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Version finale

33rd Legislature, 1st Session
(December 16, 1985 au March 8, 1988)

Wednesday, February 25, 1987 - Vol. 29 N° 48

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation particulière sur l'avant-projet de loi sur les pesticides


Journal des débats

 

(Treize heures quarante-trois minutes)

Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission de l'aménagement et des équipements reprend maintenant ses travaux pour poursuivre la consultation particulière portant sur l'avant-projet de loi sur les pesticides.

Est-ce qu'il y a des remplacements, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Oui, il y a des remplacements, M. le Président. M, Vaillancourt (Orford) sera remplacé par M. Cusano (Viau) et M. Vallières (Richmond) sera remplacé par M. Maltais (Saguenay). C'est tout. Merci.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le Secrétaire.

À ce moment-ci, je demanderais aux représentants de la Fédération interdisciplinaire de l'horticulture ornementale de prendre place. Je m'aperçois que c'est déjà fait. Je demanderais au principal porte-parole de s'identifier et d'identifier les gens qui l'accompagnent.

Fédération interdisciplinaire de l'horticulture ornementale

M. Rodier (Jean-Pierre): Bonjour, M. le Président. Mon nom est Jean-Pierre Rodier, président de la Fédération interdisciplinaire de l'horticulture ornementale du Québec. Je me permets de vous présenter, à ma droite, M. Jean Tremblay, directeur exécutif de la fédération interdisciplinaire; M. Guy Van Den Abeele, porte-parole de l'Association paysage Québec pour le service d'entretien des espaces verts; M. Éric Rey-Lescure, de la Société internationale d'arboriculture; M. Jocelyn Dupont, de l'Association des surintendants de golf du Québec; M. Gaétan Hamel, de l'Association paysage Québec et représentant des centres-jardins pour l'Association paysage Québec et membre de la FIHOQ; M, Guy Boulet, de l'Association paysage Québec et représentant des producteurs en pépinières a la FIHOQ et à l'Association paysage Québec.

M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs les députés, nous vous remercions d'abord de nous offrir l'occasion d'exprimer notre opinion sur cet avant-projet de loi que nous attendions depuis longtemps. J'aimerais, avant de poursuivre, déposer un ajout à notre mémoire dont nous avons fait tirer 50 copies et que nous aborderons un peu plus loin dans le cadre de notre présentation.

Pour définir notre industrie, nous dirons qu'elle est une activité agricole qui se définit comme étant l'art et la science de produire, commercialiser, utiliser et entretenir les plantes décoratives. À partir de ce postulat, l'horticulture ornementale est composée de plusieurs disciplines différentes qui se complètent les unes par rapport aux autres. Cependant, on peut les regrouper en fonction de deux grands secteurs. Le premier s'intéresse à la production des végétaux d'ornement, dont les produits de pépinières, les produits serricoles et le gazon en plaques. Le second concerne la commercialisation de ces mêmes produits et de services connexes à leur utilisation et entretien, tels que le détaillant de produits d'horticulture, le paysagiste, l'arboriculteur, l'entretien des espaces verts et le surintendant de golf.

Afin de préciser la situation de l'industrie horticole ornementale au Québec, il faut remonter è décembre 1985 quand le Service des analyses sectorielles du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec publiait les résultats de l'enquête sur l'horticulture ornementale du Québec, réalisée en 1983. Vous trouverez d'ailleurs une copie de cette étude en annexe 1 au moment du dépôt en commission parlementaire de notre mémoire.

Lorsqu'on parcourt le document, on est en mesure de constater que la valeur de la consommation des produits et services horticoles est de quelque 420 200 000 $. En extrapolant pour 1985, tout en considérant l'augmentation annuelle potentielle d'environ 14 %, on estime que ce marché atteint les 550 000 000 $. Pour 1986, on peut facilement dire qu'il dépasse les 600 000 000 $. En matière d'emplois, le nombre de travailleurs horticoles au Québec est de plus de 22 905, une masse salariale totale d'environ 100 000 000 $. En passant, les entreprises en question sont toutes des PME.

Malgré sa jeunesse - l'âge moyen des entreprises est d'environ treize ans l'industrie horticole ornementale est un secteur important de l'activité économique québécoise. De plus, si elle a su acquérir ses lettres de noblesse, c'est grâce au dynamisme, à l'imagination et au savoir-faire

des entreprises qui la composent.

Nous avons donc indiqué, dès 1983, dans un communiqué, que la FIHOQ consentirait à conclure une entente avec le ministère de l'Environnement. Celle-ci aurait comme objectif de favoriser le contrôle, par la fédération et ses associations affiliées, de la compétence des vendeurs et des utilisateurs des produits antiparasitaires, en plus de préparer et d'adopter un code de pratique professionnelle, lequel devrait être respecté et suivi par tous.

Parallèlement, nous demandions au ministère d'élaborer un dépliant concernant l'emploi sécuritaire des produits antiparasitaires afin de le faire diffuser par nos détaillants de produits d'horticulture. Vous trouverez aussi ce rapport à l'annexe V de notre mémoire.

En avril 1985, nous avons convenu, avec les représentants du ministère, d'un projet d'entente qui répondrait aux préoccupations des organismes impliqués et qui se résume comme suit. À ce moment-ci, M. le Président, je me permets de céder la parole à notre directeur exécutif, M. Jean Tremblay, qui va poursuivre l'analyse des articles de fond sur le dépôt du mémoire.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le président. M. Tremblay.

M. Tremblay (Jean): Merci, M. le Président. Je me permets de vous rappeler l'essence même du projet de protocole qui avait été convenu entre les représentants du ministère et les gens de la fédération. Le projet de protocole s'intéresse à deux choses: d'une part, au secteur de la vente des produits antiparasitaires, c'est-à-dire tout ce qui concerne les centres-jardins dans notre secteur et, d'autre part, à tout ce qui concerne les applicateurs à forfait.

Bien sûr, des obligations avaient été déterminées de la part des deux parties. Pour le ministère de l'Environnement, son obligation se résumait à ce qui suit: Tout d'abord, établir une classification des produits; exiger des critères de compétence de la part des applicateurs et des vendeurs; exiger aussi de la part des établissements d'afficher leur permis de compétence ou leur attestation de compétence; d'autre part, limiter l'acquisition des produits à ceux qui détiennent la certification - cette certification serait sous l'égide de l'industrie, par l'entremise de son représentant, la FIHOQ et, bien sûr, établir un service d'inspection.

Il y a également tout le secteur de la formation. Le ministère s'engageait, avec la FIHOQ è développer des programmes de formation. De plus, on demandait que le service d'inspection tienne compte des normes de bonne pratique que l'on a déjà développées et qui ont été déposées au ministère de l'Environnement et, bien sûr, d'une sorte d'engagement financier ou d'un soutien de la part du ministère de l'Environnement pour appliquer les obligations de ta fédération.

Pour ce qui a trait à la fédération, maintenant, il s'agissait de développer des normes de bonne pratique professionnelle. Je le répète, on a déjà déposé ces choses. Également, on a déjà demandé au Bureau de normalisation du Québec de s'asseoir avec nous pour élaborer ces normes de bonne pratique et d'émettre cette certification à la suite d'une vérification des compétences et du fait que ces gens sont couverts par une assurance responsabilité et, bien sûr, veiller à ce que les détaillants et ceux qui utilisent les produits antiparasitaires respectent les normes du code de bonne pratique comme tel. Effectivement, si on parle de vérification de compétence, de surveillance et ainsi de suite, il fallait aussi fournir la possibilité de recevoir toute plainte relative aux normes de pratique professionnelle et établir et mettre en place un comité de discipline. Pour nous, c'est quelque chose de très important. Il y a le fait que si on était arrivé à une conclusion qui convenait aux deux parties, cette action reconnaissait également en matière d'intervention de la part de l'industrie, en ce qui a trait à la vente et l'utilisation des produits antiparasitaires, toutes les actions qui ont été faites par la fédération, entre autres les programmes de santé et de sécurité au travail pour les entreprises horticoles lorsqu'on utilise des produits.

Il y a également les programmes d'accréditation des entreprises d'entretien. Comme on le sait, actuellement, on n'a pas attendu que la réglementation soit adoptée, mais on est en train de certifier nos entreprises après vérification de compétence, après formation et après examen.

Il y a également des séances d'information sur ce qu'il faut faire en cas de déversement. Comme on transporte des produits, il fallait prévoir des mécanismes pour informer nos gens sur quoi faire en cas de déversement. On a un plan qui est également annexé au mémoire qu'on a déjà déposé, et, bien sûr, le développement d'un code de bonne pratique professionnelle; je l'ai cité précédemment. On s'est entendu, dans une approche préliminaire, pour savoir comment on s'orienterait dans le code de bonne pratique. On a eu une rencontre, le 16 février dernier, avec les représentants du ministère et une rencontre est prévue prochainement pour s'entendre sur un projet de code de bonne pratique qui sera soumis a M. le ministre.

De plus, on parlait de certification tantôt. On a mis sur pied des cours en collaboration avec des organismes accrédités par le ministère de l'Éducation pour Être

dispensés auprès de nos entreprises. C'est un cours qui s'intéresse à l'utilisation rationnelle des produits antiparasitaires. Ces cours vont être donnés au cours des mois de mars et avril afin de former l'ensemble des entreprises qui vont faire de l'application à forfait au cours de l'été.

Je me permets aussi de vous rappeler que, dans notre mémoire, on a indiqué qu'on aimerait voir changer le titre, parler plutôt de produits antiparasitaires que de pesticides, pour la simple et bonne raison que si on regarde la définition fédérale, "produit antiparasitaire" fait référence plus à des moyens, pour ce qui est de la définition, que celle dudit projet de loi, celui qui est en cause devant cette commission. Il y a le fait aussi que, quand on parle de pesticides, on fait référence à des substances chimiques et c'est surtout cela qui est clair dans l'esprit des gens.

Dans la loi on a remarqué également un certain nombre de précisions, entre autres, sur la question d'usage domestique. On s'aperçoit qu'elle est employée à toutes sortes de sauces et ce n'est pas clair dans le projet de loi. Par conséquent, ce qu'on aimerait voir, c'est préciser ce qu'on entend par usage domestique; et si on parle d'usage domestique, il faudrait aussi parler des autres types d'usage. Par définition, quand on parle d'usage, c'est une action qu'on décrit. Par conséquent, on aimerait voir une définition de ce qu'est un usage privé. Pour nous, c'est défini par l'intervention de celui qui fait l'action sur la propriété de son employeur, à savoir que s'il utilise des produits, il le fait pour son employeur. Le meilleur exemple que je puisse vous donner, c'est dans le cas de l'édifice qui abrite le ministère du Revenu et le ministère de l'Environnement. Comme on le sait, il y a plusieurs personnes qui oeuvrent à l'intérieur de ce bâtiment, de ces ministères, et les lieux environnants, la villégiature qui environne l'édifice est très intéressante. Les travailleurs, les employés sont invités è en profiter. Il faut entretenir ces locations d'espaces. Dans le cas de celui qui entretient ces espaces, en vertu de la définition d'usage privé, ce serait effectivement une personne qui en ferait l'usage pour les fins de son employeur. Il y a toujours l'usage commercial qui nous concerne plus spécifiquement.

On a remarqué également dans le projet de loi - parce qu'il y a des affirmations, entre autres, sur le document, qui a été remis lors d'une préconsultation, qui s'intitule "Motifs et nature des interventions proposées par le ministère de l'Environnement sur la question de l'utilisation des produits antiparasitaires" -qu'on se réfère beaucoup à d'autres lois. Dans le cas du projet de loi, on ne parle pas de comité consultatif. Pour nous, ce serait important, afin d'aider le ministre dans l'application de la loi, qu'il y ait un comité consultatif, et ce comité aurait pour mandat de réviser annuellement le contenu de la loi, son application, les règlements qui s'appliquent, d'évaluer aussi les mécanismes en ce qui a trait aux propositions d'entente. Dans le projet de loi, on dit que le ministre peut effectivement conclure une entente soit avec des municipalités, soit avec des individus ou avec des sociétés. Un des mandats du comité consultatif serait de vérifier ces propositions d'entente, de soumettre un certain nombre de recommandations au ministre et, bien sûr, d'étudier toute matière concernant la vente et l'utilisation des produits antiparasitaires. Quant è sa composition, bien sûr, on la laisserait à la discrétion du ministre, mais on aimerait bien être membre de ce comité consultatif.

II y a également d'autres imprécisions dans ie projet de loi qui concernent les délais d'obtention d'un certificat, et ça fait référence aussi à la notion de supervision immédiate. À notre avis, dans l'esprit de la loi, lorsqu'on parie de supervision immédiate, c'est pratiquement tenir par la main la personne qui va utiliser ou vendre des produits. Comme on le sait, dans nos entreprises - ce sont des PME - il y a des taux de roulement importants de personnel. Par conséquent, s'il y a des taux de roulement importants dans nos entreprises, vu que ce sont surtout des entreprises saisonnières, il faudrait faire en sorte qu'on puisse permettre - par exemple, dans le cas d'une entreprise qui a trois employés, on perd deux employés; lorsqu'on va procéder à l'engagement, le propriétaire est titulaire d'un certificat - que les employés, en attendant qu'ils passent leur examen ou qu'ils suivent un cours, soient sous la responsabilité immédiate plutôt de celui qui est titulaire d'un certificat. Cela permettrait, d'une part, à l'entreprise d'être beaucoup plus opérationnelle et, au point de vue de sa santé financière aussi, cela amènerait, en tout cas, au moins que l'entreprise puisse exercer... C'est la même chose concernant la vente.

Cependant, il faudrait avoir des délais, qui seraient déterminés conjointement par les gens du ministère et les gens de l'industrie, ou les mandataires, parce que, dans le mémoire qu'on a déposé, on a dit: On informerait l'entreprise qui serait dans cette situation pour informer soit le ministère ou son mandataire. On se ferait un plaisir également d'être un de ces mandataires.

Maintenant, en ce qui a trait aux assurances, dans le projet de loi on exige de la part des entreprises de détenir des couvertures, non seulement en ce qui concerne des responsabilités civiles, mais également en cas de risque de pollution de l'environnement. Comme on le sait, il y a

quand même une crise en Amérique du Nord. II est très difficile pour les entreprises qui utilisent des produits antiparasitaires ou d'autres formes de produits dangereux, d'être couvertes par des firmes spécialisées. Par conséquent, si ce n'est pas possible, si c'est une disposition de la loi qui est incluse, elle est pratiquement inapplicable. Il faudrait sans doute que le ministère nous aide à évaluer des formules; d'autre part, on serait peut-être prêts aussi à créer des fonds d'indemnisation ou à y participer. (14 heures)

En ce qui a trait à la formation, on en a parlé au début, on a déjà engagé un processus de formation auprès de nos entreprises touchant l'utilisation rationnelle des pesticides. Dans ce cas-ci, on a déjà déposé au ministère un projet de cours qui est celui appliqué actuellement et qui sera dispensé auprès de nos entreprises en mars et avril prochains. On pense qu'on peut aider le ministère dans la formation. C'est-à-dire qu'on a déjà développé une expertise dans tous les secteurs, ou pratiquement tous les secteurs de l'industrie de l'horticulture, en collaboration avec le ministère de l'Éducation. C'est-à-dire qu'on a développé des contenus de cours. On est impliqué dans des comités consultatifs régionaux auprès des commissions de formation professionnelle pour inciter à la formation, développer de la formation et faire en sorte qu'elle soit disponible auprès de nos entreprises. On a développé, comme je viens de le mentionner, ces contenus de cours.

Dans ce cas-ci, nous serions prêts à assumer, avec le ministère, la formation de nos gens. Nous serions prêts à collaborer. Je pense que, par les actions qu'on a déjà posées, on démontre cette volonté.

Maintenant, en ce qui a trait à la classification des produits, dans notre mémoire on indique qu'on est effectivement d'accord avec la classification des produits, c'est-à-dire qu'on ait cinq classes de produits. Cependant, si on regarde la classification des produits, elle est fonction d'une chose, c'est-à-dire de l'expertise qui est exigée et la place qu'il occupe dans tout le processus de la fabrication jusqu'à l'application ou l'utilisation des produits. Dans la classification par rapport à la formation, en ce qui concerne la vente et l'utilisation, ceux qui font l'application des produits, on s'aperçoit que, pour les classes 1, 2, 3 et 4, on demande une expertise poussée pour les utilisateurs de produits alors que par rapport aux utilisateurs privés, c'est-à-dire ceux qui font de l'application pour le compte de leur employeur, qui appliquent ces produits sur la propriété de l'employeur, on demande très peu d'expertise. C'est la même chose dans le cas de la vente des produits: si les utilisateurs privés utilisent ces produits, on est considérés comme des pestiférés. Il ne faudrait peut-être pas oublier que les utilisateurs privés courent les mêmes risques à utiliser ces produits et, par conséquent, il faudrait peut-être que ces gens aient une formation aussi poussée que les applicateurs commerciaux.

Je reprends l'exemple des bâtiments du ministère de l'Environnement. Celui qui fait l'application des produits pour le compte du ministère est un employé. Avec le nombre de personnes qui travaillent à l'intérieur de l'édifice, on pense que les risques, s'il n'a pas d'expertise, sont sinon plus grands, au moins aussi importants qu'avec un applicateur commercial.

Est-ce qu'on arrête?

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous demanderais de conclure, M. Tremblay, si vous voulez.

M. Tremblay (Jean): Je vais laisser la parole à M. Rodier. J'avais pratiquement fini mon intervention, M. le Président.

Le Président (M. Saint-Roch): M.

Rodier.

M. Rodier: Combien de minutes exactement nous reste-t-il, M. le Président?

Le Président (M. Saint-Roch): Vous allez comprendre, M. Rodier, qu'on aimerait passer la plus grande partie de l'après-midi avec vous, mais nous avons un horaire extrêmement chargé. Nous avons cinq groupes à rencontrer pour compléter le mandat qui nous avait été confié. Je vais vous laisser le temps nécessaire pour compléter un bout de mandat, d'abréger et d'être le plus bref possible.

M. Rodier: D'accord. Je vais immédiatement passer la parole à M. Hamel, qui va déposer de façon officielle l'ajout que nous avons à notre mémoire, et je reviendrai pour faire la conclusion finale.

Le Président (M. Saint-Roch): Alors, M. Rodier, nous allons accepter le dépôt de l'ajout à votre mémoire.

M. Rodier: Est-ce que M. Hamel peut avoir la parole?

Le Président (M. Saint-Roch): Oui, brièvement, si vous voulez.

M. Hamel (Gaétan): Lors du 25e congrès de l'Association paysage Québec, membre de la Fédération interdisciplinaire d'horticulture ornementale du Québec, tenu du 18 au 21 février, 350 représentants d'entreprises horticoles ont procédé à une seconde analyse de l'avant-projet de loi. À cette occasion, tous ont réaffirmé unanime-

ment leur volonté de participer pleinement au maintien et à l'amélioration de la qualité de notre environnement collectif, raison d'être de l'horticulture, de l'industrie horticole ornementale québécoise. Par conséquent, nous croyons au principe qu'on ne peut dissocier la vente des produits antiparasitaires de la récupération de ces mêmes produits non utilisés. Ainsi, nous recommandons que tous les points de vente de produits antiparasitaires deviennent obligatoirement des lieux de récupération, et ce pour le bénéfice des utilisateurs et de la qualité de notre milieu de vie.

De plus, relativement à l'élimination des produits récupérés, nous croyons que des modalités doivent être définies conjointement entre la Fédération interdisciplinaire d'horticulture ornementale du Québec et le ministère de l'Environnement du Québec. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Hamel. En conclusion, M. le président.

M. Rodier: Merci, M. le Président. La fédération remercie la commission de nous avoir entendus. Permettez-moi de remercier mes collègues qui, conscients de l'environnement, sont venus en très grand nombre avec nous, les officiers, présenter les volontés de l'industrie horticole ornementale.

En effet, c'est depuis 1983 que la fédération espère que le législateur régira la compétence des vendeurs et des utilisateurs de produits antiparasitaires. Ces années de discussions entre les représentants des artisans québécois de l'horticulture ornementale démontrent une volonté ferme de réglementer un secteur important de notre économie et un souci profond du respect de la qualité de vie des utilisateurs et des citoyens en général.

Relativement à l'avant-projet de loi lui-même, nous pensons que les améliorations que nous proposons telles que le comité consultatif, les définitions concernant les différents usagers, le délai pour l'obtention d'un certificat, le problème des assurances, l'expertise exigée d'un applicateur privé par opposition à un applicateur commercial, et ce en rapport avec les différentes classes de produits, seront étudiées à leur mérite.

Précisons que ces différentes recommandations sont le fruit de plusieurs jours d'étude de la part de chaque association membre de la fédération. Des spécialistes qui ont aussi étudié la pratique de notre profession se sont penchés sur nos propositions. Nous avons également comparé Pavant-projet de loi avec les lois de l'Ontario et de la Colombie britannique.

Nous pensons qu'avec quelques modifications, cet avant-projet de loi deviendra une bonne loi qui identifiera nos artisans comme de vrais professionnels qui mettent toutes leurs énergies à l'embellissement de notre qualité de vie.

Permettez-moi, M. le Président, d'ajouter un dernier élément que j'aimerais mettre en lumière, MM. et Mmes les membres de la commission: à une journée d'avis, veuillez croire que le changement d'ordre de comparution en commission pour nous, les gens d'affaires, qui avons l'habitude d'une planification bien orchestrée, nous a dérangés grandement. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le président. Nous acceptons votre compréhension. M. le ministre.

M. Lincoln: M. le Président, tout d'abord je voudrais m'excuser. Je suis responsable du retard et je m'excuse. Ce qui est arrivé, c'est que nous avions un Conseil des ministres aujourd'hui qui a dû être placé è 10 heures pour différentes raisons. J'avais à présenter un mémoire au Conseil des ministres, il fallait que j'y sois. C'est la raison. Normalement, je me serais excusé du Conseil des ministres. J'avais à y être. C'est pourquoi, du reste, je suis arrivé quelques minutes en retard et je m'en excuse. Je comprends les contrariétés que vous avez dû subir à la dernière minute, surtout que beaucoup de vos membres étalent ici. Ce n'est pas de bonne grâce que je l'ai fait, mais c'est malheureux que ces choses arrivent. Parfois, il y a des imprévus. Normalement, le Conseil des ministres se tient à 15 heures. Cette fois-ci, cela a été 10 heures. S'il avait été à 13 heures, d'autres auraient subi le retard. Je m'en excuse beaucoup.

Vos représentants m'ont demandé de présenter les gens de notre groupe parlementaire ici. Lorsque je passerai la parole à mon collègue de l'Opposition, il fera la même chose. Avec moi ici, il y a mon adjoint parlementaire, M. Robert Middlemiss, député de Pontiac. M. Henri Paradis, député de Matapédia, qui s'assied à côté de M. Middlemiss, est absent momentanément. Il est adjoint parlementaire au Développement régional et Mme Violette Trépanier, députée de Dorion, adjointe parlementaire aux Affaires municipales. Il y a aussi M. Bissonnet, qui est absent pour le moment, qui fait partie de la commission. Il est député de Jeanne-Mance et président du caucus des députés libéraux.

Je vais profiter des quelques minutes que j'ai pour passer en revue quelques-uns des éléments les plus importants que vous avez soulevés dans votre mémoire, pour répondre à quelques-unes de vos interrogations et peut-être vous poser aussi quelques questions que je pense très pertinentes dans le cas de votre association.

C'est sûr que si nous ne savions pas que votre association était importante, nous

pourrions le réaliser par le nombre de membres qui sont venus assister a l'audience publique. C'est le premier groupe de cette importance que nous avons vu ici. Je vous félicite d'être tellement impliqués dans le but commun qu'on se fixe.

Tout d'abord, vous avez parlé de la question d'usage. Toute la question de classification, de catégories d'utilisateurs, va être précisée dans la réglementation qui va être sujette elle-même, durant l'été, à une consultation. Je vais prendre bonne note de vos suggestions. En tout cas, toute cette question va être traitée dans la réglementation, qui va être sujette à consultation.

Vous avez demandé d'être consultés si les groupements actuellement exclus, aviculteurs et sylviculteurs, doivent être touchés par la loi. Je précise brièvement ici, parce que cela a souvent été le sujet de ces audiences, que les aviculteurs et les sylviculteurs vont être inclus absolument à une date qui sera fixée ultérieurement - les sylviculteurs sans doute cette année, les aviculteurs dans deux ans. Mais tout le monde sera consulté lorsque la réglementation sera en voie de préparation. C'est sûr que les intervenants qui sont impliqués, puisque vous y avez des membres, vous allez être consultés.

Pour ce qui est de la supervision immédiate, je ne peux pas vous répondre favorablement là-dessus. En fait, un grand nombre d'intervenants demandaient, au contraire, qu'on resserre cette définition pour la rendre plus difficile. Ce que nous prévoyons, afin que peut-être ça vous donne une réponse en soi, pour nous ça signifie supervision sur les lieux de travail ou sur les lieux de vente. En tout cas, on a pris note de votre recommandation, mais je dois vous dire que beaucoup d'intervenants ont demandé, au contraire, qu'on la resserre plutôt que de la relâcher.

Vous avez aussi demandé qu'un de vos membres inscrit aux cours ou aux examens soit accepté pour un certificat. Je pense que ça aussi nous avons remarqué, nous avons étudié cette recommandation, mais pour le moment on ne peut pas la retenir. Nous voulons, nous, que, dès le départ, on donne du temps, on donne des marges de manoeuvre. On ne va pas appliquer la loi tout de suite. Naturellement, personne n'aura de certificat. On va vous donner de la latitude, mais une fois que le mouvement sera parti, après consultation avec toutes les parties, une fois la loi en vigueur, on va insister pour que les examens soient terminés avant qu'il y ait un certificat. Nous comprenons que nous ne pouvons pas décertifier tous les gens qui travaillent tout de suite d'un jour è l'autre. Ce n'est pas du tout l'intention.

Vous avez aussi parlé d'accords de réciprocité avec les autres provinces et les

États américains. C'est justement l'esprit que sous-tend l'article 36.1. On va se diriger dans ce sens de l'accord de réciprocité avec les autres provinces et les États américains.

Pour ce qui est d'un fonds d'indemnisation, je sais que, M. Tremblay, vous avez mentionné cela par rapport aux assurances. Je n'étais pas trop sûr si c'était une question d'assurances. En tout cas, nous, en principe, philosophiquement nous ne vouions pas créer aucun fonds gouvernemental qui puisse aider les gens négligents à se dédouaner. Ce n'est pas du tout l'intention. Si c'était pour essayer de rendre le marché des assurances plus accessible, ce que je peux vous dire, c'est que votre recommandation rejoint celle de beaucoup d'intervenants dans le domaine de la pollution. En fait, par coïncidence, nous rencontrons les représentants du domaine de l'assurance la semaine prochaine, certains du ministère et moi, pour discuter de cette question que nous étudions avec eux depuis au moins un an. Ils traînent de la patte. Nous leur avons donné encore une semaine avant de prendre une décision finale pour essayer d'arriver à débloquer ce dossier qui, je le constate, est un réel problème ici et en Ontario.

Pour ce qui est d'un comité consultatif, ça fait presque l'unanimité dans vos recommandations. Naturellement, on va le considérer avec le plus grand sérieux, de façon très sérieuse. Seulement, nous semblons nous diriger, d'après les réactions que j'ai obtenues de certains intervenants - c'est du reste notre philosophie - vers un comité qui serait établi par des bénévoles plutôt que par des gens structurés avec des rémunérations, des fiches d'honoraires, etc. On voudrait quelque chose de plus flexible, de plus volontaire qui représente réellement tous les intervenants du milieu. En tout cas, on prend bonne note de ça. On pense que c'est une recommandation dans le même esprit que celle de la grande majorité des intervenants.

Pour ce qui est de la question des petites quantités toxiques, nous nous penchons sur cette question maintenant pour élaborer une politique en ce qui concerne la récupération des déchets toxiques en petites quantités. Comme vous le savez, les plus grandes quantités sont couvertes maintenant par le règlement sur les déchets dangereux. (14 h 15)

Pour ce qui est des programmes de formation de vos membres, c'est sûr que nous allons impliquer les intervenants. En ce moment, il y a des négociations qui se poursuivent avec le ministère de l'Éducation, le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science, qui est une extension du ministère de l'Éducation. Ces négociations ont démarré il y a un bout de temps déjà, mais il est

certain qu'on va impliquer les intervenants dans le processus; en effet, ce sera l'esprit de la chose de les impliquer, parce que cela les concerne de plus près.

J'aimerais vous poser quelques questions maintenant, parce que je pense que vous représentez un secteur qui est peut-être, de tous les secteurs, celui qui est le plus émotif par rapport au public. Il y a des représentations qui nous ont été faites de façon presque viscérale par des gens qui nous ont écrit des mémoires - et certains ne paraissent pas ici - tout le secteur urbain, tout le secteur de l'horticulture. Il y en a même qui disent: On ne veut plus permettre la présence de pesticides - appelez cela produits antiparasitaires - herbicides, etc., dans les villes. Il y en a qui disent: II faudrait prendre des mesures presque drastiques pour réduire les applications. Il y en a qui disent: II faudrait avoir des mesures, comme par exemple celles prises par Dollard-des-Ornneaux, de préavis à des voisins ou à des gens, de l'affichage avant et après. Je réalise que vous voulez responsabiliser vos membres pour qu'au sein de votre fédération il y ait une utilisation rationnelle et qui recherche des moyens alternatifs.

Mes questions sont celles-ci: Quelle est votre réaction au public qui dit: C'est bien mieux de laisser les pissenlits pousser sur les gazons. La moindre utilisation des pesticides est néfaste à la santé, donc il faudrait essayer d'aller dans la direction de l'abandon. C'est ma première question. Ma deuxième: Est-ce que votre fédération recherche des moyens alternatifs aux produits chimiques?

M. Tremblay (Jean): M. le ministre, tout d'abord, vous nous avez qualifiés de gens émotifs.

M. Lincoln: Pas vous.

M. Tremblay (Jean): Non? D'accord.

M. Lincoln: Non. Excusez. Je dis: Les gens qui nous ont écrit par rapport aux associations et professionnels qui s'occupent de la question d'horticulture. Ils réagissent à vos opérations, à vous comme utilisateurs, de façon très émotive. Dans toutes les villes, à un moment donné, c'est devenu une question très émotive. Il y a des groupes qui se forment, il y a des gens qui disent: On ne veut plus que cela se passe dans les villes. C'est cela que je voulais dire; pas vous, non.

M. Tremblay (Jean): La première des choses, vous me demandez, en fin de compte, si les traitements qu'on fait sont pertinents. En tout cas, je l'interprète de cette façon. Ce serait l'équivalent de dire: Pourquoi tondons-nous nos gazons? C'est une question d'esthétique, c'est une question d'embellissement et d'harmoniser les matériaux inertes avec la végétation. Le but de l'entretien des espaces verts est effectivement de garder cet aspect esthétique. Il y a le fait aussi - on le dit souvent - que c'est la mode. L'horticulture progresse tellement vite qu'il y a de nouveaux services, de nouvelles techniques, de nouveaux produits qui arrivent sur le marché. C'est comme dire: Pourquoi les hommes, il y a dix ans, ne portaient pas de rose, puis aujourd'hui en portent? C'est une question aussi d'esthétique, et j'insiste là-dessus, cela en relation avec les gazons.

D'autre part, pour ce qui est des mesures alternatives, on est d'accord avec cela. Si elles sont disponibles, oui, on va les prendre, parce que notre principal objectif et notre raison d'être - on le répète et on l'a cité à plusieurs occasions - c'est la qualité de vie, l'embellissement du milieu de vie. Par définition, si on est capable d'utiliser des produits ou des mesures alternatives qui vont rendre les mêmes services, on est prêt pour cela. Tout le monde est pour la vertu. Qu'est-ce qu'on ferait dans ce sens? On serait prêt à collaborer, je pense, et c'est la volonté de l'industrie de s'impliquer dans la recherche, d'aider à évaluer des moyens pour trouver des mesures alternatives. Cependant, on demande une loi depuis 1983. On l'a aujourd'hui, peut-être à la suite de pressions de la part du public, qui regarde bien souvent l'utilisation des produits. Il faut être réaliste. Celui qui fait l'entretien des espaces verts, dans son camion, en arrière, utilise moins de 1 % de produits antiparasitaires. Ce ne sont pas des concentrations énormes, d'autant plus que 90 % à 95 % des produits utilisés en horticulture sont biodégradables.

Maintenant, pour ce qui a trait à l'affichage, on est d'accord pour l'affichage sur les lieux publics, mais sur tes lieux résidentiels, i! faut que ceia soit fait à la demande du client. Si on l'oblige, je pense que cela peut amener un certain nombre de circonstances farfelues, entre autres, quand il va s'agir de laisser l'affiche là pendant... Prenons l'exemple d'un résident de quartier qui est parti en vacances. On lui met une affiche et elle est là pendant deux semaines. C'est peut-être non seulement un avertissement comme quoi qu'on a épandu des produits antiparasitaires, mais c'est peut-être aussi que l'on va avertir les gens: Écoutez, ils ne sont pas là, donc, c'est un bel endroit pour les criminels. Cela, c'est une chose.

Il y a aussi le fait que l'on n'utilise pas toujours des produits antiparasitaires lorsqu'on fait un traitement; on utilise de l'engrais. Qu'arrive-t-il, à ce moment-là, quand un client ou un voisin du client utilise ces produits ou utilise des services? Écoutez, ils sont venus faire une application et ils n'ont pas mis d'affiche!

D'autre part, qu'arrive-t-il au consommateur qui utilise les mêmes produits? Est-ce que vous allez exiger de la personne d'afficher qu'elle a utilisé un produit antiparasitaire? C'est une question qu'il faut se poser, je pense. Cependant, on est prêt, si le client le demande, à mettre une affiche, et cela va nous faire plaisir.

Il y a le fait du climat aussi. Cela veut dire que l'on suppose tout de suite au départ que le produit qui est appliqué, c'est un poison vif. Il y a toute l'hystérie qui peut être... D'ailleurs, M. Lincoln, vous venez d'en parler; je pense que vous avez vu cette hystérie. Il faut quand même dire qu'on utilise des produits en très faible quantité et que Ton n'est pas des pestiférés non plus.

M. Lincoln: D'accord. Je voudrais corriger. Ce n'est pas de l'hystérie. J'ai dit qu'il y avait une émotivité. Je pense que c'est peut-être aussi une question de méconnaissance du sujet. Il y a des gens qui, de façon tout à fait fondée, pensent que toute utilisation d'un produit antiparasitaire ne vaut pas le coup de l'embellissement et qu'à choisir entre les deux, il faudrait s'en passer. Leur point de vue est: Si un individu le veut, c'est son affaire, mais que cela ne m'affecte nullement, parce que je suis la partie innocente. Dans ce sens, l'affichage est une chose, mais il y a aussi la notion que d'autres nous ont suggéré que, même entre particuliers, si, demain matin, je me mets à arroser ma pelouse avec des produits chimiques, j'aie l'obligation d'informer mes voisins afin qu'ils prennent les mesures nécessaires ou d'utiliser des moyens sécuritaires, par exemple, ne pas le faire quand il vente, etc. Il y a la réglementation de Dollard-des-Ormeaux qui oblige les utilisateurs à donner un préavis. Est-ce que vous êtes prêts à accepter la notion d'un préavis?

M. Tremblay (Jean): Je vais laisser la parole à M. Radier,

M. Rodier: M. le ministre, je pense que dans plusieurs situations il y a eu plusieurs éléments qui ont fait en sorte qu'il y a des boules de neige qui se sont formées avec peu de chose à la base. Cela fait en sorte que quand on regarde le pourcentage d'utilisation des produits antiparasitaires en milieu urbain, qui est d'environ 2 %, comparativement è environ 85 % en milieu agricole, si le ministère de l'Environnement se penche particulièrement sur des cas aussi banals que de légiférer d'un propriétaire à l'autre, je me demande où se situe l'avant-projet de loi du ministère de l'Environnement et quelle est l'implication du ministère de l'Environnement, puisqu'on ne tient pas ou à peu près pas compte dans la loi des 85 % du reste des produits, même si on a fait une exception pour les agriculteurs. C'est aller loin, chercher le consommateur chez lui, quand on pense à l'équilibre de l'environnement. Quelle est la véritable protection de l'environnement là-dedans?

Il y a un autre élément dont il faut tenir compte. Quand on dit que les produits antiparasitaires utilisés sur les terrains privés servent à l'embellissement, c'est une chose. Ils servent aussi à la protection de l'environnement. Il y a des plantes comme l'herbe à poux ou l'herbe à puces, des orties sauvages, qui sont des plantes auxquelles plusieurs personnes sont allergiques. Plusieurs personnes ont de la difficulté à les supporter. Pourquoi est-on bien dans un milieu urbain? C'est justement parce qu'il n'y a pas la présence de ces plantes. Ceux qui ont des problèmes de rhume des foins n'ont pas ces problèmes à cause du contrôle de ces plantes, qui sont toxiques pour certaines personnes et qui peuvent même entraîner la mort. Laissez-moi vous dire que les décès, a la suite d'empoisonnement ou d'allergie à l'herbe a poux sont drôlement supérieurs au Québec, à mon avis, et de façon définitive, à ceux causés par les pesticides, car on sait que la concentration des pesticides utilisés dans nos camions est très faible. Si on faisait des comparaisons avec d'autres produits qu'on utilise à domicile, certains produits qu'on a dans notre pharmacie sont beaucoup plus toxiques et ils sont à la portée des enfants.

Je pense que le ministère de l'Environnement doit se pencher sur les vrais problèmes. Un élément est bien important, et je pense qu'on doit en tenir compte. Nous ne l'avons peut-être pas présenté d'une façon stricte, mais nous sommes d'emblée d'accord avec lui. Le Québec doit légiférer d'une façon uniforme, c'est-à-dire qu'une loi du ministère de l'Environnement, à notre avis, devrait s'appliquer à l'ensemble de la population et à l'ensemble des municipalités du Québec. Je verrais mal une loi qui s'applique en dents de scie où on permet à une certaine municipalité des droits de regard supérieurs a une autre municipalité par rapport à une loi globale qui se veut une protection globale de l'environnement québécois. Il serait logique d'aller d'emblée vers une loi globale qui s'applique à tout le monde et qui donne le même droit à tout le monde.

Dans notre industrie, il serait aussi important que nous sachions comment nous orienter à ce chapitre. Nos entreprises, qui sont des PME en passant, ne sont pas des entreprises multimillionnaires qui peuvent se permettre de changer de municipalité avec des ajouts de réglementation qui pourraient même mettre en péril plusieurs de nos entreprises advenant le cas que vous adoptiez des lois différentes d'une municipalité a l'autre. Je ne pense pas que ce soit d'emblée

la volonté du gouvernement libéral de mettre en péril des entreprises et des emplois au Québec. Dans le cadre actuel, je pense que le gouvernement tend plutôt à augmenter les emplois créés dans un certain secteur. Selon la vitalité de notre secteur, nous avons toujours su maintenir la vitalité de notre secteur avec très peu d'aide gouvernementale. Je n'aimerais pas que certaines lois gouvernementales viennent, malgré l'effort qu'on a fait, nous faire prendre des reculs. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le ministre.

M. Lincoln: Très brièvement, avant de passer la parole, M. Rodier, je ne voudrais nullement vous faire croire que ce que je dis est d'abord une intention gouvernementale. J'ai posé des questions à votre organisme, car c'est son domaine. J'ai posé des questions qui nous ont été posées, au cours de la commission parlementaire, par des intervenants assez importants. Par exemple, hier, durant l'audience qui a impliqué la Communauté urbaine de Montréal, qui couvre un bassin de population immense, toute la question de la réglementation de Dollard-des-Ormeaux a été abordée. On a suggéré que les municipalités aient le droit de réglementer plus loin que notre loi.

C'est la raison pour laquelle je vous ai posé cette question, car toute la question d'obligation d'avis, de préavis et d'affichage a été discutée à ce moment-là. Ce ne sont pas des choses que je vous suggère, que nous allons insérer dans le projet de loi. L'idée d'une commission parlementaire, c'est justement d'avoir des échanges. Comme vous représentez la fédération la plus importante de ce secteur, je me dois de vous poser ce genre de question pour avoir votre point de vue. Cela ne veut pas dire que j'indique ici que nous prendrons une position d'une façon ou d'une autre, mais certaines recommandations nous ont été faites et je voulais avoir votre point de vue, c'est tout. (14 h 30)

Je crois que vous avez tout à fait raison de dire que la loi doit s'occuper de tous les utilisateurs. J'ai déjà souligné, pour les agriculteurs et les sylviculteurs, qu'il est impossible de les inclure tout de suite, parce que c'est un domaine immense. On n'a pas les aménagements et les structures aujourd'hui, mais ils seront inclus, je vous en donne l'engagement formel. La loi le prévoit, du reste, dans le deuxième alinéa de l'article 5 et dans l'article 95. Il y a des échéanciers de prévus. On suit la même politique que les autres provinces et, en fait, on va le faire avant beaucoup d'autres provinces.

Pour ce qui est des entreprises elles-mêmes, encore une fois, je ne voudrais nullement qu'on pense que nous avons l'intention de brimer des entreprises qui oeuvrent de façon tout à fait légitime dans le Québec. Ce n'est pas du tout le sens de la chose, et jamais le ministère n'a voulu donner ce son de cloche. Il a travaillé très ouvertement avec vous. En même temps, il y a une réalité: toute la question de l'usage des produits antiparasitaires dans le milieu urbain aujourd'hui soulève beaucoup d'inquiétude de la part d'un grand nombre de citoyens venus témoigner ici. C'est en ce sens que je posais ces questions. Ce n'était pas pour faire une critique de votre organisme, de votre fédération, pour qui j'ai le plus grand respect, et du reste, après vous avoir rencontrés, j'ai témoigné de tous vos efforts pour la formation de vos membres et pour le code de bonne pratique avec lequel vous vous impliquerez avec le ministère.

Donc, je veux tirer cela au clair, afin qu'il n'y ait pas de malentendu, mais je dois souligner des points qui sont très importants, parce que les citoyens les ont amenés devant nous. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre. M. le député de Terrebonne.

M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président. Je vous salue bien. Je suis un peu impressionné par votre rapport et je trouve que vous avez attaché une grande importance à cet avant-projet de loi. Vous dites dans votre rapport que vous avez gagné vos lettres de noblesse. Vous en faites encore une démonstration aujourd'hui. Vous savez comment faire. Vous gagnez vos lettres de noblesse en venant en aussi grand nombre.

Votre mémoire a une qualité remarquable. Il est très étoffé et bien documenté; le nombre de représentants est impressionnant pour venir le défendre et appuyer vos représentations. Aussi, je pense que vous êtes le seul groupe qui a eu la bonne idée d'avoir un éclaireur qui suivait la commission de a à z pour vous informer du déroulement. C'était, je crois, pour vous quelque chose de majeur. Vous l'avez fait et la présentation elle-même est tellement bien faite qu'on ne peut que vous féliciter. Il y a quand même des faiblesses dans votre présentation.

Si j'ai bien compris - je vais prendre à peu près 30 secondes - vous avez fait une mise en garde sur l'utilisation des mots justes et des concordances avec d'autres lois, ou d'autres, pour ne pas mêler les gens. Vous insistez beaucoup sur la formation des utilisateurs et des manipulateurs. Vous offrez une coopération, une collaboration étroite au ministère. Vous demandez même l'exclusivité. Je vais vous poser des questions là-dessus. Vous avez une certaine crainte au sujet des délais pour l'obtention d'un certificat, vu que vous avez des opérations saisonnières; vous attirez l'attention là-dessus. Vous avez hâte

d'avoir des compagnies d'assurances pour assurer certaines de vos activités. Vous aimez créer un fonds mixte, on vous a dit non. Vous êtes d'accord sur la classification des produits en gros. Vous trouvez que les utilisateurs privés ont certains privilèges comparativement aux utilisateurs commerciaux et vous êtes prêts à faire la récupération des produits dans vos points de vente. En gros, ce sont les points saillants que j'ai retenus de vos interventions et de votre rapport. Il est bien fait.

Cependant, j'ai quelques petites questions à vous poser. Vous dites que vous êtes prêts à... Ah oui, il y a une chose que j'aimerais dire: c'est que je vous sens tout de même un peu inquiets et anxieux - on dirait que le mot juste serait anxieux dans ce cas - devant cet éventuel projet de loi parce que vous trouvez beaucoup de raisons de l'être. Entre autres, vous dites que 95 % de ce que vous utilisez est biodégradable, c'est pour les 5 % que l'on vous mettrait en cause et qu'on vous donnerait un tas de paperasses à faire. Je peux comprendre votre appréhension un petit peu, surtout que 85 % à 90 % de ceux qui utilisent la plus grosse quantité des produits semblent exclus du projet de loi. Selon certaines personnes, ce n'est pas tout à fait vrai, semble-t-il. Je vous comprends.

Cependant, vous insistez sur la formation et vous dites que vous êtes prêts à assurer la formation de tous les utilisateurs. Dois-je voir dans cette affirmation de votre rapport - je pourrai relever les points, si vous voulez - que vous aimeriez avoir une exclusivité sur la formation des gens qui utilisent des pesticides, soit la formation et les cours à donner? Est-ce que c'est cela que vous demandez: avoir le monopole de la formation de tous les utilisateurs? C'est ce que je peux avoir compris.

Le Président (M. Saint-Roch): M.

Tremblay.

M. Tremblay (Jean): Merci. Non, on ne demande pas d'avoir le monopole de la formation de tous les utilisateurs, loin de là. Ce qu'on veut dire, c'est que dans notre secteur, je le répète, on a développé de l'expertise avec des organismes publics et parapublics, de l'expertise en ce qui concerne l'élaboration des contenus de formation. En industrie, dans nos entreprises, on a de l'expertise aussi qui pourrait aider à la formation des utilisateurs dans notre secteur. C'est certain. Je me rappelle et je tiens aussi à vous dire une chose. C'est qu'en ce qui concerne la production, on dit que tout le secteur agricole est exempté. Mais dans notre cas, au sujet de la production horticole, nos producteurs verraient d'un oeil favorable d'être touchés par la loi en ce qui concerne de telles exigences. Ils seraient prêts â assumer cette formation et à la suivre.

M. Blais: D'accord. Je voudrais maintenant vous demander ceci. Vous nous dites dans le supplément - ce supplément était important pour nous parce qu'on ne trouve personne qui veut prendre les résidus - "Ainsi, nous recommandons que tous les points de vente des produits...". Vous avez des points de vente, comme la plupart des gens de votre métier ont des points de vente. Premièrement, est-ce que tous vos membres ont un certificat de formation? Deuxièmement - cette question n'est pas fine, mais je vais vous la poser quand même - vous insistez sur la formation et ta compétence. C'est de bon aloi et je vous crois là-dessus. Une chance.

Dans Le Soleil, le 14 février, il y avait une demande... On demande: "Service de traitement de pelouse". C'est une offre d'emploi. Nulle part, on n'indique que les gens doivent connaître les pesticides. Les qualités requises sont: dextérité manuelle, dossier de conducteur parfait, esprit d'équipe, capacité d'un effort soutenu de 60 heures par semaine, expérience ou étude en agriculture; salaire intéressant. Je vous crois, car c'est probablement un oubli. C'est le Centre Jardin Hamel.

C'est peut-être un oubli, et je le prends comme tel. Mais il faut faire attention à cela, car si on parle de formation et d'éducation et que vous nous dites que vous avez la formation et l'éducation, je suis persuadé que les gens qui vont être engagés vont avoir cette formation. Mais il faudrait faire attention à cela parce que certaines personnes qui veulent peut-être vous exclure du comité "aviseur" ou quoi que ce soit se serviront de petits défauts comme cela dans la publicité pour ce faire.

Est-ce que vos membres sont tenus de demander du personnel qui a une formation? C'est ma question.

Le Président (M. Saint-Roch): M.

Rodier.

M. Rodier: Permettez-moi, M. le Président, de dire, premièrement, que c'était plus difficile d'avoir la formation avant cela parce qu'il n'y avait pas de place pour former des utilisateurs de pesticides; c'est la première chose. Permettez-moi de passer la parole a M. Hamel, qui va vous en dire plus è ce sujet.

Le Président (M. Saint-Roch): M.

Hamel.

M. Hamel (Gaétan): M. le Président, bien sûr qu'on ne peut pas exiger aujourd'hui

que des personnes détiennent un certificat d'applicateur de produits pesticides ou de produits antiparasitaires tout simplement parce qu'il n'y a pas de cours actuellement. Mais les entreprises sérieuses dans toute l'industrie horticole aujourd'hui, je pense, offrent des cours aux gens qu'ils jugent les plus aptes à suivre le cours de formation qui sera donné dans leur entreprise. Je pense que c'est le souhait de toute l'industrie horticole d'avoir des cours qui auront un minimum de standards et qui seront justement approuvés par le ministère de l'Environnement du Québec, probablement.

M. Blais: M. Hamel, vous savez que ce n'était pas méchant...

M. Hamel (Gaétan): Non, non.

M. Blais: ...mais c'était pour faire dire que vous aussi vous êtes une nouvelle organisation et je voulais vous donner l'occasion de dire que vous êtes pleins de bonnes intentions. C'est cela qui est important. Dans le passé, vous avez manifesté de bonnes intentions. Vous avez fait beaucoup d'actes qui le prouvent.

À la page 34, dans les pouvoirs du ministre, vous écrivez: Pouvoirs du ministre, "7. Pour l'application de la présente loi le ministre de l'Environnement peut: 5° conclure une entente avec toute personne ou avec toute municipalité afin de faciliter l'exécution de la présente loi." Vous voulez qu'on ajoute: "soumis à un comité consultatif". Cela nous fait percevoir que vous avez une certaine anxiété devant le pouvoir du ministre si vous voulez que sa décision soit soumise à un comité consultatif avant qu'elle soit prise. Deuxièmement, est-ce que ce serait devant les municipalités que vous avez une crainte que, d'une municipalité à l'autre, les règlements soient différents et que ce soit difficile pour vous d'accomplir votre travail?

M. Tremblay (Jean): Effectivement, dans le cas des municipalités, l'intervention de l'Union des municipalités, hier, mentionnait que d'après la loi qui sous-tend les MRC ou les municipalités, elles auraient le pouvoir de réglementer l'utilisation et la vente des produits antiparasitaires.

Dans le cas d'une entente entre le ministère et tout organisme ou municipalité, on pense qu'il faudrait que le comité consultatif puisse analyser cette entente et soumettre des commentaires sur la pertinence de l'entente conclue avec une société, une fédération ou un autre organisme dans le but de faciliter l'application de la loi. Et je reviens sur la démarche du comité consultatif. Il faut bien voir que si jamais l'industrie participait à ce comité consultatif - on ne voudrait pas être payé pour cela, au contraire - ce qu'on voudrait c'est de participer, de façon très volontaire, à ce comité et d'aider le ministère de l'Environnement dans l'applicacation et l'interprétation en toute matière en ce qui a trait à la loi comme telle.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Terrebonne.

M. Blais: Bon, écoutez, je vais vous poser une question. Vous en avez parlé tantôt, mais je voudrais avoir quelques explications pour les besoins de ceux qui nous écoutent ou qui nous liront. À la page 21, au sujet des assurances, vous dites: "Les membres de la FIHOQ profitent de cette excellente opportunité qui leur est offerte afin d'indiquer au gouvernement toute leur inquiétude face à leur difficulté de pouvoir contracter des assurances relativement aux risques de pollution. En effet, aucune compagnie, a ce jour n'accepte de couvrir, par exemple, le renversement, suite à un accident de la route, d'un camion transportant des produits antiparasitaires dilués, pour fins d'usage commercial. "Nous apprécierions donc que le gouvernement se penche sur la question afin de mieux assurer la protection de notre environnement."

Je ne doute pas que ce soit vrai, mais que vous arrive-t-il lorsqu'un accident arrive? Il en est certainement arrivé. Et qu'exigez-vous du législateur? Quelle intervention voulez-vous que le législateur fasse pour que des compagnies d'assurances qui sont des entreprises privées, de façon générale... Est-ce que vous demandez que le gouvernement invente une assurance d'État pour ces cas? Quelles sont les démarches que vous pensez que le gouvernement devrait faire?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Tremblay.

M. Tremblay (Jean): On a déjà fait des interventions auprès de compagnies d'assurances pour essayer de voir si c'était possible d'avoir un arrangement concernant les risques, en tout cas, de couvrir les risques dans le cas d'un déversement.

Je vous expliquais précédemment qu'on avait déjà fait des plans de déversement et on va également faire des ateliers d'information auprès de nos membres afin qu'ils sachent quoi faire en cas de déversement, c'est-à-dire quels sont les équipements nécessaires et ainsi de suite?

Ce qu'on aimerait du ministère c'est que, dans notre démarche déjà entreprise, il nous aide à solutionner le problème des assurances. Déjà, lors du congrès d'une des associations membres de la fédération, des représentants d'assurances sont venus nous

voir pour nous dire qu'il y avait moyen d'organiser quelque chose. Cependant, il y aurait moyen d'organiser quelque chose; donc, cela nous prendrait une assistance. Quant à savoir la formule que cela pourrait prendre, on laisse cela à la discrétion du ministère.

Cependant, ce qui serait important, en vertu du projet de loi qui est présenté et discuté sur la table, on demande que les entreprises soient assurées. Quand ce n'est pas disponible, donc, la disposition de la loi est inapplicable. Il y a le fait qu'advenant le cas qu'une entreprise fasse un déversement, par exemple dans une rivière et, en vertu de certaines dispositions de la loi, des inspecteurs sont délégués, on prend toutes les dispositions nécessaires pour pouvoir nettoyer la rivière et ainsi de suite, si l'entreprise n'est pas couverte, qui va payer, en fin de compte? On va saisir des équipements, mais est-ce que cela va couvrir l'ensemble des dommages causés par l'accident? À ce moment-là, est-ce l'État qui va couvrir le reste des paiements des frais qui sont exigibles pour dépolluer? (14 h 45)

Donc, on se pose un certain nombre de questions relatives à cela. Comment serons-nous couverts?

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Terrebonne.

M. Blais: Mon cher monsieur, vous tous, moi aussi j'ai un bâillon et des lois, mon temps est terminé. Mais je tiens à vous dire que j'ai été enchanté de la façon dont vous avez présenté votre rapport, et aussi de la façon dont vous défendez vos membres. Cela m'a fait énormément plaisir de vous recevoir. C'est un rapport de grande qualité que vous nous avez remis. Merci beaucoup.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le député de Terrebonne. M. le ministre, en conclusion.

M. Lincoln: Merci beaucoup, MM. Rodier, Tremblay et vos collègues, pour un rapport - je suis tout à fait d'accord avec mon collègue de l'Opposition - très bien présenté, très étoffé. J'espère que le ministère et vous continuerez à collaborer à un programme de formation qui représentera l'objectif du projet de loi. Merci.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Rodier, je tiens, au nom des membres de la commission, à vous remercier de votre présence et de la qualité de votre mémoire. Est-ce qu'il y a quelques remarques pour conclure?

M. Rodier: J'aurais peut-être une dernière conclusion. On parlait tantôt de la collaboration à la fabrication d'autres produits qui pourraient être des compromis aux produits antiparasitaires tel qu'homologués par le ministère de l'Agriculture du Canada. Disons que ce n'est pas notre rôle, en tant qu'industrie, de collaborer à la fabrication de produits. Par contre, on croit qu'un fonds de recherche ou de la recherche dans le domaine antiparasitaire de la part du ministère ou de la part du gouvernement comme tel pourrait nous amener de grosses économies dans l'utilisation des pesticides parce qu'on connaîtrait exactement le pesticide requis sur les plantes au moment précis. Cela va autant dans le domaine de la production que dans celui de l'utilisation domestique. Aucune recherche ne se fait actuellement sur l'utilisation des pesticides, sur la capacité d'absorption des plantes et ainsi de suite.

Merci beaucoup, M. le Président, de m'avoir donné la parole.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Rodier.

M. Tremblay (Jean): Peut-être un mot pour finir?

Le Président (M. Saint-Roch): Brièvement, M. Tremblay.

M. Tremblay (Jean): Je remercie la commission de nous avoir permis de nous faire entendre. J'aimerais souligner un petit point d'éclaircissement, ou peut-être une inquiétude. Dans tout le projet de loi, on parle des utilisateurs et des vendeurs, mais on omet le consommateur. Je pense que ce serait important qu'on puisse s'intéresser à le sensibiliser à une meilleure utilisation des produits antiparasitaires également. Merci.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Tremblay.

Je demanderais maintenant à l'Association des hôpitaux du Québec de prendre place, si vous voulez.

Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Nous accueillons maintenant les représentants de l'Association des hôpitaux du Québec et des départements de santé communautaire, à qui je souhaite la bienvenue. Je vous demanderais, pour informer les membres de la commission et le Journal des débats, de vous identifier et de vous présenter, s'il vous plaît!

AHQ et DSC

M. Montpetit (Jean-Pierre): Merci, M. le Président. Je m'appelle Jean-Pierre Montpetit. Je suis président de la division de la santé communautaire de l'Association des

hôpitaux, Je dois, dans un premier temps, vous présenter les excuses de trois membres qui devaient être ici ce matin, tout en comprenant les raisons du déplacement. Il s'agit de M. Charles Chamard, président de l'Association des hôpitaux; de M. Jacques Nadeau, vice-président exécutif de l'Association des hôpitaux, et du Dr Richard Lessard, vice-président de la division de la santé communautaire au sein de l'AHQ.

M. le Président, pour faire les présentations, à mon extrême gauche, je vous présente Mme Johanne Gélinas, chargée de projets en santé environnementale au département de santé communautaire de l'hôpital général de Lakeshore; à ma gauche, le Dr Pierre Lajoie, président du comité provincial des départements de santé communautaire en santé environnementale; a ma droite, Mme Louise Lussier, conseillère juridique à l'Association des hôpitaux; et le Dr Gilles Lagacé, directeur à la permanence de l'Association des hôpitaux.

Le Président (M. Rochefort): Bienvenue à vous tous. Sans plus tarder, je vous demanderais de nous faire la présentation de votre mémoire, en vous rappelant que vous avez au plus une vingtaine de minutes pour nous en faire la présentation.

M. Montpetit: Merci, M. le Président. M. le ministre, mesdames et messieurs les députés, membres de la commission, je désire d'abord vous remercier d'avoir accepté de recevoir les représentants de l'Association des hôpitaux du Québec. Je vous rappelle très brièvement que l'association représente environ 200 centres hospitaliers ou hôpitaux de la province de Québec au sein desquels on retrouve 32 hôpitaux qui ont un mandat plus spécifique en santé communautaire à cause de leur département de santé communautaire.

Si vous le permettez, M. le Président, je vais faire un rappel très bref du résumé du mémoire, dans un premier temps, et par la suite je demanderai au Dr Lajoie de faire une présentation plus particulière sur les six recommandations que nous vous avons formulées.

Je vous rappelle, M. le Président, que les centres hospitaliers du Québec, membres de l'Association des hôpitaux du Québec, et plus particulièrement ceux ayant un département de santé communautaire, sont conscients de l'impact déterminant de l'environnement sur l'état de santé de la population québécoise. À cet égard, la détérioration du milieu et la pollution chimique représentent une préoccupation majeure qui s'inscrit dans le champ relativement nouveau de la santé environnementale. En ce sens, l'exposition de la population québécoise aux pesticides constitue une préoccupation croissante de santé publique. Un meilleur contrôle et une gestion plus sévère des substances chimiques apparaissent donc indispensables au Québec.

L'avant-projet de loi sur les pesticides revêt, pour l'Association des hôpitaux du Québec et les départements de santé communautaire, un caractère prioritaire à cause de la toxicité élevée de ces substances et aussi un caractère symbolique pour la société québécoise dans sa lutte contre la pollution chimique. L'Association des hôpitaux du Québec souligne d'emblée son adhésion aux objectifs poursuivis par le ministre de l'Environnement pour le contrôle des pesticides. Néanmoins, elle entend témoigner des préoccupations de ses membres quant aux moyens proposés pour réaliser ses objectifs.

Dans ce mémoire, nous présentons, dans un premier temps, nos commentaires généraux sur les aspects fondamentaux de l'avant-projet de loi et son impact anticipé. Dans un deuxième temps, nous ferons une analyse critique détaillée de l'avant-projet de loi en proposant des modifications. Enfin, nous terminerons en résumant certaines recommandations concrètes pour améliorer le projet de loi, et ceci dans une perspective de santé publique et de santé environnementale. D'ailleurs, nous joignons, en annexe, un texte important, à notre avis, à caractère technique, décrivant tes problèmes causés par les pesticides.

Les connaissances actuelles sur les problèmes reliés à l'utilisation des pesticides dont nous présentons une synthèse annexée à ce mémoire obligent l'Association des hôpitaux du Québec à soumettre certains commentaires généraux quant au contexte global de l'avant-projet de loi sur les pesticides. En fait, cinq points apparaissent prioritaires pour atteindre les objectifs poursuivis par le présent avant-projet de loi. Ils sont détaillés ici non pas en termes de degré de priorité, mais davantage suivant une démarche logique. Il s'agit premièrement de l'inclusion des agriculteurs et des sylviculteurs, de l'échange d'information, de la mise sur pied d'un comité "aviseur", de la création d'un fonds de recherche et du rôle des départements de santé communautaire face à la problématique des pesticides.

L'avant-projet de loi sur les pesticides soustrait les agriculteurs et les sylviculteurs qui utilisent des pesticides pour les fins de leur exploitation à l'obligation de détenir un permis. Certaines autres dispositions de la loi, notamment l'exigence d'un certificat de compétence, ne s'appliquent pas à ces deux groupes. Le gouvernement se réserve toutefois le pouvoir de les y soumettre par règlement. Or, si l'on considère que l'agriculture et la sylviculture réunissent à elles seules plus de 90 % des employés applicateurs de pesticides et utilisent plus de 85 % de tous les pesticides vendus au Québec, force est de reconnaître que la

portée de la loi est restreinte è une infime portion d'intervenants. Dans ce contexte, il nous apparaît fondamental que les agriculteurs et les sylviculteurs soient directement visés par le projet de loi sur les pesticides plutôt que par voie de règlement.

L'avant-projet de loi prévoit la cueillette systématique d'informations sur la vente et l'utilisation des pesticides au Québec, par le biais de registres et de bilans. Il s'agit là d'un aspect extrêmement positif. Cependant, l'avant-projet de loi est peu explicite en ce qui concerne la diffusion de cette information de première valeur.

Il y a aussi lieu de souligner l'aspect positif de la section II, chapitre IV, de l'avant-projet de loi concernant le pouvoir d'ordonnance du ministre de l'Environnement dans certaines situations d'urgence environnementales et sanitaires. Cependant, soulignons le fait qu'aucune obligation n'est faite à quiconque de déclarer les incidents et les accidents reliés aux pesticides et constituant une menace pour l'environnement et la santé publique.

Il serait donc souhaitable qu'une des priorités du ministre de l'Environnement concerne l'échange d'informations précises, rapides et complètes sur les éléments suivants: premièrement, pour les divers territoires, sur les produits utilisés composition chimique, toxicité, quantité utilisée - sur les principaux utilisateurs et sur les profils d'utilisation des pesticides; deuxièmement, sur l'état de contamination du milieu par certains pesticides, s'il y a lieu; troisièmement, sur les incidents et les accidents reliés a l'utilisation des pesticides et susceptibles de menacer la santé humaine; quatrièmement, sur certains projets d'importance comportant un risque d'exposition humaine, soit par pulvérisation aérienne, entretien de corridors, etc. (15 heures)

On ne peut envisager le retrait systématique des pesticides de notre environnement. Cependant, on reconnaît que leur existence présente des risques réels et potentiels; réels, parce qu'ils constituent des poisons, et potentiels, parce qu'en définitive, on connaît très peu de choses sur leurs effets. On constate néanmoins que l'avant-projet de loi ne prévoit pas de mécanisme particulier ou de structure chargée d'une telle évaluation.

En raison du caractère dynamique et évolutif des pesticides, ce dossier devrait être suivi de près par un comité composé d'experts, de représentants des organismes publics concernés et du milieu. Le rôle de ce comité permanent dans l'application de la loi serait de proposer la liste et la classification des pesticides utilisés au Québec, d'évaluer les orientations des divers programmes prévus par la loi et d'identifier les priorités de recherche et de développement en matière de pesticides.

La recherche et le développement sont deux outils à privilégier pour combler les lacunes qui existent dans nos connaissances relatives aux impacts environnementaux et aux problèmes de santé associés à l'utilisation de pesticides. Par la création de fonds de recherche, il serait possible d'accroître ces connaissances et de prévoir les risques inhérents à l'existence même des pesticides. Pour l'essentiel, ces fonds pourraient servir è identifier et connaître certaines populations exposées plus particulièrement aux pesticides: agriculteurs, applicateurs privés et publics et certains autres groupes de la population en général, à documenter sur certains risques reliés à l'exposition de ces divers groupes aux pesticides et è développer des programmes de surveillance et d'information.

Sans l'existence de tels fonds, la recherche de solutions aux problèmes des pesticides ne pourrait être assurée, alors que l'objectif fondamental poursuivi par l'avant-projet de loi vise justement à réduire les risques que comporte l'utilisation des pesticides.

Les départements de santé communautaire, qui sont responsables au niveau sous-régional sur l'ensemble du territoire québécois de la mise en place de programmes de prévention, de surveillance et de protection de la santé de la population québécoise, peuvent constituer un intervenant de premier choix auprès du ministère de l'Environnement en ce qui a trait à la problématique des pesticides. En plus de posséder une expertise dans le domaine de l'environnement et de la santé, ils sont rapidement au fait des problèmes présents dans la communauté.

C'est en considérant la haute toxicité des pesticides et les danqers inhérents à leur utilisation, notamment pour la santé humaine, qu'il apparaît souhaitable de voir s'établir une approche concertée du ministère de l'Environnement et des organismes de santé publique du Québec, principalement les centres hospitaliers ayant un département de santé communautaire.

Dans cette perspective, les départements de santé communautaire devraient participer au réseau d'échange d'information sous l'égide du ministère de l'Environnement, notamment en fournissant des analyses et des études au soutien des pouvoirs d'intervention du ministre. De même, les départements de santé communautaire constitueraient un interlocuteur privilégié auprès du ministre pour le conseiller dans les mécanismes de coordination des recherches au sein du comité "aviseur". Au surplus, ils pourraient, en bénéficiant de fonds de recherche, prévus en vertu de cette loi, mener à terme des recherches d'envergure, notamment sur le développement des connaissances relatives

aux impacts des pesticides et sur des actions préventives.

Tout au long de son mémoire, l'Association des hôpitaux du Québec a voulu mettre de l'avant la nécessité de promouvoir un système adéquat de protection de la santé, face à l'utilisation des pesticides. Dès lors, il nous apparaissait essentiel de chercher, non seulement par des mesures de contrôle et de surveillance, que ce soit des permis, des certificats ou des ordonnances, mais également par des mesures de prévention et d'information par le biais d'études, de recherches et de publications, des mécanismes adaptés à cette problématique d'envergure.

Nous espérons avoir suffisamment exprimé que l'absence de contrôle et de surveillance ainsi que les lacunes dans l'acquisition et l'échange des connaissances et des renseignements relatifs è la vente et à l'utilisation des pesticides au Québec représentent une situation inacceptable d'un point de vue de santé publique. C'est pourquoi nous pressons ardemment le gouvernement du Québec de poursuivre l'adoption d'une loi sur les pesticides.

À cette fin, forte de son appui à l'avant-projet de loi, l'Association des hôpitaux du' Québec émet les recommandations suivantesî 1° que les agriculteurs et les sylviculteurs soient soumis aux dispositions de la loi; 2° que le rôle des centres hospitaliers ayant un département de santé communautaire soit affirmé, notamment dans le soutien d'expertises qu'ils peuvent fournir; 3° que le ministre bénéficie des conseils d'un comité "aviseur" sur les pesticides, tant pour la classification et la nature des recherches que pour l'octroi des subventions de recherche; 4° que le ministre prévoie des fonds de recherche pour développer et promouvoir le concept de la santé environnementale; 5° que le ministre assume un transfert adéquat des données et des informations sur les pesticides aux fins de l'éducation et de l'information de la population; et, finalement, que des modifications telles que présentées dans nos commentaires particuliers soient apportées en conséquence aux articles de l'avant-projet de loi.

Avec votre permission, M. le Président, je demanderais au Dr Lajoie d'expliquer davantage chacune de ces recommandations.

M. Lajoie (Pierre): Merci, M. le Président. En fait, je vais prendre les quelques minutes qu'il nous reste pour, peut-être, renforcer la pertinence des différentes recommandations qui viennent de vous être faites.

La première, et peut-être la plus fondamentale, concerne l'inclusion de groupes impartants d'utilisateurs, c'est-à-dire les agriculteurs et les sylviculteurs. Jusqu'à maintenant, on a beaucoup parlé du nombre d'individus concernés et aussi de la quantité relative de pesticides utilisée. Il y a d'autres éléments qui militent en faveur d'un contrôle beaucoup plus sévère qui inclurait les agriculteurs et les sylviculteurs, et c'est l'impact potentiel de l'utilisation des pesticides en agriculture et en sylviculture.

En dehors du nombre d'agriculteurs et de sylviculteurs, il faut bien se rendre compte que, en rétrospective, les problèmes qui sont reliés à l'utilisation des pesticides sont souvent le fait d'une utilisation massive dans ces domaines, c'est-à-dire dans les domaines de l'agriculture et de la sylviculture. Qu'on pense, notamment, à la contamination de l'eau potable. Il y a aussi de plus en plus d'études qui démontrent que les fermiers et les familles des fermiers seraient plus au risque d'un certain nombre de pathologies importantes. Je fais allusion à des études américaines et européennes importantes.

Aussi, actuellement, il y a un nombre important de substances chimiques, de pesticides utilisés par les agriculteurs qui sont très problématiques et dont l'utilisation nécessite un contrôle plus sévère.

Dans la confection de notre mémoire, nous avons aussi évalué la faisabilité de l'inclusion des agriculteurs et des sylviculteurs, parce qu'il nous semblait que c'était là une pierre d'achoppement importante à l'inclusion systématique des agriculteurs, et nous avons cherché un point de comparaison. Celui qui nous semblait le plus logique était le certificat qui est décerné aux chasseurs et qui exige le suivi d'un programme de formation. Les statistiques qui sont disponibles concernant ce programme de formation des chasseurs ont tendance à démontrer qu'il s'agit là d'un programme de formation qui est faisable. Le programme de certification des chasseurs -qui remonte, je pense, è plus d'une douzaine d'années - a permis l'émission d'environ 1 200 000 certificats de chasseur jusqu'à maintenant. Il y aurait actuellement autour de 500 000 certificats en vigueur et, chaque année, il y aurait une émission systématique de 40 000 nouveaux certificats de chasseur qui impliquent nécessairement un programme de formation. La certification donnée aux chasseurs vise les mêmes objectifs que pourrait viser la formation des agriculteurs et des sylviculteurs, c'est-à-dire la prévention en ce qui concerne la sécurité pour les uns et la santé pour les autres. Donc, l'inclusion des agriculteurs et des sylviculteurs nous apparaît faisable.

Je voudrais aussi renforcer le rôle ou la pertinence d'inclure davantage les départements de santé communautaire dans les objectifs et les moyens prévus par la loi. En fait, l'inclusion des départements de santé communautaire, ou leur plus grande

implication, est basée sur des responsabilités légales qui existent déjà en vertu de la Loi sur la protection de la santé publique. Les problèmes de santé qui sont reliés à l'environnement, et notamment aux pesticides, tombent sous le coup de cette responsabilité. Les départements de santé communautaire ont comme rôle de protéger la santé de la population, bien entendu, de prévenir et aussi de promouvoir la santé. Mais en ce qui concerne, de façon prioritaire, la Loi sur les pesticides, c'est peut-être le premier volet qui nous paraît prioritaire, c'est-à-dire une protection adéquate de la santé de la population. Une protection adéquate implique deux éléments importants, c'est-à-dire une surveillance adéquate et une intervention adéquate. Pour exercer une surveillance adéquate, une information de base sur les pesticides utilisés, le profil d'utilisation qui en est fait par les utilisateurs, est tout à fait indispensable. C'est cette motivation qui sous-tend plusieurs recommandations qu'on retrouve dans notre mémoire.

Pour ce qui est du fonds de recherche, je pense qu'il y a lieu de noter qu'actuellement, la recherche concernant les pesticides et la surveillance n'est pas d'emblée admissible en ce qui concerne les divers programmes qui existent déjà. Si on veut développer des programmes de surveillance et de recherche conjoints, qui impliquent et l'environnement et la santé, on devrait peut-être penser à mettre sur pied un fonds qui financerait de tels projets. Différentes hypothèses de financement devraient être évaluées, y compris la participation de fabricants ou d'utilisateurs.

Finalement, vu que le temps est écoulé, j'aimerais rappeler que les départements de santé communautaire considèrent le projet de loi qui est à l'étude aujourd'hui comme un projet important qui est de nature è faire évoluer de façon notable la collaboration entre le ministère de l'Environnement et les départements de santé communautaire.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre.

M. Lincoln: M. Montpetit, Dr Lajoie et tous vos collègues, on vous remercie beaucoup d'être venus. Dr Lajoie, je pense que c'est la deuxième fois que vous vous présentez devant la commission. Cela montre l'importance que vous accordez au sujet. Il va pas sans dire que toute la question des pesticides dans l'environnement est intimement reliée, tout d'abord, à la santé, à la qualité de vie des gens, et ce que nous recherchons tous est d'éviter que la qualité de vie des gens, et surtout la santé individuelle, soient affectées par tout produit qui pourrait être utilisé de façon déraisonnable, ou utilisé, point, à la ligne.

Nous sommes très conscients de votre implication dans ce dossier, de votre intérêt très particulier.

Je voudrais passer en revue quelques-unes des recommandations et des observations les plus importantes que vous avez faites. Peut-être que si vous avez des questions par la suite auxquelles mes remarques n'ont pas répondu, vous pourrez me les poser.

Pour ce qui est des agriculteurs et des sylviculteurs, je pense que chaque groupe ici a apporté les mêmes observations; donc, on les prend très au sérieux. Ils sont inclus aujourd'hui dans la loi, mais comme vous l'avez souligné vous-mêmes, ce sera par une réglementation spécifique qui va les toucher, pas au début de la mise en vigueur du projet de loi, mais selon un échéancier qu'il reste è établir. On commence déjà à discuter de l'échéancier avec les agriculteurs; on a parlé du début de 1990. Pour ce qui est des sylviculteurs, cela va se fera sans doute cette année. Ce qui arrive, c'est qu'il nous est impossible d'inclure ce secteur au départ, parce que l'importance du secteur, étendu sur le territoire, nous force à le faire de façon plus graduelle avec le concours des ministères sectoriels concernés. Nous avons déjà des ententes avec le ministère de l'Agriculture et celui des Forêts. Nous avons déjà commencé des négociations avec les agriculteurs. En fait, Dr Lajoie, la suggestion que vous faites par rapport à la Fédération des chasseurs a déjà été faîte par un autre organisme, SVP, qui a apporté le même exemple. C'est un exemple qui mérite d'être suivi. En fait, nous avions suggéré à l'Union des producteurs agricoles, qui est l'organisation principale des agriculteurs, de se charger elle-même de prendre le leadership des cours d'entraînement et de formation de ses membres. L'UPA avait d'abord accepté; après, elle s'est récusée un peu. Elle a dit qu'elle voulait travailler de concert avec le ministère pour le faire. Nous offrons déjà des cours de formation par l'entremise du ministère de l'Environnement, naturellement, mais aussi des autres ministères concernés, surtout le ministère de l'Éducation, le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science et le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, où nous espérons établir des cours de formation. Je peux vous donner l'engagement formel que ceux-ci vont inclure les agriculteurs et les sylviculteurs. En vue de toutes les recommandations qui nous ont été faites, je pense que nous allons considérer très sérieusement la reformulation du texte de l'article 5 afin d'éclaircir cette question, afin qu'il n'y ait aucune équivoque, que les agriculteurs et les sylviculteurs soient inclus. En tout cas, je peux vous dire que c'est le sens de leur compréhension. Ils l'ont confirmé bien clairement à la commission parlementaire.

(15 h 15)

Pour ce qui est des rôles des centres hospitaliers au sein de la loi et des départements de santé communautaire, encore une fois, on ne peut qu'être d'accord avec vous là-dessus: c'est un élément essentiel. Comme vous devez sans doute le savoir, il y a un protocole d'entente entre le ministère de l'Environnement et le ministère de la Santé et des Services sociaux parce qu'il y a tellement de matières qui nous touchent de près que nous avons préparé ce protocole d'entente entre nous qui inclut une dimension très impartante à propos des pesticides, une dimension spécifique sur les pesticides. Je ne peux pas vous dire aujourd'hui si on peut inclure une mention dans le projet de loi lui-même, mais, de toute façon, nous allons songer sérieusement à impliquer et à élaborer un rôle pour les centres hospitaliers et les départements de santé communautaire, au moins dans le protocole d'entente par rapport aux pesticides. Il sera peut-être plus flexible parce qu'on pourra le changer, y ajouter, etc., beaucoup plus facilement. En tout cas, on le fera en collaboration avec le ministère de la Santé et vos organisations.

Pour ce qui est de toute la question de la recherche, beaucoup d'intervenants ont encore abordé cette question. C'est sûr que sans la recherche de méthodes alternatives, sans la recherche d'une implication sur la santé, le projet de loi ne se tient pas par lui-même. Il faudra procéder à un objectif poussé de recherche. Il faudra travailler ensemble pour essayer de trouver des moyens de faire de la recherche. La loi nous donne le pouvoir de faire de la recherche. II faudra trouver ensemble des façons de le faire, des mesures budgétaires et financières et, certainement, nous prenons cette recommandation avec beaucoup de sérieux.

Pour ce qui est de l'information et de l'éducation du public, là aussi, on ne peut pas ne pas être d'accord avec vous à 100 %. Sans la sensibilisation du public... je pense que c'est un volet essentiel de toute initiative en ce sens. Un plan de sensibilisation et de communication est déjà prévu, est déjà en voie d'élaboration pour diffusion parmi le public. Il recevra aussi beaucoup de collaboration de la part du ministère de la Santé et des ministères impliqués, et c'est avec plaisir que nous vous impliquerons, tous les départements de santé et les centres hospitaliers, les organisations de la santé, dans ce travail, et nous consulterons à cet effet.

Pour ce qui est des modifications que vous avez suggérées à la loi, j'aimerais toucher à une ou deux qui sont particulièrement intéressantes. Par exemple, vous avez proposé que nous ajoutions une notion dans l'article 55, pour éviter un dommage à la santé, que nous mettions l'accent là-dessus. Nous allons certainement considérer cela de façon très sérieuse. Il y a une autre disposition que vous avez suggérée: quiconque vend ou utilise un pesticide doit informer immédiatement le ministre de toute émission, dépôt, etc., susceptible de causer un dommage à la santé ou à l'environnement. Là aussi, nous pensons que, certainement, cette suggestion devrait être étudiée très sérieusement pour voir si on pourrait l'inclure quelque part.

Pourriez-vous nous dire si vous pariez de quelque chose qui s'est déjà passé? Parlez-vous d'un événement auquel vous vous attendez, quelque chose d'assez grave où des pesticides seraient impliqués, ou parlez-vous de quelque chose d'accidentel qui s'est déjà passé? À ce moment-là, la personne est obligée d'aviser le ministère. C'est que, naturellement, on ne voudrait pas avoir une foule d'avis de tous les gens qui se servent des pesticides; on deviendrait fou.

M. Montpetit: Si vous le permettez, M. le Président, le Dr Lajoie va répondre.

M. Lajoie: En fait, quand on a fait cette recommandation, on pensait à toute une série d'incidents qui ont souvent fait la première page des journaux, ou encore à des incidents qui surviennent dont on est au courant et qui ne sont pas, à notre avis, l'objet d'une intervention adéquate. Dans certains domaines d'utilisation - on pense, entre autres, à l'application aérienne de pesticides sur de grandes surfaces agricoles -des cas sont rapportés où il y a eu des expositions accidentelles de la population avoisinante dans certaines maisons où, en fait, le problème a été pris en charge très tardivement par les responsables de la santé. Une évaluation a été faite par les gens de l'Environnement. Ordinairement, ce sont plus des découvertes factuelles. Il n'y a pas de déclaration systématique de ces cas, et cela nous apparaît comme un prérequis fondamental pour qu'on puisse gérer ces situations d'urgence, autant dans le domaine de l'environnement que dans celui de la santé.

M. Lincoln: Pour ce qui est des arrosages aériens, la loi prévoit aujourd'hui que, pour les arrosaqes autres que ceux qui sont de nature agricole, on est obligé d'avoir une autorisation du ministère. Nous faisons un suivi de cela. Dans le secteur agricole, pour les raisons de la Loi du zonage agricole et d'autres, il n'y a pas d'obligation dans ce secteur. Ils peuvent faire des arrosages aériens. Là, il y a eu des recommandations afin de voir si la loi sur les pesticides pouvait couvrir cela. On va regarder cela, mais je ne peux rien vous promettre. Cela demandera des négociations avec le monde agricole. II est déjà établi aujourd'hui qu'ils n'ont pas besoin d'autorisation, mais on va

regarder ces recommandations de près. Je vais certainement en discuter avec mon collègue.

M. Lajoie: M. Je Président.

Le Président (M. Rochefort): Oui.

M. Lajoie: Pour préciser davantage, en fait, on ne remet pas en question l'utilisation des pesticides par pulvérisation aérienne. En fait, cette suggestion propose qu'à l'intérieur d'un programme qui peut être par ailleurs adéquat, il y a une exposition accidentelle de la population et une contamination de l'environnement, les responsables et de l'environnement et de la santé publique soient avertis de ces faits pour qu'ils les gèrent adéquatement.

M. Lincoln: Auriez-vous des questions avant que je cède la parole à mon collègue? Je crois que je suis tout à fait au courant des points principaux de votre dossier. Il va être pris avec le plus grand sérieux, M. Lajoie et M. Montpetit, je veux vous en assurer.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le député de Terrebonne.

M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président. Je comprends que le ministre ait posé peu de questions parce qu'on voit que votre rapport est fait par des professionnels. Il est très clair et on comprend bien ce que vous voulez dire au législateur. Quand on l'a étudié, je l'ai bien étudié moi aussi, les questions sont moins nombreuses. Je vous félicite du rapport. Cependant, je voudrais vous poser une question, et mon confrère de Jonquière en aurait quelques-unes aussi à vous poser.

Je veux vous féliciter pour une recommandation d'une façon toute particulière. C'est le premier rapport qui insiste autant sur la création d'un fonds à la recherche. Je trouve cela d'une importance capitale. De la manière dont vous le traitez, on voit que vous trouvez que c'est d'une importance capitale aussi.

À la page 6 de votre rapport, vous dites: "La recherche et le développement sont deux outils à privilégier pour combler les lacunes qui existent." Vous notez aussi que la création d'un fonds de recherche rendrait possible l'accroissement de nos connaissances pour que les risques soient moins grands, etc. Vous dites, au dernier paragraphe: "Sans l'existence d'un tel fonds, la recherche de solutions aux problèmes des pesticides ne pourra être assurée, alors que l'objectif fondamental poursuivi par l'avant-projet de loi vise justement à réduire les risques que comporte l'utilisation des pesticides."

Par ce paragraphe, je vois que vous aimeriez insister pour que, dans ce projet de loi, il y ait vraiment des articles qui créent un fonds de recherche, et je suis d'accord avec vous là-dessus. Je vais cependant vous demander une chose. C'est bien sûr que vous représentez le côté curatif et, dans votre fonds de recherche, vous montrez l'angle curatif du fonds de recherche. J'aimerais vous demander si ce ne serait pas de bon aloi que le côté préventif dans la recherche soit là aussi pour que les pesticides soient éliminés de plus en plus, ce qui n'est pas l'objet de cette loi. Cela règle le côté de l'utilisation sécuritaire des pesticides, mais cela ne règle pas une diminution éventuelle de l'utilisation des pesticides. La recherche seulement pourrait nous permettre de réduire la quantité utilisée. Je vous demande d'abord si vous aimeriez aussi que ce volet - parce qu'il n'est pas indiqué - soit la responsabilité du fonds de recherche. Une question plate, mais que j'ai posée à tout le monde: D'où proviendraient les sommes pour ce fonds de recherche? Et, la question plate est la suivante: Nous demandons aux gens s'ils conseillent au législateur de mettre une taxe spéciale sur les pesticides pour alimenter ce fonds de recherche.

M. Montpetit: Si vous le permettez, M. le Président, une première nuance qu'il faudrait peut-être apporter quand vous dites... Si vous me dites que la perception que vous avez quant à notre recommandation pour le fonds de recherche vise le curatif plutôt que le préventif, je pense que la volonté de l'association était tout à fait le contraire. Le groupe qui nous a précédés tantôt a dit une chose qui m'a semblé très fondamentale et qui, je pense, illustre très bien le problème auquel on est confronté. Le groupe qui utilise actuellement les pesticides est venu vous dire tantôt qu'on ne sait pas comment fonctionnent ces produits; tantôt, c'est un peu ce qu'on vous a dit. On donne des cours de formation, sans nécessairement comprendre les problématiques associées aux produits qu'on utilise.

Il est évident que le but visé par cette recommandation est d'une portée beaucoup plus préventive que curative. Pour le curatif, je pense qu'on a déjà suffisamment de ressources su Québec dans le réseau hospitalier pour s'en occuper, une fois que l'accident s'est produit, sauf qu'on voudrait, par le biais de la recherche... Tantôt, on a fait allusion à des produits substituts. Est-ce qu'il y a possibilité de produire des produits substituts? On ne le sait pas. Le niveau de connaissance actuel du danger quant à l'utilisation des pesticides est très mince, de sorte qu'assez souvent, on ne sait même pas avec quoi on joue. Pour répondre à la première partie de votre question, le but était vraiment de la recherche du type

préventif plutôt que curatif. L'autre question...

M, Blais: Excusez-moi... M. Montpetit: Oui?

M. Blais: Vous voulez dire que le curatif est par la formation, d'après ce que vous me dites, et la recherche serait pour le préventif. C'est un peu cela?

M. Montpetit: Pas tout à fait.

M. Blais: Le curatif serait fait par la formation de ceux qui les utilisent, ceux qui les vendent et ceux qui les manipulent.

M. Montpetit: Oui.

M. Blais: Et en gros, le préventif serait fait par la recherche?

M. Montpetit: Oui, oui. Si vous voulez. M. Blais: D'où proviendraient les fonds?

M. Montpetit: Évidemment, la question est bien posée, bien plantée. Comme association d'établissement, on n'a évidemment pas la prétention d'avoir la solution. C'est sûrement une décision qui devra être prise à la lumière de toutes sortes de commentaires qui vous ont été formulés. Il existe certains modèles de mise en commun de fonds de recherche qui ont été établis dans le passé en tenant compte de certains autres textes législatifs qui ont fait que, par exemple, on a imposé dans la vente du produit, soit sous forme de taxe, soit sous forme de redevance auprès du fabricant, l'identification d'un montant d'argent qui devenait disponible pour la recherche. Actuellement, on est un peu, je dirais presque exclusivement prisonnier des états de recherche qui sont publiés par les fabricants. Je ne veux pas nécessairement mettre en doute la compétence et la pertinence des rapports qui nous sont produits. J'ai toujours préféré, lorsque je fais face à des mesures préventives, être un peu plus neutre pour porter un jugement sur un rapport qui m'est produit par mon vendeur plutôt que de dire: Oui, j'ai une foi absolue dans ce qu'on peut m'affirmer à un moment donné.

M. Blais: Merci. Je vais céder la parole au député de Jonquière, M. Dufour.

M. Dufour: Je vais continuer sur la même lancée que le député de Terrebonne, le porte-parole officiel, concernant le fonds de recherche. Est-ce que, è votre point de vue, ce fonds de recherche devrait être consacré exclusivement aux recherches concernant les pesticides ou les produits antiparasitaires?

M. Montpetit: M. le Président, si vous le permettez, le Dr Lajoie va y répondre. (15 h 30)

M. Lajoie: Dans le cadre du projet de loi sur les pesticides, il nous apparaît tout à fait évident qu'il y a matière à établir un fonds de recherche. Par contre, théoriquement, les pesticides font partie d'un éventail, d'un champ beaucoup plus vaste qui est celui de toutes les substances qu'on utilise dans notre environnement. À ma connaissance, actuellement, il n'existe pas de fonds ou de programme systématique pour faire de la recherche ou de la surveillance au regard de l'ensemble de ces substances chimiques. Bien entendu, il y a un peu de recherche commanditée faite par les divers ministères. Éventuellement, cela pourrait être faisable d'élargir la notion d'un fonds de recherche sur les pesticides à celle d'un fonds de recherche sur les substances chimiques en général.

M. Dufour: Si je comprends votre... Est-ce que vous avez terminé?

M. Lajoie: En fait, j'aimerais peut-être revenir sur l'aspect préventif et sur la pertinence d'établir un fonds de recherche. Comme il a été mentionné précédemment, il n'existe pas actuellement de véritables incitatifs à développer des options qui se rapprochent davantage de la nature, des options biologiques, entre autres. C'est un problème qui a été vécu de façon très nette, je pense, dans le programme d'arrosage aérien contre la tordeuse des bourgeons de l'épinette. C'est-à-dire qu'il y avait, théoriquement, une substance chimique, le BT, qui, aujourd'hui, est utilisée de façon massive, mais qui, il y a quelques années à peine, était considérée un peu comme une option irréaliste parce qu'il n'y avait pas eu assez de recherches appliquées sur cette substance pour pouvoir en faire un programme d'intervention efficace. On s'aperçoit, en rétrospective, que c'était une option qui n'était pas si irréaliste. Les lois du marché font qu'il n'y a pas, naturellement, d'investissements sur la recherche d'options. Un des aspects préventifs d'un tel fonds pourrait être de commanditer, de forcer la recherche au regard de ces options.

En ce qui concerne le financement, je pense que la participation des utilisateurs, des fabricants est un aspect important, qui est d'ailleurs vécu dans d'autres programmes, comme en santé et sécurité du travail. Il existe un Institut de recherche en santé et en sécurité du travail où les employeurs, à même des cotisations, font de la recherche et des programmes. On peut penser que dans

le domaine environnemental plus large, il y a des modes de financement qui pourraient être similaires et pourraient s'appliquer.

M. Dufour: En fait, si on favorisait un fonds particulier concernant les produits, les pesticides comme tels, cela pourrait aussi faire que l'on oublie d'autres préoccupations, parce que cela fait partie d'une chaîne complète. Quand on parle de pesticides, on parie de toute la chaîne alimentaire, de toute la chaîne de dégradation et, en même temps, de l'augmentation de la qualité de la vie. On pose la question parce que l'on doute un peu, concernant l'orientation gouvernementale, depuis un an, qu'il mette beaucoup d'argent dans les fonds de recherche. Faire plus avec moins, dans ces questions, cela ne sert à rien. Il n'y a pas tellement d'argent de disponible. On doute un peu. Beaucoup d'intervenants sont venus nous dire: On devrait avoir un fonds de recherche particulier pour faire des études pour empêcher la dégradation, mais on se rend compte tout de même qu'il y a une limite.

Aujourd'hui, on se pose encore la question suivante: Est-ce qu'il y aura beaucoup de moyens financiers pour l'application de cette loi, si un jour elle est adoptée? Personnellement, je suis porté à croire que les fonds de recherche, oui, cela pourrait être intéressant, mais il y a certainement un problème, à moins qu'on prenne cela "at large" ou qu'on fasse une fondation particulière pour pouvoir obtenir ces montants d'argent. Si on taxe le produit, on voit tout le problème qui se posera. On pourrait demander une taxe spéciale sur chaque produit, pour n'importe quoi, ou presque. Donc, cela prend une volonté politique que je n'ai pas décelée encore, jusqu'à maintenant. Je trouve tout de même que l'idée est intéressante, puisqu'on éveille l'attention des gens sur l'importance ou les dangers des pesticides.

Vous offrez beaucoup aussi votre collaboration au ministère, à partir de maintenant, ou auparavant; cela dépend de ce que vous avez fait dans le passé ou de ce qui se ferait, à partir de maintenant, dans l'avenir. Est-ce que votre association a déjà eu à travailler avec le ministère de l'Environnement? Quand on offre nos services, normalement, on s'attend aussi, en retour, qu'il y ait une collaboration et qu'elle ne vienne pas juste d'un côté.

M. Montpetit: ...s'il vous plaît, M. le Président?

M. Lajoie: En fait, je dois dire qu'il existe actuellement certains exemples de collaboration entre les directions régionales du ministère de l'Environnement et certains départements de santé communautaire. De tels exemples de collaboration existent par des programmes de surveillance et d'intervention. Je pense entre autres à des problèmes de contamination de l'eau potable au Québec par certains pesticides comme l'aldicarbe dans la région de Lanaudière et aussi dans la région de Portneuf. Une collaboration a été établie entre le ministère de l'Environnement et les départements de santé communautaire concernés dans le dossier de la recherche aussi sur les pesticides. Certains départements de santé communautaire, dont le Centre hospitalier de l'Université Laval, ont entrepris des recherches pour vérifier l'impact sur la santé de l'utilisation des pesticides.

Par contre, on veut faire valoir dans notre mémoire la nécessité d'élargir cette collaboration à l'ensemble du Québec et de l'organiser de façon plus systématique.

M. Dufour: II est évident que le temps nous presse. Je ne poserai plus de questions. Je voudrais seulement en profiter pour vous remercier de la qualité de votre présentation et de la qualité de vos préoccupations quant à la santé des gens et à la santé de l'environnement, qui a également beaucoup d'effets sur les gens.

Une préoccupation vous honore peut-être aussi: c'est celle de souligner à l'attention du ministre que s'il se produit des accidents de parcours, il faudra en aviser la population. Votre groupe est l'un de ceux qui soulèvent ce point particulièrement, et je vous en félicite. Je vous remercie au nom de l'Opposition.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre, pour le mot de la fin.

M. Lincoln: Très brièvement, M. Montpetit, Dr Lajoie et vos collègues, je voulais mentionner les sujets qui sont inclus dans l'entente qui est négociée avec le ministère de la Santé et des Services sociaux et qui sera un sujet de consultation avec votre organisme, les CLSC et les DSC, dès l'été, pour vous donner un peu l'idée sur les pesticides. C'est très bref.

Les sujets seront: les choix des pesticides à contrôler et à classifier en termes de dangers pour la santé humaine; la détermination de normes pour protéger la santé publique; les données relatives à la pollution de l'environnement; les données médicales, toxicologiques, épidémiologiques reliées aux pesticides; les données sur la vente et l'utilisation des pesticides; les cas problèmes et les interventions; le développement et la mise à jour de cours de formation; et la recherche. Ce sont un peu les éléments que vous avez abordés. On va entreprendre une consultation avec vous et avec tout le service de la santé au début de l'été ou pendant l'été.

Une dernière très brève question. J'en

profite pour vous remercier à l'avance de votre collaboration et de votre mémoire fort intéressant, qui nous aidera beaucoup dans l'élaboration du projet de loi. Plusieurs ont parlé dans leur mémoire d'un comité "aviseur", un comité consultatif. Seriez-vous prêts, au nom de votre organisme, à siéger au sein d'un comité où les gens serviraient à titre bénévole?

M. Montpetit: Je puis vous assurer, M. le ministre, que nous sommes tout à fait disposés à travailler de cette façon.

M. Lincoln: Merci beaucoup.

Le Président (M. Rochefort): Sur ce, je tiens à vous remercier de votre participation à notre commission ainsi que de la contribution que vous avez apportée à nos travaux. Merci.

M. Montpetit: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Rochefort): J'inviterais maintenant les représentants du Centre de toxicologie du Québec à se présenter devant nous, s'il vous plaît!

M. Lincoln: M. le Président.

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.

M. Lincoln: Est-ce que je pourrais vous demander quelque chose? J'ai besoin de m'absenter pour une urgence durant une vingtaine de minutes. Est-ce que mon adjoint parlementaire pourrait me représenter? Dois-je demander le consentement du critique de l'Opposition?

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Terrebonne.

M. Blais: Je vous jure, M. le ministre, que, connaissant votre adjoint, je suis fier qu'il vous représente bien d'ailleurs.

M. Lincoln: Merci beaucoup.

Le Président (M. Rochefort): Donc, il y a consentement des membres de la commission.

Bienvenue parmi nous. Je vous demanderais de vous présenter, s'il vous plaît.

Centre de toxicologie du Québec

M. Nantel (Albert): Mon nom est Albert Nantel, je suis directeur du Centre de toxicologie du Québec. Le Dr Jean-Philippe Weber est avec moi, il est le chef du laboratoire au Centre de toxicologie du Québec.

Le Président (M. Rochefort): Bienvenue parmi nous à tous les deux. Je vous demanderais de nous présenter votre mémoire maintenant, s'il vous plaît.

M. Nantel: Je vous remercie. J'aimerais, si vous le voulez bien, reprendre peut-être brièvement avec vous les divers points que nous avons soulevés dans notre mémoire, non pas pour les détailler mais pour donner certaines explications sur ces points.

Disons tout d'abord qu'il n'est peut-être pas surprenant du tout qu'un centre comme le nôtre, qui s'intéresse aux problèmes des substances toxiques, soit particulièrement impliqué dans un tel projet de loi. Un centre de toxicologie se trouve entre les problèmes de santé causés par des substances comme les pesticides et les problèmes environnementaux. Je dois aussi dire que, parfois, il est au milieu, mais il peut aussi être entre deux chaises et se trouver ni sur l'une ni sur l'autre, comme on pourra le voir un peu plus tard.

J'ai établi au début du texte un certain parallèle entre le problème des pesticides et celui des médicaments, pour la simple raison que je crois que, lorsqu'il s'agit de réglementer l'utilisation de substances potentiellement toxiques, les principes prévalent facilement dans un cas comme dans l'autre, moyennant certains ajustements. Il peut être intéressant de voir comment les médicaments ont été réglementés dans notre société pour voir comment on pourrait faire la même chose pour les pesticides.

On peut d'ailleurs se demander comment il se fait que les médicaments soient autant contrôlés par divers règlements et lois depuis plusieurs décennies dans nos sociétés, alors que les pesticides commencent à peine à être contrôlés. Je pense que ceci est vrai non seulement pour les pesticides mais aussi pour l'ensemble des contaminants chimiques. On a cru pendant très longtemps que les médicaments devaient être contrôlés de façon très précise parce que leur usage prévoyait une administration à des êtres humains et que ceci présentait un danger particulier. Nous savons maintenant que beaucoup d'autres substances chimiques, même si elles ne sont pas produites dans le but d'être administrées à des humains, finissent de toute façon dans l'organisme humain et peuvent y engendrer les mêmes problèmes de santé ou les mêmes effets néfastes qu'un grand nombre de médicaments. D'ailleurs, il n'est pas surprenant non plus de réaliser que beaucoup de ces substances chimiques, ou même de ces pesticides, font aussi partie de l'arsenal thérapeutique des médicaments. Il y a donc un certain parallèle que l'on peut établir entre les deux milieux.

Ce qu'il est aussi important de retenir en ce qui concerne les médicaments c'est

que, depuis fort longtemps, on exigeait de la part des fabricants une évaluation de la toxicité des substances avant leur mise en marché. Depuis un certain temps, depuis les années soixante-dix, on a aussi exigé des fabricants qu'ils démontrent non seulement la non-toxicité relative des médicaments mais aussi leur efficacité thérapeutique, Maintenant, l'exigence est double.

En ce qui concerne les pesticides, on a fait l'inverse. On a commencé, au début, par exiger des fabricants qu'ils démontrent l'efficacité de leurs pesticides pour l'usage recommandé, et ce n'est que tout récemment qu'on a commencé à exiger de ces mêmes fabricants qu'ils évaluent la toxicité de ces substances avant leur mise en marché. C'est un peu la même chose qui est survenue dans le domaine des substances industrielles avec les lois comme la loi américaine TOSCA et la "Clinical Contaminant Act".

Donc, tout le monde accepte très bien qu'on ne pourrait pas aujourd'hui revenir en arrière et considérer que les médicaments pourraient être vendus sur le marché sans aucun contrôle. Tout le monde accepte qu'il doit y avoir des règles du jeu très strictes, qu'il doit y avoir des contrôles à différents niveaux sur l'emploi des médicaments. La même règle s'applique aux pesticides. Nous sommes tout à fait d'accord pour que le problème du passé soit corrigé, le problème qui fait en sorte que le gouvernement fédéral, par le biais d'Agriculture Canada, a un certain pouvoir de contrôle des pesticides, notamment en ce qui a trait à l'évaluation préalable de la toxicité des substances et, d'une certaine façon, de leur efficacité, de leur importation, de leur fabrication, du transport interfrontalier, mais non pas de leur usage par les utilisateurs éventuels. (15 h 45)

Le projet de loi actuel semble s'appuyer sur une certaine philosophie particulière qui part du principe que si les gens sont conscients qu'ils manipulent des substances dangereuses et s'ils en connaissent bien les dangers potentiels et utilisent des moyens adéquats, ces dangers seront écartés. On ne trouve pas, évidemment, dans le projet de loi comme tel ces principes, mais on les trouve dans le document qui a servi, semble-t-il, à l'élaboration du projet de loi. L'approche se veut donc plus incitative, une approche de responsabilisation des individus, une approche de formation, de recherche et de communication des données. Elle est certainement vertueuse et peut apporter des effets bénéfiques certains.

Il faut cependant tenir compte du fait que, en ce qui concerne les pesticides, il y a différents types d'utilisateurs. Il y a d'abord le public en général, qui, lui, utilise les pesticides à des fins, soit d'amélioration de son environnement immédiat sur le plan esthétique, ou de contrôle d'espèces qu'il juge nuisibles. Il y a aussi de qrandes entreprises et des municipalités mentionnons simplement Hydro-Québec ou le Canadien Pacifique - qui utilisent aussi des pesticides dans un volume important.

Mais il faut aussi mentionner qu'il y a des gens qui utilisent des pesticides parce qu'ils considèrent que cela fait partie de leur travail, que c'est un atout essentiel pour la productivité de leur secteur. Vous l'avez deviné, c'est le secteur agricole et sylvicole, où les règles du jeu sont très différentes. Nous nous posons donc des questions sérieuses, à savoir si la même stratégie d'approche peut être utilisée dans le cas du public en général, où une approche de type incitative et de sensibilisation pourrait être très efficace, que dans le secteur agroalimentaire, où une économie importante est en jeu, où, en tout cas la perception de l'importance des pesticides peut être très différente de celle du public en général.

Dans un autre chapitre, nous avons mentionné un peu des interrogations que nous avions au regard du texte concernant les pouvoirs du ministre. En premier lieu, nous nous questionnons sur le fait que nous ne parlons dans le texte de la loi que des pouvoirs du ministre et non pas de ses devoirs, contrairement a d'autres textes législatifs que nous avons pu voir dans d'autres milieux. On peut appliquer cette différence è des points qui sont mentionnés, notamment les points concernant la coordination des recherches. On vient de mentionner ce problème de la recherche dans le mémoire précédent. Je pense que c'est un point impartant pour la bonne raison que, même si on nous dit que le ministre peut coordonner les recherches, qu'est-ce que ceci veut dire en pratique? Le ministère de l'Environnement, qui sera certainement appelé à appliquer cette loi, est un tout jeune ministère, il est encore un très petit ministère. Ce n'est pas un ministère qui a une longue tradition de recherche, tant fondamentale qu'appliquée. C'est un ministère qui a encore des ressources très limitées et qui compte sur un très grand nombre d'autres intervenants pour voir à la mise en place de programmes de recherche, même de recherche qui lui serait nécessaire dans . l'application de ses lois et de ses règlements.

Nous sommes encore plus surpris lorsque nous voyons dans le texte que le ministre aura à promouvoir ou à coordonner des recherches semblables dans le domaine de la santé. Nous savons très bien, en pratique, quels sont les problèmes qui confrontent actuellement le ministère de l'Environnement par rapport au ministère de la Santé et des Services sociaux, tant dans la planification des programmes de recherche, des programmes de "monitoring" de l'environnement et de la santé que des programmes d'application ou de solution de

problèmes. Nous sommes, nous au Centre de toxicologie, comme je le mentionnais au début, un peu entre les deux chaises et nous vivons de façon à peu près quotidienne ces déchirements ou ces problèmes de communication et d'interaction entre au moins ces deux ministères - il y en a bien d'autres d'impliqués - dans le domaine de la recherche et des études qui doivent être faites.

Ce point soulève aussi la question de la diffusion des informations, et pour ce qui est de cette question, je pense qu'il est important que la loi précise très bien les informations qui devront obligatoirement être rendues publiques si l'on veut que la loi ait quelque impact que ce soit, puisque finalement, ce n'est que par le biais de la diffusion des informations que le public ou les intervenants seront en mesure de savoir si la loi a quelque impact, que ce soit positif ou négatif, ou si, finalement, elle n'a pas véritablement servi à grand-chose.

Un autre point sur lequel nous attirons votre attention est la différence qui apparaît dans les termes entre le document préparatoire au projet de loi et le texte de la loi elle-même concernant la vente au détail. Tout au long du document préparatoire, lorsque l'on parle de la vente de pesticides, notamment de vente au détail, on parle des vendeurs. Tout à coup, dans le projet de loi, apparaît une autre terminologie qui parle non pas de vendeurs mais de personnes qui donnent des renseignements sur l'utilisation des pesticides à la clientèle d'un détaillant. Cela peut paraître une subtilité de la langue, mais dans l'application réelle d'une telle loi, cette subtilité peut devenir un trou dans lequel s'engouffrera tout le secteur de la vente au détail des pesticides. Par ceci nous voulons dire, pour prendre un exemple concret, que si je suis le gérant d'un magasin Pascal et que j'ai un grand inventaire de pesticides allant des plus banals aux plus toxiques, je peux contourner facilement ce point en disant aux vendeurs, qui ne sont pas nécessairement attitrés à ce secteur, de ne donner aucune information aux clients éventuels, de se contenter de les laisser prendre les contenants qu'ils veulent sur les tablettes, et je viens tout simplement de m'en laver les mains.

Or, s'il y a un secteur qui posait possiblement un problème, c'était bien celui-là: le fait que n'importe qui pouvait se présenter dans divers magasins et acheter des pesticides, dans certains cas très dangereux, et en faire strictement ce qu'il voulait. Nous croyons que sur ce point, la loi risque de manquer une classe importante de la, clientèle que l'on voulait protéger contre l'abus ou le mauvais usage des pesticides.

Je passe au point suivant parce que c'est peut-être celui qui nous implique le plus comme toxicoloques, celui de la classification des pesticides. Une grande part de tout le concept qui sous-tend ce projet de loi est fondé justement sur la notion de la classification des pesticides selon leur degré de risque potentiel. C'est ce qui définira qui devra détenir un certificat, qui devra posséder un permis, quelles substances il aura le droit de vendre, d'utiliser, d'épandre, etc. Or, tant le document préparatoire que le texte de loi laissent planer l'impression qu'une telle classification est relativement simple, qu'on peut le faire avec certaines données presque arithmétiques, comme celles du calcul de la dose létale 50.

Or, nous désirons vous laisser entendre que c'est loin d'être la réalité. La classification de substances comme les pesticides dans des classes différentes est probablement l'exercice le plus difficile et le plus complexe qui soit. Ce qui frappe ici est que l'on veuille augmenter le nombre de classes de trois - tel qu'on le retrouve dans la loi fédérale sur les substances antiparasitaires - à cinq. Et là nous nous posons des questions très sérieuses, à savoir comment distinguer les pesticides de la classe 4 de ceux de la classe 5, ou ceux de la classe 3 de ceux de la classe 4, ou ceux de la classe 1 de ceux de la classe 2.

Pourquoi trois classes au fédéral? C'est très simple. En réalité, si on regarde les objectifs de la classification, ce sont les suivants: vérifier le degré de dangerosité de la substance et définir le degré de rigueur que l'on devrait observer dans le contrôle de ces substances. On les classifie, en général, de trois façons. On parle de celles qui sont peu nocives, tant pour l'environnement que pour les individus, et c'est la classe que le fédéral appelle les substances à usage domestique. On parle ensuite des substances potentiellement dangereuses pour la santé ou pour l'environnement; ce sont les pesticides d'usage commercial. Et on a été obligé de créer une troisième classe qui, dans le fond, devrait être celle des substances prohibées mais qui, pour des raisons de praticabilité, doivent rester sur le marché, par exemple parce qu'il n'existe pas d'autres possibilités pour protéger un type de récolte ou pour détruire un type de substance, d'espèce ou d'animal qui nous sont nuisibles. Ce sont donc des substances qu'on appelle substances à usage restreint, et on contrôle de façon très sévère ces substances.

Pour revenir au parallèle des médicaments, les produits à usage domestique correspondent aux médicaments que l'on peut acheter au comptoir sans prescription, les pesticides d'usages commerciaux sont ceux que l'on ne peut obtenir que par prescription et les substances, à usage restreint sont ceux qui font partie de la loi sur les substances dangereuses, de la réglementation sur les substances dangereuses. Les mieux connus

sont évidemment les substances narcotiques. On ne voit pas non plus, ni dans le texte de loi, ni dans le document préparatoire, comment cette classification sera faite, ni par qui. Comme je l'ai dit, c'est un exercice qui sera très difficile. C'est certainement un exercice qui appellera à la contestation, notamment par les fabricants. Il ne faut pas se faire d'illusions. Les fabricants de pesticides ne sont pas des compagnies québécoises. Ce sont des multinationales qui manipulent des montants phénoménaux et qui ont un pouvoir de lobbying très important.

Ceux qui ont été conscients de tout ce qui a entouré le dossier de l'alachlore au cours de l'année dernière savent très bien de quoi je parle et comment même des organismes gouvernementaux puissants, tant au provincial qu'au fédéral, peuvent avoir de la difficulté à contrôler un tel lobbying. Je pense qu'il faudrait donc être beaucoup plus concret et beaucoup plus spécifique lorsqu'on déterminera pourquoi on classifie, comment on classifie et qui classifie, selon quels critères. Sinon, on se retrouvera comme on s'est retrouvé dans d'autres domaines, comme celui de la santé au travail, où on n'a pas défini comment on allait établir les normes d'exposition des travailleurs, et on se retrouve encore en 1987 avec de vieilles normes qu'on a tirées de textes américains des années soixante-dix.

Je passe au point suivant, soit le comité "aviseur". Encore une fois, il y a des intérêts è créer de tels organismes. Ce qui nous frappe ici, c'est le peu d'éléments que l'on retrouve dans le texte de loi sur les organismes ou les structures qui vont permettre de mettre la loi en application. Si on la compare avec d'autres lois ailleurs, on s'aperçoit que c'est vraiment très vide. On ne parle que du ministre et des inspecteurs. On ne parle d'aucun autre type de structures. Le comité "aviseur", encore là, c'est une idée excellente, mais tout dépend de ce qu'il aura à faire, encore une fois. Comme on l'a déjà mentionné ici, si ce comité "aviseur" doit voir à la classification des pesticides, cela devra être un comité très scientifique, très technique. Par contre, si ce comité ne fait que conseiller le ministre sur les grandes orientations, il est évident que ce ne sera pas la même chose.

M. Blais: Ils n'ont besoin de rien savoir s'ils conseillent le ministre.

M. Nantel: Pardon?

M. Blais: Ce n'est pas nécessaire qu'ils sachent ce qu'ils disent s'ils conseillent le ministre. Mais s'ils ont des choses importantes, il faudra que ce soit de grands techniciens. Ce n'est pas cela qu'il faut comprendre.

M. Nantel: Non, ce n'est pas cela que je veux dire.

M, Blais J'essaie de faire un peu d'humour parce que c'est tellement long dans cette enceinte si rigide et si froide. Cela va bien, continuez. Je m'excuse de vous avoir interrompu. (16 heures)

M. Nantel: II n'y a pas de problème.

Le point suivant que nous soulevons est celui du problème de l'accès à l'information. J'ai déjà parlé du problème de l'accès du public à l'information venant du ministère. Je dois soulever une question. Je disais comment il pouvait être difficile de classifier les pesticides. Ceci est d'autant plus difficile que le ministère lui-même qui aura à gérer cette loi n'aura pas facilement accès à l'information dont il aura besoin pour faire une telle classification. Pourquoi? Parce qu'un grande partie de la recherche qui génère les données scientifiques requises pour évaluer la toxicité d'un pesticide, ces informations proviennent en grande partie de l'industrie elle-même ou de laboratoires privés. Ceux-ci sont extrêmement réticents à transmettre, tant à des organismes privés qu'à des organismes gouvernementaux, les données de leurs recherches. Encore une fois, l'exemple de l'alachlore au cours de l'an dernier a très bien montré ce genre de problème où l'industrie disait: Vous ne pouvez pas vraiment évaluer la toxicité de notre produit si vous ne prenez pas en considération les recherches que nous avons réalisées dans nos laboratoires. Par contre, l'industrie est elle-même très réticente, sinon négative, vis-à-vis de la transmission è Agriculture Canada, à Santé et Bien-être social ou au ministère québécois de ces mêmes données scientifiques. C'est un problème que l'on risque de vivre de façon à peu près quotidienne.

Le point suivant que nous soulevons est celui des codes de pratique. Dans le projet de loi, on laisse aux organisations elles-mêmes la responsabilité de se doter de codes de pratique. Cela aussi est vertueux, mais on peut s'interroger sérieusement sur l'aspect pratique de cette approche. Évidemment, on a l'expérience des exterminateurs, qui se sont dotés d'un code de pratique et de programmes de formation. Est-ce que ce modèle s'appliquera aussi facilement lorsqu'on tombera dans d'autres secteurs comme celui de l'arrosage aérien ou celui de l'agriculture? Nous sommes portés à en douter. Comme les codes de pratique seront évidemment la matière même, la substance même des programmes de formation, ils ont une importance primordiale.

Enfin, nous nous interrogeons sur la situation particulière qui est faite aux municipalités, où le ministre doit se référer à un autre ministre, dans certains cas. Nous

demandons le pourquoi de cette exclusion particulière. Surtout, je pense que l'exclusion qui nous inquiète le plus - beaucoup de gens ici l'ont souligné - c'est l'exclusion du secteur agricole et du secteur sylvicole. Si la loi vise à protéger la population - donc, les utilisateurs des produits ou les gens qui risquent d'être exposés - de même que l'environnement général, on se demande pourquoi et comment on peut imaginer exclure ce secteur aussi important. C'est d'autant plus important qu'actuellement, au Québec, les agriculteurs sont exclus de la loi 17, étant des travailleurs autonomes; il n'y a qu'une minorité de travailleurs agricoles qui sont couverts par cette loi. Donc, la CSST ou l'IRSST n'interviennent que très peu, sinon pas du tout, dans le secteur agricole.

On arrive aux pesticides qui représentent certainement les contaminants chimiques les plus importants dans ce secteur et on les exclut de la loi, du moins a priori, en disant qu'on y reviendra par des règlements. Je pense que cela est très dangereux et peut faire en sorte que la loi vise très fortement le secteur le plus fragile ou le plus facile à attaquer, les utilisateurs de pesticides, et n'a qu'un impact minime sur les plus gros utilisateurs et sur ceux qui présentent le risque le plus important, tant pour la santé publique que pour l'environnement.

Finalement, pour terminer, les programmes de recherche et de formation. Tout au long du texte préliminaire, comme dans le texte de loi, on mentionne l'importance incroyable que cette nouvelle loi aura dans l'établissement de liens et de relations avec les divers ministères impliqués, que ce soit des ministères à vocation économique ou des ministères comme l'Éducation ou la Santé et les Services sociaux. Je ne veux pas être pessimiste. J'espère que le passé ne sera pas une image de l'avenir. Le passé nous a montré qu'il y avait énormément de difficultés à accrocher ensemble des ministères comme celui de l'Environnement, celui de la Santé et des Services sociaux et celui de l'Éducation et encore plus celui de l'Agriculture et celui des Richesses naturelles, et à les forcer, d'une certaine façon, à travailler ensemble, à viser les mêmes objectifs et à harmoniser leur travail. Ce que l'on a vu, malheureusement, dans le passé, c'est beaucoup plus des guerres de clans, des guerres de ministères, des chasses gardées et des jeux de cachette.

Je pense que notre mémoire ne se veut pas pessimiste; il se veut, au contraire, optimiste. Espérons que, par le biais d'un nouveau projet de loi ou, du moins, d'un désir du législateur de contrôler une nouvelle classe de substances potentiellement dangereuses, on regardera enfin ces problèmes d'interaction des ministères qui doivent travailler ensemble, qui doivent apprendre, en tout cas, à travailler ensemble, et que nous pourrons au moins voir se développer dans l'avenir, une véritable politique québécoise de recherche, d'étude et de prévention dans le domaine de la santé environnementale. Je vous remercie.

Le Président (M. Rochefort): Merci, Dr Nantel. M. le député de Pontiac et adjoint parlementaire du ministre de l'Environnement.

M. Middlemiss: Merci, M. le Président. J'aimerais vous remercier, Dr Nantel, ainsi que M. Weber et votre organisme, pour la qualité de votre mémoire. Je pense que j'irai certainement un peu dans le détail. Si vous étiez ici tantôt, vous avez entendu le ministre dire que tous les gens sont préoccupés du fait qu'il semble que les agriculteurs et le sylviculteurs soient exclus de la loi. Je ne voudrais pas répéter toutes les raisons, mais à la suite de ces interventions, le ministre a indiqué qu'on cherche un moyen pour que ce soit plus clair, et pas seulement par la réglementation. Il y a déjà des pourparlers avec les représentants de l'UPA qui, a un moment donné, donnaient l'impression qu'ils auraient voulu être ceux qui feront la formation des agriculteurs dans l'utilisation des pesticides. Depuis que la commission parlementaire siège, ils ont peut-être hésité un peu, mais je pense que, dans ce contexte, on va continuer. Ce sont peut-être les gens de l'UPA qui sont les mieux placés pour former les agriculteurs. Mais les efforts seront faits. Tout le monde a déploré le fait que les milieux qui utilisent peut-être 85 % des pesticides seraient exclus de tout cela. Le retard est dû au fait qu'il est quasi impossible de dire dans une loi qu'ils embarquent immédiatement, sachant fort bien que, dans la pratique, ce serait impossible. J'espère que vous verrez, d'ici la présentation du projet final, qu'il y a peut-être des choses pour démontrer cette volonté d'inclure également tous ces gens.

Vous avez également abordé la classification des pesticides et, vous l'avez bien dit, c'est certainement une juridiction fédérale; même le gouvernement fédéral a peut-être des difficultés à obtenir, de la part des fabricants, les données de ces pesticides pour leur homologation. Je répète ce que le ministre dit depuis le début de cette commission. Depuis quelque temps, il y a eu une ouverture de la part du gouvernement fédéral, non seulement pour écouter et discuter avec les provinces, mais pour impliquer aussi le ministère de la Santé fédéral. À l'heure actuelle, c'est le ministère de l'Agriculture qui semble contrôler ces choses. Mais cela touche la santé et c'est le ministère de la Santé fédéral qui sera aussi

impliqué, et les ministères de l'Environnement provinciaux ont déjà obtenu la garantie d'échanges et que les provinces auraient plus à dire dans la classification de ces pesticides.

Vous avez également abordé les pouvoirs de recherche. Sur ce point, vous avez demandé de quelle façon, dans le domaine de la santé, le ministère de la Santé et le ministère de l'Environnement peuvent s'assurer... Il y a certainement des ententes en train d'être conclues, qui seront plus concrètes que peut-être de dire: vous vivez certainement des problèmes, a savoir que souvent les échanges ne se font pas et que, si on n'a pas quelque chose de vraiment bien encadré, on n'obtient pas les résultats qu'on désire obtenir. Des efforts sont certainement faits pour tenter de bien cerner les problèmes vécus dans le passé et pour que la loi soit facilement applicable.

Quant à la classification, je dois vous dire qu'il y a déjà eu une amorce de la part du ministère de l'Environnement en vue de faire une première classification. C'est parfois une préoccupation que, dans l'acceptation de ces pesticides, on regardait surtout l'efficacité du pesticide et non pas nécessairement les conséquences qu'il est susceptible d'avoir sur la santé. Nous sommes en train d'amorcer cette classification, et on me dit que, dans les acceptations du gouvernement fédéral, l'aspect de la santé est aussi pris en considération. Il est certain que, selon l'évolution que vous nous avez indiquée, la comparaison entre la médecine et les pesticides, nous réalisons aujourd'hui que, même si ces pesticides ne sont pas destinés à être absorbés par les humains, leur utilisation a des conséquences qui pourraient être aussi graves ou plus graves. Donc, dans ce contexte, il faut déterminer ce qui est important au plan de la santé -d'accord, il faudrait que ce soit la santé en premier lieu - et trouver le plus efficace.

Je pense qu'au cours des dernières années, on a trouvé d'autres possibilités que l'utilisation de produits chimiques avec des produits biologiques, parce que leurs effets sur les humains, sur la santé et sur l'environnement sont moindres. C'est dans cette foulée qu'il faut se diriger.

À la suite de ce que je viens de vous soumettre, avez-vous des questions particulières auxquelles je tenterai de répondre?

M. Nantel: Un premier point serait de vous demander si le ministère a prévu un mécanisme quelconque pour faire une telle classification? Je le mentionnais, et vous l'avez resoulevé, les données proviennent soit d'Agriculture Canada, soit des compagnies. Par qui, comment et sur quels critères une telle classification pourra-t-elle être faite?

M. Middlemiss: La classification se fera par règlement. Cela sera basé sur la classification fédérale existante, et le règlement sera publié 45 jours avant. Il y aura aussi une consultation et une présentation d'opinions sur cela. Donc, on aura encore des consultations sur la réglementation qui, elle, donnera cette nouvelle classification.

Mais cela sera basé sur la classification fédérale. Il est certain qu'il y aura, dans la rédaction de tout cela, des consultations auprès des gens qui s'y connaissent en la matière. Une fois cette réglementation préparée, elle sera soumise, comme l'avant-projet de loi a été soumis, aux gens concernés pour qu'ils puissent l'étudier et émettre leurs opinions. Est-ce que cela répond à votre question, Dr Nantel?

M. Nantel: Oui, sauf que je m'interroqe sérieusement, car un tel processus est un phénomène continu. Il y a constamment des substances semblables qui arrivent sur le marché. Un projet de loi, ça va. On fait une consultation. On en rédige une version finale. On le présente à la Chambre. Il est accepté ou non. Pour ce qui est d'une classification, c'est un processus continu. En fait, nous aurions aimé voir la procédure établie à l'avance de façon que les règles du jeu soient claires et comprises par tout le monde.

Comme je l'ai mentionné lorsque j'ai fait un parallèle avec le problème des normes de la santé du travail, cela n'a pas été fait lors du dépôt de la loi 17, et je pense que c'est ce qui explique pourquoi les normes d'exposition en milieu de travail sont les mêmes vieilles normes que l'on traîne depuis. On ne sait même pas quel jour, ou comment, on pourrait établir de nouvelles normes qui soient plus conformes aux connaissances actuelles et à la situation réelle du Québec dans ce domaine.

M. Middlemiss: Une fois cette réglementation adoptée, tous les nouveaux produits qui arriveront sur le marché seront acceptés après approbation aussi par règlement. Donc, il y aura un suivi. Comment peut-on faire une réglementation? Aujourd'hui ou demain, il faut avoir des modalités de dire: s'il y a de nouveaux produits, il faudra qu'il y ait l'étape des essais et ainsi de suite. Une fois qu'ils seront homologués par réglementation, ils seront acceptés.

C'est un moyen. Il y en a peut-être d'autres. À la suite d'autres consultations, on pourrait développer un meilleur moyen de s'assurer que, une fois qu'on a une réglementation pour les produits qu'on connaît aujourd'hui, tout nouveau produit qui apparaîtra sur le marché sera aussi soumis à une approbation, à la suite de la vérification.

M. Nantel: Je ne voulais pas qu'on me précise ici ce que seraient les mécanismes. Ce que je voulais surtout soulever, c'est que si on ne précise pas à l'avance ces mécanismes, il y a de fortes chances que cela ne fonctionne pas, c'est-à-dire que les choses ne se passent pas ou qu'on ne fasse jouer que les forces du lobbying, en temps et lieu. Les règles du jeu n'étant pas claires, les gens ne sauront pas comment intervenir pour pousser une nouvelle classification ou pour la bloquer.

M. Mîddlemiss: C'est certain qu'on ne peut pas, dans la période de temps qu'on a ici... Votre mémoire et vos commentaires sont enregistrés au Journal des débats. Avant que ce projet de loi en vienne à sa forme finale, toutes vos interventions et vos suggestions - je ne dis pas qu'elles seront acceptées telles quelles - seront certainement prises en considération pour la préparation finale du projet de loi. Je vous remercie.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le député de Pontiac. M. le député de Terrebonne. (16 h 15)

M. Blais Merci beaucoup, M. le Président. Messieurs les toxicomanes... toxicologues, excusez-moi, cela me fait plaisir de vous voir. Plusieurs personnes sont venues parmi lesquelles, de l'une à l'autre, les choses se recoupaient ou convergeaient; tandis que vous, vous avez une spécialité, vous êtes là pour soigner les erreurs des législateurs. Vous nous aidez à créer le moins d'erreurs possible, et je vous en sais gré. On regarde tout le long de votre rapport, que j'ai étudié avec minutie, votre parallèle entre les pesticides et les médicaments. Vous nous mettez en garde contre le manque de connaissance des gens des produits toxiques; contre l'utilisation abusive, non justifiée; contre le manque de coordination entre les ministères; contre le lobbying des compagnies, qui essaient de dire que les produits sont moins dangereux qu'ils ne le sont. Vous attachez beaucoup d'importance, pour la protection des citoyens, à la classification des pesticides et ensuite vous recommandez que les gens du comité "aviseur" soient à la hauteur de la responsabilité qu'on leur donnera. Ensuite vous nous demandez d'inclure tous ceux qui sont utilisateurs de pesticides dans le projet de loi et, à la fin, vous nous demandez, pour encore prévenir des intoxications, de créer un fonds de recherche pour prévenir cette intoxication. Je crois que c'est dans ce sens que votre rapport a été fait.

Je vais vous poser une question particulière, parce que vous apportez à la commission quelque chose d'un peu spécial qu'on n'a pas encore vu. Il y a des conséquences à la mauvaise utilisation des pesticides, c'est l'intoxication. Vous dites, à votre premier paragraphe de la page 1: "Depuis maintenant quinze ans, l'équipe du Centre de toxicologie du Québec s'est impliquée dans divers aspects du diagnostic, du traitement et, surtout, de la prévention des empoisonnements. À ce titre, nous avons été à même de constater à de nombreuses reprises les impacts négatifs provoqués par l'absence quasi complète de contrôles quant à la distribution et à l'usage des pesticides au Québec."

Chez vous, vous avez des intoxications par les pesticides et par les médicaments. Pour vous donner l'importance que cette loi aura quand elle sera rédigée, quel est le pourcentage d'intoxication par pesticides comparativement à l'intoxication par médicaments?

M. Nantel: Je pense qu'il est impossible actuellement, dans le contexte québécois, de répondre clairement à votre question, pour la simple raison que, premièrement, les médicaments sont bien réglementés, il y a toute une procédure qui existe pour rapporter les effets secondaires des médicaments. Les compagnies sont même tenues, légalement, de rapporter tout effet secondaire qui peut être identifié, même présumé identifié, vis-à-vis de leurs médicaments et elles doivent même indiquer sur les papiers qui accompagnent les médicaments qu'elles vendent tous les effets secondaires qui ont été rapportés. C'est une mécanique bien rodée et relativement fonctionnelle de nos jours. Donc, on a une assez bonne connaissance de ceci.

Deuxièmement, les médecins sont habilités et habitués à diagnostiquer les intoxications par les médicaments. Lorsqu'ils voient quelqu'un qui a pris une surdose d'aspirine ou d'un autre médicament, ils reconnaissent les symptômes et portent un diagnostic d'intoxication au salicylate, à l'acétaminophène, aux barbituriques. Ce n'est pas le cas pour les pesticides. Les cas que nous voyons sont des cas que nous diagnostiquons. Comme la plupart des intoxications par les pesticides n'ont pas un tableau caractéristique - il y a quelques pesticides qui donnent un tableau purement caractéristique - dans la majorité des cas, le médecin va passer carrément à côté du diagnostic. Lorsqu'un enfant est amené chez le médecin ou à l'urgence parce qu'il a des nausées, des maux de tête, des douleurs abdominales et de la diarrhée, au mois d'août, le médecin ne pensera pas à une intoxication potentielle aux organophosphorés ou aux organochlorés. Il va parler de gastro-entérite et il va donner le traitement approprié.

Notre centre, qui est responsable de la collecte des statistiques à l'échelle du pays,

a très bien constaté ce problème puisque les cas que nous voyons à notre propre salle d'urgence étaient presque aussi nombreux que ceux qui étaient rapportés dans tout le reste de la province. Ce n'est pas que Sainte-Foy soit un centre priviligié en termes d'intoxication par les pesticides; c'est simplement que nous sommes plus habitués à les reconnaître, donc nous en voyons plus. Les statistiques, en fait, n'étaient pas structurées pour donner une image réelle du problème, d'autant plus que le programme provincial de lutte contre les empoisonnements n'était basé, pour ce qui est de statistiques, que sur les rapports fournis par les salles d'urgence au Centre de toxicologie.

Nous avons, depuis peu, un centre provincial antipoison (Centre antipoison du Québec) qui reçoit directement tous les appels du public. Avec ce nouveau centre dans les prochains mois ou dans les prochaines années, nous serons en mesure d'avoir une image véridique de l'incidence d'empoisonnement par les différentes substances, à l'échelle du Québec. On ne peut donc pas arriver avec des chiffres, ce que les anglophones appellent des "hard facts". Cependant, on connaît assez bien le type de toxicité des pesticides, on connaît assez bien le volume d'usage et on est à même d'observer le genre de problèmes de santé qui se produisaient chez des gens qui en faisaient une telle utilisation.

De là, on est capable d'extrapoler et de savoir que c'est quand même un problème hautement significatif; hautement significatif dans le public, qui emploie des pesticides quand même assez puissants, sans savoir s'en servir et sans prendre aucune précaution, en général, mais aussi je le précise parce que j'ai quand même un rôle comme médecin expert en santé du travail auprès des agriculteurs qui, eux aussi, s'intoxiquent régulièrement avec des pesticides. Souvent, ils n'ont même pas l'avantage d'avoir leurs problèmes diagnostiqués ou, dans certains cas, n'ont même pas intérêt à consulter parce qu'ils ne peuvent que se faire dire que, en réalité, ils ont été surexposés aux pesticides. Mais ils se disent: Demain matin, de toute façon, il faut que j'arrose de nouveau mon champ de patates. Cela me fait bien de la peine, mais je vais le faire quand même.

Je m'excuse, je ne peux pas répondre à votre question de façon concrète et vraiment quantifiable, mais cela est dû simplement à la situation réelle du problème actuellement. J'espère que d'ici un certain nombre de mois ou d'années, avec cette loi surtout mais aussi avec notre nouvelle restructuration du programme de lutte contre les empoisonnements, nous pourrons être beaucoup plus précis dans nos réponses.

M. Blais Bon, d'accord, je comprends, mais je voulais vous le faire dire parce que c'est important. Il est sûr que l'on peut détecter - surtout les experts - des intoxications, de façon sporadique, dans des milieux assez restreints; on peut les détecter. Cependant, à mesure que je prends de l'âge, je vois qu'il y a de plus en plus de gens qui font ce que l'on appelle des gastro-entérites. Croyez-vous, sans avoir de statistiques précises, que la plupart de ces gastro-entérites soient dues, de façon directe ou indirecte, à l'utilisation de pesticides?

M. Nantel: Je dirais que beaucoup de problèmes de santé non identifiés, et non pas seulement des gastro-entérites - les gens qui se plaignent de fatigabilité, de maux de tête, de douleurs abdominales, de troubles digestifs, de toutes sortes de problèmes -sont certainement reliés à ce genre d'usage. On a d'autres exemples très concrets qui nous permettent de faire une telle extrapolation. Prenez une substance comme le plomb, qui est un toxique connu depuis des siècles. Il n'y a eu, avant 1975, pratiquement aucun cas d'intoxication au plomb au Québec, si on se fie aux statistiques, et particulièrement aux statistiques de la Commission des accidents du travail de l'époque. On a commencé è faire des dosages biologiques chez les travailleurs et à sensibiliser le corps médical aux effets toxiques du plomb, à suivre ces travailleurs par des programmes de surveillance, et vous avez vu, d'année en année, le nombre d'intoxications par le plomb augmenter par centaines. Ce n'est pas que ces intoxications n'aient pas existé auparavant; elles étaient là, elles étaient simplement non diagnostiquées.

À mesure qu'on a augmenté, justement, notre connaissance du problème, on est passé à de gros cas d'intoxication dans l'industrie, par exemple de la fabrication, à des cas beaucoup moins évidents, comme chez des gens qui simplement décapaient des murs de maison chez eux, de vieilles résidences qui contenaient du plomb, ou décapaient de vieux meubles; des gens qui avaient reçu des décharges de chevrotine dans le corps, et les plombs s'étaient dissous avec le temps -donc, des intoxications plus subtiles, plus fines, plus chroniques. Donc, si on ne prend qu'un toxique, le plomb, et qu'on regarde le profil des connaissances qu'on a eues au cours des années, au fur et a mesure que nos programmes de surveillance et de diagnostic se développaient, je pense qu'on peut prévoir le même genre d'évolution dans les prochaines années en ce qui a trait aux pesticides, si on applique le même genre de programme de détection, de surveillance, de diagnostic et de contrôle.

M. Blais: À la page 18 de votre

rapport, dans "Les codes de pratique", vous semblez très réticents, vous demandez même au ministre de ne pas laisser les groupements faire leurs propres codes de pratique et vous dites: "II est donc à prévoir que le ministère devra élaborer lui-même de tels codes de pratique". Vous nous spécifiez, presque mot à mot, que cela pourrait être incompatible, que l'ASEQ, ou les horticulteurs, ou les agriculteurs, ou qui sais-je encore, mettraient leurs propres codes d'éthique. Pourquoi avez-vous peur de cela? À cause de l'incompatibilité?

M. Nantel: Oui. Pour vous faire comprendre pourquoi nous sommes un peu réticents à ceci, reculons à l'époque où les corporations professionnelles, les médecins, les dentistes et d'autres, avaient, selon la loi, la responsabilité d'établir leurs codes d'éthique et de protéger le public. Vous savez comme moi, que ce n'est qu'à partir du moment où il y a eu le Code des professions et qu'on a établi de nouvelles règles du jeu, que ces corporations ont commencé non seulement à protéger leurs propres membres mais à insister de façon réelle, pas juste hypothétique, sur la protection du public, parfois même à l'encontre de leurs membres. Regardez simplement l'évolution de la Corporation des médecins avant et après l'existence de la Loi sur le Code des professions et vous verrez comment il est facile pour un organisme qui a des membres, qui est partagé entre la sensation qu'elle doit protéger ses membres, favoriser leur développement, et, en même temps, la responsabilité de protéger le publie. C'est une situation qui est pour le moins inconfortable et qui peut prêter à des conflits d'intérêts majeurs.

Quand on dit que le législateur devrait s'impliquer, ou du moins que ceux qui seront responsables de l'application de la loi devraient s'impliquer beaucoup plus, ce n'est pas, évidemment, dans les détails mais surtout dans au moins le noyau de ce dont le code de pratique devrait se composer, définir au moins le minimum de règles du jeu qui devraient être appliquées par ces organisations et, ensuite, laisser aux organismes l'autonomie voulue pour qu'ils puissent bonifier ce système et voir à la formation de leurs membres, participer à la formation de leurs membres. Mais leur laisser entièrement cette responsabilité, personnellement, je trouve cela un peu inquiétant et peut-être un peu de "wishful thinking", pour employer une expression anglaise.

M. Blais: Comme dernière question, une question que je considère d'une importance capitale. Dans ce projet de loi, à différentes reprises dans la présentation des mémoires, les membres de l'Opposition ont fait remarquer au législateur au pouvoir que son projet de loi ne comportait rien sur la recherche. Nous avons insisté là-dessus cet après-midi aussi. Je reviens avec vous, et parce que vous attachez de l'importance à cela, vous dites qu'on devrait avoir un programme de recherche et de formation, mais de recherche surtout, la formation étant un peu incluse tout de même dans le projet de loi. Il faut donner à César ce qui est à César. "Espérons que ce nouveau projet de loi serve de catalyseur pour que nous puissions enfin nous doter d'outils de recherches". Vous dites: "Espérons". Cela laisse sous-entendre, de façon un peu désespérée, que vu que ce n'est pas là, vous souhaiteriez que le législateur mette dans cette loi un institut de la recherche. Le ministre, jusqu'à 16 h 25 aujourd'hui, n'a pas été tellement volubile sur l'inclusion d'un programme de recherches. Je vous dis à vous, j'espère qu'en termes finals de cette rencontre que nous avons avec vous - je vous félicite, d'abord, de la qualité de votre mémoire - il vous donnera une réponse là-dessus et qu'il verra, peut-être, à y mettre un programme de recherches. Je suis persuadé que vous en seriez contents parce que vous insistez sur cela. Si je comprends bien ce que vous écrivez là, vous insistez.

M. Nantel: Oui. J'aimerais aller peut-être même plus loin. Si la recherche n'est pas comprise dans la programmation d'un tel projet de loi, il risque même d'y avoir l'effet contraire, c'est-à-dire une diminution des activités de recherche dans le secteur. Pourquoi? Regardez comment, actuellement, la recherche est subventionnée dans notre milieu. Il existe des organismes subven-tionnaires comme le Fonds de la recherche en santé du Québec, l'Institut de recherche en santé et sécurité du travail à Montréal mais qui ne finance qu'un type de recherches très particulier, des organismes fédéraux comme le Conseil de recherches médicales du Canada. Ces organismes financent de la recherche fondamentale, et tout ce qui peut ressembler à un projet de recherches appliquées, et surtout à du "monitoring" - et c'est pourtant le genre de choses dont on aurait besoin pour voir à la bonne application d'une telle loi - ces organismes ne le subventionneront pas.

Il existe, dans des ministères fédéraux et provinciaux, certaines sources de financement pour de la recherche appelée extra-muros. Mais il est évident que ces recherches sont rares et que la concurrence est vive, et si on a la moindre impression qu'avec une nouvelle loi, quelqu'un d'autre prendra ce domaine-là en charge, vous pouvez être certain que la recherche appliquée sur les pesticides se trouvera encore plus diminuée et que les gens qui

voudraient en faire auront encore plus de difficulté à trouver des fonds.

Peut-on régler ceci en créant un nouveau fonds spécial pour la recherche sur les pesticides? Je ne suis pas certain que ce soit la solution» mais je pense surtout que ce serait peut-être l'occasion pour un gouvernement de réaliser l'importance qu'il doit mettre dans le domaine de la recherche appliquée et le développement, dans un domaine des pesticides peut-être comme un incitatif pour développer ce secteur. (16 h 30)

M. Blais: Dr Nantel, je vous remercie beaucoup de votre intervention, de la présentation de votre mémoire et de la façon, je dirais, intelligible et très intelligente dont vous avez répondu. Je formulerai un petit voeu en guise de remerciement. Si tous les politiciens manifestaient autant d'amour du métier qu'ils exercent et de détermination et de compétence, que vous en manifestez dans celui que vous faites, peut-être que la législation irait mieux, je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le député de Terrebonne. M, le ministre, en conclusion.

M. Lincoln: Dr Nantel, je m'excuse de ne pas avoir été présent pour la plus grande partie de votre intervention. Je vous remercie de vous être présentés ici aujourd'hui. On a eu l'occasion de travailler ensemble, vous et le ministère, pendant bon nombre d'années. Je sais qu'on a fait du travail ensemble sur des cas particuliers aussi au sein du groupe de travail sur les pesticides. Nous vous sommes très reconnaissants de tout votre rapport, de la participation que vous avez toujours donnée au ministère de façon tellement généreuse, et de vos connaissances, de votre temps. Comme le faisait remarquer quelqu'un qui vous connaît bien du côté de notre formation politique, vous êtes celui qui avez découvert tout le problème de la MIÙF dans les maisons et qui avez soulevé ce problème et mis l'accent là-dessus. C'était un problème de grande envergure pour la santé des gens au Québec. Comme vous le dites, il y a des choses dont on se sert aujourd'hui et dont on ne connaît jamais l'impact.

Donc, je peux vous assurer que nous sommes très conscients du volet de ta recherche. Puisque mon collègue m'a lancé le petit défi gentiment, je vais lui souligner que ce n'est pas vrai que le projet de loi ne dit rien sur la recherche. Si vous regardez l'article 7 du projet de loi, les deux premiers alinéas parlent précisément de la recherche. Ils disent que: "le ministre de l'Environnement peut: "1 coordonner les recherches qui sont faites par les ministères et organismes du gouvernement sur les problèmes environnementaux reliés è l'usage des pesticides; "2° exécuter ou faire exécuter des recherches, études ou enquêtes sur les effets des pesticides sur la qualité de l'environnement et la santé de l'homme ou d'une manière générale, sur tout ce qui concerne les pesticides".

J'ai même situé ici, à la demande de certaines personnes, que j'allais préciser que des recherches devraient être faites aussi sur des moyens et des méthodes de rechange. J'ai dit tout à l'heure qu'au sein d'un protocole que nous sommes en train de travailler avec le ministère de la Santé et des Services sociaux avec l'objet particulier de toutes les questions environnementales ayant un impact sur la santé, dont les pesticides sont une des matières principales, les recherches deviendront un programme annuel régulier entre les deux ministères. Je sais que tout cela dépend des fonds, de l'argent. En tout cas, je peux vous dire que l'objectif est de les trouver, de faire quelque chose de définitif en ce sens.

De plus, vous savez que l'homologation des pesticides, toute la recherche de base dépend du gouvernement fédéral. C'est là aussi qu'il faut faire pression. J'espère que votre secteur, qui est tellement prestigieux, fera aussi pression pour nous aider dans ce sens. Nous faisons pression auprès du gouvernement fédéral, pas seulement nous au Québec mais toutes les provinces ensemble, Nous avons agi de concert pour demander que nous soyons impliqués dans la recherche de base, surtout sur l'information que le gouvernement fédéra! a sur la toxicité des produits. Le ministre de la Santé fédéral nous a assuré qu'il nous impliquerait dans les démarches. L'autre jour, à la suite de ce premier échange, le directeur général du comité "aviseur" fédéral sur les pesticides, M. Veersteg, est venu me dire qu'il donnait suite à plusieurs de ces recommandations pour essayer de voir comment il allait nous impliquer plus directement dans toute la mesure de l'information. Nous avons aussi demandé au fédéral d'inclure nos recherches sur les impacts environnementaux qui ont trait aux provinces dans son système de recherche, de ne pas faire cela en vase clos en laboratoire, mais d'aller étudier sur place, faire ce qui a été fait, par exemple, ici au Québec dans le milieu agricole, il y a quelques années.

Donc, je peux vous assurer que cet élément-là est central à toute politique que nous aurons dans ce domaine. Il est certain qu'on ne peut pas promettre d'argent au CHUL. Comme vous le savez, dans la recherche, tout le monde en cherche, mais en tout cas on en est très conscient. Je suis très content que vous soyez venus et je suis

sûr qu'on pourra profiter de votre collaboration continuelle et continue dans toute cette question de l'impact de l'environnement et des problèmes environnementaux sur la santé. J'espère que l'on pourra compter sur vous, si jamais on fait un comité consultatif, pour vos avis toujours tellement généreux, scientifiques et professionnels. Merci.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre. Dr Nantel, une conclusion peut-être?

M. Nantel: La conclusion est que vous pouvez compter sur notre appui et notre collaboration. Comme je le mentionnais, ce mémoire ne se voulait pas du tout négatif ou pessimiste. Je voulais soulever les points que nous considérons importants pour que ce projet de loi ait le plus de dents et le plus d'applicabilité possible. Il est certain que mon équipe et moi allons faire tout en notre pouvoir pour vous aider si vous avez besoin de nos services, soit dans l'élaboration, soit dans la mise en application. Et vous pouvez certainement compter sur nous pour les pressions que nous pourrions faire auprès des organismes fédéraux pour qu'ils sortent un peu de leur tour d'ivoire et laissent aux provinces un peu plus de marge de manoeuvre dans ce domaine.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, Dr Nantel, au nom de tous les membres de la commission, pour la qualité de votre mémoire et de votre présentation.

Je demanderai maintenant au Centre d'enseignement et de recherche en foresterie de Sainte-Foy de prendre place, s'il vous plaît! Je demande au porte-parole du Centre d'enseignement et de recherche en foresterie de Sainte-Foy de s'identifier et d'identifier les membres qui l'accompagnent, s'il vous plaît!

CERFO

M. Comtois (Bernard): Bonjour. Mon nom est Bernard Comtois, ingénieur forestier. Je suis responsable des opérations au Centre d'enseignement et de recherche en foresterie de Sainte-Foy. À ma droite, M. Henri Leblanc, ingénieur forestier et vice-président du conseil d'administration au CERFO; à ma gauche, Jacques Tremblay, ingénieur forestier lui aussi, un collaborateur régulier du CERFO qui a agi à titre de conseiller pour la rédaction de ce mémoire.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Comtois, et je voudrais vous rappeler que vous avez un maximum de 20 minutes pour présenter votre mémoire. Alors je vous cède maintenant la parole.

M. Comtois: Merci. M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, tout d'abord je tiens à remercier le ministère de l'Environnement de nous avoir invités à présenter un mémoire et de nous avoir donné l'occasion cet après-midi de venir l'expliquer. Alors, ma procédure sera assez simple. C'est que je vais tout simplement lire le mémoire et commenter quelques parties et, pour la période de questions, je mettrai à contribution mes confrères soit pour répondre aux questions soit pour préciser les points que vous voudriez voir éclaircis.

Alors, je vais d'abord présenter, à la page 1, CERFO. Le Centre d'enseignement et de recherche en foresterie de Sainte-Foy Inc., ou CERFO, est un organisme sans but lucratif reconnu par le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science en mai 1985 comme centre spécialisé en foresterie au Québec. En collaboration avec les collèges qui dispensent les programmes de technologie forestière, les interventions du centre se situent dans les domaines de l'information, de l'aide technique, de la recherche appliquée et de la formation sur mesure.

Il est à préciser que toutes ces missions s'adressent aux intervenants du milieu forestier tant au point de vue technique que professionnel. CERFO administre actuellement, en collaboration avec le Service de l'éducation des adultes du cégep Sainte-Foy, un programme complet en foresterie urbaine permettant d'obtenir une attestation d'études collégiales dans ce secteur. Quelques cours à l'intérieur de ce programme touchent à certains aspects de l'utilisation des pesticides.

De plus, préoccupé par toutes les questions d'ordre environnemental, CERFO s'est toujours fait un devoir de siéger au sein des divers comités mis en place par la Direction du patrimoine écologique du ministère de l'Environnement au cours des dernières années. Enfin, CERFO s'est toujours impliqué régionalement d'une façon très active dans le secteur de la foresterie urbaine soit en participant aux travaux de plusieurs comités, soit en organisant, de concert avec d'autres organismes, des colloques, des conférences et des symposiums reliés à la protection de l'environnement.

L'introduction. Nous tenons, d'abord, à déplorer le court délai qui nous a été alloué pour la rédaction de ce mémoire, c'est-à-dire un délai d'environ deux semaines, et je voudrais tout de suite apporter des commentaires là-dessus. Même si on a eu une prolongation par deux fois, déjà nous nous étions réunis de façon très empressée au retour des fêtes, et lorsque nous avons reçu la prolongation de délai, à ce moment-là, notre mémoire était en route pour l'impression. Alors, malheureusement, on n'a pas pu le réviser comme on aurait voulu,

mais on a essayé quand même de présenter un mémoire Je plus complet possible.

Bien que l'urgence d'une loi régissant l'utilisation des pesticides ne fasse aucun doute, il aurait été préférable de pouvoir disposer de quelques jours supplémentaires pour préparer ce document. Malgré ce fait, nous espérons que les remarques et les interrogations qui y sont contenues pourront éclairer le débat en cours actuellement.

Légiférer dans le domaine de la vente et de l'utilisation des pesticides nous semble une nécessité si l'on veut protéger l'environnement des contaminations indues. En effet, la Loi sur les produits antiparasitaires du gouvernement fédéral régit surtout la mise en marché des produits et porte particulièrement sur la fabrication, la distribution, l'étiquetage et le transport interprovincial des pesticides.

Le règlement établi en vertu de cette loi requiert des fabricants, lors du processus d'homologation, des études sur la toxicité du produit, son efficacité et ses effets dans le milieu. Bien que ce processus présente une certaine garantie quant à la sécurité des produits, il faut noter que le fabricant peut faire exécuter les tests requis par ses propres laboratoires ou par des laboratoires indépendants, que le résultat demeure confidentiel et que les avis formulés par les consultants d'Agriculture Canada responsables de l'application de cette loi ne sont pas nécessairement suivis. Alors, je pense qu'ici on est un peu dans la même lignée que le Dr Nantel, qui précisait tantôt quelques points que je viens d'énumérer. De plus, aucun mécanisme de contrôle n'est prévu pour s'assurer de l'utilisation judicieuse des produits homologués ni de la compétence des utilisateurs.

Nous croyons donc que cet avant-projet de loi vient combler un manque dans la législation actuelle et, dans l'ensemble, nous y sommes favorables. En tant que centre d'enseignement et de recherche, nous voyons particulièrement d'un bon oeil l'inclusion dans l'avant-projet de loi des mesures relatives à la délivrance d'un certificat de compétence à la suite de la réussite à un examen prescrit ou reconnu par le ministère de l'Environnement.

Cependant, plusieurs articles de cet avant-projet de loi contiennent des imprécisions que nous aimerions voir clarifiées. Vous trouverez donc dans les quelques pages qui suivent nos principales interrogations, des remarques visant à préciser certains points, des commentaires d'appréciation ainsi que quelques suggestions.

Nous nous sommes surtout attardés sur les trois premiers chapitres de l'avant-projet de loi parce qu'ils constituent, à notre avis, le coeur de la loi. Nous passerons donc brièvement sur la section relative aux pouvoirs administratifs et judiciaires ainsi que sur la disposition pénale. L'aspect éducatif retiendra particulièrement notre attention. (16 h 45)

Section définitions. Ici, à la suite de l'étude de cet avant-projet de loi, il nous semble évident que le titre donné à ce projet ne rencontre pas l'esprit de cette pièce de législation. En effet, ce projet de loi ne touche que l'aspect commercial des produits en question, soit la vente et l'utilisation des pesticides. Tel qu'énoncé, le titre laisse sous-entendre qu'il pourrait s'agir de bien d'autres choses, entre autres la fabrication, la production, l'homologation, etc., des pesticides. Or, il n'est pas du tout question de ces aspects. Précisons donc le titre de ce projet de loi de la façon suivante: loi régissant le commerce et l'utilisation des pesticides.

Tout au cours de notre prise de contact avec cette future loi, le texte nous présente une série de thèmes que le législateur nous impose sous prétexte que nous en connaissons le sens strict et la portée. Or, certains termes utilisés sont parfois bien définis, d'autres tantôt imparfaitement décrits ou tout simplement ignorés.

Une fois que les produits arrivent sur le marché, plusieurs acteurs entrent en scène. Les forces du marché opérant, il y a l'offre et la demande, d'où les activités de vente, d'achat et d'utilisation. En premier lieu, nous trouvons deux types de vendeurs: les grossistes et les détaillants. Les définitions de ces termes commerciaux nous donnent satisfaction. En second lieu, noua trouvons les acheteurs, ou mieux, pour être précis, les utilisateurs, que la loi identifie vaguement soit comme personne, soit comme municipalité ou comme agriculteur ou sylviculteur.

Nous croyons que la loi devrait reconnaître quatre grandes classes d'utilisateurs de pesticides telles que nous les trouvons implicitement décrites en page 7-12 d'un document de support préparé par le ministère de l'Environnement (novembre 1986) intitulé Pour une utilisation rationnelle des pesticides au Québec. Il s'agit des classes suivantes: applicateurs commerciaux, applicateurs privés, agriculteurs et sylviculteurs, utilisateurs domestiques.

Le mérite d'une telle classification des utilisateurs est qu'elle laisse entendre la création de voies différentes pour fins de sensibilisation et d'éducation à la protection de l'environnement. Le législateur veut contrôler les vendeurs pour mieux atteindre les utilisateurs, du moins en théorie. Conséquemment, chacun de ces différents groupes devrait être défini séparément.

Parmi les termes définis dans la section 1, deux méritent d'être redéfinis, à notre avis. D'abord le terme "sol". Dans l'avant-projet de loi la définition qu'on lit au terme

"sol" le présente comme un tout amorphe, sang vie, improductif, tantôt submergé, tantôt invisible, écrasé sous le poids d'un édifice, d'une structure... un peu comme un non-sol. En tant qu'ingénieurs forestiers habitués à travailler avec des sols un peu plus vivants, nous nous interrogeons beaucoup sur le sens donné à cette définition.

Lorsque l'utilisateur agricole ou forestier pulvérise des pesticides sur ses terres ou sur son boisé, il le fait sur une terre productive, un milieu vivant riche d'une microfaune et d'une microflore dynamiques. C'est sur ce type de sol, composant majeur de l'environnement, qu'on applique les pesticides.

Nous suggérons donc la définition que l'on trouve dans Le système canadien de classification des sols et qui dit ceci: "matériau minéral ou organique non consolidé, d'au moins dix centimètres d'épaisseur, qui se trouve à la surface du globe et est capable de supporter la croissance des plantes". Il s'agit là d'une définition générale que vous trouverez dans la publication 1646 d'Agriculture Canada. Notre suggestion est un complément nécessaire à la définition que l'on trouve actuellement dans l'avant-projet de loi.

Nous sommes également insatisfaits de la définition donnée au terme "sylviculture". Elle nous semble plus liée à la récotte des bois qu'à la culture des peuplements. Pour nous, la sylviculture demeure à la fois la science et l'art de cultiver des peuplements forestiers, c'est-à-dire de les créer, de les laisser pousser et prospérer en se basant sur la connaissance de l'écologie forestière (source: Dictionnaire forestier multilingue, 1975). À partir de cette définition, on peut penser que le sylviculteur professionnel agit donc comme un gardien de- notre patrimoine forestier.

En dernier lieu, il y a des termes que nous rencontrons dans cette pièce de législation qui ne sont pas définis et qui mériteraient de l'être, surtout au point de vue de l'application de la loi, c'est-à-dire "usage domestique" - pour aller dans la même lignée que la suggestion de la Fédération interdisciplinaire de l'horticulture - "supervision immédiate", et nous avons ajouté aussi - vous ne le trouverez pas dans le mémoire, c'est un ajout que l'on pourrait vous faire parvenir - le mot "environnement" tel que défini dans la Loi sur la qualité de l'environnement. Ainsi revue et amendée, la liste des termes décrits serait plus complète et la compréhension de la loi rendue plus facile.

L'application de la loi. Plusieurs interrogations surgissent à la lecture de la section II du chapitre I. Ainsi, l'article 3 renvoie le lecteur à des règlements qui préciseront les pesticides visés et leur répartition en classes. La lecture du document de soutien identifie déjà, aux pages 7-16 et 7-17, les classes de pesticides. Pourquoi alors remettre l'identification des classes à plus tard?

La même remarque s'applique aux catégories d'utilisateurs - article 4 - et de vendeurs. En effet, le document de soutien identifie déjà, aux pages 7-11 et suivantes, les différents intervenants dans le domaine des pesticides. De plus, nous nous interrogeons sur l'exception faite pour les activités exercées en milieu agricole ou sylvicole. Quelle est la nécessité de cette restriction? Pourquoi l'article 4 met-il ces utilisateurs dans une classe à part alors que l'on sait qu'ils utilisent au-delà de 80 % des pesticides au Québec? Notre organisme est d'avis qu'en mettant temporairement les principaux utilisateurs à l'abri de la loi, l'objectif de gérer l'usage des pesticides ne pourra être atteint.

Finalement, l'article 5 de la section II nous apparaît contradictoire. En effet, le premier paragraphe exclut les agriculteurs et les sylviculteurs des certificats de compétence, des modifications, supervisions et révocations de permis et des procédures d'appel. Le deuxième paragraphe semble dire exactement le contraire, c'est-à-dire qu'il pave la voie aux articles 95 et 96 pour les agriculteurs et les sylviculteurs utilisant des pesticides pour les fins de leur propre exploitation. Or, les articles 95 et 96 constituent une demande de vote en blanc puisque la gestion viendra ultérieurement par règlement.

Nous rappelons que notre organisme est favorable à une forme de gestion des pesticides pour tous les utilisateurs et tous les vendeurs. Nous sommes conscients de la nécessité d'inclure tous les intervenants majeurs, y compris les agriculteurs et les sylviculteurs. Cependant, le projet de loi n'identifie pas les moyens que le ministère entend prendre auprès des intervenants majeurs. Il faudrait préciser un peu mieux les moyens qu'il veut mettre en place face aux agriculteurs et aux sylviculteurs oeuvrant sur leur propre exploitation.

De plus, pourquoi distinguer l'agriculteur oeuvrant sur sa propre exploitation de celui qui oeuvre sur l'exploitation d'un autre de façon exceptionnelle et sans en faire commerce? L'utilisation de pesticides de façon exceptionnelle et sans en faire le commerce sera évaluée de quelle façon? Par qui? Selon quels critères? L'utilisation de phytocides, par exemple, deux fois dans la vie d'un peuplement forestier, peut-elle être considérée comme exceptionnelle? La pulvérisation d'insecticides sur une plantation est-elle exceptionnelle? Voilà quelques aspects qui méritent d'être éclaircis.

Le permis. Dans cet avant-projet de loi, le ministre de l'Environnement s'intéresse

aux forces économiques que constituent les vendeurs et les utilisateurs de pesticides. Il donne aux produits antiparasitaires une définition améliorée que nous acceptons avec satisfaction. Les vendeurs au détail et en gros seront obligés, dorénavant, pour exploiter leur entreprise dans le domaine de la vente ou de l'utilisation des pesticides, d'obtenir un permis d'opération. Pour le grossiste résidant au Québec, le permis d'opération semble facile i obtenir, pourvu que le candidat satisfasse à un minimum de conditions précisées dans l'article 15, paragraphes 1 à 4. Le grossiste n'a pas besoin d'être connaissant ou averti de la complexité du monde des pesticides. Nous déplorons qu'aucune expertise ne soit exigée de sa part. Par contre, le détaillant, en plus de devoir obtenir un permis pour la vente des pesticides de classe 1 à 4, doit posséder un certificat de compétence pour les classes de pesticides 1 à 3. Nous trouvons étrange qu'il ne soit pas obligé d'obtenir un certificat pour la classe 4, tout comme il doit avoir un permis pour cette même classe. Nous applaudissons à l'initiative du ministère d'exiger de l'applicateur commercial à la fois un permis d'opération et un certificat de compétence pour les quatre premières classes de pesticides. Nous aimerions cependant que le législateur traite l'applicateur privé de la même façon que l'applicateur commercial, à savoir qu'il exige un permis et un certificat pour les classes 1 è 4, Nous insistons sur ce point parce que les effets sur l'environnement de plusieurs des produits de la classe 4 nous sont encore très mal connus.

L'article 8 laisse entendre, sans les mentionner, qu'il peut y avoir différentes sortes de permis reliés à différents groupes de pesticides. Tant mieux s'il en est ainsi. D'ailleurs, l'article 19 confirme le fait. Nous sommes cependant surpris, à l'article 9, paragraphe 3, que les agriculteurs et les forestiers ne soient pas obligés, comme utilisateurs, d'être munis d'un permis d'utilisation, pour le moment, du moins. Les cultivateurs sont de grands utilisateurs de pesticides au Québec. Ce paragraphe devrait être élargi en précisant que ces derniers devront se soumettre à un certain contrôle, suivre certaines normes pour prévenir la détérioration de l'environnement, soit par surdosage, soit par insouciance ou laisser-aller. Le paragraphe 2 de ce même article nous préoccupe tant l'ambiguïté du texte est surprenante.

Nous avons souhaité, dans la section I, que le ministère définisse ce qu'il entend par "supervision Immédiate". Nous aimerions nous assurer que cette supervision implique la présence sur le terrain du titulaire du certificat de compétence et non pas une supervision à distance.

À l'article 17, nous trouvons exagéré que tout vendeur exploitant plus d'une place d'affaires ô l'intérieur du Québec soit obligé d'obtenir un permis pour chacun de ses établissements. II nous semble plus important que la clientèle retrouve dans chacun de ces établissements un technicien compétent muni d'un certificat, capable de la conseiller tant au magasin que sur le terrain.

Pour ce qui est du permis temporaire, nous trouvons normal que l'exploitant d'une entreprise reliée à l'utilisation des pesticides qui ne réside pas au Québec n'obtienne qu'un permis temporaire de courte durée. Avons-nous raison de croire que l'article 24 ne touche surtout que les applicateurs commerciaux? Nous croyons cependant qu'ils devraient être astreints à certaines conditions d'acceptation, sinon égales du moins équivalentes à celles décrites è l'article 15. Comment un non-résident peut-il respecter nos lois s'il en ignore l'existence?

Le certificat. Nous suqgérons d'abord que le ministère utilise le déterminatif "de compétence" chaque fois qu'il parle du certificat dans cette section. Nous croyons que l'exigence d'un certificat de compétence est primordiale et bienvenue pour toute personne physique qui exécute des travaux techniques spécialisés relatifs à l'utilisation des produits antiparasitaires ou qui renseigne la clientèle éventuelle d'un détaillant. Ces deux personnes physiques sont les mailles d'émérillon d'un processus d'éducation et de sensibilisation du consommateur à la protection de l'environnement.

Nous nous réjouissons que seul le titulaire d'un certificat de compétence puisse effectuer ou faire exécuter sur le terrain des travaux de nature technique reliés à l'utilisation des pesticides. Sa compétence lui viendra de la nature et de la qualité des cours qu'il recevra. Ici, je dois apporter un commentaire. En tant que spécialistes de l'enseignement, étant donné que CERFO est issu de la volonté des membres du Département de techniques forestières du cégep de 5ainte-Foy, concernant l'utilisation des pesticides en milieu forestier ou l'utilisation des pesticides sur les arbres ornementaux en milieu urbain, nous croyons que CERFO peut apporter une certaine expertise et aussi sa collaboration pour la mise au point de cours qui s'adresseraient spécifiquement aux arboriculteurs et aux forestiers.

Cette section de la loi pourrait être plus spécifique à propos des cours à suivre en vue de la réussite de l'examen donnant droit au certificat. C'est probablement dans la réglementation que nous trouverons éventuellement les méthodes d'application, les normes et les procédés reconnus.

Dans la même foulée, l'article 36, paragraphe 1, n'est pas assez précis sur les modalités de démonstration de compétence par la personne physique qui n'a ni domicile, ni résidence, ni place d'affaires au Québec.

Finalement, il nous apparaît souhaitable

d'harmoniser les périodes de validité du certificat et du permis. À l'heure actuelle, la période de validité du certificat est de trois ans, alors que celle du permis dans la loi n'est que de deux ans.

Réglementation. Une fois de plus, nous nous interrogeons sur la portée des articles 95 et 96. Quels seront exactement ces règlements qui s'appliqueront aux agriculteurs et aux sylviculteurs? Sera-t-il possible de se prononcer sur leur contenu une fois la loi adoptée? Nous répétons que nous sommes favorables à l'édiction de règlements pour les agriculteurs et les sylviculteurs, mais nous aimerions pouvoir donner notre avis sur ceux-ci. Le gouvernement n'exprime pas clairement, à notre avis, les dispositions qu'il entend prendre à l'égard de ces deux catégories d'utilisateurs, et cette timidité nous laisse songeurs.

Le paragraphe 6 de l'article 100 nous amène aussi à nous interroger. On y déclare que le gouvernement peut, par règlement, régir l'étiquetage de tout contenant ou emballage d'un pesticide. Lorsque l'on sait que la Loi sur les produits antiparssitaires du gouvernement fédéral régit elle aussi l'étiquetage des produits homologués, il est sûrement justifié de se demander quelle juridiction aura prépondérance. Y aura-t-il deux étiquettes? Celle du Québec ne servîra-t-elle qu'à approuver l'étiquette fédérale? Voilà quelques questions qui nous viennent à l'esprit à la lecture de ce paragraphe.

En conclusion, nous croyons que le dépôt de cet avant-projet de loi constitue un pas en avant. Il était temps, en effet, de légiférer dans le domaine de la vente et de l'utilisation des pesticides au Québec pour prévenir la détérioration de l'environnement. Dans notre analyse, nous avons fait ressortir la pertinence de la délivrance de permis et de certificats par le ministère de l'Environnement. Nous avons cependant souligné l'imprécision de quelques articles relatifs à ces questions. Nous avons aussi suggéré d'aller un peu plus loin dans la compétence exigée des différents intervenants vis-à-vis des diverses classes de pesticides.

Nous ne pouvons que déplorer l'incertitude dans laquelle l'avant-projet de loi nous laisse dans le cas des agriculteurs et des sylviculteurs. Tout reste à déterminer par règlement, et il est impossible de savoir, à l'heure actuelle, quelles mesures de contrôle le ministère a l'intention de prendre à l'égard de ces utilisateurs.

Nous tenons a souligner, en terminant, l'excellence du document de support rédigé par le ministère de l'Environnement sur l'utilisation rationnelle des pesticides au Québec. Les informations qu'on y retrouve nous ont été d'une aide précieuse lors de l'analyse de cet avant-projet de loi. (17 heures)

Je terminerai cette brève présentation en vous lisant les principales recommandations que nous avons mentionnées aux pages 19 et 20. Compte tenu de l'analyse qui précède, le Centre d'enseignement et de recherche en foresterie de Sainte-Foy recommande: 1. Que l'on redéfinisse les termes "sol" et "sylviculture" dans la section I de l'avant-projet de loi et que l'on ajoute les termes "usage domestique" et "supervision immédiate". Il y aurait lieu d'ajouter "environnement" à cette liste. 2. Que l'on emploie dans le texte de loi "certificat de compétence" au lieu de "certificat". 3. Que l'on indique, dès à présent, les mesures de contrôle que le ministère de l'Environnement entend exercer à l'égard des agriculteurs et des sylviculteurs utilisant des pesticides. 4. Que soit clarifiée la phrase "celui qui, de façon exceptionnelle et sans en faire commerce, utilise ou vend au détail des pesticides". 5. Que l'on exige pour les grossistes un certificat de compétence pour les classes 1 à 3 de pesticides telles que définies dans le document de soutien à la préconsultation. 6. Que l'on exige pour les détaillants un certificat de compétence pour les classes de pesticides 1 à 4. 7. Que l'on exige pour les applicateurs privés un permis et un certificat de compétence pour les classes 1 à 4 de pesticides. 8. Qu'un seul permis valable pour tous ses établissements soit nécessaire au détaillant qui possède plus d'une place d'affaires au Québec. 9. Que l'article 15 de l'avant-projet de loi s'applique intégralement aux non-résidents exploitant une entreprise reliée à l'utilisation des pesticides au Québec. 10. Que les périodes de validité du permis et du certificat soient d'égale durée. 11. Que l'on précise l'avant-projet de loi en l'intitulant ainsi: loi régissant le commerce et l'utilisation des pesticides. 12. Que l'on définisse dans la loi les quatre grandes classes d'utilisateurs visés par cet avant-projet de loi.

Merci de votre attention.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre.

M. Lincoln: M. le Président, je remercie M. Comtois pour la qualité de son mémoire. Vous vous êtes excusé au début en disant que vous n'aviez pas eu beaucoup de temps pour le préparer. On regrette cela beaucoup. Il fallait finir avant le commencement de la session parlementaire, mais je crois que dans Ies contraintes de temps que vous avez expliquées et que nous connaissons,

vous avez fait un travail vraiment remarquable. Je pense que vous avez beaucoup réfléchi au sujet et que vous avez apporté des observations très pertinentes qu'on va prendre avec le plus grand intérêt et le plus grand sérieux. j'aimerais passer en revue quelques-unes de vos recommandations principales pour vous donner mon son de cloche et, en même temps, peut-être faire le point sur certaines choses par rapport aux définitions que vous suggérez. Des suggestions ont été faites aussi par rapport aux mots "usage", "sylviculture", etc., et on va revoir toutes ces recommandations. On va certainement regarder cela de près.

Pour ce qui est des certificats de compétence, là aussi votre suggestion est la première qui a été faite en ce sens. On va l'analyser, on va la regarder de plus près. Il faudra la vérifier auprès du ministère de l'Éducation pour voir s'il y a des redondances avec d'autres certificats, si cela peut être utilisé ou non et s'il y a une raison de le faire.

Pour ce qui est des agriculteurs et des sylviculteurs, c'est venu dans chaque mémoire. C'est donc sûr qu'il y a là une incompréhension qui mérite qu'on revise le mot à mot du texte de l'article 5. Vous avez souligné vous-même qu'il y a une contradiction entre les alinéas 1 et 2. C'était une contradiction voulue pour dire qu'on ne veut pas les inclure au départ, mais qu'on va les inclure par réglementation. Là, vous dites: pourquoi par une réglementation ultérieure qu'on ne connaît pas? C'est-à-dire qu'on a commencé à négocier avec ces deux secteurs pour une inclusion plus tardive parce que, vu la dimension et l'importance du secteur, c'était impossible de commencer avec eux. Mais des négociations se poursuivent, des échéanciers sont en discussion, des programmes de formation sont déjà en discussion avec eux. Ils vont être inclus et je peux vous promettre que la réglementation qui va les toucher et toute politique qui va les toucher vont être rendues publiques bien avant leur adoption afin que tous les gens qui sont intéressés, y compris votre organisme, puissent avoir un droit de regard là-dessus et nous offrir leurs commentaires.

Pour ce qui est de la question de celui qui en vend de façon exceptionnelle, ce qu'on a voulu inclure dans la loi, c'est la notion de celui qui fait un transfert de pesticides. Par exemple, un agriculteur qui laisse sa ferme, qui la vend à un voisin, on ne veut pas qu'il ait un permis de vente, parce que ce n'est pas un vendeur; on parle de cela de façon non continue. Quelqu'un qui le fait de façon soutenue et continue ne serait pas prévu. Donc on veut exclure celui qui le fait une fois, un particulier qui part pour aller ailleurs, dans une autre ville, et qui vend un stock de pesticides légal à quelqu'un d'autre.

Pour ce qui est des grossistes, j'accepte votre recommandation, qui a été faite par d'autres. Je pense que le point est très pertinent et nous allons le considérer très favorablement.

Pour ce qui est des certificats de compétence et des permis privés, classes 1 à 4, on va regarder cela. Pour le moment, on n'a pensé qu'aux classes 1 et 3 parce qu'il faut une infrastructure, il faut pouvoir contrôler tout cela, l'inspecter, le surveiller, avoir des bilans, et cela demandait un tel travail au départ qu'on ne pouvait prévoir que les classes 1 et 3, mais on va regarder tout cela de près.

Vous parlez d'un seul permis pour tous les établissements d'une chaîne. Cela pose un problème par rapport, par exemple, à des franchiseurs. Aujourd'hui, vous avez des chaînes. On ne sait pas si les chaînes appartiennent à l'entreprise elle-même, qui possède peut-être le même nom dans tout le Québec, ou bien si ce sont des franchiseurs ou des participants autonomes dans une entreprise. Je prends Rona, par exemple. Si on n'avait pas de disposition comme celle qu'on a, ils pourraient demander un seul permis. Là, vous avez une entreprise, mais vous avez peut-être 25 responsables, 50 responsables ou plus. C'est pourquoi on avait inclus cette notion. Pour ce qui est des non-résidents, tout cela va être explicité dans la réglementation, mais nous pensions au non-résident qui vient faire affaire au Québec. Il a besoin d'un permis temporaire, mais il est clair que ce permis temporaire ne serait donné que s'il pouvait nous prouver ses compétences outre-frontières, vous prouver qu'il a déjà un certificat ou un permis délivré par une entité provinciale ou américaine officielle.

On prend note de votre remarque au sujet de la période de validité des permis et des certificats.

Pour ce qui est du commerce et de l'utilisation des pesticides, vous recommandez peut-être de changer le titre de la loi et vous dites cela ne touche pas du tout à la fabrication et à l'homologation, avec raison parce que tout cela ce sont des compétences clairement de juridiction fédérale et c'est pourquoi on ne touche pas du tout à cela. On couvre le champ de compétence que nous avons sur la distribution et l'utilisation des pesticides.

Quant aux quatre classes d'utilisateurs, oui, tout cela va être couvert dans les projets de réglementation qui vont éventuellement être émis. Le premier projet de réglementation est en voie de préparation. Il est en ébauche déjà. Il va être émis en été pour consultation avec les intervenants.

Pour ce qui est des articles 95 et 96, je vous ai expliqué le sens de cette chose,

que cela va venir petit à petit.

J'espère que j'ai répondu au qros de vos recommandations. Je voulais vous dire, parce que vous avez offert votre collaboration, votre expertise, qu'on va prendre note de cela, on va vous consulter et accepter votre offre de travailler toute cette problématique ensemble, surtout dans le champ d'action où vous êtes spécialistes, surtout dans le domaine de la foresterie urbaine. On va prendre bien note de cela et vous consulter pour sûr. Merci beaucoup.

Le Président (M. Rochefort): Merci, M. le ministre. M. le député de Terrebonne.

M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président. Vous soulignez au tout début de votre intervention que vous n'avez pas eu beaucoup de temps pour préparer votre mémoire. Vous savez que j'avais déjà averti la commission au tout début que beaucoup de groupes n'auraient pas assez de temps, mais malgré cela - je ne veux pas engager une polémique - je tiens à vous féliciter de la qualité de ce rapport. Il aurait été peut-être plus élaboré si vous aviez eu plus de temps, mais la qualité de votre intervention est quand même là.

Il y a beaucoup de choses qui sont très claires, mais il y a certains points que j'aimerais faire éclaircir. À la page 11, vous dites: "L'utilisation de phytocides, par exemple, deux fois dans la vie d'un peuplement forestier (80 ans) peut-elle être considérée comme exceptionnelle?" Vous mettez un point d'interrogation. Je pense que cela vous tentait d'en mettre trois ou quatre. La question est celle-ci: Demandez-vous, en fait, que l'utilisation de phytocides - utilisés beaucoup par Hydro-Québec, comme vous le savez - soit interdite ou, deuxièmement, sinon interdite, au moins qu'elle soit sous la juridiction exclusive, la responsabilité exclusive du ministre de l'Environnement?

M. Comtois: M. le Président, je pense que je vais passer la parole à mes collaborateurs à ce sujet. Je vais demander à M. Leblanc, dans un premier temps, de répondre à cette question.

M. Blais; M. Leblanc.

M. Leblanc (Henri): Monsieur, j'aimerais dire que, dans notre optique, Hydro-Québec n'est pas un sylviculteur, n'est pas un organisme forestier; c'est un organisme de production d'électricité qui voit à l'entretien de ses corridors en éliminant la végétation qui pourrait être nuisible au bon fonctionnement de son transfert d'énergie.

Nous regardons les phytocides d'un oeil très intéressé et très particulier parce que la sylviculture dont vous parlez avec générosité dans ce projet de loi est un bébé à naître; il n'est pas né encore. On ne fait pas de sylviculture au Québec, et je ne crois pas qu'il y ait tellement de sylviculteurs. Il y a des prétendants à la gestion des forêts, il y en a plusieurs et il y en aura davantage en forêts privées. Ils sont au-delà de 100 000 petits propriétaires qui deviendront, certes, des sylviculteurs, mais à l'heure actuelle, le nombre est minime.

Toutefois, nous croyons que nous aurons besoin des phytocides pour mener à bonne fin l'amélioration de nos forêts, qui sont en décrépitude pour nombre de raisons que je n'ai pas à mentionner. Mais il y a des peuplements que nous devrons éliminer pour les remplacer par d'autres plus productifs, et ce fait exigera l'emploi des herbicides, d'une part - des phytocides - et, d'autre part, une certaine participation des travaux manuels. L'économie des deux techniques favorisera soit l'un, soit l'autre, mais à l'heure actuelle, nous concevons, nous, forestiers, que nous avons besoin des phytocides, d'une part, et que, deuxièmement, nous les utiliserons au début de la formation des peuplements pour éliminer une certaine végétation compétitive qui retarde le développement des essences préférées et peut-être, plus tard, dans 20 ans ou 30 ans, lorsque le peuplement aura atteint une certaine stature, nous utiliserons encore des phytocides pour éliminer des essences compétitives, comme les bouleaux, les trembles, les érables rouges, etc.

C'est dans ce sens que nous avons posé la question, à savoir si l'utilisation des phytocides, par exemple, deux fois dans la vie d'un peuplement, peut être considérée comme exceptionnelle. Nous considérons que ce sera probablement la routine. Autant qu'on aura de bonnes instructions qui nous viendrons du ministère, une bonne réglementation, nous croyons que nous procéderons de cette façon.

M. Blais: Vous êtes des forestiers, en fait; vous n'êtes pas des sylviculteurs, vous êtes des ingénieurs forestiers.

M. Leblanc: Oui.

M. Blais: Que le ministère de l'Environnement et que d'autres ministères aient des responsabilités sur des pesticides de tout genre, trouvez-vous cela difficile pour le métier que vous exercez? N'aimeriez-vous pas mieux que l'ensemble de la responsabilité de tout ce qui s'appelle pesticides ou produits antiparasites, pour être plus clair, soit sous la juridiction exclusive du ministre de l'Environnement?

M. Comtois: M. le Président, j'aimerais que M. Tremblay apporte quelques éléments de réponse à cette question. (17 h 15)

M. Tremblay (Jacques): M, le Président, sans vouloir me faire le porte-parole de l'ensemble des ingénieurs forestiers de la province, j'ai l'impression que l'implication du ministère de l'Environnement dans le domaine des phytocides, des pesticides en générai, est bienvenue. Maintenant, à savoir si le ministère de l'Environnement devrait avoir l'exclusivité de la gestion de cela, je ne voudrais pas me prononcer là-dessus. Personnellement, je n'y vois pas d'inconvénient. Cependant, je sais qu'il existe, à l'heure actuelle, des liens avec le ministère de l'Énergie et des Ressources relativement à des sujets semblables. Je crois que la collaboration est bonne de toute part et que tout le monde est bien pensant dans ce domaine, autant du côté des forestiers que du côté des gens de l'environnement ou même du côté du public en général. On est conscient de la difficulté d'utilisation de ces produits. On connaît même, à l'heure actuelle, le moratoire qui existe sur l'utilisation de phytocides par voie aérienne, et on le respecte également.

Je tente de répondre à votre question relativement au mot "exclusivement" au ministère de l'Environnement. Personnellement, je n'y vois pas d'inconvénient. Mais je sais qu'on devra, d'une façon ou de l'autre, assurer de bonnes communications entre les divers ministères. Mais il faut qu'il y ait une gestion du domaine des pesticides.

M. Blais: Je m'excuse d'être tenace. Je reviens encore à la même question. Vous êtes des gens qui avez comme profession de vous occuper de la forêt. Je suis persuadé que vous aimez la forêt et le métier que vous exercez. Je n'en doute pas. On le voit à lecture du rapport. Dans ce milieu-là, vous dites que vous ne voyez pas d'inconvénient à ce que ce soit l'Environnement, exclusivement, qui l'ait. Je croyais que vous auriez vu un avantage à ce que le ministre de l'Énergie et des Ressources, le ministre délégué aux Forêts et le ministre de l'Environnement viennent tripoter dans vos forêts. Du côté environnemental, vous ne voyez pas...

Une voix: Non.

M. Blais: Non, vous demeurez sur la même chose.

M. Tremblay (Jacques): Je n'appellerais pas cela "tripoter". D'ailleurs, je n'ai jamais pensé...

M. Blais Ils sont trois, c'est pour cela que je dis "tri".

M. Tremblay (Jacques): À mon avis, s'ils étaient deux, il n'y aurait pas de tripotage. À mon avis, il y a lieu d'assurer une meilleure communication. Je pense que des communications doivent exister, doivent être très présentes entre les divers ministères dans le domaine. Qu'il s'agisse d'un ministère ou de l'autre, je pense qu'il doit y avoir une réglementation face à l'utilisation des pesticides. Là, on englobe à peu près tout. Quand on parle de pesticides, on touche autant aux herbicides qu'aux insecticides ou aux phytocides. On reconnaît qu'il y a un danger pour l'environnement. Éventuellement, bien sûr, comme le ministère de l'Environnement a l'environnement sous sa responsabilité, il doit être impliqué autant que le ministère de l'Énergie et des Ressources, à mon avis.

M. Blais: Vous feriez un bon politicien. À la page 14, il y a un paragraphe que nous lirons ensemble, si vous le voulez bien, il est très court: "Nous trouvons malheureux, 6 l'article 17, que tout vendeur exploitant plus d'une place d'affaires à l'intérieur du Québec soit obligé d'obtenir un permis pour chacun de ses établissements. Il nous semble plus important que la clientèle retrouve dans chacun de ces établissements un technicien compétent muni d'un certificat, capable de la conseiller tant au magasin que sur le terrain." Je ne sais pas si je comprends bien. Ce n'est certainement pas toujours nous, de ce côté-ci, qui comprenons mieux que du côté là-bas. Est-ce que cela veut dire que vous laisseriez tomber le permis des établissements en faveur uniquement d'un certificat de compétence au vendeur ou au technicien compétent?

M. Comtois: M. le Président, je répondrai non à cette question. Voilà ce que nous voulons dire: Prenons, par exemple, une chaîne comme W. H. Perron dans le domaine de l'horticulture en milieu urbain. On pensait que cette chaîne pourrait obtenir, par exemple, un seul permis d'opération ou de vente de pesticides qui pourrait servir pour toutes ses filiales. Cependant, on ne veut pas du tout exclure le permis. Mais on trouve plus important que, dans chacune de ses filiales, il y ait des gens compétents. On a parlé d'un technicien, mais cela peut être un vendeur muni d'un certificat de compétence. On ne veut pas du tout enlever le permis d'opération, mais on voulait simplifier la chose en évitant d'avoir à émettre des permis différents pour chacun des établissements. On pense qu'un seul permis pourrait servir, par exemple, pour toute la chaîne, vu que c'est bien identifié. Comme M. le ministre le faisait remarquer tantôt, dans certains cas, les franchises ne sont pas tout à fait claires.

M. Blais: Je comprends, mais il est vrai que trop fort ne casse pas. Est-ce que, à ce moment-là - je vais vous poser une autre

question - le législateur ne pourrait pas dire devant une telle demande: Je vais donner un permis à l'Association des détaillants en alimentation. Ils sont 12 000, mais cela ne ferait qu'un permis. Est-ce que vous voyez où cela peut nous conduire"?

Une voix: Oui.

M. Blais: Ce n'est pas un peu dangereux, cette proposition?

M. Comtois: Ce n'est pas une recommandation fondamentale et ce n'est pas qu'on y tienne absolument dans notre mémoire. Disons que c'était tout simplement dans un esprit de simplification, pour éviter d'alourdir la machine bureaucratique qui va délivrer les permis. Pour nous, ce n'est pas fondamental; c'est une suggestion. Disons que nos recommandations principales portent sur d'autres points.

M. Blais: J'apprécie le fait que vous vouliez nous éviter de la paperasse. On en a tellement. Je l'apprécie.

Une voix: Ha! Ha! Ha!

M. Blais: Cela va être ma dernière question. À la page 17, au deuxième alinéa: "Nous répétons que nous sommes favorables à l'édiction de règlements pour les agriculteurs et les sylviculteurs, mais nous aimerions pouvoir donner notre avis sur ceux-ci." Je ne vous blâme pas, vous voulez être consultés. Dans l'autre paragraphe: "Le gouvernement n'exprime pas clairement, à notre avis, les dispositions qu'il entend prendre à l'égard de ces deux catégories d'utilisateurs et cette -un mot très poli qui suit - timidité nous laisse songeurs." Est-ce qu'on peut connaître un peu vos songes?

M. Comtois: Je pense que je vais d'abord laisser la parole à un collaborateur et, ensuite, faire un dernier commentaire, peut-être.

M. Blais: D'accord.

M. Comtois: Peut-être que M. Tremblay pourrait donner son avis là-dessus.

M. Tremblay (Jacques): Oui. Mes songes s'articulent, en fin de compte, autour du fait qu'on est conscient, n'est-ce pas, que la majorité des produits utilisés le sont par des agriculteurs. Les forestiers viennent loin en arrière, à toutes fins utiles. D'ailleurs, on parle de 85 % du volume utilisé par les agriculteurs,

M. Blais: Exact.

M. Tremblay (Jacques): Donc, on sent qu'il y a une masse là, une masse populaire, une masse politique importante. Le Dr Nantel parlait tout à l'heure d'un lobbying puissant. Je pense que c'est là que ça s'applique, c'est là que le bât blesse. À mon avis, cela devra prendre, pour s'attaquer à cette machine, à cette fraction des utilisateurs, un courage politique considérable qui va s'appliquer. Il va y avoir également des recherches et des consultations. C'est un peu la raison pour laquelle on mentionne -ce que je retrouve dans mes songes - cette timidité. On sent que peut-être on se prépare à faire une pièce de législation qui va être plus substantielle, mais on prend beaucoup de recul. C'est l'impression que j'avais.

M. Blais: Si je vous comprends bien, je vais vous résumer, vous craignez que la politique économique l'emporte sur le rationnel et la qualité de l'environnement.

M. Tremblay (Jacques): Bien, c'est une crainte qui est toujours présente.

M. Blais: Vous partagez l'opinion de l'Opposition,

Personnellement, je vous remercie beaucoup de votre présentation. Je vous félicite de la qualité de vos interventions et je vous souhaite bonne chance dans votre métier, qui est certainement honorable.

Le Président (M. Rochefort): Merci. Le mot de la fin, M. le ministre.

M. Lincoln: Oui. Je voudrais m'associer à mon collègue de l'Opposition pour dire exactement la même chose, pour souligner la qualité de votre mémoire et pour vous remercier très sincèrement de votre participation.

Le Président (M. Rochefort): Merci bien.

Maintenant, j'appellerais la Fédération des centres locaux de services communautaires du Québec à prendre place, s'il vous plaît.

Bienvenue, M. Leguerrier, Afin d'informer les membres de la commission, je vous demanderais de nous présenter les gens qui vous accompagnent.

Fédération des CLSC

M. Leguerrier (Paul): D'accord. Mon nom est Paul Leguerrier. Je suis le président de la Fédération des CLSC du Québec. M'accompagnent également M. Maurice Charlesbois, à ma droite, le directeur général de la Fédération des CLSC. Le deuxième a droite est M. Pierre-Yves Gagnon, conseiller cadre à la Fédération des CLSC. Au bout à ma droite, c'est le Dr Benoit Gingras,

médecin, plus préoccupé de santé agricole et qui travaille au CLSC de Lotbinière-ouest. À ma gauche, c'est Mme Michelle Langlais qui est infirmière en santé au travail au CLSC des Trots-Saumons à Saint-Jean-Port-Joli. À mon extrême gauche, M. Gaétan Malenfant, organisateur communautaire au CLSC Rivière et Marée à Rivière-du-Loup.

Le Président (M. Rochefort): Bienvenue à vous tous. Je vous demanderais de prendre les prochaines 20 minutes pour nous faire la présentation de votre mémoire.

M. Leguerrier: Merci, M. le Président. Je veux d'abord remercier les membres de la commission de nous avoir invités à présenter la position de la Fédération des CLSC du Québec concernant cet important avant-projet de loi sur les pesticides.

Nous sommes préoccupés, comme fédération de la santé, de nos concitoyens, de la santé des utilisateurs des pesticides, de la santé de la population en général; nous sommes préoccupés, donc, dans un avenir immédiat, de ces populations. Nous sommes préoccupés aussi des conséquences, à moyen et à long terme, de l'usage des pesticides sur la santé des individus, de la population. On peut penser, par exemple, à des effets sur la chaîne alimentaire ou sur les eaux de consommation de l'infiltration dans les nappes phréatiques, etc.

Alors, je voudrais, dans un premier temps, vous dire très brièvement que la Fédération des CLSC du Québec, c'est le regroupement volontaire des CLSC. La fédération existe depuis 1975 et elle oeuvre à la promotion du développement des CLSC, auxquels elle dispense plusieurs services-conseils. La fédération regroupe actuellement 146 CLSC répartis dans toutes les régions du Québec.

Les centres locaux de services communautaires, les CLSC, ont pour mission, de dispenser à leur population respective des services sociaux et des services de santé d'ordre curatif et préventif en intervenant auprès des individus ou des groupes dans leur milieu respectif.

Afin que la population puisse bénéficier des conditions environnementales propices au maintien et à l'amélioration de sa santé, les CLSC peuvent être amenés aussi à intervenir auprès des organismes publics et privés qui réalisent des activités ayant des conséquences sur la qualité de l'environnement ou/et, par voie de conséquence, sur la santé du public.

Dans ce contexte, par le biais de programmes comme la santé du travail et l'action communautaire, des CLSC ont vécu des expériences portant sur l'utilisation des pesticides. À titre d'exemple, mentionnons les études que certains CLSC mènent actuellement avec l'Institut de recherches en santé et en sécurité du travail afin de déterminer les risques d'exposition des travailleurs qui utilisent des pesticides dans les pépinières. Mentionnons aussi les collaborations établies avec le ministère de l'Énergie et des Ressources dans le cadre de l'arrosage aérien visant à enrayer les désastres causés par la tordeuse, ou encore les nombreuses sessions de sensibilisation ou d'information menées en milieu agricole au sujet de l'utilisation des pesticides. C'est donc à partir de ces expériences que nous allons vous livrer nos réflexions et vous faire un certain nombre de recommandations.

En tout premier lieu, nous tenons à exprimer notre satisfaction par rapport à la volonté du ministère de l'Environnement de légiférer dans le domaine de la vente et de l'utilisation des pesticides au Québec. Nous souscrivons, notamment, aux énoncés de politique et aux principes directeurs qui apparaissent dans le document intitulé: "Sommaire de la problématique et de la politique d'intervention proposée par le ministère de l'Environnement", de même qu'aux intentions faisant l'objet du document "Pour une utilisation rationnelle des pesticides au Québec".

Toutefois, après avoir pris connaissance de ces deux ouvrages, nous nous attendions que cet avant-projet de loi, qui en est issu, vienne confirmer ces énoncés et ces intentions. Nous nous attendions aussi que ce dernier s'inscrive dans la Loi sur la qualité de l'environnement et qu'il vienne ajouter plus de mordant à ses dispositions qui ont pour objet la préservation et l'amélioration des conditions environnementales dont bénéficie la population québécoise. Tel n'est cependant pas le cas. Cet avant-projet de loi vient plutôt remplacer ces conditions et, de façon générale, il nous semble plus permissif que la loi présentement en vigueur.

Nous considérons aussi qu'il est dangereux d'amputer la Loi sur la qualité de l'environnement de domaines dans lesquels elle intervient déjà. À long terme, une semblable pratique pourrait avoir pour conséquences de limiter son action d'une façon telle que les objectifs qui ont conduit à son adoption pourraient devenir difficilement réalisables.

Nous savons qu'à cet égard et sur cette question, M. le ministre a déjà indiqué qu'il avait pris cette question en délibéré. Néanmoins, nous tenons aujourd'hui en commission parlementaire à vous souligner cet aspect que nous trouvons important.

Donc, pour ces raisons, nous nous objectons fermement à ce que le contrôle des pesticides par une loi spéciale soit soustrait de la Loi sur la qualité de l'environnement. Selon nous, il doit en faire partie et en aucun temps ne doit venir atténuer certaines dispositions qui y sont

déjà comprises. (17 h 30)

Outre cette réserve majeure qui porte sur la place que doit occuper cet avant-projet de loi dans l'ensemble de législation québécoise en matière de protection de l'environnement, nous désirons aussi vous faire des recommandations par rapport à certaines dispositions que contient cet actuel avant-projet de loi. Tout d'abord, au chapitre de la recherche et du développement et de l'éducation. À la page 11 du document intitulé "Sommaire de la problématique et de la politique d'intervention proposée par le ministère de l'Environnement", il est indiqué dans la conclusion, et je cite: "...il apparaît que les solutions pour réduire les risques pour l'environnement et la santé humaine passent par deux avenues; la recherche et le développement, et l'éducation."

De telles solutions sont fort intéressantes, et ce pour deux raisons. D'abord, parce qu'elles permettent de remonter jusqu'aux causes et de bien identifier ce qui, dans le cas présent, est nuisible à la santé et à l'environnement; trop souvent, à notre avis, on se contente de minimiser les effets immédiats d'un produit sur une situation donnée, sans se soucier des conséquences qu'il peut avoir à moyen et à long terme. Ensuite, parce qu'elles impliquent un caractère préventif en voulant informer et éduquer autant les utilisateurs que la population des avantages et des inconvénients des pesticides. L'avant-projet de loi est cependant peu loquace et précis sur ce sujet. Le contrôle de la vente et de l'utilisation des pesticides semble être le seul objectif poursuivi.

Nous verrions donc d'un bon oeil qu'une plus grande importance soit consacrée à ce volet dans cet avant-projet de loi. Dans cette optique, nous recommandons que les paragraphes 1, 2 et 3 de l'article 7 constituent une responsabilité ministérielle qui "doit" être assumée - et non seulement "peut" être assumée - et que l'avant-projet de loi contienne des dispositions précisant les moyens qui seront utilisés afin de sensibiliser et d'éduquer la population par rapport aux pesticides.

La fameuse question des agriculteurs et des sylviculteurs. Les statistiques démontrent qu'environ 85 % des pesticides utilisés au Québec le sont par les agriculteurs et les sylviculteurs. Or, l'avant-projet de loi précise que les mesures de contrôle qu'il comporte ne s'adressent pas à cette catégorie d'utilisateurs. Et même si le gouvernement peut déterminer certaines dispositions qui pourraient les concerner, nous considérons cette situation comme inacceptable. À l'instar de plusieurs autres groupes qui se sont présentés, "je pense, devant la commission parlementaire, nous recommandons que les dispositions de la section III du chapitre III et celles des sections I, IV et VI du chapitre IV de l'avant-projet de loi s'appliquent à tous les vendeurs et utilisateurs de pesticides, y compris les agriculteurs et les sylviculteurs, quitte à ce que le gouvernement accorde à ces derniers, après l'étude de leurs requêtes, des traitements distincts.

En ce qui concerne maintenant les classes et la nature des pesticides, l'avant-projet de loi ne fait pas état des classes et de la nature des pesticides sur lesquels portent plusieurs de ses articles. Cette présentation apparaîtra plutôt dans la réglementation qui accompagnera la loi. L'aspect parfois très spécialisé du sujet est probablement à l'origine d'une telle décision.

Cependant, si l'on considère que les pesticides constituent l'objet de cet avant-projet de loi, nous recommandons que celui-ci contienne une section consacrée aux pesticides dont la vente et l'utilisation sont permises, ceux dont la vente et l'utilisation sont prohibées et les catégories auxquelles ils appartiennent.

L'avant-projet de loi sur les pesticides donne l'impression d'accorder sa bénédiction aux pratiques actuellement en vigueur. Ainsi, il ne comporte à peu près pas d'interdits, notamment en ce qui a trait aux méthodes, normes et procédés généralement reconnus en cette matière ou aux normes fixées par réglementation du gouvernement. La loi devrait, à notre avis, être plus précise à ce sujet, et nous recommandons: 1. que soient précisés dans cette loi les normes et procédés en matière d'utilisation de pesticides; 2. que la loi interdise les pulvérisations aériennes des pesticides en deçà de certaines distances des zones résidentielles et des bassins d'alimentation en eau potable, et cela en tenant compte des facteurs de dérive. J'ajouterais que cela doit tenir compte également des pulvérisations manuelles qui sont faites dans les mêmes environnements; 3. que la loi rende obligatoire l'émission d'avis publics informant la population et les organismes de santé, au moins quinze jours à l'avance, des zones qui seront arrosées, des produits utilisés et des mesures à prendre si ceux-ci venaient en contact, étaient inhalés ou encore absorbés par un individu. Il s'agit là donc de mesures de prévention secondaires très immédiates; 4. que la loi permette aux propriétaires de terrains privés le droit de refuser que des arrosages manuels ou aériens de pesticides soient faits sur leurs terrains.

Pour ce qui est de la formation, l'avant-projet de loi ne comporte pas de précisions sur le type d'examen à passer pour l'obtention d'un certificat, le type de formation requis pour être accepté à un tel examen et les organismes habilités à dispenser cette formation. Nous

recommandons donc que seuls les organismes publics ou les firmes spécialisées en formation soient habilités à concevoir et à dispenser des sessions de formation s'adressant aux utilisateurs des pesticides. En aucun temps, les fabricants et fournisseurs de pesticides ne devraient être directement impliqués dans de telles activités.

En ce qui concerne l'étiquetage, et nonobstant les dispositions de l'article 118 de cet avant-projet de loi, nous recommandons que l'étiquetage apparaissant sur les contenants des pesticides contienne des directives sur leur conservation et leur entreposage, de même que sur leur élimination après usage. Nous sommes confrontés régulièrement avec des gens qui ne savent pas comment disposer des restes de pesticides qu'ils ont utilisés lors d'épandage. Il faudrait, de plus, ajouter des instructions claires et visuelles sur la protection personnelle à prendre selon le degré de toxicité des produits et indiquer les équipements de protection suggérés pour assurer véritablement cette protection. II faudrait aussi s'assurer que les équipements de protection sont disponibles dans les points de vente des pesticides. On peut parler d'instruments de protection, mais s'ils ne sont pas disponibles dans les points de vente, on multiplie les contacts à faire et il n'y a pas de possibilité, à ce moment-là, de donner véritablement suite à cette question.

Un dernier sujet, mais non le moindre: la réglementation. La pratique veut, dans le cadre de l'élaboration et de l'acceptation d'une loi, que les précisions concernant son application soient confirmées dans une réglementation qui l'accompagne et qui est déterminée un peu avant son entrée en vigueur. Bien que cette réglementation soit importante, elle porte néanmoins sur des applications qui s'inscrivent dans le cadre d'orientations, de directives et d'énoncés édictés dans la loi. Dans le cas présent, nous avons l'impression que c'est la réglementation qui va venir préciser bon nombre de ces énoncés et directives, et non la loi, comme cela devrait être, à notre point de vue. C'est pourquoi nous recommandons que soit précisés dans la loi: premièrement, la nature et la classification des pesticides auxquels elle s'adresse; deuxièmement, les critères menant à l'obtention d'un permis et d'un certificat; troisièmement, les dispositions qui s'appliquent aux agriculteurs et aux sylviculteurs; et quatrièmement, les normes et pratiques concernant l'utilisation des pesticides.

Voilà qui complète notre tour d'horizon de cet avant-projet de loi sur les pesticides.

Vous avez constaté notre déception sur certains aspects de cet avant-projet de loi au cours de notre mémoire. Il faut d'ailleurs préciser que le simple fait que cet avant-projet de loi soustraie les pesticides à la Loi sur la qualité de l'environnement nous préoccupe et nous inquiète grandement, il nous semble que cette orientation gouvernementale sous-estime l'importance à apporter au respect de l'écosystème québécois. Quand nous parlons du respect de l'écosystème, nous entendons, bien sûr, la qualité du sol et de l'environnement, mais nous voulons aussi insister sur les conséquences sur la santé publique des Québécois. L'idéal serait de formuler un nouveau chapitre de la Loi sut-la qualité de l'environnement au sujet des pesticides.

Tout au moins, il est normal que nous nous attendions à un projet de loi beaucoup plus mordant, surtout quand on considère les intentions déjà connues du ministère de l'Environnement ainsi que les expériences reliées à l'utilisation des pesticides, isolées peut-être, mais de plus en plus nombreuses, qui ont été néfastes, tant pour la santé que pour l'environnement. Sans vouloir être alarmistes, nous croyons qu'il vaut mieux prévenir que guérir, et c'est dans cette optique que nous vous invitons à considérer ce mémoire et à lui donner les suites indiquées.

Nous vous remercions, M, le Président, du temps que vous nous avez accordé. Même si notre mémoire est relativement court, comme les autres, nous n'avons pas eu tout le temps que nous aurions souhaité. Ce n'est pas un domaine dans lequel on est massivement impliqués, mais c'est quand même un domaine qui nous préoccupe hautement.

Le Président (M. Rochefort): Merci, M. Leguerrier. M. le ministre.

M. Lincoln: M. Leguerrier, merci de votre mémoire. Vous avez souligné vous-même qu'il était court; mais malgré cela, il apporte sûrement des observations pertinentes et, en même temps, très importantes. Dans ce sens, on le considère avec le plus grand sérieux. Je pense que le point central de votre mémoire, c'est le fait que nous ne nous sommes pas servi de la Loi sur la qualité de l'environnement et que, de ce fait, nous avons diminué l'impact de la loi et peut-être diminué aussi le cadre de la lutte envers les pesticides dans l'environnement. Je voudrais vous souligner ce que j'ai essayé d'expliquer hier à un intervenant qui en a fait le point central de son mémoire, et au début de cette commission parlementaire, où cela a été le cas aussi.

Je peux vous assurer que c'est une décision qui a été prise avec beaucoup de recul et de réflexion. Nous avons commencé par... En fait, je l'ai; j'ai montré cela hier. Le dossier rouge est le dossier de travail sur ce projet de loi, dans lequel on a essayé d'élaborer des textes, comme vous l'avez souligné, comme vous l'avez suggéré, pour inclure une section sur les pesticides dans la Loi sur la qualité de l'environnement. C'est

un travail majeur parce que la Loi sur la qualité de l'environnement est une loi-cadre, donc très générale, où les pesticides sont seulement un des centaines et des centaines de contaminants que la loi peut couvrir. Ceci veut dire qu'il faudrait tellement d'amendements à la loi pour apporter une habilitation particulière par rapport à un contaminant, surtout dans le cadre juridique actuel, qui est beaucoup plus strict que le cadre juridique qui s'appliquait en 1972, quand la Loi sur la qualité de l'environnement a été adoptée, et où des dispositions très larges étaient données, étaient permises qui ne le sont pas aujourd'hui dans le cadre réglementaire de notre loi où il faut situer exactement les paramètres d'une réglementation future.

Donc, lorsque nous avons essayé de faire ce travail, qui était notre premier objectif pour nous-mêmes, nous avons produit des ébauches - il y en a plusieurs qu'on pourra certainement vous montrer - qui sont arrivées devant le comité interministériel. Il y a tout un cheminement à faire pour les lois. Partout, la constatation a été que c'était une loi presque illisible. Il y avait tellement d'amendements, tellement de références que personne, surtout nous-mêmes qui travaillons avec les lois... Il y avait des légistes qui ne pouvaient pas comprendre le sens de la loi, c'était tellement compliqué. Ils ont dit: Comment voulez-vous qu'un citoyen prenne une loi comme cela et qu'il sache ce que vous voulez faire? C'était une première raison.

Il y avait une deuxième raison. Nous avons consulté les provinces canadiennes, les États américains. Pour plusieurs raisons, après avoir examiné les deux côtés de la médaille... La dernière province a été la Nouvelle-Écosse, qui a été l'avant-dernière, avant nous, à faire une loi sur les pesticides et qui a une loi sur la qualité de l'environnement. Après avoir examiné le pour et le contre, ils sont arrivés à la même conclusion que nous et ils ont eu à faire une loi particulière. Il y a le fait, qui a été souligné par un intervenant, qu'il y a la loi fédérale sur les pesticides et les produits antiparasitaires avec laquelle il faut faire une concordance. C'est une loi particulière. C'est encore un autre argument. C'était tout ce jeu de choses qui nous a presque obligé à aller de l'avant avec une loi particulière. En fait, le comité de législation de l'Assemblée nationale a dit: Votre première esquisse ne peut pas passer, ce n'est pas acceptable. Il faut refaire une loi sur les pesticides.

J'ai aussi souligné qu'une des personnes les plus éminentes au Québec, qui a participé à la rédaction de la Loi sur la qualité de l'environnement, au début, qui a été un de ses plus grands promoteurs, qui a participé activement, qui a été une des personnes qui a écrit la loi, nous a recommandé le même cheminement, soit de faire une loi particulière. Après tous ces avis, il y avait surtout le dernier point que si, par exemple, nous avions inscrit un amendement sur les pesticides à la Loi sur la qualité de l'environnement, il avait fallu toucher à certains articles fondamentaux, par exemple les articles 20 et 22. L'article 22 est d'une portée générale; il est immense. Aujourd'hui, on ne pourrait pas le "recapturer". Si on faisait aujourd'hui un article 22 comme celui-là dans une loi, il ne serait pas acceptable dans le cadre juridique actuel. Comme là, c'est acquis; on nous a donné un avis juridique que si on commence à toucher à cela en faisant des amendements pour un contaminant particulier, on diminuera sa portée potentielle parce qu'à un moment donné, il va être testé en cour, et celle-ci va dire: On va l'appliquer à un produit particulier. Il faudra faire la même chose pour tous les autres contaminants. On nous a dit: Laissez cela comme ça. Cela a une portée beaucoup plus grande.

Ce qui se passe aujourd'hui, c'est que, vu tous les intervenants qui ont souligné la question, nous allons préciser que la loi sur les pesticides ne porte nullement atteinte à l'intégrité de la Loi sur la qualité de l'environnement. On va préciser trois choses: premièrement, que les pesticides sont certainement un contaminant selon la Loi sur la qualité de l'environnement, pour faire un lien; deuxièmement, que toutes les dispositions qui ont trait à l'accès du public à l'information vont s'appliquer dans la loi des pesticides; troisièmement, qu'il y aura une disposition qui va stipuler que l'intégrité de la Loi sur la qualité de l'environnement va s'appliquer totalement, c'est-à-dire que tout le poids de la Loi sur la qualité de l'environnement va toujours être là, mais que cette loi sur les pesticides, pour les raisons que je vous ai données, est une loi particulière. (17 h 45)

Maintenant, pourquoi toutes les normes et les dispositions que vous avez notées avec beaucoup de pertinence ne sont-elles pas dedans? C'est parce qu'on voulait faire une loi-cadre. Il y a deux façons de procéder. Vous pouvez mettre toutes les dispositions dans une loi. À ce moment-là, ce qui arrive dans le cas des pesticides où vous avez des changements évolutifs presque constants, c'est que vous avez besoin d'amender la loi. Quand vous avez besoin d'amender une loi, je pense que tous les intervenants autour de la table vous diront que c'est un processus très lourd. Il faut passer par le processus législatif, par les comités interministériels. Amender une loi est presque interminable, mais amender un règlement se fait beaucoup plus facilement. On donne un avis de changement de règlement et c'est beaucoup plus flexible.

Comme le domaine des pesticides est nouveau pour nous et évolue constamment, il faudra changer la classification des pesticides eux-mêmes, changer la classification des utilisateurs, changer tout le système des permis lorsqu'il y aura eu une évolution là-dedans. Il faut avoir un système où on peut changer les règlements assez facilement. C'est la raison pour laquelle beaucoup de dispositions et de normes seront contenues dans une réglementation qui deviendra publique à Pété pour consultation.

En ce qui concerne les agriculteurs et les sylviculteurs, je répète que l'intention est de les inclure. Il y a une disposition permettant de les inclure à une date ultérieure. Il y a déjà des négociations avec ces deux secteurs pour les inclure. Là aussi, ils seront sujet à une réglementation qui sera prépubliée.

Je voudrais toucher à quelques éléments. Par exemple, la recherche sur laquelle vous avez mis l'accent. Tout à l'heure, nous discutions du sujet avec le Dr Nantel, qui en avait fait la pièce centrale de son mémoire. Il avait, lui aussi, souligné qu'on devrait mettre l'accent sur la recherche. Je sais que vous avez suggéré que la loi ne dise pas "peut" mais qu'elle dise "doit" conduire des programmes de recherche. On va considérer cela. Il y a des raisons pour lesquelles on a dit "peut", parce que parfois des choses sont impossibles à faire pour des raisons financières ou d'autres. C'est pourquoi le législateur se donne une marge de manoeuvre. En tout cas, on va considérer cela de très près.

Je voulais vous poser quelques questions sur certaines parties de votre mémoire. Par exemple, vous suggérez, concernant la classe et la nature des pesticides, que la loi contienne une section consacrée aux pesticides dont la vente et l'utilisation seront permises, d'une part, ceux dont ces aspects sont prohibés et les catégories auxquelles ils appartiennent. Pourriez-vous me donner une explication de ce que vous recherchez?

M. Leguerrier: D'accord. Je pense que dans le document que le ministère de l'Environnement a produit préalablement à la loi, il en est question. Je vais demander au Dr Gingras s'il veut nous préciser ces aspects des classes qui sont, si j'ai bien compris, liés au degré de toxicité des produits qui peuvent être utilisés.

M. Gingras (Benoit): En réalité, on fait allusion aux classes fédérales qui sont déjà en vigueur, mais de façon que cela soit inclus dans la loi. C'est-à-dire que les classes déterminées par la loi fédérale sont différentes de celles suggérées actuellement dans les documents qui ont conduit à l'élaboration de l'avant-projet de loi que vous avez présenté. Nous croyons important de concrétiser dans la loi les classes des pesticides qui, en termes de degré de toxicité, rendraient leur utilisation dangereuse pour les utilisateurs ou les gens qui en font l'application.

M. Lincoln: Dans le domaine privé, par exemple, vous avez fait une suggestion pour ce qui est des arrosages sur les terrains domestiques. Vous recommandez que la loi permette aux propriétaires de terrains privés le droit de refuser des arrosages manuels de pesticides sur leurs terrains. Pourriez-vous me dire si vous avez en vue des arrosages aériens par exemple, ou bien, des arrosages faits par un voisin qui pourraient avoir un impact sur le terrain d'un autre?

M. Leguerrier: Je peux demander à M. Malenfant de donner un exemple précis de ce qui s'est produit dans sa région pour ce qui est de l'arrosage des pesticides pour la tordeuse de l'épinette.

M. Lincoln: Bon.

M. Malenfant (Gaétan): Je vais vous donner un exemple tout à fait récent qui date de l'été dernier et qui me concerne personnellement. Je suis membre du Syndicat des producteurs de bois du Bas-Saint-Laurent parce que j'ai une terre de bois. Le syndicat a procédé à des arrosages contre la tordeuse des bourgeons de l'épinette avec l'insecticide Bt dans la région où je demeure. On m'a demandé si j'étais d'accord qu'on arrose ma terre. J'ai refusé; je n'ai pas signé le papier les autorisant à arroser. De toute façon, ils ont arrosé quand même. Le plus beau du tour c'est que j'ai reçu une lettre me remerciant d'avoir participé au programme. Je me dis: Que vaut te droit de refus dans des cas comme cela? C'est absolument inutile. Il faut vraiment asseoir cela sur quelque chose de sérieux. Il faut avoir de quoi faire valoir nos droits dans la loi.

Cela vaut aussi pour les voisins qui se font arroser, surtout quand c'est aérien. On pense aux agriculteurs qui arrosent leurs champs. Souvent on ne tient pas compte des vents. Alors, la dérive arrose le champ d'à côté. Cela arrive souvent quand ce sont des producteurs dont les voisins pratiquent une agriculture dite biologique. Quand le voisin arrose son champ en avion et que toi, tu fais une culture biologique, cela vient mêler les cartes. It faudrait que les gens qui ne désirent pas être arrosés puissent se prévaloir de quelque chose dans la loi. C'est aussi valable pour les arrosages d'Hydro-Québec le long des lignes de transmission, à la fois de transport et de distribution. J'ai vu, l'été dernier aussi, qu'on arrosait tout près de chez moi et sans me prévenir qu'on arrosait. Ces choses sont quand même dangereuses.

M. Lincoln: Je comprends très bien le sens de votre demande. C'est pourquoi je suis content d'avoir posé la question parce c'est un exemple frappant qui explique cela bien mieux que des explications théoriques.

Mon temps s'achève, il va falloir que je cède la parole à mon collègue de l'Opposition. J'aimerais poser une dernière question au Dr Gingras et à sa collègue qui s'occupent du domaine du travail. Pourriez-vous nous donner des expériences que vous avec vécues dans ce domaine quant à l'impact des pesticides sur la santé? Sans aller bien loin, mais peut-être un ou deux exemples frappants comme cela qui pourraient nous illustrer les problèmes de façon graphique.

M. Gingras: Mon expérience est surtout au regard de l'utilisation des pesticides par les agriculteurs. Depuis quatre ans, je suis en contact assez fréquemment avec ce groupe d'utilisateurs qui, on l'a dit plusieurs fois, utilisent une très grande quantité de pesticides, mais aussi une grande variété de pesticides, dont certains sont parfois très toxiques. À l'occasion, ils utilisent aussi des pesticides moins toxiques, donc, qui sont inclus dans une classe qu'on considère comme moins dangereuse et cela fait allusion aux classes dont on parlait tout à l'heure. Mais compte tenu de la quantité impressionnante utilisée, il est certain que l'impact sur leur santé en tant qu'utilisateurs - et j'exclus en parlant comme cela l'impact sur l'environnement parce qu'il y a des gens qui sont beaucoup plus experts que moi dans ce domaine - l'impact sur la santé des agriculteurs eux-mêmes comme utilisateurs devient très grand, même s'ils utilisent un produit en particulier, par exemple, qui pourrait être considéré comme moins toxique. De façon générale, les agriculteurs ne connaissent pas couramment les risques que représentent les produits qu'ils utilisent. Ils ont appris à travailler d'une certaine façon avec des produits dont ils ne connaissent pas la nature. Il est, bien sûr, déjà très difficile, même avec une volonté de formation, même s'ils le voulaient bien. Ils ne sont pas de mauvaise foi ni de mauvaise volonté dans ce sens, ils voudraient bien avoir une formation plus grande; mais ils ont déjà développé beaucoup d'attitudes et d'habitudes de travailler avec des produits dont ils ne connaissent pas la toxicité. Il est courant de voir les agriculteurs, quand il fait chaud au printemps, faire des pulvérisations, torse nu. La dernière fois que je parlais comme cela à un producteur récemment, il disait qu'il avait hâte d'arriver au bout du champ parce qu'en revenant, par exemple, les petites bruines qu'il avait dans le dos le rafraîchissaient, parce qu'il faisait très chaud. Ce n'est pas une blague. D'autres utilisations sont faites, par exemple, dans les bâtiments.

Je peux vous dire que quand on parle de la formation des producteurs, pour ce qui est de ces produits, souvent ils considèrent que ce n'est pas un problème pour eux. Ils utilisent un produit et ce n'est pas trop dangereux. On fait régulièrement des rencontres d'information, précisément sur certains produits. La réponse, en général, à cette invitation, qui est organisée par l'UPA et non pas par le CLSC, est d'environ 5 %. Les gens ne se considèrent pas comme impliqués dans cette question.

Un autre aspect, rapidement, c'est l'encadrement qu'on prétend que les agriculteurs ont par les agronomes des bureaux locaux, par exemple, du ministère de l'Agriculture, ou encore par les agronomes ou par les vendeurs de pesticides. Les agronomes eux-mêmes - dans notre région, en tout cas - avouent très souvent qu'ils ne sont pas en mesure d'apporter des renseignements d'ordre sécuritaire concernant les pesticides et je peux vous affirmer qu'on en a fait plusieurs fois l'expérience.

C'est la même chose en ce qui a trait aux vendeurs, que cela soit les coopératives ou les vendeurs itinérants. Il suffit qu'un vendeur soit plus loquace qu'un autre pour passer son produit, même si son produit est nettement plus toxique alors qu'un autre produit d'une autre compagnie pourrait être moins toxique avec les mêmes résultats.

J'ai peut-être été très long, mais il fallait mentionner que la protection des utilisateurs dans le milieu agricole n'existe pas. Il ne semble pas encore, malgré beaucoup de pression même du milieu local, l'UPA, très ouvert à recevoir de l'information et de la formation en ce qui concerne ces produits et, dans ce sens, je pense personnellement que l'incitation à la formation devrait être peut-être plus pressante que ce qui apparaît dans la loi.

Mme Langlais (Michelle): J'aimerais peut-être compléter un peu ce que vient de dire le Dr Gingras. L'expérience que j'ai dans mon milieu ressemble un peu à celle que vient de citer le Dr Gingras, dans le sens que ce sont des rencontres avec des producteurs, et ce qui en est ressorti, c'est vraiment cela.

Pour répondre à votre question plus particulière sur l'impact sur la santé des utilisateurs, on n'a pas, chez nous, de données concrètes là-dessus. Comme le disait tout à l'heure le Dr Nantel, les symptômes sont très vagues. C'est-à-dire que les producteurs peuvent peut-être se plaindre qu'ils ont des maux de tête, des pertes d'appétit, mais ils ne font pas nécessairement de lien avec le fait qu'ils utilisent des pesticides. Il n'y a pas de données concrètes comme cela. C'est là qu'est le danger, justement. Les producteurs agricoles ne sont pas conscients qu'ils utilisent des produits

toxiques et dangereux parce que ces produits sont faciles d'accès et aussi parce qu'ils n'ont pas d'information des personnes qui les leur vendent, que ce soit les vendeurs ou les agronomes. Il y a donc énormément de risques dans ce domaine. Il y a un impact, mais on le connaît très peu. On connaît l'impact sur l'environnement, mais sur la santé, on le connaît très peu à cause des symptômes qui sont très vagues.

Une voix: Je crois que M. Leguerrier veut ajouter quelque chose.

M. Leguerrier: Si vous me le permettez, on a tous des exemples. Je pense qu'on a lu l'an dernier, dans les journaux, que dans l'ouest de Montréal, par exemple, on a arrosé des pelouses et des enfants se sont retrouvés avec des problèmes. Dans ce cas, on a fait un lien très direct. Mais quand un individu se présente chez le médecin, on lui demande si c'est un accident de la route, un accident du travail ou une maladie générale, et l'intoxication aux pesticides passe dans les maladies générales parce qu'on n'en relève pas les présomptions comme telles. (18 heures)

Une de nos recommandations que l'on trouve importante - j'en jumelle deux - c'est celle de l'information et celle de l'étiquetage. Si les gens sont mieux informés par un étiquetage véritablement adéquat, il y a des possibilités de prévention et on n'aura pas besoin d'intervenir, probablement. Le problème réside dans la non-connaissance de l'ensemble des gens. Vous savez, comme moi, qu'aujourd'hui on peut aller à peu près n'importe où acheter des pesticides au marché libre. Il faudrait que ce soit réglementé. Si on a un bon étiquetage et qu'on a aussi des programmes d'information et d'éducation - quand je dis cela, je parie de programme, en général... Quand dit-on, à la télévision ou à la radio, comment disposer des pesticides? Quand dit-on, dans des annonces promotionnelles sur la prévention, que c'est dangereux? Ce sont des aspects que l'on trouve importants qu'ils soient pris en considération, et non pas uniquement la certification, etc. On trouve cela aussi important, mais on insiste également sur les aspects préventifs liés aux actions à poser, dans cette loi.

Le Président (M. Rochefort): Cela va? M. le député de Terrebonne.

M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président, Vous disiez que votre rapport est court. Je tiens à vous dire qu'il est franc, qu'il est clair et qu'il parle beaucoup par ses recommandations qualitatives qui, elles, parlent très haut. On volt, par la teneur de vos recommandations, que vous êtes près de la population et, au législateur, vos recommandations servent beaucoup. Je sais, malgré la franchise de ce document, que le guerrier que vous êtes ne venait pas livrer bataille sanglante aux législateurs que nous sommes.

M. Leguerrier: Mon nom est pacifique.

M. Blais: Mon père s'appelle Pacifique, mais je ne suis pas un engin.

Vous êtes le dernier groupe que nous avons sous la dent. Vu que vous nous avez dit que vous auriez prévu un avant-projet de loi plus mordant, j'irai à la page 4 de votre rapport, où vous dites que le "Sommaire de la problématique et de la politique d'intervention proposée par le ministère de l'Environnement", document que vous avez eu et qu'on a eu en avant-projet, et le deuxième, "Pour une utilisation rationnelle des pesticides au Québec", c'étaient des documents que vous avez considérés comme mordants, d'une bonne dentition; et qu'après, vous vous retrouvez avec un avant-projet de loi qui vous semble "partiel". Vous dites: "Toutefois, après avoir pris connaissance de ces deux ouvrages, nous nous attendions que cet avant-projet de loi, qui en est issu, vienne confirmer ces énoncés".

Je vais vous poser la question suivante. Vous êtes vraiment le dernier groupe. Vous savez que c'est aride, cette salle. Je vais essayer, tout en posant des questions sérieuses, d'y mettre un peu plus d'humour, vu qu'on vous a retardés dans votre présentation.

Vous croyez que cet avant-projet de loi ne représente pas les intentions qu'annonçait le ministre par ses documents de base; c'est ce que vous pensez, c'est ce que vous écrivez. J'aimerais vous demander sur quels points vous sentez cette faiblesse de l'avant-projet de loi, les deux ou trois principaux points où vous sentez une faiblesse qu'il faut à tout prix corriger.

M. Leguerrier: Je vais demander tantôt à mes collègues de m'aider à préciser. Je pense que toute la question de la classification et de la nature des pesticides que l'on avait retrouvée dans les documents était un élément important qu'on aurait aimé voir se traduire comme tel dans cet avant-projet de loi; donc, c'est un des éléments importants. Je pense également à toute la question de la recherche qui est Impliquée là-dedans. Je vais demander à mes collègues de préciser certains aspects. Peut-être M. Gagnon. Oui, Maurice.

M. Charlesbois (Maurice): Si l'on veut préciser deux ou trois points centraux, il y a ceux qui ont été mentionnés par rapport à la classification, au moins d'introduire de grandes catégories pour encadrer... La

classification, c'était le premier élément et, la recherche, le deuxième. L'étiquetage et l'information, dont on a parlé tout à l'heure, est un autre point important, c'est-à-dire s'assurer, quant à une réglementation de l'étiquetage ou quant à des dispositions concernant l'étiquetage, que les utilisateurs peuvent prévenir eux-mêmes des situations dangereuses, alors un étiquetage visuel, clair, etc., qui tient compte du fait que les gens utilisent ces produits depuis longtemps et... enfin, leur éviter d'avoir à lire le petit livre en caractères très fins de 22 pages dans la boîte. Il pourrait y avoir tout un code visuel de développé, comme cela s'est fait dans les produits domestiques.

M. Blais: Y a-t-il autre chose? Oui, M. l'arrosé.

M. Leguerrier: Oui, je pense qu'une des choses qui est importante, c'est toute l'exclusion des cultivateurs, des agriculteurs du projet de loi, qui était mentionnée dans cette étude. Je ne sais pas si...

M. Malenfant: C'est pour insister sur le fait que, dans le fond, ce sont des produits dangereux que l'on retrouve, de par l'agriculture, tout près des résidences des agriculteurs et, à la fois, des villages agricoles. Chez nous, des études ont été faites par le Département de santé communautaire de Rivière-du-Loup qui ont démontré que dans le cas des arrosages au Bt, ou bacillus thuringiensis, les populations environnant les blocs d'arrosage ont été atteintes, même à une distance de 12 kilomètres, et même 20 kilomètres, qu'il y avait du Bt dans l'air jusqu'à 20 kilomètres des territoires arrosés, souvent même plus.

Si on en retrouve sur d'aussi grandes distances, quand on cultive près des résidences et des villages et qu'on... Les agriculteurs ne prennent pas nécessairement toujours de précautions parce qu'on ne sait pas que cela représente un risque; alors, on va arroser même lorsqu'il vente, en plein soleil... Donc, la dérive que l'ensemble du village reçoit est souvent... En tout cas, on me disait encore l'été dernier, dans certaines rues proches des villages: Les enfants ont été malades cette semaine, et cela a adonné qu'il y avait eu des arrosages durant la même semaine. Alors, ce sont des choses flagrantes et la raison pour laquelle il faudrait inclure absolument l'agriculteur.

M. Blais: M. le Président, j'aurais une autre question. À la page 8 de votre mémoire, le dernier paragraphe: "Nous recommandons donc que seuls les organismes publics ou des firmes spécialisées en formation soient habilités à concevoir et dispenser les sessions de formation s'adressant aux utilisateurs de pesticides. En aucun temps, les fabricants et fournisseurs de pesticides ne devraient être directement impliqués dans de telles activités."

Je trouve personnellement que ce paragraphe parle par lui-même, mais vous savez que nous ne comprenons que la troisième ou la septième fois que l'on se fait dire quelque chose. Pourquoi cette recommandation? Que veut-elle dire?

M. Leguerrier: Je pense que le groupe qui nous a précédés a parlé de ses compétences dans le domaine de la formation comme telle, et c'était éloquent. Je pense que si on veut véritablement avoir une information et une formation adéquates, il faut aller chercher cette formation dans les organismes qui ont la compétence pour la préparer et non pas les... Bien sûr, les fabricants peuvent y contribuer, si vous voulez, un peu comme dans les universités, les compagnies contribuent à améliorer l'état de la connaissance, mais la formation devrait être distribuée, donnée par des groupes neutres qui n'ont pas d'intérêts à défendre dans leur formation mais qui ont tout intérêt à faire la formation la plus scientifique et la plus correcte possible. C'est tout simplement cela. C'est d'éviter que les fabricants soient mis eux-mêmes en conflit de rôles, si ce n'est pas en conflit d'intérêts, en ayant des responsabilités de formation pour des produits pour lesquels ils défendent, bien sûr, des éléments et pour lesquels... On sait comment c'est difficile pour les compagnies de donner toutes les informations au ministère; le Dr Nantel y a fait allusion. Alors, nous pensons que ce ne serait pas correct de laisser à ces compagnies le soin de faire la formation. On pense qu'il existe des cégeps, des universités, un réseau d'éducation et même des entreprises privées dans le domaine de la formation qui pourraient faire cette formation.

M, Blais: Malgré qu'on tarde à avoir des CLSC aux derniers endroits où il devrait y en avoir, je vous poserai la question suivante: Est-ce que les CLSC seraient intéressés à avoir une banque de données? On va ramasser, par cette loi, des banques de renseignements de toutes sortes, des amoncellements, bien sûr, sous l'égide du ministère de l'Environnement, qui ferait la coordination. Est-ce que la décentralisation de ces données, qui seraient disponibles pour l'information du public, pourrait être tenue dans vos établissements'?

M, Leguerrier: II est difficile, peut-être, de concevoir aujourd'hui exactement comment on pourrait le faire, mais il est clair que les intervenants des CLSC pourraient utiliser des données qui existeraient dans une banque. Il n'est peut-être pas nécessaire qu'elle soit toujours toute

décentralisée. Mais ils pourraient, même si on a des parties des données décentralisées, utiliser des données comme celles-là, soit pour donner de l'information è la population, soit pour faire de l'éducation auprès de groupes cibles particuliers, soit encore pour sensibiliser les intervenants, que ce soit les médecins, les infirmières et le reste du personnel, aux aspects néfastes des pesticides et à reconnaître les symptômes afin de ne pas émettre un diagnostic de gastro-entérite quand il y a véritablement lieu d'aller chercher un peu plus loin, parce qu'on connaît les effets de ces pesticides ou de ces produits.

M. Blais: Mon cher M. le président, j'ai mes deux questions traditionnelles à' vous poser en terminant. Je sais qu'elles sont fastidieuses, mais il me faut les réponses.

Plusieurs personnes et groupes qui sont venus ici nous ont recommandé qu'il y ait une taxe spéciale sur les pesticides afin de créer un fonds de recherche pour l'éducation, la formation et la publicité sur les pesticides dans la population. Seriez-vous d'accord, votre organisme, avec une telle taxe'

Deuxièmement, pourquoi vous, qui êtes si près de la population, n'avez-vous pas dans votre mémoire, de façon particulière, et dans vos recommandations les plus virulentes, demandé que dans ce projet de loi il y ait des articles qui incitent à la diminution de l'utilisation? Le projet qu'on a ne regarde que la sécurité de l'utilisation. Vous m'entendez bien?

M. Leguerrier: En ce qui concerne votre premier point, la recherche, nous ne nous sommes pas prononcés. Nous n'avons pas proposé une taxe spéciale. Cependant, ce que nous disons, c'est que le ministre devrait recevoir un mandat clair; il devrait "devoir" faire de ia recherche. Le domaine des moyens, comme les taxes, appartient au législateur. En tout cas, nous ne taxons pas dans les CLSC. Les commissions scolaires le font, mais on ne souhaite pas le faire. Le domaine des moyens appartient, dans le fond, au législateur. Cela pourrait être une taxe générale, puisque cela touche toute la population. Mais ce sur quoi nous insistons, c'est que le ministre doit se préoccuper de recherche et d'éducation dans le domaine des pesticides.

Concernant votre deuxième question, je suis obligé de la relier à la première. Bien sûr, on n'a pas fait la recommandation, d'une façon spécifique, qu'on recherche d'autres moyens que les pesticides qu'on utilise actuellement, mais nous sommes très certainement préoccupés. Quand on dit que le ministre doit faire de la recherche, cette recherche ne doit pas porter, à mon avis, uniquement sur les conséquences des pesticides; elle doit porter également sur la substitution de moyens naturels pour essayer d'éliminer cette question des pesticides le plus possible et trouver d'autres moyens que les pesticides pour répondre aux besoins qui existent dans l'environnement. On n'en a pas fait une question spécifique, mais pour nous, elle est incluse dans le domaine de la recherche. C'est pour cela qu'on pense que le ministre "doit" plutôt que "peut" s'impliquer dans la recherche.

M. Blais: Quant à moi, M. le Président, je tiens à vous remercier beaucoup de la qualité de votre rapport. Je vous remercie aussi de la façon sérieuse, mais tout en ayant un sourire aux lèvres, dont vous nous avez présenté une telle chose en étant vindicatifs et revendicateurs. On volt qu'on peut exiger des choses en le faisant de façon diplomatique et de façon polie. Vous en êtes le symbole et je vous en remercie.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Nicolet.

M. Richard: M. le Président, j'aimerais m'adresser au Dr Gingras. Dans le court document que vous avez présenté à l'appui de la Fédération des CLSC, vous mentionnez à plusieurs endroits "obligatoire", "données", "renseignements", "obligatoire", "titulaire d'un certificat". Vous mentionnez aussi que, dans le milieu agricole, carrément, il n'y a pas que des pesticides, il y a tous les "cides" qu'on voudra. La seule chose que vous ne mentionnez pas, et cela sous-tend formation, cela sous-tend beaucoup d'informations... Ma question sera très directe: Est-ce que vous pensez que dans la formation, en matière agricole particulièrement, l'UPA devrait s'impliquer?

M. Gingras: Je crois...

M. Richard: Je ne vous avais pas fait parvenir la question avant. (18 h 15)

M. Gingras: Non, ça va. Remarquez que j'ai l'air d'hésiter, mais j'y ai déjà quand même réfléchi, j'en ai déjà discuté. Je crois que l'UPA est un organisme habilité à diffuser et à organiser la formation de ses membres. Je crois, toutefois, que l'UPA n'est peut-être pas actuellement habilitée à concevoir seule cette formation. De toute façon, l'UPA collabore souvent avec le ministère de l'Éducation aussi pour la conception et la diffusion de l'information en ce qui concerne les différents secteurs de formation en agriculture et non pas seulement sur les pesticides. Maintenant, c'est certain que la formation est absente en ce qui concerne l'utilisation des pesticides. Je crois que l'UPA seule n'est peut-être pas actuellement habilitée à concevoir cette formation.

M. Richard: Vous croyez que cela devrait Être l'UPA?

M. Gingras: Qui fasse...

M. Richard: Le travail de formation. C'était ma question.

M. Gingras: Je pensais y avoir répondu. Je pense que l'UPA peut organiser la formation mais non pas la faire seule.

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre, pour le mot de la fin.

M. Lincoln: Merci beaucoup, M. Leguerrier. Je pense qu'il n'est pas nécessaire de souligner l'importance de votre organisme comme instrument de base en contact continuel avec les citoyens. Donc, les observations que vous avez apportées ici sur des faits réels qui se sont passés, surtout vos recommandations très sérieuses, critiques mais constructives, seront prises très au sérieux et traitées avec beaucoup d'intérêt par le ministère. Je peux vous en assurer. Merci beaucoup d'être venus, vous et vos collègues.

Le Président (M. Rochefort): Je veux moi aussi vous remercier de votre présence parmi nous de même que de votre contribution à nos débats. Avant de conclure nos travaux, est-ce que vous souhaitez conclure la commission, M. le ministre?

Conclusions M. Clifford Lincoln

M. Lincoln: Oui, je voudrais dire un mot pour conclure. Je voudrais, M. le Président, remercier tous mes collègues de chaque côté de la Chambre qui ont participé aux travaux de la commission. Je pense qu'on travaille chacun pour des objectifs convergents, c'est-à-dire d'essayer d'améliorer la vie de nos concitoyens. En même temps, nous avons des contraintes. On défend des positions démocratiques, mais opposées par le fait même du jeu parlementaire. Mais je pense que cette commission s'est déroulée dam un esprit parlementaire très positif.

C'est sûr qu'il y a eu beaucoup de critiques faites sur le projet de loi. C'était le but, d'obtenir des observations et des commentaires qui aident à le bonifier. Mais je pense que cela s'est fait dans un esprit constructif et très courtois. Je remercie et félicite le critique de l'Opposition ainsi que son groupe pour leur participation à ces travaux, de même que mes collègues du côté ministériel et vous aussi, M. le Président, pour avoir présidé la commission avec un doigté et une courtoisie exceptionnels. Merci.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Terrebonne.

M. Blais: D'abord, il y a une question, M. le ministre, que je voudrais vous poser avant la fin. Vous nous aviez dit que vous apporteriez le rapport d'Hydro-Québec sur cet avant-projet de loi.

M. Lincoln: Oui, c'est vrai. Vous faites bien de le souligner. Ce qui est arrivé, c'est que le ministre de l'Énergie et des Ressources est absent du Québec jusqu'au 28 février. Apparemment, le rapport est à son cabinet, mais sans son assentiment, ils n'ont pas voulu le rendre public. Je vais le contacter dès son arrivée pour essayer d'obtenir le rapport le plus tôt possible. Je vous promets que dès que je l'aurai obtenu, je vous le ferai parvenir.

M. Yves Blais

M. Blais: M. le Président, si vous me le permettez, j'en aurais pour environ deux minutes à essayer de résumer un peu les consultations que nous avons faites.

Je pense que la qualité professionnelle des groupes que nous avons reçus et leurs recommandations pertinentes seront d'une aide précieuse pour les législateurs que nous sommes.

Deuxièmement, je pense que je dois regretter ici le manque de concordance qualitative entre les documents de base de l'avant-projet de loi et le libellé de l'avant-projet de loi lui-même.

En ce qui concerne la consultation, les leçons à retenir sont que les gens nous ont dit que le texte était un peu faiblard parce que trop d'utilisateurs ne sont pas concernés par cette loi; deuxièmement, la réglementation viendra encore réduire sa portée, parce que le ministre aura le pouvoir d'éliminer des pesticides de la loi; troisièmement, il ne prévoit pas de moyens de récupération des résidus; quatrièmement, il ne comporte aucun moyen de provoquer la diminution de l'utilisation quantitative des pesticides. Il n'y a pas non plus de création de bureaux de recherche pour trouver des moyens compensatoires aux pesticides. Il ne couvre pas non plus la publicité qui provoque l'usage abusif des pesticides.

Ce projet est nébuleux sur l'information, sur la formation des utilisateurs; il ne comporte aucune façon de parfaire l'éducation du public, des manipulateurs, des utilisateurs et des vendeurs. Il minimise l'impact positif que tient actuellement la Loi sur la qualité de l'environnement. Il ne centralise pas la responsabilité au ministre de l'Environnement; et cela, je le regrette, parce qu'il reste des autorités sur la qualité de l'environnement au ministère de l'Énergie et des Ressources, par

Hydro-Québec; aux services sociaux, à l'Éducation; aux agriculteurs, au ministre de l'Agriculture.

Bref, c'est un projet de loi qui ressemble à un code de bienséance à l'ancienne, même pas applicable à la moderne. C'est un écran de fumée de bonne volonté inspiré par la faiblesse politique d'agir, autant par la compétence que par la faiblesse des sommes d'argent qui seront prévues pour que ce projet de loi soit efficace.

Nous nous réservons, à l'étude du projet de loi article par article, le droit - le droit de l'Opposition - de mettre notre poids et toute notre conviction pour rendre ce projet au moins acceptable dans son utilisation au Québec. Cependant, je vous sais gré, M. le ministre, de votre attitude amicale durant toutes ces consultations. J'espère que, malgré ma franchise, vous avez trouvé ma participation constructive; c'est ainsi qu'elle voulait se qualifier. Soyez assuré que j'espère que la façon dont j'ai travaillé avec vous et vos confrères et les miens, ainsi que ceux qui sont venus, c'était pour faciliter votre travail, de sorte qu'il soit plus positif et plus productif. Sur ce, M. le Président, je vous remercie.

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.

M. Clifford Lincoln

M. Lincoln: M. le Président, si vous me permettez de dire un mot, je ne savais pas qu'à la fin on allait faire un petit sommaire, un petit débat final, amical. Puisque c'est le sens de la fin, je me permets de répliquer à certains commentaires du critique de l'Opposition. Je verrais très mal cette commission parlementaire se terminer par un enregistrement du Journal des débats qui qualifierait notre projet de loi de code de bienséance. C'est sûr que cela peut être une opinion, mais c'est une opinion que je ne partage certainement pas.

Le Québec est presque 40 ans en arrière de l'Ontario par rapport à une loi sur les pesticides. Le Québec est six ans en retard sur une recommandation formelle du Conseil consultatif de l'environnement qui lui recommandait une loi particulière sur les pesticides. En passant, c'est une des raisons que j'ai oublié de vous souligner: c'était une recommandation du Conseil consultatif de l'environnement, 1940 à 1980, d'avoir une loi particulière sur les pesticides.

Pour la première fois, nous avons eu au moins le mérite - peut-être qu'il faudrait que ce soit souligné, mais puisqu'on ne l'a pas fait, je vais le souligner - de faire un pas bien important, celui d'avoir eu le courage de légiférer. Peut-être que légiférer, cela semble plus facile lorsqu'on ne le fait pas. Le fait est que cela a demandé des mois et des mois de consultation et de travail, une consultation intense avec tous les milieux concernés, un document de travail que tous ont accepté comme un document de travail de premier ordre. Dire que la loi doit être un reflet exact d'un document de travail, c'est aller bien loin. Une loi, c'est un processus d'habilitation qui ne peut pas, par la nature même des choses, contenir tout ce que l'on veut exprimer et accomplir. C'est impossible que cela se fasse dans le cadre d'une loi. C'est pourquoi une loi prévoit des pouvoirs réglementaires. C'est pourquoi une loi comme celle-ci, comme le guide de travail l'a bien expliqué, est basée sur des codes de bonne pratique qui vont être établis avec tous les grands intervenants, des cadres de formation qui vont être établis de concert avec les ministères concernés. Je ne pense pas que le ministère de l'Environnement cède d'aucune façon ses prérogatives dans cette loi. Tout au contraire, la loi le responsabilise très ouvertement. Tous les ministères concernés qui travaillent avec lui savent très bien que c'est lui le moteur de cette loi. On pourra critiquer la loi; je suis sûr que l'objet même d'une commission parlementaire est de dire que ce n'est pas un objet parfait, qu'il faut le parfaire, le bonifier. Mais en même temps, je pense que c'est beaucoup plus qu'un code de bienséance.

Je voudrais dire en terminant que le fait même d'avoir déposé un projet de loi est une expression formelle d'une volonté gouvernementale, qui ne s'est pas manifestée jusqu'à aujourd'hui, de régir toute l'utilisation des pesticides. Je suis certain que le moins qu'on puisse dire est que c'est un pas en avant, certainement pas un pas en arrière et certainement pas un pas sur place. On ne reste pas en place, on va en avant. C'est une première étape, et je suis sûr qu'il y aura des étapes qui vont suivre. Je remercie tous les gens qui vont nous aider à le bonifier.

M. Blais: Merci, M. le ministre, et je vous offre ma collaboration. J'admets, parce que je suis un homme positif, que le fait d'avoir déposé cet avant-projet de loi est certainement un geste positif dans ia gestion des pesticides au Québec. Votre fair play parlementaire m'a bien plu durant cette commission, M. le ministre.

Le Président (M. Rochefort): Sur ces bonnes paroles, la commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 18 h 27)

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