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Version finale

33rd Legislature, 1st Session
(December 16, 1985 au March 8, 1988)

Wednesday, February 11, 1987 - Vol. 29 N° 45

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation particulière sur l'avant-projet de loi sur les pesticides


Journal des débats

 

(Dix heures quatorze minutes)

Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission de l'aménagement et des équipements reprend maintenant ses travaux pour poursuivre la consultation particulière portant sur l'avant-projet de loi sur les pesticides. Est-ce que nous avons des remplacements, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Oui. M. Rochefort (Gouin) sera remplacé par M. Garon (Lévis). M. Vallières (Richmond) sera remplacé par M. Cusano (Viau).

Le Président {M. Saint-Roch): Merci, M. le secrétaire. Sur ce, je demanderais aux représentants du Fonds de recherches et de développement forestier de prendre place devant la commission. Permettez-moi, messieurs, au nom de tous les membres de la commission, de vous souhaiter la bienvenue et de vous remercier d'être présents à nos travaux. Je demanderais à M. le porte-parole de s'identifier et d'identifier les gens qui l'accompagnent, s'il vous plaît.

Fonds de recherches et de développement forestier

M. Lafond (André): M. le Président, mon nom est M. André Lafond. Je suis président du Fonds de recherches et de développement forestier. Je suis assisté de M. Léopold Dion, qui est membre de l'exécutif du fonds de recherches, et de M. Pierre Lafond, qui est directeur des recherches.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le président. Sur ce, nous allons vous accorder, M. le président Lafond, 20 minutes pour faire la présentation de votre mémoire.

M. Lafond: Le fonds de recherches remercie la commission, également ses membres, de nous accueillir ce matin et de nous donner l'occasion d'exprimer notre point de vue quant au projet de loi sur la très importante question des pesticides au sens le plus vaste du mot, un domaine qui, pour un organisme comme le nôtre, et pour des forestiers, est d'une importance vraiment extraordinaire. Nous avons vu avec grand plaisir le souci qui est manifesté dans cette loi d'approcher ces questions extrêmement complexes et sur lesquelles it y a encore tellement de choses à apprendre et à connaître, et qui posent des questions et des problèmes dont les réverbérations, si j'ose dire, s'étendent à toute la société et qui peuvent être à la fois bénéfiques et maléfiques.

Notre mémoire, au premier abord, insiste sur les aspects positifs que les pesticides ont dans notre société et dans l'aménagement des milieux. Les pesticides, on le souligne, sont certainement, tel qu'ils sont définis dans un sens très vaste ici, une des clés de la prospérité des populations dans les pays développés et sont certainement une des clés qui ont permis la prospérité qu'on connaît, la hausse des niveaux de vie, l'allongement du cycle vital des humains. J'ai eu le privilège de nombreuses fois dans ma vie de travailler dans les pays du tiers monde, aussi bien en Asie qu'en Afrique, et on s'aperçoit que dans ces pays, lorsque les fertilisants, les pesticides ne sont pas employés, les rendements des terres diminuent considérablement, les maladies peuvent se développer d'une façon catastrophique. Par conséquent, il y a certainement une sorte de liaison entre l'usage de ces produits et le développement de la prospérité de la civilisation.

Vous me permettrez, à ce titre, de donner un exemple qui m'a frappé beaucoup et qui vient de l'extérieur de notre pays, mais qui quand même illustre bien les conséquences que peut avoir l'usage de certains insecticides. Avec la disparition, par exemple, du DDT - Dieu me protège de dire que je suis en faveur du DDT... Dans une ville comme Kinshasa, quand vous étiez à cet endroit le matin dans les années soixante-dix, vous aviez une impression désagréable. Il y avait un camion avec un gros boyau qui arrosait tous les gens de DDT tous les matins. Nonobstant ceci, il n'y avait pas d'aigle à tête blanche, n'est-ce pas? Par cela, on avait fait à peu près disparaître la malaria dans les grandes villes de l'Afrique centrale et de l'Afrique de l'Ouest. Mais, en 1980, la maladie du sommeil se répandait dans le centre du Congo et un médecin me disait que 80 % des enfants étaient atteints de malaria.

La nature est un immense équilibre et, si j'ai cité ici cet exemple, c'est dans le but de démontrer un peu l'attitude avec laquelle nous voulons présenter nos commentaires, c'est-à-dire d'une façon positive. Nous

considérons que fondamentalement les pesticides doivent être considérés, doivent être regardés comme des outils d'aménagement. Loin de nous l'affirmation qu'il n'y a pas d'abus, loin de nous l'affirmation que l'introduction entre autres de substances synthétiques dans les cycles de dégradation de la nature est une chose bienfaisante. C'est, je crois, ce qui justifie moralement et économiquement la présentation de restrictions. Je pense que tout ceci est dans une question d'attitude, le point de vue étant moins d'avoir une attitude que j'appellerais, entre guillemets - je ne voudrais pas le souligner - "policière et restrictive" qu'une attitude d'aide contrôlée qui empêche des abus.

Nous pensons aussi, après avoir parlé de cet aspect, que tout aménagement et tout usage de facteurs dans l'aménagement qui viennent d'en dehors du système... On introduit des organismes, dans le domaine forestier, avec lesquels nous sommes un peu plus familiers; on utilise de plus en plus, par exemple, contre la tordeuse des bourgeons de l'épinette, un bacille qu'on appelle le bacillus thuringiensis, le bacille de Thuringe, qui, semble-t-il, est absolument inoffensif - les entomologistes en mangeaient autrefois mais qui s'attaque, avec ses enzymes, à l'intestin des parasites et des insectes, et les détruit.

Il semble que l'introduction et l'action de ces substances doivent se faire avec la connaissance des systèmes et doivent se faire comme un agent qui intervient dans le fonctionnement du système sans en détruire son dynamisme. Je pense que cette attitude est fondamentale et elle dépend, à la base, de nos connaissances dans le domaine. L'aménagement forestier, comme les autres aménagements - en rappelant que, si on veut aménager l'environnement dans la province de Québec, 90 % du territoire est couvert par les forêts, l'aménagement forestier, comme les autres, doit être basé sur des connaissances écologiques.

Je me permets de rappeler ici que l'écologie est une science fort complexe et que notre connaissance des systèmes n'est pas suffisamment avancée pour que a priori, même quand on évalue des pesticides de toutes natures - il en viendra de beaucoup plus complexes dans les années à venir avec la biotechnologie; on sait qu'on a créé des organismes nouveaux avec des propriétés nouvelles qui ont suscité, entre autres aux États-Unis, de grandes polémiques. Quand on introduira ces organismes dans différents systèmes, nos décisions, nous semble-t-il, devront être basées sur des connaissances plus approfondies et plus précises des environnements écologiques. Aussi, on se réjouit beaucoup qu'une des prérogatives que demande le ministère de l'Environnement dans ce projet de loi, c'est de coordonner la recherche dans ce domaine. Il y a beaucoup de recherche qui doit être faite dans ce domaine. C'est extrêmement complexe. Toutes les ressources des technologies nouvelles, que ce soit de l'informatique, de la biotechnologie, de la biochimie, de l'immunologie, etc., ne seront pas de trop pour éclairer les décisions qu'on doit prendre dans un sens ou dans l'autre, parce que, très souvent, les enjeux sont très considérables.

Ceci m'amène à la transition, à savoir quel est le rôle que peuvent avoir les pesticides dans le domaine forestier. Je l'ai signalé tout à l'heure, M. le Président. Dans le domaine forestier, on couvre la plus grande partie du territoire de la province de Québec. L'usage des pesticides dans ce domaine est de deux ordres principaux. D'abord, on se sert des pesticides contre les grandes épidémies d'insectes. Nous rappelons dans notre mémoire que nous avons été victimes ici d'épidémies d'insectes qui avaient des proportions, pour nous citer, de plaies bibliques pratiquement et qui, en importance, sont aussi considérables que les épidémies de sauterelles dont on craint le renouvellement précisément cette année en Afrique. Nous avons donc été obligés - ceci a suscité des inquiétudes et des polémiques -d'utiliser pendant de nombreuses années des pesticides en très petites quantités, comparativement à d'autres usages que l'on peut faire dans les territoires des villes, etc., mais, si ces pesticides sont utilisés en petites quantités, ils sont, d'autre part, utilisés sur de très grandes étendues. On lutte à ce moment-là avec l'image extrêmement défavorable d'avions qui lancent quelque chose. Vous savez, il y a une psychologie contre ceci; on fait des analogies qui sont toujours défavorables et il se développe des impressions de craintes parfois injustifiées.

On doit rappeler le cas de la tordeuse, puisque c'est une dernière épidémie qui ne nous a pas, malheureusement, encore quittés complètement, bien qu'elle diminue, et Dieu veuille que ça continue. Les pertes estimées, si on avait laissé faire la tordeuse, si on n'était pas intervenu, représenteraient une dizaine d'années de la production totale de toute la forêt du Québec, ce qui se serait chiffré, en réalité, par plusieurs dizaines de milliards de dollars et, à plus ou moins long terme, cela aurait affecté l'ensemble de la prospérité de notre population. Il y a donc là des problèmes de conscience et d'un ordre de grandeur tel qu'on ne peut rester insensible aux problèmes qui sont posés et on ne peut se fermer, a priori, à l'usage de pareils moyens.

L'autre méthode, là où on se sert beaucoup des pesticides, évidemment, c'est dans le contrôle de la végétation. En ce moment, au lieu de se servir d'insecticides, d'attaquer les insectes vecteurs de maladies

ou les insectes dévoreurs de feuillage, on lutte contre des problèmes un peu plus subtils. On introduit, par exemple, une végétation par le reboisement et même - et cela, il ne faut pas l'oublier - par la sylviculture, le peuplement naturel, ou on favorise les résineux ou les feuillus par la sylviculture. On introduit donc, on favorise donc une végétation qui n'est peut-être pas en équilibre avec le dynamisme naturel de la forêt. Nous avons une série de plantes pionnières qui viennent s'introduire et qui peuvent compromettre les efforts et les investissements extrêmement considérables que l'on commence à faire dans cette province.

On me disait récemment que cette année le ministère des Forêts va planter 272 000 000 d'arbres, ce qui, en passant, est supérieur à ce que fait la Colombie britannique. Je pense qu'on doit s'en réjouir. Ce qui est très important et ce qu'il ne faut pas oublier, ce n'est pas tellement le nombre d'arbres qu'on plante en terre, qui sont peut-être de quelques centimètres de hauteur, mais le nombre d'arbres qu'on va récolter è des dimensions commerciales. Lorsqu'on fait un investissement et qu'on consent, comme on le fait actuellement de plus en plus, un investissement majeur dans des aménagements de reboisement qui sont les plus coûteux qu'il peut y avoir, il faut les protéger. À cet effet, les forestiers ont employé des phytocides, encore une fois à petites doses, mais encore une fois sur de grandes étendues et cela a posé des problèmes extrêmement considérables.

Je vois que mon temps s'écoule très rapidement, M. le Président, et je ne voudrais pas en abuser. Par conséquent, les deux caractérisques des usages forestiers, ce sont leur amplitude mais en même temps les faibles doses qui sont utilisées et très souvent sans répétition. L'espoir, c'est que l'on peut concevoir, avec un aménagement écologique, un contrôle de la végétation par la végétation. Il y a des essais qui se font en Colombie britannique, aux États-Unis ou ailleurs en Europe. Je pense que là aussi, comme nous l'indiquions, une recherche coordonnée dans ces domaines pourra améliorer considérablement l'usage qu'on pourrait vouloir faire dans l'avenir de ce côté, et équilibrer, réduire les interventions qu'on voudrait faire avec des insecticides ou des phytocides. (10 h 30)

Comme le temps passe très vite, j'ajouterai, si vous me le permettez, qu'il y a quelques modifications que nous nous sommes permis de suggérer quant au texte de loi. Celle qui m'apparaît extrêmement importante, c'est la définition du sylviculteur et de la sylviculture. Nous avons noté que -cela arrive ici et à d'autres endroits; j'ai vu cela dans la province - l'on fait parfois une équivalence entre foresterie et sylviculture. La sylviculture - et le sylviculteur, c'est celui qui pratique la sylviculture - n'est qu'une partie de la foresterie. Ce n'est pas l'équivalent de l'exploitant forestier. Nous avons suggéré, dans ce domaine, la concordance avec la nouvelle Loi sur les forêts, la loi 150, qui vient d'être approuvée, si je suis bien informé, à l'unanimité par l'Assemblée nationale. Cette loi parle de gestionnaires forestiers, c'est-à-dire qu'elle inclut non seulement ceux qui pratiquent la sylviculture - on doit avouer, hélas, qu'il y en a bien peu dans la province de Québec, nous espérons qu'il y en aura davantage dans les années à venir, mais pour le moment il y en a bien peu - mais aussi tous ceux qui interviennent dans la forêt au titre des plans d'aménagement, que ce soient les exploitants, que ce soient des reboiseurs, même les qens qui ne font pas de sylviculture, mais qui peuvent avoir une influence importante quant à l'usage des pesticides et des phytocides.

Nous soulignons aussi, M. le Président, la question des territoires qui sont soumis ou ne sont pas soumis à cette loi et nous nous permettons de suggérer qu'on fasse un effort - il n'y a pas de doute que ce sera fait -pour intégrer la portée de cette loi à celle de la loi 150 sur l'aménagement des forêts. II est dit, au titre de la loi 150, à l'un des articles - nous n'avons peut-être pas le temps actuellement d'y référer exactement -que dans les plans d'aménagement il doit y avoir un plan de protection des forêts contre les insectes et contre les maladies cryptogamiques. Nous suggérons - ceci fera partie intégrante, d'après la loi, de l'aménagement forestier - qu'il y ait des modalités pour que l'on ne vienne pas en conflit avec la loi sur les pesticides, mais qu'on essaie, tout en respectant les valeurs de chacun, d'intégrer cela. Nous pensons, M. le Président, qu'il y a tellement de travail è faire qu'on doit dépenser le moins possible de temps à se contester et plus de temps à agir. La législation, s'il nous est permis de faire cette suggestion, doit éviter autant que possible de créer des litiges entre l'administration gouvernementale et les administrés. C'est ainsi, par exemple, que nous avons certaines suggestions quant aux garanties qui sont, nous semble-t-il, très vastes, très définies et qui pourraient arriver éventuellement à bloquer des travaux, ayant observé par ailleurs tous les autres aspects de la loi.

Pour terminer, M. le Président, je pense que mon temps est presque écoulé, je me permettrai de lire la conclusion de notre rapport qui résume le mieux nos positions, les positions que j'ai essayé d'exposer ici. Évidemment, nous sommes à votre disposition pour répondre au mieux aux questions que vous voudrez bien nous poser.

Il nous apparaît donc, M. le Président,

que l'usage des pesticides est un problème complexe dont la gestion devient de plus en plus impartante au fur et à mesure que leur emploi s'étend et que les diverses substances que l'on emploie se renouvellent et se diversifient. En effet, l'expérience a montré qu'il y a dans leur usage des abus qui peuvent résulter dans des dommages importants à l'homme, à ses biens et aux divers systèmes écologiques de l'environnement.

Il nous semble cependant que pour bien atteindre ces buts on devrait préciser et délimiter très exactement les conditions d'abus et de répression de ces abus. Il nous semble aussi que les dispositions de la loi devraient être produites dans la perspective où les pesticides constituent un outil d'aménagement et non pas tout simplement dans la perspective peut-être un peu étroite et un peu policière de la répression des abus alliée à des pouvoirs étendus qui sont parfois vagues et mal définis.

En ce qui concerne l'aspect forestier de ce problème et en rappelant que les forêts du domaine public couvrent entre 85 % et 90 % de tout le territoire du Québec et qu'on doit y ajouter nombre de territoires de forêts privées, les dispositions de la loi 150 adoptée récemment prévoient, dans les conditions de l'usage des forêts et de leur exploitation, des plans d'aménagement et donc des plans de protection où l'emploi des pesticides doit être rationalisé et complètement expliqué.

Nous suggérons donc qu'on établisse une meilleure coordination entre cette loi et la loi 150 du nouveau régime forestier, ainsi que les droits des gestionnaires forestiers. Certes, tout ce qui pourra contribuer à un meilleur emploi et à une meilleure régie des pesticides et qui veillera à contrôler les abus d'usage qui existent amènera un meilleur aménagement des ressources de l'environnement et ajoutera à la prospérité et au mieux-être des populations. C'est un but auquel le Fonds de recherches et de développement forestier souscrit pleinement. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le Président. M. le ministre.

M. Lincoln: M. Lafond, votre grande réputation dans ce domaine vous a précédé et j'ai été très content de vous entendre et de lire votre mémoire qui a certainement une grande importance parce que votre industrie est une des premières industries au Québec et, comme vous le dites, elle couvre la majeure partie du territoire.

Tout d'abord, je voudrais peut-être passer en revue quelques recommandations que vous avez faites. On ne peut pas toutes les passer en revue parce que le temps va manquer, mais certaines recommandations que vous avez faites, les principales dont vous avez parlé. D'abord, quant à la question de la définition de la sylviculture et de la gestion des forêts, ce que je peux vous dire, c'est que nous allons prendre avis de votre suggestion. Je ne peux pas vous dire si on va l'accepter ou non parce que tout cela est travaillé avec les ministères. Je sais qu'il y a une coordination a faire avec la loi 150 et que différentes clientèles sont visées. En ce qui nous concerne, il s'agit d'une clientèle beaucoup plus individuelle, axée sur des certificats et des permis. Mais nous allons prendre cela de façon tout à fait constructive. Nous allons reqarder cela avec les gens qui s'occupent des définitions. On va consulter tous les intervenants incluant le MER et ensuite on vous laissera savoir si on peut le changer. On prend note des remarques que vous avez faites par rapport aux termes "sylviculture" et "forêt".

Vous avez aussi fait une remarque quant aux articles 5 et 95. Ce qui est arrivé - et je dois vous dire que cela a été fait après des discussions avec mon collègue des Forêts et aussi avec mon collègue de l'Agriculture, avec les intervenants du milieu qu'on a consultés - c'est qu'on s'est rendu compte que, lorsqu'on a créé une loi sur les pesticides, le ministère de l'Environnement étant un ministère horizontal qui s'occupe de tellement de domaines comme l'agriculture, etc., on ne pouvait pas, dans le cas des pesticides, avoir un contrôle des pesticides avec la loi 150, avec la loi sur l'agriculture, avec les lois des autres ministères. C'est pourquoi la responsabilité a été donnée au ministère de l'Environnement.

En même temps, nous nous sommes aperçu que dans deux secteurs cruciaux comme l'agriculture et la forêt on ne pouvait pas mettre en place les mécanismes, les règlements et tout le système de contrôle des pesticides tout de suite. Ce que nous avons fait, c'est que nous avons mis des dispositions a l'article 5 qui nous permettent de faire des règlements. On exclut ces secteurs d'abord dans le premier alinéa. Ensuite, on donne le pouvoir dans la loi de les inclure à une date ultérieure. L'article 95 donne le pouvoir de réglementation éventuel. Entre-temps, mon collègue des Forêts et moi-même avons signé une lettre mutuelle où nous nous engageons le plus tôt possible à produire une politique qui aboutira à une réglementation sur les pesticides par rapport au domaine forestier.

Je peux vous confirmer que tout cela sera fait en coordination très active avec le ministre délégué aux Forêts et le ministère. Cela ne se fera pas en vase clos, parce qu'on ne peut pas certainement Imposer des choses à des intervenants et que, naturellement, surtout compte tenu de la nouvelle loi 150, il faudra un esprit de coordination pour en arriver à une politique sur les forêts qui

sera le résultat d'une consultation incluant les intervenants du milieu, de toutes les sources, les groupes de citoyens, etc. Pour ce qui est de la question de la garantie, la raison pour laquelle cet article a été inclus, et c'est un article qui se retrouve dans plusieurs autres lois, ce n'est pas pour les entreprises qui oeuvrent au Québec, c'est pour les entreprises qui oeuvrent à l'extérieur du Québec et qui viendraient faire un travail temporaire ici et qui pourraient causer un dommage très significatif è l'environnement. On n'a nullement l'intention d'appliquer des garanties pour les entreprises légitimes qui oeuvrent au Québec.

Vous avez aussi suggéré, avec beaucoup de raison, que lorsqu'on concevra les programmes de formation et d'examens, les intervenants du milieu soient fortement impliqués et aussi les autres ministères. C'est le cas. On ne veut certainement pas au ministère de l'Environnement faire des programmes de formation en vase clos pour les forêts, l'agriculture et les exterminateurs. En fait, on a déjà des codes de pratiques qui sont en train d'être mis en place avec les associations et qui régissent les différents secteurs. Ils vont baliser toutes ces choses et, lorsque les cours de formation et les examens vont être établis, cela sera fait de très près avec le secteur concerné et, naturellement, le ministère impliqué le plus près. Je peux vous donner l'assurance que cela sera le cas.

Il y a une question plus globale dont vous avez beaucoup parlé dans votre introduction, toute la question des pesticides comme outil de travail et, selon vos termes, surtout par rapport à la forêt. J'ai eu l'occasion très récemment de rencontrer la personne en charge de toutes les forêts suisses, M. de Coulon, que vous avez peut-être également rencontré au cours de vos voyages. Il me disait que les forêts suisses avaient été complètement ravagées au terme du siècle faute de gestion. Les Suisses ont décidé de commencer une gestion naturelle des forêts. Tout se fait par sélection des types de forêts, la façon de gérer la forêt, c'est-à-dire qu'ils ne se servent pas du tout de pesticides parce qu'ils croient que l'équilibre écologique de la nature va prévenir des choses, comme vous avez dit, par exemple, qui font étouffer les arbres naissants, etc. Il me soulignait aussi qu'en sélectionnant les types d'arbres et en prenant une politique à long terme vous évitez des épidémies comme celle qu'on a connue avec la tordeuse des bourgeons de l'épinette. En fait, il y a une école de pensée qui dit que, si on avait pris des arbres d'une catégorie -relativement parlant - un peu moins dure, une catégorie d'arbres moins calibrée, moins bonne, on aurait pu éviter une grande partie du problème. J'aurais aimé avoir vos réactions sur cela. Est-ce que, par exemple, si on avait pris une politique à lonq terme pour ne pas être obligé de remplacer la forêt par ce qu'on appelle le "balsam" on aurait pu éviter des catastrophes épidémiques comme la tordeuse des bourgeons de l'épinette et avoir une meilleure qualité d'arbres?

Le Président (M. Saint-Roch): M.

Lafond. (10 h 45)

M. Lafond: M. le ministre, M. le Président, je suis très heureux que vous fassiez allusion à la forêt suisse. Évidemment, on dit beaucoup de choses. Je me souviens lors d'un congrès à Nancy que les forestiers français disaient que les Suisses avaient cette caractéristique, même en Europe, qu'ils avaient quelqu'un pour épousseter les arbres chaque matin et que les cages d'oiseaux, n'est-ce pas, portent toutes un numéro. J'avais vu cela dans la forêt de Zurich en sortant. Mais ce que je veux dire, parce qu'on blague toujours à propos des Suisses, c'est la méticulosité avec laquelle on a traité des forêts. On peut observer en Suisse des forêts qui ont été aménagées depuis le XVe siècle, en 1415 ou 1420, et dont on a tous les livres de renvoi, toutes les coupes. C'est un aménagement qui est très avancé. Je suis l'un de ceux, puisque vous voulez y faire un peu référence, qui ont été ici protagonistes d'un aménagement écologique basé strictement sur les méthodes de très grands écologistes d'origine suisse, entre autres comme Braun-Blanquet.

Ceci étant dit, la diversification de la forêt suisse permet un aménagement qui est un des plus avancés du monde sur une petite superficie. Malheureusement, je pense que les grandes épidémies de la forêt québécoise, comme celle de la tordeuse des bourgeons de l'épinette ou celle du mélèze au début du siècle qui a fait disparaître tout le mélèze, sont des éléments écologiques de la forêt. Ceci provient du fait que sur un territoire... La forêt québécoise qu'on peut utiliser -vous me permettrez, M. le Président, une comparaison un peu simple que j'emploie souvent - c'est un kilomètre de large, de la terre à la lune, avec "50 % du chemin de retour. C'est la forêt commerciale du Québec. C'est un territoire immense dont on n'a pas de commune proportion ailleurs.

Il y a peu d'espèce d'arbres là-dedans. Nous avons d'immenses populations composées uniquement... Dans le cas du sapin Baumier, une partie du sapin Baumier vient des coupes qui ont été faites de façon intense; l'autre partie du sapin Baumier, dans le Québec, provient de la mort du bouleau. Les écologistes et les entomologistes le reconnaissent, on peut retracer jusqu'au XVIIIe siècle de grandes épidémies de la tordeuse du bourgeon de l'épinette, alors qu'on ne faisait à peu près pas

d'exploitation. Les Anglais n'avaient même pas commencé à couper la forêt après le blocus napoléonien - le pin blanc - il y avait très peu d'exploitation. Cependant, il y avait de très grandes épidémies à ce moment-là.

Par conséquent, nous sommes obligés -c'est une des raisons pour lesquelles nous insistons un peu là-dessus, je suis très content que vous posiez la question - et nous serons obligés pour longtemps, bien qu'on souhaite le contraire, de faire face à ces grandes catastrophes. Même si on fait un aménagement, on n'a ni la population, ni même les ressources pour pouvoir avoir un aménagement intensif à la façon suisse. On n'a pas les espèces, on a de grandes forêts composées de peu d'espèces et il faudra vivre avec cela.

M. Lincoln: Est-ce qu'à l'avenir, comme objectif à long terme, nous ne devrions pas planifier - compte tenu qu'on aura ces catastrophes écologiques de toute façon - des systèmes de remplacement comme le BT dans le domaine des phytocides, par exemple, mettre l'accent sur la recherche pour arriver à un moment où nous pourrons dire qu'on pourra gérer la forêt? Pensez-vous qu'il est réaliste de penser qu'on va gérer la forêt un jour, sans additifs chimiques, et qu'on les aura remplacés par des équivalents du BT dans d'autres secteurs?

M. Lafond: Sûrement. Vous me permettrez de dire, M. le ministre, que le BT est considéré comme un pesticide ici... Nous aurons des organismes nouveaux. Quand on parle d'un aménagement écologique, on parle évidemment d'un système qui sera suffisamment équilibré par ses propres forces pour qu'il puisse non pas supprimer les agents - parce que, même si on est en bonne santé, on a encore des maladies et on en aura toujours - mais qu'il puisse les contrôler.

Un aménagement profondément écologique serait une diversification, une diminution, par exemple, du sapin Baumier pour le remplacer par de l'épinette blanche, sur certaines superficies. Des forêts de sapin, par exemple, avec des peuplements mélangés permettraient certainement de localiser ces épidémies.

M. Lincoln: Je m'excuse, c'est malheureux qu'on n'ait pas plus de temps. Un de mes collègues aurait quelques questions à vous poser. L'Opposition a aussi son droit de parole et ses membres voudront certainement vous interroger. Merci beaucoup.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le Président. M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Gauvin: Une question d'information.

À un moment donné, vous mentionnez votre inquiétude en rapport avec la coordination possible des lois sur la forêt, particulièrement en soustrayant l'application de la Loi sur les pesticides des territoires soumis è un contrôle d'approvisionnement et d'aménagement forestier. J'aimerais savoir sur quoi est basée votre inquiétude.

M. Lafond: Voici. Je pense que cela va un peu dans le thème que nous avons abordé précédemment. Il nous semble bien que, si on applique une loi basée essentiellement sur la production d'un plan d'aménagement, on ne peut pas penser à avoir un véritable plan d'aménagement sans qu'il y ait un plan de protection contre les épidémies d'insectes, contre le feu, contre les maladies cryptogamiques. Or, il nous semble malheureusement, dans les cinq, dix, quinze prochaines années, qu'on ne pourra pas arriver à avoir une protection efficace sans employer un certain nombre de pesticides au sens que la loi définit. Comment équilibrer cela? Ce n'est un secret pour personne qu'il y a eu des conflits, qu'il y a eu des interprétations différentes, qu'on a eu des craintes souvent justifiées, remarquez bien, contre un emploi trop élaboré sur une très grande superficie des pesticides. D'autre part, une fois qu'on a protégé tout cela, les enjeux économiques sont d'une telle ampleur qu'il faut essayer d'harmoniser tout ceci et les instruments que nous nous sommes donnés avec la Loi sur les forêts devraient s'intégrer à la Loi sur les pesticides. C'est notre préoccupation, M. le député. Je ne sais pas si cela répond à votre question.

M. Gauvin: Oui, merci.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le député de Montmagny-L'Islet. M. le député de Terrebonne.

M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président. Je suis très heureux que l'Opposition ait demandé que vous veniez ici présenter un mémoire. Mes confrères m'avaient dit que pour la loi 150 - je ne faisais pas partie de cette commission parlementaire - vous aviez été un des piliers. On m'avait dit aussi que vous aviez un verbe chaud, une connaissance à toute épreuve et que vous le faisiez avec un charisme plaisant. J'ai constaté que c'était vrai. Je suis très heureux que vous soyez là. Vous êtes un peu, pour faire une analogie, le Félix Leclerc de la forêt.

Avec les connaissances que vous avez -j'ai lu votre rapport avec beaucoup d'intérêt - dans les questions qu'on vous a posées, vous n'êtes pas venu è cette petite solution miracle que j'entrevoyais pour l'avenir dans votre rapport. Je vais vous poser la question sur cette solution miracle. Vous dites à la

page 2: "Comme alternative aux produits chimiques, naturels ou synthétiques, on commence à utiliser de plus en plus d'organismes naturels, tels le BT et l'avenir laisse prévoir le jour où des organismes manipulés génétiquement pourront être introduits dans l'environnement pour contrôler des effets nocifs de parasites." Eh bien, qu'en est-il de cette vision du futur que vous faites miroiter: des organismes manipulés génétiquement seront introduits dans l'environnement pour éliminer les parasites?

M. Lafond: Je pensais particulièrement à un développement récent, en 1985-1986. Par biotechnologie, on a perfectionné une race de bacilles qui s'attaquent spécifiquement aux groupes de papillons ou de chenilles qui rongent le sapin, la tordeuse. Ils sont absolument spécifiques, ils ont une efficacité extrêmement élevée de ce côté et ont été expérimentés, je pense, par l'USDA, le département américain de l'Agriculture le printemps dernier sur certains terrains par des compagnies pharmaceutiques qui se sont lancées là-dedans. Il y a eu des restrictions, parce que vous connaissez tout le grand débat aux États-Unis sur l'introduction dans la nature d'organismes artificiels avec des gènes qui ont été ajoutés. Mais ceci existe actuellement. Il y a d'autres recherches, m'a-t-on dit, qui se développent. Les premiers insecticides qui ont été utilisés provenaient des plantes, des pyrèthres, par exemple. Certains travaux se font où il serait possible que la plante elle-même bâtisse un système immunisateur qui la protège contre des insectes spécifiques. On n'est pas dans le domaine de la science-fiction, il y a des travaux qui se font actuellement, des expériences.

Dans le cas de la tordeuse - c'est un groupe de papillons assez vaste auquel appartient la tordeuse - il semble que les gros problèmes actuellement sont des problèmes environnementaux. Je pense qu'il y a eu des injonctions aux États-Unis contre l'emploi et la dispersion de ces organismes nouveaux. C'est un bacille auquel on a ajouté un gène. Apparemment, ce sont des résultats diffusés dans des revues - si vous me permettez de citer une revue qui n'est pas strictement une revue scientifique comme The Economist, qui a une vue un peu plus globale - qui faisaient des comptes rendus assez enthousiastes de ce côté. C'est un peu en pensant à cela que nous avons écrit cette phrase.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Terrebonne.

M. Blais: Merci. Vous avez un peu parlé de l'équilibre dans la plantation, de l'équilibre entre les feuillus et les résineux.

Le plan gouvernemental pourrait venir briser cet équilibre si on introduit des feuillus dans un milieu plus propice aux résineux. Cet équilibre, vous ne l'avez pas vu dans la loi 150? C'est une sous-question à la suite de votre exposé.

M. Lafond: Non. Je pense que cet équilibre entre les feuillus et les résineux sera l'objet des plans d'aménagement. Chaque plan d'aménagement va prévoir, n'est-ce pas... Pour vous dire le fond de ma pensée, je ne suis pas le plus grand protagoniste du reboisement. C'est une méthode difficile, c'est une méthode coûteuse, c'est une méthode qui introduit des organismes nouveaux et qui brise l'équilibre écologique et même l'équilibre des sols. C'est une méthode de grand luxe. La province de Québec, avec son territoire aussi vaste que nous le connaissons - il faut voir le territoire du Québec - doit se servir de façon très sélective du reboisement.

M. Blais D'accord. Vous n'êtes pas en faveur, entre guillemets, du reboisement; en gros, vous l'êtes, mais plus ou moins.

M. Lafond: Ce n'est pas la solution miracle.

M. Blais: D'accord, mais est-ce que je peux vous demander, par analogie, pourquoi, contrairement à ce que vous venez de dire, vous êtes pour le bacille destructeur génétique et vous êtes aussi pour l'emploi des pesticides de façon rationnelle?

M. Lafond: Nous pensons que les pesticides sont un pis-aller.

M. Blais: Le reboisement, non?

M. Lafond: Le reboisement, c'est la Cadillac - si je peux employer cette expression - de la foresterie.

M. Blais: D'accord, je comprends votre restriction, maintenant. C'est un moyen trop coûteux pour les résultats que cela peut donner.

M. Lafond: C'est un moyen très coûteux qu'on doit utiliser seulement dans des endroits où on peut avoir de grands résultats. Vous savez, on nous parle souvent des plantations d'eucalyptus au Brésil; il faut aller voir. J'y suis allé et il y a de très beaux endroits à 39 mètres cubes à l'hectare par an, mais ce n'est pas grand.

M. Blais: Poukabourari dans l'eucalyptus. C'est bien connu. Bon, en pages 7 et 8, j'aimerais vous lire un extrait de votre rapport. "Nous avons été témoins, au cours des récentes années, de polémiques au

sujet de l'emploi d'insecticides ou de phytocides dans la pratique forestière qui ont eu pour effet d'alarmer les populations et de nuire au développement d'une pratique forestière plus intensive. Dans une province comme le Québec, où une partie importante de la richesse économique dépend de l'aménagement et de la récolte des ressources renouvelables - voilà maintenant -une gestion rationnelle et des connaissances précises dans le domaine des pesticides et des phytocides nous apparaissent des facteurs essentiels au maintien du niveau de vie même de la population.

Qu'est-ce qui est, pour vous, une gestion rationnelle? Est-ce que vous croyez que dans l'utilisation des pesticides, dans cette loi, il y a une philosophie de gestion rationnelle? Moi, je ne la vois pas. Je vous demande si vous la voyez, étant donné que vous croyez que c'est la façon. Je vois dans cette loi plutôt une gestion sécuritaire rationnelle des manipulateurs des pesticides et non pas une gestion rationnelle qui serait dans son utilisation un moyen de faire diminuer la quantité utilisée. (11 heures)

M. Lafond: Je suis complètement d'accord, sauf peut-être la dernière partie. Une gestion rationnelle n'implique pas un usage moindre ou un usage plus considérable. Là où il en faut plus on va en mettre plus, là où il en faut moins on en mettra moins. C'est, un peu, nous semble-t-il, sans faire une critique acerbe, le point sur lequel nous voulions insister dans ce mémoire. Évidemment, considérant comme d'importance majeure, l'aspect sécuritaire de la loi, comme vous dites si bien, il faudrait, en développant un certains nombre d'articles - et nous en avons donné un certain nombre d'exemples - la considérer comme une loi d'aménagement. La gestion rationnelle, pour nous, c'est l'aménagement de l'environnement.

M. Blais Merci beaucoup.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le député de Terrebonne. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? En conclusion, M. le ministre.

M. Lincoln: Pour poursuivre dans l'ordre d'idées que mon collègue de l'Opposition a apporté - parce que, naturellement, je sais que c'est son rôle d'essayer de prouver que cette loi ne veut pas dire grand-chose -nous, nous croyons que c'est un grand commencement. En tout cas, c'est le premier commencement au Québec, c'est déjà quelque chose. Je voulais vous demander: Tout le système de la loi est axé sur des cours de formation et aussi sur la réglementation. Elle va être appuyée par des codes de bonnes pratiques qui ont déjà été établis avec une association, depuis deux ans. Ils sont presque conclus avec une deuxième grosse association commerciale. Il va y en avoir dans presque tous les secteurs. C'est dans ces codes de bonnes pratiques que nous voudrions, nous, mettre l'accent sur le remplacement graduel et rationnel des produits chimiques, sur une lutte intégrée qui va considérer les pesticides en dernier ressort et chercher les moyens naturels comme premier élément. Est-ce que vous ne pensez pas que ce travail n'est pas aussi valable, et même plus valable, fait en dehors d'un cadre strictement législatif? Est-ce que ce n'est pas plus sain, au lieu d'imposer par des articles de loi - il faut commencer quelque part - d'avoir des codes de bonnes pratiques à la suite d'ententes avec les gens du milieu même, les intervenants? Ceux-ci, de leur plein gré, après négociations avec les ministères, vont siqner des codes de bonnes pratiques. C'est cela le sens de notre loi, il ne faut pas l'oublier.

Le Président (M. Saint-Roch): M.

Lafond.

M. Lafond: Nous avons vu, M. le ministre, évidemment, toute l'importance qu'on attachait à l'éducation. Je pense bien que c'est très important, et c'est le péché mortel... Nous possédions une ferme avec un étang de truites. Mon voisin, qui arrosait son maïs, avait bien arrosé son mais, selon la prescription, mais le reste de la boîte -permettez-moi l'expression - il l'avait foutu dans mon ruisseau à truites. C'était du Furadan, quelque chose de tout à fait toxique. Cela n'a pas été fait avec de la mauvaise volonté, mais on n'a pas mangé de truite pendant un bout de temps! Je pense que cela illustre parfaitement bien ce point de vue là. D'autre part, nous nous permettions d'exprimer une petite inquiétude de ce côté-là. Nous voulions, non pas nous assurer, mais être sûrs aussi que ceci... Ce que nous craignons, c'est que ce soit un instrument pour limiter l'usage des pesticides et qu'on dise: Vous, monsieur, voua n'êtes pas assez compétent. Dans ce domaine, je pense bien que n'importe qui d'entre nous est capable de préparer des questions d'examen qui demanderaient au moins un doctorat en biochimie. C'est tellement complexe. Nous appuyons certainement, et l'exemple que je viens de vous citer, nous l'avons vécu, je l'ai vécu personnellement. En même temps, nous voulions être sûrs d'attirer l'attention sur le fait que c'est un jeu qui peut se jouer de deux façons. Cela peut nuire à un usage rationnel des pesticides. C'était notre point de vue là-dessus.

M. Lincoln: En terminant, je voudrais vous féliciter pour votre mémoire et votre présentation. Cela a été très stimulant de

vous écouter et d'entendre vos réponses. J'espère qu'on va travailler de près avec vous dans l'avenir, parce que tout ce que nous recherchons nous-mêmes, les objectifs que vous recherchez pour une nature écologique, nous aussi, nous les recherchons et, naturellement, c'est la vocation même du ministère. On est très heureux que vous soyez ici aujourd'hui. On vous remercie d'être venus, vous et vos collègues.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre. M. le député de Terrebonne.

M. Blais: Je tiens à vous remercier aussi, M. Lafond. Je suis très heureux que vous soyez là. J'espère qu'on va retenir le sens français de sylviculteur et sylviculture que vous nous suggérez dans te prochain projet de loi. Votre présence a été pour moi réconfortante. Je vois qu'il y a des gens qui travaillent pour que la forêt vive au Québec. Merci beaucoup d'être là.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci. À l'ordre, maintenant!

Je demanderais maintenant au groupe Nature-Action de prendre place, s'il vous plaît!

Je demanderais maintenant au porte-parole du groupe Nature-Action de s'identifier et de nous présenter les gens qui l'accompagnent.

Nature-Action

Mme Smeesters (Édith): Bonjour, M. le Président, M. le ministre. Je me présente, Édith Smeesters, biologiste, du groupe Nature-Action. À ma gauche, Mme Eva Waldron, également biologiste, du groupe Nature-Action et, à ma droite, M. Patrick Lavallée, étudiant en droit; à côté de Patrick, Léone Robert, secrétaire de profession et membre du groupe Nature-Action.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, Mme la présidente. Nous allons procéder à la lecture de votre mémoire.

Mme Smeesters: Merci, M. le Président. D'abord, j'aimerais mentionner que je ne suis pas présidente du groupe Nature-Action. Le groupe Nature-Action, c'est un groupe assez informel constitué de citoyens de la ville de Saint-Bruno-de-Montarville, en banlieue de Montréal. C'est un groupe informel, parce que c'est un groupe de citoyens de la ville de divers paliers, de diverses formations, qui se sont réunis, des biologistes, des chimistes, des médecins, des secrétaires, des techniciens, des étudiants. Dernièremement, un pépiniériste s'est joint à nous. La raison pour laquelle nous nous sommes regroupés, c'est que nous étions tous des gens qui avions une conscience environnementale assez aiguë, mais la goutte qui a fait déborder le vase, disons, c'est la popularité croissante de l'épandage des pesticides en milieu urbain et les abus que cela entraîne. Nous avons formé un groupe non seulement pour protester contre les atteintes à notre droit à un environnement sain, mais aussi pour sensibiliser nos concitoyens et leur montrer des solutions possibles qui pourraient remplacer les pesticides. En fait, la plupart d'entre nous qui sommes venus habiter en banlieue, comme la plupart des habitants de banlieue, on cherche à avoir un air plus pur et à vivre dans un environnement sain. C'est justement pour cela que nous avons réagi contre l'épandage de pesticides vraiment abusif qui se fait dans les banlieues aujourd'hui et qui va à l'encontre des critères de qualité de vie.

Si on regarde, grosso modo, au Québec et sur la terre en général, on s'aperçoit que les pesticides se répandent de plus en plus dans toutes les zones de l'activité humaine, que ce soit en agriculture, en sylviculture ou en milieu urbain. Cela a d'ailleurs été très bien exposé dans le document de travail présenté par le ministère de l'Environnement. Cela cause des problèmes environnementaux et des problèmes de santé évidents. On parle même actuellement non plus de pluies acides mais de pluies toxiques à cause des particules qui sont transportées dans l'air de tous les produits qui sont répandus dans notre environnement.

Si on veut regarder vers l'avenir d'une façon un peu optimiste, il ne faut pas regarder seulement le rendement immédiat des pesticides, mais aussi voir les effets et les conséquences à long terme pour les générations futures. S'il n'y a pas d'intervention énergique dans ce domaine, nous risquons de provoquer, par notre négligence, l'empoisonnement de plusieurs espèces vivantes et même de l'homme. Le Québec, croyons-nous, pourrait jouer un rôle de précurseur dans le domaine de l'agriculture et de la sylviculture et dans la gestion des pesticides et des parasites.

Pour exposer notre démarche, nous allons d'abord revenir à la problématique des pesticides en milieu urbain qui est notre préoccupation principale. Ensuite, nous aborderons un peu le problème des pesticides en milieu agricole et sylvicole et, finalement, la classification des pesticides qui, à notre avis, est inadéquate. On résumera ensuite un peu nos recommandations.

Les pesticides en milieu urbain sont donc notre préoccupation principale parce que nous vivons dans une banlieue et, lorsque nous avons lu le document de travail, nous avons été un peu inquiets de voir que l'impact était tellement mis sur l'importance des pesticides en milieu agricole. C'est évident que c'est en milieu agricole que sont

utilisés le plus de pesticides en quantité totale, mais nous avons lu des publications américaines, entre autres, une publication qui est basée sur une étude effectuée par I'"Environment Protection Agency" qui date de 1972 et qui met en évidence que les pelouses de banlieue reçoivent des applications de pesticides plus élevées à l'acre que toute autre terre aux États-Unis. Cela date de 1972. Le phénomène est peut-être apparu un peu plus tard au Canada, mais cela fait quinze ans et nous pensons qu'avec la popularité croissante des entreprises spécialisées dans les services d'épandage sur les pelouses et les arbres, qui est de 25 % par année, ce phénomène n'a certainement pas diminué. Dans le document de travail, on parle aussi de la qualité de l'air en milieu urbain qui, paraît-il, n'est pas très inquiétante. Ces affirmations datent de 1971 et 1972 et je peux vous assurer que, vivant en banlieue, sans avoir d'appareils d'analyse, notre odorat sent une qualité d'air qui n'est peut-être pas tout à fait idéale.

L'usage exagéré des pesticides en milieu urbain cause, d'après nous, des problèmes majeurs aujourd'hui parce que, justement, cela s'en va de plus en plus à cause de la popularité croissante de l'épandage commercial et c'est particulièrement dangereux en ville à cause de la densité de la population et de la négligence des utilisateurs. Nous pensons qu'il y a vraiment des problèmes sérieux de liberté individuelle. Les gens ont leur terrain et leurs habitations très serrées. Celui qui utilise un pesticide incommode nécessairement son voisin et cela présente aussi des problèmes de sécurité et de santé publiques. Lorsqu'un propriétaire fait traiter son terrain par une compagnie, par exemple, la plupart du temps, il n'est pas averti de la sorte de pesticide que l'épandeur utilise. Il est encore moins prévenu des dangers que cela représente pour sa santé. Les voisins, bien entendu, ne sont pas avertis non plus. Les enfants du voisinage qui se promènent librement d'un terrain à l'autre courent un danger, les animaux domestiques également. Il peut évidemment y avoir contamination des haies mitoyennes. Je pense que c'est rarissime qu'un propriétaire de terrain demande à son voisin la permission d'arroser la haie mitoyenne. Il y a contamination des terrains voisins avec tout ce qu'il y a dessus, que cela soit la piscine, le carré de sable, les jouets, etc. Nous avons plusieurs exemples à vous citer. Des gens nous ont appelés l'année dernière et l'année d'avant parce qu'un épandeur venait asperger un érable argenté qui, soit dit entre nous, n'a pas besoin d'être arrosé. C'est tellement grand un érable argenté que, quand on arrose à 30 pieds de haut, cela s'en va dans un bon rayon dans tout le voisinage et cela cause des inconvénients, même si on n'est pas sous l'arbre. On a des cas, par exemple, où des épandeurs venaient avec un masque arroser et des enfants se trouvaient à moins de dix pieds dans la piscine à côté; eux n'avaient pas de masque et tout s'en allait dans la piscine. (11 h 15)

À Saint-Bruno, nous avons aussi un problème qui est peut-être particulier a Saint-Bruno et à d'autres villes possédant des vergers. Saint-Bruno est une ville qui s'est développée sur une montérégienne, qui est un environnement favorable pour les pommiers. À Saint-Bruno, les entrepreneurs, comme on dit, les développeurs, ont gardé les pommiers en place et des rues entières sont dans des vergers. Si on se réfère au document de travail, au chapitre 3, on s'aperçoit que dans certains états américains, comme la Californie, il y a une réglementation concernant les vergers, c'est-à-dire que pour plusieurs pesticides on exige un temps de réintégration avant de rentrer dans le verqer.

Avec les épandeurs qui travaillaient à Saint-Bruno nous avons vérifié quels pesticides ils utilisaient et nous en avons retrouvé plusieurs qui étaient dans la liste de la Californie par exemple, et les délais de réintégration peuvent aller de un à "50 jours. Il est évident qu'en milieu urbain on ne peut pas expulser les gens de leur propriété, même durant une journée. Par contre, est-ce qu'il est normal de vivre dans un environnement aussi toxique avec des femmes enceintes, des enfants, des vieillards, des populations éventuellement allergiques ou spécialement sensibles, une ville constituée d'une population hétérogène? Nous pensons que c'est vraiment un danger important.

Nous croyons que l'épandage des pesticides en milieu urbain va a l'encontre du bon sens le plus élémentaire lorsqu'on connaît l'impact de ces produits sur la santé et l'environnement, comme cela a été très bien décrit dans les chapitres 2 et 3 du document de travail. Tout cela, finalement, c'est une question de publicité. Les citadins sont persuadés que les pissenlits sont un fléau, que tous les insectes sont nuisibles alors que finalement il y a 99,9 % des insectes qui sont utiles et que les pissenlits, en somme, sont des plantes médicinales. Je pense que, si on injectait autant d'arqent dans la publicité pour le bienfait du pissenlit sur la terre, on pourrait arriver à en faire quasiment une idole pour les gens. Tout cela, c'est une question de publicité finalement.

Nous croyons que les citoyens ont besoin d'en savoir davantage. Que diraient les citoyens s'ils connaissaient tous les risques que le ministère de l'Environnement a tellement bien exposés dans les chapitres 2 et 3? S'ils savaient, par exemple, que la toxicité seulement de 10 % des pesticides a été l'objet d'investigation complète, que chaque année des pesticides sont retirés du

marché parce qu'on vient de découvrir un risque majeur, que les commerçants ont encore le droit d'écouler des pesticides prohibés, comme le chlordane, par exemple. On nous a cité le cas d'un produit qui est utilisé par une firme à Saint-Bruno et qui s'appelle le HCH que je n'ai pas retrouvé dans les pesticides recommandés par le ministère de l'Agriculture. Le HCH, c'est l'hexachlorocyclohexane. C'est un orga-nochloré et ta personne l'a vaporisé sur un terrain. La personne qui habite à côté est un chimiste qui a travaillé en Allemagne dans une usine de DDT. Quand le produit a été vaporisé, il a dit: C'est l'odeur du DDT, j'en suis sûr. Il a demandé au jeune garçon qui vaporisait et ce jeune garçon, étudiant en chimie, a dit: Ce n'est pas du DDT. C'est un organochloré et il lui a donné le nom et tout cela. Après, on est allé vérifier dans les livres de toxicologie et l'hexachlorocyclohexane a été interdit aux États-Unis déjà dans les années soixante-dix. Donc, la compagnie se débarrassait tout simplement d'un produit interdit aux États-Unis et peut-être même interdit au Canada puisque nous n'avons pas pu le trouver sur les listes du ministère de l'Agriculture.

C'est toutes sortes d'abus comme cela contre lesquels nous nous dressons. Nous pensons que le public doit avoir une bonne information, qu'il doit être prévenu des dangers qu'il court et qu'il fait subir à son voisinage. Il doit savoir qu'il y a d'autres méthodes de jardinage, qu'il y a des espèces résistantes aux maladies, à notre climat, etc. Nous sommes persuadés ou nous croyons qu'il est possible que les compagnies d'épandage agissent de très bonne foi. Nous avons interrogé plusieurs applicateurs et nous leur avons parlé des produits qu'ils utilisaient. La plupart d'entre eux étaient persuadés qu'ils utilisaient des produits très sécuritaires parce que recommandés par le ministère de l'Agriculture.

Finalement, ces gens - c'est peut-être de l'inconscience ou de la mauvaise information qu'ils reçoivent - l'un d'entre eux nous a dit: Mon propre fils utilise ces produits et, si c'était dangereux, c'est évident qu'il ne les utiliserait pas. Nous croyons que cet homme est très mal informé quand on voit justement tout ce qui peut arriver à la santé tel que vous l'avez décrit dans le chapitre 3. Nous pensons cependant, nous ne voulons pas faire de tort à ces compagnies, nous ne voulons pas les éliminer du marché - que les compagnies d'épandage comme les détaillants en pesticides peuvent fournir d'excellents services aux consommateurs dans la mesure où, avec une bonne formation, ils peuvent donner des conseils judicieux à la population, ils pourraient faire de l'épandage d'engrais organiques, de préférence, ce qui ferait recycler des déchets organiques et, en dernier recours, faire de l'application de pesticides inoffensifs pour l'homme.

J'aimerais parler un petit peu des pesticides en agriculture, parce que, même si nous sommes citadins, nous avons conscience que c'est un problème majeur et que, justement, c'est là que sont utilisées les plus grandes quantités. L'énoncé qui a été fait sur les avantages économiques de l'utilisation de pesticides au chapitre 4, page 2, nous semble assez discutable. On compare, par exemple, un champ d'oignons ou de rutabagas avec ou sans pesticide. On dit: Dans un champ non traité, on n'a que 60 % ou 100 % de perte. C'est un peu simpliste de discuter comme cela, parce que cela ne comprend pas les méthodes qu'on aurait pu appliquer pour prévenir l'utilisation des pesticides, comme, par exemple, les rotations, l'amélioration des sols, les taillis, toutes ces méthodes d'agriculture biologique qui sont connues, qui sont peut-être balbutiantes, mais qui sont connues.

L'agriculture biologique, ce n'est pas le non-usage des pesticides, c'est une autre gestion de terres aqricoles. Alors, quand on fait l'évaluation des coûts sociaux et environnementaux de l'utilisation des pesticides et qu'on dit que c'est encore rentable à 3 pour 1, malgré les morts et les effets sur l'environnement, cela a l'air de ne pas avoir beaucoup d'importance. On ne tient pas compte non plus des coûts environnementaux d'une mauvaise gestion des terres agricoles qui entraîne par le fait même l'utilisation des pesticides dont on n'aurait pas eu besoin, qui entraînent l'érosion de tonnes de terres arables, comme cela se passe dans les monocultures où le sol est laissé éqalement à nu avec l'usage exclusif d'engrais chimiques qui épuisent le sol arable et qui exposent le sol à la dégradation. Les engrais organiques qu'on aurait pu utiliser et qui actuellement sont jetés la plupart du temps dans les rivières ou les dépotoirs amènent aussi la pollution des cours d'eau dans tout cela, il y a des coûts environnementaux qui n'ont pas été calculés dans cette évaluation qui vient des États-Unis.

La gestion de nos terres aqricoles comprend bien plus que la non-utilisation des pesticides. Elle comprend un ensemble de méthodes culturales, physiques, biologiques, qui permet d'éliminer, de réduire de beaucoup l'utilisation des pesticides. Il y a encore beaucoup de recherches à faire dans ce domaine, mais il y a déjà des possibilités.

En ce qui concerne la classification des pesticides, le document de travail fait référence à la classification d'Agriculture Canada et nous avons compris que le ministère de l'Environnement compte se baser sur la classification d'Agriculture Canada. Nous avons interrogé des fonctionnaires de ce ministère et nous avons

compris que la classification est faite en fonction de l'usage et est basée principalement sur une question de concentration. Un produit peut se retrouver à la fois en classe domestique et commerciale. Il suffit de le diluer 10 ou 100 fois plus. Par contre, si on regarde les critères d'Agriculture Canada concernant les pesticides, par exemple, en classe toxique, il y a ici une recommandation qui dit: Tous les produits qui sont en classe domestique doivent satisfaire aux critères suivants: dose létale tant par miligramme et patati et patata. Ensuite, on voit ici en c): aucune précaution spéciale ou aucun équipement requis contre les dangers d'inhalation pour un pesticide domestique. Je connais bien des pesticides domestiques qui sont sur les tablettes de tous les magasins et pour lesquels il est recommandé de porter des équipements protecteurs. Déjà, je trouve que ce n'est pas très cohérent dans cette classification. Ce n'est pas appliqué tel quel. Les produits de la classe domestique et les contenants, on peut s'en débarrasser d'une façon sécuritaire en les mettant simplement è la poubelle. Cela aussi, ce n'est pas très logique. Je traduis de l'anglais ici. Malheureusement, j'ai eu la copie en anglais. C'est pour cela qu'il m'est difficile de lire le texte exact.

Nous croyons donc que cette classification qui est basée principalement pur la toxicité aiguë élimine ou du moins met de côté les effets à long terme qui apparaissent comme les effets mutagènes ou cancérigènes. C'est d'ailleurs pourquoi, après plusieurs années d'utilisation, il y a des produits qui étaient en classe domestique et qui tout à coup se retrouvent en classe 1 ou sont même prohibés. En plus, on est encore capable de les trouver chez tous les détaillants, parce que les commerçants ont le droit d'écouler leur stock. C'est tout à fait aberrant.

Nous pensons que tous les pesticides qui comportent un risque à court et à long terme et qui sont connus ou suspectés d'être nuisibles à la santé ne devraient pas être disponibles chez les détaillants et ne devraient pas être considérés comme des produits domestiques. Les produits de la classe 1 devraient être bannis au Québec. Ce sont pour la plupart des organochlorés contre lesquels tous les insectes sont devenus résistants. Nous ne voyons vraiment pas l'utilité de ces produits. C'est un gaspillage.

Quant aux produits de classe 5, qui sont des produits soi-disant inoffensifs, nous avons certaines réserves à ce sujet. Même les pesticides biologiques, comme le disait très bien monsieur tout à l'heure, sont des pesticides; cela tue les êtres vivants. S'ils sont utilisés à grande échelle, dans toute la province, cela représente un danger pour l'environnement. Si on tue toutes les chenilles à l'échelle de la province, il y a des oiseaux qui auront faim. Il y a aussi les pesticides biologiques comme la roténone, par exemple, qu'il n'est pas recommandé d'avaler. Les pesticides biologiques ont une toxicité réduite, mais nous pensons que tous les utilisateurs devraient recevoir une formation, même pour ces pesticides de la classe 5. Ce n'est pas de l'huile pour bébé, ce ne sont pas des produits inoffensifs. Il faut avoir une formation.

L'utilisateur domestique, il est bien évident que.. On ne peut pas faire passer le test et les examens è tous les citoyens du Québec. Cependant, nous pensons que l'utilisateur domestique devrait être l'objet d'une campagne de sensibilisation, comme nous l'avons d'ailleurs déjà dit. Il constitue un des utilisateurs les plus dangereux quelquefois, parce que, étant donné que c'est souvent pour protéger ses propres biens, son zèle peut l'amener à utiliser des quantités beaucoup plus fortes. Il arrive bien souvent que les utilisateurs domestiques mettent deux ou trois fois la dose pour être bien sûrs de tuer l'animal en question et, souvent, ils produisent l'effet contraire ou ils produisent bien pire. Nous croyons qu'on est capable d'éduquer la population en général et on s'aperçoit que la population répond très bien à des invitations sensées comme la campagne anti-tabac, la campagne contre l'alcool au volant, etc.

J'aimerais brièvement faire quelques commentaires sur l'avant-projet de loi. Est-ce que j'ai le temps? Est-ce que je peux continuer encore un peu?

Le Président (M. Saint-Roch): Oui, allez-y, madame.

Mme Smeesters: Bon. Grosso modo, voici nos commentaires sur l'avant-projet de loi. Nous étions un peu inquiets, justement, à propos de l'article 9, quand on dit que l'utilisateur domestique n'a pas besoin de permis lorsqu'il l'utilise sur ses biens. Nous sommes tout à fait d'accord avec cela, à la condition qu'on définisse bien ce que veut dire "sur ses biens" et que le consommateur, le citoyen, sache qu'il n'a pas le droit de dépasser les limites de son terrain.

Quant aux personnes qui utilisent de façon exceptionnelle les pesticides, nous n'avons pas compris à quoi se réfère cette catégorie exceptionnelle. On ne peut pas vendre quelque chose sans faire de commerce.

L'article 9,3° , et autres articles qui parlent des agriculteurs et des sylviculteurs. Nous pensons que, même s'ils font partie d'une catégorie séparée, il est évident que les agriculteurs et les sylviculteurs devraient être soumis à la loi étant donné les quantités de pesticides qu'ils utilisent.

À l'article 30,2° , concernant les

grossistes, nous pensons qu'ils devraient avoir une compétence minimale tout au moins, étant donné les grandes quantités de substances toxiques qu'ils manipulent. Chez un grossiste, à Bâle, il est arrivé un accident dont on a parlé beaucoup.

On parle, à l'article 30.4°, de supervision immédiate. Par exemple, on dit que, dans une compagnie, il suffit qu'une personne ait un certificat et que les autres soient sous sa supervision. Qu'est-ce que c'est, la "supervision immédiate"? Est-ce que cela demande une présence ou s'il suffit d'avoir l'emblème de la compagnie sur son uniforme?

À l'article 67 et autres articles, on parle des méthodes, normes et procédés généralement reconnus. Nous pensons que ce sont des termes très vagues qui prêtent à confusion et qui ne devraient pas être dans un texte de loi. Il faudrait définir par règlement, avant de commencer la formation des intervenants, quelles sont les normes. Comment voulez-vous donner des cours à une population, à une catégorie donnée d'applicateurs en leur parlant des méthodes, normes et procédés généralement reconnus? C'est très subjectif.

Au niveau des injonctions, on parle de faire intervenir le Procureur général. Cela nous semble une procédure très lourde. Le pauvre Procureur général sera dérangé très souvent. Nous pensons que la police municipale devrait éventuellement être habilitée à pouvoir juger des cas qui découlent de l'évidence même. À Saint-Bruno, par exemple, la ville a adopté un règlement pour interdire de faire des feux. C'est une directive, paraît-il, du ministère de l'Environnement, mais c'est la police municipale qui applique la loi. Pourquoi la police municipale ne pourrait-elle pas intervenir lorsqu'un particulier ou un épandeur dépasse les limites d'un terrain, lorsqu'on vide un réservoir dans un égout, comme nous l'avons vu de nos propres yeux, lorsqu'on fait de l'arrosage par temps venteux? Nous pensons que la police municipale devrait avoir une certaine possibilité d'agir ou, du moins, qu'il y ait des spécialistes dans les municipalités. (11 h 30)

Je vais abréger un peu. Finalement, nous pensons que c'est surtout à l'article 100,6°, où on parle de tous les règlements que peut faire le ministère de l'Environnement. Cet article pourrait contenir un livre à lui tout seul, avec tous les règlements qu'on pourrait élaborer à ce sujet. À notre avis, c'est le point le plus important à développer.

Pour terminer, nous remercions le ministère de l'Environnement de nous avoir donné l'occasion d'exprimer notre avis. Nous espérons que la loi sera améliorée de plusieurs règlements pour la rendre plus efficace. Nous pensons que c'est très bon de mettre l'impact sur l'éducation, mais, outre cela, il faudrait vraiment faire une sélection plus sévère des pesticides mis en marché et une classification plus adéquate. Nous pensons qu'il faut faire un contrôle de l'utilisation des pesticides, tant en milieu urbain, en milieu agricole qu'en milieu forestier, par des normes très strictes et une surveillance convenable. Je vous remercie, M. le Président et M. le ministre.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, Mme Smeesters. M. le ministre.

M. Lincoln: Mme Smeesters, je vous remercie, ainsi que votre organisation, d'être venues ici aujourd'hui. La raison pour laquelle nous avons pensé vous inviter, c'est que vous étiez une organisation très importante dans le cycle de toute la question de lutte contre les pesticides. Vous représentez un milieu urbain, vous êtes un groupe de citoyens réunis de façon informelle représentant réellement les vues très typiques du milieu urbain qui lutte aujourd'hui contre les choses que vous avez décrites avec beaucoup d'éloquence. Tout ce que vous avez dit sur la question philosophique par rapport è la lutte intégrée contre les pesticides, je ne peux qu'être à 100 % d'accord avec vous. Je pense que durant toutes ces audiences, jusqu'ici, cela a été le fil conducteur. Pratiquement tous les intervenants ont dit: Les pesticides devraient être le dernier moyen, le moyen ultime seulement. Il ne faut pas s'en servir comme moyen premier. C'est le sens de la loi. La loi est purement une première étape. On ne dit pas que cela va résoudre tous les problèmes immenses qu'on a toujours eus. Une loi ne le fera jamais. Mais, au moins, c'est un commencement, une première étape et c'est surtout un geste symbolique du gouvernement qui veut montrer de quel côté il se branche là-dessus. La loi a été axée sur les recommandations de 1980 du Conseil consultatif de l'environnement. Cela a été dans le sens de dire: On va commencer par l'éducation et la formation.

Pour répondre à des questions plus spécifiques de votre part, pour ce qui est de l'homologation des pesticides, pour ce qui est de la classification... Dans votre mémoire, je pense que c'est à la page... Vous parliez du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec, quelque part, qui avait autorisé les pesticides. Je pense qu'il y a peut-être un malentendu là. C'est: "Les critères du MAPAQ ne nous paraissent cependant pas assez stricts, surtout en milieu urbain." On parlait du ministère de l'Agriculture fédéral. Ce qui arrive dans la loi fédérale antiparasitaire, c'est que le ministère de l'Agriculture fédéral a la responsabilité de faire l'homologation des

pesticides. Pour ma part, je ne pense pas que ce soit la chose idéale, mais c'est comme cela dans la loi fédérale. Je pense qu'une grosse partie du travail doit se faire au niveau fédéral parce que le fédéral est responsable de l'homologation, de la mise en marché des pesticides, de l'importation des pesticides, du contrôle des homologations temporaires et de la réévaluation des homologations. C'est son travail. C'est le travail clé qui se fait.

Ce que nous avons fait avec les provinces, c'est que nous avons eu une rencontre le mois dernier où toutes les provinces canadiennes ont demandé à rencontrer non seulement le ministre responsable de la loi des antiparasitaires, le ministère de l'Agriculture, mais les trois ministres clés, selon nous, qui devraient travailler en trio sur le sujet, soit le ministre de l'Environnement fédéral et le ministre de la Santé fédéral. C'est la première fois que ces trois ministres, croyez-le ou non, ont pu se rencontrer - en fait, ils l'ont admis eux-mêmes - pour parler ensemble des pesticides. Là, toutes les provinces étaient représentées. Celles-ci ont demandé que nous soyons informés et impliqués beaucoup plus activement dans le processus d'homologation. Deuxièmement, que toute la question des pesticides déjà homologués soit réévaluée complètement par le fédéral, qu'il y ait une réévaluation active qui se fasse. Troisièmement, qu'il y ait une implication tout à fait suivie de toute la question de la classification des pesticides.

Sur toutes les questions que vous avez apportées et qui ont trait au fédéral, le fédéral a maintenant accepté que les deux autres ministres qui sont concernés au premier niveau, le ministre de l'Environnement et le ministre de la Santé, soient impliqués avec le ministre de l'Agriculture avant une homologation. On sait maintenant qu'à cause de tous les dangers que vous citez, surtout en milieu urbain, il faudra une homologation beaucoup plus stricte de la part du fédéral avant que les produits ne sortent. Tout ce que je peux vous dire, c'est que nous travaillons de façon très active au niveau du conseil canadien des ministres de l'Environnement qui l'ont considéré comme un élément prioritaire. Au lieu de travailler en vase clos, le Québec seul, ce sont les dix provinces qui mettent ensemble de la pression sur le fédéral pour que cela se fasse. C'est un peu plus que vous avez fait pendant les dix ans que vous étiez là!

M. Blais: Au moins, nous écoutons. Nous ne lisons pas les journaux, nous autres!

M. Lincoln: C'est cela. En passant, pendant qu'ils rigolaient, c'est nous qui avons au moins eu le courage de présenter une loi sur les pesticides après toutes ces années.

Cette loi, je le sais, n'est pas complète mais je peux vous assurer d'abord que les sylviculteurs et les agriculteurs seront inclus, En fait, les dispositions du deuxième alinéa de l'article 5 prévoient l'inclusion des sylviculteurs et des agriculteurs à une date ultérieure. L'article 95 prévoit un règlement pour ces secteurs.

La raison pour laquelle ils n'ont pas été inclus au premier abord dans la loi, c'est que ce sont des secteurs immenses. Cela demande beaucoup de préparation. On a déjà fait des consultations avec les agriculteurs et le ministre de l'Agriculture pour que, d'ici à 1990, on commence à les inclure. Des cours de formation sont en préparation pour eux, on est en négociation avec ces secteurs. Aujourd'hui, comme vous l'avez entendu, peut-être dans le domaine de la sylviculture, ce sera la même chose. Il y a déjà une entente qui a été conclue avec le ministère délégué aux Forêts et tous ces éléments seront pris en considération.

Plusieurs suggestions que vous avez faites sont très intéressantes. Par exemple, la suggestion pour les grossistes. On va certainement inclure les grossistes. On va prendre cela en considération très positive.

Vous avez aussi parlé dans votre mémoire de toute la question de la responsabilité d'un individu par rapport à d'autres. Si vous avez le projet de loi devant vous, à l'article 67 de la loi, section V...

Mme Smeesters: Ah! D'accord, oui.

M. Lincoln: ... page 16, vous verrez que nous allons transposer une disposition. Ce ne sera peut-être pas écrit de la même façon, mais le sens de l'article 67, section V, a trait à l'injonction, au pouvoir d'injonction. Nous allons transférer une section très similaire au chapitre VII, paqe 23, sous les dispositions pénales. C'est-à-dire qu'en plus des pouvoirs d'injonction, ce devoir de tout individu sera contenu dans le chapitre des dispositions pénates; cela va aller beaucoup plus loin qu'une seule injonction. Nul ne pourra émettre, déposer, etc. La preuve devra être faite par l'individu qui ne l'aura pas faite et cela donne un pouvoir beaucoup plus fort que seulement le pouvoir d'injonction. C'est certainement un pas en avant dans le sens que vous indiquez.

Vous avez aussi parlé des recours possibles. On a été aussi loin qu'on le pouvait sur la question des recours. Par exemple, dans la Loi sur les pesticides, on aura maintenant un pouvoir d'ordonnance, même si l'application est mal effectuée, même si on ne peut pas prouver qu'il! y a eu des dommages. C'est dans la loi d'aujourd'hui. Il y a, comme vous le savez, des pouvoirs d'injonction. Les pouvoirs d'ordonnance dans la Loi sur la qualité de l'environnement demeurent; il y a aussi un

pouvoir d'injonction dans la Loi sur la qualité de l'environnement. Plusieurs pouvoirs sont déjà donnés dans cette loi qui s'ajoutent à ceux qui sont déjà dans la Loi sur la qualité de l'environnement. Nous sommes allés le plus loin possible dans les circonstances juridiques actuelles.

Pour ce qui est de la question du règlement que vous attendez avec impatience, je peux vous assurer que nous aussi, nous l'attendons, aussitôt que la loi sera adoptée. Cela dépend des étapes de la loi. S'il y a beaucoup de changements apportés à la loi, cela pourrait la retarder. Naturellement, on veut la faire adopter le plus tôt possible, mais cela dépend de tellement de facteurs que cela prend pas mal de temps. Aussitôt que la loi sera adoptée, nous espérons que d'ici à l'automne 1987, nous aurons un règlement. Pour ce qui est de tous les cours de formation et d'éducation, ils ne vont pas se faire comme cela. On a déjà commencé à négocier avec tous les intervenants du milieu, par exemple, du domaine de l'horticulture, des gazons, des pelouses, du domaine urbain, du domaine domestique et de l'extermination. On a négocié avec toutes ces associations des codes de bonne pratique et des cours de formation. Les examens ne seront pas des examens bidon...

C'est beau, quand on est dans l'Opposition, et c'est facile, surtout quand on n'a rien fait à propos des pesticides quand on était dans le gouvernement.

M. Blais: Je suis à la veille de vous répondre, vous. Depuis deux jours, vous passez votre temps à me passer un couteau à travers les côtes. Je n'ai pas dit un seul mot, mais votre "lacrymogénie", je vais l'étouffer bientôt.

Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous plaîtl M. le ministre.

M. Blais: Vous allez en entendre parler tantôt. Il y a des limites à faire l'enfant en commission parlementaire. Ils ne sont pas ici pour nous voir discuter l'un l'autre et nous voir nous pointer l'un l'autre. Vous êtes ici pour répondre aux questions et répondre au mémoire que ces gens ont apporté. Arrêtez de pointer l'Opposition, parce que vous allez payer pour cela. Moi aussi, je suis capable de vous parler. J'ai le verbe qu'il faut, j'ai la compétence qu'il faut et je vous sens trembler dans vos culottes quand je vous parle de même.

Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lincoln: J'ai tremblé dans mes culottes, c'est bien vrai.

M. Blais: Merci, je le savais que c'était vrai.

M. Lincoln: C'est quelqu'un qui me fait trembler dans mes culottes.

Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre, si vous voulez poursuivre, s'il vous plaît!

M. Blais: II y a des limites à rire du monde.

M. Lincoln: Je me demandais qui riait de qui.

M. Blais: Faites votre exposé et gardez vos commentaires pour vous! Cela va,là?

Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lincoln: Écoutez, un petit peu de politesse, s'il vous plaît!

M. Blais: C'est ce que je vous demande depuis deux jours, je ne vous ai rien dit. J'ai été d'une politesse excessive. Vous avez insulté des journalistes et vous m'avez insulté, depuis que vous êtes là, et je n'ai jamais levé le ton.

Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Blais: Commencez par avoir un peu de bienséance et de respect pour l'Opposition et pour les qens qui viennent nous visiter; après, on en aura pour vous, si nécessaire.

Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais, à ce moment-ci, la collaboration des deux côtés...

M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Saint-Roch): ...pour assurer la bonne marche de nos travaux. M. le ministre.

M. Lincoln: M. le Président, je pense qu'ici vous êtes le président. S'il y avait eu des insultes de ma part ou si j'avais insulté mon collègue de l'Opposition, vous seriez intervenu...

M. Blais: M. le Président, vous venez de dire que les deux côtés doivent se taire. Faites taire le ministre, je vous en supplie.

M. Lincoln: J'ai le droit, en commission parlementaire...

M. Blais: II nous a dit de ne pas passer de commentaires et vous en passez.

Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lincoln: ...de vous adresser la parole. C'est lui qui m'a dit que j'ai insulté et que j'étais mal élevé. Si je l'avais été, je pense que, comme président, vous seriez intervenu. Je ne veux pas me faire crier dessus par le critique de l'Opposition ou n'importe qui. C'est lui qui a fait du théâtre pendant que je parlais à ces gens. C'est lui qui a interrompu depuis le début et c'est pourquoi je lui ai demandé...

M. Blais: Voulez-vous lui demander de revenir à la pertinence du sujet?

Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lincoln: Je retournerai à la pertinence du sujet quand il s'assiéra et restera tranquille, c'est tout.

Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lincoln: Je m'excuse, madame.

Le Président (M. Saint-Roch): Je demanderais la collaboration des deux côtés. M. le ministre, s'il vous plaît!

Une voix: ...

M. Lincoln: Oui.

Le Président (M. Saint-Roch): Mme Smeesters.

Mme Smeesters: Concernant les injonctions, justement, est-ce que vous pensez pouvoir déléguer assez rapidement des pouvoirs aux municipalités pour que de façon pratico-pratique les citoyens puissent faire arrêter les abus qu'on connaît actuellement? Si on s'adresse à la police municipale, aujourd'hui, au maire ou à n'importe quel fonctionnaire municipal, ils nous disent: On n'a aucun pouvoir; on attend les directives du ministère de l'Environnement.

M. Lincoln: C'est exactement le cas. Ce qui est arrivé, madame, c'est que nous aurions préféré, dans ce projet de loi, inclure une disposition, comme dans la loi sur les non-fumeurs, qui aurait habilité les municipalités à adopter des règlements locaux, si elles le veulent. Aujourd'hui, il y a cprtaines municipalités, par exemple, Dollard-des-Ormeaux, qui ont adopté des règlements municipaux, mais il n'est pas trop sûr que ces règlements soient valides, d'après la Loi sur les cités et villes. Nous aurions préféré, nous, dire aux municipalités: Vous pouvez passer des règlements. Mais, dans toutes ces questions, naturellement, il faut consulter le monde municipal lui-même. Nous ne pouvons pas imposer des charges et des responsabilités au monde municipal, parce que cela implique pas mal d'argent de sa part, cela implique des taxes pour les citoyens. Le monde municipal nous a demandé d'attendre la commission parlementaire. La question a été suggérée, elle a été amenée sur le tapis. L'Union des municipalités du Québec et les représentants municipaux ont dit: On n'est pas pour, on n'est pas contre, mais, pour le moment, ne mettez pas cela dans la loi. On va attendre le déroulement, on va attendre que les négociations se fassent. J'espère que, petit à petit, cela va arriver. C'est toujours la question lorsque vous imposez des responsabilités. Cela implique des taxes, cela implique de l'argent, cela implique des policiers, des inspecteurs, etc.

Pour le moment, ce pouvoir habilitant n'est pas dans la loi. Si, par exemple, il y avait une infraction aujourd'hui, le ministère habiliterait certains inspecteurs, un petit groupe d'inspecteurs pour commencer parce qu'on aura un budget de quelques millions de dollars pour les cinq prochaines années à consacrer dans le domaine des pesticides. Ce n'est pas énorme, mais, enfin, ce sera déjà pas mal pour commencer; on va consacrer un peu plus de 1 000 000 $ par année. On aura certains inspecteurs. Le groupe va augmenter, mais je ne peux pas vous dire qu'on aura des inspecteurs dans tout le Québec qui vont pouvoir tout contrôler. À un moment donné, il faudra qu'il y ait un accord quelconque avec le système municipal pour contrôler cela. Présentement, c'est en négociation. (11 h 45)

Ce sont des charges additionnelles qu'on ne peut pas donner comme ça aux municipalités. Il faut le faire avec leur accord. On va attendre que la commission parlementaire se termine. Par exemple, les représentants de l'Union des municipalités régionales de comté viendront ici, ils vont nous donner leur son de cloche et on va négocier avec les mouvements municipaux, les deux regroupements d'unions municipales et aussi le ministère des Affaires municipales pour voir où on s'en va. C'est possible que ce pouvoir soit inclus dans la loi. Je ne peux pas vous le dire d'une façon certaine aujourd'hui.

Mme Smeesters: Pour l'été prochain, s'il y a vraiment des abus contre lesquels nous voulons nous dresser, faudra-t-il s'adresser au ministère de l'Environnement?

M. Lincoln: Vous pouvez toujours aller voir votre policier local parce qu'il aura le pouvoir, comme je vous le dis, dans la section pénale de la loi: Nul ne peut

émettre, etc. Mais c'est très possible aussi que la police vous dise: Écoutez, concernant les pesticides, il faudra aller voir le ministère de l'Environnement, et, nous, nous enverrons un inspecteur. J'espère que ce sera plus pratique que cela, mais je ne peux pas vous le certifier.

Mme Smeesters: D'accord.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, Mme Smeesters.

M. Lincoln: Un de mes collègues a une question à vous poser.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Nicolet.

M. Richard: Dans votre mémoire, à la page 12, vous mentionnez au paragraphe 4: "Utilisateurs de pesticides avec permis: Tous ceux qui ont un permis devraient être soumis à des contrôles médicaux annuels." Cela semble impératif. Dans la pratique, de quelle façon votre recommandation s'applique-t-elle? Est-ce que vous laissez entendre que ceux qui les utilisent pourraient mettre en danger, carrément, leur santé et vous voulez qu'ils subissent des examens annuels? C'est quoi la mécanique?

Mme Smeesters: La mécanique est assez simple. De toute façon, tous les citoyens devraient subir un examen médical annuel, mais nous pensons que, si on veut avoir une idée de la toxicité des pesticides, ce serait peut-être une bonne chose d'inclure dans la loi que cet examen annuel est obligatoire pour les "applicateurs" de pesticides. Nous irions même jusqu'à dire: pendant un certain nombre d'années, après qu'ils auront terminé leur contrat. Lorsqu'on fait des statistiques seulement sur les personnes qui travaillent, celles qui sont malades, celles qui sont mortes ne travaillent plus et ne sont pas dans les statistiques. Alors, il faudrait savoir. M. Gauthier avait mentionné un cas: lorsqu'on a fait des études sur des populations d'agriculteurs, on comptait seulement ceux qui étaient dans le champ. Pour ceux qui étaient malades, on n'avait pas les statistiques. Donc, ils n'étaient pas considérés comme personnes malades.

M. Richard: Merci, madame. Mme Smeesters: Vous comprenez?

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le député de Nicolet. M. le député de Terrebonne.

M. Blais: Merci, M. le Président. Je suis content que vous soyez là. J'ai lu votre rapport avec beaucoup d'intérêt. On y démontre que, par la volonté, la compétence et la ténacité, tous et toutes peuvent faire quelque chose pour l'amélioration de leur milieu ambiant et notre environnement. Vous avez été convaincante aussi et on voit que vous êtes convaincue de ce que vous défendez dans votre mémoire, parce que vous mettez beaucoup de coeur dans vos réponses, et cela me plaît. À vous aussi je vais poser des questions non partisanes, mais des questions pour essayer d'améliorer la loi. Selon le ministre, nous n'avons rien fait en ce qui concerne l'environnement, mais je ne veux pas parler de cela. Quand vous serez partis, par exemple, on va faire notre chicane interne. Mais quand vous serez partis! C'est ce que je lui demande. Cela fait deux jours que je me fais assaillir!

À la page 2, au dernier paragraphe, vous avez écrit: "II ne s'agit plus d'évaluer la valeur d'un pesticide uniquement d'après son rendement monétaire, mais de prendre en considération tous les impacts sur l'environnement, la qualité de l'eau, de l'air, du sol, et l'impact sur la santé humaine." Bien sûr, si nous faisons ici une loi sur les pesticides, cette loi doit aider à corriger une situation qui est décrite ici comme négative, si c'est la situation actuelle que vous décrivez. J'aimerais que vous me disiez où, dans ce projet de loi, vous trouvez quelque chose de positif pour corriger la situation actuelle.

Mme Smeesters: Est-ce que quelqu'un veut répondre?

M. Blais: Vous n'en trouvez pas?

Mme Smeesters: Non, mais disons que c'est en fait...

Le Président (M. Saint-Roch): Mme Smeesters.

Mme Smeesters: Je pense que le seul fait de faire une loi est un pas en avant, c'est un pas dans la bonne direction. C'est sûr qu'il y avait déjà une loi sur la qualité de l'environnement selon laquelle, à l'article 20, il est interdit d'utiliser des produits toxiques ou même qui peuvent nuire au confort de nos concitoyens, mais, dans la pratico-pratique, il est évident qu'on utilise tous les jours une quantité de produits toxiques. Nous pouvons espérer que, dans un avenir prochain, on n'utilisera plus de pesticides grâce à d'autres méthodes de culture et d'autres technologies qui se seront développées, mais cela ne se fera pas du jour au lendemain et on doit se laisser un peu de temps. Alors, le fait d'avoir fait une loi est pour nous un début de protection, à condition qu'on l'applique, qu'on fasse des normes et qu'on applique les normes.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Terrebonne.

M. Blais: Merci de votre réponse. C'est ce que je comprends du projet de loi moi aussi.

M. Lavallée (Patrick): J'aurais un point è souligner. Pardon?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Robert Hallé.

Mme Smeesters: M. Lavallée. M. Lavallée: Lavallée.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Lavallée? Alors, M. Lavallée.

M. Lavallée: J'aurais un point à souligner. Si le Québec développe une expertise en ce qui a trait aux pesticides biologiques, c'est quelque chose qui peut s'exporter et qui se monnaie. En ce moment, il y a beaucoup de groupes qui travaillent, tant aux États-Unis qu'en Europe, pour promouvoir des idées alternatives et écologiques. En ce moment, le gouvernement parle beaucoup d'exporter nos technologies, d'exporter nos produits, ce qu'on fabrique finalement. Il y a un mythe qui dit que tout ce qui est écologique et toutes les questions de l'environnement, c'est de la foutaise, que cela ne correspond pas à de l'argent et que cela coûte des sommes faramineuses. Mais une expertise sur les pesticides biologiques et tout ce qui y a trait s'exporte et est monnayable.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Lavallée. M. le député de Terrebonne.

M. Blais: En page 4, on voit une superbe démonstration des connaissances du milieu pollué urbain. On voit que vous connaissez bien ce milieu-là et il y a une citation ici: "Dans le document de travail: le problème des pesticides en milieu urbain semble relégué à une valeur insignifiante face à l'importance des quantités de pesticides utilisées en milieu rural, d'accord. Cependant, une étude effectuée aux USA par le National Academy of Sciences a mis en évidence que les pelouses de banlieue reçoivent des applications de pesticides plus élevées à l'acre que toute autre terre aux États-Unis. Cette estimation est basée sur une étude effectuée..." Vous dites aussi un peu plus bas: "Aujourd'hui, l'usage exagéré des pesticides en milieu urbain est un problème majeur à cause de: la popularité sans cesse croissante de l'épandage commercial grâce à la publicité; la densité de la population humaine; la négligence des utilisateurs."

Je vais vous poser une question assez difficile. Elle va être difficile, ma question. Les réponses sont peut-être faciles, mais, pour moi, la question est difficile à poser. Quel ajout aimeriez-vous voir apporter à la loi pour que l'utilisation des pesticides en milieu urbain soit mieux réglementée?

Le Président (M. Saint-Roch): Mme Smeesters.

Mme Smeesters: Merci, oui. Ce n'est pas simple à répondre, évidemment. Il y a tout d'abord la classification. Peut-être qu'on pourrait donner une classe de pesticides utilisable en milieu urbain et qui comprendrait seulement des produits inoffensifs, si c'est possible. Il en existe très peu. D'autant plus que, si c'est inoffensif pour l'homme, cela peut avoir des effets sur l'environnement. C'est cela, finalement. Il faut malgré tout arriver à un non-usage des pesticides et cela s'en va avec l'éducation. Finalement, pourquoi les gens arrosent-ils leurs pelouses? L'arrosage des pelouses, c'est un peu aberrant.

On dit quelque part dans le document de travail qu'il faudrait limiter l'usage des pesticides seulement aux besoins essentiels. Je me demande dans quelle mesure une pelouse sans pissenlit ou sans plantain ou, en tout cas, sans mauvaise herbe, soi-disant, c'est un besoin essentiel? C'est une mode, ce n'est pas un besoin essentiel. On peut très bien faire une pelouse avec de la pervenche, de l'ajuga ou aegopodium ou une autre plante qui serait magnifique. C'est une mode, finalement, et cette mode est poussée par la publicité. Ce n'est pas juste la loi qui va régler ce problème. C'est toute la campagne de sensibilisation qui est autour de cela.

Disons que la loi pourrait dans l'immédiat faire une classification qui pourrait donner une catégorie de pesticides utilisable en milieu urbain et ensuite par un contrôle très sévère de leur utilisation, établir des normes bien précises: lorsque le vent dépasse telle vélocité, interdiction d'arroser, ne dépassez pas les limites du terrain; ou bien, si on a besoin d'arroser un pommier, par exemple, qui surplombe le terrain d'un voisin, demander la permission du voisin. Tout cela, ce sont des choses qui devraient entrer dans le texte de la loi. II est inadmissible de dépasser les limites des terrains comme on le fait aujourd'hui, surtout avec les quantités qui sont utilisées dans une ville comme Saint-Bruno, qui est un peu comme Westmount ou Outremont. Ce sont des banlieues aisées où les deux membres du couple travaillent; ils n'ont plus le temps de s'occuper de leur terrain. On donne tout a contrat. Chez nous, je pense qu'une maison sur trois et parfois, dans certaines rues, une maison sur deux a un contrat avec un épandeur. Ceux qui n'en

veulent pas, où est leur liberté, où est leur droit à un environnement sain? On vient habiter en banlieue pour respirer de l'air pur et, finalement, certains jours, on doit vraiment s'enfermer dans la maison.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Terrebonne.

M. Blais: D'accord. En page 8, au dernier paragraphe, vous dites aussi: L'utilisateur domestique, quant à lui, devrait être l'objet d'une campagne de sensibilisation mentionnée. C'est bien sûr que personne n'est contre une campagne de sensibilisation, c'est absolument normal, comme personne, non plus, n'est contre la recherche sur les pesticides.

Pour aider à bonifier la loi, certains groupes ont demandé au ministre d'envisager une taxe sur les pesticides pour financer soit une campagne d'éducation ou des recherches poussées pour remplacer les pesticides. Est-ce que votre petit groupe a envisagé de recommander - je ne le vois nulle part - une taxe spécifique?

Mme Smeesters: II me semble que nous avions quelque chose concernant les détaillants. En ce qui concerne les détaillants, nous avions plusieurs suggestions, mais disons que je ne suis pas certaine. Nous y avons sûrement pensé, mais je ne sais pas si on l'a exprimé.

M. Blais: Quelle page? Je ne me souviens pas. Vous l'avez peut-être.

Mme Smeesters: Voilà! À la page 14... M. Blais: Oui, d'accord.

Mme Smeesters: ...au point 12, tout à fait à la dernière ligne: "Les produits devraient être taxés en fonction de leur toxicité." Nous n'avons pas mentionné à quoi pourrait servir cette taxe, mais la recherche serait une excellente solution.

M. Blais: Cela répond à ma question. Je m'excuse d'avoir oublié cette ligne.

Mme Smeesters: Merci.

M. Blais: Ce n'est pas parce que je n'ai pas relu votre rapport. Je l'avais vu hier soir.

D'accord. Personnellement, je n'ai pas d'autres questions, à moins que mon collègue en ait. Il a très bien suivi lui aussi. Cela va aller. Je vous remercie beaucoup. J'ai trouvé que c'était pour un groupe... En fait, je suis certain que vous êtes des bénévoles. Je suis persuadé de cela.

Mme Smeesters: Bien sûr.

M. Blais: Pour un groupe de bénévoles, vous avez mis beaucoup de coeur et on voit qu'on est capable de faire quelque chose quand on est convaincu que la lutte qu'on fait, c'est une lutte pour la liberté de vivre sur un territoire sain. Je vous en félicite.

Mme Smeesters: Merci.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le député de Terrebonne. En conclusion, de brèves remarques, M. le ministre.

M. Lincoln: Mme Smeesters, nous vous remercions d'être venue ici nous apporter un éclairage sur un point de vue bien important concernant toute cette question. Comme vous, je dois souligner que la loi est purement une étape symbolique en ce sens que cela aura un effet d'entraînement, que cela apporte un éclairage, que cela apporte une publicité, mais ce n'est pas tout. C'est certain qu'une loi, c'est purement un cadre législatif. Cela ne solutionne rien en soi, mais c'est l'expression d'une volonté gouvernementale. Je pense qu'en plus d'une loi, il est important d'avoir une politique sur les pesticides. Vous avez vu dans le document de travail qu'il y aurait une politique sur les pesticides axée sur quatre grands principes, dont un est la lutte intégrée contre les pesticides qui va favoriser l'écologie et le système naturel.

Entre-temps, je suis d'accord avec vous qu'il faudra axer le travail sur la formation. La formation ne se fera pas comme cela. Elle se fera avec des critères, avec des normes, axés sur des codes de bonne pratique qui seront préparés avec les intervenants du milieu, je peux vous en donner la garantie. Ce sera aussi accompagné - c'est dans le programme - d'une campagne de sensibilisation qui va commencer lorsque la réglementation sera en place, lorsque les codes de pratique seront mis en place et que la loi sera adoptée. La première étape, c'est d'adopter la loi.

Je vous remercie de nous avoir aidés à bonifier la loi en bien des sens. Vous nous avez apporté des éclairages, par exemple, au niveau des grossistes et au niveau de l'article 67. Je vous remercie beaucoup de vos remarques sur la question philosophique où nous nous rencontrons tout à fait, surtout dans les questions pratiques qui vont nous aider à faire un meilleur travail avec la loi. Merci beaucoup.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre.

Mme Smeesters: Merci, M. le Président, merci, M. le ministre.

Le Président (M. Saint-Roch): Mme

Smeesters. M. le député de Terrebonne.

M. Blais: Avant de recevoir d'autres groupes, j'aimerais demander, M. le Président, si c'était possible...

Le Président (M. Saint-Roch): Si vous me le permettez, M. le député de Terrebonne, j'aimerais remercier, au nom de tous les membres de la commission, Nature-Action pour la qualité de sa présentation. Merci. M, le député de Terrebonne. (12 heures)

M. Blais: Simplement une remarque, comme d'habitude. J'aimerais bien que le ministre arrête de faire de la petite politique mesquine et qu'il attende qu'on soit seul, lorsqu'on étudiera le projet article par article, et qu'il ne fasse pas subir ses sautes d'humeur partisanes à nos invités.

M. Lincoln: M. le Président, je commence à être tanné de M. le critique de l'Opposition. II vient faire son petit show habituel, comme à toutes les commissions parlementaires. Je dois souligner que, pendant mes remarques à ce groupe, c'est lui qui a fait des interruptions lorsque j'ai parlé du gouvernement fédéral, des interruptions stupides. C'est lui qui a fait toutes sortes de gestes pendant que j'interrogeais ces gens. C'est là que je veux intervenir. Je n'aime pas me faire parler fort par lui ou n'importe qui. S'il croit que je tremble dans mes culottes, il me connaît très mal.

M. le Président, vous êtes président depuis hier, vous avez observé toutes les démarches qui ont été faites ici. Je n'ai insulté personne, ni lui, ni personne. Ce n'est pas mon habitude, et, si je l'avais fait, je pense que vous travaillez assez diligemment comme président que vous l'auriez souligné. Je n'accepte pas ces histoires. C'est lui qui fait de la politique, des chicanes. Je ne cherche pas de chicane, mais pendant que je pose des questions aux gens qui sont ici, je n'ai pas envie qu'il fasse des remarques sur le gouvernement fédéral, provincial ou quoi que ce soit. Qu'il me laisse poser mes questions et après, il pourra faire ses remarques sur l'indépendance du Québec ou sur tout ce qu'il voudra.

Le Président (M. Saint-Roch): Avant d'entreprendre l'intervention du dernier groupe de la matinée, je demanderais la collaboration usuelle des deux côtés de cette table. Je pense qu'en tant que président nous avons toujours adopté une attitude qui se veut dans l'esprit de nos commissions parlementaires et qui donne la chance à tous et cnacun de s'exprimer librement.

Cela étant dit, je demanderais maintenant à l'Association des consommateurs du Québec de prendre place. C'est déjà fait. J'inviterais la porte-parole du groupe à s'identifier et à identifier les gens qui l'accompagnent.

Association des consommateurs du Québec

Mme Guillot-Lemelin (Solange): M. le Président, M. le ministre, je suis Solange Guillot-Lemelin, conseillère en consommation à l'emploi de l'Association des consommateurs du Québec. Près de moi, Mme Maryse Azzaria, bénévole depuis plusieurs années pour l'Association des consommateurs et également infirmière de formation et Mme Louise Rivard-Plouffe qui est aqente d'information et ex-présidente de l'Association des consommateurs de la région de Québec-Sainte-Foy.

Avant de commencer, j'aimerais simplement mentionner que nous appuyons les principales recommandations que le groupe Nature-Action vient d'énoncer. L'association a relevé beaucoup de points que ces gens ont mentionnés.

Permettez-nous de vous dire que l'Association des consommateurs du Québec est heureuse de pouvoir présenter sa position sur l'avant-projet de loi sur les pesticides. Bien entendu, nous n'intervenons pas ici en tant qu'experts, mais plutôt comme des représentants des consommateurs qui se préoccupent de la santé et de la qualité de vie de notre environnement.

Depuis déjà huit ans, l'Association des consommateurs s'intéresse à la question des pesticides. En 1982, déjà, nous avions présenté un mémoire au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement concernant l'étude de l'impact du projet de pulvérisations aériennes d'insecticides contre la tordeuse des bourgeons de l'épinette.

La même année, nous avions également réalisé une enquête auprès de 270 citoyens de Sainte-Foy et de 12 détaillants de pesticides afin d'en connaître davantage sur l'utilisation des pesticides domestiques. Ici, d'ailleurs, nous aimerions dire que c'était la première enquête qui avait eu lieu auprès des consommateurs sur le sujet.

Déjà, en 1982, l'association soulignait l'importance de la prévention en matière d'environnement. Je pense qu'à ce moment-là on touchait vraiment un des points importants du problème. On constate, cinq ans plus tard, que le ministère de l'Environnement du Québec met de l'avant un projet de loi afin de minimiser les risques et les problèmes que suscite l'utilisation des pesticides. Nous déplorons donc le fait que la parution de cet avant-projet de loi se fasse après l'apparition des problèmes, au sens que cela aurait pu être présenté bien avant. Toutefois, nous devons reconnaître le caractère progressiste des interventions proposées par le ministère de l'Environnement. Les avenues qu'il propose, soit la recherche, le développement et l'éducation, sont très bien fondées. En effet, car elles permettent d'élaborer une stratégie à court, moyen et long terme afin de minimiser

l'utilisation et les répercussions de l'usage des pesticides.

Dès 1982, on demandait: que le mode d'emploi des pesticides soit mis en évidence en grossissant les instructions et les premiers soins indiqués sur chaque contenant de pesticide; que les compagnies inscrivent sur les étiquettes des moyens écologiques efficaces pour se débarrasser des surplus de préparation de pesticides et des contenants vides. Ou bien encore, le ministère de l'Environnement pourrait mettre è la disposition des utilisateurs un lieu sécuritaire où ils pourraient se départir des produits toxiques non utilisés; que tous les pesticides domestiques soient munis de bouchons de sécurité; que l'équipement de sécurité (masques et gants) soit exposé près des pesticides et vendu dans tous les établissements qui vendent des pesticides. Qu'on fasse vraiment la promotion de tout cet équipement autour de cette utilisation.

On a également de nouvelles recommandations. Dans le domaine de la recherche, nous demandons qu'il y ait au plus tôt des études non seulement sur les effets des pesticides, mais aussi sur les coûts sociaux et environnementaux reliés à l'utilisation des pesticides au Québec. Pour nous, consommateurs, la santé est une valeur importante et elle ne doit jamais céder le pas à des discours ou des arguments strictement économiques, voire de rentabilité.

En ce sens, l'Association des consommateurs du Québec pense que les consommateurs seraient prêts a assumer à court terme des coûts plus élevés que pourraient représenter certaines alternatives aux pesticides, comme, par exemple, l'utilisation de différentes méthodes, telles les espèces végétales, si on leur démontrait qu'à plus ou moins long terme l'utilisation des pesticides engendre des coûts encore plus élevés en termes de santé et d'environnement.

En ce qui a trait à l'éducation, outre les cours et les programmes de formation qui visent une clientèle spécifique, nous demandons que le ministère de l'Environnement fasse une campagne de publicité afin de sensibiliser surtout les utilisateurs domestiques aux dangers reliés aux pesticides. La publicité pourrait mettre l'accent sur les pesticides naturels et les moyens écologiques de contrôle. Par exemple, dans l'étude qu'on vous a donnée tout à l'heure - on n'en fera pas la lecture maintenant, mais on souhaite fortement que vous le fassiez - on mentionne que la plupart des consommateurs se fient aux vendeurs pour leur fournir des renseignements. Mais les renseignements que les vendeurs donnent leur proviennent des compagnies; on sent vraiment qu'il y a un monopole dans l'information.

Nous insistons également pour que le ministère porte une attention toute particulière à l'étiquetaqe et à la sécurité. En effet, les utilisateurs domestiques sont parmi ies utilisateurs les moins bien avertis et informés des différents aspects entourant la manipulation des pesticides. C'est pourquoi nous insistons pour que le ministère de l'Environnement tienne compte des principales recommandations que nous avions d'ailleurs déjà formulées en 1982 et qui, manifestement jusqu'à ce jour, ne furent pas retenues. Surtout ce qui ressort de ces recommandations, c'est vraiment de trouver des alternatives pour diminuer l'utilisation. Nous sommes conscients que les pesticides sont nécessaires. Nous n'avons pas l'intention de revenir en arrière, mais nous sommes aussi conscients que, d'un autre côté, cela comporte plusieurs dangers.

En terminant, l'Association des consommateurs du Québec tient à féliciter le ministère de l'Environnement du Québec pour les diverses mesures qu'il entend prendre afin de favoriser une participation active de tous les intervenants.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, madame. M. le ministre.

M. Lincoln: Mme Guillot-Lemelin, je vous remercie d'être venue. L'Association des consommateurs, naturellement par son appellation même, représente un mouvement très important au Québec, comme dans toute l'Amérique du Nord, par sa présence bénévole, à but non lucratif. C'est donc une représentation tout à fait objective des citoyens dans leurs droits de consommation, surtout contre des produits qui pourraient affecter leur qualité de vie et de santé. Je vous remercie de l'étude que vous avez déposée aujourd'hui. Je peux vous assurer qu'elle sera étudiée avec beaucoup de sérieux par l'équipe du ministère qui est ici et qui s'occupe du domaine des pesticides, de piloter la loi et la politique sur les pesticides. Je vous remercie aussi de l'élément publicitaire que vous avez déposé. Je pense que c'est ce genre de travail simple et efficace qui va aider à sensibiliser les individus et les citoyens.

Comme je l'ai fait remarquer au groupe qui vous a précédés, la loi, c'est l'élément clé de toute l'affaire, parce qu'il faut une loi pour avoir les moyens de faire d'autres choses. Il y aura des règlements qui suivront dans les différents secteurs, incluant éventuellement les secteurs de la forêt et de l'agriculture. Il y a aura des codes de bonne pratique qui vont être établis dans tous les milieux affectés par les pesticides. Il y en a un qui est déjà en place, il y en a un autre qui est presque réalisé et il y en a d'autres qui vont suivre. Il y aura, en plus de la loi, pour appuyer cette dernière, comme complément, une politique globale sur les pesticides

qui sera travaillée horizontalement, c'est-à-dire qu'elle sera faite en collaboration avec les intervenants du milieu et aussi avec les ministères impliqués, surtout les ministères les plus impliqués: le ministère de l'Agriculture, !e ministère des Forêts, le ministère de l'Énergie et des Ressources et le ministère des Affaires municipales. Ce sont des ministères qui sont tous très impliqués dans ce domaine pour des raisons différentes.

Je peux vous dire qu'il y aura une campagne de sensibilisation qui sera axée sur la politique. Si vous voulez y participer, vous et tous les autres groupes qui sont représentés ici, de n'importe quelle façon, soit en élaborant des cours de formation, des examens, soit en nous donnant le fruit de votre expérience, vos suggestions, ce sera tout à fait bienvenu. La période clé, pour nous, ce sera d'ici à l'automne 1987; tout ce travail est en train de se faire progressivement. Cela a débuté avec le cahier de travail qui vous a sans doute été soumis. Ensuite, nous avons fait l'élaboration de plusieurs esquisses de projets de loi. On a travaillé là-dessus pendant un an, sans arrêt, pour finir avec celui-là. L'idée de faire un avant-projet de loi, c'était précisément pour ne rien figer dans le ciment parce que nous réalisons que c'est une question très complexe. Certains disent: Vous n'allez pas assez loin. Vous avez entendu certains intervenants, si vous étiez ici, les forestiers ou les représentants de l'agriculture, ils ont dit: Vous allez trop loin; vous donnez beaucoup trop de pouvoirs. À un moment donné, il faut trouver un milieu, réalisant, comme vous le dites aussi, que ce n'est pas demain matin qu'on va dire: Les pesticides sont bannis du sol québécois. Mais l'objectif reste qu'ils deviennent une ressource de dernier et ultime recours et, nous l'espérons, temporaire, dans le sens large du mot.

J'ai lu votre mémoire avec attention ainsi que toutes les grandes questions que vous avez apportées. Du point de vue des articles eux-mêmes de l'avant-projet de loi, vous avez suggéré, dans le domaine de la recherche axé sur l'article 7, des études non seulement sur les effets des pesticides, mais aussi sur les coûts sociaux et environnementaux reliés à l'utilisation des pesticides au Québec. En vertu du second alinéa de l'article 7, il sera possible de prévoir cela dans la loi. C'est sûr que nous allons travailler à cela de concert avec le ministère des Affaires sociales que j'avais oublié de mentionner et certainement avec tous les groupes environnementaux et les autres ministères.

Vous avez suggéré que le mode d'emploi des pesticides soit mis en évidence en grossissant les instructions, etc. Toute la question de l'étiquetage, au départ, est fixée par le gouvernement fédéral. Ce que nous essayons de faire maintenant, comme je l'aï souligné avant, c'est de travailler avec le gouvernement fédéral pour être beaucoup plus impliqués au niveau provincial dans le système d'homologation. Le système d'homologation se faisait en vase clos par un seul ministère fédéral, le ministère de l'Agriculture. Cela n'impliquait même pas les ministères de l'Environnement et de la Santé. Nous allons essayer, comme groupe provincial, c'est-à-dire les dix provinces, de travailler dans le système d'homologation pour être impliqués de beaucoup plus près dans cela. Je peux vous dire que le ministre fédéral de la Santé commence à prendre -peut-être que votre association le sait déjà -un intérêt beaucoup plus actif dans toute la question de l'homolûqation des pesticides parce qu'il y a eu tellement de rapports et d'interventions de faits. Je pense que vous pourriez peut-être avantageusement écrire à ces trois ministres. Il est sûr que nous allons transmettre votre lettre aussi.

Vous avez aussi parlé des équipements de sécurité, des masques, etc, qu'ils soient exposés près des pesticides et vendus dans tous les établissements. C'est aussi une recommandation que nous allons transmettre au comité des ministres environnementaux qui s'occupe des pesticides ainsi qu'au gouvernement fédéral.

Auriez-vous des questions spécifiques à poser par rapport à la loi?

Le Président (M. Saint-Roch): Mme

Guillot-Lemelin.

Mme Guillot-Lemelin: Concernant la recherche, Mme Maryse Azzaria aimerait ajouter un point.

Le Président (M. Saint-Roch): Mme

Azzaria. (12 h 15)

Mme Azzaria (Maryse): C'est un résultat de l'enquête que nous avions faite en 1982. On s'est rendu compte qu'il y avait peut-être une inquiétude parmi Ses consommateurs que les tests qui étaient faits sur des pesticides n'étaient pas vérifiés par les gouvernements. Les tests étalent acceptés tels qu'ils étaient présentés par les compagnies, sans aucune vérification. On avait senti, à un moment donné, que certains consommateurs étaient inquiets de ce fait-là. Quand vous parlez de recherche, je ne sais pas si ce point-là pourrait être inclus, mais au moins que les consommateurs aient une assurance que les résultats qui sont fournis sur l'innocuité d'un produit ou sur le fait que le produit est sécuritaire, que ces tests ont vraiment été faits d'une façon scientifique. Il y avait aussi un autre point concernant l'étiquetage. On a apporté avec nous quelques exemplaires pour montrer comment certaines écritures sont très petites. Dans

notre rapport, on constatait aussi que les gens souvent ne les lisaient pas. L'un des points qu'on avait trouvé le plus dangereux pour l'environnement, c'était l'utilisation des surplus de pesticides et 31,7 % des gens avaient un surplus et parmi les gens qui avaient un surplus, il y en avait - selon que c'étaient des insecticides ou des fongicides -au moins plus que 30 % qui les déversaient directement dans l'égout. Si vous lisez attentivement, on retrouve ici l'indication qui nous dit de ne pas mettre les résidus aux poubelles. Assurément, les gens ne les lisent pas, parce que c'est écrit vraiment trop petit.

Comme c'est une recommandation qui est extrêmement importante pour l'environnement, il faudrait trouver le moyen, soit en publicisant ou en informant mieux le consommateur, de faire connaître cette information. Un autre point très important aussi dans notre rapport, c'est qu'il y avait une proportion très importante - en fait, plus que 30 % - de gens qui utilisaient les pesticides pour prévenir, au cas où il y aurait des insectes. Du point de vue de l'éducation, c'est sûr qu'il y aurait beaucoup de travail à faire, parce que si l'insecte ne vient pas, on a vraiment gaspillé notre argent et on a fait du tort à l'environnement. C'est un point très important: les gens ont encore la mentalité qu'il faut prévenir au cas où l'insecte arriverait. C'étaient les points importants qui étaient ressortis de notre rapport en 1982. Les bouchons de sécurité, on ne les retrouve pas sur tous les produits. On en a un ici qui est simplement un bouchon ordinaire. Cela aussi, c'est un point qui est très important, parce qu'on sait que les enfants peuvent avoir accès facilement à ces produits. On sait qu'il y a très souvent des cas d'intoxication à cause de ces produits.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le ministre.

M. Lincoln: Ce que je voudrais souligner, c'est que, par exemple, pour la question des produits qui sont utilisés maintenant, les tests des produits, hier, il y a eu un organisme qui a dit qu'on a au Canada le système le plus efficace au monde. Comme je l'ai souligné, c'est très relatif, parce que même le gouvernement fédéral lui-même admet qu'il y a des lacunes immenses. D'abord, un manque de coordination des trois grands ministères. En plus, il y a toute la question de la réévaluation des produits qui sont déjà homologués. Ce qui arrive, c'est que vous avez des produits homologués qui étaient soi-disant, comme l'a souligné le groupe qui a parlé avant vous, pas nocifs il y a quatre ans et aujourd'hui, on découvre qu'ils le sont. Il n'y a jamais eu de réévaluation. Il y aura une réévaluation de tous ces produits par le gouvernement fédéral pour mettre à jour le système d'homologation. Ce sera un point capital.

Pour ce qui est des déchets dangereux en petite quantité, à usage domestique, ce qui arrive, c'est que chacun de nous a toutes sortes de pesticides dans son garage. On ne sait plus quoi en faire. Dans le temps, je suis sûr que la plupart d'entre nous jetions cela un peu partout, dans les poubelles et même dans les égouts, parce qu'on ne réalisait pas le danger.

Le ministère est actuellement en train d'élaborer une politique pour les petites quantités de déchets dangereux. On travaille actuellement à cela. On suit un peu l'Ontario qui a déjà commencé à travailler afin d'avoir une politique pour essayer de débarrasser de façon sécuritaire les gens qui se servent de pesticides en petite quantité, pour usage domestique, qui ont accumulé cela et qui ne savent plus quoi en faire. Cela s'accumule et il y a des dangers potentiels pour la santé.

Je ne sais pas si mes collègues ont des questions pour vous ou si vous avez des questions additionnelles.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre.

M. le député de Terrebonne.

M. Blais: Merci à l'Association des consommateurs du Québec d'être là. Les qens vous regardent et vous écoutent surtout. Vous avez déjà posé des recommandations qui étaient excellentes et vous en avez reparlé encore, mais dans les recommandations nouvelles, j'en vois de très intéressantes, surtout la recommandation 5. Vous dites: "Dans le domaine de la recherche, nous recommandons qu'il y ait au plus tôt des études non seulement..." Vous parlez de la santé.

Au deuxième paragraphe, vous dites: "En ce sens, l'ACQ pense que les consommateurs seraient prêts à assumer à court terme des coûts plus élevés que pourraient représenter certaines alternatives aux pesticides, comme par exemple l'utilisation des méthodes et des espèces végétales, si on leur démontrait qu'à plus ou moins long terme, l'utilisation des pesticides engendre des coûts encore plus élevés en termes de santé et d'environnement."

C'est une allusion, d'après moi, à cause des rapports antérieurs qu'on a lus, à une taxe sur les pesticides. Est-ce que vous voulez dire que les citoyens seraient prêts? Plusieurs sont d'accord là-dessus. Les pesticides seraient taxés, selon leur toxicité ou autre façon, pour la recherche et la publicité. Est-ce que c'est dans ce sens?

Mme Guillot-Lemelin: Le sens qu'on voulait surtout donner à cela, c'est qu'il y a sûrement même... Je ne sais pas si vous

avez des statistiques sur les enfants qu'on voit aussi tous les ans au CHUL et qui sont intoxiqués par les différents pesticides; il y a des cas chaque année. C'est sûr que les parents affectés par ces problèmes doivent faire face à des coûts et ont beaucoup de soucis concernant la santé de leur enfant. Si on leur démontrait qu'ils peuvent gagner à long terme sur la santé, ils seraient prêts à contribuer à la recherche concernant les pesticides. C'est surtout dans ce sens qu'on admet le point.

M. Blais: Allez.

Le Président (M. Saint-Roch): Mme

Azzaria.

Mme Azzaria: Le point avait été soulevé au moment des audiences sur la tordeuse des bourgeons de l'épinette, au moment où on disait qu'il en coûterait plus cher pour utiliser l'insecticide biologique qu'il en coûtait pour les insecticides utilisés couramment. C'est à ce moment-là que l'association, en faisant un petit sondage, s'était rendu compte que le problème était d'une importance assez grande que oui, on était prêt à assumer ces coûts. C'était un peu dans ce sens. Dans le cas des enfants malades, c'est surtout qu'on avait vérifié les cas d'intoxication, les maladies rénales, etc., qui étaient causées en Gaspésie, à Rimouski, dans ces coins, par les épandages d'insecticide contre la tordeuse.

M. Blais: Votre groupe a-t-il envisagé une taxe directe, indirecte, circonstancielle, complémentaire, par en arrière ou par à côté? Est-ce qu'une taxe quelconque a été envisagée par votre association?

Mme Azzaria: Non, je ne crois pas, je ne suis pas au courant, mais je ne penserais pas.

M. Blais: D'accord. Comme question subsidiaire: étant donné que vous donniez l'exemple de l'épandage en forêt qui coûtait plus cher, vous dites que le consommateur était prêt à le payer. De quelle façon?

Mme Rivard-Plouffe (Louise): Quand on disait le consommateur, on voyait les citoyens du Québec. On ne représente pas seulement deux ou trois consommateurs, mais les citoyens du Québec. Par exemple, lorsqu'il s'agissait de sylviculture - ce n'est pas le problème dans le moment, mais c'est l'exemple sur lequel on s'était appuyé -lorsqu'il y a eu un épandage formidable pour la tordeuse des bourgeons de l'épinette, on avait constaté qu'on aurait pu faire de la plantation avec plusieurs sortes d'arbres, ce qui aurait évité des choses semblables. Mais cela prenait une plantation nouvelle, cela prenait une démarche, un nettoyage de la forêt. Cela nécessitait des coûts. On se disait: Si les citoyens étaient au courant de tout cela, plutôt que de répandre des insecticides, on dirait: Nettoyons donc les forêts et donnons une sylviculture meilleure au Québec. Tout cela nécessite des coûts.

M. Blais: Vous voyez bien que je veux vous faire dire quelque chose et je ne suis pas capable. Vous dites encore une fois que les citoyens du Québec devraient être prêts à en défrayer les coûts.

Mme Rivard-Plouffe: Nous croyons...

M. Blais: Ces coûts, si on le fait comme ensemble...

Mme Rivard-Plouffe: Forcément, vous allez dire que c'est une taxe.

M. Blais: Où va-t-on les chercher? Mme Rivard-Plouffe: C'est sûr.

M. Blais: On va les chercher par une taxe. Je reviens toujours à ma question, parce que plusieurs nous en ont parlé. Je vous crois quand vous dites que vous n'avez pas discuté cette position entre vous. Mais, maintenant que vous savez que d'autres personnes s'occupent beaucoup de l'environnement et ont à coeur comme vous notre vie, est-ce que vous pourriez éventuellement, de façon circonstancielle, envisager qu'une taxe soit peut-être imposée un jour?

Le Président (M. Saint-Roch): Mme

Guillot-Lemelin.

Mme Guillot-Lemelin: C'est sûrement un point sur lequel on devra se pencher. On est sûrement apte actuellement à envisager ce genre de possibilité.

M. Blais: J'ai été tenace et j'ai eu ma réponse. Je vous remercie de cette réponse.

Personnellement, j'avais une autre question à vous poser. C'est dans vos nouvelles recommandations, le numéro 5: "Pour nous, consommateurs, la santé est une valeur importante et elle ne doit jamais céder le pas à des discours ou des arguments strictement économiques, voire de rentabilité." Je vais vous poser une question que j'ai posée à tous les groupes qui sont venus ici. Ce projet de loi ne limite pas la quantité des pesticides employés. Ce projet de loi réglemente la sécurité de la manipulation des pesticides. Est-ce que vous aimeriez qu'il rationalise l'utilisation des pesticides?

Mme Guillot-Lemelin: Bien sûr. Je

pense que la compréhension que nous avons d'un avant-projet de loi comme celui-là, c'est justement cela. C'est limiter le plus possible l'utilisation. Comme on le disait tout à l'heure, on comprend la nécessité, mais on comprend aussi les dangers qui sont liés à cela. Alors, diminuer l'utilisation, cela va de soi que ce serait très bien comme intervention.

M. Blais: Je suis content que vous ayez été là. Je suis content de votre rapport. Vous dites: "En terminant, l'ACQ tient à féliciter le ministère de l'Environnement du Québec pour les diverses mesures qu'il entend prendre afin de favoriser la participation active de tous les intervenants." Je suis aussi d'accord avec cela. On est là pour améliorer les choses. Plus il y aura d'intervenants qui viendront donner leur idée et la façon d'améliorer les choses, plus le ministre sortira ici riche des consultations que l'on fait. Parmi cette richesse, vous étiez un des groupes qui composiez la richesse québécoise qui vient nous "aviser" nous, les législateurs, de la façon qu'on doit traiter nos projets de loi. Je vous remercie d'avoir été là.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le député de Terrebonne.

M. le ministre, en conclusion.

M. Lincoln: Merci beaucoup d'être venus. Vous avez éclairé notre lanterne. Vous avez ajouté à tout l'équipement qui nous sera bien nécessaire pour bonifier le projet de loi que nous voulons adopter le plus tôt possible. Nous allons travailler avec vous et les autres intervenants pour établir tous les mécanismes qui vont faire de tout cela beaucoup plus qu'un projet de loi. Il y aura toute une infrastructure qui va nous permettre d'arriver le plus tôt possible à une lutte intégrée efficace contre les pesticides.

Le Président (M. Saint-Roch): Mme

Azzaria.

Mme Azzaria: En conclusion, à la suite des recommandations, suggestions ou constatations que le groupe précédent faisait au sujet des pissenlits et des problèmes que cela cause, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu que le ministère de l'Environnement établisse un projet pilote sur sa pelouse, sur son terrain et qu'il emploie des méthodes différentes qui seraient une incitation pour les consommateurs à utiliser autre chose que des gazons où les pissenlits poussent et pour lesquels on est obligé - entre guillemets -d'utiliser des pesticides? Je pense que le ministère de l'Environnement a sûrement un rôle d'éducation d'avant-garde à jouer dans ce domaine. Ce pourrait être intéressant comme avenue d'éducation pour les consommateurs d'envisager d'autres options. En fait, le consommateur suit la publicité, suit la mode et vous pourriez partir une mode très intéressante. Ce pourrait aussi être une industrie très intéressante pour certaines personnes.

Le Président (M. Saint-Roch): Mme

Plouffe.

Mme Rivard-Plouffe: Le ministère de l'Environnement propose ses fameuses brochures. II y avait un petit bonhomme qui s'appelait professeur Antipollu. Je suis persuadée qu'il y a un tas de choses que le public apprend lorsqu'on le fait sous forme humoristique. Je pense aussi que c'est le rôle du ministère de l'Environnement de le faire.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, Mme Plouffe. Mme Lemelin?

Mme Guillot-Lemelin: Non, ça va, je n'ai rien à ajouter.

Le Président (M. Saint-Roch): Je voudrais remercier les représentants de l'Association des consommateurs du Québec d'avoir contribué aux travaux de cette commission. La commission de l'aménagement et des équipements suspend maintenant ses travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 28)

(Reprise à 15 h 10)

Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission de l'aménagement et des équipements reprend maintenant ses travaux pour poursuivre la consultation particulière portant sur l'avant-projet de loi sur les pesticides. Je demanderais à l'Association des industries forestières du Québec de prendre place.

Je demanderais maintenant au porte-parole de l'Association des industries forestières de s'identifier et d'identifier les gens qui l'accompagnent.

Association des industries forestières du Québec

M. Duchesne (André): Merci, M. le Président. Mon nom est André Duchesne. Je suis le président-directeur général de l'Association des industries forestières du Québec. Malgré les noms qu'on vous avait proposés, nous avons dû faire des changements de dernière minute. C'est une période très active non seulement pour le gouvernement, mais pour l'industrie aussi. J'ai avec moi cet après-midi, à ma droite, M. Jacques Larue, qui est le directeur de la foresterie

pour les produits forestiers Domtar. À ma gauche, M. Jean-Pierre Landry, qui est directeur général des exploitations forestières pour Papeterie Reed Ltée.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le président. Nous allons vous céder la parole pour 20 minutes.

M. Duchesne: Merci. Nous tenons d'abord à remercier M. le ministre de nous avoir invités à présenter le point de vue de l'association sur son avant-projet de loi. Très brièvement, je voudrais vous rappeler, Mme et MM. de la commission, ce qu'est l'Association des industries forestières du Québec. Elle existe depuis 1924 et a pour objectif, entre autres, la mise en valeur de la forêt et de ses produits, la promotion des moyens les plus efficaces pour conserver et protéger les forêts et, évidemment, les industries qui en dépendent. Les quelque 30 membres qui forment l'association transforment à un moment ou l'autre les trois quarts de la matière forestière récoltée au Québec.

Du point de vue de l'importance socio-économique de l'industrie, vous savez sans doute que les 60 usines de pâtes et papiers et les 1100 à 1200 usines de sciage au Québec fournissent annuellement 80 000 emplois à temps plein aux Québécois. Indirectement, c'est le double de cela en emplois à temps plein, ce qui représente finalement environ 10 % de l'emploi au Québec dans le secteur manufacturier. C'est 2 000 000 000 $ de salaires. C'est 110 municipalités qui dépendent en grande part de l'industrie forestière pour fournir des emplois à leurs citoyens. C'est 1 000 000 000 $ en taxes. C'est une capacité de production dans le secteur papetier, qui est le secteur le plus important pour les membres de l'association, maintenant d'au-delà de 7 000 000 de tonnes par année, soit près de la moitié de la capacité canadienne et près de 4 % de la capacité mondiale. C'est aussi à l'extérieur de Montréal, bon an mal an, le tiers des investissements manufacturiers au Québec. Cela compte, évidemment, pour près de 20 % des exportations du Québec. C'est une industrie dont nous sommes fiers et qui contribue très sérieusement au bien-être de tous les Québécois.

J'en viens plus précisément au sujet qui nous intéresse. Ce n'est certainement pas la première fois que l'association a l'occasion de présenter le point de vue de ses membres concernant l'usage des pesticides en forêt. Notre position peut se résumer à deux idées fondamentales. D'abord, les pesticides sont un outil indispensable à l'aménagement forestier. Le besoin d'utiliser des pesticides va probablement s'accroître à mesure que l'aménagement forestier va s'intensifier au

Québec. D'une part, il faut, en effet, accélérer la croissance des peuplements, parce que notre demande est très forte. Pour cela, il faut contrôler les essences indésirables par des herbicides et des sylvicides qui permettent d'accroître la croissance des essences désirables, en dégageant celles-ci.

Par ailleurs, le meilleur des traitements sylvicoles, en termes, en tout cas, de rentabilité des sommes dépensées, consiste à protéger efficacement les forêts qui sont là présentement, pas celles qu'on aura demain seulement, contre tous les fléaux et, en ce qui a trait aux pesticides, cela comprend les insectes et les maladies, évidemment. Sans une protection adéquate, je ne crois pas qu'on puisse investir, de façon rationnelle, ni comme société, ni comme entreprise dans l'aménagement forestier au Québec.

La deuxième idée de base, c'est que les pesticides doivent être utilisés avec une grande prudence. Pour nous, il s'agit d'un mal nécessaire, comme les médicaments en médecine. On va donc recourir aux pesticides quand les alternatives sont inefficaces, trop coûteuses ou quand une épidémie survient qui menace d'annuler tous les efforts qu'on a faits en sylviculture depuis un bout de temps. À ce moment-là, il faut utiliser des produits qui sont homologués, parce que, pour nous, c'est une forme de garantie. Il faut les utiliser selon les techniques appropriées. L'avant-projet de loi va y toucher tantôt. Il faut garantir la compétence et la protection des personnes qui utilisent ces produits, tout autant que la protection de l'environnement contre les accidents éventuels.

Vous le voyez, rien dans l'avant-projet de loi déposé par le ministre Lincoln ne semble aller à l'encontre de ces idées fondamentales de l'industrie. Le texte de loi reconnaît même que l'agriculture et la sylviculture sont des utilisations particulières qui doivent être réglementées séparément. Les deux ministres, Clifford Lincoln et Albert Côté, ont, d'ailleurs, promis à cet effet une politique d'utilisation des pesticides dans le secteur forestier pour compléter la loi 150 qui vient d'être adoptée à l'Assemblée nationale juste avant Noël. Ce qui nous embête, c'est que la période d'incertitude se prolonge à ce niveau. Les intentions sont positives, l'article 2 de la loi le confirme, mais, pour l'instant, on ne sait toujours pas sur quel pied danser.

Entre-temps, il y a quelques questions qui devraient être discutées par ceux qui sont responsables de la mise en place d'une telle loi: d'abord, la nécessité d'avoir une loi distincte de l'actuelle Loi sur la qualité de l'environnement. Le projet de loi actuel ne soustrait pas les pesticides en forêt aux dispositions de l'article 20 de la Loi sur la qualité de l'environnement. Si deux lois différentes s'appliquent sur le même sujet,

on a peur qu'il n'y ait des conflits éventuels d'application. Le mémoire vous donne une série d'exemples de duplications qui pourraient éventuellement, selon les apparences, créer des difficultés d'interprétation ou d'application. Nous croyons que la nouvelle loi doit assurer non pas une confusion supplémentaire, mais bien clarifier les mécanismes qui vont permettre de protéger l'environnement quand on utilise des pesticides.

Le même genre de réflexion s'applique pour les définitions. On a un peu de difficulté à voir pourquoi les définitions utilisées par l'avant-projet de loi ne sont pas des définitions standard, soit par rapport à la Loi sur la qualité de l'environnement, soit par rapport à d'autres lois, il faudrait donc, même si on a une loi distincte, une fois que le bien-fondé aura été analysé, s'assurer à tout le moins d'une parfaite concordance avec les autres lois.

Une autre question qui nous inquiète, c'est la quantité de paperasse qui semble être prévue par la loi. On ne voudrait pas que la loi soit une façon indirecte de protéger l'environnement par l'accumulation de paperasse qui finalement paralyse l'action; on obtient ainsi la protection de l'environnement par des moyens détournés. La loi nous semble aussi permettre un pouvoir de réglementation très étendu que l'on a bien connu, notamment, dans le cas de la loi 150. Nous croyons qu'il y aurait lieu d'être très prudent et de limiter, évidemment, ce pouvoir de réglementation.

Finalement, il y a la question des utilisateurs qui sont visés spécifiquement par l'avant-projet de loi. À première vue, l'article 5 élimine les usages forestiers et agricoles du champ d'application de la loi par toutes sortes de revirements qui sont apportés immédiatement ou plus tard. Je pense aux articles 95, 9, etc., à certains articles de la Loi sur la qualité de l'environnement et à certains règlements qui découlent de la Loi sur la qualité de l'environnement. Il devient assez difficile de savoir qui est exactement visé par la loi dans le secteur forestier. Il nous apparaît qu'a priori les entreprises qui réalisent à contrat ou qui font réaliser à contrat des applications de pesticides sont celles qui sont vraiment visées. Évidemment, des projets comme cela, on va en avoir à faire ou à faire faire dans le cadre des nouveaux contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestier.

La conséquence directe de ces doubles négations, c'est qu'on ne sait pas trop si on va être capable de répondre aux termes de notre contrat. On ne sait même pas à l'heure actuelle jusqu'à quel point l'étude d'impact, par exemple, qui était un prérequis et qui semble l'être encore dans la Loi sur la qualité de l'environnement va s'appliquer dans ces cas-là et comment on va intégrer l'étude d'impact à la nécessité de produire des plans d'aménagement conformément à la loi 150. Est-ce qu'on va devoir faire tout cela dans la période de huit mois qui nous semble allouée par la loi 150 puisque c'est dans le plan d'aménagement que la loi 150 prévoit l'utilisation éventuelle de pesticides?

Alors, c'est le message central de notre mémoire, M. le Président. Nous croyons primordial que cet écheveau soit démêlé et que le ministère de l'Environnement convienne avec le ministère de l'Énergie et des Ressources d'une politique d'utilisation aérienne des pesticides en forêt et de règlements qui vont permettre l'application de cette politique avant que l'on applique le nouveau régime forestier. Nous avons déjà dit qu'il nous serait très difficile d'appliquer le nouveau régime sans cette politique et nous maintenons ce point de vue.

Le mémoire souligne aussi quelques cas d'articles qui présentent des difficultés particulières. Je vous ai parlé de définition. L'article l'utilise une définition de la sylviculture qui est tout à fait non conventionnelle. La plus reconnue est citée dans le mémoire. Je vous signale que la loi 150 parle d'aménagement forestier. Nous nous demandons si cela veut dire que l'avant-projet de loi veut limiter l'utilisation de pesticides dans l'aménagement en vue de produire de la matière ligneuse. Si c'était cela, ce serait une erreur grave parce que les pesticides, à notre sens, sont nécessaires aussi pour l'aménaqement à des fins récréatives et fauniques. Ceux qui en douteraient n'ont qu'à aller faire un tour au camp Mercier pour voir ce que cela a donné. Ceux qui sont plus en moyen peuvent aller jusqu'en Nouvelle-Écosse pour voir ce que cela a donné.

De la même façon, l'article 3 nous paraît prévoir une correspondance avec la classification des pesticides au niveau canadien. On nous dit que cette correspondance est prévue; pourquoi ne pas le spécifier dans le texte législatif?

Je passe tout simplement en revue quelques autres articles. Vous avez eu la chance de les regarder tous. Je veux simplement vous signaler que les garanties telles que formulées à l'article 16 pourraient, en pratique, être une interdiction si elles sont tellement élevées que cela équivaut à une interdiction. Il y aurait lieu de limiter cela, peut-être.

Je vous ai parlé tantôt des études d'impact. L'article 17, qui nous parle d'un permis par établissement, est-il une échappatoire à la limite de 600 hectares prévue dans la Loi sur la qualité de l'environnement? Si chaque établissement d'une compagnie qui a besoin d'arrosages de moins de 600 hectares peut obtenir un permis indépendant, est-ce qu'on ne vient pas

en contradiction avec ce que la Loi sur la qualité de l'environnement dit, soit que le même promoteur, où qu'il soit dans la province, doit additionner ses hectares et que cela ne doit pas dépasser 600? II y a une incongruité là.

Aux articles 29 et 36, on parle de compétence. Nous sommes très heureux de voir qu'un certificat va confirmer la compétence des travailleurs dans le secteur. Je pense que l'industrie est contente de voir venir cela.

En ce qui concerne l'article 47, nous tenons à souligner que toute décision de cesser une activité devra toujours être appuyée sur des données scientifiques qui démontrent que les dangers qu'on évoque sont réels et non pas des craintes exagérées.

Finalement, en ce qui concerne l'article 101, il nous apparaît logique, compte tenu des dispositions de la nouvelle Loi sur les forêts, que les territoires forestiers qui sont soumis à un contrat d'approvisionnement et d'aménagement forestier soient traités de la même façon que les territoires agricoles qui ont un plan d'aménagement intrinsèque eux aussi. Le plan d'aménagement approuvé par le ministère de l'Énergie et des Ressources doit d'ailleurs prévoir l'utilisation éventuelle de pesticides pour contrôler les épidémies et les maladies. Il nous semble qu'il y aurait lieu de coordonner cela pour qu'on soit soumis à une autorité unique, quitte à ce qu'elle représente l'ensemble de la législation gouvernementale.

En conclusion, M. le Président, ce que nous réclamons, c'est la reconnaissance de la nécessité d'utiliser les pesticides dans le domaine de l'aménagement forestier. L'industrie est contente du fait que le gouvernement veuille assurer la compétence du personnel qui fera l'épandage de ces produits et que le gouvernement ait l'intention de traiter de façon distincte l'utilisation agricole et forestière. Par contre, elle se demande jusqu'à quel point on va devoir attendre, dans l'urgence que représente la mise en place du nouveau régime forestier, pour savoir quelles seront ses modalités d'utilisation et quelle sera la politique du gouvernement à cet effet, parce que cela a une influence non seulement sur la production de matière ligneuse, mais aussi sur la sauvegarde des habitats fauniques qu'on aura obtenus avec la mise en place du nouveau "Guide des modalités d'intervention en milieu forestier". Les pouvoirs de réglementation, comme dans d'autres cas, nous apparaissent un peu vastes et pas tout à fait assez encadrés. Il nous semble que le projet de loi devra tenir compte plus spécifiquement de l'homologation fédérale.

Finalement, et c'est, encore une fois, le point central, il faudra reconnaître clairement que l'usage des pesticides est essentiel à une sylviculture qui est de plus en plus intensive et è la protection de la forêt non seulement pour son usage industriel, mais aussi pour lui permettre de continuer è nous fournir tous les autres biens et services qu'elle nous fournit.

Nous sommes prêts à répondre à vos questions s'il y en a.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Duchesne.

M. le ministre.

M. Lincoln: M. Duchesne merci d'être venu témoigner ici et d'avoir présenté votre mémoire. Je pense que vous nous avez expliqué et exprimé très clairement l'importance de l'industrie forestière au Québec, ce que nous savions tous déjà, mais je pense que les chiffres que vous avez avancés dramatisent la situation encore plus. Il est clair que nous sommes tous conscients de l'apport réellement extraordinaire de l'industrie forestière dans l'économie du Québec pour la création d'emplois indirects. Cette industrie, peut-être la première dans tous les sens au Québec, est de si grande importance que ce que vous avancez est pris avec d'autant plus de sérieux. (15 h 30)

Je ne pense pas que l'intention soit d'essayer de freiner ou d'enrayer le développement normal d'une industrie. Comme vous le savez, j'ai des contacts très fréquents avec le ministre délégué aux Forêts avec qui je siège au comité interministériel à chaque semaine; je le rencontre fréquemment. Là-dessus, comme vous le savez aussi et vous l'avez indiqué, nous avons préparé une lettre d'intention; en un sens, une politique de consensus sur toute la question des pesticides en forêt serait émise le plus tôt possible.

En même temps, il faut vous dire que ce projet de loi, comme vous l'avez remarqué, est un avant-projet de loi. La raison pour laquelle nous avons rédigé un avant-projet de loi, c'est que nous voulions avoir des audiences publiques, nous voulions faire le plus grand nombre de consultations possible. Comme vous le savez, elles ont déjà été commencées même avant le dépôt de l'avant-projet de loi, depuis assez longtemps, et vont continuer ensuite. Je ne peux pas vous dire aujourd'hui quand ce projet de loi sera adopté. Si, par exemple, il y avait tellement d'amendements à faire, d'améliorations à apporter à la suite de la commission parlementaire, il se pourrait que cela reste dans le décor pendant un bout de temps encore, même jusqu'à la session d'après. Cela dépendra beaucoup de ce qui va se passer ici. Sans projet de loi, on ne peut pas produire de réglementation. Tout est basé sur cela. Je sais que, pour vous, le mois d'avril est crucial. Aussitôt que cette commission parlementaire sera terminée, une des priorités que nous avons au ministère de

l'Environnement, c'est de nous mettre en contact presque continue! avec le ministère des Forêts pour qu'au moins pour cette saison vous sachiez de façon intérimaire si le projet de loi allait être retardé, ce qui va se passer avant qu'une politique peut-être définie et finale soit élaborée. Quoi qu'il en soit, vous pouvez être certains que cela sera naturellement pour nous la chose la plus normale de travailler avec tous les milieux concernés pour l'élaboration de cette politique.

Si je peux toucher à quelques questions que vous avez soulevées dans votre mémoire, je voudrais vous dire, par rapport à la question de l'incertitude, qui pour vous, je le réalise, est un élément très très important en vue de vos échéanciers, qu'en fait, nous aurions voulu faire cela de concert et en même temps que la loi 150 sur les forêts, mais c'était impossible, dans l'échéancier qui se présentait, de faire les esquisses du projet de loi, les ébauches. Il aurait fallu décider si on allait le faire sous l'égide de la Loi sur la qualité de l'environnement ou séparément et comment cela allait se faire. Le fait est qu'on n'a pas pu le faire et qu'il faudra attendre que cette loi-ci soit terminée. Entre-temps, on va s'arranger pour que cette incertitude ne règne pas en faisant appel à des mécanismes, même si ce sont des mécanismes intérimaires, en attendant que des instruments, des documents ou des règlements plus précis puissent être faits.

Vous avez parlé, comme d'autres intervenants aussi, de loi distincte et des possibilités de conflits et d'ambiguïté avec la Loi sur la qualité de l'environnement. Nos opinions juridiques, qui sont partagées par beaucoup de juristes, en fait, de l'ensemble du gouvernement, qui ont travaillé à ce projet, sont que ces deux lois agissent indépendamment, comme c'est le cas, par exemple, dans certaines autres provinces - la dernière étant le Nouveau-Brunswick - qui ont émis une loi sur les pesticides séparément de la Loi sur la qualité de l'environnement. Les articles que vous citez, l'article 20, par exemple, s'appliqueraient toujours, indépendamment de la loi sur les pesticides. Mais, s'il est nécessaire dans cette loi-ci de clarifier dans un texte le fait que ces lois s'appliquent indépendamment, pour éviter des ambiguïtés, même si c'était des ambiguïtés de perception, nous sommes prêts à le faire.

Le fait est que nous sommes certains que toutes les prévisions ou dispositions de la Loi sur la qualité de l'environnement continueront à s'appliquer de façon complémentaire ou indépendante de la Loi sur les pesticides. Par exemple, vous parlez des arrosages aériens et des demandes d'études d'impact pour les territoires de plus de 600 hectares. Tout cela, dans la Loi sur la qualité de l'environnement, ne changera aucunement. L'objectif de la Loi sur les pesticides est de beaucoup différent! Il s'agi de vraiment mettre l'accent sur l'utilisateur et le distributeur de pesticides comme individu grâce à un système de certificat et d'éducation, beaucoup plus que de traiter les matières qui sont maintenant traitées, par exemple, dans les études d'impact de la Loi sur la qualité de l'environnement. En tout cas, les précisions que nous allons apporter pour confirmer cela seront faites, si elles sont juqées nécessaires, par les juristes après avoir lu tous les mémoires.

Par rapport aux articles 5 et 95, l'idée de rédiger ces articles comme ils l'ont été, c'était justement pour souligner qu'au départ il y avait un régime spécial pour le domaine de la sylviculture et de l'agriculture. Mais dans la disposition 2, il y s un pouvoir habilitant qui permet d'émettre des règlements, à un moment donné, selon l'article 95. Il est très possible qu'il soit décidé, en tenant compte de la dimension immense de votre industrie, que toute la question de la réglementation soit retenue, comme on va le faire dans le domaine agricole et qu'entre-temps, il y ait une politique conjointe avec le ministère des Forêts. Vous recevrez une réponse à toutes ces questions très bientôt afin que vous sachiez, pour la saison qui s'en vient -surtout compte tenu des échéanciers de la loi 150 - exactement à quoi vous en tenir.

Pour ce qui est de la question des garanties à laquelle vous avez fait allusion, la disposition qui est incluse et qui se retrouve aussi dans d'autres lois du Québec touche et touchera seulement les compagnies extérieures au Québec qui pourraient venir transiger ici ou travailler ici ou faire des actions ici au Québec et causer des dommages potentiels et surtout, par exemple, des compagnies américaines ou étrangères où on aurait des possibilités de recours au tribunal qui seraient très très compliquées. C'est pourquoi on les a mises. Cela ne touchera certainement pas les compagnies membres de votre association.

Quant à l'épandage aérien, ce que vous avez mentionné, je pense que je devrais mettre les cartes très franchement sur table. Comme vous le savez, il y a un décret du gouvernement du Québec - le gouvernement antérieur l'avait adopté - qui stipule qu'à partir de cette année-ci l'épandage aérien ne se fera purement, à 100 %, que par le BT. Moi, ma position - et je pense que je serais malhonnête d'essayer de la cacher, je vous le dis bien franchement - est de me battre le plus farouchement possible pour le maintien de ce décret. Je n'en ai pas discuté spécifiquement avec mon collègue des Forêts parce que le décret est là. Je ne sais pas si son intention était de revoir toute la politique, incluant cela. Pour moi, ce que je voudrais discuter, ce sont toutes les choses autres que cela parce que c'est déjà là.

C'est une partie de la politique du Québec à partir de 1987. Moi, comme ministre de l'Environnement, je me trouve dans une position d'endosser philosophiquement cette chose. Je voulais vous dire ma position, vous donner mon opinion là-dessus bien franchement.

Pour ce qui est de toute la question de la recherche de méthodes de remplacement, etc., il y a eu des suggestions qui ont été faites par plusieurs intervenants en ce sens qu'on aurait peut-être dû imposer une taxe minimale quelconque parce que, comme vous le savez, les pesticides ne sont pas taxés du tout. Peut-être qu'un sous ou deux sous provoqueraient un fonds assez substantiel dont on pourrait se servir pour la recherche de méthodes de remplacement, etc. J'aimerais connaître votre réaction à cela.

Le Président (M. Saint-Roch): M.

Duchesne.

M. Duchesne: Je me permettrai, M. le Président, de reprendre une couple de points, pas seulement la dernière question. Je vais y revenir aussi, si vous me le permettez, M. le ministre. Le premier qui m'apparaît mériter un commentaire concerne la limite de 600 hectares pour les études d'impact. Ce qui est important pour nous, c'est que le processus actuel d'étude d'impact si la politique d'utilisation des pesticides en milieu forestier n'y touchait en aucune façon est en contradiction avec lui-même d'une certaine façon. Le processus d'étude d'impact ne peut pas être enclenché avant que l'on connaisse l'existence d'une épidémie et, au moment où l'on connaît l'existence d'une épidémie, il est très avantageux d'agir très rapidement. Tout délai à ce moment-là nous apparaît contraire aux objectifs poursuivis qui sont de minimiser l'utilisation de pesticides. C'est un peu comme un feu. Si on l'éteint quand il est petit, c'est beaucoup moins de travail que de le laisser grossir pendant un an ou deux et après cela d'essayer de l'éteindre. C'est ce qui se produit dans le secteur. Nous pensons qu'il y a des ajustements à faire spécifiquement quant à l'utilisation des pesticides dans l'aménagement forestier.

Pour ce qui est du type de produit à utiliser, l'industrie, M. le ministre, n'a jamais contesté le progrès vers des pesticides qui soient plus efficaces ou qui protègent mieux l'environnement. Les réticences que nous avons manifestées dans le passé vis-à-vis du BT sont essentiellement reliées au coût plus élevé d'utilisation. Si la décision collective au Québec est qu'on préfère payer ce coût plus élevé pour avoir une sécurité accrue, alors, l'industrie ne s'y oppose d'aucune façon. Ce qu'on ne voudrait pas, par contre, c'est de ne pas pouvoir utiliser un insecticide efficace dans le cas de la torde use ou un autre pesticide, dans d'autres cas, qui soit efficace. Je pense qu'on y tient mordicus, si vous me permettez l'expression. Le BT a ce stade-ci de son développement nous apparaît relativement efficace et on n'a pas d'objection à utiliser du BT plutôt qu'un insecticide plus conventionnel.

Quant à la question de là taxe, écoutez, on ne serait certainement pas la source de la plus grande quantité de fonds puisque la quantité de pesticides utilisée en foresterie est inférieure à 5 % de la totalité des pesticides utilisés au Québec. On ne prévoit pas, non plus, que cela va croître autant dans les prochaines années malgré qu'on veuille avoir l'autorisation de s'en servir. En plus, une bonne partie du coût de ces pesticides continuera d'être défrayé par le gouvernement. Je me permets de vous souligner que ce serait peut-être faire tourner de l'argent en rond à ce niveau et, sur cette question de la taxe, ce n'est certainement pas nous qui pouvons vous donner des indications positives ou négatives valables.

M. Lincoln: Le temps passe et il faudrait que je cède la parole à mes collègues. J'ai une question plutôt d'ordre philosophique. Je ne sais pas si je vous ai bien entendu, M. Duchesne, au début, mais il m'a semblé vous avoir entendu dire que vous ne pensiez pas qu'il puisse être possible d'utiliser les pesticides de façon rationnelle dans le contexte actuel, c'est-à-dire de diminuer graduellement leur usage et de les remplacer peut-être par un système de gestion graduellement plus écoloqique afin de faire un équilibre. (15 h 45)

Peut-être que j'ai mal saisi ce que vous avez dit, mais par rapport à cela, ce matin, nous avons écouté M. Lafond, du fonds de recherches, qui nous disait que selon se perception des choses on pouvait avoir une vision d'une forêt écoloqique peut-être pas dans le sens suisse à cause des différents sites de culture, mais dans le principe, dans un avenir peut-être pas lointain, on pourrait viser vers une forêt écologique où on se servirait de moins en moins de pesticides en se servant de meilleurs moyens d'aménagement et de gestion de la forêt.

Est-ce que c'est le sentiment de votre industrie ou est-ce que je crois comprendre de votre mémoire que vous dites que les pesticides sont là pour rester à jamais, ou pour bien longtemps?

M. Duchesne: Je pense qu'on doit accepter que les pesticides sont là pour rester, ce qui ne veut pas dire qu'à un niveau de production donné on ne puisse pas réussir à diminuer le besoin en pesticides pour maintenir ce niveau de production. Comme le niveau de production lui-même est en augmentation pour répondre aux besoins

croissants de la forêt et de la matière ligneuse, les deux effets se contrecarrent, si vous voulez, et, dans un avenir prévisible, nous ne voyons pas une réduction substantielle de l'utilisation des pesticides parce que l'intensité du travail à accomplir s'accroît.

Là-dessus, je pense que mes collègues peuvent vous éclairer parce que tous deux sont impliqués dans l'aménagement intensif. Peut-être, Jacques, peux-tu faire...

Le Président (M. Saint-Roch): M. Larue.

M. Larue (Jacques): Cela dépend beaucoup des superficies qu'on a à traiter. Le coût des opérations manuelles devient de plus en plus élevé. L'utilisation des pesticides, surtout en aménagement dans les jeunes forêts, c'est quelque chose qui se fait peut-être une fois ou deux. On va utiliser les insecticides surtout lorsque les forêts sont rendues à maturité, pour les protéger contre les insectes ou les maladies. Dans les sylvicides ou les herbicides, ce sera utilisé au début de la formation des peuplements pour contrôler la regénération, surtout lorsqu'on veut contrôler une regénération résineuse. Il va s'en utiliser de plus en plus, mais je crois que le volume total sur l'ensemble des forêts n'est pas un chiffre tellement élevé.

M. Lincoln: Je vous remercie, M. le Président. Je pense que mon temps est utilisé.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre. M. le député de Terrebonne.

M. Blais: Merci beaucoup d'être là. L'Association des industries forestières, malgré le petit pourcentage de pesticides qu'elle emploie, est une association qu'il est très important de consulter pour ce projet de loi. Le ministre vous a posé plusieurs questions que j'ai trouvées très pertinentes, que j'éviterai de poser une seconde fois. J'en ai fait ma richesse en vous écoutant y répondre.

Cependant, j'en aurais une à vous poser. Vous semblez tout de même assez logiques, à la page 13, lorsque vous dites: "II est souhaitable que ce plan ne soit soumis qu'à une seule autorité", de la même façon que dans le territoire agricole tout est sous la même autorité, c'est-à-dire le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Je voudrais avoir une certitude sur votre position. À la page 5, vous dites: "Le ministre de l'Environnement a d'ailleurs convenu - concernant l'épandage des pesticides, vous en avez parlé tantôt -conjointement avec le ministre délégué aux Forêts, M. Albert Côté, que l'utilisation des pesticides en forêt puisse faire l'objet d'une réflexion gouvernementale et d'une réglementation appropriée au nouveau cadre défini par la loi 150." Il y a une lettre d'entente à ce sujet, comme le ministre l'a dit tantôt.

Si on va è la page 9, au dernier paragraphe: "Il est primordial que cet écheveau soit démêlé et que le MENVIQ convienne avec le ministère de l'Énergie et des Ressources d'une politique d'utilisation aérienne des pesticides en forêt ainsi que des règlements afférents avant que le nouveau régime forestier n'entre en application." Ici, on parie du ministère de l'Energie et des Ressources. On va à la page 13: "II serait logique, compte tenu des dispositions de la nouvelle Loi sur les forêts, que les territoires forestiers soumis à un contrat d'approvisionnement et d'aménagement forestier soient traités de la même façon que les territoires agricoles", c'est-à-dire sous une seule autorité. "Le plan d'aménagement approuvé par le ministre de l'Énergie et des Ressources doit prévoir l'utilisation éventuelle de pesticides. Il est souhaitable -comme conclusion - que ce plan ne soit soumis qu'à une seule autorité." J'espère - et je voudrais vous l'entendre dire - que vous voulez que ce soit le ministre de l'Environnement qui soit l'autorité suprême dans l'épandage des pesticides, même en forêt.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Duchesne.

M. Duchesne: M. Blais, notre concept de porte unique du point de vue de l'industrie pour obtenir des permis, des autorisations et des contrats de la part du gouvernement n'est pas en contradiction avec les responsabilités du ministre de l'Environnement dans l'usage des pesticides et ce, en aucune façon. Ce que nous préconisons, c'est que, quel que soit le sujet pour lequel nous devons obtenir des permis ou autorisations, le guichet par lequel nous passons pour obtenir ces permissions soit celui du ministère de l'Énergie et des Ressources, section forêt, qui s'occupe principalement de la gestion de la matière ligneuse à des fins industrielles. Cela n'enlève rien à l'autorité du ministre de l'Environnement sur l'usage des pesticides en forêt. Ce n'est pas du tout ce qu'on veut faire non plus. La politique d'utilisation des pesticides doit correspondre aux objectifs du ministère de l'Environnement pour l'utilisation de ces produits. Tout ce que nous disons, c'est que cela devient extrêmement complexe pour les administrateurs de l'industrie de s'adresser à deux, trois, quatre ou douze endroits différents avant de pouvoir faire un mouvement avec des processus administratifs différents dans chacun de ces endroits. Nous avons vécu ce cas-là dans toutes sortes de domaines qui vont des processus environnementaux aux processus de relation du travail. Cela nous apparaît

absolument improductif de procéder comme cela, mais cela ne veut pas dire que, dans chaque cas, les autorités des gens ou des ministères qui sont conelela.

M. Blais: Je comprends votre inquiétude parce que j'ai été seize ans dans l'entreprise. Vous avez un complément de réponse? Allez- y.

Le Président (M. Saint-Roch): M.

Landry.

M. Landry (Jean-Pierre): Pour aller dans le même sens que M. Duchesne, il est impératif, je pense, qu'on arrête la procession de toute une pléiade de ministères où on doit cogner à la porte pour être capable de faire un travail qui devient de plus en plus important et, principalement, à partir de 1987, avec la nouvelle Loi sur les forêts. Le ministère de l'Énergie et des Ressources, section forêt, a déposé un projet de loi qui a été voté et dans lequel on va être collectivement obligé de faire produire à la forêt plus qu'elle n'a jamais produit. II va falloir que tout le monde travaille dans le même sens. Dans le même sens que M. Duchesne disait, ce n'est pas pour enlever de l'autorité à personne. On demande que différents ministères s'assoient ensemble, pensent une politique qui sera acceptable pour tout le monde, mais, quand viendra le temps de l'appliquer, il faut que nous puissions avoir un permis qui soit donné par un ministère, que ce soit pour un permis d'aménagement de la forêt ou un autre. Cela devient important.

L'autre remarque que vous aviez faite et sur laquelle je voulais apporter un commentaire, c'est que vous étiez heureux de nous voir ici malgré le petit volume de pesticides qu'on utilisait. C'est malheureusement la lourdeur administrative pour pouvoir s'en servir et toutes sortes de choses qui nous empêchent d'utiliser différents produits qu'on devrait utiliser en aménagement, que ce soit les herbicides ou les insecticides. C'est pourquoi on en utilise si peu, un petit volume. Cela ne veut pas dire qu'on va en utiliser un volume qui va se comparer à l'agriculture. Celle-ci emploie au Québec entre 80 % et 85 % de tous ces produits. Nous, on en utilise moins de 4 % ou 5 %. Un bon jour, si on peut trouver une façon correcte de s'en servir, une méthode acceptée par tout le monde, on augmentera peut-être ce pourcentage je ne sais trop à quoi, peut-être à 8 % ou 10 %, mais tout en ayant une façon intelligente de s'en servir, pour aménager nos forêts tel que le ministère de l'Énergie et des Ressources veut qu'on le fasse. Il faut faire produire nos forêts un peu plus. De toute façon, on va en venir là. Je pense que l'agriculture en est arrivé là. Les terres sont plus difficiles è aménager en agriculture; il fallait faire produire des champs uniquement de blé. On arrose pour enlever de la moutarde dans le champ, parce qu'on ne peut pas avoir les deux dans un champ; cela ne donne pas un bon rendement en blé s'il y a plus de moutarde que de blé.

C'est comme cela qu'on en est venu à utiliser des herbicides en agriculture, de la même façon qu'on utilise des insecticides, parce que ça coûtait trop cher d'ensemencer des champs qui ne rapportaient pas. On en est rendu là dans le domaine de la forêt; il va falloir cultiver notre forêt et à grands frais. On ne voit pas comment on va pouvoir aménager, comme le ministère de l'Energie et des Ressources nous le demande, sans utiliser cet outil; cela devient un élément de base. Exactement comme l'agriculture utilise ces produits, on veut avoir la possibilité de s'en servir non pas à aussi grande échelle, puisqu'il ne s'agit pas d'arroser chaque année, mais seulement une fois ou deux dans la vie d'un arbre qui va prendre 50 ans è pousser, comparativement à l'agriculture où l'utilisation revient chaque année parce que c'est une croissance annuelle.

Ce qu'on veut, c'est quelque chose de conforme au plan d'aménagement, selon ce que le ministère veut qu'on produise, et qu'il nous donne les outils pour y arriver, tout simplement. Merci.

M, Blais: Je comprends, à la suite de vos deux exposés sur la question, que vous ne voyez pas ce projet de loi comme un empêchement è l'utilisation de pesticides en foresterie, quand même? Vous ne le voyez pas comme cela?

M. Landry: J'aurais une remarque.

Le Président (M. Saint-Roch): M.

Landry.

M. Landry: Si la lourdeur administrative fait que c'est tellement lourd, que ça prend tellement de temps à avoir un permis ou une autorisation, c'est comme si c'était un empêchement è s'en servir.

M. Blais: Je vous comprends, j'ai été quelques décennies dans l'entreprise privée. Pendant que j'y étais, je me prenais à maugréer contre les gouvernements et leur tonne de paperasse. Je vous comprends très bien. Il y a une chose, cependant, maintenant que je suis rendu "paperasseux" - je suis rendu un "paperasseux", je suis un élu - je dois prendre votre intervention è l'interprétant comme ceci. Vous dites que vous êtes fatigués de passer par un pléiade de ministères; c'est exactement le beau mot poétique que vous avez employé.

D'un autre côté, vous dites, è la page

7, que vous êtes fatigués de passer par une kyrielle de paperasse. La protection par la paperasse, vous avez cela en page 7: demande d'autorisation, formulaire, permis, certificat, examen, révocation, avis, voilà, etc., alléluia! Là, vous dites que vous aimeriez, sans brimer l'autorité du ministre de l'Environnement... Je tiens à ce que ce soit lui qui ait l'autorité finale sur l'utilisation des pesticides; ceux qui sont passés ici, de façon générale, tiennent à ce que ce soit lui. Il faut que l'Environnement donne une permission quelconque. Cela voudrait donc dire que, si vous voulez, en bout de piste, que ce soit le ministère des Forêts qui vous donne le permis final, il va falloir que vous acceptiez de rajouter à la kyrielle des paperasses. Après avoir reçu du ministre de l'Environnement l'autorisation de procéder à l'épandage, le ministère des Forêts pourrait vous accorder ce permis. Donc, vous rajoutez encore de la paperasse.

C'est cela, le problème, quand on est poigné avec l'entreprise privée qui veut, entre guillemets, "être de plus en plus productive" et un gouvernement qui veut être de plus en plus sérieux afin que la protection de l'ensemble des citoyens y soit. C'est là, quand on est du côté productif - j'appelle cela l'entreprise privée, ce n'est pas parce que, de ce côté-ci, le gouvernement lui-même et ceux qui sont élus, on n'est pas productif, mais ça paraît moins. On travaille beaucoup, nous aussi, mais souvent ça paraît moins. Je ne parle pas de moi personnellement dans mon comté, les gens le savent, mais, en général, ça paraît moins. On est pris entre une pléiade de ministères, comme vous dites, et vous vous plaignez vous-mêmes de la kyrielle de paperasserie et, si on répondait exactement à votre désir, on rajouterait à la paperasserie. On est pris dans un dilemme qui n'est pas facile à résoudre. Mais, moi personnellement, entre choisir entre la pléiade de ministères et la kyrielle supplémentaire de paperasserie je choisis la pléiade de ministères qui ont affaire à vous et je favorise le ministre de l'Environnement. On n'est pas d'accord je pense sur cela, mais c'est ma position. (16 heures)

Le Président (M. Saint-Roch): M. Duchesne.

M. Duchesne: Effectivement on n'est pas d'accord, mais je pense qu'on a de la difficulté à se comprendre...

M. Blais: Pour ceux qui étaient dehors, c'est difficile à comprendre en arrivan.

M. Duchesne: Le ministère de l'Énergie et des Ressources, dans le cadre de la loi 150, exige du bénéficiaire d'un contrat d'approvisionnement et d'aménagement forestier qu'il rédige un plan d'aménagement à long terme, lequel contient des dispositions de lutte contre les épidémies. Ce n'est pas une paperasse' supplémentaire, c'est quelque chose que l'on faisait déjà sous l'ancien régime et on l'a tout simplement adapté au nouveau régime, de telle sorte que les différents intervenants gouvernementaux vont avoir dans ce document ce que l'industrie entend faire pour protéger la forêt, entre autres, contre les épidémies, donc quel pesticide l'industrie entend utiliser et de quelle façon. Le permis d'intervention, qui est émis chaque année par le ministre responsable des forêts et qui constitue le droit d'exploitation de la compagnie forestière en forêt, couvre toutes les interventions, y compris éventuellement dans notre esprit des opérations d'arrosaqe, soit contre les insectes, soit pour le contrôle de la végétation. Il s'agit tout simplement que le ministre délégué aux Forêts, au moment de l'émission de ce permis, ait contacté son homologue responsable de l'Environnement, pour s'assurer que le processus est conforme aux objectifs du ministère de l'Environnement. On a effectivement simplifié la paperasse, M. Blais.

M. Blais: Merci de votre réponse.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Terrebonne.

M. Blais: Personnellement, je tiens a ce que ce soit le ministre de l'Environnement qui soit le dernier à donner la permission et, quand je serai le ministre de l'Environnement en 1991, c'est ce que je ferai. Je ne sais pas ce que l'autre fera en attendant, je ne peux parler en son nom. À la page 11, à l'article 7, vous dites: "II y a lieu de limiter les pouvoirs conférés par l'alinéa 5, qui permet de déléguer l'autorité ministérielle à des personnes dont le parti pris est reconnu." Je ne comprends pas ce que vous voulez dire par des partis pris reconnus pour certaines personnes. Je voudrais avoir une explication.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Duchesne.

M. Duchesne: C'est que, M. Blais, dans la façon dont on rédige l'article 7, toute personne ne garantit d'aucune façon l'impartialité des gens qui vont devoir participer à l'application de la loi. Nous avons malheureusement vécu des circonstances un peu difficiles dans le passé et nous souhaitons que le ministre s'assure que, dans tous les cas, les personnes avec qui il pourrait conclure des ententes pour l'application sont des personnes qui ne partent pas, ni avec un parti pris positif, ni avec un parti pris négatif sur l'utilisation des pesticides, mais tentent vraiment d'appliquer la politique globale telle que définie par le

ministre et par la loi.

M. Blais: Je ne sais pas si je comprends beaucoup mieux. Je vais poser une sous-question. Il est écrit: "Pouvoirs du ministre", article 7. C'est bien cela?

M. Duchesne: C'est bien cela.

M. Blais: II n'y a pas eu beaucoup de pouvoirs du ministre dans le passé, à part nous, c'est nous qui avons créé le ministère de l'Environnement.

M. Duchesne: Mais il y a eu utilisation de pesticides.

M. Blais: Oui. Alors, sous notre régime, il y a eu des nominations, soit dans la recherche, dans des études ou des enquêtes, de personnes qui avaient un parti pris reconnu? Est-ce que c'est cela que je dois comprendre?

M. Duchesne: De part et d'autre, oui. M. Blais: Ah bon!

M. Duchesne: Je ne vous dis pas dans un sens plus que dans l'autre, M. Blais. Ce que je vous dis, c'est que cet article nous semble laisser une grande porte ouverte, et nous souhaitons qu'il soit très clair que l'application de la réglementation par personne interposée, ce qui nous semble le but de cet article, se fasse dans le plus grand respect de la loi telle qu'elle sera écrite et des intentions du gouvernement.

Le Président (M. Saint-Roch) M. Landry, je crois que vous avez un complément de réponse.

M. Landry: Simplement pour rappeler à tout le monde qu'au cours des dix dernières années il s'est perdu plus de bois au Québec que toute l'industrie a pu en exploiter. Sans faire porter le blâme sur qui que ce soit, je pense qu'une grande partie de cette forêt aurait pu Être sauvée si on avait eu une politique bien établie avec laquelle on aurait pu agir au moment opportun et non pas attendre que la maison soit brûlée pour appeler les pompiers.

M. Blais: Est-ce que la production depuis cinq ans a subi une baisse catastrophique d'une année à l'autre... Je veux dire, depuis dix ans, est-ce que cela a été castrophique, la production en forêt? Est-ce qu'elle est allée à la baisse? Est-ce qu'il y a eu une baisse catastrophique ou s'il y a eu une remontée phénoménale?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Landry.

M. Landry: On n'a pas eu de baisse. Si on reqarde la problématique de la forêt qui a été émise par le gouvernement il y a deux ans, on y voit que les possibilités futures d'exploitation au Québec ont été diminuées pour une bonne période à cause de la mortalité des forêts au cours des dernières années.

M. Blais: Vous parlez du coupage à blanc, ces choses-là, par les compagnies.

M. Landry: Quand on parte des possibilités futures, on parle des possibilités du territoire. À cause de la perte des forêts par la tordeuse dans les dix dernières années, les possibilités ont été diminuées pour un certain nombre d'années à venir.

M, Duchesne: Si vous me le permettez, M. le Président.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Duchesne.

M. Duchesne: II y a cette question de possibilité forestière qui est un peu notre jargon et avec laquelle on a souvent de la difficulté. La possibilité, en foresterie, c'est la quantité de matière ligneuse d'une forêt que l'on peut récolter à perpétuité. Donc, c'est l'intérêt, si vous voulez, du capital forestier seulement. Quand arrive une épidémie ou un incendie grave qui diminue le stock debout, la quantité, le capital de matière ligneuse, évidemment l'intérêt diminue lui aussi. Dans le cas de l'épidémie de la tordeuse qui a duré au-delà d'une décennie et qui a détruit pendant cette période plus de bois que l'industrie en consomme pendant dix ans, effectivement le capital forestier a été diminué et la possibilité forestière du Québec au complet s'en est retrouvée diminuée.

M. Blais: Je vous comprends très bien. Ce sont des épidémies avec lesquelles on est obligé de vivre et avec lesquelles on va vivre longtemps. Des spécialistes nous en parlaient encore ce matin. Il faudrait permettre certains pesticides, les moins actifs possible, dans des cas comme ceux-là, et le projet de loi va certainement le permettre. Je vous sens un peu craintifs, mais je ne crois pas que ce projet de loi mette des restrictions sur des choses comme celles-là. C'est bien sûr que ce n'est pas la production pour la production pour la production pour la production, il y a une responsabilité dans ces lois: la protection de la qualité de la vie des gens. Aussi, il faut dire que les coupages à blanc et l'irresponsabilité de beaucoup de types travaillant en forêt - et vous en savez quelque chose - y ont été pour beaucoup pour cette masse, dont vous parliez tantôt, de réserve récurrente. Eh bien, il y a aussi

les feux et la tordeuse, mais les coupeurs à blanc y ont été pour beaucoup. Disons que ce sont les trois causes. Quant à les nommer, je tenais è nommer la troisième. Ce sont trois coupables. Certains, on est capable de les réglementer même si cela fait de la paperasse, mais la tordeuse, c'est assez rare qu'on est capable de faire une paperasse pour l'envoyer chez elle.

Je n'ai pas d'autres questions. Je vous remercie de la façon dont vous avez répondu, de votre franchise. Tout ce que je ne voudrais pas, c'est que vous partiez avec une crainte - le ministre va vous le dire, je ne vois pas le projet de loi comme cela - de ne pas utiliser de façon rationnelle certains pesticides. Je suis persuadé que dans cette loi vous aurez le droit d'en utiliser, à la condition qu'il y ait respect de l'ensemble. Je suis persuadé que votre association a un respect normal et primaire et je ne vois pas pourquoi vous seriez craintifs. Je suis positif et je suis très heureux que ce projet de loi arrive, bien qu'il ait des lacunes; tous les projets de loi ont des lacunes. Le rôle de ceux qui viennent pour l'améliorer, comme vous, l'Opposition et les membres du gouvernement qui commencent è être capables d'y aller un peu parce que l'euphorie de la victoire commence à s'en aller, ils peuvent donc apporter eux aussi un peu de choses bénéfiques et tout le monde va faire un projet de loi probablement beaucoup mieux que celui qu'on croyait avoir au tout début. Ce matin, le ministre nous disait que les règlements ne sortiraient probablement pas avant l'automne 1987 et il nous a dit tantôt que le projet pourrait peut-être être retardé. Alors, il est possible que ce projet de loi ne voie le jour de façon effective qu'en 1989 ou 1990. C'est ce que je crains. Alors, vous avez vraiment le temps de regarder venir les coups. Merci de votre présence.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Terrebonne, je vous remercie. M. le ministre.

M. Lincoln: Je pense que M. Duchesne a quelque chose à dire.

Le Président (M. Saint-Roch): M.

Duchesne.

M. Duchesne: M. le Président, si vous me le permettez, à ce sujet, je veux juste dire au député de Terrebonne que chat échaudé craint peut-être l'eau froide. Je voudrais vous suggérer aussi de discuter des coupes à blanc avec vos collègues, MM. Perron et Jolivet.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Duchesne. M. le ministre.

M. Blais: ...

Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre.

M. Lincoln: M. Duchesne, M. Larue et M. Landry, merci beaucoup de nous avoir présenté votre point de vue avec beaucoup de conviction et beaucoup de caractère. Je pense qu'on sait exactement où vous vous tenez. Je tenais à vous dire, de mon point de vue aussi, qu'en tant que ministre de l'Environnement je me dois certainement de souligner qu'il me semble que la vocation même de notre ministère est une vocation très horizontale parce que l'environnement, qu'on le veuille ou non, n'a pas de frontières. S'il fallait, par exemple, pour chaque secteur régi par un ministère sectoriel, comme par exemple l'agriculture et la forêt, avoir un système où le ministère de l'Environnement déléguerait ses pouvoirs en un certain sens pour les permis ou les choses comme celles-là, il faudrait, dans cette loi, que nous ayons des intervenants dans presque tous les ministères, pour les exterminateurs, les qens qui travaillent dans le domaine de l'horticulture, etc. Le sens même que je conçois du ministère de l'Environnement est que c'est justement un ministère horizontal qui, par sa vocation, doit coordonner l'action environnementale dans l'oeuvre des ministères. Tout ce que je peux vous dire, de la façon la plus franche possible, la plus calme possible, c'est que nous allons travailler de très près, le ministre délégué aux Forêts et moi; je pense que c'est un écologiste, on dit que c'est un ministre des Forêts écologiste, et il croit vraiment en la forêt et en l'environnement. On travaille ensemble au sein d'un comité interministériel, on travaille très bien ensemble. Je ne pense pas qu'on aura quelque difficulté que ce soit à se rencontrer. Il connaît mes vues sur la question des pesticides. Pour nous, les pesticides sont un moyen de dernier recours. Nous pensons qu'il faut aller vers un objectif où les pesticides deviendront de plus en plus un instrument de dernier recours. Dans le sens de votre intervention, c'est pour vous un outil de travail, peut-être aujourd'hui de premier recours, d'après surtout ce que vous avez expliqué, M. Landry. Alors, je me rends compte qu'il y a des balises qui sont tout à fait différentes. Il y a un chemin à faire entre nous deux. C'est le qrand défi, pas seulement en forêt, par rapport à l'environnement, c'est dans toute l'industrie en général. À un moment donné, il faudra que l'on trouve des solutions au développement économique et à l'environnement pour une intégration qui tiendra compte que chacun a une vocation mais qu'on doit trouver un terrain d'entente. Je pense que c'est là le sens de notre action, tout en

préservant des principes de défense de la qualité de la vie et de la santé, etc. En même temps, il faut être conscient aussi, comme vous l'avez souligné, que votre industrie a besoin d'outils de travail. Elle va trouver un terrain d'entente en travaillant avec nous pour ne pas imposer des choses. Je voulais vous dire en passant que l'article 7 - j'aurais peut-être dû le souligner pendant qu'on avait un échange de questions... Ce n'est nullement l'intention là-dedans de déléguer des pouvoirs du ministre, par exemple, à une personne qui pourrait être biaisée. Tout ce que cela dit, c'est un pouvoir pour permettre des ententes avec d'autres organismes et des individus pour l'application de la loi parce que, par exemple, on va entrer dans des codes de pratiques avec toutes sortes d'associations. Il y en a déjà un qui est en cours, qui a été adopté sous le gouvernement antérieur.

Il y en a un deuxième qui est en tractation maintenant. Il y en a eu plusieurs par la suite avec toutes sortes d'associations, des individus, les industries. C'est pour nous donner ce pouvoir de le faire. Ce n'est nullement l'intention de déléguer des pouvoirs, des émissions de permis à des individus. Je peux vous donner la garantie formelle là-dessus que ce n'est pas du tout l'interprétation de la loi. Je ne pense pas que cette loi soit abusive en aucun sens. En fait, plusieurs personnes nous ont dit qu'on n'était pas allé assez loin. Il y en a d'autres qui nous disent: Vous êtes allés trop loin. Nous espérons trouver une juste mesure. En tout cas, on va travailler, pas en vase clos mais avec le ministère des Forêts et avec vous, tout en maintenant notre vocation parce que nous sommes convaincus - et cela, je pense que du côté de l'Opposition et de notre côté on est d'accord - que le ministre de l'Environnement doit préserver cette vocation un peu spéciale qui est horizontale et qui est essentielle dans le milieu de vie dans lequel nous nous trouvons.

On vous remercie d'être venus. Je suis très très content d'avoir échangé avec vous. Je pense que c'est purement un stade aujourd'hui. On va continuer - vu l'importance de votre industrie - à travailler avec vous et, naturellement, avec M. Côté, et je suis très conscient de l'échéance d'avril et du plan d'aménagement que vous avez à soumettre sur la loi 150. Pour moi, ce sera une priorité aussitôt que la commission parlementaire sera terminée. Merci beaucoup.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre. Y a-t-il d'autres interventions? Sur ceci, je tiendrais à remercier, au nom de tous les membres de la commission, l'Association des industries forestières du Québec pour la qualité de leur mémoire et de leur présentation. La commission de l'aménagement et des équipements suspend maintenant ses travaux jusqu'à 10 heures, demain matin, et j'attire l'attention des membres de la commission que nous allons nous réunir ici, dans la salle du Conseil législatif. Bonsoir.

(Fin de la séance à 16 h 18)

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