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(Dix heures quatorze minutes)
Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission de l'aménagement et des équipements reprend
maintenant ses travaux pour poursuivre la consultation particulière
portant sur l'avant-projet de loi sur les pesticides. Est-ce que nous avons des
remplacements, M. le secrétaire?
Le Secrétaire: Oui. M. Rochefort (Gouin) sera remplacé par
M. Garon (Lévis). M. Vallières (Richmond) sera remplacé
par M. Cusano (Viau).
Le Président {M. Saint-Roch): Merci, M. le
secrétaire. Sur ce, je demanderais aux représentants du Fonds de
recherches et de développement forestier de prendre place devant la
commission. Permettez-moi, messieurs, au nom de tous les membres de la
commission, de vous souhaiter la bienvenue et de vous remercier d'être
présents à nos travaux. Je demanderais à M. le
porte-parole de s'identifier et d'identifier les gens qui l'accompagnent, s'il
vous plaît.
Fonds de recherches et de développement
forestier
M. Lafond (André): M. le Président, mon nom est M.
André Lafond. Je suis président du Fonds de recherches et de
développement forestier. Je suis assisté de M. Léopold
Dion, qui est membre de l'exécutif du fonds de recherches, et de M.
Pierre Lafond, qui est directeur des recherches.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le
président. Sur ce, nous allons vous accorder, M. le président
Lafond, 20 minutes pour faire la présentation de votre
mémoire.
M. Lafond: Le fonds de recherches remercie la commission,
également ses membres, de nous accueillir ce matin et de nous donner
l'occasion d'exprimer notre point de vue quant au projet de loi sur la
très importante question des pesticides au sens le plus vaste du mot, un
domaine qui, pour un organisme comme le nôtre, et pour des forestiers,
est d'une importance vraiment extraordinaire. Nous avons vu avec grand plaisir
le souci qui est manifesté dans cette loi d'approcher ces questions
extrêmement complexes et sur lesquelles it y a encore tellement de choses
à apprendre et à connaître, et qui posent des questions et
des problèmes dont les réverbérations, si j'ose dire,
s'étendent à toute la société et qui peuvent
être à la fois bénéfiques et maléfiques.
Notre mémoire, au premier abord, insiste sur les aspects positifs
que les pesticides ont dans notre société et dans
l'aménagement des milieux. Les pesticides, on le souligne, sont
certainement, tel qu'ils sont définis dans un sens très vaste
ici, une des clés de la prospérité des populations dans
les pays développés et sont certainement une des clés qui
ont permis la prospérité qu'on connaît, la hausse des
niveaux de vie, l'allongement du cycle vital des humains. J'ai eu le
privilège de nombreuses fois dans ma vie de travailler dans les pays du
tiers monde, aussi bien en Asie qu'en Afrique, et on s'aperçoit que dans
ces pays, lorsque les fertilisants, les pesticides ne sont pas employés,
les rendements des terres diminuent considérablement, les maladies
peuvent se développer d'une façon catastrophique. Par
conséquent, il y a certainement une sorte de liaison entre l'usage de
ces produits et le développement de la prospérité de la
civilisation.
Vous me permettrez, à ce titre, de donner un exemple qui m'a
frappé beaucoup et qui vient de l'extérieur de notre pays, mais
qui quand même illustre bien les conséquences que peut avoir
l'usage de certains insecticides. Avec la disparition, par exemple, du DDT -
Dieu me protège de dire que je suis en faveur du DDT... Dans une ville
comme Kinshasa, quand vous étiez à cet endroit le matin dans les
années soixante-dix, vous aviez une impression
désagréable. Il y avait un camion avec un gros boyau qui arrosait
tous les gens de DDT tous les matins. Nonobstant ceci, il n'y avait pas d'aigle
à tête blanche, n'est-ce pas? Par cela, on avait fait à peu
près disparaître la malaria dans les grandes villes de l'Afrique
centrale et de l'Afrique de l'Ouest. Mais, en 1980, la maladie du sommeil se
répandait dans le centre du Congo et un médecin me disait que 80
% des enfants étaient atteints de malaria.
La nature est un immense équilibre et, si j'ai cité ici
cet exemple, c'est dans le but de démontrer un peu l'attitude avec
laquelle nous voulons présenter nos commentaires, c'est-à-dire
d'une façon positive. Nous
considérons que fondamentalement les pesticides doivent
être considérés, doivent être regardés comme
des outils d'aménagement. Loin de nous l'affirmation qu'il n'y a pas
d'abus, loin de nous l'affirmation que l'introduction entre autres de
substances synthétiques dans les cycles de dégradation de la
nature est une chose bienfaisante. C'est, je crois, ce qui justifie moralement
et économiquement la présentation de restrictions. Je pense que
tout ceci est dans une question d'attitude, le point de vue étant moins
d'avoir une attitude que j'appellerais, entre guillemets - je ne voudrais pas
le souligner - "policière et restrictive" qu'une attitude d'aide
contrôlée qui empêche des abus.
Nous pensons aussi, après avoir parlé de cet aspect, que
tout aménagement et tout usage de facteurs dans l'aménagement qui
viennent d'en dehors du système... On introduit des organismes, dans le
domaine forestier, avec lesquels nous sommes un peu plus familiers; on utilise
de plus en plus, par exemple, contre la tordeuse des bourgeons de
l'épinette, un bacille qu'on appelle le bacillus thuringiensis, le
bacille de Thuringe, qui, semble-t-il, est absolument inoffensif - les
entomologistes en mangeaient autrefois mais qui s'attaque, avec ses enzymes,
à l'intestin des parasites et des insectes, et les détruit.
Il semble que l'introduction et l'action de ces substances doivent se
faire avec la connaissance des systèmes et doivent se faire comme un
agent qui intervient dans le fonctionnement du système sans en
détruire son dynamisme. Je pense que cette attitude est fondamentale et
elle dépend, à la base, de nos connaissances dans le domaine.
L'aménagement forestier, comme les autres aménagements - en
rappelant que, si on veut aménager l'environnement dans la province de
Québec, 90 % du territoire est couvert par les forêts,
l'aménagement forestier, comme les autres, doit être basé
sur des connaissances écologiques.
Je me permets de rappeler ici que l'écologie est une science fort
complexe et que notre connaissance des systèmes n'est pas suffisamment
avancée pour que a priori, même quand on évalue des
pesticides de toutes natures - il en viendra de beaucoup plus complexes dans
les années à venir avec la biotechnologie; on sait qu'on a
créé des organismes nouveaux avec des propriétés
nouvelles qui ont suscité, entre autres aux États-Unis, de
grandes polémiques. Quand on introduira ces organismes dans
différents systèmes, nos décisions, nous semble-t-il,
devront être basées sur des connaissances plus approfondies et
plus précises des environnements écologiques. Aussi, on se
réjouit beaucoup qu'une des prérogatives que demande le
ministère de l'Environnement dans ce projet de loi, c'est de coordonner
la recherche dans ce domaine. Il y a beaucoup de recherche qui doit être
faite dans ce domaine. C'est extrêmement complexe. Toutes les ressources
des technologies nouvelles, que ce soit de l'informatique, de la
biotechnologie, de la biochimie, de l'immunologie, etc., ne seront pas de trop
pour éclairer les décisions qu'on doit prendre dans un sens ou
dans l'autre, parce que, très souvent, les enjeux sont très
considérables.
Ceci m'amène à la transition, à savoir quel est le
rôle que peuvent avoir les pesticides dans le domaine forestier. Je l'ai
signalé tout à l'heure, M. le Président. Dans le domaine
forestier, on couvre la plus grande partie du territoire de la province de
Québec. L'usage des pesticides dans ce domaine est de deux ordres
principaux. D'abord, on se sert des pesticides contre les grandes
épidémies d'insectes. Nous rappelons dans notre mémoire
que nous avons été victimes ici d'épidémies
d'insectes qui avaient des proportions, pour nous citer, de plaies bibliques
pratiquement et qui, en importance, sont aussi considérables que les
épidémies de sauterelles dont on craint le renouvellement
précisément cette année en Afrique. Nous avons donc
été obligés - ceci a suscité des inquiétudes
et des polémiques -d'utiliser pendant de nombreuses années des
pesticides en très petites quantités, comparativement à
d'autres usages que l'on peut faire dans les territoires des villes, etc.,
mais, si ces pesticides sont utilisés en petites quantités, ils
sont, d'autre part, utilisés sur de très grandes étendues.
On lutte à ce moment-là avec l'image extrêmement
défavorable d'avions qui lancent quelque chose. Vous savez, il y a une
psychologie contre ceci; on fait des analogies qui sont toujours
défavorables et il se développe des impressions de craintes
parfois injustifiées.
On doit rappeler le cas de la tordeuse, puisque c'est une
dernière épidémie qui ne nous a pas, malheureusement,
encore quittés complètement, bien qu'elle diminue, et Dieu
veuille que ça continue. Les pertes estimées, si on avait
laissé faire la tordeuse, si on n'était pas intervenu,
représenteraient une dizaine d'années de la production totale de
toute la forêt du Québec, ce qui se serait chiffré, en
réalité, par plusieurs dizaines de milliards de dollars et,
à plus ou moins long terme, cela aurait affecté l'ensemble de la
prospérité de notre population. Il y a donc là des
problèmes de conscience et d'un ordre de grandeur tel qu'on ne peut
rester insensible aux problèmes qui sont posés et on ne peut se
fermer, a priori, à l'usage de pareils moyens.
L'autre méthode, là où on se sert beaucoup des
pesticides, évidemment, c'est dans le contrôle de la
végétation. En ce moment, au lieu de se servir d'insecticides,
d'attaquer les insectes vecteurs de maladies
ou les insectes dévoreurs de feuillage, on lutte contre des
problèmes un peu plus subtils. On introduit, par exemple, une
végétation par le reboisement et même - et cela, il ne faut
pas l'oublier - par la sylviculture, le peuplement naturel, ou on favorise les
résineux ou les feuillus par la sylviculture. On introduit donc, on
favorise donc une végétation qui n'est peut-être pas en
équilibre avec le dynamisme naturel de la forêt. Nous avons une
série de plantes pionnières qui viennent s'introduire et qui
peuvent compromettre les efforts et les investissements extrêmement
considérables que l'on commence à faire dans cette province.
On me disait récemment que cette année le ministère
des Forêts va planter 272 000 000 d'arbres, ce qui, en passant, est
supérieur à ce que fait la Colombie britannique. Je pense qu'on
doit s'en réjouir. Ce qui est très important et ce qu'il ne faut
pas oublier, ce n'est pas tellement le nombre d'arbres qu'on plante en terre,
qui sont peut-être de quelques centimètres de hauteur, mais le
nombre d'arbres qu'on va récolter è des dimensions commerciales.
Lorsqu'on fait un investissement et qu'on consent, comme on le fait
actuellement de plus en plus, un investissement majeur dans des
aménagements de reboisement qui sont les plus coûteux qu'il peut y
avoir, il faut les protéger. À cet effet, les forestiers ont
employé des phytocides, encore une fois à petites doses, mais
encore une fois sur de grandes étendues et cela a posé des
problèmes extrêmement considérables.
Je vois que mon temps s'écoule très rapidement, M. le
Président, et je ne voudrais pas en abuser. Par conséquent, les
deux caractérisques des usages forestiers, ce sont leur amplitude mais
en même temps les faibles doses qui sont utilisées et très
souvent sans répétition. L'espoir, c'est que l'on peut concevoir,
avec un aménagement écologique, un contrôle de la
végétation par la végétation. Il y a des essais qui
se font en Colombie britannique, aux États-Unis ou ailleurs en Europe.
Je pense que là aussi, comme nous l'indiquions, une recherche
coordonnée dans ces domaines pourra améliorer
considérablement l'usage qu'on pourrait vouloir faire dans l'avenir de
ce côté, et équilibrer, réduire les interventions
qu'on voudrait faire avec des insecticides ou des phytocides. (10 h 30)
Comme le temps passe très vite, j'ajouterai, si vous me le
permettez, qu'il y a quelques modifications que nous nous sommes permis de
suggérer quant au texte de loi. Celle qui m'apparaît
extrêmement importante, c'est la définition du sylviculteur et de
la sylviculture. Nous avons noté que -cela arrive ici et à
d'autres endroits; j'ai vu cela dans la province - l'on fait parfois une
équivalence entre foresterie et sylviculture. La sylviculture - et le
sylviculteur, c'est celui qui pratique la sylviculture - n'est qu'une partie de
la foresterie. Ce n'est pas l'équivalent de l'exploitant forestier. Nous
avons suggéré, dans ce domaine, la concordance avec la nouvelle
Loi sur les forêts, la loi 150, qui vient d'être approuvée,
si je suis bien informé, à l'unanimité par
l'Assemblée nationale. Cette loi parle de gestionnaires forestiers,
c'est-à-dire qu'elle inclut non seulement ceux qui pratiquent la
sylviculture - on doit avouer, hélas, qu'il y en a bien peu dans la
province de Québec, nous espérons qu'il y en aura davantage dans
les années à venir, mais pour le moment il y en a bien peu - mais
aussi tous ceux qui interviennent dans la forêt au titre des plans
d'aménagement, que ce soient les exploitants, que ce soient des
reboiseurs, même les qens qui ne font pas de sylviculture, mais qui
peuvent avoir une influence importante quant à l'usage des pesticides et
des phytocides.
Nous soulignons aussi, M. le Président, la question des
territoires qui sont soumis ou ne sont pas soumis à cette loi et nous
nous permettons de suggérer qu'on fasse un effort - il n'y a pas de
doute que ce sera fait -pour intégrer la portée de cette loi
à celle de la loi 150 sur l'aménagement des forêts. II est
dit, au titre de la loi 150, à l'un des articles - nous n'avons
peut-être pas le temps actuellement d'y référer exactement
-que dans les plans d'aménagement il doit y avoir un plan de protection
des forêts contre les insectes et contre les maladies cryptogamiques.
Nous suggérons - ceci fera partie intégrante, d'après la
loi, de l'aménagement forestier - qu'il y ait des modalités pour
que l'on ne vienne pas en conflit avec la loi sur les pesticides, mais qu'on
essaie, tout en respectant les valeurs de chacun, d'intégrer cela. Nous
pensons, M. le Président, qu'il y a tellement de travail è faire
qu'on doit dépenser le moins possible de temps à se contester et
plus de temps à agir. La législation, s'il nous est permis de
faire cette suggestion, doit éviter autant que possible de créer
des litiges entre l'administration gouvernementale et les administrés.
C'est ainsi, par exemple, que nous avons certaines suggestions quant aux
garanties qui sont, nous semble-t-il, très vastes, très
définies et qui pourraient arriver éventuellement à
bloquer des travaux, ayant observé par ailleurs tous les autres aspects
de la loi.
Pour terminer, M. le Président, je pense que mon temps est
presque écoulé, je me permettrai de lire la conclusion de notre
rapport qui résume le mieux nos positions, les positions que j'ai
essayé d'exposer ici. Évidemment, nous sommes à votre
disposition pour répondre au mieux aux questions que vous voudrez bien
nous poser.
Il nous apparaît donc, M. le Président,
que l'usage des pesticides est un problème complexe dont la
gestion devient de plus en plus impartante au fur et à mesure que leur
emploi s'étend et que les diverses substances que l'on emploie se
renouvellent et se diversifient. En effet, l'expérience a montré
qu'il y a dans leur usage des abus qui peuvent résulter dans des
dommages importants à l'homme, à ses biens et aux divers
systèmes écologiques de l'environnement.
Il nous semble cependant que pour bien atteindre ces buts on devrait
préciser et délimiter très exactement les conditions
d'abus et de répression de ces abus. Il nous semble aussi que les
dispositions de la loi devraient être produites dans la perspective
où les pesticides constituent un outil d'aménagement et non pas
tout simplement dans la perspective peut-être un peu étroite et un
peu policière de la répression des abus alliée à
des pouvoirs étendus qui sont parfois vagues et mal définis.
En ce qui concerne l'aspect forestier de ce problème et en
rappelant que les forêts du domaine public couvrent entre 85 % et 90 % de
tout le territoire du Québec et qu'on doit y ajouter nombre de
territoires de forêts privées, les dispositions de la loi 150
adoptée récemment prévoient, dans les conditions de
l'usage des forêts et de leur exploitation, des plans
d'aménagement et donc des plans de protection où l'emploi des
pesticides doit être rationalisé et complètement
expliqué.
Nous suggérons donc qu'on établisse une meilleure
coordination entre cette loi et la loi 150 du nouveau régime forestier,
ainsi que les droits des gestionnaires forestiers. Certes, tout ce qui pourra
contribuer à un meilleur emploi et à une meilleure régie
des pesticides et qui veillera à contrôler les abus d'usage qui
existent amènera un meilleur aménagement des ressources de
l'environnement et ajoutera à la prospérité et au
mieux-être des populations. C'est un but auquel le Fonds de recherches et
de développement forestier souscrit pleinement. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le
Président. M. le ministre.
M. Lincoln: M. Lafond, votre grande réputation dans ce
domaine vous a précédé et j'ai été
très content de vous entendre et de lire votre mémoire qui a
certainement une grande importance parce que votre industrie est une des
premières industries au Québec et, comme vous le dites, elle
couvre la majeure partie du territoire.
Tout d'abord, je voudrais peut-être passer en revue quelques
recommandations que vous avez faites. On ne peut pas toutes les passer en revue
parce que le temps va manquer, mais certaines recommandations que vous avez
faites, les principales dont vous avez parlé. D'abord, quant à la
question de la définition de la sylviculture et de la gestion des
forêts, ce que je peux vous dire, c'est que nous allons prendre avis de
votre suggestion. Je ne peux pas vous dire si on va l'accepter ou non parce que
tout cela est travaillé avec les ministères. Je sais qu'il y a
une coordination a faire avec la loi 150 et que différentes
clientèles sont visées. En ce qui nous concerne, il s'agit d'une
clientèle beaucoup plus individuelle, axée sur des certificats et
des permis. Mais nous allons prendre cela de façon tout à fait
constructive. Nous allons reqarder cela avec les gens qui s'occupent des
définitions. On va consulter tous les intervenants incluant le MER et
ensuite on vous laissera savoir si on peut le changer. On prend note des
remarques que vous avez faites par rapport aux termes "sylviculture" et
"forêt".
Vous avez aussi fait une remarque quant aux articles 5 et 95. Ce qui est
arrivé - et je dois vous dire que cela a été fait
après des discussions avec mon collègue des Forêts et aussi
avec mon collègue de l'Agriculture, avec les intervenants du milieu
qu'on a consultés - c'est qu'on s'est rendu compte que, lorsqu'on a
créé une loi sur les pesticides, le ministère de
l'Environnement étant un ministère horizontal qui s'occupe de
tellement de domaines comme l'agriculture, etc., on ne pouvait pas, dans le cas
des pesticides, avoir un contrôle des pesticides avec la loi 150, avec la
loi sur l'agriculture, avec les lois des autres ministères. C'est
pourquoi la responsabilité a été donnée au
ministère de l'Environnement.
En même temps, nous nous sommes aperçu que dans deux
secteurs cruciaux comme l'agriculture et la forêt on ne pouvait pas
mettre en place les mécanismes, les règlements et tout le
système de contrôle des pesticides tout de suite. Ce que nous
avons fait, c'est que nous avons mis des dispositions a l'article 5 qui nous
permettent de faire des règlements. On exclut ces secteurs d'abord dans
le premier alinéa. Ensuite, on donne le pouvoir dans la loi de les
inclure à une date ultérieure. L'article 95 donne le pouvoir de
réglementation éventuel. Entre-temps, mon collègue des
Forêts et moi-même avons signé une lettre mutuelle où
nous nous engageons le plus tôt possible à produire une politique
qui aboutira à une réglementation sur les pesticides par rapport
au domaine forestier.
Je peux vous confirmer que tout cela sera fait en coordination
très active avec le ministre délégué aux
Forêts et le ministère. Cela ne se fera pas en vase clos, parce
qu'on ne peut pas certainement Imposer des choses à des intervenants et
que, naturellement, surtout compte tenu de la nouvelle loi 150, il faudra un
esprit de coordination pour en arriver à une politique sur les
forêts qui
sera le résultat d'une consultation incluant les intervenants du
milieu, de toutes les sources, les groupes de citoyens, etc. Pour ce qui est de
la question de la garantie, la raison pour laquelle cet article a
été inclus, et c'est un article qui se retrouve dans plusieurs
autres lois, ce n'est pas pour les entreprises qui oeuvrent au Québec,
c'est pour les entreprises qui oeuvrent à l'extérieur du
Québec et qui viendraient faire un travail temporaire ici et qui
pourraient causer un dommage très significatif è l'environnement.
On n'a nullement l'intention d'appliquer des garanties pour les entreprises
légitimes qui oeuvrent au Québec.
Vous avez aussi suggéré, avec beaucoup de raison, que
lorsqu'on concevra les programmes de formation et d'examens, les intervenants
du milieu soient fortement impliqués et aussi les autres
ministères. C'est le cas. On ne veut certainement pas au
ministère de l'Environnement faire des programmes de formation en vase
clos pour les forêts, l'agriculture et les exterminateurs. En fait, on a
déjà des codes de pratiques qui sont en train d'être mis en
place avec les associations et qui régissent les différents
secteurs. Ils vont baliser toutes ces choses et, lorsque les cours de formation
et les examens vont être établis, cela sera fait de très
près avec le secteur concerné et, naturellement, le
ministère impliqué le plus près. Je peux vous donner
l'assurance que cela sera le cas.
Il y a une question plus globale dont vous avez beaucoup parlé
dans votre introduction, toute la question des pesticides comme outil de
travail et, selon vos termes, surtout par rapport à la forêt. J'ai
eu l'occasion très récemment de rencontrer la personne en charge
de toutes les forêts suisses, M. de Coulon, que vous avez peut-être
également rencontré au cours de vos voyages. Il me disait que les
forêts suisses avaient été complètement
ravagées au terme du siècle faute de gestion. Les Suisses ont
décidé de commencer une gestion naturelle des forêts. Tout
se fait par sélection des types de forêts, la façon de
gérer la forêt, c'est-à-dire qu'ils ne se servent pas du
tout de pesticides parce qu'ils croient que l'équilibre
écologique de la nature va prévenir des choses, comme vous avez
dit, par exemple, qui font étouffer les arbres naissants, etc. Il me
soulignait aussi qu'en sélectionnant les types d'arbres et en prenant
une politique à long terme vous évitez des
épidémies comme celle qu'on a connue avec la tordeuse des
bourgeons de l'épinette. En fait, il y a une école de
pensée qui dit que, si on avait pris des arbres d'une catégorie
-relativement parlant - un peu moins dure, une catégorie d'arbres moins
calibrée, moins bonne, on aurait pu éviter une grande partie du
problème. J'aurais aimé avoir vos réactions sur cela.
Est-ce que, par exemple, si on avait pris une politique à lonq terme
pour ne pas être obligé de remplacer la forêt par ce qu'on
appelle le "balsam" on aurait pu éviter des catastrophes
épidémiques comme la tordeuse des bourgeons de l'épinette
et avoir une meilleure qualité d'arbres?
Le Président (M. Saint-Roch): M.
Lafond. (10 h 45)
M. Lafond: M. le ministre, M. le Président, je suis
très heureux que vous fassiez allusion à la forêt suisse.
Évidemment, on dit beaucoup de choses. Je me souviens lors d'un
congrès à Nancy que les forestiers français disaient que
les Suisses avaient cette caractéristique, même en Europe, qu'ils
avaient quelqu'un pour épousseter les arbres chaque matin et que les
cages d'oiseaux, n'est-ce pas, portent toutes un numéro. J'avais vu cela
dans la forêt de Zurich en sortant. Mais ce que je veux dire, parce qu'on
blague toujours à propos des Suisses, c'est la
méticulosité avec laquelle on a traité des forêts.
On peut observer en Suisse des forêts qui ont été
aménagées depuis le XVe siècle, en 1415 ou
1420, et dont on a tous les livres de renvoi, toutes les coupes. C'est un
aménagement qui est très avancé. Je suis l'un de ceux,
puisque vous voulez y faire un peu référence, qui ont
été ici protagonistes d'un aménagement écologique
basé strictement sur les méthodes de très grands
écologistes d'origine suisse, entre autres comme Braun-Blanquet.
Ceci étant dit, la diversification de la forêt suisse
permet un aménagement qui est un des plus avancés du monde sur
une petite superficie. Malheureusement, je pense que les grandes
épidémies de la forêt québécoise, comme celle
de la tordeuse des bourgeons de l'épinette ou celle du
mélèze au début du siècle qui a fait
disparaître tout le mélèze, sont des éléments
écologiques de la forêt. Ceci provient du fait que sur un
territoire... La forêt québécoise qu'on peut utiliser -vous
me permettrez, M. le Président, une comparaison un peu simple que
j'emploie souvent - c'est un kilomètre de large, de la terre à la
lune, avec "50 % du chemin de retour. C'est la forêt commerciale du
Québec. C'est un territoire immense dont on n'a pas de commune
proportion ailleurs.
Il y a peu d'espèce d'arbres là-dedans. Nous avons
d'immenses populations composées uniquement... Dans le cas du sapin
Baumier, une partie du sapin Baumier vient des coupes qui ont été
faites de façon intense; l'autre partie du sapin Baumier, dans le
Québec, provient de la mort du bouleau. Les écologistes et les
entomologistes le reconnaissent, on peut retracer jusqu'au XVIIIe siècle
de grandes épidémies de la tordeuse du bourgeon de
l'épinette, alors qu'on ne faisait à peu près pas
d'exploitation. Les Anglais n'avaient même pas commencé
à couper la forêt après le blocus napoléonien - le
pin blanc - il y avait très peu d'exploitation. Cependant, il y avait de
très grandes épidémies à ce moment-là.
Par conséquent, nous sommes obligés -c'est une des raisons
pour lesquelles nous insistons un peu là-dessus, je suis très
content que vous posiez la question - et nous serons obligés pour
longtemps, bien qu'on souhaite le contraire, de faire face à ces grandes
catastrophes. Même si on fait un aménagement, on n'a ni la
population, ni même les ressources pour pouvoir avoir un
aménagement intensif à la façon suisse. On n'a pas les
espèces, on a de grandes forêts composées de peu
d'espèces et il faudra vivre avec cela.
M. Lincoln: Est-ce qu'à l'avenir, comme objectif à
long terme, nous ne devrions pas planifier - compte tenu qu'on aura ces
catastrophes écologiques de toute façon - des systèmes de
remplacement comme le BT dans le domaine des phytocides, par exemple, mettre
l'accent sur la recherche pour arriver à un moment où nous
pourrons dire qu'on pourra gérer la forêt? Pensez-vous qu'il est
réaliste de penser qu'on va gérer la forêt un jour, sans
additifs chimiques, et qu'on les aura remplacés par des
équivalents du BT dans d'autres secteurs?
M. Lafond: Sûrement. Vous me permettrez de dire, M. le
ministre, que le BT est considéré comme un pesticide ici... Nous
aurons des organismes nouveaux. Quand on parle d'un aménagement
écologique, on parle évidemment d'un système qui sera
suffisamment équilibré par ses propres forces pour qu'il puisse
non pas supprimer les agents - parce que, même si on est en bonne
santé, on a encore des maladies et on en aura toujours - mais qu'il
puisse les contrôler.
Un aménagement profondément écologique serait une
diversification, une diminution, par exemple, du sapin Baumier pour le
remplacer par de l'épinette blanche, sur certaines superficies. Des
forêts de sapin, par exemple, avec des peuplements mélangés
permettraient certainement de localiser ces épidémies.
M. Lincoln: Je m'excuse, c'est malheureux qu'on n'ait pas plus de
temps. Un de mes collègues aurait quelques questions à vous
poser. L'Opposition a aussi son droit de parole et ses membres voudront
certainement vous interroger. Merci beaucoup.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le
Président. M. le député de Montmagny-L'Islet.
M. Gauvin: Une question d'information.
À un moment donné, vous mentionnez votre inquiétude
en rapport avec la coordination possible des lois sur la forêt,
particulièrement en soustrayant l'application de la Loi sur les
pesticides des territoires soumis è un contrôle
d'approvisionnement et d'aménagement forestier. J'aimerais savoir sur
quoi est basée votre inquiétude.
M. Lafond: Voici. Je pense que cela va un peu dans le
thème que nous avons abordé précédemment. Il nous
semble bien que, si on applique une loi basée essentiellement sur la
production d'un plan d'aménagement, on ne peut pas penser à avoir
un véritable plan d'aménagement sans qu'il y ait un plan de
protection contre les épidémies d'insectes, contre le feu, contre
les maladies cryptogamiques. Or, il nous semble malheureusement, dans les cinq,
dix, quinze prochaines années, qu'on ne pourra pas arriver à
avoir une protection efficace sans employer un certain nombre de pesticides au
sens que la loi définit. Comment équilibrer cela? Ce n'est un
secret pour personne qu'il y a eu des conflits, qu'il y a eu des
interprétations différentes, qu'on a eu des craintes souvent
justifiées, remarquez bien, contre un emploi trop élaboré
sur une très grande superficie des pesticides. D'autre part, une fois
qu'on a protégé tout cela, les enjeux économiques sont
d'une telle ampleur qu'il faut essayer d'harmoniser tout ceci et les
instruments que nous nous sommes donnés avec la Loi sur les forêts
devraient s'intégrer à la Loi sur les pesticides. C'est notre
préoccupation, M. le député. Je ne sais pas si cela
répond à votre question.
M. Gauvin: Oui, merci.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le
député de Montmagny-L'Islet. M. le député de
Terrebonne.
M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président. Je suis
très heureux que l'Opposition ait demandé que vous veniez ici
présenter un mémoire. Mes confrères m'avaient dit que pour
la loi 150 - je ne faisais pas partie de cette commission parlementaire - vous
aviez été un des piliers. On m'avait dit aussi que vous aviez un
verbe chaud, une connaissance à toute épreuve et que vous le
faisiez avec un charisme plaisant. J'ai constaté que c'était
vrai. Je suis très heureux que vous soyez là. Vous êtes un
peu, pour faire une analogie, le Félix Leclerc de la forêt.
Avec les connaissances que vous avez -j'ai lu votre rapport avec
beaucoup d'intérêt - dans les questions qu'on vous a
posées, vous n'êtes pas venu è cette petite solution
miracle que j'entrevoyais pour l'avenir dans votre rapport. Je vais vous poser
la question sur cette solution miracle. Vous dites à la
page 2: "Comme alternative aux produits chimiques, naturels ou
synthétiques, on commence à utiliser de plus en plus d'organismes
naturels, tels le BT et l'avenir laisse prévoir le jour où des
organismes manipulés génétiquement pourront être
introduits dans l'environnement pour contrôler des effets nocifs de
parasites." Eh bien, qu'en est-il de cette vision du futur que vous faites
miroiter: des organismes manipulés génétiquement seront
introduits dans l'environnement pour éliminer les parasites?
M. Lafond: Je pensais particulièrement à un
développement récent, en 1985-1986. Par biotechnologie, on a
perfectionné une race de bacilles qui s'attaquent spécifiquement
aux groupes de papillons ou de chenilles qui rongent le sapin, la tordeuse. Ils
sont absolument spécifiques, ils ont une efficacité
extrêmement élevée de ce côté et ont
été expérimentés, je pense, par l'USDA, le
département américain de l'Agriculture le printemps dernier sur
certains terrains par des compagnies pharmaceutiques qui se sont lancées
là-dedans. Il y a eu des restrictions, parce que vous connaissez tout le
grand débat aux États-Unis sur l'introduction dans la nature
d'organismes artificiels avec des gènes qui ont été
ajoutés. Mais ceci existe actuellement. Il y a d'autres recherches,
m'a-t-on dit, qui se développent. Les premiers insecticides qui ont
été utilisés provenaient des plantes, des
pyrèthres, par exemple. Certains travaux se font où il serait
possible que la plante elle-même bâtisse un système
immunisateur qui la protège contre des insectes spécifiques. On
n'est pas dans le domaine de la science-fiction, il y a des travaux qui se font
actuellement, des expériences.
Dans le cas de la tordeuse - c'est un groupe de papillons assez vaste
auquel appartient la tordeuse - il semble que les gros problèmes
actuellement sont des problèmes environnementaux. Je pense qu'il y a eu
des injonctions aux États-Unis contre l'emploi et la dispersion de ces
organismes nouveaux. C'est un bacille auquel on a ajouté un gène.
Apparemment, ce sont des résultats diffusés dans des revues - si
vous me permettez de citer une revue qui n'est pas strictement une revue
scientifique comme The Economist, qui a une vue un peu plus globale -
qui faisaient des comptes rendus assez enthousiastes de ce côté.
C'est un peu en pensant à cela que nous avons écrit cette
phrase.
Le Président (M. Saint-Roch): M. le député
de Terrebonne.
M. Blais: Merci. Vous avez un peu parlé de
l'équilibre dans la plantation, de l'équilibre entre les feuillus
et les résineux.
Le plan gouvernemental pourrait venir briser cet équilibre si on
introduit des feuillus dans un milieu plus propice aux résineux. Cet
équilibre, vous ne l'avez pas vu dans la loi 150? C'est une
sous-question à la suite de votre exposé.
M. Lafond: Non. Je pense que cet équilibre entre les
feuillus et les résineux sera l'objet des plans d'aménagement.
Chaque plan d'aménagement va prévoir, n'est-ce pas... Pour vous
dire le fond de ma pensée, je ne suis pas le plus grand protagoniste du
reboisement. C'est une méthode difficile, c'est une méthode
coûteuse, c'est une méthode qui introduit des organismes nouveaux
et qui brise l'équilibre écologique et même
l'équilibre des sols. C'est une méthode de grand luxe. La
province de Québec, avec son territoire aussi vaste que nous le
connaissons - il faut voir le territoire du Québec - doit se servir de
façon très sélective du reboisement.
M. Blais D'accord. Vous n'êtes pas en faveur, entre
guillemets, du reboisement; en gros, vous l'êtes, mais plus ou moins.
M. Lafond: Ce n'est pas la solution miracle.
M. Blais: D'accord, mais est-ce que je peux vous demander, par
analogie, pourquoi, contrairement à ce que vous venez de dire, vous
êtes pour le bacille destructeur génétique et vous
êtes aussi pour l'emploi des pesticides de façon rationnelle?
M. Lafond: Nous pensons que les pesticides sont un pis-aller.
M. Blais: Le reboisement, non?
M. Lafond: Le reboisement, c'est la Cadillac - si je peux
employer cette expression - de la foresterie.
M. Blais: D'accord, je comprends votre restriction, maintenant.
C'est un moyen trop coûteux pour les résultats que cela peut
donner.
M. Lafond: C'est un moyen très coûteux qu'on doit
utiliser seulement dans des endroits où on peut avoir de grands
résultats. Vous savez, on nous parle souvent des plantations
d'eucalyptus au Brésil; il faut aller voir. J'y suis allé et il y
a de très beaux endroits à 39 mètres cubes à
l'hectare par an, mais ce n'est pas grand.
M. Blais: Poukabourari dans l'eucalyptus. C'est bien connu. Bon,
en pages 7 et 8, j'aimerais vous lire un extrait de votre rapport. "Nous avons
été témoins, au cours des récentes années,
de polémiques au
sujet de l'emploi d'insecticides ou de phytocides dans la pratique
forestière qui ont eu pour effet d'alarmer les populations et de nuire
au développement d'une pratique forestière plus intensive. Dans
une province comme le Québec, où une partie importante de la
richesse économique dépend de l'aménagement et de la
récolte des ressources renouvelables - voilà maintenant -une
gestion rationnelle et des connaissances précises dans le domaine des
pesticides et des phytocides nous apparaissent des facteurs essentiels au
maintien du niveau de vie même de la population.
Qu'est-ce qui est, pour vous, une gestion rationnelle? Est-ce que vous
croyez que dans l'utilisation des pesticides, dans cette loi, il y a une
philosophie de gestion rationnelle? Moi, je ne la vois pas. Je vous demande si
vous la voyez, étant donné que vous croyez que c'est la
façon. Je vois dans cette loi plutôt une gestion
sécuritaire rationnelle des manipulateurs des pesticides et non pas une
gestion rationnelle qui serait dans son utilisation un moyen de faire diminuer
la quantité utilisée. (11 heures)
M. Lafond: Je suis complètement d'accord, sauf
peut-être la dernière partie. Une gestion rationnelle n'implique
pas un usage moindre ou un usage plus considérable. Là où
il en faut plus on va en mettre plus, là où il en faut moins on
en mettra moins. C'est, un peu, nous semble-t-il, sans faire une critique
acerbe, le point sur lequel nous voulions insister dans ce mémoire.
Évidemment, considérant comme d'importance majeure, l'aspect
sécuritaire de la loi, comme vous dites si bien, il faudrait, en
développant un certains nombre d'articles - et nous en avons
donné un certain nombre d'exemples - la considérer comme une loi
d'aménagement. La gestion rationnelle, pour nous, c'est
l'aménagement de l'environnement.
M. Blais Merci beaucoup.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le
député de Terrebonne. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? En
conclusion, M. le ministre.
M. Lincoln: Pour poursuivre dans l'ordre d'idées que mon
collègue de l'Opposition a apporté - parce que, naturellement, je
sais que c'est son rôle d'essayer de prouver que cette loi ne veut pas
dire grand-chose -nous, nous croyons que c'est un grand commencement. En tout
cas, c'est le premier commencement au Québec, c'est déjà
quelque chose. Je voulais vous demander: Tout le système de la loi est
axé sur des cours de formation et aussi sur la réglementation.
Elle va être appuyée par des codes de bonnes pratiques qui ont
déjà été établis avec une association,
depuis deux ans. Ils sont presque conclus avec une deuxième grosse
association commerciale. Il va y en avoir dans presque tous les secteurs. C'est
dans ces codes de bonnes pratiques que nous voudrions, nous, mettre l'accent
sur le remplacement graduel et rationnel des produits chimiques, sur une lutte
intégrée qui va considérer les pesticides en dernier
ressort et chercher les moyens naturels comme premier élément.
Est-ce que vous ne pensez pas que ce travail n'est pas aussi valable, et
même plus valable, fait en dehors d'un cadre strictement
législatif? Est-ce que ce n'est pas plus sain, au lieu d'imposer par des
articles de loi - il faut commencer quelque part - d'avoir des codes de bonnes
pratiques à la suite d'ententes avec les gens du milieu même, les
intervenants? Ceux-ci, de leur plein gré, après
négociations avec les ministères, vont siqner des codes de bonnes
pratiques. C'est cela le sens de notre loi, il ne faut pas l'oublier.
Le Président (M. Saint-Roch): M.
Lafond.
M. Lafond: Nous avons vu, M. le ministre, évidemment,
toute l'importance qu'on attachait à l'éducation. Je pense bien
que c'est très important, et c'est le péché mortel... Nous
possédions une ferme avec un étang de truites. Mon voisin, qui
arrosait son maïs, avait bien arrosé son mais, selon la
prescription, mais le reste de la boîte -permettez-moi l'expression - il
l'avait foutu dans mon ruisseau à truites. C'était du Furadan,
quelque chose de tout à fait toxique. Cela n'a pas été
fait avec de la mauvaise volonté, mais on n'a pas mangé de truite
pendant un bout de temps! Je pense que cela illustre parfaitement bien ce point
de vue là. D'autre part, nous nous permettions d'exprimer une petite
inquiétude de ce côté-là. Nous voulions, non pas
nous assurer, mais être sûrs aussi que ceci... Ce que nous
craignons, c'est que ce soit un instrument pour limiter l'usage des pesticides
et qu'on dise: Vous, monsieur, voua n'êtes pas assez compétent.
Dans ce domaine, je pense bien que n'importe qui d'entre nous est capable de
préparer des questions d'examen qui demanderaient au moins un doctorat
en biochimie. C'est tellement complexe. Nous appuyons certainement, et
l'exemple que je viens de vous citer, nous l'avons vécu, je l'ai
vécu personnellement. En même temps, nous voulions être
sûrs d'attirer l'attention sur le fait que c'est un jeu qui peut se jouer
de deux façons. Cela peut nuire à un usage rationnel des
pesticides. C'était notre point de vue là-dessus.
M. Lincoln: En terminant, je voudrais vous féliciter pour
votre mémoire et votre présentation. Cela a été
très stimulant de
vous écouter et d'entendre vos réponses. J'espère
qu'on va travailler de près avec vous dans l'avenir, parce que tout ce
que nous recherchons nous-mêmes, les objectifs que vous recherchez pour
une nature écologique, nous aussi, nous les recherchons et,
naturellement, c'est la vocation même du ministère. On est
très heureux que vous soyez ici aujourd'hui. On vous remercie
d'être venus, vous et vos collègues.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre. M. le
député de Terrebonne.
M. Blais: Je tiens à vous remercier aussi, M. Lafond. Je
suis très heureux que vous soyez là. J'espère qu'on va
retenir le sens français de sylviculteur et sylviculture que vous nous
suggérez dans te prochain projet de loi. Votre présence a
été pour moi réconfortante. Je vois qu'il y a des gens qui
travaillent pour que la forêt vive au Québec. Merci beaucoup
d'être là.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci. À l'ordre,
maintenant!
Je demanderais maintenant au groupe Nature-Action de prendre place, s'il
vous plaît!
Je demanderais maintenant au porte-parole du groupe Nature-Action de
s'identifier et de nous présenter les gens qui l'accompagnent.
Nature-Action
Mme Smeesters (Édith): Bonjour, M. le Président, M.
le ministre. Je me présente, Édith Smeesters, biologiste, du
groupe Nature-Action. À ma gauche, Mme Eva Waldron, également
biologiste, du groupe Nature-Action et, à ma droite, M. Patrick
Lavallée, étudiant en droit; à côté de
Patrick, Léone Robert, secrétaire de profession et membre du
groupe Nature-Action.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, Mme la
présidente. Nous allons procéder à la lecture de votre
mémoire.
Mme Smeesters: Merci, M. le Président. D'abord, j'aimerais
mentionner que je ne suis pas présidente du groupe Nature-Action. Le
groupe Nature-Action, c'est un groupe assez informel constitué de
citoyens de la ville de Saint-Bruno-de-Montarville, en banlieue de
Montréal. C'est un groupe informel, parce que c'est un groupe de
citoyens de la ville de divers paliers, de diverses formations, qui se sont
réunis, des biologistes, des chimistes, des médecins, des
secrétaires, des techniciens, des étudiants.
Dernièremement, un pépiniériste s'est joint à nous.
La raison pour laquelle nous nous sommes regroupés, c'est que nous
étions tous des gens qui avions une conscience environnementale assez
aiguë, mais la goutte qui a fait déborder le vase, disons, c'est la
popularité croissante de l'épandage des pesticides en milieu
urbain et les abus que cela entraîne. Nous avons formé un groupe
non seulement pour protester contre les atteintes à notre droit à
un environnement sain, mais aussi pour sensibiliser nos concitoyens et leur
montrer des solutions possibles qui pourraient remplacer les pesticides. En
fait, la plupart d'entre nous qui sommes venus habiter en banlieue, comme la
plupart des habitants de banlieue, on cherche à avoir un air plus pur et
à vivre dans un environnement sain. C'est justement pour cela que nous
avons réagi contre l'épandage de pesticides vraiment abusif qui
se fait dans les banlieues aujourd'hui et qui va à l'encontre des
critères de qualité de vie.
Si on regarde, grosso modo, au Québec et sur la terre en
général, on s'aperçoit que les pesticides se
répandent de plus en plus dans toutes les zones de l'activité
humaine, que ce soit en agriculture, en sylviculture ou en milieu urbain. Cela
a d'ailleurs été très bien exposé dans le document
de travail présenté par le ministère de l'Environnement.
Cela cause des problèmes environnementaux et des problèmes de
santé évidents. On parle même actuellement non plus de
pluies acides mais de pluies toxiques à cause des particules qui sont
transportées dans l'air de tous les produits qui sont répandus
dans notre environnement.
Si on veut regarder vers l'avenir d'une façon un peu optimiste,
il ne faut pas regarder seulement le rendement immédiat des pesticides,
mais aussi voir les effets et les conséquences à long terme pour
les générations futures. S'il n'y a pas d'intervention
énergique dans ce domaine, nous risquons de provoquer, par notre
négligence, l'empoisonnement de plusieurs espèces vivantes et
même de l'homme. Le Québec, croyons-nous, pourrait jouer un
rôle de précurseur dans le domaine de l'agriculture et de la
sylviculture et dans la gestion des pesticides et des parasites.
Pour exposer notre démarche, nous allons d'abord revenir à
la problématique des pesticides en milieu urbain qui est notre
préoccupation principale. Ensuite, nous aborderons un peu le
problème des pesticides en milieu agricole et sylvicole et, finalement,
la classification des pesticides qui, à notre avis, est
inadéquate. On résumera ensuite un peu nos recommandations.
Les pesticides en milieu urbain sont donc notre préoccupation
principale parce que nous vivons dans une banlieue et, lorsque nous avons lu le
document de travail, nous avons été un peu inquiets de voir que
l'impact était tellement mis sur l'importance des pesticides en milieu
agricole. C'est évident que c'est en milieu agricole que sont
utilisés le plus de pesticides en quantité totale, mais
nous avons lu des publications américaines, entre autres, une
publication qui est basée sur une étude effectuée par
I'"Environment Protection Agency" qui date de 1972 et qui met en
évidence que les pelouses de banlieue reçoivent des applications
de pesticides plus élevées à l'acre que toute autre terre
aux États-Unis. Cela date de 1972. Le phénomène est
peut-être apparu un peu plus tard au Canada, mais cela fait quinze ans et
nous pensons qu'avec la popularité croissante des entreprises
spécialisées dans les services d'épandage sur les pelouses
et les arbres, qui est de 25 % par année, ce phénomène n'a
certainement pas diminué. Dans le document de travail, on parle aussi de
la qualité de l'air en milieu urbain qui, paraît-il, n'est pas
très inquiétante. Ces affirmations datent de 1971 et 1972 et je
peux vous assurer que, vivant en banlieue, sans avoir d'appareils d'analyse,
notre odorat sent une qualité d'air qui n'est peut-être pas tout
à fait idéale.
L'usage exagéré des pesticides en milieu urbain cause,
d'après nous, des problèmes majeurs aujourd'hui parce que,
justement, cela s'en va de plus en plus à cause de la popularité
croissante de l'épandage commercial et c'est particulièrement
dangereux en ville à cause de la densité de la population et de
la négligence des utilisateurs. Nous pensons qu'il y a vraiment des
problèmes sérieux de liberté individuelle. Les gens ont
leur terrain et leurs habitations très serrées. Celui qui utilise
un pesticide incommode nécessairement son voisin et cela présente
aussi des problèmes de sécurité et de santé
publiques. Lorsqu'un propriétaire fait traiter son terrain par une
compagnie, par exemple, la plupart du temps, il n'est pas averti de la sorte de
pesticide que l'épandeur utilise. Il est encore moins prévenu des
dangers que cela représente pour sa santé. Les voisins, bien
entendu, ne sont pas avertis non plus. Les enfants du voisinage qui se
promènent librement d'un terrain à l'autre courent un danger, les
animaux domestiques également. Il peut évidemment y avoir
contamination des haies mitoyennes. Je pense que c'est rarissime qu'un
propriétaire de terrain demande à son voisin la permission
d'arroser la haie mitoyenne. Il y a contamination des terrains voisins avec
tout ce qu'il y a dessus, que cela soit la piscine, le carré de sable,
les jouets, etc. Nous avons plusieurs exemples à vous citer. Des gens
nous ont appelés l'année dernière et l'année
d'avant parce qu'un épandeur venait asperger un érable
argenté qui, soit dit entre nous, n'a pas besoin d'être
arrosé. C'est tellement grand un érable argenté que, quand
on arrose à 30 pieds de haut, cela s'en va dans un bon rayon dans tout
le voisinage et cela cause des inconvénients, même si on n'est pas
sous l'arbre. On a des cas, par exemple, où des épandeurs
venaient avec un masque arroser et des enfants se trouvaient à moins de
dix pieds dans la piscine à côté; eux n'avaient pas de
masque et tout s'en allait dans la piscine. (11 h 15)
À Saint-Bruno, nous avons aussi un problème qui est
peut-être particulier a Saint-Bruno et à d'autres villes
possédant des vergers. Saint-Bruno est une ville qui s'est
développée sur une montérégienne, qui est un
environnement favorable pour les pommiers. À Saint-Bruno, les
entrepreneurs, comme on dit, les développeurs, ont gardé les
pommiers en place et des rues entières sont dans des vergers. Si on se
réfère au document de travail, au chapitre 3, on
s'aperçoit que dans certains états américains, comme la
Californie, il y a une réglementation concernant les vergers,
c'est-à-dire que pour plusieurs pesticides on exige un temps de
réintégration avant de rentrer dans le verqer.
Avec les épandeurs qui travaillaient à Saint-Bruno nous
avons vérifié quels pesticides ils utilisaient et nous en avons
retrouvé plusieurs qui étaient dans la liste de la Californie par
exemple, et les délais de réintégration peuvent aller de
un à "50 jours. Il est évident qu'en milieu urbain on ne peut pas
expulser les gens de leur propriété, même durant une
journée. Par contre, est-ce qu'il est normal de vivre dans un
environnement aussi toxique avec des femmes enceintes, des enfants, des
vieillards, des populations éventuellement allergiques ou
spécialement sensibles, une ville constituée d'une population
hétérogène? Nous pensons que c'est vraiment un danger
important.
Nous croyons que l'épandage des pesticides en milieu urbain va a
l'encontre du bon sens le plus élémentaire lorsqu'on
connaît l'impact de ces produits sur la santé et l'environnement,
comme cela a été très bien décrit dans les
chapitres 2 et 3 du document de travail. Tout cela, finalement, c'est une
question de publicité. Les citadins sont persuadés que les
pissenlits sont un fléau, que tous les insectes sont nuisibles alors que
finalement il y a 99,9 % des insectes qui sont utiles et que les pissenlits, en
somme, sont des plantes médicinales. Je pense que, si on injectait
autant d'arqent dans la publicité pour le bienfait du pissenlit sur la
terre, on pourrait arriver à en faire quasiment une idole pour les gens.
Tout cela, c'est une question de publicité finalement.
Nous croyons que les citoyens ont besoin d'en savoir davantage. Que
diraient les citoyens s'ils connaissaient tous les risques que le
ministère de l'Environnement a tellement bien exposés dans les
chapitres 2 et 3? S'ils savaient, par exemple, que la toxicité seulement
de 10 % des pesticides a été l'objet d'investigation
complète, que chaque année des pesticides sont retirés
du
marché parce qu'on vient de découvrir un risque majeur,
que les commerçants ont encore le droit d'écouler des pesticides
prohibés, comme le chlordane, par exemple. On nous a cité le cas
d'un produit qui est utilisé par une firme à Saint-Bruno et qui
s'appelle le HCH que je n'ai pas retrouvé dans les pesticides
recommandés par le ministère de l'Agriculture. Le HCH, c'est
l'hexachlorocyclohexane. C'est un orga-nochloré et ta personne l'a
vaporisé sur un terrain. La personne qui habite à
côté est un chimiste qui a travaillé en Allemagne dans une
usine de DDT. Quand le produit a été vaporisé, il a dit:
C'est l'odeur du DDT, j'en suis sûr. Il a demandé au jeune
garçon qui vaporisait et ce jeune garçon, étudiant en
chimie, a dit: Ce n'est pas du DDT. C'est un organochloré et il lui a
donné le nom et tout cela. Après, on est allé
vérifier dans les livres de toxicologie et l'hexachlorocyclohexane a
été interdit aux États-Unis déjà dans les
années soixante-dix. Donc, la compagnie se débarrassait tout
simplement d'un produit interdit aux États-Unis et peut-être
même interdit au Canada puisque nous n'avons pas pu le trouver sur les
listes du ministère de l'Agriculture.
C'est toutes sortes d'abus comme cela contre lesquels nous nous
dressons. Nous pensons que le public doit avoir une bonne information, qu'il
doit être prévenu des dangers qu'il court et qu'il fait subir
à son voisinage. Il doit savoir qu'il y a d'autres méthodes de
jardinage, qu'il y a des espèces résistantes aux maladies,
à notre climat, etc. Nous sommes persuadés ou nous croyons qu'il
est possible que les compagnies d'épandage agissent de très bonne
foi. Nous avons interrogé plusieurs applicateurs et nous leur avons
parlé des produits qu'ils utilisaient. La plupart d'entre eux
étaient persuadés qu'ils utilisaient des produits très
sécuritaires parce que recommandés par le ministère de
l'Agriculture.
Finalement, ces gens - c'est peut-être de l'inconscience ou de la
mauvaise information qu'ils reçoivent - l'un d'entre eux nous a dit: Mon
propre fils utilise ces produits et, si c'était dangereux, c'est
évident qu'il ne les utiliserait pas. Nous croyons que cet homme est
très mal informé quand on voit justement tout ce qui peut arriver
à la santé tel que vous l'avez décrit dans le chapitre 3.
Nous pensons cependant, nous ne voulons pas faire de tort à ces
compagnies, nous ne voulons pas les éliminer du marché - que les
compagnies d'épandage comme les détaillants en pesticides peuvent
fournir d'excellents services aux consommateurs dans la mesure où, avec
une bonne formation, ils peuvent donner des conseils judicieux à la
population, ils pourraient faire de l'épandage d'engrais organiques, de
préférence, ce qui ferait recycler des déchets organiques
et, en dernier recours, faire de l'application de pesticides inoffensifs pour
l'homme.
J'aimerais parler un petit peu des pesticides en agriculture, parce que,
même si nous sommes citadins, nous avons conscience que c'est un
problème majeur et que, justement, c'est là que sont
utilisées les plus grandes quantités. L'énoncé qui
a été fait sur les avantages économiques de l'utilisation
de pesticides au chapitre 4, page 2, nous semble assez discutable. On compare,
par exemple, un champ d'oignons ou de rutabagas avec ou sans pesticide. On dit:
Dans un champ non traité, on n'a que 60 % ou 100 % de perte. C'est un
peu simpliste de discuter comme cela, parce que cela ne comprend pas les
méthodes qu'on aurait pu appliquer pour prévenir l'utilisation
des pesticides, comme, par exemple, les rotations, l'amélioration des
sols, les taillis, toutes ces méthodes d'agriculture biologique qui sont
connues, qui sont peut-être balbutiantes, mais qui sont connues.
L'agriculture biologique, ce n'est pas le non-usage des pesticides,
c'est une autre gestion de terres aqricoles. Alors, quand on fait
l'évaluation des coûts sociaux et environnementaux de
l'utilisation des pesticides et qu'on dit que c'est encore rentable à 3
pour 1, malgré les morts et les effets sur l'environnement, cela a l'air
de ne pas avoir beaucoup d'importance. On ne tient pas compte non plus des
coûts environnementaux d'une mauvaise gestion des terres agricoles qui
entraîne par le fait même l'utilisation des pesticides dont on
n'aurait pas eu besoin, qui entraînent l'érosion de tonnes de
terres arables, comme cela se passe dans les monocultures où le sol est
laissé éqalement à nu avec l'usage exclusif d'engrais
chimiques qui épuisent le sol arable et qui exposent le sol à la
dégradation. Les engrais organiques qu'on aurait pu utiliser et qui
actuellement sont jetés la plupart du temps dans les rivières ou
les dépotoirs amènent aussi la pollution des cours d'eau dans
tout cela, il y a des coûts environnementaux qui n'ont pas
été calculés dans cette évaluation qui vient des
États-Unis.
La gestion de nos terres aqricoles comprend bien plus que la
non-utilisation des pesticides. Elle comprend un ensemble de méthodes
culturales, physiques, biologiques, qui permet d'éliminer, de
réduire de beaucoup l'utilisation des pesticides. Il y a encore beaucoup
de recherches à faire dans ce domaine, mais il y a déjà
des possibilités.
En ce qui concerne la classification des pesticides, le document de
travail fait référence à la classification d'Agriculture
Canada et nous avons compris que le ministère de l'Environnement compte
se baser sur la classification d'Agriculture Canada. Nous avons
interrogé des fonctionnaires de ce ministère et nous avons
compris que la classification est faite en fonction de l'usage et est
basée principalement sur une question de concentration. Un produit peut
se retrouver à la fois en classe domestique et commerciale. Il suffit de
le diluer 10 ou 100 fois plus. Par contre, si on regarde les critères
d'Agriculture Canada concernant les pesticides, par exemple, en classe toxique,
il y a ici une recommandation qui dit: Tous les produits qui sont en classe
domestique doivent satisfaire aux critères suivants: dose létale
tant par miligramme et patati et patata. Ensuite, on voit ici en c): aucune
précaution spéciale ou aucun équipement requis contre les
dangers d'inhalation pour un pesticide domestique. Je connais bien des
pesticides domestiques qui sont sur les tablettes de tous les magasins et pour
lesquels il est recommandé de porter des équipements protecteurs.
Déjà, je trouve que ce n'est pas très cohérent dans
cette classification. Ce n'est pas appliqué tel quel. Les produits de la
classe domestique et les contenants, on peut s'en débarrasser d'une
façon sécuritaire en les mettant simplement è la poubelle.
Cela aussi, ce n'est pas très logique. Je traduis de l'anglais ici.
Malheureusement, j'ai eu la copie en anglais. C'est pour cela qu'il m'est
difficile de lire le texte exact.
Nous croyons donc que cette classification qui est basée
principalement pur la toxicité aiguë élimine ou du moins met
de côté les effets à long terme qui apparaissent comme les
effets mutagènes ou cancérigènes. C'est d'ailleurs
pourquoi, après plusieurs années d'utilisation, il y a des
produits qui étaient en classe domestique et qui tout à coup se
retrouvent en classe 1 ou sont même prohibés. En plus, on est
encore capable de les trouver chez tous les détaillants, parce que les
commerçants ont le droit d'écouler leur stock. C'est tout
à fait aberrant.
Nous pensons que tous les pesticides qui comportent un risque à
court et à long terme et qui sont connus ou suspectés
d'être nuisibles à la santé ne devraient pas être
disponibles chez les détaillants et ne devraient pas être
considérés comme des produits domestiques. Les produits de la
classe 1 devraient être bannis au Québec. Ce sont pour la plupart
des organochlorés contre lesquels tous les insectes sont devenus
résistants. Nous ne voyons vraiment pas l'utilité de ces
produits. C'est un gaspillage.
Quant aux produits de classe 5, qui sont des produits soi-disant
inoffensifs, nous avons certaines réserves à ce sujet. Même
les pesticides biologiques, comme le disait très bien monsieur tout
à l'heure, sont des pesticides; cela tue les êtres vivants. S'ils
sont utilisés à grande échelle, dans toute la province,
cela représente un danger pour l'environnement. Si on tue toutes les
chenilles à l'échelle de la province, il y a des oiseaux qui
auront faim. Il y a aussi les pesticides biologiques comme la roténone,
par exemple, qu'il n'est pas recommandé d'avaler. Les pesticides
biologiques ont une toxicité réduite, mais nous pensons que tous
les utilisateurs devraient recevoir une formation, même pour ces
pesticides de la classe 5. Ce n'est pas de l'huile pour bébé, ce
ne sont pas des produits inoffensifs. Il faut avoir une formation.
L'utilisateur domestique, il est bien évident que.. On ne peut
pas faire passer le test et les examens è tous les citoyens du
Québec. Cependant, nous pensons que l'utilisateur domestique devrait
être l'objet d'une campagne de sensibilisation, comme nous l'avons
d'ailleurs déjà dit. Il constitue un des utilisateurs les plus
dangereux quelquefois, parce que, étant donné que c'est souvent
pour protéger ses propres biens, son zèle peut l'amener à
utiliser des quantités beaucoup plus fortes. Il arrive bien souvent que
les utilisateurs domestiques mettent deux ou trois fois la dose pour être
bien sûrs de tuer l'animal en question et, souvent, ils produisent
l'effet contraire ou ils produisent bien pire. Nous croyons qu'on est capable
d'éduquer la population en général et on s'aperçoit
que la population répond très bien à des invitations
sensées comme la campagne anti-tabac, la campagne contre l'alcool au
volant, etc.
J'aimerais brièvement faire quelques commentaires sur
l'avant-projet de loi. Est-ce que j'ai le temps? Est-ce que je peux continuer
encore un peu?
Le Président (M. Saint-Roch): Oui, allez-y, madame.
Mme Smeesters: Bon. Grosso modo, voici nos commentaires sur
l'avant-projet de loi. Nous étions un peu inquiets, justement, à
propos de l'article 9, quand on dit que l'utilisateur domestique n'a pas besoin
de permis lorsqu'il l'utilise sur ses biens. Nous sommes tout à fait
d'accord avec cela, à la condition qu'on définisse bien ce que
veut dire "sur ses biens" et que le consommateur, le citoyen, sache qu'il n'a
pas le droit de dépasser les limites de son terrain.
Quant aux personnes qui utilisent de façon exceptionnelle les
pesticides, nous n'avons pas compris à quoi se réfère
cette catégorie exceptionnelle. On ne peut pas vendre quelque chose sans
faire de commerce.
L'article 9,3° , et autres articles qui parlent des agriculteurs et
des sylviculteurs. Nous pensons que, même s'ils font partie d'une
catégorie séparée, il est évident que les
agriculteurs et les sylviculteurs devraient être soumis à la loi
étant donné les quantités de pesticides qu'ils
utilisent.
À l'article 30,2° , concernant les
grossistes, nous pensons qu'ils devraient avoir une compétence
minimale tout au moins, étant donné les grandes quantités
de substances toxiques qu'ils manipulent. Chez un grossiste, à
Bâle, il est arrivé un accident dont on a parlé
beaucoup.
On parle, à l'article 30.4°, de supervision immédiate.
Par exemple, on dit que, dans une compagnie, il suffit qu'une personne ait un
certificat et que les autres soient sous sa supervision. Qu'est-ce que c'est,
la "supervision immédiate"? Est-ce que cela demande une présence
ou s'il suffit d'avoir l'emblème de la compagnie sur son uniforme?
À l'article 67 et autres articles, on parle des méthodes,
normes et procédés généralement reconnus. Nous
pensons que ce sont des termes très vagues qui prêtent à
confusion et qui ne devraient pas être dans un texte de loi. Il faudrait
définir par règlement, avant de commencer la formation des
intervenants, quelles sont les normes. Comment voulez-vous donner des cours
à une population, à une catégorie donnée
d'applicateurs en leur parlant des méthodes, normes et
procédés généralement reconnus? C'est très
subjectif.
Au niveau des injonctions, on parle de faire intervenir le Procureur
général. Cela nous semble une procédure très
lourde. Le pauvre Procureur général sera dérangé
très souvent. Nous pensons que la police municipale devrait
éventuellement être habilitée à pouvoir juger des
cas qui découlent de l'évidence même. À Saint-Bruno,
par exemple, la ville a adopté un règlement pour interdire de
faire des feux. C'est une directive, paraît-il, du ministère de
l'Environnement, mais c'est la police municipale qui applique la loi. Pourquoi
la police municipale ne pourrait-elle pas intervenir lorsqu'un particulier ou
un épandeur dépasse les limites d'un terrain, lorsqu'on vide un
réservoir dans un égout, comme nous l'avons vu de nos propres
yeux, lorsqu'on fait de l'arrosage par temps venteux? Nous pensons que la
police municipale devrait avoir une certaine possibilité d'agir ou, du
moins, qu'il y ait des spécialistes dans les municipalités. (11 h
30)
Je vais abréger un peu. Finalement, nous pensons que c'est
surtout à l'article 100,6°, où on parle de tous les
règlements que peut faire le ministère de l'Environnement. Cet
article pourrait contenir un livre à lui tout seul, avec tous les
règlements qu'on pourrait élaborer à ce sujet. À
notre avis, c'est le point le plus important à développer.
Pour terminer, nous remercions le ministère de l'Environnement de
nous avoir donné l'occasion d'exprimer notre avis. Nous espérons
que la loi sera améliorée de plusieurs règlements pour la
rendre plus efficace. Nous pensons que c'est très bon de mettre l'impact
sur l'éducation, mais, outre cela, il faudrait vraiment faire une
sélection plus sévère des pesticides mis en marché
et une classification plus adéquate. Nous pensons qu'il faut faire un
contrôle de l'utilisation des pesticides, tant en milieu urbain, en
milieu agricole qu'en milieu forestier, par des normes très strictes et
une surveillance convenable. Je vous remercie, M. le Président et M. le
ministre.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, Mme
Smeesters. M. le ministre.
M. Lincoln: Mme Smeesters, je vous remercie, ainsi que votre
organisation, d'être venues ici aujourd'hui. La raison pour laquelle nous
avons pensé vous inviter, c'est que vous étiez une organisation
très importante dans le cycle de toute la question de lutte contre les
pesticides. Vous représentez un milieu urbain, vous êtes un groupe
de citoyens réunis de façon informelle représentant
réellement les vues très typiques du milieu urbain qui lutte
aujourd'hui contre les choses que vous avez décrites avec beaucoup
d'éloquence. Tout ce que vous avez dit sur la question philosophique par
rapport è la lutte intégrée contre les pesticides, je ne
peux qu'être à 100 % d'accord avec vous. Je pense que durant
toutes ces audiences, jusqu'ici, cela a été le fil conducteur.
Pratiquement tous les intervenants ont dit: Les pesticides devraient être
le dernier moyen, le moyen ultime seulement. Il ne faut pas s'en servir comme
moyen premier. C'est le sens de la loi. La loi est purement une première
étape. On ne dit pas que cela va résoudre tous les
problèmes immenses qu'on a toujours eus. Une loi ne le fera jamais.
Mais, au moins, c'est un commencement, une première étape et
c'est surtout un geste symbolique du gouvernement qui veut montrer de quel
côté il se branche là-dessus. La loi a été
axée sur les recommandations de 1980 du Conseil consultatif de
l'environnement. Cela a été dans le sens de dire: On va commencer
par l'éducation et la formation.
Pour répondre à des questions plus spécifiques de
votre part, pour ce qui est de l'homologation des pesticides, pour ce qui est
de la classification... Dans votre mémoire, je pense que c'est à
la page... Vous parliez du ministère de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation du Québec, quelque part, qui avait
autorisé les pesticides. Je pense qu'il y a peut-être un
malentendu là. C'est: "Les critères du MAPAQ ne nous paraissent
cependant pas assez stricts, surtout en milieu urbain." On parlait du
ministère de l'Agriculture fédéral. Ce qui arrive dans la
loi fédérale antiparasitaire, c'est que le ministère de
l'Agriculture fédéral a la responsabilité de faire
l'homologation des
pesticides. Pour ma part, je ne pense pas que ce soit la chose
idéale, mais c'est comme cela dans la loi fédérale. Je
pense qu'une grosse partie du travail doit se faire au niveau
fédéral parce que le fédéral est responsable de
l'homologation, de la mise en marché des pesticides, de l'importation
des pesticides, du contrôle des homologations temporaires et de la
réévaluation des homologations. C'est son travail. C'est le
travail clé qui se fait.
Ce que nous avons fait avec les provinces, c'est que nous avons eu une
rencontre le mois dernier où toutes les provinces canadiennes ont
demandé à rencontrer non seulement le ministre responsable de la
loi des antiparasitaires, le ministère de l'Agriculture, mais les trois
ministres clés, selon nous, qui devraient travailler en trio sur le
sujet, soit le ministre de l'Environnement fédéral et le ministre
de la Santé fédéral. C'est la première fois que ces
trois ministres, croyez-le ou non, ont pu se rencontrer - en fait, ils l'ont
admis eux-mêmes - pour parler ensemble des pesticides. Là, toutes
les provinces étaient représentées. Celles-ci ont
demandé que nous soyons informés et impliqués beaucoup
plus activement dans le processus d'homologation. Deuxièmement, que
toute la question des pesticides déjà homologués soit
réévaluée complètement par le
fédéral, qu'il y ait une réévaluation active qui se
fasse. Troisièmement, qu'il y ait une implication tout à fait
suivie de toute la question de la classification des pesticides.
Sur toutes les questions que vous avez apportées et qui ont trait
au fédéral, le fédéral a maintenant accepté
que les deux autres ministres qui sont concernés au premier niveau, le
ministre de l'Environnement et le ministre de la Santé, soient
impliqués avec le ministre de l'Agriculture avant une homologation. On
sait maintenant qu'à cause de tous les dangers que vous citez, surtout
en milieu urbain, il faudra une homologation beaucoup plus stricte de la part
du fédéral avant que les produits ne sortent. Tout ce que je peux
vous dire, c'est que nous travaillons de façon très active au
niveau du conseil canadien des ministres de l'Environnement qui l'ont
considéré comme un élément prioritaire. Au lieu de
travailler en vase clos, le Québec seul, ce sont les dix provinces qui
mettent ensemble de la pression sur le fédéral pour que cela se
fasse. C'est un peu plus que vous avez fait pendant les dix ans que vous
étiez là!
M. Blais: Au moins, nous écoutons. Nous ne lisons pas les
journaux, nous autres!
M. Lincoln: C'est cela. En passant, pendant qu'ils rigolaient,
c'est nous qui avons au moins eu le courage de présenter une loi sur les
pesticides après toutes ces années.
Cette loi, je le sais, n'est pas complète mais je peux vous
assurer d'abord que les sylviculteurs et les agriculteurs seront inclus, En
fait, les dispositions du deuxième alinéa de l'article 5
prévoient l'inclusion des sylviculteurs et des agriculteurs à une
date ultérieure. L'article 95 prévoit un règlement pour
ces secteurs.
La raison pour laquelle ils n'ont pas été inclus au
premier abord dans la loi, c'est que ce sont des secteurs immenses. Cela
demande beaucoup de préparation. On a déjà fait des
consultations avec les agriculteurs et le ministre de l'Agriculture pour que,
d'ici à 1990, on commence à les inclure. Des cours de formation
sont en préparation pour eux, on est en négociation avec ces
secteurs. Aujourd'hui, comme vous l'avez entendu, peut-être dans le
domaine de la sylviculture, ce sera la même chose. Il y a
déjà une entente qui a été conclue avec le
ministère délégué aux Forêts et tous ces
éléments seront pris en considération.
Plusieurs suggestions que vous avez faites sont très
intéressantes. Par exemple, la suggestion pour les grossistes. On va
certainement inclure les grossistes. On va prendre cela en considération
très positive.
Vous avez aussi parlé dans votre mémoire de toute la
question de la responsabilité d'un individu par rapport à
d'autres. Si vous avez le projet de loi devant vous, à l'article 67 de
la loi, section V...
Mme Smeesters: Ah! D'accord, oui.
M. Lincoln: ... page 16, vous verrez que nous allons transposer
une disposition. Ce ne sera peut-être pas écrit de la même
façon, mais le sens de l'article 67, section V, a trait à
l'injonction, au pouvoir d'injonction. Nous allons transférer une
section très similaire au chapitre VII, paqe 23, sous les dispositions
pénales. C'est-à-dire qu'en plus des pouvoirs d'injonction, ce
devoir de tout individu sera contenu dans le chapitre des dispositions
pénates; cela va aller beaucoup plus loin qu'une seule injonction. Nul
ne pourra émettre, déposer, etc. La preuve devra être faite
par l'individu qui ne l'aura pas faite et cela donne un pouvoir beaucoup plus
fort que seulement le pouvoir d'injonction. C'est certainement un pas en avant
dans le sens que vous indiquez.
Vous avez aussi parlé des recours possibles. On a
été aussi loin qu'on le pouvait sur la question des recours. Par
exemple, dans la Loi sur les pesticides, on aura maintenant un pouvoir
d'ordonnance, même si l'application est mal effectuée, même
si on ne peut pas prouver qu'il! y a eu des dommages. C'est dans la loi
d'aujourd'hui. Il y a, comme vous le savez, des pouvoirs d'injonction. Les
pouvoirs d'ordonnance dans la Loi sur la qualité de l'environnement
demeurent; il y a aussi un
pouvoir d'injonction dans la Loi sur la qualité de
l'environnement. Plusieurs pouvoirs sont déjà donnés dans
cette loi qui s'ajoutent à ceux qui sont déjà dans la Loi
sur la qualité de l'environnement. Nous sommes allés le plus loin
possible dans les circonstances juridiques actuelles.
Pour ce qui est de la question du règlement que vous attendez
avec impatience, je peux vous assurer que nous aussi, nous l'attendons,
aussitôt que la loi sera adoptée. Cela dépend des
étapes de la loi. S'il y a beaucoup de changements apportés
à la loi, cela pourrait la retarder. Naturellement, on veut la faire
adopter le plus tôt possible, mais cela dépend de tellement de
facteurs que cela prend pas mal de temps. Aussitôt que la loi sera
adoptée, nous espérons que d'ici à l'automne 1987, nous
aurons un règlement. Pour ce qui est de tous les cours de formation et
d'éducation, ils ne vont pas se faire comme cela. On a
déjà commencé à négocier avec tous les
intervenants du milieu, par exemple, du domaine de l'horticulture, des gazons,
des pelouses, du domaine urbain, du domaine domestique et de l'extermination.
On a négocié avec toutes ces associations des codes de bonne
pratique et des cours de formation. Les examens ne seront pas des examens
bidon...
C'est beau, quand on est dans l'Opposition, et c'est facile, surtout
quand on n'a rien fait à propos des pesticides quand on était
dans le gouvernement.
M. Blais: Je suis à la veille de vous répondre,
vous. Depuis deux jours, vous passez votre temps à me passer un couteau
à travers les côtes. Je n'ai pas dit un seul mot, mais votre
"lacrymogénie", je vais l'étouffer bientôt.
Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous
plaîtl M. le ministre.
M. Blais: Vous allez en entendre parler tantôt. Il y a des
limites à faire l'enfant en commission parlementaire. Ils ne sont pas
ici pour nous voir discuter l'un l'autre et nous voir nous pointer l'un
l'autre. Vous êtes ici pour répondre aux questions et
répondre au mémoire que ces gens ont apporté.
Arrêtez de pointer l'Opposition, parce que vous allez payer pour cela.
Moi aussi, je suis capable de vous parler. J'ai le verbe qu'il faut, j'ai la
compétence qu'il faut et je vous sens trembler dans vos culottes quand
je vous parle de même.
Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Lincoln: J'ai tremblé dans mes culottes, c'est bien
vrai.
M. Blais: Merci, je le savais que c'était vrai.
M. Lincoln: C'est quelqu'un qui me fait trembler dans mes
culottes.
Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous
plaît! M. le ministre, si vous voulez poursuivre, s'il vous
plaît!
M. Blais: II y a des limites à rire du monde.
M. Lincoln: Je me demandais qui riait de qui.
M. Blais: Faites votre exposé et gardez vos commentaires
pour vous! Cela va,là?
Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Lincoln: Écoutez, un petit peu de politesse, s'il vous
plaît!
M. Blais: C'est ce que je vous demande depuis deux jours, je ne
vous ai rien dit. J'ai été d'une politesse excessive. Vous avez
insulté des journalistes et vous m'avez insulté, depuis que vous
êtes là, et je n'ai jamais levé le ton.
Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Blais: Commencez par avoir un peu de bienséance et de
respect pour l'Opposition et pour les qens qui viennent nous visiter;
après, on en aura pour vous, si nécessaire.
Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous
plaît! Je demanderais, à ce moment-ci, la collaboration des deux
côtés...
M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président.
Le Président (M. Saint-Roch): ...pour assurer la bonne
marche de nos travaux. M. le ministre.
M. Lincoln: M. le Président, je pense qu'ici vous
êtes le président. S'il y avait eu des insultes de ma part ou si
j'avais insulté mon collègue de l'Opposition, vous seriez
intervenu...
M. Blais: M. le Président, vous venez de dire que les deux
côtés doivent se taire. Faites taire le ministre, je vous en
supplie.
M. Lincoln: J'ai le droit, en commission parlementaire...
M. Blais: II nous a dit de ne pas passer de commentaires et vous
en passez.
Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Lincoln: ...de vous adresser la parole. C'est lui qui m'a dit
que j'ai insulté et que j'étais mal élevé. Si je
l'avais été, je pense que, comme président, vous seriez
intervenu. Je ne veux pas me faire crier dessus par le critique de l'Opposition
ou n'importe qui. C'est lui qui a fait du théâtre pendant que je
parlais à ces gens. C'est lui qui a interrompu depuis le début et
c'est pourquoi je lui ai demandé...
M. Blais: Voulez-vous lui demander de revenir à la
pertinence du sujet?
Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Lincoln: Je retournerai à la pertinence du sujet quand
il s'assiéra et restera tranquille, c'est tout.
Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Lincoln: Je m'excuse, madame.
Le Président (M. Saint-Roch): Je demanderais la
collaboration des deux côtés. M. le ministre, s'il vous
plaît!
Une voix: ...
M. Lincoln: Oui.
Le Président (M. Saint-Roch): Mme Smeesters.
Mme Smeesters: Concernant les injonctions, justement, est-ce que
vous pensez pouvoir déléguer assez rapidement des pouvoirs aux
municipalités pour que de façon pratico-pratique les citoyens
puissent faire arrêter les abus qu'on connaît actuellement? Si on
s'adresse à la police municipale, aujourd'hui, au maire ou à
n'importe quel fonctionnaire municipal, ils nous disent: On n'a aucun pouvoir;
on attend les directives du ministère de l'Environnement.
M. Lincoln: C'est exactement le cas. Ce qui est arrivé,
madame, c'est que nous aurions préféré, dans ce projet de
loi, inclure une disposition, comme dans la loi sur les non-fumeurs, qui aurait
habilité les municipalités à adopter des règlements
locaux, si elles le veulent. Aujourd'hui, il y a cprtaines
municipalités, par exemple, Dollard-des-Ormeaux, qui ont adopté
des règlements municipaux, mais il n'est pas trop sûr que ces
règlements soient valides, d'après la Loi sur les cités et
villes. Nous aurions préféré, nous, dire aux
municipalités: Vous pouvez passer des règlements. Mais, dans
toutes ces questions, naturellement, il faut consulter le monde municipal
lui-même. Nous ne pouvons pas imposer des charges et des
responsabilités au monde municipal, parce que cela implique pas mal
d'argent de sa part, cela implique des taxes pour les citoyens. Le monde
municipal nous a demandé d'attendre la commission parlementaire. La
question a été suggérée, elle a été
amenée sur le tapis. L'Union des municipalités du Québec
et les représentants municipaux ont dit: On n'est pas pour, on n'est pas
contre, mais, pour le moment, ne mettez pas cela dans la loi. On va attendre le
déroulement, on va attendre que les négociations se fassent.
J'espère que, petit à petit, cela va arriver. C'est toujours la
question lorsque vous imposez des responsabilités. Cela implique des
taxes, cela implique de l'argent, cela implique des policiers, des inspecteurs,
etc.
Pour le moment, ce pouvoir habilitant n'est pas dans la loi. Si, par
exemple, il y avait une infraction aujourd'hui, le ministère
habiliterait certains inspecteurs, un petit groupe d'inspecteurs pour commencer
parce qu'on aura un budget de quelques millions de dollars pour les cinq
prochaines années à consacrer dans le domaine des pesticides. Ce
n'est pas énorme, mais, enfin, ce sera déjà pas mal pour
commencer; on va consacrer un peu plus de 1 000 000 $ par année. On aura
certains inspecteurs. Le groupe va augmenter, mais je ne peux pas vous dire
qu'on aura des inspecteurs dans tout le Québec qui vont pouvoir tout
contrôler. À un moment donné, il faudra qu'il y ait un
accord quelconque avec le système municipal pour contrôler cela.
Présentement, c'est en négociation. (11 h 45)
Ce sont des charges additionnelles qu'on ne peut pas donner comme
ça aux municipalités. Il faut le faire avec leur accord. On va
attendre que la commission parlementaire se termine. Par exemple, les
représentants de l'Union des municipalités régionales de
comté viendront ici, ils vont nous donner leur son de cloche et on va
négocier avec les mouvements municipaux, les deux regroupements d'unions
municipales et aussi le ministère des Affaires municipales pour voir
où on s'en va. C'est possible que ce pouvoir soit inclus dans la loi. Je
ne peux pas vous le dire d'une façon certaine aujourd'hui.
Mme Smeesters: Pour l'été prochain, s'il y a
vraiment des abus contre lesquels nous voulons nous dresser, faudra-t-il
s'adresser au ministère de l'Environnement?
M. Lincoln: Vous pouvez toujours aller voir votre policier local
parce qu'il aura le pouvoir, comme je vous le dis, dans la section
pénale de la loi: Nul ne peut
émettre, etc. Mais c'est très possible aussi que la police
vous dise: Écoutez, concernant les pesticides, il faudra aller voir le
ministère de l'Environnement, et, nous, nous enverrons un inspecteur.
J'espère que ce sera plus pratique que cela, mais je ne peux pas vous le
certifier.
Mme Smeesters: D'accord.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, Mme Smeesters.
M. Lincoln: Un de mes collègues a une question à
vous poser.
Le Président (M. Saint-Roch): M. le député
de Nicolet.
M. Richard: Dans votre mémoire, à la page 12, vous
mentionnez au paragraphe 4: "Utilisateurs de pesticides avec permis: Tous ceux
qui ont un permis devraient être soumis à des contrôles
médicaux annuels." Cela semble impératif. Dans la pratique, de
quelle façon votre recommandation s'applique-t-elle? Est-ce que vous
laissez entendre que ceux qui les utilisent pourraient mettre en danger,
carrément, leur santé et vous voulez qu'ils subissent des examens
annuels? C'est quoi la mécanique?
Mme Smeesters: La mécanique est assez simple. De toute
façon, tous les citoyens devraient subir un examen médical
annuel, mais nous pensons que, si on veut avoir une idée de la
toxicité des pesticides, ce serait peut-être une bonne chose
d'inclure dans la loi que cet examen annuel est obligatoire pour les
"applicateurs" de pesticides. Nous irions même jusqu'à dire:
pendant un certain nombre d'années, après qu'ils auront
terminé leur contrat. Lorsqu'on fait des statistiques seulement sur les
personnes qui travaillent, celles qui sont malades, celles qui sont mortes ne
travaillent plus et ne sont pas dans les statistiques. Alors, il faudrait
savoir. M. Gauthier avait mentionné un cas: lorsqu'on a fait des
études sur des populations d'agriculteurs, on comptait seulement ceux
qui étaient dans le champ. Pour ceux qui étaient malades, on
n'avait pas les statistiques. Donc, ils n'étaient pas
considérés comme personnes malades.
M. Richard: Merci, madame. Mme Smeesters: Vous
comprenez?
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le
député de Nicolet. M. le député de Terrebonne.
M. Blais: Merci, M. le Président. Je suis content que vous
soyez là. J'ai lu votre rapport avec beaucoup d'intérêt. On
y démontre que, par la volonté, la compétence et la
ténacité, tous et toutes peuvent faire quelque chose pour
l'amélioration de leur milieu ambiant et notre environnement. Vous avez
été convaincante aussi et on voit que vous êtes convaincue
de ce que vous défendez dans votre mémoire, parce que vous mettez
beaucoup de coeur dans vos réponses, et cela me plaît. À
vous aussi je vais poser des questions non partisanes, mais des questions pour
essayer d'améliorer la loi. Selon le ministre, nous n'avons rien fait en
ce qui concerne l'environnement, mais je ne veux pas parler de cela. Quand vous
serez partis, par exemple, on va faire notre chicane interne. Mais quand vous
serez partis! C'est ce que je lui demande. Cela fait deux jours que je me fais
assaillir!
À la page 2, au dernier paragraphe, vous avez écrit: "II
ne s'agit plus d'évaluer la valeur d'un pesticide uniquement
d'après son rendement monétaire, mais de prendre en
considération tous les impacts sur l'environnement, la qualité de
l'eau, de l'air, du sol, et l'impact sur la santé humaine." Bien
sûr, si nous faisons ici une loi sur les pesticides, cette loi doit aider
à corriger une situation qui est décrite ici comme
négative, si c'est la situation actuelle que vous décrivez.
J'aimerais que vous me disiez où, dans ce projet de loi, vous trouvez
quelque chose de positif pour corriger la situation actuelle.
Mme Smeesters: Est-ce que quelqu'un veut répondre?
M. Blais: Vous n'en trouvez pas?
Mme Smeesters: Non, mais disons que c'est en fait...
Le Président (M. Saint-Roch): Mme Smeesters.
Mme Smeesters: Je pense que le seul fait de faire une loi est un
pas en avant, c'est un pas dans la bonne direction. C'est sûr qu'il y
avait déjà une loi sur la qualité de l'environnement selon
laquelle, à l'article 20, il est interdit d'utiliser des produits
toxiques ou même qui peuvent nuire au confort de nos concitoyens, mais,
dans la pratico-pratique, il est évident qu'on utilise tous les jours
une quantité de produits toxiques. Nous pouvons espérer que, dans
un avenir prochain, on n'utilisera plus de pesticides grâce à
d'autres méthodes de culture et d'autres technologies qui se seront
développées, mais cela ne se fera pas du jour au lendemain et on
doit se laisser un peu de temps. Alors, le fait d'avoir fait une loi est pour
nous un début de protection, à condition qu'on l'applique, qu'on
fasse des normes et qu'on applique les normes.
Le Président (M. Saint-Roch): M. le député
de Terrebonne.
M. Blais: Merci de votre réponse. C'est ce que je
comprends du projet de loi moi aussi.
M. Lavallée (Patrick): J'aurais un point è
souligner. Pardon?
Le Président (M. Saint-Roch): M. Robert Hallé.
Mme Smeesters: M. Lavallée. M. Lavallée:
Lavallée.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Lavallée? Alors,
M. Lavallée.
M. Lavallée: J'aurais un point à souligner. Si le
Québec développe une expertise en ce qui a trait aux pesticides
biologiques, c'est quelque chose qui peut s'exporter et qui se monnaie. En ce
moment, il y a beaucoup de groupes qui travaillent, tant aux États-Unis
qu'en Europe, pour promouvoir des idées alternatives et
écologiques. En ce moment, le gouvernement parle beaucoup d'exporter nos
technologies, d'exporter nos produits, ce qu'on fabrique finalement. Il y a un
mythe qui dit que tout ce qui est écologique et toutes les questions de
l'environnement, c'est de la foutaise, que cela ne correspond pas à de
l'argent et que cela coûte des sommes faramineuses. Mais une expertise
sur les pesticides biologiques et tout ce qui y a trait s'exporte et est
monnayable.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Lavallée.
M. le député de Terrebonne.
M. Blais: En page 4, on voit une superbe démonstration des
connaissances du milieu pollué urbain. On voit que vous connaissez bien
ce milieu-là et il y a une citation ici: "Dans le document de travail:
le problème des pesticides en milieu urbain semble relégué
à une valeur insignifiante face à l'importance des
quantités de pesticides utilisées en milieu rural, d'accord.
Cependant, une étude effectuée aux USA par le National Academy of
Sciences a mis en évidence que les pelouses de banlieue reçoivent
des applications de pesticides plus élevées à l'acre que
toute autre terre aux États-Unis. Cette estimation est basée sur
une étude effectuée..." Vous dites aussi un peu plus bas:
"Aujourd'hui, l'usage exagéré des pesticides en milieu urbain est
un problème majeur à cause de: la popularité sans cesse
croissante de l'épandage commercial grâce à la
publicité; la densité de la population humaine; la
négligence des utilisateurs."
Je vais vous poser une question assez difficile. Elle va être
difficile, ma question. Les réponses sont peut-être faciles, mais,
pour moi, la question est difficile à poser. Quel ajout aimeriez-vous
voir apporter à la loi pour que l'utilisation des pesticides en milieu
urbain soit mieux réglementée?
Le Président (M. Saint-Roch): Mme Smeesters.
Mme Smeesters: Merci, oui. Ce n'est pas simple à
répondre, évidemment. Il y a tout d'abord la classification.
Peut-être qu'on pourrait donner une classe de pesticides utilisable en
milieu urbain et qui comprendrait seulement des produits inoffensifs, si c'est
possible. Il en existe très peu. D'autant plus que, si c'est inoffensif
pour l'homme, cela peut avoir des effets sur l'environnement. C'est cela,
finalement. Il faut malgré tout arriver à un non-usage des
pesticides et cela s'en va avec l'éducation. Finalement, pourquoi les
gens arrosent-ils leurs pelouses? L'arrosage des pelouses, c'est un peu
aberrant.
On dit quelque part dans le document de travail qu'il faudrait limiter
l'usage des pesticides seulement aux besoins essentiels. Je me demande dans
quelle mesure une pelouse sans pissenlit ou sans plantain ou, en tout cas, sans
mauvaise herbe, soi-disant, c'est un besoin essentiel? C'est une mode, ce n'est
pas un besoin essentiel. On peut très bien faire une pelouse avec de la
pervenche, de l'ajuga ou aegopodium ou une autre plante qui serait magnifique.
C'est une mode, finalement, et cette mode est poussée par la
publicité. Ce n'est pas juste la loi qui va régler ce
problème. C'est toute la campagne de sensibilisation qui est autour de
cela.
Disons que la loi pourrait dans l'immédiat faire une
classification qui pourrait donner une catégorie de pesticides
utilisable en milieu urbain et ensuite par un contrôle très
sévère de leur utilisation, établir des normes bien
précises: lorsque le vent dépasse telle vélocité,
interdiction d'arroser, ne dépassez pas les limites du terrain; ou bien,
si on a besoin d'arroser un pommier, par exemple, qui surplombe le terrain d'un
voisin, demander la permission du voisin. Tout cela, ce sont des choses qui
devraient entrer dans le texte de la loi. II est inadmissible de
dépasser les limites des terrains comme on le fait aujourd'hui, surtout
avec les quantités qui sont utilisées dans une ville comme
Saint-Bruno, qui est un peu comme Westmount ou Outremont. Ce sont des banlieues
aisées où les deux membres du couple travaillent; ils n'ont plus
le temps de s'occuper de leur terrain. On donne tout a contrat. Chez nous, je
pense qu'une maison sur trois et parfois, dans certaines rues, une maison sur
deux a un contrat avec un épandeur. Ceux qui n'en
veulent pas, où est leur liberté, où est leur droit
à un environnement sain? On vient habiter en banlieue pour respirer de
l'air pur et, finalement, certains jours, on doit vraiment s'enfermer dans la
maison.
Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de
Terrebonne.
M. Blais: D'accord. En page 8, au dernier paragraphe, vous dites
aussi: L'utilisateur domestique, quant à lui, devrait être l'objet
d'une campagne de sensibilisation mentionnée. C'est bien sûr que
personne n'est contre une campagne de sensibilisation, c'est absolument normal,
comme personne, non plus, n'est contre la recherche sur les pesticides.
Pour aider à bonifier la loi, certains groupes ont demandé
au ministre d'envisager une taxe sur les pesticides pour financer soit une
campagne d'éducation ou des recherches poussées pour remplacer
les pesticides. Est-ce que votre petit groupe a envisagé de recommander
- je ne le vois nulle part - une taxe spécifique?
Mme Smeesters: II me semble que nous avions quelque chose
concernant les détaillants. En ce qui concerne les détaillants,
nous avions plusieurs suggestions, mais disons que je ne suis pas certaine.
Nous y avons sûrement pensé, mais je ne sais pas si on l'a
exprimé.
M. Blais: Quelle page? Je ne me souviens pas. Vous l'avez
peut-être.
Mme Smeesters: Voilà! À la page 14... M. Blais:
Oui, d'accord.
Mme Smeesters: ...au point 12, tout à fait à la
dernière ligne: "Les produits devraient être taxés en
fonction de leur toxicité." Nous n'avons pas mentionné à
quoi pourrait servir cette taxe, mais la recherche serait une excellente
solution.
M. Blais: Cela répond à ma question. Je m'excuse
d'avoir oublié cette ligne.
Mme Smeesters: Merci.
M. Blais: Ce n'est pas parce que je n'ai pas relu votre rapport.
Je l'avais vu hier soir.
D'accord. Personnellement, je n'ai pas d'autres questions, à
moins que mon collègue en ait. Il a très bien suivi lui aussi.
Cela va aller. Je vous remercie beaucoup. J'ai trouvé que c'était
pour un groupe... En fait, je suis certain que vous êtes des
bénévoles. Je suis persuadé de cela.
Mme Smeesters: Bien sûr.
M. Blais: Pour un groupe de bénévoles, vous avez
mis beaucoup de coeur et on voit qu'on est capable de faire quelque chose quand
on est convaincu que la lutte qu'on fait, c'est une lutte pour la
liberté de vivre sur un territoire sain. Je vous en félicite.
Mme Smeesters: Merci.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le
député de Terrebonne. En conclusion, de brèves remarques,
M. le ministre.
M. Lincoln: Mme Smeesters, nous vous remercions d'être
venue ici nous apporter un éclairage sur un point de vue bien important
concernant toute cette question. Comme vous, je dois souligner que la loi est
purement une étape symbolique en ce sens que cela aura un effet
d'entraînement, que cela apporte un éclairage, que cela apporte
une publicité, mais ce n'est pas tout. C'est certain qu'une loi, c'est
purement un cadre législatif. Cela ne solutionne rien en soi, mais c'est
l'expression d'une volonté gouvernementale. Je pense qu'en plus d'une
loi, il est important d'avoir une politique sur les pesticides. Vous avez vu
dans le document de travail qu'il y aurait une politique sur les pesticides
axée sur quatre grands principes, dont un est la lutte
intégrée contre les pesticides qui va favoriser l'écologie
et le système naturel.
Entre-temps, je suis d'accord avec vous qu'il faudra axer le travail sur
la formation. La formation ne se fera pas comme cela. Elle se fera avec des
critères, avec des normes, axés sur des codes de bonne pratique
qui seront préparés avec les intervenants du milieu, je peux vous
en donner la garantie. Ce sera aussi accompagné - c'est dans le
programme - d'une campagne de sensibilisation qui va commencer lorsque la
réglementation sera en place, lorsque les codes de pratique seront mis
en place et que la loi sera adoptée. La première étape,
c'est d'adopter la loi.
Je vous remercie de nous avoir aidés à bonifier la loi en
bien des sens. Vous nous avez apporté des éclairages, par
exemple, au niveau des grossistes et au niveau de l'article 67. Je vous
remercie beaucoup de vos remarques sur la question philosophique où nous
nous rencontrons tout à fait, surtout dans les questions pratiques qui
vont nous aider à faire un meilleur travail avec la loi. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre.
Mme Smeesters: Merci, M. le Président, merci, M. le
ministre.
Le Président (M. Saint-Roch): Mme
Smeesters. M. le député de Terrebonne.
M. Blais: Avant de recevoir d'autres groupes, j'aimerais
demander, M. le Président, si c'était possible...
Le Président (M. Saint-Roch): Si vous me le permettez, M.
le député de Terrebonne, j'aimerais remercier, au nom de tous les
membres de la commission, Nature-Action pour la qualité de sa
présentation. Merci. M, le député de Terrebonne. (12
heures)
M. Blais: Simplement une remarque, comme d'habitude. J'aimerais
bien que le ministre arrête de faire de la petite politique mesquine et
qu'il attende qu'on soit seul, lorsqu'on étudiera le projet article par
article, et qu'il ne fasse pas subir ses sautes d'humeur partisanes à
nos invités.
M. Lincoln: M. le Président, je commence à
être tanné de M. le critique de l'Opposition. II vient faire son
petit show habituel, comme à toutes les commissions parlementaires. Je
dois souligner que, pendant mes remarques à ce groupe, c'est lui qui a
fait des interruptions lorsque j'ai parlé du gouvernement
fédéral, des interruptions stupides. C'est lui qui a fait toutes
sortes de gestes pendant que j'interrogeais ces gens. C'est là que je
veux intervenir. Je n'aime pas me faire parler fort par lui ou n'importe qui.
S'il croit que je tremble dans mes culottes, il me connaît très
mal.
M. le Président, vous êtes président depuis hier,
vous avez observé toutes les démarches qui ont été
faites ici. Je n'ai insulté personne, ni lui, ni personne. Ce n'est pas
mon habitude, et, si je l'avais fait, je pense que vous travaillez assez
diligemment comme président que vous l'auriez souligné. Je
n'accepte pas ces histoires. C'est lui qui fait de la politique, des chicanes.
Je ne cherche pas de chicane, mais pendant que je pose des questions aux gens
qui sont ici, je n'ai pas envie qu'il fasse des remarques sur le gouvernement
fédéral, provincial ou quoi que ce soit. Qu'il me laisse poser
mes questions et après, il pourra faire ses remarques sur
l'indépendance du Québec ou sur tout ce qu'il voudra.
Le Président (M. Saint-Roch): Avant d'entreprendre
l'intervention du dernier groupe de la matinée, je demanderais la
collaboration usuelle des deux côtés de cette table. Je pense
qu'en tant que président nous avons toujours adopté une attitude
qui se veut dans l'esprit de nos commissions parlementaires et qui donne la
chance à tous et cnacun de s'exprimer librement.
Cela étant dit, je demanderais maintenant à l'Association
des consommateurs du Québec de prendre place. C'est déjà
fait. J'inviterais la porte-parole du groupe à s'identifier et à
identifier les gens qui l'accompagnent.
Association des consommateurs du Québec
Mme Guillot-Lemelin (Solange): M. le Président, M. le
ministre, je suis Solange Guillot-Lemelin, conseillère en consommation
à l'emploi de l'Association des consommateurs du Québec.
Près de moi, Mme Maryse Azzaria, bénévole depuis plusieurs
années pour l'Association des consommateurs et également
infirmière de formation et Mme Louise Rivard-Plouffe qui est aqente
d'information et ex-présidente de l'Association des consommateurs de la
région de Québec-Sainte-Foy.
Avant de commencer, j'aimerais simplement mentionner que nous appuyons
les principales recommandations que le groupe Nature-Action vient
d'énoncer. L'association a relevé beaucoup de points que ces gens
ont mentionnés.
Permettez-nous de vous dire que l'Association des consommateurs du
Québec est heureuse de pouvoir présenter sa position sur
l'avant-projet de loi sur les pesticides. Bien entendu, nous n'intervenons pas
ici en tant qu'experts, mais plutôt comme des représentants des
consommateurs qui se préoccupent de la santé et de la
qualité de vie de notre environnement.
Depuis déjà huit ans, l'Association des consommateurs
s'intéresse à la question des pesticides. En 1982,
déjà, nous avions présenté un mémoire au
Bureau d'audiences publiques sur l'environnement concernant l'étude de
l'impact du projet de pulvérisations aériennes d'insecticides
contre la tordeuse des bourgeons de l'épinette.
La même année, nous avions également
réalisé une enquête auprès de 270 citoyens de
Sainte-Foy et de 12 détaillants de pesticides afin d'en connaître
davantage sur l'utilisation des pesticides domestiques. Ici, d'ailleurs, nous
aimerions dire que c'était la première enquête qui avait eu
lieu auprès des consommateurs sur le sujet.
Déjà, en 1982, l'association soulignait l'importance de la
prévention en matière d'environnement. Je pense qu'à ce
moment-là on touchait vraiment un des points importants du
problème. On constate, cinq ans plus tard, que le ministère de
l'Environnement du Québec met de l'avant un projet de loi afin de
minimiser les risques et les problèmes que suscite l'utilisation des
pesticides. Nous déplorons donc le fait que la parution de cet
avant-projet de loi se fasse après l'apparition des problèmes, au
sens que cela aurait pu être présenté bien avant.
Toutefois, nous devons reconnaître le caractère progressiste des
interventions proposées par le ministère de l'Environnement. Les
avenues qu'il propose, soit la recherche, le développement et
l'éducation, sont très bien fondées. En effet, car elles
permettent d'élaborer une stratégie à court, moyen et long
terme afin de minimiser
l'utilisation et les répercussions de l'usage des pesticides.
Dès 1982, on demandait: que le mode d'emploi des pesticides soit
mis en évidence en grossissant les instructions et les premiers soins
indiqués sur chaque contenant de pesticide; que les compagnies
inscrivent sur les étiquettes des moyens écologiques efficaces
pour se débarrasser des surplus de préparation de pesticides et
des contenants vides. Ou bien encore, le ministère de l'Environnement
pourrait mettre è la disposition des utilisateurs un lieu
sécuritaire où ils pourraient se départir des produits
toxiques non utilisés; que tous les pesticides domestiques soient munis
de bouchons de sécurité; que l'équipement de
sécurité (masques et gants) soit exposé près des
pesticides et vendu dans tous les établissements qui vendent des
pesticides. Qu'on fasse vraiment la promotion de tout cet équipement
autour de cette utilisation.
On a également de nouvelles recommandations. Dans le domaine de
la recherche, nous demandons qu'il y ait au plus tôt des études
non seulement sur les effets des pesticides, mais aussi sur les coûts
sociaux et environnementaux reliés à l'utilisation des pesticides
au Québec. Pour nous, consommateurs, la santé est une valeur
importante et elle ne doit jamais céder le pas à des discours ou
des arguments strictement économiques, voire de rentabilité.
En ce sens, l'Association des consommateurs du Québec pense que
les consommateurs seraient prêts a assumer à court terme des
coûts plus élevés que pourraient représenter
certaines alternatives aux pesticides, comme, par exemple, l'utilisation de
différentes méthodes, telles les espèces
végétales, si on leur démontrait qu'à plus ou moins
long terme l'utilisation des pesticides engendre des coûts encore plus
élevés en termes de santé et d'environnement.
En ce qui a trait à l'éducation, outre les cours et les
programmes de formation qui visent une clientèle spécifique, nous
demandons que le ministère de l'Environnement fasse une campagne de
publicité afin de sensibiliser surtout les utilisateurs domestiques aux
dangers reliés aux pesticides. La publicité pourrait mettre
l'accent sur les pesticides naturels et les moyens écologiques de
contrôle. Par exemple, dans l'étude qu'on vous a donnée
tout à l'heure - on n'en fera pas la lecture maintenant, mais on
souhaite fortement que vous le fassiez - on mentionne que la plupart des
consommateurs se fient aux vendeurs pour leur fournir des renseignements. Mais
les renseignements que les vendeurs donnent leur proviennent des compagnies; on
sent vraiment qu'il y a un monopole dans l'information.
Nous insistons également pour que le ministère porte une
attention toute particulière à l'étiquetaqe et à la
sécurité. En effet, les utilisateurs domestiques sont parmi ies
utilisateurs les moins bien avertis et informés des différents
aspects entourant la manipulation des pesticides. C'est pourquoi nous insistons
pour que le ministère de l'Environnement tienne compte des principales
recommandations que nous avions d'ailleurs déjà formulées
en 1982 et qui, manifestement jusqu'à ce jour, ne furent pas retenues.
Surtout ce qui ressort de ces recommandations, c'est vraiment de trouver des
alternatives pour diminuer l'utilisation. Nous sommes conscients que les
pesticides sont nécessaires. Nous n'avons pas l'intention de revenir en
arrière, mais nous sommes aussi conscients que, d'un autre
côté, cela comporte plusieurs dangers.
En terminant, l'Association des consommateurs du Québec tient
à féliciter le ministère de l'Environnement du
Québec pour les diverses mesures qu'il entend prendre afin de favoriser
une participation active de tous les intervenants.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, madame. M. le
ministre.
M. Lincoln: Mme Guillot-Lemelin, je vous remercie d'être
venue. L'Association des consommateurs, naturellement par son appellation
même, représente un mouvement très important au
Québec, comme dans toute l'Amérique du Nord, par sa
présence bénévole, à but non lucratif. C'est donc
une représentation tout à fait objective des citoyens dans leurs
droits de consommation, surtout contre des produits qui pourraient affecter
leur qualité de vie et de santé. Je vous remercie de
l'étude que vous avez déposée aujourd'hui. Je peux vous
assurer qu'elle sera étudiée avec beaucoup de sérieux par
l'équipe du ministère qui est ici et qui s'occupe du domaine des
pesticides, de piloter la loi et la politique sur les pesticides. Je vous
remercie aussi de l'élément publicitaire que vous avez
déposé. Je pense que c'est ce genre de travail simple et efficace
qui va aider à sensibiliser les individus et les citoyens.
Comme je l'ai fait remarquer au groupe qui vous a
précédés, la loi, c'est l'élément clé
de toute l'affaire, parce qu'il faut une loi pour avoir les moyens de faire
d'autres choses. Il y aura des règlements qui suivront dans les
différents secteurs, incluant éventuellement les secteurs de la
forêt et de l'agriculture. Il y a aura des codes de bonne
pratique qui vont être établis dans tous les milieux
affectés par les pesticides. Il y en a un qui est déjà en
place, il y en a un autre qui est presque réalisé et il y en a
d'autres qui vont suivre. Il y aura, en plus de la loi, pour appuyer cette
dernière, comme complément, une politique globale sur les
pesticides
qui sera travaillée horizontalement, c'est-à-dire qu'elle
sera faite en collaboration avec les intervenants du milieu et aussi avec les
ministères impliqués, surtout les ministères les plus
impliqués: le ministère de l'Agriculture, !e ministère des
Forêts, le ministère de l'Énergie et des Ressources et le
ministère des Affaires municipales. Ce sont des ministères qui
sont tous très impliqués dans ce domaine pour des raisons
différentes.
Je peux vous dire qu'il y aura une campagne de sensibilisation qui sera
axée sur la politique. Si vous voulez y participer, vous et tous les
autres groupes qui sont représentés ici, de n'importe quelle
façon, soit en élaborant des cours de formation, des examens,
soit en nous donnant le fruit de votre expérience, vos suggestions, ce
sera tout à fait bienvenu. La période clé, pour nous, ce
sera d'ici à l'automne 1987; tout ce travail est en train de se faire
progressivement. Cela a débuté avec le cahier de travail qui vous
a sans doute été soumis. Ensuite, nous avons fait
l'élaboration de plusieurs esquisses de projets de loi. On a
travaillé là-dessus pendant un an, sans arrêt, pour finir
avec celui-là. L'idée de faire un avant-projet de loi,
c'était précisément pour ne rien figer dans le ciment
parce que nous réalisons que c'est une question très complexe.
Certains disent: Vous n'allez pas assez loin. Vous avez entendu certains
intervenants, si vous étiez ici, les forestiers ou les
représentants de l'agriculture, ils ont dit: Vous allez trop loin; vous
donnez beaucoup trop de pouvoirs. À un moment donné, il faut
trouver un milieu, réalisant, comme vous le dites aussi, que ce n'est
pas demain matin qu'on va dire: Les pesticides sont bannis du sol
québécois. Mais l'objectif reste qu'ils deviennent une ressource
de dernier et ultime recours et, nous l'espérons, temporaire, dans le
sens large du mot.
J'ai lu votre mémoire avec attention ainsi que toutes les grandes
questions que vous avez apportées. Du point de vue des articles
eux-mêmes de l'avant-projet de loi, vous avez suggéré, dans
le domaine de la recherche axé sur l'article 7, des études non
seulement sur les effets des pesticides, mais aussi sur les coûts sociaux
et environnementaux reliés à l'utilisation des pesticides au
Québec. En vertu du second alinéa de l'article 7, il sera
possible de prévoir cela dans la loi. C'est sûr que nous allons
travailler à cela de concert avec le ministère des Affaires
sociales que j'avais oublié de mentionner et certainement avec tous les
groupes environnementaux et les autres ministères.
Vous avez suggéré que le mode d'emploi des pesticides soit
mis en évidence en grossissant les instructions, etc. Toute la question
de l'étiquetage, au départ, est fixée par le gouvernement
fédéral. Ce que nous essayons de faire maintenant, comme je
l'aï souligné avant, c'est de travailler avec le gouvernement
fédéral pour être beaucoup plus impliqués au niveau
provincial dans le système d'homologation. Le système
d'homologation se faisait en vase clos par un seul ministère
fédéral, le ministère de l'Agriculture. Cela n'impliquait
même pas les ministères de l'Environnement et de la Santé.
Nous allons essayer, comme groupe provincial, c'est-à-dire les dix
provinces, de travailler dans le système d'homologation pour être
impliqués de beaucoup plus près dans cela. Je peux vous dire que
le ministre fédéral de la Santé commence à prendre
-peut-être que votre association le sait déjà -un
intérêt beaucoup plus actif dans toute la question de
l'homolûqation des pesticides parce qu'il y a eu tellement de rapports et
d'interventions de faits. Je pense que vous pourriez peut-être
avantageusement écrire à ces trois ministres. Il est sûr
que nous allons transmettre votre lettre aussi.
Vous avez aussi parlé des équipements de
sécurité, des masques, etc, qu'ils soient exposés
près des pesticides et vendus dans tous les établissements. C'est
aussi une recommandation que nous allons transmettre au comité des
ministres environnementaux qui s'occupe des pesticides ainsi qu'au gouvernement
fédéral.
Auriez-vous des questions spécifiques à poser par rapport
à la loi?
Le Président (M. Saint-Roch): Mme
Guillot-Lemelin.
Mme Guillot-Lemelin: Concernant la recherche, Mme Maryse Azzaria
aimerait ajouter un point.
Le Président (M. Saint-Roch): Mme
Azzaria. (12 h 15)
Mme Azzaria (Maryse): C'est un résultat de l'enquête
que nous avions faite en 1982. On s'est rendu compte qu'il y avait
peut-être une inquiétude parmi Ses consommateurs que les tests qui
étaient faits sur des pesticides n'étaient pas
vérifiés par les gouvernements. Les tests étalent
acceptés tels qu'ils étaient présentés par les
compagnies, sans aucune vérification. On avait senti, à un moment
donné, que certains consommateurs étaient inquiets de ce
fait-là. Quand vous parlez de recherche, je ne sais pas si ce
point-là pourrait être inclus, mais au moins que les consommateurs
aient une assurance que les résultats qui sont fournis sur
l'innocuité d'un produit ou sur le fait que le produit est
sécuritaire, que ces tests ont vraiment été faits d'une
façon scientifique. Il y avait aussi un autre point concernant
l'étiquetage. On a apporté avec nous quelques exemplaires pour
montrer comment certaines écritures sont très petites. Dans
notre rapport, on constatait aussi que les gens souvent ne les lisaient
pas. L'un des points qu'on avait trouvé le plus dangereux pour
l'environnement, c'était l'utilisation des surplus de pesticides et 31,7
% des gens avaient un surplus et parmi les gens qui avaient un surplus, il y en
avait - selon que c'étaient des insecticides ou des fongicides -au moins
plus que 30 % qui les déversaient directement dans l'égout. Si
vous lisez attentivement, on retrouve ici l'indication qui nous dit de ne pas
mettre les résidus aux poubelles. Assurément, les gens ne les
lisent pas, parce que c'est écrit vraiment trop petit.
Comme c'est une recommandation qui est extrêmement importante pour
l'environnement, il faudrait trouver le moyen, soit en publicisant ou en
informant mieux le consommateur, de faire connaître cette information. Un
autre point très important aussi dans notre rapport, c'est qu'il y avait
une proportion très importante - en fait, plus que 30 % - de gens qui
utilisaient les pesticides pour prévenir, au cas où il y aurait
des insectes. Du point de vue de l'éducation, c'est sûr qu'il y
aurait beaucoup de travail à faire, parce que si l'insecte ne vient pas,
on a vraiment gaspillé notre argent et on a fait du tort à
l'environnement. C'est un point très important: les gens ont encore la
mentalité qu'il faut prévenir au cas où l'insecte
arriverait. C'étaient les points importants qui étaient ressortis
de notre rapport en 1982. Les bouchons de sécurité, on ne les
retrouve pas sur tous les produits. On en a un ici qui est simplement un
bouchon ordinaire. Cela aussi, c'est un point qui est très important,
parce qu'on sait que les enfants peuvent avoir accès facilement à
ces produits. On sait qu'il y a très souvent des cas d'intoxication
à cause de ces produits.
Le Président (M. Saint-Roch): M. le ministre.
M. Lincoln: Ce que je voudrais souligner, c'est que, par exemple,
pour la question des produits qui sont utilisés maintenant, les tests
des produits, hier, il y a eu un organisme qui a dit qu'on a au Canada le
système le plus efficace au monde. Comme je l'ai souligné, c'est
très relatif, parce que même le gouvernement fédéral
lui-même admet qu'il y a des lacunes immenses. D'abord, un manque de
coordination des trois grands ministères. En plus, il y a toute la
question de la réévaluation des produits qui sont
déjà homologués. Ce qui arrive, c'est que vous avez des
produits homologués qui étaient soi-disant, comme l'a
souligné le groupe qui a parlé avant vous, pas nocifs il y a
quatre ans et aujourd'hui, on découvre qu'ils le sont. Il n'y a jamais
eu de réévaluation. Il y aura une réévaluation de
tous ces produits par le gouvernement fédéral pour mettre
à jour le système d'homologation. Ce sera un point capital.
Pour ce qui est des déchets dangereux en petite quantité,
à usage domestique, ce qui arrive, c'est que chacun de nous a toutes
sortes de pesticides dans son garage. On ne sait plus quoi en faire. Dans le
temps, je suis sûr que la plupart d'entre nous jetions cela un peu
partout, dans les poubelles et même dans les égouts, parce qu'on
ne réalisait pas le danger.
Le ministère est actuellement en train d'élaborer une
politique pour les petites quantités de déchets dangereux. On
travaille actuellement à cela. On suit un peu l'Ontario qui a
déjà commencé à travailler afin d'avoir une
politique pour essayer de débarrasser de façon sécuritaire
les gens qui se servent de pesticides en petite quantité, pour usage
domestique, qui ont accumulé cela et qui ne savent plus quoi en faire.
Cela s'accumule et il y a des dangers potentiels pour la santé.
Je ne sais pas si mes collègues ont des questions pour vous ou si
vous avez des questions additionnelles.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre.
M. le député de Terrebonne.
M. Blais: Merci à l'Association des consommateurs du
Québec d'être là. Les qens vous regardent et vous
écoutent surtout. Vous avez déjà posé des
recommandations qui étaient excellentes et vous en avez reparlé
encore, mais dans les recommandations nouvelles, j'en vois de très
intéressantes, surtout la recommandation 5. Vous dites: "Dans le domaine
de la recherche, nous recommandons qu'il y ait au plus tôt des
études non seulement..." Vous parlez de la santé.
Au deuxième paragraphe, vous dites: "En ce sens, l'ACQ pense que
les consommateurs seraient prêts à assumer à court terme
des coûts plus élevés que pourraient représenter
certaines alternatives aux pesticides, comme par exemple l'utilisation des
méthodes et des espèces végétales, si on leur
démontrait qu'à plus ou moins long terme, l'utilisation des
pesticides engendre des coûts encore plus élevés en termes
de santé et d'environnement."
C'est une allusion, d'après moi, à cause des rapports
antérieurs qu'on a lus, à une taxe sur les pesticides. Est-ce que
vous voulez dire que les citoyens seraient prêts? Plusieurs sont d'accord
là-dessus. Les pesticides seraient taxés, selon leur
toxicité ou autre façon, pour la recherche et la
publicité. Est-ce que c'est dans ce sens?
Mme Guillot-Lemelin: Le sens qu'on voulait surtout donner
à cela, c'est qu'il y a sûrement même... Je ne sais pas si
vous
avez des statistiques sur les enfants qu'on voit aussi tous les ans au
CHUL et qui sont intoxiqués par les différents pesticides; il y a
des cas chaque année. C'est sûr que les parents affectés
par ces problèmes doivent faire face à des coûts et ont
beaucoup de soucis concernant la santé de leur enfant. Si on leur
démontrait qu'ils peuvent gagner à long terme sur la
santé, ils seraient prêts à contribuer à la
recherche concernant les pesticides. C'est surtout dans ce sens qu'on admet le
point.
M. Blais: Allez.
Le Président (M. Saint-Roch): Mme
Azzaria.
Mme Azzaria: Le point avait été soulevé au
moment des audiences sur la tordeuse des bourgeons de l'épinette, au
moment où on disait qu'il en coûterait plus cher pour utiliser
l'insecticide biologique qu'il en coûtait pour les insecticides
utilisés couramment. C'est à ce moment-là que
l'association, en faisant un petit sondage, s'était rendu compte que le
problème était d'une importance assez grande que oui, on
était prêt à assumer ces coûts. C'était un peu
dans ce sens. Dans le cas des enfants malades, c'est surtout qu'on avait
vérifié les cas d'intoxication, les maladies rénales,
etc., qui étaient causées en Gaspésie, à Rimouski,
dans ces coins, par les épandages d'insecticide contre la tordeuse.
M. Blais: Votre groupe a-t-il envisagé une taxe directe,
indirecte, circonstancielle, complémentaire, par en arrière ou
par à côté? Est-ce qu'une taxe quelconque a
été envisagée par votre association?
Mme Azzaria: Non, je ne crois pas, je ne suis pas au courant,
mais je ne penserais pas.
M. Blais: D'accord. Comme question subsidiaire: étant
donné que vous donniez l'exemple de l'épandage en forêt qui
coûtait plus cher, vous dites que le consommateur était prêt
à le payer. De quelle façon?
Mme Rivard-Plouffe (Louise): Quand on disait le consommateur, on
voyait les citoyens du Québec. On ne représente pas seulement
deux ou trois consommateurs, mais les citoyens du Québec. Par exemple,
lorsqu'il s'agissait de sylviculture - ce n'est pas le problème dans le
moment, mais c'est l'exemple sur lequel on s'était appuyé
-lorsqu'il y a eu un épandage formidable pour la tordeuse des bourgeons
de l'épinette, on avait constaté qu'on aurait pu faire de la
plantation avec plusieurs sortes d'arbres, ce qui aurait évité
des choses semblables. Mais cela prenait une plantation nouvelle, cela prenait
une démarche, un nettoyage de la forêt. Cela nécessitait
des coûts. On se disait: Si les citoyens étaient au courant de
tout cela, plutôt que de répandre des insecticides, on dirait:
Nettoyons donc les forêts et donnons une sylviculture meilleure au
Québec. Tout cela nécessite des coûts.
M. Blais: Vous voyez bien que je veux vous faire dire quelque
chose et je ne suis pas capable. Vous dites encore une fois que les citoyens du
Québec devraient être prêts à en défrayer les
coûts.
Mme Rivard-Plouffe: Nous croyons...
M. Blais: Ces coûts, si on le fait comme ensemble...
Mme Rivard-Plouffe: Forcément, vous allez dire que c'est
une taxe.
M. Blais: Où va-t-on les chercher? Mme Rivard-Plouffe:
C'est sûr.
M. Blais: On va les chercher par une taxe. Je reviens toujours
à ma question, parce que plusieurs nous en ont parlé. Je vous
crois quand vous dites que vous n'avez pas discuté cette position entre
vous. Mais, maintenant que vous savez que d'autres personnes s'occupent
beaucoup de l'environnement et ont à coeur comme vous notre vie, est-ce
que vous pourriez éventuellement, de façon circonstancielle,
envisager qu'une taxe soit peut-être imposée un jour?
Le Président (M. Saint-Roch): Mme
Guillot-Lemelin.
Mme Guillot-Lemelin: C'est sûrement un point sur lequel on
devra se pencher. On est sûrement apte actuellement à envisager ce
genre de possibilité.
M. Blais: J'ai été tenace et j'ai eu ma
réponse. Je vous remercie de cette réponse.
Personnellement, j'avais une autre question à vous poser. C'est
dans vos nouvelles recommandations, le numéro 5: "Pour nous,
consommateurs, la santé est une valeur importante et elle ne doit jamais
céder le pas à des discours ou des arguments strictement
économiques, voire de rentabilité." Je vais vous poser une
question que j'ai posée à tous les groupes qui sont venus ici. Ce
projet de loi ne limite pas la quantité des pesticides employés.
Ce projet de loi réglemente la sécurité de la manipulation
des pesticides. Est-ce que vous aimeriez qu'il rationalise l'utilisation des
pesticides?
Mme Guillot-Lemelin: Bien sûr. Je
pense que la compréhension que nous avons d'un avant-projet de
loi comme celui-là, c'est justement cela. C'est limiter le plus possible
l'utilisation. Comme on le disait tout à l'heure, on comprend la
nécessité, mais on comprend aussi les dangers qui sont
liés à cela. Alors, diminuer l'utilisation, cela va de soi que ce
serait très bien comme intervention.
M. Blais: Je suis content que vous ayez été
là. Je suis content de votre rapport. Vous dites: "En terminant, l'ACQ
tient à féliciter le ministère de l'Environnement du
Québec pour les diverses mesures qu'il entend prendre afin de favoriser
la participation active de tous les intervenants." Je suis aussi d'accord avec
cela. On est là pour améliorer les choses. Plus il y aura
d'intervenants qui viendront donner leur idée et la façon
d'améliorer les choses, plus le ministre sortira ici riche des
consultations que l'on fait. Parmi cette richesse, vous étiez un des
groupes qui composiez la richesse québécoise qui vient nous
"aviser" nous, les législateurs, de la façon qu'on doit traiter
nos projets de loi. Je vous remercie d'avoir été là.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le
député de Terrebonne.
M. le ministre, en conclusion.
M. Lincoln: Merci beaucoup d'être venus. Vous avez
éclairé notre lanterne. Vous avez ajouté à tout
l'équipement qui nous sera bien nécessaire pour bonifier le
projet de loi que nous voulons adopter le plus tôt possible. Nous allons
travailler avec vous et les autres intervenants pour établir tous les
mécanismes qui vont faire de tout cela beaucoup plus qu'un projet de
loi. Il y aura toute une infrastructure qui va nous permettre d'arriver le plus
tôt possible à une lutte intégrée efficace contre
les pesticides.
Le Président (M. Saint-Roch): Mme
Azzaria.
Mme Azzaria: En conclusion, à la suite des
recommandations, suggestions ou constatations que le groupe
précédent faisait au sujet des pissenlits et des problèmes
que cela cause, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu que le ministère de
l'Environnement établisse un projet pilote sur sa pelouse, sur son
terrain et qu'il emploie des méthodes différentes qui seraient
une incitation pour les consommateurs à utiliser autre chose que des
gazons où les pissenlits poussent et pour lesquels on est obligé
- entre guillemets -d'utiliser des pesticides? Je pense que le ministère
de l'Environnement a sûrement un rôle d'éducation
d'avant-garde à jouer dans ce domaine. Ce pourrait être
intéressant comme avenue d'éducation pour les consommateurs
d'envisager d'autres options. En fait, le consommateur suit la
publicité, suit la mode et vous pourriez partir une mode très
intéressante. Ce pourrait aussi être une industrie très
intéressante pour certaines personnes.
Le Président (M. Saint-Roch): Mme
Plouffe.
Mme Rivard-Plouffe: Le ministère de l'Environnement
propose ses fameuses brochures. II y avait un petit bonhomme qui s'appelait
professeur Antipollu. Je suis persuadée qu'il y a un tas de choses que
le public apprend lorsqu'on le fait sous forme humoristique. Je pense aussi que
c'est le rôle du ministère de l'Environnement de le faire.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, Mme Plouffe. Mme
Lemelin?
Mme Guillot-Lemelin: Non, ça va, je n'ai rien à
ajouter.
Le Président (M. Saint-Roch): Je voudrais remercier les
représentants de l'Association des consommateurs du Québec
d'avoir contribué aux travaux de cette commission. La commission de
l'aménagement et des équipements suspend maintenant ses travaux
jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 28)
(Reprise à 15 h 10)
Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission de l'aménagement et des équipements reprend
maintenant ses travaux pour poursuivre la consultation particulière
portant sur l'avant-projet de loi sur les pesticides. Je demanderais à
l'Association des industries forestières du Québec de prendre
place.
Je demanderais maintenant au porte-parole de l'Association des
industries forestières de s'identifier et d'identifier les gens qui
l'accompagnent.
Association des industries forestières du
Québec
M. Duchesne (André): Merci, M. le Président. Mon
nom est André Duchesne. Je suis le président-directeur
général de l'Association des industries forestières du
Québec. Malgré les noms qu'on vous avait proposés, nous
avons dû faire des changements de dernière minute. C'est une
période très active non seulement pour le gouvernement, mais pour
l'industrie aussi. J'ai avec moi cet après-midi, à ma droite, M.
Jacques Larue, qui est le directeur de la foresterie
pour les produits forestiers Domtar. À ma gauche, M. Jean-Pierre
Landry, qui est directeur général des exploitations
forestières pour Papeterie Reed Ltée.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le
président. Nous allons vous céder la parole pour 20 minutes.
M. Duchesne: Merci. Nous tenons d'abord à remercier M. le
ministre de nous avoir invités à présenter le point de vue
de l'association sur son avant-projet de loi. Très brièvement, je
voudrais vous rappeler, Mme et MM. de la commission, ce qu'est l'Association
des industries forestières du Québec. Elle existe depuis 1924 et
a pour objectif, entre autres, la mise en valeur de la forêt et de ses
produits, la promotion des moyens les plus efficaces pour conserver et
protéger les forêts et, évidemment, les industries qui en
dépendent. Les quelque 30 membres qui forment l'association transforment
à un moment ou l'autre les trois quarts de la matière
forestière récoltée au Québec.
Du point de vue de l'importance socio-économique de l'industrie,
vous savez sans doute que les 60 usines de pâtes et papiers et les 1100
à 1200 usines de sciage au Québec fournissent annuellement 80 000
emplois à temps plein aux Québécois. Indirectement, c'est
le double de cela en emplois à temps plein, ce qui représente
finalement environ 10 % de l'emploi au Québec dans le secteur
manufacturier. C'est 2 000 000 000 $ de salaires. C'est 110
municipalités qui dépendent en grande part de l'industrie
forestière pour fournir des emplois à leurs citoyens. C'est 1 000
000 000 $ en taxes. C'est une capacité de production dans le secteur
papetier, qui est le secteur le plus important pour les membres de
l'association, maintenant d'au-delà de 7 000 000 de tonnes par
année, soit près de la moitié de la capacité
canadienne et près de 4 % de la capacité mondiale. C'est aussi
à l'extérieur de Montréal, bon an mal an, le tiers des
investissements manufacturiers au Québec. Cela compte,
évidemment, pour près de 20 % des exportations du Québec.
C'est une industrie dont nous sommes fiers et qui contribue très
sérieusement au bien-être de tous les Québécois.
J'en viens plus précisément au sujet qui nous
intéresse. Ce n'est certainement pas la première fois que
l'association a l'occasion de présenter le point de vue de ses membres
concernant l'usage des pesticides en forêt. Notre position peut se
résumer à deux idées fondamentales. D'abord, les
pesticides sont un outil indispensable à l'aménagement forestier.
Le besoin d'utiliser des pesticides va probablement s'accroître à
mesure que l'aménagement forestier va s'intensifier au
Québec. D'une part, il faut, en effet, accélérer la
croissance des peuplements, parce que notre demande est très forte. Pour
cela, il faut contrôler les essences indésirables par des
herbicides et des sylvicides qui permettent d'accroître la croissance des
essences désirables, en dégageant celles-ci.
Par ailleurs, le meilleur des traitements sylvicoles, en termes, en tout
cas, de rentabilité des sommes dépensées, consiste
à protéger efficacement les forêts qui sont là
présentement, pas celles qu'on aura demain seulement, contre tous les
fléaux et, en ce qui a trait aux pesticides, cela comprend les insectes
et les maladies, évidemment. Sans une protection adéquate, je ne
crois pas qu'on puisse investir, de façon rationnelle, ni comme
société, ni comme entreprise dans l'aménagement forestier
au Québec.
La deuxième idée de base, c'est que les pesticides doivent
être utilisés avec une grande prudence. Pour nous, il s'agit d'un
mal nécessaire, comme les médicaments en médecine. On va
donc recourir aux pesticides quand les alternatives sont inefficaces, trop
coûteuses ou quand une épidémie survient qui menace
d'annuler tous les efforts qu'on a faits en sylviculture depuis un bout de
temps. À ce moment-là, il faut utiliser des produits qui sont
homologués, parce que, pour nous, c'est une forme de garantie. Il faut
les utiliser selon les techniques appropriées. L'avant-projet de loi va
y toucher tantôt. Il faut garantir la compétence et la protection
des personnes qui utilisent ces produits, tout autant que la protection de
l'environnement contre les accidents éventuels.
Vous le voyez, rien dans l'avant-projet de loi déposé par
le ministre Lincoln ne semble aller à l'encontre de ces idées
fondamentales de l'industrie. Le texte de loi reconnaît même que
l'agriculture et la sylviculture sont des utilisations particulières qui
doivent être réglementées séparément. Les
deux ministres, Clifford Lincoln et Albert Côté, ont, d'ailleurs,
promis à cet effet une politique d'utilisation des pesticides dans le
secteur forestier pour compléter la loi 150 qui vient d'être
adoptée à l'Assemblée nationale juste avant Noël. Ce
qui nous embête, c'est que la période d'incertitude se prolonge
à ce niveau. Les intentions sont positives, l'article 2 de la loi le
confirme, mais, pour l'instant, on ne sait toujours pas sur quel pied
danser.
Entre-temps, il y a quelques questions qui devraient être
discutées par ceux qui sont responsables de la mise en place d'une telle
loi: d'abord, la nécessité d'avoir une loi distincte de
l'actuelle Loi sur la qualité de l'environnement. Le projet de loi
actuel ne soustrait pas les pesticides en forêt aux dispositions de
l'article 20 de la Loi sur la qualité de l'environnement. Si deux lois
différentes s'appliquent sur le même sujet,
on a peur qu'il n'y ait des conflits éventuels d'application. Le
mémoire vous donne une série d'exemples de duplications qui
pourraient éventuellement, selon les apparences, créer des
difficultés d'interprétation ou d'application. Nous croyons que
la nouvelle loi doit assurer non pas une confusion supplémentaire, mais
bien clarifier les mécanismes qui vont permettre de protéger
l'environnement quand on utilise des pesticides.
Le même genre de réflexion s'applique pour les
définitions. On a un peu de difficulté à voir pourquoi les
définitions utilisées par l'avant-projet de loi ne sont pas des
définitions standard, soit par rapport à la Loi sur la
qualité de l'environnement, soit par rapport à d'autres lois, il
faudrait donc, même si on a une loi distincte, une fois que le
bien-fondé aura été analysé, s'assurer à
tout le moins d'une parfaite concordance avec les autres lois.
Une autre question qui nous inquiète, c'est la quantité de
paperasse qui semble être prévue par la loi. On ne voudrait pas
que la loi soit une façon indirecte de protéger l'environnement
par l'accumulation de paperasse qui finalement paralyse l'action; on obtient
ainsi la protection de l'environnement par des moyens détournés.
La loi nous semble aussi permettre un pouvoir de réglementation
très étendu que l'on a bien connu, notamment, dans le cas de la
loi 150. Nous croyons qu'il y aurait lieu d'être très prudent et
de limiter, évidemment, ce pouvoir de réglementation.
Finalement, il y a la question des utilisateurs qui sont visés
spécifiquement par l'avant-projet de loi. À première vue,
l'article 5 élimine les usages forestiers et agricoles du champ
d'application de la loi par toutes sortes de revirements qui sont
apportés immédiatement ou plus tard. Je pense aux articles 95, 9,
etc., à certains articles de la Loi sur la qualité de
l'environnement et à certains règlements qui découlent de
la Loi sur la qualité de l'environnement. Il devient assez difficile de
savoir qui est exactement visé par la loi dans le secteur forestier. Il
nous apparaît qu'a priori les entreprises qui réalisent à
contrat ou qui font réaliser à contrat des applications de
pesticides sont celles qui sont vraiment visées. Évidemment, des
projets comme cela, on va en avoir à faire ou à faire faire dans
le cadre des nouveaux contrats d'approvisionnement et d'aménagement
forestier.
La conséquence directe de ces doubles négations, c'est
qu'on ne sait pas trop si on va être capable de répondre aux
termes de notre contrat. On ne sait même pas à l'heure actuelle
jusqu'à quel point l'étude d'impact, par exemple, qui
était un prérequis et qui semble l'être encore dans la Loi
sur la qualité de l'environnement va s'appliquer dans ces cas-là
et comment on va intégrer l'étude d'impact à la
nécessité de produire des plans d'aménagement
conformément à la loi 150. Est-ce qu'on va devoir faire tout cela
dans la période de huit mois qui nous semble allouée par la loi
150 puisque c'est dans le plan d'aménagement que la loi 150
prévoit l'utilisation éventuelle de pesticides?
Alors, c'est le message central de notre mémoire, M. le
Président. Nous croyons primordial que cet écheveau soit
démêlé et que le ministère de l'Environnement
convienne avec le ministère de l'Énergie et des Ressources d'une
politique d'utilisation aérienne des pesticides en forêt et de
règlements qui vont permettre l'application de cette politique avant que
l'on applique le nouveau régime forestier. Nous avons déjà
dit qu'il nous serait très difficile d'appliquer le nouveau
régime sans cette politique et nous maintenons ce point de vue.
Le mémoire souligne aussi quelques cas d'articles qui
présentent des difficultés particulières. Je vous ai
parlé de définition. L'article l'utilise une définition de
la sylviculture qui est tout à fait non conventionnelle. La plus
reconnue est citée dans le mémoire. Je vous signale que la loi
150 parle d'aménagement forestier. Nous nous demandons si cela veut dire
que l'avant-projet de loi veut limiter l'utilisation de pesticides dans
l'aménagement en vue de produire de la matière ligneuse. Si
c'était cela, ce serait une erreur grave parce que les pesticides,
à notre sens, sont nécessaires aussi pour l'aménaqement
à des fins récréatives et fauniques. Ceux qui en
douteraient n'ont qu'à aller faire un tour au camp Mercier pour voir ce
que cela a donné. Ceux qui sont plus en moyen peuvent aller jusqu'en
Nouvelle-Écosse pour voir ce que cela a donné.
De la même façon, l'article 3 nous paraît
prévoir une correspondance avec la classification des pesticides au
niveau canadien. On nous dit que cette correspondance est prévue;
pourquoi ne pas le spécifier dans le texte législatif?
Je passe tout simplement en revue quelques autres articles. Vous avez eu
la chance de les regarder tous. Je veux simplement vous signaler que les
garanties telles que formulées à l'article 16 pourraient, en
pratique, être une interdiction si elles sont tellement
élevées que cela équivaut à une interdiction. Il y
aurait lieu de limiter cela, peut-être.
Je vous ai parlé tantôt des études d'impact.
L'article 17, qui nous parle d'un permis par établissement, est-il une
échappatoire à la limite de 600 hectares prévue dans la
Loi sur la qualité de l'environnement? Si chaque établissement
d'une compagnie qui a besoin d'arrosages de moins de 600 hectares peut obtenir
un permis indépendant, est-ce qu'on ne vient pas
en contradiction avec ce que la Loi sur la qualité de
l'environnement dit, soit que le même promoteur, où qu'il soit
dans la province, doit additionner ses hectares et que cela ne doit pas
dépasser 600? II y a une incongruité là.
Aux articles 29 et 36, on parle de compétence. Nous sommes
très heureux de voir qu'un certificat va confirmer la compétence
des travailleurs dans le secteur. Je pense que l'industrie est contente de voir
venir cela.
En ce qui concerne l'article 47, nous tenons à souligner que
toute décision de cesser une activité devra toujours être
appuyée sur des données scientifiques qui démontrent que
les dangers qu'on évoque sont réels et non pas des craintes
exagérées.
Finalement, en ce qui concerne l'article 101, il nous apparaît
logique, compte tenu des dispositions de la nouvelle Loi sur les forêts,
que les territoires forestiers qui sont soumis à un contrat
d'approvisionnement et d'aménagement forestier soient traités de
la même façon que les territoires agricoles qui ont un plan
d'aménagement intrinsèque eux aussi. Le plan d'aménagement
approuvé par le ministère de l'Énergie et des Ressources
doit d'ailleurs prévoir l'utilisation éventuelle de pesticides
pour contrôler les épidémies et les maladies. Il nous
semble qu'il y aurait lieu de coordonner cela pour qu'on soit soumis à
une autorité unique, quitte à ce qu'elle représente
l'ensemble de la législation gouvernementale.
En conclusion, M. le Président, ce que nous réclamons,
c'est la reconnaissance de la nécessité d'utiliser les pesticides
dans le domaine de l'aménagement forestier. L'industrie est contente du
fait que le gouvernement veuille assurer la compétence du personnel qui
fera l'épandage de ces produits et que le gouvernement ait l'intention
de traiter de façon distincte l'utilisation agricole et
forestière. Par contre, elle se demande jusqu'à quel point on va
devoir attendre, dans l'urgence que représente la mise en place du
nouveau régime forestier, pour savoir quelles seront ses
modalités d'utilisation et quelle sera la politique du gouvernement
à cet effet, parce que cela a une influence non seulement sur la
production de matière ligneuse, mais aussi sur la sauvegarde des
habitats fauniques qu'on aura obtenus avec la mise en place du nouveau
"Guide des modalités d'intervention en milieu forestier". Les
pouvoirs de réglementation, comme dans d'autres cas, nous apparaissent
un peu vastes et pas tout à fait assez encadrés. Il nous semble
que le projet de loi devra tenir compte plus spécifiquement de
l'homologation fédérale.
Finalement, et c'est, encore une fois, le point central, il faudra
reconnaître clairement que l'usage des pesticides est essentiel à
une sylviculture qui est de plus en plus intensive et è la protection de
la forêt non seulement pour son usage industriel, mais aussi pour lui
permettre de continuer è nous fournir tous les autres biens et services
qu'elle nous fournit.
Nous sommes prêts à répondre à vos questions
s'il y en a.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Duchesne.
M. le ministre.
M. Lincoln: M. Duchesne merci d'être venu témoigner
ici et d'avoir présenté votre mémoire. Je pense que vous
nous avez expliqué et exprimé très clairement l'importance
de l'industrie forestière au Québec, ce que nous savions tous
déjà, mais je pense que les chiffres que vous avez avancés
dramatisent la situation encore plus. Il est clair que nous sommes tous
conscients de l'apport réellement extraordinaire de l'industrie
forestière dans l'économie du Québec pour la
création d'emplois indirects. Cette industrie, peut-être la
première dans tous les sens au Québec, est de si grande
importance que ce que vous avancez est pris avec d'autant plus de
sérieux. (15 h 30)
Je ne pense pas que l'intention soit d'essayer de freiner ou d'enrayer
le développement normal d'une industrie. Comme vous le savez, j'ai des
contacts très fréquents avec le ministre
délégué aux Forêts avec qui je siège au
comité interministériel à chaque semaine; je le rencontre
fréquemment. Là-dessus, comme vous le savez aussi et vous l'avez
indiqué, nous avons préparé une lettre d'intention; en un
sens, une politique de consensus sur toute la question des pesticides en
forêt serait émise le plus tôt possible.
En même temps, il faut vous dire que ce projet de loi, comme vous
l'avez remarqué, est un avant-projet de loi. La raison pour laquelle
nous avons rédigé un avant-projet de loi, c'est que nous voulions
avoir des audiences publiques, nous voulions faire le plus grand nombre de
consultations possible. Comme vous le savez, elles ont déjà
été commencées même avant le dépôt de
l'avant-projet de loi, depuis assez longtemps, et vont continuer ensuite. Je ne
peux pas vous dire aujourd'hui quand ce projet de loi sera adopté. Si,
par exemple, il y avait tellement d'amendements à faire,
d'améliorations à apporter à la suite de la commission
parlementaire, il se pourrait que cela reste dans le décor pendant un
bout de temps encore, même jusqu'à la session d'après. Cela
dépendra beaucoup de ce qui va se passer ici. Sans projet de loi, on ne
peut pas produire de réglementation. Tout est basé sur cela. Je
sais que, pour vous, le mois d'avril est crucial. Aussitôt que cette
commission parlementaire sera terminée, une des priorités que
nous avons au ministère de
l'Environnement, c'est de nous mettre en contact presque continue! avec
le ministère des Forêts pour qu'au moins pour cette saison vous
sachiez de façon intérimaire si le projet de loi allait
être retardé, ce qui va se passer avant qu'une politique
peut-être définie et finale soit élaborée. Quoi
qu'il en soit, vous pouvez être certains que cela sera naturellement pour
nous la chose la plus normale de travailler avec tous les milieux
concernés pour l'élaboration de cette politique.
Si je peux toucher à quelques questions que vous avez
soulevées dans votre mémoire, je voudrais vous dire, par rapport
à la question de l'incertitude, qui pour vous, je le réalise, est
un élément très très important en vue de vos
échéanciers, qu'en fait, nous aurions voulu faire cela de concert
et en même temps que la loi 150 sur les forêts, mais c'était
impossible, dans l'échéancier qui se présentait, de faire
les esquisses du projet de loi, les ébauches. Il aurait fallu
décider si on allait le faire sous l'égide de la Loi sur la
qualité de l'environnement ou séparément et comment cela
allait se faire. Le fait est qu'on n'a pas pu le faire et qu'il faudra attendre
que cette loi-ci soit terminée. Entre-temps, on va s'arranger pour que
cette incertitude ne règne pas en faisant appel à des
mécanismes, même si ce sont des mécanismes
intérimaires, en attendant que des instruments, des documents ou des
règlements plus précis puissent être faits.
Vous avez parlé, comme d'autres intervenants aussi, de loi
distincte et des possibilités de conflits et d'ambiguïté
avec la Loi sur la qualité de l'environnement. Nos opinions juridiques,
qui sont partagées par beaucoup de juristes, en fait, de l'ensemble du
gouvernement, qui ont travaillé à ce projet, sont que ces deux
lois agissent indépendamment, comme c'est le cas, par exemple, dans
certaines autres provinces - la dernière étant le
Nouveau-Brunswick - qui ont émis une loi sur les pesticides
séparément de la Loi sur la qualité de l'environnement.
Les articles que vous citez, l'article 20, par exemple, s'appliqueraient
toujours, indépendamment de la loi sur les pesticides. Mais, s'il est
nécessaire dans cette loi-ci de clarifier dans un texte le fait que ces
lois s'appliquent indépendamment, pour éviter des
ambiguïtés, même si c'était des ambiguïtés
de perception, nous sommes prêts à le faire.
Le fait est que nous sommes certains que toutes les prévisions ou
dispositions de la Loi sur la qualité de l'environnement continueront
à s'appliquer de façon complémentaire ou
indépendante de la Loi sur les pesticides. Par exemple, vous parlez des
arrosages aériens et des demandes d'études d'impact pour les
territoires de plus de 600 hectares. Tout cela, dans la Loi sur la
qualité de l'environnement, ne changera aucunement. L'objectif de la Loi
sur les pesticides est de beaucoup différent! Il s'agi de vraiment
mettre l'accent sur l'utilisateur et le distributeur de pesticides comme
individu grâce à un système de certificat et
d'éducation, beaucoup plus que de traiter les matières qui sont
maintenant traitées, par exemple, dans les études d'impact de la
Loi sur la qualité de l'environnement. En tout cas, les
précisions que nous allons apporter pour confirmer cela seront faites,
si elles sont juqées nécessaires, par les juristes après
avoir lu tous les mémoires.
Par rapport aux articles 5 et 95, l'idée de rédiger ces
articles comme ils l'ont été, c'était justement pour
souligner qu'au départ il y avait un régime spécial pour
le domaine de la sylviculture et de l'agriculture. Mais dans la disposition 2,
il y s un pouvoir habilitant qui permet d'émettre des règlements,
à un moment donné, selon l'article 95. Il est très
possible qu'il soit décidé, en tenant compte de la dimension
immense de votre industrie, que toute la question de la réglementation
soit retenue, comme on va le faire dans le domaine agricole et qu'entre-temps,
il y ait une politique conjointe avec le ministère des Forêts.
Vous recevrez une réponse à toutes ces questions très
bientôt afin que vous sachiez, pour la saison qui s'en vient -surtout
compte tenu des échéanciers de la loi 150 - exactement à
quoi vous en tenir.
Pour ce qui est de la question des garanties à laquelle vous avez
fait allusion, la disposition qui est incluse et qui se retrouve aussi dans
d'autres lois du Québec touche et touchera seulement les compagnies
extérieures au Québec qui pourraient venir transiger ici ou
travailler ici ou faire des actions ici au Québec et causer des dommages
potentiels et surtout, par exemple, des compagnies américaines ou
étrangères où on aurait des possibilités de recours
au tribunal qui seraient très très compliquées. C'est
pourquoi on les a mises. Cela ne touchera certainement pas les compagnies
membres de votre association.
Quant à l'épandage aérien, ce que vous avez
mentionné, je pense que je devrais mettre les cartes très
franchement sur table. Comme vous le savez, il y a un décret du
gouvernement du Québec - le gouvernement antérieur l'avait
adopté - qui stipule qu'à partir de cette année-ci
l'épandage aérien ne se fera purement, à 100 %, que par le
BT. Moi, ma position - et je pense que je serais malhonnête d'essayer de
la cacher, je vous le dis bien franchement - est de me battre le plus
farouchement possible pour le maintien de ce décret. Je n'en ai pas
discuté spécifiquement avec mon collègue des Forêts
parce que le décret est là. Je ne sais pas si son intention
était de revoir toute la politique, incluant cela. Pour moi, ce que je
voudrais discuter, ce sont toutes les choses autres que cela parce que c'est
déjà là.
C'est une partie de la politique du Québec à partir de
1987. Moi, comme ministre de l'Environnement, je me trouve dans une position
d'endosser philosophiquement cette chose. Je voulais vous dire ma position,
vous donner mon opinion là-dessus bien franchement.
Pour ce qui est de toute la question de la recherche de méthodes
de remplacement, etc., il y a eu des suggestions qui ont été
faites par plusieurs intervenants en ce sens qu'on aurait peut-être
dû imposer une taxe minimale quelconque parce que, comme vous le savez,
les pesticides ne sont pas taxés du tout. Peut-être qu'un sous ou
deux sous provoqueraient un fonds assez substantiel dont on pourrait se servir
pour la recherche de méthodes de remplacement, etc. J'aimerais
connaître votre réaction à cela.
Le Président (M. Saint-Roch): M.
Duchesne.
M. Duchesne: Je me permettrai, M. le Président, de
reprendre une couple de points, pas seulement la dernière question. Je
vais y revenir aussi, si vous me le permettez, M. le ministre. Le premier qui
m'apparaît mériter un commentaire concerne la limite de 600
hectares pour les études d'impact. Ce qui est important pour nous, c'est
que le processus actuel d'étude d'impact si la politique d'utilisation
des pesticides en milieu forestier n'y touchait en aucune façon est en
contradiction avec lui-même d'une certaine façon. Le processus
d'étude d'impact ne peut pas être enclenché avant que l'on
connaisse l'existence d'une épidémie et, au moment où l'on
connaît l'existence d'une épidémie, il est très
avantageux d'agir très rapidement. Tout délai à ce
moment-là nous apparaît contraire aux objectifs poursuivis qui
sont de minimiser l'utilisation de pesticides. C'est un peu comme un feu. Si on
l'éteint quand il est petit, c'est beaucoup moins de travail que de le
laisser grossir pendant un an ou deux et après cela d'essayer de
l'éteindre. C'est ce qui se produit dans le secteur. Nous pensons qu'il
y a des ajustements à faire spécifiquement quant à
l'utilisation des pesticides dans l'aménagement forestier.
Pour ce qui est du type de produit à utiliser, l'industrie, M. le
ministre, n'a jamais contesté le progrès vers des pesticides qui
soient plus efficaces ou qui protègent mieux l'environnement. Les
réticences que nous avons manifestées dans le passé
vis-à-vis du BT sont essentiellement reliées au coût plus
élevé d'utilisation. Si la décision collective au
Québec est qu'on préfère payer ce coût plus
élevé pour avoir une sécurité accrue, alors,
l'industrie ne s'y oppose d'aucune façon. Ce qu'on ne voudrait pas, par
contre, c'est de ne pas pouvoir utiliser un insecticide efficace dans le cas de
la torde use ou un autre pesticide, dans d'autres cas, qui soit efficace. Je
pense qu'on y tient mordicus, si vous me permettez l'expression. Le BT a ce
stade-ci de son développement nous apparaît relativement efficace
et on n'a pas d'objection à utiliser du BT plutôt qu'un
insecticide plus conventionnel.
Quant à la question de là taxe, écoutez, on ne
serait certainement pas la source de la plus grande quantité de fonds
puisque la quantité de pesticides utilisée en foresterie est
inférieure à 5 % de la totalité des pesticides
utilisés au Québec. On ne prévoit pas, non plus, que cela
va croître autant dans les prochaines années malgré qu'on
veuille avoir l'autorisation de s'en servir. En plus, une bonne partie du
coût de ces pesticides continuera d'être défrayé par
le gouvernement. Je me permets de vous souligner que ce serait peut-être
faire tourner de l'argent en rond à ce niveau et, sur cette question de
la taxe, ce n'est certainement pas nous qui pouvons vous donner des indications
positives ou négatives valables.
M. Lincoln: Le temps passe et il faudrait que je cède la
parole à mes collègues. J'ai une question plutôt d'ordre
philosophique. Je ne sais pas si je vous ai bien entendu, M. Duchesne, au
début, mais il m'a semblé vous avoir entendu dire que vous ne
pensiez pas qu'il puisse être possible d'utiliser les pesticides de
façon rationnelle dans le contexte actuel, c'est-à-dire de
diminuer graduellement leur usage et de les remplacer peut-être par un
système de gestion graduellement plus écoloqique afin de faire un
équilibre. (15 h 45)
Peut-être que j'ai mal saisi ce que vous avez dit, mais par
rapport à cela, ce matin, nous avons écouté M. Lafond, du
fonds de recherches, qui nous disait que selon se perception des choses on
pouvait avoir une vision d'une forêt écoloqique peut-être
pas dans le sens suisse à cause des différents sites de culture,
mais dans le principe, dans un avenir peut-être pas lointain, on pourrait
viser vers une forêt écologique où on se servirait de moins
en moins de pesticides en se servant de meilleurs moyens d'aménagement
et de gestion de la forêt.
Est-ce que c'est le sentiment de votre industrie ou est-ce que je crois
comprendre de votre mémoire que vous dites que les pesticides sont
là pour rester à jamais, ou pour bien longtemps?
M. Duchesne: Je pense qu'on doit accepter que les pesticides sont
là pour rester, ce qui ne veut pas dire qu'à un niveau de
production donné on ne puisse pas réussir à diminuer le
besoin en pesticides pour maintenir ce niveau de production. Comme le niveau de
production lui-même est en augmentation pour répondre aux
besoins
croissants de la forêt et de la matière ligneuse, les deux
effets se contrecarrent, si vous voulez, et, dans un avenir prévisible,
nous ne voyons pas une réduction substantielle de l'utilisation des
pesticides parce que l'intensité du travail à accomplir
s'accroît.
Là-dessus, je pense que mes collègues peuvent vous
éclairer parce que tous deux sont impliqués dans
l'aménagement intensif. Peut-être, Jacques, peux-tu faire...
Le Président (M. Saint-Roch): M. Larue.
M. Larue (Jacques): Cela dépend beaucoup des superficies
qu'on a à traiter. Le coût des opérations manuelles devient
de plus en plus élevé. L'utilisation des pesticides, surtout en
aménagement dans les jeunes forêts, c'est quelque chose qui se
fait peut-être une fois ou deux. On va utiliser les insecticides surtout
lorsque les forêts sont rendues à maturité, pour les
protéger contre les insectes ou les maladies. Dans les sylvicides ou les
herbicides, ce sera utilisé au début de la formation des
peuplements pour contrôler la regénération, surtout
lorsqu'on veut contrôler une regénération résineuse.
Il va s'en utiliser de plus en plus, mais je crois que le volume total sur
l'ensemble des forêts n'est pas un chiffre tellement
élevé.
M. Lincoln: Je vous remercie, M. le Président. Je pense
que mon temps est utilisé.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre. M. le
député de Terrebonne.
M. Blais: Merci beaucoup d'être là. L'Association
des industries forestières, malgré le petit pourcentage de
pesticides qu'elle emploie, est une association qu'il est très important
de consulter pour ce projet de loi. Le ministre vous a posé plusieurs
questions que j'ai trouvées très pertinentes, que
j'éviterai de poser une seconde fois. J'en ai fait ma richesse en vous
écoutant y répondre.
Cependant, j'en aurais une à vous poser. Vous semblez tout de
même assez logiques, à la page 13, lorsque vous dites: "II est
souhaitable que ce plan ne soit soumis qu'à une seule autorité",
de la même façon que dans le territoire agricole tout est sous la
même autorité, c'est-à-dire le ministère de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Je voudrais avoir une
certitude sur votre position. À la page 5, vous dites: "Le ministre de
l'Environnement a d'ailleurs convenu - concernant l'épandage des
pesticides, vous en avez parlé tantôt -conjointement avec le
ministre délégué aux Forêts, M. Albert
Côté, que l'utilisation des pesticides en forêt puisse faire
l'objet d'une réflexion gouvernementale et d'une réglementation
appropriée au nouveau cadre défini par la loi 150." Il y a une
lettre d'entente à ce sujet, comme le ministre l'a dit tantôt.
Si on va è la page 9, au dernier paragraphe: "Il est primordial
que cet écheveau soit démêlé et que le MENVIQ
convienne avec le ministère de l'Énergie et des Ressources d'une
politique d'utilisation aérienne des pesticides en forêt ainsi que
des règlements afférents avant que le nouveau régime
forestier n'entre en application." Ici, on parie du ministère de
l'Energie et des Ressources. On va à la page 13: "II serait logique,
compte tenu des dispositions de la nouvelle Loi sur les forêts, que les
territoires forestiers soumis à un contrat d'approvisionnement et
d'aménagement forestier soient traités de la même
façon que les territoires agricoles", c'est-à-dire sous une seule
autorité. "Le plan d'aménagement approuvé par le ministre
de l'Énergie et des Ressources doit prévoir l'utilisation
éventuelle de pesticides. Il est souhaitable -comme conclusion - que ce
plan ne soit soumis qu'à une seule autorité." J'espère -
et je voudrais vous l'entendre dire - que vous voulez que ce soit le ministre
de l'Environnement qui soit l'autorité suprême dans
l'épandage des pesticides, même en forêt.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Duchesne.
M. Duchesne: M. Blais, notre concept de porte unique du point de
vue de l'industrie pour obtenir des permis, des autorisations et des contrats
de la part du gouvernement n'est pas en contradiction avec les
responsabilités du ministre de l'Environnement dans l'usage des
pesticides et ce, en aucune façon. Ce que nous préconisons, c'est
que, quel que soit le sujet pour lequel nous devons obtenir des permis ou
autorisations, le guichet par lequel nous passons pour obtenir ces permissions
soit celui du ministère de l'Énergie et des Ressources, section
forêt, qui s'occupe principalement de la gestion de la matière
ligneuse à des fins industrielles. Cela n'enlève rien à
l'autorité du ministre de l'Environnement sur l'usage des pesticides en
forêt. Ce n'est pas du tout ce qu'on veut faire non plus. La politique
d'utilisation des pesticides doit correspondre aux objectifs du
ministère de l'Environnement pour l'utilisation de ces produits. Tout ce
que nous disons, c'est que cela devient extrêmement complexe pour les
administrateurs de l'industrie de s'adresser à deux, trois, quatre ou
douze endroits différents avant de pouvoir faire un mouvement avec des
processus administratifs différents dans chacun de ces endroits. Nous
avons vécu ce cas-là dans toutes sortes de domaines qui vont des
processus environnementaux aux processus de relation du travail. Cela nous
apparaît
absolument improductif de procéder comme cela, mais cela ne veut
pas dire que, dans chaque cas, les autorités des gens ou des
ministères qui sont conelela.
M. Blais: Je comprends votre inquiétude parce que j'ai
été seize ans dans l'entreprise. Vous avez un complément
de réponse? Allez- y.
Le Président (M. Saint-Roch): M.
Landry.
M. Landry (Jean-Pierre): Pour aller dans le même sens que
M. Duchesne, il est impératif, je pense, qu'on arrête la
procession de toute une pléiade de ministères où on doit
cogner à la porte pour être capable de faire un travail qui
devient de plus en plus important et, principalement, à partir de 1987,
avec la nouvelle Loi sur les forêts. Le ministère de
l'Énergie et des Ressources, section forêt, a déposé
un projet de loi qui a été voté et dans lequel on va
être collectivement obligé de faire produire à la
forêt plus qu'elle n'a jamais produit. II va falloir que tout le monde
travaille dans le même sens. Dans le même sens que M. Duchesne
disait, ce n'est pas pour enlever de l'autorité à personne. On
demande que différents ministères s'assoient ensemble, pensent
une politique qui sera acceptable pour tout le monde, mais, quand viendra le
temps de l'appliquer, il faut que nous puissions avoir un permis qui soit
donné par un ministère, que ce soit pour un permis
d'aménagement de la forêt ou un autre. Cela devient important.
L'autre remarque que vous aviez faite et sur laquelle je voulais
apporter un commentaire, c'est que vous étiez heureux de nous voir ici
malgré le petit volume de pesticides qu'on utilisait. C'est
malheureusement la lourdeur administrative pour pouvoir s'en servir et toutes
sortes de choses qui nous empêchent d'utiliser différents produits
qu'on devrait utiliser en aménagement, que ce soit les herbicides ou les
insecticides. C'est pourquoi on en utilise si peu, un petit volume. Cela ne
veut pas dire qu'on va en utiliser un volume qui va se comparer à
l'agriculture. Celle-ci emploie au Québec entre 80 % et 85 % de tous ces
produits. Nous, on en utilise moins de 4 % ou 5 %. Un bon jour, si on peut
trouver une façon correcte de s'en servir, une méthode
acceptée par tout le monde, on augmentera peut-être ce pourcentage
je ne sais trop à quoi, peut-être à 8 % ou 10 %, mais tout
en ayant une façon intelligente de s'en servir, pour aménager nos
forêts tel que le ministère de l'Énergie et des Ressources
veut qu'on le fasse. Il faut faire produire nos forêts un peu plus. De
toute façon, on va en venir là. Je pense que l'agriculture en est
arrivé là. Les terres sont plus difficiles è
aménager en agriculture; il fallait faire produire des champs uniquement
de blé. On arrose pour enlever de la moutarde dans le champ, parce qu'on
ne peut pas avoir les deux dans un champ; cela ne donne pas un bon rendement en
blé s'il y a plus de moutarde que de blé.
C'est comme cela qu'on en est venu à utiliser des herbicides en
agriculture, de la même façon qu'on utilise des insecticides,
parce que ça coûtait trop cher d'ensemencer des champs qui ne
rapportaient pas. On en est rendu là dans le domaine de la forêt;
il va falloir cultiver notre forêt et à grands frais. On ne voit
pas comment on va pouvoir aménager, comme le ministère de
l'Energie et des Ressources nous le demande, sans utiliser cet outil; cela
devient un élément de base. Exactement comme l'agriculture
utilise ces produits, on veut avoir la possibilité de s'en servir non
pas à aussi grande échelle, puisqu'il ne s'agit pas d'arroser
chaque année, mais seulement une fois ou deux dans la vie d'un arbre qui
va prendre 50 ans è pousser, comparativement à l'agriculture
où l'utilisation revient chaque année parce que c'est une
croissance annuelle.
Ce qu'on veut, c'est quelque chose de conforme au plan
d'aménagement, selon ce que le ministère veut qu'on produise, et
qu'il nous donne les outils pour y arriver, tout simplement. Merci.
M, Blais: Je comprends, à la suite de vos deux exposés sur
la question, que vous ne voyez pas ce projet de loi comme un empêchement
è l'utilisation de pesticides en foresterie, quand même? Vous ne
le voyez pas comme cela?
M. Landry: J'aurais une remarque.
Le Président (M. Saint-Roch): M.
Landry.
M. Landry: Si la lourdeur administrative fait que c'est tellement
lourd, que ça prend tellement de temps à avoir un permis ou une
autorisation, c'est comme si c'était un empêchement è s'en
servir.
M. Blais: Je vous comprends, j'ai été quelques
décennies dans l'entreprise privée. Pendant que j'y étais,
je me prenais à maugréer contre les gouvernements et leur tonne
de paperasse. Je vous comprends très bien. Il y a une chose, cependant,
maintenant que je suis rendu "paperasseux" - je suis rendu un "paperasseux", je
suis un élu - je dois prendre votre intervention è
l'interprétant comme ceci. Vous dites que vous êtes
fatigués de passer par un pléiade de ministères; c'est
exactement le beau mot poétique que vous avez employé.
D'un autre côté, vous dites, è la page
7, que vous êtes fatigués de passer par une kyrielle de
paperasse. La protection par la paperasse, vous avez cela en page 7: demande
d'autorisation, formulaire, permis, certificat, examen, révocation,
avis, voilà, etc., alléluia! Là, vous dites que vous
aimeriez, sans brimer l'autorité du ministre de l'Environnement... Je
tiens à ce que ce soit lui qui ait l'autorité finale sur
l'utilisation des pesticides; ceux qui sont passés ici, de façon
générale, tiennent à ce que ce soit lui. Il faut que
l'Environnement donne une permission quelconque. Cela voudrait donc dire que,
si vous voulez, en bout de piste, que ce soit le ministère des
Forêts qui vous donne le permis final, il va falloir que vous acceptiez
de rajouter à la kyrielle des paperasses. Après avoir reçu
du ministre de l'Environnement l'autorisation de procéder à
l'épandage, le ministère des Forêts pourrait vous accorder
ce permis. Donc, vous rajoutez encore de la paperasse.
C'est cela, le problème, quand on est poigné avec
l'entreprise privée qui veut, entre guillemets, "être de plus en
plus productive" et un gouvernement qui veut être de plus en plus
sérieux afin que la protection de l'ensemble des citoyens y soit. C'est
là, quand on est du côté productif - j'appelle cela
l'entreprise privée, ce n'est pas parce que, de ce côté-ci,
le gouvernement lui-même et ceux qui sont élus, on n'est pas
productif, mais ça paraît moins. On travaille beaucoup, nous
aussi, mais souvent ça paraît moins. Je ne parle pas de moi
personnellement dans mon comté, les gens le savent, mais, en
général, ça paraît moins. On est pris entre une
pléiade de ministères, comme vous dites, et vous vous plaignez
vous-mêmes de la kyrielle de paperasserie et, si on répondait
exactement à votre désir, on rajouterait à la
paperasserie. On est pris dans un dilemme qui n'est pas facile à
résoudre. Mais, moi personnellement, entre choisir entre la
pléiade de ministères et la kyrielle supplémentaire de
paperasserie je choisis la pléiade de ministères qui ont affaire
à vous et je favorise le ministre de l'Environnement. On n'est pas
d'accord je pense sur cela, mais c'est ma position. (16 heures)
Le Président (M. Saint-Roch): M. Duchesne.
M. Duchesne: Effectivement on n'est pas d'accord, mais je pense
qu'on a de la difficulté à se comprendre...
M. Blais: Pour ceux qui étaient dehors, c'est difficile
à comprendre en arrivan.
M. Duchesne: Le ministère de l'Énergie et des
Ressources, dans le cadre de la loi 150, exige du bénéficiaire
d'un contrat d'approvisionnement et d'aménagement forestier qu'il
rédige un plan d'aménagement à long terme, lequel contient
des dispositions de lutte contre les épidémies. Ce n'est pas une
paperasse' supplémentaire, c'est quelque chose que l'on faisait
déjà sous l'ancien régime et on l'a tout simplement
adapté au nouveau régime, de telle sorte que les
différents intervenants gouvernementaux vont avoir dans ce document ce
que l'industrie entend faire pour protéger la forêt, entre autres,
contre les épidémies, donc quel pesticide l'industrie entend
utiliser et de quelle façon. Le permis d'intervention, qui est
émis chaque année par le ministre responsable des forêts et
qui constitue le droit d'exploitation de la compagnie forestière en
forêt, couvre toutes les interventions, y compris éventuellement
dans notre esprit des opérations d'arrosaqe, soit contre les insectes,
soit pour le contrôle de la végétation. Il s'agit tout
simplement que le ministre délégué aux Forêts, au
moment de l'émission de ce permis, ait contacté son homologue
responsable de l'Environnement, pour s'assurer que le processus est conforme
aux objectifs du ministère de l'Environnement. On a effectivement
simplifié la paperasse, M. Blais.
M. Blais: Merci de votre réponse.
Le Président (M. Saint-Roch): M. le député
de Terrebonne.
M. Blais: Personnellement, je tiens a ce que ce soit le ministre
de l'Environnement qui soit le dernier à donner la permission et, quand
je serai le ministre de l'Environnement en 1991, c'est ce que je ferai. Je ne
sais pas ce que l'autre fera en attendant, je ne peux parler en son nom.
À la page 11, à l'article 7, vous dites: "II y a lieu de limiter
les pouvoirs conférés par l'alinéa 5, qui permet de
déléguer l'autorité ministérielle à des
personnes dont le parti pris est reconnu." Je ne comprends pas ce que vous
voulez dire par des partis pris reconnus pour certaines personnes. Je voudrais
avoir une explication.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Duchesne.
M. Duchesne: C'est que, M. Blais, dans la façon dont on
rédige l'article 7, toute personne ne garantit d'aucune façon
l'impartialité des gens qui vont devoir participer à
l'application de la loi. Nous avons malheureusement vécu des
circonstances un peu difficiles dans le passé et nous souhaitons que le
ministre s'assure que, dans tous les cas, les personnes avec qui il pourrait
conclure des ententes pour l'application sont des personnes qui ne partent pas,
ni avec un parti pris positif, ni avec un parti pris négatif sur
l'utilisation des pesticides, mais tentent vraiment d'appliquer la politique
globale telle que définie par le
ministre et par la loi.
M. Blais: Je ne sais pas si je comprends beaucoup mieux. Je vais
poser une sous-question. Il est écrit: "Pouvoirs du ministre", article
7. C'est bien cela?
M. Duchesne: C'est bien cela.
M. Blais: II n'y a pas eu beaucoup de pouvoirs du ministre dans
le passé, à part nous, c'est nous qui avons créé le
ministère de l'Environnement.
M. Duchesne: Mais il y a eu utilisation de pesticides.
M. Blais: Oui. Alors, sous notre régime, il y a eu des
nominations, soit dans la recherche, dans des études ou des
enquêtes, de personnes qui avaient un parti pris reconnu? Est-ce que
c'est cela que je dois comprendre?
M. Duchesne: De part et d'autre, oui. M. Blais: Ah
bon!
M. Duchesne: Je ne vous dis pas dans un sens plus que dans
l'autre, M. Blais. Ce que je vous dis, c'est que cet article nous semble
laisser une grande porte ouverte, et nous souhaitons qu'il soit très
clair que l'application de la réglementation par personne
interposée, ce qui nous semble le but de cet article, se fasse dans le
plus grand respect de la loi telle qu'elle sera écrite et des intentions
du gouvernement.
Le Président (M. Saint-Roch) M. Landry, je crois que vous
avez un complément de réponse.
M. Landry: Simplement pour rappeler à tout le monde qu'au
cours des dix dernières années il s'est perdu plus de bois au
Québec que toute l'industrie a pu en exploiter. Sans faire porter le
blâme sur qui que ce soit, je pense qu'une grande partie de cette
forêt aurait pu Être sauvée si on avait eu une politique
bien établie avec laquelle on aurait pu agir au moment opportun et non
pas attendre que la maison soit brûlée pour appeler les
pompiers.
M. Blais: Est-ce que la production depuis cinq ans a subi une
baisse catastrophique d'une année à l'autre... Je veux dire,
depuis dix ans, est-ce que cela a été castrophique, la production
en forêt? Est-ce qu'elle est allée à la baisse? Est-ce
qu'il y a eu une baisse catastrophique ou s'il y a eu une remontée
phénoménale?
Le Président (M. Saint-Roch): M. Landry.
M. Landry: On n'a pas eu de baisse. Si on reqarde la
problématique de la forêt qui a été émise par
le gouvernement il y a deux ans, on y voit que les possibilités futures
d'exploitation au Québec ont été diminuées pour une
bonne période à cause de la mortalité des forêts au
cours des dernières années.
M. Blais: Vous parlez du coupage à blanc, ces
choses-là, par les compagnies.
M. Landry: Quand on parte des possibilités futures, on
parle des possibilités du territoire. À cause de la perte des
forêts par la tordeuse dans les dix dernières années, les
possibilités ont été diminuées pour un certain
nombre d'années à venir.
M, Duchesne: Si vous me le permettez, M. le Président.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Duchesne.
M. Duchesne: II y a cette question de possibilité
forestière qui est un peu notre jargon et avec laquelle on a souvent de
la difficulté. La possibilité, en foresterie, c'est la
quantité de matière ligneuse d'une forêt que l'on peut
récolter à perpétuité. Donc, c'est
l'intérêt, si vous voulez, du capital forestier seulement. Quand
arrive une épidémie ou un incendie grave qui diminue le stock
debout, la quantité, le capital de matière ligneuse,
évidemment l'intérêt diminue lui aussi. Dans le cas de
l'épidémie de la tordeuse qui a duré au-delà d'une
décennie et qui a détruit pendant cette période plus de
bois que l'industrie en consomme pendant dix ans, effectivement le capital
forestier a été diminué et la possibilité
forestière du Québec au complet s'en est retrouvée
diminuée.
M. Blais: Je vous comprends très bien. Ce sont des
épidémies avec lesquelles on est obligé de vivre et avec
lesquelles on va vivre longtemps. Des spécialistes nous en parlaient
encore ce matin. Il faudrait permettre certains pesticides, les moins actifs
possible, dans des cas comme ceux-là, et le projet de loi va
certainement le permettre. Je vous sens un peu craintifs, mais je ne crois pas
que ce projet de loi mette des restrictions sur des choses comme
celles-là. C'est bien sûr que ce n'est pas la production pour la
production pour la production pour la production, il y a une
responsabilité dans ces lois: la protection de la qualité de la
vie des gens. Aussi, il faut dire que les coupages à blanc et
l'irresponsabilité de beaucoup de types travaillant en forêt - et
vous en savez quelque chose - y ont été pour beaucoup pour cette
masse, dont vous parliez tantôt, de réserve récurrente. Eh
bien, il y a aussi
les feux et la tordeuse, mais les coupeurs à blanc y ont
été pour beaucoup. Disons que ce sont les trois causes. Quant
à les nommer, je tenais è nommer la troisième. Ce sont
trois coupables. Certains, on est capable de les réglementer même
si cela fait de la paperasse, mais la tordeuse, c'est assez rare qu'on est
capable de faire une paperasse pour l'envoyer chez elle.
Je n'ai pas d'autres questions. Je vous remercie de la façon dont
vous avez répondu, de votre franchise. Tout ce que je ne voudrais pas,
c'est que vous partiez avec une crainte - le ministre va vous le dire, je ne
vois pas le projet de loi comme cela - de ne pas utiliser de façon
rationnelle certains pesticides. Je suis persuadé que dans cette loi
vous aurez le droit d'en utiliser, à la condition qu'il y ait respect de
l'ensemble. Je suis persuadé que votre association a un respect normal
et primaire et je ne vois pas pourquoi vous seriez craintifs. Je suis positif
et je suis très heureux que ce projet de loi arrive, bien qu'il ait des
lacunes; tous les projets de loi ont des lacunes. Le rôle de ceux qui
viennent pour l'améliorer, comme vous, l'Opposition et les membres du
gouvernement qui commencent è être capables d'y aller un peu parce
que l'euphorie de la victoire commence à s'en aller, ils peuvent donc
apporter eux aussi un peu de choses bénéfiques et tout le monde
va faire un projet de loi probablement beaucoup mieux que celui qu'on croyait
avoir au tout début. Ce matin, le ministre nous disait que les
règlements ne sortiraient probablement pas avant l'automne 1987 et il
nous a dit tantôt que le projet pourrait peut-être être
retardé. Alors, il est possible que ce projet de loi ne voie le jour de
façon effective qu'en 1989 ou 1990. C'est ce que je crains. Alors, vous
avez vraiment le temps de regarder venir les coups. Merci de votre
présence.
Le Président (M. Saint-Roch): M. le député
de Terrebonne, je vous remercie. M. le ministre.
M. Lincoln: Je pense que M. Duchesne a quelque chose à
dire.
Le Président (M. Saint-Roch): M.
Duchesne.
M. Duchesne: M. le Président, si vous me le permettez,
à ce sujet, je veux juste dire au député de Terrebonne que
chat échaudé craint peut-être l'eau froide. Je voudrais
vous suggérer aussi de discuter des coupes à blanc avec vos
collègues, MM. Perron et Jolivet.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Duchesne. M. le
ministre.
M. Blais: ...
Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous
plaît! M. le ministre.
M. Lincoln: M. Duchesne, M. Larue et M. Landry, merci beaucoup de
nous avoir présenté votre point de vue avec beaucoup de
conviction et beaucoup de caractère. Je pense qu'on sait exactement
où vous vous tenez. Je tenais à vous dire, de mon point de vue
aussi, qu'en tant que ministre de l'Environnement je me dois certainement de
souligner qu'il me semble que la vocation même de notre ministère
est une vocation très horizontale parce que l'environnement, qu'on le
veuille ou non, n'a pas de frontières. S'il fallait, par exemple, pour
chaque secteur régi par un ministère sectoriel, comme par exemple
l'agriculture et la forêt, avoir un système où le
ministère de l'Environnement déléguerait ses pouvoirs en
un certain sens pour les permis ou les choses comme celles-là, il
faudrait, dans cette loi, que nous ayons des intervenants dans presque tous les
ministères, pour les exterminateurs, les qens qui travaillent dans le
domaine de l'horticulture, etc. Le sens même que je conçois du
ministère de l'Environnement est que c'est justement un ministère
horizontal qui, par sa vocation, doit coordonner l'action environnementale dans
l'oeuvre des ministères. Tout ce que je peux vous dire, de la
façon la plus franche possible, la plus calme possible, c'est que nous
allons travailler de très près, le ministre
délégué aux Forêts et moi; je pense que c'est un
écologiste, on dit que c'est un ministre des Forêts
écologiste, et il croit vraiment en la forêt et en
l'environnement. On travaille ensemble au sein d'un comité
interministériel, on travaille très bien ensemble. Je ne pense
pas qu'on aura quelque difficulté que ce soit à se rencontrer. Il
connaît mes vues sur la question des pesticides. Pour nous, les
pesticides sont un moyen de dernier recours. Nous pensons qu'il faut aller vers
un objectif où les pesticides deviendront de plus en plus un instrument
de dernier recours. Dans le sens de votre intervention, c'est pour vous un
outil de travail, peut-être aujourd'hui de premier recours,
d'après surtout ce que vous avez expliqué, M. Landry. Alors, je
me rends compte qu'il y a des balises qui sont tout à fait
différentes. Il y a un chemin à faire entre nous deux. C'est le
qrand défi, pas seulement en forêt, par rapport à
l'environnement, c'est dans toute l'industrie en général.
À un moment donné, il faudra que l'on trouve des solutions au
développement économique et à l'environnement pour une
intégration qui tiendra compte que chacun a une vocation mais qu'on doit
trouver un terrain d'entente. Je pense que c'est là le sens de notre
action, tout en
préservant des principes de défense de la qualité
de la vie et de la santé, etc. En même temps, il faut être
conscient aussi, comme vous l'avez souligné, que votre industrie a
besoin d'outils de travail. Elle va trouver un terrain d'entente en travaillant
avec nous pour ne pas imposer des choses. Je voulais vous dire en passant que
l'article 7 - j'aurais peut-être dû le souligner pendant qu'on
avait un échange de questions... Ce n'est nullement l'intention
là-dedans de déléguer des pouvoirs du ministre, par
exemple, à une personne qui pourrait être biaisée. Tout ce
que cela dit, c'est un pouvoir pour permettre des ententes avec d'autres
organismes et des individus pour l'application de la loi parce que, par
exemple, on va entrer dans des codes de pratiques avec toutes sortes
d'associations. Il y en a déjà un qui est en cours, qui a
été adopté sous le gouvernement antérieur.
Il y en a un deuxième qui est en tractation maintenant. Il y en a
eu plusieurs par la suite avec toutes sortes d'associations, des individus, les
industries. C'est pour nous donner ce pouvoir de le faire. Ce n'est nullement
l'intention de déléguer des pouvoirs, des émissions de
permis à des individus. Je peux vous donner la garantie formelle
là-dessus que ce n'est pas du tout l'interprétation de la loi. Je
ne pense pas que cette loi soit abusive en aucun sens. En fait, plusieurs
personnes nous ont dit qu'on n'était pas allé assez loin. Il y en
a d'autres qui nous disent: Vous êtes allés trop loin. Nous
espérons trouver une juste mesure. En tout cas, on va travailler, pas en
vase clos mais avec le ministère des Forêts et avec vous, tout en
maintenant notre vocation parce que nous sommes convaincus - et cela, je pense
que du côté de l'Opposition et de notre côté on est
d'accord - que le ministre de l'Environnement doit préserver cette
vocation un peu spéciale qui est horizontale et qui est essentielle dans
le milieu de vie dans lequel nous nous trouvons.
On vous remercie d'être venus. Je suis très très
content d'avoir échangé avec vous. Je pense que c'est purement un
stade aujourd'hui. On va continuer - vu l'importance de votre industrie -
à travailler avec vous et, naturellement, avec M. Côté, et
je suis très conscient de l'échéance d'avril et du plan
d'aménagement que vous avez à soumettre sur la loi 150. Pour moi,
ce sera une priorité aussitôt que la commission parlementaire sera
terminée. Merci beaucoup.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre. Y
a-t-il d'autres interventions? Sur ceci, je tiendrais à remercier, au
nom de tous les membres de la commission, l'Association des industries
forestières du Québec pour la qualité de leur
mémoire et de leur présentation. La commission de
l'aménagement et des équipements suspend maintenant ses travaux
jusqu'à 10 heures, demain matin, et j'attire l'attention des membres de
la commission que nous allons nous réunir ici, dans la salle du Conseil
législatif. Bonsoir.
(Fin de la séance à 16 h 18)