To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Committee Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the Commission permanente de l'agriculture et de la colonisation

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the Commission permanente de l'agriculture et de la colonisation

Version finale

29th Legislature, 2nd Session
(February 23, 1971 au December 24, 1971)

Thursday, September 23, 1971 - Vol. 11 N° 84

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Projet de loi no 64 - Loi du syndicalisme agricole


Journal des débats

 

Commission permanente de l'Agriculture et de la Colonisation

Projet de loi no 64 Loi du syndicalisme agricole

Séance du jeudi 23 septembre 1971

(Dix heures dix minutes)

M. FRASER (président de la commission permanente de l'Agriculture et de la Colonisation): A l'ordre, messieurs! Nous allons reprendre nos travaux. Nous avons deux organismes aujourd'hui, ici présents, ainsi que le représentant de l'Union catholique des cultivateurs. Il y a le Conseil de l'alimentation du Québec Inc., M. Léonard Roy, vice-président exécutif; l'Association professionnelle des meuniers du Québec, M. André Breton, président. M. Breton est ici? Le Conseil du patronat du Québec, M. Charles Perrault, mais je comprends qu'il sera ici seulement cet après-midi.

M. PERREAULT: A deux heures cet après-midi, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Il y a aussi un autre membre, cultivateur, qui a demandé d'être entendu, M. Guillemette, de Marieville. Nous allons maintenant entendre M. Roy.

Fédération de l'UCC de Québec-Est-Nord et Ouest

M. VINCENT: M. le Président, si vous me le permettiez, avant d'entendre le premier témoin, j'aurais simplement une intervention, plus une question à poser. On nous distribue, ce matin, un télégramme reçu par le président de la commission parlementaire, M. Kenneth Fraser, télégramme qui a été adressé par M. Maxime Plamondon, secrétaire de la Fédération de l'UCC de Québec, est, nord et ouest, 1787 boul. Hamel, Québec 10. Dans ce télégramme, on mentionne qu'à une réunion tenue à Sainte-Croix de Lotbinière, il a été proposé par M. Untel, appuyé par M. Untel et résolu à l'unanimité au congrès régional de Sainte-Croix de Lotbinière que l'UCC défende la position initiale telle que prise lors du congrès général de l'UCC 1970, à savoir, premièrement, deuxièmement, troisièmement, quatrièmement et cinquièmement.

J'aimerais, M. le Président, savoir si cette Fédération de l'UCC est ici, car il sera certainement intéressant de poser certaines questions à ce mouvement. En effet, dans le télégramme, par exemple, à quatrièmement, on demande une loi définissant réellement l'agriculteur et acceptant uniquement les vrais agriculteurs. Si je souligne ce point ce matin, c'est parce qu'il vient quelque peu en contradiction avec la position prise par l'UCC au cours de la première réunion de la commission parlementaire. Nous aimerions, si c'était possible, savoir si ces messieurs sont ici pour qu'on puisse leur poser des questions afin d'éviter, par la suite, qu'on mentionne que les membres de la commission n'ont pas tenu compte des recommandations de certains groupements de l'UCC.

M. GUERARD: Je suis moi-même le président de cette fédération et je suis présent, si on veut me poser des questions.

M. VINCENT: C'est, vous, M. Plamondon?

M. GUERARD: Non, c'est le secrétaire de ma fédération. Je suis le président.

M. LE PRESIDENT: Votre nom, s'il vous plaît.

M. GUERARD. Armand Guérard.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que vous avez des éclaircissements à donner au député de Nicolet?

M. GUERARD. Voulez-vous avoir des éclaircissements immédiatement?

M. LE PRESIDENT: Nous sommes sur le sujet, aussi bien continuer.

M. GUERARD: Nous avons discuté du problème au cours de ce congrès, et le comité qui a étudié la reconnaissance syndicale trouvait que, dans le bill, on donnait trop de pouvoirs à la régie. Nous savions que, dans l'ancien projet de l'UCC, c'était beaucoup plus fermé à la profession. C'est dans le sens que nous ne voulions pas être subordonnés à la régie que nous avons fait cette résolution-là. Nous voulions que notre union soit l'Union des cultivateurs et que nous soyons capables de la diriger comme les cultivateurs vont vouloir la mener.

Ce n'est pas en contradiction, je pense, avec ce que l'UCC donne. C'est sûr que pour les producteurs qui sont dans le champ et qui regardent sommairement ce qu'il y a dans la loi... d'abord l'UCC a fait des recommandations pour améliorer cette loi et je pense que ça ne vient pas en contradiction, si la loi est améliorée, avec les amendements que nous demandons.

M. VINCENT: M. le Président, est-ce que je pourrais poser une question à M. Guérard? Un point, dans le télégramme, vient en contradiction avec la présentation du mémoire de l'UCC. Je n'ai pas mentionné le premier, le deuxième ou le troisième point, j'ai plutôt mentionné le quatrième point. Vous mentionnez dans le télégramme une loi définissant réellement l'agriculteur et acceptant uniquement les vrais agriculteurs.

Est-ce que ceci signifie que votre syndicat n'est pas en accord sur la définition du mot ou

du terme agriculteur, tel que lu dans le projet de loi no 64?

M. GUERARD: Il est sûr que celui qui a fait la proposition ne voudrait avoir qu'un producteur qui vive de sa ferme.

Mais c'est là une résolution qui vient d'une fédération, si vous voulez, de ma fédération; on va composer avec toutes les autres. Il est sûr qu'à un moment donné... Je suis président de cette fédération, je respecte leur opinion...

M. VINCENT: M. le Président, ce n'est pas seulement pour celui qui a fait la proposition.

M. GUERARD: C'est l'assemblée, oui.

M. VINCENT: Parce que le télégramme se lit comme suit: Proposé par M Pierre-Antoine Castonguay, appuyé par M. Jean-Charles Rousseau et appuyé à l'unanimité au congrès régional de Sainte-Croix-de-Lotbinière que l'UCC défende la position initiale... à savoir: premièrement... deuxièmement... troisièmement... et quatrièmement: "une loi définissant réellement l'agriculteur et acceptant uniquement les vrais agriculteurs..." Et c'est signé: Maxime Plamondon, secrétaire de la Fédération de l'UCC de Québec-Est Nord et Ouest. Donc, c'est une position globale prise par tous les agriculteurs de la région de Québec.

M. GUERARD: C'est sûr. Je pense que, dans l'esprit de tous ces gens, défendre le producteur agricole, c'est défendre le cultivateur en général. Je pense qu'ils n'ont pas dans l'esprit d'éliminer les producteurs qui n'ont pas un pourcentage assez élevé ou qui ont un pourcentage peu élevé de la production.

Eventuellement, avec le temps, il s'agit de la possibilité d'avoir à l'intérieur de nos cadres de réels producteurs. Je pense que c'est en évoluant avec cette loi que nous pourrons, à un moment donné, avoir réellement des producteurs.

M. LE PRESIDENT: Le député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Guérard, est-ce que vous pourriez me fournir quelques précisions? Ce télégramme est du 22 septembre. Or, nous avons déjà commencé depuis plus de deux semaines l'audition des témoins devant la commission de l'Agriculture. Quel est exactement le sens de ce télégramme? Pourquoi nous a-t-il été envoyé par cette fédération puisqu'il semble, de l'avis de mon collègue, M. Vincent, que cela n'est pas tout à fait en accord avec certaines attitudes qui ont été prises auparavant par un organisme qui a comparu devant nous, notamment en ce qui concerne la définition de l'agriculteur? Quelle est, dans votre esprit, cette définition de l'agriculteur?

M. GUERARD: M. le Président, je pense que notre président général vous a donné l'idée que l'UCC s'en faisait. Mais dans nos régions, actuellement, ce sont les congrès régionaux — dans ma région, c'en est un — qui commencent et nos gens sont libres de nous demander ce qu'ils veulent. L'an passé, on nous avait demandé, au congrès général, de travailler dans le sens du télégramme, si vous voulez.

On a tenu durant l'année un conseil général, on a fait des journées d'étude provinciales où les délégués qui représentent tous ces gens-là travaillent à réaliser ce que le congrès général de l'an passé a décidé. Vous savez qu'on avait déposé à l'UCC un projet qui n'est pas celui-là. Les producteurs délégués, même ceux de ma région, ont accepté en principe ce qui est dans la loi, mais on a demandé des amendements.

Mais vous voyez qu'actuellement les gens de ma région, en tout cas, demandent à peu près ce qu'on voulait avoir l'an passé lors du congrès.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): En 1970, lors du congrès de l'UCC.

M. GUERARD: Cela ne veut pas dire qu'en général dans la province on va revenir avec ce qu'on avait l'an passé, mais vous voyez nettement à l'intérieur de tout ça que la loi ne satisfait pas pleinement le producteur. On voudrait qu'il soit mieux défini là-dedans.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le télégramme a quand même une signification ici. Ce télégramme est du 22 septembre. Qu'est-ce qu'il apporte de nouveau et qu'est-ce que vous voudriez que nous acceptions, que nous proposions au gouvernement qui n'a pas déjà été demandé et qui serait en contradiction avec les positions prises par l'UCC lors de son congrès de 1970?

M. GUERARD: Je pense qu'à l'intérieur de notre association l'UCC a fait des amendements qui ne satisfont peut-être pas pleinement le producteur. On veut sûrement, en tout cas dans ma région, avoir plus de liberté. La question du référendum, nous, l'an passé, nous n'en avons pas demandé. Ce sont des points, ça. Eliminons les référendums, nous sommes capables de mener notre affaire, nous autres mêmes. Bon, c'en est un point et c'est initial cette affaire-là. Sur l'accréditation, on n'a pas demandé l'an passé de référendum. C'en est un point, ça aussi. Enlevez tout ce qui semble ridicule, si vous voulez, pour ces producteurs-là, référendum sous toutes les formes. Augmentation de cotisation; si la loi n'est pas amendée, on continuera d'être obligé d'aller devant la régie pour voir si on peut augmenter notre cotisation. Il faudra démontrer la nécessité d'augmenter notre cotisation et la régie décidera si on doit l'augmenter ou non. On s'en va encore au référendum.

Tenant compte de tout ça, les producteurs

disent: Bien, écoutez, on veut que ce soit le projet initial de l'UCC, ou à peu près. Mais c'est sûr que vous autres ici, tenant compte de tout ça, vous êtes en commission parlementaire, vous voyez réellement que le producteur dans le champ n'a pas besoin de dispositions spéciales pour la classe agricole.

Qu'on fasse à peu près ce qu'on fait dans les autres unions pour l'accréditation, et je suis sûr qu'il sera satisfait.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Guérard, est-ce que votre télégramme, avec les propositions qu'on y lit, est en accord avec le mémoire présenté par l'UCC devant cette commission parlementaire?

M. GUERARD: J'ai expliqué — il y a un député ici — que lorsque la résolution est venue sur la table, j'avais dans la tête tous les amendements que l'UCC a faits. Si tous les référendums étaient enlevés et que la représentation que l'UCC ferait à la régie pour obtenir l'accréditation était donnée, — j'avais tout ça dans la tête — ça ne viendrait pas en contradiction avec l'UCC. Mais eux ne connaissent pas toutes les démarches qui ont été faites. Je pense qu'il n'y a pas tellement de contradiction. Enlevez tout ce que personnellement je trouve ridicule pour la classe agricole et ces producteurs vont être satisfaits. Demander 60 p. c. et que les deux tiers soient favorables — ça n'existe pas ailleurs — pour l'accréditation, encore la même chose, et contrôler l'augmentation de cotisation, personnellement je pense qu'il n'y a pas un organisme qui est subordonné à une régie pour qui une loi dit: Pour augmenter ta cotisation, tu dois faire telle chose. C'est ce que ces gens-là n'aiment pas. Ils veulent être libres de mener leur organisation comme ils le veulent. Moi, je suis leur président; j'ai accepté leur résolution parce que j'ai compris leur idée.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Guérard, vous n'avez pas répondu exactement à ma question. Vous avez même ajouté quelque chose qui m'inquiète. Je vous ai demandé si votre position, telle qu'exprimée dans ce télégramme, est exactement celle qu'a tenue l'UCC devant la commission parlementaire. Vous nous dites qu'il n'y a pas tellement de contradiction; cela implique donc qu'il y a contradiction. Quelles sont ces contradictions que vous verriez?

M. GUERARD: Au niveau des référendums, surtout. Nous avons accepté un référendum. Les autres, ils n'en veulent pas du tout. Cela vient un peu en contradiction avec nous. D n'y a pas seulement...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous avez accepté...

M. GUERARD: L'UCC a accepté qu'il n'y ait qu'un seul référendum d'après la formule

Rand. Je pense que le président l'a dit ici, l'autre jour. Mais les producteurs, actuellement, nous demandent — cela fait deux congrès que je tiens — qu'il n'y ait pas de référendum du tout.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant M. Guérard, sans vous référer, à M. le président de l'UCC qui est à côté de vous, quelle est exactement la position que l'association que vous représentez vous a demandé de tenir devant cette commission et qui a justifié l'envoi de ce télégramme? Qu'est-ce qui ne serait pas en accord sur la position de l'UCC, puisque vous nous dites: "Il faut revenir à la position initiale prise lors du congrès général de l'UCC 1970"? Qu'est-ce qui, dans le mémoire que nous a présenté l'UCC, ne vous conviendrait pas et justifierait ce télégramme?

M. GUERARD: C'est la question des référendums. C'est sur cela que les gars se penchent le plus. L'affaire des référendums ne les satisfait pas du tout.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Etes-vous d'accord sur le mémoire de l'UCC ou pas d'accord?

M. GUERARD: Je pense qu'il ne faut pas dire que nous sommes en désaccord. Mais, vu que nous avions accepté un référendum, sur ce point, cela ne fonctionne pas. Je pense que les gens sont libres de dire: Les référendums, nous n'en voulons pas. Je ne suis pas prêt à les brimer là-dessus.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Guérard, nous sommes bien d'accord sur l'expression d'opinion que vous avez donnée tout à l'heure, à savoir que vous avez le droit d'accepter ou non une attitude. Je suis du même avis que vous là-dessus, mais je voudrais savoir sur quel point précis votre association n'est pas d'accord et sur quel point précis il y aurait désaccord entre votre association et l'UCC, à partir du mémoire qui nous a été soumis par l'UCC.

M. GUERARD: Notre association n'est pas à part de l'UCC, n'est-ce pas? Nous ne sommes pas à part de l'UCC. C'est une région, si vous voulez...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Guérard, il faut bien m'entendre. Je ne prétends pas que vous êtes en dehors de l'UCC. Mais vous prenez la peine de nous envoyer un télégramme pour nous demander de tenir compte de la position qu'avait prise l'UCC en 1970. Or, nous avons eu le mémoire de l'UCC. L'UCC a comparu devant nous. Qu'est-ce qui, exactement, différencie votre attitude de celle que l'UCC a prise?

M. GUERARD: Je pense que je n'ai pas besoin de le répéter. Cela fait déjà plusieurs fois que je le dis. L'attitude de l'UCC, c'était, d'abord, d'avoir une reconnaissance syndicale et

qu'à l'intérieur de cela on ait la formule Rand. Il n'y a pas d'opposition du tout là-dessus. C'est cela, pour nous, la formule initiale: Que nous ayons la cotisation obligatoire et que nous soyons reconnus officiellement.

Il n'y a pas d'opposition là-dessus; l'opposition qu'il y a, c'est au sujet des référendums. L'UCC en a accepté un, d'accord. Nous avons des amendements qui demandent qu'il n'y en ait qu'un. Les autres ne sont pas d'accord là-dessus, ils n'en veulent pas du tout.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Votre association n'appuie pas l'idée d'un référendum.

M. GUERARD: Non, mais il n'y a pas seulement qu'à Sacré-Coeur, c'est un peu partout... je veux dire au dernier congrès mentionné dans le télégramme que vous avez. J'ai tenu un autre congrès dans ma région où l'on a demandé la même chose. Les autres nous ont dit qu'ils étaient d'accord quant aux recommandations de l'UCC mais pas quant au référendum. C'est à peu près la même chose.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela, c'est un point. Maintenant, sur la définition d'agriculteur.

M. GUERARD: Nous ne nous sommes pas tellement étendus là-dessus.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que votre attitude, en ce qui concerne la définition d'agriculteur ou producteur ou cultivateur, etc. est exactement la même que celle qui a été prise par l'UCC?

M. GUERARD: Moi personnellement, je peux vous dire que oui. Mais, parce que...

M. DEMERS: ... que vous représentez.

M. GUERARD: Ecoutez, nous n'avons pas fait une étude spéciale là-dessus lors de cette réunion-là, mais c'est sûr que, dans le télégramme, parmi les producteurs l'on ne veut pas avoir les intégrateurs, si vous voulez. Les explications n'ont peut-être pas été données assez clairement à ce moment-là. Mais nous savons que dans la loi actuellement ceux qui sont trop gros ou trop petits et qui veulent être exemptés — l'on dit cela, je pense, dans le projet — peuvent aller à la régie et se faire exempter. Je pense qu'on a peut-être manqué, dans cette partie-là, en ne donnant pas d'éclaircissement.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je laisse la parole à un autre député. Je n'ai pas reçu de réponse qui justifierait... M. le Président, si vous le permettez...

M. GUERARD: De toute façon, M. le Président,...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je souligne simplement à M. Guérard, pour les fins de la commission, que vous nous avez envoyé un télégramme. Il semble y avoir une opinion qui diffère de celle qu'a exprimée l'UCC, et je n'ai pas encore reçu de votre part les précisions qui nous permettraient de croire que ce télégramme est justifié, dans les circonstances. Et comprenez que je veux vous accorder à vous et à ceux que vous représentez, toute l'attention que méritent vos représentations.

M. GUERARD: Si je comprends, vous voudriez peut-être me faire dire des choses qui ne sont pas dans ma pensée et qui ne sont pas dans la pensée de ces gars-là.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Un instant, M. le Président, j'invoque le règlement. Le témoin n'a pas le droit d'interpréter de cette façon l'attitude d'un parlementaire.

Vous nous avez envoyé, ce matin le 22 septembre, M. Guérard, un télégramme.

Ce télégramme veut dire quelque chose, oui ou non?

M. GUERARD: Oui.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Et qu'est-ce qu'il exprime comme attitude et comme position? Je suis ici, moi, pour défendre les cultivateurs, pour prendre leurs intérêts, parce que j'en ai un très grand nombre dans ma circonscription, mais je veux savoir exactement, M. Guérard, en toute amitié pour vous et pour ceux que vous représentez, quelle est la raison qui justifie ce télégramme à ce moment précis de nos auditions.

M. GUERARD: Il y a tout un rouage là, actuellement, que les producteurs... D'abord, cela fait déjà passablement d'années qu'on travaille là-dessus. Les gars sont "tannés", excusez l'expression, d'attendre que la loi soit votée. Ils sont fatigués de ça.

M. DEMERS: Ce n'est pas une façon pour que cela aille plus vite en envoyant ce télégramme.

M. GUERARD: Ecoutez, le télégramme exprime toutes ces choses. De plus on dit qu'on demande encore un référendum. C'est encore une chose pour retarder l'adoption en troisième lecture et le reste. Avant que ce soit appliqué, on va encore avoir du recrutement à faire "à la mitaine" dans le champ, et c'est pour ça que, dans le projet, l'UCC avait demandé... Normalement, cela aurait dû être voté plus rapidement. Alors, on exprime, là-dedans, toutes ces choses. Il y a aussi l'impatience des gars qui veulent démontrer à la commission parlementaire qu'ils ne sont pas pleinement satisfaits de ce qu'il y a dans la loi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je comprends beaucoup mieux maintenant le sens de votre

télégramme. D'un côté, vous voulez faire disparaître de la loi certains mécanismes, certaines dispositions qui retarderaient l'adoption de ce projet de loi. D'autre part., vous voulez certains amendements qui ont déjà été proposés par d'autres associations. C'est dans ce sens-là qu'il faut interpréter votre télégramme?

M. GUERARD: C'est ça!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je vous remercie, M. Guérard.

M. GUERARD: M. le Président, j'ai peut-être offensé un peu M. Tremblay, tantôt, mais ce n'est pas malicieusement.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non, non! nous sommes là pour recevoir ces revendications.

M. DEMERS: Il a un excellent caractère.

M. LE PRESIDENT: Le député de Lotbinière.

M. BELAND: J'aurais également une question à poser à M. Guérard.

M. LE PRESIDENT: M. Guérard, voulez-vous rester au micro, on a apparemment d'autres questions à vous poser?

M. BELAND: J'aurais justement une question à poser à M. Guérard afin de clarifier davantage la situation. Etant donné que j'ai moi-même été invité comme membre de l'UCC, tout simplement, à ce congrès de Sainte-Croix, dans mon comté, à la suite de ce télégramme, je me permets de poser la question suivante: Est-ce que le télégramme avait pour but premier tout simplement un éclaircissement des positions déjà prises par l'UCC, lors du mémoire qui a été présenté par M. Allain à ce moment-là, ou s'il y a d'autre chose de spécial? Ce matin, lorsque j'ai reçu ce télégramme, je me suis dit: Cela clarifie avec plus de détails la position qui avait déjà été prise par l'UCC. On ramarquera, au deuxième point: "Une loi permettant de nous administrer nous-mêmes et non par la Régie des marchés agricoles"; surtout ce point-là, je l'ai pris tout simplement dans ce sens. Est-ce exact?

M. GUERARD: Je pense que cela confirme la position prise par l'UCC là-bas et l'impatience des gens. Je pense, M. le député, que vous avez pu constater que les gens étaient impatients, et surtout, qu'on ne veut pas être subordonné à la régie. Dans les déclarations du président général on a entièrement dit...

M. BELAND: Si je comprends bien, à l'intérieur de chaque fédération, il y a une possibilité pour les membres d'émettre des opinions qui doivent être écoutées par la confédération de l'UCC. La confédération, à mon sens, est là pour écouter et essayer d'établir un consensus. Après quoi, on a dû agencer le mémoire qui a été présenté par M. Allain, d'après ce que vous venez de confirmer, et ce, tout simplement pour éclaircir, en des mots beaucoup plus simples, très brièvement, la position exacte ou ce que demandent les agriculteurs de cette région précise.

M. GUERARD: C'est ça et je voudrais faire remarquer à la commission parlementaire que c'est un congrès sur huit. Cela en est un qui a demandé ceci. Que voulez-vous que l'on fasse? C'est démocratique chez nous. Us ont désiré que leur position soit connue ici, à la commission. Nous avons huit congrès dans nos régions actuellement. Vous avez eu l'opinion d'un congrès là-dessus.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, est-ce que je pourrais poser une question à mon collègue, M. Béland? Vous avez assisté à cette réunion à titre de membre de l'UCC? Vous êtes d'accord sur ce télégramme, puisque ç'a été fait à l'unanimité.

M. DEMERS: Votre dissidence n'est pas enregistrée.

M. BELAND: M. le Président, si l'honorable député de Saint-Maurice me laisse la parole...

M. DEMERS: Nous allons vous laisser tout ce que vous voulez.

M. BELAND: ... comme membre de l'UCC, pour répondre au député de Chicoutimi qui semble très épineux ce matin...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non, pas du tout. Je veux avoir des précisions; des précisions précises, si vous voulez.

M. BELAND: Merci.

M. DEMERS: Excusez le pléonasme, si cela vous dit quelque chose.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est un pléonasme vicieux.

M. BELAND: Vous me le direz lorsque vous aurez fini vos altercations et je continuerai.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce n'est pas une altercation; c'est une dispute entre deux personnes. D'accord?

M. BELAND: Bon! Etant donné que j'étais présent là-bas non seulement pendant une heure, mais toute la soirée, j'ai écouté attentivement...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Jusqu'à quelle heure?

M. BELAND: Pour préciser davantage, jusqu'à minuit et demi.

M. DEMERS: Comme ça, vous avez été là deux jours.

M. BELAND: J'ai écouté avec attention, mais je n'ai pas participé à toutes les séances de travail, parce qu'il y a eu des commissions, et que je n'ai été présent qu'à une des commissions. Il serait assez difficile, même pour le député de Chicoutimi, d'être à trois ou quatre endroits différents à la fois.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Attention, je suis intelligent, moi.

M. BELAND: Cela est possible, mais il reste un fait, c'est que, ce matin, je pense que nous n'avançons pas, présentement. Comme j'étais présent là-bas, je puis dire de ce télégramme ce matin qu'il correspond à tout ce que j'ai entendu, aux voeux que j'ai entendus par les agriculteurs eux-mêmes à l'assemblée plénière, plus au comité où j'étais présent. Cela correspond à ce qu'ils demandaient, eux, à ce moment-là.

Cela satisfait l'honorable député de Chicoutimi?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Voici, M. le Président...

M. DEMERS: Ce ne serait pas vous qui auriez rédigé le télégramme?

M. BELAND: Non, monsieur.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... cela me satisfait, mais je voudrais apporter ici une précision au député de Lotbinière et à tous les membres de la commission. Si nous avons interrogé M. Guérard, qui a répondu fort aimablement à nos questions, c'est que nous voulions connaître exactement la teneur et la justification de ce télégramme. Or, M. Guérard a justifié, à la fin, son télégramme et j'ai tout simplement demandé au député de Lotbinière s'il était d'accord sur ce télégramme, puisqu'il a assisté à cette réunion en sa qualité de membre de l'UCC.

M. BELAND: Il y a beaucoup d'éléments dans ce télégramme sur lesquels je suis entièrement d'accord. Je pense que peu importe l'association...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Quels éléments acceptez-vous là-dedans?

M. BELAND: ... que ce soit l'UCC, que ce soit les autres mouvements qui ont déjà fait paraître ou présenté des mémoires, de même que les autres qui en présenteront aujourd'hui et peut-être subséquemment, il y a certainement, à l'intérieur de toutes et chacune des associations qui viendront comparaître, des éléments que nous devrons retenir en tant que membres du Parlement.

Nous devrons nous appuyer sur ces éléments pour repenser la formule finale qui devra être adoptée pour constituer le projet de loi qui collera le plus à la réalité du besoin du cultivateur.

M. LE PRESIDENT: Le député de Stanstead a une question.

M. VAILLANCOURT. M. le Président, j'aimerais avoir l'opinion du président général de l'UCC, M. Allain. Est-ce qu'il pourrait nous dire s'il n'y a pas une contradiction entre le télégramme qui est signé Maxime Plamondon, secrétaire de la Fédération de l'UCC du Québec et le mémoire de l'UCC?

M. ALLAIN: M. le Président, premièrement je n'ai pas la copie du télégramme, j'aimerais bien l'avoir pour savoir de quoi je parle pour commencer. Merci.

M. GUILLEMETTE: Est-ce que j'aurais la permission de faire une précisioa? En entendant tout à l'heure un interlocuteur qui disait qu'il ne voulait pas de référendum...

M. LE PRESIDENT. Attendez un instant, M. Guillemette.

M. ALLAIN: Je pense bien, M. le Président, que la première réflexion que je peux faire est celle-ci. Ils nous demandent de revenir à la position initiale de l'an dernier, c'est ça? Pour ce qui est de la Régie des marchés, nous avons soulevé le problème à savoir l'excès d'autorité sur la partie syndicale; une loi semblable à un syndicat ouvrier avec cotisation obligatoire après une représentativité de 50 p.c, nous l'avons défendue devant vous; une loi définissant réellement l'agriculteur et acceptant uniquement les vrais agriculteurs. Je pense qu'ici il y a place pour beaucoup de discussions, on en a eu l'autre jour, on a invoqué le point de vue pratique, à savoir comment disposer du problème surtout par rapport aux listes qui devront être dressées. Je pense que le président de la fédération vous a exposé aussi que, dans l'esprit des cultivateurs, un autre point de vue se pose, c'est celui des intégrateurs. Il est clair que dans un congrès d'agriculteurs ce problème est toujours soulevé, à savoir est-ce que nous devrons partager l'avis du syndicalisme avec les grands intégrateurs, les agents de l'intégration verticale? Cela ne m'offusque pas comme attitude et je ne vois pas qu'il y ait là de problèmes ou de différends majeurs avec les agriculteurs, nos membres. Que l'UCC fasse des pressions jusqu'à l'obtention de cette loi et que l'UCC fasse que

l'on agisse, c'est une disposition, une disponibilité du champ vis-à-vis de la centrale pour l'obtention d'une loi.

Vous pourriez probablement nous faire discuter sur la définition du cultivateur, mais on vous a donné notre opinion et je pense bien que si tout ça était exposé à un congrès d'agriculteurs, comme ça le sera d'ailleurs, — ici, c'est un secteur dans la région de Québec, c'est un des groupes de la fédération de Québec, fédération de 7,000 à 8,000 adhérents — ces questions vont être continuellement ballotées pendant les congrès de secteur, congrès régionaux et congrès général. Et au moment où nous tiendrons notre congrès général pour obtenir le consensus final, vous viendrez juste, je pense, d'ouvrir la session. Nous serons en réunion les 11, 12 et 13 novembre et vous aurez commencé, quelques jours plus tôt, la session. Alors, il sera encore assez tôt pour nous de nous ajuster sur des points comme ceux-là, je pense, pour vous faire des représentations différentes de celles qu'on a déjà faites, s'il y a lieu. Mais si elles sont différentes, je fais un pari avec vous, elles seront plus rigoureuses que celles qu'on a présentées dans le passé ici, probablement.

M. Guérard vous l'a dit, les gens s'impatientent. On essaie de leur expliquer qu'actuellement une commission travaille sur le sujet, se penche sur le problème du syndicalisme agricole. Ils ne comprennent pas les détails et ne comprennent pas la longueur de temps que ça prend. Il y a peut-être un peu d'émotivité à un moment donné. Vous pouvez vous attendre à recevoir d'autres télégrammes où les gens vous presseront d'agir. Mais la situation n'est pas critique au point qu'il faille s'en inquiéter, je pense, et d'ici le congrès général, attendez-vous à recevoir des télégrammes comme ceux-là qui, moi, ne me scandalisent pas et qui, après tout, ne posent pas de problèmes majeurs. Là-dessus, on peut différer d'opinion, je sais.

M. LE PRESIDENT: Le député de Stand-stead n'a pas terminé.

M. VAILLANCOURT: M. Allain, vous ne croyez pas que...

M. ALLAIN: C'est à vous que je répondais? Je pensais que c'était à M. Tremblay.

Je n'avais pas vu qui avait posé la question.

M. VAILLANCOURT: M. Allain, vous ne croyez pas...

M. DEMERS: Les pièges, ça vient toujours de...

M. VAILLANCOURT: M. Allain, vous ne croyez pas qu'un tel télégramme devrait être envoyé à la confédération de l'UCC plutôt qu'à la commission parlementaire?

M. VINCENT: Avec copie à la commission parlementaire.

M. VAILLANCOURT: Je pense que le porte-parole le plus important de votre association, c'est bien la confédération et non les fédérations.

M. ALLAIN: En temps normal, je ne crois pas — vous, vous êtes à préparer une loi, je comprends très bien ça et vous retenez toute suggestion, du moins vous l'examinez — qu'il aurait été préférable qu'il soit peut-être drainé vers la confédération. Probablement qu'une copie lui est adressée aussi, je ne sais pas.

M. VAILLANCOURT: Moi, je pense que ce serait la manière de procéder, étant donné qu'il y a de nombreuses fédérations de l'UCC. S'il fallait que toutes les fédérations nous envoient des télégrammes, je pense que ça mêlerait un peu les cartes. Je suggérerais que les fédérations envoient leurs revendications à la confédération et non à la commission parlementaire, à moins que la fédération ne soit pas d'accord avec la confédération.

M. VINCENT: M. le Président, le président général de l'UCC comprendra avec nous ce matin que si nous avions reçu d'une fédération, comme nous pouvons en recevoir au cours des prochaines semaines, des prochains mois, un télégramme qui aurait dit: Nous appuyons la position prise par l'UCC, à savoir premièrement, deuxièmement, troisièmement, quatrièmement... nous aurions dit: C'est un appui à l'UCC. Mais là, dans le télégramme, il semble qu'on fasse intervenir d'autres facteurs que les principaux ou quelques facteurs qui ont été apportés ici par l'UCC. De plus, le président général de l'UCC comprendra avec nous qu'on demande, à l'heure actuelle, qu'un seul organisme représentatif des agriculteurs puisse être entendu par le gouvernement. Un seul organisme. Et si nous avons continuellement des télégrammes d'organismes régionaux de l'UCC, qui apportent des faits nouveaux ou encore changent des prises de position de l'UCC générale, là ça pose des contradictions.

Alors, si un tel télégramme avait été adressé à l'UCC avec copie à la commission parlementaire, il n'y aurait eu aucun problème. Ou encore si un tel télégramme nous était arrivé en disant: Nous appuyons la position de l'UCC, il n'y aurait pas eu de problème. Je tiens à souligner — on l'a remarqué au cours des années dernières et je pense bien que ça peut se produire au cours des années qui suivront — que très souvent nous avons une position adoptée de façon générale dans toute la province et que, par la suite, trois, quatre, cinq ou six positions nous viennent d'agriculteurs et sont quelquefois en contradiction, ce qui place le ministre, les parlementaires devant la situation de faire un choix: Qui dit ou qui parle pour qui? C'est ce qui est important.

M. ALLAIN: M. le Président, le seul engagement que je puisse prendre devant la commis-

sion, c'est de faire valoir aux fédérations régionales qu'elles orientent leurs remarques, s'il n'y a pas de dissidence majeure avec la confédération, vers la confédération. L'engagement que je ne peux pas prendre, c'est de leur interdire de s'adresser directement à la commission parlementaire.

M. VINCENT: Elles peuvent toujours le faire.

M. ALLAIN: Si, naturellement, elles sont en dissidence, parce qu'il n'y a quand même pas d'autorité telle chez nous qui interdise â nos fédérations de se désolidariser si elles le jugeaient opportun.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais vous comprenez pourquoi, M. Allain, nous avons insisté pour connaître exactement le sens de ce télégramme, ce matin. C'est que nous voulions comprendre exactement par quel mécanisme de consultation l'on s'était entendu ou l'on se proposait de s'entendre sur le projet de loi du syndicalisme agricole.

M. ALLAIN: Oui. Et je pense qu'on vous a répondu qu'il s'agit d'un secteur dans une fédération de 7,000 à 8,000 adhérents, qu'il faut trouver ici l'esprit qui prévaut dans le champ à l'heure actuelle, à savoir celui d'une certaine impatience et d'une volonté de doter le monde agricole d'une loi qui corresponde à l'attente.

Alors, sur les questions techniques, je pense que vous tolérerez qu'une réunion d'agriculteurs, qui se fait généralement le soir, après une journée de travail, puisse avoir sur des points techniques quelques particularités qui vous obligent, vous, â vous interroger. Et c'est de cette façon, je pense, qu'on peut vous répondre là-dessus.

M. LE PRESIDENT: Le député de Beauce a une question.

M. ROY (Beauce): M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Excusez, le député de Sainte-Marie.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): On parlait du même sujet.

M. ROY (Beauce): On parlait justement du télégramme.

M. LE PRESIDENT: Messieurs, je pense que nous avons passé assez de temps sur ce télégramme. On a invité d'autres organismes à venir ici; ils sont venus de loin.

M. ROY (Beauce): Je pense qu'on a permis aux autres membres de la commission de prendre la parole là-dessus; je voudrais tout simplement apporter une précision concernant le télégramme. Je me demande ce matin si, à la commission parlementaire, on n'est pas en train de faire de la "procédurite" et d'essayer de faire une tempête dans un verre d'eau. Je trouve qu'il n'y a rien d'anormal à ce que la fédération de l'UCC, deux, trois au même huit fédérations fassent parvenir des télégrammes à la commission parlementaire. C'est à eux de décider par quel canal ils doivent passer; ce n'est pas à nous de leur dicter une ligne de conduite.

M. VINCENT: Question de privilège, M. le Président, un point de règlement.

M. ROY (Beauce): M. le Président, je ne verrais pas d'objection à ce qu'un syndicat de l'UCC...

DES VOIX: A l'ordre!

M. VINCENT: Ce n'était pas du tout notre intention d'empêcher qui que ce soit d'envoyer ou de faire parvenir un télégramme à la commission parlementaire. C'est un droit que tout citoyen du Québec possède. Mais, quand nous recevons un télégramme, contrairement à ce que pense le député de Beauce, nous sommes quand même des personnes sérieuses, nous voulons savoir ce que dit le télégramme, quel est le sens du télégramme. Si nous étions membre du Ralliement créditiste, ça ne nous ferait rien. On laisserait passer le télégramme. On ne dirait pas un mot ; on dirait que ça fait du papier.

M. DROLET: Où est la question de privilège là-dedans?

M. VINCENT: Il reste quand même que, si on lit le télégramme, si on regarde ce qu'il contient...

M. DROLET: Les innocences de l'Union Nationale.

M. VINCENT: ... il faut, quand même, avoir des éclaircissements.

M. DROLET: Demandez-en donc à Lou-bier!

M. VINCENT: A ce moment-là, le député de Beauce n'a pas raison de dire qu'on perd son temps quand on reçoit un télégramme qui a quand même coûté de l'argent à la fédération de l'UCC pour nous l'envoyer.

M. DROLET: On va en parler à Loubier et ça va tout s'arranger!

M. VINCENT: Si la fédération de l'UCC a dépensé tel montant d'argent pour nous faire parvenir un télégramme, c'est parce qu'elle voulait se faire entendre.

M. ROY (Beauce): M. le Président, c'est justement ce que j'allais dire. La fédération de l'UCC nous a envoyé un télégramme et nous l'interrogeons à ce sujet. Je pense que tous les membres de la commission parlementaire sont d'accord pour que nous obtenions des éclaircissements. Tout à l'heure, j'ai trouvé un peu stupide qu'on fasse des reproches à la fédération de l'UCC de s'être adressée à la commission parlementaire, plutôt que de s'adresser à la confédération de l'UCC.

M. VINCENT: Un point de règlement, M. le Président.

M. ROY (Beauce): C'est pour cela que j'ai voulu intervenir.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. VINCENT: Je voudrais que le député de Beauce retire ses paroles. Aucun membre de la commission parlementaire n'a fait de reproche à l'UCC de Québec est ou nord ou à son secrétaire, M. Maxime Plamondon, de nous avoir envoyé un télégramme. C'est normal et c'est leur droit de nous faire parvenir des télégrammes. Nous voulions avoir des éclaircissements sur le teneur du télégramme. C'était notre droit et notre devoir de demander ces éclaircissements. Nous les avons obtenus et nous sommes prêts à passer à l'autre témoin.

M. LE PRESIDENT: D'accord, tout le monde?

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Le député de Sainte-Marie.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): A propos du télégramme, j'avais demandé la parole; je n'ai pas pu m'exprimer jusqu'à présent. Je voudrais tout simplement faire une remarque. Moi aussi, j'ai assisté à un de ces congrès, celui de Sacré-Coeur-de-Marie, dans le comté de Mégantic. J'y ai assisté à titre d'observateur. Beaucoup de députés auraient dû aller à ce congrès. Cela leur éviterait de poser des questions sur le télégramme en question.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'invoque le règlement.

M. LE PRESIDENT: Le député de Sainte-Marie a la parole.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Il n'y a pas de question de règlement dans cela.

M. DEMERS: C'est comme si on disait qu'on n'est jamais allé à un congrès de l'UCC.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): I am sorry!

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je n'ai fait de reproche à personne.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je regrette de devoir dire à mon collègue de Sainte-Marie que, s'il vient de découvrir l'agriculture, et si son mouvement vient de la découvrir, nous avions découvert cela bien avant lui et que l'Amérique a été découverte en 1492. Son parti est bien en retard.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Remarquez que l'Amérique, en 1492, cela, je le savais. C'est par Christophe Colomb. Vous ne m'avez absolument rien appris!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): René Lévesque a dû écrire un papier là-dessus pour qu'il le sache!

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Si le député de Chicoutimi veut m'apprendre des choses, je pense qu'il n'a pas réussi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il n'y a qu'une chose que je ne sais pas, c'est comment poser des bombes.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Moi non plus!

UNE VOIX: Ah! mais vous avez du talent.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous avez des professeurs pour vous l'enseigner!

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je sais à quoi vous faites allusion. Vous êtes très méchant. Je suis habitué à vos observations. Je vous ai dit que je ne les prenais plus et que cela ne me faisait plus rien. Vous attaquez même vos propres chefs. Alors, laissez-moi tranquille avec vos bombes vos assassinats et ces choses-là.

M. DROLET: On laisse cela à la mafia.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Oui. Laissons cela à la mafia.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'espère que je n'en serai pas victime. Il y a un de nos collègues qui l'a déjà été.

M. VAILLANCOURT: Je demanderais de revenir au sérieux.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, puis-je continuer? Nous laisserons faire les bombes du député de Chicoutimi.

M. DEMERS: Vous étiez allé dans le comté de Mégantic.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je suis allé dans le comté de Mégantic à titre d'observateur. Les péquistes ont même des amis dans le comté

de Mégantic, parce que j'avais été invité. J'ai été invité comme observateur. J'ai compris le sens du télégramme. C'est pas mal en accord avec la position de l'UCC, lorsqu'elle a présenté son mémoire. On demande de revenir aux demandes de 1970. En somme, ces gens s'inquiètent beaucoup de la défirition de l'agriculteur. Qui sera inclu dans la loi? Tel que défini dans la loi, ici, c'est assez général. Est-ce que c'est un agriculteur qui retire 50 p. c. de son profit de l'agriculture, ou 25 p. c, ou peu importe?

Ces gens demandent, d'abord, qu'il n'y ait pas de référendum. Je pense que cela a été la prise de position de l'UCC: pas de référendum pour l'accréditation, pour la cotisation obligatoire et aussi pour changer la cotisation. Je pense que tous ces congrès de secteur se termineront par un congrès général à Québec, n'est-ce pas? Si ce n'est pas cela, vous me corrigerez, M. Allain. A ce congrès, à Québec, une position définitive sera prise en rapport avec toutes celles qui ont été exprimées dans les congrès de secteur.

Je reviens à ce que j'ai dit au départ. Ce télégramme n'a rien de nouveau. C'est à peu près la position des agriculteurs du Québec. On veut être traité comme dans tout syndicat, même comparativement à un syndicat dans le secteur industriel. On ne veut pas de référendum. On veut la majorité simple, c'est-à-dire 50 p. c. plus un. Je suis d'accord. On ne veut pas de référendum pour changer le mode de cotisation. On veut surtout une définition exacte de ce qu'est l'agriculteur.

On demande aussi d'accorder moins de pouvoirs à la Régie des marchés agricoles. Si vous prenez l'article 46, il en a été question à ce congrès, dans un atelier où j'assistais comme observateur. Je répète encore au député de Chicoutimi que je suis allé là pour m'instruire, non pour imposer des idées. On trouve que la Régie des marchés agricoles a beaucoup de pouvoirs. Les cultivateurs, qui sont comme tous les autres groupes de la société, veulent administrer leur syndicat eux-mêmes et avoir une certaine autonomie. Je pense qu'ils ont raison.

Ma bombe vient d'éclater. Elle est finie. Le député de Chicoutimi peut être rassuré.

M. DEMERS: Elle vous a éclaté dans les mains.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le député de Sainte-Marie devrait aller faire une petite enquête à Alma pour savoir ce que font les péquistes. Pour combien de milliers de LSD et tout cela, ce matin?

M. LE PRESIDENT: Cela n'entre pas dans la discussion.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non, non, M. le Président. Je m'excuse.

M. LE PRESIDENT: Je m'excuse auprès de tout le monde. Nous avons invité des gens qui sont ici. Ils sont venus de loin pour faire des représentations et nous passons beaucoup de temps à discuter du télégramme. Il est peut-être important de savoir la position unique de l'UCC ou des autres, mais j'ai cédé la parole à M. Roy au début de la séance et il n'a pas encore pu dire un mot.

J'invite M. Roy à présenter son mémoire.

Conseil de l'alimentation du Québec

M. ROY (Léonard): M. le Président, MM. les membres de la commission parlementaire de l'Agriculture, mon nom est Léonard Roy. Je suis le vice-président exécutif du Conseil de l'alimentation du Québec.

M. Marcel Masse — je suis obligé d'ajouter ceci, compte tenu du milieu, sans référence à une personne que vous connaissez — le président du Conseil de l'alimentation du Québec, m'a prié de l'excuser. Il tenait à être ici ce matin pour vous présenter lui-même le point de vue de l'organisme, mais il a été retenu à Montréal à la dernière minute par des engagements imprévus.

Le Conseil de l'alimentation du Québec vous remercie de lui fournir l'occasion de se faire entendre et d'apporter à votre commission parlementaire le point de vue de l'ensemble québécois de l'industrie et du commerce de l'alimentation sur le projet de loi du syndicalisme agricole. Ayant eu l'avantage d'être présent aux séances précédentes de votre commission, nous avons constaté le souci que vous avez; M. le Président, de faciliter la procédure au bénéfice de la recherche, de l'information et du dialogue avec les parties. Ceci nous met en confiance et nous rend particulièrement disponibles à toutes vos questions.

Compte tenu de ce que nous avons entendu depuis une heure, M. le Président, je tiendrais à vous dire aussi, respectueusement, que tous les milieux d'affaires de la province de Québec qui touchent, d'une façon ou d'une autre, à l'alimentation ont l'impression que vous savez traiter de choses importantes comme celles de la mise en valeur d'une ressource naturelle aussi essentielle au Québec que celle de l'agriculture en vous mettant au dessus des préoccupations électorales.

Alors, nous apprécions, dans l'ensemble, de l'extérieur, M. le Président, que le gouvernement du Québec se donne tout ce souci pour charger une commission parlementaire, qui coûte tout de même beaucoup d'argent aux contribuables, d'étudier ce problème en profondeur et de nous donner à nous la satisfaction de pouvoir nous faire entendre d'une façon démocratique et honnête.

Le Conseil de l'alimentation du Québec est une corporation à charte provinciale qui regroupe les associations d'affaires québécoises dont les membres sont engagés dans la transformation, l'apprêtage et la distribution des produits

agrico-alimentaires. Il est dirigé par des chefs d'entreprise élus démocratiquement chaque année par les associations membres.

Notre organisme en est un de coordination dans la recherche et l'action au service de l'industrie alimentaire du Québec. Il trouve sa justification dans son rôle d'interlocuteur valable et représentatif toujours prêt, entre autres fonctions, à coopérer avec les autorités constituées qui, à divers paliers de l'administration gouvernementale, interviennent dans la mise en marché des denrées alimentaires agricoles.

Il a, depuis sept ans, cherché à être présent et à apporter sa contribution constructive à toutes les entreprises de planification destinées à développer et à consolider les marchés des produits agricoles et alimentaires du Québec.

Nous représentons donc les associations suivantes et parlons officiellement en leur nom: L'Association des manufacturiers de produits alimentaires du Québec, le Conseil des salaisons du Canada (section du Québec), le Conseil de l'industrie laitière du Québec, l'Association des abattoirs avicoles du Québec, l'Association des couvoiriers du Québec, l'Association professionnelle des meuniers du Québec, l'Association des manufacturiers de moulées, les Pêcheurs unis du Québec, l'Association des épiciers en gros du Québec, l'Association des grossistes en fruits et légumes du Québec, l'Association des magasins-chaînes du Québec, l'Association des courtiers en alimentation du Québec et l'Association des détaillants en alimentation du Québec.

Le grand complexe économique de l'alimentation du Québec couvre environ 2,500 industries et quelque 12,000 établissements commerciaux. Le Conseil de l'alimentation du Québec représente, par ses structures, 70 p.c. en nombre et 90 p.c. en valeur des activités de ces entreprises.

La nature, les objectifs et les états de service de notre organisme nous justifieraient déjà d'intervenir dans le débat de ce projet de législation.

Nos représentations d'aujourd'hui sont la suite logique des commentaires et recommandations sur un premier projet de législation sur le syndicalisme agricole que le Conseil de l'alimentation a présenté au commissaire-enquêteur du gouvernement, Me Marcel Trudeau, à la suite de son invitation du 24 novembre 1969.

Le rôle et les responsabilités de percepteur de cotisations syndicales que les projet de loi no 64 entend imposer aux acheteurs commerciaux et industriels de produits agricoles nous font une obligation de faire entendre ici la voix de ceux qui sont ainsi conscrits pour l'accomplissement d'une fonction de suppléance qui semble bien être fondamentale pour le succès de cette expérience syndicale. Si cette fonction de perception est le prérequis essentiel au fonctionnement de tout le système, on doit accepter, M. le Président, que le percepteur ait le droit de s'interroger sur la portée réelle du geste qu'il va poser quant à l'orientation future des politiques de mise en marché de nos produits agricoles.

Ici, M. le Président, nous voulons souligner que dans la Terre de chez nous, la semaine passée, on disait: "On entendra, la semaine prochaine, des organisations reliées plus ou moins au problème de l'agriculture". Nous tenons, précisément ici, à souligner que, quant à nous, nous sommes étroitement et immédiatement reliés au problème de l'agriculture pour les raisons que nous venons de vous donner, ne serait-ce, encore une fois, pour les fins du projet de loi 64, que ce rôle du percepteur de cotisation qu'on nous impose.

C'est là la justification majeure de notre intervention. En fait, malgré le soin évident que prennent les auteurs du projet et le législateur pour garder bien séparées et distinctes les considérations d'organisation professionnelle syndicale et les considérations de mise en marché de produits agricoles — répondant en cela à nos requêtes pressantes depuis plusieurs années — il n'en reste pas moins qu'en dépit de cette gymnastique intellectuelle, toute nouvelle structure professionnelle aura une incidence directe sur les politiques de mise en marché; et à ce moment-là nos secteurs industriels et commerciaux deviennent directement impliqués et justifiés d'intervenir dans les débats avec les producteurs agricoles, avec les consommateurs, avec les unions ouvrières, avec l'administration gouvernementale.

Nous tenons à souligner que les milieux d'affaires, représentés par le Conseil de l'alimentation du Québec, ne s'opposent d'aucune manière au syndicalisme agricole, comme d'ailleurs au syndicalisme tout court.

Nous considérons que cette question du syndicalisme agricole regarde d'abord et avant tout les cultivateurs du Québec. C'est une formule de promotion des intérêts de la profession agricole parmi diverses autres options. Le cadre syndical est l'aboutissement du genre d'efforts de structuration du monde rural que poursuit l'UCC depuis des années. Ce serait être volontairement rétrograde, en 1971, que de feindre ignorer que l'organisation professionnelle des producteurs agricoles repose sur les structures de groupes, l'information, la législation relative à l'économie contractuelle en vue d'un pouvoir adéquat de négociation avec l'industrie agrico-alimentaire. En soi, une loi du syndicalisme agricole ne saurait donc soulever l'opposition du monde industriel et commercial.

Pour éviter toute confusion, permettez que nous précisions immédiatement que le fait de reconnaître la place du syndicalisme agricole dans notre économie rurale n'implique nullement, de notre part, un jugement sur la valeur, l'utilité, le droit de cité du système coopératif. Nous regrettons la confusion que l'on crée à ce sujet, parce qu'il s'agit de deux ordres de choses totalement différents, destinés à servir la classe agricole sur deux plans distincts: le premier dans le domaine de l'organisation professionnelle; le second dans le domaine de la mise en

marché des produits agricoles. Ce qui n'empêche pas les sociétaires de coopératives de s'exprimer sur les formules du syndicalisme agricole, et les responsables des destinées des coopératives agricoles d'avoir les mêmes appréhensions que les milieux de l'entreprise capitaliste quant au genre de syndicalisme agricole que le législateur consacrera au Québec.

Car, en effet, il y a le "genre" de syndicalisme agricole qui ne peut nous laisser indifférents. Nous croyons en avoir eu la preuve ce matin. Au moment d'adopter une loi du syndicalisme agricole, il importe de s'assurer que les prescriptions du statut faciliteront le cheminement du syndicalisme vers les formules professionnelles les mieux adaptées aux besoins de notre monde moderne au lieu de consacrer à demeure une mentalité syndicale unique et monolithique qui aurait été autrement rejetée par les producteurs progressifs. En un mot, il faut apporter autant d'attention au contenu doctrinal qu'au contenant professionnel.

Tous ceux qui ont eu l'avantage de voyager à l'extérieur du Québec et d'étudier diverses manifestations du syndicalisme agricole, dans les pays où l'agriculture a évolué, constatent que le syndicalisme simplement revendicateur (qui érige la méfiance en système et qui se nourrit d'épreuves de force), fait place à un syndicalisme à mentalité nouvelle beaucoup plus ouvert à la participation et à la planification, qui sait tempérer sa force d'initiative et de frappe par la disposition au dialogue et à l'esprit d'équipe et dont l'éventail des préoccupations dépasse de beaucoup le prix de vente de la production agricole de ses membres.

C'est le cas des pays du Marché commun européen.

Pour bien illustrer qu'il n'y a pas qu'un seul genre de syndicalisme agricole à consacrer dans un texte de loi, nous attirons l'attention du législateur sur le témoignage suivant de Michel Thébaud, directeur de la Fédération des syndicats agricoles de France, qui décrit un syndicalisme autre que celui qui a cours au Québec : "Le syndicalisme agricole n'a sa raison d'être et ne peut être réellement efficace qu'en autant qu'il agit avec le concours des autres organismes professionnels. Tout en ayant un rôle différent de ces organismes, il n'assume pas une fonction strictement hiérarchique, il ne détient pas le monopole de la représentation de l'agriculture, mais il est un lieu de confrontation, de réflexion, où se définit l'action."

Vers la même date, un ex-président de l'Association nationale des jeunes agriculteurs de France livrait cette observation d'un état de chose, découlant du syndicalisme tel que décrit par M. Thébaud : "En dix ans, l'agriculture française a plus changé qu'en dix siècles. Ces changements résultent d'une évolution profonde de la mentalité des cultivateurs, entraîmés par une élite particulièrement dynamique qu'on identifie surtout aux cercles de jeunes agriculteurs, secondés par des hommes politiques qui n'ont pas hésité à changer des structures traditionnelles pour faire de l'agriculture française une des grandes industries de l'époque, dans le cadre d'une nouvelle politique agricole globale."

Il ressort des constatations de ceux qui ont pu étudier la situation sur place, qu'au lieu de tenter d'améliorer le sort de la masse des cultivateurs en l'encadrant dans un syndicalisme de classe qui mélange indifféremment les producteurs-entrepreneurs bien préparés, bien organisés, avec les producteurs inadaptés et irrécupérables, on encourage, au contraire, en France, l'avancement d'un groupe de producteurs qui font preuve de dynamisme, qui comprennent que l'agriculture n'est pas seulement un mode de subsistance familiale, mais surtout un moyen de production de richesses et de prospérité économique pour les véritables exploitants industriels agricoles.

Il y a donc des syndicalismes agricoles, et c'est dans l'intérêt de toute la collectivité que le législateur s'assure que nos lois, au lieu de freiner l'évolution, facilitent par une saine concurrence entre formules modernes l'avènement du syndicalisme agricole le plus progressif.

M. le Président, tout en demeurant strictement attaché au sujet de notre représentation ce matin, tout en demeurant le plus possible objectif et sans vouloir être malin d'aucune manière, je vous demanderais de me permettre de démontrer d'une façon absolument pratique — ce qui était inattendu pour moi, compte tenu que j'ignorais totalement ce qui devait se produire entre dix heures et onze heures ce matin — que le développement de l'agriculture dans le Québec prouve précisément que nous sommes en face de ça, d'une confrontation de différentes mentalités syndicales.

Dans son édition du 15 septembre, la Terre de chez nous, a un éditorial dont le titre est: "La revendication bruyante ayant cédé le pas à une discussion plus rationnelle, que penser du nouveau style d'action de l'UCC? "

Et le secrétaire général de l'UCC, campe d'une façon absolument réelle la situation que nous vivons dans le moment et je crois que ce n'est pas prendre indûment le temps de la commission que de vous citer deux paragraphes de cet éditorial, pour montrer ensuite en regard de cet éditorial ce qui se passe : "L'UCC a connu durant la première phase d'organisation de la mise en marché des produits agricoles un type d'action revendicatrice, marquée surtout par les manifestations populaires impressionnantes et la critique violente, aussi bien écrite qu'Orale des gouvernements et des entreprises économiques du secteur agricole. Les discussions avec les interlocuteurs se faisaient alors le plus souvent d'assez loin, par la voie de la correspondance, des télégrammes, des journaux et de la télévision.

Ce style d'action a eu des résultats certains, dont quelques-uns très importants, notamment l'obtention des subsides aux producteurs de lait, et la refonte de la Loi des marchés.

Cette façon de conduire l'action de l'UCC, et

cela est évident, s'est modifiée sensiblement au cours des dernières années. Sans abandonner les manifestations populaires — comme la réunion à Sainte-Foy — et sans cesser surtout de considérer qu'elles demeurent une forme d'action importante du syndicalisme agricole, l'UCC favorise actuellement la discussion rationnelle et la négociation avec les gouvernements et les entreprises. Les rencontres et les communications directes avec les membres et les fonctionnaires des gouvernements sont devenues chose courante. De même, les discussions avec les représentants des entreprises agricoles se multiplient, surtout par la voie des fédérations spécialisées qui administrent des plans conjoints. En regard de cette attitude que l'UCC veut bien nous souligner et porter à notre attention, c'est-à-dire cette évolution qu'elle cherche à faire à la direction vers plus de planification, plus de discussion, vous avez justement, ce matin, une manifestation qui prouve que dans les cadres, que dans les fédérations il y a divergence de vues au point de vue de l'opportunité de l'action, au point de vue même de la nature de la présentation, de la discussion ou des contacts ou des relations avec les autres parties de la société.

Ceci nous amène à dire qu'il y a précisément, en dehors des cadres qui existent déjà, qui sont les fédérations qui, elles, se regroupent en confédération, et dans ces cadres, la possibilité — comme on l'a dit ce matin — de roder encore un peu plus le mécanisme de manière qu'il y ait une voix qui parle, après qu'il y ait eu entente dans les cadres inférieurs. Il reste tout de même que cette situation est indicative qu'il y a, au Québec comme partout ailleurs où il y a une agriculture qui est en mutation, des conceptions d'action, des conceptions d'attitude à prendre sur la mise en valeur de l'agriculture, qui diffèrent. Nous croyons — et c'est justement à l'appui de notre thèse que nous apportons cet incident — qu'il faut absolument qu'on accepte dans une loi de faciliter cette évolution des différentes conceptions syndicales, de manière à arriver à faciliter à un moment donné une expression d'opinions qui regroupe véritablement la majorité. A ce moment-là, la loi démocratique jouera.

Ceci dit, ceci apporté comme exemple à l'appui de notre thèse, nous continuons, si vous le permettez bien. Si, par contre, le syndicalisme agricole est ramené à une formule de repliement de la classe agricole qui la coupe du contexte économique où elle doit évoluer et que ce régime unique doive reposer sur des pouvoirs et prérogatives monopolistiques, nous vous soumettons que c'est le droit et le devoir de tous les secteurs économiques, directement exposés à l'influence éventuelle de ces nouvelles forces, de mettre tout en oeuvre pour que l'on évite des erreurs coûteuses et irréparables. C'est dans cet esprit et c'est pour cette raison que le Conseil de l'alimentation du Québec tient à prendre position sur le projet de loi qui est devant vous.

Le Conseil de l'alimentation du Québec désire, avant toutes autres considérations, faire appel à tous ceux qui sont conscients du danger que nous courons au Québec de nous enfermer dans des structures avant même d'avoir décidé de nos politiques d'ensemble. Est-il vraiment raisonnable d'édifier des structures rigides, comme celles que l'on propose dans le projet de loi no 64, avant d'avoir complété et d'avoir adopté une véritable politique agricole globale pour le Québec?

Nous reconnaissons qu'il y a, à la direction du ministère de l'Agriculture, une équipe dont c'est l'intention avouée de réaliser, dans les plus brefs délais, ce que nous demandons depuis des années, soit une politique agricole alimentaire globale. Bien qu'on ait dépassé le stade des voeux pieux et en dépit du fait qu'on s'oriente vers la concertation des efforts de toutes les parties intéressées, qu'on commence à faire accepter les interdépendances entre groupes et individus, et que certaines compétences commencent à attirer d'autres compétences sur le plan interministériel et sur le plan gouvernement-industrie, nous ne l'avons pas encore, cette politique globale.

Si nous ne connaissons pas encore les lignes de force d'une telle politique globale et leur incidence sur le nombre de nos unités de production agricole, sur le nombre et la qualification de la main-d'oeuvre agricole, sur le remplacement de certaines productions peu rentables par d'autres plus prometteuses d'avenir, comment pouvons-nous, avec logique et sagesse geler dans des structures rigides, surtout monolithiques, l'organisation professionnelle de nos diverses classes agricoles dont l'orientation et l'avenir sont mis en cause?

Pour mieux illustrer notre pensée, essayons de voir ce qu'il advient des structures proposées dans le projet de loi no 64 au fur et à mesure que le gouvernement du Québec arrive à préciser sa politique agrico-alimentaire globale.

Le Québec doit décider, et dans les plus brefs délais, si son agriculture s'orientera de manière à occuper la plus grande place possible sur son marché domestique de consommation alimentaire ou s'il est préférable de laisser s'établir un état de dépendance de l'extérieur, sans cesse croissant, pour les approvisionnements des Québécois en nourriture, comme c'est le cas présentement. Il va falloir se mettre à produire pour vendre et à produire ce que nos consommateurs désirent acheter.

A ces nouveaux impératifs de mise en marché s'ajoutent les exigences constitutionnelles du pays en matière de commerce interprovincial qui forceront le Québec à négocier avec les autres provinces le partage des marchés de consommation de produits agrico-alimentaires sur le plan national.

Cette question de partage des marchés pose aux responsables de l'agriculture du Québec le grand défi de la spécialisation dans certaines productions où nous sommes particulièrement bien équipés, où nous pourrions facilement

nous équiper pour satisfaire non seulement aux exigences de notre marché domestique, mais aussi pour prendre place par l'exportation, non pas à l'autre bout du monde, mais dans ce triangle Montréal-New York-Chicago où se situe le plus grand marché de consommation alimentaire de l'Amérique.

Dans ce contexte, nous devons opter, dès demain, à la lumière de nos investissements en agriculture, soit entre une orientation décisive et prompte qui fera du Québec la province laitière du Canada, avec tout ce que cela peut comporter de potentiel, ou le remplacement accéléré des fermes laitières par d'autres genres de productions, comme par exemple l'élevage, la production des plantes oléagineuses pour répondre à la demande grandissante des huiles végétales, la production horticole avec les investissements massifs dans les travaux d'infra-structure du régime des eaux et de l'équipement en surface, pour accroître le rendement à l'acre, et le reste, et le reste.

Toutes ces options, M. le Président...

Ah! excusez-moi, je pensais que quelqu'un protestait.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): C'est la bombe du député de Chicoutimi.

M. ROY (Léonard): Toutes ces options, M. le Président, entraîneront forcément des changements profonds dans les systèmes de mise en marché des produits agrico-alimentaires. Déjà, on se rend compte que le régime unique et exclusif des plans conjoints de mise en marché, qui peut très bien servir la mise en marché de certains produits, ne donne pas les résultats attendus dans d'autres domaines. Il va falloir accepter d'ajouter à la formule des plans conjoints d'autres moyens aussi efficaces, plus souples, mieux adaptés à faire la mise en marché de certaines productions spécialisées. Ces nécessités entraîneront une refonte de la Loi des marchés agricoles du Québec et, depuis plus de deux ans, un comité spécial du gouvernement prépare cette refonte et consulte les parties intéressées. On nous laisse même entendre que cette refonte pourrait être soumise à l'Assemblée nationale dès la prochaine session.

Devant ces nouvelles catégories de producteurs, ces nouveaux mécanismes de mise en marché, ces nouvelles structures juridiques de vente, regroupant les producteurs non seulement d'après leur spécialisation, mais aussi d'après leur catégorie d'importance économique, que deviennent les stipulations et exigences d'une loi du syndicalisme agricole comme celle qu'on nous propose?

C'est pourquoi le Conseil de l'alimentation du Québec a demandé à plusieurs reprises depuis quelques mois que l'on procède d'abord à la refonte de la Loi des marchés agricoles et qu'ensuite on élabore une loi du syndicalisme agricole qui colle aux réalités nouvelles de notre agriculture québécoise.

Nous vous soumettons respectueusement que les trois étapes rationnelles de la consolidation d'une nouvelle économie agrico-alimentaire dynamique du Québec sont l'élaboration d'une politique agricole globale, la refonte de la Loi des marchés agricoles et l'adoption d'une loi de l'organisation professionnelle agricole.

Comme nous tenons tout de même à demeurer réalistes et que nous sommes conscients, à l'instar de la Coopérative fédérée de Québec, que des impératifs politiques, beaucoup plus que des préoccupations de planification, dictent la présentation de ce projet de loi, nous demandons avec beaucoup d'insistance qu'au moins aucune structure monolithique ou monopolistique ne soit définitivement consacrée dans cette loi no 64. Que le législateur ménage une transition, car la mentalité de la classe agricole se prête mal aux formules radicales. Que la voie reste ouverte à l'élaboration progressive et démocratique du meilleur genre de syndicalisme agricole qui se puisse souhaiter pour la prospérité générale du Québec et que ledit projet de loi comporte les provisions nécessaires qui permettront de l'adapter aux situations nouvelles qui pourraient être créées par la refonte de la Loi des marché agricoles.

Puisqu'il semble bien que nous aurons à nous accommoder, encore une fois, de nouvelles structures avant même de savoir ce que sera la politique agrico-alimentaire d'avenir du Québec, force nous est donc d'accepter de tirer le meilleur parti possible d'une législation prématurée mais qui comporte, cependant, des améliorations sur le projet initial de l'UPA de 1969.

Nous n'hésitons pas à souligner ici ce qui nous semble être les points originaux et forts de cette nouvelle législation du syndicalisme agricole, la première du genre, semble-t-il, au pays, ne serait-ce que pour faire mieux ressortir certains autres aspects du projet qui nous semblent s'identifier beaucoup plus à des préoccupations financières et administratives d'organisation professionnelle qu'aux excellents principes démocratiques qui y sont mis de l'avant.

Même si nous demandons de préciser davantage, il faut reconnaître que la définition du producteur a été considérablement délimitée par la méthode de l'élimination ou de l'exclusion. La loi reconnaît le droit d'association et la liberté d'adhésion au syndicat de son choix, même si dans quelques-unes de ses sections elle fait un sort peu édifiant à ces mêmes principes démocratiques.

Avant que la Régie des marchés agricoles ne donne son accréditation, il y a obligation pour l'organisation professionnelle de se soumettre à un référendum destiné à établir son caractère représentatif. Nous mettons en doute que le référendum puisse atteindre sa fin, compte tenu des modalités dont il est assorti.

Le texte du projet de loi établit clairement que la clé de l'efficacité du référendum est la préparation de la liste des producteurs éligibles à voter et il prévoit une réglementation assez

sévère à ce sujet. Il reste, cependant, que les règles de la majorité que comporte le même genre de projet de loi rendent futiles tant de précautions.

Nous ne pouvons qu'être heureux de reconnaître une de nos principales recommandations dans l'obligation qui est faite à la régie, au moment du référendum, de porter à la connaissance des producteurs impliqués un résumé explicatif des engagements et des obligations qu'ils assument en votant favorablement pour ce projet. Nous aurions souhaité que cette obligation s'étende à la diffusion publique par les media d'information de telles explications sur les engagements et obligations à assumer.

Parce que l'accréditation de la régie se limite au caractère représentatif de l'organisation agricole professionnelle, nous espérons ne pas nous tromper en déduisant que cette acrréditation n'implique pas une intrusion dans le domaine de la mise en marché des produits agricoles.

Le projet de loi vient combler une lacune sérieuse de la Loi des marchés agricoles. Une section du projet est consacrée à la procédure de révocation de l'accréditation d'une association. Notre opposition à l'accréditation d'une association unique ne change rien au fait qu'une procédure de révocation de l'accréditation est une amélioration sur la situation actuelle.

Avec la même réserve quant à l'accréditation d'une seule assocaition, nous trouvons logique que l'association accréditée et toutes les autres qui pourront l'être éventuellement, doivent maintenir des registres et une comptabilité approuvée par la régie, permettant de corriger toute erreur dans les perceptions des cotisations. Compte tenu, cependant, du caractère obligatoire et universel qu'on veut donner à ces cotisations, il devrait y avoir obligation de déposer et de rendre publics les états financiers annuels desdits organismes professionnels.

Enfin, nous nous réjouissons que le projet de loi réaffirme le caractère confidentiel des renseignements obtenus par la régie dans l'application de la loi. Il y a cependant trop de lacunes de ce côté. Nous sommes satisfaits que ce soit les inspecteurs de la régie qui fassent les vérifications dans les établissements industriels et commerciaux et non pas les inspecteurs ou représentants de la ou des associations accréditées.

Ces améliorations, M. le Président, sont le fruit de la consultation et des recommandations que nos divers secteurs ont pu faire depuis la présentation du premier projet de loi. Nous tenons à les conserver.

Il est regrettable, cependant, que la facture générale de cette nouvelle loi — avant-gardiste par plus d'un aspect — comporte un ensemble d'exigences quant à la perception des cotisations syndicales qui nous porte à croire qu'on attache beaucoup plus d'importance à l'accessoire qu'aux principes qui sont mis en cause.

Les milieux industriels et commerciaux de l'alimentation ne peuvent laisser passer sans protester ce qu'ils considèrent comme une tentative de les enrégimenter dans une vaste entreprise de recrutement de membres pour une seule association professionnelle. Ils refusent, et refuseront par tous les moyens légaux à leur disposition, d'être impliqués de force dans tout conflit ou dispute entre l'association professionnelle accréditée et les cultivateurs qui, pour diverses raisons qui ne nous regardent pas, refusent d'adhérer et de soutenir financièrement ladite association. Nous nous opposons à ce que le législateur nous impose la responsabilité personnelle et collective de devenir "agent recruteur" pour quelque association professionnelle que ce soit.

Voici comment certaines sections du projet de loi nous conduisent à ces conclusions et suscitent l'opposition formelle que le Conseil de l'alimentation du Québec doit, bien à regret, enregistrer auprès de votre commission: a) Nous considérons d'abord que l'article 32 du projet de loi constitue la véritable pierre d'achoppement, que les articles 31, 35, 38, 39, 40 et 54 ne sont que les modalités d'application d'un système que nous identifions fondamentalement à un régime de taxe directe imposée à tous ceux qui touchent à un projet agricole, par un organisme qui s'attribue les pouvoirs de l'Assemblée nationale. b) Après avoir dit que les dépenses de l'association accréditée sont défrayées au moyen de cotisations, l'article 32 stipule que les règlements de cotisation s'appliquent à tout producteur, membre ou non d'un syndicat, à tout syndicat, affilié ou non, à toute fédération, affiliée ou non, etc. L'article 31 réfère même aux producteurs intéressés directement ou indirectement au travail des syndicats et des fédérations. c)En vertu de l'article 39, sont même tenus de payer cette cotisation les producteurs en dehors de toute organisation professionnelle, qui vendent un produit agricole non commercialisé, c'est-à-dire qui n'est pas couvert par un plan conjoint, à un acheteur occasionnel, qui n'est pas un consommateur. C'est le cas des producteurs qui vendent directement aux magasins, des producteurs qui vendent au Marché central métropolitain, par exemple, du producteur du 3e rang de Saint-Félicien qui vient vendre à l'épicier-boucher de Roberval quelques légumes et de la viande d)C'est par le truchement des acheteurs, des plus petits aux plus grands, que la loi cherche à rejoindre tous les producteurs agricoles en faisant porter le poids des reponsabilités des déductions de cotisations sur toute personne, autre qu'un consommateur, qui achète ou reçoit d'un producteur un produit agricole non commercialisé ou sur tout acheteur lié par un des actuels plans conjoints de mise en marché.

La loi impose â ces acheteurs la tenue de registres, la présentation de rapports mentionnant le nom des producteurs cotisés, le montant de chaque cotisation, l'acceptation de nouvelles

séries d'inspections dans les établissements par les fonctionnaires de la régie, etc.

De plus, des pénalités qui vont de $500 à $1,000 seront imposées aux acheteurs qui ne collaboreront pas à ces retenues. Sera coupable de l'infraction, au même titre que la personne qui la commet, toute personne qui aide à commettre l'infraction ou conseille de la commettre. S'il s'agit d'une infraction commise par une corporation ou une association, tout directeur, administrateur, gérant ou officier qui approuve ou acquiesce à l'infraction, sera coupable de cette infraction. e)La loi donne à la régie le pouvoir de forcer les coopératives agricoles à se soumettre au paiement des cotisations à l'UCC. f) Enfin, le projet de loi du syndicalisme agricole donne une extension ou une interprétation aux prélèvements administratifs des plans conjoints prévus dans les articles 21b) et 47b) de la Loi des marchés agricoles, dont la légalité est douteuse. Il est loin d'avoir été prouvé, dans des causes judiciaires, que le prélèvement administratif d'un plan conjoint qui peut couvrir des fonds d'égalisation de prix, des fonds de publicité, couvre aussi la cotisation syndicale. C'est ce que voudrait le projet de loi no 64 en obligeant un syndicat ou un office de producteurs, administrateurs d'un plan conjoint, à verser jusqu'à 20 p.c. de son prélèvement administratif à l'UCC.

Somme toute, l'acheteur, quelle que soit son importance, devient non seulement l'agent percepteur mais également la police forcée de faire rentrer tous les cultivateurs dans le rang. Par le truchement du prélèvement administratif d'un plan conjoint, l'acheteur devient aussi complice à une dissimulation, sur le chèque de paie des producteurs, de la cotisation syndicale.

Cette fonction qui dépasse de beaucoup celle du percepteur d'une cotisation, nous allons, comme industrie, refuser de la remplir.

Si l'acheteur doit collaborer à la perception des cotisations syndicales, nous demandons à votre commission de modifier le projet de loi de manière qu'il soit affranchi de toute responsabilité découlant du refus de participation ou du retard dans la prise de position relative à la participation d'un producteur ou d'un groupe de producteurs.

Au sujet de la responsabilité personnelle des agents de perception de la cotisation syndicale, nous trouvons exagéré et sans commune mesure l'article 54 du projet de loi qui vise à rendre conjointement responsables de toute infraction, c'est-à-dire de la non-perception de la cotisation syndicale, tous les administrateurs et officiers d'une administration ou d'une corporation.

M. le Président, MM. les membres de la commission, nous n'avons jamais eu de telles exigences lorsqu'il s'est agi de vendre les produits agricoles. Doit-on en conclure — et je veux dire d'après les textes de loi qui existent actuellement comme la Loi des marchés agricoles — que le législateur fait sienne la conception d'un certain genre de syndicalisme pour qui il est plus important de faire entrer des fonds dans l'association professionnelle que de vendre les produits de ceux qu'elle prétend représenter?

Nous demandons que le texte de la loi prévoie que les modalités de perception de cette cotisation syndicale devront faire l'objet de négociations entre les parties intéressées. Quant à nous, nous exigerons que le montant de la cotisation syndicale soit indiqué séparément de tous autres prélèvements sur le chèque de paie que nous émettons à nos producteurs-fournisseurs, étant donné l'attitude naturelle et traditionnelle des cultivateurs à conclure que ces diverses déductions sur leur chèque dépendent du caprice des intermédiaires qui empochent ces montants pour grossir leurs profits.

Chacun devra désormais assumer ses responsabilités vis-à-vis de ses commettants. Nous demanderons, avant de procéder au prélèvement, que le producteur-fournisseur dépose une autorisation écrite à cette fin. Le prélèvement de ces cotisations devra comporter une compensation financière couvrant les frais encourus par la tenue des registres, la préparation de rapports et le prélèvement lui-même.

Il faudra clarifier enfin, — et ceci devra être fait dans la loi — ce qui arrive quant au prélèvement de la cotisation lorsque le même producteur est impliqué dans la production du lait, du porc, de la volaille, etc.

Encore une fois nous attirons respectueusement l'attention du législateur sur les dangers de complication sérieuse si l'on tente d'identifier le prélèvement pour fins d'activités syndicales d'un groupe au prélèvement administratif qui couvre les frais encourus par les différentes phases de la mise en marché d'un produit agricole: administration de plans conjoints, frais d'inspection, fonds de stabilisation des prix, fonds de publicité, fonds de recherches dans la mise en marché, etc.

D'ailleurs, à ce sujet, la cour Suprême du Canada a déjà défini, à plusieurs reprises, dans des causes qui tentaient d'identifier ces genres de prélèvements obligatoires à des taxes, ce que l'on doit entendre par le prélèvement administratif d'un plan conjoint par opposition à tout autre genre de prélèvement qui peut être identifié purement et simplement à une taxe, soit: pouvoir de taxation réservé aux élus du peuple et non pas aux corps publics, quelle que soit leur importance.

Depuis 1964, la Régie des marchés agricoles du Québec a cherché à délimiter ce problème par des précisions apportées à certaines lois. Mais il n'en reste pas moins que la possibilité de contestation sur ce point existe toujours, d'autant plus que les prescriptions qui ont remplacé les anciennes technicités de la formule Rand dans le nouveau code du travail du Québec ouvrent la porte à encore plus d'interprétation sur les modalités du prélèvement des cotisations syndicales.

En conséquence, la cotisation syndicale doit demeurer partout une cotisation identifiée, connue et fixe, comme le laisse entendre d'ailleurs le projet de loi no 64. Elle ne doit pas être fondue, dissimulée ou diluée dans des pourcentages qui reposent sur des opérations de mise en marché. A ce moment-là, ce genre de prélèvements anonymes débouche sur deux lois différentes.

Il consacre dans les faits un principe que nous trouvons inacceptable, soit le lien ou l'attache financière entre les organisations professionnelles, d'une part, et les organismes de mise en marché des produits agricoles, d'autre part.

En dépit du souci du législateur de maintenir une distinction marquée entre les deux ordres d'idée, c'est-à-dire l'organisation professionnelle et la mise en marché, nous débouchons, par les prescriptions de l'article 31 du projet de loi, dans la confusion que tout le monde voulait éviter.

Enfin, la section VIIl du projet de loi devrait être modifiée pour cette autre considération qui se rattache à l'exploitation que font les requérants de la justification de la formule Rand. D'abord, si on tient tant à transposer dans le monde agricole les techniques du monde ouvrier, qu'on commence par respecter les faits tels qu'ils existent en relations industrielles. Ce que l'on appelle la formule Rand se retrouve dans une usine, dans un groupe d'usines rattachées à un genre d'industrie bien identifié, dans une profession bien caractérisée. Il y a une formule Rand là où il y a une union ouvrière. Il n'y a pas au Québec ni au pays une formule Rand qui s'applique à tous les salariés. M. le Président, je vous prierais d'inclure ici "d'une même industrie"; c'est un bout de phrase extrêmement important qui, malheureusement, dans la transcription a sauté. Je me reprends: Il n'y a pas au Québec ni au pays une formule Rand qui s'applique à tous les salariés d'une même industrie, qu'ils soient membres ou non d'une union ouvrière. Qu'on cesse donc de colporter autant de sophismes précisément pour distraire les intéressés des implications vraiment inacceptables de cette partie du projet de loi.

Il est impossible que le législateur, devant cette tentative de monopolisation, ne s'arrête pas un instant pour se demander ce qu'il adviendrait demain du Québec politique, du Québec social, du Québec économique si les grandes centrales ouvrières décidaient de réclamer pour elles, après s'être fusionnées en une grande association unique, exactement la même chose que l'UCC demande aujourd'hui. Poser la question, semble-t-il, c'est déjà indiquer la voie à suivre en cette matière.

Si une formule de prélèvement de cotisations syndicales doit être établie — c'est logique dans une loi de syndicalisme agricole — qu'elle le soit au niveau des associations professionnelles, des syndicats agricoles regroupés dans des fédérations parfaitement identifiées. Qu'on rejoigne dans ces cadres parfaitement délimités tous les producteurs qui bénéficient des activités et des efforts de ces grandes associations et des fédérations professionnelles agricoles qui les représentent suivant que les producteurs sont dans la production à vocation générale ou la production spécialisée, qui les représentent également d'après les catégories d'importance économique. Qu'on confie à la Régie des marchés la responsabilité de consacrer par l'accréditation le caractère représentatif de telles organisations. C'est à ces organisations professionnelles représentatives accréditées que seront destinées les cotisations syndicales obligatoires; ce sont elles qui décideront de la quote-part desdites cotisations à être remise à leur confédération ou centrale syndicale provinciale.

Cette recommandation nous amène à vous soumettre quelques autres considérations et suggestions susceptibles d'améliorer le projet de loi no 64 et de le rendre plus acceptable à tous ceux qui ont à vivre avec le syndicalisme agricole.

Compte tenu des impératifs que nous avons cherché à mettre en lumière précédemment au chapitre du cheminement de la doctrine syndicale et à celui de la planification d'une politique agricole globale, nous demandons instamment de pousser la logique du projet de loi jusqu'au bout en respectant dans ses 58 articles l'orientation nouvelle et inédite donnée dans les articles 2, 3, 4, 25, 29 et 46 qui prévoient qu'un producteur a droit d'appartenir à un syndicat de son choix; que tout membre d'un syndicat peut démissionner; qu'un syndicat est libre d'adhérer ou non à une fédération; qu'une fédération est libre d'adhérer ou non à une centrale provinciale; qu'une fédération peut mettre fin à son affiliation à une telle centrale et que la centrale, une fois qu'elle a reçu de ses membres, par délégation de pouvoirs, une fonction ou un mandat, a le droit de faire les règles du jeu et de les faire observer.

En conséquence, il faut réviser la section IIl consacrée à la procédure d'accréditation après avoir modifié la définition de l'association et avoir assuré la concordance entre les articles 2 et 4 relatifs au droit d'appartenir et à la liberté d'adhésion de manière à faire disparaître la création du monopole syndical qui s'y trouve prévu et imposé.

La loi du syndicalisme agricole du Québec doit prévoir l'existence de plusieurs centrales syndicales agricoles provinciales en concurrence entre elles si, précisément, les producteurs agricoles du Québec, en vertu du principe consacré à l'article 2, le désirent.

L'accréditation pour fins de représentation professionnelle, telle que définie dans la section 3 du projet de loi, doit être réservée aux organisations de base, représentant des secteurs de production spécialisée ou à vocation générale, ainsi que tous autres secteurs de producteurs, groupés par catégories d'importance économique comme la chose existe aux Etats-Unis,

groupés suivant l'âge, groupés suivant le degré de développement atteint. Nous donnons comme exemple ici tous les décorés de l'Ordre du Mérite agricole. Ce n'est pas pour faire une blague que nous le faisons et d'ailleurs nous serons en mesure de revenir là-dessus.

Donc, doivent être éligibles à l'accréditation les syndicats de producteurs, les offices de producteurs, les unions de producteurs, les unions de sociétés ou corporations agricoles, les fédérations desdites organisations de base. Il peut y avoir aussi avantage à des regroupements de production agricole sur la base régionale. Une fois accréditées, quant à leur caractère représentatif, les fédérations ou quelques-unes d'entre elles seront libres de se donner des confédérations provinciales ou de créer des centrales syndicales agricoles provinciales à qui elles délégueront les pouvoirs jugés nécessaires, y compris ceux de prélever chez leurs membres les revenus nécessaires au bon fonctionnement desdites confédérations ou centrales syndicales.

Au lieu de bâtir une loi autour de ce qu'on connaît actuellement de l'unique UCC, il faut plutôt chercher à prévoir ce que seront les cadres professionnels dans une nouvelle politique agricole globale avec une nouvelle loi des marchés agricoles modernisée.

Cette accréditation dépendant des résultats d'un référendum, il est essentiel de s'assurer que la décision de la Régie des marchés agricoles repose sur un scrutin qui traduise la majorité démocratique absolue des producteurs inscrits sur les listes officielles.

Actuellement, suivant la formule prévue dans la Loi des marchés agricoles, formule qui a été transcrite dans le projet de loi no 64, section IV, c'est une minorité de 30 p.c. et 36 p.c. qui décide du sort d'un projet de plan conjoint.

Le projet de loi permettrait à 30 p.c. et 36 p.c. de tous les producteurs agricoles du Québec de donner à l'UCC le monopole dénoncé précédemment.

C'est pourquoi nous devons demander un verdict de 51 p.c. des producteurs intéressés inscrits sur les listes officielles lors d'un référendum comme condition d'accréditation d'un groupement ou fédération professionnelle agricole.

Comme le projet de loi comporte une distinction entre les producteurs inscrits et les producteurs qui votent et que divers pourcentages sont prévus pour le calcul du caractère positif ou négatif du scrutin, nous attachons peu d'importance à ces divers pourcentages requis, pourvu que le verdict populaire traduise bien la volonté de la majorité des producteurs impliqués. A remarquer qu'en Ontario, on exige que les 2/3 des votants soient favorables au projet pour l'accepter. C'est une manière de se rapprocher de la majorité démocratique.

Nous ne saurions trop souligner l'importance qu'il y a de donner à la Régie des marchés agricoles les attributions et moyens pratiques lui permettant de dresser de la façon la plus exacte les listes de producteurs appelés à voter au référendum. Si les requérants font valoir que c'est un défi insurmontable de dresser de telles listes avec exactitude, c'est une raison de plus pour le législateur d'avoir des exigences plus sévères quant au respect de la majorité absolue dans les verdicts.

La confection des listes électorales nous amène à demander de nouveau que le législateur définisse mieux le producteur agricole, qu'il cerne davantage ce que doit être l'agriculteur professionnel. Nous référons la commission aux recommandations sur le sujet contenues dans le mémoire de la Coopérative fédérée de Québec relatif à la refonte de la Loi des marchés agricoles.

Nous croyons que le législateur devrait ajouter à ce qui se trouve déjà dans l'article 1 du projet de loi la mention que ledit producteur doit retirer au moins 50 p.c. de son revenu net de l'exploitation de sa ferme, comme on le fait d'ailleurs dans la Loi du crédit agricole.

En dépit de cette précision, il reste à trouver une description physique et une traduction légale de ce qu'on entend par l'expression "producteur marginal."

Comme corollaire, nous devons souligner de nouveau que la définition du produit agricole est trop exhaustive et peut conduire aux pires absurdités, comme nous l'avons déjà indiqué à ceux qui sont chargés de préparer la refonte de la Loi des marchés agricoles.

A ce sujet, nous endossons entièrement l'attitude de la Coopérative fédérée de Québec dans le document auquel nous avons fait référence précédemment sur la nécessité de différencier les produits agricoles et les produits alimentaires.

Il n'est que logique que l'organisme chargé d'appliquer une loi ait les attributions nécessaires pour jouer parfaitement son rôle et assumer les responsabilités qui lui sont dévolues par cette loi.

La situation devient beaucoup plus compliquée lorsque le même organisme administratif est chargé de l'application de deux lois que, pour des raisons majeures acceptées par tous les intéressés, l'on doit garder distinctes, surtout si dans le processus de l'application des deux statuts l'organisme en question risque de se retrouver juge et partie en plusieurs instances.

Ainsi, à la lumière des pouvoirs discrétionnaires dont elle est investie par les articles 35, 40, 46, 47 et 48 du projet de loi, nous croyons que le temps est venu et l'occasion nous est fournie de réclamer, avec insistance, le droit d'appel devant les tribunaux compétents des décisions, sentences et ordonnances de la Régie des marchés agricoles. D'ailleurs, il est peu sage d'accentuer ainsi l'impossibilité d'appel des décisions de la régie, alors qu'un projet de loi du ministère fédéral de la Justice, relatif à la cour Fédérale du Canada, actuellement à l'étude aux Communes, a précisément pour but de

permettre d'en appeler des décisions de tout organisme gouvernemental au niveau fédéral, provincial et municipal. L'attitude affichée dans le projet de loi 64 à ce sujet est marquée d'un conservatisme dépassé, comme le Barreau canadien ne manque pas de le souligner chaque fois qu'il est question de l'appel des décisions des organismes gouvernementaux.

Au sujet du caractère confidentiel des renseignements obtenus par les inspecteurs de la régie dans l'exercice de leur fonction, en vertu du projet de loi, il y a encore tellement de brèches à ce principe et tellement d'indiscrétion de la part des groupements professionnels de producteurs que nous sommes en droit d'exiger plus de sévérité, plus de garanties de la part du législateur.

Voilà, M. le Président, MM. les membres de la commission parlementaire de l'Agriculture, le point de vue et les recommandations de l'industrie alimentaire du Québec au sujet du projet de loi du syndicalisme agricole. Le Conseil de l'alimentation du Québec vous remercie de la bonne attention que vous avez portée à son exposé.

M. LE PRESIDENT: Merci, M. Roy. Il y a des questions sans doute? M. Béland, le député de Lotbinière.

M. BELAND: Voici ma première question, M. Roy. Enfin, j'en ai quelques-unes. Après la lecture de votre mémoire, que j'ai trouvé d'ailleurs, très intéressant, je me permets de vous poser certaines questions. Selon vous, est-ce que les producteurs, présentement — j'entends par là tous les producteurs du Québec — se sentent protégés suffisamment selon les droits normaux des citoyens qui pratiquent une profession?

M. ROY (Léonard): Vous poserez vos questions l'une après l'autre?

M. BELAND: Justement.

M. ROY (Léonard): J'aimerais mieux cela. Sur ce point d'abord, il faut que vous compreniez qu'il y a certaines choses sur lesquelles il ne nous est pas interdit de nous prononcer, mais il serait indécent de le faire. Il y a des choses qui concernent les producteurs agricoles eux-mêmes dans lesquelles nous n'avons pas à mettre notre nez, sauf pour les considérations que nous avons données aujourd'hui parce que nous sommes pris par le biais.

En réponse à votre question, je dirais tout simplement — c'est une raison de plus — permettez donc aux groupes de base de manifester leur idée exactement, eux qui collent à la réalité, eux qui sont dans le champ, eux qui sont dans chaque spécialité, eux qui, éventuellement, seront impliqués dans la nouvelle loi de mise en marché où le producteur efficace versus le producteur moins efficace aura son mot à dire; permettez donc à ces groupes de répondre justement. Est-ce que c'est le genre de protection qu'ils veulent, c'est-à-dire cette espèce de cadre rigide qu'on veut imposer par le haut et faire descendre vers le bas, dans le moment?

Si vous voulez avoir cette réponse à votre question, permettez aux groupements déjà organisés de le manifester ici, en toute équité. Ceux qui, actuellement, livrent la bataille — et ça fait des années qu'ils la font et avec les moyens du bord — se rendent compte, en dépit de la meilleure volonté, en dépit du leadership, si vous voulez me passer cette expression, de ceux qui dirigent l'UCC, que le consensus des idées générales, des idées de base n'est pas encore complété.

Nous suggérons, pour le bien général de la mise en marché, parce que ç'a une implication sur la vente des produits, qu'on permette aux grands secteurs de production laitière — qui sont d'ailleurs déjà très bien structurés, et qui se servent de la Loi des marchés agricoles et qui vont très bien avec ce mécanisme — et aux autres secteurs de production horticole, production avicole, à tous ces secteurs nouveaux qui vont surgir à cause des nouveaux besoins ou des nouvelles demandes du marché de s'organiser et de vous dire précisément ce qu'ils veulent.

Si c'est la nature de votre question, je crois que c'est la réponse que je dois apporter.

M. VINCENT: Est-ce que le député de Lotbinière me permettrait une question supplémentaire à celle-là?

M. BELAND: Oui.

M. VINCENT: Sur le plan pratique, de quelle façon, quand vous dites: Qu'on leur permette de s'exprimer, le législateur pourrait-il permettre justement à tous ces groupes de s'exprimer clairement, librement?

M. ROY (Léonard): Vous remarquez que, dans le moment, pour être pratique, certains groupes de producteurs sont bien structurés jusqu'au niveau de la fédération. Ils ont acquis une discipline dans ces cadres-là dans le moment et, volontairement, ils ont accepté de relever d'une confédération qui ne les guide pas spécifiquement, dirais-je, dans le exigences qu'ils doivent avoir sur un prix du lait ou autrement, mais leur donne les grandes lignes au point de vue de la procédure et surtout leur fait partager les avantages d'un service administratif.

Bon. Ce qui existe déjà, il ne s'agit pas de le détruire. Il y a déjà cette propension chez un bon groupe d'organisations agricoles de base, des fédérations ou des syndicats spécialisés, de vouloir appartenir comme ça à l'UCC. Il ne s'agit pas de le leur interdire, mais laissons les autres groupes venir progressivement à la même conclusion où en sont venus les dirigeants des diverses fédérations au lieu de les forcer actuellement à entrer dans le rang. C'est notre philosophie de base, à nous.

Et au point de vue pratique, le référendum, vous le faites déjà par groupes. Tous les groupes qui existent et qui sont greffés, j'admets, sur des plans conjoints, c'est-à-dire des mécanismes économiques de vente, vous le faites actuellement. Vous forcez un référendum parmi les intéressés par lequel référendum tous ces gens se lient, suivant le résultat du vote, qu'ils aient voté pour ou contre, le lendemain si la majorité a été favorable, ils se lient aux disciplines qui vont leur être imposées par ceux qui ont la responsabilité de diriger ces plans conjoints. Vous le faites déjà. Alors, pourquoi essayer actuellement de brûler les étapes et forcer tout le monde à entrer de bon gré ou de mauvais gré dans un cadre supérieur qui, pour plusieurs encore, n'est pas la résonance parfaite de leur conception?

Et d'ailleurs, je ne veux pas être cruel, mais vous admettrez ce matin que nous avons une démonstration pratique de ça. Ce n'est pas que ces gens-là soient en rupture de ban avec leur organisme professionnel, mais pour une fois ils trouvent que leur organisme professionnel supérieur ne va pas assez vite, compte tenu de leur optique à eux.

M. ALLAIN: Ce n'est pas la première fois.

M. ROY (Léonard): Ce n'est pas la première fois. Cela, nous sommes prêts à l'admettre, mais ça ne veut pas dire que ce leadership qu'on rencontre actuellement dans un groupe structuré doit être imposé par la force à tous les autres, parce que vous avez de grands secteurs qui, actuellement, refusent d'entrer là-dedans et je songe, par exemple, à toute l'horticulture de façon générale. Le secteur horticole, comme je l'ai dit tout à l'heure, compte tenu des nouvelles politiques globales agricoles, pourrait prendre une importance beaucoup plus considérable que celle qu'il a dans le moment.

M. BELAND: M. le Président, justement j'aurais d'autres questions qui se rapprochent énormément de celle que j'ai posée tantôt et qui font suite également à celle du député de Nicolet. Présentement, je suis forcé de vous poser la question suivante: Est-ce que les cultivateurs ou les producteurs — donnons la définition ou l'appellation que l'on veut, il s'agit de la personne qui produit un produit agricole — compte tenu de l'atmosphère générale économique dans laquelle ils sont, sont légitimés présentement de vouloir s'occuper, peut-être jusqu'à un certain point, de la mise en marché de leurs produits à eux?

M. ROY (Léonard): Bon, M. le Président, je crois que nous devons respecter ici, si nous voulons éviter de tomber dans la confusion, les deux ordres d'idée que vous avez voulu, vous, les législateurs, établir. Il ne faut pas confondre la préoccupation actuelle qui est de savoir quel genre de structure, d'organisation allons-nous donner aux cultivateurs pour qu'ils puissent avoir de l'épine dorsale, être capables de rencontrer d'autres secteurs de la société sur un pied d'égalité et toutes les préoccupations que nous avons dans le moment de faire de l'agriculture du Québec une agriculture qui nourrit de plus en plus un plus gros pourcentage de la population du Québec et qui peut exporter, c'est-à-dire une agriculture industrialisée.

Alors, acceptez-vous que votre question nous amène à confondre les deux?

On ne devrait pas le faire, car, précisément ce n'est pas parce qu'un groupe de producteurs va être très bien organisé professionnellement — je vous le soumets respectueusement — qu'il va réussir à vendre plus de ses produits. Des cas exceptionnels vont se produire, par exemple, dans des marchés captifs. Je vais vous donner deux exemples très clairs: le lait et le bois à pâte. C'est évident que le lait, compte tenu de sa nature même, de son volume liquide, n'est pas un produit qu'on transporte de Vancouver à Halifax en camions-citernes. Ce n'est pas un produit qui fait l'objet du commerce interprovincial; c'est une production localisée qui doit être très près de l'établissement qui l'achète comme matière première pour le transformer, compte tenu de son caractère de développement bactérien. C'est évident que, lorsqu'il s'agit d'avoir des conditions de marché pour la vente du lait, c'est facile d'arriver à des résultats concrets parce que le marché est captif. Le lait, normalement n'est pas sujet, sauf le lait industriel — mais, encore là, il y a un autre organisme gouvernemental au plan national qui en prend soin — aux aléas du commerce interprovincial.

Pour le bois à pâte c'est évident que l'on peut obtenir un résultat par l'organisation professionnelle si on l'identifie à la commercialisation parce que, encore une fois, on négocie une matière première où l'Etat a l'avantage qu'il n'a pas dans d'autres domaines d'émettre des permis de coupe et de pouvoir, au moment où il émet des permis de coupe, avoir des exigences pour ce qui est de la vente ou de la négociation obligatoire d'un volume x de bois avec des plans conjoints. C'est pour cela que je dis, M. le Président, que, si on veut mélanger syndicalisme agricole ou organisation professionnelle avec préoccupation de marché, facilité de vente, sauf dans deux cas d'espèce, c'est évident que ce n'est pas le syndicalisme agricole qui va faire vendre plus de laitue, qui va faire vendre plus de porc, qui va faire vendre différentes productions agricoles.

M. LE PRESIDENT: M. le ministre a une question.

M. TOUPIN: M. Roy, je pense que vous n'avez peut-être pas saisi l'esprit fondamental du projet de loi. Vous vous évertuez à essayer de nous faire comprendre qu'il y a une différence entre la négociation, la vente d'un produit, la commercialisation d'un produit tout compte

fait et la représentation d'une classe ou, du moins, d'un organisme qui veut représenter un groupe de travailleurs du Québec qu'on appelle les agriculteurs. Je pense que vous n'avez pas saisi le fond même du bill 64. Dans notre esprit à nous, c'est très clair: le projet de loi actuel ne vient supplanter d'aucune façon, d'aucune manière la loi de mise en marché actuelle. Cela nous apparaît être deux choses bien différentes dans le projet de loi. Evidemment, il peut y avoir certaines incidences. On peut, par exemple, se servir de la loi le mise en marché actuelle pour régler un certain nombre de problèmes techniques qui s'appliquent à ce projet de loi, mais je ne pense pas qu'il y ait confusion, comme vous tentez de nous l'expliquer. Je crois que c'est très clair. D'ailleurs, au début de votre texte, vous l'avez laissé sous-entendre. Je ne comprends pas pourquoi vous tentez précisément de nous faire croire qu'il y a là confusion entre le bill 64 et la vente d'un produit agricole.

M. ROY (Léonard): M. le Président, M. le ministre, avec tout le respect que j'ai pour vous, je vous fais remarquer que, précisément, c'est notre attitude. Elle n'est même pas sous-jacente ou sous-entendue dans notre mémoire; elle est clairement établie. Nous croyons que le projet de loi no 64 est déjà une réalisation en soi dont nous devrions être fiers. Seulement, par certains articles ou par certains chapitres de cette loi, nous vous soumettons qu'il y a danger de confusion. Il y a l'exemple que je vous ai donné de la perception d'une partie du prélèvement administratif des plans conjoints, jusqu'à 30 p.c.

M. TOUPIN: 20 p.c, le maximum.

M. ROY (Léonard): 20 p.c. A ce moment-là, vous intervenez directement; vous faites fonctionner le mécanisme; vous le mettez en dépendance, ce mécanisme d'organisation professionnelle, du fonctionnement d'un plan conjoint. Ensuite, vous mettez dans une position absolument embarrassante l'organisme d'Etat chargé d'appliquer cette loi parce que le même organisme est déjà responsable de l'application de l'autre loi qui est la promotion de la vente. Vous savez bien que, pour tout prélèvement qui s'en va pour une fin nouvelle, éventuellement, à la table de négociations, les producteurs vont chercher à le faire passer dans le prix au consommateur ou dans le prix de vente.

C'est pour cela que nous disons qu'en dépit du souci du législateur d'avoir une loi qui se tient debout toute seule dans son domaine, certaines incidences, certains articles nous font craindre qu'avec la meilleure volonté du monde, nous débouchions encore M. le ministre, dans la situation que nous dénonçons, je crois, depuis sept ou huit ans. Votre prédécesseur, le ministre de l'Agriculture du Parti libéral de M. Lesage, votre prédécesseur, le ministre de l'Agriculture de l'Union Nationale ont été mis devant les mêmes problèmes, qui se sont succédés au rythme de plusieurs par année, qui découlaient de cette confusion à la fois dans l'esprit des cultivateurs et à la fois dans l'esprit des acheteurs, à savoir: Est-ce que, pour vendre des produits, il faut que les cultivateurs soient bien organisés? N'est-ce pas? Et le reste, et le reste. Nous, nous avons toujours dit: Tâchez donc une fois pour toutes de mettre de l'ordre là-dedans. Mettez donc les meubles à leur place. L'organisation professionnelle? D'accord, organisez-la. Mais faites attention de ne pas mettre une camisole de force, au même moment, à la loi des marchés agricoles. C'est pour cela que nous demandons aussi la refonte de la loi des marchés agricoles, pour la purger de tous les articles qui ont trait, tout simplement, au syndicalisme agricole.

M. le Ministre, cela fait quelques années que nous sommes conscients de cette attitude. Si nous revenons aujourd'hui avec cela, ce n'est pas pour faire un plaidoyer dans le but de prendre une voie d'à côté pour distraire les gens. C'est parce que nous sommes convaincus qu'il y a un danger réel à ce sujet.

M. TOUPIN: Evidemment là, M. le Président, si vous permettez, vous explicitez un peu plus le fond de votre pensée. Nous comprenons beaucoup plus clairement — du moins les membres de la commission — la position que vous voulez soutenir au fond. Vous ne voulez pas mêler, dans votre conception et dans la loi aussi, c'est clair, la négociation d'un produit avec la représentation de la profession.

M. ROY (Léonard): C'est cela.

M. TOUPIN: Là-dessus, je pense que nous sommes entièrement d'accord. Là, évidemment, où vous semblez être moins d'accord, c'est sur le mode de perception que la loi prévoit d'un montant X pour financer l'association professionnelle.

M. ROY (Léonard): Oui.

M. TOUPIN: Vous croyez que ce mode est de nature à créer certaine confusion dans l'esprit des agriculteurs, d'une part, et dans l'ensemble du secteur agrico-alimentaire, d'autre part.

M. ROY (Léonard): C'est cela.

M. TOUPIN: Je pense que c'est beaucoup plus clair dans notre esprit. Nous savons maintenant à quoi nous en tenir. Mais ce que je voulais savoir de vous, c'est que vous faites une distinction quand même bien claire entre la loi de mise en marché, d'une part, et le bill 64 de l'autre.

M. ROY (Léonard): Sur cette voie des clarifications, encore une fois, pour ce qui est du

prélevé non pas dissimulé mais du prélevé direct, l'industrie n'a absolument rien à dire. On fait déjà des prélevés syndicaux dans le monde ouvrier. Quelle différence y a-t-il pour nous d'en faire pour les fins du monde agricole? A condition, par exemple, que vous nous demandiez uniquement d'être des percepteurs, comme je l'ai dit tout à l'heure, et non pas, nous rendre responsables du fait que les cultivateurs doivent entrer de force dans le rang, même s'ils n'aiment pas cela et viennent à nos bureaux nous dire: Nous ne voulons pas que vous preniez notre argent, etc. C'est assez clair, n'est-ce pas?

M. TOUPIN: Si vous me permettez, j'apporterais seulement une précision. Est-ce que, dans votre esprit, il est aussi clair que les 20 p.c. ne constituent pas nécessairement, en soi, une cotisation? La véritable cotisation que nous prévoyons dans la loi, ce sont les $15 que chaque agriculteur doit payer. Evidemment, les 20 p.c. sont inclus là-dedans. C'était au fond, pour donner à l'association professionnelle les moyens de donner un certain nombre de services, dont vous avez d'ailleurs fait état au cours de votre plaidoyer, aux fédérations spécialisées...

M. ROY (Léonard): Oui.

M. TOUPIN: ... qui sont déjà affiliées à un organisme qui existe présentement. Au fond, ce sont simplement les faits que nous respectons et ce sont simplement, aussi, des faits que vous avez toujours acceptés dans le passé. C'est une donnée historique que nous respectons.

M. ROY (Léonard): Sauf, M. le Président, M. le ministre, encore une fois, que pour ce qui est des prélevés — celui qui est connu, vous dites $15; nous le savons d'ailleurs, depuis la dernière assemblée de la commission parlementaire — ils s'ajoutent, maintenant. Mais l'autre? Il reste tout de même que même si ces 20 p.c. sont pour payer des services donnés par une confédération, tel que c'est mis dans la loi et tel que ce sera fait, sur les chèques de paie ou autrement, il reste qu'il y a trop de danger de confusion à l'effet que c'est un autre prélevé syndical.

Nous soutenons, avec beaucoup de respect et de déférence pour vous, M. le Ministre, que cette question du prélevé administratif dont on fait servir une partie à la poursuite de fins purement syndicales, c'est une question qui est loin d'être claire et qui a été réglée par les tribunaux. Je n'implique pas, par là que dès demain matin, à l'adoption de la loi, nous allons recourir aux légistes pour faire inutilement des difficultés avec cela mais il reste qu'il ne faut pas faire exprès lorsqu'il y a une brèche comme ça de donner dedans.

M. TOUPIN: Si vous le permettez, M. le Président. Je pense que vous soulevez là un troisième problème que vous décrivez d'ailleurs dans votre mémoire. Mais ce sur quoi je veux revenir — et là-dessus j'aimerais bien que ce soit clair entre les membres de la commission et ceux qui font des représentations — c'est que le prélevé sur lequel 20 p.c. seront pris pour verser à l'association accréditée en vue de donner des services ne change rien à la nature actuelle des prélevés qui sont déjà en vigueur parce qu'un syndicat spécialisé ou une fédération spécialisée accepte de verser 20 p.c. de son prélevé à une association accréditée, ça ne vous oblige à aucune autre chose que celle de continuer à prélever comme auparavant les sommes que vous prélevez pour l'administration d'un organisme de mise en marché. Cela ne vous donne rien de plus comme obligation et ça ne vous enlève rien; par ailleurs, je suis bien d'accord. Ce que je retiens de votre plaidoyer sur ce sujet, c'est la confusion, dites-vous, que ça crée dans l'esprit des uns et des autres.

M. ROY (Léonard): C'est ça.

M. TOUPIN: Alors, là-dessus, je pense que c'est beaucoup plus clair dans mon esprit.

M. VINCENT: M. le Président, afin que ce soit encore plus clair, j'aimerais que le ministre et également le témoin relisent l'article 31 du projet de loi no 64 parce que dans l'article 31, il n'est pas dit que les contributions, ce que le ministre appelle les montants d'argent qui seront versés pour des services rendus... On dit à l'article 31 : "Le montant des cotisations et des contributions". On ne dit pas, dans l'article 31: pour services rendus. Si le bill 64 est passé comme tel, il y aura deux systèmes pour alimenter financièrement l'association. Il y aura un système de cotisations et un système de contributions, services ou pas services, il y aura un système de cotisations et un système de contributions. Alors, il faudrait être bien clair là-dessus que ce n'est pas au cas où il y aurait des services rendus. Si le bill 64 est adopté comme tel, avec l'article 31, il y aura deux systèmes de perception. Et si je comprends bien le témoin, M. Roy, il désirerait qu'il y ait un seul système dans la législation, bill 64, que ce soit un système de cotisations ou un système de contributions, qu'il y en ait un seul, bien distinct pour éviter de faire un mariage financier avec les plans conjoints et je pense qu'à ce moment-là, il faudrait nécessairement éclaircir l'article 31 qui depuis le début porte à confusion, pas seulement de la part des témoins, pas seulement de la part des membres de la commission mais également de la part du ministre. Il doit être conscient de ça.

M. TOUPIN: M. le Président, je ne pense pas que cela porte à confusion, le député de Nicolet lui-même a apporté les distinctions qu'il fallait, j'en suis très heureux et je vais les répéter pour qu'il les comprenne encore mieux.

Dans le projet de loi, il y a une cotisation qui s'applique à un membre et ça, c'est clair dans l'esprit de tout le monde. Ceux qui seront membres de l'association professionnelle devront d'abord et avant tout payer une cotisation de $15, qui est prévue dans la loi. C'est clair, je pense, dans l'esprit des uns et des autres. Quant à l'autre, nous prévoyons une contribution de la part des fédérations spécialisées en vue de services qui peuvent être dispensés actuellement. Nous avons retenu là beaucoup plus une donnée historique que d'instaurer un nouveau principe. Je pense, là-dessus, que le député de Nicolet est tout aussi conscient que moi de cette réalité.

M. VINCENT: Mais, M. le Président, il arrive quand même ceci. Nous entendons les témoins demander qu'on fasse une distinction complète entre le syndicalisme agricole et la mise en marché; nous pourrions facilement, dans ce projet de loi, toucher seulement les cotisations et éventuellement, dans une autre loi qui toucherait spécifiquement l'organisation des plans conjoints, l'organisation de la mise en marché, dans une autre législation complètement à part, apporter cette réserve ou apporter ce sous-article. C'est une chose complètement distincte. Si je comprends bien le témoin, il désire que nous ayons une législation qui touche seulement le syndicalisme agricole.

M. ROY (Léonard): Oui.

M. VINCENT: Et si, plus tard, la profession, les plans conjoints, les organismes intéressés veulent sanctionner dans une loi un montant jusqu'à 20 p.c, bien qu'on le fasse à l'occasion d'autres législations qui touchent les plans conjoints. Est-ce que je comprends bien?

M. ROY (Léonard): M. le Président, depuis dix ans, disons, depuis l'expérience des diverses formules ou des diverses éditions de la Loi des marchés agricoles du Québec, ce problème s'est posé. Nous nous sommes fait dire, par les autorités compétentes y compris des tribunaux, que lorsqu'une législation de mise en marché parle de prélevés administratifs ça couvre spécifiquement ça, c'est justifié, c'est-à-dire que ça évite que ce soit identifié à une taxe directe, en autant que ces prélevés administratifs sont pour les fins de la mise en marché. Or, les fins de la mise en marché c'est de faire fonctionner le plan conjoint, c'est d'avoir des fonds d'égalisation de prix, c'est d'avoir des fonds de publicité, c'est de payer des inspecteurs et toutes ces choses qui sont pertinentes à la mise en marché.

Cela regarde le prélèvement administratif. Mais jamais, à notre connaissance, des tribunaux ou les organismes gouvernementaux qui appliquent la loi ne nous ont dit: Nous pouvons inclure également dans ça des prélèvements pour fins de cotisation syndicale, parce que ce n'est pas de même nature.

C'est ce que j'essaie ici de faire comprendre.

M. BELAND: Vous avez parlé tantôt — je ne sais plus à quelle page exactement — de distinction très nette avec ce que l'on essaie d'appliquer ici par le bill 64 faite par une certaine quantité de syndicats agricoles qui existeraient en France. Vous vous en inspirez, à ce qu'il me semble, pour apporter un élément nouveau qui peut être bon. Disons qu'en France il y a, tout au moins, deux syndicats agricoles, mais, là-bas, ce qu'il convient de différencier par la même occasion, c'est le fait qu'il y a les jeunes agriculteurs français qui sont dans les divers départements de la France, en province plus typiquement. Il y a également l'association plus spécifique d'agriculteurs français du bassin parisien qui vient nettement, à un moment donné, en contradiction flagrante et, souventefois, mange le gâteau par les décisions administratives gouvernementales et laisse les miettes aux petits syndicats qu'il y a à l'intérieur des départements.

Or, compte tenu de ce fait-là, ici à la page 23, vous parlez de produits agricoles et de produits alimentaires pour apporter une différence nette. J'en suis. Maintenant, étant donné que vous avez défini tantôt, selon votre optique à vous, que ça doit être pris complètement à part, le syndicalisme agricole et la mise en marché, est-ce que vous iriez jusqu'à dire que les agriculteurs devraient être reconnus officiellement à l'intérieur d'une profession qui ne cadrerait que les producteurs sans terre ou avec terre ou si les deux peuvent être inclus?

M. ROY (Léonard): Notre réponse à ça: Au sujet du projet de loi no 64, nous demandons d'identifier le producteur par son revenu net surtout, plutôt que par le genre de production qu'il fait. L'importance de la définition que vous soulevez, M. le député, on devra en tenir compte lorsqu'il s'agira de refondre la Loi des marchés agricoles, parce qu'à ce moment-là il faudra bien identifier les producteurs par l'ordre de production dans lequel ils se spécialisent, voir s'ils sont à vocation générale ou s'ils sont spécialisés.

Je ne sais pas si je réponds à votre question en disant que, pour les fins du projet de loi 64, ce que nous demandons, c'est de corser davantage la définition en regard de son revenu net, plutôt que de son genre de production économique.

Vous avez soulevé un point, précisément la question de l'apport de la jeunesse dans la valorisation de l'agriculture. Encore une fois, ce n'est pas pour faire une blague que nous avons mis dans notre document qu'il faudrait prévoir éventuellement une avenue, et ne pas attendre trop tard, pour les jeunes agriculteurs — il y en a dans le Québec, comme dans les autres pays — surtout ceux qu'on peut garder sur les fermes et qui sont sur la voie actuellement de devenir de véritables entrepreneurs agricoles, au moment où il y a tant de gens plus âgés qui attendent d'être mis à leur retraite par anticipation: des chefs, des dirigeants de fermes.

Moi-même, j'ai été un des privilégiés, M. le député. Je me suis rendu en France il y a quelques années; j'ai fait à peu près les mêmes périples que vous. La constatation c'est ça: c'est beaucoup plus important pour nous qu'en France. En France, l'agriculture est encore une industrie qui compte pour quelque 49 p.c. de la production nationale brute. Ici, c'est un secteur qui est descendu, qui s'est effondré à environ 3.4 p.c. ou 4 p.c. de notre production nationale de la province de Québec.

Devant ça, cette agriculture qui est aussi importante que les mines et que l'énergie hydro-électrique, parce que c'est greffé sur une ressource naturelle du Québec, c'est-à-dire les six pouces de terre qui font pousser quelque chose pour nous nourrir, il faut soigner ça davantage.

Notre argument est qu'il n'y a pas seulement le style qu'on connaît actuellement dans le syndicalisme. Il y a d'autres avenues qui vont s'ouvrir, dont celle des jeunes. Et quand nous avons parlé des ex-diplômés ou décorés du Mérite agricole, là aussi ce n'est pas pour faire une blague, M. le Président. Nous sommes passablement étonnés que depuis, je ne sais pas, ça fait vingt ans que ça existe cette institution, peut-être plus?

M. VINCENT: Cela fait 90 ans.

M. ROY: Il y a des milliers et des milliers de cultivateurs qui, à un moment donné, ont été jugés par leurs pairs comme les plus efficaces, les plus remarquables, les prototypes des producteurs agricoles de la province de Québec. Sans vouloir faire d'injustice ni être malin envers qui que ce soit, je trouve tout de même étrange qu'il n'y ait pas beaucoup de ces ex-décorés du Mérite agricole à la tête des organisations professionnelles agricoles du Québec. Est-ce qu'on doit en déduire que ces gens ne sont pas tout à fait sur la même longueur d'onde? Et est-ce qu'on ne devrait pas en déduire que, peut-être, il y aurait avantage, dans une économie agricole industrielle comme celle qu'il nous faut réaliser le plus tôt possible, à trouver un cadre dans lequel tous ces producteurs les plus efficaces de la province de Québec se retrouveraient et se serreraient les coudes et pourraient parler d'affaires dans le sens des gens qui ont beaucoup d'investi et qui ont un très haut rendement?

Il y a quelque chose là-dedans que nous ne voulons pas identifier à une simple blague. C'est un secteur qui, à notre sens, n'a pas encore la chance de parler avec une voix unifiée.

M. BELAND: M. Roy, là-dessus, disons que j'endosse une bonne partie de vos dernières observations. Maintenant, il est entendu que ça reflète le contexte total dans lequel les agriculteurs ont à travailler présentement. Par contre, de là à vouloir qu'il y ait deux, trois, peut-être cinq, peut-être dix syndicats agricoles, ce serait peut-être ouvrir une porte supplémentaire pour une possibilité de zizanie entre les producteurs et faire en sorte que le gouvernement s'en lave les mains, comme il se les est lavées longtemps sur certains aspects.

Il est entendu qu'il est préférable que nous donnions au Québec une politique vraiment à long terme, une politique globale. Je suis pour ça aussi. Nous n'en avons pas. Je suis pour ça. Par contre, si, demain matin, vous aviez à rédiger une loi à la place de tous les agriculteurs ou tous les producteurs agricoles du Québec, est-ce que vous laisseriez complètement de côté toute possibilité de regard sur la mise en marché ou si, au moins, vous laisseriez une faille où il y aurait possibilité de jeter un regard sur la mise en marché intégrale qui se fait?

M. ROY (Léonard): M. le Président, monsieur le Député comme nous l'avons dit, il s'agit ici d'une distinction intellectuelle après tout. C'est pour pouvoir parler plus intelligemment de choses qui se ressemblent que vous avez demandé, vous, les législateurs, de mettre d'un côté les préoccupations professionnelles et de l'autre côté les préoccupations de mise en marché. Mais pourquoi fait-on une organisation professionnelle? C'est pour, éventuellement être mieux en mesure, par des organismes différents, d'influencer la loi de l'offre et de la demande, pour vous donner un exemple bien pratique, pour être mieux en état de pouvoir participer à la planification des débouchés que nous préparons, que nous avons. Mais, encore une fois, M. le ministre l'a dit tout à l'heure, c'est le souci, je comprends bien, du législateur de garder les choses à leur place, de ne pas les mélanger. Or, c'est notre conception à nous aussi.

M. ROY (Beauce): M. le Président, dans le même ordre d'idée, M. Roy a déclaré tout à l'heure que la production agricole s'était effondrée au Québec depuis plusieurs années. Si la production agricole s'est effondrée, il y a certainement des causes. Je ne voudrais pas faire de débat là-dessus, mais je pense que si on prenait le temps de regarder pourquoi elle s'est effondrée, on aurait peut-être des mea culpa dans bien des milieux.

Vous représentez treize organismes pour lesquels j'ai beaucoup de respect parce qu'ils ont un rôle important à jouer dans l'économie du Québec, un rôle essentiel. Je remarque que, dans votre mémoire, à la page 22, en haut, au premier paragraphe, vous dites ceci: "Au lieu de bâtir une loi autour de ce qu'on connaît actuellement de l'unique UCC, il faut plutôt chercher à prévoir ce que seront les cadres professionnels dans une nouvelle politique agricole globale avec une nouvelle loi des marchés agricoles modernisée".

A plusieurs reprises dans votre mémoire, vous semblez déplorer ou vous semblez craindre un certain monopole de la part de l'UCC. La

question que j'ai à vous poser est la suivante: Qui d'autre que l'UCC jusqu'à maintenant a défendu les intérêts des petits agriculteurs du Québec et qui d'autre actuellement est encore prêt, encore en mesure de le faire dans les prochains mois qui vont suivre? Dans votre mémoire, à la page 21 — cela complète ma question — on dit: "Donc, doivent être éligibles à l'accréditation les syndicats de producteurs, les offices de producteurs, les unions de producteurs, les unions de sociétés ou corporations agricoles, les fédérations desdites organisations de base". C'est bien, tout ça, mais qui va le faire et quand?

M. ROY (Léonard): Ce que nous proposons ici, ce n'est nullement d'ignorer — d'ailleurs, ce n'est pas notre intention et je crois que nous l'avons dit dans le mémoire; nous lui avons rendu hommage — le travail fait par l'UCC, non seulement actuellement, mais depuis des décennies, travail qui débouche logiquement dans la situation où nous nous trouvons présentement. La seule chose que nous demandons, c'est qu'au lieu de fermer le cadre immédiatement, de crée, encore une fois, cette espèce d'organisation monolithique, on donne une chance, durant quelque temps, aux autres secteurs qui ne sont pas nécessairement dans l'UCC.

Encore une fois, ce n'est pas pour être malin, parce que je ne tiens pas à exploiter indûment ce qui se passe sous nos yeux, mais vous avez eu la preuve ce matin que, même avec la meilleure volonté au monde, dans les propres cadres de l'UCC, les longueurs d'ondes quelquefois ne sont pas tout à fait ajustées. Que l'on soit conscient de cela; que l'on soit conscient de la matière humaine avec laquelle on opère et qu'on permette une période de transition au lieu de geler immédiatement et définitivement des cadres qui seraient des cadres uniques. C'est notre conception.

M. ROY (Beauce): M. le Président, je crois qu'on attache un peu trop d'importance au petit événement, au très petit incident de ce matin. Dans cet incident, en tout cas en ce qui me concerne, je n'ai vu aucune contradiction. Il faut avoir à l'esprit l'inquiétude qui existe à l'heure actuelle dans les milieux agricoles du Québec. Les cultivateurs sont fatigués et en ont assez d'être les éternelles victimes d'un système, de la loi de l'offre et de la demande qui a toujours joué contre eux.

Les cultivateurs, à l'heure actuelle, ont vu dans l'UCC un organisme qui, justement, a pris leurs intérêts, un organisme qui a tenté de les structurer, un organisme, autrement dit, qui a tenté de les organiser et d'organiser leurs revenus pour que les exploitations soient rentables et qu'ils soient capables d'exploiter des entreprises et de faire face à des obligations dans des entreprises qui, aujourd'hui, valent jusqu'à $40,000, $50,000 et même $90,000 dans certains domaines.

Alors, si on ouvre la porte, autrement dit, à trop d'organismes, comme le disait le député de Lotbinière tout à l'heure, ne croyez-vous pas qu'on risque tout simplement de passer à côté d'une solution urgente ou d'un moyen qui devrait être pris le plus rapidement possible, étant donné l'absence — nous le déplorons — d'une politique agricole globale au Québec? Il reste tout de même que les agriculteurs sont victimes de cette absence de politique agricole globale au Québec. Alors, ils veulent se donner un organisme. Ils ont mis leur confiance dans l'UCC, à l'heure actuelle. Je m'explique un peu mal le fait, à un moment donné, qu'on semble énormément craindre. Je comprends qu'on devrait peut-être ouvrir la porte à certains autres organismes qui pourraient venir se joindre là-dedans mais tout de même, il ne faudrait pas, je pense, aller trop loin dans le sens qu'on laisserait planer dans l'opinion que l'UCC cherche à organiser un monopole et une dictature dans le milieu agricole.

M. ROY (Léonard). M. le Président, je suis bien prêt à répondre là-dessus. Précisément, les propos de l'honorable député indiquent clairement la conception qu'on a encore, dans certains milieux, du genre de syndicalisme qu'il faut. J'essaie de déduire honnêtement, de ce que vous venez d'exprimer, monsieur, que c'est parce qu'on n'a pas le syndicalisme agricole que toute une partie de notre population n'est pas à la hauteur, qui ne peut pas vendre ses produits, etc.

Dès lors, vous nous entraînez à discuter plutôt des techniques de la mise en marché qui sont prévues par la Loi des marchés agricoles. Voyez-vous le chevauchement entre les deux? Cette attitude que prennent certaines catégories de producteurs, comme l'attitude que vous venez d'exprimer, nous déçoit — pour ne pas dire plus — parce que cela implique que le producteur, qu'on l'organise au point de vue professionnel, avec les mécanismes qu'on emploie dans le monde professionnel, dans le monde industriel, par exemple en relations industrielles, l'épreuve de force, la négociation, la menace, la grève, etc., et on vend tous les produits du Québec!

En vertu de la Loi des marchés agricoles et en discutant de la philosophie de la Loi des marchés agricoles — pas du bill 64 — nous serions en mesure de vous prouver que c'est une erreur grave. Parce que dans le moment, qu'importe cette petite chicane qu'on fait à savoir que nous sommes au taux suffisant pour 75 p.c, 55 p.c. comme disait le ministre à Québec, à l'ouverture de l'Exposition de Québec.

Et, comme nous nous supportons encore à 35 p.c., nonobstant cette chicane sur le niveau d'autodétermination, d'autosuffisance, il reste qu'on pourrait dire absolument brutalement et d'une façon insultante que les commerces et les industries qui fournissent les aliments dans le

Québec pourraient nourrir tous les Québécois en ignorant totalement qu'il y a une agriculture au Québec. C'est outrancier, je le sais, c'est faire parade d'un sentiment exagéré, mais, si vous êtes des hommes qui vous en tenez aux faits, regardez les chiffres.

J'entends des gens qui veulent défendre une sorte de syndicalisme dire: Donnez-nous ce qu'il nous faut pour être organisés comme des unions ouvrières, vous allez voir que nous allons les placer, vos produits. Sauf dans deux secteurs, pour lesquels je vous ai fourni des explications tantôt, le lait et le bois à pâte, ça ne jouera pas, ça n'a pas joué à présent, c'est le contraire qui se produit. Nous voudrions qu'au lieu de nous regarder comme des gens qui sont là constamment pour mettre le pied sur la tête des autres on réalise que nous faisons un effort dans le moment, le secteur industriel et commercial de l'alimentation, pour pouvoir vendre plus de produits du Québec; il serait beaucoup plus facile et beaucoup plus rentable de vendre des produits de l'extérieur.

M. ROY (Beauce): En somme, vous déplorez, M. Roy, le manque de dialogue, le manque de communication au niveau des organismes...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. ROY (Léonard): Je déplore qu'on mélange les idées, les questions et qu'on parle de mise en marché alors qu'on devrait parler de syndicalisme agricole.

M. LE PRESIDENT: Merci, M. Roy, pour cet intéressant discours et le mémoire. Y a-t-il d'autres questions à poser à M. Roy?

DES VOIX: Oui.

M. VINCENT: Oui, nous y reviendrons cet après-midi.

M. LE PRESIDENT: La commission ajourne ses travaux à cet après-midi, deux heures trente. Reprise de la séance à 14 h 38

M. FRASER (président de la commission parlementaire de l'Agriculture et de la Colonisation): A l'ordre, messieurs! Est-ce qu'il y a d'autres questions à poser à M. Roy?

M. VINCENT: Oui, M. le Président. M. Roy, à la page 24 de votre mémoire, vous mentionnez le caractère confidentiel des renseignements obtenus par les inspecteurs de la régie dans l'exercice de leurs fonctions. Si je comprends bien, votre organisme n'est pas contre le fait que la Régie des marchés agricoles obtienne des renseignements...

M. ROY (Léonard): Du tout.

M. VINCENT: ...pour la bonne marche de la mise en marché, mais vous voulez que ces renseignements demeurent strictement confidentiels.

M. ROY (Léonard): Oui, monsieur.

M. VINCENT: Je pense, M. Roy, que je pourrais profiter de la circonstance pour vous poser une question. N'est-il pas vrai que chaque fois qu'un organisme ou une industrie fournit de tels renseignements on a toujours dit dans le passé, on a toujours stipulé, on a toujours affirmé que ces renseignements demeuraient la propriété exclusive de l'organisme concerné...

M. ROY (Léonard): Oui.

M. VINCENT: ...et que, même, à peu près toutes les fois on a mentionné que ces renseignements ne serviraient pas pas aux fins de la Loi de l'impôt sur le revenu?

M. ROY (Léonard): Oui.

M. VINCENT: Qu'arrive-t-il, M. Roy, si, par exemple, on disait aux personnes que vous représentez que ces renseignements peuvent servir au ministère du Revenu pour fin de compilation de chiffres pour le rapport d'impôt sur le revenu?

M. ROY (Léonard): M. le Président...

M. TOUPIN: Je ne vois pas la raison de parler de cette question à la commission parlementaire d'aujourd'hui.

M. VINCENT: Oui, M. le Président, parce que la loi le mentionne très bien.

M. TOUPIN: Je ne vois pas ce que vient faire là-dedans la loi du revenu ou le ministère du Revenu. Si toutefois on veut discuter du problème dans ce cadre-là, on le discutera en une autre circonstance.

M. VINCENT: M. le Président, justement, dans le mémoire ici, on dit, à l'article 43, pour l'information du ministre: "Tout renseignement obtenu en vertu du présent article doit être tenu confidentiel, utilisé exclusivement pour les fins de la régie et divulgué seulement sur l'ordre d'un tribunal."

M. ROY (Léonard): C'est ça!

M. VINCENT: Et, on continue: "Cependant, la régie peut donner certains chiffres..." Mais il faut quand même, M. le Président, bien préciser que, le 11 mai dernier, une autre loi était adoptée par l'Assemblée nationale dans laquelle on dit que le ministre du Revenu peut obtenir d'un ministre ou d'un sous-ministre ou d'un président d'organisme tout renseignement qui lui serait utile pour fin d'impôt sur le revenu. Est-ce que telle loi qui a été sanctionnée le 11 mai dernier va empêcher la Régie des marchés agricoles d'obtenir les renseignements qu'elle désire obtenir, comme elle les obtenait dans le passé? Est-ce que ce n'est pas dangereux, ce nouveau principe, que maintenant ces renseignements peuvent être donnés au ministre du Revenu?

M. ROY (Léonard): M. le Président, précisément, au sujet du projet de loi no 64, nous avons soulevé cette question.

D'abord, l'industrie que nous représentons est consciente qu'il lui faut apporter sa collaboration à l'Etat, en l'occurrence en lui fournissant les renseignements dont il peut avoir besoin non seulement pour fins de statistiques, mais pour fins — quand on parle de cela, on parle surtout du point de vue de la mise en marché — d'établir les possibilités de marchés, etc.

En principe, nous n'avons aucune objection à collaborer; c'est même notre intérêt. Si l'on veut que le mécanisme des statistiques, par exemple, nationales soit à point, c'est notre intérêt de collaborer, mais à une condition: ces renseignements doivent conserver un caractère confidentiel. Dans le genre de renseignements qui doivent conserver un caractère confidentiel, il faudrait, M. le Président et MM. les membres de la commission, distinguer. Lorsque des inspecteurs se présentent pour les fins du projet de loi 64 pour vérifier si les cultivateurs ou les organismes professionnels sont entrés en possession de l'argent qui leur était dû, ils vont référer, à ce moment-là — c'est la formule logique — au registre du volume des ventes ou des achats, etc.

On ne peut pas dire que la sorte de renseignement qui est recueillie à ce moment précis est un renseignement qui, s'il faisait l'objet de consultations interministérielles, pourrait être réellement nuisible aux entreprises. Ce n'est toujours pas le compte de banque de l'entreprise, le registre des achats et des ventes. Ceci dit, comme clarification, il reste tout de même que, souvent, les inspecteurs peuvent avoir la tentation, histoire de faire une double vérification, d'exiger des documents qui, à ce moment-là, commencent à être des documents pertinents à ce que j'appellerais la finance elle-même de l'entreprise.

Vous avez parfaitement raison de souligner qu'il pourrait y avoir danger. Ce dont nous nous plaignons, c'est que des renseignements qui sont recueillis par des inspecteurs de la Régie des marchés et qui, à un moment donné, peuvent être nécessaires pour une cour de justice, pour établir le bien-fondé d'un litige, passent entre les mains des responsables des organisations professionnelles. Il est arrivé effectivement — nous ne portons pas d'accusation; il ne s'agit pas d'accuser formellement des gens d'être de mauvaise foi ou malhonnêtes — qu'on ait fait circuler des documents pour plusieurs concurrents dans le même marché, disons à Saint-Hyacinthe.

Pour donner un exemple bien précis, dans le domaine du lait nature, à un moment donné on a fait circuler dans le champ un document qui donnait le chiffre de vente de Laiterie mascou-taine et d'autres laiteries qui sont des concurrentes de Laiterie mascoutaine dans ce secteur, y compris le marché de Sorel, par exemple. Ces données, à ce moment-là, c'est malsain; ce n'est même pas acceptable dans le commerce qu'on dévoile comme ça, publiquement, les chiffres d'affaires des concurrents. Cela ne s'est pas fait, encore une fois, malicieusement — j'en suis bien sûr — mais tout simplement parce que des gens dans les organismes professionnels, pensant que c'était normal de renseigner comme ça leurs membres sur les transactions qui se font dans un marché, se sont trouvés à dévoiler, à la face du public et surtout d'un concurrent à l'autre, le chiffre d'affaires de l'autre concurrent. Je vous donne un exemple précis.

Si j'avais su que cette question serait soulevée, M. le Président, je l'aurais déposé comme un document devant la commission d'enquête. Je crois tout de même que, pour être équitable et pour ne pas dramatiser inutilement la question de nos demandes se limitent là, à savoir que l'impôt sur le revenu puisse se servir de renseignements cueillis chez nous. Encore une fois, nos entreprises n'acceptent pas que, pour faire une preuve ou une deuxième vérification, on puisse avoir accès ou faire référence à des documents que nous appelons les documents de finance ou les documents de banque.

M. VINCENT: M. le Président, sur ce point je posais la question parce que, quand on lit l'article 43 du projet de loi 64, on laisse à tout le monde l'impression que ces renseignements sont confidentiels et qu'ils peuvent être divulgués seulement sur l'ordre d'un tribunal. On le mentionne dans le projet de loi 64. Le ministre va convenir avec moi que l'article 43 devrait être amendé pour y inclure également qu'en plus de la seule divulgation sur l'ordre d'un tribunal, conformément au nouvel article de la

nouvelle législation, le président d'un organisme gouvernemental ou le ministre ou le sous-chef est autorisé à fournir, sur demande, au ministre du Revenu tout renseignement qu'il indique si celui-ci expose que l'obtention de ces renseignements est nécessaire pour l'application d'une loi sur le revenu. Mais il faut que ce soit bien clair dans l'esprit des gens qu'en plus d'un ordre du tribunal, le président ou le ministre ou le sous-ministre peut également, sur demande du ministre du Revenu, divulguer tout renseignement qu'il indique si celui-ci expose que l'obtention de ces renseignements est nécessaire pour l'application de la loi du revenu. Il faut que ce soit clarifié dans le projet de loi 64, à l'article 43.

En ce qui concerne la deuxième partie de votre intervention, est-ce que vous admettez, M. Roy, que la Régie des marchés agricoles, en certaines circonstances, en lui laissant le jugement nécessaire, advenant qu'il y ait une cause devant les tribunaux ou devant la Régie des marchés agricoles, puisse communiquer certains renseignements à une association accréditée, mais certains renseignements qu'elle juge nécessaires à l'exercice des recours que l'association accréditée a le droit d'exercer? Je pense que c'est limitatif.

M. ROY (Léonard): Oui, d'ailleurs nous l'avons accepté.

M. VINCENT: Si on disait dans la loi: La Régie des marchés agricoles peut divulguer certains renseignements à une association, ce serait trop large. Mais si la Régie des marchés agricoles juge qu'il est nécessaire dans l'exercice d'un recours bien spécifique de divulguer certains renseignements, à mon avis, il faut le laisser dans la loi.

M. ROY (Léonard): Nous l'acceptons. D'ailleurs, il y a une clause similaire dans la Loi des marchés agricoles et nous n'en avons jamais contesté la validité...

M. VINCENT: Et vous n'avez pas constaté d'abus?

M. ROY (Léonard): Non. M. VINCENT: Parfait.

M. ROY (Léonard): Les abus, c'est le coulage de tels renseignements qui se fait une fois que ces renseignements, pour une raison valable, ont été mis à la disposition soit des tribunaux, soit des dirigeants des organismes professionnels. Alors, il y a des coulages et nous aimerions qu'il soit bien indiqué qu'à l'avenir on prendra les mesures nécessaires pour les prévenir.

M. VINCENT: Maintenant, M. le Président, une deuxième question à M. Roy. Vous men- tionnez que, pour la définition du terme "agriculteur", vous aimeriez celle dont se sert la Loi du crédit agricole, c'est-à-dire une personne qui consacre la plus grande partie de son temps à l'agriculture et retire au moins 50 p.c. de son revenu net de l'exploitation de sa ferme. C'est votre définition, c'est celle que vous suggérez. Seriez-vous prêt à accepter la définition qu'on a vue dans le projet de loi no 48 des Affaires municipales où on a exigé un pourcentage de 25 p.c?

M. ROY (Léonard): Justement, elle est d'abord très vague. Il faudrait comprendre qu'ici nous apportons une collaboration. Nous savons que c'est probablement l'objet qui est le plus difficile à définir dans toutes les lois qu'on adopte actuellement. Qu'est exactement un producteur agricole? Nous sommes conscients de ça. Ce que nous disons prend l'attitude d'une contribution. Nous essayons avec vous de chercher quelque chose. Alors, nous vous disons: Vous avez déjà fait un bon bout de chemin en procédant par élimination. Cela, c'est déjà beaucoup. Essayez donc maintenant de voir si vous ne pourriez pas corser davantage la définition en empruntant autant que possible à la Loi du crédit agricole et pas simplement à la nouvelle loi de l'évaluation municipale parce qu'on trouve que cette définition est trop vague et que 25 p.c, ça n'a pas de bon sens.

M. VINCENT: M. Roy, une troisième question. A la page 22 de votre mémoire, au dernier paragraphe complet, vous mentionnez: "En Ontario on exige que les deux tiers des votants soient favorables au projet pour l'accepter." Cela c'est au sujet des plans conjoints, je crois.

M. ROY (Léonard): Ecoutez, il faut s'entendre. Le système que nous avons ici dans le Québec n'existe pas là-bas.

M. VINCENT: C'est ça.

M. ROY (Léonard): Il n'y a rien d'absolument identique en Ontario. Il existe des plans conjoints pour les légumes, pour certains fruits, mais ce n'est pas tout à fait sur le même patron qu'ici. C'est dans ces organismes où il faut prendre un vote à un moment donné que l'on voit que le gouvernement de l'Ontario exige qu'il y ait un vote favorable de la part des deux tiers de ceux qui ont voté.

M. VINCENT: Comme pour nos plans conjoints au Québec.

M. ROY (Léonard): Dans les plans conjoints au Québec on exige...

M. VINCENT: Pour les votes de nos plans conjoints au Québec...

M. ROY (Léonard): Mais oui.

M. VINCENT: ...on exige que les deux tiers des votants soient favorables.

M. ROY (Léonard): C'est ça. M. VINCENT: Merci, M. Roy.

M. LE PRESIDENT: Le député de Sainte-Marie.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. Roy votre mémoire est très intéressant. Il y a des suggestions qui méritent d'être prises en considération. Au début de votre mémoire, vous dites que vous êtes pour le principe du syndicalisme agricole. Par contre, quand on lit tout votre mémoire, on sait que vous êtes contre la loi actuelle, le bill 64 tel qu'on le présente, c'est-à-dire contre le mécanisme de la loi actuelle. Il y a une chose que je dois vous dire: Je ne suis pas d'accord quand vous dites que ça peut empêcher le cultivateur d'évoluer dans le contexte économique où il doit évoluer normalement, que ça va le replier sur lui-même. Je pense que ce n'est pas le but que le syndicalisme a atteint dans tous les autres secteurs; bien au contraire. Je pense que cela permettrait au cultivateur de s'émanciper davantage; de faire valoir ses droits, etc., sans brimer les droits des autres. Je voudrais revenir sur une chose. Vous mentionnez dans votre mémoire que vous mettez un peu en doute le caractère démocratique du référendum, tel qu'il est préconisé dans le bill 64. J'ai lu le mémoire du Conseil du patronat qui traite un peu de la même chose. L'autre jour, M. Pigeon, représentant de la Fédérée, nous a dit à peu près la même chose. Il mettait en doute le caractère démocratique de ce mode de référendum. Moi, je dis que c'est démocratique, mais je pense qu'il pourrait y avoir une autre formule.

Est-ce que pour l'accréditation et pour la cotisation obligatoire, vous auriez un autre mode, un autre moyen à suggérer que le référendum, qui demande que 60 p.c. des agriculteurs votent, que 50 p.c. se prononcent pour l'accréditation et 60 p.c. pour la cotisation obligatoire? Voyez-vous un autre mécanisme?

M. ROY (Léonard): Si vous remarquez bien, la plupart de ceux qui ont fait des représentations ici, au sujet de ce projet de loi, nommément la Coopérative fédérée, par exemple, c'est toujours en regard de ce caractère absolument monolithique, n'est-ce pas, que vous voulez donner à cette loi ou à un seul corps dans la province de Québec, que les gens vous disent: Si vous êtes pour faire cela, au moins prenez tous les moyens nécessaires pour vous assurer que le vote ou le référendum qui sera exigé à ce moment-là traduise bien, autant que possible, le plus près possible une majorité démocratique.

Si ce n'était de ce que nous avons appelé, ce matin, cette espèce de camisole de force par le haut qu'on veut rentrer dans tous les cadres, et si ce n'était, aussi, de cette cotisation — obligatoire, ça va, mais celle qu'on veut aller chercher — de l'impression qu'on veut ramasser les miettes de tous les producteurs des derniers rangs de "Saint-En-Arrière", qui ne sont même pas encore dans des organisations professionnelles, il n'y aurait certainement pas d'objection. Je suis bien sûr qu'il n'y aurait pas d'objection à ce que, par exemple, au moment de sonder pour savoir si la Fédération des producteurs de lait du Québec est bien représentative — c'est un cadre bien délimité — on se serve de la même formule que dans la Loi des marchés agricoles, à ce moment-là, parce qu'il n'y aurait pas d'impliqué le fait brutal que nous sommes à fermer, à geler des structures, indéfiniment et d'une façon monolithique. Il n'y aurait pas d'objection à cela. Mais en autant que vous semblez — le législateur — forcer vers un système qui établira un monopole, à toutes fins pratiques, et, par voie de conséquence, établira, plus que la formule Rand, en définitive, ce système par lequel les acheteurs — c'est ce qui est odieux — seront obligés de forcer les cultivateurs à rentrer dans le rang, qu'ils aiment ou qu'ils n'aiment pas cela, nous sommes obligés de vous dire: Au moins, si, pour des considérations que nous ne comprenons pas, vous voulez faire cela, au moment du référendum, assurez-vous que c'est la majorité, ou le plus près de la majorité démocratique, qui se prononcera.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Mais ce n'est pas...

M. TOUPIN: M. le Président, si le député de Sainte-Marie me le permet...

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Oui.

M. TOUPIN: ... je voudrais seulement poser une question sur l'affirmation que vient de faire M. Roy. Je voudrais bien qu'il m'explique un peu plus — ainsi qu'aux membres de la commission — quelles sont les dispositions, dans le projet de loi, qui obligeraient un producteur à devenir membre de son syndicat.

M. ROY (Léonard): Bien écoutez, dans le mémoire, avec tout le respect que j'ai pour vous, M. le ministre, tout de même, de la page 14 à la page 16 il y a deux pages et demie où j'ai enfilé les textes de loi pour établir clairement à notre sens, que vous nous demandez non pas d'être percepteurs, collecteurs — ce n'est pas ça; d'ailleurs, c'est acquis, c'est oui tout de suite — d'être agents recruteurs en définitive parce que vous faites une obligation formelle à tous ceux qui achètent des produits agricoles de tenir des registres, de prélever une cotisation chez tous les producteurs, qu'ils soient membres ou non, affiliés ou non. Il y a même la fameuse expression "directement ou indirectement intéressés". Ecoutez, c'est joliment large. Et c'est là, M. le ministre, que

j'apporte l'exemple: pour le cultivateur du troisième rang de Saint-Félicien qui apporte de la viande à la boucherie de Saint-Félicien, qui descend régulièrement des fruits et légumes à l'épicerie de Saint-Félicien, vous forcez l'épicier de Saint-Félicien, vous forcez le boucher de Saint-Félicien — et il y en a 12,000 dans la province, de ces entreprises de distribution — à s'assurer que la viande qu'ils reçoivent, que les légumes qu'ils reçoivent pour revendre, ils ont prélevé dessus le montant d'argent qu'il faut pour envoyer à l'UCC. Dans ces cas-là, il n'est pas question d'un plan conjoint qui intervient. Il y a dans la province de Québec, si je ne me trompe pas, une bonne majorité de producteurs qui ont comme à-côté de vendre directement sur un marché qui leur est proche une partie de leur production, surtout les primeurs.

Devant ça, à moins que nous ne sachions pas lire ou que nous fassions exprès pour mal interpréter une série d'articles de la loi, nous sommes obligés de venir à la conclusion... Et ensuite, quand on regarde à part ça les pénalités, vous en mettez tellement que ça nous rend soupçonneux. Dans aucun texte de loi jusqu'à présent on a vu des articles qui rendent ainsi le président, les administrateurs de la compagnie, le gérant général, ses assistants conjointement responsables de toute violation à cette loi.

Nous lisons ce qu'il y a dans le texte de loi, puis nous sommes bien obligés de tirer certaines conclusions. C'est donc bien important, c'est donc bien vital d'aller chercher $15 par année pour l'UCC du producteur qui, étant trop loin, ne pourrait pas être rejoint directement par l'organisation professionnelle pour que vous vous chargiez d'un intermédiaire pour collecter cet argent!

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. Roy, procédons par comparaison. Dans tout le secteur industriel, par exemple, ce qu'on appelle la formule Rand ici...

M. ROY (Léonard): Oui.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): ...crée l'obligation pour l'employeur de prélever la cotisation à la source.

M. ROY (Léonard): Oui.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Cela ne veut pas dire que l'employeur devient un recruteur et qu'il est obligé de recruter des membres dans le syndicat, au contraire; la plupart des employeurs sont contre. Seulement, la formule Rand oblige l'employeur à prélever la cotisation à la source. Alors, pour vous autres, les acheteurs, ce serait la même chose. Ce serait en vertu de la loi que l'acheteur garderait la cotisation. Pourquoi dites-vous que vous devenez des recruteurs, que vous obligez les producteurs à adhérer au syndicat? Voulez-vous expliciter davantage? Je ne comprends pas.

M. ROY (Léonard): Surtout parce que c'est vous qui posez la question, M. le député de Sainte-Marie, connaissant vos antécédents dans le monde des relations industrielles — je ne fais pas de jugement, mais je constate — il y a une différence fondamentale entre les deux et c'est malheureux qu'on laisse persister cette espèce de confusion. Actuellement, on pense que c'est bon, que c'est souhaitable et qu'on va résoudre tous les problèmes en transposant dans le monde agricole la même philosophie et la même formule que dans le monde ouvrier, alors que-messieurs, les préoccupations du monde agricole et les préoccupations du monde ouvrier ont deux objets totalement différents.

Dans le monde ouvrier, vous avez affaire à un homme qui offre sa connaissance, ses bras. Dans le monde agricole, qu'actuellement vous voulez syndicaliser, vous avez affaire à un patron à un propriétaire, à un investisseur de capitaux, à un homme qui, lui, toute sa vie, et par atavisme, veut avoir la plus grande liberté possible et a de la difficulté à accepter des contraintes dans des cadres. Je dis ça pour expliquer notre point de vue. Dès que nous allons intervenir pour lui dire: Sur ton chèque de paie, nous t'enlevons tant en vertu de la loi, mais pour telle organisation professionnelle, cet homme-là ne s'en prendra pas à l'UCC; il va s'en prendre à celui qui fait le chèque.

Ecoutez, nous parlons avec expérience, nous vivons ça, messieurs, depuis des années. Dans bien d'autres domaines, nous faisons des déductions et qu'est-ce qu'on dit dans le champ? Ah! c'est toujours l'intermédiaire qui fait ça et il met ça dans sa poche, comme on dit. C'est pour ça que nous sommes plutôt réticents et que ça nous rend nerveux quand nous sommes en face de cette obligation nouvelle qui nous serait imposée de dire à tout le monde: Que vous aimiez ça ou que vous n'aimiez pas ça, nous sommes forcés de prendre votre cotisation. Encore une fois, il y a une différence majeure car ce n'est pas comme dans l'industrie où la formule Rand s'applique dans un milieu bien déterminé, à une industrie ou à un groupe d'industries qui fait la même chose ou à une profession bien déterminée.

Mais là, vous appliquez votre formule à toute la province, que ce soit à des producteurs déjà enrégimentés ou regroupés dans des fédérations ou dans des syndicats ou dans des associations bien ordinaires ou même dans aucune association. Vous mettez tout cela ensemble. Alors, ce n'est plus la même chose.

Je vais vous donner encore un exemple pratique. Prenons le domaine du lait industriel. En vertu du plan conjoint du lait industriel, tous ceux qui achètent du lait industriel savent — même, cela a fait l'objet de la négociation dans la convention — qu'il faut prélever un montant d'argent qu'il faut remettre au syndicat qui administre le plan conjoint pour lui permettre, à lui, de développer le marché et de travailler dans toutes les fonctions qui sont

normales pour la mise en marché. Vous n'avez pas ces difficultés parce que les gens se connaissent et se rencontrent, que cela a été négocié, à un moment donné, et que c'est dans un document signé par les parties.

En dehors de cela, vous allez rencontrer tout le secteur de l'horticulture qui ne veut absolument pas, d'après ce que nous avons pu voir, être enrégimenté là-dedans. Vous allez rencontrer tous ces producteurs isolés qui veulent transiger directement avec des acheteurs locaux. Ces gens-là ne sont pas dans un plan conjoint ou dans un syndicat quelconque. Là, vous nous forcez à faire encore le même manège avec ces gens-là, alors que nous n'avons aucun moyen de leur expliquer ce que nous faisons et de leur dire que nous sommes en service commandé pour les autres. Cela explique, d'ailleurs, pourquoi nous vous disons, dans notre mémoire, que si jamais nous avons à faire des déductions de ce genre-là, sur nos chèques de paie, nous indiquerons distinctement ce qui est prélevé pour l'administration d'un plan conjoint et ce qui est prélevé pour le syndicat. C'est pour nous protéger. Nous voulons que le cultivateur qui recevra le chèque sache exactement où est allé l'argent qu'on lui a enlevé.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. Roy, vous dites que le cultivateur ne comprendra pas ce mécanisme-là. Moi, je dis qu'il va le comprendre. Si vous prélevez la cotisation, vous êtes un acheteur. Il est certain que celui qui va vous vendre des produits va savoir que c'est en vertu de la loi 64 que vous êtes obligé de le faire.

Premièrement, pour bien s'entendre, êtes-vous pour la cotisation obligatoire? Appelons cela la formule Rand, même si ce n'est pas exactement cela. Pour autant que la majorité des producteurs du Québec se sera prononcée pour le syndicalisme agricole, êtes-vous pour la cotisation obligatoire ou non?

M. ROY (Léonard): M. le Président, notre réponse là-dessus est claire. Pour autant qu'on va accréditer des organismes de base, nous sommes pour la cotisation obligatoire après un référendum suivant les prescriptions que vous avez dans votre loi, mais pas pour créer une espèce de monopole.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): "Monopole", je ne suis pas tout à fait d'accord. Je ne veux pas me faire l'avocat du diable dans votre mémoire; nous sommes ici naturellement — comme on dit dans le langage populaire — pour ouvrir nos lumières, pour que la loi soit la plus parfaite possible. Seriez-vous, par exemple, pour un mécanisme — je compare cela encore au secteur industriel, dans le monde ouvrier ou ailleurs — d'une accréditation qui serait accordée sur une preuve de représentativité, c'est-à-dire si 50 p. c. des membres plus un signent une carte d'adhésion?

L'UCC fait une campagne de recrutement, d'information sur ce qu'est le syndicalisme agricole, etc. On fait signer une carte de membre en disant à celui qui signe la carte, pour que ce soit bien explicite, qu'il adhère à l'UCC en même temps qu'au syndicalisme agricole et qu'il consent à la cotisation obligatoire. Etant donné qu'il y aurait 50 p. c. des membres plus un qui auraient signé une carte de ce genre-là, étant donné qu'ils auraient la majorité, ils pourraient demander l'accréditation et l'avoir par la Régie des marchés agricoles. Seriez-vous en faveur d'une formule comme celle-là?

M. ROY (Léonard): Oui.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Au référendum, remarquez bien que 30 p. c. des gens pourraient se prononcer si on exige que 60 p. c. des producteurs votent, que la moitié de ces gens-là se prononcent pour l'accréditation et qu'ensuite 60 p. c. de ces gens-là se prononcent pour la cotisation obligatoire. Seriez-vous en faveur d'une formule qui est toute simple et qui est universelle dans tous les secteurs?

On fait une campagne de recrutement, on veut syndiquer — je cite souvent l'HydroQuébec en exemple parce que je travaillais là — on fait signer des cartes d'adhésion. La CRT, dans le temps, a fait une enquête, et dès qu'elle a constaté que la majorité des employés de l'Hydro-Québec avait signé une carte du syndicat, on a eu l'accréditation.

Pensez-vous que ce mécanisme serait plus démocratique ou plus facile?

M. ROY (Léonard): M. le Président, MM. les députés, quand on demande dans le mémoire — en tenant pour acquis que probablement votre idée est déjà faite d'aller dans le sens que vous proposez dans le projet de loi — de rechercher la majorité démocratique au moment du référendum, que vous apportiez cette preuve de majorité démocratique par un référendum ou que vous l'apportiez par cette technique que vous soulignez, s'il y a la preuve que 51 p.c. des producteurs impliqués le veulent, je crois que nous n'avons qu'à nous soumettre.

Seulement, vous me permettrez de vous faire remarquer — ici, c'est très délicat, il ne s'agit pas de généraliser — que beaucoup de personnes, ici même, dans cette salle et même autour de la table savent ou ont eu déjà connaissance de requêtes signées par des groupes de producteurs — je vois les gens qui rient parce que, précisément, ils en ont vu sur leur pupitre — et un jour, deux jours après, il y a des contre-requêtes signées par les trois quarts des mêmes producteurs qui avaient signé la première requête. Cela s'est vu au niveau des hommes politiques et ça se voit au niveau des chefs d'entreprise qui, eux, à un moment donné, reçoivent de la part de leurs producteurs une consigne ou une demande pour faire telle chose. Deux ou trois jours après, on reçoit une contre-requête signée

par les mêmes gens nous disant : Nous avons été trompés dans notre bonne foi.

Nous ne voulons pas généraliser et vous dire que c'est la caractéristique des cultivateurs du Québec, mais nous vous apportons ce fait qui nous rend, encore une fois, dans ce domaine, assez craintifs à l'égard de la formule. La formule des cartes signées, si elles demeurent signées et si elles sont honorées par ceux qui l'ont signées, c'est un moyen aussi bon que le référendum d'établir si la majorité démocratique des cultivateurs est favorable

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Quand je dis que dans les autres secteurs, on faisait signer des cartes, c'était toujours la CRT, la Commission des relations de travail, qui faisait une enquête pour savoir s'il y avait eu des pressions ou si les gens avaient signé sous de fausses représentations. Dans le cas présent, ce serait la Régie des marchés agricoles qui pourrait vérifier l'authenticité des signatures et même, s'il n'y a pas moyen de faire autrement, décréterait un vote. C'est ce qui arrive dans les autres secteurs. Ce n'est pas l'UCC qui dira: On a 60 p.c. des membres, on veut l'accréditation. Il faudra faire confiance à l'organisme responsable de tout le fonctionnement du mécanisme de l'accréditation qui sera la Régie des marchés agricoles.

Je suis d'accord: il ne faut pas que des gens signent une carte sans savoir ce qu'ils signent. Vous parlez aussi d'un certain monopole établi par le haut. Une fois l'accréditation accordée, par exemple, elle pourrait rester en vigueur pendant un certain temps. Je m'adresse un peu au ministre maintenant: Est-ce qu'il pourrait y avoir, dans le projet de loi, un mécanisme qui prévoirait une période de maraudage, par exemple? On en a parlé l'autre jour parce que, dans le secteur privé, une accréditation vaut pour le temps de la convention. Entre le soixantième et le trentième jour avant la fin d'une convention collective un autre syndicat peut prendre la majorité et demander l'accréditation pour déplacer celui qui sera là à ce moment.

Dans le cas actuel, on pourrait fort bien prévoir un mécanisme à l'effet qu'à tous les trois ans, il y aurait un mois de maraudage par un autre syndicat. Qu'est-ce qui nous dit qu'un autre syndicat ne voudra pas syndiquer les cultivateurs, prendre la place de l'UCC? On ne le sait pas. Continuellement, des organismes peuvent se former en associations, venir devant la Régie des marchés agricoles et dire: Nous avons la majorité, nous voulons déplacer l'UCC, c'est nous qui allons être le syndicat accrédité des cultivateurs. On pourrait prévoir des mécanismes comme ça. Et je m'adresse aussi au ministre, je ne le sais pas, ce n'est pas prévu dans la loi actuellement.

Dans la loi actuelle, à tous les mois et même à tous les quinze jours, une autre association peut arriver et dire: C'est nous qui avons pris la majorité et nous demandons un référendum. Je l'ai soumis au ministre l'autre jour et c'est très important. Je pense que le cultivateur pourrait continuellement se faire solliciter par toutes sortes d'associations qui diraient L'UCC, ce n'est pas bon, rentrez chez nous. Et cela deviendrait un tiraillement à n'en plus finir. Alors, on pourrait prévoir des mécanismes dans la loi. Je ne sais pas, je vous fais la suggestion.

M. ROY (Léonard): Est-ce que la question m'est adressée ou si c'est au ministre?

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Disons à vous. Vous avez la priorité, le ministre pourra parler après vous.

M. VINCENT: Ce n'est pas gentil ça!

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Non. Je vous l'adresse et j'aimerais avoir l'opinion du ministre aussi là-dessus.

M. TOUPIN: Allez-y, M. Roy.

M. ROY (Léonard): Vous ne trouvez pas que par le cheminement des pensées on revient un peu à ce que nous proposions au début, si vous prévoyez la nécessité de mettre dans la loi à un moment donné la faculté de faire un sondage pour savoir si tout le monde est encore du même avis et de donner la possibilité de changer? Ne croyez-vous pas qu'il serait peut-être plus logique, étant donné qu'on travaille dans du neuf dans le moment, au lieu de fermer tout de suite les cadres, de permettre aux corps déjà organisés et qui vont se structurer au niveau de fédérations ou de grands syndicats de décider eux-mêmes, au bout de quelques mois de tractations, si ce n'est pas leur intérêt de se confédérer?

C'est quasiment un phénomène normal. Si vous me permettez de nous citer en exemple, le Conseil de l'alimentation, qu'est-ce que c'est? C'est la résultante de ça. Treize ou quatorze associations, tout de même, chacune dans son domaine, se prétendant bien structurées et représentant tous les intérêts de la province dans leur domaine, ont senti le besoin de se restructurer, d'avoir une confédération de manière à former une voix unique sur des problèmes d'intérêt commun. Ce besoin de se regrouper est venu d'une façon naturelle. Mais on s'est regroupé avec les gens qui parlent le même langage que nous, avec qui on sent une appartenance. Alors, c'est la même chose, à mon sens, dans le domaine agricole; qu'on permette donc aux grandes fédérations ou aux grands syndicats, une fois accrédités, de décider eux-mêmes de se donner cette structure confédérale et de lui déléguer tous les pouvoirs et l'argent dont elle aura besoin pour remplir sa fonction. Encore une fois, vous arrivez par le cheminement des pensées à peu près à la même chose en disant: On va tout bloquer tout de suite, mais on va prévoir dans trois ans qu'ils pourront rouvrir ça, faire un sondage et décider à ce moment-là ce qu'ils peuvent faire.

Je vous soumets humblement que l'attitude

que nous prenons est plutôt de laisser faire la nature des choses et les intérêts communs de tous ces gens-là de sorte qu'ils se donnent la structure dont ils ont besoin et qu'ils désirent obtenir.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Mais... M. TOUPIN: M. le Président...

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Oui, excusez-moi.

M. TOUPIN: Maintenant que M. Roy a répondu, je voudrais répondre également à cette question.

Premièrement, l'article 20, sur cette question, est assez explicite. Vous retrouvez à l'article 20, évidemment, les dispositions requises pour que la régie puisse, elle, prendre les décisions qu'elle jugera bon de prendre dans l'application de cette loi.

Elle peut, si elle le désire, de son propre chef, révoquer une accréditation. Elle peut la révoquer à la suite d'un référendum.

Or, vous avez dans cette loi les mécanismes requis qui permettent à d'autres groupes qui ne sont pas satisfaits de cette association accréditée de faire valoir leurs droits auprès de la régie et de demander, s'ils le désirent, un référendum. Ils peuvent le faire. Seulement, du point de vue de la représentativité, s'ils veulent faire des revendications, je pense que la régie va les écouter. Cela m'apparait évident; elle l'a toujours fait dans le passé et je ne vois pas pourquoi elle hésiterait à le faire dans l'avenir. Il y a dans l'article 20 — il m'apparait quant à moi, en tout cas — le dispositif nécessaire pour — comment dirais-je — éviter de faire croire à l'ensemble de la population qu'il s'agit là d'un monopole ad vitam aeternam, d'un monopole établi à tout jamais. Il y a tout ce qu'il faut dans cet article. Je pense que les producteurs du Québec ont prouvé dans le passé et prouvent encore dans le présent que, quand ils sont mécontents d'une organisation quelconque, ils font valoir leur point de vue. Nous avons prévu dans la loi les mécanismes qu'il faut pour faire entendre les groupes de producteurs.

Les fédérations spécialisées peuvent, si elles le désirent, se désaffilier de l'association accréditée. Evidemment, elles seront toujours tenues de payer une part de leurs prélevés, mais il ne faut pas non plus mêler les problèmes. Elles peuvent toujours se désaffilier de l'association accréditée et mener seules leur barque. Nous croyons que c'est plus démocratique de procéder comme cela plutôt que d'obliger les fédérations spécialisées à se former une fédération et par la suite, elle, cette fédération, créer un monopole de mise en marché dans la province de Québec, alors que là, chaque fédération peut se retirer de l'association accréditée et mener son activité par elle-même. Elle devra évidemment, comme je le disais tantôt, payer sa part de prélevés jusqu'à concurrence de 20 p.c. pour aider au financement de l'association qui sera accréditée. Je ne sais laquelle sera accréditée dans sept ans, dans huit ans ou dans dix ans. Ce que je sais, c'est qu'il y a un mécanisme dans la loi qui permet que la régie puisse, si elle le désire, la donner à une autre association, ou elle peut, au moins, discréditer l'association qu'elle a déjà accréditée.

En ce qui a trait à l'obligation que vous mentionniez tantôt d'inciter les agriculteurs à devenir membres, je ne crois pas que cela soit tout à fait juste. Je pense que ce serait induire en erreur les membres de la commission que de le soutenir trop. Remarquez bien, j'ai essayé de trouver un autre mot; je peux en trouver un autre. Cela ne m'apparaît pas conforme à ce que nous retrouvons dans l'article 39 et dans l'article 40. Pour ces groupes de producteurs, l'association accréditée doit en faire la demande à la régie. La régie, par la suite, fait une enquête; et c'est à la suite de l'enquête que va mener la régie que la décision sera prise qu'un producteur ou un groupe de producteurs ou un office de producteurs peut ou doit payer sa cotisation à l'association accréditée.

Evidemment, cela va commander, de la part de la régie, un travail très minutieux. Il faudra qu'elle tienne compte de tous les éléments. Ce seul facteur différencie déjà amplement la loi que nous proposons par rapport à ce qui existe dans le secteur ouvrier. Nous tenons compte de cette particularité qui existe dans le milieu agricole, dans le milieu rural. Nous savons qu'il se pose trop souvent — et c'est tout à fait normal dans le contexte actuel — des cas particuliers, individuels. Nous avons prévu un mécanisme pour que ces cas puissent être réglés.

Il est bien sûr que si la régie émet une ordonnance et qu'elle dit — pour prendre le même problème ou l'exemple que vous mentionniez tantôt:

Le gars de Saint-Félicien, après étude, doit payer sa cotisation à l'union, c'est seulement à ce moment-là que l'acheteur du produit de ce gars se voit obligé de retenir sur le produit que lui vend l'agriculteur le montant d'une cotisation de $15. Ce n'est pas avant. Nous avons prévu tout un mécanisme d'étude. Je pense que, dans ce mécanisme d'étude, vous qui aurez à retenir cette cotisation — si jamais la régie prend une décision dans ce sens — vous aurez l'occasion de faire valoir vos points de vue.

Vous avez toujours eu, je pense, dans le passé, l'occasion de faire valoir vos points de vue auprès de la régie lorsqu'il s'agissait de mettre en place soit un nouveau plan conjoint, soit de nouveaux mécanismes de mise en marché.

Je suis bien d'accord avec vous qu'on ne peut pas trouver de mécanisme parfait. D'ailleurs, le syndicalisme agricole n'est pas le seul aux prises avec un tel problème de financement ou de représentativité. Plusieurs associations qui

ont un caractère similaire aimeraient bien pouvoir prélever à même je ne sais trop quoi une cotisation qui permettrait un financement adéquat de l'association. Vous savez fort bien que pour qu'une association puisse bien fonctionner, il faut qu'elle ait de la finance. Mais encore faut-il qu'elle soit aussi assez représentative. Cela peut devenir un élément possible de la représentativité.

Le secteur agricole est complexe en soi. Les producteurs ne sont pas tous de même égalité dans l'ordre de la production. D'abord, il y a diverses productions et il y a des petits, des moyens et des gros producteurs. C'est la réalité agricole actuelle. Il y a des producteurs qui, actuellement, évoluent à l'intérieur d'un mécanisme de commercialisation bien structuré. Vous en avez apporté quelques exemples tantôt: celui du lait industriel, par exemple, celui du lait nature, celui du bois, aussi. Certaines autres productions tentent aussi, actuellement, de se donner des mécanismes de commercialisation. Encore là, c'est un mode nouveau qu'on a mis en place pour tenter de régler ce problème de commercialisation et de mettre ainsi de l'ordre dans la mise en marché des produits agricoles.

Restent maintenant d'autres individus, d'autres agriculteurs qui ne sont pas encore inclus dans ces mécanismes de mise en marché. Peut-être y viendront-ils dans le temps, mais pour le moment, nous avons prévu ce mécanisme, à l'article 39 et à l'article 40, qui permet, avant de prendre une décision... Même si ce projet de loi était adopté demain matin, vous n'êtes pas tenus par le fait même de retenir ces cotisations. Il faudra d'abord que l'association accréditée en fasse la demande à la régie, il faudra que la régie étudie le problème et que, par la suite, la régie émette une ordonnance ou des règlements qui détermineront par qui et comment seront perçues ces cotisations.

Il me semble qu'il y a là un mécanisme pour le moins démocratique, qui permet aux personnes d'exposer leurs problèmes, de faire valoir leurs points de vue avant qu'on applique tout d'un coup une loi qui les obligera à payer une cotisation. Dans les cas de ceux qui ne sont pas dans la commercialisation, c'est-à-dire inclus dans un système de commercialisation, cette cotisation n'est que de $15. Elle n'inclut pas, évidemment, les 20 p. c. dont on parle pour les fédérations spécialisées.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le ministre, à l'article 20, je suis d'accord avec vous quand vous dites que la régie peut révoquer l'accréditation en tout temps par le mécanisme d'un référendum. Mais quand? Je vous donne un exemple concret. Après un mois d'application du bill 64, il arrive un groupe de cultivateurs au ministère et ils disent: L'UCC n'a plus la majorité. Allez-vous déclencher un référendum? D'après le mécanisme qui est expliqué ici à l'article 20, je suis d'accord que vous pouvez révoquer l'accréditation, mais quand? Tous les mois? Si je forme un syndicat des producteurs agricoles, que je viens devant vous et dis que j'ai la majorité, allez-vous décréter un référendum? Il faudrait que l'association qui est accréditée le soit pour un certain temps.

Et même, vous m'excuserez si je reviens toujours par comparaison dans un autre secteur, on a beau dire...

M. TOUPIN: Oui.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): ... que ce n'est pas la même chose que dans le secteur ouvrier, mais cela se ressemble quand même. Un syndicat qui est accrédité l'est pour le temps de la convention collective. Et même s'il perd sa majorité pendant ce temps, il reste accrédité jusqu'à la fin de la convention. Mais là, tous les mois, tous les quinze jours ou tous les deux mois, n'importe qui peut arriver et dire au ministre: L'UCC n'a plus la majorité, vous allez déclencher un référendum.

Comment fonctionnerez-vous? Est-ce que ce sera un éternel référendum? Je ne le sais pas. C'est un mécanisme qui m'embête.

M. TOUPIN: M. le Président, pour répondre à cette question — je pense que je vais rejoindre, à ce moment-là, les opinions de M. Roy — le secteur agricole ne peut pas se comparer en totalité avec le secteur ouvrier.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): D'accord.

M. TOUPIN: Dans un tel type de syndicalisme, dans un tel type de loi qu'on propose, on ne peut pas penser à inclure les conventions collectives. On a établi clairement, au tout début, qu'il y avait des organismes de mise en marché qui, eux, pouvaient négocier des contrats de vente avec les entreprises et qu'il pouvait y avoir, à côté de ça, une organisation professionnelle qui, elle représenterait l'ensemble des agriculteurs, professionnellement parlant. C'est surtout, évidemment, l'objectif que nous avons poursuivi lorsque nous avons préparé ce projet de loi. Dans ce cadre , évidemment, nous devons laisser toute la latitude aux agriculteurs de tenter, quand ils sentiront le besoin de le faire, de façon presque constante, la vérification de la représentativité. Nous n'avons pas voulu, précisément pour vérifier de façon constante cette représentativité, créer des cadres précis. Nous avons laissé là cette démocratie qui va jouer tous les jours et qui va permettre aux producteurs de discuter entre eux de leurs problèmes, qui va permettre aux syndicats spécialisés même, aux fédérations spécialisées même de discuter entre elles de leurs problèmes et de se demander souvent si l'organisme accrédité est encore représentatif de l'ensemble des besoins de la classe agricole ou de la population agricole de la province de Québec.

Il est bien sûr qu'un tel mécanisme rend

peut-être un peu plus lourde l'administration, mais il laisse au moins ce caractère permanent de vérification de la part des agriculteurs d'une représentativité réelle de l'association accréditée. Et ça, c'est exclusif au secteur agricole. Un principe comme celui-là deviendrait peut-être plus difficile à appliquer dans d'autres secteurs syndicaux, mais, dans celui-là, il nous apparaît important de le laisser précisément pour respecter ce caractère démocratique et pour éviter que nous ne sombrions, dans un temps X, dans cette sorte de syndicalisme monopolisateur. Cette sorte de mécanisme prévu va éviter que nous ne nous orientions, peut-être, vers une sorte de syndicalisme monopolisateur.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le ministre, vous avez là un mécanisme qui crée un précédent. Je ne dis pas que c'est le cas, mais même vous, si actuellement on prouvait que, dans votre comté, vous avez perdu la majorité, vous restez là quand même pour tout le temps de votre mandat. Vous êtes élu pour tant d'années. On ne peut pas arriver tous les mois et dire: Le député X dans son comté n'a plus la majorité; on décrète une élection. Là on décrète un référendum n'importe quand, si quelqu'un vous donne à peu près une preuve que l'UCC n'a plus la majorité. Je pense que vous allez avoir des problèmes avec ce mécanisme-là. Aussi devriez-vous avoir un échéancier, une date, que ce soit trois ans, quatre ans, cinq ans. A ce moment-là, une association peut arriver, prouver qu'elle a la majorité et remplacer celle qui est accréditée.

M. VINCENT: Non, M. le Président, je ne le pense pas, excusez. Si je comprends bien la loi — le ministre pourra le confirmer — il n'y a qu'une seule association qui peut être accréditée à la fois.

M. TOUPIN: C'est exact.

M. CROISETIERE: Oui, c'est exact.

M. VINCENT: Bon, je pense que ça, il faut que ce soit bien clair; il n'y a qu'une seule association qui peut être accréditée à la fois.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): C'est entendu, une à la fois; c'est normal.

M. VINCENT: La façon de procéder, c'est qu'en vertu de l'article 20 la régie peut, après référendum, révoquer l'accréditation d'une association. C'est un premier moyen. Deuxièmement, la régie peut également, d'office, révoquer l'accréditation d'une association après lui avoir donné l'occasion d'être entendue. Ce sont les deux seules façons qu'il y a avant de procéder à une autre accréditation. L'association qui est accréditée demeure en fonction tant et aussi longtemps que la régie n'aura pas révoqué son accréditation, soit après la tenue d'un référendum ou, d'office, après avoir entendu l'association.

Mais jamais, entre-temps, un autre groupe ne pourra demander à la régie d'être accrédité, à moins qu'il n'existe plus d'association.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Si vous me permettez, M. le député de Nicolet, je suis d'accord avec vous à 100 p.c. sur ce que vous avez dit, mais, quand la régie va-t-elle décréter un référendum et pour quelle raison? Vous ne le voyez pas dans l'article 20. Quand? Pour quel motif? Est-ce parce qu'une autre association va dire qu'elle a la majorité? Est-ce parce que c'est un groupe de producteurs qui va dire que l'UCC n'a plus la majorité? Pour quelle raison la régie va-t-elle décréter un référendum pour savoir si l'on va révoquer l'accréditation? Quand? A quel moment? Pour quelle raison? On ne le dit pas.

M. VINCENT: Sur le plan pratique, à ce moment-là, je pense bien que si la régie avait une requête signée de 500 noms ce ne serait pas suffisant pour révoquer une accréditation. D'office, vous demandez la tenue d'un référendum. Mais si la régie arrivait, à un moment donné, avec une requête de 30,000 ou de 25,000 noms, les questions commenceraient à se poser plus sérieusement. Je parle seulement sur le plan pratique.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): L'article 20 empêche l'association accréditée de devenir un monopole qui va tout contrôler, disons, si vous l'interprétez comme ça. M. le Président, j'aurais une question à poser au ministre de l'Agriculture. Est-ce que vous avez des objections à cette formule de 50 p.c. plus 1 de cartes d'adhésion? C'est-à-dire que les producteurs agricoles adhérent au syndicalisme agricole; en même temps ils signent pour la cotisation obligatoire dès qu'ils ont 50 p.c. plus 1. Ils ont l'accréditation et la cotisation obligatoire, ce qui enlève les référendums. Pour quelles raisons, si vous en avez, seriez-vous contre cette formule?

M. VINCENT: Avant que le ministre réponde, est-ce que je pourrais poser une question au député de Sainte-Marie?

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): oui.

M. VINCENT: Quand vous dites 50 p.c. plus 1, c'est de quel groupe?

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): De ceux qui auraient le droit de voter, de tous ceux qui sont reconnus comme producteurs.

M. VINCENT: A l'heure actuelle, d'après la définition, cela peut être 50 p.c. plus 1 de 80,000 parce qu'il y a à peu près 80,000 personnes dans la province de Québec qui vendent pour plus de $50 de produits agricoles

par année. Cela peut être 50 p.c. plus 1 de ceux qui ont plus de 50 p.c. de leur revenu en agriculture; cela peut être 50 p.c. plus 1 de ceux qui ont plus de 25 p.c. de leur revenu en agriculture. Il faut savoir 50 p.c. de qui, de quel groupe ou de quelle définition d'agriculteurs.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Si le député de Nicolet me permet, si vous procédez par référendum il va falloir définir ça, de la même façon.

M. VINCENT: C'est ça! Il faut d'abord définir le producteur et établir une liste...

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Que ce soit par référendum ou par la signature d'une carte d'adhésion...

M. VINCENT: C'est ça!

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): ...il va falloir que ce soit défini.

M. VINCENT: Si le producteur est défini, si on établit une liste, on arrive à la conclusion qu'il y a 60,000 ou 58,000 agriculteurs suivant la définition.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): C'est ça.

M. VINCENT: A ce moment-là, la liste des 60,000 cultivateurs étant établie — c'est là qu'est la question du député de Sainte-Marie — tels que définis dans le bill 64, est-ce que le ministre accepterait, au lieu d'aller en référendum, qu'on ait la signature de 50 p.c. de ces 60,000 ou 62,000 ou 58,000 plus 1?

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): C'est ça! J'avais moins élaboré, croyant que le ministre avait compris.

M. VINCENT: Non, c'est parce qu'on varie sur la formule ou sur les normes.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Vous semblez trouver qu'il va être très difficile de définir qui va voter; que ce soit un référendum ou savoir qui a le droit de signer une carte d'adhésion, le problème est le même.

M. CROISETIERE: C'est la définition du mot agriculteur.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Pour la définition, il va falloir s'entendre. Ceux qui sont ici ne s'entendent pas et parfois nous avons de la difficulté à nous entendre. Je pense que ce sera le problème. Qui va devenir producteur, qui va avoir le droit d'adhérer au syndicalisme agricole? La formule de 50 p.c. plus 1, pourquoi ne s'appliquerait-elle pas dans le bill 64? Je pose la question au ministre. Pourquoi cette formule de majorité simple, 50 p.c. plus 1, ne s'applique-t- elle pas dans le bill 64? Pourquoi un référendum?

M. TOUPIN: M. le Président, un mécanisme est prévu dans la loi et nous avons, pour discuter le contenu, non seulement de ce mécanisme mais de l'ensemble de la loi, convoqué la commission pour connaître les opinions des uns et des autres. Si, après avoir entendu la commission, nous jugeons nécessaire d'apporter certains amendements, nous les apporterons. Nous ne pouvons présentement, autour de la table, nous mettre à amender le projet de loi.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Non, non. Mais je...

M. TOUPIN: Les suggestions que vous avez à nous faire, vous pourrez les faire à l'Assemblée nationale, bien sûr, au moment où on discutera le projet de loi en deuxième ou en troisième lecture. Vous pourrez peut-être les faire à d'autres occasions qui pourraient nous être données en comité par exemple.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je vous posais la question, M. le ministre, pour savoir, au cas où en comité plénier on soumettait cet amendement, si vous prendriez la peine de le discuter. Là vous dites qu'en comité on...

M. TOUPIN: M. le Président, j'ai toujours pris la peine de discuter des propositions qui avaient du bon sens.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): J'espère.

M.VINCENT: Aussi bien dire toutes les propositions.

M. ROY (Léonard): A la dernière session de la commission parlementaire, on a invoqué le principe "qui ne dit mot consent". Depuis quelque temps, on a interprété un peu ce que moi, au nom de l'industrie, j'ai essayé de présenter. J'aimerais que vous me permettiez de résumer, dans trois phrases, l'attitude de notre industrie sur les questions que vous venez précisément de soulever, à la demande du député de Sainte-Marie.

D'abord, à la suite de tout ce que vous avez dit, M. le ministre, sur cette disposition qui était toujours là, qui faciliterait aux syndicats, aux groupements de cultivateurs mécontents, aux mal ajustés, de pouvoir, un bon jour, parvenir à faire la preuve qu'il faut remplacer l'association accréditée par une autre, nous vous soumettons humblement que vous créez un climat qui est loin d'être sain parce que vous allez, à ce moment-là, mettre tous ces gens en état de contestation permanente. Je me rallie à ce qu'on a dit tout à l'heure. Cela ne finira pas, de mois en mois, les requêtes, les contre-requêtes de gens qui vont prétendre être mal représentés ou autrement.

Deuxièmement, M. le ministre, vous avez très bien dit qu'il y avait toujours la faculté, à un moment donné, lorsqu'on verra qu'il s'établit un monopole, de le contester et de faire mettre à terre ce monopole par la Régie des marchés. Je voudrais vous faire remarquer très respectueusement que celui qui détient les cordons de la bourse a tout le pouvoir. C'est justement là la faiblesse, à mon sens, ou le non-sens, en acceptant ce projet de loi, de dire: Vous pouvez vous désaccréditer, vous pouvez vous éloigner du parti mais vous devez continuer à payer quand même. Ceux qui tiennent le cordon de la bourse vont continuer à avoir le pouvoir.

Troisièmement, on met beaucoup de responsabilités sur le dos de la Régie des marchés agricoles. A notre avis, on s'en remet beaucoup à cet organisme gouvernemental qui est déjà chargé joliment puisque cet organisme est à cheval sur deux lois: la mise en marché — c'est un organisme qui, normalement, doit avoir l'équipement nécessaire pour stimuler tous ceux qui peuvent vendre les produits agricoles dans la province de Québec — et la décision de la représentativité et du sort de l'organisation professionnelle des cultivateurs. Il y a des conflits sous-jacents inévitables.

Ce n'est pas notre rôle ici, puisque nous avons pris beaucoup du temps de la commission. D'autres corps vont certainement soulever ce point de la grande responsabilité que vous donnez actuellement à la Régie des marchés agricoles. Je voulais simplement faire le point sur ces trois questions-là.

M. VINCENT: Une dernière question, M. Roy, avant que vous repreniez votre siège. Comme nous le constatons de plus en plus, il est possible que le projet de loi no 64 puisse s'appliquer seulement dans un an et peut-être dans deux ans à cause de tous ces délais. Cela est possible. Tant mieux si cela s'applique dans six mois, mais c'est possible que ce ne soit que dans un an et peut-être deux ans. Une question très simple: Que dirait votre organisme si nous avions, dans ce projet de loi, un article intermédiaire qui dirait ceci: Toute personne physique qui achète un produit agricole doit retenir, avant paiement de ce produit, une cotisation syndicale minimum de $15, à moins que la personne intéressée s'oppose par écrit à une telle retenue?

M. ROY (Léonard): Vous admettrez que là vous ouvrez une nouvelle avenue — c'est indéniable — sur laquelle vous nous demandez immédiatement de nous prononcer...

M. VINCENT: Non, non.

M. ROY (Léonard): ...effectivement et de dire oui. On peut vous dire, par exemple qu'on ne négligera rien, M. le Président, M. le ministre et MM. les membres de la commission, pour collaborer. Nous ne sommes pas ici pour faire exprès pour mettre des bois dans les roues. Nous voulons aider, nous voulons collaborer parce que nous avons conscience que si nous réussissons à avoir une organisation professionnelle bien structurée qui, sans empiéter inutilement sur les droits acquis des autres, fait son boulot, nous aurons déjà fait beaucoup afin d'être prêts pour la mise en marché qui est une fonction qui doit se faire avec nous — pas sans nous — par les cultivateurs.

C'est pourquoi nous vous disons tout de suite: Soyez assurés que nous sommes prêts à étudier ces choses et comptez sur nous pour collaborer.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): J'aurais une question, M. le Président, si vous me permettez. Est-ce que je pourrais demander au représentant de l'UCC, M. Allain, ce qu'il pense de la formule qui serait de 50 p.c. plus 1 des cartes d'adhésion, par exemple, et qui enlèverait le référendum pour l'accréditation et la cotisation obligatoire?

M. ALLAIN: M. le Président, ce n'est pas là une de nos propositions. Toutefois, nous avons cherché à simplifier le système par les recommandations que nous avons formulées. J'ai écouté avec attention la discussion sur ce sujet et il m'apparaît qu'il s'agit d'une suggestion qui aurait probablement le même effet que celui que nous recherchons par un référendum qui règlerait à la fois l'accréditation et la retenue à la source. Vous dites: Par la signature des cartes, à raison de 50 p.c. plus 1 des cartes signées.

Vous cherchez à atteindre le même objectif. Il s'agit là d'une suggestion qui concorde avec la nôtre sauf que le moyen diffère un peu. A priori, je ne peux pas dire que notre organisation serait contre mais serait probablement favorable. H s'agit de différencier les moyens et celui-là m'apparaït parfaitement défendable et aussi parfaitement juste.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Merci. Maintenant, j'aurais une dernière question à poser au ministre de l'Agriculture. Dans le mémoire que M. Léonard Roy nous a présenté, on parle des difficultés pour celui qui va percevoir la cotisation à la source. Qui va percevoir la cotisation d'un producteur qui, par exemple, vend du porc, de la volaille ou du lait? Ce n'est certainement pas les trois acheteurs qui vont percevoir trois fois $15. Comment allez-vous définir celui qui va percevoir la cotisation dans la loi? C'est très ambigu.

M. TOUPIN: Par une disposition dans la loi, M. le Président, qui a précisément prévu une solution possible au problème que vous soulevez. Nous en sommes bien conscients. Je prends le même exemple qu'a utilisé M. Roy: notre gars qui est situé à Saint-Félicien, qui vend des

légumes à un magasin du coin mais qui, par ailleurs, livre du lait à une entreprise. Il est lié, d'une part, par un plan conjoint et pour une partie de son produit et, pour l'autre partie, il n'est pas lié par son plan conjoint. La loi prévoit qu'une cotisation minimale de $15 doit être perçue. Dans le type d'exemple que j'apporte, la cotisation devrait être perçue sur la partie du lait livré à l'usine. Parce que, évidemment, c'est là qu'on rencontre le moins de problèmes dans la perception de la cotisation.

A la fin d'une année, il est prévu dans la loi — l'article m'échappe — un mécanisme qui dit que l'association accréditée révise les cotisations entrées pour chacun des noms qu'elle a sur la liste et si un producteur a payé par mégarde deux fois sa cotisation, l'association accréditée est tenue de lui en rembourser une.

Evidemment, c'est presque inévitable à cause de la multiplicité des productions...

M. LAURIN: Et de la polyvalence.

M. TOUPIN: ...et de la polyvalence aussi des productions au niveau d'un ou de plusieurs producteurs.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le ministre, si je soulevais ce problème...

M. VINCENT: C'est l'article 42.

M. TOUPIN: L'article 42 est assez explicite.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): ...c'est parce qu'il y a des producteurs qui font partie de plusieurs plans conjoints.

M. TOUPIN: Oui.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Ils vont payer à un plan conjoint seulement, mais qui va définir à quel plan? Est-ce que ce sont les producteurs de porc? S'il vend du porc, de la volaille et du lait, par exemple? C'est la Régie des marchés agricoles, mais elle va se baser sur quels critères pour dire que la cotisation est retenue par l'acheteur de lait, de volaille ou de porc?

M. TOUPIN: Evidemment, la régie va se baser sur le critère le plus pratique qu'elle va trouver. Si, par exemple, c'est préférable d'utiliser le porc dans le cas d'un groupe de producteurs parce que c'est plus pratique de le faire, probablement qu'elle le fera. Si elle juge que c'est préférable d'utiliser la production laitière...

M. LAURIN : En somme, vous laissez ça à la régie.

M. TOUPIN: Oui, parce qu'on ne peut pas définir dans la loi que tel groupe de producteurs paiera sa cotisation à partir de telle production, à cause précisément de la multiplicité et de la polyvalence.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Remarquez bien que je suis d'accord sur ce mécanisme. Cela va créer des emplois, ça va aider à combler les 100,000 emplois, parce que ça va prendre bien des fonctionnaires.

M. TOUPIN: En plus.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Alors, je vous remercie.

M. TOUPIN: Vous voyez le souci du gouvernement.

M. VINCENT: Il ne faudrait quand même pas se scandaliser. C'est la même chose pour le régime de rentes du Québec. Une personne peut travailler à deux ou trois endroits. On lui retient ses cotisations pour le régime de rentes et, à la fin de l'année, on est obligé d'ajuster. C'est inévitable.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Si on était au pouvoir, il n'y aurait pas de problème.

M. LE PRESIDENT (Assad): M. Roy, est-ce que vous avez quelque chose à ajouter?

M. ROY (Léonard): Non, M. le Président. Je suis à la disposition, tout simplement, de la commission.

M. LE PRESIDENT (Assad): Merci, M. Roy. La prochaine est l'Association professionnelle des meuniers du Québec et je crois que le porte-parole est M. André Breton, président.

Association professionnelle des meuniers du Québec

M. BRETON: M. le Président, MM. les membres de la commission parlementaire de l'Agriculture, ce mémoire est soumis par l'Association professionnelle des meuniers du Québec, groupement fondé il y a dix ans et qui réunit quelque 200 membres, soit plus des deux tiers des meuniers du secteur privé.

Au cours de toute son existence, l'Association des meuniers a fait preuve de beaucoup de vitalité par ses congrès annuels, par son intérêt soutenu aux problèmes agricoles d'actualité, par ses interventions répétées auprès des pouvoirs publics, par les consultations régulières dont elle est l'objet et par la publication de son journal mensuel, Le Meunier québécois.

L'Association des meuniers, dans son rôle de groupement professionnel, n'est pas directement concernée par la Loi du syndicalisme agricole. Néanmoins, les activités de ses membres sont tellement reliées au bien-être des agriculteurs et à la santé de l'économie agricole qu'elle ne peut se désintéresser de l'organisation syndicale des cultivateurs du Québec, surtout

quand celle qui leur est proposée à partie liée avec la commercialisation des produits agricoles.

Est-il besoin de rappeler que, dans le contexte actuel, le meunier a vu son rôle changer? De simple fournisseur de grains et de moulées qu'il était, il a été entraîné, par la force des choses, à devenir pourvoyeur de capitaux, constructeur de bâtiments de fermes, notamment de poulaillers et de porcheries, producteurs d'oeufs, de poulets et de porcs.

Le meunier du Québec est aussi devenu, souvent à l'occasion de crises, le héros de l'organisation de certaines productions qui n'auraient jamais vu le jour ou auraient disparu n'eût été de son intervention. Les mêmes raisons l'ont incité quelquefois à assumer jusqu'à la mise en marché. L'extension du rôle du meunier a largement contribué au développement de l'intégration à l'enseigne de laquelle se produisent aujourd'hui 90 p. c. du poulet à griller, 95 p. c. du dindon et 75 p. c. du porc.

Cette intervention du meunier dans les domaines qui lui ont été forcément ouverts par les conditions du marché et surtout par la pénurie des sources de crédit à la production ne lui a pas toujours été salutaire.

Dans ce contexte, ce mémoire est présenté pour les fins suivantes: reconnaître le principe du syndicalisme agricole; appuyer dans son ensemble le mémoire du Conseil de l'alimentation du Québec, dont l'Association professionnelle des meuniers du Québec est l'un des membres les plus importants; préciser l'attitude des meuniers sur certaines modifications réclamées par le Conseil de l'alimentation; critiquer quelques dispositions du bill actuellement â l'étude et apporter des suggestions dont l'acceptation par le législateur rendrait davantage réaliste le bill 64.

L'Association des meuniers est trop réaliste pour refuser que soit étendu à la classe agricole le principe du syndicalisme. A cause des particularités de la catégorie de travailleurs auxquels on veut reconnaître ce droit, l'extension du syndicalisme pose, en l'occurrence, certaines difficultés dont les mémoires déjà soumis à cette commission ont dressé un éventail partiel.

Avec quelques-uns de nos prédécesseurs à cette tribune, nous savons gré à l'Etat d'avoir modifié le projet original, appelé l'Union des producteurs agricoles du Québec, qui, dans notre opinion, n'était pas acceptable. L'Association des meuniers reconnaît que la sauvegarde du principe de la consultation des agriculteurs intéressés par la tenue d'un référendum constitue une amélioration notable.

Néanmoins, si, en principe, le bill 64 reconnaît à n'importe quelle organisation agricole, incorporée en vertu de la loi des syndicats professionnels et remplissant la condition définie par la loi, le privilège d'obtenir l'accréditation, l'Association des meuniers sait bien et comprend que, dans la pratique, seule l'UCC peut obtenir le droit de représenter les agricul- teurs. A cet égard, le bill 64 ne fait que verser un tribut symbolique à la liberté syndicale.

L'Association des meuniers s'élève donc, comme le fait le Conseil de l'alimentation du Québec, contre l'élaboration d'une loi autour d'un groupement unique. Cette loi devrait plutôt prévoir effectivement l'existence de plus d'une centrale syndicale provinciale, si les producteurs agricoles le désirent. Plusieurs verraient certainement dans la concurrence , ou simplement dans l'émulation qui existerait entre elles, l'assurance de meilleurs services.

Dans le contexte actuel, il apparaît dangereux aux meuniers d'accepter au départ le principe d'une seule association, c'est-à-dire une centrale unique qui empêche l'expression du volontariat et qui oblige tous les agriculteurs, qu'ils le désirent ou non, à souscrire à l'unique groupement qui leur est imposé.

Il est à noter qu'en Ontario on tendait à favoriser la mise sur pied d'une seule association syndicale accréditée au lieu des deux groupements actuellement en place. On a aussi mis de l'avant l'idée d'une contribution volontaire unique. Elle a été refusée par les producteurs. Ce refus, par voie de référendum, traduit le réalisme du producteur ontarien désireux de respecter le contexte économique et démocratique dans lequel la politique canadienne évolue.

Les tenants du groupement unique argumentent souvent que la pluralité des associations divise les efforts et suscite les mésententes sur des problèmes d'intérêt commun. Cet inconvénient plausible est compensé, dans la pratique, par les multiples avantages du choix libre pour un producteur d'appartenir à une association respectueuse de ses goûts et de ses besoins particuliers.

Dans le mémoire qu'elle a soumis à cette commission, la Coopérative fédérée dit: "L'inconvénient majeur du syndicalisme unique pour l'agriculteur moyen est qu'il n'entend toujours qu'une seule version, qu'il ne voit toujours qu'un seul côté de la médaille, ce qui oblige moralement des organismes d'une autre nature à provoquer des débats pour compléter l'éclairage des problèmes et prévenir un fanatisme trop agressif. Donc, même si l'Etat ne reconnaissait officiellement qu'un seule porte-parole de l'agriculture, nous n'avons aucunement l'intention de nous taire lorsque nous ne serons pas d'accord."

L'Association des meuniers, à titre de représentant du secteur privé des meuneries, endosse cette description de l'inconvénient majeur du syndicalisme unique et la prise de position de la Fédérée, étant donné que le secteur privé, pas plus que le secteur coopératif, n'a l'intention de s'astreindre au mutisme, advenant que l'Etat ne reconnaisse qu'un seule porte-parole officiel de l'agriculture. Elle continuera à intervenir quand elle ne sera pas d'accord.

L'opposition de l'Association des meuniers au principe du syndicalisme unique lui paraît

d'autant plus opportune que la définition du producteur, telle que donnée dans le bill 64, ne satisfait pas. S'il fallait que le législateur s'en tienne à la description actuelle, le sort du syndicalisme pourrait être réglé par des pseudoagriculteurs. L'Association des meuniers fait sienne une suggestion déjà formulée: définir le producteur comme étant celui qui retire au moins la moitié de ses revenus bruts de la vente des produits agricoles. Ici je crois que mon savant confrère a fait un lapsus quand il a défini le producteur comme étant celui qui retire au moins la moitié de ses revenus nets. Or vous savez qu'en agriculture, surtout cette année, dans les productions sans sol, des revenus nets, il n'y en a pas. Donc il n'y aurait pas de producteurs. La Loi du crédit agricole et ses règlements consacrent déjà, d'ailleurs, cette définition.

L'Association des meuniers n'accepte pas non plus l'imposition de la cotisation syndicale unique obligatoire, pas plus qu'elle n'admet que cette cotisation soit dirigée vers la confédération, c'est-à-dire vers le haut, plutôt que vers l'unité de base, c'est-à-dire vers le bas.

Je crois que c'est l'endroit où je peux faire une digression. Ce matin, j'écoutais avec attention les membres de la commission dialoguer sur l'article 31. Il est intéressant de voir que tous les membres, de tous les cotés de la Chambre semblaient interpréter la définition dans ce sens que je n'entends pas. Je vous comprends très bien. Quand vous parlez de cotisation, le raisonnement tient jusqu'au bout, mais quand vous parlez de contribution, si vous regardez à l'article 31, paragraphe 3, c'est bien dit: "Les contributions payables à l'association accréditée par la fédération et les fédérations spécialisées et par les syndicats spécialisés visés à l'article 30, peuvent être d'un montant fixe ou variable selon la nature, l'importance et l'étendue des services qui leur sont rendus par l'association accréditée, le nombre de leurs membres ou le nombre de producteurs intéressés directement ou indirectement par leurs activités".

Au dernier paragraphe — c'est là qu'arrive votre affaire des plans conjoints — vous dites: "Dans le cas d'un office"; puisque vous prenez la peine de spécifier "dans le cas d'un office", cela veut dire que le paragraphe précédent ne s'applique pas aux offices, ne s'applique pas aux plans conjoints, donc les contributions ne doivent pas, sous réserve de l'article 35, excéder 20 p. c. des montants exigibles.

D'ailleurs, l'article 32 confirme mon énoncé: "Les règlements visés à l'article 31 sont exécutoires à l'égard de toute fédération ou fédération spécialisée, qu'elle soit affiliée ou non, ainsi qu'à l'égard de tout producteur membre ou non d'un syndicat ou syndicat spécialisé". Ce qui revient à dire que moi j'ai beaucoup plus peur... Les $15 que vous voulez retenir à la source, prenez les moyens que vous voudrez...

Comme vous l'avez dit tantôt, c'est qu'à la fin de l'année, il y aura un partage. Il y aura, autrement dit, un balottement. Si le gars a payé trois fois, il aura un crédit pour deux années. Cela va très bien. Ce dont j'ai peur, ce sont les contributions dans la question des plans conjoints. La loi dit bien que c'est 20 p. c. Les contributions des syndicats, même des groupements ou des particuliers qui ne font partie d'aucun plan conjoint sont définies par l'association accréditée. Cela veut dire que moi, j'ai très peur, étant membre d'une association. Je crois qu'en ce qui nous concerne, surtout si on prend la définition de "produit agricole", nous constatons que vous avez bien pris garde de copier textuellement ce qui est dans la Loi des marchés agricoles. Je vous fais grâce du début. A la fin, on dit: Les grains. Les grains sont assujettis. Automatiquement, si, par hypothèse, vous avez un type qui produit du mais grain ou du blé... Prenons l'hypothèse que le mais grain s'en vient sur un plan conjoint. Lui, il serait dans le cadre des 20 p. c, mais pas pour celui qui produit du blé. Il n'y a pas de plan conjoint dans le Québec pour le blé. Or, l'association accréditée, pour une raison ou pour une autre, manque de fond et décide d'en demander à la régie. Je trouve, comme mon savant confrère, que les pouvoirs de la régie sont très étendus. On demande l'autorisation de prélever, au lieu de 20 p. c, un montant X sur chaque unité de production. C'est là que j'ai peur qu'on s'en aille vers un montant, comme on dit, problématique. Parce que sur la question des $15, c'est acceptable en principe, selon certaines réserves, comme l'a dit M. Léonard Roy.

Cette disposition débouchera dans la pratique sur la double cotisation, car on peut prévoir que de nombreux cultivateurs libres formeront des groupes plus représentatifs de leurs intérêts particuliers que ceux de l'UCC. En l'occurence, ils paieront de force une cotisation à l'UCC et volontairement à leur groupement spécialisé. Cela, justement, n'entre pas en ligne de compte en vertu de l'article 42. C'est complètement en dehors. Au pis aller, si le gouvernement s'en tient à légiférer autour du groupement unique et impose la cotisation unique obligatoire, ils devront exiger, lors du référendum, comme condition d'accréditation d'une association professionnelle, un verdict à majorité absolue valable uniquement si 75 p. c. des producteurs intéressés se prévalent de leur droit de vote.

On dira que de telles exigences n'ont jamais été imposées en matière syndicale mais on sait par ailleurs à quels excès peut conduire l'imposition à tous d'une volonté minoritaire. Quoi qu'il en soit, les conditions prévalant en agriculture sont fort différentes de celles des secteurs d'activités où le syndicalisme a pénétré jusqu'ici.

Telle est, en substance, l'attitude de l'Association professionnelle des meuniers du Québec, sur les principaux points du bill 64. Nous répétons qu'elle endosse les positions prises par

le Conseil de l'alimentation sur l'ensemble du projet de loi du syndicalisme agricole, les présents commentaires se limitant à ses dispositions fondamentales.

L'Association des meuniers aurait pu relever bien d'autres éléments de confusion dans le bill 64, mais, pour éviter les redites, elle préfère s'en remettre au mémoire du Conseil de l'alimentation, tout en demeurant à la disposition de cette commission pour fournir verbalement à ses membres les précisions qu'ils jugeront bon de solliciter. Il importait pour le moment d'indiquer ce que les meuniers pensaient quant au fond de la loi à l'étude.

Nous remercions la commission de nous avoir reçus et nous lui demandons d'accorder aux commentaires des meuniers une attention spéciale.

M. VINCENT: M. Breton, très brièvement, vous avez soulevé un point concernant l'article 31. Vous avez apporté une nouvelle interprétation de l'article 31. Depuis le début, nous varions d'une interprétation à l'autre. Je demanderais au ministre de clarifier cela parce que M. Breton a soulevé un point quand il a mentionné que les contributions payables à l'association accréditée par les fédérations et les fédérations spécialisées et par les syndicats spécialisés visées à l'article 30 peuvent être d'un montant fixe ou variable. Après ça, il mentionne que c'est seulement dans le cas d'un office que c'est limité à 20 p.c, parce qu'il y a seulement les offices qui ont le droit de prélever. Je pense qu'il faudrait clarifier ça tout de suite parce qu'une fédération spécialisée, pour avoir le droit de prélever, doit être constituée en office.

M. TOUPIN: C'est parce que ce sont seulement les offices qui ont le droit de prélever.

M. VINCENT: Alors, une fédération spécialisée...

M. TOUPIN: Si elle n'administre pas de plan conjoint, bien, elle n'est pas tenue, elle, de payer les 20 p.c.

M. BRETON: Oh! non, mais, M. le ministre, excusez, en vertu justement du paragraphe 3 de l'article 31, elle est obligée de payer "un montant fixe ou variable selon la nature, l'importance et l'étendue..." C'est à la demande de l'association accréditée.

M. TOUPIN: Si elle administre un plan conjoint.

M. BRETON: Non, non, au paragraphe 3, il n'y a pas de plan conjoint dans ça.

M. VINCENT: Supposons que nous ayons la Fédération des producteurs de porcs du Québec qui n'ait pas de plan conjoint. Advenant qu'une association soit accréditée, est-ce que la Fédé- ration des producteurs de porcs du Québec est obligée de payer "un montant fixe ou variable selon la nature, l'importance et l'étendue des services qui lui sont rendus par l'association accréditée? "

M. TOUPIN: Bien, cet aspect n'est peut-être pas tellement clair dans la loi, je le reconnais. C'est un nouveau problème qui arrive du point de vue technique. Dans notre esprit, ce sont seulement les fédérations spécialisées qui administrent des plans conjoints qui doivent verser à l'association accréditée, jusqu'à un maximum de 20 p.c. des prélèvements.

M. BRETON: Qu'est-ce que ça vient faire, le paragraphe 3?

M. TOUPIN: Oui, ce n'est peut-être pas tellement clair; il faudrait peut-être clarifier cet aspect, par exemple.

UNE VOIX: Une nouvelle phraséologie.

M. TOUPIN: Oui, clarifier pour déterminer clairement qu'une fédération spécialisée qui n'administre pas de plan conjoint n'est pas assujettie à cette contribution de 20 p.c. Il faudrait peut-être clarifier cet aspect-là, parce que c'est dans l'esprit de la préparation du projet de loi.

M. BRETON: Non, regardez, M. le ministre, selon l'esprit de la loi, en vertu du troisième paragraphe de l'article 31, justement, on a pris soin de ceux qui n'ont pas de plan conjoint. Alors, là, on tombe dans une trappe. Les membres de mon association vont produire du blé. Demain matin, l'association accréditée peut dire, si elle manque de fonds: cela, c'est "une gang" de capitalistes, ils en ont de l'argent, eux; on va leur exiger $0.25 le boisseau. Il faut que je paie et que je me ferme la boîte.

M. TOUPIN: Non. Si, toutefois, il s'agit d'une association des meuniers, par exemple...

M. BRETON: Non, je parle de mes membres; ce sont des producteurs en vertu de votre article qui définit...

M. TOUPIN: Des membres de qui et de quoi?

M. BRETON: Mettons que j'ai un marchand de grains qui, en même temps, est cultivateur; je suis moi-même membre accrédité de l'UCC. J'ai l'honneur de participer à leur association et je suis, tout de même, marchand de grains.

M. TOUPIN: Votre producteur de grains, de blé ou d'orge ou de mais serait membre de quoi dans le problème que vous soulevez? Membre de son association professionnelle.

M. BRETON: Cela n'a aucune importance parce que même, en vertu de l'article 32, vous renchérissez en disant: "Ainsi qu'à l'égard de tout producteur membre ou non d'un syndicat ou syndicat spécialisé, affilié ou non..."

M. TOUPIN: Les 20 p.c. dont il est question sont applicables seulement aux fédérations spécialisées et aux syndicats spécialisés qui, dans notre esprit, administrent des plans conjoints. Il faudrait peut-être...

M. VINCENT: A ce moment-là, je pense que c'est très clair. Au lieu de discuter, il s'agira de clarifier ce point de la loi.

M. TOUPIN: C'est exact!

M. BRETON: La position de l'Association des meuniers n'est pas compliquée. Pour la clarification, ce serait de faire biffer le paragraphe 3. Autrement, si vous le laissez, vous allez avoir une trappe qui va toujours être ouverte.

M. TOUPIN: C'est parce qu'on a saisi...

M. VINCENT: Qu'on biffe les paragraphes 3 et 4.

M. BRETON: Le paragraphe 4 aussi, c'est pareil.

M. TOUPIN: Je pense, M. le Président, qu'on a...

M. VINCENT: Qu'on amende la Loi des marchés agricoles.

M. BRETON: On l'a dit tantôt.

M. TOUPIN: Je pense qu'on a saisi le fond du problème.

M. BRETON: Vous comprenez, M. le ministre, n'est-ce pas?

M. TOUPIN: S'il y a véritablement danger de passer à côté de l'esprit qui a présidé à la préparation de la loi, nous apporterons les précisions qui s'imposent.

M. VINCENT: Dans ce esprit, c'est 20 p.c. dans tous les cas mais en autant qu'ils administrent un plan conjoint.

M. TOUPIN: En autant qu'ils administrent un plan conjoint. C'est l'esprit qui a présidé.

M. VINCENT: Si on gardait l'article tel quel.

M. BRETON: Cela veut dire, M. le député de Nicolet, en biffant le paragraphe 3, que vous restez avec, dans le cas d'un office, les contributions. Vous ne pouvez pas parler des autres; si vous le faites vous êtes pris, vous embarquez à cheval sur deux choses.

M. TOUPIN: Je comprends le problème que vous soulevez.

M. VINCENT: C'est une nouvelle formulation.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je suis d'accord sur l'interprétation de M. Breton. Si on garde le paragraphe 3 de l'article 31, ceux qui ne font pas partie d'un plan conjoint seraient obligés de payer un montant X qui n'est pas fixé à 20 p.c. D faudrait l'enlever.

M. TOUPIN: C'est clair dans mon esprit, il n'y a pas de problème.

M. VINCENT: On vous remercie, M. Breton. Cela clarifie ce point.

M. BRETON: C'est bien important pour nous autres.

M. VINCENT: Oui, ce n'était pas clair, même si nous ne nous sommes pas prononcés sur le principe de l'article 31; en vertu de ce qui est écrit là ce n'était pas clair.

M. LE PRESIDENT (Faucher): Le député de Lotbinière a demandé la parole.

M. BELAND: M. le Président...

M. VINCENT: Egalement, dans votre mémoire, M. Breton, comme tous les autres organismes à l'exception peut-être de l'UCC au niveau provincial, vous demandez une meilleure définition du terme agriculteur. Vous acceptez la définition d'agriculteur telle qu'utilisée à l'Office du crédit agricole?

M. BRETON: Oui.

M. VINCENT: Déjà plusieurs organismes acceptent cette définition. Nous aurons à travailler à un projet de loi, des Affaires municipales, où on a baissé ça à 25 p.c. Seriez-vous prêts à accepter cette nouvelle définition?

M. BRETON: Comme je l'ai dit tantôt, c'est leur revenu brut. Si on parle de revenu net, on joue sur les mots. Cela ne veut rien dire. Un revenu brut, ce qu'un type fait pour...

M. VINCENT: Cela peut être 9 présentement.

M. BRETON: Si nous voulons rester dans l'optique de l'association et du Conseil de l'alimentation, on préfère avoir une représentation assez réelle du producteur.

M. VINCENT: Je pose cette question à tous ceux qui participent comme témoins. A mon sens, dans le bill 64, quand on parle de 50 p.c, de 60 p.c, cela ne veut rien dire tant et aussi longtemps que nous n'aurons pas défini d'une

façon plus logique le terme agriculteur. A mon sens, il est inutile de parler de pourcentage, de 75 p.c, de 50 p.c. ou de 40 p.c, si on ne définit pas d'abord le terme agriculteur. Par la suite, on pourra parler de pourcentage.

M. BRETON: Je vois très bien. Votre définition, si on veut la placer dans un cadre, vous avez au Québec 12 régions économiques, vous avez tout un personnel, vous avez des fiches sur chaque producteur. Pour les fins de l'association, j'avais besoin d'avoir une liste de producteurs. On me l'a donnée, dans telle région, de A à Z.

Il est impensable de demander à la régie de refaire un travail qui est déjà fait. C'est impensable de sortir un cardex pour 40,000 ou 50,000 producteurs. En vertu du bill 64, vous dites que c'est la responsabilité de la régie de voir à codifier les producteurs, à les classifier, à préparer la liste. Dans un plan conjoint d'achat de volailles, qui s'est passé il n'y a pas très longtemps, la régie avait décidé de faire travailler d'autres gens; c'était du gros bon sens.

Il faudrait que le gouvernement n'en mette pas trop sur le dos de la régie. Il faudrait qu'il prenne ses responsabilités. En montant les fiches de chaque producteur dans vos régions, c'est très facile. Le même type peut être pris sous différents angles. Un type peut être producteur sur sa ferme, et il peut être ouvrier à un certain moment. Comme je le disais tantôt, si vous ne voulez pas prendre le pourcentage, en vertu du fichier qui se fait actuellement il serait très facile de dire: Le type qui produira pour X montant brut sur sa ferme — disons $3,000 ou $5,000 — sera accrédité comme producteur. Là, vous avez le dossier au complet; vous n'avez qu'à ajouter le montant.

M. VINCENT: A ce moment-là, M. Breton, sans méchanceté, vous ne pourriez plus être membre de l'UCC.

M. BRETON: Pourquoi pas? M. VINCENT: Bien non.

M. BRETON: Oui si je vends pour X montant dans les deux fermes. Disons que je vends...

M. VINCENT: Non, ne le dites pas.

M. BRETON: ... pour X dollars et que je réponds aux normes. La question du pourcentage, nous avons lancé l'idée et, comme tout le monde le dit, c'est à peu près le point le plus difficile à définir.

M. VINCENT: C'est parce que dans votre mémoire vous parlez de 75 p.c. Dans d'autres mémoires, l'UCC parle de 50 p.c. plus un; le député de Sainte-Marie a parlé de 50 p.c.

M. BRETON: Non, non. Nous ne parlons pas des 50 p.c, nous.

M. VINCENT: Non, vous parlez de 75 p.c.

M. BRETON: Pour l'accréditation à la fin, ce n'est pas pareil.

M. VINCENT: Non, mais, quand vous parlez du référendum, vous dites: "Un verdict à majorité absolue, valable uniquement si 75 p.c. des producteurs intéressés se prévalent de leur droit de vote".

M. BRETON: Oui.

M. VINCENT: Bon. Depuis le début, nous avons des mémoires qui nous parlent de 50 p.c; d'autres de 75 p.c; d'autres de 60 p.c.

M. BRETON: Non, non. Ce n'est pas cela.

M. GIASSON: 75 p.c. de ceux qui se prévalent de leur droit de vote...

M. BRETON: C'est cela.

M. GIASSON: ... tandis qu'on prendrait 51 p.c. de tous les producteurs.

M. BRETON: Oui, ce n'est pas pareil.

M. VINCENT: D'accord, M. le Président, "75 p.c. des producteurs intéressés se prévalant de leur droit de vote."

M. BRETON: C'est cela.

M. VINCENT: Mais, pour avoir 75 p.c. des producteurs intéressés, il faut avoir quand même une liste.

M. BRETON: C'est cela.

M. VINCENT: Si on prend une liste de 80,000 producteurs, 75 p.c. de 80,000, ce n'est pas la même chose que si l'on prenait 75 p.c. de 52,000 véritables agriculteurs. C'est pour cela que les pourcentages peuvent varier.

M. BRETON: On fait une mise au point. Ce n'est pas pour tous les groupements. On dit: Etant donné que vous avez différents groupes d'associations et qu'il y en a qui ne sont pas membres de l'UCC et qui sont obligés de payer quand même, comme ils ont un autre syndicat, ils sont obligés de payer deux fois. C'est complètement en dehors de la philosophie actuelle.

Nous avons mis 75 p.c. pour une question philosophique plus qu'autre chose. C'est pour frapper davantage. Il y a le type qui n'est pas membre d'un syndicat, qui serait affilié à l'association accréditée; l'autre, qui est membre d'un syndicat et qui tient à en faire partie, nécessairement, comme membre de son syndicat, devra payer une autre cotisation.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Est-ce que

vous me permettez une autre question dans le même ordre d'idée?

M. LE PRESIDENT: Oui.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Le référendum, tel qu'on le préconise actuellement, demande que 60 p.c. des producteurs votent. Vous, vous demandez 75 p.c. Vous augmentez le pourcentage de 15 p.c. Si 75 p.c. des producteurs votent et si la moitié de ces 75 p.c. se prononcent pour, ils ont l'accréditation, ce qui voudrait dire que 37 p.c. ou 38 p.c. des producteurs pourraient décider de l'accréditation.

Si l'on parle de la formule 50 p.c. plus un, cela prend la majorité absolue de tous les producteurs. Seriez-vous en faveur d'une formule comme celle des cartes d'adhésion qui demanderaient 50 p.c. des producteurs plus un?

M. BRETON: Justement, qui va définir ces 50 p.c? Oui, si vous avez une carte contrôlée, pas par l'association accréditée, mais par la régie ou par le gouvernement, je serais...

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Parce que suivant votre formule, seulement 37 p.c. décideraient et suivant la formule des cartes d'adhésion, cela prendrait la moitié pour décider. Je pense que si vous êtes pour 75 p. c, vous seriez probablement d'accord pour que 50 p.c. signent les cartes.

M. BRETON: Oui, c'est mieux.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): A la page 4 de votre mémoire, vous dites: "Cette loi devrait plutôt prévoir effectivement..."J'en passe pour ne pas perdre de temps. "Plusieurs verraient certainement dans la concurrence, ou simplement dans l'émulation qui existerait entre elles, l'assurance de meilleurs services". Vous parlez de plusieurs associations qui pourraient être accréditées. C'est justement le cas. Il n'y a rien de prévu dans la loi qui donne l'exclusivité à l'UCC. Actuellement, c'est la seule, mais cela ne veut pas dire qu'une fois que le projet de loi 64 sera en vigueur une autre association ne pourra pas demander l'accréditation.

M. BRETON: Comme M. Roy l'a laissé entendre tantôt, si vous prenez la définition du mot association, actuellement seule l'UCC peut répondre aux exigences de la définition. Demain matin, même si j'avais le plus beau syndicat à l'échelle provinciale dans le porc et que je couvrais 99.9 p.c. de tous les producteurs de porc, je serais dans l'impossibilité d'agir parce que je ne suis pas une fédération qui groupe toutes les autres disciplines. La loi dit bien qu'il faut prendre le syndicat, le syndicat spécialisé, les fédérations ou les fédérations spécialisées. L'association accréditée, c'est l'association reconnue par la régie comme association représentant l'ensemble des producteurs.

Alors, j'aurais le plus beau syndicat de porc qui serait structuré "au coton"... Prenez la preuve dans le lait, à l'heure actuelle, le lait nature. Ce n'est pas un exemple parfait, mais tout de même... Alors, même s'ils s'opposaient à 99.9 p.c. à la formule, c'est inutile, ça va passer pareil.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Pour bien concrétiser, M. Breton, on suppose que le projet de loi 64 est adopté, que l'UCC est accréditée et devient la Fédération des producteurs agricoles du Québec. Deux individus forment une association qui veut représenter les producteurs agricoles du Québec; ils font une campagne de recrutement, prennent la majorité, demandent l'accréditation et la Régie des marchés agricoles est obligée de la leur donner, suivant la loi. Cela ne donne pas l'exclusivité à l'UCC.

M. BRETON: C'est rêver en couleurs!

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Non, pas du tout. J'ai vécu vingt ans dans le syndicalisme et cela se voit tous les ans. Je ne rêve pas en couleurs du tout, c'est de la télévision en blanc et noir, monsieur. J'ai vu dans des secteurs un syndicat qui se pensait exclusif et le seul capable de représenter tel groupe d'employés et, au bout de deux ans, c'était un autre qui l'avait emplacé.

M. BRETON: Pour autant que ça reste dans une discipline quelconque, ça va très bien. Mais quand il faut prendre tout l'ensemble des disciplines agricoles, ce n'est plus pareil.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Bien oui.

M. TOUPIN: M. le Président, j'aimerais apporter une précision, si vous me le permettez, sur le problème soulevé. Vous avez apporté tantôt l'exemple du lait industriel ou de la Fédération des producteurs de lait industriel qui groupe peut-être la très grande majorité des agriculteurs du Québec. Il m'apparaît bien évident, dans mon esprit, que si, par exemple, la Fédération des producteurs de lait du Québec se désolidarisait de l'association accréditée, elle aurait toutes les raisons au monde de demander à la régie de désaccréditer l'association accréditée. Il n'y a pas de doute là-dessus dans notre esprit.

C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas lié à ce point les fédérations spécialisées. Elles peuvent s'affilier à l'association accréditée mais elles peuvent aussi ne pas s'affilier et, une fois affiliée, elles peuvent se désaffilier et elles peuvent aussi, avec tous leurs membres, avec le grand nombre de membres que les fédérations spécialisées ont, demander à la régie de désaccréditer l'association accréditée. Et elles peuvent, en même temps, si elles le désirent, chercher l'appui et l'accord de toutes les autres fédérations spécialisées pour pouvoir obtenir

une accréditation pour représenter l'ensemble des agriculteurs du Québec, tel que le veut le projet de loi.

M. BRETON: Vous arrivez un peu comme tantôt le député...

M. TOUPIN: C'est la raison pour laquelle je ne pense pas qu'on puisse soutenir que les fédérations spécialisées en vertu de cette loi perdent des droits et perdent des pouvoirs; au contraire on les précise, on leur donne l'occasion, si elles le veulent, de contester l'association accréditée.

M. BRETON: Justement, M. le ministre, actuellement un des arguments de l'UCC était qu'elle trouvait très lourd le mécanisme d'accréditation et elle est très bien structurée pour prendre la place parce qu'elle est sûre de ne pas avoir d'opposition si ça passe. Comment se fait-il qu'elle ne soit pas trop intéressée? Elle est même contre le fait de demander un soixante plus un autre petit cinquante; ça fait du trente. Elle veut quasiment avoir juste... Quand même 50 p. c. se prévaudraient de leur vote, sur 50, si la moitié vote, ça ne fait pas épais sur la côte. Elle aurait l'accréditation. Mais elle trouve que c'est très lourd, c'est un de ses arguments, que c'est très lourd comme mécanisme d'opération pour se faire accréditer. Comment voulez-vous qu'une autre association qui n'a pas le personnel voulu puisse lutter contre une qui est en place? C'est rêver en couleurs pour au moins dix ans à venir. Actuellement, c'est l'argument de l'UCC.

M. TOUPIN: Oui, je suis bien d'accord avec vous qu'il peut y avoir des arguments de part et d'autre, mais ce que je soutiens, c'est que le projet de loi actuel prévoit qu'il est possible à une fédération spécialisée de se désaffilier de l'association accréditée et par conséquent, si elle le désire, le même projet de loi prévoit qu'elle peut influencer ou demander à la régie la tenue d'un référendum pour vérifier d'abord la représentativité de l'association accréditée et elle peut, après, si elle le désire et en conformité avec la loi, demander une accréditation.

Je ne vois dans les propos que vous tenez absolument rien qui milite en faveur du fait qu'une fédération spécialisée se trouve dans ce projet de loi liée à ce point.

M. BRETON: Mais il reste un fait, dans la pratique; c'est que tout dépend du bon vouloir de la Régie des marchés agricoles pour savoir si celle qui est accréditée répond ou ne répond pas aux normes du pourcentage; il ne faut pas oublier ça. Quand même j'arriverais devant la régie et je dirais: Hey! les gars, mon groupe! Si la régie décide, je ne peux pas obliger la régie à demander un référendum si elle constate que mes arguments ne sont pas bons. On en a une preuve actuellement. Pour tout plan conjoint qu'on veut faire voter, il faut avoir l'approbation de la régie: On appelle ça la recevabilité. S'il est reçu, par la régie, aucun groupe ne peut venir après pour le mettre en concurrence. Il faut que le premier qui est reçu se rende jusqu'au bout.

Regardez le mécanisme de la régie actuellement. Je n'en veux à personne, ce sont les faits. Il n'y a pas longtemps — l'histoire est là — un plan a été refusé par les producteurs. Le lendemain matin à neuf heures, pas trois ans après, un autre projet était déjà cuisiné et a été présenté à la régie. Même si j'avais eu une belle organisation de producteurs, j'aurais voulu aller dire à la régie: Voulez-vous accepter mon plan? C'est malheureux, on en a un, il faut l'étudier; après le vote, s'il est refusé, tu pourras revenir encore.

M. TOUPIN: Dans la Loi de la mise en marché, à moins que ma mémoire ne fasse défaut, je pense que dix producteurs peuvent demander à la régie de les recevoir pour fin d'acceptation d'un projet de plan conjoint et la régie, si elle le juge à propos, peut décréter un référendum sur ledit projet.

M. BRETON: Supposons, M. le ministre, un projet dont les producteurs intéressés viennent de rejeter la formule. Le lendemain matin, le même groupe, la même organisation retourne à la régie en prenant un autre projet quasiment de même structure, avec quelques mots différents. Là, il faut attendre, je ne peux même pas, moi, me tourner de bord et dire: Voulez-vous changer ma formule? Il faut attendre encore le processus.

M. TOUPIN: Je suis bien d'accord, il y a un processus d'établi à ce niveau dans la Loi de mise en marché, que vous connaissez, d'ailleurs, tout aussi bien que moi puisque vous avez participé à plusieurs audiences publiques. Jamais la régie, à ma connaissance, n'a osé mettre au vote du référendum un projet de plans conjoints sans qu'elle ait tenu des audiences publiques pour entendre les parties. Si le référendum a pour résultat le refus du projet de plans conjoints, il y a des raisons, il y a des causes. Evidemment, on peut en mettre plusieurs de l'avant mais il reste qu'il y a des causes et peut-être qu'une des causes c'est que le projet de plans conjoints préparé ne correspond pas à leurs besoins. Cela peut être une des causes. Je ne sais pas quel motif amène un producteur à voter pour ou contre un projet de plans conjoints.

M. BRETON: Vous ne pensez pas, M. le Ministre, qu'en audience publique, il serait beaucoup plus valable, pour tous les producteurs dans la discipline intéressée, d'avoir le choix de s'exprimer sur différentes formalités?

Je sais bien que cela a été le cas; je me suis présenté plusieurs fois...

M. TOUPIN: Lors d'audiences publiques des meuniers, je pense, vous pouvez, si vous le désirez, apporter des projets d'amendements au projet de plans conjoints qui est proposé par un groupe de producteurs. Vous pouvez discuter en audience publique des amendements apportés à un projet de plans conjoints présenté par un groupe de producteurs.

M. BRETON: On a un hommage à leur rendre, c'est que depuis quelque temps ils sont beaucoup plus réceptifs aux modifications...

M. TOUPIN: Je ne pense pas; je pense que la régie a toujours reçu vos documents et a toujours écouté avec attention les revendications ou les représentations que vous y aviez faites.

M. VINCENT: Est-ce que la régie peut amender un plan conjoint d'office?

M. TOUPIN: Oui.

M. VINCENT: A ce moment-là la régie peut amender un plan conjoint. D'ailleurs, ç'a été fait récemment dans la région de Sherbrooke.

M. BRETON: Il y en a un qui ne va pas très bien actuellement; je ne sais s'il va être amendé.

M. BELAND: J'aurais une question à poser également. Disons que je cherche présentement le principe sur lequel vous vous basez pour être capable de vous retrouver à un moment donné à l'intérieur de notre atmosphère. A la page 7 de votre mémoire, lorsque vous parlez de majorité absolue valable, vous la reconnaissez au moment où il y a 75 p. c. des producteurs intéressés qui se prévalent du droit de vote. Comment expliquez-vous que, dans le moment, une très faible quantité de producteurs dans certaines productions produisent la très grande majorité d'un produit donné, avec lequel produit donné, vous, de l'Association des meuniers, pouvez vous tirer d'affaire parce que si, par exemple, vous ne faites pas d'argent avec le porc, vous en faites avec la moulée, alors que justement, je pense, que ce qui est recherché ici — j'émets une hypothèse —...

M. BRETON: D'accord, je l'admets.

M. BELAND: ... ce qui est recherché ici, c'est d'essayer de retrouver ou d'associer, de créer quelque chose qui protège l'ensemble des producteurs agricoles du Québec. Comment me situer à travers cela?

M. BRETON: Actuellement les productions sans sol sont dans une position assez précaire pour la très grande majorité. Cela veut dire que les membres de l'Association des meuniers du Québec ont à supporter d'énormes crédits parce que ceux qui ont fait des productions sont plus ou moins rentables et que de l'argent, ils n'en ont pas. Si les gars ont été assez intelligents pour travailler à forfait, ils ont un problème de moins; ils ont reçu tant par tête, peu importe que le produit fini se vende à perte ou non. Eux, au moins, ont pu vivre. Ils sont chanceux.

Dans le contexte actuel, pour montrer que notre association se rapproche du bill 64, j'ajoute que l'on veut qu'éventuellement toutes les questions de production sans sol, où présentement il y a intégration à très forte majorité, le gouvernement, par une loi quelconque, vienne un bon matin à faire un crédit à la production, de manière à ne pas laisser le producteur prendre tout le risque lui-même. Il ne pourrait pas dire:

C'est dommage, je produirais bien à mon compte dans l'élevage, si je fais de la pondeuse, du porc ou de la dinde à griller, n'importe quoi à mon compte mais je n'ai pas d'argent, donc je suis obligé de m'attacher à telle compagnie. C'est monnaie courante actuellement. Or, s'il y avait un crédit à la production, il pourrait prendre le risque en homme d'affaires. Si le gars est bien intelligent et s'il sent le marché, s'il sent cela venir, il pourrait faire l'argent que tout le monde prétend que nous faisons "à pochetée". Pour une fois, il y goûterait. Ce serait intéressant. Il verrait si c'est payant ou non. Il aurait un crédit à la production. Ce serait le gérant de banque qui lui passerait de l'argent. Or, pour la question de contingentement et de contrôle des producteurs, avec cette formule, vous donnez un bon coup de pouce au plan conjoint. Il n'aura pas le casse-tête de dire: On contingente ou on demande la permission de travailler, comme dans le poulet à griller, actuellement, à 80 p.c. Le gérant de banque devrait être là pour contingenter tout seul.

M. BELAND: Vous entremêlez présentement — je sais que vous en êtes conscient — la fameuse loi de reconnaissance de la profession ou du syndicalisme agricole — appelons-la ainsi — et la mise en marché, d'autre part.

M. BRETON: C'est parce que vous voulez savoir dans quel contexte nous étions.

M. BELAND: Il y a des interrelations. Mais moi, ce que je recherchg, c'est le principe sur lequel vous vous basez. Parce que justement, à ce moment-là, on dévie du problème. Si on parle de crédit à la production ou d'une plus grande facilité pour avoir du crédit à la production pour le petit producteur, je pense que c'est déplacer le verre, le prendre ici et le replacer là, un point.

M. BRETON: Non, justement.

M. BELAND: Parce que voici — si vous

voulez me laisser finir — le but est complètement dévié, à mon sens, et pour plusieurs raisons. Vous avez, à venir jusqu'à maintenant — je ne dis pas, en disant "vous avez", les meuniers du Québec; je ne dis pas cela — en somme... Je veux vous reposer une autre question. Je pense que cela éclairerait la chose, quitte à y répondre ou à ne pas y répondre. A venir jusqu'à maintenant, qui a contrôlé les prix à être accordés aux agriculteurs dans les différents produits?

M. BRETON: Le prix de vente?

M. BELAND: Le prix de vente du produit.

M. BRETON: Fini?

M. BELAND: Disons qu'à ce moment-là...

M. BRETON: Actuellement, des plans conjoints sont organisés par la Loi des marchés agricoles, avec les syndicats spécialisés et tout ce que vous voudrez. Or, ces gens ne sont pas le diable plus heureux que ceux qui n'ont pas de syndicats, qui sont indépendants. Moi, je trouverais qu'un des buts du syndicalisme, serait justement de faire pression, en tant que corps professionnel, pour arriver et dire: On veut un crédit à la production justement pour que ceux qui, parmi notre groupe, sont réellement efficaces, sont réellement des hommes d'affaires, pour que, s'ils n'ont pas d'argent pour fonctionner, ils puissent fonctionner à leurs risques. S'il y a une piastre à faire, ils vont la faire, eux. la piastre. Cela, c'est une revendication syndicale. Je leur concède cela.

M. BELAND: La formule du syndicalisme, à ce moment-là, vous la voyez dans ce domaine: voir à essayer de trouver la possibilité de faire avoir de plus grands crédits aux agriculteurs.

M. BRETON: C'est une des possibilités. Il y en a d'autes. Il y a bien d'autres facteurs. Il y a celui des rencontres entre les intermédiaires. Quand arrive la mise en marché, si le syndicat professionnel est très bien structuré, l'impact sera beaucoup plus intéressant dans les négociations que s'il n'arrive qu'une dizaine de producteurs non syndiqués, indépendants l'un de l'autre, pour négocier le prix de leurs produits. C'est une revendication. C'est là le rôle de leur syndicat professionnel. Nous leur concédons cela. Ils ont droit à cela. C'est pourquoi nous disons que nous ne nous opposons pas du tout à la formule du syndicalisme agricole.

Nous sommes là, nous vivons la chose. Nous les remplaçons sur bien des points parce que depuis une couple d'années cela a été très mauvais au point de vue du marché. Ce n'est la faute de personne. Le porc, il y aurait toute une histoire à faire là-dessus. Si le prix est si bas, il y a toute une série de facteurs. Tout d'abord, il y a le grain de l'Ouest qui est venu nous inonder.

Il y a un paquet d'affaires. Il a été converti en chair à bétail, en aliment comme on dit. Il y a tout un paquet de facteurs. Il y a les Etats-Unis qui sont en surproduction. Cela n'a aucun rapport car ce n'est pas nous qui contrôlons les prix. Nous n'avons aucun contrôle sur les prix de vente.

M. GIASSON: M. Breton, reconnaissez-vous pour le moins que l'organisation du plan conjoint dans la production de la volaille au Québec a contribué dans une certaine mesure ou dans une mesure assez large au rétablissement des prix, lorsqu'on a connu la situation qui a prévalu dans les derniers mois de 1970 et au début de 1971?

Attribuez-vous cette amélioration de la situation des prix pour le poulet à griller — surtout plus de ce côté-là que pour le gros poulet — uniquement à un désir ou à une décision des abattoirs de créer artificiellement une augmentation de prix?

M. BRETON: Justement, là, vous avez un facteur historique qui entre en ligne de compte. Je ne veux blesser personne. Même, j'ai participé aux négociations et à l'étude des amendements et je dois rendre hommage aux membres du syndicat des producteurs de chair de volaille, qui ont été très compréhensifs. Le premier projet n'était pas tout à fait au goût de plusieurs. Ils l'ont amendé avec le consentement de la régie. Cela a bien marché sous ce rapport-là. Or, si les prix ont augmenté, n'oubliez pas que, dans le contexte historique, il y avait un voisin, qui s'appelle l'Ontario, qui en avait un plan conjoint du "poulet de gril", qui était contingenté. Or nous, du Québec, nous avions 25 p.c. à 28 p.c. de notre production qui allait inonder la région de l'Outaouais, en fin de compte, la région la plus payante dans le commerce du "poulet de gril". Les gars commençaient à en avoir soupé!

M. GIASSON: D'accord, j'admets tout ce que vous dites là, mais, s'il n'y avait pas eu de plan conjoint, avec une acceptation de contingentement de la production de la chair de poulet à griller et de poulet, vous pensez que les prix se seraient rétablis de la même façon, toujours en tenant compte du contexte ontarien?

M. BRETON: Non.

M. GIASSON: Comme ça, vous admettez que cela a été utile d'avoir un plan conjoint qui a établi un contingentement pour rétablir la situation du prix du poulet.

M. BRETON: Oui, parce que c'était le plan conjoint qui était le plus facile à faire. En effet, il y avait un contrôle et c'était un genre d'intégration à 90 p.c. C'était très facile. La journée où on a trouvé la formule qui plaisait

aux intégrateurs, cela a passé comme du beurre dans la poêle. On leur a prouvé qu'avec ça on satisfaisait aux caprices de nos voisins d'Ontario qui nous avaient menacés. D'ailleurs, on était rendu à $0.15, vous vous le rappelez, puis cela aurait encore baissé si on n'avait pas eu le plan conjoint.

M. GIASSON: C'est donc dire que l'existence d'un plan conjoint dans ce domaine-là a contribué à faire le bonheur des producteurs et, conséquemment, celui des meuniers parce que, le prix s'améliorant, vous avez plus de chances de recevoir le paiement des moulées et des ingrédients de nutrition que vous vendez. Cela fait le bonheur de tout le monde.

M. BRETON: Tout dépend de la formule qu'on emploie. Excusez.

M. LE PRESIDENT: On est en dehors de la discussion de la loi du syndicalisme agricole un peu. Or, le temps avance et nous devons entendre une autre délégation. Je vous demande donc de demeurer au moins dans le sujet: le syndicalisme.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): J'aurais, tout simplement, une observation à faire. Dans votre mémoire, vous citez un passage du mémoire de la Coopérative fédérée où l'on parle de l'inconvénient majeur du syndicalisme unique et tout ça. Je suis d'accord sur la fin de ce paragraphe, lorsque vous dites: "Nous n'avons aucunement l'intention de nous taire lorsque nous ne serons pas d'accord". Je suis d'accord sur ça, parce que le syndicalisme agricole, ce n'est pas l'UCC, ce n'est pas le président, ce n'est personne qui va faire son efficacité; ce sont les membres, c'est la solidarité. Quand les gens ne seront pas d'accord, ils le diront, c'est entendu. Dès que la loi va s'appliquer, il va y avoir des structures à l'intérieur du syndicat et les gens le diront s'ils ne sont pas d'accord.

M. BRETON: Justement, je me rappelle qu'en 1963, quand nous nous sommes présentés devant la même commission pour la fameuse Loi des marchés agricoles, les gens semblaient nous prendre pour d'autres. Là nous voulons justement, conjointement avec la Fédérée et mon ami Léonard Roy, nous solidariser parce que, dans notre conception des affaires ou du syndicalisme, nous trouvons qu'il va y en avoir, du désaccord, à brève échéance.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Nécessairement.

M. BRETON: On ne voudrait pas que, dans six mois, vous disiez: Ah! bien, pourquoi ne nous l'avez-vous pas dit dans le temps? On aurait fait peut-être des modifications. On vous avertit là.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je n'ai jamais vu d'assemblée tumultueuse comme l'assemblée syndicale des membres. Il va falloir que ce soit pareil chez vous.

M. BRETON: Ah! bon, c'est sûr, la démocratie. Merci.

M. LE PRESIDENT: Alors, messieurs, la période des questions est terminée. On va demander à M. Perreault, président du Conseil du patronat de Québec, de présenter son mémoire.

Conseil du patronat du Québec

M. PERRAULT: M. le Président, MM. les membres de la commission, nous voulons tout d'abord vous remercier de cette possibilité qui nous est offerte de vous transmettre ces notes et de l'attention que vous porterez au point de vue du Conseil du patronat du Québec sur le projet de loi no 64, Loi du syndicalisme agricole.

Comme vous le savez, le Conseil du patronat du Québec est une confédération des associations patronales québécoises. Il regroupe directement, ou indirectement par l'intermédiaire de ses fédérations affiliées, plus de 130 associations patronales.

Ces associations membres réunissent des entreprises industrielles, commerciales et de service qui emploient la plus grande partie de la main-d'oeuvre québécoise.

Le Conseil du patronat du Québec est donc intéressé par ce projet de loi à plus d'un titre.

Outre le fait, en effet, que ce projet de loi propose de donner des assises juridiques à une organisation professionnelle sectorielle qui est en contact constant avec plusieurs de ses associations affiliées, ce projet de loi met en cause des principes qui l'intéressent tant directement qu'indirectement.

Ainsi, le bill 64 concerne directement le Conseil du patronat parce qu'il propose un régime syndical tout à fait nouveau au Canada pour toute une classe de travailleurs de la société, les producteurs agricoles, d'autant que ces travailleurs s'apparentent beaucoup plus facilement à des entrepreneurs qu'à des salariés.

Les pouvoirs accordés à un organisme de l'Etat, en l'occurrence la Régie des marchés agricoles; les contraintes à l'économie de marché que viendrait peut-être sanctionner ce projet de loi; les obligations que posent aux acheteurs de produits agricoles non commercialisés certains articles de la loi sont autant de questions qui le concernent directement.

Le moins qu'on puisse dire d'autre part, c'est qu'indirectement l'homme d'affaires du Québec, en sa qualité de citoyen et de consommateur, est tout aussi concerné par ce projet de loi que tout autre groupe de la société.

C'est donc à ces divers titres que ces notes vous sont soumises, à votre demande, d'ailleurs.

Nous espérons qu'elles apporteront des éclairages nouveaux sur cette importante question soumise à votre attention.

Tout d'abord les principes généraux. Le secteur agricole au Québec, considérant son importance, même relative, dans la vie économique, mais surtout le nombre de travailleurs, agriculteurs-producteurs, qui y oeuvrent, nécessite une organisation professionnelle solide.

Que l'on appelle les divers éléments de cette organisation professionnelle les associations de producteurs, les syndicats ou autrement, il est tout à fait légitime de penser que, dans son ensemble, cette organisation professionnelle veuille se structurer véritablement, à tous ses paliers, afin de mieux promouvoir les intérêts légitimes de ses membres.

Dans ce secteur, comme dans tout autre secteur de la vie économique, le syndicalisme devient alors une forme identifiée de regroupement d'individus ou de groupes dont il ne saurait être question de contester de quelque façon la validité.

Afin, croyons-nous, de réaliser valablement cette promotion de l'organisation professionnelle ten ce secteur, organisation professionnelle structurée réclamée depuis longtemps par les principaux milieux concernés, le gouvernement du Québec a déposé à l'Assemblée nationale et soumis à l'attention des membres de cette commission le projet de loi 64, dit du syndicalisme agricole.

Ce projet de loi comporte, il va de soi, tout un ensemble de mécanismes et de règles propre à cadrer juridiquement cette organisation professionnelle. Il a été accueilli avec une satisfaction mitigée par les principaux milieux concernés.

Cette satisfaction, même mitigée, ne sous-tend pas nécessairement cependant que ce projet de loi réponde aux attentes des autres groupes de la société et qu'ils n'ont aucune question à poser à son égard.

Au contraire, ce projet de loi soulève plusieurs questions concernant d'autres personnes que les producteurs eux-mêmes.

Ces questions se réfèrent d'une part aux objectifs mêmes du projet de loi et d'autre part au contenu, principes et mécanismes, du projet de loi.

D'abord, quelle est la finalité du projet de loi 64? Pour être en mesure d'apprécier valablement ce projet de loi, il nous apparaît essentiel de répondre au départ à cette importante question.

S'il nous faut, en effet, apprécier ce projet de loi en regard d'une seule et unique finalité, soit la structuration légale de l'organisation professionnelle des producteurs du secteur agricole, et qu'il n'est d'aucune façon question de discuter certaines des fins que permettra de réaliser cette structuration, nous n'en discutons nullement le principe. Nous pouvons différer, et nous différons effectivement, d'opinion quant aux mécanismes à utiliser pour la réaliser, mais nous en appuyons pleinement le principe.

Nous ne croyons pas cependant que notre appréciation puisse se limiter au seul principe de la structuration elle-même. Les fins que permettront d'atteindre en effet cette structure professionnelle sont aussi, sinon plus, importantes que la structure elle-même.

Notre appréciation nous oblige donc à rechercher ces fins et à les analyser. L'article 19 du projet de loi précise clairement quelles sont ces fins. L'une d'elle, exprimée au paragraphe a) dudit article, est la suivante et je cite: "Promouvoir, défendre et développer les intérêts économiques, sociaux et moraux de ses membres et des producteurs et, à ces fins, agir de façon générale comme porte-parole des producteurs." En soi, c'est là un objectif tout à fait légitime et contre lequel, à priori, on ne saurait s'opposer, mais à une condition, cependant; la réalisation de cet objectif doit se faire selon les règles de l'économie de libre marché.

Malheureusement, cependant, tel n'est pas toujours le cas dans la question qui nous préoccupe actuellement. L'une des façons, en effet, qu'utilisent aujourd'hui certains offices de producteurs pour la promotion de leurs intérêts économiques est le plan conjoint à pouvoirs exclusifs pour la mise en marché de certains produits agricoles. Or, le moins que l'on puisse dire, c'est que ces plans conjoints sont fort discutables sur au moins deux plans, le plan juridique et le plan économique, et qu'il s'agit là de dimensions dont il est nécessaire de tenir compte dans l'étude de l'actuel projet de loi.

Plan juridique: Tous connaissent les discussions juridiques qui ont cours actuellement autour de la légalité des pouvoirs qui ont pu être accordés à certains offices de producteurs. Tant et aussi longtemps que la légalité incontestable des pouvoirs qui ont été accordés à certains offices de producteurs n'aura pas été absolument établie, serait-il sage pour le législateur d'édicter une loi favorisant l'usage de tels pouvoirs et donnant ouverture, du fait même et sous cet aspect, à des contestations légales ou à des actes pouvant éventuellement être qualifiés d'illégaux?

Ne serait-il pas préférable pour le législateur de revoir plutôt la Loi des marchés agricoles, qui donne naissance aux plans conjoints, comme processus préalable à l'adoption du projet de loi 64?

Plan économique: Il n'est pas utile de faire la démonstration évidente que les syndicats agri-cole,s ont, entre autres, une fonction économique bien précise: négocier et administrer des plans conjoints de mise en marché. Cette fonction leur est confirmée par la Loi des marchés agricoles et par les bills 15 et 16 de mai 1971 qui ont confié aux producteurs en ce domaine des pouvoirs étendus.

Par ces législations, qui se situent en marge de toute notre tradition juridique et en marge de toutes nos pratiques commerciales, les offices de producteurs ont été habilités, au mépris des équations de l'offre et de la demande, à

statuer sur des questions qui concernent tous les citoyens: les quantités offertes, les normes de qualité et les prix. Ils constituent au sens strict des monopoles économiques, en droit comme en fait, au détriment, d'une part, des consommateurs et, d'autre part, des producteurs les plus efficaces dans un régime de libre concurrence.

Une loi, tel le bill 64, qui viendrait renforcer encore ce régime serait une attitude difficilement acceptable à l'égard de toute la communauté québécoise. Les règles fondamentales du régime économique qui prévalent chez nous, au Québec, en Amérique du Nord, sont acceptées par l'ensemble de notre population et jamais un gouvernement n'a reçu de quelque façon le mandat de légiférer en marge de ces règles fondamentales.

Les objectifs du bill 64 doivent être inattaquables sur le plan juridique et conformes à notre économie de marché. Même si nous appuyons — nous le répétons — le principe d'une structure professionnelle cadrée juridiquement dans le secteur agricole, nous devons nous objecter à une telle structure si elle doit déboucher ou autrement confirmer des formules de mise en marché des produits agricoles incompatibles avec notre régime économique.

A cet égard, nous suggérons donc : a) que, pour éviter toute contestation des finalités susceptibles d'être réalisées par un syndicalisme agricole juridiquement reconnu, le législateur procède, préalablement à la sanction d'une loi sur le syndicalisme agricole, à une révision de la Loi des marchés agricoles; b) que l'on confie à un organisme autre que la Régie des marchés agricoles la responsabilité de l'application éventuelle de cette Loi du syndicalisme agricole. Il s'agit, évidemment, de créer un service d'accréditation semblable généralement à ce que l'on connaît dans le syndicalisme traditionnel. Cette deuxième recommandation nous apparaît aussi importante que la première.

En effet, en vertu de la Loi des marchés agricoles, la régie, en plus des pouvoirs et des attributions qui lui sont donnés pour fins de mise en marché des produits agricoles, s'est vu confier des fonctions spécifiques qui sont énumérées à l'article 9 de la loi.

En analysant et en acceptant pour le moment toutes les responsabilités additionnelles confiées à la Régie des marchés agricoles par le projet de loi 64, il nous apparaît que la mission de celle-ci ne pourra plus être la même.

Considérant en effet tous les pouvoirs nouveaux accordés à la régie, pouvoirs au plan des accréditations, des référendums, de la révocation d'accréditation, pouvoirs contenus aux articles 43 à 51 du projet de loi, comment la régie pourra-t-elle poursuivre sa véritable mission établie à l'article 9 de la Loi des marchés agricoles?

Comment surtout pourra-t-elle réaliser les objectifs prévus au paragraphe d) de ce même article? Comment pourra-t-elle collaborer avec les producteurs dans sa fonction spécifique de mise en marché; comment pourra-t-elle agir comme agent de liaison entre ces producteurs et les autres agents de la vie économique, alors qu'elle détiendrait, en vertu du projet de loi 64, un pouvoir véritable de juge sur son principal partenaire?

Veut-on sérieusement lui confier ce rôle de Léviathan administratif qui tiendrait d'une main le pouvoir d'accréditation et de l'autre le pouvoir réglementaire?

Aussi, pour bien distinguer deux choses, la mise en marché et le syndicalisme agricole, nous recommandons de concevoir la création, au sein du ministère de l'Agriculture, d'un véritable service du droit d'association, indépendant de la Régie des marchés agricoles et susceptible d'assumer les responsabilités dévolues à celle-ci par le projet de loi 64.

L'application de cette recommandation aurait aussi l'avantage, croyons-nous, — la confusion entre le syndicalisme et la mise en marché étant clarifiée — de préciser le rôle que devrait jouer la Régie des marchés agricoles dans ce qui devrait être sa mission véritable: stimuler l'organisation industrielle et commerciale de la mise en marché; la planification de la production; la transformation de nos denrées agricoles; l'élaboration des normes de la stratégie de la commercialisation, de l'empaquetage, de la publicité, de la recherche de nouveaux produits, de la mise en place des réseaux de distribution, de l'organisation de la vente à l'extérieur de la province, et le reste.

Le contenu même du projet de loi: Compte tenu de nos commentaires et recommandations précédentes, nous aimerions maintenant commenter certains aspects du projet de loi lui-même, tel qu'actuellement rédigé.

Nous ne reviendrons pas sur le rôle confié par ce projet à la Régie des marchés agricoles. Nous avons déjà indiqué en effet qu'il nous apparaissait non justifié de confier à la régie les pouvoirs qu'on lui accorde dans le projet de loi 64, compte tenu de sa mission véritable.

L'accréditation d'une seule association: Le projet de loi 64 établit tout un mécanisme avec finalement un seul objectif: l'accréditation d'une association reconnue par la régie comme association représentative de l'ensemble des producteurs du Québec. Un tel concept d'accréditation syndicale est tout à fait nouveau. A notre connaissance, il n'existe nulle part au Canada d'application d'un tel concept; il n'y a rien de tel en tout cas au Québec.

Or, la nouveauté n'étant pas en soi une garantie absolue d'une valeur véritable, nous nous interrogeons sérieusement sur l'à-propos d'un tel concept qui vient structurer une association — confédération — par le sommet plutôt que par la base. Une telle philosophie, dans un contexte de décentralisation souhaité

et désiré par tous, incluant les partis politiques, étonne. Si l'on observe les structures des trois grandes centrales syndicales et patronales du Québec: la CSN, la FTQ et le Conseil du patronat, aucune d'entre elles n'offre de similitude avec le projet envisagé.

Ces trois centrales sont les émanations du désir voulu des membres de se confédérer au sommet mais sur une base tout à fait volontaire. Les membres de ces trois centrales se sont groupés en associations; ces mêmes associations se sont regroupées en fédérations et se sont finalement donné des structures confédératives.

Au niveau des deux grandes centrales syndicales, seuls les syndicats de base sont des syndicats accrédités; c'est d'ailleurs là la philosophie nord-américaine d'accréditation syndicale.

Nous croyons que ce principe devrait être respecté dans le présent projet de loi et que l'accréditation devrait être réservée aux organisations de base. Il appartiendra par la suite à ces associations de base de se donner les mécanismes confédératifs qu'elles jugeront appropriés. Dans ce dernier cas, il appartiendra aux divers paliers de la structure d'effectuer, chez les membres, les prélèvements qui seront compatibles avec le bon fonctionnement des structures librement consenties.

Pouvoirs de la régie: La Régie des marchés agricoles, ou le nouveau service que nous proposons pour remplacer la régie dans les cadres du projet de loi, se voit attribuer par ce projet de loi certains pouvoirs qui nous apparaissent excessifs. Nous estimons que le projet de loi constitue une intervention trop poussée de l'Etat dans certaines activités d'organismes d'intérêt public: associations, fédérations, syndicats, mais qui n'en demeure pas moins de facto des organismes à caractère privé.

Bien sûr, le syndicalisme agricole, comme le syndicalisme en général, doit fonctionner dans un cadre légal établi et surveillé par l'Etat dans le meilleur intérêt même des syndiqués et de la société. Mais ce contrôle doit être pondéré afin de ne pas substituer à un sysndicalisme de travailleurs une forme de syndicalisme opérant à partir d'un dirigisme absolu de certains fonctionnaires.

C'est dans cet esprit qu'il faudrait donc préciser le contenu notamment du paragraphe 2 de l'article 20 et rendre moins impératives les exigences actuelles de l'article 34.

Certaines notes maintenant, M. le Président et messieurs, sur des articles particuliers.

L'article 1. Le mot "producteur" est défini de façon beaucoup trop large et vague. Bien que nous n'ayons pas de suggestion précise de définition à vous soumettre, nous considérons cependant qu'on devrait identifier le producteur agricole en rapport avec une proportion à déterminer des revenus qu'il retire de la vente de ses produits agricoles. De toute façon, si le mot "producteur" n'est pas mieux défini, il nous apparaît qu'il sera à peu près impossible de dresser quelque liste de producteurs que ce soit dans l'application de ce projet de loi, qu'il soit modifié ou non.

L'article 2. Un producteur devrait être libre d'adhérer ou de ne pas adhérer à un syndicat de son choix. La loi ne précise actuellement que son droit d'appartenir à un syndicat de son choix. Il est étonnant de constater par contre, à l'article 4, que le syndicat, quant à lui, est libre d'adhérer ou de ne pas adhérer à une fédération.

L'article 14. Encore une fois, voici un article qui introduit un principe tout à fait nouveau dans le syndicalisme nord-américain. Cet article consacre en effet que tout référendum d'accréditation sera valable même si seulement 60 p.c. des producteurs se seront prévalus de leur droit de vote. C'est donc dire, à la lumière de l'article 15, que 30 p.c. seulement des producteurs décideront d'une accréditation engageant tous les producteurs.

Nous sommes prêts à admettre les difficultés inhérentes à un vote de l'ensemble des producteurs pour fin d'accréditation. Notre proposition d'accréditation des organisations de base éliminerait le problème. Mais cette difficulté n'est pas inhérente au seul secteur agricole, c'est une difficulté à laquelle font face tous les syndicats industriels et commerciaux. Il n'existe donc aucune justification précise de privilégier ici un organisme syndical particulier.

Si d'une part le monopole de représentation est admis, comme le confirme l'article 8, le moins que l'on puisse demander c'est de prévoir, comme dans le cas du code du travail, un vote de l'ensemble des producteurs éventuellement soumis au régime général d'accréditation.

Dans le secteur agricole, comme dans tout autre secteur, il nous apparaît que le principe de la représentation syndicale ne peut être valable que si l'organisme ayant acquis les pouvoirs de parler au nom d'un groupe représente vraiment la majorité absolue des personnes qui composent ce groupe.

Articles 15 et 16. Tout comme pour l'accréditation, la règle de la majorité de l'ensemble des producteurs devrait s'appliquer lorsqu'il est question de la retenue syndicale obligatoire. Il s'agit également là d'une règle d'application à peu près générale en Amérique du Nord. Il ne s'agit pas de contester d'aucune façon ici le principe de la retenue syndicale obligatoire. C'est un principe déjà largement accepté dans les secteurs industriels et commerciaux. Mais dans tous les cas cependant où une telle retenue syndicale obligatoire existe dans ces secteurs, l'association accréditée a déjà fait la preuve qu'elle a la confiance de la majorité de ses mandants et fait l'acquisition de cette retenue syndicale obligatoire par le mode traditionnel de la négociation.

Article 20. Cet article exige que l'on prévoie beaucoup plus en détail le mécanisme du processus de révocation d'une accréditation. Sinon, il devient totalement inacceptable,

compte tenu des pouvoirs de réglementation très prononcés accordés à la régie dans la section Il du projet de loi.

Articles 30, 31, 32 et 33. Ces articles incorporent des principes qui nous apparaissent encore ici tout à fait nouveaux. En vertu de quel principe en effet les fédérations et syndicats spécialisés seraient-ils tenus de contribuer aux dépenses de l'association lorsqu'ils ne sont pas affiliés? Tous les producteurs ne seront-ils pas tenus déjà, dans l'hypothèse d'une formule Rand agréée à la majorité, de payer des cotisations à l'association accréditée?

Quelle est la commune mesure de cette obligation avec l'article 33, qui n'oblige nullement l'association accréditée à verser des quotes-parts de cotisation aux non-affiliés?

Il s'agit ici en l'espèce d'une genre de formule Rand appliquée aux fédérations et aux syndicats à l'égard de la confédération. Nous nous expliquons mal une telle formule. Lorsqu'il s'agit, en effet, de justifier la contribution syndicale obligatoire à l'égard des membres non affiliés à une association, on invoque toujours le fait que l'organisme mandaté pour prélever des cotisations s'engage financièrement à leur égard. C'est l'argumentation syndicale traditionnelle. Cet argument ne tient d'aucune façon ici, puisque la loi elle-même confirme la non-obligation pour l'association accréditée de s'engager financièrement à l'égard des fédérations ou fédérations spécialisées non affiliées.

Article 39. Cet article 39 établit des contraintes pour les acheteurs commerciaux en regard de l'achat de produits agricoles non commercialisés.

Plus précisément, à la demande de l'association accréditée, cet acheteur commercial sera obligé de retenir, à même le prix ou la valeur du produit qui sera versé au producteur, le montant de la cotisation fixé conformément à l'article 31 de la loi et de le remettre à l'association accréditée.

Cette clause de la loi est non seulement excessive, non justifiée, mais également la source possible de maints ennuis administratifs.

Des pénalités allant de $500 à $1,000 pourrant être imposées à ces acheteurs et à leurs représentants qui ne collaboreront pas à ces revenus.

Est-ce à dire que tous les acheteurs industriels et commerciaux du Québec doivent être enrôlés dans un vaste mouvement d'appui au financement d'une centrale syndicale québécoise?

En conclusion, M. le Président, messieurs les membres de la commission, vous avez devant vous à étudier un projet de loi dont les répercussions peuvent être très importantes pour l'économie du Québec. Il structure d'autre part des mécanismes inspirés d'une philosophie tout à fait nouvelle dans le domaine syndical et dont les effets d'entraînement éventuels pourraient s'avérer également très importants.

Nous espérons que, dans l'intérêt de tous les groupes concernés, les producteurs agricoles bien sûr, mais également les consommateurs et les autres groupes de la population, ce projet de loi sera étudié en tenant compte de tous les éclairages qui s'imposent. Merci, M. le Président, merci, messieurs.

J'aurais peut-être dû, avant de lire mon mémoire, vous présenter mes collaborateurs qui sont ici et qui seront disponibles pour m'aider, profane que je suis, à répondre à toutes les questions: Ghislain Dufour, directeur général du Conseil du patronat, et Roger Bédard, économiste au conseil, qui m'aideront à répondre aux questions que vous voudrez bien nous poser.

M. LE PRESIDENT: Merci M. Perreault. Le député de Nicolet a une question à vous poser.

M. VINCENT: M. le Président, j'aimerais poser la question suivante à M. Perreault. Nous avons présentement au Québec un comité qui prépare une refonte complète de la Loi des marchés agricoles. Est-ce que votre organisme a été invité à présenter un mémoire à ce comité? Je dois dire que votre mémoire, à son début, lorsqu'il parle de la mise en marché, contient réellement des points importants qui, à mon sens, si ce n'est déjà fait, devraient être transmis immédiatement au comité chargé de la refonte de la loi de mise en marché. Est-ce que c'est déjà fait?

M. PERREAULT: Le mémoire est en préparation. Nous avons effectivement été invités et nous déposerons devant le comité nos vues sur la refonte de la loi, tel que demandé.

M. VINCENT: M. le Président, comme on peut le constater, c'est bien l'intention du gouvernement de procéder à la sanction d'une loi sur le syndicalisme agricole avant de procéder à la révision de la Loi des marchés agricoles. Nous avons eu en première lecture le dépôt du bill 64. Je ne sais pas si le ministre peut confirmer les propos qui ont été tenus cet avant-midi ou cet après-midi, que peut-être à l'automne nous aurions également un projet de loi de refonte de la Loi des marchés agricoles. Est-ce que c'est possible que, dès la reprise de la session d'automne, nous ayons un tel projet de loi?

M. TOUPIN: Oui, M. le Président. A moins de problèmes techniques imprévisibles, il est dans nos projets, précisément, de porter à l'attention de l'Assemblée nationale des amendements à la loi de mise en marché. Le comité doit nous remettre son rapport, je pense, avant le 15 novembre.

M. VINCENT: Ah! bon.

M. TOUPIN: A ce moment-là, évidemment, nous étudierons et nous verrons...

M. VINCENT: Donc, il s'agirait, pour votre organisme, de présenter son mémoire le plus tôt possible au comité qui doit remettre son rapport avant le 15 novembre. Si nous avons l'assurance du ministre qu'on procédera à une révision de la Loi des marchés agricoles, je pense bien que cela répond, en partie du moins, à la première partie de votre mémoire.

M. PERRAULT: Ce n'est pas nous, M. le député, qui allons retarder les choses. La semaine prochaine, nous devrions déposer notre mémoire devant le comité.

M. VINCENT: D'accord. Vous avez soulevé des points très intéressants.

Deuxième question. Vous dites, je crois, que c'est quelque chose non pas de neuf mais formulé dans les termes que vous utilisez: "Que l'on confie à un organisme autre que la Régie des marchés agricoles la responsabilité de l'application éventuelle de cette loi du syndicalisme agricole". Je ne veux pas me prononcer sur le principe de cette suggestion mais, au premier abord, je crois que c'est sérieux et que ceci devrait être analysé par le ministère de l'Agriculture et de la Colonisation.

Advenant qu'il y ait une refonte de la Loi des marchés agricoles, je me demande si on ne devrait pas tenir compte de cette suggestion d'avoir un autre service au ministère qui ferait le travail qu'on désire confier à la Régie des marchés agricoles par le bill 64, et également peut-être d'autres travaux qu'on a confiés, dans le passé, à la Régie des marchés agricoles et qui "l'enfargeaient" quelque peu dans sa vocation naturelle qui lui a été donnée en 1962 ou 1963.

M. Perrault, ce n'était pas une question. C'était plutôt une observation. Je crois que le ministère de l'Agriculture devrait tenir compte de cette deuxième suggestion en travaillant à la refonte de la Loi des marchés agricoles et à ce projet de loi no 64. Peut-être que temporairement, c'est confié à la régie, mais advenant une refonte, qu'on dégage la régie de cette obligation de vérifier ou de tenir des référendums. Inutile de l'ajouter, ce n'est pas la fonction ou le rôle qu'on a conçu sous une régie des marchés agricoles, au Québec, quand la loi a été adoptée en 1963.

Pour le moment, je n'ai pas d'autres questions. Si M. Perrault a des commentaires à faire...

M. PERRAULT: Je voulais tout simplement ajouter, M. le député, que pour ceux qui ne sont pas du milieu agricole mais qui examinent le problème de l'extérieur, cette dualité de fonctions pour la Régie des marchés agricoles est absolument incompréhensible. On se figure mal comment la régie peut s'acquitter de deux tâches aussi différentes, chacune très importante mais très différente, et les conflits d'intérêts qui sont suscités par ces travaux. Nous ne les avons pas tous analysés mais ils sont là. Ce sont des difficultés de parcours qui surgiraient sûrement en cours de route.

M. VINCENT: La seule chose que je regrette, M. Perrault, c'est qu'à la page 8 de votre mémoire vous n'ayez pas lu pour le bénéfice de tout l'auditoire, des députés et des membres de la commission parlementaire, les quatre paragraphes décrivant le rôle effectivement dévolu à la Régie des marchés agricoles.

M. PERRAULT: J'essayais de sauver du temps, M. le député.

M. LE PRESIDENT: Le député de Beauce.

M. ROY (Beauce): M. le Président, j'aurais une question à poser à M. Perrault. J'en aurai peut-être une seconde ensuite. Dans votre mémoire, vous mentionnez que Vous acceptez le principe de la retenue syndicale obligatoire à la source. Par contre, à la page 16, lorsque vous parlez dé l'article 39 du projet de loi actuellement à l'étude, vous dites: "Cet article 39 établit des contraintes pour les acheteurs commerciaux eu égard à l'achat des produits agricoles non commercialisés." Vous allez plus loin, dans le cinquième paragraphe, en disant: "Est-ce à dire que tous les acheteurs industriels et commerciaux du Québec doivent être enrôlés dans un vaste mouvement d'appui au financement d'une centrale syndicale québécoise? " Ma question est la suivante: Comment voyez-vous la perception de la cotisation, si on admet le principe de la retenue à la source? Autrement dit, qui percevra cette cotisation et comment peut-on en faire la remise, selon vous?

M. PERRAULT: Il y a plusieurs façons de l'envisager. M. Ghislain Dufour va traiter de ce sujet.

M. DUFOUR: Je pense que pour répondre à M. le député, on ne peut pas isoler l'acceptation théorique de la formule Rand de l'ensemble de notre proposition.

Nous disons être d'accord sur le principe de la formule Rand, mais lorsque 50 p.c. des producteurs se sont prononcés favorablement pour un syndicat ou une union et qu'à ce moment-là ils sont d'accord pour la formule Rand, le producteur auquel vous référez n'est pas nécessairement membre d'un syndicat, parce qu'on dit bien qu'il s'agit d'un produit non commercialisé. L'article de la loi s'applique à un produit non commercialisé, donc à quelqu'un qui ne fait pas nécessairement partie d'un syndicat. Alors, l'acceptation théorique que vous retrouvez dans une partie du mémoire réfère au régime d'accréditation global structuré à partir d'une majorité de 50 p.c. des producteurs.

M. ROY (Beauce): En supposant que les acheteurs industriels font justement affaires

avec un syndicat accrédité, au sens où vous l'avez défini vous-mêmes, ils devront nécessairement se conformer aux exigences de l'entente qui a été convenue. Ils devront en quelque sorte percevoir les cotisations pour les remetrre à qui de droit. Dès lors, ils ne peuvent pas se soustraire à l'article 39?

M. DUFOUR: Non, c'est que vous acceptez le bill comme tel, ce que nous, nous refusons. Dans votre hypothèse, évidemment, vous concluez ce que vous concluez; nous, nous ne pouvons pas conclure ça parce que nous partons de la base des syndicats, des fédérations et d'une confédération. A ce moment-là, on revient à des unités et il est possible que certains produits impliquent que l'acheteur soit tenu de prélever à la source. Mais, s'il ne s'agit pas d'un membre de syndicat, par définition, la formule Rand ne s'appliquera pas.

M. ROY (Beauce): En prenant comme principe que votre mémoire serait accepté comme tel et que la loi serait amendée — parce que je ne veux pas tirer de conculsions; autrement dit, je veux avoir des explications pour en connaître le plus possible avant de prendre position — si vous négociez, par exemple, avec un syndicat et que l'acheteur industriel a le loisir d'acheter d'un producteur membre d'un syndicat ou d'un producteur non-membre d'un syndicat, qu'est-ce qui se produit à ce moment-là et comment peut-on contrôler la retenue syndicale à la source? Comment la percevriez-vous dans le cadre des recommandations que vous faites?

M. DUFOUR: Notre proposition actuelle, à l'article 39, se situe dans le cadre de la loi. Si la loi est reprise pour des accréditations locales, régionales, sectorielles, la question du producteur non membre se repose de façon tout à fait différente.

M. TOUPIN: M. le Président, vous dites que ça se pose d'une façon tout à fait différente, mais quelle est précisément la différence?

M. DUFOUR: Ecoutez, comparons avec une unité d'accréditation dans l'entreprise privée. Vous avez, à ce moment-là, une unité identifiée. Vous avez des gens qui ne font pas partie du syndicat. Or, parce qu'on a voté majoritairement pour un syndicat, on a négocié — je pense que le mot est important — une formule Rand. Ce n'est pas la loi qui l'a imposée; on l'a négociée. Si le régime du syndicalisme agricole réfère à une structure identique au secteur industriel, on aura cerné une unité d'accréditation, on aura cerné des conditions de travail incluant la négociation de cette formule Rand. Il est possible, à ce moment-là, que le producteur non membre soit impliqué dans le paiement d'une cotisation à l'association.

M. ROY (Beauce): Est-ce que vous admettez que ce sont justement les acheteurs industriels et commerciaux qui devront percevoir cette cotisation?

M. DUFOUR: Je m'excuse.

M. ROY (Beauce): A ce moment-là, il n'y a pas d'autre possibilité que celle où les acheteurs industriels et commerciaux perçoivent effectivement la cotisation, dans un syndicat accrédité.

M. DUFOUR: Bien oui.

M. ROY (Beauce): Supposons qu'ils font affaires avec des membres de syndicats accrédités. Prenons, par exemple, le Syndicat des producteurs de volailles. Il y a des acheteurs industriels et commerciaux. Alors, s'il y a une accréditation, parce que vous admettez le principe de la formule Rand, il va nécessairement y avoir une retenue à la source à quelque part. Or, vous semblez déplorer dans votre mémoire que ce soient les acheteurs industriels et commerciaux qui doivent être enrôlés pour percevoir cette cotisation.

M. DUFOUR: C'est le contexte de la loi.

M. ROY (Beauce): Dans le contexte que vous proposez, vous, qui s'occuperait de percevoir cette cotisation?

M. DUFOUR: Ce sera l'objet de la négociation.

Un syndicat rencontrera un groupe de producteurs pour négocier certaines conditions, cette condition de travail, la formule Rand, faisant partie des conditions normales que l'on négocie. S'il y a entente au niveau local ou au niveau régional, peu importe, cela deviendra possiblement une condition de travail impliquant la possibilité pour l'entrepreneur assujetti d'aller chercher cette cotisation syndicale même chez un producteur non-membre du syndicat accrédité.

M. ROY (Beauce): En somme, si je comprends bien, ce que vous semblez recommander, c'est qu'il y ait négociation entre chaque syndicat avec chaque groupe d'acheteurs industriels et commerciaux pour que le même problème se répète alternativement. Je vais prendre le cas, par exemple, d'un producteur agricole. Quand on parle des agriculteurs professionnels, ils oeuvrent dans plusieurs secteurs. Par exemple, ils vont produire du lait, ils vont produire de la volaille, ils vont produire du bois ou des produits de l'érable. Cela veut dire que, chaque fois que l'agriculteur sera dans un domaine spécifique de production et qu'il aura un produit à mettre sur le marché, si on accepte ce que vous avez proposé, il sera obligé de revenir et de négocier avec les acheteurs industriels.

M. DUFOUR: C'est votre conclusion; ce n'est pas la mienne.

M. ROY (Beauce): Ce n'est pas une conclusion; je vous pose la question.

M. DUFOUR: Votre producteur de volailles ou de porcs ou d'oeufs — on n'en a pas parlé beaucoup des oeufs — à ce moment-là, fera partie d'un syndicat et il négociera avec les entrepreneurs des conditions qui s'appliqueront pour sa partie de production.

M. ROY (Beauce): A chaque fois?

M. DUFOUR: Il ne faudrait pas me demander de rédiger une loi, mais je pense qu'il faudrait que ce principe s'applique partout, compte tenu d'un certain maximum. Il faut faire la distinction, je pense, entre cotisation et contribution. La cotisation, évidemment, dans la loi, c'est $15; la contribution, c'est l'appartenance au syndicat, à la fédération etc. Alors, compte tenu de ces différentes situations, vous aurez des ententes qui pourront être différentes.

M. ROY (Beauce): Je ne tire pas de conclusion, mais je vous pose encore une question pour pouvoir comprendre davantage: Combien cela peut-il prendre de temps avant que les agriculteurs puissent, justement, passer par tous ces canaux qu'on semble proposer dans votre mémoire pour pouvoir en venir à être en mesure de faire une négociation véritable?

M. DUFOUR: Il existe déjà beaucoup de syndicats de producteurs, d'unions de producteurs, de fédérations de producteurs.

M. ROY (Beauce): Pensez-vous sincèrement — disons que je vous demande plutôt une opinion...

M. DUFOUR: Sincèrement, sûrement!

M. ROY (Beauce): ... — que les agriculteurs du Québec vont avoir la patience d'attendre tout ça?

M. DUFOUR: Les agriculteurs du Québec, en fait, sont placés devant le même problème qu'ont connu les autres travailleurs industriels et de commerce. Vous avez connu au Québec l'expérience de la CSN ou de la FTQ qui se sont structurées au fur et à mesure des années et qui sont devenues deux centrales syndicales très puissantes, mais à partir de l'émanation des désirs de la base. A ce moment-ci, c'est le même phénomène. Je ne connais pas assez le secteur de l'agriculture pour répondre précisément si les gars seraient assez heureux du syndicalisme pour s'embrigader tous demain, mais je pense que c'est le jeu de la démocratie, tout simplement, qui va jouer.

M. ROY (Beauce): Je pense que le problème se pose un peu différemment dans l'agriculture.

Par exemple, lorsqu'un ouvrier travaille dans le domaine du textile, il négocie une fois son salaire ou ses revenus avec son industrie. Mais, dans le cas de l'agriculture, vous avez des agriculteurs qui produisent différentes spécialités agricoles et cela fait partie d'un ensemble.

M. DUFOUR: Mais vous pouvez prendre l'inverse, celui qui n'a qu'un produit.

M. ROY (Beauce): Mais, en majorité, disons que les agriculteurs ne sont pas limités à un seul produit de ferme.

M. DUFOUR: Non.

M. ROY (Beauce): Je pense que c'est connu et généralement admis par tout le monde. A la page 12 de votre mémoire, au deuxième paragraphe vous avez mentionné: "Nous estimons que le projet de loi No 64 constitue une intervention trop poussée de l'Etat dans certaines activités d'organismes d'intérêt public (associations, fédérations, syndicats) mais qui n'en demeurent pas moins de facto des organismes à caractère privé." J'aimerais que vous me donniez un peu plus d'explications sur ce paragraphe.

M. DUFOUR: Encore là, c'est une philosophie globale, l'approche globale que nous avons du syndicalisme agricole. Pour nous, quand on dit que cela constitue une intervention trop poussée de l'Etat, on réfère précisément à l'article 34. C'est l'article qui prévoit que tous les règlements adoptés en vertu de l'article 31 doivent être approuvés par la régie et entrent en vigueur à la date de sa publication, etc.

On ne dit pas "doivent être ratifiés" on dit "doivent être approuvés par la régie". Supposons un syndicat qui vraiment, pour faire un bon travail, a besoin d'une cotisation, j'imagine de $4 ou $5 par mois; elle présente sa recommandation à la régie et la régie doit l'approuver et non pas la ratifier. La régie, pour des raisons que je n'évalue pas pour l'instant, décide que c'est $3. Nous disons que le fonctionnement du syndicalisme ne doit pas être assujetti à ces règles-là et qu'il appartient à des hommes libres, des travailleurs, de décider des sommes qu'ils sont prêts à consacrer à leur organisation professionnelle.

Nous raisonnons à ce moment-là vis-à-vis du syndicalisme exactement comme nous raisonnons vis-à-vis de l'organisation patronale. Nous n'aimerions pas, nous, que l'Etat dise au Conseil du patronat: Dorénavant, vos cotisations seront de tant. Evidemment, nous comprenons qu'il faut certains contrôles. Je pense que la mesure est de tenter de prévoir certains excès. Nous disons que c'est alors trop poussé; nous considérons que c'est aux travailleurs, beaucoup plus qu'aux fonctionnaires, à décider de leur propre règlement de régie interne.

C'est un exemple. L'autre exemple est l'arti-

cle 20. Il en a été question tantôt. Le premier paragraphe va très bien. Le deuxième paragraphe: "la régie peut également... — on ne parle pas de notre service du droit d'accréditation, on parle de la régie — d'office, révoquer l'accréditation d'une association... — je passe — si elle contrevient à la présente loi ou à une ordonnance ou à un règlement adopté en vertu de cette loi ou à une décision pertinente de la régie." Au Conseil du patronat, vis-à-vis de ce genre de loi-cadre on réagit toujours négativement.

Qu'est-ce qu'un règlement éventuel? Qu'est-ce qu'une ordonnance éventuelle? Par pouvoirs trop prononcés, c'est un peu deux exemples qui viennent confirmer cela.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. Dufour? M. DUFOUR: Oui.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Vous disiez tantôt que la loi imposait la formule Rand. C'est cela que vous avez dit? Que de par la loi la formule Rand s'est imposée.

M. DUFOUR: Non.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Est-ce que j'ai bien compris? Non?

M. DUFOUR: Non. Nous disons dans notre mémoire que la loi prévoit un mécanisme permettant à l'UCC de décrocher la formule Rand.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Mais ce sont les membres qui vont décider. Que ce soit par référendum ou par carte d'adhésion, ils auront à se prononcer...

M. DUFOUR: D'accord.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): ... pour la cotisation obligatoire. C'est la même chose que dans le secteur industriel excepté que ce n'est pas par le même mécanisme.

M. DUFOUR : Nous ne nous opposons pas à la formule Rand si, d'une part, 50 p.c. des producteurs impliqués ont voté pour une accréditation et qu'aussi 50 p.c. plus 1 ont voté en faveur de la formule Rand.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Alors, le fait de faire signer des cartes d'adhésion, 50 p.c. plus 1, où les gens se prononceraient pour le syndicalisme et pour la cotisation vous conviendrait?

M. DUFOUR: Cela nous convient parfaitement dans notre hypothèse globale basée sur l'unité d'accréditation locale, régionale ou sectorielle.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Vous dites, dans le mémoire: "Dans le secteur agricole, comme dans tout autre secteur, il nous apparaît que le principe de la représentation syndicale ne peut être valable que si l'organisme ayant acquis le pouvoir de parler au nom d'un groupe représente vraiment la majorité absolue des personnes qui composent ce groupe". C'est entendu que la formule de carte d'adhésion représenterait la majorité. Vous seriez d'accord. Vous parliez aussi des pouvoirs de la Régie des marchés agricoles. Vous êtes d'accord pour dire que le projet de loi no 64, la Loi du syndicalisme agricole n'est pas régie par le code du travail, ne sera pas soumise aux lois du code du travail. Il faut que ce soit régi par un organisme quelconque et, en l'occurrence, ce sera la Régie des marchés agricoles. Quel autre organisme pourrait remplacer la Régie des marchés agricoles?

M. DUFOUR: Quand j'ai parlé tantôt des pouvoirs de la régie, on comprend que le syndicalisme agricole, quand même, est différent. On pourrait transposer toute cette question au service du droit d'accréditation du ministère du Travail, mais il y a des problèmes particuliers à l'agriculture. Alors, on dit: Le service du droit d'accréditation devrait être dans les cadres du ministère de l'Agriculture, mais tout ce qui regarde l'organisation professionnelle: un service du droit d'accréditation; tout ce qui regarde la mise en marché: la Régie des marchés agricoles.

M. LAURIN: M. le Président, c'est plutôt l'esprit de votre mémoire qui m'intéresse. Malgré que vous sembliez d'accord sur le principe d'une organisation professionnelle agricole, je crois déceler dans votre mémoire une opposition fondamentale au projet de loi tel qu'actuellement rédigé, et — je ne sais pas si je me trompe — votre raison fondamentale serait qu'elle va pousser cette organisation professionnelle unique à développer d'une façon maximale le nombre de plans conjoints. Vous y voyez une sorte de promesse d'une extension indéfinie du nombre des plans conjoints et, étant donné votre opposition systématique et fondamentale aux plans conjoints, vous en concluez que ce projet de loi est mauvais. Est-ce que je me trompe?

M. PERRAULT: C'est exact. C'est exactement cela. L'organisation professionnelle va servir à quelque chose et, dans le contexte qu'on voit, personne ne se fait d'illusions, elle va servir à stimuler, à faciliter la mise en marché et particulièrement par le truchement de ces plans conjoints. Or, nous avons, à l'endroit de certains de ces plans conjoints, des objections fondamentales: le plan des oeufs, par exemple, que nous trouvons foncièrement mauvais, et nous sommes contre l'élargissement de telle procédure de mise en marché, pour des raisons que nous élaborerons évidemment dans le mémoire que nous déposerons prochainement devant le comité qui étudie l'autre loi. Mais vous

avez parfaitement saisi notre objection, c'est que le syndicalisme professionnel, l'organisation professionnelle ne ferait, à ce moment-ci, que faciliter la mise en place d'autres mécanismes comme ceux que nous connaissons qui desservent l'économie, qui desservent le consommateur et qui desservent les producteurs efficaces.

M. LAURIN: Et vous dites que ces lois se situent en marge de toutes nos pratiques commerciales...

M. PERRAULT: Oui.

M. LAURIN: ... actuelles, de toutes les règles de l'économie libre d'un marché.

M. PERRAULT: Oui, parce que ce sont — je parle du plan des oeufs particulièrement — des plans où vous établissez des prix, des contingentements, etc., unilatéralement et complètement en dehors de l'équation de l'offre et de la demande, avec des résultats qu'on sait.

M. LAURIN: Est-ce que de pareils plans conjoints n'existent pas dans d'autres provinces où la tradition libérale est quand même très forte comme, par exemple, en Ontario qu'on peut considérer comme un paradis de l'économie libérale actuellement? Est-ce que ces plans conjoints n'existent pas également en Qntario?

M. PERREAULT: Il existe des plans conjoints ailleurs...

M. VINCENT: M. le Président, un point de règlement avant d'aller trop loin. Le Dr Laurin comprendra avec moi que si nous allions discuter de tous les plans conjoints, on aurait peut-être d'autres interventions...

M. LAURIN: M. le Président, c'est parce que ces arguments sont apportés à l'appui des recommandations.

M. VINCENT: Oui, d'accord, mais le Dr Laurin comprendra avec moi que dès le début, quand le Conseil du patronat parle de faire une distinction entre la loi de mise en marché et la loi du syndicalisme agricole, je pense que nous sommes tous d'accord là-dessus. Le ministre nous a affirmé tout à l'heure qu'il préparait présentement une refonte de la loi de mise en marché. C'est peut-être le voeu de la commission de le faire, mais, moi, en ce qui me concerne, je ne voudrais pas qu'aujourd'hui nous entamions une discussion sur les plans conjoints parce que nous devrions avoir plusieurs séances avec d'autres organismes qui sont ici présents et qui pourraient répondre à une argumentation pour ou contre.

M. LAURIN: Mais étant donné, M. le Président, que cet esprit, de l'aveu même du président du Conseil du patronat, est à l'origine de ses représentations en ce qui concerne le mémoire, je pense que c'est important de s'y arrêter quelque temps, étant donné justement que cette loi, si elle était adoptée, irait à l'encontre des voeux, des impératifs de cette association qui nous présente aujourd'hui son mémoire et placerait l'économie québécoise devant un fait accompli que même une révision ultérieure de la Loi des marchés agricoles ne pourrait pas corriger. C'est dans ce sens-là que je posais mes questions.

Et, est-ce qu'il n'y a pas d'autres provinces...

M. LE PRESIDENT: Je demanderais au député de s'en tenir à la loi du syndicalisme agricole; on ne finira pas aujourd'hui si on discute d'un autre sujet.

M. LAURIN: M. le Président, je veux faire porter mes questions sur le mémoire qui est devant nous.

M. LE PRESIDENT: Très bien.

M. LAURIN: Est-ce qu'il n'y a pas d'autres provinces du Canada où il y a de ces plans conjoints?

M. PERREAULT: Oui. Maintenant, comme je vous dis, je ne suis pas la personne la mieux placée pour vous faire les distinctions raffinées qui s'imposent entre ces plans. Il y en a des distinctions comme il y a différents plans conjoints au Québec qui ne sont pas tous semblables. Il y en a un en particulier qui est épouvantablement mauvais, je l'ai mentionné; il y en a d'autres qui fonctionnent mieux.

M. LAURIN: Celui des oeufs précisément existe au Manitoba.

M. PERREAULT: Je ne saurais vous dire exactement les distinctions, vous savez,...

M. LAURIN: Il y en a bien sûr, mais il y a quand même...

M. PERREAULT: ...qui diffèrent, les détails où ça diffère. Je dis tout simplement que ce plan a très mal servi les Québécois jusqu'à présent; c'est ce que nous allons affirmer dans notre mémoire devant le comité, le plan des oeufs a très mal servi les Québécois. C'est un très mauvais précédent à suivre pour des programmes du genre, c'est un principe qui, à tous les points de vue, semble avoir été mauvais.

M. LAURIN: N'avez-vous pas l'impression également que la constitution de facto de cartels et de monopoles dans le domaine de l'achat des produits agricoles constitue également une entrave à l'économie libre de marché ou ne se situe pas également en marge de notre tradition juridique et de nos pratiques commerciales?

M. PERREAULT: Bien là, si ce n'était pas de faire fi du président, nous entrerions dans la discussion du bill d'Ottawa sur les pratiques restrictives, etc. Mais je crois vraiment que là il faudrait ouvrir tout un autre débat sur cette question.

M. LAURIN : Vous situez le problème sur le plan de la liberté commerciale.

M. PERREAULT: Bien oui, mais je ne vous dis pas par le fait même qu'un abus d'un côté est plus acceptable qu'un abus de l'autre. Après tout, en tant de membre du Conseil économique, du Canada, j'ai signé le rapport sur les politiques restrictives, les politiques commerciales. Alors, écoutez, c'est le même gars et...

M. LAURIN: Je comprends avec vous que certains grossistes ou gros producteurs n'ont peut-être pas besoin de se faire protéger par une association qui éventuellement peut établir des plans conjoints. Mais je pense bien que le but de la loi est de protéger des agriculteurs isolés, des producteurs isolés qui ont une très faible puissance de négociation. Et c'est précisément en vue de cette faible puissance de négociation, de cet émiettement, de cette individualisation des unités de production qu'on peut penser à une organisation professionnelle qui pourrait même avoir comme un de ses objectifs la multiplication de plans conjoints.

Au fond, c'est peut-être le rétablissement d'un équilibre qui, actuellement, dans la loi de l'économie de marché, travaille surtout à l'avantage d'un certain nombre de producteurs ou d'associations.

M. PERREAULT: Je comprends parfaitement ce principe social de base. Je l'ai déjà examiné, je me suis penché sur ce principe. Mais je vous dis cependant que, quand on se met à jouer avec les lois fondamentales du marché, de l'offre et de la demande, on joue avec quelque chose de drôlement bien agencé. Les décisions qui sont prises dans le marché, les milliers de décisions qui contribuent à créer les prix de marché sont un mécanisme d'une souplesse et d'un fonctionnement extraordinaires. Et quand on joue avec cette horlogerie là, je ne dis pas qu'on ne doive pas y jouer parfois, mais je dis que, quand on y joue, il faut y jouer avec des outils extrêmement délicats.

Il faut être extrêmement prudents dans les interventions qu'on y fait.

M. LAURIN: Est-ce qu'on doit attendre, M. Perreault, que la moitié des fermes dépérissent, que la moitié des agriculteurs quittent leur terre et soient réduits à la misère, que le revenu des cultivateurs diminue d'année en année? Il me semble que, justement, on intervient délicatement quand l'économie va bien, mais quand l'économie va très mal pour une classe de producteurs je pense que, sans mettre des gants de boxe, il faut intervenir d'une façon ou d'une autre.

M. PERREAULT: Moi, M. le député, je ne vois rien de délicat dans l'intervention de la mise en marché des oeufs; c'est une intervention brutale, qui détruit complètement les mécanismes normaux de commercialisation qui — comme je l'ai dit tout à l'heure — ont complètement saboté la machine.

M. LAURIN: Alors dans votre mémoire vous auriez pu parler de plan conjoint des oeufs.

M. PERREAULT: C'est pour la semaine prochaine !

M. LAURIN: C'est une attaque contre tous les plans conjoints qu'on trouve dans votre mémoire.

M. PERREAULT: Il n'y a rien qui dit que des plans conjoints ne peuvent pas ressembler à celui des oeufs. Je la connais un peu la Loi des marchés agricoles; je suis déjà passé devant la régie. Il y a dans cette loi toutes sortes de possibilités de réglementations, etc., où les intérêts des consommateurs et des tierces personnes ne sont pas nécessairement sauvegardés. Il y a des éléments de bonne volonté de la part de la régie, qui à certains moments sont une certaine assurance, mais dans d'autres cas ça ne l'est pas du tout. La loi est une loi-cadre; les règlements sont faits par la régie et les mécanismes de sauvegarde pour les tiers sont loin d'être assurés.

M. LAURIN: En tout cas, je voulais simplement souligner qu'il me semble que parfois le législateur doit viser à protéger ceux qui n'ont jamais été suffisamment protégés alors que d'autres sont capables de s'organiser parce qu'ils ont entre les mains des outils, des instruments qui le leur permettent.

M. BEDARD: Je poserais une question au Dr Laurin. A supposer que l'on crée des associations syndicales d'agriculteurs comme nous l'acceptons en principe, est-ce que véritablement nous avons vendu davantage de produits agricoles? Est-ce que nous avons davantage accrédité le produit agricole québécois sur les différents marchés? C'est là véritablement la distinction fondamentale que nous vous présentons qui a ici deux ordres de pensée: d'une part des questions afférentes au syndicalisme agricole, d'autre part des questions afférentes à la commercialisation des produits agricoles.

M. LAURIN: Mais il n'est pas toujours facile de les distinguer et je pense que la question que posait tout à l'heure le député de 1'Islet a bien montré que dans certains secteurs, cette introduction d'un nouveau mécanisme s'est avérée à l'avantage de toutes les parties concernées. Ceci

montre bien que selon les modalités que l'on pourrait prendre, sans égorger personne, cet équilibre qui est au fond le but suprême du législateur peut être sauvegardé ou rétabli avec les mécanismes appropriés, ce qui ne veut pas dire que...

M. GIASSON: En dépit de ce qu'on a dit tout à l'heure, il ne serait pas bon de croire que même en agriculture on puisse sauver les irrécupérables. Je suis d'accord avec vous qu'il y a des faibles en agriculture mais nous avons des unités de production — il n'y a rien à faire — que nous ne pouvons pas sauver. C'est sûr que la loi qu'on a devant nous n'a pas comme fonction de protéger les forts; les forts sont capables de se défendre eux-mêmes. Elle est là surtout pour protéger les moins forts, les plus faibles. Il est inutile de penser qu'au Québec nous allons sauver les unités agricoles qui ne sont pas viables où le chef d'entreprise n'a pas le souci de l'efficacité.

M. LAURIN: C'est ce que je voulais dire; c'était ma façon de défendre le principe de la loi, quitte à ce que nous discutions des modalités.

M. LE PRESIDENT: On s'éloigne un peu du sujet principal. Le député de Sainte-Marie a une question.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. Perrault, de même que M. Dufour, vous avez admis tantôt que le syndicalisme agricole est un syndicalisme exceptionnel, à part, qui ne se compare pas tellement avec le syndicalisme industriel. C'est ce que vous avez dit. Si on ne peut pas le comparer au syndicalisme dans le secteur ouvrier, vous admettez que les structures, le mécanisme et le fonctionnement de la loi ne peuvent pas être les mêmes, ça ne peut pas fonctionner de la même façon. Si vous me permettez, j'en viens ici aux observations de la page 11 de votre mémoire où vous donnez comme comparaison les structures des trois grandes centrales syndicales.

Je veux simplement vous faire remarquer — il serait très long d'en discuter — que les structures de la CSN, les structures de la FTQ et les structures de la CEQ ne sont pas les mêmes. Ce sont trois structures absolument différentes. La CSN et la FTQ, ce n'est pas la même chose. Admettez-vous cela au départ?

M. PERREAULT: Oui. Ce sont des structures qui, essentiellement, partent de la base, M. le député.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Vous dites que cela n'offre aucune similitude avec le projet envisagé. C'est vrai. Cela ne peut pas, non plus. Même la FTQ et la CSN ont des structures complètement différentes. Ce ne sont pas les mêmes structures, la Confédération des syndi- cats nationaux et la Fédération des travailleurs du Québec. Nous parlons de deux structures complètement différentes. Alors le syndicalisme agricole sera une autre structure. Il faut accepter que les structures soient différentes de ces centrales, nécessairement.

M. DUFOUR: Si vous me permettez, il est bien évident que la structure de la CSN, la structure de la FTQ — et je vous fais remarquer qu'on ne parle pas de la CEQ mais bien du CPQ.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Le CPQ, excusez-moi.

M. DUFOUR: C'est parce que vous l'avez identifié comme une centrale syndicale.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je m'excuse. C'était un lapsus.

M. DUFOUR: C'est sûr que les structures diffèrent mais le principe de base, la philosophie de base, c'est l'unité d'accréditation locale. Qu'ensuite, au niveau des conseils centraux, au niveau des fédérations, les gens aient trouvé des formules différentes pour se regrouper et que cela apparaisse d'une façon différente dans une charte, c'est bien sûr. Mais même comme centrale, nous, nous n'avons absolument pas la même structure que la CSN ou la FTQ. Mais il reste quand même que sur le principe de base, c'est l'accréditation sur le plan local et sectoriel.

Quand on dit qu'on accepte certaines particularités du syndicalisme agricole, c'est bien évident: l'éparpillement sur le territoire, le fait qu'on peut considérer qu'un gars qui a deux poules soit un producteur, à un moment donné.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): J'ai trois pommiers, moi.

M. DUFOUR: Alors vous êtes un pomicul-teur.

M. VINCENT: C'est même inscrit dans une loi, parrainée par le député de Rouville.

M. DUFOUR: Alors que dans le syndicalisme traditionnel, industriel, commercial et de service, vous avez des identifications beaucoup plus précises. Or, reconnaissant quand même cette particularité du syndicalisme agricole, telle la définition du député de Sainte-Marie comme producteur, on dit, à ce moment-là: Conservons ces problèmes particuliers à l'intérieur d'un ministère qui est spécialisé dans ces questions: le ministère de l'Agriculture. Donc, il y a une reconnaissance véritable que c'est différent.

Mais même là, on doit quand même se référer à des grands principes. Si on parle d'une loi du syndicalisme, il faut quand même recourir à des grands cadres syndicaux.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Vous disiez tantôt, M. Dufour, que chaque fédération de producteurs devrait négocier la cotisation à la source avec l'acheteur. C'est ce que vous avez dit tantôt. Cela voudrait dire alors qu'on peut presque admettre que le syndicalisme deviendrait inefficace et ne s'appliquerait à peu près jamais. Parce que dans le secteur industriel, vous négociez avec une personne, c'est-à-dire avec le représentant patronal. Vous ne négociez pas avec dix ou douze, même si les syndiqués représentent différents secteurs ou différents corps de métier.

M. DUFOUR: C'est bien sûr que la transposition ne peut pas se faire intégralement. Mais dans la grande entreprise, vous avez le même problème. Vous avez, du côté syndical et du côté patronal, l'obligation d'établir véritablement des mandats. Vous avez négocié, vous êtes deux ou trois du côté syndical et deux ou trois du côté patronal, et il y a un mandat.

C'est la même chose du côté de l'agriculture. Les producteurs donneront un mandat de négociation, tout simplement.

M. TOUPIN: M. le Président, je pense que dans l'approche globale que vous nous avez apportée, le raisonnement que vous faites m'ap-paraît tout à fait sain et tout à fait logique. Mais lorsque nous nous retrouvons dans le secteur agricole, nous devons — je ne dirai pas malheureusement — à cause d'un certain nombre de réalités sociales et économiques, faire une autre approche globale.

Il faut bien tenir pour acquis que l'agriculteur n'est pas nécessairement toujours au service d'une entreprise. Il n'est pas toujours, non plus, au service de deux entreprises. Il peut être au service de trois entreprises, selon le type de produits qu'il fabrique sur sa ferme.

Les accréditations qui sont données dans le secteur ouvrier le sont pour une entreprise et il devient, je pense extrêmement facile, du moins il devient très facile de déterminer l'unité, d'accréditer l'unité et de mandater, par conséquent, l'unité: l'unité syndicale d'une part et l'unité patronale de l'autre.

Ce n'est quand même pas pour rien que le législateur des années antérieures a cru bon de mettre dans la loi de la mise en marché un mécanisme de négociation qui pouvait dépasser le cadre d'une entreprise. Les négociations, par exemple, qu'on mène présentement sur la vente du lait industriel et du lait nature se font à l'échelle provinciale et le plan conjoint est accrédité sur le plan provincial parce que ce sont des producteurs qui s'identifient à une unité de production, mais qui vendent à plusieurs entreprises de même nature dans le domaine de la transformation, quoique certaines entreprises de ce secteur peuvent aussi transformer d'autres produits.

C'est la raison pour laquelle il est difficile dans le cadre d'une loi d'épouser en entier votre approche. C'est la raison pour laquelle nous devons nous en tenir à cette réalité agricole qui fait qu'il y a une entreprise agricole au Québec, qu'un ensemble d'agriculteurs se trouvent dans cette entreprise agricole, dans cette grande entreprise agricole et que cet ensemble de producteurs, évidemment, ne peuvent pas négocier individuellement ou par groupe, chacun avec son acheteur.

D'ailleurs, le projet de loi que nous proposons ne donne aucun pouvoir de négociation. La négociation, dans le secteur agricole, se fait par l'intermédiaire de la loi de la mise en marché. Cette loi confère surtout un caractère de représentation des principaux intérêts ou des intérêts généraux de la profession. Au fond, le principe, l'approche que nous avons dû faire, c'est: est-ce que nous devons, dans le secteur agricole, nous orienter vers le corporatisme ou vers une sorte de nouvelle approche syndicale? Et nous avons choisi cette nouvelle approche. C'est la raison pour laquelle l'accréditation se donne sur le plan provincial pour l'ensemble de la profession, mais la structure interne de l'association qui voudra se faire accréditer peut, elle, être décentralisée. Elle peut être décentralisée par région, elle peut être décentralisée même par paroisse, elle peut l'être par comté. On épouse habituellement des structures juridiques qui existent dans le milieu alors que dans le syndicalisme ouvrier on épouse les structures des usines. C'est la raison pour laquelle l'approche que vous apportez, évidemment, diffère un peu de la réalité du secteur agricole.

M. PERREAULT: A ce moment-là, M. le ministre, vous pourriez peut-être étudier comme formule de compromis celle de l'accréditation sur une base sectorielle qui serait à mi-chemin entre des épousailles globales et le mécanisme régional à la fois.

M. TOUPIN: Oui, déjà, M. le Président, cette accréditation sectorielle, c'est-à-dire par productions, existe mais dans le cadre de la commercialisation. L'accréditation véritable, par secteurs, doit déboucher non seulement sur la représentativité en rapport avec les problèmes généraux de la profession, mais sur des ententes concrètes, des ententes précises avec les acheteurs des produits. Là, nous avons une accréditation sectorielle qui avant était par secteurs, par productions; elle était aussi régionalisée. Maintenant, elle n'est presque plus généralisée, elle est surtout provinciale, cette accréditation de négociation. Mais lorsque vous vous situez dans le cadre du projet de loi que nous proposons, les objectifs poursuivis ne sont pas les mêmes et accréditer par secteurs devient compliqué. Il faut accréditer, sur le plan de la province, une association qui représente l'ensemble des agriculteurs pour les besoins généraux de la profession. Nous y avons prévu un mécanisme permanent qui permettra à l'ensemble des agriculteurs de vérifier la représentativi-

té de cette association parce qu'elle, elle ne peut négocier chaque année ses cotisations. Elle doit, par voie de référendum, demander si on est d'accord sur tel type de cotisation syndicale ou sur tel autre type. Je ne parle pas à ce moment-là de prélèvements pour fins d'administration d'un plan conjoint.

C'est la raison pour laquelle l'approche sectorielle devient beaucoup plus compliquée. Et je ne pense pas que cela apporte tellement aux problèmes que nous pouvons rencontrer à ce niveau.

M. PERRAULT: Je crois que M. Dufour a un commentaire à faire là-dessus.

M. DUFOUR: Simplement pour dire que, quand même, cette identification, vous l'avez en partie réalisée déjà. Vous l'avez dans la loi lorsque vous définissez un syndicat. Lorsque vous définissez un syndicat spécialisé, vous dites quoi? Ce sont des producteurs qui sont spécialisés dans l'activité relative à un produit. Donc, déjà on le cerne en fonction d'une production agricole particulière ou d'une phase particulière de l'activité de ces producteurs. Vous l'avez déjà en fait votre unité de négociation définie dans la loi.

M. TOUPIN: Non, évidemment, je veux revenir encore sur ce point, M. le Président, si vous permettez; il ne s'agit pas d'unités de négociation. Il s'agit d'unités locales représentatives d'un groupe non pas homogène de par sa profession, mais d'un groupe plutôt social, professionnel social, qui se situe dans une structure donnée. Donc, on ne peut pas conférer, par exemple, l'accréditation au syndicat local de Saint-Félicien. On a cité l'exemple de Saint-Félicien cet après-midi. On peut, par exemple, donner au plan conjoint des producteurs de bleuets du Saguenay-Lac-Saint-Jean le mandat de négocier, l'accréditation pour représenter tous les producteurs de bleuets de la région. C'est tout ce qui diffère. La structure de la loi ne s'applique pas à la négociation, mais à la représentativité. Elle est déjà décentralisée actuellement parce qu'il existe des fédérations régionales, des syndicats locaux et aussi une confédération. Mais il existe aussi d'autres fédérations régionales qui, elles, sont sectorielles et qui ont pour fonction surtout, évidemment, de négocier le produit.

Ce problème, quant à nous, nous apparaît réglé par l'intermédiaire de la loi de mise en marché. L'autre, celui de la représentation de la profession ou des problèmes généraux de la profession, se retrouve dans ce type de projet de loi que nous présentons, mais auquel on n'accorde pas de pouvoirs de négociation, sauf celui de représenter les agriculteurs.

M. LE PRESIDENT: Messieurs, il est presque six heures et un autre mémoire doit être présenté. Je dois vous demander votre indulgence parce que le ministre doit partir à six heures pour se rendre à Sherbrooke.

Nous pourrions écouter M. Guillemette, de Rouville, qui a demandé le privilège de présenter un mémoire. Après, M. Allain, le président de l'UCC, a demandé quelques minutes pour exprimer ses opinions. Nous allons finir ce soir. M. Guillemette, si vous voulez vous adresser à la commission.

M. Paul Guillemette

M. GUILLEMETTE: M. le Président, M. le député de Rouville, je vous remercie de me permettre de m'exprimer. Vous allez vous apercevoir que je n'ai pas de fleurs à envoyer; j'ai plutôt des remarques personnelles à faire. Je les fais avec sincérité, sans vouloir attaquer personne, mais dans le simple but de redresser ce que je crois mal fait.

Vous me permettrez de lire une lettre que j'ai adressée aux députés, parce que cela s'en-chaîne. Ne soyez pas inquiets, je n'ai que deux pages à lire. J'adressais, le 22 février 1971, une lettre aux députés: "Les dirigeants de l'ÙCC, renforcés d'un nombre imposant de délégués, ont rencontré, le 18 février dernier, le ministre de l'Agriculture, M. Toupin, en compagnie de M. Pinard. "Comme résultat non pas du bon sens, mais bien de la pression, une promesse est arrachée du ministre de l'Agriculture. Or, l'objet de cette promesse, de cette loi demandée, n'a jamais été soumis aux exploitants agricoles directement, et c'est probablement la raison que les demandes antérieures de l'UCC ne réussissaient pas auprès des gouvernements précédents. "A mon sens, pour être logique, il y aurait lieu pour les dirigeants de l'UCC, en premier lieu, qu'ils s'occupent de faire participer les exploitants agricoles, les cultivateurs, excluant les trusts, à la définition par eux-mêmes d'un statut professionnel agricole."

Sur cette question, j'ai remarqué qu'il n'y en a pas un, ce matin, qui n'a pas soulevé ce point, cette lacune. Cela veut dire qu'il faudrait prendre la question plus au sérieux et n'entreprendre aucune loi ou aucune amélioration sans partir de la matière première qui est la base, soit le statut professionnel.

Pendant qu'on y passe, tout à l'heure vous avez mentionné le fait qu'un cultivateur devrait prendre 50 p.c. de ses revenus de la ferme j'ajouterais à cela — permettez-moi de donner mon opinion personnelle, j'aurais préféré que ce soit fait par plusieurs — que l'agriculteur devrait, la première chose, demeurer sur sa ferme; la deuxième chose, que ce soit son principal emploi et la troisième, qu'il en tire la majeure partie de ses revenus. Mais la question primordiale c'est que ce soit un exploitant agricole qui travaille sur sa ferme, que ce ne soit pas tout simplement un gars qui en retire des revenus et

qui fait travailler des esclaves. C'est le principe fondamental: garder l'agriculture à l'exploitant agricole et non au "trust".

Lorsqu'il y a paralysie structurale, on y voit la stagnation. Là, il y en a qui vont se rappeler de qui ça vient. Or, ce statut professionnel est la matière première à l'érection d'une structure de l'agriculture. Cette structure est une première urgence. Il y en a qui en ont fait mention ce matin. Je pense que c'est M. Léonard Roy qui disait qu'on devrait avoir de la cohésion dans l'agriculture. De la façon dont la loi est faite, ça devient une lutte à commencer et qui n'est pas finie entre tout ce qui existe dans l'agriculture. Pourquoi ne pas faire une table ronde de tout ce qui existe dans l'agriculture?

Là, je tiens à signaler une chose. Imaginez-vous si on avait cette table ronde aujourd'hui et qu'on ait rencontré des Roy et d'autres comme lui; il n'y a pas que lui qui peut nous aider, mais je pense que cet homme-là nous a aidés plus, nous les agriculteurs, ce matin, que personne d'autres dans la salle ici par ses interventions et par la façon dont il a présenté son mémoire.

Il y avait des choses là-dedans vraiment que même si j'avais voulu les rédiger, je n'aurais jamais pu tout rédiger, tout dire ce qu'il a dit et il les a si bien dites. Cela nous amène à une chose: quand il y a de la cohésion, c'est pour le profit de tout le monde. Mais comme le projet de loi est fait, ce n'est pas une cohésion qu'on a, c'est une guerre qu'on commence. C'est une formule mais il y en a d'autres.

Personnellement, j'entreverrais l'avènement d'une corporation agricole. A lire: "Vers la corporation agricole", ouvrage du Père Richard Arès — entre parenthèses, c'est un type de mon comté — à l'intérieur de laquelle corporation, tout groupement ou organisation qui touche ou qui est relié à l'agriculture serait soumis à la table ronde à l'intérieur de cette corporation de l'agriculture. C'est une formule que je propose mais il y en a d'autres. Du moment que ce serait une table ronde, que ça porte le nom de corporation, de syndicat, ça ne me fait rien; d'un autre côté, c'est la lacune de notre affaire aujourd'hui. C'est qu'on n'a pas de cohésion, on s'en va encore séparé et on va y rester séparé.

La mêlée est déjà trop avancée et la confusion et le déchirement dominent entre les organismes agricoles, les coopératives et l'UCC. C'est un fait admis que les coopératives et l'UCC se déchirent, ils se sont fait des dommages; l'UCC a fait des dommages à notre office de production de lait à Montréal pour pouvoir venir implanter son idée de syndicalisme.

Elle nous a fait croire à Montréal qu'un office ne pouvait pas entrer dans le syndicalisme, mais dans la loi, ce n'est pas ce qu'ils nous ont dit.

Le vote s'est pris sur cette affaire d'une façon truquée. Ils auraient dû, avant de prendre le vote, annuler ce qui existait déjà. Non, ils ont laissé l'office suspendu, si vous voulez, et ils prennent un vote pour le syndicalisme. Pour ma part, je faisais partie de l'office, je n'ai pas voté. Comprenez-vous? S'ils avaient dissous l'office avant de prendre le vote, ç'aurait été autre chose.

C'est le temps et le grand temps que soient révisées les causes du marasme existant dans le domaine de l'agriculture. Dans les circonstances, il y a lieu d'insister auprès des membres de l'Assemblée nationale pour que de nouvelles mesures syndicalistes agricoles ne soient pas soumises à l'étude tant et aussi longtemps qu'une situation normale ne sera pas rétablie.

Tout de suite en lisant les trois premières lignes des notes explicatives du bill 64, ça sent l'infection de la gangrène contaminant cette plaie du système de la caisse électorale du parti au pouvoir. Je m'explique un petit peu.

M. TOUPIN: Il faudrait bien donner quelques explications.

M. GUILMETTE: De la manière dont le bill est fait, on est porté à croire que tout est pour favoriser le trust capitaliste.

Au siècle dernier — là je donne une petite explication de ce qu'a été l'agriculture — la famille canadienne-française du Québec a tout sacrifié pour le défrichement de la terre et pour la vocation religieuse. Lorsque le revenu le permettait, un seul de la famille pouvait se faire instruire et cela avec les privations volontaires de tous les autres membres de la famille. Si l'on consulte les registres des paroisses, pas un sur dix pouvait signer son nom.

Au début du siècle, ma terre et celle du voisin ont dû être cédées à la banque qui devait les vendre. Par la suite, l'acquéreur subséquent a dû lui aussi les céder à son prêteur. Ce n'est pas là une histoire singulière.

En 1925, après avoir colporté l'idée d'une union pendant qu'il négligeait les intérêts de sa famille et de sa propre terre, Laurent Barré devenait premier président de l'UCC. Cependant, il ne fut pas à la présidence longtemps. Je l'ai entendu dire à son auditoire: J'en suis sorti dans des circonstances pénibles. Peu de temps avant sa mort, M. Barré, sur une question insistante de ma part, m'a décrit ces circonstances pénibles.

Devenu cultivateur en 1939, j'ai suivi l'UCC sous l'habile présidence de M. Marion. M. Wilfrid Lemoyne a remplacé M. Marion comme président. Chacun, après avoir été président pendant quinze années, a été placé au gouvernement provincial. M. Marion a travaillé à l'ex-office des marchés, et M. Lemoyne, par la suite, membre de la Régie des marchés.

Depuis les années cinquante, la participation à la base des syndicats paroissiaux a décliné.

Je pourrais dire que, depuis le départ de Gérard Filion, ex-secrétaire général de l'UCC, l'association est tombée sous la domination des employés payés, formés en clans. L'explication de la session de la Mutuelle, assurance UCC, confirme cela, malheureusement.

Or, on est vis-à-vis d'un fait déplorablement accompli: l'UCC est devenue, je vous prie de le noter, un organisme du gouvernement pour apaiser le cultivateur. Attendons de voir ce prochain lever de rideau où se jouera la scène du bill 64. L'agriculture est donc un droit acquis pour l'exploitant de la ferme. C'est encore le temps de protéger cet industrie contre l'intégration capitaliste sans âme, comme le prônait Henri Bourassa, cela dans l'intérêt incontestable de l'économie du Québec. Ce qui importe, c'est en premier lieu la définition d'un statut professionel agricole — et je le souligne — et la formule d'une structure de l'agriculture. Prenons conscience de l'épouvantable sérieux de notre prédestination et protégeons l'agriculture de l'emprise vorace du capitalisme, c'est ma prière.

J'ai autre chose à ajouter, si vous me le permettez.

M. Roy disait ce matin dans son mémoire qu'on attache plus d'importance aux accessoires qu'au principe mis en cause. Mon exposé est en fonction de ce qu'il venait de dire là parce que vraiment ce n'est pas nécessairement la question des détails du bill 64, c'est la question du principe, c'est la question de l'entreprise familiale qu'on doit protéger.

Le bill 13 a été formulé en entier en 1963 par l'UCC. Il a été soumis, je pense bien, dans cette salle, sans aucun changement, pas même une seule virgule. M. Lesage nous disait à ce moment-là: "Une loi, c'est fait pour être changé, vous reviendrez l'an prochain pour la changer." Je ne sais pas si elle a été changé par le bill 45 ou 46. A tout événement, je me pose une question. Je me demande si cette présente loi qui est encore toute formulée par l'UCC ne vaudra plus rien dans sept ans. D'une façon, je ne peux pas concevoir qu'on aille collecter les cotisations de notre association à l'acheteur de notre produit; c'est une chose absolument inconcevable, inapplicable et qui n'a pas de bons sens. C'est mon opinion, mais je respecte celle des autres.

M. LE PRESIDENT: M. Guillemette, votre temps est épuisé.

M. GUILLEMENTTE: Ce n'est pas fini. Je suis le seul cultivateur qui vient ici pour parler et vous ne me laissez pas finir. Je vous promets que je vais finir avant 6 heures et quart.

M. LE PRESIDENT: Je m'excuse, mais le ministre doit être parti avant cela.

M. GUILLEMETTE: Qui est le président? Est-ce vous ou le ministre?

M. LE PRESIDENT: Oui, monsieur, c'est moi qui suis le président, et je vous demande de vous asseoir et de donner la parole à M. Allain pour cinq minutes.

M. ROY (Beauce): ... cet agriculteur, en ce qui nous concerne.

M. GUILLEMETTE: Merci.

M. ALLAIN: M. le Président, est-ce que j'ai la parole?

M. LE PRESIDENT: Oui, monsieur.

Fédération de l'UCC

M. ALLAIN: J'essaierai d'être aussi bref que possible. Nous avons écouté avec beaucoup d'attention toutes les déclarations qui ont été faites aux diverses audiences. On retrouve, chez ceux qui ont comparu ici, un certain nombre de points de vue concordants, certains même allant dans le sens de la loi, en disant: Il s'agit d'une bonne loi. Il s'agit d'une loi nécessaire. Il s'agit d'un principe qu'on ne doit pas et qu'on ne veut pas combattre.

Les nuances apparaissent sur les modalités et, dans bien des cas, elles vont jusqu'à mettre en doute la déclaration initiale de certains des partis. Pour ma part, je voudrais quand même m'attarder à mettre en évidence certaines suggestions ou propositions qui ont été faites et qui, je ne dirais pas volontairement de la part de ceux qui les ont faites, si elles étaient appliquées, atteindraient un objectif, celui de diminuer la force ou l'efficacité de l'objectif recherché, à savoir une organisation du monde agricole. Que ce soit volontaire ou involontaire chez eux, plusieurs des propositions faites, si elles étaient appliquées, conduiraient là.

On a soulevé certaines opinions, tels les intérêts divergents et les intérêts convergents du secteur agricole, disant que les intérêts divergents étaient tels qu'on ne pouvait pas penser à une organisation unique. Je pose la question à ceux qui ont soulevé le problème : Existe-t-il des intérêts divergents dans leur propre organisme? Je suis d'avance certain de la réponse. Ces gens me diront la vérité. Ils seront obligés de me dire qu'il y a des divergences entre eux. Je n'irai pas plus loin sur le sujet. Il y en a chez nous, mais il est clair que les intérêts convergents et concordants dominent sur les autres.

Le mythe entre la mise en marché et le syndicalisme, je pense, a été passablement dégonflé par les membres de la commission au travers des questions qu'ils ont posées aux gens qui sont venus ici. Pour cette raison, je ne sens pas le besoin d'en parler plus. Je voudrais, quand même, indiquer qu'à notre point de vue ce point a été clarifié.

Naturellement, toutes les suggestions qui visent à accréditer plusieurs organisations font preuve d'une méconnaissance, je pense, du milieu agricole. Il est clair qu'un tel objectif n'est à peu près pas réalisable chez nous, à moins de vouloir à tout prix fabriquer un modèle qui serait impraticable, inutilisable et inutile, voire inefficace.

Je pense que ceux qui connaissent le milieu agricole, qui vivent avec des agriculteurs, qui connaissent la multitude d'organisations comprennent ce que je veux dire ici.

Pour ce qui est des points que nous avons déjà soulevés, je les rappelle rapidement. Nous avons mis en doute les pourcentages exigés, parce que nous pensons qu'il n'y a pas de précédent qui autorise de telles exigences à notre endroit. Qu'on regarde ce qui s'est passé en Ontario, c'est inférieur à ce qui est proposé dans le projet de loi; que l'on regarde ce qui est exigé des plans conjoints, c'est inférieur à ce qui est écrit dans le projet de loi; que l'on regarde ce qui se passe dans le monde syndical ouvrier, c'est inférieur à ce qui est écrit dans le projet de loi. Si on tient compte aussi de la difficulté de faire une liste de membres, eh bien je pense que la commission acceptera de regarder d'autres possibilités. D'ailleurs, cet après-midi, il y en a eu une de formulée et, probablement, nous serions prêts à l'endosser après une consultation minimum chez nous.

La définition du producteur, eh bien, mon Dieu! je pense qu'on s'est rendu compte que personne n'a réussi à le définir, même à sa propre satisfaction. Partant, il faudra bien être pratique et fonctionner avec ce qui a déjà existé dans la Loi des marchés agricoles.

On a fait beaucoup état du monopole possible à partir d'une organisation unique. Le monopole, je pense qu'il est battu en brèche d'avance et nous n'avons pas à défendre la loi; ce n'est pas notre loi à nous. On dit à l'article 20: "La régie peut également, d'office, révoquer l'accréditation". Pour nous, cela veut dire l'épée de Damoclès sur la tête de façon permanente. Et si c'est ça un monopole, eh bien je pense qu'on ne s'entend pas sur la définition des monopoles. Toutefois, ceux qui parlent de monopoles en savent probablement quelque chose. Leur appartenance à des grandes entreprises leur a probablement permis de faire des expériences ou de vivre dans des milieux monopolistiques. C'est probablement pour cette raison qu'ils invoquent aussi souvent cette question. Je réserve, M. le Président, pour les discussions sur la Loi des marchés agricoles ce qu'a dit la commission royale d'enquête sur l'agriculture à l'endroit de l'intégration et je pense qu'à ce moment-là nous pourrons parler de monopoles. Il y a des précédents et nous verrons qui, dans le monde agricole, a recherché ou cherche à bâtir des monopoles. Nous accepterons de diminuer en termes de pouvoirs ceux qui pourraient nous être remis quand nous aurons la performance de Noranda Mines — je dis ça à votre endroit, MM. du patronat — ou la performance des usines de pâtes et papier, parce que je n'ai jamais vu leurs prix diminuer, ou la performance de Bell Telephone. A ce moment-là, nous accepterons que vous diminuiez nos pouvoirs, mais d'ici là, de grâce! le monde agricole, je pense, n'a pas fait preuve d'exagération à l'endroit de personne. Je ne vois pas pourquoi on aurait peur d'une profession qui, au fond, est terriblement pacifique.

Au fond, je sais que la commission aura à choisir, M. le Président, entre nous fournir des moyens adéquats d'organisation pour fonctionner normalement et pratiquer une représentation qui, je pense, est un droit, ou bien nous mettre en présence d'une loi qui ne correspondra pas à nos besoins et qui sera à notre insatisfaction. Je sais que c'est le choix que vous avez à faire. Je vous fais confiance, M. le Président, ainsi qu'à la commission et aux législateurs. Nous reviendrons au besoin si nous estimons qu'il en va de notre intérêt.

J'espère ne pas avoir dépassé les cinq minutes. Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Merci, M. Allain. M. le ministre.

M. TOUPIN: Je n'ai rien à ajouter, M. le Président, sauf évidemment, remercier ceux qui sont venus, encore aujourd'hui, faire valoir leur point de vue. Je pense que, nous du gouvernement, nous parviendrons à administrer de façon clairvoyante dans la mesure où nous pourrons nous référer à des points de vue de ceux qui sont à l'extérieur du gouvernement mais qui, bien sûr, en font partie comme ensemble de l'économie ou comme ensemble du peuple.

M. VINCENT: M. le Président, nous savons que le ministre doit s'absenter. Il est six heures et quart. Il reste encore deux minutes. Est-ce que le ministre pourrait nous dire ce qu'il advient de la commission parlementaire en remerciant tous ceux qui ont participé aux travaux de la commission? Nous avons entendu des mémoires, nous avons posé des questions. Qu'est-ce qu'il advient par la suite?

M. TOUPIN: Evidemment, je pense que la commission parlementaire ne se réunira pas. Ses travaux sont terminés pour cette partie de représentation extérieure. Maintenant, les travaux normaux vont continuer au moment où la Chambre va reprendre ses travaux et à ce moment-là on aura l'occasion de discuter, évidemment, à l'Assemblée nationale, chacun de nos...

M. LAURIN: Est-ce que nous pourrions faire la suggestion au ministre — comme cela s'est fait dans d'autres commissions pour des projets de loi très importants — de prévoir une réunion de la commission où les différents membres de la commission, à la suite de l'audition de tous les mémoires peuvent faire valoir au ministre leurs suggestions, leurs représentations? Après avoir écouté, posé des questions, nous pouvons avoir certaines représentations à faire nous-mêmes, et je fais respectueusement cette suggestion.

M. VINCENT: M. le Président, en tenant

pour acquis, comme je le soulignais privément au ministre — on ferme la présentation des mémoires, on ferme l'audition des témoins — qu'à une prochaine réunion, que ce soit la semaine prochaine ou dans quinze jours, les membres de la commission puissent faire valoir également leur opinion, poser des questions au ministre et que par la suite le ministre nous revienne avec un projet de loi amélioré.

M. BELAND: M. le Président, j'aurais également, justement à ce sujet, tout en remerciant ceux qui ont comparu, une demande à faire d'une façon plus précise.

Pour clarifier davantage, même si c'était seulement dans quinze jours, y aurait-il possibilité d'avoir une réunion? Avant, évidemment, on n'aura pas reçu le journal des Débats. Si nous voulons reprendre ou regarder tous les bons éléments qui ont été énumérés, c'est préférable, je pense, que nous ayons quelques jours devant nous pour analyser pleinement, à leur juste valeur, les bons éléments et pour faire les suggestions qui s'imposeront ou que nous jugerons à propos de faire au ministre.

M. TOUPIN: M. le Président, je pense que cette suggestion est raisonnable. Elle m'agrée et nous tenterons, au cours des prochaines semaines, de trouver une date qui conviendra à tout le monde afin de réunir à nouveau la commission.

M. VINCENT: Le 7, le 14 ou le 21; il reste trois semaines.

M. TOUPIN: Il reste trois semaines. Alors, nous examinerons les dates et nous communiquerons avec vous.

M. LE PRESIDENT: Merci à tous. La commission est ajournée.

(Fin de la séance: 18 h 14)

Document(s) related to the sitting