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Commission permanente de l'Agriculture et de la
Colonisation
Projet de loi no 64 Loi du syndicalisme
agricole
Séance du jeudi 23 septembre 1971
(Dix heures dix minutes)
M. FRASER (président de la commission permanente de l'Agriculture
et de la Colonisation): A l'ordre, messieurs! Nous allons reprendre nos
travaux. Nous avons deux organismes aujourd'hui, ici présents, ainsi que
le représentant de l'Union catholique des cultivateurs. Il y a le
Conseil de l'alimentation du Québec Inc., M. Léonard Roy,
vice-président exécutif; l'Association professionnelle des
meuniers du Québec, M. André Breton, président. M. Breton
est ici? Le Conseil du patronat du Québec, M. Charles Perrault, mais je
comprends qu'il sera ici seulement cet après-midi.
M. PERREAULT: A deux heures cet après-midi, M. le
Président.
M. LE PRESIDENT: Il y a aussi un autre membre, cultivateur, qui a
demandé d'être entendu, M. Guillemette, de Marieville. Nous allons
maintenant entendre M. Roy.
Fédération de l'UCC de
Québec-Est-Nord et Ouest
M. VINCENT: M. le Président, si vous me le permettiez, avant
d'entendre le premier témoin, j'aurais simplement une intervention, plus
une question à poser. On nous distribue, ce matin, un
télégramme reçu par le président de la commission
parlementaire, M. Kenneth Fraser, télégramme qui a
été adressé par M. Maxime Plamondon, secrétaire de
la Fédération de l'UCC de Québec, est, nord et ouest, 1787
boul. Hamel, Québec 10. Dans ce télégramme, on mentionne
qu'à une réunion tenue à Sainte-Croix de
Lotbinière, il a été proposé par M. Untel,
appuyé par M. Untel et résolu à l'unanimité au
congrès régional de Sainte-Croix de Lotbinière que l'UCC
défende la position initiale telle que prise lors du congrès
général de l'UCC 1970, à savoir, premièrement,
deuxièmement, troisièmement, quatrièmement et
cinquièmement.
J'aimerais, M. le Président, savoir si cette
Fédération de l'UCC est ici, car il sera certainement
intéressant de poser certaines questions à ce mouvement. En
effet, dans le télégramme, par exemple, à
quatrièmement, on demande une loi définissant réellement
l'agriculteur et acceptant uniquement les vrais agriculteurs. Si je souligne ce
point ce matin, c'est parce qu'il vient quelque peu en contradiction avec la
position prise par l'UCC au cours de la première réunion de la
commission parlementaire. Nous aimerions, si c'était possible, savoir si
ces messieurs sont ici pour qu'on puisse leur poser des questions afin
d'éviter, par la suite, qu'on mentionne que les membres de la commission
n'ont pas tenu compte des recommandations de certains groupements de l'UCC.
M. GUERARD: Je suis moi-même le président de cette
fédération et je suis présent, si on veut me poser des
questions.
M. VINCENT: C'est, vous, M. Plamondon?
M. GUERARD: Non, c'est le secrétaire de ma
fédération. Je suis le président.
M. LE PRESIDENT: Votre nom, s'il vous plaît.
M. GUERARD. Armand Guérard.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que vous avez des éclaircissements
à donner au député de Nicolet?
M. GUERARD. Voulez-vous avoir des éclaircissements
immédiatement?
M. LE PRESIDENT: Nous sommes sur le sujet, aussi bien continuer.
M. GUERARD: Nous avons discuté du problème au cours de ce
congrès, et le comité qui a étudié la
reconnaissance syndicale trouvait que, dans le bill, on donnait trop de
pouvoirs à la régie. Nous savions que, dans l'ancien projet de
l'UCC, c'était beaucoup plus fermé à la profession. C'est
dans le sens que nous ne voulions pas être subordonnés à la
régie que nous avons fait cette résolution-là. Nous
voulions que notre union soit l'Union des cultivateurs et que nous soyons
capables de la diriger comme les cultivateurs vont vouloir la mener.
Ce n'est pas en contradiction, je pense, avec ce que l'UCC donne. C'est
sûr que pour les producteurs qui sont dans le champ et qui regardent
sommairement ce qu'il y a dans la loi... d'abord l'UCC a fait des
recommandations pour améliorer cette loi et je pense que ça ne
vient pas en contradiction, si la loi est améliorée, avec les
amendements que nous demandons.
M. VINCENT: M. le Président, est-ce que je pourrais poser une
question à M. Guérard? Un point, dans le
télégramme, vient en contradiction avec la présentation du
mémoire de l'UCC. Je n'ai pas mentionné le premier, le
deuxième ou le troisième point, j'ai plutôt
mentionné le quatrième point. Vous mentionnez dans le
télégramme une loi définissant réellement
l'agriculteur et acceptant uniquement les vrais agriculteurs.
Est-ce que ceci signifie que votre syndicat n'est pas en accord sur la
définition du mot ou
du terme agriculteur, tel que lu dans le projet de loi no 64?
M. GUERARD: Il est sûr que celui qui a fait la proposition ne
voudrait avoir qu'un producteur qui vive de sa ferme.
Mais c'est là une résolution qui vient d'une
fédération, si vous voulez, de ma fédération; on va
composer avec toutes les autres. Il est sûr qu'à un moment
donné... Je suis président de cette fédération, je
respecte leur opinion...
M. VINCENT: M. le Président, ce n'est pas seulement pour celui
qui a fait la proposition.
M. GUERARD: C'est l'assemblée, oui.
M. VINCENT: Parce que le télégramme se lit comme suit:
Proposé par M Pierre-Antoine Castonguay, appuyé par M.
Jean-Charles Rousseau et appuyé à l'unanimité au
congrès régional de Sainte-Croix-de-Lotbinière que l'UCC
défende la position initiale... à savoir: premièrement...
deuxièmement... troisièmement... et quatrièmement: "une
loi définissant réellement l'agriculteur et acceptant uniquement
les vrais agriculteurs..." Et c'est signé: Maxime Plamondon,
secrétaire de la Fédération de l'UCC de Québec-Est
Nord et Ouest. Donc, c'est une position globale prise par tous les agriculteurs
de la région de Québec.
M. GUERARD: C'est sûr. Je pense que, dans l'esprit de tous ces
gens, défendre le producteur agricole, c'est défendre le
cultivateur en général. Je pense qu'ils n'ont pas dans l'esprit
d'éliminer les producteurs qui n'ont pas un pourcentage assez
élevé ou qui ont un pourcentage peu élevé de la
production.
Eventuellement, avec le temps, il s'agit de la possibilité
d'avoir à l'intérieur de nos cadres de réels producteurs.
Je pense que c'est en évoluant avec cette loi que nous pourrons,
à un moment donné, avoir réellement des producteurs.
M. LE PRESIDENT: Le député de Chicoutimi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Guérard, est-ce que vous pourriez me
fournir quelques précisions? Ce télégramme est du 22
septembre. Or, nous avons déjà commencé depuis plus de
deux semaines l'audition des témoins devant la commission de
l'Agriculture. Quel est exactement le sens de ce télégramme?
Pourquoi nous a-t-il été envoyé par cette
fédération puisqu'il semble, de l'avis de mon collègue, M.
Vincent, que cela n'est pas tout à fait en accord avec certaines
attitudes qui ont été prises auparavant par un organisme qui a
comparu devant nous, notamment en ce qui concerne la définition de
l'agriculteur? Quelle est, dans votre esprit, cette définition de
l'agriculteur?
M. GUERARD: M. le Président, je pense que notre président
général vous a donné l'idée que l'UCC s'en faisait.
Mais dans nos régions, actuellement, ce sont les congrès
régionaux dans ma région, c'en est un qui
commencent et nos gens sont libres de nous demander ce qu'ils veulent. L'an
passé, on nous avait demandé, au congrès
général, de travailler dans le sens du télégramme,
si vous voulez.
On a tenu durant l'année un conseil général, on a
fait des journées d'étude provinciales où les
délégués qui représentent tous ces gens-là
travaillent à réaliser ce que le congrès
général de l'an passé a décidé. Vous savez
qu'on avait déposé à l'UCC un projet qui n'est pas
celui-là. Les producteurs délégués, même ceux
de ma région, ont accepté en principe ce qui est dans la loi,
mais on a demandé des amendements.
Mais vous voyez qu'actuellement les gens de ma région, en tout
cas, demandent à peu près ce qu'on voulait avoir l'an
passé lors du congrès.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): En 1970, lors du congrès de l'UCC.
M. GUERARD: Cela ne veut pas dire qu'en général dans la
province on va revenir avec ce qu'on avait l'an passé, mais vous voyez
nettement à l'intérieur de tout ça que la loi ne satisfait
pas pleinement le producteur. On voudrait qu'il soit mieux défini
là-dedans.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le télégramme a quand même
une signification ici. Ce télégramme est du 22 septembre.
Qu'est-ce qu'il apporte de nouveau et qu'est-ce que vous voudriez que nous
acceptions, que nous proposions au gouvernement qui n'a pas déjà
été demandé et qui serait en contradiction avec les
positions prises par l'UCC lors de son congrès de 1970?
M. GUERARD: Je pense qu'à l'intérieur de notre association
l'UCC a fait des amendements qui ne satisfont peut-être pas pleinement le
producteur. On veut sûrement, en tout cas dans ma région, avoir
plus de liberté. La question du référendum, nous, l'an
passé, nous n'en avons pas demandé. Ce sont des points,
ça. Eliminons les référendums, nous sommes capables de
mener notre affaire, nous autres mêmes. Bon, c'en est un point et c'est
initial cette affaire-là. Sur l'accréditation, on n'a pas
demandé l'an passé de référendum. C'en est un
point, ça aussi. Enlevez tout ce qui semble ridicule, si vous voulez,
pour ces producteurs-là, référendum sous toutes les
formes. Augmentation de cotisation; si la loi n'est pas amendée, on
continuera d'être obligé d'aller devant la régie pour voir
si on peut augmenter notre cotisation. Il faudra démontrer la
nécessité d'augmenter notre cotisation et la régie
décidera si on doit l'augmenter ou non. On s'en va encore au
référendum.
Tenant compte de tout ça, les producteurs
disent: Bien, écoutez, on veut que ce soit le projet initial de
l'UCC, ou à peu près. Mais c'est sûr que vous autres ici,
tenant compte de tout ça, vous êtes en commission parlementaire,
vous voyez réellement que le producteur dans le champ n'a pas besoin de
dispositions spéciales pour la classe agricole.
Qu'on fasse à peu près ce qu'on fait dans les autres
unions pour l'accréditation, et je suis sûr qu'il sera
satisfait.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Guérard, est-ce que votre
télégramme, avec les propositions qu'on y lit, est en accord avec
le mémoire présenté par l'UCC devant cette commission
parlementaire?
M. GUERARD: J'ai expliqué il y a un député
ici que lorsque la résolution est venue sur la table, j'avais
dans la tête tous les amendements que l'UCC a faits. Si tous les
référendums étaient enlevés et que la
représentation que l'UCC ferait à la régie pour obtenir
l'accréditation était donnée, j'avais tout
ça dans la tête ça ne viendrait pas en contradiction
avec l'UCC. Mais eux ne connaissent pas toutes les démarches qui ont
été faites. Je pense qu'il n'y a pas tellement de contradiction.
Enlevez tout ce que personnellement je trouve ridicule pour la classe agricole
et ces producteurs vont être satisfaits. Demander 60 p. c. et que les
deux tiers soient favorables ça n'existe pas ailleurs pour
l'accréditation, encore la même chose, et contrôler
l'augmentation de cotisation, personnellement je pense qu'il n'y a pas un
organisme qui est subordonné à une régie pour qui une loi
dit: Pour augmenter ta cotisation, tu dois faire telle chose. C'est ce que ces
gens-là n'aiment pas. Ils veulent être libres de mener leur
organisation comme ils le veulent. Moi, je suis leur président; j'ai
accepté leur résolution parce que j'ai compris leur
idée.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Guérard, vous n'avez pas
répondu exactement à ma question. Vous avez même
ajouté quelque chose qui m'inquiète. Je vous ai demandé si
votre position, telle qu'exprimée dans ce télégramme, est
exactement celle qu'a tenue l'UCC devant la commission parlementaire. Vous nous
dites qu'il n'y a pas tellement de contradiction; cela implique donc qu'il y a
contradiction. Quelles sont ces contradictions que vous verriez?
M. GUERARD: Au niveau des référendums, surtout. Nous avons
accepté un référendum. Les autres, ils n'en veulent pas du
tout. Cela vient un peu en contradiction avec nous. D n'y a pas
seulement...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous avez accepté...
M. GUERARD: L'UCC a accepté qu'il n'y ait qu'un seul
référendum d'après la formule
Rand. Je pense que le président l'a dit ici, l'autre jour. Mais
les producteurs, actuellement, nous demandent cela fait deux
congrès que je tiens qu'il n'y ait pas de
référendum du tout.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant M. Guérard, sans vous
référer, à M. le président de l'UCC qui est
à côté de vous, quelle est exactement la position que
l'association que vous représentez vous a demandé de tenir devant
cette commission et qui a justifié l'envoi de ce
télégramme? Qu'est-ce qui ne serait pas en accord sur la position
de l'UCC, puisque vous nous dites: "Il faut revenir à la position
initiale prise lors du congrès général de l'UCC 1970"?
Qu'est-ce qui, dans le mémoire que nous a présenté l'UCC,
ne vous conviendrait pas et justifierait ce télégramme?
M. GUERARD: C'est la question des référendums. C'est sur
cela que les gars se penchent le plus. L'affaire des référendums
ne les satisfait pas du tout.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Etes-vous d'accord sur le mémoire de
l'UCC ou pas d'accord?
M. GUERARD: Je pense qu'il ne faut pas dire que nous sommes en
désaccord. Mais, vu que nous avions accepté un
référendum, sur ce point, cela ne fonctionne pas. Je pense que
les gens sont libres de dire: Les référendums, nous n'en voulons
pas. Je ne suis pas prêt à les brimer là-dessus.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Guérard, nous sommes bien d'accord
sur l'expression d'opinion que vous avez donnée tout à l'heure,
à savoir que vous avez le droit d'accepter ou non une attitude. Je suis
du même avis que vous là-dessus, mais je voudrais savoir sur quel
point précis votre association n'est pas d'accord et sur quel point
précis il y aurait désaccord entre votre association et l'UCC,
à partir du mémoire qui nous a été soumis par
l'UCC.
M. GUERARD: Notre association n'est pas à part de l'UCC, n'est-ce
pas? Nous ne sommes pas à part de l'UCC. C'est une région, si
vous voulez...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Guérard, il faut bien m'entendre. Je
ne prétends pas que vous êtes en dehors de l'UCC. Mais vous prenez
la peine de nous envoyer un télégramme pour nous demander de
tenir compte de la position qu'avait prise l'UCC en 1970. Or, nous avons eu le
mémoire de l'UCC. L'UCC a comparu devant nous. Qu'est-ce qui,
exactement, différencie votre attitude de celle que l'UCC a prise?
M. GUERARD: Je pense que je n'ai pas besoin de le répéter.
Cela fait déjà plusieurs fois que je le dis. L'attitude de l'UCC,
c'était, d'abord, d'avoir une reconnaissance syndicale et
qu'à l'intérieur de cela on ait la formule Rand. Il n'y a
pas d'opposition du tout là-dessus. C'est cela, pour nous, la formule
initiale: Que nous ayons la cotisation obligatoire et que nous soyons reconnus
officiellement.
Il n'y a pas d'opposition là-dessus; l'opposition qu'il y a,
c'est au sujet des référendums. L'UCC en a accepté un,
d'accord. Nous avons des amendements qui demandent qu'il n'y en ait qu'un. Les
autres ne sont pas d'accord là-dessus, ils n'en veulent pas du tout.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Votre association n'appuie pas l'idée
d'un référendum.
M. GUERARD: Non, mais il n'y a pas seulement qu'à
Sacré-Coeur, c'est un peu partout... je veux dire au dernier
congrès mentionné dans le télégramme que vous avez.
J'ai tenu un autre congrès dans ma région où l'on a
demandé la même chose. Les autres nous ont dit qu'ils
étaient d'accord quant aux recommandations de l'UCC mais pas quant au
référendum. C'est à peu près la même
chose.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela, c'est un point. Maintenant, sur la
définition d'agriculteur.
M. GUERARD: Nous ne nous sommes pas tellement étendus
là-dessus.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que votre attitude, en ce qui concerne
la définition d'agriculteur ou producteur ou cultivateur, etc. est
exactement la même que celle qui a été prise par l'UCC?
M. GUERARD: Moi personnellement, je peux vous dire que oui. Mais, parce
que...
M. DEMERS: ... que vous représentez.
M. GUERARD: Ecoutez, nous n'avons pas fait une étude
spéciale là-dessus lors de cette réunion-là, mais
c'est sûr que, dans le télégramme, parmi les producteurs
l'on ne veut pas avoir les intégrateurs, si vous voulez. Les
explications n'ont peut-être pas été données assez
clairement à ce moment-là. Mais nous savons que dans la loi
actuellement ceux qui sont trop gros ou trop petits et qui veulent être
exemptés l'on dit cela, je pense, dans le projet peuvent
aller à la régie et se faire exempter. Je pense qu'on a
peut-être manqué, dans cette partie-là, en ne donnant pas
d'éclaircissement.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je laisse la parole
à un autre député. Je n'ai pas reçu de
réponse qui justifierait... M. le Président, si vous le
permettez...
M. GUERARD: De toute façon, M. le Président,...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je souligne simplement à M.
Guérard, pour les fins de la commission, que vous nous avez
envoyé un télégramme. Il semble y avoir une opinion qui
diffère de celle qu'a exprimée l'UCC, et je n'ai pas encore
reçu de votre part les précisions qui nous permettraient de
croire que ce télégramme est justifié, dans les
circonstances. Et comprenez que je veux vous accorder à vous et à
ceux que vous représentez, toute l'attention que méritent vos
représentations.
M. GUERARD: Si je comprends, vous voudriez peut-être me faire dire
des choses qui ne sont pas dans ma pensée et qui ne sont pas dans la
pensée de ces gars-là.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Un instant, M. le Président, j'invoque
le règlement. Le témoin n'a pas le droit d'interpréter de
cette façon l'attitude d'un parlementaire.
Vous nous avez envoyé, ce matin le 22 septembre, M.
Guérard, un télégramme.
Ce télégramme veut dire quelque chose, oui ou non?
M. GUERARD: Oui.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Et qu'est-ce qu'il exprime comme attitude et
comme position? Je suis ici, moi, pour défendre les cultivateurs, pour
prendre leurs intérêts, parce que j'en ai un très grand
nombre dans ma circonscription, mais je veux savoir exactement, M.
Guérard, en toute amitié pour vous et pour ceux que vous
représentez, quelle est la raison qui justifie ce
télégramme à ce moment précis de nos auditions.
M. GUERARD: Il y a tout un rouage là, actuellement, que les
producteurs... D'abord, cela fait déjà passablement
d'années qu'on travaille là-dessus. Les gars sont
"tannés", excusez l'expression, d'attendre que la loi soit votée.
Ils sont fatigués de ça.
M. DEMERS: Ce n'est pas une façon pour que cela aille plus vite
en envoyant ce télégramme.
M. GUERARD: Ecoutez, le télégramme exprime toutes ces
choses. De plus on dit qu'on demande encore un référendum. C'est
encore une chose pour retarder l'adoption en troisième lecture et le
reste. Avant que ce soit appliqué, on va encore avoir du recrutement
à faire "à la mitaine" dans le champ, et c'est pour ça
que, dans le projet, l'UCC avait demandé... Normalement, cela aurait
dû être voté plus rapidement. Alors, on exprime,
là-dedans, toutes ces choses. Il y a aussi l'impatience des gars qui
veulent démontrer à la commission parlementaire qu'ils ne sont
pas pleinement satisfaits de ce qu'il y a dans la loi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je comprends beaucoup mieux maintenant le sens
de votre
télégramme. D'un côté, vous voulez faire
disparaître de la loi certains mécanismes, certaines dispositions
qui retarderaient l'adoption de ce projet de loi. D'autre part., vous voulez
certains amendements qui ont déjà été
proposés par d'autres associations. C'est dans ce sens-là qu'il
faut interpréter votre télégramme?
M. GUERARD: C'est ça!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je vous remercie, M. Guérard.
M. GUERARD: M. le Président, j'ai peut-être offensé
un peu M. Tremblay, tantôt, mais ce n'est pas malicieusement.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non, non! nous sommes là pour recevoir
ces revendications.
M. DEMERS: Il a un excellent caractère.
M. LE PRESIDENT: Le député de Lotbinière.
M. BELAND: J'aurais également une question à poser
à M. Guérard.
M. LE PRESIDENT: M. Guérard, voulez-vous rester au micro, on a
apparemment d'autres questions à vous poser?
M. BELAND: J'aurais justement une question à poser à M.
Guérard afin de clarifier davantage la situation. Etant donné que
j'ai moi-même été invité comme membre de l'UCC, tout
simplement, à ce congrès de Sainte-Croix, dans mon comté,
à la suite de ce télégramme, je me permets de poser la
question suivante: Est-ce que le télégramme avait pour but
premier tout simplement un éclaircissement des positions
déjà prises par l'UCC, lors du mémoire qui a
été présenté par M. Allain à ce
moment-là, ou s'il y a d'autre chose de spécial? Ce matin,
lorsque j'ai reçu ce télégramme, je me suis dit: Cela
clarifie avec plus de détails la position qui avait déjà
été prise par l'UCC. On ramarquera, au deuxième point:
"Une loi permettant de nous administrer nous-mêmes et non par la
Régie des marchés agricoles"; surtout ce point-là, je l'ai
pris tout simplement dans ce sens. Est-ce exact?
M. GUERARD: Je pense que cela confirme la position prise par l'UCC
là-bas et l'impatience des gens. Je pense, M. le député,
que vous avez pu constater que les gens étaient impatients, et surtout,
qu'on ne veut pas être subordonné à la régie. Dans
les déclarations du président général on a
entièrement dit...
M. BELAND: Si je comprends bien, à l'intérieur de chaque
fédération, il y a une possibilité pour les membres
d'émettre des opinions qui doivent être écoutées par
la confédération de l'UCC. La confédération,
à mon sens, est là pour écouter et essayer
d'établir un consensus. Après quoi, on a dû agencer le
mémoire qui a été présenté par M. Allain,
d'après ce que vous venez de confirmer, et ce, tout simplement pour
éclaircir, en des mots beaucoup plus simples, très
brièvement, la position exacte ou ce que demandent les agriculteurs de
cette région précise.
M. GUERARD: C'est ça et je voudrais faire remarquer à la
commission parlementaire que c'est un congrès sur huit. Cela en est un
qui a demandé ceci. Que voulez-vous que l'on fasse? C'est
démocratique chez nous. Us ont désiré que leur position
soit connue ici, à la commission. Nous avons huit congrès dans
nos régions actuellement. Vous avez eu l'opinion d'un congrès
là-dessus.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, est-ce que je pourrais
poser une question à mon collègue, M. Béland? Vous avez
assisté à cette réunion à titre de membre de l'UCC?
Vous êtes d'accord sur ce télégramme, puisque ç'a
été fait à l'unanimité.
M. DEMERS: Votre dissidence n'est pas enregistrée.
M. BELAND: M. le Président, si l'honorable député
de Saint-Maurice me laisse la parole...
M. DEMERS: Nous allons vous laisser tout ce que vous voulez.
M. BELAND: ... comme membre de l'UCC, pour répondre au
député de Chicoutimi qui semble très épineux ce
matin...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non, pas du tout. Je veux avoir des
précisions; des précisions précises, si vous voulez.
M. BELAND: Merci.
M. DEMERS: Excusez le pléonasme, si cela vous dit quelque
chose.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est un pléonasme vicieux.
M. BELAND: Vous me le direz lorsque vous aurez fini vos altercations et
je continuerai.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce n'est pas une altercation; c'est une
dispute entre deux personnes. D'accord?
M. BELAND: Bon! Etant donné que j'étais présent
là-bas non seulement pendant une heure, mais toute la soirée,
j'ai écouté attentivement...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Jusqu'à quelle heure?
M. BELAND: Pour préciser davantage, jusqu'à minuit et
demi.
M. DEMERS: Comme ça, vous avez été là deux
jours.
M. BELAND: J'ai écouté avec attention, mais je n'ai pas
participé à toutes les séances de travail, parce qu'il y a
eu des commissions, et que je n'ai été présent qu'à
une des commissions. Il serait assez difficile, même pour le
député de Chicoutimi, d'être à trois ou quatre
endroits différents à la fois.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Attention, je suis intelligent, moi.
M. BELAND: Cela est possible, mais il reste un fait, c'est que, ce
matin, je pense que nous n'avançons pas, présentement. Comme
j'étais présent là-bas, je puis dire de ce
télégramme ce matin qu'il correspond à tout ce que j'ai
entendu, aux voeux que j'ai entendus par les agriculteurs eux-mêmes
à l'assemblée plénière, plus au comité
où j'étais présent. Cela correspond à ce qu'ils
demandaient, eux, à ce moment-là.
Cela satisfait l'honorable député de Chicoutimi?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Voici, M. le Président...
M. DEMERS: Ce ne serait pas vous qui auriez rédigé le
télégramme?
M. BELAND: Non, monsieur.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... cela me satisfait, mais je voudrais
apporter ici une précision au député de Lotbinière
et à tous les membres de la commission. Si nous avons interrogé
M. Guérard, qui a répondu fort aimablement à nos
questions, c'est que nous voulions connaître exactement la teneur et la
justification de ce télégramme. Or, M. Guérard a
justifié, à la fin, son télégramme et j'ai tout
simplement demandé au député de Lotbinière s'il
était d'accord sur ce télégramme, puisqu'il a
assisté à cette réunion en sa qualité de membre de
l'UCC.
M. BELAND: Il y a beaucoup d'éléments dans ce
télégramme sur lesquels je suis entièrement d'accord. Je
pense que peu importe l'association...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Quels éléments acceptez-vous
là-dedans?
M. BELAND: ... que ce soit l'UCC, que ce soit les autres mouvements qui
ont déjà fait paraître ou présenté des
mémoires, de même que les autres qui en présenteront
aujourd'hui et peut-être subséquemment, il y a certainement,
à l'intérieur de toutes et chacune des associations qui viendront
comparaître, des éléments que nous devrons retenir en tant
que membres du Parlement.
Nous devrons nous appuyer sur ces éléments pour repenser
la formule finale qui devra être adoptée pour constituer le projet
de loi qui collera le plus à la réalité du besoin du
cultivateur.
M. LE PRESIDENT: Le député de Stanstead a une
question.
M. VAILLANCOURT. M. le Président, j'aimerais avoir l'opinion du
président général de l'UCC, M. Allain. Est-ce qu'il
pourrait nous dire s'il n'y a pas une contradiction entre le
télégramme qui est signé Maxime Plamondon,
secrétaire de la Fédération de l'UCC du Québec et
le mémoire de l'UCC?
M. ALLAIN: M. le Président, premièrement je n'ai pas la
copie du télégramme, j'aimerais bien l'avoir pour savoir de quoi
je parle pour commencer. Merci.
M. GUILLEMETTE: Est-ce que j'aurais la permission de faire une
précisioa? En entendant tout à l'heure un interlocuteur qui
disait qu'il ne voulait pas de référendum...
M. LE PRESIDENT. Attendez un instant, M. Guillemette.
M. ALLAIN: Je pense bien, M. le Président, que la première
réflexion que je peux faire est celle-ci. Ils nous demandent de revenir
à la position initiale de l'an dernier, c'est ça? Pour ce qui est
de la Régie des marchés, nous avons soulevé le
problème à savoir l'excès d'autorité sur la partie
syndicale; une loi semblable à un syndicat ouvrier avec cotisation
obligatoire après une représentativité de 50 p.c, nous
l'avons défendue devant vous; une loi définissant
réellement l'agriculteur et acceptant uniquement les vrais agriculteurs.
Je pense qu'ici il y a place pour beaucoup de discussions, on en a eu l'autre
jour, on a invoqué le point de vue pratique, à savoir comment
disposer du problème surtout par rapport aux listes qui devront
être dressées. Je pense que le président de la
fédération vous a exposé aussi que, dans l'esprit des
cultivateurs, un autre point de vue se pose, c'est celui des
intégrateurs. Il est clair que dans un congrès d'agriculteurs ce
problème est toujours soulevé, à savoir est-ce que nous
devrons partager l'avis du syndicalisme avec les grands intégrateurs,
les agents de l'intégration verticale? Cela ne m'offusque pas comme
attitude et je ne vois pas qu'il y ait là de problèmes ou de
différends majeurs avec les agriculteurs, nos membres. Que l'UCC fasse
des pressions jusqu'à l'obtention de cette loi et que l'UCC fasse
que
l'on agisse, c'est une disposition, une disponibilité du champ
vis-à-vis de la centrale pour l'obtention d'une loi.
Vous pourriez probablement nous faire discuter sur la définition
du cultivateur, mais on vous a donné notre opinion et je pense bien que
si tout ça était exposé à un congrès
d'agriculteurs, comme ça le sera d'ailleurs, ici, c'est un
secteur dans la région de Québec, c'est un des groupes de la
fédération de Québec, fédération de 7,000
à 8,000 adhérents ces questions vont être
continuellement ballotées pendant les congrès de secteur,
congrès régionaux et congrès général. Et au
moment où nous tiendrons notre congrès général pour
obtenir le consensus final, vous viendrez juste, je pense, d'ouvrir la session.
Nous serons en réunion les 11, 12 et 13 novembre et vous aurez
commencé, quelques jours plus tôt, la session. Alors, il sera
encore assez tôt pour nous de nous ajuster sur des points comme
ceux-là, je pense, pour vous faire des représentations
différentes de celles qu'on a déjà faites, s'il y a lieu.
Mais si elles sont différentes, je fais un pari avec vous, elles seront
plus rigoureuses que celles qu'on a présentées dans le
passé ici, probablement.
M. Guérard vous l'a dit, les gens s'impatientent. On essaie de
leur expliquer qu'actuellement une commission travaille sur le sujet, se penche
sur le problème du syndicalisme agricole. Ils ne comprennent pas les
détails et ne comprennent pas la longueur de temps que ça prend.
Il y a peut-être un peu d'émotivité à un moment
donné. Vous pouvez vous attendre à recevoir d'autres
télégrammes où les gens vous presseront d'agir. Mais la
situation n'est pas critique au point qu'il faille s'en inquiéter, je
pense, et d'ici le congrès général, attendez-vous à
recevoir des télégrammes comme ceux-là qui, moi, ne me
scandalisent pas et qui, après tout, ne posent pas de problèmes
majeurs. Là-dessus, on peut différer d'opinion, je sais.
M. LE PRESIDENT: Le député de Stand-stead n'a pas
terminé.
M. VAILLANCOURT: M. Allain, vous ne croyez pas que...
M. ALLAIN: C'est à vous que je répondais? Je pensais que
c'était à M. Tremblay.
Je n'avais pas vu qui avait posé la question.
M. VAILLANCOURT: M. Allain, vous ne croyez pas...
M. DEMERS: Les pièges, ça vient toujours de...
M. VAILLANCOURT: M. Allain, vous ne croyez pas qu'un tel
télégramme devrait être envoyé à la
confédération de l'UCC plutôt qu'à la commission
parlementaire?
M. VINCENT: Avec copie à la commission parlementaire.
M. VAILLANCOURT: Je pense que le porte-parole le plus important de votre
association, c'est bien la confédération et non les
fédérations.
M. ALLAIN: En temps normal, je ne crois pas vous, vous êtes
à préparer une loi, je comprends très bien ça et
vous retenez toute suggestion, du moins vous l'examinez qu'il aurait
été préférable qu'il soit peut-être
drainé vers la confédération. Probablement qu'une copie
lui est adressée aussi, je ne sais pas.
M. VAILLANCOURT: Moi, je pense que ce serait la manière de
procéder, étant donné qu'il y a de nombreuses
fédérations de l'UCC. S'il fallait que toutes les
fédérations nous envoient des télégrammes, je pense
que ça mêlerait un peu les cartes. Je suggérerais que les
fédérations envoient leurs revendications à la
confédération et non à la commission parlementaire,
à moins que la fédération ne soit pas d'accord avec la
confédération.
M. VINCENT: M. le Président, le président
général de l'UCC comprendra avec nous ce matin que si nous avions
reçu d'une fédération, comme nous pouvons en recevoir au
cours des prochaines semaines, des prochains mois, un télégramme
qui aurait dit: Nous appuyons la position prise par l'UCC, à savoir
premièrement, deuxièmement, troisièmement,
quatrièmement... nous aurions dit: C'est un appui à l'UCC. Mais
là, dans le télégramme, il semble qu'on fasse intervenir
d'autres facteurs que les principaux ou quelques facteurs qui ont
été apportés ici par l'UCC. De plus, le président
général de l'UCC comprendra avec nous qu'on demande, à
l'heure actuelle, qu'un seul organisme représentatif des agriculteurs
puisse être entendu par le gouvernement. Un seul organisme. Et si nous
avons continuellement des télégrammes d'organismes
régionaux de l'UCC, qui apportent des faits nouveaux ou encore changent
des prises de position de l'UCC générale, là ça
pose des contradictions.
Alors, si un tel télégramme avait été
adressé à l'UCC avec copie à la commission parlementaire,
il n'y aurait eu aucun problème. Ou encore si un tel
télégramme nous était arrivé en disant: Nous
appuyons la position de l'UCC, il n'y aurait pas eu de problème. Je
tiens à souligner on l'a remarqué au cours des
années dernières et je pense bien que ça peut se produire
au cours des années qui suivront que très souvent nous
avons une position adoptée de façon générale dans
toute la province et que, par la suite, trois, quatre, cinq ou six positions
nous viennent d'agriculteurs et sont quelquefois en contradiction, ce qui place
le ministre, les parlementaires devant la situation de faire un choix: Qui dit
ou qui parle pour qui? C'est ce qui est important.
M. ALLAIN: M. le Président, le seul engagement que je puisse
prendre devant la commis-
sion, c'est de faire valoir aux fédérations
régionales qu'elles orientent leurs remarques, s'il n'y a pas de
dissidence majeure avec la confédération, vers la
confédération. L'engagement que je ne peux pas prendre, c'est de
leur interdire de s'adresser directement à la commission
parlementaire.
M. VINCENT: Elles peuvent toujours le faire.
M. ALLAIN: Si, naturellement, elles sont en dissidence, parce qu'il n'y
a quand même pas d'autorité telle chez nous qui interdise â
nos fédérations de se désolidariser si elles le jugeaient
opportun.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais vous comprenez pourquoi, M. Allain, nous
avons insisté pour connaître exactement le sens de ce
télégramme, ce matin. C'est que nous voulions comprendre
exactement par quel mécanisme de consultation l'on s'était
entendu ou l'on se proposait de s'entendre sur le projet de loi du syndicalisme
agricole.
M. ALLAIN: Oui. Et je pense qu'on vous a répondu qu'il s'agit
d'un secteur dans une fédération de 7,000 à 8,000
adhérents, qu'il faut trouver ici l'esprit qui prévaut dans le
champ à l'heure actuelle, à savoir celui d'une certaine
impatience et d'une volonté de doter le monde agricole d'une loi qui
corresponde à l'attente.
Alors, sur les questions techniques, je pense que vous tolérerez
qu'une réunion d'agriculteurs, qui se fait généralement le
soir, après une journée de travail, puisse avoir sur des points
techniques quelques particularités qui vous obligent, vous, â vous
interroger. Et c'est de cette façon, je pense, qu'on peut vous
répondre là-dessus.
M. LE PRESIDENT: Le député de Beauce a une question.
M. ROY (Beauce): M. le Président...
M. LE PRESIDENT: Excusez, le député de Sainte-Marie.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): On parlait du même sujet.
M. ROY (Beauce): On parlait justement du télégramme.
M. LE PRESIDENT: Messieurs, je pense que nous avons passé assez
de temps sur ce télégramme. On a invité d'autres
organismes à venir ici; ils sont venus de loin.
M. ROY (Beauce): Je pense qu'on a permis aux autres membres de la
commission de prendre la parole là-dessus; je voudrais tout simplement
apporter une précision concernant le télégramme. Je me
demande ce matin si, à la commission parlementaire, on n'est pas en
train de faire de la "procédurite" et d'essayer de faire une
tempête dans un verre d'eau. Je trouve qu'il n'y a rien d'anormal
à ce que la fédération de l'UCC, deux, trois au même
huit fédérations fassent parvenir des télégrammes
à la commission parlementaire. C'est à eux de décider par
quel canal ils doivent passer; ce n'est pas à nous de leur dicter une
ligne de conduite.
M. VINCENT: Question de privilège, M. le Président, un
point de règlement.
M. ROY (Beauce): M. le Président, je ne verrais pas d'objection
à ce qu'un syndicat de l'UCC...
DES VOIX: A l'ordre!
M. VINCENT: Ce n'était pas du tout notre intention
d'empêcher qui que ce soit d'envoyer ou de faire parvenir un
télégramme à la commission parlementaire. C'est un droit
que tout citoyen du Québec possède. Mais, quand nous recevons un
télégramme, contrairement à ce que pense le
député de Beauce, nous sommes quand même des personnes
sérieuses, nous voulons savoir ce que dit le télégramme,
quel est le sens du télégramme. Si nous étions membre du
Ralliement créditiste, ça ne nous ferait rien. On laisserait
passer le télégramme. On ne dirait pas un mot ; on dirait que
ça fait du papier.
M. DROLET: Où est la question de privilège
là-dedans?
M. VINCENT: Il reste quand même que, si on lit le
télégramme, si on regarde ce qu'il contient...
M. DROLET: Les innocences de l'Union Nationale.
M. VINCENT: ... il faut, quand même, avoir des
éclaircissements.
M. DROLET: Demandez-en donc à Lou-bier!
M. VINCENT: A ce moment-là, le député de Beauce n'a
pas raison de dire qu'on perd son temps quand on reçoit un
télégramme qui a quand même coûté de l'argent
à la fédération de l'UCC pour nous l'envoyer.
M. DROLET: On va en parler à Loubier et ça va tout
s'arranger!
M. VINCENT: Si la fédération de l'UCC a
dépensé tel montant d'argent pour nous faire parvenir un
télégramme, c'est parce qu'elle voulait se faire entendre.
M. ROY (Beauce): M. le Président, c'est justement ce que j'allais
dire. La fédération de l'UCC nous a envoyé un
télégramme et nous l'interrogeons à ce sujet. Je pense que
tous les membres de la commission parlementaire sont d'accord pour que nous
obtenions des éclaircissements. Tout à l'heure, j'ai
trouvé un peu stupide qu'on fasse des reproches à la
fédération de l'UCC de s'être adressée à la
commission parlementaire, plutôt que de s'adresser à la
confédération de l'UCC.
M. VINCENT: Un point de règlement, M. le Président.
M. ROY (Beauce): C'est pour cela que j'ai voulu intervenir.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. VINCENT: Je voudrais que le député de Beauce retire ses
paroles. Aucun membre de la commission parlementaire n'a fait de reproche
à l'UCC de Québec est ou nord ou à son secrétaire,
M. Maxime Plamondon, de nous avoir envoyé un télégramme.
C'est normal et c'est leur droit de nous faire parvenir des
télégrammes. Nous voulions avoir des éclaircissements sur
le teneur du télégramme. C'était notre droit et notre
devoir de demander ces éclaircissements. Nous les avons obtenus et nous
sommes prêts à passer à l'autre témoin.
M. LE PRESIDENT: D'accord, tout le monde?
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président...
M. LE PRESIDENT: Le député de Sainte-Marie.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): A propos du télégramme,
j'avais demandé la parole; je n'ai pas pu m'exprimer jusqu'à
présent. Je voudrais tout simplement faire une remarque. Moi aussi, j'ai
assisté à un de ces congrès, celui de
Sacré-Coeur-de-Marie, dans le comté de Mégantic. J'y ai
assisté à titre d'observateur. Beaucoup de députés
auraient dû aller à ce congrès. Cela leur éviterait
de poser des questions sur le télégramme en question.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'invoque le
règlement.
M. LE PRESIDENT: Le député de Sainte-Marie a la
parole.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Il n'y a pas de question de règlement
dans cela.
M. DEMERS: C'est comme si on disait qu'on n'est jamais allé
à un congrès de l'UCC.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): I am sorry!
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je n'ai fait de reproche à
personne.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je regrette de devoir
dire à mon collègue de Sainte-Marie que, s'il vient de
découvrir l'agriculture, et si son mouvement vient de la
découvrir, nous avions découvert cela bien avant lui et que
l'Amérique a été découverte en 1492. Son parti est
bien en retard.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Remarquez que l'Amérique, en 1492,
cela, je le savais. C'est par Christophe Colomb. Vous ne m'avez absolument rien
appris!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): René Lévesque a dû
écrire un papier là-dessus pour qu'il le sache!
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Si le député de Chicoutimi
veut m'apprendre des choses, je pense qu'il n'a pas réussi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il n'y a qu'une chose que je ne sais pas,
c'est comment poser des bombes.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Moi non plus!
UNE VOIX: Ah! mais vous avez du talent.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous avez des professeurs pour vous
l'enseigner!
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je sais à quoi vous faites allusion.
Vous êtes très méchant. Je suis habitué à vos
observations. Je vous ai dit que je ne les prenais plus et que cela ne me
faisait plus rien. Vous attaquez même vos propres chefs. Alors,
laissez-moi tranquille avec vos bombes vos assassinats et ces
choses-là.
M. DROLET: On laisse cela à la mafia.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Oui. Laissons cela à la mafia.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'espère que je n'en serai pas victime.
Il y a un de nos collègues qui l'a déjà
été.
M. VAILLANCOURT: Je demanderais de revenir au sérieux.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, puis-je continuer?
Nous laisserons faire les bombes du député de Chicoutimi.
M. DEMERS: Vous étiez allé dans le comté de
Mégantic.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je suis allé dans le comté de
Mégantic à titre d'observateur. Les péquistes ont
même des amis dans le comté
de Mégantic, parce que j'avais été invité.
J'ai été invité comme observateur. J'ai compris le sens du
télégramme. C'est pas mal en accord avec la position de l'UCC,
lorsqu'elle a présenté son mémoire. On demande de revenir
aux demandes de 1970. En somme, ces gens s'inquiètent beaucoup de la
défirition de l'agriculteur. Qui sera inclu dans la loi? Tel que
défini dans la loi, ici, c'est assez général. Est-ce que
c'est un agriculteur qui retire 50 p. c. de son profit de l'agriculture, ou 25
p. c, ou peu importe?
Ces gens demandent, d'abord, qu'il n'y ait pas de
référendum. Je pense que cela a été la prise de
position de l'UCC: pas de référendum pour l'accréditation,
pour la cotisation obligatoire et aussi pour changer la cotisation. Je pense
que tous ces congrès de secteur se termineront par un congrès
général à Québec, n'est-ce pas? Si ce n'est pas
cela, vous me corrigerez, M. Allain. A ce congrès, à
Québec, une position définitive sera prise en rapport avec toutes
celles qui ont été exprimées dans les congrès de
secteur.
Je reviens à ce que j'ai dit au départ. Ce
télégramme n'a rien de nouveau. C'est à peu près la
position des agriculteurs du Québec. On veut être traité
comme dans tout syndicat, même comparativement à un syndicat dans
le secteur industriel. On ne veut pas de référendum. On veut la
majorité simple, c'est-à-dire 50 p. c. plus un. Je suis d'accord.
On ne veut pas de référendum pour changer le mode de cotisation.
On veut surtout une définition exacte de ce qu'est l'agriculteur.
On demande aussi d'accorder moins de pouvoirs à la Régie
des marchés agricoles. Si vous prenez l'article 46, il en a
été question à ce congrès, dans un atelier
où j'assistais comme observateur. Je répète encore au
député de Chicoutimi que je suis allé là pour
m'instruire, non pour imposer des idées. On trouve que la Régie
des marchés agricoles a beaucoup de pouvoirs. Les cultivateurs, qui sont
comme tous les autres groupes de la société, veulent administrer
leur syndicat eux-mêmes et avoir une certaine autonomie. Je pense qu'ils
ont raison.
Ma bombe vient d'éclater. Elle est finie. Le député
de Chicoutimi peut être rassuré.
M. DEMERS: Elle vous a éclaté dans les mains.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le député de Sainte-Marie
devrait aller faire une petite enquête à Alma pour savoir ce que
font les péquistes. Pour combien de milliers de LSD et tout cela, ce
matin?
M. LE PRESIDENT: Cela n'entre pas dans la discussion.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non, non, M. le Président. Je
m'excuse.
M. LE PRESIDENT: Je m'excuse auprès de tout le monde. Nous avons
invité des gens qui sont ici. Ils sont venus de loin pour faire des
représentations et nous passons beaucoup de temps à discuter du
télégramme. Il est peut-être important de savoir la
position unique de l'UCC ou des autres, mais j'ai cédé la parole
à M. Roy au début de la séance et il n'a pas encore pu
dire un mot.
J'invite M. Roy à présenter son mémoire.
Conseil de l'alimentation du Québec
M. ROY (Léonard): M. le Président, MM. les membres de la
commission parlementaire de l'Agriculture, mon nom est Léonard Roy. Je
suis le vice-président exécutif du Conseil de l'alimentation du
Québec.
M. Marcel Masse je suis obligé d'ajouter ceci, compte tenu
du milieu, sans référence à une personne que vous
connaissez le président du Conseil de l'alimentation du
Québec, m'a prié de l'excuser. Il tenait à être ici
ce matin pour vous présenter lui-même le point de vue de
l'organisme, mais il a été retenu à Montréal
à la dernière minute par des engagements imprévus.
Le Conseil de l'alimentation du Québec vous remercie de lui
fournir l'occasion de se faire entendre et d'apporter à votre commission
parlementaire le point de vue de l'ensemble québécois de
l'industrie et du commerce de l'alimentation sur le projet de loi du
syndicalisme agricole. Ayant eu l'avantage d'être présent aux
séances précédentes de votre commission, nous avons
constaté le souci que vous avez; M. le Président, de faciliter la
procédure au bénéfice de la recherche, de l'information et
du dialogue avec les parties. Ceci nous met en confiance et nous rend
particulièrement disponibles à toutes vos questions.
Compte tenu de ce que nous avons entendu depuis une heure, M. le
Président, je tiendrais à vous dire aussi, respectueusement, que
tous les milieux d'affaires de la province de Québec qui touchent, d'une
façon ou d'une autre, à l'alimentation ont l'impression que vous
savez traiter de choses importantes comme celles de la mise en valeur d'une
ressource naturelle aussi essentielle au Québec que celle de
l'agriculture en vous mettant au dessus des préoccupations
électorales.
Alors, nous apprécions, dans l'ensemble, de l'extérieur,
M. le Président, que le gouvernement du Québec se donne tout ce
souci pour charger une commission parlementaire, qui coûte tout de
même beaucoup d'argent aux contribuables, d'étudier ce
problème en profondeur et de nous donner à nous la satisfaction
de pouvoir nous faire entendre d'une façon démocratique et
honnête.
Le Conseil de l'alimentation du Québec est une corporation
à charte provinciale qui regroupe les associations d'affaires
québécoises dont les membres sont engagés dans la
transformation, l'apprêtage et la distribution des produits
agrico-alimentaires. Il est dirigé par des chefs d'entreprise
élus démocratiquement chaque année par les associations
membres.
Notre organisme en est un de coordination dans la recherche et l'action
au service de l'industrie alimentaire du Québec. Il trouve sa
justification dans son rôle d'interlocuteur valable et
représentatif toujours prêt, entre autres fonctions, à
coopérer avec les autorités constituées qui, à
divers paliers de l'administration gouvernementale, interviennent dans la mise
en marché des denrées alimentaires agricoles.
Il a, depuis sept ans, cherché à être présent
et à apporter sa contribution constructive à toutes les
entreprises de planification destinées à développer et
à consolider les marchés des produits agricoles et alimentaires
du Québec.
Nous représentons donc les associations suivantes et parlons
officiellement en leur nom: L'Association des manufacturiers de produits
alimentaires du Québec, le Conseil des salaisons du Canada (section du
Québec), le Conseil de l'industrie laitière du Québec,
l'Association des abattoirs avicoles du Québec, l'Association des
couvoiriers du Québec, l'Association professionnelle des meuniers du
Québec, l'Association des manufacturiers de moulées, les
Pêcheurs unis du Québec, l'Association des épiciers en gros
du Québec, l'Association des grossistes en fruits et légumes du
Québec, l'Association des magasins-chaînes du Québec,
l'Association des courtiers en alimentation du Québec et l'Association
des détaillants en alimentation du Québec.
Le grand complexe économique de l'alimentation du Québec
couvre environ 2,500 industries et quelque 12,000 établissements
commerciaux. Le Conseil de l'alimentation du Québec représente,
par ses structures, 70 p.c. en nombre et 90 p.c. en valeur des activités
de ces entreprises.
La nature, les objectifs et les états de service de notre
organisme nous justifieraient déjà d'intervenir dans le
débat de ce projet de législation.
Nos représentations d'aujourd'hui sont la suite logique des
commentaires et recommandations sur un premier projet de législation sur
le syndicalisme agricole que le Conseil de l'alimentation a
présenté au commissaire-enquêteur du gouvernement, Me
Marcel Trudeau, à la suite de son invitation du 24 novembre 1969.
Le rôle et les responsabilités de percepteur de cotisations
syndicales que les projet de loi no 64 entend imposer aux acheteurs commerciaux
et industriels de produits agricoles nous font une obligation de faire entendre
ici la voix de ceux qui sont ainsi conscrits pour l'accomplissement d'une
fonction de suppléance qui semble bien être fondamentale pour le
succès de cette expérience syndicale. Si cette fonction de
perception est le prérequis essentiel au fonctionnement de tout le
système, on doit accepter, M. le Président, que le percepteur ait
le droit de s'interroger sur la portée réelle du geste qu'il va
poser quant à l'orientation future des politiques de mise en
marché de nos produits agricoles.
Ici, M. le Président, nous voulons souligner que dans la Terre de
chez nous, la semaine passée, on disait: "On entendra, la semaine
prochaine, des organisations reliées plus ou moins au problème de
l'agriculture". Nous tenons, précisément ici, à souligner
que, quant à nous, nous sommes étroitement et
immédiatement reliés au problème de l'agriculture pour les
raisons que nous venons de vous donner, ne serait-ce, encore une fois, pour les
fins du projet de loi 64, que ce rôle du percepteur de cotisation qu'on
nous impose.
C'est là la justification majeure de notre intervention. En fait,
malgré le soin évident que prennent les auteurs du projet et le
législateur pour garder bien séparées et distinctes les
considérations d'organisation professionnelle syndicale et les
considérations de mise en marché de produits agricoles
répondant en cela à nos requêtes pressantes depuis
plusieurs années il n'en reste pas moins qu'en dépit de
cette gymnastique intellectuelle, toute nouvelle structure professionnelle aura
une incidence directe sur les politiques de mise en marché; et à
ce moment-là nos secteurs industriels et commerciaux deviennent
directement impliqués et justifiés d'intervenir dans les
débats avec les producteurs agricoles, avec les consommateurs, avec les
unions ouvrières, avec l'administration gouvernementale.
Nous tenons à souligner que les milieux d'affaires,
représentés par le Conseil de l'alimentation du Québec, ne
s'opposent d'aucune manière au syndicalisme agricole, comme d'ailleurs
au syndicalisme tout court.
Nous considérons que cette question du syndicalisme agricole
regarde d'abord et avant tout les cultivateurs du Québec. C'est une
formule de promotion des intérêts de la profession agricole parmi
diverses autres options. Le cadre syndical est l'aboutissement du genre
d'efforts de structuration du monde rural que poursuit l'UCC depuis des
années. Ce serait être volontairement rétrograde, en 1971,
que de feindre ignorer que l'organisation professionnelle des producteurs
agricoles repose sur les structures de groupes, l'information, la
législation relative à l'économie contractuelle en vue
d'un pouvoir adéquat de négociation avec l'industrie
agrico-alimentaire. En soi, une loi du syndicalisme agricole ne saurait donc
soulever l'opposition du monde industriel et commercial.
Pour éviter toute confusion, permettez que nous précisions
immédiatement que le fait de reconnaître la place du syndicalisme
agricole dans notre économie rurale n'implique nullement, de notre part,
un jugement sur la valeur, l'utilité, le droit de cité du
système coopératif. Nous regrettons la confusion que l'on
crée à ce sujet, parce qu'il s'agit de deux ordres de choses
totalement différents, destinés à servir la classe
agricole sur deux plans distincts: le premier dans le domaine de l'organisation
professionnelle; le second dans le domaine de la mise en
marché des produits agricoles. Ce qui n'empêche pas les
sociétaires de coopératives de s'exprimer sur les formules du
syndicalisme agricole, et les responsables des destinées des
coopératives agricoles d'avoir les mêmes appréhensions que
les milieux de l'entreprise capitaliste quant au genre de syndicalisme agricole
que le législateur consacrera au Québec.
Car, en effet, il y a le "genre" de syndicalisme agricole qui ne peut
nous laisser indifférents. Nous croyons en avoir eu la preuve ce matin.
Au moment d'adopter une loi du syndicalisme agricole, il importe de s'assurer
que les prescriptions du statut faciliteront le cheminement du syndicalisme
vers les formules professionnelles les mieux adaptées aux besoins de
notre monde moderne au lieu de consacrer à demeure une mentalité
syndicale unique et monolithique qui aurait été autrement
rejetée par les producteurs progressifs. En un mot, il faut apporter
autant d'attention au contenu doctrinal qu'au contenant professionnel.
Tous ceux qui ont eu l'avantage de voyager à l'extérieur
du Québec et d'étudier diverses manifestations du syndicalisme
agricole, dans les pays où l'agriculture a évolué,
constatent que le syndicalisme simplement revendicateur (qui érige la
méfiance en système et qui se nourrit d'épreuves de
force), fait place à un syndicalisme à mentalité nouvelle
beaucoup plus ouvert à la participation et à la planification,
qui sait tempérer sa force d'initiative et de frappe par la disposition
au dialogue et à l'esprit d'équipe et dont l'éventail des
préoccupations dépasse de beaucoup le prix de vente de la
production agricole de ses membres.
C'est le cas des pays du Marché commun européen.
Pour bien illustrer qu'il n'y a pas qu'un seul genre de syndicalisme
agricole à consacrer dans un texte de loi, nous attirons l'attention du
législateur sur le témoignage suivant de Michel Thébaud,
directeur de la Fédération des syndicats agricoles de France, qui
décrit un syndicalisme autre que celui qui a cours au Québec :
"Le syndicalisme agricole n'a sa raison d'être et ne peut être
réellement efficace qu'en autant qu'il agit avec le concours des autres
organismes professionnels. Tout en ayant un rôle différent de ces
organismes, il n'assume pas une fonction strictement hiérarchique, il ne
détient pas le monopole de la représentation de l'agriculture,
mais il est un lieu de confrontation, de réflexion, où se
définit l'action."
Vers la même date, un ex-président de l'Association
nationale des jeunes agriculteurs de France livrait cette observation d'un
état de chose, découlant du syndicalisme tel que décrit
par M. Thébaud : "En dix ans, l'agriculture française a plus
changé qu'en dix siècles. Ces changements résultent d'une
évolution profonde de la mentalité des cultivateurs,
entraîmés par une élite particulièrement dynamique
qu'on identifie surtout aux cercles de jeunes agriculteurs, secondés par
des hommes politiques qui n'ont pas hésité à changer des
structures traditionnelles pour faire de l'agriculture française une des
grandes industries de l'époque, dans le cadre d'une nouvelle politique
agricole globale."
Il ressort des constatations de ceux qui ont pu étudier la
situation sur place, qu'au lieu de tenter d'améliorer le sort de la
masse des cultivateurs en l'encadrant dans un syndicalisme de classe qui
mélange indifféremment les producteurs-entrepreneurs bien
préparés, bien organisés, avec les producteurs
inadaptés et irrécupérables, on encourage, au contraire,
en France, l'avancement d'un groupe de producteurs qui font preuve de
dynamisme, qui comprennent que l'agriculture n'est pas seulement un mode de
subsistance familiale, mais surtout un moyen de production de richesses et de
prospérité économique pour les véritables
exploitants industriels agricoles.
Il y a donc des syndicalismes agricoles, et c'est dans
l'intérêt de toute la collectivité que le
législateur s'assure que nos lois, au lieu de freiner
l'évolution, facilitent par une saine concurrence entre formules
modernes l'avènement du syndicalisme agricole le plus progressif.
M. le Président, tout en demeurant strictement attaché au
sujet de notre représentation ce matin, tout en demeurant le plus
possible objectif et sans vouloir être malin d'aucune manière, je
vous demanderais de me permettre de démontrer d'une façon
absolument pratique ce qui était inattendu pour moi, compte tenu
que j'ignorais totalement ce qui devait se produire entre dix heures et onze
heures ce matin que le développement de l'agriculture dans le
Québec prouve précisément que nous sommes en face de
ça, d'une confrontation de différentes mentalités
syndicales.
Dans son édition du 15 septembre, la Terre de chez nous, a un
éditorial dont le titre est: "La revendication bruyante ayant
cédé le pas à une discussion plus rationnelle, que penser
du nouveau style d'action de l'UCC? "
Et le secrétaire général de l'UCC, campe d'une
façon absolument réelle la situation que nous vivons dans le
moment et je crois que ce n'est pas prendre indûment le temps de la
commission que de vous citer deux paragraphes de cet éditorial, pour
montrer ensuite en regard de cet éditorial ce qui se passe : "L'UCC a
connu durant la première phase d'organisation de la mise en
marché des produits agricoles un type d'action revendicatrice,
marquée surtout par les manifestations populaires impressionnantes et la
critique violente, aussi bien écrite qu'Orale des gouvernements et des
entreprises économiques du secteur agricole. Les discussions avec les
interlocuteurs se faisaient alors le plus souvent d'assez loin, par la voie de
la correspondance, des télégrammes, des journaux et de la
télévision.
Ce style d'action a eu des résultats certains, dont quelques-uns
très importants, notamment l'obtention des subsides aux producteurs de
lait, et la refonte de la Loi des marchés.
Cette façon de conduire l'action de l'UCC, et
cela est évident, s'est modifiée sensiblement au cours des
dernières années. Sans abandonner les manifestations populaires
comme la réunion à Sainte-Foy et sans cesser
surtout de considérer qu'elles demeurent une forme d'action importante
du syndicalisme agricole, l'UCC favorise actuellement la discussion rationnelle
et la négociation avec les gouvernements et les entreprises. Les
rencontres et les communications directes avec les membres et les
fonctionnaires des gouvernements sont devenues chose courante. De même,
les discussions avec les représentants des entreprises agricoles se
multiplient, surtout par la voie des fédérations
spécialisées qui administrent des plans conjoints. En regard de
cette attitude que l'UCC veut bien nous souligner et porter à notre
attention, c'est-à-dire cette évolution qu'elle cherche à
faire à la direction vers plus de planification, plus de discussion,
vous avez justement, ce matin, une manifestation qui prouve que dans les
cadres, que dans les fédérations il y a divergence de vues au
point de vue de l'opportunité de l'action, au point de vue même de
la nature de la présentation, de la discussion ou des contacts ou des
relations avec les autres parties de la société.
Ceci nous amène à dire qu'il y a
précisément, en dehors des cadres qui existent
déjà, qui sont les fédérations qui, elles, se
regroupent en confédération, et dans ces cadres, la
possibilité comme on l'a dit ce matin de roder encore un
peu plus le mécanisme de manière qu'il y ait une voix qui parle,
après qu'il y ait eu entente dans les cadres inférieurs. Il reste
tout de même que cette situation est indicative qu'il y a, au
Québec comme partout ailleurs où il y a une agriculture qui est
en mutation, des conceptions d'action, des conceptions d'attitude à
prendre sur la mise en valeur de l'agriculture, qui diffèrent. Nous
croyons et c'est justement à l'appui de notre thèse que
nous apportons cet incident qu'il faut absolument qu'on accepte dans une
loi de faciliter cette évolution des différentes conceptions
syndicales, de manière à arriver à faciliter à un
moment donné une expression d'opinions qui regroupe véritablement
la majorité. A ce moment-là, la loi démocratique
jouera.
Ceci dit, ceci apporté comme exemple à l'appui de notre
thèse, nous continuons, si vous le permettez bien. Si, par contre, le
syndicalisme agricole est ramené à une formule de repliement de
la classe agricole qui la coupe du contexte économique où elle
doit évoluer et que ce régime unique doive reposer sur des
pouvoirs et prérogatives monopolistiques, nous vous soumettons que c'est
le droit et le devoir de tous les secteurs économiques, directement
exposés à l'influence éventuelle de ces nouvelles forces,
de mettre tout en oeuvre pour que l'on évite des erreurs coûteuses
et irréparables. C'est dans cet esprit et c'est pour cette raison que le
Conseil de l'alimentation du Québec tient à prendre position sur
le projet de loi qui est devant vous.
Le Conseil de l'alimentation du Québec désire, avant
toutes autres considérations, faire appel à tous ceux qui sont
conscients du danger que nous courons au Québec de nous enfermer dans
des structures avant même d'avoir décidé de nos politiques
d'ensemble. Est-il vraiment raisonnable d'édifier des structures
rigides, comme celles que l'on propose dans le projet de loi no 64, avant
d'avoir complété et d'avoir adopté une véritable
politique agricole globale pour le Québec?
Nous reconnaissons qu'il y a, à la direction du ministère
de l'Agriculture, une équipe dont c'est l'intention avouée de
réaliser, dans les plus brefs délais, ce que nous demandons
depuis des années, soit une politique agricole alimentaire globale. Bien
qu'on ait dépassé le stade des voeux pieux et en dépit du
fait qu'on s'oriente vers la concertation des efforts de toutes les parties
intéressées, qu'on commence à faire accepter les
interdépendances entre groupes et individus, et que certaines
compétences commencent à attirer d'autres compétences sur
le plan interministériel et sur le plan gouvernement-industrie, nous ne
l'avons pas encore, cette politique globale.
Si nous ne connaissons pas encore les lignes de force d'une telle
politique globale et leur incidence sur le nombre de nos unités de
production agricole, sur le nombre et la qualification de la main-d'oeuvre
agricole, sur le remplacement de certaines productions peu rentables par
d'autres plus prometteuses d'avenir, comment pouvons-nous, avec logique et
sagesse geler dans des structures rigides, surtout monolithiques,
l'organisation professionnelle de nos diverses classes agricoles dont
l'orientation et l'avenir sont mis en cause?
Pour mieux illustrer notre pensée, essayons de voir ce qu'il
advient des structures proposées dans le projet de loi no 64 au fur et
à mesure que le gouvernement du Québec arrive à
préciser sa politique agrico-alimentaire globale.
Le Québec doit décider, et dans les plus brefs
délais, si son agriculture s'orientera de manière à
occuper la plus grande place possible sur son marché domestique de
consommation alimentaire ou s'il est préférable de laisser
s'établir un état de dépendance de l'extérieur,
sans cesse croissant, pour les approvisionnements des Québécois
en nourriture, comme c'est le cas présentement. Il va falloir se mettre
à produire pour vendre et à produire ce que nos consommateurs
désirent acheter.
A ces nouveaux impératifs de mise en marché s'ajoutent les
exigences constitutionnelles du pays en matière de commerce
interprovincial qui forceront le Québec à négocier avec
les autres provinces le partage des marchés de consommation de produits
agrico-alimentaires sur le plan national.
Cette question de partage des marchés pose aux responsables de
l'agriculture du Québec le grand défi de la spécialisation
dans certaines productions où nous sommes particulièrement bien
équipés, où nous pourrions facilement
nous équiper pour satisfaire non seulement aux exigences de notre
marché domestique, mais aussi pour prendre place par l'exportation, non
pas à l'autre bout du monde, mais dans ce triangle Montréal-New
York-Chicago où se situe le plus grand marché de consommation
alimentaire de l'Amérique.
Dans ce contexte, nous devons opter, dès demain, à la
lumière de nos investissements en agriculture, soit entre une
orientation décisive et prompte qui fera du Québec la province
laitière du Canada, avec tout ce que cela peut comporter de potentiel,
ou le remplacement accéléré des fermes laitières
par d'autres genres de productions, comme par exemple l'élevage, la
production des plantes oléagineuses pour répondre à la
demande grandissante des huiles végétales, la production
horticole avec les investissements massifs dans les travaux d'infra-structure
du régime des eaux et de l'équipement en surface, pour
accroître le rendement à l'acre, et le reste, et le reste.
Toutes ces options, M. le Président...
Ah! excusez-moi, je pensais que quelqu'un protestait.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): C'est la bombe du député de
Chicoutimi.
M. ROY (Léonard): Toutes ces options, M. le Président,
entraîneront forcément des changements profonds dans les
systèmes de mise en marché des produits agrico-alimentaires.
Déjà, on se rend compte que le régime unique et exclusif
des plans conjoints de mise en marché, qui peut très bien servir
la mise en marché de certains produits, ne donne pas les
résultats attendus dans d'autres domaines. Il va falloir accepter
d'ajouter à la formule des plans conjoints d'autres moyens aussi
efficaces, plus souples, mieux adaptés à faire la mise en
marché de certaines productions spécialisées. Ces
nécessités entraîneront une refonte de la Loi des
marchés agricoles du Québec et, depuis plus de deux ans, un
comité spécial du gouvernement prépare cette refonte et
consulte les parties intéressées. On nous laisse même
entendre que cette refonte pourrait être soumise à
l'Assemblée nationale dès la prochaine session.
Devant ces nouvelles catégories de producteurs, ces nouveaux
mécanismes de mise en marché, ces nouvelles structures juridiques
de vente, regroupant les producteurs non seulement d'après leur
spécialisation, mais aussi d'après leur catégorie
d'importance économique, que deviennent les stipulations et exigences
d'une loi du syndicalisme agricole comme celle qu'on nous propose?
C'est pourquoi le Conseil de l'alimentation du Québec a
demandé à plusieurs reprises depuis quelques mois que l'on
procède d'abord à la refonte de la Loi des marchés
agricoles et qu'ensuite on élabore une loi du syndicalisme agricole qui
colle aux réalités nouvelles de notre agriculture
québécoise.
Nous vous soumettons respectueusement que les trois étapes
rationnelles de la consolidation d'une nouvelle économie
agrico-alimentaire dynamique du Québec sont l'élaboration d'une
politique agricole globale, la refonte de la Loi des marchés agricoles
et l'adoption d'une loi de l'organisation professionnelle agricole.
Comme nous tenons tout de même à demeurer réalistes
et que nous sommes conscients, à l'instar de la Coopérative
fédérée de Québec, que des impératifs
politiques, beaucoup plus que des préoccupations de planification,
dictent la présentation de ce projet de loi, nous demandons avec
beaucoup d'insistance qu'au moins aucune structure monolithique ou
monopolistique ne soit définitivement consacrée dans cette loi no
64. Que le législateur ménage une transition, car la
mentalité de la classe agricole se prête mal aux formules
radicales. Que la voie reste ouverte à l'élaboration progressive
et démocratique du meilleur genre de syndicalisme agricole qui se puisse
souhaiter pour la prospérité générale du
Québec et que ledit projet de loi comporte les provisions
nécessaires qui permettront de l'adapter aux situations nouvelles qui
pourraient être créées par la refonte de la Loi des
marché agricoles.
Puisqu'il semble bien que nous aurons à nous accommoder, encore
une fois, de nouvelles structures avant même de savoir ce que sera la
politique agrico-alimentaire d'avenir du Québec, force nous est donc
d'accepter de tirer le meilleur parti possible d'une législation
prématurée mais qui comporte, cependant, des améliorations
sur le projet initial de l'UPA de 1969.
Nous n'hésitons pas à souligner ici ce qui nous semble
être les points originaux et forts de cette nouvelle législation
du syndicalisme agricole, la première du genre, semble-t-il, au pays, ne
serait-ce que pour faire mieux ressortir certains autres aspects du projet qui
nous semblent s'identifier beaucoup plus à des préoccupations
financières et administratives d'organisation professionnelle qu'aux
excellents principes démocratiques qui y sont mis de l'avant.
Même si nous demandons de préciser davantage, il faut
reconnaître que la définition du producteur a été
considérablement délimitée par la méthode de
l'élimination ou de l'exclusion. La loi reconnaît le droit
d'association et la liberté d'adhésion au syndicat de son choix,
même si dans quelques-unes de ses sections elle fait un sort peu
édifiant à ces mêmes principes démocratiques.
Avant que la Régie des marchés agricoles ne donne son
accréditation, il y a obligation pour l'organisation professionnelle de
se soumettre à un référendum destiné à
établir son caractère représentatif. Nous mettons en doute
que le référendum puisse atteindre sa fin, compte tenu des
modalités dont il est assorti.
Le texte du projet de loi établit clairement que la clé de
l'efficacité du référendum est la préparation de la
liste des producteurs éligibles à voter et il prévoit une
réglementation assez
sévère à ce sujet. Il reste, cependant, que les
règles de la majorité que comporte le même genre de projet
de loi rendent futiles tant de précautions.
Nous ne pouvons qu'être heureux de reconnaître une de nos
principales recommandations dans l'obligation qui est faite à la
régie, au moment du référendum, de porter à la
connaissance des producteurs impliqués un résumé
explicatif des engagements et des obligations qu'ils assument en votant
favorablement pour ce projet. Nous aurions souhaité que cette obligation
s'étende à la diffusion publique par les media d'information de
telles explications sur les engagements et obligations à assumer.
Parce que l'accréditation de la régie se limite au
caractère représentatif de l'organisation agricole
professionnelle, nous espérons ne pas nous tromper en déduisant
que cette acrréditation n'implique pas une intrusion dans le domaine de
la mise en marché des produits agricoles.
Le projet de loi vient combler une lacune sérieuse de la Loi des
marchés agricoles. Une section du projet est consacrée à
la procédure de révocation de l'accréditation d'une
association. Notre opposition à l'accréditation d'une association
unique ne change rien au fait qu'une procédure de révocation de
l'accréditation est une amélioration sur la situation
actuelle.
Avec la même réserve quant à l'accréditation
d'une seule assocaition, nous trouvons logique que l'association
accréditée et toutes les autres qui pourront l'être
éventuellement, doivent maintenir des registres et une
comptabilité approuvée par la régie, permettant de
corriger toute erreur dans les perceptions des cotisations. Compte tenu,
cependant, du caractère obligatoire et universel qu'on veut donner
à ces cotisations, il devrait y avoir obligation de déposer et de
rendre publics les états financiers annuels desdits organismes
professionnels.
Enfin, nous nous réjouissons que le projet de loi
réaffirme le caractère confidentiel des renseignements obtenus
par la régie dans l'application de la loi. Il y a cependant trop de
lacunes de ce côté. Nous sommes satisfaits que ce soit les
inspecteurs de la régie qui fassent les vérifications dans les
établissements industriels et commerciaux et non pas les inspecteurs ou
représentants de la ou des associations accréditées.
Ces améliorations, M. le Président, sont le fruit de la
consultation et des recommandations que nos divers secteurs ont pu faire depuis
la présentation du premier projet de loi. Nous tenons à les
conserver.
Il est regrettable, cependant, que la facture générale de
cette nouvelle loi avant-gardiste par plus d'un aspect comporte
un ensemble d'exigences quant à la perception des cotisations syndicales
qui nous porte à croire qu'on attache beaucoup plus d'importance
à l'accessoire qu'aux principes qui sont mis en cause.
Les milieux industriels et commerciaux de l'alimentation ne peuvent
laisser passer sans protester ce qu'ils considèrent comme une tentative
de les enrégimenter dans une vaste entreprise de recrutement de membres
pour une seule association professionnelle. Ils refusent, et refuseront par
tous les moyens légaux à leur disposition, d'être
impliqués de force dans tout conflit ou dispute entre l'association
professionnelle accréditée et les cultivateurs qui, pour diverses
raisons qui ne nous regardent pas, refusent d'adhérer et de soutenir
financièrement ladite association. Nous nous opposons à ce que le
législateur nous impose la responsabilité personnelle et
collective de devenir "agent recruteur" pour quelque association
professionnelle que ce soit.
Voici comment certaines sections du projet de loi nous conduisent
à ces conclusions et suscitent l'opposition formelle que le Conseil de
l'alimentation du Québec doit, bien à regret, enregistrer
auprès de votre commission: a) Nous considérons d'abord que
l'article 32 du projet de loi constitue la véritable pierre
d'achoppement, que les articles 31, 35, 38, 39, 40 et 54 ne sont que les
modalités d'application d'un système que nous identifions
fondamentalement à un régime de taxe directe imposée
à tous ceux qui touchent à un projet agricole, par un organisme
qui s'attribue les pouvoirs de l'Assemblée nationale. b) Après
avoir dit que les dépenses de l'association accréditée
sont défrayées au moyen de cotisations, l'article 32 stipule que
les règlements de cotisation s'appliquent à tout producteur,
membre ou non d'un syndicat, à tout syndicat, affilié ou non,
à toute fédération, affiliée ou non, etc. L'article
31 réfère même aux producteurs intéressés
directement ou indirectement au travail des syndicats et des
fédérations. c)En vertu de l'article 39, sont même tenus de
payer cette cotisation les producteurs en dehors de toute organisation
professionnelle, qui vendent un produit agricole non commercialisé,
c'est-à-dire qui n'est pas couvert par un plan conjoint, à un
acheteur occasionnel, qui n'est pas un consommateur. C'est le cas des
producteurs qui vendent directement aux magasins, des producteurs qui vendent
au Marché central métropolitain, par exemple, du producteur du 3e
rang de Saint-Félicien qui vient vendre à
l'épicier-boucher de Roberval quelques légumes et de la viande
d)C'est par le truchement des acheteurs, des plus petits aux plus grands, que
la loi cherche à rejoindre tous les producteurs agricoles en faisant
porter le poids des reponsabilités des déductions de cotisations
sur toute personne, autre qu'un consommateur, qui achète ou
reçoit d'un producteur un produit agricole non commercialisé ou
sur tout acheteur lié par un des actuels plans conjoints de mise en
marché.
La loi impose â ces acheteurs la tenue de registres, la
présentation de rapports mentionnant le nom des producteurs
cotisés, le montant de chaque cotisation, l'acceptation de nouvelles
séries d'inspections dans les établissements par les
fonctionnaires de la régie, etc.
De plus, des pénalités qui vont de $500 à $1,000
seront imposées aux acheteurs qui ne collaboreront pas à ces
retenues. Sera coupable de l'infraction, au même titre que la personne
qui la commet, toute personne qui aide à commettre l'infraction ou
conseille de la commettre. S'il s'agit d'une infraction commise par une
corporation ou une association, tout directeur, administrateur, gérant
ou officier qui approuve ou acquiesce à l'infraction, sera coupable de
cette infraction. e)La loi donne à la régie le pouvoir de forcer
les coopératives agricoles à se soumettre au paiement des
cotisations à l'UCC. f) Enfin, le projet de loi du syndicalisme agricole
donne une extension ou une interprétation aux prélèvements
administratifs des plans conjoints prévus dans les articles 21b) et 47b)
de la Loi des marchés agricoles, dont la légalité est
douteuse. Il est loin d'avoir été prouvé, dans des causes
judiciaires, que le prélèvement administratif d'un plan conjoint
qui peut couvrir des fonds d'égalisation de prix, des fonds de
publicité, couvre aussi la cotisation syndicale. C'est ce que voudrait
le projet de loi no 64 en obligeant un syndicat ou un office de producteurs,
administrateurs d'un plan conjoint, à verser jusqu'à 20 p.c. de
son prélèvement administratif à l'UCC.
Somme toute, l'acheteur, quelle que soit son importance, devient non
seulement l'agent percepteur mais également la police forcée de
faire rentrer tous les cultivateurs dans le rang. Par le truchement du
prélèvement administratif d'un plan conjoint, l'acheteur devient
aussi complice à une dissimulation, sur le chèque de paie des
producteurs, de la cotisation syndicale.
Cette fonction qui dépasse de beaucoup celle du percepteur d'une
cotisation, nous allons, comme industrie, refuser de la remplir.
Si l'acheteur doit collaborer à la perception des cotisations
syndicales, nous demandons à votre commission de modifier le projet de
loi de manière qu'il soit affranchi de toute responsabilité
découlant du refus de participation ou du retard dans la prise de
position relative à la participation d'un producteur ou d'un groupe de
producteurs.
Au sujet de la responsabilité personnelle des agents de
perception de la cotisation syndicale, nous trouvons exagéré et
sans commune mesure l'article 54 du projet de loi qui vise à rendre
conjointement responsables de toute infraction, c'est-à-dire de la
non-perception de la cotisation syndicale, tous les administrateurs et
officiers d'une administration ou d'une corporation.
M. le Président, MM. les membres de la commission, nous n'avons
jamais eu de telles exigences lorsqu'il s'est agi de vendre les produits
agricoles. Doit-on en conclure et je veux dire d'après les textes
de loi qui existent actuellement comme la Loi des marchés agricoles
que le législateur fait sienne la conception d'un certain genre
de syndicalisme pour qui il est plus important de faire entrer des fonds dans
l'association professionnelle que de vendre les produits de ceux qu'elle
prétend représenter?
Nous demandons que le texte de la loi prévoie que les
modalités de perception de cette cotisation syndicale devront faire
l'objet de négociations entre les parties intéressées.
Quant à nous, nous exigerons que le montant de la cotisation syndicale
soit indiqué séparément de tous autres
prélèvements sur le chèque de paie que nous
émettons à nos producteurs-fournisseurs, étant
donné l'attitude naturelle et traditionnelle des cultivateurs à
conclure que ces diverses déductions sur leur chèque
dépendent du caprice des intermédiaires qui empochent ces
montants pour grossir leurs profits.
Chacun devra désormais assumer ses responsabilités
vis-à-vis de ses commettants. Nous demanderons, avant de procéder
au prélèvement, que le producteur-fournisseur dépose une
autorisation écrite à cette fin. Le prélèvement de
ces cotisations devra comporter une compensation financière couvrant les
frais encourus par la tenue des registres, la préparation de rapports et
le prélèvement lui-même.
Il faudra clarifier enfin, et ceci devra être fait dans la
loi ce qui arrive quant au prélèvement de la cotisation
lorsque le même producteur est impliqué dans la production du
lait, du porc, de la volaille, etc.
Encore une fois nous attirons respectueusement l'attention du
législateur sur les dangers de complication sérieuse si l'on
tente d'identifier le prélèvement pour fins d'activités
syndicales d'un groupe au prélèvement administratif qui couvre
les frais encourus par les différentes phases de la mise en
marché d'un produit agricole: administration de plans conjoints, frais
d'inspection, fonds de stabilisation des prix, fonds de publicité, fonds
de recherches dans la mise en marché, etc.
D'ailleurs, à ce sujet, la cour Suprême du Canada a
déjà défini, à plusieurs reprises, dans des causes
qui tentaient d'identifier ces genres de prélèvements
obligatoires à des taxes, ce que l'on doit entendre par le
prélèvement administratif d'un plan conjoint par opposition
à tout autre genre de prélèvement qui peut être
identifié purement et simplement à une taxe, soit: pouvoir de
taxation réservé aux élus du peuple et non pas aux corps
publics, quelle que soit leur importance.
Depuis 1964, la Régie des marchés agricoles du
Québec a cherché à délimiter ce problème par
des précisions apportées à certaines lois. Mais il n'en
reste pas moins que la possibilité de contestation sur ce point existe
toujours, d'autant plus que les prescriptions qui ont remplacé les
anciennes technicités de la formule Rand dans le nouveau code du travail
du Québec ouvrent la porte à encore plus d'interprétation
sur les modalités du prélèvement des cotisations
syndicales.
En conséquence, la cotisation syndicale doit demeurer partout une
cotisation identifiée, connue et fixe, comme le laisse entendre
d'ailleurs le projet de loi no 64. Elle ne doit pas être fondue,
dissimulée ou diluée dans des pourcentages qui reposent sur des
opérations de mise en marché. A ce moment-là, ce genre de
prélèvements anonymes débouche sur deux lois
différentes.
Il consacre dans les faits un principe que nous trouvons inacceptable,
soit le lien ou l'attache financière entre les organisations
professionnelles, d'une part, et les organismes de mise en marché des
produits agricoles, d'autre part.
En dépit du souci du législateur de maintenir une
distinction marquée entre les deux ordres d'idée,
c'est-à-dire l'organisation professionnelle et la mise en marché,
nous débouchons, par les prescriptions de l'article 31 du projet de loi,
dans la confusion que tout le monde voulait éviter.
Enfin, la section VIIl du projet de loi devrait être
modifiée pour cette autre considération qui se rattache à
l'exploitation que font les requérants de la justification de la formule
Rand. D'abord, si on tient tant à transposer dans le monde agricole les
techniques du monde ouvrier, qu'on commence par respecter les faits tels qu'ils
existent en relations industrielles. Ce que l'on appelle la formule Rand se
retrouve dans une usine, dans un groupe d'usines rattachées à un
genre d'industrie bien identifié, dans une profession bien
caractérisée. Il y a une formule Rand là où il y a
une union ouvrière. Il n'y a pas au Québec ni au pays une formule
Rand qui s'applique à tous les salariés. M. le Président,
je vous prierais d'inclure ici "d'une même industrie"; c'est un bout de
phrase extrêmement important qui, malheureusement, dans la transcription
a sauté. Je me reprends: Il n'y a pas au Québec ni au pays une
formule Rand qui s'applique à tous les salariés d'une même
industrie, qu'ils soient membres ou non d'une union ouvrière. Qu'on
cesse donc de colporter autant de sophismes précisément pour
distraire les intéressés des implications vraiment inacceptables
de cette partie du projet de loi.
Il est impossible que le législateur, devant cette tentative de
monopolisation, ne s'arrête pas un instant pour se demander ce qu'il
adviendrait demain du Québec politique, du Québec social, du
Québec économique si les grandes centrales ouvrières
décidaient de réclamer pour elles, après s'être
fusionnées en une grande association unique, exactement la même
chose que l'UCC demande aujourd'hui. Poser la question, semble-t-il, c'est
déjà indiquer la voie à suivre en cette
matière.
Si une formule de prélèvement de cotisations syndicales
doit être établie c'est logique dans une loi de
syndicalisme agricole qu'elle le soit au niveau des associations
professionnelles, des syndicats agricoles regroupés dans des
fédérations parfaitement identifiées. Qu'on rejoigne dans
ces cadres parfaitement délimités tous les producteurs qui
bénéficient des activités et des efforts de ces grandes
associations et des fédérations professionnelles agricoles qui
les représentent suivant que les producteurs sont dans la production
à vocation générale ou la production
spécialisée, qui les représentent également
d'après les catégories d'importance économique. Qu'on
confie à la Régie des marchés la responsabilité de
consacrer par l'accréditation le caractère représentatif
de telles organisations. C'est à ces organisations professionnelles
représentatives accréditées que seront destinées
les cotisations syndicales obligatoires; ce sont elles qui décideront de
la quote-part desdites cotisations à être remise à leur
confédération ou centrale syndicale provinciale.
Cette recommandation nous amène à vous soumettre quelques
autres considérations et suggestions susceptibles d'améliorer le
projet de loi no 64 et de le rendre plus acceptable à tous ceux qui ont
à vivre avec le syndicalisme agricole.
Compte tenu des impératifs que nous avons cherché à
mettre en lumière précédemment au chapitre du cheminement
de la doctrine syndicale et à celui de la planification d'une politique
agricole globale, nous demandons instamment de pousser la logique du projet de
loi jusqu'au bout en respectant dans ses 58 articles l'orientation nouvelle et
inédite donnée dans les articles 2, 3, 4, 25, 29 et 46 qui
prévoient qu'un producteur a droit d'appartenir à un syndicat de
son choix; que tout membre d'un syndicat peut démissionner; qu'un
syndicat est libre d'adhérer ou non à une
fédération; qu'une fédération est libre
d'adhérer ou non à une centrale provinciale; qu'une
fédération peut mettre fin à son affiliation à une
telle centrale et que la centrale, une fois qu'elle a reçu de ses
membres, par délégation de pouvoirs, une fonction ou un mandat, a
le droit de faire les règles du jeu et de les faire observer.
En conséquence, il faut réviser la section IIl
consacrée à la procédure d'accréditation
après avoir modifié la définition de l'association et
avoir assuré la concordance entre les articles 2 et 4 relatifs au droit
d'appartenir et à la liberté d'adhésion de manière
à faire disparaître la création du monopole syndical qui
s'y trouve prévu et imposé.
La loi du syndicalisme agricole du Québec doit prévoir
l'existence de plusieurs centrales syndicales agricoles provinciales en
concurrence entre elles si, précisément, les producteurs
agricoles du Québec, en vertu du principe consacré à
l'article 2, le désirent.
L'accréditation pour fins de représentation
professionnelle, telle que définie dans la section 3 du projet de loi,
doit être réservée aux organisations de base,
représentant des secteurs de production spécialisée ou
à vocation générale, ainsi que tous autres secteurs de
producteurs, groupés par catégories d'importance
économique comme la chose existe aux Etats-Unis,
groupés suivant l'âge, groupés suivant le
degré de développement atteint. Nous donnons comme exemple ici
tous les décorés de l'Ordre du Mérite agricole. Ce n'est
pas pour faire une blague que nous le faisons et d'ailleurs nous serons en
mesure de revenir là-dessus.
Donc, doivent être éligibles à
l'accréditation les syndicats de producteurs, les offices de
producteurs, les unions de producteurs, les unions de sociétés ou
corporations agricoles, les fédérations desdites organisations de
base. Il peut y avoir aussi avantage à des regroupements de production
agricole sur la base régionale. Une fois accréditées,
quant à leur caractère représentatif, les
fédérations ou quelques-unes d'entre elles seront libres de se
donner des confédérations provinciales ou de créer des
centrales syndicales agricoles provinciales à qui elles
délégueront les pouvoirs jugés nécessaires, y
compris ceux de prélever chez leurs membres les revenus
nécessaires au bon fonctionnement desdites confédérations
ou centrales syndicales.
Au lieu de bâtir une loi autour de ce qu'on connaît
actuellement de l'unique UCC, il faut plutôt chercher à
prévoir ce que seront les cadres professionnels dans une nouvelle
politique agricole globale avec une nouvelle loi des marchés agricoles
modernisée.
Cette accréditation dépendant des résultats d'un
référendum, il est essentiel de s'assurer que la décision
de la Régie des marchés agricoles repose sur un scrutin qui
traduise la majorité démocratique absolue des producteurs
inscrits sur les listes officielles.
Actuellement, suivant la formule prévue dans la Loi des
marchés agricoles, formule qui a été transcrite dans le
projet de loi no 64, section IV, c'est une minorité de 30 p.c. et 36
p.c. qui décide du sort d'un projet de plan conjoint.
Le projet de loi permettrait à 30 p.c. et 36 p.c. de tous les
producteurs agricoles du Québec de donner à l'UCC le monopole
dénoncé précédemment.
C'est pourquoi nous devons demander un verdict de 51 p.c. des
producteurs intéressés inscrits sur les listes officielles lors
d'un référendum comme condition d'accréditation d'un
groupement ou fédération professionnelle agricole.
Comme le projet de loi comporte une distinction entre les producteurs
inscrits et les producteurs qui votent et que divers pourcentages sont
prévus pour le calcul du caractère positif ou négatif du
scrutin, nous attachons peu d'importance à ces divers pourcentages
requis, pourvu que le verdict populaire traduise bien la volonté de la
majorité des producteurs impliqués. A remarquer qu'en Ontario, on
exige que les 2/3 des votants soient favorables au projet pour l'accepter.
C'est une manière de se rapprocher de la majorité
démocratique.
Nous ne saurions trop souligner l'importance qu'il y a de donner
à la Régie des marchés agricoles les attributions et
moyens pratiques lui permettant de dresser de la façon la plus exacte
les listes de producteurs appelés à voter au
référendum. Si les requérants font valoir que c'est un
défi insurmontable de dresser de telles listes avec exactitude, c'est
une raison de plus pour le législateur d'avoir des exigences plus
sévères quant au respect de la majorité absolue dans les
verdicts.
La confection des listes électorales nous amène à
demander de nouveau que le législateur définisse mieux le
producteur agricole, qu'il cerne davantage ce que doit être l'agriculteur
professionnel. Nous référons la commission aux recommandations
sur le sujet contenues dans le mémoire de la Coopérative
fédérée de Québec relatif à la refonte de la
Loi des marchés agricoles.
Nous croyons que le législateur devrait ajouter à ce qui
se trouve déjà dans l'article 1 du projet de loi la mention que
ledit producteur doit retirer au moins 50 p.c. de son revenu net de
l'exploitation de sa ferme, comme on le fait d'ailleurs dans la Loi du
crédit agricole.
En dépit de cette précision, il reste à trouver une
description physique et une traduction légale de ce qu'on entend par
l'expression "producteur marginal."
Comme corollaire, nous devons souligner de nouveau que la
définition du produit agricole est trop exhaustive et peut conduire aux
pires absurdités, comme nous l'avons déjà indiqué
à ceux qui sont chargés de préparer la refonte de la Loi
des marchés agricoles.
A ce sujet, nous endossons entièrement l'attitude de la
Coopérative fédérée de Québec dans le
document auquel nous avons fait référence
précédemment sur la nécessité de
différencier les produits agricoles et les produits alimentaires.
Il n'est que logique que l'organisme chargé d'appliquer une loi
ait les attributions nécessaires pour jouer parfaitement son rôle
et assumer les responsabilités qui lui sont dévolues par cette
loi.
La situation devient beaucoup plus compliquée lorsque le
même organisme administratif est chargé de l'application de deux
lois que, pour des raisons majeures acceptées par tous les
intéressés, l'on doit garder distinctes, surtout si dans le
processus de l'application des deux statuts l'organisme en question risque de
se retrouver juge et partie en plusieurs instances.
Ainsi, à la lumière des pouvoirs discrétionnaires
dont elle est investie par les articles 35, 40, 46, 47 et 48 du projet de loi,
nous croyons que le temps est venu et l'occasion nous est fournie de
réclamer, avec insistance, le droit d'appel devant les tribunaux
compétents des décisions, sentences et ordonnances de la
Régie des marchés agricoles. D'ailleurs, il est peu sage
d'accentuer ainsi l'impossibilité d'appel des décisions de la
régie, alors qu'un projet de loi du ministère
fédéral de la Justice, relatif à la cour
Fédérale du Canada, actuellement à l'étude aux
Communes, a précisément pour but de
permettre d'en appeler des décisions de tout organisme
gouvernemental au niveau fédéral, provincial et municipal.
L'attitude affichée dans le projet de loi 64 à ce sujet est
marquée d'un conservatisme dépassé, comme le Barreau
canadien ne manque pas de le souligner chaque fois qu'il est question de
l'appel des décisions des organismes gouvernementaux.
Au sujet du caractère confidentiel des renseignements obtenus par
les inspecteurs de la régie dans l'exercice de leur fonction, en vertu
du projet de loi, il y a encore tellement de brèches à ce
principe et tellement d'indiscrétion de la part des groupements
professionnels de producteurs que nous sommes en droit d'exiger plus de
sévérité, plus de garanties de la part du
législateur.
Voilà, M. le Président, MM. les membres de la commission
parlementaire de l'Agriculture, le point de vue et les recommandations de
l'industrie alimentaire du Québec au sujet du projet de loi du
syndicalisme agricole. Le Conseil de l'alimentation du Québec vous
remercie de la bonne attention que vous avez portée à son
exposé.
M. LE PRESIDENT: Merci, M. Roy. Il y a des questions sans doute? M.
Béland, le député de Lotbinière.
M. BELAND: Voici ma première question, M. Roy. Enfin, j'en ai
quelques-unes. Après la lecture de votre mémoire, que j'ai
trouvé d'ailleurs, très intéressant, je me permets de vous
poser certaines questions. Selon vous, est-ce que les producteurs,
présentement j'entends par là tous les producteurs du
Québec se sentent protégés suffisamment selon les
droits normaux des citoyens qui pratiquent une profession?
M. ROY (Léonard): Vous poserez vos questions l'une après
l'autre?
M. BELAND: Justement.
M. ROY (Léonard): J'aimerais mieux cela. Sur ce point d'abord, il
faut que vous compreniez qu'il y a certaines choses sur lesquelles il ne nous
est pas interdit de nous prononcer, mais il serait indécent de le faire.
Il y a des choses qui concernent les producteurs agricoles eux-mêmes dans
lesquelles nous n'avons pas à mettre notre nez, sauf pour les
considérations que nous avons données aujourd'hui parce que nous
sommes pris par le biais.
En réponse à votre question, je dirais tout simplement
c'est une raison de plus permettez donc aux groupes de base de
manifester leur idée exactement, eux qui collent à la
réalité, eux qui sont dans le champ, eux qui sont dans chaque
spécialité, eux qui, éventuellement, seront
impliqués dans la nouvelle loi de mise en marché où le
producteur efficace versus le producteur moins efficace aura son mot à
dire; permettez donc à ces groupes de répondre justement. Est-ce
que c'est le genre de protection qu'ils veulent, c'est-à-dire cette
espèce de cadre rigide qu'on veut imposer par le haut et faire descendre
vers le bas, dans le moment?
Si vous voulez avoir cette réponse à votre question,
permettez aux groupements déjà organisés de le manifester
ici, en toute équité. Ceux qui, actuellement, livrent la bataille
et ça fait des années qu'ils la font et avec les moyens du
bord se rendent compte, en dépit de la meilleure volonté,
en dépit du leadership, si vous voulez me passer cette expression, de
ceux qui dirigent l'UCC, que le consensus des idées
générales, des idées de base n'est pas encore
complété.
Nous suggérons, pour le bien général de la mise en
marché, parce que ç'a une implication sur la vente des produits,
qu'on permette aux grands secteurs de production laitière qui
sont d'ailleurs déjà très bien structurés, et qui
se servent de la Loi des marchés agricoles et qui vont très bien
avec ce mécanisme et aux autres secteurs de production horticole,
production avicole, à tous ces secteurs nouveaux qui vont surgir
à cause des nouveaux besoins ou des nouvelles demandes du marché
de s'organiser et de vous dire précisément ce qu'ils veulent.
Si c'est la nature de votre question, je crois que c'est la
réponse que je dois apporter.
M. VINCENT: Est-ce que le député de Lotbinière me
permettrait une question supplémentaire à celle-là?
M. BELAND: Oui.
M. VINCENT: Sur le plan pratique, de quelle façon, quand vous
dites: Qu'on leur permette de s'exprimer, le législateur pourrait-il
permettre justement à tous ces groupes de s'exprimer clairement,
librement?
M. ROY (Léonard): Vous remarquez que, dans le moment, pour
être pratique, certains groupes de producteurs sont bien
structurés jusqu'au niveau de la fédération. Ils ont
acquis une discipline dans ces cadres-là dans le moment et,
volontairement, ils ont accepté de relever d'une
confédération qui ne les guide pas spécifiquement,
dirais-je, dans le exigences qu'ils doivent avoir sur un prix du lait ou
autrement, mais leur donne les grandes lignes au point de vue de la
procédure et surtout leur fait partager les avantages d'un service
administratif.
Bon. Ce qui existe déjà, il ne s'agit pas de le
détruire. Il y a déjà cette propension chez un bon groupe
d'organisations agricoles de base, des fédérations ou des
syndicats spécialisés, de vouloir appartenir comme ça
à l'UCC. Il ne s'agit pas de le leur interdire, mais laissons les autres
groupes venir progressivement à la même conclusion où en
sont venus les dirigeants des diverses fédérations au lieu de les
forcer actuellement à entrer dans le rang. C'est notre philosophie de
base, à nous.
Et au point de vue pratique, le référendum, vous le faites
déjà par groupes. Tous les groupes qui existent et qui sont
greffés, j'admets, sur des plans conjoints, c'est-à-dire des
mécanismes économiques de vente, vous le faites actuellement.
Vous forcez un référendum parmi les intéressés par
lequel référendum tous ces gens se lient, suivant le
résultat du vote, qu'ils aient voté pour ou contre, le lendemain
si la majorité a été favorable, ils se lient aux
disciplines qui vont leur être imposées par ceux qui ont la
responsabilité de diriger ces plans conjoints. Vous le faites
déjà. Alors, pourquoi essayer actuellement de brûler les
étapes et forcer tout le monde à entrer de bon gré ou de
mauvais gré dans un cadre supérieur qui, pour plusieurs encore,
n'est pas la résonance parfaite de leur conception?
Et d'ailleurs, je ne veux pas être cruel, mais vous admettrez ce
matin que nous avons une démonstration pratique de ça. Ce n'est
pas que ces gens-là soient en rupture de ban avec leur organisme
professionnel, mais pour une fois ils trouvent que leur organisme professionnel
supérieur ne va pas assez vite, compte tenu de leur optique à
eux.
M. ALLAIN: Ce n'est pas la première fois.
M. ROY (Léonard): Ce n'est pas la première fois. Cela,
nous sommes prêts à l'admettre, mais ça ne veut pas dire
que ce leadership qu'on rencontre actuellement dans un groupe structuré
doit être imposé par la force à tous les autres, parce que
vous avez de grands secteurs qui, actuellement, refusent d'entrer
là-dedans et je songe, par exemple, à toute l'horticulture de
façon générale. Le secteur horticole, comme je l'ai dit
tout à l'heure, compte tenu des nouvelles politiques globales agricoles,
pourrait prendre une importance beaucoup plus considérable que celle
qu'il a dans le moment.
M. BELAND: M. le Président, justement j'aurais d'autres questions
qui se rapprochent énormément de celle que j'ai posée
tantôt et qui font suite également à celle du
député de Nicolet. Présentement, je suis forcé de
vous poser la question suivante: Est-ce que les cultivateurs ou les producteurs
donnons la définition ou l'appellation que l'on veut, il s'agit
de la personne qui produit un produit agricole compte tenu de
l'atmosphère générale économique dans laquelle ils
sont, sont légitimés présentement de vouloir s'occuper,
peut-être jusqu'à un certain point, de la mise en marché de
leurs produits à eux?
M. ROY (Léonard): Bon, M. le Président, je crois que nous
devons respecter ici, si nous voulons éviter de tomber dans la
confusion, les deux ordres d'idée que vous avez voulu, vous, les
législateurs, établir. Il ne faut pas confondre la
préoccupation actuelle qui est de savoir quel genre de structure,
d'organisation allons-nous donner aux cultivateurs pour qu'ils puissent avoir
de l'épine dorsale, être capables de rencontrer d'autres secteurs
de la société sur un pied d'égalité et toutes les
préoccupations que nous avons dans le moment de faire de l'agriculture
du Québec une agriculture qui nourrit de plus en plus un plus gros
pourcentage de la population du Québec et qui peut exporter,
c'est-à-dire une agriculture industrialisée.
Alors, acceptez-vous que votre question nous amène à
confondre les deux?
On ne devrait pas le faire, car, précisément ce n'est pas
parce qu'un groupe de producteurs va être très bien
organisé professionnellement je vous le soumets respectueusement
qu'il va réussir à vendre plus de ses produits. Des cas
exceptionnels vont se produire, par exemple, dans des marchés captifs.
Je vais vous donner deux exemples très clairs: le lait et le bois
à pâte. C'est évident que le lait, compte tenu de sa nature
même, de son volume liquide, n'est pas un produit qu'on transporte de
Vancouver à Halifax en camions-citernes. Ce n'est pas un produit qui
fait l'objet du commerce interprovincial; c'est une production localisée
qui doit être très près de l'établissement qui
l'achète comme matière première pour le transformer,
compte tenu de son caractère de développement bactérien.
C'est évident que, lorsqu'il s'agit d'avoir des conditions de
marché pour la vente du lait, c'est facile d'arriver à des
résultats concrets parce que le marché est captif. Le lait,
normalement n'est pas sujet, sauf le lait industriel mais, encore
là, il y a un autre organisme gouvernemental au plan national qui en
prend soin aux aléas du commerce interprovincial.
Pour le bois à pâte c'est évident que l'on peut
obtenir un résultat par l'organisation professionnelle si on l'identifie
à la commercialisation parce que, encore une fois, on négocie une
matière première où l'Etat a l'avantage qu'il n'a pas dans
d'autres domaines d'émettre des permis de coupe et de pouvoir, au moment
où il émet des permis de coupe, avoir des exigences pour ce qui
est de la vente ou de la négociation obligatoire d'un volume x de bois
avec des plans conjoints. C'est pour cela que je dis, M. le Président,
que, si on veut mélanger syndicalisme agricole ou organisation
professionnelle avec préoccupation de marché, facilité de
vente, sauf dans deux cas d'espèce, c'est évident que ce n'est
pas le syndicalisme agricole qui va faire vendre plus de laitue, qui va faire
vendre plus de porc, qui va faire vendre différentes productions
agricoles.
M. LE PRESIDENT: M. le ministre a une question.
M. TOUPIN: M. Roy, je pense que vous n'avez peut-être pas saisi
l'esprit fondamental du projet de loi. Vous vous évertuez à
essayer de nous faire comprendre qu'il y a une différence entre la
négociation, la vente d'un produit, la commercialisation d'un produit
tout compte
fait et la représentation d'une classe ou, du moins, d'un
organisme qui veut représenter un groupe de travailleurs du
Québec qu'on appelle les agriculteurs. Je pense que vous n'avez pas
saisi le fond même du bill 64. Dans notre esprit à nous, c'est
très clair: le projet de loi actuel ne vient supplanter d'aucune
façon, d'aucune manière la loi de mise en marché actuelle.
Cela nous apparaît être deux choses bien différentes dans le
projet de loi. Evidemment, il peut y avoir certaines incidences. On peut, par
exemple, se servir de la loi le mise en marché actuelle pour
régler un certain nombre de problèmes techniques qui s'appliquent
à ce projet de loi, mais je ne pense pas qu'il y ait confusion, comme
vous tentez de nous l'expliquer. Je crois que c'est très clair.
D'ailleurs, au début de votre texte, vous l'avez laissé
sous-entendre. Je ne comprends pas pourquoi vous tentez
précisément de nous faire croire qu'il y a là confusion
entre le bill 64 et la vente d'un produit agricole.
M. ROY (Léonard): M. le Président, M. le ministre, avec
tout le respect que j'ai pour vous, je vous fais remarquer que,
précisément, c'est notre attitude. Elle n'est même pas
sous-jacente ou sous-entendue dans notre mémoire; elle est clairement
établie. Nous croyons que le projet de loi no 64 est déjà
une réalisation en soi dont nous devrions être fiers. Seulement,
par certains articles ou par certains chapitres de cette loi, nous vous
soumettons qu'il y a danger de confusion. Il y a l'exemple que je vous ai
donné de la perception d'une partie du prélèvement
administratif des plans conjoints, jusqu'à 30 p.c.
M. TOUPIN: 20 p.c, le maximum.
M. ROY (Léonard): 20 p.c. A ce moment-là, vous intervenez
directement; vous faites fonctionner le mécanisme; vous le mettez en
dépendance, ce mécanisme d'organisation professionnelle, du
fonctionnement d'un plan conjoint. Ensuite, vous mettez dans une position
absolument embarrassante l'organisme d'Etat chargé d'appliquer cette loi
parce que le même organisme est déjà responsable de
l'application de l'autre loi qui est la promotion de la vente. Vous savez bien
que, pour tout prélèvement qui s'en va pour une fin nouvelle,
éventuellement, à la table de négociations, les
producteurs vont chercher à le faire passer dans le prix au consommateur
ou dans le prix de vente.
C'est pour cela que nous disons qu'en dépit du souci du
législateur d'avoir une loi qui se tient debout toute seule dans son
domaine, certaines incidences, certains articles nous font craindre qu'avec la
meilleure volonté du monde, nous débouchions encore M. le
ministre, dans la situation que nous dénonçons, je crois, depuis
sept ou huit ans. Votre prédécesseur, le ministre de
l'Agriculture du Parti libéral de M. Lesage, votre
prédécesseur, le ministre de l'Agriculture de l'Union Nationale
ont été mis devant les mêmes problèmes, qui se sont
succédés au rythme de plusieurs par année, qui
découlaient de cette confusion à la fois dans l'esprit des
cultivateurs et à la fois dans l'esprit des acheteurs, à savoir:
Est-ce que, pour vendre des produits, il faut que les cultivateurs soient bien
organisés? N'est-ce pas? Et le reste, et le reste. Nous, nous avons
toujours dit: Tâchez donc une fois pour toutes de mettre de l'ordre
là-dedans. Mettez donc les meubles à leur place. L'organisation
professionnelle? D'accord, organisez-la. Mais faites attention de ne pas mettre
une camisole de force, au même moment, à la loi des marchés
agricoles. C'est pour cela que nous demandons aussi la refonte de la loi des
marchés agricoles, pour la purger de tous les articles qui ont trait,
tout simplement, au syndicalisme agricole.
M. le Ministre, cela fait quelques années que nous sommes
conscients de cette attitude. Si nous revenons aujourd'hui avec cela, ce n'est
pas pour faire un plaidoyer dans le but de prendre une voie d'à
côté pour distraire les gens. C'est parce que nous sommes
convaincus qu'il y a un danger réel à ce sujet.
M. TOUPIN: Evidemment là, M. le Président, si vous
permettez, vous explicitez un peu plus le fond de votre pensée. Nous
comprenons beaucoup plus clairement du moins les membres de la
commission la position que vous voulez soutenir au fond. Vous ne voulez
pas mêler, dans votre conception et dans la loi aussi, c'est clair, la
négociation d'un produit avec la représentation de la
profession.
M. ROY (Léonard): C'est cela.
M. TOUPIN: Là-dessus, je pense que nous sommes entièrement
d'accord. Là, évidemment, où vous semblez être moins
d'accord, c'est sur le mode de perception que la loi prévoit d'un
montant X pour financer l'association professionnelle.
M. ROY (Léonard): Oui.
M. TOUPIN: Vous croyez que ce mode est de nature à créer
certaine confusion dans l'esprit des agriculteurs, d'une part, et dans
l'ensemble du secteur agrico-alimentaire, d'autre part.
M. ROY (Léonard): C'est cela.
M. TOUPIN: Je pense que c'est beaucoup plus clair dans notre esprit.
Nous savons maintenant à quoi nous en tenir. Mais ce que je voulais
savoir de vous, c'est que vous faites une distinction quand même bien
claire entre la loi de mise en marché, d'une part, et le bill 64 de
l'autre.
M. ROY (Léonard): Sur cette voie des clarifications, encore une
fois, pour ce qui est du
prélevé non pas dissimulé mais du
prélevé direct, l'industrie n'a absolument rien à dire. On
fait déjà des prélevés syndicaux dans le monde
ouvrier. Quelle différence y a-t-il pour nous d'en faire pour les fins
du monde agricole? A condition, par exemple, que vous nous demandiez uniquement
d'être des percepteurs, comme je l'ai dit tout à l'heure, et non
pas, nous rendre responsables du fait que les cultivateurs doivent entrer de
force dans le rang, même s'ils n'aiment pas cela et viennent à nos
bureaux nous dire: Nous ne voulons pas que vous preniez notre argent, etc.
C'est assez clair, n'est-ce pas?
M. TOUPIN: Si vous me permettez, j'apporterais seulement une
précision. Est-ce que, dans votre esprit, il est aussi clair que les 20
p.c. ne constituent pas nécessairement, en soi, une cotisation? La
véritable cotisation que nous prévoyons dans la loi, ce sont les
$15 que chaque agriculteur doit payer. Evidemment, les 20 p.c. sont inclus
là-dedans. C'était au fond, pour donner à l'association
professionnelle les moyens de donner un certain nombre de services, dont vous
avez d'ailleurs fait état au cours de votre plaidoyer, aux
fédérations spécialisées...
M. ROY (Léonard): Oui.
M. TOUPIN: ... qui sont déjà affiliées à un
organisme qui existe présentement. Au fond, ce sont simplement les faits
que nous respectons et ce sont simplement, aussi, des faits que vous avez
toujours acceptés dans le passé. C'est une donnée
historique que nous respectons.
M. ROY (Léonard): Sauf, M. le Président, M. le ministre,
encore une fois, que pour ce qui est des prélevés celui
qui est connu, vous dites $15; nous le savons d'ailleurs, depuis la
dernière assemblée de la commission parlementaire ils
s'ajoutent, maintenant. Mais l'autre? Il reste tout de même que
même si ces 20 p.c. sont pour payer des services donnés par une
confédération, tel que c'est mis dans la loi et tel que ce sera
fait, sur les chèques de paie ou autrement, il reste qu'il y a trop de
danger de confusion à l'effet que c'est un autre prélevé
syndical.
Nous soutenons, avec beaucoup de respect et de déférence
pour vous, M. le Ministre, que cette question du prélevé
administratif dont on fait servir une partie à la poursuite de fins
purement syndicales, c'est une question qui est loin d'être claire et qui
a été réglée par les tribunaux. Je n'implique pas,
par là que dès demain matin, à l'adoption de la loi, nous
allons recourir aux légistes pour faire inutilement des
difficultés avec cela mais il reste qu'il ne faut pas faire
exprès lorsqu'il y a une brèche comme ça de donner
dedans.
M. TOUPIN: Si vous le permettez, M. le Président. Je pense que
vous soulevez là un troisième problème que vous
décrivez d'ailleurs dans votre mémoire. Mais ce sur quoi je veux
revenir et là-dessus j'aimerais bien que ce soit clair entre les
membres de la commission et ceux qui font des représentations
c'est que le prélevé sur lequel 20 p.c. seront pris pour verser
à l'association accréditée en vue de donner des services
ne change rien à la nature actuelle des prélevés qui sont
déjà en vigueur parce qu'un syndicat spécialisé ou
une fédération spécialisée accepte de verser 20
p.c. de son prélevé à une association
accréditée, ça ne vous oblige à aucune autre chose
que celle de continuer à prélever comme auparavant les sommes que
vous prélevez pour l'administration d'un organisme de mise en
marché. Cela ne vous donne rien de plus comme obligation et ça ne
vous enlève rien; par ailleurs, je suis bien d'accord. Ce que je retiens
de votre plaidoyer sur ce sujet, c'est la confusion, dites-vous, que ça
crée dans l'esprit des uns et des autres.
M. ROY (Léonard): C'est ça.
M. TOUPIN: Alors, là-dessus, je pense que c'est beaucoup plus
clair dans mon esprit.
M. VINCENT: M. le Président, afin que ce soit encore plus clair,
j'aimerais que le ministre et également le témoin relisent
l'article 31 du projet de loi no 64 parce que dans l'article 31, il n'est pas
dit que les contributions, ce que le ministre appelle les montants d'argent qui
seront versés pour des services rendus... On dit à l'article 31 :
"Le montant des cotisations et des contributions". On ne dit pas, dans
l'article 31: pour services rendus. Si le bill 64 est passé comme tel,
il y aura deux systèmes pour alimenter financièrement
l'association. Il y aura un système de cotisations et un système
de contributions, services ou pas services, il y aura un système de
cotisations et un système de contributions. Alors, il faudrait
être bien clair là-dessus que ce n'est pas au cas où il y
aurait des services rendus. Si le bill 64 est adopté comme tel, avec
l'article 31, il y aura deux systèmes de perception. Et si je comprends
bien le témoin, M. Roy, il désirerait qu'il y ait un seul
système dans la législation, bill 64, que ce soit un
système de cotisations ou un système de contributions, qu'il y en
ait un seul, bien distinct pour éviter de faire un mariage financier
avec les plans conjoints et je pense qu'à ce moment-là, il
faudrait nécessairement éclaircir l'article 31 qui depuis le
début porte à confusion, pas seulement de la part des
témoins, pas seulement de la part des membres de la commission mais
également de la part du ministre. Il doit être conscient de
ça.
M. TOUPIN: M. le Président, je ne pense pas que cela porte
à confusion, le député de Nicolet lui-même a
apporté les distinctions qu'il fallait, j'en suis très heureux et
je vais les répéter pour qu'il les comprenne encore mieux.
Dans le projet de loi, il y a une cotisation qui s'applique à un
membre et ça, c'est clair dans l'esprit de tout le monde. Ceux qui
seront membres de l'association professionnelle devront d'abord et avant tout
payer une cotisation de $15, qui est prévue dans la loi. C'est clair, je
pense, dans l'esprit des uns et des autres. Quant à l'autre, nous
prévoyons une contribution de la part des fédérations
spécialisées en vue de services qui peuvent être
dispensés actuellement. Nous avons retenu là beaucoup plus une
donnée historique que d'instaurer un nouveau principe. Je pense,
là-dessus, que le député de Nicolet est tout aussi
conscient que moi de cette réalité.
M. VINCENT: Mais, M. le Président, il arrive quand même
ceci. Nous entendons les témoins demander qu'on fasse une distinction
complète entre le syndicalisme agricole et la mise en marché;
nous pourrions facilement, dans ce projet de loi, toucher seulement les
cotisations et éventuellement, dans une autre loi qui toucherait
spécifiquement l'organisation des plans conjoints, l'organisation de la
mise en marché, dans une autre législation complètement
à part, apporter cette réserve ou apporter ce sous-article. C'est
une chose complètement distincte. Si je comprends bien le témoin,
il désire que nous ayons une législation qui touche seulement le
syndicalisme agricole.
M. ROY (Léonard): Oui.
M. VINCENT: Et si, plus tard, la profession, les plans conjoints, les
organismes intéressés veulent sanctionner dans une loi un montant
jusqu'à 20 p.c, bien qu'on le fasse à l'occasion d'autres
législations qui touchent les plans conjoints. Est-ce que je comprends
bien?
M. ROY (Léonard): M. le Président, depuis dix ans, disons,
depuis l'expérience des diverses formules ou des diverses
éditions de la Loi des marchés agricoles du Québec, ce
problème s'est posé. Nous nous sommes fait dire, par les
autorités compétentes y compris des tribunaux, que lorsqu'une
législation de mise en marché parle de prélevés
administratifs ça couvre spécifiquement ça, c'est
justifié, c'est-à-dire que ça évite que ce soit
identifié à une taxe directe, en autant que ces
prélevés administratifs sont pour les fins de la mise en
marché. Or, les fins de la mise en marché c'est de faire
fonctionner le plan conjoint, c'est d'avoir des fonds d'égalisation de
prix, c'est d'avoir des fonds de publicité, c'est de payer des
inspecteurs et toutes ces choses qui sont pertinentes à la mise en
marché.
Cela regarde le prélèvement administratif. Mais jamais,
à notre connaissance, des tribunaux ou les organismes gouvernementaux
qui appliquent la loi ne nous ont dit: Nous pouvons inclure également
dans ça des prélèvements pour fins de cotisation
syndicale, parce que ce n'est pas de même nature.
C'est ce que j'essaie ici de faire comprendre.
M. BELAND: Vous avez parlé tantôt je ne sais plus
à quelle page exactement de distinction très nette avec ce
que l'on essaie d'appliquer ici par le bill 64 faite par une certaine
quantité de syndicats agricoles qui existeraient en France. Vous vous en
inspirez, à ce qu'il me semble, pour apporter un élément
nouveau qui peut être bon. Disons qu'en France il y a, tout au moins,
deux syndicats agricoles, mais, là-bas, ce qu'il convient de
différencier par la même occasion, c'est le fait qu'il y a les
jeunes agriculteurs français qui sont dans les divers
départements de la France, en province plus typiquement. Il y a
également l'association plus spécifique d'agriculteurs
français du bassin parisien qui vient nettement, à un moment
donné, en contradiction flagrante et, souventefois, mange le
gâteau par les décisions administratives gouvernementales et
laisse les miettes aux petits syndicats qu'il y a à l'intérieur
des départements.
Or, compte tenu de ce fait-là, ici à la page 23, vous
parlez de produits agricoles et de produits alimentaires pour apporter une
différence nette. J'en suis. Maintenant, étant donné que
vous avez défini tantôt, selon votre optique à vous, que
ça doit être pris complètement à part, le
syndicalisme agricole et la mise en marché, est-ce que vous iriez
jusqu'à dire que les agriculteurs devraient être reconnus
officiellement à l'intérieur d'une profession qui ne cadrerait
que les producteurs sans terre ou avec terre ou si les deux peuvent être
inclus?
M. ROY (Léonard): Notre réponse à ça: Au
sujet du projet de loi no 64, nous demandons d'identifier le producteur par son
revenu net surtout, plutôt que par le genre de production qu'il fait.
L'importance de la définition que vous soulevez, M. le
député, on devra en tenir compte lorsqu'il s'agira de refondre la
Loi des marchés agricoles, parce qu'à ce moment-là il
faudra bien identifier les producteurs par l'ordre de production dans lequel
ils se spécialisent, voir s'ils sont à vocation
générale ou s'ils sont spécialisés.
Je ne sais pas si je réponds à votre question en disant
que, pour les fins du projet de loi 64, ce que nous demandons, c'est de corser
davantage la définition en regard de son revenu net, plutôt que de
son genre de production économique.
Vous avez soulevé un point, précisément la question
de l'apport de la jeunesse dans la valorisation de l'agriculture. Encore une
fois, ce n'est pas pour faire une blague que nous avons mis dans notre document
qu'il faudrait prévoir éventuellement une avenue, et ne pas
attendre trop tard, pour les jeunes agriculteurs il y en a dans le
Québec, comme dans les autres pays surtout ceux qu'on peut garder
sur les fermes et qui sont sur la voie actuellement de devenir de
véritables entrepreneurs agricoles, au moment où il y a tant de
gens plus âgés qui attendent d'être mis à leur
retraite par anticipation: des chefs, des dirigeants de fermes.
Moi-même, j'ai été un des privilégiés,
M. le député. Je me suis rendu en France il y a quelques
années; j'ai fait à peu près les mêmes
périples que vous. La constatation c'est ça: c'est beaucoup plus
important pour nous qu'en France. En France, l'agriculture est encore une
industrie qui compte pour quelque 49 p.c. de la production nationale brute.
Ici, c'est un secteur qui est descendu, qui s'est effondré à
environ 3.4 p.c. ou 4 p.c. de notre production nationale de la province de
Québec.
Devant ça, cette agriculture qui est aussi importante que les
mines et que l'énergie hydro-électrique, parce que c'est
greffé sur une ressource naturelle du Québec, c'est-à-dire
les six pouces de terre qui font pousser quelque chose pour nous nourrir, il
faut soigner ça davantage.
Notre argument est qu'il n'y a pas seulement le style qu'on
connaît actuellement dans le syndicalisme. Il y a d'autres avenues qui
vont s'ouvrir, dont celle des jeunes. Et quand nous avons parlé des
ex-diplômés ou décorés du Mérite agricole,
là aussi ce n'est pas pour faire une blague, M. le Président.
Nous sommes passablement étonnés que depuis, je ne sais pas,
ça fait vingt ans que ça existe cette institution,
peut-être plus?
M. VINCENT: Cela fait 90 ans.
M. ROY: Il y a des milliers et des milliers de cultivateurs qui,
à un moment donné, ont été jugés par leurs
pairs comme les plus efficaces, les plus remarquables, les prototypes des
producteurs agricoles de la province de Québec. Sans vouloir faire
d'injustice ni être malin envers qui que ce soit, je trouve tout de
même étrange qu'il n'y ait pas beaucoup de ces
ex-décorés du Mérite agricole à la tête des
organisations professionnelles agricoles du Québec. Est-ce qu'on doit en
déduire que ces gens ne sont pas tout à fait sur la même
longueur d'onde? Et est-ce qu'on ne devrait pas en déduire que,
peut-être, il y aurait avantage, dans une économie agricole
industrielle comme celle qu'il nous faut réaliser le plus tôt
possible, à trouver un cadre dans lequel tous ces producteurs les plus
efficaces de la province de Québec se retrouveraient et se serreraient
les coudes et pourraient parler d'affaires dans le sens des gens qui ont
beaucoup d'investi et qui ont un très haut rendement?
Il y a quelque chose là-dedans que nous ne voulons pas identifier
à une simple blague. C'est un secteur qui, à notre sens, n'a pas
encore la chance de parler avec une voix unifiée.
M. BELAND: M. Roy, là-dessus, disons que j'endosse une bonne
partie de vos dernières observations. Maintenant, il est entendu que
ça reflète le contexte total dans lequel les agriculteurs ont
à travailler présentement. Par contre, de là à
vouloir qu'il y ait deux, trois, peut-être cinq, peut-être dix
syndicats agricoles, ce serait peut-être ouvrir une porte
supplémentaire pour une possibilité de zizanie entre les
producteurs et faire en sorte que le gouvernement s'en lave les mains, comme il
se les est lavées longtemps sur certains aspects.
Il est entendu qu'il est préférable que nous donnions au
Québec une politique vraiment à long terme, une politique
globale. Je suis pour ça aussi. Nous n'en avons pas. Je suis pour
ça. Par contre, si, demain matin, vous aviez à rédiger une
loi à la place de tous les agriculteurs ou tous les producteurs
agricoles du Québec, est-ce que vous laisseriez complètement de
côté toute possibilité de regard sur la mise en
marché ou si, au moins, vous laisseriez une faille où il y aurait
possibilité de jeter un regard sur la mise en marché
intégrale qui se fait?
M. ROY (Léonard): M. le Président, monsieur le
Député comme nous l'avons dit, il s'agit ici d'une distinction
intellectuelle après tout. C'est pour pouvoir parler plus intelligemment
de choses qui se ressemblent que vous avez demandé, vous, les
législateurs, de mettre d'un côté les préoccupations
professionnelles et de l'autre côté les préoccupations de
mise en marché. Mais pourquoi fait-on une organisation professionnelle?
C'est pour, éventuellement être mieux en mesure, par des
organismes différents, d'influencer la loi de l'offre et de la demande,
pour vous donner un exemple bien pratique, pour être mieux en état
de pouvoir participer à la planification des débouchés que
nous préparons, que nous avons. Mais, encore une fois, M. le ministre
l'a dit tout à l'heure, c'est le souci, je comprends bien, du
législateur de garder les choses à leur place, de ne pas les
mélanger. Or, c'est notre conception à nous aussi.
M. ROY (Beauce): M. le Président, dans le même ordre
d'idée, M. Roy a déclaré tout à l'heure que la
production agricole s'était effondrée au Québec depuis
plusieurs années. Si la production agricole s'est effondrée, il y
a certainement des causes. Je ne voudrais pas faire de débat
là-dessus, mais je pense que si on prenait le temps de regarder pourquoi
elle s'est effondrée, on aurait peut-être des mea culpa dans bien
des milieux.
Vous représentez treize organismes pour lesquels j'ai beaucoup de
respect parce qu'ils ont un rôle important à jouer dans
l'économie du Québec, un rôle essentiel. Je remarque que,
dans votre mémoire, à la page 22, en haut, au premier paragraphe,
vous dites ceci: "Au lieu de bâtir une loi autour de ce qu'on
connaît actuellement de l'unique UCC, il faut plutôt chercher
à prévoir ce que seront les cadres professionnels dans une
nouvelle politique agricole globale avec une nouvelle loi des marchés
agricoles modernisée".
A plusieurs reprises dans votre mémoire, vous semblez
déplorer ou vous semblez craindre un certain monopole de la part de
l'UCC. La
question que j'ai à vous poser est la suivante: Qui d'autre que
l'UCC jusqu'à maintenant a défendu les intérêts des
petits agriculteurs du Québec et qui d'autre actuellement est encore
prêt, encore en mesure de le faire dans les prochains mois qui vont
suivre? Dans votre mémoire, à la page 21 cela
complète ma question on dit: "Donc, doivent être
éligibles à l'accréditation les syndicats de producteurs,
les offices de producteurs, les unions de producteurs, les unions de
sociétés ou corporations agricoles, les fédérations
desdites organisations de base". C'est bien, tout ça, mais qui va le
faire et quand?
M. ROY (Léonard): Ce que nous proposons ici, ce n'est nullement
d'ignorer d'ailleurs, ce n'est pas notre intention et je crois que nous
l'avons dit dans le mémoire; nous lui avons rendu hommage le
travail fait par l'UCC, non seulement actuellement, mais depuis des
décennies, travail qui débouche logiquement dans la situation
où nous nous trouvons présentement. La seule chose que nous
demandons, c'est qu'au lieu de fermer le cadre immédiatement, de
crée, encore une fois, cette espèce d'organisation monolithique,
on donne une chance, durant quelque temps, aux autres secteurs qui ne sont pas
nécessairement dans l'UCC.
Encore une fois, ce n'est pas pour être malin, parce que je ne
tiens pas à exploiter indûment ce qui se passe sous nos yeux, mais
vous avez eu la preuve ce matin que, même avec la meilleure
volonté au monde, dans les propres cadres de l'UCC, les longueurs
d'ondes quelquefois ne sont pas tout à fait ajustées. Que l'on
soit conscient de cela; que l'on soit conscient de la matière humaine
avec laquelle on opère et qu'on permette une période de
transition au lieu de geler immédiatement et définitivement des
cadres qui seraient des cadres uniques. C'est notre conception.
M. ROY (Beauce): M. le Président, je crois qu'on attache un peu
trop d'importance au petit événement, au très petit
incident de ce matin. Dans cet incident, en tout cas en ce qui me concerne, je
n'ai vu aucune contradiction. Il faut avoir à l'esprit
l'inquiétude qui existe à l'heure actuelle dans les milieux
agricoles du Québec. Les cultivateurs sont fatigués et en ont
assez d'être les éternelles victimes d'un système, de la
loi de l'offre et de la demande qui a toujours joué contre eux.
Les cultivateurs, à l'heure actuelle, ont vu dans l'UCC un
organisme qui, justement, a pris leurs intérêts, un organisme qui
a tenté de les structurer, un organisme, autrement dit, qui a
tenté de les organiser et d'organiser leurs revenus pour que les
exploitations soient rentables et qu'ils soient capables d'exploiter des
entreprises et de faire face à des obligations dans des entreprises qui,
aujourd'hui, valent jusqu'à $40,000, $50,000 et même $90,000 dans
certains domaines.
Alors, si on ouvre la porte, autrement dit, à trop d'organismes,
comme le disait le député de Lotbinière tout à
l'heure, ne croyez-vous pas qu'on risque tout simplement de passer à
côté d'une solution urgente ou d'un moyen qui devrait être
pris le plus rapidement possible, étant donné l'absence
nous le déplorons d'une politique agricole globale au
Québec? Il reste tout de même que les agriculteurs sont victimes
de cette absence de politique agricole globale au Québec. Alors, ils
veulent se donner un organisme. Ils ont mis leur confiance dans l'UCC, à
l'heure actuelle. Je m'explique un peu mal le fait, à un moment
donné, qu'on semble énormément craindre. Je comprends
qu'on devrait peut-être ouvrir la porte à certains autres
organismes qui pourraient venir se joindre là-dedans mais tout de
même, il ne faudrait pas, je pense, aller trop loin dans le sens qu'on
laisserait planer dans l'opinion que l'UCC cherche à organiser un
monopole et une dictature dans le milieu agricole.
M. ROY (Léonard). M. le Président, je suis bien prêt
à répondre là-dessus. Précisément, les
propos de l'honorable député indiquent clairement la conception
qu'on a encore, dans certains milieux, du genre de syndicalisme qu'il faut.
J'essaie de déduire honnêtement, de ce que vous venez d'exprimer,
monsieur, que c'est parce qu'on n'a pas le syndicalisme agricole que toute une
partie de notre population n'est pas à la hauteur, qui ne peut pas
vendre ses produits, etc.
Dès lors, vous nous entraînez à discuter
plutôt des techniques de la mise en marché qui sont prévues
par la Loi des marchés agricoles. Voyez-vous le chevauchement entre les
deux? Cette attitude que prennent certaines catégories de producteurs,
comme l'attitude que vous venez d'exprimer, nous déçoit
pour ne pas dire plus parce que cela implique que le producteur, qu'on
l'organise au point de vue professionnel, avec les mécanismes qu'on
emploie dans le monde professionnel, dans le monde industriel, par exemple en
relations industrielles, l'épreuve de force, la négociation, la
menace, la grève, etc., et on vend tous les produits du
Québec!
En vertu de la Loi des marchés agricoles et en discutant de la
philosophie de la Loi des marchés agricoles pas du bill 64
nous serions en mesure de vous prouver que c'est une erreur grave. Parce que
dans le moment, qu'importe cette petite chicane qu'on fait à savoir que
nous sommes au taux suffisant pour 75 p.c, 55 p.c. comme disait le ministre
à Québec, à l'ouverture de l'Exposition de
Québec.
Et, comme nous nous supportons encore à 35 p.c., nonobstant cette
chicane sur le niveau d'autodétermination, d'autosuffisance, il reste
qu'on pourrait dire absolument brutalement et d'une façon insultante que
les commerces et les industries qui fournissent les aliments dans le
Québec pourraient nourrir tous les Québécois en
ignorant totalement qu'il y a une agriculture au Québec. C'est
outrancier, je le sais, c'est faire parade d'un sentiment
exagéré, mais, si vous êtes des hommes qui vous en tenez
aux faits, regardez les chiffres.
J'entends des gens qui veulent défendre une sorte de syndicalisme
dire: Donnez-nous ce qu'il nous faut pour être organisés comme des
unions ouvrières, vous allez voir que nous allons les placer, vos
produits. Sauf dans deux secteurs, pour lesquels je vous ai fourni des
explications tantôt, le lait et le bois à pâte, ça ne
jouera pas, ça n'a pas joué à présent, c'est le
contraire qui se produit. Nous voudrions qu'au lieu de nous regarder comme des
gens qui sont là constamment pour mettre le pied sur la tête des
autres on réalise que nous faisons un effort dans le moment, le secteur
industriel et commercial de l'alimentation, pour pouvoir vendre plus de
produits du Québec; il serait beaucoup plus facile et beaucoup plus
rentable de vendre des produits de l'extérieur.
M. ROY (Beauce): En somme, vous déplorez, M. Roy, le manque de
dialogue, le manque de communication au niveau des organismes...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. ROY (Léonard): Je déplore qu'on mélange les
idées, les questions et qu'on parle de mise en marché alors qu'on
devrait parler de syndicalisme agricole.
M. LE PRESIDENT: Merci, M. Roy, pour cet intéressant discours et
le mémoire. Y a-t-il d'autres questions à poser à M.
Roy?
DES VOIX: Oui.
M. VINCENT: Oui, nous y reviendrons cet après-midi.
M. LE PRESIDENT: La commission ajourne ses travaux à cet
après-midi, deux heures trente. Reprise de la séance à
14 h 38
M. FRASER (président de la commission parlementaire de
l'Agriculture et de la Colonisation): A l'ordre, messieurs! Est-ce qu'il y a
d'autres questions à poser à M. Roy?
M. VINCENT: Oui, M. le Président. M. Roy, à la page 24 de
votre mémoire, vous mentionnez le caractère confidentiel des
renseignements obtenus par les inspecteurs de la régie dans l'exercice
de leurs fonctions. Si je comprends bien, votre organisme n'est pas contre le
fait que la Régie des marchés agricoles obtienne des
renseignements...
M. ROY (Léonard): Du tout.
M. VINCENT: ...pour la bonne marche de la mise en marché, mais
vous voulez que ces renseignements demeurent strictement confidentiels.
M. ROY (Léonard): Oui, monsieur.
M. VINCENT: Je pense, M. Roy, que je pourrais profiter de la
circonstance pour vous poser une question. N'est-il pas vrai que chaque fois
qu'un organisme ou une industrie fournit de tels renseignements on a toujours
dit dans le passé, on a toujours stipulé, on a toujours
affirmé que ces renseignements demeuraient la propriété
exclusive de l'organisme concerné...
M. ROY (Léonard): Oui.
M. VINCENT: ...et que, même, à peu près toutes les
fois on a mentionné que ces renseignements ne serviraient pas pas aux
fins de la Loi de l'impôt sur le revenu?
M. ROY (Léonard): Oui.
M. VINCENT: Qu'arrive-t-il, M. Roy, si, par exemple, on disait aux
personnes que vous représentez que ces renseignements peuvent servir au
ministère du Revenu pour fin de compilation de chiffres pour le rapport
d'impôt sur le revenu?
M. ROY (Léonard): M. le Président...
M. TOUPIN: Je ne vois pas la raison de parler de cette question à
la commission parlementaire d'aujourd'hui.
M. VINCENT: Oui, M. le Président, parce que la loi le mentionne
très bien.
M. TOUPIN: Je ne vois pas ce que vient faire là-dedans la loi du
revenu ou le ministère du Revenu. Si toutefois on veut discuter du
problème dans ce cadre-là, on le discutera en une autre
circonstance.
M. VINCENT: M. le Président, justement, dans le mémoire
ici, on dit, à l'article 43, pour l'information du ministre: "Tout
renseignement obtenu en vertu du présent article doit être tenu
confidentiel, utilisé exclusivement pour les fins de la régie et
divulgué seulement sur l'ordre d'un tribunal."
M. ROY (Léonard): C'est ça!
M. VINCENT: Et, on continue: "Cependant, la régie peut donner
certains chiffres..." Mais il faut quand même, M. le Président,
bien préciser que, le 11 mai dernier, une autre loi était
adoptée par l'Assemblée nationale dans laquelle on dit que le
ministre du Revenu peut obtenir d'un ministre ou d'un sous-ministre ou d'un
président d'organisme tout renseignement qui lui serait utile pour fin
d'impôt sur le revenu. Est-ce que telle loi qui a été
sanctionnée le 11 mai dernier va empêcher la Régie des
marchés agricoles d'obtenir les renseignements qu'elle désire
obtenir, comme elle les obtenait dans le passé? Est-ce que ce n'est pas
dangereux, ce nouveau principe, que maintenant ces renseignements peuvent
être donnés au ministre du Revenu?
M. ROY (Léonard): M. le Président,
précisément, au sujet du projet de loi no 64, nous avons
soulevé cette question.
D'abord, l'industrie que nous représentons est consciente qu'il
lui faut apporter sa collaboration à l'Etat, en l'occurrence en lui
fournissant les renseignements dont il peut avoir besoin non seulement pour
fins de statistiques, mais pour fins quand on parle de cela, on parle
surtout du point de vue de la mise en marché d'établir les
possibilités de marchés, etc.
En principe, nous n'avons aucune objection à collaborer; c'est
même notre intérêt. Si l'on veut que le mécanisme des
statistiques, par exemple, nationales soit à point, c'est notre
intérêt de collaborer, mais à une condition: ces
renseignements doivent conserver un caractère confidentiel. Dans le
genre de renseignements qui doivent conserver un caractère confidentiel,
il faudrait, M. le Président et MM. les membres de la commission,
distinguer. Lorsque des inspecteurs se présentent pour les fins du
projet de loi 64 pour vérifier si les cultivateurs ou les organismes
professionnels sont entrés en possession de l'argent qui leur
était dû, ils vont référer, à ce
moment-là c'est la formule logique au registre du volume
des ventes ou des achats, etc.
On ne peut pas dire que la sorte de renseignement qui est recueillie
à ce moment précis est un renseignement qui, s'il faisait l'objet
de consultations interministérielles, pourrait être
réellement nuisible aux entreprises. Ce n'est toujours pas le compte de
banque de l'entreprise, le registre des achats et des ventes. Ceci dit, comme
clarification, il reste tout de même que, souvent, les inspecteurs
peuvent avoir la tentation, histoire de faire une double vérification,
d'exiger des documents qui, à ce moment-là, commencent à
être des documents pertinents à ce que j'appellerais la finance
elle-même de l'entreprise.
Vous avez parfaitement raison de souligner qu'il pourrait y avoir
danger. Ce dont nous nous plaignons, c'est que des renseignements qui sont
recueillis par des inspecteurs de la Régie des marchés et qui,
à un moment donné, peuvent être nécessaires pour une
cour de justice, pour établir le bien-fondé d'un litige, passent
entre les mains des responsables des organisations professionnelles. Il est
arrivé effectivement nous ne portons pas d'accusation; il ne
s'agit pas d'accuser formellement des gens d'être de mauvaise foi ou
malhonnêtes qu'on ait fait circuler des documents pour plusieurs
concurrents dans le même marché, disons à
Saint-Hyacinthe.
Pour donner un exemple bien précis, dans le domaine du lait
nature, à un moment donné on a fait circuler dans le champ un
document qui donnait le chiffre de vente de Laiterie mascou-taine et d'autres
laiteries qui sont des concurrentes de Laiterie mascoutaine dans ce secteur, y
compris le marché de Sorel, par exemple. Ces données, à ce
moment-là, c'est malsain; ce n'est même pas acceptable dans le
commerce qu'on dévoile comme ça, publiquement, les chiffres
d'affaires des concurrents. Cela ne s'est pas fait, encore une fois,
malicieusement j'en suis bien sûr mais tout simplement
parce que des gens dans les organismes professionnels, pensant que
c'était normal de renseigner comme ça leurs membres sur les
transactions qui se font dans un marché, se sont trouvés à
dévoiler, à la face du public et surtout d'un concurrent à
l'autre, le chiffre d'affaires de l'autre concurrent. Je vous donne un exemple
précis.
Si j'avais su que cette question serait soulevée, M. le
Président, je l'aurais déposé comme un document devant la
commission d'enquête. Je crois tout de même que, pour être
équitable et pour ne pas dramatiser inutilement la question de nos
demandes se limitent là, à savoir que l'impôt sur le revenu
puisse se servir de renseignements cueillis chez nous. Encore une fois, nos
entreprises n'acceptent pas que, pour faire une preuve ou une deuxième
vérification, on puisse avoir accès ou faire
référence à des documents que nous appelons les documents
de finance ou les documents de banque.
M. VINCENT: M. le Président, sur ce point je posais la question
parce que, quand on lit l'article 43 du projet de loi 64, on laisse à
tout le monde l'impression que ces renseignements sont confidentiels et qu'ils
peuvent être divulgués seulement sur l'ordre d'un tribunal. On le
mentionne dans le projet de loi 64. Le ministre va convenir avec moi que
l'article 43 devrait être amendé pour y inclure également
qu'en plus de la seule divulgation sur l'ordre d'un tribunal,
conformément au nouvel article de la
nouvelle législation, le président d'un organisme
gouvernemental ou le ministre ou le sous-chef est autorisé à
fournir, sur demande, au ministre du Revenu tout renseignement qu'il indique si
celui-ci expose que l'obtention de ces renseignements est nécessaire
pour l'application d'une loi sur le revenu. Mais il faut que ce soit bien clair
dans l'esprit des gens qu'en plus d'un ordre du tribunal, le président
ou le ministre ou le sous-ministre peut également, sur demande du
ministre du Revenu, divulguer tout renseignement qu'il indique si celui-ci
expose que l'obtention de ces renseignements est nécessaire pour
l'application de la loi du revenu. Il faut que ce soit clarifié dans le
projet de loi 64, à l'article 43.
En ce qui concerne la deuxième partie de votre intervention,
est-ce que vous admettez, M. Roy, que la Régie des marchés
agricoles, en certaines circonstances, en lui laissant le jugement
nécessaire, advenant qu'il y ait une cause devant les tribunaux ou
devant la Régie des marchés agricoles, puisse communiquer
certains renseignements à une association accréditée, mais
certains renseignements qu'elle juge nécessaires à l'exercice des
recours que l'association accréditée a le droit d'exercer? Je
pense que c'est limitatif.
M. ROY (Léonard): Oui, d'ailleurs nous l'avons
accepté.
M. VINCENT: Si on disait dans la loi: La Régie des marchés
agricoles peut divulguer certains renseignements à une association, ce
serait trop large. Mais si la Régie des marchés agricoles juge
qu'il est nécessaire dans l'exercice d'un recours bien spécifique
de divulguer certains renseignements, à mon avis, il faut le laisser
dans la loi.
M. ROY (Léonard): Nous l'acceptons. D'ailleurs, il y a une clause
similaire dans la Loi des marchés agricoles et nous n'en avons jamais
contesté la validité...
M. VINCENT: Et vous n'avez pas constaté d'abus?
M. ROY (Léonard): Non. M. VINCENT: Parfait.
M. ROY (Léonard): Les abus, c'est le coulage de tels
renseignements qui se fait une fois que ces renseignements, pour une raison
valable, ont été mis à la disposition soit des tribunaux,
soit des dirigeants des organismes professionnels. Alors, il y a des coulages
et nous aimerions qu'il soit bien indiqué qu'à l'avenir on
prendra les mesures nécessaires pour les prévenir.
M. VINCENT: Maintenant, M. le Président, une deuxième
question à M. Roy. Vous men- tionnez que, pour la définition du
terme "agriculteur", vous aimeriez celle dont se sert la Loi du crédit
agricole, c'est-à-dire une personne qui consacre la plus grande partie
de son temps à l'agriculture et retire au moins 50 p.c. de son revenu
net de l'exploitation de sa ferme. C'est votre définition, c'est celle
que vous suggérez. Seriez-vous prêt à accepter la
définition qu'on a vue dans le projet de loi no 48 des Affaires
municipales où on a exigé un pourcentage de 25 p.c?
M. ROY (Léonard): Justement, elle est d'abord très vague.
Il faudrait comprendre qu'ici nous apportons une collaboration. Nous savons que
c'est probablement l'objet qui est le plus difficile à définir
dans toutes les lois qu'on adopte actuellement. Qu'est exactement un producteur
agricole? Nous sommes conscients de ça. Ce que nous disons prend
l'attitude d'une contribution. Nous essayons avec vous de chercher quelque
chose. Alors, nous vous disons: Vous avez déjà fait un bon bout
de chemin en procédant par élimination. Cela, c'est
déjà beaucoup. Essayez donc maintenant de voir si vous ne
pourriez pas corser davantage la définition en empruntant autant que
possible à la Loi du crédit agricole et pas simplement à
la nouvelle loi de l'évaluation municipale parce qu'on trouve que cette
définition est trop vague et que 25 p.c, ça n'a pas de bon
sens.
M. VINCENT: M. Roy, une troisième question. A la page 22 de votre
mémoire, au dernier paragraphe complet, vous mentionnez: "En Ontario on
exige que les deux tiers des votants soient favorables au projet pour
l'accepter." Cela c'est au sujet des plans conjoints, je crois.
M. ROY (Léonard): Ecoutez, il faut s'entendre. Le système
que nous avons ici dans le Québec n'existe pas là-bas.
M. VINCENT: C'est ça.
M. ROY (Léonard): Il n'y a rien d'absolument identique en
Ontario. Il existe des plans conjoints pour les légumes, pour certains
fruits, mais ce n'est pas tout à fait sur le même patron qu'ici.
C'est dans ces organismes où il faut prendre un vote à un moment
donné que l'on voit que le gouvernement de l'Ontario exige qu'il y ait
un vote favorable de la part des deux tiers de ceux qui ont voté.
M. VINCENT: Comme pour nos plans conjoints au Québec.
M. ROY (Léonard): Dans les plans conjoints au Québec on
exige...
M. VINCENT: Pour les votes de nos plans conjoints au
Québec...
M. ROY (Léonard): Mais oui.
M. VINCENT: ...on exige que les deux tiers des votants soient
favorables.
M. ROY (Léonard): C'est ça. M. VINCENT: Merci, M. Roy.
M. LE PRESIDENT: Le député de Sainte-Marie.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. Roy votre mémoire est très
intéressant. Il y a des suggestions qui méritent d'être
prises en considération. Au début de votre mémoire, vous
dites que vous êtes pour le principe du syndicalisme agricole. Par
contre, quand on lit tout votre mémoire, on sait que vous êtes
contre la loi actuelle, le bill 64 tel qu'on le présente,
c'est-à-dire contre le mécanisme de la loi actuelle. Il y a une
chose que je dois vous dire: Je ne suis pas d'accord quand vous dites que
ça peut empêcher le cultivateur d'évoluer dans le contexte
économique où il doit évoluer normalement, que ça
va le replier sur lui-même. Je pense que ce n'est pas le but que le
syndicalisme a atteint dans tous les autres secteurs; bien au contraire. Je
pense que cela permettrait au cultivateur de s'émanciper davantage; de
faire valoir ses droits, etc., sans brimer les droits des autres. Je voudrais
revenir sur une chose. Vous mentionnez dans votre mémoire que vous
mettez un peu en doute le caractère démocratique du
référendum, tel qu'il est préconisé dans le bill
64. J'ai lu le mémoire du Conseil du patronat qui traite un peu de la
même chose. L'autre jour, M. Pigeon, représentant de la
Fédérée, nous a dit à peu près la même
chose. Il mettait en doute le caractère démocratique de ce mode
de référendum. Moi, je dis que c'est démocratique, mais je
pense qu'il pourrait y avoir une autre formule.
Est-ce que pour l'accréditation et pour la cotisation
obligatoire, vous auriez un autre mode, un autre moyen à suggérer
que le référendum, qui demande que 60 p.c. des agriculteurs
votent, que 50 p.c. se prononcent pour l'accréditation et 60 p.c. pour
la cotisation obligatoire? Voyez-vous un autre mécanisme?
M. ROY (Léonard): Si vous remarquez bien, la plupart de ceux qui
ont fait des représentations ici, au sujet de ce projet de loi,
nommément la Coopérative fédérée, par
exemple, c'est toujours en regard de ce caractère absolument
monolithique, n'est-ce pas, que vous voulez donner à cette loi ou
à un seul corps dans la province de Québec, que les gens vous
disent: Si vous êtes pour faire cela, au moins prenez tous les moyens
nécessaires pour vous assurer que le vote ou le référendum
qui sera exigé à ce moment-là traduise bien, autant que
possible, le plus près possible une majorité
démocratique.
Si ce n'était de ce que nous avons appelé, ce matin, cette
espèce de camisole de force par le haut qu'on veut rentrer dans tous les
cadres, et si ce n'était, aussi, de cette cotisation obligatoire,
ça va, mais celle qu'on veut aller chercher de l'impression qu'on
veut ramasser les miettes de tous les producteurs des derniers rangs de
"Saint-En-Arrière", qui ne sont même pas encore dans des
organisations professionnelles, il n'y aurait certainement pas d'objection. Je
suis bien sûr qu'il n'y aurait pas d'objection à ce que, par
exemple, au moment de sonder pour savoir si la Fédération des
producteurs de lait du Québec est bien représentative
c'est un cadre bien délimité on se serve de la même
formule que dans la Loi des marchés agricoles, à ce
moment-là, parce qu'il n'y aurait pas d'impliqué le fait brutal
que nous sommes à fermer, à geler des structures,
indéfiniment et d'une façon monolithique. Il n'y aurait pas
d'objection à cela. Mais en autant que vous semblez le
législateur forcer vers un système qui établira un
monopole, à toutes fins pratiques, et, par voie de conséquence,
établira, plus que la formule Rand, en définitive, ce
système par lequel les acheteurs c'est ce qui est odieux
seront obligés de forcer les cultivateurs à rentrer dans le rang,
qu'ils aiment ou qu'ils n'aiment pas cela, nous sommes obligés de vous
dire: Au moins, si, pour des considérations que nous ne comprenons pas,
vous voulez faire cela, au moment du référendum, assurez-vous que
c'est la majorité, ou le plus près de la majorité
démocratique, qui se prononcera.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Mais ce n'est pas...
M. TOUPIN: M. le Président, si le député de
Sainte-Marie me le permet...
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Oui.
M. TOUPIN: ... je voudrais seulement poser une question sur
l'affirmation que vient de faire M. Roy. Je voudrais bien qu'il m'explique un
peu plus ainsi qu'aux membres de la commission quelles sont les
dispositions, dans le projet de loi, qui obligeraient un producteur à
devenir membre de son syndicat.
M. ROY (Léonard): Bien écoutez, dans le mémoire,
avec tout le respect que j'ai pour vous, M. le ministre, tout de même, de
la page 14 à la page 16 il y a deux pages et demie où j'ai
enfilé les textes de loi pour établir clairement à notre
sens, que vous nous demandez non pas d'être percepteurs, collecteurs
ce n'est pas ça; d'ailleurs, c'est acquis, c'est oui tout de
suite d'être agents recruteurs en définitive parce que vous
faites une obligation formelle à tous ceux qui achètent des
produits agricoles de tenir des registres, de prélever une cotisation
chez tous les producteurs, qu'ils soient membres ou non, affiliés ou
non. Il y a même la fameuse expression "directement ou indirectement
intéressés". Ecoutez, c'est joliment large. Et c'est là,
M. le ministre, que
j'apporte l'exemple: pour le cultivateur du troisième rang de
Saint-Félicien qui apporte de la viande à la boucherie de
Saint-Félicien, qui descend régulièrement des fruits et
légumes à l'épicerie de Saint-Félicien, vous forcez
l'épicier de Saint-Félicien, vous forcez le boucher de
Saint-Félicien et il y en a 12,000 dans la province, de ces
entreprises de distribution à s'assurer que la viande qu'ils
reçoivent, que les légumes qu'ils reçoivent pour revendre,
ils ont prélevé dessus le montant d'argent qu'il faut pour
envoyer à l'UCC. Dans ces cas-là, il n'est pas question d'un plan
conjoint qui intervient. Il y a dans la province de Québec, si je ne me
trompe pas, une bonne majorité de producteurs qui ont comme
à-côté de vendre directement sur un marché qui leur
est proche une partie de leur production, surtout les primeurs.
Devant ça, à moins que nous ne sachions pas lire ou que
nous fassions exprès pour mal interpréter une série
d'articles de la loi, nous sommes obligés de venir à la
conclusion... Et ensuite, quand on regarde à part ça les
pénalités, vous en mettez tellement que ça nous rend
soupçonneux. Dans aucun texte de loi jusqu'à présent on a
vu des articles qui rendent ainsi le président, les administrateurs de
la compagnie, le gérant général, ses assistants
conjointement responsables de toute violation à cette loi.
Nous lisons ce qu'il y a dans le texte de loi, puis nous sommes bien
obligés de tirer certaines conclusions. C'est donc bien important, c'est
donc bien vital d'aller chercher $15 par année pour l'UCC du producteur
qui, étant trop loin, ne pourrait pas être rejoint directement par
l'organisation professionnelle pour que vous vous chargiez d'un
intermédiaire pour collecter cet argent!
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. Roy, procédons par comparaison.
Dans tout le secteur industriel, par exemple, ce qu'on appelle la formule Rand
ici...
M. ROY (Léonard): Oui.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): ...crée l'obligation pour l'employeur
de prélever la cotisation à la source.
M. ROY (Léonard): Oui.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Cela ne veut pas dire que l'employeur
devient un recruteur et qu'il est obligé de recruter des membres dans le
syndicat, au contraire; la plupart des employeurs sont contre. Seulement, la
formule Rand oblige l'employeur à prélever la cotisation à
la source. Alors, pour vous autres, les acheteurs, ce serait la même
chose. Ce serait en vertu de la loi que l'acheteur garderait la cotisation.
Pourquoi dites-vous que vous devenez des recruteurs, que vous obligez les
producteurs à adhérer au syndicat? Voulez-vous expliciter
davantage? Je ne comprends pas.
M. ROY (Léonard): Surtout parce que c'est vous qui posez la
question, M. le député de Sainte-Marie, connaissant vos
antécédents dans le monde des relations industrielles je
ne fais pas de jugement, mais je constate il y a une différence
fondamentale entre les deux et c'est malheureux qu'on laisse persister cette
espèce de confusion. Actuellement, on pense que c'est bon, que c'est
souhaitable et qu'on va résoudre tous les problèmes en
transposant dans le monde agricole la même philosophie et la même
formule que dans le monde ouvrier, alors que-messieurs, les
préoccupations du monde agricole et les préoccupations du monde
ouvrier ont deux objets totalement différents.
Dans le monde ouvrier, vous avez affaire à un homme qui offre sa
connaissance, ses bras. Dans le monde agricole, qu'actuellement vous voulez
syndicaliser, vous avez affaire à un patron à un
propriétaire, à un investisseur de capitaux, à un homme
qui, lui, toute sa vie, et par atavisme, veut avoir la plus grande
liberté possible et a de la difficulté à accepter des
contraintes dans des cadres. Je dis ça pour expliquer notre point de
vue. Dès que nous allons intervenir pour lui dire: Sur ton chèque
de paie, nous t'enlevons tant en vertu de la loi, mais pour telle organisation
professionnelle, cet homme-là ne s'en prendra pas à l'UCC; il va
s'en prendre à celui qui fait le chèque.
Ecoutez, nous parlons avec expérience, nous vivons ça,
messieurs, depuis des années. Dans bien d'autres domaines, nous faisons
des déductions et qu'est-ce qu'on dit dans le champ? Ah! c'est toujours
l'intermédiaire qui fait ça et il met ça dans sa poche,
comme on dit. C'est pour ça que nous sommes plutôt
réticents et que ça nous rend nerveux quand nous sommes en face
de cette obligation nouvelle qui nous serait imposée de dire à
tout le monde: Que vous aimiez ça ou que vous n'aimiez pas ça,
nous sommes forcés de prendre votre cotisation. Encore une fois, il y a
une différence majeure car ce n'est pas comme dans l'industrie où
la formule Rand s'applique dans un milieu bien déterminé,
à une industrie ou à un groupe d'industries qui fait la
même chose ou à une profession bien déterminée.
Mais là, vous appliquez votre formule à toute la province,
que ce soit à des producteurs déjà
enrégimentés ou regroupés dans des
fédérations ou dans des syndicats ou dans des associations bien
ordinaires ou même dans aucune association. Vous mettez tout cela
ensemble. Alors, ce n'est plus la même chose.
Je vais vous donner encore un exemple pratique. Prenons le domaine du
lait industriel. En vertu du plan conjoint du lait industriel, tous ceux qui
achètent du lait industriel savent même, cela a fait
l'objet de la négociation dans la convention qu'il faut
prélever un montant d'argent qu'il faut remettre au syndicat qui
administre le plan conjoint pour lui permettre, à lui, de
développer le marché et de travailler dans toutes les fonctions
qui sont
normales pour la mise en marché. Vous n'avez pas ces
difficultés parce que les gens se connaissent et se rencontrent, que
cela a été négocié, à un moment
donné, et que c'est dans un document signé par les parties.
En dehors de cela, vous allez rencontrer tout le secteur de
l'horticulture qui ne veut absolument pas, d'après ce que nous avons pu
voir, être enrégimenté là-dedans. Vous allez
rencontrer tous ces producteurs isolés qui veulent transiger directement
avec des acheteurs locaux. Ces gens-là ne sont pas dans un plan conjoint
ou dans un syndicat quelconque. Là, vous nous forcez à faire
encore le même manège avec ces gens-là, alors que nous
n'avons aucun moyen de leur expliquer ce que nous faisons et de leur dire que
nous sommes en service commandé pour les autres. Cela explique,
d'ailleurs, pourquoi nous vous disons, dans notre mémoire, que si jamais
nous avons à faire des déductions de ce genre-là, sur nos
chèques de paie, nous indiquerons distinctement ce qui est
prélevé pour l'administration d'un plan conjoint et ce qui est
prélevé pour le syndicat. C'est pour nous protéger. Nous
voulons que le cultivateur qui recevra le chèque sache exactement
où est allé l'argent qu'on lui a enlevé.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. Roy, vous dites que le cultivateur ne
comprendra pas ce mécanisme-là. Moi, je dis qu'il va le
comprendre. Si vous prélevez la cotisation, vous êtes un acheteur.
Il est certain que celui qui va vous vendre des produits va savoir que c'est en
vertu de la loi 64 que vous êtes obligé de le faire.
Premièrement, pour bien s'entendre, êtes-vous pour la
cotisation obligatoire? Appelons cela la formule Rand, même si ce n'est
pas exactement cela. Pour autant que la majorité des producteurs du
Québec se sera prononcée pour le syndicalisme agricole,
êtes-vous pour la cotisation obligatoire ou non?
M. ROY (Léonard): M. le Président, notre réponse
là-dessus est claire. Pour autant qu'on va accréditer des
organismes de base, nous sommes pour la cotisation obligatoire après un
référendum suivant les prescriptions que vous avez dans votre
loi, mais pas pour créer une espèce de monopole.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): "Monopole", je ne suis pas tout à
fait d'accord. Je ne veux pas me faire l'avocat du diable dans votre
mémoire; nous sommes ici naturellement comme on dit dans le
langage populaire pour ouvrir nos lumières, pour que la loi soit
la plus parfaite possible. Seriez-vous, par exemple, pour un mécanisme
je compare cela encore au secteur industriel, dans le monde ouvrier ou
ailleurs d'une accréditation qui serait accordée sur une
preuve de représentativité, c'est-à-dire si 50 p. c. des
membres plus un signent une carte d'adhésion?
L'UCC fait une campagne de recrutement, d'information sur ce qu'est le
syndicalisme agricole, etc. On fait signer une carte de membre en disant
à celui qui signe la carte, pour que ce soit bien explicite, qu'il
adhère à l'UCC en même temps qu'au syndicalisme agricole et
qu'il consent à la cotisation obligatoire. Etant donné qu'il y
aurait 50 p. c. des membres plus un qui auraient signé une carte de ce
genre-là, étant donné qu'ils auraient la majorité,
ils pourraient demander l'accréditation et l'avoir par la Régie
des marchés agricoles. Seriez-vous en faveur d'une formule comme
celle-là?
M. ROY (Léonard): Oui.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Au référendum, remarquez bien
que 30 p. c. des gens pourraient se prononcer si on exige que 60 p. c. des
producteurs votent, que la moitié de ces gens-là se prononcent
pour l'accréditation et qu'ensuite 60 p. c. de ces gens-là se
prononcent pour la cotisation obligatoire. Seriez-vous en faveur d'une formule
qui est toute simple et qui est universelle dans tous les secteurs?
On fait une campagne de recrutement, on veut syndiquer je cite
souvent l'HydroQuébec en exemple parce que je travaillais là
on fait signer des cartes d'adhésion. La CRT, dans le temps, a
fait une enquête, et dès qu'elle a constaté que la
majorité des employés de l'Hydro-Québec avait signé
une carte du syndicat, on a eu l'accréditation.
Pensez-vous que ce mécanisme serait plus démocratique ou
plus facile?
M. ROY (Léonard): M. le Président, MM. les
députés, quand on demande dans le mémoire en tenant
pour acquis que probablement votre idée est déjà faite
d'aller dans le sens que vous proposez dans le projet de loi de
rechercher la majorité démocratique au moment du
référendum, que vous apportiez cette preuve de majorité
démocratique par un référendum ou que vous l'apportiez par
cette technique que vous soulignez, s'il y a la preuve que 51 p.c. des
producteurs impliqués le veulent, je crois que nous n'avons qu'à
nous soumettre.
Seulement, vous me permettrez de vous faire remarquer ici, c'est
très délicat, il ne s'agit pas de généraliser
que beaucoup de personnes, ici même, dans cette salle et
même autour de la table savent ou ont eu déjà connaissance
de requêtes signées par des groupes de producteurs je vois
les gens qui rient parce que, précisément, ils en ont vu sur leur
pupitre et un jour, deux jours après, il y a des
contre-requêtes signées par les trois quarts des mêmes
producteurs qui avaient signé la première requête. Cela
s'est vu au niveau des hommes politiques et ça se voit au niveau des
chefs d'entreprise qui, eux, à un moment donné, reçoivent
de la part de leurs producteurs une consigne ou une demande pour faire telle
chose. Deux ou trois jours après, on reçoit une
contre-requête signée
par les mêmes gens nous disant : Nous avons été
trompés dans notre bonne foi.
Nous ne voulons pas généraliser et vous dire que c'est la
caractéristique des cultivateurs du Québec, mais nous vous
apportons ce fait qui nous rend, encore une fois, dans ce domaine, assez
craintifs à l'égard de la formule. La formule des cartes
signées, si elles demeurent signées et si elles sont
honorées par ceux qui l'ont signées, c'est un moyen aussi bon que
le référendum d'établir si la majorité
démocratique des cultivateurs est favorable
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Quand je dis que dans les autres secteurs,
on faisait signer des cartes, c'était toujours la CRT, la Commission des
relations de travail, qui faisait une enquête pour savoir s'il y avait eu
des pressions ou si les gens avaient signé sous de fausses
représentations. Dans le cas présent, ce serait la Régie
des marchés agricoles qui pourrait vérifier l'authenticité
des signatures et même, s'il n'y a pas moyen de faire autrement,
décréterait un vote. C'est ce qui arrive dans les autres
secteurs. Ce n'est pas l'UCC qui dira: On a 60 p.c. des membres, on veut
l'accréditation. Il faudra faire confiance à l'organisme
responsable de tout le fonctionnement du mécanisme de
l'accréditation qui sera la Régie des marchés
agricoles.
Je suis d'accord: il ne faut pas que des gens signent une carte sans
savoir ce qu'ils signent. Vous parlez aussi d'un certain monopole établi
par le haut. Une fois l'accréditation accordée, par exemple, elle
pourrait rester en vigueur pendant un certain temps. Je m'adresse un peu au
ministre maintenant: Est-ce qu'il pourrait y avoir, dans le projet de loi, un
mécanisme qui prévoirait une période de maraudage, par
exemple? On en a parlé l'autre jour parce que, dans le secteur
privé, une accréditation vaut pour le temps de la convention.
Entre le soixantième et le trentième jour avant la fin d'une
convention collective un autre syndicat peut prendre la majorité et
demander l'accréditation pour déplacer celui qui sera là
à ce moment.
Dans le cas actuel, on pourrait fort bien prévoir un
mécanisme à l'effet qu'à tous les trois ans, il y aurait
un mois de maraudage par un autre syndicat. Qu'est-ce qui nous dit qu'un autre
syndicat ne voudra pas syndiquer les cultivateurs, prendre la place de l'UCC?
On ne le sait pas. Continuellement, des organismes peuvent se former en
associations, venir devant la Régie des marchés agricoles et
dire: Nous avons la majorité, nous voulons déplacer l'UCC, c'est
nous qui allons être le syndicat accrédité des
cultivateurs. On pourrait prévoir des mécanismes comme ça.
Et je m'adresse aussi au ministre, je ne le sais pas, ce n'est pas prévu
dans la loi actuellement.
Dans la loi actuelle, à tous les mois et même à tous
les quinze jours, une autre association peut arriver et dire: C'est nous qui
avons pris la majorité et nous demandons un référendum. Je
l'ai soumis au ministre l'autre jour et c'est très important. Je pense
que le cultivateur pourrait continuellement se faire solliciter par toutes
sortes d'associations qui diraient L'UCC, ce n'est pas bon, rentrez chez nous.
Et cela deviendrait un tiraillement à n'en plus finir. Alors, on
pourrait prévoir des mécanismes dans la loi. Je ne sais pas, je
vous fais la suggestion.
M. ROY (Léonard): Est-ce que la question m'est adressée ou
si c'est au ministre?
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Disons à vous. Vous avez la
priorité, le ministre pourra parler après vous.
M. VINCENT: Ce n'est pas gentil ça!
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Non. Je vous l'adresse et j'aimerais avoir
l'opinion du ministre aussi là-dessus.
M. TOUPIN: Allez-y, M. Roy.
M. ROY (Léonard): Vous ne trouvez pas que par le cheminement des
pensées on revient un peu à ce que nous proposions au
début, si vous prévoyez la nécessité de mettre dans
la loi à un moment donné la faculté de faire un sondage
pour savoir si tout le monde est encore du même avis et de donner la
possibilité de changer? Ne croyez-vous pas qu'il serait peut-être
plus logique, étant donné qu'on travaille dans du neuf dans le
moment, au lieu de fermer tout de suite les cadres, de permettre aux corps
déjà organisés et qui vont se structurer au niveau de
fédérations ou de grands syndicats de décider
eux-mêmes, au bout de quelques mois de tractations, si ce n'est pas leur
intérêt de se confédérer?
C'est quasiment un phénomène normal. Si vous me permettez
de nous citer en exemple, le Conseil de l'alimentation, qu'est-ce que c'est?
C'est la résultante de ça. Treize ou quatorze associations, tout
de même, chacune dans son domaine, se prétendant bien
structurées et représentant tous les intérêts de la
province dans leur domaine, ont senti le besoin de se restructurer, d'avoir une
confédération de manière à former une voix unique
sur des problèmes d'intérêt commun. Ce besoin de se
regrouper est venu d'une façon naturelle. Mais on s'est regroupé
avec les gens qui parlent le même langage que nous, avec qui on sent une
appartenance. Alors, c'est la même chose, à mon sens, dans le
domaine agricole; qu'on permette donc aux grandes fédérations ou
aux grands syndicats, une fois accrédités, de décider
eux-mêmes de se donner cette structure confédérale et de
lui déléguer tous les pouvoirs et l'argent dont elle aura besoin
pour remplir sa fonction. Encore une fois, vous arrivez par le cheminement des
pensées à peu près à la même chose en disant:
On va tout bloquer tout de suite, mais on va prévoir dans trois ans
qu'ils pourront rouvrir ça, faire un sondage et décider à
ce moment-là ce qu'ils peuvent faire.
Je vous soumets humblement que l'attitude
que nous prenons est plutôt de laisser faire la nature des choses
et les intérêts communs de tous ces gens-là de sorte qu'ils
se donnent la structure dont ils ont besoin et qu'ils désirent
obtenir.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Mais... M. TOUPIN: M. le
Président...
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Oui, excusez-moi.
M. TOUPIN: Maintenant que M. Roy a répondu, je voudrais
répondre également à cette question.
Premièrement, l'article 20, sur cette question, est assez
explicite. Vous retrouvez à l'article 20, évidemment, les
dispositions requises pour que la régie puisse, elle, prendre les
décisions qu'elle jugera bon de prendre dans l'application de cette
loi.
Elle peut, si elle le désire, de son propre chef, révoquer
une accréditation. Elle peut la révoquer à la suite d'un
référendum.
Or, vous avez dans cette loi les mécanismes requis qui permettent
à d'autres groupes qui ne sont pas satisfaits de cette association
accréditée de faire valoir leurs droits auprès de la
régie et de demander, s'ils le désirent, un
référendum. Ils peuvent le faire. Seulement, du point de vue de
la représentativité, s'ils veulent faire des revendications, je
pense que la régie va les écouter. Cela m'apparait
évident; elle l'a toujours fait dans le passé et je ne vois pas
pourquoi elle hésiterait à le faire dans l'avenir. Il y a dans
l'article 20 il m'apparait quant à moi, en tout cas le
dispositif nécessaire pour comment dirais-je éviter
de faire croire à l'ensemble de la population qu'il s'agit là
d'un monopole ad vitam aeternam, d'un monopole établi à tout
jamais. Il y a tout ce qu'il faut dans cet article. Je pense que les
producteurs du Québec ont prouvé dans le passé et prouvent
encore dans le présent que, quand ils sont mécontents d'une
organisation quelconque, ils font valoir leur point de vue. Nous avons
prévu dans la loi les mécanismes qu'il faut pour faire entendre
les groupes de producteurs.
Les fédérations spécialisées peuvent, si
elles le désirent, se désaffilier de l'association
accréditée. Evidemment, elles seront toujours tenues de payer une
part de leurs prélevés, mais il ne faut pas non plus mêler
les problèmes. Elles peuvent toujours se désaffilier de
l'association accréditée et mener seules leur barque. Nous
croyons que c'est plus démocratique de procéder comme cela
plutôt que d'obliger les fédérations
spécialisées à se former une fédération et
par la suite, elle, cette fédération, créer un monopole de
mise en marché dans la province de Québec, alors que là,
chaque fédération peut se retirer de l'association
accréditée et mener son activité par elle-même. Elle
devra évidemment, comme je le disais tantôt, payer sa part de
prélevés jusqu'à concurrence de 20 p.c. pour aider au
financement de l'association qui sera accréditée. Je ne sais
laquelle sera accréditée dans sept ans, dans huit ans ou dans dix
ans. Ce que je sais, c'est qu'il y a un mécanisme dans la loi qui permet
que la régie puisse, si elle le désire, la donner à une
autre association, ou elle peut, au moins, discréditer l'association
qu'elle a déjà accréditée.
En ce qui a trait à l'obligation que vous mentionniez
tantôt d'inciter les agriculteurs à devenir membres, je ne crois
pas que cela soit tout à fait juste. Je pense que ce serait induire en
erreur les membres de la commission que de le soutenir trop. Remarquez bien,
j'ai essayé de trouver un autre mot; je peux en trouver un autre. Cela
ne m'apparaît pas conforme à ce que nous retrouvons dans l'article
39 et dans l'article 40. Pour ces groupes de producteurs, l'association
accréditée doit en faire la demande à la régie. La
régie, par la suite, fait une enquête; et c'est à la suite
de l'enquête que va mener la régie que la décision sera
prise qu'un producteur ou un groupe de producteurs ou un office de producteurs
peut ou doit payer sa cotisation à l'association
accréditée.
Evidemment, cela va commander, de la part de la régie, un travail
très minutieux. Il faudra qu'elle tienne compte de tous les
éléments. Ce seul facteur différencie déjà
amplement la loi que nous proposons par rapport à ce qui existe dans le
secteur ouvrier. Nous tenons compte de cette particularité qui existe
dans le milieu agricole, dans le milieu rural. Nous savons qu'il se pose trop
souvent et c'est tout à fait normal dans le contexte actuel
des cas particuliers, individuels. Nous avons prévu un
mécanisme pour que ces cas puissent être réglés.
Il est bien sûr que si la régie émet une ordonnance
et qu'elle dit pour prendre le même problème ou l'exemple
que vous mentionniez tantôt:
Le gars de Saint-Félicien, après étude, doit payer
sa cotisation à l'union, c'est seulement à ce moment-là
que l'acheteur du produit de ce gars se voit obligé de retenir sur le
produit que lui vend l'agriculteur le montant d'une cotisation de $15. Ce n'est
pas avant. Nous avons prévu tout un mécanisme d'étude. Je
pense que, dans ce mécanisme d'étude, vous qui aurez à
retenir cette cotisation si jamais la régie prend une
décision dans ce sens vous aurez l'occasion de faire valoir vos
points de vue.
Vous avez toujours eu, je pense, dans le passé, l'occasion de
faire valoir vos points de vue auprès de la régie lorsqu'il
s'agissait de mettre en place soit un nouveau plan conjoint, soit de nouveaux
mécanismes de mise en marché.
Je suis bien d'accord avec vous qu'on ne peut pas trouver de
mécanisme parfait. D'ailleurs, le syndicalisme agricole n'est pas le
seul aux prises avec un tel problème de financement ou de
représentativité. Plusieurs associations qui
ont un caractère similaire aimeraient bien pouvoir
prélever à même je ne sais trop quoi une cotisation qui
permettrait un financement adéquat de l'association. Vous savez fort
bien que pour qu'une association puisse bien fonctionner, il faut qu'elle ait
de la finance. Mais encore faut-il qu'elle soit aussi assez
représentative. Cela peut devenir un élément possible de
la représentativité.
Le secteur agricole est complexe en soi. Les producteurs ne sont pas
tous de même égalité dans l'ordre de la production.
D'abord, il y a diverses productions et il y a des petits, des moyens et des
gros producteurs. C'est la réalité agricole actuelle. Il y a des
producteurs qui, actuellement, évoluent à l'intérieur d'un
mécanisme de commercialisation bien structuré. Vous en avez
apporté quelques exemples tantôt: celui du lait industriel, par
exemple, celui du lait nature, celui du bois, aussi. Certaines autres
productions tentent aussi, actuellement, de se donner des mécanismes de
commercialisation. Encore là, c'est un mode nouveau qu'on a mis en place
pour tenter de régler ce problème de commercialisation et de
mettre ainsi de l'ordre dans la mise en marché des produits
agricoles.
Restent maintenant d'autres individus, d'autres agriculteurs qui ne sont
pas encore inclus dans ces mécanismes de mise en marché.
Peut-être y viendront-ils dans le temps, mais pour le moment, nous avons
prévu ce mécanisme, à l'article 39 et à l'article
40, qui permet, avant de prendre une décision... Même si ce projet
de loi était adopté demain matin, vous n'êtes pas tenus par
le fait même de retenir ces cotisations. Il faudra d'abord que
l'association accréditée en fasse la demande à la
régie, il faudra que la régie étudie le problème et
que, par la suite, la régie émette une ordonnance ou des
règlements qui détermineront par qui et comment seront
perçues ces cotisations.
Il me semble qu'il y a là un mécanisme pour le moins
démocratique, qui permet aux personnes d'exposer leurs problèmes,
de faire valoir leurs points de vue avant qu'on applique tout d'un coup une loi
qui les obligera à payer une cotisation. Dans les cas de ceux qui ne
sont pas dans la commercialisation, c'est-à-dire inclus dans un
système de commercialisation, cette cotisation n'est que de $15. Elle
n'inclut pas, évidemment, les 20 p. c. dont on parle pour les
fédérations spécialisées.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le ministre, à l'article 20, je
suis d'accord avec vous quand vous dites que la régie peut
révoquer l'accréditation en tout temps par le mécanisme
d'un référendum. Mais quand? Je vous donne un exemple concret.
Après un mois d'application du bill 64, il arrive un groupe de
cultivateurs au ministère et ils disent: L'UCC n'a plus la
majorité. Allez-vous déclencher un référendum?
D'après le mécanisme qui est expliqué ici à
l'article 20, je suis d'accord que vous pouvez révoquer
l'accréditation, mais quand? Tous les mois? Si je forme un syndicat des
producteurs agricoles, que je viens devant vous et dis que j'ai la
majorité, allez-vous décréter un référendum?
Il faudrait que l'association qui est accréditée le soit pour un
certain temps.
Et même, vous m'excuserez si je reviens toujours par comparaison
dans un autre secteur, on a beau dire...
M. TOUPIN: Oui.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): ... que ce n'est pas la même chose que
dans le secteur ouvrier, mais cela se ressemble quand même. Un syndicat
qui est accrédité l'est pour le temps de la convention
collective. Et même s'il perd sa majorité pendant ce temps, il
reste accrédité jusqu'à la fin de la convention. Mais
là, tous les mois, tous les quinze jours ou tous les deux mois,
n'importe qui peut arriver et dire au ministre: L'UCC n'a plus la
majorité, vous allez déclencher un référendum.
Comment fonctionnerez-vous? Est-ce que ce sera un éternel
référendum? Je ne le sais pas. C'est un mécanisme qui
m'embête.
M. TOUPIN: M. le Président, pour répondre à cette
question je pense que je vais rejoindre, à ce moment-là,
les opinions de M. Roy le secteur agricole ne peut pas se comparer en
totalité avec le secteur ouvrier.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): D'accord.
M. TOUPIN: Dans un tel type de syndicalisme, dans un tel type de loi
qu'on propose, on ne peut pas penser à inclure les conventions
collectives. On a établi clairement, au tout début, qu'il y avait
des organismes de mise en marché qui, eux, pouvaient négocier des
contrats de vente avec les entreprises et qu'il pouvait y avoir, à
côté de ça, une organisation professionnelle qui, elle
représenterait l'ensemble des agriculteurs, professionnellement parlant.
C'est surtout, évidemment, l'objectif que nous avons poursuivi lorsque
nous avons préparé ce projet de loi. Dans ce cadre ,
évidemment, nous devons laisser toute la latitude aux agriculteurs de
tenter, quand ils sentiront le besoin de le faire, de façon presque
constante, la vérification de la représentativité. Nous
n'avons pas voulu, précisément pour vérifier de
façon constante cette représentativité, créer des
cadres précis. Nous avons laissé là cette
démocratie qui va jouer tous les jours et qui va permettre aux
producteurs de discuter entre eux de leurs problèmes, qui va permettre
aux syndicats spécialisés même, aux
fédérations spécialisées même de discuter
entre elles de leurs problèmes et de se demander souvent si l'organisme
accrédité est encore représentatif de l'ensemble des
besoins de la classe agricole ou de la population agricole de la province de
Québec.
Il est bien sûr qu'un tel mécanisme rend
peut-être un peu plus lourde l'administration, mais il laisse au
moins ce caractère permanent de vérification de la part des
agriculteurs d'une représentativité réelle de
l'association accréditée. Et ça, c'est exclusif au secteur
agricole. Un principe comme celui-là deviendrait peut-être plus
difficile à appliquer dans d'autres secteurs syndicaux, mais, dans
celui-là, il nous apparaît important de le laisser
précisément pour respecter ce caractère
démocratique et pour éviter que nous ne sombrions, dans un temps
X, dans cette sorte de syndicalisme monopolisateur. Cette sorte de
mécanisme prévu va éviter que nous ne nous orientions,
peut-être, vers une sorte de syndicalisme monopolisateur.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le ministre, vous avez là un
mécanisme qui crée un précédent. Je ne dis pas que
c'est le cas, mais même vous, si actuellement on prouvait que, dans votre
comté, vous avez perdu la majorité, vous restez là quand
même pour tout le temps de votre mandat. Vous êtes élu pour
tant d'années. On ne peut pas arriver tous les mois et dire: Le
député X dans son comté n'a plus la majorité; on
décrète une élection. Là on décrète
un référendum n'importe quand, si quelqu'un vous donne à
peu près une preuve que l'UCC n'a plus la majorité. Je pense que
vous allez avoir des problèmes avec ce mécanisme-là. Aussi
devriez-vous avoir un échéancier, une date, que ce soit trois
ans, quatre ans, cinq ans. A ce moment-là, une association peut arriver,
prouver qu'elle a la majorité et remplacer celle qui est
accréditée.
M. VINCENT: Non, M. le Président, je ne le pense pas, excusez. Si
je comprends bien la loi le ministre pourra le confirmer il n'y a
qu'une seule association qui peut être accréditée à
la fois.
M. TOUPIN: C'est exact.
M. CROISETIERE: Oui, c'est exact.
M. VINCENT: Bon, je pense que ça, il faut que ce soit bien clair;
il n'y a qu'une seule association qui peut être accréditée
à la fois.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): C'est entendu, une à la fois; c'est
normal.
M. VINCENT: La façon de procéder, c'est qu'en vertu de
l'article 20 la régie peut, après référendum,
révoquer l'accréditation d'une association. C'est un premier
moyen. Deuxièmement, la régie peut également, d'office,
révoquer l'accréditation d'une association après lui avoir
donné l'occasion d'être entendue. Ce sont les deux seules
façons qu'il y a avant de procéder à une autre
accréditation. L'association qui est accréditée demeure en
fonction tant et aussi longtemps que la régie n'aura pas
révoqué son accréditation, soit après la tenue d'un
référendum ou, d'office, après avoir entendu
l'association.
Mais jamais, entre-temps, un autre groupe ne pourra demander à la
régie d'être accrédité, à moins qu'il
n'existe plus d'association.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Si vous me permettez, M. le
député de Nicolet, je suis d'accord avec vous à 100 p.c.
sur ce que vous avez dit, mais, quand la régie va-t-elle
décréter un référendum et pour quelle raison? Vous
ne le voyez pas dans l'article 20. Quand? Pour quel motif? Est-ce parce qu'une
autre association va dire qu'elle a la majorité? Est-ce parce que c'est
un groupe de producteurs qui va dire que l'UCC n'a plus la majorité?
Pour quelle raison la régie va-t-elle décréter un
référendum pour savoir si l'on va révoquer
l'accréditation? Quand? A quel moment? Pour quelle raison? On ne le dit
pas.
M. VINCENT: Sur le plan pratique, à ce moment-là, je pense
bien que si la régie avait une requête signée de 500 noms
ce ne serait pas suffisant pour révoquer une accréditation.
D'office, vous demandez la tenue d'un référendum. Mais si la
régie arrivait, à un moment donné, avec une requête
de 30,000 ou de 25,000 noms, les questions commenceraient à se poser
plus sérieusement. Je parle seulement sur le plan pratique.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): L'article 20 empêche l'association
accréditée de devenir un monopole qui va tout contrôler,
disons, si vous l'interprétez comme ça. M. le Président,
j'aurais une question à poser au ministre de l'Agriculture. Est-ce que
vous avez des objections à cette formule de 50 p.c. plus 1 de cartes
d'adhésion? C'est-à-dire que les producteurs agricoles
adhérent au syndicalisme agricole; en même temps ils signent pour
la cotisation obligatoire dès qu'ils ont 50 p.c. plus 1. Ils ont
l'accréditation et la cotisation obligatoire, ce qui enlève les
référendums. Pour quelles raisons, si vous en avez, seriez-vous
contre cette formule?
M. VINCENT: Avant que le ministre réponde, est-ce que je pourrais
poser une question au député de Sainte-Marie?
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): oui.
M. VINCENT: Quand vous dites 50 p.c. plus 1, c'est de quel groupe?
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): De ceux qui auraient le droit de voter, de
tous ceux qui sont reconnus comme producteurs.
M. VINCENT: A l'heure actuelle, d'après la définition,
cela peut être 50 p.c. plus 1 de 80,000 parce qu'il y a à peu
près 80,000 personnes dans la province de Québec qui vendent pour
plus de $50 de produits agricoles
par année. Cela peut être 50 p.c. plus 1 de ceux qui ont
plus de 50 p.c. de leur revenu en agriculture; cela peut être 50 p.c.
plus 1 de ceux qui ont plus de 25 p.c. de leur revenu en agriculture. Il faut
savoir 50 p.c. de qui, de quel groupe ou de quelle définition
d'agriculteurs.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Si le député de Nicolet me
permet, si vous procédez par référendum il va falloir
définir ça, de la même façon.
M. VINCENT: C'est ça! Il faut d'abord définir le
producteur et établir une liste...
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Que ce soit par référendum ou
par la signature d'une carte d'adhésion...
M. VINCENT: C'est ça!
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): ...il va falloir que ce soit
défini.
M. VINCENT: Si le producteur est défini, si on établit une
liste, on arrive à la conclusion qu'il y a 60,000 ou 58,000 agriculteurs
suivant la définition.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): C'est ça.
M. VINCENT: A ce moment-là, la liste des 60,000 cultivateurs
étant établie c'est là qu'est la question du
député de Sainte-Marie tels que définis dans le
bill 64, est-ce que le ministre accepterait, au lieu d'aller en
référendum, qu'on ait la signature de 50 p.c. de ces 60,000 ou
62,000 ou 58,000 plus 1?
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): C'est ça! J'avais moins
élaboré, croyant que le ministre avait compris.
M. VINCENT: Non, c'est parce qu'on varie sur la formule ou sur les
normes.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Vous semblez trouver qu'il va être
très difficile de définir qui va voter; que ce soit un
référendum ou savoir qui a le droit de signer une carte
d'adhésion, le problème est le même.
M. CROISETIERE: C'est la définition du mot agriculteur.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Pour la définition, il va falloir
s'entendre. Ceux qui sont ici ne s'entendent pas et parfois nous avons de la
difficulté à nous entendre. Je pense que ce sera le
problème. Qui va devenir producteur, qui va avoir le droit
d'adhérer au syndicalisme agricole? La formule de 50 p.c. plus 1,
pourquoi ne s'appliquerait-elle pas dans le bill 64? Je pose la question au
ministre. Pourquoi cette formule de majorité simple, 50 p.c. plus 1, ne
s'applique-t- elle pas dans le bill 64? Pourquoi un
référendum?
M. TOUPIN: M. le Président, un mécanisme est prévu
dans la loi et nous avons, pour discuter le contenu, non seulement de ce
mécanisme mais de l'ensemble de la loi, convoqué la commission
pour connaître les opinions des uns et des autres. Si, après avoir
entendu la commission, nous jugeons nécessaire d'apporter certains
amendements, nous les apporterons. Nous ne pouvons présentement, autour
de la table, nous mettre à amender le projet de loi.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Non, non. Mais je...
M. TOUPIN: Les suggestions que vous avez à nous faire, vous
pourrez les faire à l'Assemblée nationale, bien sûr, au
moment où on discutera le projet de loi en deuxième ou en
troisième lecture. Vous pourrez peut-être les faire à
d'autres occasions qui pourraient nous être données en
comité par exemple.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je vous posais la question, M. le ministre,
pour savoir, au cas où en comité plénier on soumettait cet
amendement, si vous prendriez la peine de le discuter. Là vous dites
qu'en comité on...
M. TOUPIN: M. le Président, j'ai toujours pris la peine de
discuter des propositions qui avaient du bon sens.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): J'espère.
M.VINCENT: Aussi bien dire toutes les propositions.
M. ROY (Léonard): A la dernière session de la commission
parlementaire, on a invoqué le principe "qui ne dit mot consent". Depuis
quelque temps, on a interprété un peu ce que moi, au nom de
l'industrie, j'ai essayé de présenter. J'aimerais que vous me
permettiez de résumer, dans trois phrases, l'attitude de notre industrie
sur les questions que vous venez précisément de soulever,
à la demande du député de Sainte-Marie.
D'abord, à la suite de tout ce que vous avez dit, M. le ministre,
sur cette disposition qui était toujours là, qui faciliterait aux
syndicats, aux groupements de cultivateurs mécontents, aux mal
ajustés, de pouvoir, un bon jour, parvenir à faire la preuve
qu'il faut remplacer l'association accréditée par une autre, nous
vous soumettons humblement que vous créez un climat qui est loin
d'être sain parce que vous allez, à ce moment-là, mettre
tous ces gens en état de contestation permanente. Je me rallie à
ce qu'on a dit tout à l'heure. Cela ne finira pas, de mois en mois, les
requêtes, les contre-requêtes de gens qui vont prétendre
être mal représentés ou autrement.
Deuxièmement, M. le ministre, vous avez très bien dit
qu'il y avait toujours la faculté, à un moment donné,
lorsqu'on verra qu'il s'établit un monopole, de le contester et de faire
mettre à terre ce monopole par la Régie des marchés. Je
voudrais vous faire remarquer très respectueusement que celui qui
détient les cordons de la bourse a tout le pouvoir. C'est justement
là la faiblesse, à mon sens, ou le non-sens, en acceptant ce
projet de loi, de dire: Vous pouvez vous désaccréditer, vous
pouvez vous éloigner du parti mais vous devez continuer à payer
quand même. Ceux qui tiennent le cordon de la bourse vont continuer
à avoir le pouvoir.
Troisièmement, on met beaucoup de responsabilités sur le
dos de la Régie des marchés agricoles. A notre avis, on s'en
remet beaucoup à cet organisme gouvernemental qui est déjà
chargé joliment puisque cet organisme est à cheval sur deux lois:
la mise en marché c'est un organisme qui, normalement, doit avoir
l'équipement nécessaire pour stimuler tous ceux qui peuvent
vendre les produits agricoles dans la province de Québec et la
décision de la représentativité et du sort de
l'organisation professionnelle des cultivateurs. Il y a des conflits
sous-jacents inévitables.
Ce n'est pas notre rôle ici, puisque nous avons pris beaucoup du
temps de la commission. D'autres corps vont certainement soulever ce point de
la grande responsabilité que vous donnez actuellement à la
Régie des marchés agricoles. Je voulais simplement faire le point
sur ces trois questions-là.
M. VINCENT: Une dernière question, M. Roy, avant que vous
repreniez votre siège. Comme nous le constatons de plus en plus, il est
possible que le projet de loi no 64 puisse s'appliquer seulement dans un an et
peut-être dans deux ans à cause de tous ces délais. Cela
est possible. Tant mieux si cela s'applique dans six mois, mais c'est possible
que ce ne soit que dans un an et peut-être deux ans. Une question
très simple: Que dirait votre organisme si nous avions, dans ce projet
de loi, un article intermédiaire qui dirait ceci: Toute personne
physique qui achète un produit agricole doit retenir, avant paiement de
ce produit, une cotisation syndicale minimum de $15, à moins que la
personne intéressée s'oppose par écrit à une telle
retenue?
M. ROY (Léonard): Vous admettrez que là vous ouvrez une
nouvelle avenue c'est indéniable sur laquelle vous nous
demandez immédiatement de nous prononcer...
M. VINCENT: Non, non.
M. ROY (Léonard): ...effectivement et de dire oui. On peut vous
dire, par exemple qu'on ne négligera rien, M. le Président, M. le
ministre et MM. les membres de la commission, pour collaborer. Nous ne sommes
pas ici pour faire exprès pour mettre des bois dans les roues. Nous
voulons aider, nous voulons collaborer parce que nous avons conscience que si
nous réussissons à avoir une organisation professionnelle bien
structurée qui, sans empiéter inutilement sur les droits acquis
des autres, fait son boulot, nous aurons déjà fait beaucoup afin
d'être prêts pour la mise en marché qui est une fonction qui
doit se faire avec nous pas sans nous par les cultivateurs.
C'est pourquoi nous vous disons tout de suite: Soyez assurés que
nous sommes prêts à étudier ces choses et comptez sur nous
pour collaborer.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): J'aurais une question, M. le
Président, si vous me permettez. Est-ce que je pourrais demander au
représentant de l'UCC, M. Allain, ce qu'il pense de la formule qui
serait de 50 p.c. plus 1 des cartes d'adhésion, par exemple, et qui
enlèverait le référendum pour l'accréditation et la
cotisation obligatoire?
M. ALLAIN: M. le Président, ce n'est pas là une de nos
propositions. Toutefois, nous avons cherché à simplifier le
système par les recommandations que nous avons formulées. J'ai
écouté avec attention la discussion sur ce sujet et il
m'apparaît qu'il s'agit d'une suggestion qui aurait probablement le
même effet que celui que nous recherchons par un référendum
qui règlerait à la fois l'accréditation et la retenue
à la source. Vous dites: Par la signature des cartes, à raison de
50 p.c. plus 1 des cartes signées.
Vous cherchez à atteindre le même objectif. Il s'agit
là d'une suggestion qui concorde avec la nôtre sauf que le moyen
diffère un peu. A priori, je ne peux pas dire que notre organisation
serait contre mais serait probablement favorable. H s'agit de
différencier les moyens et celui-là m'apparaït parfaitement
défendable et aussi parfaitement juste.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Merci. Maintenant, j'aurais une
dernière question à poser au ministre de l'Agriculture. Dans le
mémoire que M. Léonard Roy nous a présenté, on
parle des difficultés pour celui qui va percevoir la cotisation à
la source. Qui va percevoir la cotisation d'un producteur qui, par exemple,
vend du porc, de la volaille ou du lait? Ce n'est certainement pas les trois
acheteurs qui vont percevoir trois fois $15. Comment allez-vous définir
celui qui va percevoir la cotisation dans la loi? C'est très ambigu.
M. TOUPIN: Par une disposition dans la loi, M. le Président, qui
a précisément prévu une solution possible au
problème que vous soulevez. Nous en sommes bien conscients. Je prends le
même exemple qu'a utilisé M. Roy: notre gars qui est situé
à Saint-Félicien, qui vend des
légumes à un magasin du coin mais qui, par ailleurs, livre
du lait à une entreprise. Il est lié, d'une part, par un plan
conjoint et pour une partie de son produit et, pour l'autre partie, il n'est
pas lié par son plan conjoint. La loi prévoit qu'une cotisation
minimale de $15 doit être perçue. Dans le type d'exemple que
j'apporte, la cotisation devrait être perçue sur la partie du lait
livré à l'usine. Parce que, évidemment, c'est là
qu'on rencontre le moins de problèmes dans la perception de la
cotisation.
A la fin d'une année, il est prévu dans la loi
l'article m'échappe un mécanisme qui dit que l'association
accréditée révise les cotisations entrées pour
chacun des noms qu'elle a sur la liste et si un producteur a payé par
mégarde deux fois sa cotisation, l'association accréditée
est tenue de lui en rembourser une.
Evidemment, c'est presque inévitable à cause de la
multiplicité des productions...
M. LAURIN: Et de la polyvalence.
M. TOUPIN: ...et de la polyvalence aussi des productions au niveau d'un
ou de plusieurs producteurs.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le ministre, si je soulevais ce
problème...
M. VINCENT: C'est l'article 42.
M. TOUPIN: L'article 42 est assez explicite.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): ...c'est parce qu'il y a des producteurs qui
font partie de plusieurs plans conjoints.
M. TOUPIN: Oui.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Ils vont payer à un plan conjoint
seulement, mais qui va définir à quel plan? Est-ce que ce sont
les producteurs de porc? S'il vend du porc, de la volaille et du lait, par
exemple? C'est la Régie des marchés agricoles, mais elle va se
baser sur quels critères pour dire que la cotisation est retenue par
l'acheteur de lait, de volaille ou de porc?
M. TOUPIN: Evidemment, la régie va se baser sur le critère
le plus pratique qu'elle va trouver. Si, par exemple, c'est
préférable d'utiliser le porc dans le cas d'un groupe de
producteurs parce que c'est plus pratique de le faire, probablement qu'elle le
fera. Si elle juge que c'est préférable d'utiliser la production
laitière...
M. LAURIN : En somme, vous laissez ça à la
régie.
M. TOUPIN: Oui, parce qu'on ne peut pas définir dans la loi que
tel groupe de producteurs paiera sa cotisation à partir de telle
production, à cause précisément de la multiplicité
et de la polyvalence.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Remarquez bien que je suis d'accord sur ce
mécanisme. Cela va créer des emplois, ça va aider à
combler les 100,000 emplois, parce que ça va prendre bien des
fonctionnaires.
M. TOUPIN: En plus.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Alors, je vous remercie.
M. TOUPIN: Vous voyez le souci du gouvernement.
M. VINCENT: Il ne faudrait quand même pas se scandaliser. C'est la
même chose pour le régime de rentes du Québec. Une personne
peut travailler à deux ou trois endroits. On lui retient ses cotisations
pour le régime de rentes et, à la fin de l'année, on est
obligé d'ajuster. C'est inévitable.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Si on était au pouvoir, il n'y aurait
pas de problème.
M. LE PRESIDENT (Assad): M. Roy, est-ce que vous avez quelque chose
à ajouter?
M. ROY (Léonard): Non, M. le Président. Je suis à
la disposition, tout simplement, de la commission.
M. LE PRESIDENT (Assad): Merci, M. Roy. La prochaine est l'Association
professionnelle des meuniers du Québec et je crois que le porte-parole
est M. André Breton, président.
Association professionnelle des meuniers du
Québec
M. BRETON: M. le Président, MM. les membres de la commission
parlementaire de l'Agriculture, ce mémoire est soumis par l'Association
professionnelle des meuniers du Québec, groupement fondé il y a
dix ans et qui réunit quelque 200 membres, soit plus des deux tiers des
meuniers du secteur privé.
Au cours de toute son existence, l'Association des meuniers a fait
preuve de beaucoup de vitalité par ses congrès annuels, par son
intérêt soutenu aux problèmes agricoles d'actualité,
par ses interventions répétées auprès des pouvoirs
publics, par les consultations régulières dont elle est l'objet
et par la publication de son journal mensuel, Le Meunier
québécois.
L'Association des meuniers, dans son rôle de groupement
professionnel, n'est pas directement concernée par la Loi du
syndicalisme agricole. Néanmoins, les activités de ses membres
sont tellement reliées au bien-être des agriculteurs et à
la santé de l'économie agricole qu'elle ne peut se
désintéresser de l'organisation syndicale des cultivateurs du
Québec, surtout
quand celle qui leur est proposée à partie liée
avec la commercialisation des produits agricoles.
Est-il besoin de rappeler que, dans le contexte actuel, le meunier a vu
son rôle changer? De simple fournisseur de grains et de moulées
qu'il était, il a été entraîné, par la force
des choses, à devenir pourvoyeur de capitaux, constructeur de
bâtiments de fermes, notamment de poulaillers et de porcheries,
producteurs d'oeufs, de poulets et de porcs.
Le meunier du Québec est aussi devenu, souvent à
l'occasion de crises, le héros de l'organisation de certaines
productions qui n'auraient jamais vu le jour ou auraient disparu n'eût
été de son intervention. Les mêmes raisons l'ont
incité quelquefois à assumer jusqu'à la mise en
marché. L'extension du rôle du meunier a largement
contribué au développement de l'intégration à
l'enseigne de laquelle se produisent aujourd'hui 90 p. c. du poulet à
griller, 95 p. c. du dindon et 75 p. c. du porc.
Cette intervention du meunier dans les domaines qui lui ont
été forcément ouverts par les conditions du marché
et surtout par la pénurie des sources de crédit à la
production ne lui a pas toujours été salutaire.
Dans ce contexte, ce mémoire est présenté pour les
fins suivantes: reconnaître le principe du syndicalisme agricole; appuyer
dans son ensemble le mémoire du Conseil de l'alimentation du
Québec, dont l'Association professionnelle des meuniers du Québec
est l'un des membres les plus importants; préciser l'attitude des
meuniers sur certaines modifications réclamées par le Conseil de
l'alimentation; critiquer quelques dispositions du bill actuellement â
l'étude et apporter des suggestions dont l'acceptation par le
législateur rendrait davantage réaliste le bill 64.
L'Association des meuniers est trop réaliste pour refuser que
soit étendu à la classe agricole le principe du syndicalisme. A
cause des particularités de la catégorie de travailleurs auxquels
on veut reconnaître ce droit, l'extension du syndicalisme pose, en
l'occurrence, certaines difficultés dont les mémoires
déjà soumis à cette commission ont dressé un
éventail partiel.
Avec quelques-uns de nos prédécesseurs à cette
tribune, nous savons gré à l'Etat d'avoir modifié le
projet original, appelé l'Union des producteurs agricoles du
Québec, qui, dans notre opinion, n'était pas acceptable.
L'Association des meuniers reconnaît que la sauvegarde du principe de la
consultation des agriculteurs intéressés par la tenue d'un
référendum constitue une amélioration notable.
Néanmoins, si, en principe, le bill 64 reconnaît à
n'importe quelle organisation agricole, incorporée en vertu de la loi
des syndicats professionnels et remplissant la condition définie par la
loi, le privilège d'obtenir l'accréditation, l'Association des
meuniers sait bien et comprend que, dans la pratique, seule l'UCC peut obtenir
le droit de représenter les agricul- teurs. A cet égard, le bill
64 ne fait que verser un tribut symbolique à la liberté
syndicale.
L'Association des meuniers s'élève donc, comme le fait le
Conseil de l'alimentation du Québec, contre l'élaboration d'une
loi autour d'un groupement unique. Cette loi devrait plutôt
prévoir effectivement l'existence de plus d'une centrale syndicale
provinciale, si les producteurs agricoles le désirent. Plusieurs
verraient certainement dans la concurrence , ou simplement dans
l'émulation qui existerait entre elles, l'assurance de meilleurs
services.
Dans le contexte actuel, il apparaît dangereux aux meuniers
d'accepter au départ le principe d'une seule association,
c'est-à-dire une centrale unique qui empêche l'expression du
volontariat et qui oblige tous les agriculteurs, qu'ils le désirent ou
non, à souscrire à l'unique groupement qui leur est
imposé.
Il est à noter qu'en Ontario on tendait à favoriser la
mise sur pied d'une seule association syndicale accréditée au
lieu des deux groupements actuellement en place. On a aussi mis de l'avant
l'idée d'une contribution volontaire unique. Elle a été
refusée par les producteurs. Ce refus, par voie de
référendum, traduit le réalisme du producteur ontarien
désireux de respecter le contexte économique et
démocratique dans lequel la politique canadienne évolue.
Les tenants du groupement unique argumentent souvent que la
pluralité des associations divise les efforts et suscite les
mésententes sur des problèmes d'intérêt commun. Cet
inconvénient plausible est compensé, dans la pratique, par les
multiples avantages du choix libre pour un producteur d'appartenir à une
association respectueuse de ses goûts et de ses besoins particuliers.
Dans le mémoire qu'elle a soumis à cette commission, la
Coopérative fédérée dit: "L'inconvénient
majeur du syndicalisme unique pour l'agriculteur moyen est qu'il n'entend
toujours qu'une seule version, qu'il ne voit toujours qu'un seul
côté de la médaille, ce qui oblige moralement des
organismes d'une autre nature à provoquer des débats pour
compléter l'éclairage des problèmes et prévenir un
fanatisme trop agressif. Donc, même si l'Etat ne reconnaissait
officiellement qu'un seule porte-parole de l'agriculture, nous n'avons
aucunement l'intention de nous taire lorsque nous ne serons pas d'accord."
L'Association des meuniers, à titre de représentant du
secteur privé des meuneries, endosse cette description de
l'inconvénient majeur du syndicalisme unique et la prise de position de
la Fédérée, étant donné que le secteur
privé, pas plus que le secteur coopératif, n'a l'intention de
s'astreindre au mutisme, advenant que l'Etat ne reconnaisse qu'un seule
porte-parole officiel de l'agriculture. Elle continuera à intervenir
quand elle ne sera pas d'accord.
L'opposition de l'Association des meuniers au principe du syndicalisme
unique lui paraît
d'autant plus opportune que la définition du producteur, telle
que donnée dans le bill 64, ne satisfait pas. S'il fallait que le
législateur s'en tienne à la description actuelle, le sort du
syndicalisme pourrait être réglé par des
pseudoagriculteurs. L'Association des meuniers fait sienne une suggestion
déjà formulée: définir le producteur comme
étant celui qui retire au moins la moitié de ses revenus bruts de
la vente des produits agricoles. Ici je crois que mon savant confrère a
fait un lapsus quand il a défini le producteur comme étant celui
qui retire au moins la moitié de ses revenus nets. Or vous savez qu'en
agriculture, surtout cette année, dans les productions sans sol, des
revenus nets, il n'y en a pas. Donc il n'y aurait pas de producteurs. La Loi du
crédit agricole et ses règlements consacrent déjà,
d'ailleurs, cette définition.
L'Association des meuniers n'accepte pas non plus l'imposition de la
cotisation syndicale unique obligatoire, pas plus qu'elle n'admet que cette
cotisation soit dirigée vers la confédération,
c'est-à-dire vers le haut, plutôt que vers l'unité de base,
c'est-à-dire vers le bas.
Je crois que c'est l'endroit où je peux faire une digression. Ce
matin, j'écoutais avec attention les membres de la commission dialoguer
sur l'article 31. Il est intéressant de voir que tous les membres, de
tous les cotés de la Chambre semblaient interpréter la
définition dans ce sens que je n'entends pas. Je vous comprends
très bien. Quand vous parlez de cotisation, le raisonnement tient
jusqu'au bout, mais quand vous parlez de contribution, si vous regardez
à l'article 31, paragraphe 3, c'est bien dit: "Les contributions
payables à l'association accréditée par la
fédération et les fédérations
spécialisées et par les syndicats spécialisés
visés à l'article 30, peuvent être d'un montant fixe ou
variable selon la nature, l'importance et l'étendue des services qui
leur sont rendus par l'association accréditée, le nombre de leurs
membres ou le nombre de producteurs intéressés directement ou
indirectement par leurs activités".
Au dernier paragraphe c'est là qu'arrive votre affaire des
plans conjoints vous dites: "Dans le cas d'un office"; puisque vous
prenez la peine de spécifier "dans le cas d'un office", cela veut dire
que le paragraphe précédent ne s'applique pas aux offices, ne
s'applique pas aux plans conjoints, donc les contributions ne doivent pas, sous
réserve de l'article 35, excéder 20 p. c. des montants
exigibles.
D'ailleurs, l'article 32 confirme mon énoncé: "Les
règlements visés à l'article 31 sont exécutoires
à l'égard de toute fédération ou
fédération spécialisée, qu'elle soit
affiliée ou non, ainsi qu'à l'égard de tout producteur
membre ou non d'un syndicat ou syndicat spécialisé". Ce qui
revient à dire que moi j'ai beaucoup plus peur... Les $15 que vous
voulez retenir à la source, prenez les moyens que vous voudrez...
Comme vous l'avez dit tantôt, c'est qu'à la fin de
l'année, il y aura un partage. Il y aura, autrement dit, un balottement.
Si le gars a payé trois fois, il aura un crédit pour deux
années. Cela va très bien. Ce dont j'ai peur, ce sont les
contributions dans la question des plans conjoints. La loi dit bien que c'est
20 p. c. Les contributions des syndicats, même des groupements ou des
particuliers qui ne font partie d'aucun plan conjoint sont définies par
l'association accréditée. Cela veut dire que moi, j'ai
très peur, étant membre d'une association. Je crois qu'en ce qui
nous concerne, surtout si on prend la définition de "produit agricole",
nous constatons que vous avez bien pris garde de copier textuellement ce qui
est dans la Loi des marchés agricoles. Je vous fais grâce du
début. A la fin, on dit: Les grains. Les grains sont assujettis.
Automatiquement, si, par hypothèse, vous avez un type qui produit du
mais grain ou du blé... Prenons l'hypothèse que le mais grain
s'en vient sur un plan conjoint. Lui, il serait dans le cadre des 20 p. c, mais
pas pour celui qui produit du blé. Il n'y a pas de plan conjoint dans le
Québec pour le blé. Or, l'association accréditée,
pour une raison ou pour une autre, manque de fond et décide d'en
demander à la régie. Je trouve, comme mon savant confrère,
que les pouvoirs de la régie sont très étendus. On demande
l'autorisation de prélever, au lieu de 20 p. c, un montant X sur chaque
unité de production. C'est là que j'ai peur qu'on s'en aille vers
un montant, comme on dit, problématique. Parce que sur la question des
$15, c'est acceptable en principe, selon certaines réserves, comme l'a
dit M. Léonard Roy.
Cette disposition débouchera dans la pratique sur la double
cotisation, car on peut prévoir que de nombreux cultivateurs libres
formeront des groupes plus représentatifs de leurs intérêts
particuliers que ceux de l'UCC. En l'occurence, ils paieront de force une
cotisation à l'UCC et volontairement à leur groupement
spécialisé. Cela, justement, n'entre pas en ligne de compte en
vertu de l'article 42. C'est complètement en dehors. Au pis aller, si le
gouvernement s'en tient à légiférer autour du groupement
unique et impose la cotisation unique obligatoire, ils devront exiger, lors du
référendum, comme condition d'accréditation d'une
association professionnelle, un verdict à majorité absolue
valable uniquement si 75 p. c. des producteurs intéressés se
prévalent de leur droit de vote.
On dira que de telles exigences n'ont jamais été
imposées en matière syndicale mais on sait par ailleurs à
quels excès peut conduire l'imposition à tous d'une
volonté minoritaire. Quoi qu'il en soit, les conditions prévalant
en agriculture sont fort différentes de celles des secteurs
d'activités où le syndicalisme a pénétré
jusqu'ici.
Telle est, en substance, l'attitude de l'Association professionnelle des
meuniers du Québec, sur les principaux points du bill 64. Nous
répétons qu'elle endosse les positions prises par
le Conseil de l'alimentation sur l'ensemble du projet de loi du
syndicalisme agricole, les présents commentaires se limitant à
ses dispositions fondamentales.
L'Association des meuniers aurait pu relever bien d'autres
éléments de confusion dans le bill 64, mais, pour éviter
les redites, elle préfère s'en remettre au mémoire du
Conseil de l'alimentation, tout en demeurant à la disposition de cette
commission pour fournir verbalement à ses membres les précisions
qu'ils jugeront bon de solliciter. Il importait pour le moment d'indiquer ce
que les meuniers pensaient quant au fond de la loi à l'étude.
Nous remercions la commission de nous avoir reçus et nous lui
demandons d'accorder aux commentaires des meuniers une attention
spéciale.
M. VINCENT: M. Breton, très brièvement, vous avez
soulevé un point concernant l'article 31. Vous avez apporté une
nouvelle interprétation de l'article 31. Depuis le début, nous
varions d'une interprétation à l'autre. Je demanderais au
ministre de clarifier cela parce que M. Breton a soulevé un point quand
il a mentionné que les contributions payables à l'association
accréditée par les fédérations et les
fédérations spécialisées et par les syndicats
spécialisés visées à l'article 30 peuvent
être d'un montant fixe ou variable. Après ça, il mentionne
que c'est seulement dans le cas d'un office que c'est limité à 20
p.c, parce qu'il y a seulement les offices qui ont le droit de prélever.
Je pense qu'il faudrait clarifier ça tout de suite parce qu'une
fédération spécialisée, pour avoir le droit de
prélever, doit être constituée en office.
M. TOUPIN: C'est parce que ce sont seulement les offices qui ont le
droit de prélever.
M. VINCENT: Alors, une fédération
spécialisée...
M. TOUPIN: Si elle n'administre pas de plan conjoint, bien, elle n'est
pas tenue, elle, de payer les 20 p.c.
M. BRETON: Oh! non, mais, M. le ministre, excusez, en vertu justement du
paragraphe 3 de l'article 31, elle est obligée de payer "un montant fixe
ou variable selon la nature, l'importance et l'étendue..." C'est
à la demande de l'association accréditée.
M. TOUPIN: Si elle administre un plan conjoint.
M. BRETON: Non, non, au paragraphe 3, il n'y a pas de plan conjoint dans
ça.
M. VINCENT: Supposons que nous ayons la Fédération des
producteurs de porcs du Québec qui n'ait pas de plan conjoint. Advenant
qu'une association soit accréditée, est-ce que la
Fédé- ration des producteurs de porcs du Québec est
obligée de payer "un montant fixe ou variable selon la nature,
l'importance et l'étendue des services qui lui sont rendus par
l'association accréditée? "
M. TOUPIN: Bien, cet aspect n'est peut-être pas tellement clair
dans la loi, je le reconnais. C'est un nouveau problème qui arrive du
point de vue technique. Dans notre esprit, ce sont seulement les
fédérations spécialisées qui administrent des plans
conjoints qui doivent verser à l'association accréditée,
jusqu'à un maximum de 20 p.c. des prélèvements.
M. BRETON: Qu'est-ce que ça vient faire, le paragraphe 3?
M. TOUPIN: Oui, ce n'est peut-être pas tellement clair; il
faudrait peut-être clarifier cet aspect, par exemple.
UNE VOIX: Une nouvelle phraséologie.
M. TOUPIN: Oui, clarifier pour déterminer clairement qu'une
fédération spécialisée qui n'administre pas de plan
conjoint n'est pas assujettie à cette contribution de 20 p.c. Il
faudrait peut-être clarifier cet aspect-là, parce que c'est dans
l'esprit de la préparation du projet de loi.
M. BRETON: Non, regardez, M. le ministre, selon l'esprit de la loi, en
vertu du troisième paragraphe de l'article 31, justement, on a pris soin
de ceux qui n'ont pas de plan conjoint. Alors, là, on tombe dans une
trappe. Les membres de mon association vont produire du blé. Demain
matin, l'association accréditée peut dire, si elle manque de
fonds: cela, c'est "une gang" de capitalistes, ils en ont de l'argent, eux; on
va leur exiger $0.25 le boisseau. Il faut que je paie et que je me ferme la
boîte.
M. TOUPIN: Non. Si, toutefois, il s'agit d'une association des meuniers,
par exemple...
M. BRETON: Non, je parle de mes membres; ce sont des producteurs en
vertu de votre article qui définit...
M. TOUPIN: Des membres de qui et de quoi?
M. BRETON: Mettons que j'ai un marchand de grains qui, en même
temps, est cultivateur; je suis moi-même membre accrédité
de l'UCC. J'ai l'honneur de participer à leur association et je suis,
tout de même, marchand de grains.
M. TOUPIN: Votre producteur de grains, de blé ou d'orge ou de
mais serait membre de quoi dans le problème que vous soulevez? Membre de
son association professionnelle.
M. BRETON: Cela n'a aucune importance parce que même, en vertu de
l'article 32, vous renchérissez en disant: "Ainsi qu'à
l'égard de tout producteur membre ou non d'un syndicat ou syndicat
spécialisé, affilié ou non..."
M. TOUPIN: Les 20 p.c. dont il est question sont applicables seulement
aux fédérations spécialisées et aux syndicats
spécialisés qui, dans notre esprit, administrent des plans
conjoints. Il faudrait peut-être...
M. VINCENT: A ce moment-là, je pense que c'est très clair.
Au lieu de discuter, il s'agira de clarifier ce point de la loi.
M. TOUPIN: C'est exact!
M. BRETON: La position de l'Association des meuniers n'est pas
compliquée. Pour la clarification, ce serait de faire biffer le
paragraphe 3. Autrement, si vous le laissez, vous allez avoir une trappe qui va
toujours être ouverte.
M. TOUPIN: C'est parce qu'on a saisi...
M. VINCENT: Qu'on biffe les paragraphes 3 et 4.
M. BRETON: Le paragraphe 4 aussi, c'est pareil.
M. TOUPIN: Je pense, M. le Président, qu'on a...
M. VINCENT: Qu'on amende la Loi des marchés agricoles.
M. BRETON: On l'a dit tantôt.
M. TOUPIN: Je pense qu'on a saisi le fond du problème.
M. BRETON: Vous comprenez, M. le ministre, n'est-ce pas?
M. TOUPIN: S'il y a véritablement danger de passer à
côté de l'esprit qui a présidé à la
préparation de la loi, nous apporterons les précisions qui
s'imposent.
M. VINCENT: Dans ce esprit, c'est 20 p.c. dans tous les cas mais en
autant qu'ils administrent un plan conjoint.
M. TOUPIN: En autant qu'ils administrent un plan conjoint. C'est
l'esprit qui a présidé.
M. VINCENT: Si on gardait l'article tel quel.
M. BRETON: Cela veut dire, M. le député de Nicolet, en
biffant le paragraphe 3, que vous restez avec, dans le cas d'un office, les
contributions. Vous ne pouvez pas parler des autres; si vous le faites vous
êtes pris, vous embarquez à cheval sur deux choses.
M. TOUPIN: Je comprends le problème que vous soulevez.
M. VINCENT: C'est une nouvelle formulation.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je suis d'accord sur l'interprétation
de M. Breton. Si on garde le paragraphe 3 de l'article 31, ceux qui ne font pas
partie d'un plan conjoint seraient obligés de payer un montant X qui
n'est pas fixé à 20 p.c. D faudrait l'enlever.
M. TOUPIN: C'est clair dans mon esprit, il n'y a pas de
problème.
M. VINCENT: On vous remercie, M. Breton. Cela clarifie ce point.
M. BRETON: C'est bien important pour nous autres.
M. VINCENT: Oui, ce n'était pas clair, même si nous ne nous
sommes pas prononcés sur le principe de l'article 31; en vertu de ce qui
est écrit là ce n'était pas clair.
M. LE PRESIDENT (Faucher): Le député de Lotbinière
a demandé la parole.
M. BELAND: M. le Président...
M. VINCENT: Egalement, dans votre mémoire, M. Breton, comme tous
les autres organismes à l'exception peut-être de l'UCC au niveau
provincial, vous demandez une meilleure définition du terme agriculteur.
Vous acceptez la définition d'agriculteur telle qu'utilisée
à l'Office du crédit agricole?
M. BRETON: Oui.
M. VINCENT: Déjà plusieurs organismes acceptent cette
définition. Nous aurons à travailler à un projet de loi,
des Affaires municipales, où on a baissé ça à 25
p.c. Seriez-vous prêts à accepter cette nouvelle
définition?
M. BRETON: Comme je l'ai dit tantôt, c'est leur revenu brut. Si on
parle de revenu net, on joue sur les mots. Cela ne veut rien dire. Un revenu
brut, ce qu'un type fait pour...
M. VINCENT: Cela peut être 9 présentement.
M. BRETON: Si nous voulons rester dans l'optique de l'association et du
Conseil de l'alimentation, on préfère avoir une
représentation assez réelle du producteur.
M. VINCENT: Je pose cette question à tous ceux qui participent
comme témoins. A mon sens, dans le bill 64, quand on parle de 50 p.c, de
60 p.c, cela ne veut rien dire tant et aussi longtemps que nous n'aurons pas
défini d'une
façon plus logique le terme agriculteur. A mon sens, il est
inutile de parler de pourcentage, de 75 p.c, de 50 p.c. ou de 40 p.c, si on ne
définit pas d'abord le terme agriculteur. Par la suite, on pourra parler
de pourcentage.
M. BRETON: Je vois très bien. Votre définition, si on veut
la placer dans un cadre, vous avez au Québec 12 régions
économiques, vous avez tout un personnel, vous avez des fiches sur
chaque producteur. Pour les fins de l'association, j'avais besoin d'avoir une
liste de producteurs. On me l'a donnée, dans telle région, de A
à Z.
Il est impensable de demander à la régie de refaire un
travail qui est déjà fait. C'est impensable de sortir un cardex
pour 40,000 ou 50,000 producteurs. En vertu du bill 64, vous dites que c'est la
responsabilité de la régie de voir à codifier les
producteurs, à les classifier, à préparer la liste. Dans
un plan conjoint d'achat de volailles, qui s'est passé il n'y a pas
très longtemps, la régie avait décidé de faire
travailler d'autres gens; c'était du gros bon sens.
Il faudrait que le gouvernement n'en mette pas trop sur le dos de la
régie. Il faudrait qu'il prenne ses responsabilités. En montant
les fiches de chaque producteur dans vos régions, c'est très
facile. Le même type peut être pris sous différents angles.
Un type peut être producteur sur sa ferme, et il peut être ouvrier
à un certain moment. Comme je le disais tantôt, si vous ne voulez
pas prendre le pourcentage, en vertu du fichier qui se fait actuellement il
serait très facile de dire: Le type qui produira pour X montant brut sur
sa ferme disons $3,000 ou $5,000 sera accrédité
comme producteur. Là, vous avez le dossier au complet; vous n'avez
qu'à ajouter le montant.
M. VINCENT: A ce moment-là, M. Breton, sans
méchanceté, vous ne pourriez plus être membre de l'UCC.
M. BRETON: Pourquoi pas? M. VINCENT: Bien non.
M. BRETON: Oui si je vends pour X montant dans les deux fermes. Disons
que je vends...
M. VINCENT: Non, ne le dites pas.
M. BRETON: ... pour X dollars et que je réponds aux normes. La
question du pourcentage, nous avons lancé l'idée et, comme tout
le monde le dit, c'est à peu près le point le plus difficile
à définir.
M. VINCENT: C'est parce que dans votre mémoire vous parlez de 75
p.c. Dans d'autres mémoires, l'UCC parle de 50 p.c. plus un; le
député de Sainte-Marie a parlé de 50 p.c.
M. BRETON: Non, non. Nous ne parlons pas des 50 p.c, nous.
M. VINCENT: Non, vous parlez de 75 p.c.
M. BRETON: Pour l'accréditation à la fin, ce n'est pas
pareil.
M. VINCENT: Non, mais, quand vous parlez du référendum,
vous dites: "Un verdict à majorité absolue, valable uniquement si
75 p.c. des producteurs intéressés se prévalent de leur
droit de vote".
M. BRETON: Oui.
M. VINCENT: Bon. Depuis le début, nous avons des mémoires
qui nous parlent de 50 p.c; d'autres de 75 p.c; d'autres de 60 p.c.
M. BRETON: Non, non. Ce n'est pas cela.
M. GIASSON: 75 p.c. de ceux qui se prévalent de leur droit de
vote...
M. BRETON: C'est cela.
M. GIASSON: ... tandis qu'on prendrait 51 p.c. de tous les
producteurs.
M. BRETON: Oui, ce n'est pas pareil.
M. VINCENT: D'accord, M. le Président, "75 p.c. des producteurs
intéressés se prévalant de leur droit de vote."
M. BRETON: C'est cela.
M. VINCENT: Mais, pour avoir 75 p.c. des producteurs
intéressés, il faut avoir quand même une liste.
M. BRETON: C'est cela.
M. VINCENT: Si on prend une liste de 80,000 producteurs, 75 p.c. de
80,000, ce n'est pas la même chose que si l'on prenait 75 p.c. de 52,000
véritables agriculteurs. C'est pour cela que les pourcentages peuvent
varier.
M. BRETON: On fait une mise au point. Ce n'est pas pour tous les
groupements. On dit: Etant donné que vous avez différents groupes
d'associations et qu'il y en a qui ne sont pas membres de l'UCC et qui sont
obligés de payer quand même, comme ils ont un autre syndicat, ils
sont obligés de payer deux fois. C'est complètement en dehors de
la philosophie actuelle.
Nous avons mis 75 p.c. pour une question philosophique plus qu'autre
chose. C'est pour frapper davantage. Il y a le type qui n'est pas membre d'un
syndicat, qui serait affilié à l'association
accréditée; l'autre, qui est membre d'un syndicat et qui tient
à en faire partie, nécessairement, comme membre de son syndicat,
devra payer une autre cotisation.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Est-ce que
vous me permettez une autre question dans le même ordre
d'idée?
M. LE PRESIDENT: Oui.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Le référendum, tel qu'on le
préconise actuellement, demande que 60 p.c. des producteurs votent.
Vous, vous demandez 75 p.c. Vous augmentez le pourcentage de 15 p.c. Si 75 p.c.
des producteurs votent et si la moitié de ces 75 p.c. se prononcent
pour, ils ont l'accréditation, ce qui voudrait dire que 37 p.c. ou 38
p.c. des producteurs pourraient décider de l'accréditation.
Si l'on parle de la formule 50 p.c. plus un, cela prend la
majorité absolue de tous les producteurs. Seriez-vous en faveur d'une
formule comme celle des cartes d'adhésion qui demanderaient 50 p.c. des
producteurs plus un?
M. BRETON: Justement, qui va définir ces 50 p.c? Oui, si vous
avez une carte contrôlée, pas par l'association
accréditée, mais par la régie ou par le gouvernement, je
serais...
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Parce que suivant votre formule, seulement
37 p.c. décideraient et suivant la formule des cartes d'adhésion,
cela prendrait la moitié pour décider. Je pense que si vous
êtes pour 75 p. c, vous seriez probablement d'accord pour que 50 p.c.
signent les cartes.
M. BRETON: Oui, c'est mieux.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): A la page 4 de votre mémoire, vous
dites: "Cette loi devrait plutôt prévoir effectivement..."J'en
passe pour ne pas perdre de temps. "Plusieurs verraient certainement dans la
concurrence, ou simplement dans l'émulation qui existerait entre elles,
l'assurance de meilleurs services". Vous parlez de plusieurs associations qui
pourraient être accréditées. C'est justement le cas. Il n'y
a rien de prévu dans la loi qui donne l'exclusivité à
l'UCC. Actuellement, c'est la seule, mais cela ne veut pas dire qu'une fois que
le projet de loi 64 sera en vigueur une autre association ne pourra pas
demander l'accréditation.
M. BRETON: Comme M. Roy l'a laissé entendre tantôt, si vous
prenez la définition du mot association, actuellement seule l'UCC peut
répondre aux exigences de la définition. Demain matin, même
si j'avais le plus beau syndicat à l'échelle provinciale dans le
porc et que je couvrais 99.9 p.c. de tous les producteurs de porc, je serais
dans l'impossibilité d'agir parce que je ne suis pas une
fédération qui groupe toutes les autres disciplines. La loi dit
bien qu'il faut prendre le syndicat, le syndicat spécialisé, les
fédérations ou les fédérations
spécialisées. L'association accréditée, c'est
l'association reconnue par la régie comme association
représentant l'ensemble des producteurs.
Alors, j'aurais le plus beau syndicat de porc qui serait
structuré "au coton"... Prenez la preuve dans le lait, à l'heure
actuelle, le lait nature. Ce n'est pas un exemple parfait, mais tout de
même... Alors, même s'ils s'opposaient à 99.9 p.c. à
la formule, c'est inutile, ça va passer pareil.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Pour bien concrétiser, M. Breton, on
suppose que le projet de loi 64 est adopté, que l'UCC est
accréditée et devient la Fédération des producteurs
agricoles du Québec. Deux individus forment une association qui veut
représenter les producteurs agricoles du Québec; ils font une
campagne de recrutement, prennent la majorité, demandent
l'accréditation et la Régie des marchés agricoles est
obligée de la leur donner, suivant la loi. Cela ne donne pas
l'exclusivité à l'UCC.
M. BRETON: C'est rêver en couleurs!
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Non, pas du tout. J'ai vécu vingt ans
dans le syndicalisme et cela se voit tous les ans. Je ne rêve pas en
couleurs du tout, c'est de la télévision en blanc et noir,
monsieur. J'ai vu dans des secteurs un syndicat qui se pensait exclusif et le
seul capable de représenter tel groupe d'employés et, au bout de
deux ans, c'était un autre qui l'avait emplacé.
M. BRETON: Pour autant que ça reste dans une discipline
quelconque, ça va très bien. Mais quand il faut prendre tout
l'ensemble des disciplines agricoles, ce n'est plus pareil.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Bien oui.
M. TOUPIN: M. le Président, j'aimerais apporter une
précision, si vous me le permettez, sur le problème
soulevé. Vous avez apporté tantôt l'exemple du lait
industriel ou de la Fédération des producteurs de lait industriel
qui groupe peut-être la très grande majorité des
agriculteurs du Québec. Il m'apparaît bien évident, dans
mon esprit, que si, par exemple, la Fédération des producteurs de
lait du Québec se désolidarisait de l'association
accréditée, elle aurait toutes les raisons au monde de demander
à la régie de désaccréditer l'association
accréditée. Il n'y a pas de doute là-dessus dans notre
esprit.
C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas lié à ce
point les fédérations spécialisées. Elles peuvent
s'affilier à l'association accréditée mais elles peuvent
aussi ne pas s'affilier et, une fois affiliée, elles peuvent se
désaffilier et elles peuvent aussi, avec tous leurs membres, avec le
grand nombre de membres que les fédérations
spécialisées ont, demander à la régie de
désaccréditer l'association accréditée. Et elles
peuvent, en même temps, si elles le désirent, chercher l'appui et
l'accord de toutes les autres fédérations
spécialisées pour pouvoir obtenir
une accréditation pour représenter l'ensemble des
agriculteurs du Québec, tel que le veut le projet de loi.
M. BRETON: Vous arrivez un peu comme tantôt le
député...
M. TOUPIN: C'est la raison pour laquelle je ne pense pas qu'on puisse
soutenir que les fédérations spécialisées en vertu
de cette loi perdent des droits et perdent des pouvoirs; au contraire on les
précise, on leur donne l'occasion, si elles le veulent, de contester
l'association accréditée.
M. BRETON: Justement, M. le ministre, actuellement un des arguments de
l'UCC était qu'elle trouvait très lourd le mécanisme
d'accréditation et elle est très bien structurée pour
prendre la place parce qu'elle est sûre de ne pas avoir d'opposition si
ça passe. Comment se fait-il qu'elle ne soit pas trop
intéressée? Elle est même contre le fait de demander un
soixante plus un autre petit cinquante; ça fait du trente. Elle veut
quasiment avoir juste... Quand même 50 p. c. se prévaudraient de
leur vote, sur 50, si la moitié vote, ça ne fait pas épais
sur la côte. Elle aurait l'accréditation. Mais elle trouve que
c'est très lourd, c'est un de ses arguments, que c'est très lourd
comme mécanisme d'opération pour se faire accréditer.
Comment voulez-vous qu'une autre association qui n'a pas le personnel voulu
puisse lutter contre une qui est en place? C'est rêver en couleurs pour
au moins dix ans à venir. Actuellement, c'est l'argument de l'UCC.
M. TOUPIN: Oui, je suis bien d'accord avec vous qu'il peut y avoir des
arguments de part et d'autre, mais ce que je soutiens, c'est que le projet de
loi actuel prévoit qu'il est possible à une
fédération spécialisée de se désaffilier de
l'association accréditée et par conséquent, si elle le
désire, le même projet de loi prévoit qu'elle peut
influencer ou demander à la régie la tenue d'un
référendum pour vérifier d'abord la
représentativité de l'association accréditée et
elle peut, après, si elle le désire et en conformité avec
la loi, demander une accréditation.
Je ne vois dans les propos que vous tenez absolument rien qui milite en
faveur du fait qu'une fédération spécialisée se
trouve dans ce projet de loi liée à ce point.
M. BRETON: Mais il reste un fait, dans la pratique; c'est que tout
dépend du bon vouloir de la Régie des marchés agricoles
pour savoir si celle qui est accréditée répond ou ne
répond pas aux normes du pourcentage; il ne faut pas oublier ça.
Quand même j'arriverais devant la régie et je dirais: Hey! les
gars, mon groupe! Si la régie décide, je ne peux pas obliger la
régie à demander un référendum si elle constate que
mes arguments ne sont pas bons. On en a une preuve actuellement. Pour tout plan
conjoint qu'on veut faire voter, il faut avoir l'approbation de la
régie: On appelle ça la recevabilité. S'il est
reçu, par la régie, aucun groupe ne peut venir après pour
le mettre en concurrence. Il faut que le premier qui est reçu se rende
jusqu'au bout.
Regardez le mécanisme de la régie actuellement. Je n'en
veux à personne, ce sont les faits. Il n'y a pas longtemps
l'histoire est là un plan a été refusé par
les producteurs. Le lendemain matin à neuf heures, pas trois ans
après, un autre projet était déjà cuisiné et
a été présenté à la régie. Même
si j'avais eu une belle organisation de producteurs, j'aurais voulu aller dire
à la régie: Voulez-vous accepter mon plan? C'est malheureux, on
en a un, il faut l'étudier; après le vote, s'il est
refusé, tu pourras revenir encore.
M. TOUPIN: Dans la Loi de la mise en marché, à moins que
ma mémoire ne fasse défaut, je pense que dix producteurs peuvent
demander à la régie de les recevoir pour fin d'acceptation d'un
projet de plan conjoint et la régie, si elle le juge à propos,
peut décréter un référendum sur ledit projet.
M. BRETON: Supposons, M. le ministre, un projet dont les producteurs
intéressés viennent de rejeter la formule. Le lendemain matin, le
même groupe, la même organisation retourne à la régie
en prenant un autre projet quasiment de même structure, avec quelques
mots différents. Là, il faut attendre, je ne peux même pas,
moi, me tourner de bord et dire: Voulez-vous changer ma formule? Il faut
attendre encore le processus.
M. TOUPIN: Je suis bien d'accord, il y a un processus d'établi
à ce niveau dans la Loi de mise en marché, que vous connaissez,
d'ailleurs, tout aussi bien que moi puisque vous avez participé à
plusieurs audiences publiques. Jamais la régie, à ma
connaissance, n'a osé mettre au vote du référendum un
projet de plans conjoints sans qu'elle ait tenu des audiences publiques pour
entendre les parties. Si le référendum a pour résultat le
refus du projet de plans conjoints, il y a des raisons, il y a des causes.
Evidemment, on peut en mettre plusieurs de l'avant mais il reste qu'il y a des
causes et peut-être qu'une des causes c'est que le projet de plans
conjoints préparé ne correspond pas à leurs besoins. Cela
peut être une des causes. Je ne sais pas quel motif amène un
producteur à voter pour ou contre un projet de plans conjoints.
M. BRETON: Vous ne pensez pas, M. le Ministre, qu'en audience publique,
il serait beaucoup plus valable, pour tous les producteurs dans la discipline
intéressée, d'avoir le choix de s'exprimer sur différentes
formalités?
Je sais bien que cela a été le cas; je me suis
présenté plusieurs fois...
M. TOUPIN: Lors d'audiences publiques des meuniers, je pense, vous
pouvez, si vous le désirez, apporter des projets d'amendements au projet
de plans conjoints qui est proposé par un groupe de producteurs. Vous
pouvez discuter en audience publique des amendements apportés à
un projet de plans conjoints présenté par un groupe de
producteurs.
M. BRETON: On a un hommage à leur rendre, c'est que depuis
quelque temps ils sont beaucoup plus réceptifs aux modifications...
M. TOUPIN: Je ne pense pas; je pense que la régie a toujours
reçu vos documents et a toujours écouté avec attention les
revendications ou les représentations que vous y aviez faites.
M. VINCENT: Est-ce que la régie peut amender un plan conjoint
d'office?
M. TOUPIN: Oui.
M. VINCENT: A ce moment-là la régie peut amender un plan
conjoint. D'ailleurs, ç'a été fait récemment dans
la région de Sherbrooke.
M. BRETON: Il y en a un qui ne va pas très bien actuellement; je
ne sais s'il va être amendé.
M. BELAND: J'aurais une question à poser également. Disons
que je cherche présentement le principe sur lequel vous vous basez pour
être capable de vous retrouver à un moment donné à
l'intérieur de notre atmosphère. A la page 7 de votre
mémoire, lorsque vous parlez de majorité absolue valable, vous la
reconnaissez au moment où il y a 75 p. c. des producteurs
intéressés qui se prévalent du droit de vote. Comment
expliquez-vous que, dans le moment, une très faible quantité de
producteurs dans certaines productions produisent la très grande
majorité d'un produit donné, avec lequel produit donné,
vous, de l'Association des meuniers, pouvez vous tirer d'affaire parce que si,
par exemple, vous ne faites pas d'argent avec le porc, vous en faites avec la
moulée, alors que justement, je pense, que ce qui est recherché
ici j'émets une hypothèse ...
M. BRETON: D'accord, je l'admets.
M. BELAND: ... ce qui est recherché ici, c'est d'essayer de
retrouver ou d'associer, de créer quelque chose qui protège
l'ensemble des producteurs agricoles du Québec. Comment me situer
à travers cela?
M. BRETON: Actuellement les productions sans sol sont dans une position
assez précaire pour la très grande majorité. Cela veut
dire que les membres de l'Association des meuniers du Québec ont
à supporter d'énormes crédits parce que ceux qui ont fait
des productions sont plus ou moins rentables et que de l'argent, ils n'en ont
pas. Si les gars ont été assez intelligents pour travailler
à forfait, ils ont un problème de moins; ils ont reçu tant
par tête, peu importe que le produit fini se vende à perte ou non.
Eux, au moins, ont pu vivre. Ils sont chanceux.
Dans le contexte actuel, pour montrer que notre association se rapproche
du bill 64, j'ajoute que l'on veut qu'éventuellement toutes les
questions de production sans sol, où présentement il y a
intégration à très forte majorité, le gouvernement,
par une loi quelconque, vienne un bon matin à faire un crédit
à la production, de manière à ne pas laisser le producteur
prendre tout le risque lui-même. Il ne pourrait pas dire:
C'est dommage, je produirais bien à mon compte dans
l'élevage, si je fais de la pondeuse, du porc ou de la dinde à
griller, n'importe quoi à mon compte mais je n'ai pas d'argent, donc je
suis obligé de m'attacher à telle compagnie. C'est monnaie
courante actuellement. Or, s'il y avait un crédit à la
production, il pourrait prendre le risque en homme d'affaires. Si le gars est
bien intelligent et s'il sent le marché, s'il sent cela venir, il
pourrait faire l'argent que tout le monde prétend que nous faisons
"à pochetée". Pour une fois, il y goûterait. Ce serait
intéressant. Il verrait si c'est payant ou non. Il aurait un
crédit à la production. Ce serait le gérant de banque qui
lui passerait de l'argent. Or, pour la question de contingentement et de
contrôle des producteurs, avec cette formule, vous donnez un bon coup de
pouce au plan conjoint. Il n'aura pas le casse-tête de dire: On
contingente ou on demande la permission de travailler, comme dans le poulet
à griller, actuellement, à 80 p.c. Le gérant de banque
devrait être là pour contingenter tout seul.
M. BELAND: Vous entremêlez présentement je sais que
vous en êtes conscient la fameuse loi de reconnaissance de la
profession ou du syndicalisme agricole appelons-la ainsi et la
mise en marché, d'autre part.
M. BRETON: C'est parce que vous voulez savoir dans quel contexte nous
étions.
M. BELAND: Il y a des interrelations. Mais moi, ce que je recherchg,
c'est le principe sur lequel vous vous basez. Parce que justement, à ce
moment-là, on dévie du problème. Si on parle de
crédit à la production ou d'une plus grande facilité pour
avoir du crédit à la production pour le petit producteur, je
pense que c'est déplacer le verre, le prendre ici et le replacer
là, un point.
M. BRETON: Non, justement.
M. BELAND: Parce que voici si vous
voulez me laisser finir le but est complètement
dévié, à mon sens, et pour plusieurs raisons. Vous avez,
à venir jusqu'à maintenant je ne dis pas, en disant "vous
avez", les meuniers du Québec; je ne dis pas cela en somme... Je
veux vous reposer une autre question. Je pense que cela éclairerait la
chose, quitte à y répondre ou à ne pas y répondre.
A venir jusqu'à maintenant, qui a contrôlé les prix
à être accordés aux agriculteurs dans les différents
produits?
M. BRETON: Le prix de vente?
M. BELAND: Le prix de vente du produit.
M. BRETON: Fini?
M. BELAND: Disons qu'à ce moment-là...
M. BRETON: Actuellement, des plans conjoints sont organisés par
la Loi des marchés agricoles, avec les syndicats
spécialisés et tout ce que vous voudrez. Or, ces gens ne sont pas
le diable plus heureux que ceux qui n'ont pas de syndicats, qui sont
indépendants. Moi, je trouverais qu'un des buts du syndicalisme, serait
justement de faire pression, en tant que corps professionnel, pour arriver et
dire: On veut un crédit à la production justement pour que ceux
qui, parmi notre groupe, sont réellement efficaces, sont
réellement des hommes d'affaires, pour que, s'ils n'ont pas d'argent
pour fonctionner, ils puissent fonctionner à leurs risques. S'il y a une
piastre à faire, ils vont la faire, eux. la piastre. Cela, c'est une
revendication syndicale. Je leur concède cela.
M. BELAND: La formule du syndicalisme, à ce moment-là,
vous la voyez dans ce domaine: voir à essayer de trouver la
possibilité de faire avoir de plus grands crédits aux
agriculteurs.
M. BRETON: C'est une des possibilités. Il y en a d'autes. Il y a
bien d'autres facteurs. Il y a celui des rencontres entre les
intermédiaires. Quand arrive la mise en marché, si le syndicat
professionnel est très bien structuré, l'impact sera beaucoup
plus intéressant dans les négociations que s'il n'arrive qu'une
dizaine de producteurs non syndiqués, indépendants l'un de
l'autre, pour négocier le prix de leurs produits. C'est une
revendication. C'est là le rôle de leur syndicat professionnel.
Nous leur concédons cela. Ils ont droit à cela. C'est pourquoi
nous disons que nous ne nous opposons pas du tout à la formule du
syndicalisme agricole.
Nous sommes là, nous vivons la chose. Nous les remplaçons
sur bien des points parce que depuis une couple d'années cela a
été très mauvais au point de vue du marché. Ce
n'est la faute de personne. Le porc, il y aurait toute une histoire à
faire là-dessus. Si le prix est si bas, il y a toute une série de
facteurs. Tout d'abord, il y a le grain de l'Ouest qui est venu nous
inonder.
Il y a un paquet d'affaires. Il a été converti en chair
à bétail, en aliment comme on dit. Il y a tout un paquet de
facteurs. Il y a les Etats-Unis qui sont en surproduction. Cela n'a aucun
rapport car ce n'est pas nous qui contrôlons les prix. Nous n'avons aucun
contrôle sur les prix de vente.
M. GIASSON: M. Breton, reconnaissez-vous pour le moins que
l'organisation du plan conjoint dans la production de la volaille au
Québec a contribué dans une certaine mesure ou dans une mesure
assez large au rétablissement des prix, lorsqu'on a connu la situation
qui a prévalu dans les derniers mois de 1970 et au début de
1971?
Attribuez-vous cette amélioration de la situation des prix pour
le poulet à griller surtout plus de ce
côté-là que pour le gros poulet uniquement à
un désir ou à une décision des abattoirs de créer
artificiellement une augmentation de prix?
M. BRETON: Justement, là, vous avez un facteur historique qui
entre en ligne de compte. Je ne veux blesser personne. Même, j'ai
participé aux négociations et à l'étude des
amendements et je dois rendre hommage aux membres du syndicat des producteurs
de chair de volaille, qui ont été très
compréhensifs. Le premier projet n'était pas tout à fait
au goût de plusieurs. Ils l'ont amendé avec le consentement de la
régie. Cela a bien marché sous ce rapport-là. Or, si les
prix ont augmenté, n'oubliez pas que, dans le contexte historique, il y
avait un voisin, qui s'appelle l'Ontario, qui en avait un plan conjoint du
"poulet de gril", qui était contingenté. Or nous, du
Québec, nous avions 25 p.c. à 28 p.c. de notre production qui
allait inonder la région de l'Outaouais, en fin de compte, la
région la plus payante dans le commerce du "poulet de gril". Les gars
commençaient à en avoir soupé!
M. GIASSON: D'accord, j'admets tout ce que vous dites là, mais,
s'il n'y avait pas eu de plan conjoint, avec une acceptation de contingentement
de la production de la chair de poulet à griller et de poulet, vous
pensez que les prix se seraient rétablis de la même façon,
toujours en tenant compte du contexte ontarien?
M. BRETON: Non.
M. GIASSON: Comme ça, vous admettez que cela a été
utile d'avoir un plan conjoint qui a établi un contingentement pour
rétablir la situation du prix du poulet.
M. BRETON: Oui, parce que c'était le plan conjoint qui
était le plus facile à faire. En effet, il y avait un
contrôle et c'était un genre d'intégration à 90 p.c.
C'était très facile. La journée où on a
trouvé la formule qui plaisait
aux intégrateurs, cela a passé comme du beurre dans la
poêle. On leur a prouvé qu'avec ça on satisfaisait aux
caprices de nos voisins d'Ontario qui nous avaient menacés. D'ailleurs,
on était rendu à $0.15, vous vous le rappelez, puis cela aurait
encore baissé si on n'avait pas eu le plan conjoint.
M. GIASSON: C'est donc dire que l'existence d'un plan conjoint dans ce
domaine-là a contribué à faire le bonheur des producteurs
et, conséquemment, celui des meuniers parce que, le prix
s'améliorant, vous avez plus de chances de recevoir le paiement des
moulées et des ingrédients de nutrition que vous vendez. Cela
fait le bonheur de tout le monde.
M. BRETON: Tout dépend de la formule qu'on emploie. Excusez.
M. LE PRESIDENT: On est en dehors de la discussion de la loi du
syndicalisme agricole un peu. Or, le temps avance et nous devons entendre une
autre délégation. Je vous demande donc de demeurer au moins dans
le sujet: le syndicalisme.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): J'aurais, tout simplement, une observation
à faire. Dans votre mémoire, vous citez un passage du
mémoire de la Coopérative fédérée où
l'on parle de l'inconvénient majeur du syndicalisme unique et tout
ça. Je suis d'accord sur la fin de ce paragraphe, lorsque vous dites:
"Nous n'avons aucunement l'intention de nous taire lorsque nous ne serons pas
d'accord". Je suis d'accord sur ça, parce que le syndicalisme agricole,
ce n'est pas l'UCC, ce n'est pas le président, ce n'est personne qui va
faire son efficacité; ce sont les membres, c'est la solidarité.
Quand les gens ne seront pas d'accord, ils le diront, c'est entendu. Dès
que la loi va s'appliquer, il va y avoir des structures à
l'intérieur du syndicat et les gens le diront s'ils ne sont pas
d'accord.
M. BRETON: Justement, je me rappelle qu'en 1963, quand nous nous sommes
présentés devant la même commission pour la fameuse Loi des
marchés agricoles, les gens semblaient nous prendre pour d'autres.
Là nous voulons justement, conjointement avec la
Fédérée et mon ami Léonard Roy, nous solidariser
parce que, dans notre conception des affaires ou du syndicalisme, nous trouvons
qu'il va y en avoir, du désaccord, à brève
échéance.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Nécessairement.
M. BRETON: On ne voudrait pas que, dans six mois, vous disiez: Ah! bien,
pourquoi ne nous l'avez-vous pas dit dans le temps? On aurait fait
peut-être des modifications. On vous avertit là.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je n'ai jamais vu d'assemblée
tumultueuse comme l'assemblée syndicale des membres. Il va falloir que
ce soit pareil chez vous.
M. BRETON: Ah! bon, c'est sûr, la démocratie. Merci.
M. LE PRESIDENT: Alors, messieurs, la période des questions est
terminée. On va demander à M. Perreault, président du
Conseil du patronat de Québec, de présenter son
mémoire.
Conseil du patronat du Québec
M. PERRAULT: M. le Président, MM. les membres de la commission,
nous voulons tout d'abord vous remercier de cette possibilité qui nous
est offerte de vous transmettre ces notes et de l'attention que vous porterez
au point de vue du Conseil du patronat du Québec sur le projet de loi no
64, Loi du syndicalisme agricole.
Comme vous le savez, le Conseil du patronat du Québec est une
confédération des associations patronales
québécoises. Il regroupe directement, ou indirectement par
l'intermédiaire de ses fédérations affiliées, plus
de 130 associations patronales.
Ces associations membres réunissent des entreprises
industrielles, commerciales et de service qui emploient la plus grande partie
de la main-d'oeuvre québécoise.
Le Conseil du patronat du Québec est donc intéressé
par ce projet de loi à plus d'un titre.
Outre le fait, en effet, que ce projet de loi propose de donner des
assises juridiques à une organisation professionnelle sectorielle qui
est en contact constant avec plusieurs de ses associations affiliées, ce
projet de loi met en cause des principes qui l'intéressent tant
directement qu'indirectement.
Ainsi, le bill 64 concerne directement le Conseil du patronat parce
qu'il propose un régime syndical tout à fait nouveau au Canada
pour toute une classe de travailleurs de la société, les
producteurs agricoles, d'autant que ces travailleurs s'apparentent beaucoup
plus facilement à des entrepreneurs qu'à des salariés.
Les pouvoirs accordés à un organisme de l'Etat, en
l'occurrence la Régie des marchés agricoles; les contraintes
à l'économie de marché que viendrait peut-être
sanctionner ce projet de loi; les obligations que posent aux acheteurs de
produits agricoles non commercialisés certains articles de la loi sont
autant de questions qui le concernent directement.
Le moins qu'on puisse dire d'autre part, c'est qu'indirectement l'homme
d'affaires du Québec, en sa qualité de citoyen et de
consommateur, est tout aussi concerné par ce projet de loi que tout
autre groupe de la société.
C'est donc à ces divers titres que ces notes vous sont soumises,
à votre demande, d'ailleurs.
Nous espérons qu'elles apporteront des éclairages nouveaux
sur cette importante question soumise à votre attention.
Tout d'abord les principes généraux. Le secteur agricole
au Québec, considérant son importance, même relative, dans
la vie économique, mais surtout le nombre de travailleurs,
agriculteurs-producteurs, qui y oeuvrent, nécessite une organisation
professionnelle solide.
Que l'on appelle les divers éléments de cette organisation
professionnelle les associations de producteurs, les syndicats ou autrement, il
est tout à fait légitime de penser que, dans son ensemble, cette
organisation professionnelle veuille se structurer véritablement,
à tous ses paliers, afin de mieux promouvoir les intérêts
légitimes de ses membres.
Dans ce secteur, comme dans tout autre secteur de la vie
économique, le syndicalisme devient alors une forme identifiée de
regroupement d'individus ou de groupes dont il ne saurait être question
de contester de quelque façon la validité.
Afin, croyons-nous, de réaliser valablement cette promotion de
l'organisation professionnelle ten ce secteur, organisation professionnelle
structurée réclamée depuis longtemps par les principaux
milieux concernés, le gouvernement du Québec a
déposé à l'Assemblée nationale et soumis à
l'attention des membres de cette commission le projet de loi 64, dit du
syndicalisme agricole.
Ce projet de loi comporte, il va de soi, tout un ensemble de
mécanismes et de règles propre à cadrer juridiquement
cette organisation professionnelle. Il a été accueilli avec une
satisfaction mitigée par les principaux milieux concernés.
Cette satisfaction, même mitigée, ne sous-tend pas
nécessairement cependant que ce projet de loi réponde aux
attentes des autres groupes de la société et qu'ils n'ont aucune
question à poser à son égard.
Au contraire, ce projet de loi soulève plusieurs questions
concernant d'autres personnes que les producteurs eux-mêmes.
Ces questions se réfèrent d'une part aux objectifs
mêmes du projet de loi et d'autre part au contenu, principes et
mécanismes, du projet de loi.
D'abord, quelle est la finalité du projet de loi 64? Pour
être en mesure d'apprécier valablement ce projet de loi, il nous
apparaît essentiel de répondre au départ à cette
importante question.
S'il nous faut, en effet, apprécier ce projet de loi en regard
d'une seule et unique finalité, soit la structuration légale de
l'organisation professionnelle des producteurs du secteur agricole, et qu'il
n'est d'aucune façon question de discuter certaines des fins que
permettra de réaliser cette structuration, nous n'en discutons nullement
le principe. Nous pouvons différer, et nous différons
effectivement, d'opinion quant aux mécanismes à utiliser pour la
réaliser, mais nous en appuyons pleinement le principe.
Nous ne croyons pas cependant que notre appréciation puisse se
limiter au seul principe de la structuration elle-même. Les fins que
permettront d'atteindre en effet cette structure professionnelle sont aussi,
sinon plus, importantes que la structure elle-même.
Notre appréciation nous oblige donc à rechercher ces fins
et à les analyser. L'article 19 du projet de loi précise
clairement quelles sont ces fins. L'une d'elle, exprimée au paragraphe
a) dudit article, est la suivante et je cite: "Promouvoir, défendre et
développer les intérêts économiques, sociaux et
moraux de ses membres et des producteurs et, à ces fins, agir de
façon générale comme porte-parole des producteurs." En
soi, c'est là un objectif tout à fait légitime et contre
lequel, à priori, on ne saurait s'opposer, mais à une condition,
cependant; la réalisation de cet objectif doit se faire selon les
règles de l'économie de libre marché.
Malheureusement, cependant, tel n'est pas toujours le cas dans la
question qui nous préoccupe actuellement. L'une des façons, en
effet, qu'utilisent aujourd'hui certains offices de producteurs pour la
promotion de leurs intérêts économiques est le plan
conjoint à pouvoirs exclusifs pour la mise en marché de certains
produits agricoles. Or, le moins que l'on puisse dire, c'est que ces plans
conjoints sont fort discutables sur au moins deux plans, le plan juridique et
le plan économique, et qu'il s'agit là de dimensions dont il est
nécessaire de tenir compte dans l'étude de l'actuel projet de
loi.
Plan juridique: Tous connaissent les discussions juridiques qui ont
cours actuellement autour de la légalité des pouvoirs qui ont pu
être accordés à certains offices de producteurs. Tant et
aussi longtemps que la légalité incontestable des pouvoirs qui
ont été accordés à certains offices de producteurs
n'aura pas été absolument établie, serait-il sage pour le
législateur d'édicter une loi favorisant l'usage de tels pouvoirs
et donnant ouverture, du fait même et sous cet aspect, à des
contestations légales ou à des actes pouvant
éventuellement être qualifiés d'illégaux?
Ne serait-il pas préférable pour le législateur de
revoir plutôt la Loi des marchés agricoles, qui donne naissance
aux plans conjoints, comme processus préalable à l'adoption du
projet de loi 64?
Plan économique: Il n'est pas utile de faire la
démonstration évidente que les syndicats agri-cole,s ont, entre
autres, une fonction économique bien précise: négocier et
administrer des plans conjoints de mise en marché. Cette fonction leur
est confirmée par la Loi des marchés agricoles et par les bills
15 et 16 de mai 1971 qui ont confié aux producteurs en ce domaine des
pouvoirs étendus.
Par ces législations, qui se situent en marge de toute notre
tradition juridique et en marge de toutes nos pratiques commerciales, les
offices de producteurs ont été habilités, au mépris
des équations de l'offre et de la demande, à
statuer sur des questions qui concernent tous les citoyens: les
quantités offertes, les normes de qualité et les prix. Ils
constituent au sens strict des monopoles économiques, en droit comme en
fait, au détriment, d'une part, des consommateurs et, d'autre part, des
producteurs les plus efficaces dans un régime de libre concurrence.
Une loi, tel le bill 64, qui viendrait renforcer encore ce régime
serait une attitude difficilement acceptable à l'égard de toute
la communauté québécoise. Les règles fondamentales
du régime économique qui prévalent chez nous, au
Québec, en Amérique du Nord, sont acceptées par l'ensemble
de notre population et jamais un gouvernement n'a reçu de quelque
façon le mandat de légiférer en marge de ces règles
fondamentales.
Les objectifs du bill 64 doivent être inattaquables sur le plan
juridique et conformes à notre économie de marché.
Même si nous appuyons nous le répétons le
principe d'une structure professionnelle cadrée juridiquement dans le
secteur agricole, nous devons nous objecter à une telle structure si
elle doit déboucher ou autrement confirmer des formules de mise en
marché des produits agricoles incompatibles avec notre régime
économique.
A cet égard, nous suggérons donc : a) que, pour
éviter toute contestation des finalités susceptibles d'être
réalisées par un syndicalisme agricole juridiquement reconnu, le
législateur procède, préalablement à la sanction
d'une loi sur le syndicalisme agricole, à une révision de la Loi
des marchés agricoles; b) que l'on confie à un organisme autre
que la Régie des marchés agricoles la responsabilité de
l'application éventuelle de cette Loi du syndicalisme agricole. Il
s'agit, évidemment, de créer un service d'accréditation
semblable généralement à ce que l'on connaît dans le
syndicalisme traditionnel. Cette deuxième recommandation nous
apparaît aussi importante que la première.
En effet, en vertu de la Loi des marchés agricoles, la
régie, en plus des pouvoirs et des attributions qui lui sont
donnés pour fins de mise en marché des produits agricoles, s'est
vu confier des fonctions spécifiques qui sont
énumérées à l'article 9 de la loi.
En analysant et en acceptant pour le moment toutes les
responsabilités additionnelles confiées à la Régie
des marchés agricoles par le projet de loi 64, il nous apparaît
que la mission de celle-ci ne pourra plus être la même.
Considérant en effet tous les pouvoirs nouveaux accordés
à la régie, pouvoirs au plan des accréditations, des
référendums, de la révocation d'accréditation,
pouvoirs contenus aux articles 43 à 51 du projet de loi, comment la
régie pourra-t-elle poursuivre sa véritable mission
établie à l'article 9 de la Loi des marchés agricoles?
Comment surtout pourra-t-elle réaliser les objectifs
prévus au paragraphe d) de ce même article? Comment pourra-t-elle
collaborer avec les producteurs dans sa fonction spécifique de mise en
marché; comment pourra-t-elle agir comme agent de liaison entre ces
producteurs et les autres agents de la vie économique, alors qu'elle
détiendrait, en vertu du projet de loi 64, un pouvoir véritable
de juge sur son principal partenaire?
Veut-on sérieusement lui confier ce rôle de
Léviathan administratif qui tiendrait d'une main le pouvoir
d'accréditation et de l'autre le pouvoir réglementaire?
Aussi, pour bien distinguer deux choses, la mise en marché et le
syndicalisme agricole, nous recommandons de concevoir la création, au
sein du ministère de l'Agriculture, d'un véritable service du
droit d'association, indépendant de la Régie des marchés
agricoles et susceptible d'assumer les responsabilités dévolues
à celle-ci par le projet de loi 64.
L'application de cette recommandation aurait aussi l'avantage,
croyons-nous, la confusion entre le syndicalisme et la mise en
marché étant clarifiée de préciser le
rôle que devrait jouer la Régie des marchés agricoles dans
ce qui devrait être sa mission véritable: stimuler l'organisation
industrielle et commerciale de la mise en marché; la planification de la
production; la transformation de nos denrées agricoles;
l'élaboration des normes de la stratégie de la commercialisation,
de l'empaquetage, de la publicité, de la recherche de nouveaux produits,
de la mise en place des réseaux de distribution, de l'organisation de la
vente à l'extérieur de la province, et le reste.
Le contenu même du projet de loi: Compte tenu de nos commentaires
et recommandations précédentes, nous aimerions maintenant
commenter certains aspects du projet de loi lui-même, tel qu'actuellement
rédigé.
Nous ne reviendrons pas sur le rôle confié par ce projet
à la Régie des marchés agricoles. Nous avons
déjà indiqué en effet qu'il nous apparaissait non
justifié de confier à la régie les pouvoirs qu'on lui
accorde dans le projet de loi 64, compte tenu de sa mission
véritable.
L'accréditation d'une seule association: Le projet de loi 64
établit tout un mécanisme avec finalement un seul objectif:
l'accréditation d'une association reconnue par la régie comme
association représentative de l'ensemble des producteurs du
Québec. Un tel concept d'accréditation syndicale est tout
à fait nouveau. A notre connaissance, il n'existe nulle part au Canada
d'application d'un tel concept; il n'y a rien de tel en tout cas au
Québec.
Or, la nouveauté n'étant pas en soi une garantie absolue
d'une valeur véritable, nous nous interrogeons sérieusement sur
l'à-propos d'un tel concept qui vient structurer une association
confédération par le sommet plutôt que par la base.
Une telle philosophie, dans un contexte de décentralisation
souhaité
et désiré par tous, incluant les partis politiques,
étonne. Si l'on observe les structures des trois grandes centrales
syndicales et patronales du Québec: la CSN, la FTQ et le Conseil du
patronat, aucune d'entre elles n'offre de similitude avec le projet
envisagé.
Ces trois centrales sont les émanations du désir voulu des
membres de se confédérer au sommet mais sur une base tout
à fait volontaire. Les membres de ces trois centrales se sont
groupés en associations; ces mêmes associations se sont
regroupées en fédérations et se sont finalement
donné des structures confédératives.
Au niveau des deux grandes centrales syndicales, seuls les syndicats de
base sont des syndicats accrédités; c'est d'ailleurs là la
philosophie nord-américaine d'accréditation syndicale.
Nous croyons que ce principe devrait être respecté dans le
présent projet de loi et que l'accréditation devrait être
réservée aux organisations de base. Il appartiendra par la suite
à ces associations de base de se donner les mécanismes
confédératifs qu'elles jugeront appropriés. Dans ce
dernier cas, il appartiendra aux divers paliers de la structure d'effectuer,
chez les membres, les prélèvements qui seront compatibles avec le
bon fonctionnement des structures librement consenties.
Pouvoirs de la régie: La Régie des marchés
agricoles, ou le nouveau service que nous proposons pour remplacer la
régie dans les cadres du projet de loi, se voit attribuer par ce projet
de loi certains pouvoirs qui nous apparaissent excessifs. Nous estimons que le
projet de loi constitue une intervention trop poussée de l'Etat dans
certaines activités d'organismes d'intérêt public:
associations, fédérations, syndicats, mais qui n'en demeure pas
moins de facto des organismes à caractère privé.
Bien sûr, le syndicalisme agricole, comme le syndicalisme en
général, doit fonctionner dans un cadre légal
établi et surveillé par l'Etat dans le meilleur
intérêt même des syndiqués et de la
société. Mais ce contrôle doit être
pondéré afin de ne pas substituer à un sysndicalisme de
travailleurs une forme de syndicalisme opérant à partir d'un
dirigisme absolu de certains fonctionnaires.
C'est dans cet esprit qu'il faudrait donc préciser le contenu
notamment du paragraphe 2 de l'article 20 et rendre moins impératives
les exigences actuelles de l'article 34.
Certaines notes maintenant, M. le Président et messieurs, sur des
articles particuliers.
L'article 1. Le mot "producteur" est défini de façon
beaucoup trop large et vague. Bien que nous n'ayons pas de suggestion
précise de définition à vous soumettre, nous
considérons cependant qu'on devrait identifier le producteur agricole en
rapport avec une proportion à déterminer des revenus qu'il retire
de la vente de ses produits agricoles. De toute façon, si le mot
"producteur" n'est pas mieux défini, il nous apparaît qu'il sera
à peu près impossible de dresser quelque liste de producteurs que
ce soit dans l'application de ce projet de loi, qu'il soit modifié ou
non.
L'article 2. Un producteur devrait être libre d'adhérer ou
de ne pas adhérer à un syndicat de son choix. La loi ne
précise actuellement que son droit d'appartenir à un syndicat de
son choix. Il est étonnant de constater par contre, à l'article
4, que le syndicat, quant à lui, est libre d'adhérer ou de ne pas
adhérer à une fédération.
L'article 14. Encore une fois, voici un article qui introduit un
principe tout à fait nouveau dans le syndicalisme nord-américain.
Cet article consacre en effet que tout référendum
d'accréditation sera valable même si seulement 60 p.c. des
producteurs se seront prévalus de leur droit de vote. C'est donc dire,
à la lumière de l'article 15, que 30 p.c. seulement des
producteurs décideront d'une accréditation engageant tous les
producteurs.
Nous sommes prêts à admettre les difficultés
inhérentes à un vote de l'ensemble des producteurs pour fin
d'accréditation. Notre proposition d'accréditation des
organisations de base éliminerait le problème. Mais cette
difficulté n'est pas inhérente au seul secteur agricole, c'est
une difficulté à laquelle font face tous les syndicats
industriels et commerciaux. Il n'existe donc aucune justification
précise de privilégier ici un organisme syndical particulier.
Si d'une part le monopole de représentation est admis, comme le
confirme l'article 8, le moins que l'on puisse demander c'est de
prévoir, comme dans le cas du code du travail, un vote de l'ensemble des
producteurs éventuellement soumis au régime général
d'accréditation.
Dans le secteur agricole, comme dans tout autre secteur, il nous
apparaît que le principe de la représentation syndicale ne peut
être valable que si l'organisme ayant acquis les pouvoirs de parler au
nom d'un groupe représente vraiment la majorité absolue des
personnes qui composent ce groupe.
Articles 15 et 16. Tout comme pour l'accréditation, la
règle de la majorité de l'ensemble des producteurs devrait
s'appliquer lorsqu'il est question de la retenue syndicale obligatoire. Il
s'agit également là d'une règle d'application à peu
près générale en Amérique du Nord. Il ne s'agit pas
de contester d'aucune façon ici le principe de la retenue syndicale
obligatoire. C'est un principe déjà largement accepté dans
les secteurs industriels et commerciaux. Mais dans tous les cas cependant
où une telle retenue syndicale obligatoire existe dans ces secteurs,
l'association accréditée a déjà fait la preuve
qu'elle a la confiance de la majorité de ses mandants et fait
l'acquisition de cette retenue syndicale obligatoire par le mode traditionnel
de la négociation.
Article 20. Cet article exige que l'on prévoie beaucoup plus en
détail le mécanisme du processus de révocation d'une
accréditation. Sinon, il devient totalement inacceptable,
compte tenu des pouvoirs de réglementation très
prononcés accordés à la régie dans la section Il du
projet de loi.
Articles 30, 31, 32 et 33. Ces articles incorporent des principes qui
nous apparaissent encore ici tout à fait nouveaux. En vertu de quel
principe en effet les fédérations et syndicats
spécialisés seraient-ils tenus de contribuer aux dépenses
de l'association lorsqu'ils ne sont pas affiliés? Tous les producteurs
ne seront-ils pas tenus déjà, dans l'hypothèse d'une
formule Rand agréée à la majorité, de payer des
cotisations à l'association accréditée?
Quelle est la commune mesure de cette obligation avec l'article 33, qui
n'oblige nullement l'association accréditée à verser des
quotes-parts de cotisation aux non-affiliés?
Il s'agit ici en l'espèce d'une genre de formule Rand
appliquée aux fédérations et aux syndicats à
l'égard de la confédération. Nous nous expliquons mal une
telle formule. Lorsqu'il s'agit, en effet, de justifier la contribution
syndicale obligatoire à l'égard des membres non affiliés
à une association, on invoque toujours le fait que l'organisme
mandaté pour prélever des cotisations s'engage
financièrement à leur égard. C'est l'argumentation
syndicale traditionnelle. Cet argument ne tient d'aucune façon ici,
puisque la loi elle-même confirme la non-obligation pour l'association
accréditée de s'engager financièrement à
l'égard des fédérations ou fédérations
spécialisées non affiliées.
Article 39. Cet article 39 établit des contraintes pour les
acheteurs commerciaux en regard de l'achat de produits agricoles non
commercialisés.
Plus précisément, à la demande de l'association
accréditée, cet acheteur commercial sera obligé de
retenir, à même le prix ou la valeur du produit qui sera
versé au producteur, le montant de la cotisation fixé
conformément à l'article 31 de la loi et de le remettre à
l'association accréditée.
Cette clause de la loi est non seulement excessive, non
justifiée, mais également la source possible de maints ennuis
administratifs.
Des pénalités allant de $500 à $1,000 pourrant
être imposées à ces acheteurs et à leurs
représentants qui ne collaboreront pas à ces revenus.
Est-ce à dire que tous les acheteurs industriels et commerciaux
du Québec doivent être enrôlés dans un vaste
mouvement d'appui au financement d'une centrale syndicale
québécoise?
En conclusion, M. le Président, messieurs les membres de la
commission, vous avez devant vous à étudier un projet de loi dont
les répercussions peuvent être très importantes pour
l'économie du Québec. Il structure d'autre part des
mécanismes inspirés d'une philosophie tout à fait nouvelle
dans le domaine syndical et dont les effets d'entraînement
éventuels pourraient s'avérer également très
importants.
Nous espérons que, dans l'intérêt de tous les
groupes concernés, les producteurs agricoles bien sûr, mais
également les consommateurs et les autres groupes de la population, ce
projet de loi sera étudié en tenant compte de tous les
éclairages qui s'imposent. Merci, M. le Président, merci,
messieurs.
J'aurais peut-être dû, avant de lire mon mémoire,
vous présenter mes collaborateurs qui sont ici et qui seront disponibles
pour m'aider, profane que je suis, à répondre à toutes les
questions: Ghislain Dufour, directeur général du Conseil du
patronat, et Roger Bédard, économiste au conseil, qui m'aideront
à répondre aux questions que vous voudrez bien nous poser.
M. LE PRESIDENT: Merci M. Perreault. Le député de Nicolet
a une question à vous poser.
M. VINCENT: M. le Président, j'aimerais poser la question
suivante à M. Perreault. Nous avons présentement au Québec
un comité qui prépare une refonte complète de la Loi des
marchés agricoles. Est-ce que votre organisme a été
invité à présenter un mémoire à ce
comité? Je dois dire que votre mémoire, à son
début, lorsqu'il parle de la mise en marché, contient
réellement des points importants qui, à mon sens, si ce n'est
déjà fait, devraient être transmis immédiatement au
comité chargé de la refonte de la loi de mise en marché.
Est-ce que c'est déjà fait?
M. PERREAULT: Le mémoire est en préparation. Nous avons
effectivement été invités et nous déposerons devant
le comité nos vues sur la refonte de la loi, tel que demandé.
M. VINCENT: M. le Président, comme on peut le constater, c'est
bien l'intention du gouvernement de procéder à la sanction d'une
loi sur le syndicalisme agricole avant de procéder à la
révision de la Loi des marchés agricoles. Nous avons eu en
première lecture le dépôt du bill 64. Je ne sais pas si le
ministre peut confirmer les propos qui ont été tenus cet
avant-midi ou cet après-midi, que peut-être à l'automne
nous aurions également un projet de loi de refonte de la Loi des
marchés agricoles. Est-ce que c'est possible que, dès la reprise
de la session d'automne, nous ayons un tel projet de loi?
M. TOUPIN: Oui, M. le Président. A moins de problèmes
techniques imprévisibles, il est dans nos projets,
précisément, de porter à l'attention de l'Assemblée
nationale des amendements à la loi de mise en marché. Le
comité doit nous remettre son rapport, je pense, avant le 15
novembre.
M. VINCENT: Ah! bon.
M. TOUPIN: A ce moment-là, évidemment, nous
étudierons et nous verrons...
M. VINCENT: Donc, il s'agirait, pour votre organisme, de
présenter son mémoire le plus tôt possible au comité
qui doit remettre son rapport avant le 15 novembre. Si nous avons l'assurance
du ministre qu'on procédera à une révision de la Loi des
marchés agricoles, je pense bien que cela répond, en partie du
moins, à la première partie de votre mémoire.
M. PERRAULT: Ce n'est pas nous, M. le député, qui allons
retarder les choses. La semaine prochaine, nous devrions déposer notre
mémoire devant le comité.
M. VINCENT: D'accord. Vous avez soulevé des points très
intéressants.
Deuxième question. Vous dites, je crois, que c'est quelque chose
non pas de neuf mais formulé dans les termes que vous utilisez: "Que
l'on confie à un organisme autre que la Régie des marchés
agricoles la responsabilité de l'application éventuelle de cette
loi du syndicalisme agricole". Je ne veux pas me prononcer sur le principe de
cette suggestion mais, au premier abord, je crois que c'est sérieux et
que ceci devrait être analysé par le ministère de
l'Agriculture et de la Colonisation.
Advenant qu'il y ait une refonte de la Loi des marchés agricoles,
je me demande si on ne devrait pas tenir compte de cette suggestion d'avoir un
autre service au ministère qui ferait le travail qu'on désire
confier à la Régie des marchés agricoles par le bill 64,
et également peut-être d'autres travaux qu'on a confiés,
dans le passé, à la Régie des marchés agricoles et
qui "l'enfargeaient" quelque peu dans sa vocation naturelle qui lui a
été donnée en 1962 ou 1963.
M. Perrault, ce n'était pas une question. C'était
plutôt une observation. Je crois que le ministère de l'Agriculture
devrait tenir compte de cette deuxième suggestion en travaillant
à la refonte de la Loi des marchés agricoles et à ce
projet de loi no 64. Peut-être que temporairement, c'est confié
à la régie, mais advenant une refonte, qu'on dégage la
régie de cette obligation de vérifier ou de tenir des
référendums. Inutile de l'ajouter, ce n'est pas la fonction ou le
rôle qu'on a conçu sous une régie des marchés
agricoles, au Québec, quand la loi a été adoptée en
1963.
Pour le moment, je n'ai pas d'autres questions. Si M. Perrault a des
commentaires à faire...
M. PERRAULT: Je voulais tout simplement ajouter, M. le
député, que pour ceux qui ne sont pas du milieu agricole mais qui
examinent le problème de l'extérieur, cette dualité de
fonctions pour la Régie des marchés agricoles est absolument
incompréhensible. On se figure mal comment la régie peut
s'acquitter de deux tâches aussi différentes, chacune très
importante mais très différente, et les conflits
d'intérêts qui sont suscités par ces travaux. Nous ne les
avons pas tous analysés mais ils sont là. Ce sont des
difficultés de parcours qui surgiraient sûrement en cours de
route.
M. VINCENT: La seule chose que je regrette, M. Perrault, c'est
qu'à la page 8 de votre mémoire vous n'ayez pas lu pour le
bénéfice de tout l'auditoire, des députés et des
membres de la commission parlementaire, les quatre paragraphes décrivant
le rôle effectivement dévolu à la Régie des
marchés agricoles.
M. PERRAULT: J'essayais de sauver du temps, M. le
député.
M. LE PRESIDENT: Le député de Beauce.
M. ROY (Beauce): M. le Président, j'aurais une question à
poser à M. Perrault. J'en aurai peut-être une seconde ensuite.
Dans votre mémoire, vous mentionnez que Vous acceptez le principe de la
retenue syndicale obligatoire à la source. Par contre, à la page
16, lorsque vous parlez dé l'article 39 du projet de loi actuellement
à l'étude, vous dites: "Cet article 39 établit des
contraintes pour les acheteurs commerciaux eu égard à l'achat des
produits agricoles non commercialisés." Vous allez plus loin, dans le
cinquième paragraphe, en disant: "Est-ce à dire que tous les
acheteurs industriels et commerciaux du Québec doivent être
enrôlés dans un vaste mouvement d'appui au financement d'une
centrale syndicale québécoise? " Ma question est la suivante:
Comment voyez-vous la perception de la cotisation, si on admet le principe de
la retenue à la source? Autrement dit, qui percevra cette cotisation et
comment peut-on en faire la remise, selon vous?
M. PERRAULT: Il y a plusieurs façons de l'envisager. M. Ghislain
Dufour va traiter de ce sujet.
M. DUFOUR: Je pense que pour répondre à M. le
député, on ne peut pas isoler l'acceptation théorique de
la formule Rand de l'ensemble de notre proposition.
Nous disons être d'accord sur le principe de la formule Rand, mais
lorsque 50 p.c. des producteurs se sont prononcés favorablement pour un
syndicat ou une union et qu'à ce moment-là ils sont d'accord pour
la formule Rand, le producteur auquel vous référez n'est pas
nécessairement membre d'un syndicat, parce qu'on dit bien qu'il s'agit
d'un produit non commercialisé. L'article de la loi s'applique à
un produit non commercialisé, donc à quelqu'un qui ne fait pas
nécessairement partie d'un syndicat. Alors, l'acceptation
théorique que vous retrouvez dans une partie du mémoire
réfère au régime d'accréditation global
structuré à partir d'une majorité de 50 p.c. des
producteurs.
M. ROY (Beauce): En supposant que les acheteurs industriels font
justement affaires
avec un syndicat accrédité, au sens où vous l'avez
défini vous-mêmes, ils devront nécessairement se conformer
aux exigences de l'entente qui a été convenue. Ils devront en
quelque sorte percevoir les cotisations pour les remetrre à qui de
droit. Dès lors, ils ne peuvent pas se soustraire à l'article
39?
M. DUFOUR: Non, c'est que vous acceptez le bill comme tel, ce que nous,
nous refusons. Dans votre hypothèse, évidemment, vous concluez ce
que vous concluez; nous, nous ne pouvons pas conclure ça parce que nous
partons de la base des syndicats, des fédérations et d'une
confédération. A ce moment-là, on revient à des
unités et il est possible que certains produits impliquent que
l'acheteur soit tenu de prélever à la source. Mais, s'il ne
s'agit pas d'un membre de syndicat, par définition, la formule Rand ne
s'appliquera pas.
M. ROY (Beauce): En prenant comme principe que votre mémoire
serait accepté comme tel et que la loi serait amendée
parce que je ne veux pas tirer de conculsions; autrement dit, je veux avoir des
explications pour en connaître le plus possible avant de prendre position
si vous négociez, par exemple, avec un syndicat et que l'acheteur
industriel a le loisir d'acheter d'un producteur membre d'un syndicat ou d'un
producteur non-membre d'un syndicat, qu'est-ce qui se produit à ce
moment-là et comment peut-on contrôler la retenue syndicale
à la source? Comment la percevriez-vous dans le cadre des
recommandations que vous faites?
M. DUFOUR: Notre proposition actuelle, à l'article 39, se situe
dans le cadre de la loi. Si la loi est reprise pour des accréditations
locales, régionales, sectorielles, la question du producteur non membre
se repose de façon tout à fait différente.
M. TOUPIN: M. le Président, vous dites que ça se pose
d'une façon tout à fait différente, mais quelle est
précisément la différence?
M. DUFOUR: Ecoutez, comparons avec une unité
d'accréditation dans l'entreprise privée. Vous avez, à ce
moment-là, une unité identifiée. Vous avez des gens qui ne
font pas partie du syndicat. Or, parce qu'on a voté majoritairement pour
un syndicat, on a négocié je pense que le mot est
important une formule Rand. Ce n'est pas la loi qui l'a imposée;
on l'a négociée. Si le régime du syndicalisme agricole
réfère à une structure identique au secteur industriel, on
aura cerné une unité d'accréditation, on aura cerné
des conditions de travail incluant la négociation de cette formule Rand.
Il est possible, à ce moment-là, que le producteur non membre
soit impliqué dans le paiement d'une cotisation à
l'association.
M. ROY (Beauce): Est-ce que vous admettez que ce sont justement les
acheteurs industriels et commerciaux qui devront percevoir cette
cotisation?
M. DUFOUR: Je m'excuse.
M. ROY (Beauce): A ce moment-là, il n'y a pas d'autre
possibilité que celle où les acheteurs industriels et commerciaux
perçoivent effectivement la cotisation, dans un syndicat
accrédité.
M. DUFOUR: Bien oui.
M. ROY (Beauce): Supposons qu'ils font affaires avec des membres de
syndicats accrédités. Prenons, par exemple, le Syndicat des
producteurs de volailles. Il y a des acheteurs industriels et commerciaux.
Alors, s'il y a une accréditation, parce que vous admettez le principe
de la formule Rand, il va nécessairement y avoir une retenue à la
source à quelque part. Or, vous semblez déplorer dans votre
mémoire que ce soient les acheteurs industriels et commerciaux qui
doivent être enrôlés pour percevoir cette cotisation.
M. DUFOUR: C'est le contexte de la loi.
M. ROY (Beauce): Dans le contexte que vous proposez, vous, qui
s'occuperait de percevoir cette cotisation?
M. DUFOUR: Ce sera l'objet de la négociation.
Un syndicat rencontrera un groupe de producteurs pour négocier
certaines conditions, cette condition de travail, la formule Rand, faisant
partie des conditions normales que l'on négocie. S'il y a entente au
niveau local ou au niveau régional, peu importe, cela deviendra
possiblement une condition de travail impliquant la possibilité pour
l'entrepreneur assujetti d'aller chercher cette cotisation syndicale même
chez un producteur non-membre du syndicat accrédité.
M. ROY (Beauce): En somme, si je comprends bien, ce que vous semblez
recommander, c'est qu'il y ait négociation entre chaque syndicat avec
chaque groupe d'acheteurs industriels et commerciaux pour que le même
problème se répète alternativement. Je vais prendre le
cas, par exemple, d'un producteur agricole. Quand on parle des agriculteurs
professionnels, ils oeuvrent dans plusieurs secteurs. Par exemple, ils vont
produire du lait, ils vont produire de la volaille, ils vont produire du bois
ou des produits de l'érable. Cela veut dire que, chaque fois que
l'agriculteur sera dans un domaine spécifique de production et qu'il
aura un produit à mettre sur le marché, si on accepte ce que vous
avez proposé, il sera obligé de revenir et de négocier
avec les acheteurs industriels.
M. DUFOUR: C'est votre conclusion; ce n'est pas la mienne.
M. ROY (Beauce): Ce n'est pas une conclusion; je vous pose la
question.
M. DUFOUR: Votre producteur de volailles ou de porcs ou d'oeufs
on n'en a pas parlé beaucoup des oeufs à ce
moment-là, fera partie d'un syndicat et il négociera avec les
entrepreneurs des conditions qui s'appliqueront pour sa partie de
production.
M. ROY (Beauce): A chaque fois?
M. DUFOUR: Il ne faudrait pas me demander de rédiger une loi,
mais je pense qu'il faudrait que ce principe s'applique partout, compte tenu
d'un certain maximum. Il faut faire la distinction, je pense, entre cotisation
et contribution. La cotisation, évidemment, dans la loi, c'est $15; la
contribution, c'est l'appartenance au syndicat, à la
fédération etc. Alors, compte tenu de ces différentes
situations, vous aurez des ententes qui pourront être
différentes.
M. ROY (Beauce): Je ne tire pas de conclusion, mais je vous pose encore
une question pour pouvoir comprendre davantage: Combien cela peut-il prendre de
temps avant que les agriculteurs puissent, justement, passer par tous ces
canaux qu'on semble proposer dans votre mémoire pour pouvoir en venir
à être en mesure de faire une négociation
véritable?
M. DUFOUR: Il existe déjà beaucoup de syndicats de
producteurs, d'unions de producteurs, de fédérations de
producteurs.
M. ROY (Beauce): Pensez-vous sincèrement disons que je
vous demande plutôt une opinion...
M. DUFOUR: Sincèrement, sûrement!
M. ROY (Beauce): ... que les agriculteurs du Québec vont
avoir la patience d'attendre tout ça?
M. DUFOUR: Les agriculteurs du Québec, en fait, sont
placés devant le même problème qu'ont connu les autres
travailleurs industriels et de commerce. Vous avez connu au Québec
l'expérience de la CSN ou de la FTQ qui se sont structurées au
fur et à mesure des années et qui sont devenues deux centrales
syndicales très puissantes, mais à partir de l'émanation
des désirs de la base. A ce moment-ci, c'est le même
phénomène. Je ne connais pas assez le secteur de l'agriculture
pour répondre précisément si les gars seraient assez
heureux du syndicalisme pour s'embrigader tous demain, mais je pense que c'est
le jeu de la démocratie, tout simplement, qui va jouer.
M. ROY (Beauce): Je pense que le problème se pose un peu
différemment dans l'agriculture.
Par exemple, lorsqu'un ouvrier travaille dans le domaine du textile, il
négocie une fois son salaire ou ses revenus avec son industrie. Mais,
dans le cas de l'agriculture, vous avez des agriculteurs qui produisent
différentes spécialités agricoles et cela fait partie d'un
ensemble.
M. DUFOUR: Mais vous pouvez prendre l'inverse, celui qui n'a qu'un
produit.
M. ROY (Beauce): Mais, en majorité, disons que les agriculteurs
ne sont pas limités à un seul produit de ferme.
M. DUFOUR: Non.
M. ROY (Beauce): Je pense que c'est connu et généralement
admis par tout le monde. A la page 12 de votre mémoire, au
deuxième paragraphe vous avez mentionné: "Nous estimons que le
projet de loi No 64 constitue une intervention trop poussée de l'Etat
dans certaines activités d'organismes d'intérêt public
(associations, fédérations, syndicats) mais qui n'en demeurent
pas moins de facto des organismes à caractère privé."
J'aimerais que vous me donniez un peu plus d'explications sur ce
paragraphe.
M. DUFOUR: Encore là, c'est une philosophie globale, l'approche
globale que nous avons du syndicalisme agricole. Pour nous, quand on dit que
cela constitue une intervention trop poussée de l'Etat, on
réfère précisément à l'article 34. C'est
l'article qui prévoit que tous les règlements adoptés en
vertu de l'article 31 doivent être approuvés par la régie
et entrent en vigueur à la date de sa publication, etc.
On ne dit pas "doivent être ratifiés" on dit "doivent
être approuvés par la régie". Supposons un syndicat qui
vraiment, pour faire un bon travail, a besoin d'une cotisation, j'imagine de $4
ou $5 par mois; elle présente sa recommandation à la régie
et la régie doit l'approuver et non pas la ratifier. La régie,
pour des raisons que je n'évalue pas pour l'instant, décide que
c'est $3. Nous disons que le fonctionnement du syndicalisme ne doit pas
être assujetti à ces règles-là et qu'il appartient
à des hommes libres, des travailleurs, de décider des sommes
qu'ils sont prêts à consacrer à leur organisation
professionnelle.
Nous raisonnons à ce moment-là vis-à-vis du
syndicalisme exactement comme nous raisonnons vis-à-vis de
l'organisation patronale. Nous n'aimerions pas, nous, que l'Etat dise au
Conseil du patronat: Dorénavant, vos cotisations seront de tant.
Evidemment, nous comprenons qu'il faut certains contrôles. Je pense que
la mesure est de tenter de prévoir certains excès. Nous disons
que c'est alors trop poussé; nous considérons que c'est aux
travailleurs, beaucoup plus qu'aux fonctionnaires, à décider de
leur propre règlement de régie interne.
C'est un exemple. L'autre exemple est l'arti-
cle 20. Il en a été question tantôt. Le premier
paragraphe va très bien. Le deuxième paragraphe: "la régie
peut également... on ne parle pas de notre service du droit
d'accréditation, on parle de la régie d'office,
révoquer l'accréditation d'une association... je passe
si elle contrevient à la présente loi ou à une
ordonnance ou à un règlement adopté en vertu de cette loi
ou à une décision pertinente de la régie." Au Conseil du
patronat, vis-à-vis de ce genre de loi-cadre on réagit toujours
négativement.
Qu'est-ce qu'un règlement éventuel? Qu'est-ce qu'une
ordonnance éventuelle? Par pouvoirs trop prononcés, c'est un peu
deux exemples qui viennent confirmer cela.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. Dufour? M. DUFOUR: Oui.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Vous disiez tantôt que la loi imposait
la formule Rand. C'est cela que vous avez dit? Que de par la loi la formule
Rand s'est imposée.
M. DUFOUR: Non.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Est-ce que j'ai bien compris? Non?
M. DUFOUR: Non. Nous disons dans notre mémoire que la loi
prévoit un mécanisme permettant à l'UCC de
décrocher la formule Rand.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Mais ce sont les membres qui vont
décider. Que ce soit par référendum ou par carte
d'adhésion, ils auront à se prononcer...
M. DUFOUR: D'accord.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): ... pour la cotisation obligatoire. C'est la
même chose que dans le secteur industriel excepté que ce n'est pas
par le même mécanisme.
M. DUFOUR : Nous ne nous opposons pas à la formule Rand si, d'une
part, 50 p.c. des producteurs impliqués ont voté pour une
accréditation et qu'aussi 50 p.c. plus 1 ont voté en faveur de la
formule Rand.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Alors, le fait de faire signer des cartes
d'adhésion, 50 p.c. plus 1, où les gens se prononceraient pour le
syndicalisme et pour la cotisation vous conviendrait?
M. DUFOUR: Cela nous convient parfaitement dans notre hypothèse
globale basée sur l'unité d'accréditation locale,
régionale ou sectorielle.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Vous dites, dans le mémoire: "Dans le
secteur agricole, comme dans tout autre secteur, il nous apparaît que le
principe de la représentation syndicale ne peut être valable que
si l'organisme ayant acquis le pouvoir de parler au nom d'un groupe
représente vraiment la majorité absolue des personnes qui
composent ce groupe". C'est entendu que la formule de carte d'adhésion
représenterait la majorité. Vous seriez d'accord. Vous parliez
aussi des pouvoirs de la Régie des marchés agricoles. Vous
êtes d'accord pour dire que le projet de loi no 64, la Loi du
syndicalisme agricole n'est pas régie par le code du travail, ne sera
pas soumise aux lois du code du travail. Il faut que ce soit régi par un
organisme quelconque et, en l'occurrence, ce sera la Régie des
marchés agricoles. Quel autre organisme pourrait remplacer la
Régie des marchés agricoles?
M. DUFOUR: Quand j'ai parlé tantôt des pouvoirs de la
régie, on comprend que le syndicalisme agricole, quand même, est
différent. On pourrait transposer toute cette question au service du
droit d'accréditation du ministère du Travail, mais il y a des
problèmes particuliers à l'agriculture. Alors, on dit: Le service
du droit d'accréditation devrait être dans les cadres du
ministère de l'Agriculture, mais tout ce qui regarde l'organisation
professionnelle: un service du droit d'accréditation; tout ce qui
regarde la mise en marché: la Régie des marchés
agricoles.
M. LAURIN: M. le Président, c'est plutôt l'esprit de votre
mémoire qui m'intéresse. Malgré que vous sembliez d'accord
sur le principe d'une organisation professionnelle agricole, je crois
déceler dans votre mémoire une opposition fondamentale au projet
de loi tel qu'actuellement rédigé, et je ne sais pas si je
me trompe votre raison fondamentale serait qu'elle va pousser cette
organisation professionnelle unique à développer d'une
façon maximale le nombre de plans conjoints. Vous y voyez une sorte de
promesse d'une extension indéfinie du nombre des plans conjoints et,
étant donné votre opposition systématique et fondamentale
aux plans conjoints, vous en concluez que ce projet de loi est mauvais. Est-ce
que je me trompe?
M. PERRAULT: C'est exact. C'est exactement cela. L'organisation
professionnelle va servir à quelque chose et, dans le contexte qu'on
voit, personne ne se fait d'illusions, elle va servir à stimuler,
à faciliter la mise en marché et particulièrement par le
truchement de ces plans conjoints. Or, nous avons, à l'endroit de
certains de ces plans conjoints, des objections fondamentales: le plan des
oeufs, par exemple, que nous trouvons foncièrement mauvais, et nous
sommes contre l'élargissement de telle procédure de mise en
marché, pour des raisons que nous élaborerons évidemment
dans le mémoire que nous déposerons prochainement devant le
comité qui étudie l'autre loi. Mais vous
avez parfaitement saisi notre objection, c'est que le syndicalisme
professionnel, l'organisation professionnelle ne ferait, à ce moment-ci,
que faciliter la mise en place d'autres mécanismes comme ceux que nous
connaissons qui desservent l'économie, qui desservent le consommateur et
qui desservent les producteurs efficaces.
M. LAURIN: Et vous dites que ces lois se situent en marge de toutes nos
pratiques commerciales...
M. PERRAULT: Oui.
M. LAURIN: ... actuelles, de toutes les règles de
l'économie libre d'un marché.
M. PERRAULT: Oui, parce que ce sont je parle du plan des oeufs
particulièrement des plans où vous établissez des
prix, des contingentements, etc., unilatéralement et complètement
en dehors de l'équation de l'offre et de la demande, avec des
résultats qu'on sait.
M. LAURIN: Est-ce que de pareils plans conjoints n'existent pas dans
d'autres provinces où la tradition libérale est quand même
très forte comme, par exemple, en Ontario qu'on peut considérer
comme un paradis de l'économie libérale actuellement? Est-ce que
ces plans conjoints n'existent pas également en Qntario?
M. PERREAULT: Il existe des plans conjoints ailleurs...
M. VINCENT: M. le Président, un point de règlement avant
d'aller trop loin. Le Dr Laurin comprendra avec moi que si nous allions
discuter de tous les plans conjoints, on aurait peut-être d'autres
interventions...
M. LAURIN: M. le Président, c'est parce que ces arguments sont
apportés à l'appui des recommandations.
M. VINCENT: Oui, d'accord, mais le Dr Laurin comprendra avec moi que
dès le début, quand le Conseil du patronat parle de faire une
distinction entre la loi de mise en marché et la loi du syndicalisme
agricole, je pense que nous sommes tous d'accord là-dessus. Le ministre
nous a affirmé tout à l'heure qu'il préparait
présentement une refonte de la loi de mise en marché. C'est
peut-être le voeu de la commission de le faire, mais, moi, en ce qui me
concerne, je ne voudrais pas qu'aujourd'hui nous entamions une discussion sur
les plans conjoints parce que nous devrions avoir plusieurs séances avec
d'autres organismes qui sont ici présents et qui pourraient
répondre à une argumentation pour ou contre.
M. LAURIN: Mais étant donné, M. le Président, que
cet esprit, de l'aveu même du président du Conseil du patronat,
est à l'origine de ses représentations en ce qui concerne le
mémoire, je pense que c'est important de s'y arrêter quelque
temps, étant donné justement que cette loi, si elle était
adoptée, irait à l'encontre des voeux, des impératifs de
cette association qui nous présente aujourd'hui son mémoire et
placerait l'économie québécoise devant un fait accompli
que même une révision ultérieure de la Loi des
marchés agricoles ne pourrait pas corriger. C'est dans ce sens-là
que je posais mes questions.
Et, est-ce qu'il n'y a pas d'autres provinces...
M. LE PRESIDENT: Je demanderais au député de s'en tenir
à la loi du syndicalisme agricole; on ne finira pas aujourd'hui si on
discute d'un autre sujet.
M. LAURIN: M. le Président, je veux faire porter mes questions
sur le mémoire qui est devant nous.
M. LE PRESIDENT: Très bien.
M. LAURIN: Est-ce qu'il n'y a pas d'autres provinces du Canada où
il y a de ces plans conjoints?
M. PERREAULT: Oui. Maintenant, comme je vous dis, je ne suis pas la
personne la mieux placée pour vous faire les distinctions
raffinées qui s'imposent entre ces plans. Il y en a des distinctions
comme il y a différents plans conjoints au Québec qui ne sont pas
tous semblables. Il y en a un en particulier qui est épouvantablement
mauvais, je l'ai mentionné; il y en a d'autres qui fonctionnent
mieux.
M. LAURIN: Celui des oeufs précisément existe au
Manitoba.
M. PERREAULT: Je ne saurais vous dire exactement les distinctions, vous
savez,...
M. LAURIN: Il y en a bien sûr, mais il y a quand même...
M. PERREAULT: ...qui diffèrent, les détails où
ça diffère. Je dis tout simplement que ce plan a très mal
servi les Québécois jusqu'à présent; c'est ce que
nous allons affirmer dans notre mémoire devant le comité, le plan
des oeufs a très mal servi les Québécois. C'est un
très mauvais précédent à suivre pour des programmes
du genre, c'est un principe qui, à tous les points de vue, semble avoir
été mauvais.
M. LAURIN: N'avez-vous pas l'impression également que la
constitution de facto de cartels et de monopoles dans le domaine de l'achat des
produits agricoles constitue également une entrave à
l'économie libre de marché ou ne se situe pas également en
marge de notre tradition juridique et de nos pratiques commerciales?
M. PERREAULT: Bien là, si ce n'était pas de faire fi du
président, nous entrerions dans la discussion du bill d'Ottawa sur les
pratiques restrictives, etc. Mais je crois vraiment que là il faudrait
ouvrir tout un autre débat sur cette question.
M. LAURIN : Vous situez le problème sur le plan de la
liberté commerciale.
M. PERREAULT: Bien oui, mais je ne vous dis pas par le fait même
qu'un abus d'un côté est plus acceptable qu'un abus de l'autre.
Après tout, en tant de membre du Conseil économique, du Canada,
j'ai signé le rapport sur les politiques restrictives, les politiques
commerciales. Alors, écoutez, c'est le même gars et...
M. LAURIN: Je comprends avec vous que certains grossistes ou gros
producteurs n'ont peut-être pas besoin de se faire protéger par
une association qui éventuellement peut établir des plans
conjoints. Mais je pense bien que le but de la loi est de protéger des
agriculteurs isolés, des producteurs isolés qui ont une
très faible puissance de négociation. Et c'est
précisément en vue de cette faible puissance de
négociation, de cet émiettement, de cette individualisation des
unités de production qu'on peut penser à une organisation
professionnelle qui pourrait même avoir comme un de ses objectifs la
multiplication de plans conjoints.
Au fond, c'est peut-être le rétablissement d'un
équilibre qui, actuellement, dans la loi de l'économie de
marché, travaille surtout à l'avantage d'un certain nombre de
producteurs ou d'associations.
M. PERREAULT: Je comprends parfaitement ce principe social de base. Je
l'ai déjà examiné, je me suis penché sur ce
principe. Mais je vous dis cependant que, quand on se met à jouer avec
les lois fondamentales du marché, de l'offre et de la demande, on joue
avec quelque chose de drôlement bien agencé. Les décisions
qui sont prises dans le marché, les milliers de décisions qui
contribuent à créer les prix de marché sont un
mécanisme d'une souplesse et d'un fonctionnement extraordinaires. Et
quand on joue avec cette horlogerie là, je ne dis pas qu'on ne doive pas
y jouer parfois, mais je dis que, quand on y joue, il faut y jouer avec des
outils extrêmement délicats.
Il faut être extrêmement prudents dans les interventions
qu'on y fait.
M. LAURIN: Est-ce qu'on doit attendre, M. Perreault, que la
moitié des fermes dépérissent, que la moitié des
agriculteurs quittent leur terre et soient réduits à la
misère, que le revenu des cultivateurs diminue d'année en
année? Il me semble que, justement, on intervient délicatement
quand l'économie va bien, mais quand l'économie va très
mal pour une classe de producteurs je pense que, sans mettre des gants de boxe,
il faut intervenir d'une façon ou d'une autre.
M. PERREAULT: Moi, M. le député, je ne vois rien de
délicat dans l'intervention de la mise en marché des oeufs; c'est
une intervention brutale, qui détruit complètement les
mécanismes normaux de commercialisation qui comme je l'ai dit
tout à l'heure ont complètement saboté la
machine.
M. LAURIN: Alors dans votre mémoire vous auriez pu parler de plan
conjoint des oeufs.
M. PERREAULT: C'est pour la semaine prochaine !
M. LAURIN: C'est une attaque contre tous les plans conjoints qu'on
trouve dans votre mémoire.
M. PERREAULT: Il n'y a rien qui dit que des plans conjoints ne peuvent
pas ressembler à celui des oeufs. Je la connais un peu la Loi des
marchés agricoles; je suis déjà passé devant la
régie. Il y a dans cette loi toutes sortes de possibilités de
réglementations, etc., où les intérêts des
consommateurs et des tierces personnes ne sont pas nécessairement
sauvegardés. Il y a des éléments de bonne volonté
de la part de la régie, qui à certains moments sont une certaine
assurance, mais dans d'autres cas ça ne l'est pas du tout. La loi est
une loi-cadre; les règlements sont faits par la régie et les
mécanismes de sauvegarde pour les tiers sont loin d'être
assurés.
M. LAURIN: En tout cas, je voulais simplement souligner qu'il me semble
que parfois le législateur doit viser à protéger ceux qui
n'ont jamais été suffisamment protégés alors que
d'autres sont capables de s'organiser parce qu'ils ont entre les mains des
outils, des instruments qui le leur permettent.
M. BEDARD: Je poserais une question au Dr Laurin. A supposer que l'on
crée des associations syndicales d'agriculteurs comme nous l'acceptons
en principe, est-ce que véritablement nous avons vendu davantage de
produits agricoles? Est-ce que nous avons davantage accrédité le
produit agricole québécois sur les différents
marchés? C'est là véritablement la distinction
fondamentale que nous vous présentons qui a ici deux ordres de
pensée: d'une part des questions afférentes au syndicalisme
agricole, d'autre part des questions afférentes à la
commercialisation des produits agricoles.
M. LAURIN: Mais il n'est pas toujours facile de les distinguer et je
pense que la question que posait tout à l'heure le député
de 1'Islet a bien montré que dans certains secteurs, cette introduction
d'un nouveau mécanisme s'est avérée à l'avantage de
toutes les parties concernées. Ceci
montre bien que selon les modalités que l'on pourrait prendre,
sans égorger personne, cet équilibre qui est au fond le but
suprême du législateur peut être sauvegardé ou
rétabli avec les mécanismes appropriés, ce qui ne veut pas
dire que...
M. GIASSON: En dépit de ce qu'on a dit tout à l'heure, il
ne serait pas bon de croire que même en agriculture on puisse sauver les
irrécupérables. Je suis d'accord avec vous qu'il y a des faibles
en agriculture mais nous avons des unités de production il n'y a
rien à faire que nous ne pouvons pas sauver. C'est sûr que
la loi qu'on a devant nous n'a pas comme fonction de protéger les forts;
les forts sont capables de se défendre eux-mêmes. Elle est
là surtout pour protéger les moins forts, les plus faibles. Il
est inutile de penser qu'au Québec nous allons sauver les unités
agricoles qui ne sont pas viables où le chef d'entreprise n'a pas le
souci de l'efficacité.
M. LAURIN: C'est ce que je voulais dire; c'était ma façon
de défendre le principe de la loi, quitte à ce que nous
discutions des modalités.
M. LE PRESIDENT: On s'éloigne un peu du sujet principal. Le
député de Sainte-Marie a une question.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. Perrault, de même que M. Dufour,
vous avez admis tantôt que le syndicalisme agricole est un syndicalisme
exceptionnel, à part, qui ne se compare pas tellement avec le
syndicalisme industriel. C'est ce que vous avez dit. Si on ne peut pas le
comparer au syndicalisme dans le secteur ouvrier, vous admettez que les
structures, le mécanisme et le fonctionnement de la loi ne peuvent pas
être les mêmes, ça ne peut pas fonctionner de la même
façon. Si vous me permettez, j'en viens ici aux observations de la page
11 de votre mémoire où vous donnez comme comparaison les
structures des trois grandes centrales syndicales.
Je veux simplement vous faire remarquer il serait très
long d'en discuter que les structures de la CSN, les structures de la
FTQ et les structures de la CEQ ne sont pas les mêmes. Ce sont trois
structures absolument différentes. La CSN et la FTQ, ce n'est pas la
même chose. Admettez-vous cela au départ?
M. PERREAULT: Oui. Ce sont des structures qui, essentiellement, partent
de la base, M. le député.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Vous dites que cela n'offre aucune
similitude avec le projet envisagé. C'est vrai. Cela ne peut pas, non
plus. Même la FTQ et la CSN ont des structures complètement
différentes. Ce ne sont pas les mêmes structures, la
Confédération des syndi- cats nationaux et la
Fédération des travailleurs du Québec. Nous parlons de
deux structures complètement différentes. Alors le syndicalisme
agricole sera une autre structure. Il faut accepter que les structures soient
différentes de ces centrales, nécessairement.
M. DUFOUR: Si vous me permettez, il est bien évident que la
structure de la CSN, la structure de la FTQ et je vous fais remarquer
qu'on ne parle pas de la CEQ mais bien du CPQ.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Le CPQ, excusez-moi.
M. DUFOUR: C'est parce que vous l'avez identifié comme une
centrale syndicale.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je m'excuse. C'était un lapsus.
M. DUFOUR: C'est sûr que les structures diffèrent mais le
principe de base, la philosophie de base, c'est l'unité
d'accréditation locale. Qu'ensuite, au niveau des conseils centraux, au
niveau des fédérations, les gens aient trouvé des formules
différentes pour se regrouper et que cela apparaisse d'une façon
différente dans une charte, c'est bien sûr. Mais même comme
centrale, nous, nous n'avons absolument pas la même structure que la CSN
ou la FTQ. Mais il reste quand même que sur le principe de base, c'est
l'accréditation sur le plan local et sectoriel.
Quand on dit qu'on accepte certaines particularités du
syndicalisme agricole, c'est bien évident: l'éparpillement sur le
territoire, le fait qu'on peut considérer qu'un gars qui a deux poules
soit un producteur, à un moment donné.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): J'ai trois pommiers, moi.
M. DUFOUR: Alors vous êtes un pomicul-teur.
M. VINCENT: C'est même inscrit dans une loi, parrainée par
le député de Rouville.
M. DUFOUR: Alors que dans le syndicalisme traditionnel, industriel,
commercial et de service, vous avez des identifications beaucoup plus
précises. Or, reconnaissant quand même cette particularité
du syndicalisme agricole, telle la définition du député de
Sainte-Marie comme producteur, on dit, à ce moment-là: Conservons
ces problèmes particuliers à l'intérieur d'un
ministère qui est spécialisé dans ces questions: le
ministère de l'Agriculture. Donc, il y a une reconnaissance
véritable que c'est différent.
Mais même là, on doit quand même se
référer à des grands principes. Si on parle d'une loi du
syndicalisme, il faut quand même recourir à des grands cadres
syndicaux.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Vous disiez tantôt, M. Dufour, que
chaque fédération de producteurs devrait négocier la
cotisation à la source avec l'acheteur. C'est ce que vous avez dit
tantôt. Cela voudrait dire alors qu'on peut presque admettre que le
syndicalisme deviendrait inefficace et ne s'appliquerait à peu
près jamais. Parce que dans le secteur industriel, vous négociez
avec une personne, c'est-à-dire avec le représentant patronal.
Vous ne négociez pas avec dix ou douze, même si les
syndiqués représentent différents secteurs ou
différents corps de métier.
M. DUFOUR: C'est bien sûr que la transposition ne peut pas se
faire intégralement. Mais dans la grande entreprise, vous avez le
même problème. Vous avez, du côté syndical et du
côté patronal, l'obligation d'établir véritablement
des mandats. Vous avez négocié, vous êtes deux ou trois du
côté syndical et deux ou trois du côté patronal, et
il y a un mandat.
C'est la même chose du côté de l'agriculture. Les
producteurs donneront un mandat de négociation, tout simplement.
M. TOUPIN: M. le Président, je pense que dans l'approche globale
que vous nous avez apportée, le raisonnement que vous faites
m'ap-paraît tout à fait sain et tout à fait logique. Mais
lorsque nous nous retrouvons dans le secteur agricole, nous devons je ne
dirai pas malheureusement à cause d'un certain nombre de
réalités sociales et économiques, faire une autre approche
globale.
Il faut bien tenir pour acquis que l'agriculteur n'est pas
nécessairement toujours au service d'une entreprise. Il n'est pas
toujours, non plus, au service de deux entreprises. Il peut être au
service de trois entreprises, selon le type de produits qu'il fabrique sur sa
ferme.
Les accréditations qui sont données dans le secteur
ouvrier le sont pour une entreprise et il devient, je pense extrêmement
facile, du moins il devient très facile de déterminer
l'unité, d'accréditer l'unité et de mandater, par
conséquent, l'unité: l'unité syndicale d'une part et
l'unité patronale de l'autre.
Ce n'est quand même pas pour rien que le législateur des
années antérieures a cru bon de mettre dans la loi de la mise en
marché un mécanisme de négociation qui pouvait
dépasser le cadre d'une entreprise. Les négociations, par
exemple, qu'on mène présentement sur la vente du lait industriel
et du lait nature se font à l'échelle provinciale et le plan
conjoint est accrédité sur le plan provincial parce que ce sont
des producteurs qui s'identifient à une unité de production, mais
qui vendent à plusieurs entreprises de même nature dans le domaine
de la transformation, quoique certaines entreprises de ce secteur peuvent aussi
transformer d'autres produits.
C'est la raison pour laquelle il est difficile dans le cadre d'une loi
d'épouser en entier votre approche. C'est la raison pour laquelle nous
devons nous en tenir à cette réalité agricole qui fait
qu'il y a une entreprise agricole au Québec, qu'un ensemble
d'agriculteurs se trouvent dans cette entreprise agricole, dans cette grande
entreprise agricole et que cet ensemble de producteurs, évidemment, ne
peuvent pas négocier individuellement ou par groupe, chacun avec son
acheteur.
D'ailleurs, le projet de loi que nous proposons ne donne aucun pouvoir
de négociation. La négociation, dans le secteur agricole, se fait
par l'intermédiaire de la loi de la mise en marché. Cette loi
confère surtout un caractère de représentation des
principaux intérêts ou des intérêts
généraux de la profession. Au fond, le principe, l'approche que
nous avons dû faire, c'est: est-ce que nous devons, dans le secteur
agricole, nous orienter vers le corporatisme ou vers une sorte de nouvelle
approche syndicale? Et nous avons choisi cette nouvelle approche. C'est la
raison pour laquelle l'accréditation se donne sur le plan provincial
pour l'ensemble de la profession, mais la structure interne de l'association
qui voudra se faire accréditer peut, elle, être
décentralisée. Elle peut être décentralisée
par région, elle peut être décentralisée même
par paroisse, elle peut l'être par comté. On épouse
habituellement des structures juridiques qui existent dans le milieu alors que
dans le syndicalisme ouvrier on épouse les structures des usines. C'est
la raison pour laquelle l'approche que vous apportez, évidemment,
diffère un peu de la réalité du secteur agricole.
M. PERREAULT: A ce moment-là, M. le ministre, vous pourriez
peut-être étudier comme formule de compromis celle de
l'accréditation sur une base sectorielle qui serait à mi-chemin
entre des épousailles globales et le mécanisme régional
à la fois.
M. TOUPIN: Oui, déjà, M. le Président, cette
accréditation sectorielle, c'est-à-dire par productions, existe
mais dans le cadre de la commercialisation. L'accréditation
véritable, par secteurs, doit déboucher non seulement sur la
représentativité en rapport avec les problèmes
généraux de la profession, mais sur des ententes
concrètes, des ententes précises avec les acheteurs des produits.
Là, nous avons une accréditation sectorielle qui avant
était par secteurs, par productions; elle était aussi
régionalisée. Maintenant, elle n'est presque plus
généralisée, elle est surtout provinciale, cette
accréditation de négociation. Mais lorsque vous vous situez dans
le cadre du projet de loi que nous proposons, les objectifs poursuivis ne sont
pas les mêmes et accréditer par secteurs devient compliqué.
Il faut accréditer, sur le plan de la province, une association qui
représente l'ensemble des agriculteurs pour les besoins
généraux de la profession. Nous y avons prévu un
mécanisme permanent qui permettra à l'ensemble des agriculteurs
de vérifier la représentativi-
té de cette association parce qu'elle, elle ne peut
négocier chaque année ses cotisations. Elle doit, par voie de
référendum, demander si on est d'accord sur tel type de
cotisation syndicale ou sur tel autre type. Je ne parle pas à ce
moment-là de prélèvements pour fins d'administration d'un
plan conjoint.
C'est la raison pour laquelle l'approche sectorielle devient beaucoup
plus compliquée. Et je ne pense pas que cela apporte tellement aux
problèmes que nous pouvons rencontrer à ce niveau.
M. PERRAULT: Je crois que M. Dufour a un commentaire à faire
là-dessus.
M. DUFOUR: Simplement pour dire que, quand même, cette
identification, vous l'avez en partie réalisée
déjà. Vous l'avez dans la loi lorsque vous définissez un
syndicat. Lorsque vous définissez un syndicat spécialisé,
vous dites quoi? Ce sont des producteurs qui sont spécialisés
dans l'activité relative à un produit. Donc, déjà
on le cerne en fonction d'une production agricole particulière ou d'une
phase particulière de l'activité de ces producteurs. Vous l'avez
déjà en fait votre unité de négociation
définie dans la loi.
M. TOUPIN: Non, évidemment, je veux revenir encore sur ce point,
M. le Président, si vous permettez; il ne s'agit pas d'unités de
négociation. Il s'agit d'unités locales représentatives
d'un groupe non pas homogène de par sa profession, mais d'un groupe
plutôt social, professionnel social, qui se situe dans une structure
donnée. Donc, on ne peut pas conférer, par exemple,
l'accréditation au syndicat local de Saint-Félicien. On a
cité l'exemple de Saint-Félicien cet après-midi. On peut,
par exemple, donner au plan conjoint des producteurs de bleuets du
Saguenay-Lac-Saint-Jean le mandat de négocier, l'accréditation
pour représenter tous les producteurs de bleuets de la région.
C'est tout ce qui diffère. La structure de la loi ne s'applique pas
à la négociation, mais à la
représentativité. Elle est déjà
décentralisée actuellement parce qu'il existe des
fédérations régionales, des syndicats locaux et aussi une
confédération. Mais il existe aussi d'autres
fédérations régionales qui, elles, sont sectorielles et
qui ont pour fonction surtout, évidemment, de négocier le
produit.
Ce problème, quant à nous, nous apparaît
réglé par l'intermédiaire de la loi de mise en
marché. L'autre, celui de la représentation de la profession ou
des problèmes généraux de la profession, se retrouve dans
ce type de projet de loi que nous présentons, mais auquel on n'accorde
pas de pouvoirs de négociation, sauf celui de représenter les
agriculteurs.
M. LE PRESIDENT: Messieurs, il est presque six heures et un autre
mémoire doit être présenté. Je dois vous demander
votre indulgence parce que le ministre doit partir à six heures pour se
rendre à Sherbrooke.
Nous pourrions écouter M. Guillemette, de Rouville, qui a
demandé le privilège de présenter un mémoire.
Après, M. Allain, le président de l'UCC, a demandé
quelques minutes pour exprimer ses opinions. Nous allons finir ce soir. M.
Guillemette, si vous voulez vous adresser à la commission.
M. Paul Guillemette
M. GUILLEMETTE: M. le Président, M. le député de
Rouville, je vous remercie de me permettre de m'exprimer. Vous allez vous
apercevoir que je n'ai pas de fleurs à envoyer; j'ai plutôt des
remarques personnelles à faire. Je les fais avec
sincérité, sans vouloir attaquer personne, mais dans le simple
but de redresser ce que je crois mal fait.
Vous me permettrez de lire une lettre que j'ai adressée aux
députés, parce que cela s'en-chaîne. Ne soyez pas inquiets,
je n'ai que deux pages à lire. J'adressais, le 22 février 1971,
une lettre aux députés: "Les dirigeants de l'ÙCC,
renforcés d'un nombre imposant de délégués, ont
rencontré, le 18 février dernier, le ministre de l'Agriculture,
M. Toupin, en compagnie de M. Pinard. "Comme résultat non pas du bon
sens, mais bien de la pression, une promesse est arrachée du ministre de
l'Agriculture. Or, l'objet de cette promesse, de cette loi demandée, n'a
jamais été soumis aux exploitants agricoles directement, et c'est
probablement la raison que les demandes antérieures de l'UCC ne
réussissaient pas auprès des gouvernements
précédents. "A mon sens, pour être logique, il y aurait
lieu pour les dirigeants de l'UCC, en premier lieu, qu'ils s'occupent de faire
participer les exploitants agricoles, les cultivateurs, excluant les trusts,
à la définition par eux-mêmes d'un statut professionnel
agricole."
Sur cette question, j'ai remarqué qu'il n'y en a pas un, ce
matin, qui n'a pas soulevé ce point, cette lacune. Cela veut dire qu'il
faudrait prendre la question plus au sérieux et n'entreprendre aucune
loi ou aucune amélioration sans partir de la matière
première qui est la base, soit le statut professionnel.
Pendant qu'on y passe, tout à l'heure vous avez mentionné
le fait qu'un cultivateur devrait prendre 50 p.c. de ses revenus de la ferme
j'ajouterais à cela permettez-moi de donner mon opinion
personnelle, j'aurais préféré que ce soit fait par
plusieurs que l'agriculteur devrait, la première chose, demeurer
sur sa ferme; la deuxième chose, que ce soit son principal emploi et la
troisième, qu'il en tire la majeure partie de ses revenus. Mais la
question primordiale c'est que ce soit un exploitant agricole qui travaille sur
sa ferme, que ce ne soit pas tout simplement un gars qui en retire des revenus
et
qui fait travailler des esclaves. C'est le principe fondamental: garder
l'agriculture à l'exploitant agricole et non au "trust".
Lorsqu'il y a paralysie structurale, on y voit la stagnation. Là,
il y en a qui vont se rappeler de qui ça vient. Or, ce statut
professionnel est la matière première à l'érection
d'une structure de l'agriculture. Cette structure est une première
urgence. Il y en a qui en ont fait mention ce matin. Je pense que c'est M.
Léonard Roy qui disait qu'on devrait avoir de la cohésion dans
l'agriculture. De la façon dont la loi est faite, ça devient une
lutte à commencer et qui n'est pas finie entre tout ce qui existe dans
l'agriculture. Pourquoi ne pas faire une table ronde de tout ce qui existe dans
l'agriculture?
Là, je tiens à signaler une chose. Imaginez-vous si on
avait cette table ronde aujourd'hui et qu'on ait rencontré des Roy et
d'autres comme lui; il n'y a pas que lui qui peut nous aider, mais je pense que
cet homme-là nous a aidés plus, nous les agriculteurs, ce matin,
que personne d'autres dans la salle ici par ses interventions et par la
façon dont il a présenté son mémoire.
Il y avait des choses là-dedans vraiment que même si
j'avais voulu les rédiger, je n'aurais jamais pu tout rédiger,
tout dire ce qu'il a dit et il les a si bien dites. Cela nous amène
à une chose: quand il y a de la cohésion, c'est pour le profit de
tout le monde. Mais comme le projet de loi est fait, ce n'est pas une
cohésion qu'on a, c'est une guerre qu'on commence. C'est une formule
mais il y en a d'autres.
Personnellement, j'entreverrais l'avènement d'une corporation
agricole. A lire: "Vers la corporation agricole", ouvrage du Père
Richard Arès entre parenthèses, c'est un type de mon
comté à l'intérieur de laquelle corporation, tout
groupement ou organisation qui touche ou qui est relié à
l'agriculture serait soumis à la table ronde à l'intérieur
de cette corporation de l'agriculture. C'est une formule que je propose mais il
y en a d'autres. Du moment que ce serait une table ronde, que ça porte
le nom de corporation, de syndicat, ça ne me fait rien; d'un autre
côté, c'est la lacune de notre affaire aujourd'hui. C'est qu'on
n'a pas de cohésion, on s'en va encore séparé et on va y
rester séparé.
La mêlée est déjà trop avancée et la
confusion et le déchirement dominent entre les organismes agricoles, les
coopératives et l'UCC. C'est un fait admis que les coopératives
et l'UCC se déchirent, ils se sont fait des dommages; l'UCC a fait des
dommages à notre office de production de lait à Montréal
pour pouvoir venir implanter son idée de syndicalisme.
Elle nous a fait croire à Montréal qu'un office ne pouvait
pas entrer dans le syndicalisme, mais dans la loi, ce n'est pas ce qu'ils nous
ont dit.
Le vote s'est pris sur cette affaire d'une façon truquée.
Ils auraient dû, avant de prendre le vote, annuler ce qui existait
déjà. Non, ils ont laissé l'office suspendu, si vous
voulez, et ils prennent un vote pour le syndicalisme. Pour ma part, je faisais
partie de l'office, je n'ai pas voté. Comprenez-vous? S'ils avaient
dissous l'office avant de prendre le vote, ç'aurait été
autre chose.
C'est le temps et le grand temps que soient révisées les
causes du marasme existant dans le domaine de l'agriculture. Dans les
circonstances, il y a lieu d'insister auprès des membres de
l'Assemblée nationale pour que de nouvelles mesures syndicalistes
agricoles ne soient pas soumises à l'étude tant et aussi
longtemps qu'une situation normale ne sera pas rétablie.
Tout de suite en lisant les trois premières lignes des notes
explicatives du bill 64, ça sent l'infection de la gangrène
contaminant cette plaie du système de la caisse électorale du
parti au pouvoir. Je m'explique un petit peu.
M. TOUPIN: Il faudrait bien donner quelques explications.
M. GUILMETTE: De la manière dont le bill est fait, on est
porté à croire que tout est pour favoriser le trust
capitaliste.
Au siècle dernier là je donne une petite
explication de ce qu'a été l'agriculture la famille
canadienne-française du Québec a tout sacrifié pour le
défrichement de la terre et pour la vocation religieuse. Lorsque le
revenu le permettait, un seul de la famille pouvait se faire instruire et cela
avec les privations volontaires de tous les autres membres de la famille. Si
l'on consulte les registres des paroisses, pas un sur dix pouvait signer son
nom.
Au début du siècle, ma terre et celle du voisin ont
dû être cédées à la banque qui devait les
vendre. Par la suite, l'acquéreur subséquent a dû lui aussi
les céder à son prêteur. Ce n'est pas là une
histoire singulière.
En 1925, après avoir colporté l'idée d'une union
pendant qu'il négligeait les intérêts de sa famille et de
sa propre terre, Laurent Barré devenait premier président de
l'UCC. Cependant, il ne fut pas à la présidence longtemps. Je
l'ai entendu dire à son auditoire: J'en suis sorti dans des
circonstances pénibles. Peu de temps avant sa mort, M. Barré, sur
une question insistante de ma part, m'a décrit ces circonstances
pénibles.
Devenu cultivateur en 1939, j'ai suivi l'UCC sous l'habile
présidence de M. Marion. M. Wilfrid Lemoyne a remplacé M. Marion
comme président. Chacun, après avoir été
président pendant quinze années, a été placé
au gouvernement provincial. M. Marion a travaillé à l'ex-office
des marchés, et M. Lemoyne, par la suite, membre de la Régie des
marchés.
Depuis les années cinquante, la participation à la base
des syndicats paroissiaux a décliné.
Je pourrais dire que, depuis le départ de Gérard Filion,
ex-secrétaire général de l'UCC, l'association est
tombée sous la domination des employés payés,
formés en clans. L'explication de la session de la Mutuelle, assurance
UCC, confirme cela, malheureusement.
Or, on est vis-à-vis d'un fait déplorablement accompli:
l'UCC est devenue, je vous prie de le noter, un organisme du gouvernement pour
apaiser le cultivateur. Attendons de voir ce prochain lever de rideau où
se jouera la scène du bill 64. L'agriculture est donc un droit acquis
pour l'exploitant de la ferme. C'est encore le temps de protéger cet
industrie contre l'intégration capitaliste sans âme, comme le
prônait Henri Bourassa, cela dans l'intérêt incontestable de
l'économie du Québec. Ce qui importe, c'est en premier lieu la
définition d'un statut professionel agricole et je le souligne
et la formule d'une structure de l'agriculture. Prenons conscience de
l'épouvantable sérieux de notre prédestination et
protégeons l'agriculture de l'emprise vorace du capitalisme, c'est ma
prière.
J'ai autre chose à ajouter, si vous me le permettez.
M. Roy disait ce matin dans son mémoire qu'on attache plus
d'importance aux accessoires qu'au principe mis en cause. Mon exposé est
en fonction de ce qu'il venait de dire là parce que vraiment ce n'est
pas nécessairement la question des détails du bill 64, c'est la
question du principe, c'est la question de l'entreprise familiale qu'on doit
protéger.
Le bill 13 a été formulé en entier en 1963 par
l'UCC. Il a été soumis, je pense bien, dans cette salle, sans
aucun changement, pas même une seule virgule. M. Lesage nous disait
à ce moment-là: "Une loi, c'est fait pour être
changé, vous reviendrez l'an prochain pour la changer." Je ne sais pas
si elle a été changé par le bill 45 ou 46. A tout
événement, je me pose une question. Je me demande si cette
présente loi qui est encore toute formulée par l'UCC ne vaudra
plus rien dans sept ans. D'une façon, je ne peux pas concevoir qu'on
aille collecter les cotisations de notre association à l'acheteur de
notre produit; c'est une chose absolument inconcevable, inapplicable et qui n'a
pas de bons sens. C'est mon opinion, mais je respecte celle des autres.
M. LE PRESIDENT: M. Guillemette, votre temps est
épuisé.
M. GUILLEMENTTE: Ce n'est pas fini. Je suis le seul cultivateur qui
vient ici pour parler et vous ne me laissez pas finir. Je vous promets que je
vais finir avant 6 heures et quart.
M. LE PRESIDENT: Je m'excuse, mais le ministre doit être parti
avant cela.
M. GUILLEMETTE: Qui est le président? Est-ce vous ou le
ministre?
M. LE PRESIDENT: Oui, monsieur, c'est moi qui suis le président,
et je vous demande de vous asseoir et de donner la parole à M. Allain
pour cinq minutes.
M. ROY (Beauce): ... cet agriculteur, en ce qui nous concerne.
M. GUILLEMETTE: Merci.
M. ALLAIN: M. le Président, est-ce que j'ai la parole?
M. LE PRESIDENT: Oui, monsieur.
Fédération de l'UCC
M. ALLAIN: J'essaierai d'être aussi bref que possible. Nous avons
écouté avec beaucoup d'attention toutes les déclarations
qui ont été faites aux diverses audiences. On retrouve, chez ceux
qui ont comparu ici, un certain nombre de points de vue concordants, certains
même allant dans le sens de la loi, en disant: Il s'agit d'une bonne loi.
Il s'agit d'une loi nécessaire. Il s'agit d'un principe qu'on ne doit
pas et qu'on ne veut pas combattre.
Les nuances apparaissent sur les modalités et, dans bien des cas,
elles vont jusqu'à mettre en doute la déclaration initiale de
certains des partis. Pour ma part, je voudrais quand même m'attarder
à mettre en évidence certaines suggestions ou propositions qui
ont été faites et qui, je ne dirais pas volontairement de la part
de ceux qui les ont faites, si elles étaient appliquées,
atteindraient un objectif, celui de diminuer la force ou l'efficacité de
l'objectif recherché, à savoir une organisation du monde
agricole. Que ce soit volontaire ou involontaire chez eux, plusieurs des
propositions faites, si elles étaient appliquées, conduiraient
là.
On a soulevé certaines opinions, tels les intérêts
divergents et les intérêts convergents du secteur agricole, disant
que les intérêts divergents étaient tels qu'on ne pouvait
pas penser à une organisation unique. Je pose la question à ceux
qui ont soulevé le problème : Existe-t-il des
intérêts divergents dans leur propre organisme? Je suis d'avance
certain de la réponse. Ces gens me diront la vérité. Ils
seront obligés de me dire qu'il y a des divergences entre eux. Je n'irai
pas plus loin sur le sujet. Il y en a chez nous, mais il est clair que les
intérêts convergents et concordants dominent sur les autres.
Le mythe entre la mise en marché et le syndicalisme, je pense, a
été passablement dégonflé par les membres de la
commission au travers des questions qu'ils ont posées aux gens qui sont
venus ici. Pour cette raison, je ne sens pas le besoin d'en parler plus. Je
voudrais, quand même, indiquer qu'à notre point de vue ce point a
été clarifié.
Naturellement, toutes les suggestions qui visent à
accréditer plusieurs organisations font preuve d'une
méconnaissance, je pense, du milieu agricole. Il est clair qu'un tel
objectif n'est à peu près pas réalisable chez nous,
à moins de vouloir à tout prix fabriquer un modèle qui
serait impraticable, inutilisable et inutile, voire inefficace.
Je pense que ceux qui connaissent le milieu agricole, qui vivent avec
des agriculteurs, qui connaissent la multitude d'organisations comprennent ce
que je veux dire ici.
Pour ce qui est des points que nous avons déjà
soulevés, je les rappelle rapidement. Nous avons mis en doute les
pourcentages exigés, parce que nous pensons qu'il n'y a pas de
précédent qui autorise de telles exigences à notre
endroit. Qu'on regarde ce qui s'est passé en Ontario, c'est
inférieur à ce qui est proposé dans le projet de loi; que
l'on regarde ce qui est exigé des plans conjoints, c'est
inférieur à ce qui est écrit dans le projet de loi; que
l'on regarde ce qui se passe dans le monde syndical ouvrier, c'est
inférieur à ce qui est écrit dans le projet de loi. Si on
tient compte aussi de la difficulté de faire une liste de membres, eh
bien je pense que la commission acceptera de regarder d'autres
possibilités. D'ailleurs, cet après-midi, il y en a eu une de
formulée et, probablement, nous serions prêts à l'endosser
après une consultation minimum chez nous.
La définition du producteur, eh bien, mon Dieu! je pense qu'on
s'est rendu compte que personne n'a réussi à le définir,
même à sa propre satisfaction. Partant, il faudra bien être
pratique et fonctionner avec ce qui a déjà existé dans la
Loi des marchés agricoles.
On a fait beaucoup état du monopole possible à partir
d'une organisation unique. Le monopole, je pense qu'il est battu en
brèche d'avance et nous n'avons pas à défendre la loi; ce
n'est pas notre loi à nous. On dit à l'article 20: "La
régie peut également, d'office, révoquer
l'accréditation". Pour nous, cela veut dire l'épée de
Damoclès sur la tête de façon permanente. Et si c'est
ça un monopole, eh bien je pense qu'on ne s'entend pas sur la
définition des monopoles. Toutefois, ceux qui parlent de monopoles en
savent probablement quelque chose. Leur appartenance à des grandes
entreprises leur a probablement permis de faire des expériences ou de
vivre dans des milieux monopolistiques. C'est probablement pour cette raison
qu'ils invoquent aussi souvent cette question. Je réserve, M. le
Président, pour les discussions sur la Loi des marchés agricoles
ce qu'a dit la commission royale d'enquête sur l'agriculture à
l'endroit de l'intégration et je pense qu'à ce moment-là
nous pourrons parler de monopoles. Il y a des précédents et nous
verrons qui, dans le monde agricole, a recherché ou cherche à
bâtir des monopoles. Nous accepterons de diminuer en termes de pouvoirs
ceux qui pourraient nous être remis quand nous aurons la performance de
Noranda Mines je dis ça à votre endroit, MM. du patronat
ou la performance des usines de pâtes et papier, parce que je n'ai
jamais vu leurs prix diminuer, ou la performance de Bell Telephone. A ce
moment-là, nous accepterons que vous diminuiez nos pouvoirs, mais d'ici
là, de grâce! le monde agricole, je pense, n'a pas fait preuve
d'exagération à l'endroit de personne. Je ne vois pas pourquoi on
aurait peur d'une profession qui, au fond, est terriblement pacifique.
Au fond, je sais que la commission aura à choisir, M. le
Président, entre nous fournir des moyens adéquats d'organisation
pour fonctionner normalement et pratiquer une représentation qui, je
pense, est un droit, ou bien nous mettre en présence d'une loi qui ne
correspondra pas à nos besoins et qui sera à notre
insatisfaction. Je sais que c'est le choix que vous avez à faire. Je
vous fais confiance, M. le Président, ainsi qu'à la commission et
aux législateurs. Nous reviendrons au besoin si nous estimons qu'il en
va de notre intérêt.
J'espère ne pas avoir dépassé les cinq minutes.
Merci, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Merci, M. Allain. M. le ministre.
M. TOUPIN: Je n'ai rien à ajouter, M. le Président, sauf
évidemment, remercier ceux qui sont venus, encore aujourd'hui, faire
valoir leur point de vue. Je pense que, nous du gouvernement, nous parviendrons
à administrer de façon clairvoyante dans la mesure où nous
pourrons nous référer à des points de vue de ceux qui sont
à l'extérieur du gouvernement mais qui, bien sûr, en font
partie comme ensemble de l'économie ou comme ensemble du peuple.
M. VINCENT: M. le Président, nous savons que le ministre doit
s'absenter. Il est six heures et quart. Il reste encore deux minutes. Est-ce
que le ministre pourrait nous dire ce qu'il advient de la commission
parlementaire en remerciant tous ceux qui ont participé aux travaux de
la commission? Nous avons entendu des mémoires, nous avons posé
des questions. Qu'est-ce qu'il advient par la suite?
M. TOUPIN: Evidemment, je pense que la commission parlementaire ne se
réunira pas. Ses travaux sont terminés pour cette partie de
représentation extérieure. Maintenant, les travaux normaux vont
continuer au moment où la Chambre va reprendre ses travaux et à
ce moment-là on aura l'occasion de discuter, évidemment, à
l'Assemblée nationale, chacun de nos...
M. LAURIN: Est-ce que nous pourrions faire la suggestion au ministre
comme cela s'est fait dans d'autres commissions pour des projets de loi
très importants de prévoir une réunion de la
commission où les différents membres de la commission, à
la suite de l'audition de tous les mémoires peuvent faire valoir au
ministre leurs suggestions, leurs représentations? Après avoir
écouté, posé des questions, nous pouvons avoir certaines
représentations à faire nous-mêmes, et je fais
respectueusement cette suggestion.
M. VINCENT: M. le Président, en tenant
pour acquis, comme je le soulignais privément au ministre
on ferme la présentation des mémoires, on ferme l'audition des
témoins qu'à une prochaine réunion, que ce soit la
semaine prochaine ou dans quinze jours, les membres de la commission puissent
faire valoir également leur opinion, poser des questions au ministre et
que par la suite le ministre nous revienne avec un projet de loi
amélioré.
M. BELAND: M. le Président, j'aurais également, justement
à ce sujet, tout en remerciant ceux qui ont comparu, une demande
à faire d'une façon plus précise.
Pour clarifier davantage, même si c'était seulement dans
quinze jours, y aurait-il possibilité d'avoir une réunion? Avant,
évidemment, on n'aura pas reçu le journal des Débats. Si
nous voulons reprendre ou regarder tous les bons éléments qui ont
été énumérés, c'est
préférable, je pense, que nous ayons quelques jours devant nous
pour analyser pleinement, à leur juste valeur, les bons
éléments et pour faire les suggestions qui s'imposeront ou que
nous jugerons à propos de faire au ministre.
M. TOUPIN: M. le Président, je pense que cette suggestion est
raisonnable. Elle m'agrée et nous tenterons, au cours des prochaines
semaines, de trouver une date qui conviendra à tout le monde afin de
réunir à nouveau la commission.
M. VINCENT: Le 7, le 14 ou le 21; il reste trois semaines.
M. TOUPIN: Il reste trois semaines. Alors, nous examinerons les dates et
nous communiquerons avec vous.
M. LE PRESIDENT: Merci à tous. La commission est
ajournée.
(Fin de la séance: 18 h 14)