vos questions, mais reflètent aussi votre enthousiasme; je pense à l'enthousiasme du milieu. Vous avez passé plusieurs pages, mais j'ai quand même fait la lecture de votre texte.

Mme Morin: L'historique, oui. Je n'étais pas pour tout lire.

Mme Bacon: Vous revenez souvent sur le fait que, en fait, c'est un groupe de femmes qui travaillent ensemble. Je ne voudrais quand même pas que, parce que c'est un groupe de femmes, vous vous sentiez inférieures à des groupes d'hommes qui font la même chose. C'est un peu ça qu'on sent. Je pense que ce sont des vieux clichés qu'on va oublier, si vous le voulez, ce matin, parce que vous défendez bien votre point de vue et les désirs du milieu aussi.

Je ne voudrais quand même pas que pour un siège on laisse tomber différentes étapes du projet de loi qui peuvent être importantes pour le groupe de vidéo. Je suis d'accord sur le fait qu'il y ait une présence de votre milieu au niveau de l'institut, mais il y a quand même, dans la loi, et vous avez vous-même donné des articles bien précis, les besoins et les désirs du milieu de la vidéo.

Je pense que ça aussi on va y regarder davantage, parce qu'il ne suffit pas d'ajouter vidéo, il faudra, comme le ministre le disait tantôt, faire des concordances à certains articles pour que soit inclus tout le domaine de la vidéo et non seulement le cinéma.

Vos activités sont liées particulièrement à la vidéo, en plus de la production, de la distribution ou l'exploitation. Quand vous parlez de festival, est-ce que vous pourriez nous donner d'autres activités? Il n'y a pas que les festivals, je pense qu'il y a beaucoup d'autres activités dans lesquelles vous êtes impliquées.

Mme Morin: Bon, déjà la production, c'est trouver de l'argent pour le faire, c'est parfois trouver des acteurs, trouver l'équipement, c'est faire le tournage, ensuite le montage, etc. Bon, cela c'est simplement la production. À la boîte que je représente, le Groupe d'intervention vidéo, nous prenons les productions déjà faites par d'autres groupes, en plus des nôtres. Là, c'est tout le travail de faire des fiches techniques, de faire connaître les vidéos, d'envoyer l'information sur ces vidéos à des institutions d'enseignement, à toutes les personnes susceptibles d'être intéressées par ce genre de production. Cela peut avoir l'air de rien, mais ça occupe des journées, parce que c'est tout un travail de bureau que d'être là, de faire des envois, de faire connaître, et, lors des festivals, d'envoyer les productions aussi.

Ce sont des vidéos qui servent dans des classes pour animer un débat ou qui peuvent aussi bien passer à la télévision. Un exemple: Chaperon rouge. Avez-vous vu cela à Radio-Québec? Bon, ça, c'est une vidéo sur le viol et la violence faite aux femmes. Une autre: La perle rare, sur le travail des secrétaires. Ce n'était pas un milieu habituel de diffusion vidéo, mais à cause du sujet on est allé rejoindre le plus de gens susceptibles d'être intéressés. Et on a rejoint là tout un public qui n'était pas encore touché par ce médium.

Mme Bacon: D'accord.

Mme Morin: Alors, c'est cela le travail.

Mme Bacon: Comme aide financière, est-ce que vous iriez aussi loin qu'accepter, par exemple, des primes à la qualité, des primes au recyclage?

Mme Morin: Des primes à la qualité?

Mme Bacon: II y a des gens qui aimeraient bien avoir une aide financière pour donner une meilleure qualité de produit, par exemple, quand on parle de production. Est-ce que vous iriez aussi loin qu'accepter, dans votre aide financière - parce que vous avez besoin d'aide financière - des primes à la qualité de vos produits?

Mme Morin: Je trouve cela piégé, des primes à la qualité. D'abord, la qualité, c'est subjectif. Nous, on dit que nos productions sont toutes de qualité. Cela, on l'annonce, on le dit et les productions vidéo sont de qualité, je vous l'assure.

Mme Bacon: Mais il ne faudrait pas avoir de complexes.

Mme Morin: Cela dépend des points de vue. On peut trouver que quelquefois cela prend du temps avant qu'on apprécie l'originalité du montage ou le propos différent d'une vidéo ou d'un film. Alors, prime à la qualité, si c'est la qualité technique...

Mme Bacon: Oui, oui.

Mme Morin: ...je veux bien, mais si on touche par là au propos, à la cohérence, à l'originalité, c'est très subjectif. Et...

Mme Bacon: Vous hésiteriez?

Mme Morin: ...j'y vois un piège. Je trouve que c'est piégé.

Mme Bacon: Est-ce que vous trouvez que le projet de loi - et je pense que vous avez fait quand même des remarques très importantes au début - ne considère pas l'importance actuelle de la vidéo? Parce que vous avez quand même été bien précise dans les demandes que vous avez faites, dans ce que j'appellerais un ajustement du projet de loi.

Mme Morin: Non, le projet de loi...

Mme Bacon: On parle de concordance et on inclut la vidéo au départ, mais il faut tout revoir quand même. Certains articles sont très importants pour le domaine de la vidéo. Est-ce que vous trouvez qu'en ce moment le projet de loi ne la couvre pas suffisamment ou ne lui donne pas suffisamment d'importance?

Mme Morin: Non, le projet de loi ne reconnaît pas du tout que, depuis douze ans, il se fait de la création vidéo au Québec, que ce sont des créations, que c'est reconnu dans d'autres pays en dehors du Québec, que cela a circulé et que la vidéo québécoise a été citée. On ne dirait pas qu'il y a une culture vidéographique à lire le projet de loi.

Mme Bacon: En fait, c'est toute l'importance de la vidéo dans le domaine des communications pour les années à venir, au fond.

Mme Morin: Oui, cela va évoluer vers cela. Il y a des compagnies de cinéma qui se mettent à faire de la vidéo, mais cela existe depuis longtemps et il faut reconnaître les acquis qui sont là.

Mme Bacon: Oui, d'accord.

Le Président (M. Paré): La parole est maintenant à M. le député de Mille-Îles.

M. Champagne: Merci, M. le Président. Mme Morin, c'est bien sûr que je fais la distinction entre votre organisme, qui est un organisme de création, et..

Mme Morin: Et de distribution.

M. Champagne: ...de distribution? Très bien. Voici. J'ai été moi-même très surpris de voir que dans mon patelin, le quartier Duvernay, depuis un an, il y a déjà quatre clubs de distribution de vidéocassettes. Cela devient de plus en plus important...

Mme Morin: Oui. (10 h 45)

M. Champagne: ...j'ai maintenant une certaine crainte parce que je suis allé visiter un de ces clubs-là, entre autres, à Laval. Sur 3000 titres différents, il n'y avait que 300 titres en français. Cela veut dire que 10% de la distribution était en français et environ 95% de la population est française. J'ai certaines appréhensions. Ma question pourrait s'adresser à vous ou au ministre. Jusqu'à quel point l'article 79 dans lequel on dit: Dans le but de favoriser la représentation en public et peut-être aussi en privé de versions sous-titrées ou doublées en français de films...? Dans mon esprit, il est bien sûr qu'il s'agit aussi de films vidéocassette. J'ai une certaine appréhension parce que si la loi ne va pas assez loin, jusqu'à quel point ces clubs de vidéocassette seront-ils obligés de faire du sous-titrage ou du doublage en français? C'est mon appréhension et je pense qu'on est ici pour voir que la vidéocassette entrera dans nos moeurs. Ce sera de plus en plus populaire. M. le ministre, pourriez-vous me rassurer face à mes appréhensions? Est-ce qu'on aura éventuellement une distribution française adéquate?

M. Richard: L'article 79 s'applique à la vidéo au même titre qu'au film, parce que le mot film dans l'esprit des légistes incluait la vidéo.

Mme Morin: Quand vous parlez des clubs vidéo...

M. Richard: Pour projection en public. Mme Morin: Pardon?

M. Richard: Je m'excuse, Mme Morin. Je voulais préciser que c'était pour une

projection en public, une présentation en public plutôt, pas en privé.

Mme Morin: Vous ne parlez donc pas des clubs vidéo à ce moment-là. Dans les clubs vidéo, les gens peuvent louer pour faire des projections publiques.

M. Champagne: C'est cela. Non, non, pas des projections publiques. Ceux qui ont une vidéocassette à la maison peuvent louer. On n'a pas assez de films français. Ma préoccupation était de savoir si on avait, par la loi 79, assez d'assurance pour avoir de plus en plus de vidéocassettes françaises.

Mme Morin: Je dois vous avouer que j'ai lu cet article-là. J'ai vu ce qui était visé mais j'ai eu des préoccupations plutôt pour la sorte de travail que le groupe fait et les vidéos faites ici. On veut acquérir une vidéo des États-Unis mais dans notre réseau, on veut la sous-titrer. Il n'est pas question pour nous de diffuser une vidéo en anglais parce que, pour la population qu'on cherche à rejoindre, il faut l'avoir en français. Je ne me sens pas contrainte par cela, étant donné qu'on la fait nous-mêmes. Ce n'est pas nécessaire parce qu'on a le souci de...

M. Champagne: C'est pour cela qu'au début j'ai fait la distinction: Vous êtes surtout un organisme de création.

Mme Morin: Et de distribution de créations d'ici.

M. Champagne: De créations d'ici. Mme Morin: C'est cela.

M. Champagne: Les traductions d'ailleurs se font plutôt timides et elles sont lentes.

Mme Morin: Dans notre cas, quand on envisage des productions d'autres provinces ou d'autres pays, on ne peut pas imaginer les diffuser sans les traduire parce que, pour rejoindre le monde et pour que la vidéo soit comprise, il est important qu'elle soit traduite. On n'a pas le comportement d'imposer une production dans une autre langue. Comprenez-vous?

M. Champagne: D'accord. On va espérer que ces clubs-là favorisent le plus possible la traduction et qu'on puisse offrir à la clientèle francophone beaucoup de titres différents.

Le Président (M. Paré): La parole est maintenant au député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Merci, M. le Président. On parle de productions vidéo. Pour situer ces productions dans l'ensemble de ce qu'est l'industrie de l'image, de la projection cinématographique ou de ce qui permet aux gens de se recréer ou de s'instruire, quelle est la proportion occupée actuellement par la vidéo par rapport au cinéma conventionnel? Est-ce que vous pouvez nous donner une idée de cela? Combien de personnes ont vu des représentations publiques de productions du genre de celles que vous faites ou que vous distribuez par rapport au cinéma? Est-ce que vous avez une idée de cela? De quel ordre s'agit-il?

Mme Morin: Je ne peux pas avoir une idée précise parce que, pour les films diffusés en salle, il y a des billets. Les vidéos sont louées par des professeurs, ils les diffusent dans leur salle de classe. S'il y a trois classes de sociologie au cégep qui regardent une de nos productions, on sait que cela peut faire 90 élèves. Mais on ne tient pas cette comptabilité. Il arrive qu'un professeur en prenne pour trois. L'événement du 8 mars, on a toujours deux ou trois vidéos, alors il y a des femmes qui les regardent beaucoup. Je n'ai pas de nombre. C'est un circuit pour lequel je n'ai pas de chiffres précis. Il n'y a pas d'entrée payée, cela dépend des groupes qui les ont vues. Je peux juste vous dire - qu'est-ce que je peux vous dire - que cela a circulé beaucoup.

M. Doyon: Avec votre permission, M. le Président, peut-être que vous êtes en mesure d'éclairer cette commission parlementaire d'une meilleure façon en ce qui concerne les productions proprement dites. Est-ce que depuis les cinq dernières années, vous êtes en mesure de nous indiquer l'augmentation proportionnelle, le taux d'augmentation, ou je ne sais trop, des productions vidéo? Qu'est-ce que cela était il y a trois ans, par rapport à ce que c'est maintenant? Cela donnerait une idée de l'évolution de ce genre d'instrument, de ce genre d'outil. Est-ce que vous pouvez nous donner certaines indications à ce sujet?

Mme Morin: Ce que je peux vous dire, c'est qu'il se fait de plus en plus de tournage en vidéo, que c'est plus économique, cela a toujours été considéré -même si cela devient plus cher - plus économique que le film, qu'elle se développe, le fait de pouvoir regarder à l'écran au fur et à mesure que c'est enregistré permet des sortes de créations où les gens se reprennent. Il peut y avoir une interaction entre ce qu'ils voient d'eux sur l'écran et la sorte de production.

Il faudrait demander aux compagnies de production de films si elles changent en vidéo et pourquoi? Ce que je peux vous dire, c'est que nous avons survécu à diffuser nos vidéos, sans passer sur les ondes et sans

avoir de salle publique. Il n'y a pas de salles attitrées dans le moment où on va et "au programme, cette semaine, était le vidéo." Cela n'existe pas.

C'est vraiment par un circuit parallèle qu'on arrive à la faire connaître. Cela ne répond pas de façon précise à votre question.

Le Président (M. Paré): Merci. La parole est maintenant au député de Châteauguay.

M. Dussault: Merci, M. le Président. Mme Morin, je voudrais savoir quels ont été jusqu'à maintenant, pour votre groupe spécifiquement, vos sources de financement autres que celles de la location de vos vidéos?

Mme Morin: En 1980, on a reçu 3000 $ du Conseil des arts. En 1981, on a reçu 4000 $ du Secrétariat d'État, section promotion de la femme. En 1982, on a reçu 12 000 $ du Conseil des arts au fonctionnement et 5000 $ du Secrétariat d'État. Les subventions du Secrétariat d'État ne devaient jamais couvrir le fonctionnement et devaient aider à la promotion. Ce que cela pouvait payer, c'étaient des frais de téléphone, le transport en autobus pour se rendre là, les envois postaux. Ce qu'on faisait, c'est qu'on envoyait une fille dans le Bas-du-Fleuve, à Rimouski, dans le Saguenay faire connaître les vidéos, les distribuer et planifier un horaire. Les 4000 $ étaient utilisés très vite. La subvention du Conseil des arts, cette année, permet, pour la première fois, qu'on ait l'équivalent d'une personne à temps plein pour faire la distribution parce qu'on a toujours fonctionné avec un peu de bénévolat.

L'assurance-chômage, bon, c'est cela, il faut arrondir les coins et étirer l'argent. C'est comme cela qu'on a fonctionné.

M. Dussault: C'est votre cas. Est-ce que vous pensez qu'en général le fonctionnement de l'industrie vidéo est analogue à la vôtre sur le plan du financement?

Mme Morin: Que le fonctionnement de quoi?

M. Dussault: Des autres, que l'ensemble de l'industrie vidéo est analogue à la vôtre sur le plan du financement?

Mme Morin: Les autres groupes qui font des créations ici et qui les font connaître, oui, ils ont un fonctionnement analogue au nôtre. Le vidéographe est une institution assez connue, en tout cas, à Montréal; il a été fortement subventionné par le Conseil des arts ce qui lui a donné plus de latitude et plus d'employés. Il a eu la vie plus facile; c'est cela.

M. Dussault: Et maintenant que la Loi sur le cinéma et la vidéo vous couvrira et vous donnera un statut égal, en fait, à celui du cinéma en général, vos chances devraient augmenter, dorénavant, de vous voir reconnaître cette capacité de recevoir des fonds...

Mme Morin: Oui.

M. Dussault: ...par l'entremise du gouvernement provincial, du gouvernement du Québec, à partir des organismes qui auront un rôle à jouer dans ce sens.

Mme Morin: Alors, ce serait une aide pour faire connaître les créations vidéo ici. J'apprécierais beaucoup.

Le Président (M. Paré): Merci. La parole est maintenant à Mme la députée de Chomedey.

Mme Bacon: J'ai juste une petite question. J'aurais envie - l'occasion est trop facile - de faire précéder cela d'une petite remarque pour le député de Châteauguay, si vous me permettez, Mme Morin; il regrettera d'avoir posé sa question.

M. Dussault: La guerre va reprendre, M. le Président.

Mme Bacon: Tout ce qui vient d'Ottawa déplaît au député de Châteauguay. J'aimerais savoir quelle est l'ouverture que vous a faite l'institut par rapport à vos demandes. Est-ce qu'on a été ouvert ou réceptif à vos demandes ou si on a refusé les demandes que vous avez faites, si demande a eu lieu.

Mme Morin: L'expérience que j'en ai est par un autre groupe qui s'appelle la Coop vidéo de Montréal. Au tout début, quand l'institut a été créé, on a subventionné une ou deux productions vidéo. Depuis ce temps, c'est un refus systématique. L'institut disait: Nous ne sommes pas impliqués dans la vidéo. Personnellement, pour aller faire connaître la vidéo à un festival à Amsterdam, faire connaître des productions vidéo et des films, on a pu obtenir 2500 $ par l'institut pour envoyer trois personnes à Amsterdam avec des films et des productions vidéo. C'est la seule fois où on a touché de l'argent et heureusement que c'était un festival de film et de vidéo, sinon on n'aurait rien eu.

Le Président (M. Paré): Je vous remercie, Mme Morin, pour votre présentation et pour avoir accepté de répondre à nos questions.

Mme Morin: Merci.

Le Président (M. Paré): Merci. J'inviterais maintenant l'Association canadienne des distributeurs de films à prendre place ici à l'avant, s'il vous plaît.

Bienvenue mesdames et messieurs. J'inviterais maintenant le porte-parole à se présenter et à faire connaître aussi les gens qui l'accompagnent à la commission, s'il vous plaît. La parole est à vous.

Association canadienne des distributeurs de films

M. Laurent (Jacques): M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs les députés, mon nom est Jacques Laurent. Je suis avocat; je suis le porte-parole de l'Association canadienne des distributeurs de films. Je suis accompagné ce matin de M. Millard Roth, à ma gauche, qui est l'administrateur délégué de cette association, à Toronto, de M. Jean-Paul Hurtubise, qui est le gérant de la société de distribution de films Universal pour le Québec et qui est également le président de la division québécoise de cette association, de même que par Me Marie Gagnon de mon cabinet d'avocat.

Au départ, je tiens à vous remercier de nous avoir invités à ces audiences publiques de votre commission parlementaire. Comme vous le savez, nous avons préparé et déposé un mémoire. Je tiens pour acquis et j'aime à croire que vous en avez pris connaissance, tout au moins dans ses lignes directrices, alors je ne me permettrai pas d'accaparer votre temps en en faisant la lecture complète. (11 heures)

Je vous dirai au départ, comme il est bien dit dans notre mémoire, que l'association que je représente partage entièrement, globalement, les objectifs de ce projet de loi et qui sont énumérés à l'article 3. L'association que je représente, pour votre information, compte sept membres qui sont les sociétés de distribution suivantes: La Columbia, la Paramount, la Universal, United Artists, Warner Brothers, Twentieth Century Fox et MGM. (11 heures)

Ces sociétés font affaires au Québec depuis les débuts du cinéma. Leur entreprise consiste principalement en la distribution de la plupart des grandes productions cinématographiques américaines. Elles sont au Québec depuis les débuts du cinéma, comme je vous le souligne, et elles ont toujours fait des efforts particuliers pour que les films dont elles ont la distribution et droits de distribution puissent être projetés et visionnés au Québec, particulièrement à Montréal, en même temps que dans les grands centres d'Amérique du Nord.

Les principales préoccupations de l'association portent, par ordre numérique, sur l'article 75, qui concerne le dépôt de certains contrats de distribution, sur l'article 79, qui concerne le doublage et le sous-titrage des films en langue anglaise; sur l'article 91 portant sur la billetterie; naturellement, sur l'article 97 par lequel le législateur veut imposer une propriété canadienne aux sociétés de distribution; enfin, sur l'article 107 qui concerne les ententes entre distributeurs et exploitants et finalement, sur l'article 110.

Avant de m'attacher à vous exposer la nature précise de ces préoccupations, j'aimerais prendre quelques minutes de votre temps pour jouer le rôle d'un professeur - ce n'est peut-être pas tellement recherché par les temps qui courent - vous expliquer brièvement en quoi consiste la mise à jour des films de nature commerciale dans notre continent nord-américain.

Vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a plusieurs intervenants. Le premier est le producteur. Les films que nos sociétés distribuent, sont produits soit par des grandes sociétés américaines, soit par des producteurs indépendants. De plus, soit dit en passant, les productions américaines sont l'oeuvre, à titre de producteurs, d'indépendants - les grandes sociétés de production américaines se détachant de plus en plus de la production elle-même.

Le producteur donc a un râle, au départ, d'assembleur. Soit qu'il recherche un texte, un scénario, soit qu'on lui en offre. C'est lui qui rassemble les premiers éléments à partir d'une oeuvre, qui recherche un réalisateur, un metteur en scène, un scénariste, les chefs de la musique, qui participe naturellement à la sélection des comédiens qui oeuvreront. Cette tâche d'assemblage se concrétise dans certains documents, des conventions où - je le souligne tout de suite - un des points les plus importants est l'établissement du partage des droits, particulièrement des droits d'auteur.

Lorsque cet assemblage initial est complété, entre en jeu - ou il peut entrer en jeu en même temps au départ - le distributeur. Le rôle du distributeur est particulier. Il peut avoir, au départ, un rôle de financement. Il peut être celui qui va permettre au producteur de financer les premières heures, les premières tâches du film. Il a aussi le rôle de faire le choix des salles en fonction, je le souligne au départ également, des équipements des salles. Parce que chaque salle, vous n'êtes pas sans le savoir, n'a pas toujours le même équipement. Certaines peuvent présenter des films en son "Dolby", d'autres, 70 et 35 mm. Les salles, donc, ont des équipements particuliers. Son rôle consiste également à déterminer les dates de visionnement et de projection des oeuvres.

En contrepartie du certain montant de

financement qu'il peut accorder aux producteurs, le distributeur reçoit les droits de distribution et certains droits sur le film lui-même. Par la suite, et toujours en même temps, si vous voulez, mais simultanément, puisque c'est une activité qui a plusieurs facettes, il se charge de la mise en marché, de la publicité et de la promotion du film.

On vous a peut-être dit ou vous vous êtes peut-être laissé dire que le choix des salles, au Québec en particulier, pouvait être contrôlé par les grands distributeurs que je représente. Je dis, au départ, que ceci n'est pas tout à fait la vérité. Le choix des salles appartient, au Québec, à tous les distributeurs. Je vous donne un exemple: le film Les uns, les autres, une oeuvre française, a été projeté lorsque la salle qui plaisait au distributeur, en l'occurrence M. Faré, était disponible, c'est-à-dire Le Parisien.

Quatrième intervention, le laboratoire où se termine la finition du film. Je souligne ici, parce que je veux ouvrir des parenthèses à l'occasion, qu'à ce moment-là, étant donné les contraintes de disponibilité de salles qui sont imposées au distributeur, les contraintes de dates pour la projection du film, il se passe ordinairement, au laboratoire - je le sais par expériences - occasionnellement, un certain affolement. On est pressé, il faut que les copies soient livrées.

C'est à ce moment-là - j'ouvre la parenthèse pour vous parler tout de suite du doublage - que certains ont pu vous suggérer que le doublage pouvait avoir lieu. Cela ne se passe pas ordinairement comme cela, puisqu'en raison des délais qui deviennent de plus en plus courts et de l'affolement qui peut exister dans ces derniers moments, ceux qui peuvent être chargés du doublage, c'est-à-dire le producteur, le réalisateur et même les comédiens, ne sont ordinairement pas disponibles et n'ont pas le temps même de penser et surtout pas de procéder au doublage.

Je vous souligne, à titre d'exemple, qu'à Montréal, il est arrivé, le 19 janvier, un film qui s'appelle "Sophie's choice". C'est un grand succès du cinéma américain, qui est en nomination d'ailleurs pour des oscars. Il a été projeté à Montréal à peu près en même temps qu'aux États-Unis. Je suis informé que le doublage de la voix de l'actrice principale, Mme Street, sera fait par elle. C'est elle qui, dans les studios parisiens de postsynchronisation, procédera à son propre doublage. Alors, il est inutile de penser que Mme Street, dans les derniers moments, pouvait également se doubler. Tandis que le film sera projeté, elle procédera maintenant à doubler sa propre voix en français. C'est un droit qui peut lui appartenir en vertu de la convention du contrat qu'elle a signé au départ avec le producteur.

Je reviens donc au déroulement de ce qu'est un film. Une fois donc que le film est passé par le laboratoire, le voici mis à la disposition des exploitants, par l'intermédiaire des distributeurs, dans les salles qui ont été réservées à cet effet et aux dates qui ont été prévues. Pour ne pas être plus long, c'est la fin de ma leçon. Vous pourrez, naturellement, m'interroger au terme de cet exposé.

Maintenant, d'emblée, je vous ferai connaître, puisque c'est le but principal de notre intervention, les positions prises par l'association que je représente à certains des articles de votre projet de loi, en commençant naturellement par l'article 97, qui est pour nous, vous n'en doutez sûrement pas, tout à fait inacceptable, en plus d'être légèrement blessant.

M. le Président, il nous apparaît clair, à partir du texte de cette disposition de l'article 97, et particulièrement du deuxième alinéa, comme il nous apparaît clair dans les propos qui ont été tenus par M. le ministre des Affaires culturelles depuis l'ouverture de ces audiences publiques, que le gouvernement vise directement à chasser du marché de la distribution des films du Québec les "majors" qui font partie de l'association. Il ne fait aucun doute qu'il s'agit d'une expulsion; expulsion tout à fait, à notre point de vue, discriminatoire. Elle vise les "majors" qui sont ici depuis le début du cinéma, qui sont de bons citoyens corporatifs, qui emploient un certain nombre de gens à Montréal pour s'occuper de la distribution. Elle ne vise personne d'autres. Le projet de loi ne touche à aucun des autres intervenants du monde cinématographique, ni les exploitants ni les producteurs, strictement les distributeurs et en particulier les "majors".

Cette disposition, M. le Président, se rapproche, vous n'en doutez pas, de l'expropriation, mais, malheureusement, elle n'est pas d'intérêt public comme c'est le cas ordinairement en matière d'expropriation. On ne veut pas, par cette disposition, que l'État ou une société d'État soit substituée aux "majors". On veut simplement que ceux-ci, étant chassés, laissent leur place à d'autres entrepreneurs, à d'autres entreprises de distribution dont les actions votantes seraient détenues par des citoyens canadiens.

Je vous dirai que cette expulsion, loin de favoriser les relations de réciprocité entre distributeurs et producteurs québécois, donc entre le milieu québécois et le milieu américain, comme le souhaite le rapport Fournier, ne fera que créer de l'animosité et de l'hostilité auprès des organisations, sociétés et personnalités du monde cinématographique.

Je vous reporte, M. le Président, à la page 98 du rapport Fournier. On y dit pour commencer: Le contrôle du marché intérieur constitue - c'est aux pages 97 et 98 - aussi un facteur important pour faciliter le

rayonnement du cinéma québécois à travers le monde, car l'observation nous permet de dégager trois façons principales d'assurer une présence importante d'un cinéma national à l'étranger. Le rapport décrit deux de ces façons. La troisième, et je cite: "L'autre façon, pour des pays comme le Québec qui sont petits par leur population et par leur volume de production, consiste à faire appel à la réciprocité et à produire des oeuvres d'une grande qualité et d'une grande originalité."

À la page 98, on dit: "Quant à la réciprocité, elle constitue la réelle clef de voûte de toute politique raisonnée d'exportation, cette politique étant d'autant plus essentielle que le marché national ne saurait suffire, en raison de son étroitesse même, à rembourser les investissements importants qu'exige aujourd'hui la production cinématographique. La réciprocité permet aux petits pays de pénétrer les marchés étrangers en offrant la possibilité d'accueillir en retour la production des cinémas nationaux confrontés à des problèmes similaires". Je ne crois pas que par l'expulsion des sociétés américaines de distribution on veuille rechercher cette réciprocité.

Quatrièmement: Je vous dis, M. le Président, que les premières victimes de cette expulsion discriminatoire seront les cinéphiles eux-mêmes, puisque rien dans la loi, rien dans les faits, si ce ne sont des présomptions - et M. le ministre, qui est allé à l'école de M. Louis-Philippe Pigeon à l'Université Laval, sait ce que sont des présomptions - ne peut assurer qu'une fois chassés du Québec, les "majors" conviendront de confier la distribution de leurs produits au Québec à des intermédiaires canadiens ou québécois. (11 h 15)

Je vais insister là-dessus, M. le Président. Il n'y a rien qui puisse assurer que cette distribution de films sera confiée à des entreprises canadiennes. Ce n'est pas une question de boycott, ce n'est pas une question de mettre au rancart puisque, dans le contexte, ce ne sont pas les "majors" qui ont boycotté le Québec et qui le boycottent. Au contraire, comme je vous l'ai dit tantôt, par leur assiduité ils ont fait du Québec un marché de premier ordre. Ils ont fait de Montréal une ville où les films américains sont visionnés en même temps que dans les grandes villes américaines.

Il faut être naïf pour croire que cette opération pourrait se faire et même se faire facilement. Il y a plus que des conventions, il y a plus que des cessions, il y a aussi une question de gros sous en matière de distribution. À titre d'exemple, M. le Président, nous recevons au Québec et nous avons le privilège de visionner des films français. J'ai fait remarquer dans notre mémoire qu'il y avait toujours des délais, que je qualifie d'à peu près pardonnables, entre la sortie des films français à Paris et leur sortie à Montréal. Je vous donne un exemple.

Le film Le retour de Martin Guerre, c'est une oeuvre de grande importance, a été projeté à Paris pour la première fois, me dit-on, au mois de février mais sûrement au mois de mai; il est sur les écrans parisiens depuis le mois de mai. Ce film est arrivé à Montréal - je ne sais pas si c'est toujours la deuxième plus grande ville française au monde - au mois de février. Une copie au cinéma Dauphin. Les Québécois de la ville de Québec, ceux de Sherbrooke, Trois-Rivières n'en ont pas, puisqu'il n'y a qu'une copie. Je ne sais pas la raison qui fait que le distributeur qui a les droits de distribuer ce film au Québec ne s'en soit procuré qu'une copie. De toute manière, vous avez un exemple là. Alors que les Américains que je représente ont toujours distribué les films américains sur le marché québécois en nombre suffisant pour répondre à la demande, les films français, en plus de nous arriver trois, quatre, six, dix mois après leur sortie à Paris, nous arrivent ici en une ou deux copies.

Les deuxièmes victimes de cette expulsion discriminatoire, M. le Président, seront naturellement les exploitants de salle. Vous aurez l'occasion de les entendre tantôt, vous le leur demanderez. Ils auront, si la situation se matérialise, moins de produits -et moins de profit - à offrir dans leur salle.

Je vous souligne que cette mesure d'expulsion est unique dans le monde occidental. Il n'y a aucun autre pays, y compris la France et la Suède, qui a adopté une mesure semblable vis-à-vis des distributeurs étrangers. Je me suis laissé dire qu'une partie de notre mémoire qui traitait d'une ressemblance possible entre le Québec et la Mozambique avait pu déplaire. C'est vrai que ce n'est pas drôle. J'aurais préféré, M. le Président, que nous écrivions dans ce mémoire qu'à la suite de l'adoption de cette loi, le Québec ressemble ou se rapproche plutôt d'un pays comme la Suisse ou la Suède, à population identique, deux pays qui nous ont permis de voir des oeuvres cinématographiques de grande qualité, le fruit du génie de Alain Taner ou de Bergman. Ce sont des pays qui ont mis sur le marché des produits de grande qualité sans jamais, M. le Président, sans jamais, je le souligne, penser un instant à chasser les distributeurs américains de leur territoire.

Je ne veux pas ici entamer une discussion d'ordre juridique, mais je vous dis humblement que cette disposition ne saura résister à une contestation juridique, le cas échéant, puisque cette disposition de l'article 97 est contraire à la jurisprudence établie, à l'effet que les gouvernements des provinces ne peuvent aucunement réglementer le

capital-actions, ni les détenteurs de capital-actions des corporations ou sociétés créées en vertu des lois fédérales.

Cette disposition, M. le Président, est d'une nouveauté sans pareille. Elle n'existe pas, naturellement, dans la loi adoptée en 1975. Elle n'existait pas dans le projet de loi déposé par votre prédécesseur, M. Vaugeois. Les "majors" ont été pris par totale surprise et n'ont jamais été invités à établir entre elles et le gouvernement ou le milieu - et le milieu, si vous préférez - une négociation qui aurait permis d'éviter l'affrontement que vous recherchez par cette disposition. D'ailleurs, quel est le but recherché?

À la lumière des propos du ministre et à la lumière de ce qui est écrit dans le rapport, on a cru déceler que le but de cette disposition était de favoriser la production québécoise, la production nationale. Si vous me permettez de vous poser une question, ou tout au moins de me la poser, je voudrais savoir en quoi une compagnie canadienne établie à Winnipeg, à Vancouver ou à Toronto va aider la production québécoise.

M. le ministre a souligné - dans le rapport, il en est fait mention - qu'il y aurait possibilité d'établir des primes incitatrices. Les "majors" que je représente n'en ont jamais demandé. Ce n'est pas un de leurs voeux. Au surplus, je voudrais savoir -je pose la question - en quoi, s'ils avaient l'avantage d'obtenir la distribution des films américains, les distributeurs québécois qui d'ailleurs, selon les propos de M. Godbout, de l'institut, sont les mieux structurés au pays... Je rapporte ce qu'il disait, à 16 h 20 le 22: "La seule province où il y a une infrastructure de distribution qui est assez solide et qui, bon an, mal an, distribue pas mal de films, c'est le Québec". En quoi, dis-je, même les distributeurs québécois, s'ils avaient l'avantage d'avoir les produits américains, ce qui n'est pas assuré, seraient-ils portés à réinvestir dans les productions nationales québécoises? Il n'y a rien dans la loi qui en traite. Il n'y a rien qui les oblige.

Je vais vous donner un exemple. Il y a eu, il y a quelques années, une production québécoise intitulée "Meat Balls", produite par un distributeur bien connu du Québec qui agissait à titre de producteur et de distributeur. Je ne le nommerai pas, mais ceux qui connaissent le milieu savent de qui je parle. Ce fut un succès commercial non pas sans pareil, mais remarquable. "Meat Balls": tourné en Ontario par un producteur-distributeur québécois, réalisé par un Ontarien, doublé à Paris et distribué par Paramount. C'est un exemple. Alors je ne vois pas et je cherche encore à savoir comment un distributeur québécois va être enclin, en tout temps et en toute circonstance, à contribuer formellement et sans jamais de répit à la production nationale. Je ne vois pas, M. le Président, d'avantages pour les Québécois, je ne vois pas d'avantages pour le Québec, mais plutôt pour le Canada.

M. le ministre, dans quelques-uns de ses propos, a laissé entendre qu'il fallait mettre fin au colonialisme qui semble nous affliger. Vous conviendrez qu'il est difficile de répondre brièvement à de tels propos. Je dirai simplement que, si nous sommes colonisés dans ce domaine, nous serions à tout le moins aussi colonisés au Québec dans le domaine du livre, des revues, de la musique, qui sont aussi des arts d'expression. Or, le ministre nous parle, d'autre part, dans son texte inaugural, d'ouverture exceptionnelle sur le monde. Je me demande à quelle sorte d'ouverture on peut faire allusion quand le premier geste qu'on veut porter pour s'ouvrir sur le monde, c'est de fermer la porte à nos voisins américains qui comptent parmi les plus grands producteurs, les plus grands réalisateurs de films au monde.

Que font les autres pays qui seraient pareillement colonisés? Est-ce qu'ils expulsent les distributeurs étrangers? Ce n'est pas le cas; dans aucun pays, aucun pays du monde occidental. Je ne parle pas de l'Albanie. Je vous dis que, s'il y a une forme de colonialisme qui existe, ce n'est pas par les Américains qu'elle nous est imposée. Cela me fait de la peine de croire que cela peut être par nos cousins de France. Je vous ai parlé des délais que ceux-ci mettaient à nous envoyer par avion - cela existe - leurs produits. Des mois, parfois des années et, des fois, jamais. On ne les voit pas. Ils les conservent pour eux.

D'autre part, les "majors" - je vous l'ai souligné - n'ont jamais cessé d'accorder au marché québécois le même traitement qu'ils accordent à leur propre marché. Ni mieux, ni pire. Toujours sous ce thème de la colonisation, on nous rapporte que seulement 3% de la programmation des salles du Québec relève du cinéma québécois et que ceci serait une forme de colonialisme. Vous aurez l'occasion de demander aux exploitants si les films québécois sont interdits dans les salles. Je suis informé, au contraire, que les films québécois sont visionnés dans les salles du Québec par les exploitants. M. Bernard, le président, vous confirmera cela. Est-ce que c'est une forme de colonisation, si ces films québécois ne sont pas toujours appréciés par le public?

Je vous donne un exemple. À la fin des années soixante-dix, M. Gratien Gélinas, l'ancien président de la Société de développement de l'industrie cinématographique canadienne avait lancé l'idée -et cela s'est matérialisé - du nouveau réseau. C'était un réseau qui avait été créé pour permettre au milieu cinématographique québécois de faire voir ses

oeuvres. On a investi, en une année, 350 000 $ pour l'exploitation de ce nouveau réseau. Au bout de l'année, quand on a fait le calcul, on a compté 7000 entrées payantes. Cela voulait dire 50 $ par entrée pour voir les films du nouveau réseau. Est-ce une forme de colonialisme si les gens ne sont pas attirés par des films? Il faudrait s'expliquer ou se faire expliquer comment il se fait que les 37 films subventionnés par l'institut en 1981, dont une douzaine - si ma mémoire est bonne - sont des longs métrages de fiction, en plus de tous les autres films québécois qui ont été produits dans les années antérieures n'ont attiré que 3% du public québécois. Je ne crois pas que cela soit une forme de colonialisme. C'est une question de fait. C'est une question de goût. Un film plaît ou ne plaît pas.

Je ne crois pas que ce soit en fermant les portes sur la distribution des films américains que le Québec se créera une industrie cinématographique. Je crois qu'on devrait plutôt porter nos yeux vers les Américains et voir ce qui se passe là-bas. J'ai entendu dire qu'on voulait interdire au Québec ce qui était interdit aux États-Unis. Qu'est-ce que les Américains font dans le domaine cinématographique? On n'a qu'à étudier brièvement la liste de tous les réalisateurs étrangers qui ont produit des chefs-d'oeuvre en terre américaine avec l'aide du milieu américain. Je vais vous en nommer quelques-uns: Bertolucci, Truffaut, Louis Malle, Leone, Lelouch, Polanski. Il n'y a pas d'Américains dans cela. Ils ont pu travailler aux États-Unis. Notre compatriote célèbre, Denis Héroux, en société avec M. John Kemeny, également un citoyen canadien, ont produit de grandes oeuvres aux États-Unis. Je ne vous ferai pas la liste des comédiens étrangers qui oeuvrent là-bas. (11 h 30)

Je crois, M. le Président, que si on veut fermer les portes aux distributeurs, cela sera un signe avant-coureur de ce qui arrivera dans les années qui viennent.

Douzièmement, M. le ministre nous a indiqué qu'il recherchait par ce projet de loi la création de milliers d'emplois directs et indirects en fermant la porte des sociétés, en expulsant les sociétés de distribution américaines. Il va tout de suite en mettre 25 à la porte parce qu'il y a 25 personnes qui travaillent à Montréal pour les sociétés. J'estime, au nom de l'association que je représente, que cet article constitue à la fois une entrave majeure aux principes suivants que vous avez énoncés: De liberté de choix, d'ouverture sur le monde et de dialogue culturel entre les nations parce que pour plusieurs, même certains des députés qui ont fait connaître leur point de vue, voir un film américain à Montréal en même temps que cela a sorti à New York cet été, cela constitue un élément et un privilège de notre culture québécoise nord-américaine dont on peut bénéficier et dont ne bénéficient même pas nos cousins de France ni du Royaume-Uni. Exemple - je ne reviendrai pas sur cet exemple, - E.T. sorti à New York et à Montréal au mois de juin 1982, sorti à Paris et à Londres dans le United Kingdom, le 1er décembre 1982. J'ai bien dit Londres. Alors qu'ici on l'avait tout de suite.

Je ne veux pas me faire poète, mais je veux tout simplement vous rappeler deux lignes d'un auteur, Saint-Exupéry, qui disait dans Pilote de guerre, et sûrement que cela vEi retenir l'attention du député de Saint-Jean: Dans ma civilisation, celui qui diffère de moi, loin de me léser, m'enrichit. Je continue. Je veux savoir - je pose la question - quel dommage les "majors" ont causé au Québec depuis qu'ils sont arrivés ici au début du siècle? Je vais vous donner quelques résultats de leurs activités.

Montréal, de l'aveu de tous, est devenue une ville de premières où on peut voir les films américains en même temps que leur projection à New York, à Los Angeles, et avant leur projection dans d'autres États américains. Ils sont distribués dans toutes les régions du Québec, répondant à un des objectifs de la loi, c'est-à-dire le développement du cinéma québécois et la diffusion de la culture cinématographique dans toutes les régions du Québec.

Cela prend des sous pour distribuer. On en a l'exemple avec les films français qui nous arrivent avec seulement une copie. Les "majors" en ont mis des sous puisque quand ils distribuent cela, ils ne distribuent pas cela à la petite cuillère. Troisième avantage d'un nombre restreint de films américains qui étaient doublés en français au début des années soixante, en 1982, je vous souligne que 55% des films américains distribués par les "majors" avaient été doublés. Au surplus, dans cet esprit de réciprocité que vous semblez vouloir rechercher, les "majors", comme je le souligne d'ailleurs plus amplement dans notre mémoire, ont contribué à la distribution de films canadiens et québécois aux États-Unis. Dernier exemple, la production québéco-canado-française La guerre du feu, de Denis Héroux, a été distribuée dans des centaines de salles américaines par la Fox.

C'est entendu que les "majors", comme la plupart des grands distributeurs, ne sont pas intéressés - question de marché, une question de qualité dont on parle tous - à distribuer des films de petite qualité. D'ailleurs, la majorité des films qu'ils distribuent sont des films à succès. Certains en ont moins, il va sans dire, mais ils ne sont pas intéressés à distribuer des films ni au Canada, ni aux États-Unis, qui n'auraient aucun attrait pour quelque public que ce soit. Bref, cette disposition, en plus d'être

menacée par des arrêts de nos tribunaux, lèse les premiers intéressés, ceux dont on ne parie pas tellement souvent: les clients, ceux qui font vivre le cinéma, ceux qui paient 3 $, 4 $, 5 $ pour aller aux petites vues.

Je crois qu'on devrait cesser occasionnellement de parler du milieu, y compris des "majors", de le saupoudrer de compliments et de subventions, mais qu'on pense plutôt aux cinéphiles avant que, de toute façon, comme dans d'autres pays du monde occidental, particulièrement l'Angleterre, les salles de cinéma traditionnelles soient vides ou n'exitent plus. Vous n'êtes pas sans savoir - je l'ai dit dans mon mémoire - qu'en Angleterre, cela n'existe plus ou à peine, la salle conventionnelle de cinéma, étant donné que la vidéocassette y est entrée de plain-pied.

Le rôle du législateur - je n'ai certainement pas de leçon à vous donner, mais je tiens quand même à vous le souligner - à mon humble avis, c'est un rôle de clairvoyance, c'est un rôle futuriste. Le législateur doit prévoir les conséquences de ses lois. Son rôle n'est pas d'essayer, par une disposition, d'atteindre un objectif, mais de s'assurer que son objectif sera atteint.

Je ne sais pas si c'est un proverbe chinois, arabe, américain ou québécois, mais on m'a dit que: "Dans le doute, abstiens-toi."

Cela étant dit sur l'article 97, j'aimerais vous faire quelques commentaires sur l'article 107 qui n'est pas sans nous préoccuper. C'est un article qui porte sur les ententes entre exploitants et distributeurs. Je serai bref. Je vous souligne simplement que c'est une disposition très particulière que l'on ne retrouve que dans peu de lois québécoises concernant des produits fondamentaux: produits agricoles, l'électricité, le gaz, les produits laitiers et ses succédanés. On ne retrouve pas ce genre d'ingérence de l'État ou d'une de ses sociétés dans les relations commerciales d'hommes d'affaires qui sont des adultes et qui font affaires ensemble depuis longtemps. Elle est discriminatoire, encore une fois. Je ne vois pas, M. le ministre, pourquoi, en partant de là, le législateur ne voudrait pas imposer des ententes à pourcentage dans le domaine du livre entre les écrivains et les éditeurs, dans le domaine de la peinture entre artistes et galeries. Nous sommes dans le domaine des arts, cela pourrait aussi bien trouver sa place dans ces domaines. Je crois que cela ne trouverait pas sa place nulle part et que c'est une ingérence qui n'a pas de place dans un tel commerce qu'est la distribution et l'exploitation des films. Comme a dit d'ailleurs le député, M. Hains, de Saint-Henri, à 15 heures, le 22 février: "Si ce n'est pas mettre le nez dans la chambre du voisin, c'est certainement mettre la main dans ses affaires."

D'autre part, je ne crois pas d'ailleurs que cette disposition soit souhaitée par la plupart des exploitants. Il n'a jamais été porté à ma connaissance que les entreprises de distribution dont on a parlé aient demandé qu'une telle disposition intervienne dans la loi. Je crois humblement qu'il s'agit d'une entrave aux commerces, une imposition d'une réglementation dont on n'a pas besoin, surtout par les temps qui courent. Encore une fois, sans vouloir parler d'avocasserie, il est possible que nos tribunaux jugent à nouveau cette disposition invalide puisqu'elle traite de commerce international et surtout de droits d'auteurs qui est une juridiction exclusivement fédérale, heureusement ou malheureusement.

Brièvement, je voudrais, avant de conclure, apporter des précisions sur des chiffres - on a parlé de chiffres - qui ont été lancés occasionnellement. Simplement, au chapitre des entrées, des admissions payantes, dans les salles régulières et les ciné-parcs au Québec, partant de Statistique Canada de l'année 1980 - c'est le dernier qui soit publié malheureusement, je vous dirai, M. le Président, sans vouloir corriger personne que selon Statistique Canada, en 1980, et c'est un marché qui n'est pas en croissance, tout le monde le sait, il y a eu au Québec 20 700 000 entrées payantes - je comprends les ciné-parcs - et non 30 000 000, que les recettes des cinémas réguliers au Québec ont été de 54 000 000 $ alors qu'en Ontario elles étaient de 108 000 000 $ pour un nombre égal de salles: 280, 279; que les taxes d'amusement imposées par le Québec ou ses municipalités se sont chiffrées, pour les cinémas réguliers toujours, pour l'année 1980, à 5 400 000 $ au Québec alors qu'en Ontario on soutirait, en taxes d'amusement, 536 000 $ et que le nombre d'emplois à temps partiel et à temps plein au Québec, pour cette année-là, a été de 2174 et en Ontario de 4309.

Sur les chiffres d'affaires, sans vouloir vous dévoiler tous les détails, les "majors" -parce que, encore une fois, il y a des chiffres qui ont été avancés - sur les chiffres d'affaires, les "majors" faisant affaires au Québec, les sept sociétés que je vous ai énumérées, je veux que vous sachiez que celles-ci ont réalisé constamment au cours des quatre dernières années des chiffres d'affaires de 13 000 000 $ par année, soit une moyenne de moins de 2 000 000 $ pour chacune d'entre elles. Et sur leurs profits - je voudrais finir tout de suite sur les chiffres - je voudrais corriger ce qui a été dit par les représentants que vous avez entendus hier après-midi. Il ne faut pas parler de profits de 200 000 000 $ à 250 000 000 $; la recette brute en 1980 au Canada, pas au Québec, au Canada, a été de 311 000 000 $ de laquelle il faut déduire les salaires, les salles, les équipements, etc.

Sur les autres dispositions, M. le Président, de ce projet de loi dont j'ai parlé au début, les articles 75, 79, 91 et 110, nous nous en remettons au texte de notre mémoire, ne voulant pas accaparer plus de votre temps.

Je voudrais prendre une minute pour conclure et vous réitérer que l'association que je représente appuie le gouvernement entièrement dans la poursuite de ses objectifs tels que décrits à l'article 3. Toutefois, la lourdeur de cette loi, les entraves, les mécanismes multipliés, les pouvoirs immenses confiés à ces mécanismes ne sont pas, à notre humble avis, de nature à favoriser l'éclosion d'une industrie que l'on dit être en péril.

C'est surprenant de constater ce qui suit. Dans la plupart des pays du monde occidental, les artistes sont ordinairement les gens les plus épris de liberté. Ce sont les protecteurs. Ils s'affichent - ils font plus que s'afficher - ils s'affichent, dis-je, en tant que protecteurs des libertés des individus. Ils sont reconnus pour leur opposition aux ingérences de l'État, quel qu'il soit. Ce qui me surprend ici, c'est que le milieu cinématographique, comme on aime à l'appeler, souhaite tellement l'ingérence de l'État que je ne vois pas comment cette ingérence ne pourrait faire autrement que de rendre les personnalités du milieu tributaires de l'État et de ses agents. Ce sera peut-être une nouvelle forme de colonisation, je ne sais, mais c'est surprenant.

M. le Président, les "majors", qui sont parmi les plus importants intervenants du monde cinématographique international, seront donc chassés du Québec par l'effet de cette disposition. Je crois qu'il eut été préférable de les consulter, de négocier, d'établir avec eux des modalités de réciprocité et de contribution de toute nature. Non. On décrète par cette loi, on les bannit, on les chasse du Québec. Je peux vous assurer que les "majors" que je représente, tout américains qu'ils soient, sont bien avant tout disposés à s'entendre avec vous du gouvernement et avec le milieu. Avant d'entreprendre la querelle qui, pour celui qui voit clair, coûtera bien plus cher aux Québécois et aux Québécoises, cinéphiles ou non, qu'elle ne rapportera, ceux-ci sont tout disposés à établir avec le milieu, y compris le gouvernement, des modalités de contribution, d'assistance et de réciprocité. En ce faisant, on évitera les conséquences graves de cette expulsion discriminatoire qui est recherchée par ce projet de loi. Je vous remercie.

Le Président (M. Paré): Merci, M.

Laurent, pour votre présentation. La parole est maintenant au ministre des Affaires culturelles.

M. Richard: Je vous remercie, M. le Président. J'ai une première observation à faire qui sera sous la forme du complément d'une citation faite par Me Laurent. Me Laurent nous a cité le rapport Fournier, à la page 98, le troisième paragraphe, si ma mémoire est fidèle, sauf qu'il a peut-être oublié, manifestement de façon involontaire, la partie clé de ce troisième paragraphe de la page 98 du rapport Fournier que je cite au complet cette fois. "Quant à la réciprocité, elle constitue la réelle clé de voûte de toute politique raisonnée d'exportation, cette politique étant d'autant plus essentielle que le marché national ne saurait suffire, en raison de son étroitesse même, à rembourser les investissements importants qu'exige aujourd'hui la production cinématographique. La réciprocité permet aux petits pays de pénétrer sur les marchés étrangers, en offrant la possibilité d'accueillir en retour la production des cinémas nationaux confrontés à des problèmes similaires." Et là, j'ajoute la petite phrase qui a été omise: "Mais il faut comprendre que cette réciprocité ne peut s'exercer que si elle repose, pour chaque partenaire sur le contrôle de son propre marché intérieur." Et là, j'ajoute: "Pour toutes ces raisons, la commission a élaboré un train de mesures visant à garantir une réappropriation minimale par le Québec de son marché cinématographique intérieur." Et la recommandation est contenue tout de suite après: "Pour conjurer la mainmise étrangère sur le secteur de la distribution, la commission recommande que seules les entreprises qui seront propriété canadienne à 80% et plus soient autorisées à distribuer des films au Québec." La petite phrase importante, bien sûr, qui n'avait pas été citée: "Mais il faut comprendre que cette réciprocité ne peut s'exercer que si elle repose, pour chaque partenaire, sur le contrôle de son propre marché intérieur."

On a aussi évoqué le fait que j'avais parlé, à quelques occasions, de colonialisme, en décrivant la situation du cinéma au Québec. Je voudrais vous rappeler, Me Laurent, que je n'ai pas été le premier à utiliser cette expression. Je pense même qu'elle m'a été inspirée par le rapport Fournier et ensuite par un éditorial du Devoir du 21 octobre 1982, où M. Michel Nadeau écrit, et je cite le deuxième paragraphe au complet: "II est difficile de ne pas être sympathique à une industrie autochtone entourée de géants venus d'ailleurs pour vider les tiroirs-caisses. Tout en se gardant de toute inflation verbale -c'est M. Nadeau qui parle - on ne peut éviter les mots "colonialisme" et "impérialisme" pour décrire la situation du cinéma au Québec. Les chiffres sont déconcertants. Seulement 3% du temps-écran dans les salles de cinéma est consacré à la projection d'oeuvres québécoises. Plus de 60%

des films à la télévision ont été tournés aux USA. Tout le réseau de la distribution est contrôlé de Los Angeles via un commis anglophone à Toronto. Cinéphiles et téléspectateurs versent ainsi des dizaines de millions de dollars à une industrie dont la contribution est nulle à la culture et à l'économie québécoise." C'est une citation de Michel Nadeau.

M. le Président, je voudrais faire une autre observation qui m'apparaît extrêmement importante. Me Laurent, en parlant de la distribution de films québécois aux États-Unis, a indiqué qu'on était disposé à distribuer certains films québécois sur le marché américain, mais encore, disait-il, fallait-il que ces films soient de qualité nécessaire. On laisse ainsi ententre - je le déplore - que seuls deux films québécois ont, jusqu'à maintenant, été de qualité suffisante pour intéresser un quelconque public américain, c'est-à-dire "Les Plouffe" et "La guerre du feu". "Kamouraska", "Les ordres", "J-A. Martin, photographe", "Les bons débarras", "Mourir à tue-tête" sont, si j'ai bien compris, des films de qualité inférieure aux films de série B qui sont distribués par les "majors" américains. Pourtant, cet avis n'est pas tout à fait partagé, permettez-moi de vous le dire, ni par les spectateurs, ni par les jurys internationaux qui ont décerné des prix à ces films dans les festivals. Je voudrais vous rappeler que, lorsque "Les mâles" de Gilles Carie s'est classé second au "box office" après "The Exorcist" en Argentine, il faut bien croire que les spectateurs appréciaient davantage ce film de Gilles Carle que bien des films américains.

On a également parlé de la situation du livre, j'aimerais immédiatement corriger une erreur de taille qui a été commise. D'abord, je voudrais rappeler que, dans le domaine du livre, de grands producteurs, Nathan, Marabout, Laffont, Le Robert, Larousse, et autres utilisent, eux, des distributeurs québécois et je ne sache pas qu'ils s'en portent plus mal.

Vous avez également évoqué la situation du livre pour dire qu'on ne saurait imposer les mêmes contraintes en ce qui a trait aux interventions prévues dans le domaine du livre. Je vous rappelle, Me Laurent, que ces ententes existent et sont appliquées entre les libraires, les distributeurs et les éditeurs, suivant le cas. Cela existe déjà dans le domaine du livre.

Vous avez également parlé du faible pourcentage du temps-écran consacré au cinéma québécois et vous avez parfaitement raison, puisque - cela aurait dû être dit aussi, cela a déjà été dit devant la commission - en 1982, seulement deux longs métrages ont été produits au Québec grâce à l'apport, à la contribution de l'Institut québécois du cinéma.

Vous avez également parlé du fait que cette loi était, en quelque sorte, unique. Je crois que, là-dessus, Me Laurent, vous avez parfaitement raison. Mais si elle est unique, cette loi, c'est que la situation géopolitique du Québec est également unique. C'est que la situation du cinéma au Québec est également unique. Ailleurs, on a procédé d'autres manières, par des lois et des réglementations différentes, mais qui visaient souvent les mêmes objectifs, mais des lois et réglementations faites à la lumière des situations géopolitiques qui prévalent ailleurs. Vous auriez dû indiquer qu'en Suisse, par exemple, c'est le contingentement qui prévaut, qu'aucune mesure de contingentement n'est prévue dans le projet de loi qui a été présenté à l'Assemblée nationale et qui fait l'objet de discussions en commission parlementaire, aucune mesure de contingentement.

Vous avez également omis de rappeler que le gouvernement fédéral - et à bon droit, je pense, j'ai hâte de vous entendre là-dessus - en ce qui a trait à la câblodistribution, à la télédiffusion et à la radiodiffusion, a exactement la même règle des 80%, quant à la propriété canadienne. Ce n'est donc pas tout à fait unique puisque cela existe pour la câblodistribution, pour la télédiffusion, pour la radiodiffusion, ces règles de propriété canadienne, pour évidemment empêcher que toute la radio, toute la télévision et toute la câblodistribution soient contrôlées de l'extérieur. Vous avez omis de dire, Me Laurent, qu'à l'occasion d'une rencontre que j'ai eue avec vous, je vous ai demandé ce que vous proposiez et votre réponse a été: Le statu quo. Je vous ai dit, Me Laurent, que le statu quo pour nous était absolument inacceptable.

J'aurai d'autres questions à vous poser, mais je voudrais, avant de céder la parole à d'autres membres de la commission parlementaire et pour ne pas occuper tout le temps, terminer ces premières observations en vous rappelant - vous avez fait état des films de Denis Héroux - que Denis Héroux, dans une déclaration, s'est dit tout à fait d'accord avec le projet de loi.

Vous avez évoqué la présentation du film "E.T.". Je voudrais vous rappeler que "E.T." a été présenté - vous auriez dû le dire - au festival de Cannes en version française en mai 1982. Il a été présenté au Québec en version anglaise en juin 1982, et la version française n'est venue qu'en décembre 1982.

Voilà, M. le Président, mes premières observations. J'aurai, bien sûr, à intervenir un peu plus tard. Juste avant, je voudrais corriger une petite erreur qui se retrouve dans votre mémoire. Vous indiquez que Paul Newman, par exemple, accepterait difficilement de se faire doubler au Québec. Je crois que vous auriez dû choisir un autre

exemple, puisque Paul Newman a été doublé au Québec à l'occasion du film "Slap Shot", et avec beaucoup de succès. Cela a été un doublage applaudi par tout le monde. Il a été doublé au Québec.

Alors, M. le Président, pour ne pas occuper tout le temps, je voudrais céder la parole à d'autres intervenants.

Le Président (M. Paré): Je m'excuse, il est interdit de manifester dans la salle. La parole est maintenant au député de Saint-Henri.

M. Hains: Me Laurent, je vais vous poser quelques petites questions, contrairement à M. le ministre, pour un peu éclairer nos lanternes sans vouloir cependant entamer moi non plus de longues discussions.

À la page 33, l'association mentionne toute une série de mesures et de participation à la vie cinématographique canadienne et québécoise; c'est dans votre rapport. Toutefois, un problème a été soulevé, j'aimerais beaucoup avoir la réponse. C'est à propos des films qui font double carrière, parce qu'on retarde la publication de la version française le plus possible afin que nos gens intéressés - c'est le cas du film "E.T.", puisque c'est le film modèle de ce temps-là - l'exploitent à pleine capacité dans sa version anglaise avant de le produire en français. Cela fait, comme on le dit souvent, une double ponction au point de vue financier chez les consommateurs. Est-ce que vous pourriez commenter un peu cette pratique?

M. Laurent: Là, vous m'entraînez sur le terrain glissant du doublage.

M. Hains: Allons-y. (12 heures)

M. Laurent: Pour répondre à votre question relativement au film "E.T.", je ne veux pas qu'on se lance des mots parce que je n'étais pas à Cannes, moi, M. Richard. Madame Gagnon y était et elle m'assure que le film "E.T." projeté à Cannes l'a été en anglais. Il y avait peut-être des sous-titres, me glisse-t-on à l'oreille. Le film "E.T." est l'oeuvre de M. Spielberg. Il faudrait apprendre à le connaître. M. Spielberg, me dit-on encore - il ne me l'a pas dit à moi -se réserve, comme cela existe dans de nombreuses oeuvres, tel que je l'ai exposé au départ, le droit et le privilège de procéder au doublage de son film. Comme cela, pour lui, il a été lancé en anglais sur le marché nord-américain au mois de juin. J'ouvre une parenthèse ici pour vous dire que les grands succès, règle générale - ce n'est pas une règle absolue... Il y a une série qui a été lancée ici au début du mois de juin et une autre série au mois de décembre, pour les vacances de Noël. "E.T." a été lancé en anglais au mois de décembre. On a procédé à son doublage en France, selon toute apparence, sous la direction de M. Spielberg. Et quand le film a été disponible, puisqu'il a été montré à Paris, me dit-on encore une fois, pour la première fois le 1er décembre, même jour qu'à Londres, soit dit en passant, les copies se sont envolées de Paris vers Montréal et sont arrivées ici le 10. Je ne peux pas répondre autre chose à propos de "E.T." Ce sont les seules connaissances que j'ai de ce film.

M. Hains: C'est ce que j'avais lu d'ailleurs, moi aussi, c'est-à-dire que le film était sorti en version en France le 1er décembre 1982. Maintenant, M. le ministre nous dit que ce serait la version sous-titrée.

M. Richard: La version sous-titrée française, c'est à cela que je faisais allusion, était disponible en mai 1982, à Cannes.

M. Laurent: M. le ministre, entendons-nous. Elle a peut-être été montrée aux amateurs, aux experts du milieu, à Cannes, mais elle n'a jamais été projetée commercialement avec des sous-titres français en France.

M. Richard: Non, non, mais donc la copie existait.

M. Laurent: Une copie sous-titrée. Spielberg a peut-être voulu vous faire un sous-titre pour le vendre à Cannes, mais il ne l'a pas mis sur le marché avec un doublage. Il voulait...

M. Richard: Me Laurent, on reparlera de beaucoup d'autres cas plus tard.

M. Laurent: Cela me fera plaisir.

M. Hains: M. le Président, ce que je vous demandais bien clairement, c'est: Est-ce que vraiment cette politique de prolonger le plus possible la durée d'une version anglaise, afin de faire le plus de profits possible et, après cela, simplement arriver avec la version française, est-ce que vraiment cette politique existe?

M. Laurent: C'est une politique qui n'existe pas. Mais c'est une réalité que le film doublé présente des difficultés. Le doublage d'un film, dis-je, présente certaines difficultés. Je n'ai de leçon à donner à personne en vous disant que doubler un film, c'est un peu plus compliqué que de traduire un article de loi, y compris traduire une loi au complet.

Je vous ai dit tantôt que, de plus en plus, les grandes maisons de production américaines évitent la production, s'en détachent. Elles s'occupent plus

particulièrement de distribution. Les films sont produits par des maisons indépendantes, par des producteurs indépendants qui s'attachent les services de réalisateurs, de comédiens, pour en faire des succès. On sait que le succès d'un film tourne souvent autour du nom d'un réalisateur ou de celui d'un des comédiens. Ceux-ci - et c'est une coutume qui s'établit - se réservent souvent les droits de doubler leurs films ou de les faire doubler par qui ils veulent et au moment où ils le veulent. Le distributeur n'y peut souvent rien, d'une part. D'autre part, quand les copies arrivent sur les marchés américains, M. le député de Saint-Henri, le 15 décembre - il y a une foule de films qui sont sortis au début du mois de décembre ou autour du mois de décembre à New York -c'est regrettable, je le regrette autant que ceux qui...

C'est regrettable que les copies françaises ne soient pas prêtes aussi vite, mais il faut quand même prendre le temps, comme je l'ai dit dans mon mémoire, d'abord de traduire le texte, de trouver les voix, de trouver les comédiens, de préparer les génériques. Il y a une foule de taches qu'il faut faire. Ceci se fait à Paris; malheureusement ou heureusement, ça se fait à Paris. Je dis que c'est malheureux quant à moi. Et c'est une question politique. Ce n'est pas aux distributeurs américains, ce n'est pas à eux d'imposer au gouvernement français et à l'homologue de notre ministre des Affaires culturelles, M. Lang, des politiques de doublage. En France, le doublage se fait par des Français, dans des studios français. Alors, il faut prendre le film de New York, l'envoyer à Paris, travailler à la traduction, au générique, trouver les voix. Il faut aussi tenir compte de la disponibilité des salles, des studios de postsynchronisation. On n'entre pas là comme au dépanneur pour aller acheter une pinte de lait. Il faut attendre son tour. Cela prend un certain temps. Occasionnellement, il y a des comédiens qui se réservent, comme des réalisateurs ou des producteurs, tous les droits sur le doublage. Il faut attendre après eux aussi. Il n'y a pas d'avantages pour un distributeur à retenir une version doublée française pour un marché français. La plupart des films américains sont montrés en version originale à Montréal et à Québec, grosso modo. Il y a aussi d'autres villes où ils sont montrés, mais, grosso modo, ce sont les deux gros marchés du Québec. Dans les régions périphériques, au Saguenay, les films, généralement, sont projetés en langue française. Il n'y a pas un distributeur qui ne serait pas intéressé à ce que la copie française arrive dans cette région-là le plus tôt possible, et qu'elle puisse arriver dans les cinémas de Québec et de Montréal le plus tôt possible. Mais si elle n'est pas disponible, s'il n'y a pas de copie? C'est une contrainte physique.

Il y a aussi un élément dont il faut tenir compte. C'est la disponibilité des salles. Les salles ne sont pas disponibles au jour le jour. Les salles sont souvent réservées. Il y a des salles spécifiques avec des équipements spécifiques pour projeter des films spécifiques. Les salles ne sont pas toujours disponibles au premier jour où la copie française arrive sur le marché. Il faut attendre la disponibilité de la salle. Ce sont des contraintes.

Je dis que les distributeurs américains -je le souligne pour que vous le sachiez - ont fait des efforts remarquables, à mon avis, pour assurer le doublage des films puisque aujourd'hui 55% des films américains sont doublés. Il faut compter que, sur la totalité de leurs films, il y en a qui n'ont pas d'intérêt pour une audience québécoise francophone. Il y a des films qui ne sont pas doublés. Ce phénomène des retards occasionnés par les salles - je tiens à vous le souligner - en ce qui a trait aux films français... Je comprends qu'on puisse reprocher aux distributeurs de retarder, mais c'est un reproche qui est mal adressé; on devrait adresser les mêmes reproches à nos amis, à nos cousins de France. Qu'attendent-ils pour nous envoyer leurs films? Quand ils nous les envoient, c'est en une ou deux copies. Souvent, c'est en raison de la non-disponibilité des salles. Je vous ai donné l'exemple du film "Les uns, les autres" qui était sur les tablettes à Montréal, mais le distributeur tenait spécifiquement à ce que ce film soit projeté dans une salle spécifique, une salle du Parisien où il y a une clientèle particulière pour voir ce film-là. Cela a été un succès. Je ne sais pas depuis combien de mois ce film est projeté. C'est une exigence du distributeur qui doit tenir compte de la disponibilité des salles de l'exploitant.

M. Hains: Quant aux articles 97 et 107, dès le début de la commission, dans notre présentation, j'avais demandé la négociation, parce que vraiment on en a marre de ces affrontements inutiles qu'on peut souvent régler quand on veut s'asseoir l'un en face de l'autre. J'aimerais poser une question à M. le ministre. Est-ce que, vraiment, vous vous êtes assis avec les représentants de l'Association canadienne des distributeurs de films pour discuter avec eux des problèmes que nous posent actuellement ces articles 97 et 107?

M. Richard: II y un mois ou un mois et demi - je ne saurais préciser davantage, je pourrais vous donner la date exacte un peu plus tard, peut-être que Me Laurent s'en souvient; remarquez que le rapport Fournier a été rendu public, avec ses principales recommandations, le 2 septembre - j'ai eu une demande de rencontre de Me Laurent. Je

l'ai rencontré, en compagnie de mon directeur de cabinet, et ce qu'on avait à nous proposer - il faut faire attention -c'était sur trois articles; à l'époque, il n'y avait que trois articles qui faisaient l'objet de discussion: l'article 79, bien sûr et, pour l'article 97, c'était le statu quo.

M. Hains: Est-ce que c'était avant la sortie du projet de loi ou après?

M. Richard: Non, après.

M. Hains: Après. C'était donc déjà fondu un peu dans un projet de loi.

M. Richard: Après la sortie du projet de loi. Je vous ferai remarquer que la recommandation, les deux dispositions qu'il y a dans le projet de loi en ce qui a trait, entre autres, à l'article 97 et l'article 99 étaient déjà contenues dans le rapport Fournier qui a été rendu public le 2 septembre.

M. Hains: Me Laurent, j'aurais une autre question à vous poser. J'en ai plusieurs petites, mais on va faire cela brièvement, si vous voulez, parce que j'aimerais bien avoir toutes sortes de petites réponses rapides. On m'a suggéré ce matin un compromis. Je vous en fais part. Probablement que vous y avez déjà pensé vous-même. Que penseriez-vous si les "majors" ne s'occupaient que de la distribution des films américains et laissaient au Québec la distribution des films étrangers?

M. Laurent: C'est quelque chose qui se négocie facilement et sur lequel on pourrait s'entendre facilement. M. le ministre est au courant.

Mme Bacon: Une question, s'il vous plaît, qui y est rattachée. Est-ce que, lors de la rencontre, ce sujet a été discuté avec le ministre?

M. Laurent: Voici, madame, je suis avocat. Je ne veux pas me sentir lié par le secret professionnel. Nous avons discuté d'une foule de choses avec M. le ministre. Il a pris les devants et il a dévoilé ce dont nous avions parlé. Je ne me permets pas de dévoiler ce dont nous avons causé.

M. Hains: À la page 10, vous nous promettez et vous vous promettez aussi à vous-mêmes, en rapport avec l'article 79, toujours l'article un peu glissant, de faire des efforts dans la mesure du possible pour accélérer la traduction française des films. Est-ce que vous pourriez nous dire très brièvement ce que vous voudriez faire de plus à l'avenir pour accélérer cette parution?

M. Laurent: Je vais vous donner un exemple où il y a un effort qui a été fait. J'avais été moi-même mis dans l'erreur par des informations qu'on m'avait données. "The Verdict". Je reviens toujours à notre ami Newman. On m'avait dit que c'était compliqué, Newman, etc. Je me suis laissé dire que "The Verdict", qui est sorti à New York à la mi-décembre, allait être à Montréal en version française incessamment. Donc, dans une période d'un peu plus de 60 jours, peut-être 80, peut-être pas 90 jours, mais 80 jours. Les efforts seront faits. Je ne veux blesser personne. Vous m'avez parlé du film "Slap Shot" qui a été doublé. Effectivement, c'est un film de Newman qui avait été doublé en France, au départ. Quand on l'a projeté ici, sur les écrans du Québec, cela n'a pas pris. C'est un langage qui ne convenait pas à l'auditoire québécois. Le distributeur l'a fait redoubler à Montréal. Je vous soulignerai que c'est une des seules productions américaines, malheureusement, qui a été doublée à Montréal au cours des trois ou cinq dernières années, une des seules sur des centaines de films.

Les efforts, M. le député de Saint-Henri, nous sommes tout à fait disposés à les faire parce qu'on les fait naturellement, c'est-à-dire d'envoyer le film là où le doublage se fera. Ce n'est pas aux distributeurs américains, comme je vous le soulignais, à demander à l'honorable ministre de la culture française de corriger ses lois et de s'adapter un peu à nos difficultés. C'est une question politique qui se règle entre ministres, à mon humble point de vue.

M. Richard: Si vous me permettez, M. le député de Saint-Henri, il n'appartient donc pas aux "majors" de dicter une politique du doublage au gouvernement français pas plus qu'il n'appartient aux "majors", si je comprends bien, de dicter une politique de doublage au gouvernement québécois.

M. Laurent: Bien non.

M. Richard: Je vous remercie, Me Laurent.

M. Laurent: J'en prends note.

M. Hains: Maintenant, est-ce que vous pourriez nous dire très honnêtement, publiquement, combien en moyenne cela peut prendre de temps pour faire le doublage d'un film? Une moyenne. Je sais qu'il y a tellement d'aléas à gauche et à droite, mais, en moyenne, parce qu'on nous chante sur tous les tons que 60 jours, ce serait suffisant. D'autres ont parlé de 30 jours et ils avaient l'air bien certains de leur coup. Moi, je vous pose la question bien honnêtement: Combien en moyenne cela peut-il prendre de temps?

Une voix: C'est une grosse question.

M. Laurent: Oui, c'est une grosse question. Il y a des difficultés. J'ai dit que ce sont des difficultés pratiques.

M. Hains: Oui, je sais.

M. Laurent: Dans notre mémoire, voici ce qu'on dit à la page 13: Pour doubler un film, il faut non seulement remettre au laboratoire tous les éléments nécessaires au doublage et préparer les traductions et l'adaptation, mais aussi choisir des acteurs et actrices dont la voix sera la plus rapprochée possible de celle de chacun des acteurs et actrices du film en langue originale. La disponibilité de ces gens n'est pas toujours facile. Je veux dire que la disponibilité peut retarder le doublage d'un film. Je vous ai dit aussi que le réalisateur, le producteur, les comédiens se réservaient des droits sur le doublage. Je ne le sais pas, je ne peux pas vous répondre. Je serais malheureux de vous dire... Cela dépend de la qualité du doublage. C'est très important. Il y a, à la télévision de Radio-Canada, notre société d'État nationale - je veux dire...

Des voix: ...fédérale... (12 h 15)

M. Laurent: ...fédérale, celle-là - un programme qui revient tous les jeudis soirs; c'est exceptionnel à ce qu'il paraît. Cela s'appelle: "Vivre à trois". C'est la version française, québécoise, nationale, d'une série-savon américaine qui s'appelle "Three's Company". Vous la regarderez, vous verrez s'il s'agit d'un doublage qui convient. C'est un doublage qui est fait chez nous. Je ne veux blesser personne, mais vous m'en reparlerez. On peut faire un doublage... Je peux vous régler cela dans deux jours, me dit-on, un doublage, mais vous regarderez le jeudi soir ce que cela donne, des doublages de deux jours.

M. Hains: Je comprends cela pour les films à moyen succès et à petit succès, mais, pour un film où on investit beaucoup d'argent, de publicité et qui a de gros budgets, une grosse campagne de marketing, est-ce que, durant ce temps, on ne pourrait pas préparer sa fameuse version française pour la sortir simultanément?

M. Laurent: Non, me dit-on, parce que, comme je vous le décrivais, lorsque arrivent les délais, les derniers jours de la sortie du film, quand il est en laboratoire et qu'il est sur le point d'être projeté, que les copies sont sur le point d'être livrées aux distributeurs, il y a un affolement que les gens du milieu connaissent. Il y a un affolement qui fait que les gens qui sont chargés du doublage ne sont pas disponibles et ne sont pas intéressés, à ce moment, à s'occuper de cette question qui, pour eux, est secondaire. Je le dis à regret, mais c'est secondaire.

M. Hains: J'ai une autre petite question; j'en ai plusieurs, comme vous voyez. On va bien parce qu'on est bref tous les deux. Que pensez-vous des films sous-titrés au point de vue vraiment de la popularité? On dit que cela peut être aussi populaire et tout cela... Est-ce que c'est vrai? Est-ce que c'est faux? D'après votre expérience et peut-être d'après des statistiques que vous pourriez nous donner.

M. Laurent: J'ai une réponse à deux volets. Je me suis laissé dire encore une fois que les films sous-titrés ne plaisaient pas dans l'ensemble - ce sont les exploitants qui pourront vous le confirmer - à l'auditoire, d'une part. D'autre part, je me suis laissé dire par un personnage du milieu qu'il n'y aurait rien qui nous empêcherait de changer cette habitude. S'il y a des sous-titres qui sont valables, c'est une habitude qui peut se transformer. Aujourd'hui, les gens, me dit-on, n'aiment pas voir les films sous-titrés. Si les sous-titrages sont de meilleure qualité, peut-être qu'on pourra changer, au cours des années, cette habitude.

M. Hains: À la page 14, vous ne nous lancez pas une fleur.

M. Laurent: Et le sous-titrage, vous savez, M. le député de Saint-Henri, ce n'est pas tout à fait déplaisant, cela ne coûte pas cher pour un distributeur. On vous a dit ce que cela coûtait.

M. Hains: 1500 $.

M. Laurent: C'est cela.

M. Hains: Voilà.

M. Laurent: C'est vite fait.

M. Hains: M. le ministre m'a bien informé là-dessus. Maintenant, à la page 14, vous nous dites vraiment qu'on est naïf. J'accepte bien de croire que l'industrie québécoise du doublage et de la postsynchronisation ne peut pas rivaliser avec celle de la France, notre mère patrie, pour les longs métrages. Ce n'est pas tellement flatteur, mais est-ce véridique?

M. Laurent: Cela me fait de la peine, mais ce semble être la vérité. Ce n'est pas une question de se blesser non plus et de se sentir blessé. En France, l'industrie de la postsynchronisation existe depuis longtemps. C'est une industrie qui a une tradition, qui a des coutumes, qui a un équipement qui est

peut-être plus sophistiqué que l'équipement qu'on peut retrouver à Montréal et on en a des exemples pratiques. Je viens de vous en donner un. Je ne sais même pas qui a fait la postsynchronisation de "Three's Company", mais ce n'est pas glorieux. Je suis sûr qu'au Québec, on peut faire de magnifiques postsynchronisations, de très bons doublages. Il s'agit de s'y mettre et de constituer l'industrie, mais cela ne me semble pas être aussi facile que d'ouvrir un dépanneur.

M. Hains: Maintenant, à un autre endroit aussi, vous nous dites que c'est encore un peu naïf de notre part. Vous nous dites que c'est un voeu pieux que de croire que le distributeur - Est-ce que vous comprenez bien? C'est à la page 19, on est très religieux ici, alors on fait des voeux pieux - va vouloir doubler des films ici au Québec.

M. Laurent: C'est un motif économique. Je suis sûr qu'on vous en a déjà parlé. Le coût moyen du doublage d'un film de durée moyenne est de 45 000 $. Parmi ceux qui ont des droits sur les films - parce que le distributeur ne conserve pas toujours tous les droits; le producteur a des droits, le producteur souvent paie la note finale, il va sans dire - rares sont les distributeurs, américains ou autres, y compris celui qui a distribué le film "Meatballs" dont je vous ai parlé - sans vouloir l'identifier - qui vont consentir à payer une fois 45 000 $ à un studio parisien pour atteindre un marché de 75 000 000 de pesonnes en Europe et venir payer un autre montant de 45 000 $ au Québec pour avoir le même produit.

M. Hains: Qui ne serait pas accepté ensuite en France, je crois...

M. Laurent: Qui ne soit pas accepté en France; c'est blessant et c'est une question, comme je vous le dis, qui ne relève pas des distributeurs.

M. Hains: Encore une ou deux petites questions. À la page 16, vous nous dites qu'au cours des trois dernières années, 55% des films distribués au Québec ont été doublés en français. Ma question est celle-ci: Cela peut représenter combien de films, en moyenne, par année, qui seraient doublés? Parce que je n'ai aucune idée du nombre de films.

M. Laurent: M. Hurtubise m'informe ici que Universal, qui est un des distributeurs importants, a distribué, au cours des récentes années, en moyenne 20 films par année, grosso modo, et 10 sont doublés.

M. Hains: J'aurais une dernière question et je me demande si je devrais vous la poser parce que c'est justement l'idée toujours de l'affrontement mais disons que je la pose quand même. Est-ce qu'on peut déduire de tout ce que vous nous avez dit tout à l'heure que les "majors" vont vraiment modifier leurs activités au Québec si ce projet de loi passait tel quel?

M. Laurent: M. le député, elles ne pourront pas les modifier, elles vont être expulsées. Quand on n'est plus là, on ne modifie rien, on s'en va. Il n'y a rien à modifier. Si on vous dit: Allez-vous-en, vous ne pouvez rien modifier. Vous vous en allez chez vous, cela finit là.

Mme Bacon: Une sous-question, M. le Président. Est-ce que vous nous dites bien, si on veut bien comprendre, que, si cette loi est adoptée telle que rédigée, telle que présentée - vous parlez d'expulsion - les "majors" quittent le Québec?

M. Laurent: Oui. Ils sont forcés de quitter. Ils ont la personnalité américaine. Toutes ces sociétés, les sept sociétés, leur capital-actions est très majoritairement, sinon en totalité, détenu par des Américains: compagnies, sociétés ou individus. Ils ne pourront donc plus faire de demandes de permis. Ils vont être disqualifiés.

Mme Bacon: Comme distributeur?

M. Laurent: Comme distributeur, pour le Québec seulement. Ils vont naturellement continuer à distribuer leurs films dans les autres parties du Canada.

M. Hains: J'ai fini, Me Laurent. Je vous remercie.

M. Laurent: Je vous en prie.

Le Président (M. Paré): La parole est maintenant à Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: M. le Président, il y a trois aspects particuliers du mémoire sur lesquels j'aimerais avoir des éclaircissements. Je vous réfère à la page 31 de votre mémoire. On y lit ceci: "L'histoire nous démontre pourtant le contraire puisque les grandes sociétés de distribution ont toujours assisté le cinéma québécois valable." À l'annexe 3 de votre mémoire, vous nous présentez une liste de productions cinématographiques ayant fait l'objet d'une entente de distribution avec certains des membres.

Je pense que les faits sont plus têtus que les affirmations qui peuvent être faites. Je vous demanderais quelles autres productions originales, en version française, ont été réalisées par un producteur québécois. Votre liste porte sur les années

soixante-dix à maintenant, donc, en treize ans, l'histoire récente des treize dernières années, puisque c'est d'histoire qu'il s'agit. Il nous semble à la lecture qu'il n'y aurait que le film "Les Plouffe" qui aurait été parmi ceux qui auraient fait l'objet d'une entente de distribution.

Je vous paraphrase un peu. Il était 11 h 36 quand vous avez dit que les "majors" ne sont pas intéressés à mettre en circulation exactement ceci: "Des films de petite qualité qui n'ont aucun attrait pour aucun public que ce soit." Vous nous avez dit penser d'abord aux cinéphiles quand vous faisiez votre présentation.

On a fait état tantôt de films comme "Les bons débarras", "Les mâles", "Kamouraska", "Les ordres", "Réjeanne Padovani", "La vraie nature de Bernadette". Ces films qui ont connu de grands succès n'ont fait l'objet d'aucune entente de distribution. La question que je vous pose est la suivante. À la page 31, vous proposez au gouvernement du Québec de soutenir l'industrie cinématographique. Vous faites aussi d'autres affirmations, un peu plus au début de votre texte - je pense que c'est à la page 5 - et vous dites que "l'association croit qu'il est important d'encourager et de protéger la production et la distribution de films"... Vous le croyez pour les autres, si je comprends bien, mais, à la lumière des faits, pas pour vous-mêmes. Quand vous encouragez le gouvernement du Québec à supporter l'industrie, vous l'encouragez à produire des films qui seront vus dans des festivals, mais qui ne seront pas distribués par vous.

M. Laurent: Si je saisis bien votre question, vous me demandez comment il se fait que toutes ces oeuvres que vous avez citées, entre autres - une de vos questions -qui avaient été citées par M. le ministre, "Les Ordres", "Réjeanne Padovani", etc., n'ont pas été distribuées. Je vous répondrai carrément. Ces films, les producteurs n'en ont pas confié la distribution aux "majors", ils en ont confié la distribution à d'autres distributeurs. Alors, si ces autres distributeurs n'ont pas jugé utile, opportun et valable, commercialement ou autrement, de les distribuer aux États-Unis, ne vous en prenez pas aux "majors".

Mme Harel: En d'autres termes, c'est bien dommage.

M. Laurent: Ce n'est pas dommage, mais quand Denis Héroux, Mme la députée de Maisonneuve, produit un film et qu'il veut qu'il soit distribué mondialement, il le fait distribuer par un distributeur qui connaît le marché où il veut que le film soit distribué. "La guerre du feu", qui est un succès commercial, qui est une production de Héroux, parce qu'on en a parlé, qui est québécois et qui est favorable à votre loi, dites-vous - ce n'est pas ce qu'il m'a dit - il l'a fait distribuer par la Fox. André Link qui a fait "Meatballs", il l'a fait distribuer par la Paramount. Alors, cela a passé aussi. Cela a été vu, "Meatballs". Cela a été un succès. Cela s'est vendu, cela a été vu.

Mme Harel: J'en conclus qu'il ne s'agissait donc pas de ces films de petite qualité que vos clients ne sont pas intéressés à distribuer.

M. Laurent: On parle des films de petite qualité, je ne sais pas. Vous savez, il y a des films, des noms, "Scandale", j'en avais une liste tantôt, des films qui ne se vendront pas, qui ne plaisent pas. Alors, peut-être qu'ils ne seront pas intéressés à les distribuer. Mais si ces gens, si les producteurs de ces chefs-d'oeuvre en avaient confié la distribution aux "majors", ils auraient probablement été distribués à travers les États-Unis. Ils n'y sont pas allés, ils ne se sont pas adressés aux distributeurs américains, ils se sont adressés à des distributeurs canadiens ou québécois qui ont fait leur boulot. Ils ont peut-être été distribués aux États-Unis. Je vous donne la liste de ceux qui ont été distribués par les "majors".

Mme Harel: Quand vous parlez de Denis Héroux, lorsqu'il distribue au Québec, il le fait par un distributeur québécois et, à l'extérieur, il le fait par des distributeurs étrangers. J'aurais deux autres aspects.

M. Laurent: Cela arrive très souvent que des territoires de distribution soient partagés.

Mme Harel: C'est ce que propose le projet de loi.

M. Laurent: Ce n'est pas ce que vous proposez. Un instant!

Mme Harel: Vous avez abondamment parlé du doublage. Vous avez invoqué toutes sortes de considérations qui, selon vous, justifient la situation actuelle. Vous avez peut-être vu... Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de prendre...

M. Laurent: Madame, je m'excuse, la situation actuelle concernant l'article 97?

Mme Harel: Oui. Vous avez peut-être pris connaissance d'une étude qui a été remise aux membres de la commission - je ne sais pas si vous avez suivi les travaux de la commission depuis le début - et qui porte sur les délais de distribution des films américains en version française.

M. Laurent: Le rapport CEGIR?

Mme Harel: C'est cela.

M. Laurent: Je ne l'ai pas vu.

Mme Harel: Cette étude voulait explorer la question des délais dans le doublage et la distribution des longs métrages américains en version française, l'objectif étant d'analyser précisément ces délais et d'en identifier les causes. On prend bien soin d'insister, dans cette étude, sur le fait qu'il s'agit seulement de délais minimaux et qui ne tiennent pas compte des délais supplémentaires de la mise en marché, seulement de ceux qui peuvent être étudiés à partir de l'émission du visa. Il apparaît, chiffres à l'appui, que 70% des films américains doublés subissent des délais strictement reliés à la distribution et aux considérations de marché au Québec. Le délai moyen de distribution se situe autour de trois mois. (12 h 30)

M. Laurent: Je vous ai donné tantôt une réponse qui est peut-être seulement partielle, mais ce dont il faut tenir compte, c'est la disponibilité des salles qui ont des équipements particuliers qui sont déjà -excusez-moi l'expression - "bookées" d'avance. Alors...

Mme Harel: Je trouve cela intéressant, parce que, à la page 19, justement, vous invoquez cette raison, ce motif, en disant que c'est la raison de la non-disponibilité des salles. Mais on aura l'occasion d'y revenir -d'ailleurs, j'y reviendrai - avec des exploitants de salles au cours de la journée, parce que plusieurs d'entre eux considèrent que le problème, c'est la non-disponibilité des films. Vous savez sans doute que, maintenant, devant la commission sur les pratiques restrictives du commerce, Cinéplex demande l'émission d'une ordonnance concernant la disponibilité des films. Je lis, par exemple, une intervention qui a été faite par un exploitant qui disait ceci: II y a un très grand contrôle, sinon un contrôle exclusif, sur la distribution des films dans les ciné-parcs, les cinémas indépendants. Il signalait qu'il en était malheureusement rendu à accepter des films qui ont déjà passé à la télévision, que cela ne pouvait plus durer, que cette concentration n'était pas possible et qu'il demandait au ministère d'intervenir pour démocratiser le réseau de distribution de films.

M. Laurent: II y a une chose qui est fondée dans ce que vous dites - en fait, ce n'est pas vous qui le dites, c'est cet intervenant - c'est qu'il est vrai que, dans les régions périphériques, il peut y avoir non-disponibilité de certains films, parce que le distributeur servira d'abord le marché de Montréal et le marché de Québec. Ce n'est pas vrai simplement des "majors", c'est surtout vrai de nos cousins français, il ne faut jamais les oublier. Eux, ils nous envoient cela à la petite pièce, une copie de "Martin Guerre" pour Montréal. Québec? Venez le voir à Montréal si vous voulez le voir.

Mme Harel: On va avoir l'occasion d'y revenir avec les exploitants. Je termine là-dessus. Dans cette étude réalisée sur les délais de distribution...

M. Laurent: Cela a été réalisé pour le compte de qui, cette étude?

Mme Harel: ...par CEGIR...

M. Laurent: Cela a été réalisé pour le compte de qui, madame?

Mme Harel: Pour l'institut québécois; mais est-ce que cela la met en cause pour autant?

M. Laurent: Non, non. C'est parce que je ne savais pas...

Mme Harel: Je pense que vous conviendrez avec moi qu'elle a été faite sur une base professionnelle. On concluait, au fait, qu'il y avait ces délais, que, dans la majorité des cas, les délais entre la version originale et la version française à Montréal sont essentiellement des délais de distribution et non de doublage. Techniquement parlant, il semble, par conséquent, possible de réduire ces délais.

M. Laurent: C'est peut-être possible. Je vous ai dit qu'on a fait des efforts. Mais je vous dirai, quant à la consistance ... Je ne veux absolument pas mettre en doute la valeur professionnelle de ce rapport. Je ne l'ai pas vu, je n'ai pas eu le temps d'en prendre connaissance, ni moi ni personne de ceux qui sont avec moi. Je viens de demander à M. Hurtubise qui est avec moi si la société CEGIR, dans toute son impartialité, l'a consulté. C'est un des gros distributeurs de films et il ne l'a jamais vu.

Mme Harel: Est-ce que vous voulez connaître la méthodologie de l'étude?

M. Laurent: Non, non, je le lirai.

Mme Harel: Parce qu'il n'aurait pas nécessairement besoin de consulter...

M. Laurent: Ah! Bien cela...

Mme Harel: ...compte tenu de la méthodologie qui a été utilisée.

M. Laurent: Je n'ai pas eu l'occasion de le lire. Je ne peux pas y répondre.

Le Président (M. Paré): Est-ce que vous avez terminé?

Mme Harel: C'est tout, M. le Président.

Le Président (M. Paré): La parole est maintenant à Mme la députée de Chomedey.

Mme Bacon: Très rapidement, M. le Président, j'aimerais quand même faire remarquer qu'on pourrait souvent éviter certains problèmes ou certaines confrontations quand il y a une meilleure consultation, si on veut vraiment qu'un projet de loi réponde à la demande du milieu. On s'aperçoit ici que votre milieu, en tout cas, n'a pas demandé certains des articles de la loi.

J'aimerais beaucoup demander au ministre - on parle beaucoup d'exploitation et de distribution de films - quelles sont les sommes consacrées par l'Institut québécois du cinéma depuis sa fondation, au secteur de l'exploitation et au secteur de la distribution? Est-ce que vous pouvez fournir aux membres de la commission les sommes qui sont consacrées?

M. Richard: Madame la députée de Chomedey, ces sommes apparaissent dans les rapports annuels de l'Institut québécois du cinéma. Je pourrai vous remettre le rapport pour le dernier exercice financier de l'Institut québécois du cinéma.

Mme Bacon: Est-ce qu'on exige des rapports des gens à qui l'on remet ces sommes, soit pour l'exploitation et pour la distribution?

M. Richard: Je m'excuse, Madame la députée de Chomedey.

Mme Bacon: Est-ce qu'on exige des rapports, du secteur de l'exploitation et du secteur de la distribution, de ceux à qui l'on remet des sommes?

M. Richard: J'imagine que l'institut exige des rapports...

Mme Bacon: ...dans les deux cas.

M. Richard: ...dans les deux cas. J'ai les chiffres ici pour cinq années, dans le rapport de l'Institut québécois du cinéma; pour l'exploitation; de 1977 à 1982, c'est 658 744 $, et pour la distribution, c'est 2 084 000 $.

Mme Bacon: Est-ce qu'on a accès à ces rapports-là? Est-ce qu'il y a possibilité...

M. Richard: Oui, oui, c'est le rapport public, madame la députée de Chomedey, et je peux vous remettre immédiatement celui-ci.

Mme Bacon: Non, non, ce n'est pas tellement celui-là. Est-ce qu'on peut consulter les rapports des exploitants, par exemple, de ceux qui font l'exploitation et de ceux qui font la distribution?

M. Richard: Oui, il n'y a pas de problème là-dessus.

Le Président (M. Paré): La parole est maintenant à M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Merci, M. le Président. Me Laurent, au tout début de son exposé, nous a parlé de l'attitude des "majors" et il nous a dit en particulier qu'ils avaient favorisé Montréal parce qu'ils avaient fait en sorte que les films en version anglaise sortent à Montréal en même temps qu'à New York et dans les autres villes des États-Unis. C'est la réalité puis, effectivement, je pense qu'il y a lieu de remercier les "majors" pour avoir favorisé Montréal de la sorte. L'ont-ils fait par générosité, pour nos beaux yeux, ou parce qu'il y a un marché ici?

M. Laurent: Les "majors", ce sont des hommes d'affaires qui sont à la fois généreux, qui aiment les beaux yeux et qui recherchent les marchés.

M. Dussault: C'est une réponse habile, mais j'ai cru comprendre, à travers vos propos, qu'il s'agissait d'un marché. Est-ce que le marché québécois est un marché important ou négligeable, à votre point de vue?

M. Laurent: Ce n'est pas un marché ni important, ni négligeable, c'est sûrement un marché agréable. Je ne veux pas jouer sur les mots. Comme je vous l'ai dit, c'est un marché de 13 000 000 $, au cours des dernières années, qui n'est ni croissant ni décroissant. Je vous soulignerai, pour être encore plus précis, que comme c'est un marché qui est un peu en décroissance et qu'eux, leur part en dollars est constante, il est normal de présumer qu'ils s'approprient peut-être un peu plus d'oeuvres en distribution. En dollars, c'est fixe à 13 000 000 $ par année depuis trois ou quatre ans.

M. Dussault: Alors, compte tenu qu'on nous a dit tout à l'heure qu'on s'est donné la peine de traduire, de doubler "Slap shot" en québécois parce que c'était utile ici, on a donc dépensé de l'argent en double pour ce faire. De vos propos je peux comprendre qu'à travers les événements le marché québécois

est un marché attrayant. Le moins qu'on puisse dire, c'est un marché attrayant. Est-ce qu'on peut penser qu'il va le rester, attrayant, après la loi 109, M. Laurent?

M. Laurent: Pas pour eux, parce qu'eux ne seront plus ici. Ils ne feront plus affaires ici.

M. Dussault: Je parle des "majors", là.

M. Laurent: Les "majors" ne seront plus ici.

M. Dussault: Les "majors", les compagnies américaines qui produisent des films intéressants, des films attrayants, des films du même genre, qui ont intéressé les Québécois depuis de nombreuses années et qui vont quand même continuer à intéresser encore les Québécois. Donc le marché va être encore là. Alors, ce film qui est produit aux États-Unis, il va encore être disponible. C'est ça que je voudrais savoir. Est-ce que la loi 109 va faire en sorte que ce film-là ne sera plus disponible?

M. Laurent: Monsieur, je vais vous répondre de la façon suivante. Dans le moment, les "majors", puis depuis toujours, n'ont jamais boycotté le Québec, au contraire. Ils ont toujours distribué leurs films ici.

M. Dussault: D'accord, je vous remercie.

M. Laurent: ...avec plaisir et empressement.

M. Dussault: Je vous remercie, vous me rassurez.

M. Laurent: ...là on leur dit...

M. Dussault: ...on aura donc encore droit...

M. Laurent: Ah! non, non, non. Vous me comprenez mal, monsieur.

M. Dussault: ...à ces films-là. Et, s'il arrivait qu'il y avait quelque réticence, il y aura sans doute moyen de combler les lacunes par du film québécois qu'on va valoriser dorénavant encore plus, par du film étranger qu'on nous aura traduit en français, parce qu'il y a de plus en plus de goût, chez les Québécois, pour voir ces films. Je pense aux films polonais, entre autres, des films extraordinaires. Maintenant qu'on a la possibilité de les avoir aussi doublés ici, je suis convaincu qu'il y aura, s'il y a des lacunes - je suis sûr qu'il n'y en aura pas -on trouvera le moyen de les combler. Mais j'ai bien compris, à travers vos propos, que le marché québécois est un marché attrayant, intéressant et que ceux qui produisent aux États-Unis trouveront un intérêt à nous en refiler encore. À ce moment-là vous me rassurez beaucoup, M. Laurent.

M, Laurent: Je ne veux pas vous rassurer, mais je voudrais donner la parole à M. Hurtubise, de la "Universal", qui va vous dire quelles sont les possibilités qui vont pouvoir se présenter à la "Universal", si le projet de loi est adopté tel quel. M. Hurtubise pourra vous répondre.

M. Hurtubise (Jean-Paul): De prime abord, j'ai été avisé par Toronto que si le projet de loi était adopté tel quel, on fermerait nos portes, tout simplement.

M. Laurent: De toute manière, on n'a pas le choix, M. le Président. Quand on perd son permis d'exploitation, on s'en va. Il y a peut-être d'autres façons de procéder. On y voit quand la loi est adoptée et que les cendres sont retombées.

M. Dussault: Merci. J'ai terminé, M. le Président.

Le Président (M. Paré): Est-ce que vous avez terminé? Il y en a d'autres. La parole est maintenant au député de Mille-Îles.

M. Champagne: Merci, M. le Président. Je me réjouis, Me Laurent, de votre conclusion. Vous dites bien: "L'association est d'avis que les objectifs poursuivis par le présent gouvernement du Québec dans cette loi 109 sont très louables et elle appuie le gouvernement dans la poursuite de ceux-ci." C'est bien comme dispositions. Et vous ajoutez: "Toutefois, bien que l'association soumette certaines modifications mineures..."

À la suite de votre exposé, il semble que ce ne soit pas simplement des modifications mineures. C'est très gros ce que vous dites ce matin, pour moi. Vous dites qu'on veut chasser les "majors", vous parlez d'expulsion discriminatoire. Je ne sais pas si c'est de l'inflation verbale ou un grossissement verbal, mais à la fois vous êtes en faveur de notre position, de nos objectifs, et vous nous terrorisez par vos dernières paroles: Nous, on ne visionnera plus ici, nous, on ne distribuera plus ici. On est en ballant.

C'est bien sûr qu'il faut se donner des moyens. Il y a 5 000 000 de Québécois francophones au Québec et il y a 250 000 000 d'anglophones autour de nous. Pour conserver la culture française au Québec, il faut se donner des moyens. Je regarde, pour garder la culture canadienne, quels sont les moyens qu'on prend. Vous revenez toujours sur l'article 97, qui est

semblable, presque mot pour mot, à la loi sur la radiodiffusion fédérale. Ici, à l'article 97: "La Régie délivre ou renouvelle un permis de distributeur à toute personne (...) pourvu: "1° s'il s'agit d'une personne physique, qu'elle soit de citoyenneté canadienne; "2° s'il s'agit d'une corporation avec capital-actions, qu'au moins 80% des actions de son capital-actions..."

Je regarde ici la loi du CRTC. Pour avoir droit à la radiodiffusion et à la télédiffusion des programmes canadiens, premièrement, on exige un contenu canadien. Je ne sais pas si c'est une entrave à la liberté, mais c'est une sauvegarde de la culture canadienne comme telle. Et je vois ici: "Aux fins de la présente directive, une société canadienne habile est une société constituée en vertu des lois du Canada et d'une province du Canada." Deuxièmement, le président et toute autre personne agissant en qualité de président ainsi que chaque administrateur ou autre membre de la direction sont citoyens canadiens.

Troisièmement, s'il s'agit d'une société ayant un capital-actions dont au moins 4/5 des actions...

On arrive à peu près au même règlement pour sauvegarder la culture canadienne; on veut garder les artistes canadiens, on veut faire travailler les artistes canadiens. D'autre part, au Québec, on veut garder, par le projet de loi, notre culture française, on veut faire la promotion de notre culture française. On prend à peu près les mêmes moyens et vous dites qu'il s'agit d'ingérence de l'État. Vous criez au scandale.

Comment conciliez-vous la position du CRTC qui, pour garder la culture canadienne, agit de telle façon? On prend à peu près les mêmes moyens et vous êtes scandalisés. Vous nous comparez à d'autres pays, au Mozambique entre autres. (12 h 45)

M. Laurent: Et à la Suisse, aussi, il ne faut pas l'oublier. Brièvement, dans les conclusions de notre mémoire on dit - je le répète - que "l'association est d'avis que les objectifs poursuivis par la loi" sont très louables." Les objectifs sont à l'article 3. Je l'ai dit, on l'a écrit et je répète qu'on est parfaitement d'accord avec cela.

Deuxièmement, nous disons dans ce mémoire que "l'association soumet certaines modifications mineures à la rédaction du texte de quelques articles. Ce sont les articles 71, 75, 110 et 79. Vous avez oublié la dernière partie: "Elle demeure totalement en désaccord avec l'article 97" dont on a surtout parlé. Il est entendu que, lorsqu'on est sur le point de se faire chasser, on n'a pas envie d'être d'accord avec le décret qui vous expulse. On ne peut pas être d'accord avec cela. C'est impensable.

Je m'étonne que vous alliez recueillir dans les lois fédérales des dispositions qui conviendraient à notre situation au Québec. Cela m'étonne de voir cela. Je vous dirai, sans vouloir jouer sur les mots, qu'il s'agit de deux domaines qui sont quand même différents. La radio et la télévision ne sont pas du tout - malgré qu'il puisse y avoir certaines ressemblances - une question de distribution de films. Ce que je vous rappellerai, c'est que le Canada, les États-Unis, la France, la Suède, l'Angleterre, l'Espagne, le Portugal n'ont jamais adopté de telles dispositions pour la distribution de films alors que ces pays peuvent - le Canada, on le sait; pour la France, je suis sûr que c'est tout étatique la radiotélévision ou en grande partie - étatiser - en Angleterre, la BBC - ou nationaliser leur réseau de radio et de télévision. La question qui nous préoccupe n'est pas une question de radiotélévision, c'est une question de distribution de pellicule.

M. Champagne: C'est aussi une question de protection de la culture, de distribution de la culture. On joue peut-être sur les mots, ici. Vous parlez, à un moment donné, de s'entendre avec le milieu des distributeurs. Vous êtes capable de le faire à certaines conditions et vous avez parlé de modalités. Est-ce qu'on pourrait savoir ici, à cette commission, quelles seraient ces modalités pour en arriver à un consensus qui serait acceptable?

M. Laurent: Oui, cela me fait plaisir que vous souleviez cette question. Je l'ai dit tantôt et je vais le préciser. Il existe, en vertu de cette loi, une disposition qui veut qu'un fonds de soutien soit créé. C'est l'article 7. Je ne retrouve rien dans cette loi qui fasse que les intervenants, particulièrement les distributeurs et les exploitants, soient appelés à contribuer à ce fonds de soutien. Je le dis au nom de l'association et j'espère que ce sera retenu: L'association est tout à fait disposée à discuter et à mettre sur pied un système, des modalités par lesquelles les distributeurs contribueraient à un fonds de soutien du cinéma. Ce n'est pas prévu dans cette loi. Il nous ferait plaisir de discuter et d'accepter, en termes d'une négociation, les modalités, mais cela n'est pas prévu. Vous conviendrez, M. le député, que c'est assez difficile pour un groupe de sociétés, un groupe d'individus - je représente un groupe de sept sociétés -de discuter, de vouloir négocier quand on a le couperet rendu presque au ras de la peau.

L'expulsion à l'article 97.2 - je ne peux pas jouer sur les mots, M. le ministre, qui est avocat va vous le dire - veut dire: Allez-vous-en. Quand on est dans cette situation, il est assez difficile de faire des propositions avant d'y avoir réfléchi et, y

ayant bien réfléchi, je vous ai fait une proposition et j'espère qu'elle sera retenue. Il y aurait d'autres modalités qui pourraient être mises de l'avant et avec lesquelles les "majors" pourraient bien vivre. En tout cas, ils pourraient tout au moins contribuer d'une autre façon qu'une contribution au fonds de soutien. Il pourrait y avoir des modalités de réciprocité dont on parle tellement dans le rapport Fournier, la réciprocité d'échange de produit. Quant à M. le ministre, je vais répondre tantôt très brièvement à tout ce qu'il m'a dit.

Mme la députée de Maisonneuve m'a souligné qu'il y avait eu de grandes pièces québécoises qui n'avaient jamais été distribuées aux États-Unis. J'ai souligné que les producteurs, les propriétaires de ces oeuvres, ceux qui avaient des droits sur ces oeuvres n'ont pas semblé juger utile, ni opportun, de faire affaires avec les distributeurs américains. S'ils l'avaient fait, peut-être que leurs films auraient été distribués. Il n'y a rien qui nous empêche d'établir des modalités de réciprocité par lesquelles les "majors" s'engageront à distribuer dans leur pays, les États-Unis, et dans les autres pays où ils font affaires certains des produits québécois. Faites des propositions, établissez des modalités et il me sera agréable d'en discuter.

M. Champagne: II y avait un autre élément. Il y a des ententes internationales qui arrivent sur certains sujets. Voici ce qu'on dit: Si vous voulez avoir un contrat, vous devez avoir un genre de succursale dans notre pays, comme Bombardier doit en avoir une à Barre, au Vermont; Bombardier a investi et elle a droit à certains contrats. Je ne veux pas aller dans tous les détails. Est-ce que les "majors" ne pourraient pas faire en sorte qu'ils aient un genre de "succursale", non pas dans le sens péjoratif du mot, je le mets bien entre guillemets? Est-ce que ce serait quelque chose de pensable que les "majors" aient - appelons cela ainsi pour se comprendre - une succursale ici au Canada ou au Québec qui ferait la distribution de leurs films?

M. Laurent: Les "majors" ont tous les sept, dans le moment, leur siège social ou bureau d'affaires à Toronto. Ils ont des bureaux d'affaires à Montréal. Ce qu'on veut, par cette loi, c'est que, pour le Québec, ils ne pourraient plus y faire affaires. Dans le moment, M. Hurtubise travaille à Montréal, il a du personnel, il s'occupe de ses films à partir du boulevard Saint-Laurent à Montréal, il paie ses taxes.

M. Champagne: Je m'adresse à M. Hurtubise: En quoi cela changera-t-il, avec l'article 97, du jour au lendemain votre distribution? Je voudrais savoir cela. Si vous êtes ici, en quoi cela changera-t-il votre distribution? Est-ce que, du jour au lendemain, il n'y aura plus de films? Vous en distribuerez encore, vous serez encore à Montréal.

M. Hurtubise: Vous voudriez qu'on soit à 80% canadien. La compagnie n'est pas à 80% canadienne. Alors, vous voudriez qu'on soit à 80% canadien ici, mais qu'ils me donnent leurs films.

M. Champagne: Est-ce impensable?

M. Hurtubise: Je crois que c'est quelque chose d'impensable.

M. Champagne: Mais pourquoi est-ce impensable?

M. Hurtubise: II faudra que je leur donne une garantie, si je veux avoir la distribution des films Universal.

M. Champagne: Et vous ne voulez pas l'entreprendre?

M. Hurtubise: Cela peut coûter 1 000 000 $ ou 1 500 000 $, je ne le sais pas.

M. Champagne: Est-ce une question financière ou une question de principe?

M. Hurtubise: C'est une question financière, certainement, qui serait à discuter au préalable.

M. Champagne: Alors, cela veut dire qu'il y aurait des avenues possibles.

M. Hurtubise: Peut-être. Je ne le sais pas. Quant à moi, je suis gérant de la succursale au Québec, j'ai un patron qui est gérant général à Toronto. C'est à lui qu'il faudrait demander la réponse.

M. Champagne: Oui. Alors, M. Hurtubise, je vous remercie, ainsi que M. Laurent. Je pense qu'on s'aperçoit qu'il y a quand même des avenues possibles et je m'en réjouis.

Le Président (M. Paré): Sur le même sujet, M. le député de Saint-Jean.

M. Proulx: Dans la même voie que le député de Mille-Îles, les "majors" ont combien d'employés à Toronto et combien d'employés à Montréal à peu près, en chiffres ronds?

M. Laurent: En chiffres ronds: à Toronto, une centaine et à Montréal, vingt-cinq.

M. Richard: M. le Président, je voudrais faire deux observations supplémentaires. À la page 23 de votre mémoire, Me Laurent vous signalez que l'alinéa 3 de l'article 79 risque de briser la carrière en première exclusivité de certains films davantage appréciés par la clientèle anglophone. Vous mentionnez, d'ailleurs, quelques titres que vous qualifiez de succès auprès de cette clientèle. C'est à la page 23 de votre mémoire. Vous mentionnez "Personal Best" et "Man from Snowry River". Pourtant, les informations que j'ai pu obtenir m'indiquent que "Personal Best" avait tenu l'affiche 56 jours en première exclusivité à Montréal et "Man from Snowry River", 63 jours, c'est-à-dire qu'à trois jours près ces films que vous citez comme des succès importants - je le répète - n'auraient pas été gênés par l'article 19.

M. Laurent: Non.

M. Richard: Vous le reconnaissez. J'en déduis que l'article 79, troisième alinéa, s'il ne nuit pas à ces deux "succès" - c'est vous-mêmes qui les qualifiez de succès - nuiraient encore moins à des films de qualité inférieure ou dont le succès est moindre. Vous êtes d'accord avec cela, n'est-ce-pas?

Me Laurent, une autre observation. Vous dites dans votre mémoire que les "majors" sont de bons citoyens corporatifs et font des efforts pour amener les versions françaises au Québec. Vous avouez réaliser un chiffre d'affaires de 13 000 000 $. En même temps, ce qui m'étonne, si on prend l'exemple de "E.T.", dont les recettes-guichet brutes ont été de 4 700 000 $, c'est que vous n'ayez pas été disposés à payer 45 000 $ pour en faire le doublage au Québec. Les recettes-guichet au Québec de "E.T.", 4 700 000 $ et ce n'est pas terminé. Il en aurait coûté 45 000 $ pour faire faire un doublage au Québec pour respecter la clientèle cinéphile québécoise. J'ai de la difficulté à réconcilier...

M. Laurent: Personnellement, sans consulter personne, je trouve que cela aurait été un très bon investissement d'investir 45 000 $, mais la question, ne la posez pas à la mauvaise personne, à Jacques Laurent ou à l'association; posez-la à Spielberg. Appelez-le et demandez-lui s'il était intéressé à faire faire son doublage au Québec.

M. Richard: Maintenant, Me Laurent...

M. Laurent: Ou ailleurs, d'ailleurs, en Suisse, en Belgique, en Espagne.

M. Richard: ...je voudrais vous rappeler qu'il y a quatre ans le gouvernement du Canada a - pour utiliser votre expression puisque c'est manifestement votre expression préférée - expulsé Time Magazine. Je continue toujours depuis lors - cela fait quatre ans je crois, quatre ou cinq ans - à lire de façon hebdomadaire Time Magazine, expulsé méchamment par le gouvernement fédéral. Je voudrais vous rappeler en terminant, puisqu'il est maintenant treize heures, qu'aux États-Unis le système de distribution est fort différent et surtout que la législation et les arrêts des tribunaux interdisent l'intégration verticale et que vous ne pourriez pas faire aux États-Unis ce qui est fait au Québec.

En terminant, Me Laurent, je ne peux pas résister à la tentation de citer une fois de plus Montesquieu qui, dans L'esprit des lois, a dit: "Entre le fort et le faible, c'est la liberté qui opprime et le droit qui affranchit".

M. Laurent: M. le Président, vous me permettrez...

Le Président (M. Paré): Étant donné qu'il est 13 heures et que, selon notre règlement, on doit suspendre jusqu'à 15 heures, j'aurais besoin du consentement pour qu'on puisse terminer l'audition du présent mémoire. Il y a deux autres intervenants qui ont demandé la parole. Est-ce que j'ai le consentement unanime pour qu'on puisse poursuivre?

Des voix: Oui.

Le Président (M. Paré): Oui. Les travaux sont poursuivis. Voulez-vous commenter tout de suite?

M. Laurent: Je vais garder tout cela pour la fin.

Le Président (M. Paré): La parole est maintenant au député de Saint-Henri.

M. Mains: J'ai une toute petite question, Me Laurent. Les propriétaires de salles de cinéma, disons dans les environs, dans les périphéries surtout, et de ciné-parcs se plaignent énormément de ce temps-ci - on a entendu des plaidoiries là-dessus - du manque de ressources en films. Ils sont condamnés, nous disent-ils, à ne projeter que des films pornos. Je ne vous accuse pas. Vous avez le dos large, mais je ne vous accuse pas du tout. Pourriez-vous nous dire qui, vraiment, est responsable? Cela a l'air que plusieurs vont fermer leurs portes, si la chose continue.

M. Laurent: Je vais demander à M. Hurtubise, qui est familier avec ces questions, de vous répondre. (13 heures)

M. Hurtubise: On parle de films à grand succès. On parle de deux, trois et

peut-être, au maximum, de quatre films par année. Alors, ce sont ces quatre films qui vont faire la différence entre rester ouvert ou fermer. Parce que même un film à succès, pour être présenté dans ces endroits. Ce serait assez limité parce qu'il y a des films qui sont présentés à Montréal, comme on l'a dit, pour certaines raisons avec le système de son "dolby". Ils prennent l'affiche et ces petits cinémas ne sont pas équipés. Cela dure assez longtemps et on s'en va en province avec les autres copies. Comme je vous le dis, ce sera toujours la même chose. Ce sera pour trois ou quatre gros films par année. Les autres sont accessibles.

Le Président (M. Paré): Merci. Étant donné qu'il n'y a plus d'intervenant, puisqu'on vient de me dire que l'on retire l'autre question, est-ce que vous aviez des commentaires pour terminer?

M. Laurent: Oui, brièvement. Cela me fait de la peine que M. Richard soit parti et qu'il ne puisse pas en prendre connaissance.

Le Président (M. Paré): C'est une question de quelques secondes.

M. Hains: J'en profite pour vous dire merci de votre intervention, au nom de l'Opposition.

M. Laurent: Je vais être très bref pour répondre aux propos de M. le ministre, Clément Richard. Dans sa première intervention, il m'a souligné avec justesse que j'avais négligé de compléter la lecture du troisième paragraphe de la page 98 du rapport Fournier. Je ne l'ai fait ni volontairement, ni involontairement. Je me suis arrêté là, quant à moi, et je me pose encore la question sur la pertinence de ces propos, puisque M. Richard me dit: II faut comprendre que cette réciprocité ne peut s'exercer que si elle repose sur le contrôle de son marché intérieur. C'est bien dit ici. Je dis simplement en réponse - je ne veux pas poser de question et éterniser le débat -que j'aimerais connaître des exemples de pays du monde occidental qui ont le contrôle de leur propre marché intérieur par l'effet d'une disposition semblable à celle de l'article 97. Je n'en connais pas.

Je vais répondre tout de suite à sa question. M. le ministre nous citait le cas de la Suisse où il y a des contingentements. Bravo pour les contingentements, mais les distributeurs américains, la Fox, la Columbia, la Paramount, n'ont jamais été expulsés de la Suisse. Elles font encore des affaires là. Il peut y avoir des règles de contingentement. Ce n'est pas cela qu'on nous propose aujourd'hui. C'est la porte qu'on nous propose. Il y a une marge entre un contingentement et l'expulsion.

Deuxièmement, on a parlé à flots de colonisation. M. le ministre nous a rapporté les paroles remarquables de M. Nadeau. Je répondrai par la bouche de M. Nadeau à M. le ministre. M. Nadeau, le 23 février, disait: "Le ministre des Affaires culturelles a fort mal engagé le débat en annonçant très sérieusement hier vers 14 heures la fin du colonialisme des gens de Los Angeles et de Toronto qui choisissent les films présentés au Québec." Il continue, du côté droit de son editorial: "Mais les étrangers sont-ils entièrement responsables des malheurs du cinéma québécois?" Ce n'est pas moi qui ai écrit cela. C'est M. Nadeau qui se répond.

Sur la distribution des films québécois de qualité dont on a parlé - la qualité, c'est quelque chose d'assez subjectif, malheureusement - je répondrai, M. le ministre, comme je l'ai fait à Mme la députée de Maisonneuve, que les oeuvres citées n'ont jamais été cédées pour distribution à des distributeurs américains. Pour ceux qui ont osé - on peut dire oser - qui ont daigné s'adresser aux distributeurs américains, comme Denis Héroux pour faire distribuer ses films, ils les ont distribués avec plaisir, avec empressement et avec profit.

Vous me parlez du Time Magazine. Je n'ai pas connaissance de la loi. J'ai connaissance de ce qui s'est fait. On pourrait les comparer longuement comme on pourrait parler des lois sur la radio et la télédiffusion. Mais je sais une seule chose, M. le ministre: tout ce que cela m'a fait perdre - moi aussi, cela fait quinze ans que je lis le Time - c'est qu'avant, au moins, on avait une section qui portait sur les affaires canadiennes et qu'aujourd'hui on n'en a plus. Je ne sais pas ce que cela a donné. Moi, cela m'a fait perdre quatre pages, parce qu'il y avait quatre pages dans le Time Magazine toutes les semaines qui portaient sur les questions canadiennes. C'est fini. On en a une page par... La dernière fois, on a parlé de la campagne des conservateurs. On parle de nous autres...

M. Richard: On l'a dans les pages internationales maintenant.

M. Laurent: C'est ça. Une fois par deux mois. D'ailleurs, je me demande si c'est le modèle qu'on recherche. Peu importe, ce sont les réponses que je voulais donner à M. le ministre, aux propos qu'il avait tenus. Je soulignerai, en terminant, que nous n'avons pas, lors de conversations ou d'autre façon, demandé ou exigé de statu quo sur l'ensemble de la situation. Au contraire, notre mémoire fourmille de louanges, de termes avec lesquels nous sommes d'accord. On vous a dit qu'on était d'accord, qu'on était plus que d'accord avec le système de billetterie. On vous a dit qu'on était d'accord avec un contrôle de la vidéo, qu'on

était d'accord avec une foule de nouvelles dispositions. Il est normal, M. le ministre, qu'on ne soit pas d'accord avec le fait de recevoir un billet d'expulsion, un billet aller seulement vers New York; on ne peut pas être d'accord avec ça.

M. Richard: M. le Président, pour clore cette discussion qui a été, je pense, intéressante, je voudrais simplement rappeler ceci: Nulle part ailleurs dans le monde il n'y a, comme au Québec, ce monopole de la distribution et de l'exploitation des salles, même pas aux États-Unis où cela serait interdit.

Je voudrais rappeler que mon homologue, le ministre de la culture de France, est en train d'adopter des dispositions réglementaires pour casser les monopoles français de distribution, pas les monopoles étrangers, les monopoles français de distribution. Puisque Me Laurent a cité Michel Nadeau, moi aussi, je voudrais le citer pour lui rappeler qu'il y a à peine quelques semaines non seulement il n'était pas question pour les "majors" de faire quelque couverture que ce soit, mais on passait des accords de distribution avec les grands distributeurs français pour faire en sorte que le Québec devienne complètement, y compris pour la distribution de films français, le "domestic market" américain.

Je ne sais pas si le débat a été mal engagé, je ne sais pas si la loi ou le projet de loi est si mauvais, mais je constate que, depuis qu'il y a un projet de loi, on a des "majors" devant nous qui se disent disposés à ne plus étendre leur monopole en passant des accords de distribution au Québec, même pour les films français. On a enfin des "majors" américains qui se disent disposés à composer. Il me semble que cela témoigne du fait que le débat était fort bien engagé. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Paré): Alors, M. Laurent, mesdames et messieurs, merci beaucoup de votre présentation, du temps que vous avez consacré à la commission. À la suite d'une entente entre les deux partis, contrairement à ce que l'on retrouve dans les règlements, étant donné aussi la quantité de mémoires que nous avons à recevoir aujourd'hui, les travaux reprendront à 14 h 30 au lieu de 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 09)

(Reprise de la séance à 14 h 55)

Le Président (M. Paré): À l'ordre, s'il vous plaît! Mesdames et messieurs, la commission parlementaire des affaires culturelles reprend ses travaux dans le but d'entendre les personnes et les organismes en regard du projet de loi no 109, Loi sur le cinéma et la vidéo. Nous allons poursuivre cet après-midi l'audition des mémoires. À la suite d'une entente survenue entre les organismes que je vais nommer et aussi d'un commun accord de la part des deux partis, il va y avoir une présentation commune pour les groupes suivants: ciné-parc Sainte-Adèle, les cinémas Astre Paradis et Mascouche, cinéma Oméga, ciné-parc Viau et ciné-parc Saint-Eustache. Le premier intervenant sera M. Jacques Blain - ciné-parc Sainte-Adèle -que j'inviterais, à mesure qu'ils prendront la parole, à nous présenter les intervenants et les groupes qu'il représente. La parole est à vous, M. Blain.

Exploitants indépendants

M. Blain (Jacques): Je vous remercie, M. le Président. M. le ministre, MM. les membres de la commission, je m'appelle Jacques Blain. Je pense que le président l'a dit tantôt. M'accompagnent aujourd'hui, M. Guzzo, à ma gauche, M. Gabbamonte et M. André Monette, à ma droite. Nous représentons un groupe de six exploitants indépendants qui possèdent 21 écrans au Québec. Je vais faire un peu l'historique et dire pourquoi nous nous sommes regroupés aujourd'hui. Les exploitants faisant partie de notre groupe avaient présenté individuellement des mémoires auprès de la commission et se sont quelque peu ravisés par la suite. Ils ont déposé un addenda à tous ces mémoires qui avaient été présentés de façon individuelle. Les positions qui y sont défendues sont communes à tous les exploitants. L'addenda a été déposé dans le but de permettre aux législateurs d'avoir une idée plus précise sur ce qu'on veut plutôt que des solutions divergentes.

Nous aimerions tout d'abord vous relire quelques passages des mémoires qui avaient été présentés par les exploitants. Je ne serai pas le porte-parole exclusif du groupe. Les gens avec moi liront à tour de rôle certains passages des mémoires qui avaient été présentés et, par la suite, je vous présenterai mon addenda.

En premier lieu, je tiens pour acquis que les membres ont déjà pris connaissance des mémoires qui ont été déposés, mais j'aimerais tout de même relire certains passages du mémoire qui a été déposé par M. Angelo Guzzo. Plus particulièrement en page 2, M. Guzzo dit: Deux grands circuits d'exploitation dans le domaine du cinéma s'assurent présentement l'exclusivité de tous les films susceptibles d'avoir un certain succès. L'exclusivité des meilleurs films étant donc réservée à ces deux grands circuits, le propriétaire indépendant doit souvent attendre pendant plusieurs mois afin de pouvoir obtenir un film à succès. Il faut toujours attendre que ces deux entités en

aient terminé de façon définitive avec le film avant de pouvoir le faire tourner dans sa salle de cinéma. Cette situation est inacceptable.

Je voudrais rappeler aux membres de la commission que, ce matin, il a été question d'un problème de salle pour distribuer les films. Selon nous, c'est un faux problème, parce qu'on revendique l'accessibilité aux films.

Un autre passage du mémoire de M. Guzzo, à la page 4: En 1975, je me suis, en quelque sorte, affilié à France Film que j'avais réussi à intéresser à la présentation de quelques films en primeur au cinéma Paradis. Les résultats que je comptais obtenir de cette affiliation ne furent pas aussi importants que je le croyais, puisque France Film connaissait elle aussi à cette époque certaines difficultés. Ainsi, l'approvisionnement de longs métrages à succès continuait et continue toujours d'être très limité. Par conséquent, en 1977, dans le but de rendre le cinéma Paradis plus rentable, j'ai décidé de le doter de deux salles de projection de plus. J'ai investi dans ce projet 340 000 $ et je n'ai jamais réussi à y trouver mon profit.

Par la suite, j'ai contacté un des grands circuits d'exploitation à plusieurs reprises afin de le convaincre de faire la programmation du cinéma Paradis. Enfin, à l'été 1979, le circuit en question a accepté ma proposition. Ainsi, je payais à cette dernière 500 $ par semaine et ce, dans l'unique but de pouvoir présenter de bons films susceptibles de rapporter les profits escomptés et de satisfaire le plus grand nombre de clients possible. Effectivement, durant les cinq premières semaines de janvier 1980, mon chiffre d'affaires brut fut de 65 000 $, alors que durant les cinq premières semaines de janvier 1981 mon chiffre d'affaires brut ne fut que de 25 000 $, mon association avec ce circuit étant terminée à cette époque. (15 heures)

À la fin de 1979, j'ai acheté le cinéma de Mascouche et j'ai conclu avec le même circuit une entente semblable à celle que j'avais contractée pour le cinéma Paradis concernant la programmation. Je payais, évidemment, une somme additionnelle de 400 $ par semaine à cette fin. Cette entente me permettait non seulement de faire un gros chiffre d'affaires et d'attirer beaucoup de clients, mais elle me permettait aussi de satisfaire toute la population environnante. Malheureusement, l'accord avec ce circuit se révéla d'assez courte durée. En effet, lorsque le circuit fit l'acquisition de deux ciné-parcs, il se désintéressa totalement des 900 $ par semaine que je lui versais. La programmation pour le compte des cinémas Mascouche et Paradis se révéla, dès lors, beaucoup moins raffinée, parfois même inexistante. D'un commun accord, nous avons donc brisé ce contrat.

Je réfère la commission à la page 8 du même rapport où il est intéressant de lire ceci à propos de "E.T.", puisqu'il en a souvent été question devant cette commission. "J'ai réussi a obtenir le film "E.T.", qui joue présentement en anglais dans un de mes cinémas, à Mascouche. Cependant, je ne peux absolument pas présenter ce film dans une de mes salles de cinéma à Montréal, puisqu'il joue actuellement dans différents cinémas appartenant à un des grands circuits. Je tiens à vous souligner qu'il existe actuellement, en versions anglaise et française, environ 35 copies de ce film. "Enfin, au cours du mois de juillet 1982, le distributeur du film "La maison du lac" m'a contacté afin de m'offrir deux copies de ce film, le grand circuit d'exploitation qui l'avait joué dans ses cinémas ayant décidé qu'il en avait terminé. Mon acceptation de ces copies ayant été confirmée, j'ai donc assumé le coût de la publicité dans les journaux, pour me faire aviser dès le lendemain, par le distributeur, que le grand circuit en question avait changé d'idée. En conséquence, j'ai dû fermer deux de mes salles à défaut de pouvoir programmer un autre film en temps utile. "Quelque temps auparavant, le film "L'enfant lumière" m'avait également été retiré à la dernière minute, parce qu'il a dû rejouer dans un cinéma appartenant à un des grands circuits d'exploitation où il avait déjà tourné une première fois."

Je vous prie de retenir que les exemples qui précèdent ne sont que quelques cas d'espèce qui reflètent une situation à laquelle nous, les propriétaires de cinémas indépendants, devons faire face quotidiennement. Nous sommes en fait tenus d'oeuvrer dans un milieu de contrainte et d'engagements brisés. Par exemple, actuellement je ne peux annoncer dans les journaux montréalais le film "E.T.", qui joue dans l'une de mes salles, à Mascouche, puisque ce même film est présenté en même temps à Montréal par un des grands circuits. De plus, il arrive régulièrement que les distributeurs nous promettent des films pour se décommander à la dernière minute en faveur des deux plus gros exploitants de salles.

Comme vous pouvez le constater, l'accès aux bons films est actuellement inexistant pour le propriétaire de cinéma indépendant. Il n'est pas normal qu'un exploitant indépendant ne puisse présenter, en même temps que les grands circuits d'exploitation, un long métrage recherché par le public. L'indépendant, par l'entremise du distributeur, se voit continuellement obligé de prendre les restes des deux grands et, si cette situation persiste, les indépendants vont tous fermer leurs portes.

Je vous reporte à la page 11. J'aimerais vous lire un autre extrait: "II ressort clairement de l'article 3.3 du projet de loi qu'un des objectifs prioritaires de cette loi est le développement d'entreprises québécoises indépendantes et financièrement autonomes dans le domaine du cinéma et de la vidéo. Bien entendu, cette politique alimente les espoirs des exploitants indépendants, mais force m'est de constater que les dispositions de ce projet de loi ne comportent aucune solution utile à rencontre des problèmes précis déjà exposés et contre lesquels nous devons lutter. En effet, il appert que cet objectif a été négligé en ce qui a trait aux propriétaires de salles de cinéma indépendants."

J'aimerais vous lire deux petits commentaires à propos d'autres articles du projet de loi. Si je comprends bien la portée de l'article 79 du projet de loi, en exigeant la présentation simultanée d'une version française et anglaise d'un film dont la langue est autre que le français, celui-ci aurait, entre autres, pour effet de mettre à la disposition des exploitants un plus grand nombre de copies de films. À première vue, je pourrais émettre l'hypothèse que les propriétaires indépendants bénéficieront de cette innovation. Par ailleurs, je suis d'avis qu'il en résulterait simplement qu'un plus grand nombre de copies de films seraient mises à la disposition des grands circuits et ce, à défaut de mesures législatives, prévoyant une distribution équitable de copies parmi tous les exploitants.

 propos de l'article 107, l'article 107 du projet de loi régissant les ententes entre exploitants et distributeurs et prévoyant une réglementation minimale sur le pourcentage de la recette brute réservée à chacun n'incitera pas non plus, à notre avis, les distributeurs à cesser de favoriser les grands circuits au détriment des exploitants indépendants.

En guise de conclusion - à la page 16 -messieurs, mesdames les membres de la commission, nous réitérons qu'il n'est pas normal qu'un propriétaire de cinéma indépendant ne puisse présenter en même temps que les grands circuits d'exploitation un long métrage recherché par le public.

J'aimerais vous lire également la conclusion du mémoire qui a été présenté par M. Jean-Guy Mathers, du ciné-parc Saint-Eustache, qui s'exprime ainsi. C'est à la page 2 du mémoire de 2 pages: "Nous espérons que nous saurons vous convaincre que les lois doivent être changées afin d'abolir ce pouvoir abusif de monopole que détiennent ces grandes corporations et pour redonner aux compagnies indépendantes le loisir d'entrer dans la compétition avec des chances plus équitables."

J'aimerais céder la parole à M. Gabbamonte qui vous lira son court mémoire.

M. Gabbamonte.

M. Gabbamonte (Sam): Bonjour, M. le ministre, M. le Président et autres membres de la commission, les médias ont consacré beaucoup de temps et d'espace, ces derniers mois, au phénomène cinématographique de la décennie: "E.T." On parle souvent de "E.T.", à ce qu'il semble.

Un public retrouve le chemin des salles en nombre jamais vu, des recettes records, le "pop corn" se vend à la tonne, le coke coule à flot. Un entrefilet du journal La Presse signale que même les municipalités profitent de cette manne inattendue par le biais de la taxe d'amusement. Une bonne affaire pour le cinéma! Je devrais plutôt dire pour les circuits des salles, car dans la situation actuelle, les propriétaires indépendants qui ont le malheur d'être sur le territoire que se sont octroyé Cinémas unis et Odéon, pourront finalement mettre la main sur une copie de ce film phénomène lorsque sera lancé "E.T. III".

La situation est tragique et ridicule. Maintes fois dénoncée, la main mise sur la circulation de films par les deux grands réseaux de salles n'a pas changé, et il n'y a rien dans le projet de loi no 109 qui semble indiquer une volonté de changement.

Nous ne pouvons lutter contre la coalition des distributeurs majeurs américains et des deux circuits Cinémas Unis et Odéon. Tout se passe à Hollywood et il est inadmissible que nous soyons systématiquement écartés de la mise en marché des films dans notre propre pays.

Combien de temps allons-nous encore tolérer cette situation de colonisés? Comme je le disais, nous ne pouvons lutter seuls. Notre unique force, c'est notre gouvernement. Si notre gouvernement ne réagit pas énergiquement, son inaction et son indifférence signifieront notre disparition rapide.

Ces propos que certains seront tentés de qualifier d'alarmistes ne le sont surtout pas pour quiconque a une connaissance le moindrement sommaire du cinéma. Notre situation est désespérée. Sans intervention, nous devrons nous résigner à programmer uniquement des films érotiques, quoique avec la concurrence que s'apprête à nous faire la télévision payante, cette solution semble des plus aléatoires.

Que faire d'autre? Transformer notre espace en entrepôt ou en magasin de meubles? Finalement, c'est ce qui nous semble la solution la plus réaliste.

M. le ministre, nous ne demandons pas grand-chose. Nous demandons seulement la chance de pouvoir programmer les films au même titre que Cinémas-Unis et Odéon. Dans une foule d'autres domaines, les petits indépendants peuvent rivaliser et offrir les mêmes produits et services que Steinberg,

Eaton, Simpson, Pascal et d'autres. Pourquoi pas nous?

M. le ministre, nous concluons en vous rappelant que nous ne voulons pas de subventions, pas de prêts ni d'aide. Nous ne voulons pas d'argent du gouvernement, nous voulons tout simplement des films. Merci.

M. Blain: M. Monette va vous citer quelques extraits de deux autres mémoires qui ont été présentés par M. Brouillette et M. Guilbert.

M. Monette (André): M. le Président, M. le ministre, Mesdames et Messieurs de la commission, je crois bien que vous avez pris connaissance du mémoire de Pont-Viau. Je vais tout simplement lire à la page 4 la conclusion.

En bref, je veux tout simplement que ce soit le public qui décide du sort de mon cinéma et non les deux grands circuits pancanadiens. Que le public décide si une salle lui convient, que le public décide si ma salle est propre, accueillante et confortable, que le public décide de l'utilité du service que j'offre. Pour ce faire, je dois absolument pouvoir programmer, dans des délais raisonnables, les films les plus récents.

M. le ministre, ces audiences sont finalement celles de la dernière chance pour les exploitants indépendants. J'espère de tout coeur que la nouvelle loi tiendra compte de notre situation.

Maintenant, je vais vous lire le mémoire du ciné-parc Sainte-Adèle; c'est tout court.

Un des grands principes qui sous-tend l'organisation même de tout notre système social est celui de la libre concurrence. Certes, nous sommes loin des grandes théories de Keynes, puisque l'État intervient de plus en plus dans tous les secteurs de l'économie.

Cette intervention, quoique contraire aux principes mêmes du libre marché, se fait fréquemment lorsqu'il y a disproportion entre les forces en présence et sert à rétablir un certain équilibre dans le marché.

Si nous sommes ici aujourd'hui, c'est justement que l'État s'apprête à intervenir dans un domaine économique et que nous devons sérieusement nous demander si nous souhaitons son intervention.

Par principe, notre position serait de demander à l'État de ne pas intervenir. Malheureusement, notre expérience dans l'exploitation d'un ciné-parc nous force à revoir notre position et à demander à l'État de prendre les dispositions nécessaires pour mettre un terme aux pratiques commerciales des "majors" américains. Ces pratiques découlent des liens occultes qui unissent ces "majors" aux succursales Cinémas Unis et Odéon.

Maintes fois dénoncées, ces pratiques sont connues de tous et consistent à limiter l'accès aux films à succès aux propriétaires indépendants. Par exemple, je ne peux mettre la main sur un film pour mon ciné-parc avant qu'Odéon n'ait présenté ce film. Pourtant, nos ciné-parcs sont situés dans des régions différentes, le mien est au nord de Sainte-Adèle, et le sien à Saint-Jérôme. Une trentaine de kilomètres séparent nos écrans.

Abusive, déloyale et carrément illégale, cette pratique commerciale doit être dénoncée, et comme il n'y a aucune concertation possible avec ces "majors" et les circuits, l'État doit prendre les mesures qui s'imposent pour briser ce cartel.

Les exemples de concertation entre Cinémas Unis, Odéon et les "majors" sont nombreux et bien documentés. Mes confrères, exploitants indépendants, en ont d'ailleurs soumis plusieurs cas à la commission Fournier.

Notre situation est sans issue et nous ne pouvons attendre indéfiniment une autre enquête. Vous devez agir et vite. Merci.

M. Blain: J'aimerais vous communiquer l'addenda qui a été déposé tout récemment auprès de la commission parlementaire, qui résume une position commune qui a été adoptée par ce regroupement spontané d'exploitants indépendants.

Depuis le dépôt de leur mémoire destiné à la commission parlementaire, six exploitants indépendants se sont regroupés pour présenter une position commune qui fait l'objet du présent document. Le projet de loi no 109 contient plusieurs dispositions touchant directement l'exploitation et la distribution. Nulle part, on n'y traite des difficultés d'approvisionnement en films. Pourtant, le problème est de taille, mais il y a divergence d'opinions quant aux solutions possibles. Devant une telle situation, les signataires du document ont senti le besoin de se concerter pour réclamer l'intervention du législateur. Par cet addenda, les exploitants indépendants tenteront de démontrer l'urgence et l'importance de prévoir dans la loi des pouvoirs particuliers concernant l'approvisionnement en films, quitte à différer quelque peu l'application des mesures concrètes.

De tous les mémoires présentés par les exploitants indépendants devant la commission parlementaire, il ressort clairement que leur situation actuelle n'a rien de reluisant. On peut parler de marasme économique qui varie de l'un à l'autre, selon l'endettement ou la capacité de survivre à des déficits accumulés. Pour plusieurs, il est déjà trop tard, ils ont dû fermer leurs portes. Le plus grand problème identifié par les exploitants indépendants réside dans l'approvisionnement en films rentables. La revendication n'est pas originale. Depuis plusieurs années, ils demandent que l'on

mette fin au monopole créé en faveur des circuits de salles de cinéma par les grandes maisons de distribution de films. Les solutions proposées ne manquent pas. Certains suggèrent la création de zone où l'exclusivité de la présentation d'un film serait assurée à une salle ou à un circuit de salles. En dehors de cette zone, sous réserve de la disponibilité des copies, le film pourrait être accessible à d'autres exploitants. D'autres croient en une formule plus coercitive. Les distributeurs seraient obligés de réserver un pourcentage prédéterminé des copies disponibles pour les exploitants indépendants.

La Commission d'étude sur le cinéma et l'audiovisuel s'est déjà penchée sur diverses hypothèses: un système d'enchère publique, un pourcentage des copies destinées aux exploitants indépendants ou encore un genre d'office de mise en marché. Aucune de ces formules n'a semblé, à la commission, pouvoir s'appliquer au Québec. La commission ne fait aucune recommandation et elle délègue à l'Institut québécois du cinéma le mandat de réévaluer le problème d'approvisionnement en films. S'il y a lieu, l'institut prendra les dispositions qui s'imposent. Les exploitants indépendants ne peuvent malheureusement pas attendre encore plusieurs années. Leur existence même est en jeu et toute mesure dilatoire risque de leur être fatale.

Nous souhaitons exposer rapidement à la commission parlementaire qu'il existe d'autres solutions que nous qualifierons d'intermédiaires. Sans déterminer de façon précise les modalités d'une intervention législative touchant à l'accessibilité aux films, il est possible d'énoncer une volonté politique de mettre fin aux abus et de se doter des outils pour le faire. (15 h 15)

Depuis plusieurs années, tous les intervenants de l'industrie cinématographique se sont prêtés à maintes consultations par des comités de toutes sortes. C'est peu de temps après l'adoption de la Loi sur le cinéma, en 1976, que les rondes de consultations ont débuté. Aussitôt mise en application, la loi de 1976 a fait la preuve de ses carences et de la nécessité d'adopter une loi dite loi-cadre qui régirait de façon cohérente l'ensemble des activités de l'industrie cinématographique québécoise.

La Commission d'étude sur le cinéma et l'audiovisuel a été la dernière création du processus de consultation.

Le rapport de la CECA, publié à l'automne 1982, est un document important en ce qu'il évalue très justement la problématique de notre cinématographie nationale. À preuve, la majorité des propositions formulées par les commissaires a obtenu l'assentiment de l'ensemble du milieu. Le législateur aussi reconnaît le bien-fondé des recommandations de la CECA, puisque le projet de loi à l'étude aujourd'hui reprend l'essence de ce rapport.

En ce qui concerne plus particulièrement les secteurs de l'exploitation et de la distribution, nous aimerions rappeler les constatations faites par la CECA. À la page 34 du rapport de la CECA, intitulé: "Une question de survie et d'excellence", les commissaires constatent qu'en 1979 65% des recettes-guichet au Québec étaient destinées aux quatre grands circuits suivants: Cinémas-Unis, Odéon, France Film et Cinévic.

Selon eux, deux raisons expliquent que les grands circuits détiennent une telle part du marché: premièrement, ces grands circuits sont souvent des organisations pancanadiennes qui possèdent les meilleures salles des centres urbains; deuxièmement, ces mêmes circuits pancanadiens bénéficient d'ententes privilégiées et exclusives avec les grandes compagnies américaines de distribution.

Et la commission de conclure: "Donc, pour les villes de Montréal et de Québec, cela signifie un monopole en première sortie non seulement sur le produit traditionnellement et internationalement le plus rentable, le film américain, mais sur la crème de la production mondiale dont ces "majors" acquièrent de plus en plus fréquemment les droits pour l'Amérique du Nord tout entière." Ceci est à la page 35.

La situation privilégiée des grands circuits porte de lourdes conséquences pour les exploitants indépendants. Les commissaires eux-mêmes en arrivent à des constatations des plus alarmantes. Je cite un extrait, à la page 35, du rapport de la commission Fournier: "Confinée de plus en plus exclusivement aux reprises dans les centres urbains de Montréal et de Québec, trop disséminée ailleurs au Québec pour tenir tête aux "majors" qui détiennent un quasi-monopole sur l'approvisionnement en films rentables, la majorité des petits exploitants indépendants québécois fait des chiffres d'affaires annuels dérisoires. Plusieurs d'entre eux sont d'ailleurs menacés de disparaître à brève échéance: dans les six premiers mois de 1982, 35 ont fermé leurs portes."

La fermeture d'une salle de cinéma représente beaucoup plus que l'échec financier d'un propriétaire de salle. C'est la menace de voir disparaître un réseau dont les ramifications véhiculent partout en province la culture cinématographique. C'est peut-être, à moyen terme, sonner le glas de tous les exploitants indépendants.

Le rapport Bredin, publié en France en 1981, disait: "Comme la fermeture de l'école est la fin du village, la dernière séance de cinéma est la mort du petit bourg."

Il serait injuste de ne pas reconnaître la pertinence des recommandations de la CECA en matière de distribution et d'exploitation. Nous ne prétendons pas non

plus que le projet de loi oublie les exploitants indépendants. Plusieurs des recommandations de la CECA trouvent leur écho dans le projet de loi. Par exemple, la recommandation de la CECA concernant la "canadianisation" des compagnies de distribution peut donner un nouvel élan aux relations entre distributeurs et exploitants. Elle est reprise à l'article 97 du projet de loi.

Cette autre recommandation de la CECA au sujet d'un programme d'aide automatique à la distribution et à l'exploitation, les exploitants en félicitent l'initiative. C'est le genre d'aide dont ils ont besoin pour améliorer leur salle. Même si le programme n'est pas spécifiquement prévu dans le projet de loi, la Société générale du cinéma et de la vidéo est dotée des pouvoirs nécessaires à sa mise en place.

Enfin, le pouvoir donné à la Régie du cinéma et de la vidéo de réglementer le plafond du pourcentage que peut exiger un distributeur mettra fin à des abus dont sont trop souvent victimes les exploitants indépendants. Malheureusement, malgré les tristes constatations de la CECA, malgré l'urgence de la situation, le projet de loi ignore complètement le problème de l'approvisionnement en films. Pourtant, c'est un problème qui nous semble préalable à la mise en oeuvre des dispositions du projet de loi concernant la distribution et l'exploitation. Si les exploitants indépendants disparaissent, il sera trop tard pour qu'ils profitent des programmes d'aide automatique. La Régie du cinéma et de la vidéo pourra toujours fixé des plafonds de pourcentage. Si les exploitants indépendants ne peuvent obtenir de films, l'exercice restera académique. Nous ne surprendrons personne en soulignant que la situation des exploitants indépendants au Québec ressemble étrangement à celle de leurs confrères d'autres pays.

Pour ne citer que la France, il est établi que les exploitants indépendants français survivent difficilement aux regroupements des circuits Pathé et Gaumont. L'État français a déjà tenté de limiter la puissance des grands de la distribution et de l'exploitation, par exemple, par sa commission de la concurrence ou par des ordonnances gouvernementales. Il subsiste certainement des difficultés. Nous ne suggérons pas d'importer le modèle français. Notre spécificité culturelle, géographique et démographique exigent des solutions originales. Face aux difficultés vécues par les exploitants, il nous faut trouver des solutions qui respectent la réalité de l'industrie cinématographique québécoise. Pour l'instant, les exploitants indépendants réclament l'énoncé d'une volonté politique claire et non équivoque de leur venir en aide.

Concernant l'accessibilité aux films, la Commission d'étude sur le cinéma et l'audiovisuel ne suggère aucune mesure à court terme pour venir en aide aux exploitants indépendants. Elle propose de s'en remettre au futur Institut québécois du cinéma pour qu'il prenne, dans les années futures, les mesures qui s'imposent. Les exploitants indépendants ne contestent pas l'analyse de la problématique faite par la commission. Par ailleurs, ils n'acceptent pas que l'on diffère encore une prise de position sur la question de l'accessibilité aux films. Le gouvernement québécois s'apprête à adopter une loi sur le cinéma. Il nous faut agir maintenant. La loi doit contenir une disposition spécifique permettant à la régie du cinéma et de l'audiovisuel d'intervenir dans le processus d'approvisionnement en films. Selon l'hypothèse de la CECA, l'institut pourra aviser des dispositions qu'il jugera alors nécessaires de prendre s'il y a lieu.

Si la loi ne prévoit pas à tout le moins un pouvoir de réglementation, seules des mesures administratives seront possibles. Quant à la possibilité d'amender la loi, nous connaissons tous les délais inhérents à une telle procédure. Succinctement dit, si, dans deux ans, l'institut suggère des mesures concrètes et précises pour réglementer l'approvisionnement en films, ces mesures resteront des voeux pieux parce que la loi n'aura pas prévu le pouvoir de les mettre en application. Il est d'usage, semble-t-il, de répondre aux récriminations des exploitants indépendants par un argument d'ordre constitutionnel. Depuis qu'ils réclament l'aide de l'État, on a souvent opposé aux exploitants, cependant, que le Québec ne pouvait légiférer en la matière, le commerce étant de la juridiction exclusive du gouvernement fédéral.

Nous trouvons important de discuter cette objection que nous croyons mal fondée. La constitution canadienne confie effectivement la juridiction sur les échanges et le commerce au Parlement fédéral. Parallèlement, les Législatures provinciales ont juridiction sur le droit civil et la propriété sur leurs territoires respectifs. À première vue, les deux juridictions semblent concurrentes. Les tribunaux ont du se pencher sur la question et ils ont clairement défini les limites du pouvoir fédéral, de telle sorte que les provinces puissent continuer à exercer pleinement leur juridiction. Depuis l'adoption de la constitution en 1967, d'abord, le Conseil privé, ensuite la Cour suprême du Canada ont confirmé que les provinces avaient toute autorité pour réglementer le commerce intraprovincial. On réserve au Parlement fédéral la juridiction sur le commerce interprovincial et international. Il est intéressant de citer deux arrêts récents de la Cour suprême du Canada

qui confirment la juridiction des provinces sur le commerce intraprovincial.

Dans les arrêts les Supermarchés Dominion, dans l'arrêt la Brasserie Labatt, rendus en 1980, la Cour suprême n'a pas hésité à déclarer invalides des lois du gouvernement fédéral qui réglementaient le commerce intraprovincial. L'opinion des constitutionnalistes est au même effet. Dans son étude sur le droit constitutionnel au Canada, le professeur Hogue, après une étude exhaustive de la jurisprudence, constate la juridiction des gouvernements provinciaux sur le commerce intraprovincial. Selon le professeur Hogue, le cinéma relève de l'autorité de la province comme faisant partie des pouvoirs réservés aux Parlements provinciaux. Le constitutionnaliste québécois, Gil Rémillard, dans son livre intitulé: "Le fédéralisme canadien" a consacré un chapitre aux communications. Il reconnaît au Québec une compétence législative totale et exclusive sur les films produits dans la province. Pour les films produits à l'étranger, il soutient qu'une province n'a qu'un pouvoir limité. La législation provinciale ne doit pas contredire une législation du gouvernement central. Dans ce cas, la loi fédérale aurait prépondérance. Il conclut en disant qu'une loi provinciale concernant le commerce cinématographique serait valide pour autant que son objet ne vise que des transactions ayant lieu entièrement dans la province.

La réserve émise par M. Rémillard sur les limites de la juridiction québécoise ne pose aucune difficulté. Il n'existe pas actuellement de loi fédérale relative aux relations contractuelles entre distributeurs et exploitants. Et même s'il en existait, nous sommes convaincus que la Cour suprême affirmerait l'autorité provinciale dans une telle matière qui n'a pas de portée extraprovinciale. Quoi qu'il en soit, les dispositions de l'article 107 du projet de loi se fondent sur le même pouvoir législatif que des dispositions éventuelles sur l'approvisionnement en films. Si le législateur québécois a pleine juridiction pour adopter l'article 107, aucun argument d'ordre constitutionnel ne peut plus être opposé aux exploitants indépendants.

Nous voulons parler d'un dernier type d'obstacle que nous qualifierons d'obstacle d'applicabilité. D'aucuns soulèveront que nous n'avons pas encore trouvé la façon de réglementer l'accessibilité aux films. La Commission d'étude sur le cinéma et l'audiovisuel n'a pu formuler de recommandations précises. Les exploitants indépendants avancent diverses hypothèses. Peut-être la spécificité de notre marché interdit-elle d'emprunter des solutions étrangères. Nous en convenons. La façon de réglementer l'approvisionnement en films reste à trouver. À ce chapitre, nous pouvons raisonnablement espérer que des projets de solutions verront le jour d'ici peu. Selon la suggestion de la CECA, l'institut devra se pencher sur la question. Il faut donc se réserver la possibilité de mettre en application le fruit de cette réflexion. Aujourd'hui, tout ce que les exploitants indépendants réclament, c'est que soit prévue dans la loi sur le cinéma la possibilité de réglementer l'approvisionnement en films. L'objection de la formule à découvrir ne saurait constituer une fin de non-recevoir aux demandes des exploitants indépendants.

Les exploitants indépendants recommandent donc d'inclure dans la nouvelle loi sur le cinéma une disposition conférant à la Régie du cinéma et de la vidéo le pouvoir de réglementer l'accessibilité aux films. Rien ne s'oppose à l'addition dans la loi d'une telle disposition, ni les arguments d'ordre constitutionnel ni les arguments d'applicabilité. Parfois, la seule existence d'un pouvoir de réglementation dans une loi porte des effets dissuasifs qui incitent les parties à régler elles-mêmes leurs différends. La menace d'une intervention de l'État dans un secteur constitue en elle-même une thérapie. L'obligation pour la Régie du cinéma et de la vidéo de tenir des audiences publiques fournit, selon nous, une autre garantie que les pouvoirs qui lui sont confiés seront utilisés à bon escient. Tout comme dans le cas de l'article 107, il est impensable que la régie établisse une réglementation qui soit invivable pour les intéressés. Ce que réclament aujourd'hui les exploitants indépendants s'inscrit nécessairement dans la logique du projet de loi. Préalablement aux pouvoirs confiés à la Régie du cinéma et de la vidéo d'établir des pourcentages maxima exigibles d'un distributeur, il nous semble logique de permettre aux exploitants d'avoir accès aux films. Le problème des pourcentages abusifs ne survient qu'après avoir obtenu le droit de projeter un film.

Question de survie également. Si le problème de l'accessibilité aux films ne trouve pas rapidement de solution, il n'y aura plus d'exploitants indépendants qui pourront profiter d'une réglementation disposant du partage des recettes-guichet. Personne ne conteste l'existence d'un grave problème pour les exploitants indépendants. Ils sont en droit de réclamer l'expression d'une volonté politique claire de leur venir en aide. Concrètement, l'expression de cette volonté politique doit s'exprimer par le pouvoir donné à la Régie du cinéma et de la vidéo de réglementer l'approvisionnement en films. Si, en 1983, la nouvelle loi sur le cinéma ignore ce problème particulier auxquels sont confrontés les exploitants indépendants, il faudra attendre plusieurs années avant que la loi ne soit amendée. Pour nombre d'entre eux, il sera déjà trop tard.

Cet addenda s'inscrit dans l'idée de ne pas rater le bateau législatif qui passe actuellement. Si vous oubliez les exploitants indépendants, si on oublie de parler du problème de l'approvisionnement en films, cela va poser des problèmes tellement vitaux et essentiels à plusieurs d'entre eux qu'ils vont disparaître.

C'était l'essentiel du message que nous avions à vous livrer. Nous serons heureux de répondre à vos questions. Je vous remercie. (15 h 30)

Le Président (M. Paré): Merci, messieurs. S'il y a des questions, la parole sera d'abord au ministre des Affaires culturelles.

M. Richard: M. le Président, mes premiers mots vont être pour remercier les représentants des exploitants indépendants pour la qualité de leur mémoire et la sérénité de leurs propos, malgré la situation qu'ils vivent et qui manifestement n'est pas très agréable.

J'aimerais formuler une question à n'importe quel d'entre vous, peut-être M. Blain. Je pense qu'il serait intéressant, pour les membres de la commission parlementaire, que vous fassiez une description sommaire de la situation qui prévaut en matière d'exploitation de salles. Vous avez parlé des quatre grands - si je peux m'exprimer ainsi -Cinémas Unis, Odéon, France Film et Cinévic et, bien sûr, des exploitants indépendants. Pourriez-vous préciser les chiffres approximatifs, à tout le moins, en ce qui a trait, par exemple, au nombre de salles et d'écrans possédés par les uns et les autres ou sous le contrôle des uns et des autres.

M. Blain: Là-dessus, j'aimerais laisser la parole à M. Guzzo. Votre question est à deux volets, si j'ai bien compris, il pourra vous faire un exposé de la situation des exploitants indépendants.

Juste un petit commentaire, c'est sans doute le hasard qui fait bien les choses. On a trouvé amusant que, ce matin, on nous parle d'un problème de salles, alors que, cet après-midi, nous vous parlons d'un problème de films. Il y a quelqu'un qui ne dit pas la vérité. Je ne sais pas si c'est nous, mais en tout cas, je laisse répondre M. Guzzo.

M. Guzzo (Angelo): Je n'ai pas bien compris la question. Vous voulez savoir combien il y a d'écrans dans les Cinémas Unis au Québec?

M. Richard: C'est cela.

M. Guzzo: Et combien de salles appartiennent aux cinémas Odéon?

M. Richard: Odéon, France Film,

Cinévic et les exploitants.

M. Guzzo: Le problème est que cela concerne l'agglomération de Montréal et c'est surtout Cinémas Unis et Odéon. Remarquez que je pourrais me tromper...

M. Richard: Approximativement.

M. Guzzo: ...mais c'est environ 45 écrans pour les Cinémas Unis et 30 pour les cinémas Odéon. Mais peut-être quelqu'un d'autre pourrait-il vous le dire plus exactement que moi, je n'ai jamais compté combien il y en a, mais c'est à peu près la situation.

M. Richard: Mais, dans la même région, combien d'exploitants indépendants?

M. Guzzo: Comme nous venons de vous le dire, nous représentons 22 écrans de propriétaires indépendants de l'agglomération montréalaise.

M. Richard: Je vais, pour le moment, céder la parole à d'autres intervenants.

Le Président (M. Paré): La parole est maintenant au député de Marquette.

M. Dauphin: Merci, M. le Président. Je tiens également, au nom de l'Opposition, à vous remercier pour la présentation de votre mémoire et vous dire le grand intérêt ressenti par nous tous à l'égard de votre problème.

J'aimerais juste bien comprendre disons que le ministre m'a un peu volé ce que je voulais vous demander - en pratique, comment cela fonctionne. Si je comprends bien, les grands distributeurs américains, les "majors" ont des espèces d'ententes avec les grands circuits pour la distribution des films?

M. Guzzo: Chaque lundi matin on fait la programmation et on décide ce qu'on va passer le vendredi prochain, parce que c'est à chaque vendredi qu'on change le programme. Donc, les lundis matins, nous sommes pris au téléphone pour savoir ce qu'il y a de disponible. Il faut attendre qu'un film cesse de passer dans un cinéma Odéon ou une salle des Cinémas Unis pour l'avoir. Comme le disait M. Hurtubise tout à l'heure, il arrive parfois qu'on ait ce film trois semaines plus tard parce que le film n'a connu aucun succès, mais il peut arriver qu'après deux ans, un film tienne encore l'affiche dans une des salles des Cinémas Unis ou Odéon et, nous, nous ne l'aurons pas. Même si le film est passé dans une petite salle de 100 sièges des Cinémas Unis ou Odéon dans l'agglomération montréalaise, nous ne pouvons pas avoir ce film. Si on les appelle pour avoir ces films, ils nous rient

en pleine figure comme si on demandait la lune. On nous répond: Qu'est-ce que vous dites là? Vous savez très bien que c'est ainsi que cela se passe. C'est une chose acquise. Si j'appelle un distributeur pour avoir tel film et qu'il est à l'affiche d'un cinéma Odéon, il ne me prend pas au sérieux.

M. Dauphin: Autrement dit, dès le départ les grands distributeurs se trouvent à privilégier les grands circuits.

M. Guzzo: Je peux vous dire même plus. Souvent, il arrive que Cinémas Unis ont terminé avec un film et on le retire du marché. Il suffit seulement que Cinémas Unis ou les cinémas Odéon promettent de le reprendre six mois plus tard pour que les films retournent sur les tablettes. Je peux vous donner beaucoup d'exemples. On a retiré les films du marché pour les remettre à nouveau à l'affiche et encore, sur les écrans du circuit Odéon ou ceux des Cinémas Unis. Ils nous arrivent quand réellement il ne nous reste plus rien et c'est là qu'on nous reproche qu'à notre salle, ils ne gagnent pas d'argent. Dans des conditions pareilles, il est impossible de faire de l'argent. Pourtant, dans ma situation, à moins qu'il y ait un prix spécial... J'ai déjà projeté des films en primeur avec cette compagnie. Pour autant que je payais 500 $ seulement pour le cinéma Paradis et 400 $ pour le cinéma de Mascouche, on m'a donné ces films. Alors, j'ai donné des recettes très intéressantes à cette compagnie quand on m'a donné la possibilité de jouer ces films. Il faudrait payer 900 $ par semaine au cinéma Odéon pour avoir la possibilité d'y jouer ces films. Quelquefois, je vais en projeter quelques-uns en primeur et d'autres, quelque deux ou trois semaines plus tard, mais cela me donnait la possibilité de projeter. Souvent, si on fait des comparaisons - j'ai tous les règlements qu'on a adoptés à l'époque - dans mes salles, on gagnait plus d'argent que pouvait en gagner le cinéma Bonventure. Prenons un cas spécifique, "L'Express de Minuit", en collaboration avec le cinéma Odéon, j'ai eu la possibilité de pouvoir le projeter en même temps qu'il jouait dans la salle du cinéma Odéon. Dans ma salle, dans l'est de Montréal, on gagnait plus d'argent qu'il n'en gagnait au cinéma Bonaventure. J'ai gardé ce film à l'affiche pendant quinze semaines.

M. Dauphin: Autrement dit, pour bien comprendre, si on privilégie dès le départ les grands circuits pour la distribution et qu'on ne vous appelle pas, c'est parce qu'il y a une raison bien évidente. Selon moi, c'est parce qu'ils leur donnent plus d'argent. C'est pour cela qu'ils ne vous contactent pas.

M. Guzzo: Mais nous n'avons rien à faire avec les privilégiés. Ces deux circuits font certaines pressions sur les distributeurs. Peu importe si ce sont des distributeurs américains, québécois, mais ils font pression sur tous les distributeurs de sorte que si un film joue dans une de leurs salles, il ne faut pas qu'on l'ait. Naturellement, un distributeur... Si un film est à l'affiche au cinéma Parisien et que je veux le projeter dans une de mes salles à Saint-Léonard ou dans l'est de Montréal, les Cinémas Unis ou le cinéma Odéon dira: Bon, si tu le donnes au cinéma Astre, on l'enlèvera du cinéma Parisien. C'est normal que le cinéma Parisien, là où il est placé peut encore gagner 10 000 $ en recettes pendant que je peux en gagner 2000 $, 3000 $ ou 4000 $, cela dépend. Donc, les distributeurs sont coincés de la façon qu'ils subissent cette situation eux aussi.

M. Dauphin: Justement, c'est une question d'argent. Mais vous aviez avant une espèce de "deal" avec eux.

M. Guzzo: C'est cela. Pendant huit mois, j'ai payé des frais de programmation à la compagnie Odéon pour avoir accès à ce produit le plus tôt possible. Pendant huit ou neuf mois, l'affaire a fonctionné. Durant cette période, j'ai donné des recettes assez intéressantes. Souvent, on fait des comparaisons de mes salles avec celles qu'il y a au centre-ville, mais ils ne font jamais de comparaison de mes salles avec ce qu'ils ont à Brossard, à Laval ou aux alentours. On fait une comparaison entre ma salle et la meilleure salle qu'ils ont au centre-ville. Pourtant, je sais très bien que ce n'est pas une comparaison qui tient debout. Je sais aussi que dans mes salles, on peut faire aussi bien que celles des cinémas de Brossard, de Laval et des alentours.

M. Dauphin: J'ai cru entendre que vous aviez avant... Je ne me souviens plus, on l'a dit tantôt assez rapidement; pour quelle raison est-ce que vous n'avez plus cette entente?

M. Guzzo: Ce qui est arrivé. Je pense - c'est une supposition personnelle - qu'à l'époque le cinéma Odéon n'était pas nécessairement intéressé à 1900 $ par semaine, mais il se servait de mes salles pour monopoliser encore plus le produit et l'empêcher d'aller aux ciné-parcs Laval et Boucherville qui, à l'époque étaient la propriété d'un certain M. Coisac si je ne me trompe pas. Donc, tant qu'ils n'ont pas acquis cette salle avec les miennes, cela permettait de monopoliser davantage le produit. Une fois qu'ils eurent acquis ces ciné-parcs, mes salles ne les intéressaient plus; ils n'avaient pas le temps de s'en occuper. J'ai dû leur demander. Dans ces conditions, on m'a enlevé 900 $ et on ne

m'a rien donné en retour et c'était préférable. On avait une entente qui aurait dû durer un an et j'ai préféré en terminer avec cette entente avant le temps, même si je perdais les 900 $.

Ce que je tiens à souligner, c'est que je comprends très mal pourquoi un distributeur qui ne veut pas nous donner les films... Si, on achète demain matin mes salles ou celles du cinéma Odéon ou des Cinémas Unis - ils les achèteront un jour ou l'autre parce que je n'ai pas le choix - dans cette salle, ils projetteront tous les meilleurs films. Je peux vous citer un exemple. Dans certains cinémas de Montréal, présentement, on a de très petites salles. L'une de ces petites salles a peut-être 100 sièges, une autre en a 160; cela fait quelques mois qu'Odéon les a prises mais présentement ils jouent tous les films qu'il faut jouer, et les propriétaires de cinémas de Montréal et un autre propriétaire de cinéma indépendant dans les mêmes conditions que nous...

M. Dauphin: Je vais laisser la chance à d'autres, je reviendrai tantôt.

Le Président (M. Paré): M. le ministre.

M. Richard: J'aimerais vous poser une question additionnelle. Les "majors" américains, ce matin - je ne sais pas si vous étiez présent...

M. Guzzo: Oui, j'étais là.

M. Richard: ...affirment, dans leur mémoire, que si elles ne doublent pas au Québec, c'est qu'il n'y a que 280 salles de cinéma et donc qu'il manque de salles. Je cite: "Le Québec ne comptant que 280 salles commerciales de cinéma, il n'est pas toujours possible, loin de là, de présenter en même temps plusieurs copies d'un film en raison de la non-disponibilité des salles." Est-ce que vous et vos collègues seriez disposés à présenter dans vos salles des copies doublées des films?

M. Guzzo: Certainement.

Le Président (M. Paré): M. Blain.

M. Blain: Au niveau de la problématique, M. le ministre, je pense que c'est reconnu mondialement. Je reporte les membres de la commission au rapport Fournier. L'étude de la situation qui en a été faite nous semble assez juste. Là où il y a un problème, c'est qu'on n'a suggéré aucune solution à court terme. Il nous semble de la plus grande importance de prévoir quelque chose à court terme.

Finalement, le problème des pourcentages est secondaire par rapport au problème de l'approvisionnement. Comme je le disais dans mon mémoire, dans la logique du projet de loi, il serait normal, avant qu'on régisse les pourcentages, avant qu'on donne des subventions, avant qu'on instaure des programmes d'aide directe aux distributeurs et aux exploitants, qu'on leur donne des films. Cela semble fondamental, pourtant il y a comme un petit trou dans le projet de loi. Cela nous semble très important qu'on prévoie quelque chose à ce titre. La formule pour réglementer, on ne l'a pas trouvée. On est tous d'accord avec cela, mais on peut la trouver d'ici trois ans.

Je répète encore ce que j'ai dit tantôt. Actuellement, on est dans une situation bizarre. Enfin, la commission d'étude Fournier dit: II y a un problème majeur. On le délègue à l'institut. Nous pensons que dans deux ou trois ans l'institut va nous dire: Effectivement, il y a un problème et nous suggérons telle ou telle solution. On ne pourra rien faire, on aura raté le bateau. Ce n'est rien que d'inclure dans la loi aujourd'hui une disposition comme celle-là. Elle existe déjà à l'article 107.

M. Richard: Si j'ai bien saisi, cela a pour conséquence que vous êtes obligés -vous me corrigerez si je me trompe - assez fréquemment de présenter des films de qualité inférieure ou des films qui connaissent un moins grand succès.

M. Blain: De façon plus générale, les exploitants indépendants présentent des films sur lesquels ils peuvent mettre la main, cela se résume aussi facilement que cela.

M. Guzzo: ...c'est en fonction de ce qu'on peut avoir, on ne sait jamais. Souvent, je mets un film à l'affiche et le client me demande quand je vais le faire passer. Qui sait? Le bon Dieu? On ne sait jamais. Cela dépend quand il aura fini d'être présenté chez Odéon. Si un film obtient un succès, cela peut prendre deux ans avant qu'on l'ait, c'est cela le problème.

M. Fournier, dans ses recommandations, nous explique que le système... Moi, je vais suggérer un système de pourcentage pour les indépendants. Là il nous dit que ce n'est pas applicable, mais ne nous explique pas pourquoi ce n'est pas applicable. J'aimerais bien qu'il m'explique un peu pourquoi ce n'est pas applicable. On parlait de pourcentage. Je comprends mal pourquoi, si un film est sorti en huit copies, on ne pourrait pas avoir une de ces huit copies pour qu'on puisse se la passer entre nous? Peu importe si je l'ai un temps limité, disons deux ou trois semaines et ensuite je pourrai la passer à mon collègue et à un autre, etc. Le dernier qui l'aura, c'est toujours bien mieux qu'il l'ait deux mois après plutôt que huit mois. Il l'aura beaucoup plus tôt qu'auparavant.

II suffirait qu'on mette une copie de plus à notre disposition et on saura bien s'entendre.

M. Richard: Vous dites, M. Guzzo, que vous n'avez aucune sécurité en ce qui a trait à l'approvisionnement en films. Comment faites-vous pour faire votre publicité, pour annoncer que vous allez présenter tel ou tel autre film?

M. Guzzo: On sait le lundi matin ce qu'on peut présenter. Donc, le lundi, je sais si je présente tel film ou si je ne le présente pas.

M. Richard: Quand?

M. Guzzo: Le lundi. (15 h 45)

M. Richard: Vous savez le lundi que vous allez présenter un film, mais à quel moment?

M. Guzzo: Le vendredi qui s'en vient. M. Richard: Le vendredi.

M. Guzzo: Parfois même, comme je le citais dans le cas de "La maison sur le lac", le lundi matin, je suis contacté par le distributeur, par le gérant, M. Hurtubise -qui était ici ce matin - pour me faire dire qu'il y a enfin deux copies qu'il peut me donner. Lundi, il me promet les deux copies. Je fais mon budget publicitaire. Je décide de la grandeur de l'annonce dans le journal, etc. Le mardi matin, à 10 heures, il m'appelle pour me dire qu'il a de mauvaises nouvelles pour moi. Cela veut dire que le cinéma Odéon a décidé de retenir le film au cinéma Champlain. Je suis pris à ce moment.

Dans l'après-midi, j'appelle le programmateur du cinéma Odéon et je lui dis: D'accord, il y a deux copies; donc, tu prends une copie pour le Champlain, tu n'en as besoin que d'une. Tu pourrais me donner l'autre copie pour l'est de Montréal. Cela fait cinq mois que tu as le film. Ce n'est pas la grosse foule de l'est qui va venir au Champlain cette semaine. Il dit: Non, c'est une question de principe. On ne veut pas créer un précédent, on ne peut pas te donner le film. On se laisse sur cela à 16 h 30 pour y repenser et il me dit qu'il me rappellera le mercredi pour trouver une solution à tout cela.

Le mercredi, il ne m'appelle pas. Moi aussi, j'ai ma fierté, je n'appelle pas, je ne veux pas demander la charité. Je décide de fermer mes salles. Cette semaine, dans le Journal de Montréal et dans la Presse, mon annonce sort disant que je me soucie de mes clients, mais le film tel qu'annoncé dans l'horaire - parce qu'il est déjà trop tard pour changer l'horaire et qu'il y a beaucoup de gens qui suivent les horaires pour aller au cinéma... Je me soucie de mes clients, mais à cause de la situation monopolistique des deux chaînes de cinéma, je ne pourrai avoir les deux films.

Des situations comme celles-là arrivent assez souvent. Il arrive même parfois que j'aie un film, comme c'est arrivé il y a trois ou quatre semaines, par exemple, le film "Blade Runner"; le distributeur de Warner Bros. a décidé de me le donner. Il a fait une erreur, parce qu'il s'est adonné que ce même film était présenté dans un cinéma de Montréal, autrefois un cinéma indépendant. Donc, pendant qu'il est présenté au cinéma de Montréal, je ne pourrai présenter le film "Blade Runner". J'ai été obligé de retirer le film du cinéma Paradis. La deuxième semaine, je n'ai pas pu le présenter. Le distributeur s'est fait engueulé par ses "boss" de Toronto parce qu'il m'avait donné un film pendant que celui-ci était présenté dans les salles de l'Odéon. Des situations comme celle-là arrivent très souvent. Peut-être que vous avez de la difficulté à me croire, mais c'est la pure réalité, vous pouvez me croire.

M. Richard: Avez-vous remboursé vos frais de publicité?

M. Guzzo: Je n'ai pas demandé d'être remboursé non plus, parce que je suis quand même toujours là. Mais avec ce que j'ai dit ici aujourd'hui, je ne sais pas ce qui va arriver lundi prochain. Lundi prochain, il va me refuser le film. Je vais être obligé de fermer. C'est la vérité. Cela dépend... Je ne peux pas...

M. Richard: Je n'ai pas d'autres questions.

Le Président (M. Paré): M. le député de Marquette.

M. Dauphin: En conclusion, je ne sais pas si vous avez convaincu le ministre, mais je pense que du côté de l'approvisionnement en films il y a un problème sérieux. Ce que vous demandez finalement, c'est un pouvoir réglementaire au niveau de la régie, le pouvoir de réglementer au niveau de l'approvisionnement. Évidemment, comme je l'ai dit hier, sans vouloir abuser du temps de la commission, c'est sûr qu'on peut faire pression, on peut demander des choses au même titre que vous, étant dans l'Opposition, comme vous le savez. Je voudrais juste savoir si le ministre va prendre en considération l'essentiel de votre mémoire, en prendre bonne note et savoir s'il a l'intention éventuellement d'ajouter foi à votre mémoire.

M. Richard: Je vais répondre immédiatement, cher collègue, que je vais

prendre la recommandation des exploitants indépendants en très sérieuse considération. C'est encore plus que prendre bonne note, M. le député de Saint-Henri.

Le Président (M. Paré): Messieurs, je vous remercie de votre présentation et d'avoir accepté de répondre à nos questions.

J'inviterais maintenant l'organisme suivant à prendre place ici à l'avant. Il s'agit de l'Association québécoise des industries techniques du cinéma et de la télévision Inc.

Bienvenue à la commission. Je vous demanderais de vous présenter. La parole est à vous.

Association québécoise

des industries techniques du cinéma

et de la télévision Inc.

Mme Lauzon (Hélène): Bonjour. Je suis Hélène Lauzon, présidente de l'Association québécoise des industries techniques du cinéma et de la télévision Inc. Je voudrais tout d'abord vous remercier de nous avoir permis d'exprimer notre point de vue sur le projet de loi no 109. Je vais vous faire la lecture de notre mémoire et j'aimerais, si possible, ajouter ensuite quelques commentaires à ce mémoire. Je serai à votre disposition pour les questions.

Ce mémoire a été préparé par l'Association québécoise des industries techniques du cinéma et de la télévision Inc., qui regroupe la totalité des sociétés québécoises de doublage et les laboratoires associés à cette activité.

Il se veut notre réponse aux conséquences du projet de loi no 109.

Dans les chapitres suivants, nous vous donnerons la composition de notre association et vous démontrerons son importance financière. Nous allons expliquer la situation actuelle du doublage et démontrer ses possibilités financières, expliquer pourquoi nous croyons que le projet de loi no 109 est insuffisant et, finalement, soumettre nos recommandations.

Les membres de notre association sont sept sociétés québécoises qui, pour la plupart, travaillent depuis de nombreuses années dans l'industrie du doublage. Vous trouverez le nom et l'adresse de ces sociétés ainsi que le nom de leurs principaux représentants ci-après. Les maisons sont: Bellevue Pathé, Ciné-Groupe, Cinélume, Ciné-Sync, Sonolab, Synchro-Québec et Télé-Montage.

La situation actuelle de l'industrie québécoise du doublage. Les sociétés membres représentent les plus importantes compagnies de doublage au Canada. Elles fournissent de l'emploi à plus de 150 personnes à temps plein. Quelque 350 autres résidents québécois tirent annuellement du travail qu'ils exécutent pour ces sociétés soit une part importante, soit l'essentiel de leur revenu.

Les studios de doublage, en effet, procurent du travail à toute une gamme de professionnels et de techniciens: traducteurs-adaptateurs, détecteurs, calligraphes, monteurs, directeurs de plateaux, ingénieurs du son, projectionnistes et comédiens. Pour certains métiers spécialisés, il s'agit même là d'une source d'emploi exclusive.

Globalement, les activités de doublage, de sous-titrage et les activités connexes de laboratoire représentent annuellement au Québec un chiffre d'affaires de 2 500 000 $, dont 1 900 000 $ sont affectés aux salaires et aux cachets. Ce chiffre d'affaires porte sur l'ensemble du doublage toutes catégories, cinéma et télévision, réalisé au Québec.

Par rapport au nombre de films doublés qui sont exploités en salles au Québec, la part du marché du doublage impartie à l'industrie québécoise n'excède pas 7%. En effet, sur environ 300 longs métrages exploités annuellement au Québec en langue française, 275 sont doublés en France, et sur environ 200 longs métrages exploités annuellement au Québec en langue anglaise, 190 sont doublés ou sous-titrés à l'étranger.

Il s'ensuit que la quasi-totalité des films exploités au Québec, doublés ou sous-titrés, le sont à l'étranger, et plus particulièrement en France qui jouit, grâce à des mesures législatives protectionnistes, d'un véritable monopole en matière de doublage vers le français. Il est important de noter, à cet égard, que depuis 1949, la France s'est dotée d'instruments législatifs portant obligation aux distributeurs désireux d'exploiter un film en territoire français d'en faire réaliser le doublage et le sous-titrage en France. Ultérieurement, cette restriction a été révisée et adaptée en fonction des accords sur la libre circulation des biens et des personnes dans le cadre de la communauté économique européenne.

Compte tenu de l'importance numérique du marché français, de la réglementation coercitive relative à la postsynchronisation et compte tenu du défaut d'une réglementation de même nature au Canada ou au Québec, il va de soi que tout distributeur soucieux de s'assurer une exploitation internationale en version française se conforme à la loi française. Ce faisant, le distributeur peut ainsi non seulement exploiter son film en France, mais a tout le loisir d'utiliser la même version dans l'ensemble des pays partiellement ou entièrement francophones, y compris le Québec.

Il ressort de cette situation que l'industrie québécoise du doublage se trouve lésée d'un marché multi-millionnaire auquel l'accès lui est pratiquement interdit, en raison de lois et de règlements imposés dans un autre pays, au profit des sociétés et

professionnels de ce pays. Dans les circonstances, il n'est pas excessif de faire référence à un état de colonisation, puisque cette pratique se fait au détriment des intérêts québécois, à la fois sur le plan du développement culturel et sur celui du développement économique. De telle sorte que l'activité du doublage au Québec se trouve plafonnée, sans perspective de croissance et, de ce fait, menacée non seulement dans son développement, mais dans son existence même.

À l'heure actuelle, le revenu qu'engendre l'activité domestique du doublage de film présenté en salle au Québec se chiffre, toutes choses étant prises en compte, par moins de 500 000 $ par an. Or, par rapport au volume de longs et courts métrages exploités annuellement au Québec en version doublée, l'appropriation du doublage par les sociétés québécoises représenterait - en se fondant sur les données du Bureau de surveillance du cinéma pour les années 1978-1979, 1979-1980 - en une augmentation du chiffre d'affaires d'environ 13 000 000 $ dont près de 10 000 000 $ seraient versés en salaires ou cachets aux artistes, techniciens, professionnels de studio et laboratoires.

À titre indicatif, le tableau de la répartition du revenu de 13 000 000 $ se présente comme suit: 25% aux comédiens: 3 250 000 $; 9% aux adaptateurs: 1 170 000 $; 6% aux détecteurs calligraphies: 780 000 $; 6% aux assembleurs monteurs: 780 000 $; 17% aux studios, ingénieurs du son, directeurs de plateau, projectionnistes: 2 210 000 $; 10% aux laboratoires: 1 300 000 $; 12% à l'administration: 1 560 000 $; 15% profits avant impôt: 1 950 000 $.

Les objectifs du projet de loi no 109 étant, entre autres, le développement d'entreprises québécoises indépendantes et financièrement autonomes, l'association est d'avis que l'article 79 ne contient aucune mesure permettant d'atteindre cet objectif. Cet article assure la sortie simultanée -français, autres langues - des films présentés sur nos écrans. Mais pour atteindre ce but, il retire virtuellement l'industrie du doublage des mains des Québécois. En effet, quel distributeur québécois ou canadien assumera les frais d'un doublage au Québec quand il n'aura qu'à attendre la version doublée réalisée ailleurs pour pouvoir exploiter son film sur notre territoire?

Puisque tous les efforts déployés dans le passé par notre industrie, par l'ensemble de nos partenaires et par le gouvernement québécois pour obtenir une juste part du marché du doublage se sont toujours révélés vains, nous recommandons que, en conformité avec les objectifs d'affirmation culturelle et économique du gouvernement, l'obtention d'un visa d'exploitation de tout film étranger au

Québec soit désormais conditionnel à un doublage réalisé au Québec ou au Canada.

Je voudrais, si vous me permettez, ajouter quelques commentaires à la suite des interventions de ce matin. La situation, aujourd'hui, en 1983, de notre industrie, qu'est-ce que c'est? En ce qui a trait au doublage de longs métrages, l'an passé, en 1982, nous avons réalisé environ 25 doublages de longs métrages. La plupart étaient ou des films sans intérêt pour les Français, du genre de "Polyester", "Chea and Chong", des choses comme celles-là, ou des films érotiques.

Pour ce qui est des doublages pour la télévision, sur plus de vingt séries américaines à l'affiche à Radio-Canada ou à Télé-Métropole, cinq étaient doublées ici. Quant à Radio-Québec, il a donné en contrats de doublage à notre industrie, la magnifique somme de 77 000 $ l'an passé.

La situation actuelle est à ce point critique que la plupart des maisons de doublage et des laboratoires ont été obligés de faire de nombreuses mises à pied dans leur personnel. Parmi les comédiens qui se spécialisaient dans le doublage, plusieurs ont vu leurs revenus fondre de façon dramatique. Quant aux techniciens spécialisés, détecteurs, calligraphes, traducteurs, qui sont tous des travailleurs autonomes, donc n'ayant pas droit à l'assurance-chômage, plusieurs d'entre eux ont eu le bonheur de découvrir ce que c'était être bénéficiaire de l'assurance sociale.

Pendant ce temps, sur nos écrans, on présentait 431 films doublés ou sous-titrés en français et en anglais. De ce nombre, 31 étaient des films canadiens qui, pour la presque totalité, sont doublés en France. Il ne faudrait pas oublier que le pays qui fait le doublage fait aussi le tirage des copies de ce doublage.

Le Bureau de surveillance du cinéma a visé, l'an dernier, 6 500 000 mètres de pellicules 35 millimètres. Les laboratoires québécois n'ont pas tiré plus de 5% de ces 6 500 000 mètres de film.

Depuis 1972 - comme je l'ai déjà dit -notre association et les gouvernements québécois ont tenté de négocier avec la France une entente qui nous permettrait d'obtenir notre juste part du marché du doublage. Nous nous sommes toujours heurtés à un refus catégorique de la part du gouvernement français, celui-ci invoquant les pressions des comédiens et des syndicats français pour ne pas négocier avec nous. Cela revient à dire que les syndicats et les comédiens français décident du sort de notre industrie. Nous sommes convaincus que la loi que nous demandons est le seul moyen qui amènera la France à enfin négocier des ententes qui nous permettront d'obtenir une part équitable du marché du doublage. Merci. (16 heures)

Le Président (M. Paré): La parole est

maintenant à vous, M. le ministre.

M. Richard: Je voudrais, d'abord, remercier Mme Lauzon et immédiatement lui poser une question. Votre mémoire ne fait pas état des copies de films qui sont tirées par les laboratoires. Est-ce que les copies des films exploités au Québec sont, en fait, tirées ici à votre connaissance?

Mme Lauzon: Non. Si on regarde les chiffres du rapport annuel du Bureau de surveillance du cinéma, ils ont visé 6 500 000 pieds de films l'an passé. Les laboratoires du Québec n'en ont pas développé plus de 5%. Le restant vient de la France, des États-Unis ou des pays d'où ces films viennent.

M. Richard: Mme Lauzon, je ne sais pas si vous étiez présente ce matin, mais les distributeurs américains nous ont affirmé que leurs laboratoires étaient souvent affolés de l'abondance de travail.

Mme Lauzon: Ils peuvent venir au Québec, on n'est pas affolé du tout de ce temps-ci. Vous pouvez demander à tous les gens qui travaillent dans le cinéma comment c'est.

M. Richard: Vous seriez disposés, bien sûr, à tirer les copies des films américains, compte tenu qu'ils sont affolés de l'abondance de travail.

Mme Lauzon: Oui. La même chose s'applique aussi au doublage. On dit que cela prend je ne sais combien de mois pour doubler en France. Au Québec, on double en deux mois un long métrage.

M. Richard: Mme Lauzon, je comprends très bien le problème que vous avez exposé. J'espère bien que les syndicats québécois et le gouvernement québécois pourront, de part et d'autre, négocier avec leurs partenaires, leurs collègues français pour avoir une meilleure part du gâteau. Sauf que vous devez bien reconnaître que votre recommandation n'est pas sans péril, non plus, puisque le marché québécois - c'est une contrainte avec laquelle il nous faut, hélas, vivre - ne serait peut-être pas toujours suffisant pour assurer le doublage ici de chacun des films. Vous devez, j'en suis sûr, envisager d'autres solutions que le double doublage, si je peux m'exprimer ainsi.

Mme Lauzon: Nous sommes entièrement conscients de tout cela. La raison pour laquelle on demande cette loi, c'est afin que le Québec ait une arme égale à celle de la France. Les Français ont leur fameux décret qui dit: Bon, un doublage doit être fait en France pour passer. Tant que le Québec n'aura pas une loi équivalente, les Français ne voudront pas discuter. Ils ne l'ont jamais voulu depuis 1972. Tous les gens qui ont participé à toutes les commissions le savent. Ils feignent de nous recevoir. Ils ne veulent même pas nous entendre parler de doublage. On dit, nous: Le jour où on aura une loi égale à la leur, peut-être qu'enfin on pourra leur parler. C'est une porte pour nous.

M. Richard: II paraît que maintenant ils sont un peu mieux disposés, mais je n'en ai pas la certitude.

Mme Lauzon: Moi non plus.

Le Président (M. Paré): Terminé? M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: Mme Lauzon, je me faisais un peu la même réflexion que M. le ministre. Un contresens semble exister dans votre mémoire, ici à l'article 3.12 où vous dites: II va de soi que tout distributeur soucieux de s'assurer une exploitation internationale, évidemment, va se conformer à la loi française. Alors, à la fin, comme l'a dit M. le ministre, vous recommandez que ce soit indispensable d'avoir un visa d'exploitation ici au Québec pour la présentation des films. Au fond, cela revient à la même chose.

Mme Lauzon: Pour nous, c'est le seul moyen d'en arriver à négocier avec la France. Entre parenthèses, vous demandiez ce matin ce que représentaient les 55% de films américains qui ont été doublés. Cela dépend de quelle année on parle. D'après le rapport du Bureau de surveillance du cinéma, si c'est 1979-1980, c'est 95 longs métrages et, si c'est 1980-1981, c'est 97 longs métrages.

M. Hains: Merci. Maintenant, on peut bien demander, quand même, à M. le ministre si notre colonie continue à poursuivre des négociations avec la mère patrie sur cette question. Est-ce que cela continue?

M. Richard: Oui, M. le député de Saint-Henri. J'espère bien avoir des contacts à brève échéance avec mon homologue français, mais, encore une fois, on nous opposera sans doute que c'est un problème qui est soulevé par les syndicats français. Je pense qu'il faut, de part et d'autre, c'est-à-dire les syndicats québécois - je pense, en particulier, à l'Union des artistes - et le gouvernement québécois, tenter d'amadouer les syndicats français et le gouvernement français à cet égard. On sait que le gouvernement français s'est déjà dit à peu près disposé à négocier des ententes, mais que les syndicats - on s'en souviendra - s'y

étaient opposés.

M. Mains: II y a une chose que je trouve vraiment outrageante, c'est quand nous avons ici un film québécois qui, lorsqu'il s'en va en France, doit passer par une nouvelle traduction française. Cela été dit par la présidente même de l'Union des artistes.

Mme Lauzon: Cela a été fait dans le cas des "Bons débarras".

M. Hains: Pardon?

Mme Lauzon: Cela s'est fait dans le cas du film "Les bons débarras". "Les bons débarras" a même été sorti en anglais en France.

M. Hains: Oui, parce que c'est Mme Deschâtelets même qui l'a dit.

M. Richard: M. le député de Saint-Henri, je dois quand même vous dire - la vérité a ses droits - que cela a pu arriver de façon exceptionnelle, mais, d'une manière générale, il y une "tolérance" entre guillemets pour les films québécois, même canadiens.

M. Hains: Parce que c'est outrageant, quand même.

M. Richard: Oui, je sais, M. le député de Saint-Henri. Je suis tout à fait d'accord avec vous et je partage votre indignation.

M. Hains: Voilà! Je suis heureux qu'on partage au moins quelque chose, malgré qu'on partage beaucoup.

Maintenant, une dernière petite question. Croyez-vous qu'il soit vraiment possible de négocier des contrats avec l'Association canadienne des distributeurs de films, qui était ici ce matin? J'ai entendu dire par une des personnes qui travaillent chez vous que les négociations étaient vraiment commencées entre votre association et l'Association canadienne des distributeurs de films que nous avons reçue ce matin. Y a-t-il quelque chose d'engagé dans ce domaine?

Mme Lauzon: Non, pas que je sache.

M. Hains: Pas que vous sachiez. Je tiens cela d'une personne sûre.

Mme Lauzon: Avec notre association?

M. Hains: L'Association Astral, c'est chez vous?

Mme Lauzon: Non.

M. Hains: Non? Ce n'est pas chez vous?

Mme Lauzon: C'est pour cela... M. Hains: Pardon?

Mme Lauzon: Astral est une compagnie qui fait partie de notre association.

M. Hains: Non, mais c'est ce que je veux dire.

Mme Lauzon: C'est parce que je ne suis pas dans les secrets de ce qui se passe dans la compagnie Astral, Bellevue, Pathé.

M. Hains: Ah bon! J'espère que c'est vrai qu'il va vraiment y avoir communication entre vous et cette association canadienne qui pourrait avoir, comme on disait, du travail, vu qu'ils sont vraiment affolés, paraît-il, devant le travail qui les attend.

Mme Lauzon: Bellevue, Pathé a toujours eu beaucoup de doublages - le mot "beaucoup" est toujours relatif - de longs métrages parce qu'ils produisent eux-mêmes beaucoup de films. Il font très souvent le doublage de leurs propres films. C'est une des raisons pour lesquelles ils en font.

Le Président (M. Paré): Mme la députée de Chomedey.

Mme Bacon: Cela va être très bref. Je voudrais peut-être suggérer au ministre que, lors des prochaines rencontres - je ne veux pas minimiser les pouvoirs du ministre des Affaires culturelles - entre les premiers ministres du Québec et de la France, on cesse de penser aux cuivres comme on l'a fait en 1977 et qu'on ramène peut-être le doublage pour donner du travail à nos artistes québécois. J'aimerais demander à Mme Lauzon si on peut vraiment rivaliser -parce qu'on fait toujours des comparaisons, malheureusement; c'est toujours odieux, pour employer un vieux cliché - avec la technique française, sur le plan technique. Nos artistes peuvent-ils vraiment rivaliser avec les artistes français pour le doublage? A-t-on des spécialistes en doublage suffisamment nombreux pour remplir ce marché qui est devant nous?

Mme Lauzon: Oui. La première des choses, c'est que plusieurs compagnies de doublage de Montréal, du point de vue équipement technique, sont mieux équipées que les compagnies françaises. Notre équipement est beaucoup plus moderne, beaucoup plus neuf et tout cela. Au point de vue des comédiens, nos comédiens sont aussi bons que les comédiens français. C'est évident qu'on ne pourrait pas, demain matin,

se mettre à faire tous les doublages qui entrent sur le territoire québécois, mais ce qu'on demande, c'est qu'il y ait un commencement. À ce moment-là, oui, on est capable de rivaliser de qualité, à une condition aussi, c'est qu'on ait des budgets qui ne soient pas comme les budgets qu'on a actuellement quand on fait des doublages. Au Québec, la moyenne des budgets de doublage est de 20 000 $. Tout le monde parle d'un budget de 45 000 $ pour faire un doublage. Cela ne s'est jamais vu au Québec, un doublage de 45 000 $. C'est 20 000 $ en moyenne que nous avons. En plus, on refait souvent les génériques en français dans les doublages que l'on fait, ce que la France ne fait pas.

Mme Bacon: Et la France ne faisant pas les génériques facture ces 45 000 $. C'est plus dispendieux. Le taux français, en fait, est plus élevé.

Mme Lauzon: Non, c'est parce que cet argent leur permet de travailler beaucoup plus lentement. Le doublage est lié au temps que vous avez pour le faire. Votre budget est la partie la plus importante. Si vous avez un budget de 20 000 $, vous devez travailler à une certaine vitesse si vous voulez arriver à avoir un peu de revenu à la fin. Vous n'avez pas le choix.

Mme Bacon: Au fond, le travail, c'est votre budget.

Mme Lauzon: Oui. Un des facteurs qui déterminent la qualité d'un doublage c'est le budget qu'on a pour le faire.

M. Richard: M. le Président, j'aurais une dernière question à poser à Mme Lauzon. Vous avez évoqué le fait, tout à l'heure, que vous étiez maintenant en face de licenciements et de mises à pied. Est-ce que cela signifie qu'il y a eu une détérioration de la situation et pourquoi, si c'est le cas, bien sûr?

Mme Lauzon: Disons que la plus grande part des revenus des compagnies de doublage a toujours été, dans le passé, les doublages pour la télévision; cela a toujours représenté une très grande part de nos revenus en doublage. La France, à la fin des années soixante et au début des années soixante-dix, a toléré - si ma mémoire est bonne, c'était 40 heures - 40 heures de doublage fait au Québec. Mais cette situation a changé; maintenant, elle n'en accepte plus; ce n'est pas officiel, c'est officieux, mais il n'y a pas un doublage québécois pour la télévision qui va passer sur les ondes en France. Depuis ce temps, les distributeurs font faire leur doublage en France, parce qu'ils sont sûrs de vendre leur émission en France et de la vendre au Québec quand même.

M. Richard: Merci. Mes derniers mots seront une réflexion pour mon collègue, le député de Saint-Henri qui va, je pense, doubler notre commune indignation en ce qui a trait au film "Les bons débarras"; c'est un distributeur américain qui l'a fait doubler en anglais en France, en l'occurrence International Exchange.

M. Hains: Cela double, oui.

Le Président (M. Paré): Là-dessus, Mme Lauzon, merci du temps que vous avez accepté de consacrer à la commission. J'inviterais maintenant l'organisme suivant à prendre place en avant. Il s'agit de l'Association québécoise des distributeurs de films. Messieurs, bienvenue à la commission. J'inviterais maintenant le porte-parole à se présenter et aussi à nous présenter la personne qui l'accompagne.

Association québécoise des distributeurs de films

M. Meunier (Robert): Mon nom est Robert Meunier, je suis le porte-parole de l'Association québécoise des distributeurs de films et je suis accompagné de M. Pierre René, qui est membre du conseil d'administration de ladite association.

M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs les membres de la commission, avec votre permission, plutôt que de lire le mémoire que nous avons déjà soumis et qui, de toute façon, fait officiellement partie des dossiers de la commission, nous aimerions, à ce stade-ci, axer notre présentation orale sur deux points que nous jugeons d'une importance primordiale. Mais, auparavant, nous croyons, toutefois, nécessaire de manifester notre satisfaction générale devant le projet no 109 et l'esprit combatif qui l'anime. De tous les projets de loi présentés depuis quelques années, il est sûrement celui qui ose le plus dans sa volonté de défendre les intérêts artistiques, culturels, économiques et industriels de la société québécoise. Nous espérons que notre intervention pourra lui apporter le soutien nécessaire pour résister aux attaques de ceux qui font passer en premier leurs intérêts pécuniaires, sans souci de nos intérêts culturels et sans se soucier de contribuer à notre industrie nationale. Nous espérons, de même, que notre intervention pourra peut-être lui apporter encore plus de dents.

Premier sujet, l'article 79 sur l'accessibilité aux films dans la langue de la majorité. Établissons tout de suite que nous, distributeurs, n'avons aucun intérêt économique dans la promulgation de cet article, bien au contraire, puisque nous

sommes directement assujettis aux contraintes qui y sont contenues. Nous croyons, toutefois, de notre devoir de défendre le droit de la très grande majorité du peuple québécois à voir les films dans sa propre langue. Le cinéma est sûrement le véhicule culturel le plus populaire et le problème de savoir dans quelle langue ce véhicule culturel s'adressera au peuple québécois est fondamental pour la survie de la culture de ce peuple. (16 h 15)

Certains intervenants sont venus dénoncer l'article 79, prétendant que cette loi brimerait les droits des minorités linguistiques, sachant fort bien qu'il n'en était rien, mais voulant semer le doute, certains, afin de protéger leurs intérêts financiers, d'autres parce qu'ils ne perdent jamais l'occasion de marquer des points dans une rivalité qui se situe sur un autre champ de bataille que celui-ci. N'oublions pas que cette province est francophone à environ 80%. Bien que nous n'accepterions pas de participer à la suppression des droits des minorités linguistiques, si jamais cela était proposé, nous ne pouvons pas, non plus, accepter qu'on demande à 80% de la population d'abandonner les siens pour satisfaire les exigences des autres. C'est cette dernière situation qui prévaut présentement et que certains voudraient maintenir.

Tout ce que l'article 79 veut accomplir et édicter, de fait, c'est de permettre à ces 80% de la population de voir les films aussi rapidement qu'il est possible de le faire, rien de plus. Premièrement, la loi exige que si des copies sont disponibles en français, soit par voie de doublage, soit par sous-titrage, elles doivent être visées en même temps par la régie en nombre au moins égal en français. Je dois faire remarquer qu'on n'exige même pas des sorties simultanées. Théoriquement, on pourrait emprunter une copie de l'étranger, la faire viser et la retourner sans jamais la sortir. J'ose espérer, toutefois, que personne n'aurait le culot de se servir de ce subterfuge.

Deuxième possibilité: si le distributeur a déjà commencé à faire un doublage ici, il peut obtenir un visa immédiat. En aparté, j'ajouterais, pour avoir moi-même fait doubler des films au Québec, qu'on peut obtenir des doublages d'une qualité supérieure si on veut bien en assumer le coût.

Enfin, dernier scénario, celui où il n'y a pas de copie disponible présentement en français. Le distributeur peut toujours, tout de même, obtenir un visa pour 60 jours. Qui peut, alors, oser prétendre qu'un groupe pourrait ne pas avoir accès à certains films si ce n'est, finalement, des Canadiens français qui, eux, ne sont pas protégés parce que, si un film a une carrière de moins de 60 jours, il n'y a aucune obligation de faire viser une copie en français. Dire qu'on va trop loin, c'est vraiment de la pure démagogie.

Passons maintenant à l'article 97 sur la réappropriation du marché. À lire la réaction de certaines personnes sur les dispositions de l'article 97 du projet de loi et sur certaines déclarations concernant les membres de notre association, on serait porté à croire que l'AQDF (Association québécoise des distributeurs de films) cache un groupuscule d'extrémistes politiques, d'empêcheurs de tourner en rond voulant demeurer bien au chaud au fond de leur lit pendant que les émissaires des politiciens nationalistes viennent leur porter des barils de subventions. La réalité est tout à fait à l'opposé. L'AQDF est composée d'hommes d'affaires qui, bon an, mal an, tous, individuellement, et même les plus petits d'entre eux, engagent leur responsabilité financière pour des sommes supérieures à 100 000 $, et dans la plupart des cas, plutôt plusieurs centaines qu'une seule, dans l'acquisition de droits de films à des fins de distribution. Ces chiffres ne comptent pas les frais de sortie de films, presque aussi considérables, et ne comptent pas, non plus, des frais administratifs très importants, tout cela en espérant qu'il reste quelques sommes pour subvenir à leurs besoins personnels et à ceux de leur famille. Je me dois d'ajouter que tout cela se fait sans obtenir de subvention du gouvernement.

Pourquoi les distributeurs, qui ne sont pas ici pour vous demander de l'argent, vous demandent-ils, toutefois, la protection de l'article 97? C'est, d'abord, le privilège de toute industrie locale de demander une protection contre l'industrie étrangère, que ce soit l'industrie de l'automobile ou celle du textile. C'est aux instances gouvernementales de juger de la nécessité de la leur accorder. Ce n'est donc pas propre au cinéma et nous ne sommes pas les premiers à le faire.

D'ailleurs - on les en remercie - les "majors", dans leur mémoire, à la page 37, établissent qu'il y a des précédents juridiques et ajoutent que, dans le cas de l'industrie agricole et de l'industrie laitière, ces lois sont justifiées parce qu'elles concernent des produits dits fondamentaux. Je suppose qu'ils jugent notre demande injustifiée parce qu'ils jugent que le cinéma n'est pas un de ces produits fondamentaux. Pour eux, la culture du peuple, c'est facultatif. Nous préférons l'attitude du ministre des Affaires culturelles qui disait dans une entrevue accordée au critique cinématographique de la Presse: "Ce serait aberrant qu'un gouvernement qui émane d'une formation politique créée précisément en vue d'un projet national renonce à un cinéma national qui est le moyen privilégié de l'affirmation de l'identité nationale et du rayonnement dans le monde." Les membres de l'Opposition pourront ne pas

aimer la référence à un parti politique; je ne pense pas qu'ils puissent contester l'objectif qui y est mentionné: la survie d'un cinéma national. D'ailleurs, un intervenant - et je corrige ici, c'est le président de l'institut qui l'avait fait remarquer - soulignait que l'image qu'on se faisait des différents peuples de la terre nous provenait de leur cinéma et que, sans cinéma, les nations n'avaient pas d'image.

Or, vous avez pu lire le rapport Fournier, entendre l'institut, l'Union des artistes, plusieurs autres intervenants et vous entendrez encore les producteurs et d'autres vous dire que ceux qui contrôlent la distribution contrôlent le cinéma. Bien sûr, si nous étions les seuls à le dire, cela pourrait être suspect. Mais tous les groupes intéressés dans une cinématographie nationale répètent que, sans le contrôle de la distribution par des distributeurs canadiens indépendants, il n'y aura pas de cinématographie nationale. C'est facile à comprendre. Ce sont les distributeurs qui, par l'acquisition de films pour notre territoire, décident quels films pourront être vus au Québec. Celui qui aura la main haute sur cette industrie contrôlera nécessairement le marché du film.

Or, comment les distributeurs canadiens peuvent-ils arriver à contrôler ce secteur puisqu'ils n'ont presque plus accès aux films? En ce qui concerne les films américains, bien sûr, la plus grande partie, certainement les plus commerciaux, appartiennent aux "majors". Quant aux films français, ils ont longtemps été distribués par nos membres, mais nous sont de plus en plus inaccessibles. D'abord, la France possède aussi des "majors" et certains - comme la Gaumont - ont décidé de venir s'établir directement ici, d'autres, de s'allier avec un "major" américain pour exploiter leurs films en Amérique. Il en fut de même de Para-France. Et nous apprenons que de nouvelles associations sont en train d'être créées comme l'accord Fox-Hachette.

De plus, les "majors" américains ont aussi décidé d'exploiter les sources d'approvisionnement de l'Europe, de l'Asie, de toutes les cinematographies nationales, en fait. Nous avons même vu des "majors" comme United Artists créer des succursales comme la United Artists Classics dans le but spécifique d'acheter ce genre de films.

Il ne faut pas croire que, si les Européens ou autres préfèrent accorder leurs films aux "majors" plutôt qu'à nous, cela serait dû au fait que les "majors" rapportent plus d'argent au Québec. Bien au contraire. Récemment United Artists Classics se vantait de fonctionner purement à pourcentage sans garantir de minimum, sans fournir d'à-valoir alors que les distributeurs québécois en offrent régulièrement.

D'ailleurs, lors du dernier festival de Cannes, un de nos membres a offert le plus haut prix jamais offert pour un film français pour le territoire du Québec et on a refusé de le lui vendre. La raison principale de cette pratique, c'est que lorsque les Américains acquièrent des droits de films pour leur pays, presque tous exigent automatiquement qu'on leur cède aussi les droits du Canada puisqu'ils conçoivent le Canada comme leur marché domestique. Donc, si le producteur étranger veut avoir accès au marché américain, il ne peut nous céder son film ou n'osera le faire tant qu'il ne connaître pas la décision américaine. Un de nos distributeurs a déjà eu, d'ailleurs très récemment, un contrat d'achat d'un film conditionnel au fait qu'avant telle date les distributeurs américains ne lui aient pas fait une offre acceptable. Vous comprendrez que, s'il faut maintenant signer des contrats d'achat que le vendeur pourra annuler si, par la suite, il peut vendre son film aux États-Unis, il ne nous sera plus possible d'exercer notre profession.

Il y a encore plus énorme. L'année dernière, lors d'une réunion à la SDICC, les producteurs ont demandé à la SDICC d'incorporer à des contrats qui les lient entre eux des clauses les obligeant à confier à des distributeurs canadiens les films financés par la SDICC, car lorsque ces films étaient vendus aux "majors" américains pour leur territoire, ils ne les achetaient que si on leur accordait aussi le territoire canadien. Les films canadiens ne peuvent plus être distribués par des distributeurs canadiens, de cette façon.

La situation que je viens de décrire va en empirant. Comme nos sources d'approvisionnement sont de plus en plus restreintes, nos membres se livrent à des luttes sauvages pour acquérir le plus de films disponibles et se lancent dans une surenchère dont les seuls bénéficiaires sont des exportateurs étrangers, alors que nous nous affaiblissons d'autant plus.

Nous sommes une espèce en voie d'extinction et nous vous demandons qui alors distribuera les films québécois parce que les "majors" américains, à une ou deux exceptions près, n'ont jamais distribué de films québécois tournés en français et ce, ni au Québec ni à l'étranger. Vous n'avez, d'ailleurs, qu'à consulter leur liste en annexe à leur mémoire.

Même, lorsqu'un distributeur canadien indépendant a réussi à mettre la main sur un film, encore doit-il avoir accès aux écrans. Il faut comprendre qu'en général chaque distributeur joue tous ses films dans le même réseau. Par exemple, Paramount joue ses films chez Famous Players et Universal chez Canadian Odeon. Il est bien certain que, pour s'assurer de l'exclusivité de leurs films, les réseaux de salles vont, par contre, s'engager à présenter tous leurs films. Et le distributeur québécois verra ses films

s'empoussiérer sur des tablettes en attendant qu'on puisse leur trouver un trou, et cela même si son film est parfois plus rentable que plusieurs films américains qui passent avant lui. N'oubliez pas que les Américains, eux-mêmes, avouent que seuls 20% de leurs films sont rentables.

Il y a aussi des distributeurs québécois qui obtiennent des succès quand on leur donne la possibilité d'agir. Présentement à Montréal, "Les uns et les autres" et "Diva" sont respectivement en 77e et 49e semaine, ce qui prouve l'habileté et la compétence de nos membres. Par contre, un de nos membres qui a produit "Meat Balls" - cela a été écrit avant les interventions de ce matin - n'avait jamais pu avoir de bonnes dates pour son film. Il était allé à Toronto pour les obtenir. Devant ce fait, il vendit son film aux "majors" qui obtinrent ces dates et le film fut l'immense succès populaire que l'on connaît. Tout cela parce que les "majors" possédaient un meilleur accès aux salles.

Une simple règle de trois nous indique donc que, si les distributeurs canadiens indépendants sont les seuls à distribuer des films québécois d'expression française et que s'ils n'ont pas accès aux salles, le film québécois d'expression française sera absent de nos écrans.

Un autre point: les distributeurs ont aussi largement contribué à notre cinéma-tographie nationale. En étudiant l'histoire de notre production nationale, on s'aperçoit qu'avant 1965 il y a eu occasionnellement des films produits au Québec. Ils ont presque tous été produits par France Film qui était aussi, à l'époque, le seul distributeur québécois d'importance. En 1966 ou 1967 et jusque vers 1973, la distribution canadienne indépendante était prospère parce que les "majors" américains se confinaient alors à la distribution de leurs propres films.

Cette période fut aussi la période la plus prospère du cinéma québécois et les films d'alors étaient produits par ces mêmes distributeurs. Après cette date, la distribution canadienne indépendante est tombée en chute libre, comme notre production nationale. Le lien est évident.

L'article 97 permet l'émission d'un permis de distributeur à des compagnies canadiennes à 80%. Toutefois, une telle proportion ne nous assure pas nécessairement d'une part active canadienne dans la distribution. En effet, il serait encore très facile de contourner la loi en créant des compagnies de manutention de films, à 80% canadiennes, qui obtiendraient un contrat de distribution de la compagnie étrangère, mais qui ne jouiraient que d'un très léger pourcentage des recettes et dont le seul travail réel serait d'obtenir le visa, de s'occuper de la manutention de la pellicule et de la publicité. Tout l'argent continuerait ainsi à fuir à l'étranger qui conserverait aussi le pouvoir décisionnel, ce qui maintiendrait son pouvoir de pression sur les exploitants.

La seule façon de lutter contre ce détournement serait d'amender l'article 75 pour faire disparaître la permission de ne produire qu'une autorisation de présentation de films plutôt que de produire le contrat de distribution et aussi que la loi oblige la régie, avant d'émettre tout permis de distribution, à s'assurer que les cessions de droits de distribution à des entreprises canadiennes soient bien réelles. À cet égard, il faut que la régie fixe par règlement les conditions dans tous les contrats de distribution qu'elle jugera nécessaires pour l'atteinte et le respect des présents objectifs, ce que la loi ne lui permet pas nécessairement de faire présentement. J'ai cité le rapport Fournier à la page 99.

En somme, il est essentiel que la régie ait un mandat clair et les pouvoirs requis pour adopter toute réglementation qu'elle juge nécessaire à une réappropriation réelle et non fictive du marché et cela, dans un délai plus rapide que les deux années prévues à l'article 87.

Enfin, nous appuyons les demandes de l'Association des producteurs concernant l'octroi au secteur privé de toute commandite de différents ministères. Dans le même ordre d'idées, nous croyons que tous les organismes publics devraient, en matière de présentation de films ou de matériel vidéo, s'approvisionner uniquement auprès des distributeurs réellement québécois.

Quant à certaines déclarations fracassantes entendues ou lues ces derniers jours, nous ajoutons ceci. Je ne sais pas si le Mozambique est le seul pays à avoir son article 97, mais il y a plusieurs pays qui vont plus loin en imposant un contingentement, c'est-à-dire en limitant le nombre de films étrangers pouvant être importés dans leur pays. Nous n'avons jamais demandé que les films américains soient exclus de notre territoire, bien que plusieurs nous accusent de le faire. Bien au contraire, nous voulons que ces films soient distribués par nos soins. Ainsi, nous pourrons imposer notre présence sur les écrans et conserver une partie des 18 000 000 $ qui prennent le chemin des États-Unis.

Je terminerai en remerciant la commission de nous avoir accordé la possibilité d'exposer notre point de vue et en répondant à Michel Nadeau, éditorialiste au Devoir, que le parfait colonisé n'est pas celui qui choisit de se battre pour défendre ses droits, mais celui qui a perdu ses droits, mais ne s'en rend pas compte ou s'en accommode. Merci.

Le Président (M. Paré): Merci, M. Meunier.

La parole est maintenant à vous, M. le

ministre.

M. Richard: M. le Président, je voudrais remercier M. Meunier de la présentation de ce mémoire qui m'est apparu très éloquent pour décrire la situation de la distribution au Québec. J'aurai une question à vous poser. Les distributeurs américains ce matin dans leur mémoire nous ont accusés de ne pas sortir les films européens et français très rapidement. Ils citent, d'ailleurs, des exemples précis à la page 23 de leur mémoire. Qu'avez-vous à répondre à cela? (16 h 30)

M. Meunier: Les exemples qu'ils donnent sont, d'ailleurs, assez comiques. Je pense que cela prouve exactement ce que l'on dit. Ces films n'ont pas pu sortir parce que nous avons des difficultés d'accès aux salles. Maintenant, quant à un film qu'ils mentionnent, "Le faussaire", je leur ferai remarquer que le film leur appartient. Il appartient à une de leurs succursales, United Artists Classics, qui, d'après ce que j'ai entendu dire d'un des propriétaires de salles qui passe présentement la version sous-titrée anglaise, refuse carrément de sortir la version en sous-titres français alors qu'elle est sortie à Paris. Mais le film leur appartient.

M. Richard: M. Meunier, on met également en doute, dans le mémoire des distributeurs américains, le fait qu'accorder le droit de cité aux distributeurs québécois, chez nous, aura une incidence positive sur la relance de la production cinématographique québécoise. Vous prétendez le contraire. Avez-vous des données chiffrées à nous donner à cet égard?

M. René (Pierre): Si vous me le permettez, je vais répondre à cette question. La compagnie France Film a investi, de 1945, c'est-à-dire les tout débuts quand même du cinéma, à 1981, environ 1 500 000 $ dans la production québécoise. Cela compte pour 43 films. J'ai des chiffres, par exemple, de Cinépix, d'André Link qui, soit à titre de producteurs, de coproducteurs, de distributeurs, qui faisaient des annonces et des choses du genre, se sont intéressés dans 24 films. Je pense qu'il y a Films Mutuels aussi.

M. Meunier: J'ai la liste des Films Mutuels ici. En 1971, deux films; en 1972, trois films; en 1973, deux films; en 1974, trois films; en 1975, un film; en 1976, un film; en 1977, un film et en 1978, un film. Je crois que c'est à peu près la même progression et la même régression que l'on pouvait lire tout à l'heure dans notre mémoire. Il y en a d'autres.

M. René: Je n'en ai pas d'autres.

M. Meunier: II y en a d'autres aussi, comme M. Malo qui obtient présentement, parmi nos distributeurs, les plus beaux succès commerciaux. Il est encore dans la production parce que c'est un de nos distributeurs qui, présentement, a le plus de succès. Dans les dernières années, il a produit les deux films de Micheline Lanctot. Il a coproduit avec Mutuels un des films de leur liste et il coproduit présentement avec la France. D'autres distributeurs, à l'époque aussi, ont déjà produit des films lorsqu'ils étaient en affaires. Il ne le sont plus maintenant.

M. Richard: Une dernière question, M. Meunier ou M. René. Pourriez-vous décrire brièvement, sommairement comment cela se passe en réalité, la distribution et l'achat des films? Comment faites-vous pour avoir les droits sur les films que vous avez à distribuer? La cuisine, en d'autres termes.

M. Meunier: Dans la situation actuelle, nous sommes obligés maintenant de faire des offres dès qu'un projet est annoncé, parfois sans même connaître les acteurs, parce que le bassin de films que l'on peut acheter est tellement restreint qu'on ne peut plus attendre de voir les films. Vous ne pourrez jamais obtenir un film de Truffaut si vous attendez de le voir. Dès que François Truffaut annonce qu'il fait un film, il faut tout de suite faire une offre.

M. René: Pour être plus clair, le Québec est quand même présentement - vous excuserez l'expression anglaise - un "seller's market", c'est-à-dire qu'il y a beaucoup plus de demandes de la part des distributeurs qu'il y a d'offres, ce qui fait qu'essentiellement cela provoque naturellement une hausse des prix et cela amène aussi le distributeur à prendre des risques plus élevés et plus rapidement pour s'assurer de l'approvisionnement en produit.

Quand vous me demandez la cuisine, eh bien, il y a toutes sortes de méthodes, mais normalement, dans les gros films, par exemple, les distributeurs indépendants vont habituellement être obligés de se commettre sur scénario. Je me suis moi-même impliqué strictement sur le nom d'un réalisateur, sans scénario, tout simplement un réalisateur, puis cela a été une bonne affaire, remarquez. J'ai été chanceux. Dans d'autres occasions, les gens vont courir les festivals, le marché de Milan. Tu regardes les films, tu fais des offres, tu les paies et après tu prends ta perte ou ton profit.

M. Richard: Mais une fois que vous avez les films, il vous faut les placer en salles. Vous nous indiquez dans votre mémoire que les "majors" vont toujours dans les mêmes salles, c'est-à-dire que Universal

va toujours chez Odéon ou Cinémas Unis ou inversement et ainsi de suite. En somme, les "majors" se partagent les deux, trois ou quatre grands. C'est exact.

Je cède la parole à d'autres intervenants. Merci, encore une fois.

Le Président (M. Paré): M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: Pas une nouvelle question, mais enfin cela va être un peu nouveau parce que cela fait longtemps qu'on en a parlé. À la page 5 de votre mémoire, vous semblez donner votre appui, votre consentement au fonds de soutien du cinéma. Cela va? Est-ce que vraiment vous êtes d'accord avec les mesures que propose quand même le rapport Fournier dans ce domaine? Croyez-vous, par exemple, que la câblodistri-bution va pouvoir supporter une taxe de 10%, de la publicité ou une taxe supplémentaire de 5%, et des taxes de 2 $, disons, sur des cassettes vierges, etc? Pensez-vous que vraiment on puisse imposer ce fonds de soutien pour ramasser les 25 000 000 $ dont on a vraiment besoin?

M. René: Vous allez le réaliser, c'est-à-dire le savoir quand vous aurez fait les études nécessaires pour savoir si ces gens sont à même de payer. C'est une suggestion qui a été faite à la commission Fournier. L'Association des distributeurs, du moins, est tout à fait d'accord. Mais il est évident que d'aucune façon on ne pourrait, par exemple, mettre en péril une industrie ou certaines entreprises pour en aider d'autres. Je veux dire qu'on ne règle pas de problèmes à ce moment; on s'en crée. Je ne le sais pas. Écoutez, je n'ai pas vu les états financiers des stations de télé, je n'ai pas vu les états financiers, non plus, des câblodistributeurs, mais je pense que c'est de l'information qui vous est accessible.

M. Hains: Parce que cela va certainement demeurer une question fondamentale. Vous dites vous-même ici, d'ailleurs: Si cette structure qu'on est en train de monter dans le projet de loi n'est pas vraiment étayée par ces 25 000 000 $, tout cela va rester, évidemment, lettre morte dans les années à venir. Je sais que cela cause un très grave problème actuellement pour le gouvernement. On sait les crises que nous traversons actuellement. Avec vous, je vais dire qu'il faut presque prier que le Seigneur nous envoie des dollars d'en haut pour qu'enfin ce projet soit mis en vigueur.

M. René: Dommage que M. Caouette soit décédé.

M. Hains: Bien oui.

M. René: II aurait pu vous en fournir, quand même.

M. Hains: Je ne sais pas si le ministre a des nouvelles là-dessus au point de vue financier, si cela avance et si notre ministre du Revenu commence à s'intéresser à la chose. Cela va demeurer quand même, je crois, un problème fondamental pour mettre cette structure en marche.

M. Richard: M. le député de Saint-Henri, je vous répondrai que je suis en relation très étroite et constante avec le Très-Haut.

M. Hains: Avec le Très-Haut. Maintenant, si vous descendez un peu plus sur terre, allez-vous rencontrer le ministre des Finances aussi dans ce sens? C'est ma seule question. Je veux savoir vraiment, si vous allez donner votre approbation, en général. Évidemment, cela peut être autre chose que ça mais, de toute façon, je crois que tout le monde est à la recherche de finances pour faire avancer la structure.

M. René: Une chose qui a été dite, je pense, par M. Richard au cours de la semaine - je suivais cela à la maison, c'est bien excitant, je vous félicite pour votre programme, d'ailleurs, c'est très beau - c'est qu'il n'y avait pratiquement pas de lois, qu'il n'y en avait aucune où on incorporait dans la loi un pourcentage ou des sommes d'argent. Moi, quelqu'un m'a dit qu'il y avait la loi provinciale qui protège ou qui vise à améliorer la race chevaline. Il y a une loi pour la protection de la race chevaline; elle est provinciale. C'est une taxe. Il y a tant d'argent, il y a un pourcentage des revenus qui s'en va pour protéger la race chevaline. Il y en a une, quand même.

M. Richard: Celle-là, M. René, je ne la connaissais pas. J'ai dit que j'en connaissais une qui était la loi constitutive de l'Institut québécois sur la culture, qui a en quelque sorte un budget protégé. J'ai surtout insisté sur le fait que s'en tenir, par exemple, à 5% du budget du ministère des Affaires culturelles ne m'apparaissait pas une proposition tout à fait réaliste parce qu'on pourrait y perdre parfois, même si on pourrait y gagner de temps en temps.

M. René: Probablement. M. Richard: D'accord.

Le Président (M. Paré): La parole est maintenant à Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: M. Meunier, en fait, j'ai deux questions. Il y en a une que je pose un

peu par curiosité puisqu'on a beaucoup dit que le public québécois était réfractaire au sous-titrage. J'aimerais avoir votre opinion là-dessus.

M. Meunier: Tout dépend du type de film. Il est bien certain que le grand public ne préférera pas les films sous-titrés, mais je pense que la question du sous-titrage a été mal abordée, à savoir si le public veut les voir sous-titrés ou doublés. Je pense que l'article 79 n'existe que pour protéger certaines personnes qui doivent attendre six mois pour voir un film. Au moins pourront-elles comprendre le film en regardant les sous-titres. Cela ne veut pas dire que c'est ce qu'elles préfèrent. C'est un pis-aller. C'est, si je ne trompe, la raison pour laquelle c'est inclus dans la loi.

M. René: Je voudrais ajouter à cela que le sous-titrage, par exemple, ne convient pas du tout à la télévision. Ce n'est pratiquement pas possible. À ce moment-là, il faut entrer dans un sous-titrage électronique et, si vous avez déjà vu cela, cela prend quand même trop d'espace sur l'écran. Avec le sous-titrage cinématographique, ce qui arrive, c'est qu'on perd les deux coins et la dernière ligne. Donc, on n'avance pas tellement. Le sous-titrage n'est pas tellement une solution, quand même.

Mme Harel: Ce n'est pas populaire. M. René: Non.

Mme Harel: Les distributeurs américains ont fait valoir ce matin qu'en quittant, si tant est que les décisions dont M. Hurtubise faisait mention à Toronto... Croyez-vous que s'ils quittent, justement, comme le prévoit le projet de loi, les cinéphiles québécois vont, en fait, être pénalisés?

M. Meunier: II y a plusieurs scénarios possibles. Présentement, les distributeurs américains détiennent des droits sur notre territoire pour un certain nombre de mois à venir. La décision leur appartient. Bien sûr, ils pourraient décider de dire: Nous détenons déjà des droits sur des films; ces films, vous ne les aurez pas. Par contre, il faut dire que ce marché leur a rapporté 18 000 000 $. Ils ont dit ce matin 13 000 000 $, mais d'autres membres de leur association disent 18 000 000 $. Peu importe. Les hommes d'affaires américains sont très pragmatiques. Ils vont dans des pays où on leur dit: "Yankee, go home", mais ils y vont quand même s'il y a de l'argent à faire. Les films qu'ils viennent faire ici au Québec leur rapportent 18 000 000 $. Je doute que le boycott soit très long, si jamais boycott il y a. De plus, au niveau fédéral, il semble qu'on étudie aussi grandement cet aspect de la loi et sûrement qu'on regarde attentivement ce qui va se passer au Québec. Si jamais cela se passait de la même façon au Canada, ce serait 92 000 000 $ qu'ils auraient à boycotter. Je ne vois personne boycotter 92 000 000 $. Et même s'ils décidaient de le faire, les films ne leur appartiennent pas comme tels. Ils achètent des droits de distribution pour des territoires donnés. Quand les droits qu'ils ont seront expirés et qu'il sera temps d'acheter des droits pour de nouveaux films, les producteurs auront, à ce moment-là, le choix de dire: On vous les donne pour tout le monde, même si on sait fort bien que dans ce pays vous ne pouvez pas les distribuer. Ils pourront aussi dire: Nous, on n'est pas pour perdre ce marché. On va vous céder les droits pour tous les territoires, sauf cet endroit où vous n'en avez pas le droit, où vous choisissez de ne pas sous-traiter avec des distributeurs locaux. Nous ferons affaires avec des distributeurs locaux et nous vendrons notre produit à ces gens. Je ne vois pas, par exemple, Steven Spielberg refuser 4 300 000 $ ou la part du producteur et la part du distributeur, parce que, parfois, c'est identique. Je ne le vois pas.

Mme Harel: Je vous remercie. C'est peut-être une suggestion que j'aurais à vous faire. Je ne sais pas, en fait, comment elle sera reçue par le ministre des Affaires culturelles. Je n'ai pas eu l'occasion de lui en parler, mais dans la mesure où l'industrie demande une certaine sécurité quant à l'enveloppe budgétaire consacrée au cinéma, plutôt que de réclamer un pourcentage du budget alloué au ministère des Affaires culturelles, avec les difficultés que cela peut présenter, il pourrait peut-être y avoir l'hypothèse, par exemple, d'un budget protégé à l'intérieur du budget des Affaires culturelles pour l'industrie cinématographique.

M. Richard: Cela existe déjà, en quelque sorte, Mme la députée de Maisonneuve. Dois-je répéter...

Mme Harel: Selon le bon vouloir du ministre.

M. Richard: ...ce que j'ai déjà dit à plusieurs reprises, que le budget consacré à l'industrie cinématographique du Québec serait sensiblement augmenté? (16 h 45)

Mme Harel: Merci. Combien?

M. Richard: À des produits très hauts.

Le Président (M. Paré): Vous avez terminé? La parole est maintenant au député de Marquette.

M. Dauphin: Si vous le permettez, juste

deux petites questions. La première est en relation avec la page 3 de votre mémoire, concernant votre revendication voulant que "toute société à être créée par la nouvelle loi revienne sous la tutelle de l'institut". Doit-on en conclure que vous préféreriez la formule de filiale que l'on a retrouvée, si je ne m'abuse, dans la commission Fournier, c'est-à-dire un groupe d'individus hors de l'institut, mais sous la responsabilité de l'institut?

M. Meunier: Lorsqu'on a étudié le projet de loi, cela nous apparaissait ainsi. Par la suite, parce que d'autres problèmes nous sont apparus plus importants en tant que distributeurs, nous avons travaillé surtout sur ceux-là et il semblerait que certaines autres instances qui ont eu à continuer l'étude de cette partie de la loi auraient eu des assurances qu'elles pourraient vivre avec le projet de loi actuel. Mais, en tout cas, au moment où on l'a étudié, cela nous paraissait important que cela reste sous la responsabilité de l'institut, parce que, après tout, c'était un des principes du rapport Fournier, la représentativité du milieu. Je pense que c'est peut-être la première fois ou, en tout cas, une des rares fois où une industrie pouvait vraiment prendre des décisions la concernant et que ce principe était très apprécié.

M. René: En fait, je pourrais ajouter à cela que l'impression que nous avions, à la lecture du projet de loi, c'est que l'institut, c'est-à-dire le conseil des douze, des huit ou des neuf membres, selon le cas, n'avait absolument rien à dire sur les activités de la société générale; je parle de l'administration. On craignait sérieusement de s'en aller dans un pattern où l'administration prendrait le gros morceau du budget et léserait quand même les secteurs de production auxquels on voudrait destiner cet argent. On nous a rassurés en nous disant que ce n'était pas du tout le cas.

M. Dauphin: Juste une dernière question, si vous le permettez, M. le Président. Si on prend l'interprétation de l'article 97 qu'ont faite les intervenants de ce matin, les "majors", en pratique, ce serait l'expulsion pure et simple des compagnies distributrices américaines. On a aussi soulevé l'argument que, dans certains pays comme la Suisse, on avait des mesures plus douces, style contingentement. Je me trompe peut-être sur la signification à donner, mais, en ce qui me concerne, ils ont semblé dire que c'était plus doux de les contingenter que de les mettre dehors. Vous, vous semblez dire le contraire.

M. Meunier: Oui, cela dépend du point de vue où on se place. Il est certain que, pour elles, le contingentement est beaucoup moins absolu que la loi actuelle, parce que, dans le contingentement, elles restent, mais elles ne peuvent distribuer tous leurs produits. Par contre, le produit américain -parce qu'il faut bien faire la distinction entre les distributeurs des "majors" américains et le film américain; ce n'est pas du tout la même chose - dans le cadre de l'article 97, aura toujours accès à notre marché. Si on veut nous le donner, il ne sera d'aucune façon limité, alors que, dans le contingentement, seulement une partie des films américains pourrait venir ici. Alors, si on se place du côté du cinéphile, du consommateur et si on se place du côté des créateurs américains, le contingentement est beaucoup plus agressif contre eux.

M. Dauphin: D'accord.

Le Président (M. Paré): M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: M. le Président, ma question devait porter sur l'éventuelle et hypothétique grande colère des "majors" américains. Ma collègue a bien posé la question et je suis très satisfait de la réponse de M. Meunier.

Le Président (M. Paré): Donc, les questions étant épuisées, M. Meunier et M.

René, merci de votre participation à la commission.

M. René: Merci.

Le Président (M. Paré): Merci beaucoup. Étant donné qu'il nous reste plusieurs intervenants à écouter et que cela peut prendre encore quelque temps, nous allons suspendre pour quelques minutes, soit environ une dizaine de minutes, et nous allons revenir immédiatement ensuite avec l'Association des propriétaires de cinémas du Québec Inc. Donc, c'est suspendu pour dix à quinze minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 51)

(Reprise de la séance à 17 h 13)

Le Président (M. Paré): À l'ordre, s'il vous plaît, mesdames et messieurs. Je demanderais à tous les gens de reprendre leur place, s'il vous plaît, pour que la commission élue permanente des affaires culturelles puisse poursuivre l'audition des mémoires relativement à la loi 109.

Nous étions rendus à l'audition du mémoire présenté par l'Association des propriétaires de cinémas du Québec Inc. Comme vous avez déjà pris place, je vais demander... Un instant, s'il vous plaît!

J'inviterais le porte-parole de l'Association des propriétaires de cinémas du Québec Inc. à se présenter et à bien vouloir nous présenter aussi les personnes qui l'accompagnent. Ensuite, la parole sera à vous pour la présentation du mémoire.

Association des propriétaires de cinémas de Québec Inc.

M. Godin (Robert P.): Merci, M. le Président. Mon nom est Robert Godin; je suis avocat de l'Association des propriétaires de cinémas du Québec Inc.; à ma gauche, M. Lome Bernard, président de l'association, directeur régional et membre du conseil d'administration des cinémas Odéon Ltée; à ma droite, M. Marcel Venne, qui est aussi administrateur de l'Association des propriétaires de cinémas et qui est président de trois entreprises indépendantes de cinéma dans la région de Joliette, Shawinigan et Grand-Mère.

En guise d'introduction, je peux vous dire un tout petit peu ce qu'est l'Association des propriétaires de cinémas. C'est une association qui existe maintenant depuis 1932 - elle a 51 années d'existence - et qui regroupe la grande majorité des écrans au Québec, les écrans de cinémas et les écrans de ciné-parcs; en fait, ses membres sont propriétaires de 75% des écrans au Québec.

Les exploitants de salles emploient directement 2500 employés au Québec. Ils ont des recettes au guichet brutes annuelles d'environ 60 000 000 $ et ils ont un investissement en bâtisses, en équipement, en immobilisations d'au moins 100 000 000 $. C'est donc dire que les exploitants de salles jouent, au Québec, un rôle significatif. On aimerait vous présenter notre mémoire d'une façon générale en soulignant certains aspects du mémoire plutôt que de le lire au complet. Je couvrirai certains aspects, certaines dispositions. M. Bernard couvrira l'article 79. M. Venne couvrira l'article 91, la question de la billetterie et certaines dispositions de l'article 159.

Au départ, on a voulu mentionner, comme on l'a fait dans d'autres mémoires, que les exploitants de salles exercent un commerce où la rentabilité doit être significative et où elle doit certainement être comparable à celle que ses membres pourraient retirer d'investissements semblables dans des commerces comparables. Comme je l'ai mentionné, les exploitants de salles ont des investissements considérables tant au point de vue des immobilisations et de l'équipement que du personnel. C'est un investissement qui, d'une façon générale, est à vocation unique. Il ne peut pas s'adapter facilement à d'autres utilisations. Au moment où on vous parle, les salles de cinéma ont un public fragile. Vous avez sans doute pris connaissance de l'étude SORECOM qui fait état de la fragilité du public des salles de cinéma, un public qui a un choix toujours plus grand de possibilités.

On a déjà fait des représentations à la Régie des services publics à l'occasion des auditions par les requérants sur la télévision payante. On a fait état des difficultés qui nous semblent certaines si la télévision payante n'est pas réglementée dans sa programmation, dans l'utilisation d'un produit cinématographique qui est exactement le même produit qui devrait être accessible aux exploitants de salles. D'ailleurs, les promoteurs de la télévision payante font état dans leur publicité que 75% de leur programmation seront composés de films récents. C'est exactement le même produit, dont on sait la rareté et la difficulté d'obtenir la disponibilité, qui sera utilisé par les câblodistributeurs à l'occasion de la télévision payante.

Pour ces raisons, on veut demander au législateur de faire preuve de beaucoup de prudence en s'immisçant dans le domaine du cinéma, de la distribution et de l'exploitation. C'est un domaine qui est fragile, c'est un domaine qui est précaire, c'est aussi un domaine qui répond à des normes qui sont employées à l'échelle nord-américaine. Avec la fragilité du public en ce moment, il faudra toujours être très prudent en cette matière.

En ce qui a trait au projet de loi lui-même, ce qui nous a sans doute frappés, à première vue, c'est l'élément de législation déléguée. Il est certain que c'est une technique législative qui est employée de plus en plus par le législateur. Dans le domaine culturel, c'est une technique qui doit certainement nous inspirer beaucoup de prudence.

La plupart des dispositions de la loi 109 sont des dispositions d'ordre administratif, de structure; on crée l'institut, on crée la société générale, on crée la régie, on pourvoit à la nomination de membres et on donne un pouvoir de réglementation, mais sans définir, sauf à quelques exceptions près, de politique certaine. La vraie substance de la politique en matière de cinéma doit venir plus tard par la réglementation.

Dans notre mémoire, on a fait état de toute la série d'articles où on ne fait que créer un système de délégation qui, éventuellement, doit revenir à un processus de décret.

Sans doute, l'historique des lois du cinéma, depuis plusieurs années, a appris aux législateurs, certainement aux différents gouvernements, que c'est un domaine bien spécial, c'est un domaine bien particulier, un domaine où il est difficile de prévoir, de façon législative et catégorique, les mesures qui seront bénéfiques ou utiles. On voulait mentionner ce point pour inciter tout le monde à la diligence et à la prudence parce

qu'à ce moment-ci on ne sait pas vraiment quelle sera la politique du cinéma, sauf sur certains points; il faudra attendre, comme je le disais, de voir les règlements. Le processus de consultation devra être suivi avec rigueur et tous les intervenants de l'industrie devront être prudents à cet égard.

Dans un sens, il est difficile de commenter le projet de loi no 109, sauf sur des points où il y a un certain sensationnalisme comme celui dont on a entendu parler ce matin. Il est difficile de commenter une politique du cinéma à partir du projet qui nous est soumis.

Toutefois, on a certains commentaires -je peux peut-être les prendre rapidement -par exemple, à l'article 47, où on aimerait que l'institut soit consulté lors de la nomination des membres du conseil d'administration de la société générale.

À l'article 53, il semble y avoir une question de rédaction. On parle des "membres de la société", mais j'ai l'impression qu'on veut plutôt parler des membres du conseil d'administration de la société, à moins qu'on ne prévoie que la société soit composée de membres, ce qui ne ressort pas du projet de loi.

À l'article 64, on devrait utiliser la même procédure de mise en application que celle qui est prévue à l'article 61.

L'article 77 est certainement important. On suggère de biffer les mots "notamment en ce qu'il n'encourage ni ne soutient la violence sexuelle". Il nous apparaît que les difficultés d'administration qui peuvent résulter de l'insertion de ces mots dans l'article devraient vous inciter à enlever ces mots. On voit mal, au point de vue pratique, comment la régie va pouvoir vivre avec cela. Qui va décider si un film encourage ou incite? Si un film encourage ou incite, est-ce que la régie perd sa juridiction? Quelle sorte de situation créerait-on? Il me semble que le critère qu'on énonce en mettant ces mots dans l'article est tellement subjectif que c'est imposer à la régie un fardeau qui sera très difficile à supporter.

Notre commentaire pour la catégorie "14 ans" est plutôt pour s'assurer qu'on a bien compris le sens de la loi, qu'effectivement la classe de "14 ans" n'est pas une classe exclusive et que les parents pourront accompagner les enfants de moins 14 ans, si tel est le cas. On voulait simplement s'assurer que c'était bien l'intention.

M. Richard: Oui, c'est le cas.

M. Godin (Robert P.): Le troisième commentaire qu'on avait concernait "18 ans avec réserves". Les membres de l'association en ont reparlé. Ce qu'on recherche vraiment, c'est d'éviter que dans un ciné-parc à écran multiple il n'y ait à la fois un film pour 18 ans et un film pour 14 ans, ou un film pour tous. Ce qu'on avait suggéré, c'est que, dans un cas de ciné-parc à écran multiple, la classification la plus rigoureuse soit applicable, de sorte que s'il y avait un film pour 18 ans qui passait et un film pour tous, l'ensemble du ciné-parc, dans cette programmation, ce serait une classification de 18 ans. C'est pour éviter les problèmes.

Enfin, j'aimerais mentionner simplement notre commentaire à l'article 87. Après vérification avec nos membres, je crois que la disposition transitoire à l'article 87 nous protège adéquatement sur ce point. Je ne crois pas qu'on ait de problème à cet effet.

J'aimerais maintenant que M. Bernard nous parle de l'article 79, dont on a parlé suffisamment jusqu'à maintenant. Je crois qu'on peut ajouter encore quelques points.

M. Bernard (Lorne): Merci. À l'article 79, au début, on lit: "Dans le but de favoriser la présentation en public et simultanée de versions sous-titrées ou doublées en français..." C'est cet esprit qu'on doit conserver. Depuis le début de la commission, j'entends parler de copies sous-titrées. Comme principe, je veux amener des versions françaises le plus rapidement possible. Je vois la clause qui nous permettrait de faire du sous-titrage comme étant un assouplissement de l'ancien article 73 de la loi 20. Je trouve que c'est vraiment un assouplissement, je le répète. Cela donne une chance aux exploitants, parce que même si le distributeur - parce que nous, nous ne sommes jamais propriétaires des films - fait tout son possible, il n'est pas capable de répondre au critère de doubler immédiatement. Alors, il a quand même cette possibilité.

Je n'ai pas voulu courir de risque, parce qu'au début il se lançait tellement de chiffres, les prix variaient de 15 000 $ à 2000 $. On essayait de rejoindre les gens en Europe pour savoir exactement ce que comportait le sous-titrage. Finalement, un distributeur indépendant québécois, M. Jean Zaloum, qui avait quand même travaillé un peu dans le doublage, qui avait fait faire des films, m'a présenté un type de Montréal. J'ai été extrêmement soulagé, parce qu'on avait toujours l'inquiétude de savoir si les copies allaient arriver de l'Europe ou si on allait être forcés de faire des copies sous-titrées si loin de chez nous. J'ai rencontré le monsieur et les chiffres que j'ai obtenus correspondent aux chiffres que le ministre a donnés hier. En somme, si on inclut le prix de la traduction, de 600 $ à 800 $, la première copie coûte 1200 $ et les autres copies 700 $. À ce moment, toujours avec l'idée -parce que comme vous savez, il y a des problèmes de copie de film, tout le monde veut avoir les films qui rapportent; personne ne veut avoir les films qui ne rapportent

pas, c'est sûr - d'amener les copies le plus rapidement possible - c'est la position officielle de l'association - nous appuyons l'article 79.

Mais nous vous demandons de garder la clause de 60 jours, parce que, même avec la meilleure volonté, on ne prend pas un film dans une boîte et on ne le met pas à l'écran; ce n'est pas si facile que cela. Il y a une certaine planification, une campagne publicitaire. Si c'est un film américain, il faut faire des "spots" à la radio, à la télévision. C'est du travail. La première semaine, pour employer un terme du milieu, on y "met le paquet". Lundi matin, avec les chiffres qui sont devant nous, on doit quand même, comme administrateurs, se poser une question: Est-ce que vraiment le film est bon ou si c'est l'effet de la campagne publicitaire que je viens de faire, "spots" au canal 10, Journal de Montréal et tout? On se dit: C'est lundi, on va voir sa performance sur semaine. Il y a sept jours de passés. Le vrai critère, c'est la deuxième fin de semaine. Si, à la deuxième fin de semaine, le film se maintient avec des chiffres respectables, immédiatement encore - parce qu'on n'est pas propriétaires du film - on peut exercer de la pression sur la maison distributrice et lui dire: Écoutez, faites-vous aller, doublez! (17 h 30)

À ce moment, je trouve que l'article 79 est assurément une amélioration sur l'ancienne position. Personne n'est vraiment brimé dans ses droits, sauf le cas dont il a été question hier... où on se demandait si on pouvait rajouter des dialogues là-dessus. Je trouve que c'est une position complètement acceptable.

Les sous-titrages sont-ils populaires au Québec? À un moment, tout en essayant de me préparer pour l'ancienne loi 20, article 73, je me suis installé avec une équipe à la porte du cinéma de Côte-des-Neiges. Il y avait une équipe à la porte du cinéma Atwater, au Laval, au Champlain; nous avons fait un sondage. On demandait aux personnes: Dans les cinémas anglais, les films que vous venez voir en version anglaise, s'il y avait des sous-titres, vous y opposeriez-vous ou serait-ce une cause pour ne pas vous rendre au cinéma? Chez les anglophones, il semble y avoir très peu d'objections. Chez les francophones, on rencontrait quelques types qui nous expliquaient: Lorsque je viens voir un film en anglais, je veux le voir en anglais. On répondait: Le fait que des sous-titres sont là ne vous empêche quand même pas de venir.

En somme, ce n'est certainement pas la meilleure façon jusqu'à maintenant, malgré que moi, j'ai vu des films européens sous-titrés et c'était très acceptable. On a eu d'autres objections, à savoir qu'on ne pouvait pas utiliser ces copies dans nos ciné-parcs.

C'est vrai que ces copies ne passeraient pas dans les ciné-parcs. Les distributeurs nous disaient que ces copies, hors Québec, ne pourraient pas servir. Il y a peut-être une éducation à faire pour habituer. Comme je vous dis, le but ce n'est pas de se servir de l'article 79 pour faire venir des copies sous-titrées; on veut faire venir des versions. Pour pouvoir nous maintenir, et je pense que cela a été l'esprit de la commission Fournier, c'est certainement un assouplissement et on peut vivre avec.

M. Godin (Robert P.): M. Marcel Venne va nous parler un peu plus maintenant de la billetterie, à l'article 91, d'une suggestion d'ajouter un article 97a avec certaines modifications et aussi des dispositions du sous-paragraphe 4 et du sous-paragraphe 5 de l'article 159.

M. Venne (Marcel): M. le Président, M. le ministre, madame, messieurs, j'aimerais intervenir ici concernant l'article 91 de la loi qui est relatif à la billetterie nationale. Évidemment, pour nous, c'est très important et on aimerait apporter quelques suggestions pour qu'effectivement une telle billetterie soit des plus efficaces. À l'article 91, pour nous, il est évident que, si on nous demande de remplir de tels rapports et de fournir de tels renseignements dans un délai aussi court, soit une semaine, c'est, dans la pratique, impossible, parce qu'on nous demande de déterminer les taux de location de films et vous conviendrez avec moi que ce n'est pas le lendemain de la dernière projection qu'on négocie les paiements du film. Il est bien évident qu'il y a un peu de délai. En dehors de cela, il y a certains cinémas qui font affaires avec des agences de programmation. À ce moment, ils doivent envoyer le rapport des recettes à l'agence en question. L'agence doit négocier et faire part du règlement au propriétaire de salle qui, par la suite, fera son paiement et saura à quel niveau il doit payer. Donc, en dedans d'une semaine, cela nous semble très difficile. Ce qu'on suggère dans le mémoire, c'est que ce soit un rapport mensuel, qui est beaucoup plus facilement acceptable, et qu'il soit remis le 20e jour du mois suivant. À ce moment, je pense qu'on pourrait vivre facilement et toutes les recettes seraient là, compilées, semaine par semaine, comme vous le demandez. Aussi, on vous dirait à qui appartient le film et de quelle façon cela a été payé et tout cela, simplement pour rendre la chose plus facile.

Par contre, on considère que, pour qu'une billetterie soit la plus précise possible, on ne doit pas être les seuls à faire le rapport en question, parce qu'un film, vous le savez fort bien comme moi, n'a pas de revenus qu'exclusivement en salle.

Si vous le permettez, j'aimerais vous

lire - c'est très court - les suggestions qu'on a apportées et les raisons pour lesquelles on aimerait qu'il y ait un petit changement à la billetterie. Dans la situation actuelle, il est important d'obtenir rapidement les renseignements concernant l'exploitation du cinéma en salles commerciales. On est en droit de se demander si c'est pour aider les institutions chargées d'élaborer et d'appliquer les politiques cinématographiques ou si c'est plutôt pour faire le travail de contrôle des distributeurs, lequel travail profiterait surtout aux "majors" américains qui accaparent plus de 60% du chiffre d'affaires dans ce champ d'activité.

Deux raisons principales nous font poser cette question de choix. Premièrement, comme les politiques cinématographiques prennent un certain temps - on pourrait dire un temps certain - à être précisées, la presque totalité des renseignements demandés par la future billetterie sont déjà fournis par les salles de cinéma et ciné-parcs au Bureau de la statistique du Québec, donc disponibles pour ces besoins; on remplit cela depuis déjà de nombreuses années. Deuxièmement, la loi évite - et c'est une lacune importante -d'exiger du secteur de la distribution qu'il produise un rapport hebdomadaire qui n'existe nulle part. Ce rapport est un outil indispensable pour protéger l'État investisseur, les producteurs et tous les travailleurs de l'industrie - soit réalisateurs, artisans - puisque les relations d'affaires de ceux qui précèdent existent entre eux et la distribution, mais pas avec l'exploitation.

Considérant que les revenus provenant des salles commerciales représentent une minorité des sommes perçues par les distributeurs, ce rapport devrait comprendre - c'est là que c'est important - les revenus de salles commerciales, les revenus de salles non commerciales, ce qu'on appelle les salles parallèles, les revenus de la télévision payante, les revenus de la télévision conventionnelle, les revenus des ventes de cassettes vidéo - qui sont de plus en plus populaires - les revenus de sous-distribution -car souvent les films 16mm sont sous-distribués par d'autres - et tous les autres revenus provenant de la distribution dans le domaine du cinéma et de l'audio-visuel et, finalement, tout autre renseignement déterminé par règlement de la régie.

Un tel rapport serait infiniment plus utile que celui de l'exploitation - mais on n'enlève pas celui de l'exploitation; il reste là quand même, évidemment - si on se fie à l'annexe 4.2.3 de la page 278 du rapport de la CECA où il est démontré que les films distribués au Canada en 1979, dans le secteur commercial (salles et ciné-parcs) ne représentent que 5,1% du total, tandis que ceux distribués à la télévision représentent 69,9% et dans le secteur non commercial 25%, pour le total de 100%.

L'Association des propriétaires de cinémas du Québec souligne que les distributeurs, en vertu des contrats qui les lient avec les exploitants, possèdent déjà un droit de contrôle physique qu'ils exercent juridiquement chaque fois qu'ils ont les preuves que les recettes sont manipulées. Ces preuves sont obtenues soit par vérification secrète ou par vérification comptable exigible en tout temps par le distributeur. Cette vérification comptable est faite par des firmes spécialisées pour les distributeurs et à leurs frais. Depuis quelques années, plusieurs vérifications semblables ont été entreprises et quelques poursuites judiciaires se sont soldées par des condamnations ou des règlements hors cour.

Nous pensons donc que, si le projet de loi no 109 n'est pas modifié pour inclure ce rapport hebdomaire obligatoire des distributeurs à la régie, la billetterie devient une risée et n'a plus sa raison d'être. Nous suggérons donc, à ce moment-là, d'inclure le rapport des distributeurs pour vraiment avoir le portrait total de l'exploitation des films au Québec, et c'est essentiel.

À l'article 159, paragraphes 4 et 5, on nous donne des normes techniques de projection ou des normes techniques physiques d'aménagement des salles de cinéma. Nous avons été grandement surpris parce qu'on s'est dit: Effectivement, si on a besoin d'une armée d'inspecteurs pour vérifier si les salles sont en bon état, elles doivent être vraiment dans un état pitoyable. Alors, j'ai fait ma petite enquête auprès des membres de notre association et cela a donné l'exercice suivant. Remarquez que je ne vous en ferai pas la lecture, c'est très long, mais je vais vous donner quelques exemples.

On s'est dit: Depuis les dix dernières années, combien de salles ont été construites au Québec et combien y en a-t-il qui ont été foncièrement rénovées? À ce moment-là, j'ai posé la question en parlant d'un investissement minimal de 100 000 $, pour que ce soit vraiment sérieux. Or, certains ont investi jusqu'à 3 000 000 $. Bon! Cela regroupe combien de salles? À notre grande surprise - vous savez qu'il y a 354 écrans en salles de cinéma au Québec - il y en a 202, soit 57%, qui ont été construites ou foncièrement rénovées depuis dix ans. C'est là que je ne comprends pas, plus de 57% des salles sont dans un état des plus excellents. Cela ne veut pas dire que celles qui datent de plus de dix ans sont dans un état pitoyable, je pense.

Seulement quelques exemples en passant. Tout le monde connaît le cinéma Parisien à Montréal, le cinéma Loews et le Palace. Ici, dans la ville de Québec, il y a les Galeries de la capitale; c'est tout récent. Place Québec. Mais on va aller en province. On me dira: On intervient seulement au

niveau des grandes villes. En province? Parfait! II y a le cinéma du complexe à Alma, les cinémas Montenach à Beloeil, le cinéma Carol à Forestville, le cinéma Pine à Sainte-Adèle. Il y en a 202. Je ne veux pas les nommer tous.

À ce moment-là on s'est dit: On ne voit pas quelle est l'utilité d'avoir des normes si sévères alors qu'on a investi 30 000 000 $ depuis dix ans. Je pense que c'est même plus que le budget de l'institut depuis les cinq dernières années. Il n'y avait pas de loi qui nous y a obligés. On l'a fait parce que le marché nous l'a demandé. Pourquoi? Il y a une raison, bien sûr. C'est la venue des salles multiples. Aujourd'hui, les gens veulent un plus grand choix. On doit s'adapter. On doit diviser les salles. En faisant cela, il est bien évident qu'on rénove la salle. C'est bien sûr. Les équipements cinématographiques ont aussi subi une innovation technologique et on a dû suivre le mouvement. À ce moment-là, la majorité des salles a subi des rénovations sérieuses.

C'est pourquoi on demande, à la lumière de ces courtes explications, qu'on retire les normes techniques. Soit dit en passant, on est déjà régi par la loi sur les édifices publics et on ne peut pas ouvrir un cinéma et le construire de n'importe quelle façon. Il est bien évident qu'on est déjà régi en ce moment par une loi. Je pense qu'on s'y conforme dans la majorité des cas. C'était l'intervention que je voulais vous faire en rapport avec l'article 159.

M. Bernard: J'aimerais ajouter qu'à l'avant-dernière réunion de notre association nous avons rencontré des responsables du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre pour mettre en marche un plan de visite et d'inspection de toutes nos salles au point de vue de la sécurité, de l'évacuation, etc. Comme M. Venne l'indique, nous sommes vraiment surveillés, les inspecteurs sont dans nos salles. En grande majorité, où c'est possible, il y a eu beaucoup de personnes qui se sont conformées. Dans l'ensemble, les salles au Québec sont en très bon ordre.

Le Président (M. Paré): Merci, messieurs, de la présentation. Aviez-vous terminé?

M. Godin (Robert P.): Peut-être que M. Bernard pourrait lire rapidement, à la fin de notre mémoire, à la page 17, quelques conclusions qui reprennent certaines des idées qui sont énoncées dans le mémoire. Ce serait peut-être utile pour la commission.

M. Bernard: Merci. Sous réserve des commentaires ci-dessus, l'APCQ est, en principe, d'accord avec les grandes lignes du projet de loi 109, pourvu, toutefois, que son adoption ait comme résultat immédiat les conséquences suivantes: une plus grande accessibilité pour les exploitants au produit cinématographique et une rationalisation des conditions commerciales afférentes à l'exploitation de ce produit.

Il est certain que, dans certains coins de la province - et on l'a vu tout à l'heure avec certains exploitants, il y a des problèmes. Je suis ici à titre de président de l'association. Je ne suis pas ici comme directeur d'Odéon. Je n'ai certainement pas à avoir honte de la conduite de la compagnie Odéon qui est ici depuis 35 ans avec des investissements; c'est une compagnie canadienne avec des actionnaires au Québec. Peut-être que tout le monde ne nous aime pas, mais on reconnaît, quand même, qu'on apporte une contribution extrêmement valable au monde du cinéma. C'est la première chose. On devrait avoir un certain résultat, au moins des études pour voir ce qu'il y a à faire. Ce n'est pas dire que tout le monde a raison. Il y a toujours les deux côtés de la médaille. (17 h 45)

On voudrait avoir également une réglementation efficace des réseaux parallèles. J'avais trois valises pleines de matériaux. C'est encore dans ma chambre au Hilton. Lorsque j'ai vu le fardeau de travail que vous aviez, tous les organismes qui doivent encore passer devant vous, j'ai décidé d'essayer de prononcer seulement quelques petites paroles pour vous indiquer le problème. Dans tous les coins de la province, nous avons mis un système en marche où on demandait aux exploitants de salles, lorsqu'ils verraient des brasseries, des bars ou des endroits non licenciés présenter des films commerciaux, des établissements dont la vocation n'est pas de présenter des films 100% commerciaux, de nous faire des rapports. Comme je vous le disais, il y a trois caisses pleines de documentation à n'en plus finir.

Lorsqu'ils ont fait leur présentation, ils parlaient toujours de réseaux parallèles qui faisaient du cinéma à but non lucratif. Parmi mes propres salles et celles de mes membres, nous en avons beaucoup de salles à but non lucratif, mais nous, ce n'est pas parce qu'on le veut. Je pense qu'aujourd'hui, si le gouvernement veut vraiment et sérieusement se pencher sur le problème du cinéma au Québec, il faudrait commencer par ramener le cinéma où il est censé être joué, soit dans les salles de cinéma. Il y a toujours toutes sortes d'installations. C'est rendu qu'on peut voir des films dans les motels, dans toutes sortes d'endroits. Comment le réseau parallèle peut-il avoir tellement d'influence? Est-ce si grave que cela? Le rapport SORECOM indique combien notre situation est fragile. Vous n'avez qu'à aller dans une salle de cinéma sur semaine, parce qu'il faut réaliser qu'on ne présente

pas toujours "E.T." Tout le monde, surtout M. Richard, qui est pour "E.T.", est influencé par les statistiques sur "E.T." J'ai des salles de cinéma où nous avons ouvert le balcon pour la première fois depuis 1952. Ce sont les effets de "E.T.", mais ce serait vraiment fausser les statistiques de dire que "E.T." est la règle du jeu. Sur semaine, si dans un endroit comme Longueuil, au cégep, avec un magnifique catalogue, avec de belles photos de ses programmes à venir, il y a 125 personnes qui vont voir un film à prix réduit, c'est sûr qu'elles ne peuvent pas être dans la salle de cinéma. On se sert des installations scolaires. L'autre soir un monsieur nous disait que cela change parce que vu qu'on commence à avoir moins d'argent, on commence à exiger un loyer. Mais nous avons toujours été obligés de payer un loyer. Vous essaierez de payer des gens en leur disant: As-tu travaillé pour moi cette semaine, es-tu bénévole? Nous n'en avons pas de bénévoles. Il faut absolument faire face à nos obligations. Si le gouvernement veut vraiment faire quelque chose, qu'il fasse au moins un effort sérieux pour ramener le cinéma où il devrait être: dans les salles de cinéma.

On parle de réglementation efficace de la vidéo, y compris la vente et la location de matériel vidéo, dans la mesure où cette industrie est en concurrence directe avec les exploitants de salles. Les "tapes" sont rendus à 2 $. Les droits d'auteur sont-ils respectés? C'est votre juridiction, parce qu'il y a toujours des problèmes de juridiction quand on parle de télévision à péage et de vidéo. C'est sûr que vous devriez vous pencher sur ce problème. Vous savez qu'un des seuls coins au monde où "E.T." ne fait pas d'argent, c'est en Angleterre, parce qu'il y a des vidéo-cassettes partout. Ceux qui sont installés pour vendre des vidéo-cassettes ont le droit d'utiliser des affiches qui ne sont même pas approuvées par le Bureau de surveillance du cinéma. Lorsqu'on a pris contact avec M. Guérin, il nous a indiqué que vu que c'est pour usage dans la maison, ils n'ont pas de contrôle. Alors, dans la salle de cinéma. On peut trouver une certaine affiche, approuvée par le Bureau de surveillance du cinéma, de celui qui vend de la vidéo, n'importe quelle sorte d'affiches. Cela prendrait une certaine réglementation, c'est possible, et une prise de conscience réaliste, de la part du gouvernement, relativement aux effets néfastes que peuvent avoir sur les exploitants l'absence de contrôle effectif de la programmation et de l'exploitation de films à la télévision à péage.

Je ne parlerai pas de mes visites à M. Fox parce que cela n'a absolument rien donné. Au mois de juin dernier, moi et Marcel Venne nous rendions à Québec rencontrer le ministre des Communications qui nous remettait un décret passé le 10 mars 1982 dans lequel un préambule qui disait à l'article 7 qu'il y avait un certain contrôle parce qu'il ne fallait pas que la télévision payante entre en concurrence indûment avec les salles de cinéma. J'ai appris la différence entre un préambule et un décret quand c'est dans la loi parce que cela ne veut absolument rien dire.

À ce moment, si vous êtes vraiment sérieux et si vous voulez vraiment nous aider - je sais comment c'est difficile - il faudrait commencer par arrêter de toujours nous expliquer des questions de juridiction. Il doit certainement y avoir moyen d'arriver à un certain compromis, de faire bouger certaines personnes pour que notre industrie puisse survivre. Parce que, en termes pratiques, dans le cas des ciné-parcs, normalement on emploie du produit qui a joué quatre, cinq, six mois avant, après les lancements de films dans le temps des fêtes, c'était sur les écrans; il y a beaucoup de ces films qui vont avoir passé à la télévision payante. Ils ont l'habitude d'annoncer des films dans leurs programmes qui s'en viennent à la télévision payante, mais ces films sont encore dans nos salles de cinéma. À ce moment, est-ce qu'il va se développer une certaine attitude: Pourquoi payer pour aller dans les salles de cinéma si ces films s'en viennent bientôt à la télévision payante?

Lorsqu'on utilise 75% du contenu des films, on emploie 100% lorsqu'on est pris avec des bâtisses à vocation unique, s'il n'y a vraiment pas un effort pour avoir certains contrôles sur la télévision payante, vous pourrez passer votre loi et vous pourrez offrir des programmes d'aide pour aider l'amélioration des salles en province, cela ne vaudra rien. Ils vont avoir d'énormes difficultés. Ce qui va se produire, cela va créer ici des situations comme dans la ville de New-York. Les cinémas dans les grands centres, Montréal, Québec, vont faire une sortie avec des films qui vont avoir une carrière très courte et ensuite la télévision payante va faire ses effets.

On voudrait également parler, on espère, de l'absence de nouvelles taxes qui viendraient augmenter le prix des billets d'entrée dans les salles de cinéma, augmentation qui provoquerait une désaffection certaine des spectateurs.

Je me suis permis de me renseigner au sujet de la taxe sur les spectacles dans les autres provinces. Elle est de 10% en Ontario après 3,50 $; en Colombie canadienne, et en Alberta, il n'y en a pas; en Saskatchewan, 10% dans les municipalités, la même chose au Manitoba; pour les autres provinces, la taxe est de 10%. J'espère qu'il ne sera pas question, dans le contexte actuel, avec la venue de la télévision payante, avec tous les autres problèmes qu'on a, de songer à imposer une autre taxe sur notre industrie.

On vous a toujours suggéré - M. Venne, M. Gendron avant nous - d'essayer de prendre les moyens pour faire le rapatriement de cette taxe des municipalités. Je comprends que c'est difficile, mais c'est également difficile pour nous. Pour nous, il ne sera pas question qu'il y ait une augmentation de taxe.

Nous suggérons aussi l'injection par le gouvernement, au cours de l'exercice 1983-1984, d'une somme suffisante pour permettre à la société générale comme successeur de l'Institut du cinéma de compléter les programmes d'aide à l'exploitation déjà amorcée et l'étude par le gouvernement des répercussions que peut avoir sur l'industrie cinématographique québécoise et particulièrement sur le secteur de l'exploitation, l'investissement du gouvernement, par l'entremise de son ministère des Communications, dans le réseau de télévision payante de Télévision de l'Est du Québec (TVEC) Inc. J'espère qu'on ne sera pas pris dans une situation où, d'un côté, le gouvernement adopte une loi pour nous protéger et, d'un autre côté, investit dans la télévision payante. Il va falloir que ce soit clarifié. Depuis ce matin que vous posez des questions pour clarifier la situation, alors que nous serions en position pour en poser. Une loi pour nous protéger et une autre loi pour nous créer de la concurrence.

Relativement au pouvoir très vaste de la Régie du cinéma et de la vidéo, le gouvernement devrait s'assurer que l'ingérence de la régie dans les domaines de l'exploitation commerciale est vraiment nécessaire et bénéfique pour ce secteur de l'industrie, compte tenu de la qualité des salles et de leurs équipements, qui est très élevée au Québec. Marcel Venne a très bien couvert ces points. Je vous remercie.

Le Président (M. Paré): Merci beaucoup, messieurs, de votre présentation. Avant de céder la parole au ministre, je voudrais juste avoir le consentement unanime des membres de la commission pour poursuivre les travaux après 18 heures.

M. Richard: Consentement, M. le Président.

Le Président (M. Paré): Consentement. La parole est à vous, M. le ministre.

M. Richard: M. le Président, je voudrais remercier MM. Godin, Venne et Bernard de la présentation conjointe de leur mémoire. Ce qui m'a particulièrement plu, c'est l'approche très positive que vous avez adoptée dans la critique du projet de loi.

Je veux immédiatement vous donner l'assurance que toutes les suggestions, les recommandations que vous faites visant à bonifier le projet de loi seront examinées avec minutie.

Je voudrais immédiatement faire une observation en ce qui a trait à la législation déléguée. Je crois que M. Meunier a un peu raison. Je pense qu'en même temps, implicitement, ses propos indiquaient qu'on n'avait pas tellement le choix. Mon collègue, le député de Trois-Rivières, M. Vaugeois, que la question a toujours préoccupé au plus haut point, me suggérait, hier encore, que ce projet de loi, en ce qui a trait à sa législation déléguée, fasse l'objet de cette éventuelle commission parlementaire qui pourra exister dans le cadre des nouveaux règlements adoptés par l'Assemblée nationale lors de l'ajournement du mois de décembre dernier, permettant justement à une commission parlementaire spécifique de se pencher sur la législation déléguée. Ce serait intéressant qu'une commission parlementaire se penche sur la législation déléguée en ce qui a trait à ce projet de loi.

Je dois vous dire toutefois que quel que soit le mécanisme choisi, c'est avec beaucoup de soin que nous adopterons cette législation déléguée, étant bien conscients de l'impact que cela peut avoir.

En ce qui a trait maintenant aux normes techniques dont on a fait état, j'ai envie d'avouer avec un peu de candeur que j'ai été très réticent à inclure ces contrôles dans le projet de loi parce que je cherchais constamment à éliminer le plus grand nombre possible de contrôles. Je n'ai jamais eu l'intention de créer une police du cinéma au Québec, sauf qu'on m'a signalé que certaines salles de cinéma n'étaient pas conformes aux normes techniques minimales, et que, ce faisant, elles se trouvaient en quelque sorte à violer l'intégralité des oeuvres. C'est par rapport à un petit nombre de salles, je pense. C'est ce qui m'a convaincu, à la fin, qu'on devrait peut-être inclure des dispositions visant à surveiller en quelque sorte les normes techniques pour faire en sorte que les droits des consommateurs et des cinéphiles soient aussi respectés pour qu'il n'y ait pas de publicité trompeuse. On pensait en particulier aux normes techniques concernant les projecteurs. On m'a même signalé qu'à certains endroits les projecteurs ne seraient pas au bon angle, de telle sorte qu'il y a un tiers du film qui n'apparaît pas sur l'écran. Je voulais vous donner l'esprit dans lequel cela a été inclus. Cela fait peut-être partie des 43% dont vous avez parlé. C'est comme cela qu'on a vaincu ma réticence. Encore une fois, je voudrais vous remercier et M. Bernard. J'aurais un conseil à vous donner avec humour, si jamais les salles des cinémas Odéon se vidaient, je pense que vous auriez intérêt à jouer dans les films que vous présentez; il n'y aurait pas de problème pour vos salles.

M. Bernard: Si je pouvais avoir le rôle du deuxième film d'"E.T."

Le Président (M. Paré): La parole est maintenant au député de Saint-Henri.

M. Hains: Félicitations, c'est vrai que vous nous avez mis en veine ce soir malgré la fatigue qu'on commence à ressentir. On vous remercie. Ce que j'ai bien aimé, Me Godin, c'est votre début, parce que le reste on en parle depuis tellement longtemps; cela a apporté un élément nouveau en nous disant que c'est vraiment difficile dans le projet de loi de commenter la politique du cinéma. Évidemment, les objectifs sont là. C'est l'article no 3. Mais on ne peut pas saisir les intentions et les objectifs. Je pense bien que ce sera toute la réglementation qui arrivera par après qui va nous donner vraiment l'esprit de la politique. C'est cela qui est un peu dangereux. C'est de cela dont j'ai un peu peur. C'est qu'on donne au fond un chèque en blanc à M. le ministre. Il va falloir lui faire vraiment confiance parce que...

Non, mais c'est un fait. Dans cet esprit parce que j'avais sorti un grand mot dans ma déclaration, j'avais dit qu'il y avait un vacuum philosophique et politique qui n'existait pas. C'est de la structure. Je ne dirais pas, pour ne pas insulter M. le ministre, que c'est de la structurite, mais c'est vraiment cela. D'après moi, cela manque - j'ai insisté beaucoup au tout début - d'une philosophie, d'une politique. Alors vous, Me Godin, qu'est-ce que vous auriez pu y ajouter en gros pour donner un peu plus de philosophie de la politique dans la loi 109?

M. Godin (Robert P.): Ce n'est pas facile à répondre. Je ne suis pas le ministre des Affaires culturelles. Je ne suis pas chargé de l'élaboration d'une politique. Comme je l'ai mentionné aussi, je peux comprendre un peu pourquoi la loi est rédigée de cette façon. Cela fait très longtemps que je travaille dans le dossier du cinéma. J'ai vécu les premières heures des premières consultations et j'ai eu le plaisir de voir ici aujourd'hui des gens qui ont vieilli comme moi. Ils viennent voir un peu ce qui se passe. J'ai vécu l'inhabileté de plusieurs ministres, l'incapacité de plusieurs ministres des Affaires culturelles de faire aboutir des projets de loi sur le cinéma. Évidemment, avec une loi qui a été adoptée, le plus grand nombre de ses dispositions importantes n'ont jamais été mises en vigueur.

Je pense que c'est vrai que c'est dangereux. On s'en remet vraiment au gouvernement, on s'en remet vraiment au ministre. Quand on analyse le projet, on revient constamment au ministre. Il n'y a rien qui peut se faire. Il y a très peu de définitions de politiques.

Par ailleurs, cela reconnaît aussi la spécificité de l'industrie du cinéma qui est une industrie bien particulière, qui répond à des règles bien particulières. Et ce serait, je pense, difficile, à moins de vraiment faire des études encore plus poussées, encore plus longues d'arriver à un projet de loi vraiment beaucoup plus définitif. Je pense qu'on n'en viendrait pas à bout. On serait dans la même situation: toujours être dépassé par les événements, toujours arriver trop tard avec un projet qui ne correspond pas vraiment à la situation. Je pense que c'est un mal avec lequel on doit vivre. Je pense aussi qu'il va falloir - et je le disais un peu pour notre association, mais pour tout le monde - être extrêmement vigilant. Il y a un processus de consultation qui est prévu pour les types de règlements qui sont importants. Je pense que ce processus, il faudra tous le suivre et tous y participer d'une façon sérieuse parce que c'est cela, finalement, qui est la contrepartie.

M. Hains: Une autre petite question, peut-être. Est-ce que vous voulez répondre?

M. Richard: Je voulais ajouter rapidement un commentaire ou, si vous voulez, une réplique à ce que vous avez dit mon cher collègue, député de Saint-Henri. C'est que pour moi, toute la philosophie au contraire est contenue dans le projet de loi. Je reconnais qu'il manque des ingrédients, et pour cause, c'est qu'il n'y avait pas de billetterie. La billetterie nous permettra d'avoir désormais une information complète nous permettant d'avoir une réglementation plus adéquate. C'est pourquoi je pense que Me Meunier reconnaît qu'on ne pouvait pas aller plus loin dans le projet de loi. Je vous ferai remarquer qu'encore aujourd'hui il y a des groupes qui se sont présentés devant nous et qui nous ont demandé d'ajouter à la loi déléguée. Alors, toute la philosophie est là, mais il manque des ingrédients. C'est absolument normal, on ne pouvait pas faire autrement. Mais on essaiera d'y aller avec beaucoup de prudence.

M. Godin (Robert P.): Puis-je ajouter quelque chose? Je vous ferai remarquer que là où vous avez mis des dispositions particulières, ces dispositions ont donné lieu à un débat très vivant. Je pense à la canadianisation des distributeurs américains. Vous avez une disposition précise selon laquelle vous énoncez une politique, et cela a donné lieu à ce qu'on sait. L'article 79 sur les 60 jours aussi, encore là vous avez une disposition précise. Cela a permis de ventiler et de faire ressortir beaucoup de choses. Éventuellement, il y aura des dispositions dans les règlements aussi importantes qui auront des effets aussi directs sur l'industrie,

mais on ne peut pas en parler parce qu'elles ne sont pas là, elles ne sont pas disponibles. Je n'ai pas de solution immédiate.

M. Hains: C'est tellement vrai, au fond, que les "majors" ce matin n'ont contesté que six articles sur 200. Alors, c'est un peu la preuve de ce que vous avancez. Quant à la billetterie, seulement une petite question très rapide. Actuellement, n'avez-vous pas des rapports mensuels à fournir, vous, les exploitants, à l'institut?

M. Venne: Non. Actuellement, ce qu'on remplit, c'est un rapport de statistiques mensuel tous les mois pour toutes les salles de cinéma et pour tous les films joués au Québec. Ces rapports de statistiques, c'est Statistique Québec qui les rend publics tous les ans ou tous les deux ans. Mais, évidemment, ce n'est pas rendu public d'une façon spécifique, salle par salle, film par film. C'est sur l'ensemble du territoire, par section; soit dans la région de Montréal, par exemple, telle date, il y a eu tant d'assistance pour tant de films. On n'a pas de rapports à présenter à l'institut, pas du tout.

M. Hains: C'est vous-mêmes qui faites vos rapports mensuellement.

M. Venne: Absolument. Depuis de nombreuses années, on fait des rapports de statistiques tous les mois pour toutes les salles de cinéma du Québec.

M. Hains: C'est ce qu'on me disait ce matin. Un expert dans la ligne me disait que si, vraiment, on ne veut que cela actuellement, même si ce n'était que mensuel, on investirait presque 500 000 $ inutilement parce que cela se fait actuellement. Le point majeur, paraît-il - je pense que vous l'avez bien exprimé - serait que les distributeurs soient eux-mêmes assujettis à cette billetterie. Je pense que c'était là votre point majeur.

M. Venne: Oui.

M. Hains: Autrement, on me disait ce matin que ce serait de l'argent investi presque inutilement, si on ne s'en tenait qu'aux exploitants.

M. Venne: Oui, parce que comme le dit le ministre, il veut avoir finalement le profil véridique. On ne doit pas avoir que les chiffres d'exploitation en salles. Parce que l'artisan qui a travaillé dans le film... Je me souviens de l'Union des artistes qui est venue ici et qui disait: Bon, on a droit nous aussi de savoir. Effectivement, si le film est vendu à la télévision à péage, en salle parallèle, je pense que cela grossit les recettes. Ils sont en droit de savoir eux aussi ce qui se passe là pour avoir droit au retour dont ils s'attendent. C'est essentiel de couvrir l'ensemble. On ne peut pas demander seulement à un secteur précis de dévoiler ses chiffres. Il faut que ce soit pour tout le monde si on veut que ce soit efficace.

M. Hains: Merci.

Le Président (M. Paré): M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse à M. Bernard. Mon intervention sera très courte, s'il répond non à la question. Il a parlé tout à l'heure de parallélisme dans la présentation des films et de bénévoles. Je me suis senti un peu concerné parce que j'ai parlé de cela hier en commission. Je voudrais savoir s'il veut vraiment nous dire qu'il faudrait récupérer totalement le cinéma dans les salles de cinéma, s'il vise vraiment les ciné-clubs, ce qui se fait dans les salles d'écoles, ce qui se fait en termes d'activités dans différents milieux comme éducation cinématographique. Est-ce cela que vous visez vraiment lorsque vous dites qu'il faudrait tout rapatrier dans les salles de cinéma?

M. Bernard: Celui qui utilise le réseau scolaire pour faire jouer des films éducatifs, etc.. L'historique commence toujours par du cinéma éducatif. Ils exploitent leur salle à des buts non lucratifs et, quelques semaines après, cela devient un cinéma commercial. C'est là qu'est le problème. Si, dans une certaine région, le secteur commercial ne répond pas vraiment aux besoins de la population, il ne faut pas dire: C'est tout pour nous autres et rien pour les autres, sauf que, lorsqu'on prend le temps d'examiner la performance de certains cégeps et tout, ce ne sont vraiment pas des ciné-clubs. Ce sont des cinémas qui font affaires à des endroits où ils n'ont pas de dépenses, parce qu'ils utilisent l'équipement de l'État.

Certainement! M. le ministre disait qu'il y avait un projecteur un peu croche. Il y a des endroits... C'est rendu que n'importe qui, si ces gens ont un peu besoin d'argent, ceci et cela, ils appellent et disent: Ce sont des distributions en "16" et, comme on dit, on a toujours des relations privilégiées avec les distributeurs, mais, quand ils veulent vendre un "16" sans nous le dire, ils le font vite, soyez-en très assurés. À ce moment-là, on fait du cinéma n'importe où. C'est seulement dans ce but.

M. Dussault: Mais est-ce que ces gens vous font vraiment concurrence?

M. Bernard: Certainement, lorsqu'ils jouent les mêmes films que...

M. Dussault: Est-ce que, dans la majorité des cas...

M. Bernard: Excusez-moi. Oui, assurément, lorsqu'ils jouent les mêmes films que nous.

M. Dussault: Mais est-ce dans la majorité des cas qu'on utilise des films qui sont généralement présentés au public? Je serais porté à vous donner raison si, effectivement, cette concurrence était si directe, mais il m'apparaît que, très souvent, ces activités rapprochent le cinéma du milieu, parce qu'un milieu peut difficilement se rapprocher des cinémas. Il y a beaucoup d'endroits au Québec où il n'y a pas de cinéma, où il est difficile... Il faudrait amener les adultes ou les enfants en autobus pour aller dans un cinéma à un endroit. Je pense qu'il y a beaucoup d'activités de ce type qu'il faudrait vraiment accepter en soi, sinon, ce serait vraiment se couper d'une possibilité de faire de l'éducation cinématographique. Généralement, ce sont des activités qui vont vous amener une clientèle. Je me rappelle que j'ai été initié au cinéma à l'école dans des activités du samedi matin, dans des groupes de loisirs, et aujourd'hui, je suis un fervent amateur de cinéma. C'est ainsi que j'y ai pris goût. Je suis convaincu que beaucoup de ces gens vont aller ensuite dans vos salles pour voir des films qui sont beaucoup plus des films de saison. Les ciné-clubs se font avec des films qui sont passés dans les cinémas il y a deux, trois, dix ou vingt ans. Cela ne vous nuit sûrement pas. Il me semble que c'est beaucoup de ces activités.

M. Bernard: M. le Président, M. le député, est-ce que ce serait permis ou dans les règles que je vous fasse parvenir une partie de mon immense dossier sur le cinéma parallèle? Vous en jugerez vous-mêmes. C'est sûr que c'est très raisonnable, ce que vous me dites, dans le secteur où c'est cela. Si le président m'accorde ce privilège, il me fera plaisir de faire parvenir à la commission une partie de notre dossier sur le cinéma parallèle. Je pense que vous allez certainement être capables de vous en faire une idée.

M. Dussault: Je verrai donc les abus à ce moment-là. C'est cela? Ce sont les abus que je verrai?

M. Bernard: Non, non, tout. Vous lirez les lettres de tout...

M. Dussault: Vous savez, j'ai beaucoup de lecture à faire. Ne m'envoyez pas quelque chose de gros comme cela. Je vous remercie.

Le Président (M. Paré): La permission est accordée. On le fera distribuer aux membres de la commission. Je crois que M. Venne avait un complément de réponse.

M. Venne: Oui. J'aimerais donner un complément de réponse, effectivement. Nous ne nous sommes jamais opposés au cinéma parallèle. On a toujours été d'accord. On a même présenté un mémoire lorsque l'association des cinémas dits parallèles du Québec a été fondée. On est allé rencontrer ces gens. On leur a soumis un mémoire sur la façon qu'on juge être bonne: l'intervention culturelle, les films qui ne sont pas présentés en région dans des salles commerciales, mais là où on s'oppose, c'est quand, effectivement, dans certains cinémas parallèles, on présente les films avant les salles, qu'on présente des films commerciaux, qu'il n'y a pas de carte de membre, que c'est un prix d'admission fixe. Là, on dit que c'est de la concurrence déloyale, parce qu'ils utilisent les salles de l'État et, par conséquent, ils présentent si peu de films québécois qu'ils nous mettent vraiment à l'aise ces gens-là. Ce n'est pas croyable. Oui, c'est un fait. On se battra toujours contre cela, mais que les salles parallèles diffusent du cinéma, on est d'accord et c'est important que les gens voient du cinéma et y prennent goût, comme vous l'avez fait vous-même.

Le Président (M. Paré): Merci. La parole est maintenant au député de Mille-Îles.

M. Champagne: M. le Président, ma question s'adresse à M. Bernard. Vous avez parlé, vers la fin, du rapatriement de la taxe payée aux municipalités. Premièrement, quelle est l'importance de cette taxe? Pourquoi suggérez-vous cela? Est-ce que, par le fait même qu'on la récupérerait, nous investirions davantage dans les cinémas et que les municipalités ne font rien à ce sujet? (18 h 15)

M. Bernard: Oui. C'est une position qui a été prise par notre association depuis plusieurs années. Il est clair que les municipalités, en vertu de la Loi sur les cités et villes, font la perception de ce montant et c'est appliqué à leur fonds de roulement général. Elles s'en servent pour n'importe quelle fonction. C'est sûr - je suis ici depuis lundi - qu'avec tout le monde qui vous demande de l'argent, à un certain moment, cela va vous prendre de l'argent et j'aime mieux que ces 10% soient retournés à l'industrie du cinéma que de nous imposer 10% supplémentaires.

M. Champagne: Dans une ville comme Montréal, avez-vous une petite idée des sommes perçues?

M. Bernard: Je m'excuse je n'ai pas ces statistiques.

M. Venne: C'est simple, 60 000 000 $ à 10% font 6 000 000 $.

M. Bernard: C'est cela.

M. Champagne: Cela veut dire que la ville de Montréal retirerait 6 000 000 $?

M. Bernard: Non, dans l'ensemble du Québec.

M. Venne: Dans toutes les municipalités et l'argent perçu en taxes par les municipalités doit servir aux loisirs. C'est assez étrange qu'on crée ou qu'on bâtisse des complexes qui nous font compétition avec nos propres taxes.

M. Champagne: Alors, vous suggérez, au lieu de donner ces 6 000 000 $ aux municipalités, on devrait le récupérer. C'est vous qui le suggérez, afin qu'on puisse le réinvestir ensuite pour le cinéma.

M. Venne: De le mettre dans le fonds de soutien.

M. Bernard: Pour vous donner un exemple, il y a un endroit où il y a un ciné-parc où on ne fait pas la cueillette des vidanges, il n'y a pas de département d'incendie et où on perçoit 10% de taxe sur les entrées. Pourquoi? Parce que c'est indiqué dans la Loi sur les cités et villes qu'ils ont le droit d'avoir une taxe de 10%, et ils le prennent.

M. Champagne: Une dernière question, mais je voudrais une courte réponse, peut-être pourriez-vous y répondre assez longuement, M. Bernard. Vous représentez tous les propriétaires de cinémas du Québec. Pour vous et pour l'ensemble des propriétaires, le cinéma québécois a-t-il de l'avenir, M. Bernard?

M. Bernard: Écoutez...

M. Champagne: L'esprit du projet de loi c'est de favoriser le cinéma québécois.

M. Bernard: Vous allez me donner le temps de respirer, parce que je dois admettre que vous me posez une question extrêmement directe et je vais vous répondre avec la même franchise.

Je me considère un défenseur inconditionnel du cinéma québécois. Par les circonstances, l'édifice où j'ai mes bureaux est le cinéma Dauphin. Je ne peux pas m'empêcher de me souvenir de "J.-A. Martin photographe", de "Mourir à tue-tête", de "Cordelia" qui ont établi des records de recettes. Si ma mémoire est bonne, cela a quand même pris un film de l'envergure du "Dernier métro" pour battre "Cordelia". On commence à jouer pas mal dans les grosses ligues quand on en est rendu là.

Je trouve - je vais essayer d'être bref - que le problème qui se pose... J'ai donc trouvé cela malheureux lorsque le film "Les Plouffe" a connu un certain échec à Paris. Nous sommes un peu masochistes, on a pris le bas de la page d'un journal pour parler de nos échecs. Ensuite, il y a eu une émission à la télévision pour parler de nos échecs. On aurait pu parler de "Les bons débarras", etc. Mais je pense que, oui, le cinéma québécois est important, il est essentiel. Une fois, je parlais à Marcel et il m'a dit qu'il y avait eu 12 000 $ de recettes à Joliette pour "Les Plouffe", c'est sûr que les gens y sont allés. Tout cinéma pour nous est important, et le cinéma québécois et le cinéma au Québec, mais le cinéma québécois a certainement sa place, je lui souhaite bonne chance. Il n'aura certainement pas plus d'échecs que les Américains, parce que, à la fin de l'année, cela se balance, on voit une couple de films qui marchent très bien. Mais pour qu'on puisse entrer dans la tête des gens que cela vaut la peine de se déplacer pour voir cela, il faut arrêter de parler de nos échecs. Il faut quand même parler du bon cinéma qui a fait ses preuves, c'est tout.

M. Champagne: D'accord. Merci pour cette réponse, c'est un très bon témoignage, je pense qu'on est dans la bonne direction avec le projet de loi no 109, qui veut aussi faire la promotion du cinéma québécois et on a un bon témoignage d'une personne qui vit du cinéma depuis de nombreuses années. Merci, M. Bernard.

Le Président (M. Paré): Sur ces bonnes notes pour le cinéma québécois, merci, MM. Bernard, Godin et Venne d'avoir pris le temps de venir répondre à nos questions.

J'inviterais maintenant l'intervenant suivant à prendre place ici en avant. Il s'agit de l'Association des producteurs de films du Québec. Bienvenue à la commission. Je demanderais au porte-parole du groupe de se présenter et aussi de nous présenter les personnes qui l'accompagnent.

Association des producteurs de films du Québec

Mme Boisvert (Nicole): Merci, M. le Président. Mon nom est Nicole Boisvert. Je suis la présidente de l'Association des producteurs de films du Québec. À ma droite, M. François Champagne, qui est responsable à l'APFQ depuis plusieurs années du dossier commandite et fiscalité; M. Jacques Pettigrew, directeur à l'APFQ; à ma gauche, M. Eric Fournier, vice-président de

l'APFQ, et M. Michael Spencer, secrétaire général de l'APFQ.

M. le Président, M. le ministre, distingués membres de la commission, tout d'abord, peut-être que je devrais très brièvement vous présenter l'Association des producteurs de films du Québec.

L'association a été fondée en 1966 et elle a pris la relève de l'Association professionnelle des cinéastes afin de pouvoir réunir en une seule corporation les différents secteurs clés de la production cinématographique. C'est ainsi qu'aujourd'hui l'APFQ regroupe non seulement 60 compagnies de production de films et de vidéo dans différentes spécialités, telles que le long métrage, la téléproduction, le documentaire, le message publicitaire, le film industriel et de commandite, mais compte aussi parmi ses membres huit laboratoires et maisons de services.

Tel que le précisent nos lettres patentes, les principaux objectifs de l'APFQ sont de promouvoir et de conserver l'intérêt commun de tous ceux qui sont impliqués dans l'industrie cinématographique au Canada, en conservant les plus hauts standards possibles faire tous les efforts afin de corriger tout abus qui pourrait survenir dans l'industrie cinématographique, encourager une coopération étroite entre tous ceux qui font partie de l'industrie cinématographique et représenter les compagnies membres auprès des organismes d'État.

Dotée d'un secrétariat permanent, l'APFQ est gérée par un bureau de direction de neuf membres élus qui, en plus de voir à l'administration courante, préparent les politiques et programmes cf'action de l'association pouvant favoriser l'avancement de la cause de l'industrie cinématographique. Dans cette perspective, l'APFQ intervient régulièrement auprès des trois paliers de gouvernement, des milieux d'affaires nationaux et internationaux.

Je vais vous lire le plus rapidement possible notre mémoire. J'ai fait un ou deux petits ajouts, alors ne cherchez pas trop dans vos pages. Ce sont des petites surprises.

Dès la parution du rapport de la Commission d'étude sur le cinéma et l'audiovisuel, l'APFQ a fait connaître au ministre des Affaires culturelles, M. Clément Richard, sa satisfaction et son appui à la politique globale énoncée par cette commission. Nous profitons de l'occasion qui nous est offerte aujourd'hui pour féliciter publiquement et remercier le ministre des Affaires culturelles, d'une part, d'avoir respecté les délais et les étapes promises: dépôt du rapport en juin 1982, dépôt du projet de loi en décembre 1982 et tenue de la commission parlementaire en février 1983, et, d'autre part, pour souligner son courage politique, en proposant en grande première dans ce pays une vision globale et à long terme du développement de l'industrie du cinéma et de l'audiovisuel.

La qualité du rapport de la commission Fournier est, selon nous, une preuve de l'efficacité et de la cohésion de notre milieu lorsqu'il s'agit du renouveau de notre cinéma. Notre association s'est vivement intéressée à cette commission et elle est présentement soucieuse de voir respecter des recommandations qui assureront la survie de notre industrie. L'Association des producteurs de films du Québec reconnaît que le projet de loi no 109 respecte l'esprit des conclusions de la commisison Fournier et nous appuyons ce projet de loi. Néanmoins, cet appui ne nous empêche pas de vous souligner l'importance de la représentation du milieu pour toutes les questions le concernant. Nous appuyons fortement les cinq objectifs énoncés à l'article 3 du projet de loi, notamment, l'implantation et le développement de l'infrastructure artistique, industrielle et commerciale du cinéma et de la vidéo et surtout le développement d'entreprises québécoises indépendantes et financièrement autonomes dans le domaine du cinéma et de la vidéo.

C'est donc dans cet esprit que nous vous soumettons les suggestions et les propos qui suivent. Le rapport Fournier parle de survie, mais il parle aussi d'excellence. Qu'il me soit permis ici de vous rappeler que nos films ont été et sont invités au festival de Cannes, à ceux de Berlin, de Los Angeles, de Chicago, de Taormina et de Venise; que nos documentaires remportent dans le monde entier des prix internationaux, et ce à la douzaine. Qu'il me soit également permis de vous rappeler que les plus gros succès du box-office du Québec ont souvent été des films québécois. Et si la presse québécoise est présente, j'aimerais lui répéter une deuxième fois: Qu'il me soit également permis de vous rappeler que les plus gros succès du box-office du Québec ont souvent été des films québécois. À moins qu'on ne soit publié dans un journal du Mozambique. Enfin!

L'industrie cinématographique indépendante n'a pas à prouver qu'elle a le potentiel pour subvenir en qualité aux besoins du marché domestique et que cette qualité peut lui permettre d'augmenter sa part du marché international. Le Bureau des festivals nous apprend que de janvier à septembre 1982, le secteur indépendant s'est mérité 102 prix sur 127 aux festivals internationaux auxquels il a été invité à participer. Je me retiens, sinon je répéterais cela aussi. Les titres que plusieurs se sont plu à énumérer depuis le début de la commission prouvent que la ci-nématographie québécoise a su déjà s'établir des assises solides dont les classiques sont connus et appréciés par tous les publics. Ils révèlent, cependant, l'aspect tragique de notre situation par leur nombre qui diminue

et qui risque d'atteindre très bientôt le point zéro. Est-il utile de répéter qu'il ne s'est malheureusement tourné que deux longs métrages en 1982? Le cinéma est un des modes de présentation et de représentation de la mémoire du temps. Il est essentiel que l'infrastructure qui le sous-tendra lui permette de se développer librement et pleinement.

Nous allons maintenant faire une brève analyse du projet de loi. Tout d'abord, et cela nous concerne, l'Institut québécois du cinéma et de la vidéo. Le projet de loi no 109 respecte l'ensemble des recommandations de la commission à ce sujet. À l'article 16, nous retrouvons ceci: "Le ministre reconnaît au moins une association représentative de chacun des groupes du secteur privé du cinéma." Voilà. L'APFQ est tout à fait favorable à l'implication de ces huit partenaires pour l'élaboration des politiques de notre industrie. Ces huit membres de l'institut pourraient de plus suggérer au ministre une liste de personnes issues du milieu péricinématographique. Quatre autres membres provenant soit de la télévision, des régions et de la clientèle s'ajouteraient ainsi pour former un conseil de douze membres de l'institut. C'est à l'article 18. (18 h 30)

Lorsque le conseil de l'institut est complet, nous demandons qu'il procède à l'élection d'un président et d'un vice-président choisis parmi les huit membres issus du milieu. Ici, je cite le rapport Fournier: L'Institut québécois du cinéma et de la vidéo doit être le principal artisan de la politique cinématographique du Québec. Il doit être l'instance de réflexion et d'orientation qui fixe les objectifs et les modes d'utilisation de l'aide de l'État à l'industrie cinématographique et au développement d'un cinéma régional. Il est également et de façon majoritaire sous la gouverne de la profession.

La Société générale du cinéma et de la vidéo. Nous comprenons, M. le Président, les motifs d'un allégement des structures institutionnelles proposé par la commission Fournier, mais nous ne comprenons pas les raisons qui motivent l'abolition de l'affiliation de cet organisme à l'institut.

Cette affiliation n'empêche en rien que cette société soit administrée par un conseil d'administration de cinq personnes, dégagées de tout conflit d'intérêts, qu'elles soient nommées par le gouvernement à la recommandation du ministre après consultation de l'institut.

Dans cette structure, le poste de président directeur-général de la société générale aura une influence déterminante sur tout notre milieu. C'est un des postes clés. Ce P.-D.G. proposera les programmes même si l'institut a le dernier mot. Il doit donc connaître les rouages de l'industrie de la production cinématographique et de la vidéo en plus d'être doué d'un haut sens de la gestion.

Nous sommes satisfaits de voir le P.-D.G. entouré de quatre personnes au conseil d'administration de la société générale, ce qui permet un apport plus grand d'idées et d'expertise dans des domaines tels que la finance, le marketing, la promotion et la recherche.

Mais nous souhaitons que ces autres membres du conseil soient nommés par le ministre, à la recommandation de l'institut qui reflétera les besoins du milieu.

L'article 62. La société générale doit administrer les fonds que le gouvernement destine au secteur privé du cinéma et de la vidéo et attribuer l'aide financière selon les formes prévues à l'article 8. Toutefois, nous souhaitons que l'institut conserve le mandat exclusif de fixer les orientations, de déterminer les budgets annuels et les programmes de la société générale et de lui allouer les fonds que le gouvernement destine au secteur privé.

L'article 63 prévoit que la société peut conclure des accords avec tout gouvernement, un de ses ministères ou organismes. Toutefois, pour que le mandat de l'institut soit efficace et qu'il puisse faire appliquer ses politiques, il est essentiel que la recommandation de la commission Fournier je vous reporte à la page 80 - soit introduite dans le présent projet de loi, notamment, que la SODICC consulte l'institut, principal instrument de la politique cinématographique du Québec et obtienne son autorisation avant de procéder à toute intervention concernant la propriété d'entreprises de cinéma et de vidéo. De cette façon, on assure une cohérence de l'intervention concernant la propriété d'entreprises de cinéma et de vidéo.

Il ne faut pas oublier que la SODICC a un pouvoir d'intervention économique considérable en comparaison de celui des institutions du milieu cinématographique. Elle pourrait, d'un seul investissement, bouleverser tous les objectifs de l'institut.

La Régie du cinéma et de la vidéo. Nous supportons la création de la Régie du cinéma et de la vidéo. Toutefois, la commission Fournier avait proposé trois organismes de surveillance et de contrôle: L'Office de surveillance du cinéma, le Conseil de surveillance du cinéma, la Régie du cinéma et de la vidéo.

Encore une fois, nous comprenons l'allégement de la structure proposée. La régie, dans ce projet de loi no 109, a un conseil de trois membres dont un président nommé par le gouvernement. Ne pourrions-nous pas, là aussi, inclure un mécanisme de consultation de l'institut? Comme vous le voyez, on aimerait être présent un peu partout.

Nous appuyons les articles 73 à 76 qui donnent à la régie la fonction de classification des films, mais la commission Fournier avait prévu qu'un organisme comme le Conseil de surveillance du cinéma sollicite des opinions, reçoive et entende les suggestions des personnes sur toutes les questions relatives à la classification des films. Il était donc prévu que cet organisme donne son avis sur toutes les questions relatives à la classification des films et notamment sur les critères de classification.

Le projet de loi no 109 ne propose pas un tel organisme. Nous déplorons ce fait et nous réitérons formellement notre appui à la création d'un Conseil de surveillance du cinéma composé de dix membres, dont cinq nommés par le ministre, sur recommandation de l'institut. Ils sont choisis parmi les secteurs suivants: les réalisateurs, les producteurs, les auteurs-interprètes, les distributeurs et les exploitants. Cinq autres membres sont nommés par le ministre, après consultation des principaux groupes, associations et organismes intéressés par l'exploitation du cinéma.

La régie doit tenir compte de l'opinion du milieu et du consensus social. Peut-on encore admettre que seuls trois membres de la régie aient l'autorité absolue de définir ce qui porte atteinte à l'ordre public et aux bonnes moeurs? D'où l'importance de l'existence d'un Conseil de surveillance du cinéma, conseil qui nous semble indispensable pour éviter les interprétations abusives de l'article 77. Nous recommandons la prudence dans ce domaine et nous désirons que le spectateur soit protégé au même titre que la création et la liberté d'expression.

Notre association appuie, bien sûr, la francisation du marché du cinéma au Québec, telle que définie à l'article 19 du projet de loi. Cet article donne au public québécois la liberté du choix de sa version, quelle soit originale, doublée ou sous-titrée. Nous ne saurions trop insister ici sur l'importance, pour le développement global de notre industrie, d'apporter au plus tôt les correctifs nécessaires qui permettront l'épanouissement de l'industrie du doublage au Québec.

Nous voyons dans les articles 87 à 108 une réforme importante de notre industrie. Tout d'abord, l'élément majeur est la réappropriation du secteur de la distribution. C'est un élément essentiel du développement de l'industrie et il est absolument vital que l'on contrôle la distribution, car tant et aussi longtemps que nous ne contrôlerons pas la distribution, la production nationale ne pourra prendre son essor.

En ce qui concerne les permis de distributeur, d'exploitant et de producteur, ainsi que les permis de tournage, l'APFQ est d'accord de se plier à ces articles de loi qui permettront une meilleure évaluation de l'activité de notre milieu. Ne serait-ce que dans un but statistique, ces informations sont essentielles à notre développement.

L'autre aspect majeur est la billetterie, l'obligation pour les exploitants de tenir à jour les données hebdomadaires sur les entrées en termes d'argent et de personnes. Nous recommandons que ces données soient publiées hebdomadairement, ce qui nous indiquerait les comportements de notre marché.

Lors de l'établissement de la réglementation (aux articles 158 et 159), nous souhaitons être consultés pour évaluer avec la régie la portée de ces règlements et pour en faciliter l'application quotidienne.

Le fonds de soutien est absent du projet de loi, mais j'aimerais quand même en dire quelques mots. L'harmonisation du milieu cinématographique, telle que proposée par le projet de loi no 109, ne pourra s'accomplir sans un fonds de soutien alimenté de façon permanente et croissante. Pour assurer une véritable relance et une continuité du cinéma au Québec, le fonds de soutien doit comporter des sommes importantes de l'ordre de 25 000 000 $ proposés par la commission Fournier, à la page 55. Les recommandations de cette commission pour alimenter ce fonds essentiel au développement de notre industrie culturelle sont fondées sur la participation financière de ceux qui en sont les principaux usagers tels les télédiffuseurs privés ou d'État, les câblodistributeurs, les utilisateurs de cassettes, etc.

Un autre absent, la commandite gouvernementale. Nous pensons que la production dite commanditée est un élément important de notre industrie cinématographique. Tout ce secteur, à notre avis, devrait faire l'objet d'un examen approfondi et ce dans la perspective des visées gouvernementales consistant à favoriser le développement de la PME.

La commandite gouvernementale a été depuis de nombreuses années une source intarissable de frustrations pour le secteur privé au Québec. L'adoption en 1975 d'une première loi cadre sur le cinéma provoqua une situation soulevant des inquiétudes quant à la cohérence de l'action gouvernementale qui, via l'institut, soutient le développement d'une industrie cinématographique et audiovisuelle indépendante qu'elle concurrence d'autre part en favorisant l'émergence de toutes sortes de sections, unités, ateliers, etc., de productions gouvernementales qui disposent, tout compte fait, de budgets considérables; sans compter le gaspillage de fonds publics et d'énergie qui accompagnent toujours de telles situations confuses. Ainsi, au nom des politiques énoncées dans le projet de loi no 109, nous demandons que le gouvernement se retire complètement de la production audiovisuelle, qu'il favorise une politique d'auteurs en production

gouvernementale et qu'il révise la politique d'appel d'offres et de soumissions.

Nous demandons également que le gouvernement s'abstienne de toute concurrence au secteur privé par le biais de ses institutions, notamment Radio-Québec. Nous suggérons qu'il confie à Radio-Québec un mandat de programmation et de diffuseur et qu'il remette la production au secteur privé.

En conclusion, aux dires des commissaires de la commission Fournier, le modèle d'intervention qu'il recommande et que nous appuyons est tout d'une pièce. On ne peut pas le disséquer pour n'en appliquer que certaines parties sans compromettre sa cohérence. Nous ne soulignons pas cette caractéristique du modèle proposé pour forcer la main de l'État, mais seulement pour le mettre en garde contre la tentation qu'il pourrait avoir de céder à certaines pressions ou d'appliquer les recommandations qui feront plus naturellement que d'autres l'unanimité. On ne saurait trop dire, trop répéter l'urgence de l'adoption de cette loi 109 pour revitaliser l'industrie du cinéma et de l'audiovisuel, secteur primordial de la culture québécoise.

Encore une toute petite page. Je voudrais vous rappeler, en terminant, que le secteur indépendant de production de cinéma est né seul, s'est financé seul, à l'ombre de Radio-Canada et de l'ONF, et envers et contre toute logique. Ce cinéma est né de la passion et de la détermination de quelques créateurs, réalisateurs, producteurs, techniciens qui farouchement se sont entêtés à doter ce petit pays d'un grand et populaire cinéma. Au cours de toutes ces années, ils se sont battus pour que le Québec trouve sa place dans le monde. Maintenant que l'infrastructure de cette industrie est en place, maintenant que nous avons fait nos preuves, nous avons besoin de votre support. Nous avons besoin de cette loi pour assurer la continuité et pour harmoniser notre industrie.

Bien qu'il nous soit pénible à nous, producteurs, entrepreneurs libres et indépendants, de vous supplier de faire très vite, je le fais au nom de tous mes collègues, car nous étouffons. Nous avons lutté seuls jusqu'à maintenant. Aujourd'hui, nous avons besoin d'être épaulés. Nous avons besoin de sentir derrière nous un appui inconditionnel. Nous avons besoin urgemment de cette législation et du fonds de soutien. M. le Président, si l'État n'intervient pas et n'injecte pas une aide massive dans les entreprises québécoises et autonomes de production, elles n'auront peut-être qu'un bilan de fermeture à déposer le 31 décembre 1983 et si certains, comme on l'a entendu ce matin, se sentent menacés d'expulsion, nous, nous sommes menacés de mort. Merci, M. le Président.

(18 h 45)

Le Président (M. Paré): Merci beaucoup, Mme Boisvert. La parole est maintenant à vous, M. le ministre.

M. Richard: M. le Président, je voudrais remercier d'abord Mme Boisvert et ses collègues de cette contribution majeure et extrêmement importante aux travaux de la commission parlementaire. Je voudrais donner l'assurance, encore une fois, que c'est minutieusement et avec beaucoup de soin que nous analyserons les recommandations et les suggestions qui sont contenues dans ce mémoire. Pour le bénéfice des membres de la commission parlementaire, Mme Boisvert, pourriez-vous nous donner un aperçu sommaire du processus de financement d'une production cinématographique?

Mme Boisvert: Je veux bien, M. le ministre, et avec plaisir. Si vous voulez bien, nous allons prendre l'exemple d'un film de 1 000 000 $ et voir comment, au Québec, on peut arriver à financer un film. Je vous souligne au passage que le coût moyen de production d'un film de long métrage aux États-Unis est de 10 000 000 $. Alors, nous serons modestes.

Comment trouve-t-on 1 000 000 $ en ce moment au Québec? On peut en trouver 20% à l'institut, si l'institut a des fonds disponibles. Vous savez qu'il ne dispose en ce moment, à toutes fins utiles, que de 3 000 000 $. C'est vrai qu'il a plus de 3 000 000 $. C'est 4 000 000 $ ou 4 500 000 $ et tout, mais de disponibles pour nous, pour la scénarisation, pour la production et pour l'aide à l'exploitation, cela revient finalement à un chiffre assez restreint. Donc, nous avons 200 000 $ là. Nous pouvons aller chercher un autre 20% à la SDICC, mais là aussi les caisses sont un peu vides. Depuis avril 1982, les caisses sont vides et, quand elles sont pleines, le secteur francophone n'a droit qu'à 900 000 $, pour 7 000 000 de francophones au Canada, pour appuyer la scénarisation, la production, l'aide aux distributeurs, la participation aux festivals, etc.

Nous allons également chercher 10% -c'est la part du producteur - 100 000 $, quand les années sont bonnes. En plus, nous pouvons faire une prévente à Radio-Canada et on obtient à ce moment-là, en moyenne, 35 000 $ en investissements et 35 000 $ en prévente, c'est-à-dire pour les droits de diffusion, et peut-être que si tout va bien, on pourra obtenir 50 000 $ de la télévision payante, ce qui nous fait un budget de 585 000 $.

Là où il y a un problème, et cela explique tout à fait la situation de la production indépendante dans ce pays, c'est comment je comble ce qui reste entre 585 000 $ et 1 000 000 $, si je suis un

entrepreneur valable et si les membres de mon association sont des hommes et des femmes d'affaires. Il faut absolument aller chercher une avance de distribution. Vous savez que c'est ainsi que les Américains et les Français financent leurs films, parce que j'ai produit également en France et aux États-Unis. Nos distributeurs sont dans un tel état de disette, comment voulez-vous qu'ils m'apportent une avance de distribution de 100 000 $, par exemple? La pratique aux États-Unis comme en France est également d'aller chercher une avance des salles, des avances sur les recettes. Il y a aussi une autre pratique. Nous allons chercher des avances des ventes à l'étranger. Pour arriver à notre 1 000 000 $, c'est la façon dont on devrait procéder, mais à cause de la situation des distributeurs indépendants dans ce pays, à cause de notre non-accessibilité à certains réseaux, il nous est impossible en ce moment d'arriver à cette somme et c'est pourquoi nous demandons votre aide.

M. Richard: Quand vous parlez, Mme Boisvert, de non-accessibilité à certains réseaux, est-ce que vous pourriez préciser?

Mme Boisvert: Ce matin il a été dit par, appelons-les par leur nom, les "majors" qu'on ne leur offrait pas nos produits. Ce n'est absolument pas vrai. Chacun d'entre nous, à un moment ou l'autre, a présenté des projets et c'est extrêmement rare qu'ils aient été acceptés. Parfois, nos textes sont superbes - je pourrais vous citer certains titres - ils sont tellement bons qu'on veut nous les acheter et les "majors" veulent les produire eux-mêmes. À ce moment, je leur réponds: "If it is good for you, Sir, I think it is good for me too", et on s'entête, mais cela ne remplit pas les poches. Alors on a vraiment besoin d'un peu d'aide pour retrouver les belles années qu'on a connues au cours des années soixante et début soixante-dix. C'est à cette époque que nos distributeurs indépendants ont contribué à compléter le financement de nos productions et cela a donné des résultats étonnants.

M. Richard: Mme Boisvert, à cet égard, croyez-vous que les dispositions de l'article 97, quant à la réappropriation de la distribution, seraient une amorce de solution?

Mme Boisvert: À peu près tout le monde a parlé sur le sujet, c'est l'inconvénient de parler presque à la fin, mais j'ai envie de vous le dire, parce que cela n'a pas été dit jusqu'à maintenant. Tous les "majors", je crois, sauf deux, ne sont même pas incorporés au Canada, ils sont tous incorporés au Delaware, il y en a un qui est incorporé aux Pays-Bas. Est-ce que vous pouvez me dire ce que cela laisse au Canada? Donc, la canadianisation est absolument essentielle, pas seulement au Québec, je crois que cela va servir à tout le monde. Il y a des millions de dollars - là, je ne veux pas me lancer dans les chiffres, parce qu'on en a entendu plusieurs qui étaient un peu différents - on sera tous d'accord là-dessus, il y en a quand même pour des millions et ces millions repartent sans laisser de traces, enfin celles qu'on aimerait voir laisser au Québec, ils repartent vers les États-Unis.

M. Richard: Mme Boisvert, vous avez entendu les différents mémoires qui ont été présentés, puisque vous dites justement que vous êtes parmi les derniers, en tant que producteurs québécois, à vous présenter devant la commission. Est-ce qu'il y a des commentaires, des suggestions, des recommandations qui vous sont venus à l'esprit et que vous souhaiteriez transmettre à la commission?

Mme Boisvert: Si vous me donnez le choix, j'en ai tellement. Si vous voulez bien qu'on reste jusqu'à 20 heures ce soir, moi, je veux bien!

Il y a plusieurs choses, qu'on a entendues au cours des derniers jours, qui nous ont donné plein d'idées. Ce matin, j'ai été absolument ravie quand j'ai entendu Jacques Laurent dire que les Américains sont d'excellents hommes d'affaires et, en cela, je suis tout à fait d'accord avec lui. En plus, il a dit qu'ils sont généreux, alors j'étais encore plus ravie et je me suis prise à rêver en imaginant que, demain matin, on aurait 25 000 000 $ et, en plus, on aurait une contribution de 15 000 000 $, ce qui nous ferait 40 000 000 $ pour nous l'industrie, c'est-à-dire exactement le budget de "The Winds of War" - c'est 18 heures de télé - et ainsi on pourra avoir quand même une cassette intéressante.

Ce qui m'a amusée aussi, c'est quand on a parlé de "Meat Balls". Je pense que le distributeur ne m'en voudra pas trop de parler de son affaire, mais malheureusement il n'est pas là. J'ai entendu quelques faussetés que j'aimerais bien corriger. C'est vrai que le producteur, qui est Québécois et qui est distributeur québécois, qui a produit "Meat Balls", n'a pas pu le distribuer au Québec et au Canada. J'aimerais vous dire pourquoi. Parce que ce film a été financé en tout ou en partie par des investisseurs privés et lorsque ce film a été présenté aux "majors", les "majors" ont offert 300 000 $ pour les droits de distribution au Canada.

Le distributeur indépendant, le distributeur québécois n'était pas en mesure d'offrir la même somme pour ces investisseurs. Il avait vraiment un cas de conscience à ce moment, déchiré entre ne pas pouvoir distribuer, alors qu'on est son propre producteur et son propre producteur

sur son propre territoire, mais déchiré aussi par un problème moral: Il ne pouvait pas frustrer ses propres investisseurs d'un retour garanti d'une somme de 300 000 $. J'espère que cela vous expose d'une façon très claire et convaincante la situation de la production et de la distribution dans le pays.

Si vous me le permettez, je vais vous parler de deux ou trois autres choses, M. le ministre. Je vais vous parler de la baisse de la... Vous savez que tous les secteurs dans cette industrie sont absolument interdépendants. Pour qu'on arrive à une production québécoise saine, il faut que tous les milieux fonctionnent, soient en plein essor en même temps, que ce soit le long métrage, la commandite, les documentaires, les films pour la télé, les messages publicitaires.

Je peux vous dire qu'en ce moment il y a une baisse dramatique de la production des films de messages publicitaires. Cela va jusqu'à peut-être 40%. Il y a aussi le risque qu'il y ait un déplacement de la production vers Toronto. Il y a également une baisse dramatique dans la commandite gouvernementale, autant fédérale que provinciale, et j'aimerais peut-être laisser la parole à un spécialiste de la question qui peut vous expliquer brièvement quelle est la situation aujourd'hui.

M. Champagne (François): En fait, concernant la commandite gouvernementale, il y a eu une baisse de l'ordre de 72% de 1975 à 1983, et cette baisse est attribuable à différents facteurs dont, ici au gouvernement du Québec pour une part, la formation de certains ateliers internes. C'est une drôle de coïncidence mais les chiffres ont commencé à baisser à partir de ce moment. Il y a eu différentes interventions, entre autres, auprès de M. O'Neill en 1976, lors d'une rencontre célèbre où le sous-ministre des Communications de l'époque, M. Gérard Frigon, a mentionné, quand on lui a fait part de nos craintes concernant la mise sur pied d'une structure de production interne gouvernementale: "Over my dead body, il ne saurait en être question."

Maintenant, sept ans après, nos craintes sont fondées, les ateliers audiovisuels qui produisent des documents audiovisuels pour le gouvernement du Québec comptent maintenant plus de dix employés et la commission Fournier a dénombré plus de 90 employés de l'État qui ne produisent que de l'audiovisuel au gouvernement du Québec. Entre nous, ce ne sont seulement ceux qu'ils ont bien trouvé.

Si on considère le coût de cette masse salariale, c'est énorme. Pour pouvoir supporter une telle masse salariale dans le secteur privé, vous pouvez tout de suite imaginer que cela prend un chiffre d'affaires de l'ordre de 10 000 000 $ pour supporter 90 employés permanents. On se pose de sérieuses questions quant à la rentabilité, effectivement, de cet investissement dans du personnel pour la production interne au gouvernement. Est-ce que je réponds à...

Mme Boisvert: Justement, j'en profite pour mentionner... Hier, on a posé une question. On demandait: Combien y a-t-il de personnes qui travaillent dans l'industrie cinématographique? Nous avons fait des recherches. Je peux vous dire qu'au Canada il y a 35 000 personnes qui ont un emploi permanent dans le cinéma, plus 10 000 à la pige, pour un total de 45 000, ce qui nous fait au Québec entre 15 000 et 20 000 personnes qui travaillent et qui vivent du cinéma, que ce soit dans nos laboratoires, dans nos maisons de production, que ce soit dans le doublage chez les comédiens. Donc, je pense que c'est assez valable comme chiffres. (19 heures)

II y a des choses aussi... Je vous ai glissé un mot sur Radio-Canada, mais j'aimerais bien ne pas oublier Radio-Québec, cela pourrait faire des jaloux. J'aimerais vous donner le chiffre faramineux que les indépendants obtiennent en acquisition pour leurs produits. C'est la somme totale de 325 000 $ que nous nous séparons. Je vous ai donné le nombre de maisons de production faisant partie de cette association et il y en a quand même quelques autres. Parmi les malheurs qui nous sont arrivés cette année aussi, nous avons vu la disparition des 100% d'amortissement pour les investisseurs. Voilà pour nous une autre source qui vient de disparaître depuis le 31 décembre 1982.

Il y a un nouveau phénomène également qui est la télévision payante. Vous savez qu'au cours des deux dernières années, l'APFQ a fait des quantités de rapports qu'elle a produits au CRTC avant que les permis ne soient livrés aux détenteurs actuels de permis. Je ne veux pas être l'empêcheuse de danser en rond, mais je peux vous dire - et c'est vérifiable - qu'en première page d'un magazine spécialisé du cinéma - c'est le Hollywood Reporter - il était écrit en grosses lettres: "Gold Rush for American TV Producers", en ce qui concerne notre télévision payante. À ce jour, je ne peux pas vous dire que les retombées pour le secteur francophone soient énormes. Nous pourrons vous donner des chiffres un peu plus tard. C'est peut-être vrai qu'il vont atteindre leurs 30% de contenu canadien, mais j'aimerais bien - et Dieu sait que j'aime bien le sport - que ce ne soit pas seulement en hockey. Je n'ai rien contre les Nordiques, remarquez, mais que ce soit en hockey, en tennis ou en boxe, j'aimerais que nous, les indépendants, nous ayons la possibilité de présenter nos longs métrages, c'est-à-dire nous mettre à tourner de nouveaux longs

métrages francophones, des documentaires et des documents de variétés, etc.

Il est essentiel que l'État agisse très vite pour permettre aux producteurs indépendants de pouvoir enfin obtenir des positions majoritaires quand nous faisons des coproductions avec l'étranger. Vous savez qu'au Canada, il y a plusieurs traités signés avec différents pays, que ce soit la France, Israël, l'Italie, l'Allemagne et l'Angleterre. Un de nos drames, à cause de la petitesse de notre marché et à cause de la petitesse de nos moyens, c'est qu'il nous est très difficile d'arriver en position majoritaire. Or c'est important de détenir 60% ou 80% dans un film, parce que c'est seulement à cette condition que vous pouvez imposer un metteur en scène québécois et que vous pouvez imposer des vedettes. Il est donc essentiel d'être le plus fort, et on en a marre d'être les plus faibles depuis très longtemps.

Il y a aussi - je dois le souligner - nos banques canadiennes qui sont les plus conservatrices au monde dans le domaine du cinéma. Je rêve de voir très bientôt, à l'institut, des mécanismes qui nous permettront à nous, Québécois, de fonctionner comme les Américains et comme les Français, c'est-à-dire d'avoir une institution qui connaisse le cinéma et qui soit en mesure de faire des escomptes de nos propres contrats de vente, que ce soit au Japon, etc. Vous savez, on n'a pas envie d'être subventionnés, et, en fait, à l'institut, ce sont des investissements qu'on fait dans nos productions. Nous n'avons pas une mentalité d'assistés sociaux et nous ne voulons absolument pas vivre aux crochets de l'État. On veut un coup de main pour pouvoir continuer l'oeuvre que nous avons commencée.

Peut-être un dernier point. Ce sont les télémonopoles. Comme elles jouissent d'un monopole, elles devraient avoir certaines obligations envers le public, comme le CRTC leur donne des privilèges, je crois que lorsqu'on reçoit des privilèges, on se doit d'en faire bénéficier les gens de sa communauté.

M. Richard: J'ai une dernière question un peu directe. Je voudrais que vous répétiez combien il y a de maisons de production au Québec.

Mme Boisvert: À notre association, il y a 60 maisons de production et huit maisons de services et laboratoires. Mais vous avez vu défiler devant vous d'autres associations qui sont, soit des associations de vidéo ou d'autres petites maisons, mais je crois que l'APFQ regroupe les maisons les plus importantes et établies depuis très longtemps. Vous avez, à ma droite, le président d'une société de production québécoise qui existe depuis 31 ans. Il est beaucoup trop modeste pour le mentionner, mais je peux vous dire que sa maison a gagné, au cours des années, 45 prix internationaux, c'est quand même pas mal. Je ne vous parle pas de prix au Québec, mais sur le plan international.

M. Richard: Compte tenu de l'étroitesse du marché québécois et compte tenu de la concurrence qui existe à l'échelle internationale, n'y aurait-il pas intérêt à ce qu'on assiste - ce n'est pas une affirmation, c'est une question que je pose - à une consolidation des entreprises de production québécoise?

Mme Boisvert: C'est ce que nous faisons de plus en plus. Vous avez des regroupements. Je pense que nous sommes arrivés à maturité. Nos maisons existent depuis 20 ans, si on veut faire une moyenne et, de plus en plus, à l'intérieur de maisons de production, vous retrouvez des gens qui font de la commandite, des. commerciaux; vous avez une section long métrage; vous avez une section documentaire; vous avez une section télévision. Ces regroupements sont en train de se faire. Tout le monde a fait ses armes et c'est maintenant...

M. Richard: Croyez-vous que cela va se poursuivre?

Mme Boisvert: Je le crois. C'est la tendance. Je pense que c'est la façon de survivre, d'être efficace, de produire rapidement en espérant avoir quelques contrats pour la télévision payante, qui sera bouffeuse de pellicules. L'avenir est là et nous en sommes conscients. Il y a des regroupements à l'intérieur de nos maisons; il y a plusieurs discussions à ce sujet. Il y a d'ailleurs des regroupements, cela va même plus loin que cela, entre les distributeurs québécois. Il y a maintenant l'association de doublage que vous avez entendue ce matin, qui partage notre secrétariat. Nous sommes interdépendants et nous avons tout avantage, par exemple, que l'industrie du doublage soit extrêmement forte. Je le dis d'une façon assez égoïste, parce que c'est important pour les producteurs que les maisons de doublage soient saines. Pourquoi est-ce important? Parce que les maisons de doublage font travailler nos comédiens et nos comédiennes, c'est-à-dire qu'elles les gardent dans notre milieu, qu'elles les gardent au travail. Quand nous sommes en production d'un long métrage ou d'une série de télé, ces gens-là sont de plus en plus expérimentés et nous sont disponibles. Il faut absolument avoir les moyens de garder un bassin important de gens compétents que nous sommes.

M. Richard: Je vous remercie encore une fois et je cède la parole à d'autres intervenants.

Le Président (M. Paré): M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: Madame, je pense bien que M. le ministre vous a complètement accaparée. Je ne l'en blâme pas, c'est un égoïsme bien placé. Je n'ai vraiment plus de questions à vous poser. Je garde la joie de vous avoir regardée et de vous avoir écoutée.

Mme Boisvert: Monsieur, je dois dire que je suis suffisamment libérée pour accepter le compliment.

M. Proulx: Madame, je vous demanderais pourquoi vous portez tous les cinq une rose. Vous avez exprimé votre joie en disant que le rapport s'est fait très vite, que le ministre a agi avec diligence. Est-ce pour exprimer votre joie à l'égard du ministre qui a fait un excellent travail?

Mme Boisvert: Ce matin, je dois dire que nous avons été remplis de joie, je pense que toute la profession a vibré - je vous le dis, M. le ministre - quand vous avez dit que plus jamais dans ce pays nous n'aurons le statu quo et on veut célébrer un peu. C'est un nouveau départ.

Le Président (M. Paré): Nous allons fêter avec vous! Merci, Mme Boisvert, merci messieurs de votre présentation et du temps que vous avez consacré pour répondre à nos questions.

Mme Boisvert: Merci.

Le Président (M. Paré): J'inviterais maintenant les prochains intervenants à se présenter à la table en avant. Il s'agit d'une présentation, à titre personnel, de Mme Hélène Gauthier et M. Pascal Roberge.

Ils ne sont pas là. Nous allons donc reporter la présentation de ce mémoire à la fin et je vais maintenant appeler le dernier groupe apparaissant sur la liste, c'est-à-dire le Regroupement régional des producteurs de films de Québec.

Bienvenue à la commission. Je demanderais au porte-parole de s'identifier et de nous présenter la personne qui l'accompagne.

Regroupement régional des producteurs de films de Québec

M. Seers (Richard): Mon nom est Richard Seers, j'agis comme président du regroupement, et je vous présente Pauline Geoffrion, du regroupement également et des Films Cenatos. Nous allons vous faire une lecture très rapide de notre mémoire, qui est assez bref.

M. le ministre, mesdames et messieurs, membres de cette commission parlementaire, nous tenons d'abord à vous remercier de l'occasion qui nous est fournie de vous faire part de notre opinion concernant l'étude de ce projet de loi sur le cinéma et la vidéo. Nous sommes d'autant plus heureux de le faire que nous sentons que l'heure est venue de concrétiser, au sein d'une loi, les nombreuses attentes maintes fois exprimées par les milieux professionnels du cinéma depuis déjà plusieurs années. Après nombre d'études et de commissions, il nous apparaît essentiel de passer désormais à l'action.

Il existe, dans la région de Québec, une trentaine de maisons de production. Ce sont toutes de petites entreprises oeuvrant dans tous les secteurs de la production: commandites gouvernementales, messages publicitaires, courts, moyens et longs métrages de genre documentaire et fiction dramatique pour la télévision et les salles de cinéma. Parmi nos clients, nous comptons Radio-Canada et Radio-Québec, national et régional, quoique très occasionnellement dans ce dernier cas. Nos investisseurs sont l'Institut québécois du cinéma, la SODICC, l'ONF et les investisseurs privés.

Parmi ces producteurs indépendants, dix sont membres du Regroupement régional des producteurs de films de Québec, une association professionnelle existant maintenant depuis près de quatre ans et ayant pour objectifs la promotion et la défense des intérêts de ses membres.

Ces mêmes producteurs ont recours, pour les besoins de leurs productions, aux meilleures compétences de la région dans tous les secteurs techniques: caméra, son, régie, montage, etc. Ces pigistes sont réunis, pour la très grande majorité, au sein d'une association professionnelle créée il y a près de deux ans et qui regroupe près d'une centaine de membres, La Pige.

De plus, on a créé, à l'Université Laval, il y a déjà dix ans, une mineure en cinéma, programme d'enseignement où l'on retrouve aujourd'hui plusieurs dizaines d'étudiants avides de réaliser leurs premières oeuvres cinématographiques et pressés d'aller occuper le champ de la pratique professionnelle, si l'occasion peut se présenter.

Par cette description de notre milieu, il ne fait aucun doute, quant à nous, que la région de Québec témoigne d'un dynamisme étonnant par sa production cinématographique et vidéo. Mais ne nous y trompons pas, il serait plus juste d'affirmer que telle était la situation il y a encore quelques mois, avec la production de séries pour la télévision et la production de deux longs métrages, "Les doux aveux" et "Les yeux rouges", au point que la commission Fournier en arrivait, dans

son rapport, à recommander que l'Institut québécois du cinéma ouvre un bureau à Québec, ce sur quoi nous ne pouvons qu'être d'accord. (19 h 15)

Mais les lendemains de la veille sont parfois lancinants et pénibles. Crise économique, dites-vous! Pour en connaître toute l'intensité, vous n'avez qu'à constater l'état alarmant du milieu du cinéma où sévit un taux de chômage chronique et désastreux, où les faillites d'entreprises se ramassent à la pelle. De là l'urgence et la nécessité du présent projet de loi sur le cinéma et la vidéo.

C'est avec conviction que nous avons préparé le mémoire que nous avons présenté à la commission Fournier, en décembre 1981. C'est avec enthousiasme que nous avons pris connaissance du rapport Fournier constatant dès lors que l'ensemble des recommandations était fidèle aux recommandations que nous avions alors exprimées, comme tant d'autres intervenants.

C'est pourquoi nous ne pouvons qu'appuyer entièrement l'adoption et l'application, dans les plus brefs délais, de ce projet de loi sur le cinéma et la vidéo. Cependant, afin de rendre plus satisfaisant ce projet de loi déjà très encourageant, nous nous permettons ces quelques remarques, ponctuées des recommandations pertinentes. 1. Nous tenons que soit maintenu dans la loi tout le secteur de la vidéo. Il serait en effet anachronique de continuer à ignorer toute la production vidéo qui a, surtout ces dernières années, occupé un espace toujours croissant au sein de la production audiovisuelle au Québec. Il est important que les producteurs vidéo, qui sont souvent aussi producteurs de cinéma, puissent bénéficier des différents programmes d'aide disponibles. 2. À notre grand étonnement, nous avons constaté un oubli dans le présent projet de loi. En effet, dans la proposition de loi figurant au rapport Fournier, on pouvait lire l'article suivant touchant la formation du conseil d'administration de l'Institut québécois du cinéma. L'article 18 se lisait ainsi: "Le ministre, avec le souci d'assurer une représentation de la télévision, de la clientèle et des régions, choisit quatre membres et en propose la nomination au gouvernement." Cet article parle de lui-même et nous comprenons mal qu'il n'apparaisse pas dans l'actuel projet de loi. Nous sommes d'avis que les conseils d'administration doivent être composés des représentants de chacune des associations représentatives des différents secteurs du cinéma.

Cependant, nous devons constater que ces associations sont toutes montréalaises, même si elles ont un statut provincial. Aussi, nous croyons juste et nécessaire que des représentants des régions puissent siéger à ce conseil d'administration afin de sensibiliser et convaincre leurs pairs que le développement du cinéma et de la vidéo au Québec doit s'effectuer tout autant en région que dans la grande métropole.

Nous avons en région notre propre réalité cinématographique et nous devons l'exprimer. Nous avons, nous aussi, une situation économique à améliorer.

Aussi, nous recommandons à la commission que soit réinséré dans le projet de loi no 109 cet article 18 ci-haut énoncé, non seulement pour la représentativité des régions mais aussi pour celle de la télévision et de la clientèle; histoire, pour le cinéma québécois, de mieux faire valoir l'obtention de son espace-écran à la télévision, autant privée que publique et, de prendre le pouls du public en retrouvant une clientèle qu'il n'a pas toujours eue, c'est bien connu. 3. Dans le projet de loi no 109, l'article 8 énumère la forme que peut prendre l'aide financière pour les besoins de l'industrie cinématographique et vidéo au Québec. À la section V de ce même projet de loi, on propose la création d'une nouvelle société, désignée comme étant la Société générale du cinéma et de la vidéo, qui aurait, somme toute, le mandat d'administrer l'attribution de l'aide financière au bénéfice des entreprises cinématographiques québécoises.

Après étude de ces dispositions, nous recommandons que tout ce qui regarde l'aide financière aux entreprises de cinéma et de vidéo soit dévolu à la SODICC plutôt qu'à la Société générale du cinéma et de la vidéo, ceci afin d'éviter toute situation de conflit d'intérêts.

En effet, nous croyons qu'un programme d'aide financière aux entreprises doit être mis en place. Cette aide doit comporter tout autant une aide à la gestion d'entreprise qu'une aide au perfectionnement des producteurs professionnels. Cette aide aux entreprises doit avoir plusieurs formes telles que celles énumérées à l'article 8 du projet de loi. Mais nous recommandons qu'il soit possible d'en créer une autre: l'investissement par achat de capital-actions dans une compagnie de production cinématographique et vidéo. Nous concevons qu'il puisse s'agir là d'une mesure exceptionnelle, mais cette possibilité peut s'avérer un dispositif intéressant, entre autres pour susciter un regroupement d'entreprises intéressées à unir leurs ressources en vue de pénétrer de nouveaux marchés ou afin de procéder à un regroupement de services. D'autres exemples peuvent évidemment être imaginés comme les nouvelles technologies.

Quoi qu'il en soit, puisque la SODICC administre déjà le programme d'aide à la vidéo, nous sommes d'avis qu'il devrait tout simplement en être de même pour l'aide financière aux entreprises de cinéma. Encore

une fois, afin d'éviter que la Société générale du cinéma et de la vidéo se retrouve dans une situation où, par exemple, après avoir fait un prêt à une entreprise, elle croit nécessaire d'aider une production cinématographique de cette même entreprise pour mieux garantir son prêt. Le fait est qu'une équivoque pourrait se produire.

L'article 103 énonce qu'il sera nécessaire d'obtenir désormais un permis de producteur pour oeuvrer sur une base professionnelle dans le secteur du cinéma et de la vidéo. Nous croyons que cet article ne doit pas avoir pour résultat de régenter la pratique professionnelle du cinéma et de la vidéo. C'est pourquoi nous demandons de connaître, avant l'adoption de cet article, les critères devant déterminer son application et qui seront précisés par règlement, que ce soit d'ailleurs le montant du droit prescrit et l'énoncé des autres exigences, s'il y a lieu, à l'émission de ce permis de producteur.

Par ailleurs, nous apprécierions que la définition de producteur indépendant soit reconnue comme la commission Fournier l'avait fait dans son rapport, à savoir un producteur qui n'a aucun lien direct ou indirect avec un télédiffuseur. Si les télédiffuseurs privés surtout doivent faire leur part dans le développement d'un cinéma national, ce ne sera pas alors que par l'entremise de leur propre succursale.

Enfin, cette étape que constitue l'adoption du projet de loi no 109 nous apparaît plus que jamais déterminante. Le gouvernement québécois doit faire preuve de volonté politique car il s'agit là d'un enjeu politique important. Le gouvernement fédéral s'apprête lui aussi à intervenir plus que jamais dans le secteur de l'industrie cinématographique et vidéo. Il serait désolant de constater qu'il occupe seul tout cet espace culturel pour le moins névralgique dans notre société des communications.

Nous constatons que le projet de loi no 109 crée de nouvelles structures administratives et en réaménage d'autres. Nous ne voudrions pas nous retrouver dans un appareil bureaucratique qui tourne à vide. En d'autres mots, il ne faut pas qu'une nouvelle caméra pour faire du cinéma et de la vidéo, mais aussi de la pellicule et de la bande magnétoscopique, de l'argent, quoi.

L'adoption de ce projet de loi ne vaut que dans la mesure où le fonds de soutien au cinéma est constitué. À ce titre nous appuyons fermement les propositions du rapport Fournier. Il faudra les réaliser. Les utilisateurs et consommateurs de films devront sérieusement y contribuer et pour cause.

Aussi, nous recommandons que conséquemment à l'adoption du projet de loi no 109, le gouvernement s'engage immédiatement à disposer, amender et rendre applicables les lois et règlements créant les différentes taxes et impositions devant alimenter le fonds de soutien au cinéma et que l'abri fiscal soit augmenté lui aussi à 150% tel que recommandé dans le rapport Fournier.

Ce n'est qu'à cette condition que le cinéma québécois aura toute la dimension et l'envergure dont nous le croyons capable. Occuper son espace sur tous les écrans, que ce soit ceux des salles comme ceux de la télévision conventionnelle et payante, à l'échelle locale, nationale et internationale. Il en va de notre essor culturel et économique. Merci.

Le Président (M. Paré): Merci beaucoup. Je donne maintenant la parole au ministre des Affaires culturelles.

M. Richard: M. le Président, je voudrais remercier M. Seers et sa collègue de la présentation de ce mémoire qui est fort intéressant. Je vous attendais un peu, comme un groupe précédent, pour vous poser une question. Que diriez-vous si nous laissions tomber le mot "vidéo" de l'intitulé de la loi pour ensuite avoir une définition immédiatement à l'article 1 de la loi pour dire que le film comprend la vidéo? De telle sorte que la concordance serait faite pour l'ensemble des dispositions contenues dans le projet de loi.

M. Seers: Personnellement je ne vois pas d'objection si on peut dire que dans le plus grand est contenu le plus petit, mais je ne sais pas si les gens qui y oeuvrent, surtout dans le secteur vidéo, seraient d'accord avec une pareille définition. En fait, il s'agit, à notre point de vue, d'une question de support sur laquelle on ne veut surtout pas s'enfarger à l'intérieur du Regroupement des producteurs de Québec, qui est une toute petite association, comme vous avez pu le constater, qui n'existe que depuis quelques années. On regroupe des producteurs en cinéma et des gens qui oeuvrent plus spécialement, sinon exclusivement, en vidéo.

De fait, le secteur de la production vidéo est appelé à croître plus que jamais. Ce qui importe à notre point de vue c'est que, sans jouer sur les mots et sur les définitions, la vidéo, tout comme le cinéma, soit finalement couverte par le même terme. Si c'est possible et utile, pourquoi pas?

En fait, notre soutien à la question de la vidéo tenait à l'effet que les programmes d'aide disponibles, par exemple à l'institut, ne couvraient pas le secteur de la vidéo pour le moment.

M. Richard: C'est-à-dire que dans notre esprit cela couvrait, mais ce n'était peut-être pas suffisamment...

M. Seers: Ah oui, en l'ajoutant au

projet de loi tel quel. Bien sûr. M. Richard: C'est cela.

M. Seers: On tenait simplement à le maintenir.

M. Richard: En ce qui a trait aux inquiétudes que vous avez exprimées par rapport à certains permis, en particulier le permis de producteur, je dois vous dire que dans notre esprit, en tout cas, il s'agit d'un permis nominal et automatique. On a expliqué les objectifs qu'il y a derrière cela à plusieurs reprises. Il en sera ainsi d'ailleurs, à peu près, sans doute, du permis de tournage.

M. Seers: C'est ce que nous avions cru comprendre aussi, mais nous voulions être certains que c'est bien ce que nous avions compris.

M. Richard: Ne vous inquiétez pas. Au moment de l'adoption de la réglementation, il y en aura beaucoup pour me le rappeler. Je cède maintenant la parole à mon collègue de l'Opposition.

Le Président (M. Paré): M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: Mon cher monsieur, moi, je vous félicite pour votre patience. Cela a été très généreux de votre part de nous attendre si longtemps. J'ai juste une petite remarque. C'est qu'à la fin de votre mémoire, à la page 7, vous demandez au gouvernement de s'engager immédiatement à imposer - c'est vraiment dit comme cela - les taxes et les impositions qui sont recommandées dans le rapport Fournier. Je ne sais pas si vous avez pensé à toutes les conséquences quand même que cela peut comporter parce qu'on dit toujours que nous sommes tellement taxés ici au Québec. Les gens sont rendus presque à bout à ce point de vue. Je me demande - le ministre pourrait peut-être nous en glisser un mot - comment il va falloir aller chercher ce capital que tout le monde dit indispensable. Il est nécessaire, c'est la clé du succès, c'est le nerf de la guerre. Est-ce qu'il va falloir vraiment aller jusque-là pour pourvoir le trésor de ces 25 000 000 $ dont on a tant besoin?

M. Seers: Enfin, en ce qui nous concerne, c'est certain que l'adoption de la loi ne prend tout son sens que dans la mesure où il y a effectivement des fonds disponibles et suffisants pour que cette loi serve à quelque chose. Si on crée un nouvel institut québécois, une société générale du cinéma et de la vidéo, on insiste sur le fait que cela ne doit pas être des structures supplémentaires qui, finalement, ne feront que tourner à vide en ayant un supplément budgétaire par rapport à ce qui existe maintenant, mais qui en fait se trouvera absorbé par des structures administratives supplémentaires qui prennent du volume. Il est important, à notre sens, qu'il y ait un fonds de soutien très appréciable et on souhaiterait idéalement que ce ne soit pas que sensible. On parle de 20 000 000 $ à 25 000 000 $ et non de 6 000 000 $ à notre sens.

Comment se procurer ces 25 000 000 $? À notre point de vue, l'ensemble du rapport Fournier fait des recommandations très intéressantes en ce sens et le fait d'insister sur les télédiffuseurs privés, par exemple, on n'est pas persuadé qu'ici, à Québec, comme ailleurs... On a parlé tantôt de Télémonopole. Ici, on a Télé-Capitale. Enfin, je ne sais pas s'il est arrivé souvent à certains membres de cette commission de voir des films québécois à la télévision de Télé-Capitale, qui, en soi, exerce une activité presque monopolistique à l'Est de Montréal. La question se pose. Si effectivement des télédiffuseurs privés bénéficient de privilèges, il est souhaitable que ces privilèges ne soient pas qu'à leur seul bénéfice et le soient aussi à l'intention des spectateurs et des producteurs indépendants.

C'est pour cela qu'on a insisté sur la notion et la définition de producteur indépendant, pour faire en sorte que ces monopoles ne fassent pas que créer des succursales pour produire leur propre matériel. Si le cinéma québécois doit trouver son espace écran... On a vu les représentations des exploitants de salles tout à l'heure. C'est vrai que l'espace écran est beaucoup plus large à la télévision désormais conventionnelle et payante. Il faut donc occuper cet espace. (19 h 30)

Si le cinéma québécois doit aussi occuper son espace écran, il est important que les télédiffuseurs privés, tout autant que publics, nous fassent une place de choix ou du moins une possibilité. Or, le fonds de soutien, enfin, ce que le rapport Fournier prévoyait, c'était de le constituer à même les taxes sur les revenus publicitaires des télévisions privées et, donc, en ce sens, leur permettait, sauf erreur, de disposer de ces 5% qui les affectaient pour eux-mêmes, d'amorcer des productions avec le secteur indépendant et verser 3%, toujours sauf erreur, au fonds de soutien, et en garder 2% pour leurs productions. En ce sens, le mécanisme nous apparaissait très intéressant. Cependant, on comprend bien que les publicitaires, eux, vont imputer la facture à qui de droit. Si on compte sur l'essor du cinéma et de ses retombées économiques, je pense que c'est amplement justifié.

Le Président (M. Paré): Je vous remercie beaucoup pour la présentation de votre mémoire. Moi aussi je me joins au député de Saint-Henri pour vous remercier pour votre patience parce que cela fait déjà quelques minutes que l'heure du dîner est passée. Encore une fois, merci.

M. Seers: Pour aller manger. Merci.

Le Président (M. Paré): J'appellerais maintenant, une dernière fois, les personnes qui avaient demandé à présenter un mémoire à titre personnel, soit Mme Hélène Gauthier et M. Pascal Roberge.

Donc, comme ces gens ne sont pas ici, on va prendre le mémoire pour dépôt seulement. J'aimerais aussi rappeler aux membres de la commission, avant de terminer, qu'il y a justement une liste de mémoires qui ont été présentés pour dépôt seulement, donc, je vais les énumérer. Il y a premièrement, à titre personnel, Mme Yvonne Van den Nangel, ensuite, la Coop vidéo de Montréal. En troisième lieu, le Conseil du patronat du Québec. Un quatrième mémoire pour dépôt seulement, le Conservatoire d'art cinématographique de Montréal, le Conseil de la culture de l'Estrie, l'Association féminine d'éducation et d'action sociale. À titre personnel, M. Réal Larochelle. Il y a l'Association des consommateurs du Canada et à cause de leur absence, à titre personnel, Mme Hélène Gauthier et M. Pascal Roberge. Donc, je demanderais au rapporteur, le député de Rousseau, de faire rapport à l'Assemblée nationale dès que possible.

Je remercie tous les intervenants qui se sont présentés à la commission ainsi que les membres de la commission pour les quatre jours de présence ici à cette table. Maintenant que la commission a rempli le mandat qui lui avait été confié, avant de clore, je vais laisser la parole au ministre qui me demande la parole.

Conclusion

M. Richard: Je demande la parole pour remercier tous ceux et celles qui ont voulu apporter leur contribution aux travaux de cette commission parlementaire en présentant des mémoires ou en déposant des mémoires. Je pense que cela a permis aux membres de la commission parlementaire de voir comment le projet de loi qui est soumis à l'étude de l'Assemblée nationale pourra être bonifié. C'est au-delà de 40, 46 mémoires que nous avons eus à analyser, à étudier. Je répète que ces mémoires, globalement, constituent une contribution extrêmement importante - je crois m'exprimer au nom de tous les membres de la commission parlementaire - aux travaux de cette commission.

Je voudrais vous remercier, M. le Président, vous et tous les membres de la commission parlementaire pour leur contribution extrêmement importante aussi, aussi bien du côté de l'Opposition que du côté de la majorité ministérielle.

Je voudrais enfin - je pense que cela ne doit pas être oublié - remercier toute l'équipe de production, cameramen, techniciens et distributeurs, s'il y a lieu, qui ont permis de télédiffuser nos travaux. Il n'y a pas eu beaucoup de commissions parlementaires dont les travaux ont été télévisés. Je pense que cela a été intéressant de voir que nous avons ainsi pu rejoindre des milliers de Québécoises et de Québécois qui en connaîtront davantage, tout comme nous, sur la situation du cinéma au Québec et du cinéma québécois.

Je ne voudrais pas oublier tout le personnel de l'enregistrement au journal des Débats. Ce sera un document d'archives, je pense, très important, dont le milieu du cinéma pourra s'enorgueillir plus tard. Je pense que ce seront des documents extrêmement importants.

Je voudrais remercier, enfin, ceux qui, occasionnellement, ont pu écouter la retransmission télédiffusée de ces travaux. Merci à tous et vive le cinéma, vive le cinéma québécois.

Des voix: Bravo!

Le Président (M. Paré): Merci à tous. La commission, ayant maintenant rempli le mandat qui lui avait été confié, est donc ajournée sine die. Merci. Bonsoir, mesdames et messieurs.

(Fin de la séance à 19 h 36)

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