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(Treize heures quarante-trois minutes)
Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission de l'aménagement et des équipements reprend
maintenant ses travaux pour poursuivre la consultation particulière
portant sur l'avant-projet de loi sur les pesticides.
Est-ce qu'il y a des remplacements, M. le secrétaire?
Le Secrétaire: Oui, il y a des remplacements, M. le
Président. M, Vaillancourt (Orford) sera remplacé par M. Cusano
(Viau) et M. Vallières (Richmond) sera remplacé par M. Maltais
(Saguenay). C'est tout. Merci.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le
Secrétaire.
À ce moment-ci, je demanderais aux représentants de la
Fédération interdisciplinaire de l'horticulture ornementale de
prendre place. Je m'aperçois que c'est déjà fait. Je
demanderais au principal porte-parole de s'identifier et d'identifier les gens
qui l'accompagnent.
Fédération interdisciplinaire de
l'horticulture ornementale
M. Rodier (Jean-Pierre): Bonjour, M. le Président. Mon nom
est Jean-Pierre Rodier, président de la Fédération
interdisciplinaire de l'horticulture ornementale du Québec. Je me
permets de vous présenter, à ma droite, M. Jean Tremblay,
directeur exécutif de la fédération interdisciplinaire; M.
Guy Van Den Abeele, porte-parole de l'Association paysage Québec pour le
service d'entretien des espaces verts; M. Éric Rey-Lescure, de la
Société internationale d'arboriculture; M. Jocelyn Dupont, de
l'Association des surintendants de golf du Québec; M. Gaétan
Hamel, de l'Association paysage Québec et représentant des
centres-jardins pour l'Association paysage Québec et membre de la FIHOQ;
M, Guy Boulet, de l'Association paysage Québec et représentant
des producteurs en pépinières a la FIHOQ et à
l'Association paysage Québec.
M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs les
députés, nous vous remercions d'abord de nous offrir l'occasion
d'exprimer notre opinion sur cet avant-projet de loi que nous attendions depuis
longtemps. J'aimerais, avant de poursuivre, déposer un ajout à
notre mémoire dont nous avons fait tirer 50 copies et que nous
aborderons un peu plus loin dans le cadre de notre présentation.
Pour définir notre industrie, nous dirons qu'elle est une
activité agricole qui se définit comme étant l'art et la
science de produire, commercialiser, utiliser et entretenir les plantes
décoratives. À partir de ce postulat, l'horticulture ornementale
est composée de plusieurs disciplines différentes qui se
complètent les unes par rapport aux autres. Cependant, on peut les
regrouper en fonction de deux grands secteurs. Le premier s'intéresse
à la production des végétaux d'ornement, dont les produits
de pépinières, les produits serricoles et le gazon en plaques. Le
second concerne la commercialisation de ces mêmes produits et de services
connexes à leur utilisation et entretien, tels que le détaillant
de produits d'horticulture, le paysagiste, l'arboriculteur, l'entretien des
espaces verts et le surintendant de golf.
Afin de préciser la situation de l'industrie horticole
ornementale au Québec, il faut remonter è décembre 1985
quand le Service des analyses sectorielles du ministère de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec
publiait les résultats de l'enquête sur l'horticulture ornementale
du Québec, réalisée en 1983. Vous trouverez d'ailleurs une
copie de cette étude en annexe 1 au moment du dépôt en
commission parlementaire de notre mémoire.
Lorsqu'on parcourt le document, on est en mesure de constater que la
valeur de la consommation des produits et services horticoles est de quelque
420 200 000 $. En extrapolant pour 1985, tout en considérant
l'augmentation annuelle potentielle d'environ 14 %, on estime que ce
marché atteint les 550 000 000 $. Pour 1986, on peut facilement dire
qu'il dépasse les 600 000 000 $. En matière d'emplois, le nombre
de travailleurs horticoles au Québec est de plus de 22 905, une masse
salariale totale d'environ 100 000 000 $. En passant, les entreprises en
question sont toutes des PME.
Malgré sa jeunesse - l'âge moyen des entreprises est
d'environ treize ans l'industrie horticole ornementale est un secteur important
de l'activité économique québécoise. De plus, si
elle a su acquérir ses lettres de noblesse, c'est grâce au
dynamisme, à l'imagination et au savoir-faire
des entreprises qui la composent.
Nous avons donc indiqué, dès 1983, dans un
communiqué, que la FIHOQ consentirait à conclure une entente avec
le ministère de l'Environnement. Celle-ci aurait comme objectif de
favoriser le contrôle, par la fédération et ses
associations affiliées, de la compétence des vendeurs et des
utilisateurs des produits antiparasitaires, en plus de préparer et
d'adopter un code de pratique professionnelle, lequel devrait être
respecté et suivi par tous.
Parallèlement, nous demandions au ministère
d'élaborer un dépliant concernant l'emploi sécuritaire des
produits antiparasitaires afin de le faire diffuser par nos détaillants
de produits d'horticulture. Vous trouverez aussi ce rapport à l'annexe V
de notre mémoire.
En avril 1985, nous avons convenu, avec les représentants du
ministère, d'un projet d'entente qui répondrait aux
préoccupations des organismes impliqués et qui se résume
comme suit. À ce moment-ci, M. le Président, je me permets de
céder la parole à notre directeur exécutif, M. Jean
Tremblay, qui va poursuivre l'analyse des articles de fond sur le
dépôt du mémoire.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le
président. M. Tremblay.
M. Tremblay (Jean): Merci, M. le Président. Je me permets
de vous rappeler l'essence même du projet de protocole qui avait
été convenu entre les représentants du ministère et
les gens de la fédération. Le projet de protocole
s'intéresse à deux choses: d'une part, au secteur de la vente des
produits antiparasitaires, c'est-à-dire tout ce qui concerne les
centres-jardins dans notre secteur et, d'autre part, à tout ce qui
concerne les applicateurs à forfait.
Bien sûr, des obligations avaient été
déterminées de la part des deux parties. Pour le ministère
de l'Environnement, son obligation se résumait à ce qui suit:
Tout d'abord, établir une classification des produits; exiger des
critères de compétence de la part des applicateurs et des
vendeurs; exiger aussi de la part des établissements d'afficher leur
permis de compétence ou leur attestation de compétence; d'autre
part, limiter l'acquisition des produits à ceux qui détiennent la
certification - cette certification serait sous l'égide de l'industrie,
par l'entremise de son représentant, la FIHOQ et, bien sûr,
établir un service d'inspection.
Il y a également tout le secteur de la formation. Le
ministère s'engageait, avec la FIHOQ è développer des
programmes de formation. De plus, on demandait que le service d'inspection
tienne compte des normes de bonne pratique que l'on a déjà
développées et qui ont été déposées
au ministère de l'Environnement et, bien sûr, d'une sorte
d'engagement financier ou d'un soutien de la part du ministère de
l'Environnement pour appliquer les obligations de ta
fédération.
Pour ce qui a trait à la fédération, maintenant, il
s'agissait de développer des normes de bonne pratique professionnelle.
Je le répète, on a déjà déposé ces
choses. Également, on a déjà demandé au Bureau de
normalisation du Québec de s'asseoir avec nous pour élaborer ces
normes de bonne pratique et d'émettre cette certification à la
suite d'une vérification des compétences et du fait que ces gens
sont couverts par une assurance responsabilité et, bien sûr,
veiller à ce que les détaillants et ceux qui utilisent les
produits antiparasitaires respectent les normes du code de bonne pratique comme
tel. Effectivement, si on parle de vérification de compétence, de
surveillance et ainsi de suite, il fallait aussi fournir la possibilité
de recevoir toute plainte relative aux normes de pratique professionnelle et
établir et mettre en place un comité de discipline. Pour nous,
c'est quelque chose de très important. Il y a le fait que si on
était arrivé à une conclusion qui convenait aux deux
parties, cette action reconnaissait également en matière
d'intervention de la part de l'industrie, en ce qui a trait à la vente
et l'utilisation des produits antiparasitaires, toutes les actions qui ont
été faites par la fédération, entre autres les
programmes de santé et de sécurité au travail pour les
entreprises horticoles lorsqu'on utilise des produits.
Il y a également les programmes d'accréditation des
entreprises d'entretien. Comme on le sait, actuellement, on n'a pas attendu que
la réglementation soit adoptée, mais on est en train de certifier
nos entreprises après vérification de compétence,
après formation et après examen.
Il y a également des séances d'information sur ce qu'il
faut faire en cas de déversement. Comme on transporte des produits, il
fallait prévoir des mécanismes pour informer nos gens sur quoi
faire en cas de déversement. On a un plan qui est également
annexé au mémoire qu'on a déjà
déposé, et, bien sûr, le développement d'un code de
bonne pratique professionnelle; je l'ai cité précédemment.
On s'est entendu, dans une approche préliminaire, pour savoir comment on
s'orienterait dans le code de bonne pratique. On a eu une rencontre, le 16
février dernier, avec les représentants du ministère et
une rencontre est prévue prochainement pour s'entendre sur un projet de
code de bonne pratique qui sera soumis a M. le ministre.
De plus, on parlait de certification tantôt. On a mis sur pied des
cours en collaboration avec des organismes accrédités par le
ministère de l'Éducation pour Être
dispensés auprès de nos entreprises. C'est un cours qui
s'intéresse à l'utilisation rationnelle des produits
antiparasitaires. Ces cours vont être donnés au cours des mois de
mars et avril afin de former l'ensemble des entreprises qui vont faire de
l'application à forfait au cours de l'été.
Je me permets aussi de vous rappeler que, dans notre mémoire, on
a indiqué qu'on aimerait voir changer le titre, parler plutôt de
produits antiparasitaires que de pesticides, pour la simple et bonne raison que
si on regarde la définition fédérale, "produit
antiparasitaire" fait référence plus à des moyens, pour ce
qui est de la définition, que celle dudit projet de loi, celui qui est
en cause devant cette commission. Il y a le fait aussi que, quand on parle de
pesticides, on fait référence à des substances chimiques
et c'est surtout cela qui est clair dans l'esprit des gens.
Dans la loi on a remarqué également un certain nombre de
précisions, entre autres, sur la question d'usage domestique. On
s'aperçoit qu'elle est employée à toutes sortes de sauces
et ce n'est pas clair dans le projet de loi. Par conséquent, ce qu'on
aimerait voir, c'est préciser ce qu'on entend par usage domestique; et
si on parle d'usage domestique, il faudrait aussi parler des autres types
d'usage. Par définition, quand on parle d'usage, c'est une action qu'on
décrit. Par conséquent, on aimerait voir une définition de
ce qu'est un usage privé. Pour nous, c'est défini par
l'intervention de celui qui fait l'action sur la propriété de son
employeur, à savoir que s'il utilise des produits, il le fait pour son
employeur. Le meilleur exemple que je puisse vous donner, c'est dans le cas de
l'édifice qui abrite le ministère du Revenu et le
ministère de l'Environnement. Comme on le sait, il y a plusieurs
personnes qui oeuvrent à l'intérieur de ce bâtiment, de ces
ministères, et les lieux environnants, la villégiature qui
environne l'édifice est très intéressante. Les
travailleurs, les employés sont invités è en profiter. Il
faut entretenir ces locations d'espaces. Dans le cas de celui qui entretient
ces espaces, en vertu de la définition d'usage privé, ce serait
effectivement une personne qui en ferait l'usage pour les fins de son
employeur. Il y a toujours l'usage commercial qui nous concerne plus
spécifiquement.
On a remarqué également dans le projet de loi - parce
qu'il y a des affirmations, entre autres, sur le document, qui a
été remis lors d'une préconsultation, qui s'intitule
"Motifs et nature des interventions proposées par le ministère de
l'Environnement sur la question de l'utilisation des produits antiparasitaires"
-qu'on se réfère beaucoup à d'autres lois. Dans le cas du
projet de loi, on ne parle pas de comité consultatif. Pour nous, ce
serait important, afin d'aider le ministre dans l'application de la loi, qu'il
y ait un comité consultatif, et ce comité aurait pour mandat de
réviser annuellement le contenu de la loi, son application, les
règlements qui s'appliquent, d'évaluer aussi les
mécanismes en ce qui a trait aux propositions d'entente. Dans le projet
de loi, on dit que le ministre peut effectivement conclure une entente soit
avec des municipalités, soit avec des individus ou avec des
sociétés. Un des mandats du comité consultatif serait de
vérifier ces propositions d'entente, de soumettre un certain nombre de
recommandations au ministre et, bien sûr, d'étudier toute
matière concernant la vente et l'utilisation des produits
antiparasitaires. Quant è sa composition, bien sûr, on la
laisserait à la discrétion du ministre, mais on aimerait bien
être membre de ce comité consultatif.
II y a également d'autres imprécisions dans ie projet de
loi qui concernent les délais d'obtention d'un certificat, et ça
fait référence aussi à la notion de supervision
immédiate. À notre avis, dans l'esprit de la loi, lorsqu'on parie
de supervision immédiate, c'est pratiquement tenir par la main la
personne qui va utiliser ou vendre des produits. Comme on le sait, dans nos
entreprises - ce sont des PME - il y a des taux de roulement importants de
personnel. Par conséquent, s'il y a des taux de roulement importants
dans nos entreprises, vu que ce sont surtout des entreprises
saisonnières, il faudrait faire en sorte qu'on puisse permettre - par
exemple, dans le cas d'une entreprise qui a trois employés, on perd deux
employés; lorsqu'on va procéder à l'engagement, le
propriétaire est titulaire d'un certificat - que les employés, en
attendant qu'ils passent leur examen ou qu'ils suivent un cours, soient sous la
responsabilité immédiate plutôt de celui qui est titulaire
d'un certificat. Cela permettrait, d'une part, à l'entreprise
d'être beaucoup plus opérationnelle et, au point de vue de sa
santé financière aussi, cela amènerait, en tout cas, au
moins que l'entreprise puisse exercer... C'est la même chose concernant
la vente.
Cependant, il faudrait avoir des délais, qui seraient
déterminés conjointement par les gens du ministère et les
gens de l'industrie, ou les mandataires, parce que, dans le mémoire
qu'on a déposé, on a dit: On informerait l'entreprise qui serait
dans cette situation pour informer soit le ministère ou son mandataire.
On se ferait un plaisir également d'être un de ces
mandataires.
Maintenant, en ce qui a trait aux assurances, dans le projet de loi on
exige de la part des entreprises de détenir des couvertures, non
seulement en ce qui concerne des responsabilités civiles, mais
également en cas de risque de pollution de l'environnement. Comme on le
sait, il y a
quand même une crise en Amérique du Nord. II est
très difficile pour les entreprises qui utilisent des produits
antiparasitaires ou d'autres formes de produits dangereux, d'être
couvertes par des firmes spécialisées. Par conséquent, si
ce n'est pas possible, si c'est une disposition de la loi qui est incluse, elle
est pratiquement inapplicable. Il faudrait sans doute que le ministère
nous aide à évaluer des formules; d'autre part, on serait
peut-être prêts aussi à créer des fonds
d'indemnisation ou à y participer. (14 heures)
En ce qui a trait à la formation, on en a parlé au
début, on a déjà engagé un processus de formation
auprès de nos entreprises touchant l'utilisation rationnelle des
pesticides. Dans ce cas-ci, on a déjà déposé au
ministère un projet de cours qui est celui appliqué actuellement
et qui sera dispensé auprès de nos entreprises en mars et avril
prochains. On pense qu'on peut aider le ministère dans la formation.
C'est-à-dire qu'on a déjà développé une
expertise dans tous les secteurs, ou pratiquement tous les secteurs de
l'industrie de l'horticulture, en collaboration avec le ministère de
l'Éducation. C'est-à-dire qu'on a développé des
contenus de cours. On est impliqué dans des comités consultatifs
régionaux auprès des commissions de formation professionnelle
pour inciter à la formation, développer de la formation et faire
en sorte qu'elle soit disponible auprès de nos entreprises. On a
développé, comme je viens de le mentionner, ces contenus de
cours.
Dans ce cas-ci, nous serions prêts à assumer, avec le
ministère, la formation de nos gens. Nous serions prêts à
collaborer. Je pense que, par les actions qu'on a déjà
posées, on démontre cette volonté.
Maintenant, en ce qui a trait à la classification des produits,
dans notre mémoire on indique qu'on est effectivement d'accord avec la
classification des produits, c'est-à-dire qu'on ait cinq classes de
produits. Cependant, si on regarde la classification des produits, elle est
fonction d'une chose, c'est-à-dire de l'expertise qui est exigée
et la place qu'il occupe dans tout le processus de la fabrication
jusqu'à l'application ou l'utilisation des produits. Dans la
classification par rapport à la formation, en ce qui concerne la vente
et l'utilisation, ceux qui font l'application des produits, on
s'aperçoit que, pour les classes 1, 2, 3 et 4, on demande une expertise
poussée pour les utilisateurs de produits alors que par rapport aux
utilisateurs privés, c'est-à-dire ceux qui font de l'application
pour le compte de leur employeur, qui appliquent ces produits sur la
propriété de l'employeur, on demande très peu d'expertise.
C'est la même chose dans le cas de la vente des produits: si les
utilisateurs privés utilisent ces produits, on est
considérés comme des pestiférés. Il ne faudrait
peut-être pas oublier que les utilisateurs privés courent les
mêmes risques à utiliser ces produits et, par conséquent,
il faudrait peut-être que ces gens aient une formation aussi
poussée que les applicateurs commerciaux.
Je reprends l'exemple des bâtiments du ministère de
l'Environnement. Celui qui fait l'application des produits pour le compte du
ministère est un employé. Avec le nombre de personnes qui
travaillent à l'intérieur de l'édifice, on pense que les
risques, s'il n'a pas d'expertise, sont sinon plus grands, au moins aussi
importants qu'avec un applicateur commercial.
Est-ce qu'on arrête?
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous demanderais de
conclure, M. Tremblay, si vous voulez.
M. Tremblay (Jean): Je vais laisser la parole à M. Rodier.
J'avais pratiquement fini mon intervention, M. le Président.
Le Président (M. Saint-Roch): M.
Rodier.
M. Rodier: Combien de minutes exactement nous reste-t-il, M. le
Président?
Le Président (M. Saint-Roch): Vous allez comprendre, M.
Rodier, qu'on aimerait passer la plus grande partie de l'après-midi avec
vous, mais nous avons un horaire extrêmement chargé. Nous avons
cinq groupes à rencontrer pour compléter le mandat qui nous avait
été confié. Je vais vous laisser le temps
nécessaire pour compléter un bout de mandat, d'abréger et
d'être le plus bref possible.
M. Rodier: D'accord. Je vais immédiatement passer la
parole à M. Hamel, qui va déposer de façon officielle
l'ajout que nous avons à notre mémoire, et je reviendrai pour
faire la conclusion finale.
Le Président (M. Saint-Roch): Alors, M. Rodier, nous
allons accepter le dépôt de l'ajout à votre
mémoire.
M. Rodier: Est-ce que M. Hamel peut avoir la parole?
Le Président (M. Saint-Roch): Oui, brièvement, si
vous voulez.
M. Hamel (Gaétan): Lors du 25e congrès de
l'Association paysage Québec, membre de la Fédération
interdisciplinaire d'horticulture ornementale du Québec, tenu du 18 au
21 février, 350 représentants d'entreprises horticoles ont
procédé à une seconde analyse de l'avant-projet de loi.
À cette occasion, tous ont réaffirmé unanime-
ment leur volonté de participer pleinement au maintien et
à l'amélioration de la qualité de notre environnement
collectif, raison d'être de l'horticulture, de l'industrie horticole
ornementale québécoise. Par conséquent, nous croyons au
principe qu'on ne peut dissocier la vente des produits antiparasitaires de la
récupération de ces mêmes produits non utilisés.
Ainsi, nous recommandons que tous les points de vente de produits
antiparasitaires deviennent obligatoirement des lieux de
récupération, et ce pour le bénéfice des
utilisateurs et de la qualité de notre milieu de vie.
De plus, relativement à l'élimination des produits
récupérés, nous croyons que des modalités doivent
être définies conjointement entre la Fédération
interdisciplinaire d'horticulture ornementale du Québec et le
ministère de l'Environnement du Québec. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Hamel. En
conclusion, M. le président.
M. Rodier: Merci, M. le Président. La
fédération remercie la commission de nous avoir entendus.
Permettez-moi de remercier mes collègues qui, conscients de
l'environnement, sont venus en très grand nombre avec nous, les
officiers, présenter les volontés de l'industrie horticole
ornementale.
En effet, c'est depuis 1983 que la fédération
espère que le législateur régira la compétence des
vendeurs et des utilisateurs de produits antiparasitaires. Ces années de
discussions entre les représentants des artisans québécois
de l'horticulture ornementale démontrent une volonté ferme de
réglementer un secteur important de notre économie et un souci
profond du respect de la qualité de vie des utilisateurs et des citoyens
en général.
Relativement à l'avant-projet de loi lui-même, nous pensons
que les améliorations que nous proposons telles que le comité
consultatif, les définitions concernant les différents usagers,
le délai pour l'obtention d'un certificat, le problème des
assurances, l'expertise exigée d'un applicateur privé par
opposition à un applicateur commercial, et ce en rapport avec les
différentes classes de produits, seront étudiées à
leur mérite.
Précisons que ces différentes recommandations sont le
fruit de plusieurs jours d'étude de la part de chaque association membre
de la fédération. Des spécialistes qui ont aussi
étudié la pratique de notre profession se sont penchés sur
nos propositions. Nous avons également comparé Pavant-projet de
loi avec les lois de l'Ontario et de la Colombie britannique.
Nous pensons qu'avec quelques modifications, cet avant-projet de loi
deviendra une bonne loi qui identifiera nos artisans comme de vrais
professionnels qui mettent toutes leurs énergies à
l'embellissement de notre qualité de vie.
Permettez-moi, M. le Président, d'ajouter un dernier
élément que j'aimerais mettre en lumière, MM. et Mmes les
membres de la commission: à une journée d'avis, veuillez croire
que le changement d'ordre de comparution en commission pour nous, les gens
d'affaires, qui avons l'habitude d'une planification bien orchestrée,
nous a dérangés grandement. Merci beaucoup, M. le
Président.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le
président. Nous acceptons votre compréhension. M. le
ministre.
M. Lincoln: M. le Président, tout d'abord je voudrais
m'excuser. Je suis responsable du retard et je m'excuse. Ce qui est
arrivé, c'est que nous avions un Conseil des ministres aujourd'hui qui a
dû être placé è 10 heures pour différentes
raisons. J'avais à présenter un mémoire au Conseil des
ministres, il fallait que j'y sois. C'est la raison. Normalement, je me serais
excusé du Conseil des ministres. J'avais à y être. C'est
pourquoi, du reste, je suis arrivé quelques minutes en retard et je m'en
excuse. Je comprends les contrariétés que vous avez dû
subir à la dernière minute, surtout que beaucoup de vos membres
étalent ici. Ce n'est pas de bonne grâce que je l'ai fait, mais
c'est malheureux que ces choses arrivent. Parfois, il y a des imprévus.
Normalement, le Conseil des ministres se tient à 15 heures. Cette
fois-ci, cela a été 10 heures. S'il avait été
à 13 heures, d'autres auraient subi le retard. Je m'en excuse
beaucoup.
Vos représentants m'ont demandé de présenter les
gens de notre groupe parlementaire ici. Lorsque je passerai la parole à
mon collègue de l'Opposition, il fera la même chose. Avec moi ici,
il y a mon adjoint parlementaire, M. Robert Middlemiss, député de
Pontiac. M. Henri Paradis, député de Matapédia, qui
s'assied à côté de M. Middlemiss, est absent
momentanément. Il est adjoint parlementaire au Développement
régional et Mme Violette Trépanier, députée de
Dorion, adjointe parlementaire aux Affaires municipales. Il y a aussi M.
Bissonnet, qui est absent pour le moment, qui fait partie de la commission. Il
est député de Jeanne-Mance et président du caucus des
députés libéraux.
Je vais profiter des quelques minutes que j'ai pour passer en revue
quelques-uns des éléments les plus importants que vous avez
soulevés dans votre mémoire, pour répondre à
quelques-unes de vos interrogations et peut-être vous poser aussi
quelques questions que je pense très pertinentes dans le cas de votre
association.
C'est sûr que si nous ne savions pas que votre association
était importante, nous
pourrions le réaliser par le nombre de membres qui sont venus
assister a l'audience publique. C'est le premier groupe de cette importance que
nous avons vu ici. Je vous félicite d'être tellement
impliqués dans le but commun qu'on se fixe.
Tout d'abord, vous avez parlé de la question d'usage. Toute la
question de classification, de catégories d'utilisateurs, va être
précisée dans la réglementation qui va être sujette
elle-même, durant l'été, à une consultation. Je vais
prendre bonne note de vos suggestions. En tout cas, toute cette question va
être traitée dans la réglementation, qui va être
sujette à consultation.
Vous avez demandé d'être consultés si les
groupements actuellement exclus, aviculteurs et sylviculteurs, doivent
être touchés par la loi. Je précise brièvement ici,
parce que cela a souvent été le sujet de ces audiences, que les
aviculteurs et les sylviculteurs vont être inclus absolument à une
date qui sera fixée ultérieurement - les sylviculteurs sans doute
cette année, les aviculteurs dans deux ans. Mais tout le monde sera
consulté lorsque la réglementation sera en voie de
préparation. C'est sûr que les intervenants qui sont
impliqués, puisque vous y avez des membres, vous allez être
consultés.
Pour ce qui est de la supervision immédiate, je ne peux pas vous
répondre favorablement là-dessus. En fait, un grand nombre
d'intervenants demandaient, au contraire, qu'on resserre cette
définition pour la rendre plus difficile. Ce que nous prévoyons,
afin que peut-être ça vous donne une réponse en soi, pour
nous ça signifie supervision sur les lieux de travail ou sur les lieux
de vente. En tout cas, on a pris note de votre recommandation, mais je dois
vous dire que beaucoup d'intervenants ont demandé, au contraire, qu'on
la resserre plutôt que de la relâcher.
Vous avez aussi demandé qu'un de vos membres inscrit aux cours ou
aux examens soit accepté pour un certificat. Je pense que ça
aussi nous avons remarqué, nous avons étudié cette
recommandation, mais pour le moment on ne peut pas la retenir. Nous voulons,
nous, que, dès le départ, on donne du temps, on donne des marges
de manoeuvre. On ne va pas appliquer la loi tout de suite. Naturellement,
personne n'aura de certificat. On va vous donner de la latitude, mais une fois
que le mouvement sera parti, après consultation avec toutes les parties,
une fois la loi en vigueur, on va insister pour que les examens soient
terminés avant qu'il y ait un certificat. Nous comprenons que nous ne
pouvons pas décertifier tous les gens qui travaillent tout de suite d'un
jour è l'autre. Ce n'est pas du tout l'intention.
Vous avez aussi parlé d'accords de réciprocité avec
les autres provinces et les
États américains. C'est justement l'esprit que sous-tend
l'article 36.1. On va se diriger dans ce sens de l'accord de
réciprocité avec les autres provinces et les États
américains.
Pour ce qui est d'un fonds d'indemnisation, je sais que, M. Tremblay,
vous avez mentionné cela par rapport aux assurances. Je n'étais
pas trop sûr si c'était une question d'assurances. En tout cas,
nous, en principe, philosophiquement nous ne vouions pas créer aucun
fonds gouvernemental qui puisse aider les gens négligents à se
dédouaner. Ce n'est pas du tout l'intention. Si c'était pour
essayer de rendre le marché des assurances plus accessible, ce que je
peux vous dire, c'est que votre recommandation rejoint celle de beaucoup
d'intervenants dans le domaine de la pollution. En fait, par coïncidence,
nous rencontrons les représentants du domaine de l'assurance la semaine
prochaine, certains du ministère et moi, pour discuter de cette question
que nous étudions avec eux depuis au moins un an. Ils traînent de
la patte. Nous leur avons donné encore une semaine avant de prendre une
décision finale pour essayer d'arriver à débloquer ce
dossier qui, je le constate, est un réel problème ici et en
Ontario.
Pour ce qui est d'un comité consultatif, ça fait presque
l'unanimité dans vos recommandations. Naturellement, on va le
considérer avec le plus grand sérieux, de façon
très sérieuse. Seulement, nous semblons nous diriger,
d'après les réactions que j'ai obtenues de certains intervenants
- c'est du reste notre philosophie - vers un comité qui serait
établi par des bénévoles plutôt que par des gens
structurés avec des rémunérations, des fiches
d'honoraires, etc. On voudrait quelque chose de plus flexible, de plus
volontaire qui représente réellement tous les intervenants du
milieu. En tout cas, on prend bonne note de ça. On pense que c'est une
recommandation dans le même esprit que celle de la grande majorité
des intervenants.
Pour ce qui est de la question des petites quantités toxiques,
nous nous penchons sur cette question maintenant pour élaborer une
politique en ce qui concerne la récupération des déchets
toxiques en petites quantités. Comme vous le savez, les plus grandes
quantités sont couvertes maintenant par le règlement sur les
déchets dangereux. (14 h 15)
Pour ce qui est des programmes de formation de vos membres, c'est
sûr que nous allons impliquer les intervenants. En ce moment, il y a des
négociations qui se poursuivent avec le ministère de
l'Éducation, le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu et le ministère de l'Enseignement
supérieur et de la Science, qui est une extension du ministère de
l'Éducation. Ces négociations ont démarré il y a un
bout de temps déjà, mais il est
certain qu'on va impliquer les intervenants dans le processus; en effet,
ce sera l'esprit de la chose de les impliquer, parce que cela les concerne de
plus près.
J'aimerais vous poser quelques questions maintenant, parce que je pense
que vous représentez un secteur qui est peut-être, de tous les
secteurs, celui qui est le plus émotif par rapport au public. Il y a des
représentations qui nous ont été faites de façon
presque viscérale par des gens qui nous ont écrit des
mémoires - et certains ne paraissent pas ici - tout le secteur urbain,
tout le secteur de l'horticulture. Il y en a même qui disent: On ne veut
plus permettre la présence de pesticides - appelez cela produits
antiparasitaires - herbicides, etc., dans les villes. Il y en a qui disent: II
faudrait prendre des mesures presque drastiques pour réduire les
applications. Il y en a qui disent: II faudrait avoir des mesures, comme par
exemple celles prises par Dollard-des-Ornneaux, de préavis à des
voisins ou à des gens, de l'affichage avant et après. Je
réalise que vous voulez responsabiliser vos membres pour qu'au sein de
votre fédération il y ait une utilisation rationnelle et qui
recherche des moyens alternatifs.
Mes questions sont celles-ci: Quelle est votre réaction au public
qui dit: C'est bien mieux de laisser les pissenlits pousser sur les gazons. La
moindre utilisation des pesticides est néfaste à la santé,
donc il faudrait essayer d'aller dans la direction de l'abandon. C'est ma
première question. Ma deuxième: Est-ce que votre
fédération recherche des moyens alternatifs aux produits
chimiques?
M. Tremblay (Jean): M. le ministre, tout d'abord, vous nous avez
qualifiés de gens émotifs.
M. Lincoln: Pas vous.
M. Tremblay (Jean): Non? D'accord.
M. Lincoln: Non. Excusez. Je dis: Les gens qui nous ont
écrit par rapport aux associations et professionnels qui s'occupent de
la question d'horticulture. Ils réagissent à vos
opérations, à vous comme utilisateurs, de façon
très émotive. Dans toutes les villes, à un moment
donné, c'est devenu une question très émotive. Il y a des
groupes qui se forment, il y a des gens qui disent: On ne veut plus que cela se
passe dans les villes. C'est cela que je voulais dire; pas vous, non.
M. Tremblay (Jean): La première des choses, vous me
demandez, en fin de compte, si les traitements qu'on fait sont pertinents. En
tout cas, je l'interprète de cette façon. Ce serait
l'équivalent de dire: Pourquoi tondons-nous nos gazons? C'est une
question d'esthétique, c'est une question d'embellissement et
d'harmoniser les matériaux inertes avec la végétation. Le
but de l'entretien des espaces verts est effectivement de garder cet aspect
esthétique. Il y a le fait aussi - on le dit souvent - que c'est la
mode. L'horticulture progresse tellement vite qu'il y a de nouveaux services,
de nouvelles techniques, de nouveaux produits qui arrivent sur le
marché. C'est comme dire: Pourquoi les hommes, il y a dix ans, ne
portaient pas de rose, puis aujourd'hui en portent? C'est une question aussi
d'esthétique, et j'insiste là-dessus, cela en relation avec les
gazons.
D'autre part, pour ce qui est des mesures alternatives, on est d'accord
avec cela. Si elles sont disponibles, oui, on va les prendre, parce que notre
principal objectif et notre raison d'être - on le répète et
on l'a cité à plusieurs occasions - c'est la qualité de
vie, l'embellissement du milieu de vie. Par définition, si on est
capable d'utiliser des produits ou des mesures alternatives qui vont rendre les
mêmes services, on est prêt pour cela. Tout le monde est pour la
vertu. Qu'est-ce qu'on ferait dans ce sens? On serait prêt à
collaborer, je pense, et c'est la volonté de l'industrie de s'impliquer
dans la recherche, d'aider à évaluer des moyens pour trouver des
mesures alternatives. Cependant, on demande une loi depuis 1983. On l'a
aujourd'hui, peut-être à la suite de pressions de la part du
public, qui regarde bien souvent l'utilisation des produits. Il faut être
réaliste. Celui qui fait l'entretien des espaces verts, dans son camion,
en arrière, utilise moins de 1 % de produits antiparasitaires. Ce ne
sont pas des concentrations énormes, d'autant plus que 90 % à 95
% des produits utilisés en horticulture sont biodégradables.
Maintenant, pour ce qui a trait à l'affichage, on est d'accord
pour l'affichage sur les lieux publics, mais sur tes lieux résidentiels,
i! faut que ceia soit fait à la demande du client. Si on l'oblige, je
pense que cela peut amener un certain nombre de circonstances farfelues, entre
autres, quand il va s'agir de laisser l'affiche là pendant... Prenons
l'exemple d'un résident de quartier qui est parti en vacances. On lui
met une affiche et elle est là pendant deux semaines. C'est
peut-être non seulement un avertissement comme quoi qu'on a épandu
des produits antiparasitaires, mais c'est peut-être aussi que l'on va
avertir les gens: Écoutez, ils ne sont pas là, donc, c'est un bel
endroit pour les criminels. Cela, c'est une chose.
Il y a aussi le fait que l'on n'utilise pas toujours des produits
antiparasitaires lorsqu'on fait un traitement; on utilise de l'engrais.
Qu'arrive-t-il, à ce moment-là, quand un client ou un voisin du
client utilise ces produits ou utilise des services? Écoutez, ils sont
venus faire une application et ils n'ont pas mis d'affiche!
D'autre part, qu'arrive-t-il au consommateur qui utilise les mêmes
produits? Est-ce que vous allez exiger de la personne d'afficher qu'elle a
utilisé un produit antiparasitaire? C'est une question qu'il faut se
poser, je pense. Cependant, on est prêt, si le client le demande,
à mettre une affiche, et cela va nous faire plaisir.
Il y a le fait du climat aussi. Cela veut dire que l'on suppose tout de
suite au départ que le produit qui est appliqué, c'est un poison
vif. Il y a toute l'hystérie qui peut être... D'ailleurs, M.
Lincoln, vous venez d'en parler; je pense que vous avez vu cette
hystérie. Il faut quand même dire qu'on utilise des produits en
très faible quantité et que Ton n'est pas des
pestiférés non plus.
M. Lincoln: D'accord. Je voudrais corriger. Ce n'est pas de
l'hystérie. J'ai dit qu'il y avait une émotivité. Je pense
que c'est peut-être aussi une question de méconnaissance du sujet.
Il y a des gens qui, de façon tout à fait fondée, pensent
que toute utilisation d'un produit antiparasitaire ne vaut pas le coup de
l'embellissement et qu'à choisir entre les deux, il faudrait s'en
passer. Leur point de vue est: Si un individu le veut, c'est son affaire, mais
que cela ne m'affecte nullement, parce que je suis la partie innocente. Dans ce
sens, l'affichage est une chose, mais il y a aussi la notion que d'autres nous
ont suggéré que, même entre particuliers, si, demain matin,
je me mets à arroser ma pelouse avec des produits chimiques, j'aie
l'obligation d'informer mes voisins afin qu'ils prennent les mesures
nécessaires ou d'utiliser des moyens sécuritaires, par exemple,
ne pas le faire quand il vente, etc. Il y a la réglementation de
Dollard-des-Ormeaux qui oblige les utilisateurs à donner un
préavis. Est-ce que vous êtes prêts à accepter la
notion d'un préavis?
M. Tremblay (Jean): Je vais laisser la parole à M.
Radier,
M. Rodier: M. le ministre, je pense que dans plusieurs situations
il y a eu plusieurs éléments qui ont fait en sorte qu'il y a des
boules de neige qui se sont formées avec peu de chose à la base.
Cela fait en sorte que quand on regarde le pourcentage d'utilisation des
produits antiparasitaires en milieu urbain, qui est d'environ 2 %,
comparativement è environ 85 % en milieu agricole, si le
ministère de l'Environnement se penche particulièrement sur des
cas aussi banals que de légiférer d'un propriétaire
à l'autre, je me demande où se situe l'avant-projet de loi du
ministère de l'Environnement et quelle est l'implication du
ministère de l'Environnement, puisqu'on ne tient pas ou à peu
près pas compte dans la loi des 85 % du reste des produits, même
si on a fait une exception pour les agriculteurs. C'est aller loin, chercher le
consommateur chez lui, quand on pense à l'équilibre de
l'environnement. Quelle est la véritable protection de l'environnement
là-dedans?
Il y a un autre élément dont il faut tenir compte. Quand
on dit que les produits antiparasitaires utilisés sur les terrains
privés servent à l'embellissement, c'est une chose. Ils servent
aussi à la protection de l'environnement. Il y a des plantes comme
l'herbe à poux ou l'herbe à puces, des orties sauvages, qui sont
des plantes auxquelles plusieurs personnes sont allergiques. Plusieurs
personnes ont de la difficulté à les supporter. Pourquoi est-on
bien dans un milieu urbain? C'est justement parce qu'il n'y a pas la
présence de ces plantes. Ceux qui ont des problèmes de rhume des
foins n'ont pas ces problèmes à cause du contrôle de ces
plantes, qui sont toxiques pour certaines personnes et qui peuvent même
entraîner la mort. Laissez-moi vous dire que les décès, a
la suite d'empoisonnement ou d'allergie à l'herbe a poux sont
drôlement supérieurs au Québec, à mon avis, et de
façon définitive, à ceux causés par les pesticides,
car on sait que la concentration des pesticides utilisés dans nos
camions est très faible. Si on faisait des comparaisons avec d'autres
produits qu'on utilise à domicile, certains produits qu'on a dans notre
pharmacie sont beaucoup plus toxiques et ils sont à la portée des
enfants.
Je pense que le ministère de l'Environnement doit se pencher sur
les vrais problèmes. Un élément est bien important, et je
pense qu'on doit en tenir compte. Nous ne l'avons peut-être pas
présenté d'une façon stricte, mais nous sommes
d'emblée d'accord avec lui. Le Québec doit
légiférer d'une façon uniforme, c'est-à-dire qu'une
loi du ministère de l'Environnement, à notre avis, devrait
s'appliquer à l'ensemble de la population et à l'ensemble des
municipalités du Québec. Je verrais mal une loi qui s'applique en
dents de scie où on permet à une certaine municipalité des
droits de regard supérieurs a une autre municipalité par rapport
à une loi globale qui se veut une protection globale de l'environnement
québécois. Il serait logique d'aller d'emblée vers une loi
globale qui s'applique à tout le monde et qui donne le même droit
à tout le monde.
Dans notre industrie, il serait aussi important que nous sachions
comment nous orienter à ce chapitre. Nos entreprises, qui sont des PME
en passant, ne sont pas des entreprises multimillionnaires qui peuvent se
permettre de changer de municipalité avec des ajouts de
réglementation qui pourraient même mettre en péril
plusieurs de nos entreprises advenant le cas que vous adoptiez des lois
différentes d'une municipalité a l'autre. Je ne pense pas que ce
soit d'emblée
la volonté du gouvernement libéral de mettre en
péril des entreprises et des emplois au Québec. Dans le cadre
actuel, je pense que le gouvernement tend plutôt à augmenter les
emplois créés dans un certain secteur. Selon la vitalité
de notre secteur, nous avons toujours su maintenir la vitalité de notre
secteur avec très peu d'aide gouvernementale. Je n'aimerais pas que
certaines lois gouvernementales viennent, malgré l'effort qu'on a fait,
nous faire prendre des reculs. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Saint-Roch): M. le ministre.
M. Lincoln: Très brièvement, avant de passer la
parole, M. Rodier, je ne voudrais nullement vous faire croire que ce que je dis
est d'abord une intention gouvernementale. J'ai posé des questions
à votre organisme, car c'est son domaine. J'ai posé des questions
qui nous ont été posées, au cours de la commission
parlementaire, par des intervenants assez importants. Par exemple, hier, durant
l'audience qui a impliqué la Communauté urbaine de
Montréal, qui couvre un bassin de population immense, toute la question
de la réglementation de Dollard-des-Ormeaux a été
abordée. On a suggéré que les municipalités aient
le droit de réglementer plus loin que notre loi.
C'est la raison pour laquelle je vous ai posé cette question, car
toute la question d'obligation d'avis, de préavis et d'affichage a
été discutée à ce moment-là. Ce ne sont pas
des choses que je vous suggère, que nous allons insérer dans le
projet de loi. L'idée d'une commission parlementaire, c'est justement
d'avoir des échanges. Comme vous représentez la
fédération la plus importante de ce secteur, je me dois de vous
poser ce genre de question pour avoir votre point de vue. Cela ne veut pas dire
que j'indique ici que nous prendrons une position d'une façon ou d'une
autre, mais certaines recommandations nous ont été faites et je
voulais avoir votre point de vue, c'est tout. (14 h 30)
Je crois que vous avez tout à fait raison de dire que la loi doit
s'occuper de tous les utilisateurs. J'ai déjà souligné,
pour les agriculteurs et les sylviculteurs, qu'il est impossible de les inclure
tout de suite, parce que c'est un domaine immense. On n'a pas les
aménagements et les structures aujourd'hui, mais ils seront inclus, je
vous en donne l'engagement formel. La loi le prévoit, du reste, dans le
deuxième alinéa de l'article 5 et dans l'article 95. Il y a des
échéanciers de prévus. On suit la même politique que
les autres provinces et, en fait, on va le faire avant beaucoup d'autres
provinces.
Pour ce qui est des entreprises elles-mêmes, encore une fois, je
ne voudrais nullement qu'on pense que nous avons l'intention de brimer des
entreprises qui oeuvrent de façon tout à fait légitime
dans le Québec. Ce n'est pas du tout le sens de la chose, et jamais le
ministère n'a voulu donner ce son de cloche. Il a travaillé
très ouvertement avec vous. En même temps, il y a une
réalité: toute la question de l'usage des produits
antiparasitaires dans le milieu urbain aujourd'hui soulève beaucoup
d'inquiétude de la part d'un grand nombre de citoyens venus
témoigner ici. C'est en ce sens que je posais ces questions. Ce
n'était pas pour faire une critique de votre organisme, de votre
fédération, pour qui j'ai le plus grand respect, et du reste,
après vous avoir rencontrés, j'ai témoigné de tous
vos efforts pour la formation de vos membres et pour le code de bonne pratique
avec lequel vous vous impliquerez avec le ministère.
Donc, je veux tirer cela au clair, afin qu'il n'y ait pas de malentendu,
mais je dois souligner des points qui sont très importants, parce que
les citoyens les ont amenés devant nous. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre. M. le
député de Terrebonne.
M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président. Je vous salue
bien. Je suis un peu impressionné par votre rapport et je trouve que
vous avez attaché une grande importance à cet avant-projet de
loi. Vous dites dans votre rapport que vous avez gagné vos lettres de
noblesse. Vous en faites encore une démonstration aujourd'hui. Vous
savez comment faire. Vous gagnez vos lettres de noblesse en venant en aussi
grand nombre.
Votre mémoire a une qualité remarquable. Il est
très étoffé et bien documenté; le nombre de
représentants est impressionnant pour venir le défendre et
appuyer vos représentations. Aussi, je pense que vous êtes le seul
groupe qui a eu la bonne idée d'avoir un éclaireur qui suivait la
commission de a à z pour vous informer du déroulement.
C'était, je crois, pour vous quelque chose de majeur. Vous l'avez fait
et la présentation elle-même est tellement bien faite qu'on ne
peut que vous féliciter. Il y a quand même des faiblesses dans
votre présentation.
Si j'ai bien compris - je vais prendre à peu près 30
secondes - vous avez fait une mise en garde sur l'utilisation des mots justes
et des concordances avec d'autres lois, ou d'autres, pour ne pas mêler
les gens. Vous insistez beaucoup sur la formation des utilisateurs et des
manipulateurs. Vous offrez une coopération, une collaboration
étroite au ministère. Vous demandez même
l'exclusivité. Je vais vous poser des questions là-dessus. Vous
avez une certaine crainte au sujet des délais pour l'obtention d'un
certificat, vu que vous avez des opérations saisonnières; vous
attirez l'attention là-dessus. Vous avez hâte
d'avoir des compagnies d'assurances pour assurer certaines de vos
activités. Vous aimez créer un fonds mixte, on vous a dit non.
Vous êtes d'accord sur la classification des produits en gros. Vous
trouvez que les utilisateurs privés ont certains privilèges
comparativement aux utilisateurs commerciaux et vous êtes prêts
à faire la récupération des produits dans vos points de
vente. En gros, ce sont les points saillants que j'ai retenus de vos
interventions et de votre rapport. Il est bien fait.
Cependant, j'ai quelques petites questions à vous poser. Vous
dites que vous êtes prêts à... Ah oui, il y a une chose que
j'aimerais dire: c'est que je vous sens tout de même un peu inquiets et
anxieux - on dirait que le mot juste serait anxieux dans ce cas - devant cet
éventuel projet de loi parce que vous trouvez beaucoup de raisons de
l'être. Entre autres, vous dites que 95 % de ce que vous utilisez est
biodégradable, c'est pour les 5 % que l'on vous mettrait en cause et
qu'on vous donnerait un tas de paperasses à faire. Je peux comprendre
votre appréhension un petit peu, surtout que 85 % à 90 % de ceux
qui utilisent la plus grosse quantité des produits semblent exclus du
projet de loi. Selon certaines personnes, ce n'est pas tout à fait vrai,
semble-t-il. Je vous comprends.
Cependant, vous insistez sur la formation et vous dites que vous
êtes prêts à assurer la formation de tous les utilisateurs.
Dois-je voir dans cette affirmation de votre rapport - je pourrai relever les
points, si vous voulez - que vous aimeriez avoir une exclusivité sur la
formation des gens qui utilisent des pesticides, soit la formation et les cours
à donner? Est-ce que c'est cela que vous demandez: avoir le monopole de
la formation de tous les utilisateurs? C'est ce que je peux avoir compris.
Le Président (M. Saint-Roch): M.
Tremblay.
M. Tremblay (Jean): Merci. Non, on ne demande pas d'avoir le
monopole de la formation de tous les utilisateurs, loin de là. Ce qu'on
veut dire, c'est que dans notre secteur, je le répète, on a
développé de l'expertise avec des organismes publics et
parapublics, de l'expertise en ce qui concerne l'élaboration des
contenus de formation. En industrie, dans nos entreprises, on a de l'expertise
aussi qui pourrait aider à la formation des utilisateurs dans notre
secteur. C'est certain. Je me rappelle et je tiens aussi à vous dire une
chose. C'est qu'en ce qui concerne la production, on dit que tout le secteur
agricole est exempté. Mais dans notre cas, au sujet de la production
horticole, nos producteurs verraient d'un oeil favorable d'être
touchés par la loi en ce qui concerne de telles exigences. Ils seraient
prêts â assumer cette formation et à la suivre.
M. Blais: D'accord. Je voudrais maintenant vous demander ceci.
Vous nous dites dans le supplément - ce supplément était
important pour nous parce qu'on ne trouve personne qui veut prendre les
résidus - "Ainsi, nous recommandons que tous les points de vente des
produits...". Vous avez des points de vente, comme la plupart des gens de votre
métier ont des points de vente. Premièrement, est-ce que tous vos
membres ont un certificat de formation? Deuxièmement - cette question
n'est pas fine, mais je vais vous la poser quand même - vous insistez sur
la formation et ta compétence. C'est de bon aloi et je vous crois
là-dessus. Une chance.
Dans Le Soleil, le 14 février, il y avait une demande...
On demande: "Service de traitement de pelouse". C'est une offre d'emploi. Nulle
part, on n'indique que les gens doivent connaître les pesticides. Les
qualités requises sont: dextérité manuelle, dossier de
conducteur parfait, esprit d'équipe, capacité d'un effort soutenu
de 60 heures par semaine, expérience ou étude en agriculture;
salaire intéressant. Je vous crois, car c'est probablement un oubli.
C'est le Centre Jardin Hamel.
C'est peut-être un oubli, et je le prends comme tel. Mais il faut
faire attention à cela, car si on parle de formation et
d'éducation et que vous nous dites que vous avez la formation et
l'éducation, je suis persuadé que les gens qui vont être
engagés vont avoir cette formation. Mais il faudrait faire attention
à cela parce que certaines personnes qui veulent peut-être vous
exclure du comité "aviseur" ou quoi que ce soit se serviront de petits
défauts comme cela dans la publicité pour ce faire.
Est-ce que vos membres sont tenus de demander du personnel qui a une
formation? C'est ma question.
Le Président (M. Saint-Roch): M.
Rodier.
M. Rodier: Permettez-moi, M. le Président, de dire,
premièrement, que c'était plus difficile d'avoir la formation
avant cela parce qu'il n'y avait pas de place pour former des utilisateurs de
pesticides; c'est la première chose. Permettez-moi de passer la parole a
M. Hamel, qui va vous en dire plus è ce sujet.
Le Président (M. Saint-Roch): M.
Hamel.
M. Hamel (Gaétan): M. le Président, bien sûr
qu'on ne peut pas exiger aujourd'hui
que des personnes détiennent un certificat d'applicateur de
produits pesticides ou de produits antiparasitaires tout simplement parce qu'il
n'y a pas de cours actuellement. Mais les entreprises sérieuses dans
toute l'industrie horticole aujourd'hui, je pense, offrent des cours aux gens
qu'ils jugent les plus aptes à suivre le cours de formation qui sera
donné dans leur entreprise. Je pense que c'est le souhait de toute
l'industrie horticole d'avoir des cours qui auront un minimum de standards et
qui seront justement approuvés par le ministère de
l'Environnement du Québec, probablement.
M. Blais: M. Hamel, vous savez que ce n'était pas
méchant...
M. Hamel (Gaétan): Non, non.
M. Blais: ...mais c'était pour faire dire que vous aussi
vous êtes une nouvelle organisation et je voulais vous donner l'occasion
de dire que vous êtes pleins de bonnes intentions. C'est cela qui est
important. Dans le passé, vous avez manifesté de bonnes
intentions. Vous avez fait beaucoup d'actes qui le prouvent.
À la page 34, dans les pouvoirs du ministre, vous écrivez:
Pouvoirs du ministre, "7. Pour l'application de la présente loi le
ministre de l'Environnement peut: 5° conclure une entente avec toute
personne ou avec toute municipalité afin de faciliter l'exécution
de la présente loi." Vous voulez qu'on ajoute: "soumis à un
comité consultatif". Cela nous fait percevoir que vous avez une certaine
anxiété devant le pouvoir du ministre si vous voulez que sa
décision soit soumise à un comité consultatif avant
qu'elle soit prise. Deuxièmement, est-ce que ce serait devant les
municipalités que vous avez une crainte que, d'une municipalité
à l'autre, les règlements soient différents et que ce soit
difficile pour vous d'accomplir votre travail?
M. Tremblay (Jean): Effectivement, dans le cas des
municipalités, l'intervention de l'Union des municipalités, hier,
mentionnait que d'après la loi qui sous-tend les MRC ou les
municipalités, elles auraient le pouvoir de réglementer
l'utilisation et la vente des produits antiparasitaires.
Dans le cas d'une entente entre le ministère et tout organisme ou
municipalité, on pense qu'il faudrait que le comité consultatif
puisse analyser cette entente et soumettre des commentaires sur la pertinence
de l'entente conclue avec une société, une
fédération ou un autre organisme dans le but de faciliter
l'application de la loi. Et je reviens sur la démarche du comité
consultatif. Il faut bien voir que si jamais l'industrie participait à
ce comité consultatif - on ne voudrait pas être payé pour
cela, au contraire - ce qu'on voudrait c'est de participer, de façon
très volontaire, à ce comité et d'aider le
ministère de l'Environnement dans l'applicacation et
l'interprétation en toute matière en ce qui a trait à la
loi comme telle.
Le Président (M. Saint-Roch): M. le député
de Terrebonne.
M. Blais: Bon, écoutez, je vais vous poser une question.
Vous en avez parlé tantôt, mais je voudrais avoir quelques
explications pour les besoins de ceux qui nous écoutent ou qui nous
liront. À la page 21, au sujet des assurances, vous dites: "Les membres
de la FIHOQ profitent de cette excellente opportunité qui leur est
offerte afin d'indiquer au gouvernement toute leur inquiétude face
à leur difficulté de pouvoir contracter des assurances
relativement aux risques de pollution. En effet, aucune compagnie, a ce jour
n'accepte de couvrir, par exemple, le renversement, suite à un accident
de la route, d'un camion transportant des produits antiparasitaires
dilués, pour fins d'usage commercial. "Nous apprécierions donc
que le gouvernement se penche sur la question afin de mieux assurer la
protection de notre environnement."
Je ne doute pas que ce soit vrai, mais que vous arrive-t-il lorsqu'un
accident arrive? Il en est certainement arrivé. Et qu'exigez-vous du
législateur? Quelle intervention voulez-vous que le législateur
fasse pour que des compagnies d'assurances qui sont des entreprises
privées, de façon générale... Est-ce que vous
demandez que le gouvernement invente une assurance d'État pour ces cas?
Quelles sont les démarches que vous pensez que le gouvernement devrait
faire?
Le Président (M. Saint-Roch): M. Tremblay.
M. Tremblay (Jean): On a déjà fait des
interventions auprès de compagnies d'assurances pour essayer de voir si
c'était possible d'avoir un arrangement concernant les risques, en tout
cas, de couvrir les risques dans le cas d'un déversement.
Je vous expliquais précédemment qu'on avait
déjà fait des plans de déversement et on va
également faire des ateliers d'information auprès de nos membres
afin qu'ils sachent quoi faire en cas de déversement,
c'est-à-dire quels sont les équipements nécessaires et
ainsi de suite?
Ce qu'on aimerait du ministère c'est que, dans notre
démarche déjà entreprise, il nous aide à
solutionner le problème des assurances. Déjà, lors du
congrès d'une des associations membres de la fédération,
des représentants d'assurances sont venus nous
voir pour nous dire qu'il y avait moyen d'organiser quelque chose.
Cependant, il y aurait moyen d'organiser quelque chose; donc, cela nous
prendrait une assistance. Quant à savoir la formule que cela pourrait
prendre, on laisse cela à la discrétion du ministère.
Cependant, ce qui serait important, en vertu du projet de loi qui est
présenté et discuté sur la table, on demande que les
entreprises soient assurées. Quand ce n'est pas disponible, donc, la
disposition de la loi est inapplicable. Il y a le fait qu'advenant le cas
qu'une entreprise fasse un déversement, par exemple dans une
rivière et, en vertu de certaines dispositions de la loi, des
inspecteurs sont délégués, on prend toutes les
dispositions nécessaires pour pouvoir nettoyer la rivière et
ainsi de suite, si l'entreprise n'est pas couverte, qui va payer, en fin de
compte? On va saisir des équipements, mais est-ce que cela va couvrir
l'ensemble des dommages causés par l'accident? À ce
moment-là, est-ce l'État qui va couvrir le reste des paiements
des frais qui sont exigibles pour dépolluer? (14 h 45)
Donc, on se pose un certain nombre de questions relatives à cela.
Comment serons-nous couverts?
Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de
Terrebonne.
M. Blais: Mon cher monsieur, vous tous, moi aussi j'ai un
bâillon et des lois, mon temps est terminé. Mais je tiens à
vous dire que j'ai été enchanté de la façon dont
vous avez présenté votre rapport, et aussi de la façon
dont vous défendez vos membres. Cela m'a fait énormément
plaisir de vous recevoir. C'est un rapport de grande qualité que vous
nous avez remis. Merci beaucoup.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le
député de Terrebonne. M. le ministre, en conclusion.
M. Lincoln: Merci beaucoup, MM. Rodier, Tremblay et vos
collègues, pour un rapport - je suis tout à fait d'accord avec
mon collègue de l'Opposition - très bien présenté,
très étoffé. J'espère que le ministère et
vous continuerez à collaborer à un programme de formation qui
représentera l'objectif du projet de loi. Merci.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Rodier, je tiens, au nom
des membres de la commission, à vous remercier de votre présence
et de la qualité de votre mémoire. Est-ce qu'il y a quelques
remarques pour conclure?
M. Rodier: J'aurais peut-être une dernière
conclusion. On parlait tantôt de la collaboration à la fabrication
d'autres produits qui pourraient être des compromis aux produits
antiparasitaires tel qu'homologués par le ministère de
l'Agriculture du Canada. Disons que ce n'est pas notre rôle, en tant
qu'industrie, de collaborer à la fabrication de produits. Par contre, on
croit qu'un fonds de recherche ou de la recherche dans le domaine
antiparasitaire de la part du ministère ou de la part du gouvernement
comme tel pourrait nous amener de grosses économies dans l'utilisation
des pesticides parce qu'on connaîtrait exactement le pesticide requis sur
les plantes au moment précis. Cela va autant dans le domaine de la
production que dans celui de l'utilisation domestique. Aucune recherche ne se
fait actuellement sur l'utilisation des pesticides, sur la capacité
d'absorption des plantes et ainsi de suite.
Merci beaucoup, M. le Président, de m'avoir donné la
parole.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Rodier.
M. Tremblay (Jean): Peut-être un mot pour finir?
Le Président (M. Saint-Roch): Brièvement, M.
Tremblay.
M. Tremblay (Jean): Je remercie la commission de nous avoir
permis de nous faire entendre. J'aimerais souligner un petit point
d'éclaircissement, ou peut-être une inquiétude. Dans tout
le projet de loi, on parle des utilisateurs et des vendeurs, mais on omet le
consommateur. Je pense que ce serait important qu'on puisse s'intéresser
à le sensibiliser à une meilleure utilisation des produits
antiparasitaires également. Merci.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Tremblay.
Je demanderais maintenant à l'Association des hôpitaux du
Québec de prendre place, si vous voulez.
Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission reprend ses travaux. Nous accueillons maintenant les
représentants de l'Association des hôpitaux du Québec et
des départements de santé communautaire, à qui je souhaite
la bienvenue. Je vous demanderais, pour informer les membres de la commission
et le Journal des débats, de vous identifier et de vous
présenter, s'il vous plaît!
AHQ et DSC
M. Montpetit (Jean-Pierre): Merci, M. le Président. Je
m'appelle Jean-Pierre Montpetit. Je suis président de la division de la
santé communautaire de l'Association des
hôpitaux, Je dois, dans un premier temps, vous présenter
les excuses de trois membres qui devaient être ici ce matin, tout en
comprenant les raisons du déplacement. Il s'agit de M. Charles Chamard,
président de l'Association des hôpitaux; de M. Jacques Nadeau,
vice-président exécutif de l'Association des hôpitaux, et
du Dr Richard Lessard, vice-président de la division de la santé
communautaire au sein de l'AHQ.
M. le Président, pour faire les présentations, à
mon extrême gauche, je vous présente Mme Johanne Gélinas,
chargée de projets en santé environnementale au
département de santé communautaire de l'hôpital
général de Lakeshore; à ma gauche, le Dr Pierre Lajoie,
président du comité provincial des départements de
santé communautaire en santé environnementale; a ma droite, Mme
Louise Lussier, conseillère juridique à l'Association des
hôpitaux; et le Dr Gilles Lagacé, directeur à la permanence
de l'Association des hôpitaux.
Le Président (M. Rochefort): Bienvenue à vous tous.
Sans plus tarder, je vous demanderais de nous faire la présentation de
votre mémoire, en vous rappelant que vous avez au plus une vingtaine de
minutes pour nous en faire la présentation.
M. Montpetit: Merci, M. le Président. M. le ministre,
mesdames et messieurs les députés, membres de la commission, je
désire d'abord vous remercier d'avoir accepté de recevoir les
représentants de l'Association des hôpitaux du Québec. Je
vous rappelle très brièvement que l'association représente
environ 200 centres hospitaliers ou hôpitaux de la province de
Québec au sein desquels on retrouve 32 hôpitaux qui ont un mandat
plus spécifique en santé communautaire à cause de leur
département de santé communautaire.
Si vous le permettez, M. le Président, je vais faire un rappel
très bref du résumé du mémoire, dans un premier
temps, et par la suite je demanderai au Dr Lajoie de faire une
présentation plus particulière sur les six recommandations que
nous vous avons formulées.
Je vous rappelle, M. le Président, que les centres hospitaliers
du Québec, membres de l'Association des hôpitaux du Québec,
et plus particulièrement ceux ayant un département de
santé communautaire, sont conscients de l'impact déterminant de
l'environnement sur l'état de santé de la population
québécoise. À cet égard, la
détérioration du milieu et la pollution chimique
représentent une préoccupation majeure qui s'inscrit dans le
champ relativement nouveau de la santé environnementale. En ce sens,
l'exposition de la population québécoise aux pesticides constitue
une préoccupation croissante de santé publique. Un meilleur
contrôle et une gestion plus sévère des substances
chimiques apparaissent donc indispensables au Québec.
L'avant-projet de loi sur les pesticides revêt, pour l'Association
des hôpitaux du Québec et les départements de santé
communautaire, un caractère prioritaire à cause de la
toxicité élevée de ces substances et aussi un
caractère symbolique pour la société
québécoise dans sa lutte contre la pollution chimique.
L'Association des hôpitaux du Québec souligne d'emblée son
adhésion aux objectifs poursuivis par le ministre de l'Environnement
pour le contrôle des pesticides. Néanmoins, elle entend
témoigner des préoccupations de ses membres quant aux moyens
proposés pour réaliser ses objectifs.
Dans ce mémoire, nous présentons, dans un premier temps,
nos commentaires généraux sur les aspects fondamentaux de
l'avant-projet de loi et son impact anticipé. Dans un deuxième
temps, nous ferons une analyse critique détaillée de
l'avant-projet de loi en proposant des modifications. Enfin, nous terminerons
en résumant certaines recommandations concrètes pour
améliorer le projet de loi, et ceci dans une perspective de santé
publique et de santé environnementale. D'ailleurs, nous joignons, en
annexe, un texte important, à notre avis, à caractère
technique, décrivant tes problèmes causés par les
pesticides.
Les connaissances actuelles sur les problèmes reliés
à l'utilisation des pesticides dont nous présentons une
synthèse annexée à ce mémoire obligent
l'Association des hôpitaux du Québec à soumettre certains
commentaires généraux quant au contexte global de l'avant-projet
de loi sur les pesticides. En fait, cinq points apparaissent prioritaires pour
atteindre les objectifs poursuivis par le présent avant-projet de loi.
Ils sont détaillés ici non pas en termes de degré de
priorité, mais davantage suivant une démarche logique. Il s'agit
premièrement de l'inclusion des agriculteurs et des sylviculteurs, de
l'échange d'information, de la mise sur pied d'un comité
"aviseur", de la création d'un fonds de recherche et du rôle des
départements de santé communautaire face à la
problématique des pesticides.
L'avant-projet de loi sur les pesticides soustrait les agriculteurs et
les sylviculteurs qui utilisent des pesticides pour les fins de leur
exploitation à l'obligation de détenir un permis. Certaines
autres dispositions de la loi, notamment l'exigence d'un certificat de
compétence, ne s'appliquent pas à ces deux groupes. Le
gouvernement se réserve toutefois le pouvoir de les y soumettre par
règlement. Or, si l'on considère que l'agriculture et la
sylviculture réunissent à elles seules plus de 90 % des
employés applicateurs de pesticides et utilisent plus de 85 % de tous
les pesticides vendus au Québec, force est de reconnaître que
la
portée de la loi est restreinte è une infime portion
d'intervenants. Dans ce contexte, il nous apparaît fondamental que les
agriculteurs et les sylviculteurs soient directement visés par le projet
de loi sur les pesticides plutôt que par voie de règlement.
L'avant-projet de loi prévoit la cueillette systématique
d'informations sur la vente et l'utilisation des pesticides au Québec,
par le biais de registres et de bilans. Il s'agit là d'un aspect
extrêmement positif. Cependant, l'avant-projet de loi est peu explicite
en ce qui concerne la diffusion de cette information de première
valeur.
Il y a aussi lieu de souligner l'aspect positif de la section II,
chapitre IV, de l'avant-projet de loi concernant le pouvoir d'ordonnance du
ministre de l'Environnement dans certaines situations d'urgence
environnementales et sanitaires. Cependant, soulignons le fait qu'aucune
obligation n'est faite à quiconque de déclarer les incidents et
les accidents reliés aux pesticides et constituant une menace pour
l'environnement et la santé publique.
Il serait donc souhaitable qu'une des priorités du ministre de
l'Environnement concerne l'échange d'informations précises,
rapides et complètes sur les éléments suivants:
premièrement, pour les divers territoires, sur les produits
utilisés composition chimique, toxicité, quantité
utilisée - sur les principaux utilisateurs et sur les profils
d'utilisation des pesticides; deuxièmement, sur l'état de
contamination du milieu par certains pesticides, s'il y a lieu;
troisièmement, sur les incidents et les accidents reliés a
l'utilisation des pesticides et susceptibles de menacer la santé
humaine; quatrièmement, sur certains projets d'importance comportant un
risque d'exposition humaine, soit par pulvérisation aérienne,
entretien de corridors, etc. (15 heures)
On ne peut envisager le retrait systématique des pesticides de
notre environnement. Cependant, on reconnaît que leur existence
présente des risques réels et potentiels; réels, parce
qu'ils constituent des poisons, et potentiels, parce qu'en définitive,
on connaît très peu de choses sur leurs effets. On constate
néanmoins que l'avant-projet de loi ne prévoit pas de
mécanisme particulier ou de structure chargée d'une telle
évaluation.
En raison du caractère dynamique et évolutif des
pesticides, ce dossier devrait être suivi de près par un
comité composé d'experts, de représentants des organismes
publics concernés et du milieu. Le rôle de ce comité
permanent dans l'application de la loi serait de proposer la liste et la
classification des pesticides utilisés au Québec,
d'évaluer les orientations des divers programmes prévus par la
loi et d'identifier les priorités de recherche et de
développement en matière de pesticides.
La recherche et le développement sont deux outils à
privilégier pour combler les lacunes qui existent dans nos connaissances
relatives aux impacts environnementaux et aux problèmes de santé
associés à l'utilisation de pesticides. Par la création de
fonds de recherche, il serait possible d'accroître ces connaissances et
de prévoir les risques inhérents à l'existence même
des pesticides. Pour l'essentiel, ces fonds pourraient servir è
identifier et connaître certaines populations exposées plus
particulièrement aux pesticides: agriculteurs, applicateurs
privés et publics et certains autres groupes de la population en
général, à documenter sur certains risques reliés
à l'exposition de ces divers groupes aux pesticides et è
développer des programmes de surveillance et d'information.
Sans l'existence de tels fonds, la recherche de solutions aux
problèmes des pesticides ne pourrait être assurée, alors
que l'objectif fondamental poursuivi par l'avant-projet de loi vise justement
à réduire les risques que comporte l'utilisation des
pesticides.
Les départements de santé communautaire, qui sont
responsables au niveau sous-régional sur l'ensemble du territoire
québécois de la mise en place de programmes de prévention,
de surveillance et de protection de la santé de la population
québécoise, peuvent constituer un intervenant de premier choix
auprès du ministère de l'Environnement en ce qui a trait à
la problématique des pesticides. En plus de posséder une
expertise dans le domaine de l'environnement et de la santé, ils sont
rapidement au fait des problèmes présents dans la
communauté.
C'est en considérant la haute toxicité des pesticides et
les danqers inhérents à leur utilisation, notamment pour la
santé humaine, qu'il apparaît souhaitable de voir s'établir
une approche concertée du ministère de l'Environnement et des
organismes de santé publique du Québec, principalement les
centres hospitaliers ayant un département de santé
communautaire.
Dans cette perspective, les départements de santé
communautaire devraient participer au réseau d'échange
d'information sous l'égide du ministère de l'Environnement,
notamment en fournissant des analyses et des études au soutien des
pouvoirs d'intervention du ministre. De même, les départements de
santé communautaire constitueraient un interlocuteur
privilégié auprès du ministre pour le conseiller dans les
mécanismes de coordination des recherches au sein du comité
"aviseur". Au surplus, ils pourraient, en bénéficiant de fonds de
recherche, prévus en vertu de cette loi, mener à terme des
recherches d'envergure, notamment sur le développement des connaissances
relatives
aux impacts des pesticides et sur des actions préventives.
Tout au long de son mémoire, l'Association des hôpitaux du
Québec a voulu mettre de l'avant la nécessité de
promouvoir un système adéquat de protection de la santé,
face à l'utilisation des pesticides. Dès lors, il nous
apparaissait essentiel de chercher, non seulement par des mesures de
contrôle et de surveillance, que ce soit des permis, des certificats ou
des ordonnances, mais également par des mesures de prévention et
d'information par le biais d'études, de recherches et de publications,
des mécanismes adaptés à cette problématique
d'envergure.
Nous espérons avoir suffisamment exprimé que l'absence de
contrôle et de surveillance ainsi que les lacunes dans l'acquisition et
l'échange des connaissances et des renseignements relatifs è la
vente et à l'utilisation des pesticides au Québec
représentent une situation inacceptable d'un point de vue de
santé publique. C'est pourquoi nous pressons ardemment le gouvernement
du Québec de poursuivre l'adoption d'une loi sur les pesticides.
À cette fin, forte de son appui à l'avant-projet de loi,
l'Association des hôpitaux du' Québec émet les
recommandations suivantesî 1° que les agriculteurs et les
sylviculteurs soient soumis aux dispositions de la loi; 2° que le
rôle des centres hospitaliers ayant un département de santé
communautaire soit affirmé, notamment dans le soutien d'expertises
qu'ils peuvent fournir; 3° que le ministre bénéficie des
conseils d'un comité "aviseur" sur les pesticides, tant pour la
classification et la nature des recherches que pour l'octroi des subventions de
recherche; 4° que le ministre prévoie des fonds de recherche pour
développer et promouvoir le concept de la santé environnementale;
5° que le ministre assume un transfert adéquat des données et
des informations sur les pesticides aux fins de l'éducation et de
l'information de la population; et, finalement, que des modifications telles
que présentées dans nos commentaires particuliers soient
apportées en conséquence aux articles de l'avant-projet de
loi.
Avec votre permission, M. le Président, je demanderais au Dr
Lajoie d'expliquer davantage chacune de ces recommandations.
M. Lajoie (Pierre): Merci, M. le Président. En fait, je
vais prendre les quelques minutes qu'il nous reste pour, peut-être,
renforcer la pertinence des différentes recommandations qui viennent de
vous être faites.
La première, et peut-être la plus fondamentale, concerne
l'inclusion de groupes impartants d'utilisateurs, c'est-à-dire les
agriculteurs et les sylviculteurs. Jusqu'à maintenant, on a beaucoup
parlé du nombre d'individus concernés et aussi de la
quantité relative de pesticides utilisée. Il y a d'autres
éléments qui militent en faveur d'un contrôle beaucoup plus
sévère qui inclurait les agriculteurs et les sylviculteurs, et
c'est l'impact potentiel de l'utilisation des pesticides en agriculture et en
sylviculture.
En dehors du nombre d'agriculteurs et de sylviculteurs, il faut bien se
rendre compte que, en rétrospective, les problèmes qui sont
reliés à l'utilisation des pesticides sont souvent le fait d'une
utilisation massive dans ces domaines, c'est-à-dire dans les domaines de
l'agriculture et de la sylviculture. Qu'on pense, notamment, à la
contamination de l'eau potable. Il y a aussi de plus en plus d'études
qui démontrent que les fermiers et les familles des fermiers seraient
plus au risque d'un certain nombre de pathologies importantes. Je fais allusion
à des études américaines et européennes
importantes.
Aussi, actuellement, il y a un nombre important de substances chimiques,
de pesticides utilisés par les agriculteurs qui sont très
problématiques et dont l'utilisation nécessite un contrôle
plus sévère.
Dans la confection de notre mémoire, nous avons aussi
évalué la faisabilité de l'inclusion des agriculteurs et
des sylviculteurs, parce qu'il nous semblait que c'était là une
pierre d'achoppement importante à l'inclusion systématique des
agriculteurs, et nous avons cherché un point de comparaison. Celui qui
nous semblait le plus logique était le certificat qui est
décerné aux chasseurs et qui exige le suivi d'un programme de
formation. Les statistiques qui sont disponibles concernant ce programme de
formation des chasseurs ont tendance à démontrer qu'il s'agit
là d'un programme de formation qui est faisable. Le programme de
certification des chasseurs -qui remonte, je pense, è plus d'une
douzaine d'années - a permis l'émission d'environ 1 200 000
certificats de chasseur jusqu'à maintenant. Il y aurait actuellement
autour de 500 000 certificats en vigueur et, chaque année, il y aurait
une émission systématique de 40 000 nouveaux certificats de
chasseur qui impliquent nécessairement un programme de formation. La
certification donnée aux chasseurs vise les mêmes objectifs que
pourrait viser la formation des agriculteurs et des sylviculteurs,
c'est-à-dire la prévention en ce qui concerne la
sécurité pour les uns et la santé pour les autres. Donc,
l'inclusion des agriculteurs et des sylviculteurs nous apparaît
faisable.
Je voudrais aussi renforcer le rôle ou la pertinence d'inclure
davantage les départements de santé communautaire dans les
objectifs et les moyens prévus par la loi. En fait, l'inclusion des
départements de santé communautaire, ou leur plus grande
implication, est basée sur des responsabilités
légales qui existent déjà en vertu de la Loi sur la
protection de la santé publique. Les problèmes de santé
qui sont reliés à l'environnement, et notamment aux pesticides,
tombent sous le coup de cette responsabilité. Les départements de
santé communautaire ont comme rôle de protéger la
santé de la population, bien entendu, de prévenir et aussi de
promouvoir la santé. Mais en ce qui concerne, de façon
prioritaire, la Loi sur les pesticides, c'est peut-être le premier volet
qui nous paraît prioritaire, c'est-à-dire une protection
adéquate de la santé de la population. Une protection
adéquate implique deux éléments importants,
c'est-à-dire une surveillance adéquate et une intervention
adéquate. Pour exercer une surveillance adéquate, une information
de base sur les pesticides utilisés, le profil d'utilisation qui en est
fait par les utilisateurs, est tout à fait indispensable. C'est cette
motivation qui sous-tend plusieurs recommandations qu'on retrouve dans notre
mémoire.
Pour ce qui est du fonds de recherche, je pense qu'il y a lieu de noter
qu'actuellement, la recherche concernant les pesticides et la surveillance
n'est pas d'emblée admissible en ce qui concerne les divers programmes
qui existent déjà. Si on veut développer des programmes de
surveillance et de recherche conjoints, qui impliquent et l'environnement et la
santé, on devrait peut-être penser à mettre sur pied un
fonds qui financerait de tels projets. Différentes hypothèses de
financement devraient être évaluées, y compris la
participation de fabricants ou d'utilisateurs.
Finalement, vu que le temps est écoulé, j'aimerais
rappeler que les départements de santé communautaire
considèrent le projet de loi qui est à l'étude aujourd'hui
comme un projet important qui est de nature è faire évoluer de
façon notable la collaboration entre le ministère de
l'Environnement et les départements de santé communautaire.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre.
M. Lincoln: M. Montpetit, Dr Lajoie et tous vos collègues,
on vous remercie beaucoup d'être venus. Dr Lajoie, je pense que c'est la
deuxième fois que vous vous présentez devant la commission. Cela
montre l'importance que vous accordez au sujet. Il va pas sans dire que toute
la question des pesticides dans l'environnement est intimement reliée,
tout d'abord, à la santé, à la qualité de vie des
gens, et ce que nous recherchons tous est d'éviter que la qualité
de vie des gens, et surtout la santé individuelle, soient
affectées par tout produit qui pourrait être utilisé de
façon déraisonnable, ou utilisé, point, à la
ligne.
Nous sommes très conscients de votre implication dans ce dossier,
de votre intérêt très particulier.
Je voudrais passer en revue quelques-unes des recommandations et des
observations les plus importantes que vous avez faites. Peut-être que si
vous avez des questions par la suite auxquelles mes remarques n'ont pas
répondu, vous pourrez me les poser.
Pour ce qui est des agriculteurs et des sylviculteurs, je pense que
chaque groupe ici a apporté les mêmes observations; donc, on les
prend très au sérieux. Ils sont inclus aujourd'hui dans la loi,
mais comme vous l'avez souligné vous-mêmes, ce sera par une
réglementation spécifique qui va les toucher, pas au début
de la mise en vigueur du projet de loi, mais selon un échéancier
qu'il reste è établir. On commence déjà à
discuter de l'échéancier avec les agriculteurs; on a parlé
du début de 1990. Pour ce qui est des sylviculteurs, cela va se fera
sans doute cette année. Ce qui arrive, c'est qu'il nous est impossible
d'inclure ce secteur au départ, parce que l'importance du secteur,
étendu sur le territoire, nous force à le faire de façon
plus graduelle avec le concours des ministères sectoriels
concernés. Nous avons déjà des ententes avec le
ministère de l'Agriculture et celui des Forêts. Nous avons
déjà commencé des négociations avec les
agriculteurs. En fait, Dr Lajoie, la suggestion que vous faites par rapport
à la Fédération des chasseurs a déjà
été faîte par un autre organisme, SVP, qui a apporté
le même exemple. C'est un exemple qui mérite d'être suivi.
En fait, nous avions suggéré à l'Union des producteurs
agricoles, qui est l'organisation principale des agriculteurs, de se charger
elle-même de prendre le leadership des cours d'entraînement et de
formation de ses membres. L'UPA avait d'abord accepté; après,
elle s'est récusée un peu. Elle a dit qu'elle voulait travailler
de concert avec le ministère pour le faire. Nous offrons
déjà des cours de formation par l'entremise du ministère
de l'Environnement, naturellement, mais aussi des autres ministères
concernés, surtout le ministère de l'Éducation, le
ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science et le
ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu,
où nous espérons établir des cours de formation. Je peux
vous donner l'engagement formel que ceux-ci vont inclure les agriculteurs et
les sylviculteurs. En vue de toutes les recommandations qui nous ont
été faites, je pense que nous allons considérer
très sérieusement la reformulation du texte de l'article 5 afin
d'éclaircir cette question, afin qu'il n'y ait aucune équivoque,
que les agriculteurs et les sylviculteurs soient inclus. En tout cas, je peux
vous dire que c'est le sens de leur compréhension. Ils l'ont
confirmé bien clairement à la commission parlementaire.
(15 h 15)
Pour ce qui est des rôles des centres hospitaliers au sein de la
loi et des départements de santé communautaire, encore une fois,
on ne peut qu'être d'accord avec vous là-dessus: c'est un
élément essentiel. Comme vous devez sans doute le savoir, il y a
un protocole d'entente entre le ministère de l'Environnement et le
ministère de la Santé et des Services sociaux parce qu'il y a
tellement de matières qui nous touchent de près que nous avons
préparé ce protocole d'entente entre nous qui inclut une
dimension très impartante à propos des pesticides, une dimension
spécifique sur les pesticides. Je ne peux pas vous dire aujourd'hui si
on peut inclure une mention dans le projet de loi lui-même, mais, de
toute façon, nous allons songer sérieusement à impliquer
et à élaborer un rôle pour les centres hospitaliers et les
départements de santé communautaire, au moins dans le protocole
d'entente par rapport aux pesticides. Il sera peut-être plus flexible
parce qu'on pourra le changer, y ajouter, etc., beaucoup plus facilement. En
tout cas, on le fera en collaboration avec le ministère de la
Santé et vos organisations.
Pour ce qui est de toute la question de la recherche, beaucoup
d'intervenants ont encore abordé cette question. C'est sûr que
sans la recherche de méthodes alternatives, sans la recherche d'une
implication sur la santé, le projet de loi ne se tient pas par
lui-même. Il faudra procéder à un objectif poussé de
recherche. Il faudra travailler ensemble pour essayer de trouver des moyens de
faire de la recherche. La loi nous donne le pouvoir de faire de la recherche.
II faudra trouver ensemble des façons de le faire, des mesures
budgétaires et financières et, certainement, nous prenons cette
recommandation avec beaucoup de sérieux.
Pour ce qui est de l'information et de l'éducation du public,
là aussi, on ne peut pas ne pas être d'accord avec vous à
100 %. Sans la sensibilisation du public... je pense que c'est un volet
essentiel de toute initiative en ce sens. Un plan de sensibilisation et de
communication est déjà prévu, est déjà en
voie d'élaboration pour diffusion parmi le public. Il recevra aussi
beaucoup de collaboration de la part du ministère de la Santé et
des ministères impliqués, et c'est avec plaisir que nous vous
impliquerons, tous les départements de santé et les centres
hospitaliers, les organisations de la santé, dans ce travail, et nous
consulterons à cet effet.
Pour ce qui est des modifications que vous avez suggérées
à la loi, j'aimerais toucher à une ou deux qui sont
particulièrement intéressantes. Par exemple, vous avez
proposé que nous ajoutions une notion dans l'article 55, pour
éviter un dommage à la santé, que nous mettions l'accent
là-dessus. Nous allons certainement considérer cela de
façon très sérieuse. Il y a une autre disposition que vous
avez suggérée: quiconque vend ou utilise un pesticide doit
informer immédiatement le ministre de toute émission,
dépôt, etc., susceptible de causer un dommage à la
santé ou à l'environnement. Là aussi, nous pensons que,
certainement, cette suggestion devrait être étudiée
très sérieusement pour voir si on pourrait l'inclure quelque
part.
Pourriez-vous nous dire si vous pariez de quelque chose qui s'est
déjà passé? Parlez-vous d'un événement
auquel vous vous attendez, quelque chose d'assez grave où des pesticides
seraient impliqués, ou parlez-vous de quelque chose d'accidentel qui
s'est déjà passé? À ce moment-là, la
personne est obligée d'aviser le ministère. C'est que,
naturellement, on ne voudrait pas avoir une foule d'avis de tous les gens qui
se servent des pesticides; on deviendrait fou.
M. Montpetit: Si vous le permettez, M. le Président, le Dr
Lajoie va répondre.
M. Lajoie: En fait, quand on a fait cette recommandation, on
pensait à toute une série d'incidents qui ont souvent fait la
première page des journaux, ou encore à des incidents qui
surviennent dont on est au courant et qui ne sont pas, à notre avis,
l'objet d'une intervention adéquate. Dans certains domaines
d'utilisation - on pense, entre autres, à l'application aérienne
de pesticides sur de grandes surfaces agricoles -des cas sont rapportés
où il y a eu des expositions accidentelles de la population avoisinante
dans certaines maisons où, en fait, le problème a
été pris en charge très tardivement par les responsables
de la santé. Une évaluation a été faite par les
gens de l'Environnement. Ordinairement, ce sont plus des découvertes
factuelles. Il n'y a pas de déclaration systématique de ces cas,
et cela nous apparaît comme un prérequis fondamental pour qu'on
puisse gérer ces situations d'urgence, autant dans le domaine de
l'environnement que dans celui de la santé.
M. Lincoln: Pour ce qui est des arrosages aériens, la loi
prévoit aujourd'hui que, pour les arrosaqes autres que ceux qui sont de
nature agricole, on est obligé d'avoir une autorisation du
ministère. Nous faisons un suivi de cela. Dans le secteur agricole, pour
les raisons de la Loi du zonage agricole et d'autres, il n'y a pas d'obligation
dans ce secteur. Ils peuvent faire des arrosages aériens. Là, il
y a eu des recommandations afin de voir si la loi sur les pesticides pouvait
couvrir cela. On va regarder cela, mais je ne peux rien vous promettre. Cela
demandera des négociations avec le monde agricole. II est
déjà établi aujourd'hui qu'ils n'ont pas besoin
d'autorisation, mais on va
regarder ces recommandations de près. Je vais certainement en
discuter avec mon collègue.
M. Lajoie: M. Je Président.
Le Président (M. Rochefort): Oui.
M. Lajoie: Pour préciser davantage, en fait, on ne remet
pas en question l'utilisation des pesticides par pulvérisation
aérienne. En fait, cette suggestion propose qu'à
l'intérieur d'un programme qui peut être par ailleurs
adéquat, il y a une exposition accidentelle de la population et une
contamination de l'environnement, les responsables et de l'environnement et de
la santé publique soient avertis de ces faits pour qu'ils les
gèrent adéquatement.
M. Lincoln: Auriez-vous des questions avant que je cède la
parole à mon collègue? Je crois que je suis tout à fait au
courant des points principaux de votre dossier. Il va être pris avec le
plus grand sérieux, M. Lajoie et M. Montpetit, je veux vous en
assurer.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le
député de Terrebonne.
M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président. Je comprends
que le ministre ait posé peu de questions parce qu'on voit que votre
rapport est fait par des professionnels. Il est très clair et on
comprend bien ce que vous voulez dire au législateur. Quand on l'a
étudié, je l'ai bien étudié moi aussi, les
questions sont moins nombreuses. Je vous félicite du rapport. Cependant,
je voudrais vous poser une question, et mon confrère de Jonquière
en aurait quelques-unes aussi à vous poser.
Je veux vous féliciter pour une recommandation d'une façon
toute particulière. C'est le premier rapport qui insiste autant sur la
création d'un fonds à la recherche. Je trouve cela d'une
importance capitale. De la manière dont vous le traitez, on voit que
vous trouvez que c'est d'une importance capitale aussi.
À la page 6 de votre rapport, vous dites: "La recherche et le
développement sont deux outils à privilégier pour combler
les lacunes qui existent." Vous notez aussi que la création d'un fonds
de recherche rendrait possible l'accroissement de nos connaissances pour que
les risques soient moins grands, etc. Vous dites, au dernier paragraphe: "Sans
l'existence d'un tel fonds, la recherche de solutions aux problèmes des
pesticides ne pourra être assurée, alors que l'objectif
fondamental poursuivi par l'avant-projet de loi vise justement à
réduire les risques que comporte l'utilisation des pesticides."
Par ce paragraphe, je vois que vous aimeriez insister pour que, dans ce
projet de loi, il y ait vraiment des articles qui créent un fonds de
recherche, et je suis d'accord avec vous là-dessus. Je vais cependant
vous demander une chose. C'est bien sûr que vous représentez le
côté curatif et, dans votre fonds de recherche, vous montrez
l'angle curatif du fonds de recherche. J'aimerais vous demander si ce ne serait
pas de bon aloi que le côté préventif dans la recherche
soit là aussi pour que les pesticides soient éliminés de
plus en plus, ce qui n'est pas l'objet de cette loi. Cela règle le
côté de l'utilisation sécuritaire des pesticides, mais cela
ne règle pas une diminution éventuelle de l'utilisation des
pesticides. La recherche seulement pourrait nous permettre de réduire la
quantité utilisée. Je vous demande d'abord si vous aimeriez aussi
que ce volet - parce qu'il n'est pas indiqué - soit la
responsabilité du fonds de recherche. Une question plate, mais que j'ai
posée à tout le monde: D'où proviendraient les sommes pour
ce fonds de recherche? Et, la question plate est la suivante: Nous demandons
aux gens s'ils conseillent au législateur de mettre une taxe
spéciale sur les pesticides pour alimenter ce fonds de recherche.
M. Montpetit: Si vous le permettez, M. le Président, une
première nuance qu'il faudrait peut-être apporter quand vous
dites... Si vous me dites que la perception que vous avez quant à notre
recommandation pour le fonds de recherche vise le curatif plutôt que le
préventif, je pense que la volonté de l'association était
tout à fait le contraire. Le groupe qui nous a
précédés tantôt a dit une chose qui m'a
semblé très fondamentale et qui, je pense, illustre très
bien le problème auquel on est confronté. Le groupe qui utilise
actuellement les pesticides est venu vous dire tantôt qu'on ne sait pas
comment fonctionnent ces produits; tantôt, c'est un peu ce qu'on vous a
dit. On donne des cours de formation, sans nécessairement comprendre les
problématiques associées aux produits qu'on utilise.
Il est évident que le but visé par cette recommandation
est d'une portée beaucoup plus préventive que curative. Pour le
curatif, je pense qu'on a déjà suffisamment de ressources su
Québec dans le réseau hospitalier pour s'en occuper, une fois que
l'accident s'est produit, sauf qu'on voudrait, par le biais de la recherche...
Tantôt, on a fait allusion à des produits substituts. Est-ce qu'il
y a possibilité de produire des produits substituts? On ne le sait pas.
Le niveau de connaissance actuel du danger quant à l'utilisation des
pesticides est très mince, de sorte qu'assez souvent, on ne sait
même pas avec quoi on joue. Pour répondre à la
première partie de votre question, le but était vraiment de la
recherche du type
préventif plutôt que curatif. L'autre question...
M, Blais: Excusez-moi... M. Montpetit: Oui?
M. Blais: Vous voulez dire que le curatif est par la formation,
d'après ce que vous me dites, et la recherche serait pour le
préventif. C'est un peu cela?
M. Montpetit: Pas tout à fait.
M. Blais: Le curatif serait fait par la formation de ceux qui les
utilisent, ceux qui les vendent et ceux qui les manipulent.
M. Montpetit: Oui.
M. Blais: Et en gros, le préventif serait fait par la
recherche?
M. Montpetit: Oui, oui. Si vous voulez. M. Blais:
D'où proviendraient les fonds?
M. Montpetit: Évidemment, la question est bien
posée, bien plantée. Comme association d'établissement, on
n'a évidemment pas la prétention d'avoir la solution. C'est
sûrement une décision qui devra être prise à la
lumière de toutes sortes de commentaires qui vous ont été
formulés. Il existe certains modèles de mise en commun de fonds
de recherche qui ont été établis dans le passé en
tenant compte de certains autres textes législatifs qui ont fait que,
par exemple, on a imposé dans la vente du produit, soit sous forme de
taxe, soit sous forme de redevance auprès du fabricant, l'identification
d'un montant d'argent qui devenait disponible pour la recherche. Actuellement,
on est un peu, je dirais presque exclusivement prisonnier des états de
recherche qui sont publiés par les fabricants. Je ne veux pas
nécessairement mettre en doute la compétence et la pertinence des
rapports qui nous sont produits. J'ai toujours préféré,
lorsque je fais face à des mesures préventives, être un peu
plus neutre pour porter un jugement sur un rapport qui m'est produit par mon
vendeur plutôt que de dire: Oui, j'ai une foi absolue dans ce qu'on peut
m'affirmer à un moment donné.
M. Blais: Merci. Je vais céder la parole au
député de Jonquière, M. Dufour.
M. Dufour: Je vais continuer sur la même lancée que
le député de Terrebonne, le porte-parole officiel, concernant le
fonds de recherche. Est-ce que, è votre point de vue, ce fonds de
recherche devrait être consacré exclusivement aux recherches
concernant les pesticides ou les produits antiparasitaires?
M. Montpetit: M. le Président, si vous le permettez, le Dr
Lajoie va y répondre. (15 h 30)
M. Lajoie: Dans le cadre du projet de loi sur les pesticides, il
nous apparaît tout à fait évident qu'il y a matière
à établir un fonds de recherche. Par contre,
théoriquement, les pesticides font partie d'un éventail, d'un
champ beaucoup plus vaste qui est celui de toutes les substances qu'on utilise
dans notre environnement. À ma connaissance, actuellement, il n'existe
pas de fonds ou de programme systématique pour faire de la recherche ou
de la surveillance au regard de l'ensemble de ces substances chimiques. Bien
entendu, il y a un peu de recherche commanditée faite par les divers
ministères. Éventuellement, cela pourrait être faisable
d'élargir la notion d'un fonds de recherche sur les pesticides à
celle d'un fonds de recherche sur les substances chimiques en
général.
M. Dufour: Si je comprends votre... Est-ce que vous avez
terminé?
M. Lajoie: En fait, j'aimerais peut-être revenir sur
l'aspect préventif et sur la pertinence d'établir un fonds de
recherche. Comme il a été mentionné
précédemment, il n'existe pas actuellement de véritables
incitatifs à développer des options qui se rapprochent davantage
de la nature, des options biologiques, entre autres. C'est un problème
qui a été vécu de façon très nette, je
pense, dans le programme d'arrosage aérien contre la tordeuse des
bourgeons de l'épinette. C'est-à-dire qu'il y avait,
théoriquement, une substance chimique, le BT, qui, aujourd'hui, est
utilisée de façon massive, mais qui, il y a quelques
années à peine, était considérée un peu
comme une option irréaliste parce qu'il n'y avait pas eu assez de
recherches appliquées sur cette substance pour pouvoir en faire un
programme d'intervention efficace. On s'aperçoit, en
rétrospective, que c'était une option qui n'était pas si
irréaliste. Les lois du marché font qu'il n'y a pas,
naturellement, d'investissements sur la recherche d'options. Un des aspects
préventifs d'un tel fonds pourrait être de commanditer, de forcer
la recherche au regard de ces options.
En ce qui concerne le financement, je pense que la participation des
utilisateurs, des fabricants est un aspect important, qui est d'ailleurs
vécu dans d'autres programmes, comme en santé et
sécurité du travail. Il existe un Institut de recherche en
santé et en sécurité du travail où les employeurs,
à même des cotisations, font de la recherche et des programmes. On
peut penser que dans
le domaine environnemental plus large, il y a des modes de financement
qui pourraient être similaires et pourraient s'appliquer.
M. Dufour: En fait, si on favorisait un fonds particulier
concernant les produits, les pesticides comme tels, cela pourrait aussi faire
que l'on oublie d'autres préoccupations, parce que cela fait partie
d'une chaîne complète. Quand on parle de pesticides, on parie de
toute la chaîne alimentaire, de toute la chaîne de
dégradation et, en même temps, de l'augmentation de la
qualité de la vie. On pose la question parce que l'on doute un peu,
concernant l'orientation gouvernementale, depuis un an, qu'il mette beaucoup
d'argent dans les fonds de recherche. Faire plus avec moins, dans ces
questions, cela ne sert à rien. Il n'y a pas tellement d'argent de
disponible. On doute un peu. Beaucoup d'intervenants sont venus nous dire: On
devrait avoir un fonds de recherche particulier pour faire des études
pour empêcher la dégradation, mais on se rend compte tout de
même qu'il y a une limite.
Aujourd'hui, on se pose encore la question suivante: Est-ce qu'il y aura
beaucoup de moyens financiers pour l'application de cette loi, si un jour elle
est adoptée? Personnellement, je suis porté à croire que
les fonds de recherche, oui, cela pourrait être intéressant, mais
il y a certainement un problème, à moins qu'on prenne cela "at
large" ou qu'on fasse une fondation particulière pour pouvoir obtenir
ces montants d'argent. Si on taxe le produit, on voit tout le problème
qui se posera. On pourrait demander une taxe spéciale sur chaque
produit, pour n'importe quoi, ou presque. Donc, cela prend une volonté
politique que je n'ai pas décelée encore, jusqu'à
maintenant. Je trouve tout de même que l'idée est
intéressante, puisqu'on éveille l'attention des gens sur
l'importance ou les dangers des pesticides.
Vous offrez beaucoup aussi votre collaboration au ministère,
à partir de maintenant, ou auparavant; cela dépend de ce que vous
avez fait dans le passé ou de ce qui se ferait, à partir de
maintenant, dans l'avenir. Est-ce que votre association a déjà eu
à travailler avec le ministère de l'Environnement? Quand on offre
nos services, normalement, on s'attend aussi, en retour, qu'il y ait une
collaboration et qu'elle ne vienne pas juste d'un côté.
M. Montpetit: ...s'il vous plaît, M. le
Président?
M. Lajoie: En fait, je dois dire qu'il existe actuellement
certains exemples de collaboration entre les directions régionales du
ministère de l'Environnement et certains départements de
santé communautaire. De tels exemples de collaboration existent par des
programmes de surveillance et d'intervention. Je pense entre autres à
des problèmes de contamination de l'eau potable au Québec par
certains pesticides comme l'aldicarbe dans la région de
Lanaudière et aussi dans la région de Portneuf. Une collaboration
a été établie entre le ministère de l'Environnement
et les départements de santé communautaire concernés dans
le dossier de la recherche aussi sur les pesticides. Certains
départements de santé communautaire, dont le Centre hospitalier
de l'Université Laval, ont entrepris des recherches pour vérifier
l'impact sur la santé de l'utilisation des pesticides.
Par contre, on veut faire valoir dans notre mémoire la
nécessité d'élargir cette collaboration à
l'ensemble du Québec et de l'organiser de façon plus
systématique.
M. Dufour: II est évident que le temps nous presse. Je ne
poserai plus de questions. Je voudrais seulement en profiter pour vous
remercier de la qualité de votre présentation et de la
qualité de vos préoccupations quant à la santé des
gens et à la santé de l'environnement, qui a également
beaucoup d'effets sur les gens.
Une préoccupation vous honore peut-être aussi: c'est celle
de souligner à l'attention du ministre que s'il se produit des accidents
de parcours, il faudra en aviser la population. Votre groupe est l'un de ceux
qui soulèvent ce point particulièrement, et je vous en
félicite. Je vous remercie au nom de l'Opposition.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre, pour
le mot de la fin.
M. Lincoln: Très brièvement, M. Montpetit, Dr
Lajoie et vos collègues, je voulais mentionner les sujets qui sont
inclus dans l'entente qui est négociée avec le ministère
de la Santé et des Services sociaux et qui sera un sujet de consultation
avec votre organisme, les CLSC et les DSC, dès l'été, pour
vous donner un peu l'idée sur les pesticides. C'est très
bref.
Les sujets seront: les choix des pesticides à contrôler et
à classifier en termes de dangers pour la santé humaine; la
détermination de normes pour protéger la santé publique;
les données relatives à la pollution de l'environnement; les
données médicales, toxicologiques, épidémiologiques
reliées aux pesticides; les données sur la vente et l'utilisation
des pesticides; les cas problèmes et les interventions; le
développement et la mise à jour de cours de formation; et la
recherche. Ce sont un peu les éléments que vous avez
abordés. On va entreprendre une consultation avec vous et avec tout le
service de la santé au début de l'été ou pendant
l'été.
Une dernière très brève question. J'en
profite pour vous remercier à l'avance de votre collaboration et
de votre mémoire fort intéressant, qui nous aidera beaucoup dans
l'élaboration du projet de loi. Plusieurs ont parlé dans leur
mémoire d'un comité "aviseur", un comité consultatif.
Seriez-vous prêts, au nom de votre organisme, à siéger au
sein d'un comité où les gens serviraient à titre
bénévole?
M. Montpetit: Je puis vous assurer, M. le ministre, que nous
sommes tout à fait disposés à travailler de cette
façon.
M. Lincoln: Merci beaucoup.
Le Président (M. Rochefort): Sur ce, je tiens à
vous remercier de votre participation à notre commission ainsi que de la
contribution que vous avez apportée à nos travaux. Merci.
M. Montpetit: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Rochefort): J'inviterais maintenant les
représentants du Centre de toxicologie du Québec à se
présenter devant nous, s'il vous plaît!
M. Lincoln: M. le Président.
Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.
M. Lincoln: Est-ce que je pourrais vous demander quelque chose?
J'ai besoin de m'absenter pour une urgence durant une vingtaine de minutes.
Est-ce que mon adjoint parlementaire pourrait me représenter? Dois-je
demander le consentement du critique de l'Opposition?
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Terrebonne.
M. Blais: Je vous jure, M. le ministre, que, connaissant votre
adjoint, je suis fier qu'il vous représente bien d'ailleurs.
M. Lincoln: Merci beaucoup.
Le Président (M. Rochefort): Donc, il y a consentement des
membres de la commission.
Bienvenue parmi nous. Je vous demanderais de vous présenter, s'il
vous plaît.
Centre de toxicologie du Québec
M. Nantel (Albert): Mon nom est Albert Nantel, je suis directeur
du Centre de toxicologie du Québec. Le Dr Jean-Philippe Weber est avec
moi, il est le chef du laboratoire au Centre de toxicologie du
Québec.
Le Président (M. Rochefort): Bienvenue parmi nous à
tous les deux. Je vous demanderais de nous présenter votre
mémoire maintenant, s'il vous plaît.
M. Nantel: Je vous remercie. J'aimerais, si vous le voulez bien,
reprendre peut-être brièvement avec vous les divers points que
nous avons soulevés dans notre mémoire, non pas pour les
détailler mais pour donner certaines explications sur ces points.
Disons tout d'abord qu'il n'est peut-être pas surprenant du tout
qu'un centre comme le nôtre, qui s'intéresse aux problèmes
des substances toxiques, soit particulièrement impliqué dans un
tel projet de loi. Un centre de toxicologie se trouve entre les
problèmes de santé causés par des substances comme les
pesticides et les problèmes environnementaux. Je dois aussi dire que,
parfois, il est au milieu, mais il peut aussi être entre deux chaises et
se trouver ni sur l'une ni sur l'autre, comme on pourra le voir un peu plus
tard.
J'ai établi au début du texte un certain parallèle
entre le problème des pesticides et celui des médicaments, pour
la simple raison que je crois que, lorsqu'il s'agit de réglementer
l'utilisation de substances potentiellement toxiques, les principes
prévalent facilement dans un cas comme dans l'autre, moyennant certains
ajustements. Il peut être intéressant de voir comment les
médicaments ont été réglementés dans notre
société pour voir comment on pourrait faire la même chose
pour les pesticides.
On peut d'ailleurs se demander comment il se fait que les
médicaments soient autant contrôlés par divers
règlements et lois depuis plusieurs décennies dans nos
sociétés, alors que les pesticides commencent à peine
à être contrôlés. Je pense que ceci est vrai non
seulement pour les pesticides mais aussi pour l'ensemble des contaminants
chimiques. On a cru pendant très longtemps que les médicaments
devaient être contrôlés de façon très
précise parce que leur usage prévoyait une administration
à des êtres humains et que ceci présentait un danger
particulier. Nous savons maintenant que beaucoup d'autres substances chimiques,
même si elles ne sont pas produites dans le but d'être
administrées à des humains, finissent de toute façon dans
l'organisme humain et peuvent y engendrer les mêmes problèmes de
santé ou les mêmes effets néfastes qu'un grand nombre de
médicaments. D'ailleurs, il n'est pas surprenant non plus de
réaliser que beaucoup de ces substances chimiques, ou même de ces
pesticides, font aussi partie de l'arsenal thérapeutique des
médicaments. Il y a donc un certain parallèle que l'on peut
établir entre les deux milieux.
Ce qu'il est aussi important de retenir en ce qui concerne les
médicaments c'est
que, depuis fort longtemps, on exigeait de la part des fabricants une
évaluation de la toxicité des substances avant leur mise en
marché. Depuis un certain temps, depuis les années soixante-dix,
on a aussi exigé des fabricants qu'ils démontrent non seulement
la non-toxicité relative des médicaments mais aussi leur
efficacité thérapeutique, Maintenant, l'exigence est double.
En ce qui concerne les pesticides, on a fait l'inverse. On a
commencé, au début, par exiger des fabricants qu'ils
démontrent l'efficacité de leurs pesticides pour l'usage
recommandé, et ce n'est que tout récemment qu'on a
commencé à exiger de ces mêmes fabricants qu'ils
évaluent la toxicité de ces substances avant leur mise en
marché. C'est un peu la même chose qui est survenue dans le
domaine des substances industrielles avec les lois comme la loi
américaine TOSCA et la "Clinical Contaminant Act".
Donc, tout le monde accepte très bien qu'on ne pourrait pas
aujourd'hui revenir en arrière et considérer que les
médicaments pourraient être vendus sur le marché sans aucun
contrôle. Tout le monde accepte qu'il doit y avoir des règles du
jeu très strictes, qu'il doit y avoir des contrôles à
différents niveaux sur l'emploi des médicaments. La même
règle s'applique aux pesticides. Nous sommes tout à fait d'accord
pour que le problème du passé soit corrigé, le
problème qui fait en sorte que le gouvernement fédéral,
par le biais d'Agriculture Canada, a un certain pouvoir de contrôle des
pesticides, notamment en ce qui a trait à l'évaluation
préalable de la toxicité des substances et, d'une certaine
façon, de leur efficacité, de leur importation, de leur
fabrication, du transport interfrontalier, mais non pas de leur usage par les
utilisateurs éventuels. (15 h 45)
Le projet de loi actuel semble s'appuyer sur une certaine philosophie
particulière qui part du principe que si les gens sont conscients qu'ils
manipulent des substances dangereuses et s'ils en connaissent bien les dangers
potentiels et utilisent des moyens adéquats, ces dangers seront
écartés. On ne trouve pas, évidemment, dans le projet de
loi comme tel ces principes, mais on les trouve dans le document qui a servi,
semble-t-il, à l'élaboration du projet de loi. L'approche se veut
donc plus incitative, une approche de responsabilisation des individus, une
approche de formation, de recherche et de communication des données.
Elle est certainement vertueuse et peut apporter des effets
bénéfiques certains.
Il faut cependant tenir compte du fait que, en ce qui concerne les
pesticides, il y a différents types d'utilisateurs. Il y a d'abord le
public en général, qui, lui, utilise les pesticides à des
fins, soit d'amélioration de son environnement immédiat sur le
plan esthétique, ou de contrôle d'espèces qu'il juge
nuisibles. Il y a aussi de qrandes entreprises et des municipalités
mentionnons simplement Hydro-Québec ou le Canadien Pacifique - qui
utilisent aussi des pesticides dans un volume important.
Mais il faut aussi mentionner qu'il y a des gens qui utilisent des
pesticides parce qu'ils considèrent que cela fait partie de leur
travail, que c'est un atout essentiel pour la productivité de leur
secteur. Vous l'avez deviné, c'est le secteur agricole et sylvicole,
où les règles du jeu sont très différentes. Nous
nous posons donc des questions sérieuses, à savoir si la
même stratégie d'approche peut être utilisée dans le
cas du public en général, où une approche de type
incitative et de sensibilisation pourrait être très efficace, que
dans le secteur agroalimentaire, où une économie importante est
en jeu, où, en tout cas la perception de l'importance des pesticides
peut être très différente de celle du public en
général.
Dans un autre chapitre, nous avons mentionné un peu des
interrogations que nous avions au regard du texte concernant les pouvoirs du
ministre. En premier lieu, nous nous questionnons sur le fait que nous ne
parlons dans le texte de la loi que des pouvoirs du ministre et non pas de ses
devoirs, contrairement a d'autres textes législatifs que nous avons pu
voir dans d'autres milieux. On peut appliquer cette différence è
des points qui sont mentionnés, notamment les points concernant la
coordination des recherches. On vient de mentionner ce problème de la
recherche dans le mémoire précédent. Je pense que c'est un
point impartant pour la bonne raison que, même si on nous dit que le
ministre peut coordonner les recherches, qu'est-ce que ceci veut dire en
pratique? Le ministère de l'Environnement, qui sera certainement
appelé à appliquer cette loi, est un tout jeune ministère,
il est encore un très petit ministère. Ce n'est pas un
ministère qui a une longue tradition de recherche, tant fondamentale
qu'appliquée. C'est un ministère qui a encore des ressources
très limitées et qui compte sur un très grand nombre
d'autres intervenants pour voir à la mise en place de programmes de
recherche, même de recherche qui lui serait nécessaire dans .
l'application de ses lois et de ses règlements.
Nous sommes encore plus surpris lorsque nous voyons dans le texte que le
ministre aura à promouvoir ou à coordonner des recherches
semblables dans le domaine de la santé. Nous savons très bien, en
pratique, quels sont les problèmes qui confrontent actuellement le
ministère de l'Environnement par rapport au ministère de la
Santé et des Services sociaux, tant dans la planification des programmes
de recherche, des programmes de "monitoring" de l'environnement et de la
santé que des programmes d'application ou de solution de
problèmes. Nous sommes, nous au Centre de toxicologie, comme je
le mentionnais au début, un peu entre les deux chaises et nous vivons de
façon à peu près quotidienne ces déchirements ou
ces problèmes de communication et d'interaction entre au moins ces deux
ministères - il y en a bien d'autres d'impliqués - dans le
domaine de la recherche et des études qui doivent être faites.
Ce point soulève aussi la question de la diffusion des
informations, et pour ce qui est de cette question, je pense qu'il est
important que la loi précise très bien les informations qui
devront obligatoirement être rendues publiques si l'on veut que la loi
ait quelque impact que ce soit, puisque finalement, ce n'est que par le biais
de la diffusion des informations que le public ou les intervenants seront en
mesure de savoir si la loi a quelque impact, que ce soit positif ou
négatif, ou si, finalement, elle n'a pas véritablement servi
à grand-chose.
Un autre point sur lequel nous attirons votre attention est la
différence qui apparaît dans les termes entre le document
préparatoire au projet de loi et le texte de la loi elle-même
concernant la vente au détail. Tout au long du document
préparatoire, lorsque l'on parle de la vente de pesticides, notamment de
vente au détail, on parle des vendeurs. Tout à coup, dans le
projet de loi, apparaît une autre terminologie qui parle non pas de
vendeurs mais de personnes qui donnent des renseignements sur l'utilisation des
pesticides à la clientèle d'un détaillant. Cela peut
paraître une subtilité de la langue, mais dans l'application
réelle d'une telle loi, cette subtilité peut devenir un trou dans
lequel s'engouffrera tout le secteur de la vente au détail des
pesticides. Par ceci nous voulons dire, pour prendre un exemple concret, que si
je suis le gérant d'un magasin Pascal et que j'ai un grand inventaire de
pesticides allant des plus banals aux plus toxiques, je peux contourner
facilement ce point en disant aux vendeurs, qui ne sont pas
nécessairement attitrés à ce secteur, de ne donner aucune
information aux clients éventuels, de se contenter de les laisser
prendre les contenants qu'ils veulent sur les tablettes, et je viens tout
simplement de m'en laver les mains.
Or, s'il y a un secteur qui posait possiblement un problème,
c'était bien celui-là: le fait que n'importe qui pouvait se
présenter dans divers magasins et acheter des pesticides, dans certains
cas très dangereux, et en faire strictement ce qu'il voulait. Nous
croyons que sur ce point, la loi risque de manquer une classe importante de la,
clientèle que l'on voulait protéger contre l'abus ou le mauvais
usage des pesticides.
Je passe au point suivant parce que c'est peut-être celui qui nous
implique le plus comme toxicoloques, celui de la classification des pesticides.
Une grande part de tout le concept qui sous-tend ce projet de loi est
fondé justement sur la notion de la classification des pesticides selon
leur degré de risque potentiel. C'est ce qui définira qui devra
détenir un certificat, qui devra posséder un permis, quelles
substances il aura le droit de vendre, d'utiliser, d'épandre, etc. Or,
tant le document préparatoire que le texte de loi laissent planer
l'impression qu'une telle classification est relativement simple, qu'on peut le
faire avec certaines données presque arithmétiques, comme celles
du calcul de la dose létale 50.
Or, nous désirons vous laisser entendre que c'est loin
d'être la réalité. La classification de substances comme
les pesticides dans des classes différentes est probablement l'exercice
le plus difficile et le plus complexe qui soit. Ce qui frappe ici est que l'on
veuille augmenter le nombre de classes de trois - tel qu'on le retrouve dans la
loi fédérale sur les substances antiparasitaires - à cinq.
Et là nous nous posons des questions très sérieuses,
à savoir comment distinguer les pesticides de la classe 4 de ceux de la
classe 5, ou ceux de la classe 3 de ceux de la classe 4, ou ceux de la classe 1
de ceux de la classe 2.
Pourquoi trois classes au fédéral? C'est très
simple. En réalité, si on regarde les objectifs de la
classification, ce sont les suivants: vérifier le degré de
dangerosité de la substance et définir le degré de rigueur
que l'on devrait observer dans le contrôle de ces substances. On les
classifie, en général, de trois façons. On parle de celles
qui sont peu nocives, tant pour l'environnement que pour les individus, et
c'est la classe que le fédéral appelle les substances à
usage domestique. On parle ensuite des substances potentiellement dangereuses
pour la santé ou pour l'environnement; ce sont les pesticides d'usage
commercial. Et on a été obligé de créer une
troisième classe qui, dans le fond, devrait être celle des
substances prohibées mais qui, pour des raisons de praticabilité,
doivent rester sur le marché, par exemple parce qu'il n'existe pas
d'autres possibilités pour protéger un type de récolte ou
pour détruire un type de substance, d'espèce ou d'animal qui nous
sont nuisibles. Ce sont donc des substances qu'on appelle substances à
usage restreint, et on contrôle de façon très
sévère ces substances.
Pour revenir au parallèle des médicaments, les produits
à usage domestique correspondent aux médicaments que l'on peut
acheter au comptoir sans prescription, les pesticides d'usages commerciaux sont
ceux que l'on ne peut obtenir que par prescription et les substances, à
usage restreint sont ceux qui font partie de la loi sur les substances
dangereuses, de la réglementation sur les substances dangereuses. Les
mieux connus
sont évidemment les substances narcotiques. On ne voit pas non
plus, ni dans le texte de loi, ni dans le document préparatoire, comment
cette classification sera faite, ni par qui. Comme je l'ai dit, c'est un
exercice qui sera très difficile. C'est certainement un exercice qui
appellera à la contestation, notamment par les fabricants. Il ne faut
pas se faire d'illusions. Les fabricants de pesticides ne sont pas des
compagnies québécoises. Ce sont des multinationales qui
manipulent des montants phénoménaux et qui ont un pouvoir de
lobbying très important.
Ceux qui ont été conscients de tout ce qui a
entouré le dossier de l'alachlore au cours de l'année
dernière savent très bien de quoi je parle et comment même
des organismes gouvernementaux puissants, tant au provincial qu'au
fédéral, peuvent avoir de la difficulté à
contrôler un tel lobbying. Je pense qu'il faudrait donc être
beaucoup plus concret et beaucoup plus spécifique lorsqu'on
déterminera pourquoi on classifie, comment on classifie et qui
classifie, selon quels critères. Sinon, on se retrouvera comme on s'est
retrouvé dans d'autres domaines, comme celui de la santé au
travail, où on n'a pas défini comment on allait établir
les normes d'exposition des travailleurs, et on se retrouve encore en 1987 avec
de vieilles normes qu'on a tirées de textes américains des
années soixante-dix.
Je passe au point suivant, soit le comité "aviseur". Encore une
fois, il y a des intérêts è créer de tels
organismes. Ce qui nous frappe ici, c'est le peu d'éléments que
l'on retrouve dans le texte de loi sur les organismes ou les structures qui
vont permettre de mettre la loi en application. Si on la compare avec d'autres
lois ailleurs, on s'aperçoit que c'est vraiment très vide. On ne
parle que du ministre et des inspecteurs. On ne parle d'aucun autre type de
structures. Le comité "aviseur", encore là, c'est une idée
excellente, mais tout dépend de ce qu'il aura à faire, encore une
fois. Comme on l'a déjà mentionné ici, si ce comité
"aviseur" doit voir à la classification des pesticides, cela devra
être un comité très scientifique, très technique.
Par contre, si ce comité ne fait que conseiller le ministre sur les
grandes orientations, il est évident que ce ne sera pas la même
chose.
M. Blais: Ils n'ont besoin de rien savoir s'ils conseillent le
ministre.
M. Nantel: Pardon?
M. Blais: Ce n'est pas nécessaire qu'ils sachent ce qu'ils
disent s'ils conseillent le ministre. Mais s'ils ont des choses importantes, il
faudra que ce soit de grands techniciens. Ce n'est pas cela qu'il faut
comprendre.
M. Nantel: Non, ce n'est pas cela que je veux dire.
M, Blais J'essaie de faire un peu d'humour parce que c'est
tellement long dans cette enceinte si rigide et si froide. Cela va bien,
continuez. Je m'excuse de vous avoir interrompu. (16 heures)
M. Nantel: II n'y a pas de problème.
Le point suivant que nous soulevons est celui du problème de
l'accès à l'information. J'ai déjà parlé du
problème de l'accès du public à l'information venant du
ministère. Je dois soulever une question. Je disais comment il pouvait
être difficile de classifier les pesticides. Ceci est d'autant plus
difficile que le ministère lui-même qui aura à gérer
cette loi n'aura pas facilement accès à l'information dont il
aura besoin pour faire une telle classification. Pourquoi? Parce qu'un grande
partie de la recherche qui génère les données
scientifiques requises pour évaluer la toxicité d'un pesticide,
ces informations proviennent en grande partie de l'industrie elle-même ou
de laboratoires privés. Ceux-ci sont extrêmement réticents
à transmettre, tant à des organismes privés qu'à
des organismes gouvernementaux, les données de leurs recherches. Encore
une fois, l'exemple de l'alachlore au cours de l'an dernier a très bien
montré ce genre de problème où l'industrie disait: Vous ne
pouvez pas vraiment évaluer la toxicité de notre produit si vous
ne prenez pas en considération les recherches que nous avons
réalisées dans nos laboratoires. Par contre, l'industrie est
elle-même très réticente, sinon négative,
vis-à-vis de la transmission è Agriculture Canada, à
Santé et Bien-être social ou au ministère
québécois de ces mêmes données scientifiques. C'est
un problème que l'on risque de vivre de façon à peu
près quotidienne.
Le point suivant que nous soulevons est celui des codes de pratique.
Dans le projet de loi, on laisse aux organisations elles-mêmes la
responsabilité de se doter de codes de pratique. Cela aussi est
vertueux, mais on peut s'interroger sérieusement sur l'aspect pratique
de cette approche. Évidemment, on a l'expérience des
exterminateurs, qui se sont dotés d'un code de pratique et de programmes
de formation. Est-ce que ce modèle s'appliquera aussi facilement
lorsqu'on tombera dans d'autres secteurs comme celui de l'arrosage
aérien ou celui de l'agriculture? Nous sommes portés à en
douter. Comme les codes de pratique seront évidemment la matière
même, la substance même des programmes de formation, ils ont une
importance primordiale.
Enfin, nous nous interrogeons sur la situation particulière qui
est faite aux municipalités, où le ministre doit se
référer à un autre ministre, dans certains cas. Nous
demandons le pourquoi de cette exclusion particulière. Surtout,
je pense que l'exclusion qui nous inquiète le plus - beaucoup de gens
ici l'ont souligné - c'est l'exclusion du secteur agricole et du secteur
sylvicole. Si la loi vise à protéger la population - donc, les
utilisateurs des produits ou les gens qui risquent d'être exposés
- de même que l'environnement général, on se demande
pourquoi et comment on peut imaginer exclure ce secteur aussi important. C'est
d'autant plus important qu'actuellement, au Québec, les agriculteurs
sont exclus de la loi 17, étant des travailleurs autonomes; il n'y a
qu'une minorité de travailleurs agricoles qui sont couverts par cette
loi. Donc, la CSST ou l'IRSST n'interviennent que très peu, sinon pas du
tout, dans le secteur agricole.
On arrive aux pesticides qui représentent certainement les
contaminants chimiques les plus importants dans ce secteur et on les exclut de
la loi, du moins a priori, en disant qu'on y reviendra par des
règlements. Je pense que cela est très dangereux et peut faire en
sorte que la loi vise très fortement le secteur le plus fragile ou le
plus facile à attaquer, les utilisateurs de pesticides, et n'a qu'un
impact minime sur les plus gros utilisateurs et sur ceux qui présentent
le risque le plus important, tant pour la santé publique que pour
l'environnement.
Finalement, pour terminer, les programmes de recherche et de formation.
Tout au long du texte préliminaire, comme dans le texte de loi, on
mentionne l'importance incroyable que cette nouvelle loi aura dans
l'établissement de liens et de relations avec les divers
ministères impliqués, que ce soit des ministères à
vocation économique ou des ministères comme l'Éducation ou
la Santé et les Services sociaux. Je ne veux pas être pessimiste.
J'espère que le passé ne sera pas une image de l'avenir. Le
passé nous a montré qu'il y avait énormément de
difficultés à accrocher ensemble des ministères comme
celui de l'Environnement, celui de la Santé et des Services sociaux et
celui de l'Éducation et encore plus celui de l'Agriculture et celui des
Richesses naturelles, et à les forcer, d'une certaine façon,
à travailler ensemble, à viser les mêmes objectifs et
à harmoniser leur travail. Ce que l'on a vu, malheureusement, dans le
passé, c'est beaucoup plus des guerres de clans, des guerres de
ministères, des chasses gardées et des jeux de cachette.
Je pense que notre mémoire ne se veut pas pessimiste; il se veut,
au contraire, optimiste. Espérons que, par le biais d'un nouveau projet
de loi ou, du moins, d'un désir du législateur de contrôler
une nouvelle classe de substances potentiellement dangereuses, on regardera
enfin ces problèmes d'interaction des ministères qui doivent
travailler ensemble, qui doivent apprendre, en tout cas, à travailler
ensemble, et que nous pourrons au moins voir se développer dans
l'avenir, une véritable politique québécoise de recherche,
d'étude et de prévention dans le domaine de la santé
environnementale. Je vous remercie.
Le Président (M. Rochefort): Merci, Dr Nantel. M. le
député de Pontiac et adjoint parlementaire du ministre de
l'Environnement.
M. Middlemiss: Merci, M. le Président. J'aimerais vous
remercier, Dr Nantel, ainsi que M. Weber et votre organisme, pour la
qualité de votre mémoire. Je pense que j'irai certainement un peu
dans le détail. Si vous étiez ici tantôt, vous avez entendu
le ministre dire que tous les gens sont préoccupés du fait qu'il
semble que les agriculteurs et le sylviculteurs soient exclus de la loi. Je ne
voudrais pas répéter toutes les raisons, mais à la suite
de ces interventions, le ministre a indiqué qu'on cherche un moyen pour
que ce soit plus clair, et pas seulement par la réglementation. Il y a
déjà des pourparlers avec les représentants de l'UPA qui,
a un moment donné, donnaient l'impression qu'ils auraient voulu
être ceux qui feront la formation des agriculteurs dans l'utilisation des
pesticides. Depuis que la commission parlementaire siège, ils ont
peut-être hésité un peu, mais je pense que, dans ce
contexte, on va continuer. Ce sont peut-être les gens de l'UPA qui sont
les mieux placés pour former les agriculteurs. Mais les efforts seront
faits. Tout le monde a déploré le fait que les milieux qui
utilisent peut-être 85 % des pesticides seraient exclus de tout cela. Le
retard est dû au fait qu'il est quasi impossible de dire dans une loi
qu'ils embarquent immédiatement, sachant fort bien que, dans la
pratique, ce serait impossible. J'espère que vous verrez, d'ici la
présentation du projet final, qu'il y a peut-être des choses pour
démontrer cette volonté d'inclure également tous ces
gens.
Vous avez également abordé la classification des
pesticides et, vous l'avez bien dit, c'est certainement une juridiction
fédérale; même le gouvernement fédéral a
peut-être des difficultés à obtenir, de la part des
fabricants, les données de ces pesticides pour leur homologation. Je
répète ce que le ministre dit depuis le début de cette
commission. Depuis quelque temps, il y a eu une ouverture de la part du
gouvernement fédéral, non seulement pour écouter et
discuter avec les provinces, mais pour impliquer aussi le ministère de
la Santé fédéral. À l'heure actuelle, c'est le
ministère de l'Agriculture qui semble contrôler ces choses. Mais
cela touche la santé et c'est le ministère de la Santé
fédéral qui sera aussi
impliqué, et les ministères de l'Environnement provinciaux
ont déjà obtenu la garantie d'échanges et que les
provinces auraient plus à dire dans la classification de ces
pesticides.
Vous avez également abordé les pouvoirs de recherche. Sur
ce point, vous avez demandé de quelle façon, dans le domaine de
la santé, le ministère de la Santé et le ministère
de l'Environnement peuvent s'assurer... Il y a certainement des ententes en
train d'être conclues, qui seront plus concrètes que
peut-être de dire: vous vivez certainement des problèmes, a savoir
que souvent les échanges ne se font pas et que, si on n'a pas quelque
chose de vraiment bien encadré, on n'obtient pas les résultats
qu'on désire obtenir. Des efforts sont certainement faits pour tenter de
bien cerner les problèmes vécus dans le passé et pour que
la loi soit facilement applicable.
Quant à la classification, je dois vous dire qu'il y a
déjà eu une amorce de la part du ministère de
l'Environnement en vue de faire une première classification. C'est
parfois une préoccupation que, dans l'acceptation de ces pesticides, on
regardait surtout l'efficacité du pesticide et non pas
nécessairement les conséquences qu'il est susceptible d'avoir sur
la santé. Nous sommes en train d'amorcer cette classification, et on me
dit que, dans les acceptations du gouvernement fédéral, l'aspect
de la santé est aussi pris en considération. Il est certain que,
selon l'évolution que vous nous avez indiquée, la comparaison
entre la médecine et les pesticides, nous réalisons aujourd'hui
que, même si ces pesticides ne sont pas destinés à
être absorbés par les humains, leur utilisation a des
conséquences qui pourraient être aussi graves ou plus graves.
Donc, dans ce contexte, il faut déterminer ce qui est important au plan
de la santé -d'accord, il faudrait que ce soit la santé en
premier lieu - et trouver le plus efficace.
Je pense qu'au cours des dernières années, on a
trouvé d'autres possibilités que l'utilisation de produits
chimiques avec des produits biologiques, parce que leurs effets sur les
humains, sur la santé et sur l'environnement sont moindres. C'est dans
cette foulée qu'il faut se diriger.
À la suite de ce que je viens de vous soumettre, avez-vous des
questions particulières auxquelles je tenterai de répondre?
M. Nantel: Un premier point serait de vous demander si le
ministère a prévu un mécanisme quelconque pour faire une
telle classification? Je le mentionnais, et vous l'avez resoulevé, les
données proviennent soit d'Agriculture Canada, soit des compagnies. Par
qui, comment et sur quels critères une telle classification
pourra-t-elle être faite?
M. Middlemiss: La classification se fera par règlement.
Cela sera basé sur la classification fédérale existante,
et le règlement sera publié 45 jours avant. Il y aura aussi une
consultation et une présentation d'opinions sur cela. Donc, on aura
encore des consultations sur la réglementation qui, elle, donnera cette
nouvelle classification.
Mais cela sera basé sur la classification fédérale.
Il est certain qu'il y aura, dans la rédaction de tout cela, des
consultations auprès des gens qui s'y connaissent en la matière.
Une fois cette réglementation préparée, elle sera soumise,
comme l'avant-projet de loi a été soumis, aux gens
concernés pour qu'ils puissent l'étudier et émettre leurs
opinions. Est-ce que cela répond à votre question, Dr Nantel?
M. Nantel: Oui, sauf que je m'interroqe sérieusement, car
un tel processus est un phénomène continu. Il y a constamment des
substances semblables qui arrivent sur le marché. Un projet de loi,
ça va. On fait une consultation. On en rédige une version finale.
On le présente à la Chambre. Il est accepté ou non. Pour
ce qui est d'une classification, c'est un processus continu. En fait, nous
aurions aimé voir la procédure établie à l'avance
de façon que les règles du jeu soient claires et comprises par
tout le monde.
Comme je l'ai mentionné lorsque j'ai fait un parallèle
avec le problème des normes de la santé du travail, cela n'a pas
été fait lors du dépôt de la loi 17, et je pense que
c'est ce qui explique pourquoi les normes d'exposition en milieu de travail
sont les mêmes vieilles normes que l'on traîne depuis. On ne sait
même pas quel jour, ou comment, on pourrait établir de nouvelles
normes qui soient plus conformes aux connaissances actuelles et à la
situation réelle du Québec dans ce domaine.
M. Middlemiss: Une fois cette réglementation
adoptée, tous les nouveaux produits qui arriveront sur le marché
seront acceptés après approbation aussi par règlement.
Donc, il y aura un suivi. Comment peut-on faire une réglementation?
Aujourd'hui ou demain, il faut avoir des modalités de dire: s'il y a de
nouveaux produits, il faudra qu'il y ait l'étape des essais et ainsi de
suite. Une fois qu'ils seront homologués par réglementation, ils
seront acceptés.
C'est un moyen. Il y en a peut-être d'autres. À la suite
d'autres consultations, on pourrait développer un meilleur moyen de
s'assurer que, une fois qu'on a une réglementation pour les produits
qu'on connaît aujourd'hui, tout nouveau produit qui apparaîtra sur
le marché sera aussi soumis à une approbation, à la suite
de la vérification.
M. Nantel: Je ne voulais pas qu'on me précise ici ce que
seraient les mécanismes. Ce que je voulais surtout soulever, c'est que
si on ne précise pas à l'avance ces mécanismes, il y a de
fortes chances que cela ne fonctionne pas, c'est-à-dire que les choses
ne se passent pas ou qu'on ne fasse jouer que les forces du lobbying, en temps
et lieu. Les règles du jeu n'étant pas claires, les gens ne
sauront pas comment intervenir pour pousser une nouvelle classification ou pour
la bloquer.
M. Mîddlemiss: C'est certain qu'on ne peut pas, dans la
période de temps qu'on a ici... Votre mémoire et vos commentaires
sont enregistrés au Journal des débats. Avant que ce
projet de loi en vienne à sa forme finale, toutes vos interventions et
vos suggestions - je ne dis pas qu'elles seront acceptées telles quelles
- seront certainement prises en considération pour la préparation
finale du projet de loi. Je vous remercie.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le
député de Pontiac. M. le député de Terrebonne. (16
h 15)
M. Blais Merci beaucoup, M. le Président. Messieurs les
toxicomanes... toxicologues, excusez-moi, cela me fait plaisir de vous voir.
Plusieurs personnes sont venues parmi lesquelles, de l'une à l'autre,
les choses se recoupaient ou convergeaient; tandis que vous, vous avez une
spécialité, vous êtes là pour soigner les erreurs
des législateurs. Vous nous aidez à créer le moins
d'erreurs possible, et je vous en sais gré. On regarde tout le long de
votre rapport, que j'ai étudié avec minutie, votre
parallèle entre les pesticides et les médicaments. Vous nous
mettez en garde contre le manque de connaissance des gens des produits
toxiques; contre l'utilisation abusive, non justifiée; contre le manque
de coordination entre les ministères; contre le lobbying des compagnies,
qui essaient de dire que les produits sont moins dangereux qu'ils ne le sont.
Vous attachez beaucoup d'importance, pour la protection des citoyens, à
la classification des pesticides et ensuite vous recommandez que les gens du
comité "aviseur" soient à la hauteur de la responsabilité
qu'on leur donnera. Ensuite vous nous demandez d'inclure tous ceux qui sont
utilisateurs de pesticides dans le projet de loi et, à la fin, vous nous
demandez, pour encore prévenir des intoxications, de créer un
fonds de recherche pour prévenir cette intoxication. Je crois que c'est
dans ce sens que votre rapport a été fait.
Je vais vous poser une question particulière, parce que vous
apportez à la commission quelque chose d'un peu spécial qu'on n'a
pas encore vu. Il y a des conséquences à la mauvaise utilisation
des pesticides, c'est l'intoxication. Vous dites, à votre premier
paragraphe de la page 1: "Depuis maintenant quinze ans, l'équipe du
Centre de toxicologie du Québec s'est impliquée dans divers
aspects du diagnostic, du traitement et, surtout, de la prévention des
empoisonnements. À ce titre, nous avons été à
même de constater à de nombreuses reprises les impacts
négatifs provoqués par l'absence quasi complète de
contrôles quant à la distribution et à l'usage des
pesticides au Québec."
Chez vous, vous avez des intoxications par les pesticides et par les
médicaments. Pour vous donner l'importance que cette loi aura quand elle
sera rédigée, quel est le pourcentage d'intoxication par
pesticides comparativement à l'intoxication par médicaments?
M. Nantel: Je pense qu'il est impossible actuellement, dans le
contexte québécois, de répondre clairement à votre
question, pour la simple raison que, premièrement, les
médicaments sont bien réglementés, il y a toute une
procédure qui existe pour rapporter les effets secondaires des
médicaments. Les compagnies sont même tenues, légalement,
de rapporter tout effet secondaire qui peut être identifié,
même présumé identifié, vis-à-vis de leurs
médicaments et elles doivent même indiquer sur les papiers qui
accompagnent les médicaments qu'elles vendent tous les effets
secondaires qui ont été rapportés. C'est une
mécanique bien rodée et relativement fonctionnelle de nos jours.
Donc, on a une assez bonne connaissance de ceci.
Deuxièmement, les médecins sont habilités et
habitués à diagnostiquer les intoxications par les
médicaments. Lorsqu'ils voient quelqu'un qui a pris une surdose
d'aspirine ou d'un autre médicament, ils reconnaissent les
symptômes et portent un diagnostic d'intoxication au salicylate, à
l'acétaminophène, aux barbituriques. Ce n'est pas le cas pour les
pesticides. Les cas que nous voyons sont des cas que nous diagnostiquons. Comme
la plupart des intoxications par les pesticides n'ont pas un tableau
caractéristique - il y a quelques pesticides qui donnent un tableau
purement caractéristique - dans la majorité des cas, le
médecin va passer carrément à côté du
diagnostic. Lorsqu'un enfant est amené chez le médecin ou
à l'urgence parce qu'il a des nausées, des maux de tête,
des douleurs abdominales et de la diarrhée, au mois d'août, le
médecin ne pensera pas à une intoxication potentielle aux
organophosphorés ou aux organochlorés. Il va parler de
gastro-entérite et il va donner le traitement approprié.
Notre centre, qui est responsable de la collecte des statistiques
à l'échelle du pays,
a très bien constaté ce problème puisque les cas
que nous voyons à notre propre salle d'urgence étaient presque
aussi nombreux que ceux qui étaient rapportés dans tout le reste
de la province. Ce n'est pas que Sainte-Foy soit un centre priviligié en
termes d'intoxication par les pesticides; c'est simplement que nous sommes plus
habitués à les reconnaître, donc nous en voyons plus. Les
statistiques, en fait, n'étaient pas structurées pour donner une
image réelle du problème, d'autant plus que le programme
provincial de lutte contre les empoisonnements n'était basé, pour
ce qui est de statistiques, que sur les rapports fournis par les salles
d'urgence au Centre de toxicologie.
Nous avons, depuis peu, un centre provincial antipoison (Centre
antipoison du Québec) qui reçoit directement tous les appels du
public. Avec ce nouveau centre dans les prochains mois ou dans les prochaines
années, nous serons en mesure d'avoir une image véridique de
l'incidence d'empoisonnement par les différentes substances, à
l'échelle du Québec. On ne peut donc pas arriver avec des
chiffres, ce que les anglophones appellent des "hard facts". Cependant, on
connaît assez bien le type de toxicité des pesticides, on
connaît assez bien le volume d'usage et on est à même
d'observer le genre de problèmes de santé qui se produisaient
chez des gens qui en faisaient une telle utilisation.
De là, on est capable d'extrapoler et de savoir que c'est quand
même un problème hautement significatif; hautement significatif
dans le public, qui emploie des pesticides quand même assez puissants,
sans savoir s'en servir et sans prendre aucune précaution, en
général, mais aussi je le précise parce que j'ai quand
même un rôle comme médecin expert en santé du travail
auprès des agriculteurs qui, eux aussi, s'intoxiquent
régulièrement avec des pesticides. Souvent, ils n'ont même
pas l'avantage d'avoir leurs problèmes diagnostiqués ou, dans
certains cas, n'ont même pas intérêt à consulter
parce qu'ils ne peuvent que se faire dire que, en réalité, ils
ont été surexposés aux pesticides. Mais ils se disent:
Demain matin, de toute façon, il faut que j'arrose de nouveau mon champ
de patates. Cela me fait bien de la peine, mais je vais le faire quand
même.
Je m'excuse, je ne peux pas répondre à votre question de
façon concrète et vraiment quantifiable, mais cela est dû
simplement à la situation réelle du problème actuellement.
J'espère que d'ici un certain nombre de mois ou d'années, avec
cette loi surtout mais aussi avec notre nouvelle restructuration du programme
de lutte contre les empoisonnements, nous pourrons être beaucoup plus
précis dans nos réponses.
M. Blais Bon, d'accord, je comprends, mais je voulais vous le faire dire
parce que c'est important. Il est sûr que l'on peut détecter -
surtout les experts - des intoxications, de façon sporadique, dans des
milieux assez restreints; on peut les détecter. Cependant, à
mesure que je prends de l'âge, je vois qu'il y a de plus en plus de gens
qui font ce que l'on appelle des gastro-entérites. Croyez-vous, sans
avoir de statistiques précises, que la plupart de ces
gastro-entérites soient dues, de façon directe ou indirecte,
à l'utilisation de pesticides?
M. Nantel: Je dirais que beaucoup de problèmes de
santé non identifiés, et non pas seulement des
gastro-entérites - les gens qui se plaignent de fatigabilité, de
maux de tête, de douleurs abdominales, de troubles digestifs, de toutes
sortes de problèmes -sont certainement reliés à ce genre
d'usage. On a d'autres exemples très concrets qui nous permettent de
faire une telle extrapolation. Prenez une substance comme le plomb, qui est un
toxique connu depuis des siècles. Il n'y a eu, avant 1975, pratiquement
aucun cas d'intoxication au plomb au Québec, si on se fie aux
statistiques, et particulièrement aux statistiques de la Commission des
accidents du travail de l'époque. On a commencé è faire
des dosages biologiques chez les travailleurs et à sensibiliser le corps
médical aux effets toxiques du plomb, à suivre ces travailleurs
par des programmes de surveillance, et vous avez vu, d'année en
année, le nombre d'intoxications par le plomb augmenter par centaines.
Ce n'est pas que ces intoxications n'aient pas existé auparavant; elles
étaient là, elles étaient simplement non
diagnostiquées.
À mesure qu'on a augmenté, justement, notre connaissance
du problème, on est passé à de gros cas d'intoxication
dans l'industrie, par exemple de la fabrication, à des cas beaucoup
moins évidents, comme chez des gens qui simplement décapaient des
murs de maison chez eux, de vieilles résidences qui contenaient du
plomb, ou décapaient de vieux meubles; des gens qui avaient reçu
des décharges de chevrotine dans le corps, et les plombs
s'étaient dissous avec le temps -donc, des intoxications plus subtiles,
plus fines, plus chroniques. Donc, si on ne prend qu'un toxique, le plomb, et
qu'on regarde le profil des connaissances qu'on a eues au cours des
années, au fur et a mesure que nos programmes de surveillance et de
diagnostic se développaient, je pense qu'on peut prévoir le
même genre d'évolution dans les prochaines années en ce qui
a trait aux pesticides, si on applique le même genre de programme de
détection, de surveillance, de diagnostic et de contrôle.
M. Blais: À la page 18 de votre
rapport, dans "Les codes de pratique", vous semblez très
réticents, vous demandez même au ministre de ne pas laisser les
groupements faire leurs propres codes de pratique et vous dites: "II est donc
à prévoir que le ministère devra élaborer
lui-même de tels codes de pratique". Vous nous spécifiez, presque
mot à mot, que cela pourrait être incompatible, que l'ASEQ, ou les
horticulteurs, ou les agriculteurs, ou qui sais-je encore, mettraient leurs
propres codes d'éthique. Pourquoi avez-vous peur de cela? À cause
de l'incompatibilité?
M. Nantel: Oui. Pour vous faire comprendre pourquoi nous sommes
un peu réticents à ceci, reculons à l'époque
où les corporations professionnelles, les médecins, les dentistes
et d'autres, avaient, selon la loi, la responsabilité d'établir
leurs codes d'éthique et de protéger le public. Vous savez comme
moi, que ce n'est qu'à partir du moment où il y a eu le Code des
professions et qu'on a établi de nouvelles règles du jeu, que ces
corporations ont commencé non seulement à protéger leurs
propres membres mais à insister de façon réelle, pas juste
hypothétique, sur la protection du public, parfois même à
l'encontre de leurs membres. Regardez simplement l'évolution de la
Corporation des médecins avant et après l'existence de la Loi sur
le Code des professions et vous verrez comment il est facile pour un organisme
qui a des membres, qui est partagé entre la sensation qu'elle doit
protéger ses membres, favoriser leur développement, et, en
même temps, la responsabilité de protéger le publie. C'est
une situation qui est pour le moins inconfortable et qui peut prêter
à des conflits d'intérêts majeurs.
Quand on dit que le législateur devrait s'impliquer, ou du moins
que ceux qui seront responsables de l'application de la loi devraient
s'impliquer beaucoup plus, ce n'est pas, évidemment, dans les
détails mais surtout dans au moins le noyau de ce dont le code de
pratique devrait se composer, définir au moins le minimum de
règles du jeu qui devraient être appliquées par ces
organisations et, ensuite, laisser aux organismes l'autonomie voulue pour
qu'ils puissent bonifier ce système et voir à la formation de
leurs membres, participer à la formation de leurs membres. Mais leur
laisser entièrement cette responsabilité, personnellement, je
trouve cela un peu inquiétant et peut-être un peu de "wishful
thinking", pour employer une expression anglaise.
M. Blais: Comme dernière question, une question que je
considère d'une importance capitale. Dans ce projet de loi, à
différentes reprises dans la présentation des mémoires,
les membres de l'Opposition ont fait remarquer au législateur au pouvoir
que son projet de loi ne comportait rien sur la recherche. Nous avons
insisté là-dessus cet après-midi aussi. Je reviens avec
vous, et parce que vous attachez de l'importance à cela, vous dites
qu'on devrait avoir un programme de recherche et de formation, mais de
recherche surtout, la formation étant un peu incluse tout de même
dans le projet de loi. Il faut donner à César ce qui est à
César. "Espérons que ce nouveau projet de loi serve de catalyseur
pour que nous puissions enfin nous doter d'outils de recherches". Vous dites:
"Espérons". Cela laisse sous-entendre, de façon un peu
désespérée, que vu que ce n'est pas là, vous
souhaiteriez que le législateur mette dans cette loi un institut de la
recherche. Le ministre, jusqu'à 16 h 25 aujourd'hui, n'a pas
été tellement volubile sur l'inclusion d'un programme de
recherches. Je vous dis à vous, j'espère qu'en termes finals de
cette rencontre que nous avons avec vous - je vous félicite, d'abord, de
la qualité de votre mémoire - il vous donnera une réponse
là-dessus et qu'il verra, peut-être, à y mettre un
programme de recherches. Je suis persuadé que vous en seriez contents
parce que vous insistez sur cela. Si je comprends bien ce que vous
écrivez là, vous insistez.
M. Nantel: Oui. J'aimerais aller peut-être même plus
loin. Si la recherche n'est pas comprise dans la programmation d'un tel projet
de loi, il risque même d'y avoir l'effet contraire, c'est-à-dire
une diminution des activités de recherche dans le secteur. Pourquoi?
Regardez comment, actuellement, la recherche est subventionnée dans
notre milieu. Il existe des organismes subven-tionnaires comme le Fonds de la
recherche en santé du Québec, l'Institut de recherche en
santé et sécurité du travail à Montréal mais
qui ne finance qu'un type de recherches très particulier, des organismes
fédéraux comme le Conseil de recherches médicales du
Canada. Ces organismes financent de la recherche fondamentale, et tout ce qui
peut ressembler à un projet de recherches appliquées, et surtout
à du "monitoring" - et c'est pourtant le genre de choses dont on aurait
besoin pour voir à la bonne application d'une telle loi - ces organismes
ne le subventionneront pas.
Il existe, dans des ministères fédéraux et
provinciaux, certaines sources de financement pour de la recherche
appelée extra-muros. Mais il est évident que ces recherches sont
rares et que la concurrence est vive, et si on a la moindre impression qu'avec
une nouvelle loi, quelqu'un d'autre prendra ce domaine-là en charge,
vous pouvez être certain que la recherche appliquée sur les
pesticides se trouvera encore plus diminuée et que les gens qui
voudraient en faire auront encore plus de difficulté à
trouver des fonds.
Peut-on régler ceci en créant un nouveau fonds
spécial pour la recherche sur les pesticides? Je ne suis pas certain que
ce soit la solution» mais je pense surtout que ce serait peut-être
l'occasion pour un gouvernement de réaliser l'importance qu'il doit
mettre dans le domaine de la recherche appliquée et le
développement, dans un domaine des pesticides peut-être comme un
incitatif pour développer ce secteur. (16 h 30)
M. Blais: Dr Nantel, je vous remercie beaucoup de votre
intervention, de la présentation de votre mémoire et de la
façon, je dirais, intelligible et très intelligente dont vous
avez répondu. Je formulerai un petit voeu en guise de remerciement. Si
tous les politiciens manifestaient autant d'amour du métier qu'ils
exercent et de détermination et de compétence, que vous en
manifestez dans celui que vous faites, peut-être que la
législation irait mieux, je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le
député de Terrebonne. M, le ministre, en conclusion.
M. Lincoln: Dr Nantel, je m'excuse de ne pas avoir
été présent pour la plus grande partie de votre
intervention. Je vous remercie de vous être présentés ici
aujourd'hui. On a eu l'occasion de travailler ensemble, vous et le
ministère, pendant bon nombre d'années. Je sais qu'on a fait du
travail ensemble sur des cas particuliers aussi au sein du groupe de travail
sur les pesticides. Nous vous sommes très reconnaissants de tout votre
rapport, de la participation que vous avez toujours donnée au
ministère de façon tellement généreuse, et de vos
connaissances, de votre temps. Comme le faisait remarquer quelqu'un qui vous
connaît bien du côté de notre formation politique, vous
êtes celui qui avez découvert tout le problème de la
MIÙF dans les maisons et qui avez soulevé ce problème et
mis l'accent là-dessus. C'était un problème de grande
envergure pour la santé des gens au Québec. Comme vous le dites,
il y a des choses dont on se sert aujourd'hui et dont on ne connaît
jamais l'impact.
Donc, je peux vous assurer que nous sommes très conscients du
volet de ta recherche. Puisque mon collègue m'a lancé le petit
défi gentiment, je vais lui souligner que ce n'est pas vrai que le
projet de loi ne dit rien sur la recherche. Si vous regardez l'article 7 du
projet de loi, les deux premiers alinéas parlent
précisément de la recherche. Ils disent que: "le ministre de
l'Environnement peut: "1 coordonner les recherches qui sont faites par les
ministères et organismes du gouvernement sur les problèmes
environnementaux reliés è l'usage des pesticides; "2°
exécuter ou faire exécuter des recherches, études ou
enquêtes sur les effets des pesticides sur la qualité de
l'environnement et la santé de l'homme ou d'une manière
générale, sur tout ce qui concerne les pesticides".
J'ai même situé ici, à la demande de certaines
personnes, que j'allais préciser que des recherches devraient être
faites aussi sur des moyens et des méthodes de rechange. J'ai dit tout
à l'heure qu'au sein d'un protocole que nous sommes en train de
travailler avec le ministère de la Santé et des Services sociaux
avec l'objet particulier de toutes les questions environnementales ayant un
impact sur la santé, dont les pesticides sont une des matières
principales, les recherches deviendront un programme annuel régulier
entre les deux ministères. Je sais que tout cela dépend des
fonds, de l'argent. En tout cas, je peux vous dire que l'objectif est de les
trouver, de faire quelque chose de définitif en ce sens.
De plus, vous savez que l'homologation des pesticides, toute la
recherche de base dépend du gouvernement fédéral. C'est
là aussi qu'il faut faire pression. J'espère que votre secteur,
qui est tellement prestigieux, fera aussi pression pour nous aider dans ce
sens. Nous faisons pression auprès du gouvernement
fédéral, pas seulement nous au Québec mais toutes les
provinces ensemble, Nous avons agi de concert pour demander que nous soyons
impliqués dans la recherche de base, surtout sur l'information que le
gouvernement fédéra! a sur la toxicité des produits. Le
ministre de la Santé fédéral nous a assuré qu'il
nous impliquerait dans les démarches. L'autre jour, à la suite de
ce premier échange, le directeur général du comité
"aviseur" fédéral sur les pesticides, M. Veersteg, est venu me
dire qu'il donnait suite à plusieurs de ces recommandations pour essayer
de voir comment il allait nous impliquer plus directement dans toute la mesure
de l'information. Nous avons aussi demandé au fédéral
d'inclure nos recherches sur les impacts environnementaux qui ont trait aux
provinces dans son système de recherche, de ne pas faire cela en vase
clos en laboratoire, mais d'aller étudier sur place, faire ce qui a
été fait, par exemple, ici au Québec dans le milieu
agricole, il y a quelques années.
Donc, je peux vous assurer que cet élément-là est
central à toute politique que nous aurons dans ce domaine. Il est
certain qu'on ne peut pas promettre d'argent au CHUL. Comme vous le savez, dans
la recherche, tout le monde en cherche, mais en tout cas on en est très
conscient. Je suis très content que vous soyez venus et je suis
sûr qu'on pourra profiter de votre collaboration continuelle et
continue dans toute cette question de l'impact de l'environnement et des
problèmes environnementaux sur la santé. J'espère que l'on
pourra compter sur vous, si jamais on fait un comité consultatif, pour
vos avis toujours tellement généreux, scientifiques et
professionnels. Merci.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre. Dr
Nantel, une conclusion peut-être?
M. Nantel: La conclusion est que vous pouvez compter sur notre
appui et notre collaboration. Comme je le mentionnais, ce mémoire ne se
voulait pas du tout négatif ou pessimiste. Je voulais soulever les
points que nous considérons importants pour que ce projet de loi ait le
plus de dents et le plus d'applicabilité possible. Il est certain que
mon équipe et moi allons faire tout en notre pouvoir pour vous aider si
vous avez besoin de nos services, soit dans l'élaboration, soit dans la
mise en application. Et vous pouvez certainement compter sur nous pour les
pressions que nous pourrions faire auprès des organismes
fédéraux pour qu'ils sortent un peu de leur tour d'ivoire et
laissent aux provinces un peu plus de marge de manoeuvre dans ce domaine.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, Dr Nantel,
au nom de tous les membres de la commission, pour la qualité de votre
mémoire et de votre présentation.
Je demanderai maintenant au Centre d'enseignement et de recherche en
foresterie de Sainte-Foy de prendre place, s'il vous plaît! Je demande au
porte-parole du Centre d'enseignement et de recherche en foresterie de
Sainte-Foy de s'identifier et d'identifier les membres qui l'accompagnent, s'il
vous plaît!
CERFO
M. Comtois (Bernard): Bonjour. Mon nom est Bernard Comtois,
ingénieur forestier. Je suis responsable des opérations au Centre
d'enseignement et de recherche en foresterie de Sainte-Foy. À ma droite,
M. Henri Leblanc, ingénieur forestier et vice-président du
conseil d'administration au CERFO; à ma gauche, Jacques Tremblay,
ingénieur forestier lui aussi, un collaborateur régulier du CERFO
qui a agi à titre de conseiller pour la rédaction de ce
mémoire.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M.
Comtois, et je voudrais vous rappeler que vous avez un maximum de 20 minutes
pour présenter votre mémoire. Alors je vous cède
maintenant la parole.
M. Comtois: Merci. M. le Président, M. le ministre, MM.
les députés, tout d'abord je tiens à remercier le
ministère de l'Environnement de nous avoir invités à
présenter un mémoire et de nous avoir donné l'occasion cet
après-midi de venir l'expliquer. Alors, ma procédure sera assez
simple. C'est que je vais tout simplement lire le mémoire et commenter
quelques parties et, pour la période de questions, je mettrai à
contribution mes confrères soit pour répondre aux questions soit
pour préciser les points que vous voudriez voir éclaircis.
Alors, je vais d'abord présenter, à la page 1, CERFO. Le
Centre d'enseignement et de recherche en foresterie de Sainte-Foy Inc., ou
CERFO, est un organisme sans but lucratif reconnu par le ministère de
l'Enseignement supérieur et de la Science en mai 1985 comme centre
spécialisé en foresterie au Québec. En collaboration avec
les collèges qui dispensent les programmes de technologie
forestière, les interventions du centre se situent dans les domaines de
l'information, de l'aide technique, de la recherche appliquée et de la
formation sur mesure.
Il est à préciser que toutes ces missions s'adressent aux
intervenants du milieu forestier tant au point de vue technique que
professionnel. CERFO administre actuellement, en collaboration avec le Service
de l'éducation des adultes du cégep Sainte-Foy, un programme
complet en foresterie urbaine permettant d'obtenir une attestation
d'études collégiales dans ce secteur. Quelques cours à
l'intérieur de ce programme touchent à certains aspects de
l'utilisation des pesticides.
De plus, préoccupé par toutes les questions d'ordre
environnemental, CERFO s'est toujours fait un devoir de siéger au sein
des divers comités mis en place par la Direction du patrimoine
écologique du ministère de l'Environnement au cours des
dernières années. Enfin, CERFO s'est toujours impliqué
régionalement d'une façon très active dans le secteur de
la foresterie urbaine soit en participant aux travaux de plusieurs
comités, soit en organisant, de concert avec d'autres organismes, des
colloques, des conférences et des symposiums reliés à la
protection de l'environnement.
L'introduction. Nous tenons, d'abord, à déplorer le court
délai qui nous a été alloué pour la
rédaction de ce mémoire, c'est-à-dire un délai
d'environ deux semaines, et je voudrais tout de suite apporter des commentaires
là-dessus. Même si on a eu une prolongation par deux fois,
déjà nous nous étions réunis de façon
très empressée au retour des fêtes, et lorsque nous avons
reçu la prolongation de délai, à ce moment-là,
notre mémoire était en route pour l'impression. Alors,
malheureusement, on n'a pas pu le réviser comme on aurait voulu,
mais on a essayé quand même de présenter un
mémoire Je plus complet possible.
Bien que l'urgence d'une loi régissant l'utilisation des
pesticides ne fasse aucun doute, il aurait été
préférable de pouvoir disposer de quelques jours
supplémentaires pour préparer ce document. Malgré ce fait,
nous espérons que les remarques et les interrogations qui y sont
contenues pourront éclairer le débat en cours actuellement.
Légiférer dans le domaine de la vente et de l'utilisation
des pesticides nous semble une nécessité si l'on veut
protéger l'environnement des contaminations indues. En effet, la Loi sur
les produits antiparasitaires du gouvernement fédéral
régit surtout la mise en marché des produits et porte
particulièrement sur la fabrication, la distribution,
l'étiquetage et le transport interprovincial des pesticides.
Le règlement établi en vertu de cette loi requiert des
fabricants, lors du processus d'homologation, des études sur la
toxicité du produit, son efficacité et ses effets dans le milieu.
Bien que ce processus présente une certaine garantie quant à la
sécurité des produits, il faut noter que le fabricant peut faire
exécuter les tests requis par ses propres laboratoires ou par des
laboratoires indépendants, que le résultat demeure confidentiel
et que les avis formulés par les consultants d'Agriculture Canada
responsables de l'application de cette loi ne sont pas nécessairement
suivis. Alors, je pense qu'ici on est un peu dans la même lignée
que le Dr Nantel, qui précisait tantôt quelques points que je
viens d'énumérer. De plus, aucun mécanisme de
contrôle n'est prévu pour s'assurer de l'utilisation judicieuse
des produits homologués ni de la compétence des utilisateurs.
Nous croyons donc que cet avant-projet de loi vient combler un manque
dans la législation actuelle et, dans l'ensemble, nous y sommes
favorables. En tant que centre d'enseignement et de recherche, nous voyons
particulièrement d'un bon oeil l'inclusion dans l'avant-projet de loi
des mesures relatives à la délivrance d'un certificat de
compétence à la suite de la réussite à un examen
prescrit ou reconnu par le ministère de l'Environnement.
Cependant, plusieurs articles de cet avant-projet de loi contiennent des
imprécisions que nous aimerions voir clarifiées. Vous trouverez
donc dans les quelques pages qui suivent nos principales interrogations, des
remarques visant à préciser certains points, des commentaires
d'appréciation ainsi que quelques suggestions.
Nous nous sommes surtout attardés sur les trois premiers
chapitres de l'avant-projet de loi parce qu'ils constituent, à notre
avis, le coeur de la loi. Nous passerons donc brièvement sur la section
relative aux pouvoirs administratifs et judiciaires ainsi que sur la
disposition pénale. L'aspect éducatif retiendra
particulièrement notre attention. (16 h 45)
Section définitions. Ici, à la suite de l'étude de
cet avant-projet de loi, il nous semble évident que le titre
donné à ce projet ne rencontre pas l'esprit de cette pièce
de législation. En effet, ce projet de loi ne touche que l'aspect
commercial des produits en question, soit la vente et l'utilisation des
pesticides. Tel qu'énoncé, le titre laisse sous-entendre qu'il
pourrait s'agir de bien d'autres choses, entre autres la fabrication, la
production, l'homologation, etc., des pesticides. Or, il n'est pas du tout
question de ces aspects. Précisons donc le titre de ce projet de loi de
la façon suivante: loi régissant le commerce et l'utilisation des
pesticides.
Tout au cours de notre prise de contact avec cette future loi, le texte
nous présente une série de thèmes que le
législateur nous impose sous prétexte que nous en connaissons le
sens strict et la portée. Or, certains termes utilisés sont
parfois bien définis, d'autres tantôt imparfaitement
décrits ou tout simplement ignorés.
Une fois que les produits arrivent sur le marché, plusieurs
acteurs entrent en scène. Les forces du marché opérant, il
y a l'offre et la demande, d'où les activités de vente, d'achat
et d'utilisation. En premier lieu, nous trouvons deux types de vendeurs: les
grossistes et les détaillants. Les définitions de ces termes
commerciaux nous donnent satisfaction. En second lieu, noua trouvons les
acheteurs, ou mieux, pour être précis, les utilisateurs, que la
loi identifie vaguement soit comme personne, soit comme municipalité ou
comme agriculteur ou sylviculteur.
Nous croyons que la loi devrait reconnaître quatre grandes classes
d'utilisateurs de pesticides telles que nous les trouvons implicitement
décrites en page 7-12 d'un document de support préparé par
le ministère de l'Environnement (novembre 1986) intitulé Pour
une utilisation rationnelle des pesticides au Québec. Il s'agit des
classes suivantes: applicateurs commerciaux, applicateurs privés,
agriculteurs et sylviculteurs, utilisateurs domestiques.
Le mérite d'une telle classification des utilisateurs est qu'elle
laisse entendre la création de voies différentes pour fins de
sensibilisation et d'éducation à la protection de
l'environnement. Le législateur veut contrôler les vendeurs pour
mieux atteindre les utilisateurs, du moins en théorie.
Conséquemment, chacun de ces différents groupes devrait
être défini séparément.
Parmi les termes définis dans la section 1, deux méritent
d'être redéfinis, à notre avis. D'abord le terme "sol".
Dans l'avant-projet de loi la définition qu'on lit au terme
"sol" le présente comme un tout amorphe, sang vie, improductif,
tantôt submergé, tantôt invisible, écrasé sous
le poids d'un édifice, d'une structure... un peu comme un non-sol. En
tant qu'ingénieurs forestiers habitués à travailler avec
des sols un peu plus vivants, nous nous interrogeons beaucoup sur le sens
donné à cette définition.
Lorsque l'utilisateur agricole ou forestier pulvérise des
pesticides sur ses terres ou sur son boisé, il le fait sur une terre
productive, un milieu vivant riche d'une microfaune et d'une microflore
dynamiques. C'est sur ce type de sol, composant majeur de l'environnement,
qu'on applique les pesticides.
Nous suggérons donc la définition que l'on trouve dans
Le système canadien de classification des sols et qui dit
ceci: "matériau minéral ou organique non consolidé, d'au
moins dix centimètres d'épaisseur, qui se trouve à la
surface du globe et est capable de supporter la croissance des plantes". Il
s'agit là d'une définition générale que vous
trouverez dans la publication 1646 d'Agriculture Canada. Notre suggestion est
un complément nécessaire à la définition que l'on
trouve actuellement dans l'avant-projet de loi.
Nous sommes également insatisfaits de la définition
donnée au terme "sylviculture". Elle nous semble plus liée
à la récotte des bois qu'à la culture des peuplements.
Pour nous, la sylviculture demeure à la fois la science et l'art de
cultiver des peuplements forestiers, c'est-à-dire de les créer,
de les laisser pousser et prospérer en se basant sur la connaissance de
l'écologie forestière (source: Dictionnaire forestier
multilingue, 1975). À partir de cette définition, on peut
penser que le sylviculteur professionnel agit donc comme un gardien de- notre
patrimoine forestier.
En dernier lieu, il y a des termes que nous rencontrons dans cette
pièce de législation qui ne sont pas définis et qui
mériteraient de l'être, surtout au point de vue de l'application
de la loi, c'est-à-dire "usage domestique" - pour aller dans la
même lignée que la suggestion de la Fédération
interdisciplinaire de l'horticulture - "supervision immédiate", et nous
avons ajouté aussi - vous ne le trouverez pas dans le mémoire,
c'est un ajout que l'on pourrait vous faire parvenir - le mot "environnement"
tel que défini dans la Loi sur la qualité de l'environnement.
Ainsi revue et amendée, la liste des termes décrits serait plus
complète et la compréhension de la loi rendue plus facile.
L'application de la loi. Plusieurs interrogations surgissent à la
lecture de la section II du chapitre I. Ainsi, l'article 3 renvoie le lecteur
à des règlements qui préciseront les pesticides
visés et leur répartition en classes. La lecture du document de
soutien identifie déjà, aux pages 7-16 et 7-17, les classes de
pesticides. Pourquoi alors remettre l'identification des classes à plus
tard?
La même remarque s'applique aux catégories d'utilisateurs -
article 4 - et de vendeurs. En effet, le document de soutien identifie
déjà, aux pages 7-11 et suivantes, les différents
intervenants dans le domaine des pesticides. De plus, nous nous interrogeons
sur l'exception faite pour les activités exercées en milieu
agricole ou sylvicole. Quelle est la nécessité de cette
restriction? Pourquoi l'article 4 met-il ces utilisateurs dans une classe
à part alors que l'on sait qu'ils utilisent au-delà de 80 % des
pesticides au Québec? Notre organisme est d'avis qu'en mettant
temporairement les principaux utilisateurs à l'abri de la loi,
l'objectif de gérer l'usage des pesticides ne pourra être
atteint.
Finalement, l'article 5 de la section II nous apparaît
contradictoire. En effet, le premier paragraphe exclut les agriculteurs et les
sylviculteurs des certificats de compétence, des modifications,
supervisions et révocations de permis et des procédures d'appel.
Le deuxième paragraphe semble dire exactement le contraire,
c'est-à-dire qu'il pave la voie aux articles 95 et 96 pour les
agriculteurs et les sylviculteurs utilisant des pesticides pour les fins de
leur propre exploitation. Or, les articles 95 et 96 constituent une demande de
vote en blanc puisque la gestion viendra ultérieurement par
règlement.
Nous rappelons que notre organisme est favorable à une forme de
gestion des pesticides pour tous les utilisateurs et tous les vendeurs. Nous
sommes conscients de la nécessité d'inclure tous les intervenants
majeurs, y compris les agriculteurs et les sylviculteurs. Cependant, le projet
de loi n'identifie pas les moyens que le ministère entend prendre
auprès des intervenants majeurs. Il faudrait préciser un peu
mieux les moyens qu'il veut mettre en place face aux agriculteurs et aux
sylviculteurs oeuvrant sur leur propre exploitation.
De plus, pourquoi distinguer l'agriculteur oeuvrant sur sa propre
exploitation de celui qui oeuvre sur l'exploitation d'un autre de façon
exceptionnelle et sans en faire commerce? L'utilisation de pesticides de
façon exceptionnelle et sans en faire le commerce sera
évaluée de quelle façon? Par qui? Selon quels
critères? L'utilisation de phytocides, par exemple, deux fois dans la
vie d'un peuplement forestier, peut-elle être considérée
comme exceptionnelle? La pulvérisation d'insecticides sur une plantation
est-elle exceptionnelle? Voilà quelques aspects qui méritent
d'être éclaircis.
Le permis. Dans cet avant-projet de loi, le ministre de l'Environnement
s'intéresse
aux forces économiques que constituent les vendeurs et les
utilisateurs de pesticides. Il donne aux produits antiparasitaires une
définition améliorée que nous acceptons avec satisfaction.
Les vendeurs au détail et en gros seront obligés,
dorénavant, pour exploiter leur entreprise dans le domaine de la vente
ou de l'utilisation des pesticides, d'obtenir un permis d'opération.
Pour le grossiste résidant au Québec, le permis
d'opération semble facile i obtenir, pourvu que le candidat satisfasse
à un minimum de conditions précisées dans l'article 15,
paragraphes 1 à 4. Le grossiste n'a pas besoin d'être connaissant
ou averti de la complexité du monde des pesticides. Nous
déplorons qu'aucune expertise ne soit exigée de sa part. Par
contre, le détaillant, en plus de devoir obtenir un permis pour la vente
des pesticides de classe 1 à 4, doit posséder un certificat de
compétence pour les classes de pesticides 1 à 3. Nous trouvons
étrange qu'il ne soit pas obligé d'obtenir un certificat pour la
classe 4, tout comme il doit avoir un permis pour cette même classe. Nous
applaudissons à l'initiative du ministère d'exiger de
l'applicateur commercial à la fois un permis d'opération et un
certificat de compétence pour les quatre premières classes de
pesticides. Nous aimerions cependant que le législateur traite
l'applicateur privé de la même façon que l'applicateur
commercial, à savoir qu'il exige un permis et un certificat pour les
classes 1 è 4, Nous insistons sur ce point parce que les effets sur
l'environnement de plusieurs des produits de la classe 4 nous sont encore
très mal connus.
L'article 8 laisse entendre, sans les mentionner, qu'il peut y avoir
différentes sortes de permis reliés à différents
groupes de pesticides. Tant mieux s'il en est ainsi. D'ailleurs, l'article 19
confirme le fait. Nous sommes cependant surpris, à l'article 9,
paragraphe 3, que les agriculteurs et les forestiers ne soient pas
obligés, comme utilisateurs, d'être munis d'un permis
d'utilisation, pour le moment, du moins. Les cultivateurs sont de grands
utilisateurs de pesticides au Québec. Ce paragraphe devrait être
élargi en précisant que ces derniers devront se soumettre
à un certain contrôle, suivre certaines normes pour
prévenir la détérioration de l'environnement, soit par
surdosage, soit par insouciance ou laisser-aller. Le paragraphe 2 de ce
même article nous préoccupe tant l'ambiguïté du texte
est surprenante.
Nous avons souhaité, dans la section I, que le ministère
définisse ce qu'il entend par "supervision Immédiate". Nous
aimerions nous assurer que cette supervision implique la présence sur le
terrain du titulaire du certificat de compétence et non pas une
supervision à distance.
À l'article 17, nous trouvons exagéré que tout
vendeur exploitant plus d'une place d'affaires ô l'intérieur du
Québec soit obligé d'obtenir un permis pour chacun de ses
établissements. II nous semble plus important que la clientèle
retrouve dans chacun de ces établissements un technicien
compétent muni d'un certificat, capable de la conseiller tant au magasin
que sur le terrain.
Pour ce qui est du permis temporaire, nous trouvons normal que
l'exploitant d'une entreprise reliée à l'utilisation des
pesticides qui ne réside pas au Québec n'obtienne qu'un permis
temporaire de courte durée. Avons-nous raison de croire que l'article 24
ne touche surtout que les applicateurs commerciaux? Nous croyons cependant
qu'ils devraient être astreints à certaines conditions
d'acceptation, sinon égales du moins équivalentes à celles
décrites è l'article 15. Comment un non-résident peut-il
respecter nos lois s'il en ignore l'existence?
Le certificat. Nous suqgérons d'abord que le ministère
utilise le déterminatif "de compétence" chaque fois qu'il parle
du certificat dans cette section. Nous croyons que l'exigence d'un certificat
de compétence est primordiale et bienvenue pour toute personne physique
qui exécute des travaux techniques spécialisés relatifs
à l'utilisation des produits antiparasitaires ou qui renseigne la
clientèle éventuelle d'un détaillant. Ces deux personnes
physiques sont les mailles d'émérillon d'un processus
d'éducation et de sensibilisation du consommateur à la protection
de l'environnement.
Nous nous réjouissons que seul le titulaire d'un certificat de
compétence puisse effectuer ou faire exécuter sur le terrain des
travaux de nature technique reliés à l'utilisation des
pesticides. Sa compétence lui viendra de la nature et de la
qualité des cours qu'il recevra. Ici, je dois apporter un commentaire.
En tant que spécialistes de l'enseignement, étant donné
que CERFO est issu de la volonté des membres du Département de
techniques forestières du cégep de 5ainte-Foy, concernant
l'utilisation des pesticides en milieu forestier ou l'utilisation des
pesticides sur les arbres ornementaux en milieu urbain, nous croyons que CERFO
peut apporter une certaine expertise et aussi sa collaboration pour la mise au
point de cours qui s'adresseraient spécifiquement aux arboriculteurs et
aux forestiers.
Cette section de la loi pourrait être plus spécifique
à propos des cours à suivre en vue de la réussite de
l'examen donnant droit au certificat. C'est probablement dans la
réglementation que nous trouverons éventuellement les
méthodes d'application, les normes et les procédés
reconnus.
Dans la même foulée, l'article 36, paragraphe 1, n'est pas
assez précis sur les modalités de démonstration de
compétence par la personne physique qui n'a ni domicile, ni
résidence, ni place d'affaires au Québec.
Finalement, il nous apparaît souhaitable
d'harmoniser les périodes de validité du certificat et du
permis. À l'heure actuelle, la période de validité du
certificat est de trois ans, alors que celle du permis dans la loi n'est que de
deux ans.
Réglementation. Une fois de plus, nous nous interrogeons sur la
portée des articles 95 et 96. Quels seront exactement ces
règlements qui s'appliqueront aux agriculteurs et aux sylviculteurs?
Sera-t-il possible de se prononcer sur leur contenu une fois la loi
adoptée? Nous répétons que nous sommes favorables à
l'édiction de règlements pour les agriculteurs et les
sylviculteurs, mais nous aimerions pouvoir donner notre avis sur ceux-ci. Le
gouvernement n'exprime pas clairement, à notre avis, les dispositions
qu'il entend prendre à l'égard de ces deux catégories
d'utilisateurs, et cette timidité nous laisse songeurs.
Le paragraphe 6 de l'article 100 nous amène aussi à nous
interroger. On y déclare que le gouvernement peut, par règlement,
régir l'étiquetage de tout contenant ou emballage d'un pesticide.
Lorsque l'on sait que la Loi sur les produits antiparssitaires du gouvernement
fédéral régit elle aussi l'étiquetage des produits
homologués, il est sûrement justifié de se demander quelle
juridiction aura prépondérance. Y aura-t-il deux
étiquettes? Celle du Québec ne servîra-t-elle qu'à
approuver l'étiquette fédérale? Voilà quelques
questions qui nous viennent à l'esprit à la lecture de ce
paragraphe.
En conclusion, nous croyons que le dépôt de cet
avant-projet de loi constitue un pas en avant. Il était temps, en effet,
de légiférer dans le domaine de la vente et de l'utilisation des
pesticides au Québec pour prévenir la détérioration
de l'environnement. Dans notre analyse, nous avons fait ressortir la pertinence
de la délivrance de permis et de certificats par le ministère de
l'Environnement. Nous avons cependant souligné l'imprécision de
quelques articles relatifs à ces questions. Nous avons aussi
suggéré d'aller un peu plus loin dans la compétence
exigée des différents intervenants vis-à-vis des diverses
classes de pesticides.
Nous ne pouvons que déplorer l'incertitude dans laquelle
l'avant-projet de loi nous laisse dans le cas des agriculteurs et des
sylviculteurs. Tout reste à déterminer par règlement, et
il est impossible de savoir, à l'heure actuelle, quelles mesures de
contrôle le ministère a l'intention de prendre à
l'égard de ces utilisateurs.
Nous tenons a souligner, en terminant, l'excellence du document de
support rédigé par le ministère de l'Environnement sur
l'utilisation rationnelle des pesticides au Québec. Les informations
qu'on y retrouve nous ont été d'une aide précieuse lors de
l'analyse de cet avant-projet de loi. (17 heures)
Je terminerai cette brève présentation en vous lisant les
principales recommandations que nous avons mentionnées aux pages 19 et
20. Compte tenu de l'analyse qui précède, le Centre
d'enseignement et de recherche en foresterie de Sainte-Foy recommande: 1. Que
l'on redéfinisse les termes "sol" et "sylviculture" dans la section I de
l'avant-projet de loi et que l'on ajoute les termes "usage domestique" et
"supervision immédiate". Il y aurait lieu d'ajouter "environnement"
à cette liste. 2. Que l'on emploie dans le texte de loi "certificat de
compétence" au lieu de "certificat". 3. Que l'on indique, dès
à présent, les mesures de contrôle que le ministère
de l'Environnement entend exercer à l'égard des agriculteurs et
des sylviculteurs utilisant des pesticides. 4. Que soit clarifiée la
phrase "celui qui, de façon exceptionnelle et sans en faire commerce,
utilise ou vend au détail des pesticides". 5. Que l'on exige pour les
grossistes un certificat de compétence pour les classes 1 à 3 de
pesticides telles que définies dans le document de soutien à la
préconsultation. 6. Que l'on exige pour les détaillants un
certificat de compétence pour les classes de pesticides 1 à 4. 7.
Que l'on exige pour les applicateurs privés un permis et un certificat
de compétence pour les classes 1 à 4 de pesticides. 8. Qu'un seul
permis valable pour tous ses établissements soit nécessaire au
détaillant qui possède plus d'une place d'affaires au
Québec. 9. Que l'article 15 de l'avant-projet de loi s'applique
intégralement aux non-résidents exploitant une entreprise
reliée à l'utilisation des pesticides au Québec. 10. Que
les périodes de validité du permis et du certificat soient
d'égale durée. 11. Que l'on précise l'avant-projet de loi
en l'intitulant ainsi: loi régissant le commerce et l'utilisation des
pesticides. 12. Que l'on définisse dans la loi les quatre grandes
classes d'utilisateurs visés par cet avant-projet de loi.
Merci de votre attention.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre.
M. Lincoln: M. le Président, je remercie M. Comtois pour
la qualité de son mémoire. Vous vous êtes excusé au
début en disant que vous n'aviez pas eu beaucoup de temps pour le
préparer. On regrette cela beaucoup. Il fallait finir avant le
commencement de la session parlementaire, mais je crois que dans Ies
contraintes de temps que vous avez expliquées et que nous
connaissons,
vous avez fait un travail vraiment remarquable. Je pense que vous avez
beaucoup réfléchi au sujet et que vous avez apporté des
observations très pertinentes qu'on va prendre avec le plus grand
intérêt et le plus grand sérieux. j'aimerais passer en
revue quelques-unes de vos recommandations principales pour vous donner mon son
de cloche et, en même temps, peut-être faire le point sur certaines
choses par rapport aux définitions que vous suggérez. Des
suggestions ont été faites aussi par rapport aux mots "usage",
"sylviculture", etc., et on va revoir toutes ces recommandations. On va
certainement regarder cela de près.
Pour ce qui est des certificats de compétence, là aussi
votre suggestion est la première qui a été faite en ce
sens. On va l'analyser, on va la regarder de plus près. Il faudra la
vérifier auprès du ministère de l'Éducation pour
voir s'il y a des redondances avec d'autres certificats, si cela peut
être utilisé ou non et s'il y a une raison de le faire.
Pour ce qui est des agriculteurs et des sylviculteurs, c'est venu dans
chaque mémoire. C'est donc sûr qu'il y a là une
incompréhension qui mérite qu'on revise le mot à mot du
texte de l'article 5. Vous avez souligné vous-même qu'il y a une
contradiction entre les alinéas 1 et 2. C'était une contradiction
voulue pour dire qu'on ne veut pas les inclure au départ, mais qu'on va
les inclure par réglementation. Là, vous dites: pourquoi par une
réglementation ultérieure qu'on ne connaît pas?
C'est-à-dire qu'on a commencé à négocier avec ces
deux secteurs pour une inclusion plus tardive parce que, vu la dimension et
l'importance du secteur, c'était impossible de commencer avec eux. Mais
des négociations se poursuivent, des échéanciers sont en
discussion, des programmes de formation sont déjà en discussion
avec eux. Ils vont être inclus et je peux vous promettre que la
réglementation qui va les toucher et toute politique qui va les toucher
vont être rendues publiques bien avant leur adoption afin que tous les
gens qui sont intéressés, y compris votre organisme, puissent
avoir un droit de regard là-dessus et nous offrir leurs
commentaires.
Pour ce qui est de la question de celui qui en vend de façon
exceptionnelle, ce qu'on a voulu inclure dans la loi, c'est la notion de celui
qui fait un transfert de pesticides. Par exemple, un agriculteur qui laisse sa
ferme, qui la vend à un voisin, on ne veut pas qu'il ait un permis de
vente, parce que ce n'est pas un vendeur; on parle de cela de façon non
continue. Quelqu'un qui le fait de façon soutenue et continue ne serait
pas prévu. Donc on veut exclure celui qui le fait une fois, un
particulier qui part pour aller ailleurs, dans une autre ville, et qui vend un
stock de pesticides légal à quelqu'un d'autre.
Pour ce qui est des grossistes, j'accepte votre recommandation, qui a
été faite par d'autres. Je pense que le point est très
pertinent et nous allons le considérer très favorablement.
Pour ce qui est des certificats de compétence et des permis
privés, classes 1 à 4, on va regarder cela. Pour le moment, on
n'a pensé qu'aux classes 1 et 3 parce qu'il faut une infrastructure, il
faut pouvoir contrôler tout cela, l'inspecter, le surveiller, avoir des
bilans, et cela demandait un tel travail au départ qu'on ne pouvait
prévoir que les classes 1 et 3, mais on va regarder tout cela de
près.
Vous parlez d'un seul permis pour tous les établissements d'une
chaîne. Cela pose un problème par rapport, par exemple, à
des franchiseurs. Aujourd'hui, vous avez des chaînes. On ne sait pas si
les chaînes appartiennent à l'entreprise elle-même, qui
possède peut-être le même nom dans tout le Québec, ou
bien si ce sont des franchiseurs ou des participants autonomes dans une
entreprise. Je prends Rona, par exemple. Si on n'avait pas de disposition comme
celle qu'on a, ils pourraient demander un seul permis. Là, vous avez une
entreprise, mais vous avez peut-être 25 responsables, 50 responsables ou
plus. C'est pourquoi on avait inclus cette notion. Pour ce qui est des
non-résidents, tout cela va être explicité dans la
réglementation, mais nous pensions au non-résident qui vient
faire affaire au Québec. Il a besoin d'un permis temporaire, mais il est
clair que ce permis temporaire ne serait donné que s'il pouvait nous
prouver ses compétences outre-frontières, vous prouver qu'il a
déjà un certificat ou un permis délivré par une
entité provinciale ou américaine officielle.
On prend note de votre remarque au sujet de la période de
validité des permis et des certificats.
Pour ce qui est du commerce et de l'utilisation des pesticides, vous
recommandez peut-être de changer le titre de la loi et vous dites cela ne
touche pas du tout à la fabrication et à l'homologation, avec
raison parce que tout cela ce sont des compétences clairement de
juridiction fédérale et c'est pourquoi on ne touche pas du tout
à cela. On couvre le champ de compétence que nous avons sur la
distribution et l'utilisation des pesticides.
Quant aux quatre classes d'utilisateurs, oui, tout cela va être
couvert dans les projets de réglementation qui vont
éventuellement être émis. Le premier projet de
réglementation est en voie de préparation. Il est en
ébauche déjà. Il va être émis en
été pour consultation avec les intervenants.
Pour ce qui est des articles 95 et 96, je vous ai expliqué le
sens de cette chose,
que cela va venir petit à petit.
J'espère que j'ai répondu au qros de vos recommandations.
Je voulais vous dire, parce que vous avez offert votre collaboration, votre
expertise, qu'on va prendre note de cela, on va vous consulter et accepter
votre offre de travailler toute cette problématique ensemble, surtout
dans le champ d'action où vous êtes spécialistes, surtout
dans le domaine de la foresterie urbaine. On va prendre bien note de cela et
vous consulter pour sûr. Merci beaucoup.
Le Président (M. Rochefort): Merci, M. le ministre. M. le
député de Terrebonne.
M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président. Vous soulignez
au tout début de votre intervention que vous n'avez pas eu beaucoup de
temps pour préparer votre mémoire. Vous savez que j'avais
déjà averti la commission au tout début que beaucoup de
groupes n'auraient pas assez de temps, mais malgré cela - je ne veux pas
engager une polémique - je tiens à vous féliciter de la
qualité de ce rapport. Il aurait été peut-être plus
élaboré si vous aviez eu plus de temps, mais la qualité de
votre intervention est quand même là.
Il y a beaucoup de choses qui sont très claires, mais il y a
certains points que j'aimerais faire éclaircir. À la page 11,
vous dites: "L'utilisation de phytocides, par exemple, deux fois dans la vie
d'un peuplement forestier (80 ans) peut-elle être
considérée comme exceptionnelle?" Vous mettez un point
d'interrogation. Je pense que cela vous tentait d'en mettre trois ou quatre. La
question est celle-ci: Demandez-vous, en fait, que l'utilisation de phytocides
- utilisés beaucoup par Hydro-Québec, comme vous le savez - soit
interdite ou, deuxièmement, sinon interdite, au moins qu'elle soit sous
la juridiction exclusive, la responsabilité exclusive du ministre de
l'Environnement?
M. Comtois: M. le Président, je pense que je vais passer
la parole à mes collaborateurs à ce sujet. Je vais demander
à M. Leblanc, dans un premier temps, de répondre à cette
question.
M. Blais; M. Leblanc.
M. Leblanc (Henri): Monsieur, j'aimerais dire que, dans notre
optique, Hydro-Québec n'est pas un sylviculteur, n'est pas un organisme
forestier; c'est un organisme de production d'électricité qui
voit à l'entretien de ses corridors en éliminant la
végétation qui pourrait être nuisible au bon fonctionnement
de son transfert d'énergie.
Nous regardons les phytocides d'un oeil très
intéressé et très particulier parce que la sylviculture
dont vous parlez avec générosité dans ce projet de loi est
un bébé à naître; il n'est pas né encore. On
ne fait pas de sylviculture au Québec, et je ne crois pas qu'il y ait
tellement de sylviculteurs. Il y a des prétendants à la gestion
des forêts, il y en a plusieurs et il y en aura davantage en forêts
privées. Ils sont au-delà de 100 000 petits propriétaires
qui deviendront, certes, des sylviculteurs, mais à l'heure actuelle, le
nombre est minime.
Toutefois, nous croyons que nous aurons besoin des phytocides pour mener
à bonne fin l'amélioration de nos forêts, qui sont en
décrépitude pour nombre de raisons que je n'ai pas à
mentionner. Mais il y a des peuplements que nous devrons éliminer pour
les remplacer par d'autres plus productifs, et ce fait exigera l'emploi des
herbicides, d'une part - des phytocides - et, d'autre part, une certaine
participation des travaux manuels. L'économie des deux techniques
favorisera soit l'un, soit l'autre, mais à l'heure actuelle, nous
concevons, nous, forestiers, que nous avons besoin des phytocides, d'une part,
et que, deuxièmement, nous les utiliserons au début de la
formation des peuplements pour éliminer une certaine
végétation compétitive qui retarde le développement
des essences préférées et peut-être, plus tard, dans
20 ans ou 30 ans, lorsque le peuplement aura atteint une certaine stature, nous
utiliserons encore des phytocides pour éliminer des essences
compétitives, comme les bouleaux, les trembles, les érables
rouges, etc.
C'est dans ce sens que nous avons posé la question, à
savoir si l'utilisation des phytocides, par exemple, deux fois dans la vie d'un
peuplement, peut être considérée comme exceptionnelle. Nous
considérons que ce sera probablement la routine. Autant qu'on aura de
bonnes instructions qui nous viendrons du ministère, une bonne
réglementation, nous croyons que nous procéderons de cette
façon.
M. Blais: Vous êtes des forestiers, en fait; vous
n'êtes pas des sylviculteurs, vous êtes des ingénieurs
forestiers.
M. Leblanc: Oui.
M. Blais: Que le ministère de l'Environnement et que
d'autres ministères aient des responsabilités sur des pesticides
de tout genre, trouvez-vous cela difficile pour le métier que vous
exercez? N'aimeriez-vous pas mieux que l'ensemble de la responsabilité
de tout ce qui s'appelle pesticides ou produits antiparasites, pour être
plus clair, soit sous la juridiction exclusive du ministre de
l'Environnement?
M. Comtois: M. le Président, j'aimerais que M. Tremblay
apporte quelques éléments de réponse à cette
question. (17 h 15)
M. Tremblay (Jacques): M, le Président, sans vouloir me
faire le porte-parole de l'ensemble des ingénieurs forestiers de la
province, j'ai l'impression que l'implication du ministère de
l'Environnement dans le domaine des phytocides, des pesticides en
générai, est bienvenue. Maintenant, à savoir si le
ministère de l'Environnement devrait avoir l'exclusivité de la
gestion de cela, je ne voudrais pas me prononcer là-dessus.
Personnellement, je n'y vois pas d'inconvénient. Cependant, je sais
qu'il existe, à l'heure actuelle, des liens avec le ministère de
l'Énergie et des Ressources relativement à des sujets semblables.
Je crois que la collaboration est bonne de toute part et que tout le monde est
bien pensant dans ce domaine, autant du côté des forestiers que du
côté des gens de l'environnement ou même du
côté du public en général. On est conscient de la
difficulté d'utilisation de ces produits. On connaît même,
à l'heure actuelle, le moratoire qui existe sur l'utilisation de
phytocides par voie aérienne, et on le respecte également.
Je tente de répondre à votre question relativement au mot
"exclusivement" au ministère de l'Environnement. Personnellement, je n'y
vois pas d'inconvénient. Mais je sais qu'on devra, d'une façon ou
de l'autre, assurer de bonnes communications entre les divers
ministères. Mais il faut qu'il y ait une gestion du domaine des
pesticides.
M. Blais: Je m'excuse d'être tenace. Je reviens encore
à la même question. Vous êtes des gens qui avez comme
profession de vous occuper de la forêt. Je suis persuadé que vous
aimez la forêt et le métier que vous exercez. Je n'en doute pas.
On le voit à lecture du rapport. Dans ce milieu-là, vous dites
que vous ne voyez pas d'inconvénient à ce que ce soit
l'Environnement, exclusivement, qui l'ait. Je croyais que vous auriez vu un
avantage à ce que le ministre de l'Énergie et des Ressources, le
ministre délégué aux Forêts et le ministre de
l'Environnement viennent tripoter dans vos forêts. Du côté
environnemental, vous ne voyez pas...
Une voix: Non.
M. Blais: Non, vous demeurez sur la même chose.
M. Tremblay (Jacques): Je n'appellerais pas cela "tripoter".
D'ailleurs, je n'ai jamais pensé...
M. Blais Ils sont trois, c'est pour cela que je dis "tri".
M. Tremblay (Jacques): À mon avis, s'ils étaient
deux, il n'y aurait pas de tripotage. À mon avis, il y a lieu d'assurer
une meilleure communication. Je pense que des communications doivent exister,
doivent être très présentes entre les divers
ministères dans le domaine. Qu'il s'agisse d'un ministère ou de
l'autre, je pense qu'il doit y avoir une réglementation face à
l'utilisation des pesticides. Là, on englobe à peu près
tout. Quand on parle de pesticides, on touche autant aux herbicides qu'aux
insecticides ou aux phytocides. On reconnaît qu'il y a un danger pour
l'environnement. Éventuellement, bien sûr, comme le
ministère de l'Environnement a l'environnement sous sa
responsabilité, il doit être impliqué autant que le
ministère de l'Énergie et des Ressources, à mon avis.
M. Blais: Vous feriez un bon politicien. À la page 14, il
y a un paragraphe que nous lirons ensemble, si vous le voulez bien, il est
très court: "Nous trouvons malheureux, 6 l'article 17, que tout vendeur
exploitant plus d'une place d'affaires à l'intérieur du
Québec soit obligé d'obtenir un permis pour chacun de ses
établissements. Il nous semble plus important que la clientèle
retrouve dans chacun de ces établissements un technicien
compétent muni d'un certificat, capable de la conseiller tant au magasin
que sur le terrain." Je ne sais pas si je comprends bien. Ce n'est certainement
pas toujours nous, de ce côté-ci, qui comprenons mieux que du
côté là-bas. Est-ce que cela veut dire que vous laisseriez
tomber le permis des établissements en faveur uniquement d'un certificat
de compétence au vendeur ou au technicien compétent?
M. Comtois: M. le Président, je répondrai non
à cette question. Voilà ce que nous voulons dire: Prenons, par
exemple, une chaîne comme W. H. Perron dans le domaine de l'horticulture
en milieu urbain. On pensait que cette chaîne pourrait obtenir, par
exemple, un seul permis d'opération ou de vente de pesticides qui
pourrait servir pour toutes ses filiales. Cependant, on ne veut pas du tout
exclure le permis. Mais on trouve plus important que, dans chacune de ses
filiales, il y ait des gens compétents. On a parlé d'un
technicien, mais cela peut être un vendeur muni d'un certificat de
compétence. On ne veut pas du tout enlever le permis d'opération,
mais on voulait simplifier la chose en évitant d'avoir à
émettre des permis différents pour chacun des
établissements. On pense qu'un seul permis pourrait servir, par exemple,
pour toute la chaîne, vu que c'est bien identifié. Comme M. le
ministre le faisait remarquer tantôt, dans certains cas, les franchises
ne sont pas tout à fait claires.
M. Blais: Je comprends, mais il est vrai que trop fort ne casse
pas. Est-ce que, à ce moment-là - je vais vous poser une
autre
question - le législateur ne pourrait pas dire devant une telle
demande: Je vais donner un permis à l'Association des détaillants
en alimentation. Ils sont 12 000, mais cela ne ferait qu'un permis. Est-ce que
vous voyez où cela peut nous conduire"?
Une voix: Oui.
M. Blais: Ce n'est pas un peu dangereux, cette proposition?
M. Comtois: Ce n'est pas une recommandation fondamentale et ce
n'est pas qu'on y tienne absolument dans notre mémoire. Disons que
c'était tout simplement dans un esprit de simplification, pour
éviter d'alourdir la machine bureaucratique qui va délivrer les
permis. Pour nous, ce n'est pas fondamental; c'est une suggestion. Disons que
nos recommandations principales portent sur d'autres points.
M. Blais: J'apprécie le fait que vous vouliez nous
éviter de la paperasse. On en a tellement. Je l'apprécie.
Une voix: Ha! Ha! Ha!
M. Blais: Cela va être ma dernière question.
À la page 17, au deuxième alinéa: "Nous
répétons que nous sommes favorables à l'édiction de
règlements pour les agriculteurs et les sylviculteurs, mais nous
aimerions pouvoir donner notre avis sur ceux-ci." Je ne vous blâme pas,
vous voulez être consultés. Dans l'autre paragraphe: "Le
gouvernement n'exprime pas clairement, à notre avis, les dispositions
qu'il entend prendre à l'égard de ces deux catégories
d'utilisateurs et cette -un mot très poli qui suit - timidité
nous laisse songeurs." Est-ce qu'on peut connaître un peu vos songes?
M. Comtois: Je pense que je vais d'abord laisser la parole
à un collaborateur et, ensuite, faire un dernier commentaire,
peut-être.
M. Blais: D'accord.
M. Comtois: Peut-être que M. Tremblay pourrait donner son
avis là-dessus.
M. Tremblay (Jacques): Oui. Mes songes s'articulent, en fin de
compte, autour du fait qu'on est conscient, n'est-ce pas, que la
majorité des produits utilisés le sont par des agriculteurs. Les
forestiers viennent loin en arrière, à toutes fins utiles.
D'ailleurs, on parle de 85 % du volume utilisé par les agriculteurs,
M. Blais: Exact.
M. Tremblay (Jacques): Donc, on sent qu'il y a une masse
là, une masse populaire, une masse politique importante. Le Dr Nantel
parlait tout à l'heure d'un lobbying puissant. Je pense que c'est
là que ça s'applique, c'est là que le bât blesse.
À mon avis, cela devra prendre, pour s'attaquer à cette machine,
à cette fraction des utilisateurs, un courage politique
considérable qui va s'appliquer. Il va y avoir également des
recherches et des consultations. C'est un peu la raison pour laquelle on
mentionne -ce que je retrouve dans mes songes - cette timidité. On sent
que peut-être on se prépare à faire une pièce de
législation qui va être plus substantielle, mais on prend beaucoup
de recul. C'est l'impression que j'avais.
M. Blais: Si je vous comprends bien, je vais vous résumer,
vous craignez que la politique économique l'emporte sur le rationnel et
la qualité de l'environnement.
M. Tremblay (Jacques): Bien, c'est une crainte qui est toujours
présente.
M. Blais: Vous partagez l'opinion de l'Opposition,
Personnellement, je vous remercie beaucoup de votre présentation.
Je vous félicite de la qualité de vos interventions et je vous
souhaite bonne chance dans votre métier, qui est certainement
honorable.
Le Président (M. Rochefort): Merci. Le mot de la fin, M.
le ministre.
M. Lincoln: Oui. Je voudrais m'associer à mon
collègue de l'Opposition pour dire exactement la même chose, pour
souligner la qualité de votre mémoire et pour vous remercier
très sincèrement de votre participation.
Le Président (M. Rochefort): Merci bien.
Maintenant, j'appellerais la Fédération des centres locaux
de services communautaires du Québec à prendre place, s'il vous
plaît.
Bienvenue, M. Leguerrier, Afin d'informer les membres de la commission,
je vous demanderais de nous présenter les gens qui vous
accompagnent.
Fédération des CLSC
M. Leguerrier (Paul): D'accord. Mon nom est Paul Leguerrier. Je
suis le président de la Fédération des CLSC du
Québec. M'accompagnent également M. Maurice Charlesbois, à
ma droite, le directeur général de la Fédération
des CLSC. Le deuxième a droite est M. Pierre-Yves Gagnon, conseiller
cadre à la Fédération des CLSC. Au bout à ma
droite, c'est le Dr Benoit Gingras,
médecin, plus préoccupé de santé agricole et
qui travaille au CLSC de Lotbinière-ouest. À ma gauche, c'est Mme
Michelle Langlais qui est infirmière en santé au travail au CLSC
des Trots-Saumons à Saint-Jean-Port-Joli. À mon extrême
gauche, M. Gaétan Malenfant, organisateur communautaire au CLSC
Rivière et Marée à Rivière-du-Loup.
Le Président (M. Rochefort): Bienvenue à vous tous.
Je vous demanderais de prendre les prochaines 20 minutes pour nous faire la
présentation de votre mémoire.
M. Leguerrier: Merci, M. le Président. Je veux d'abord
remercier les membres de la commission de nous avoir invités à
présenter la position de la Fédération des CLSC du
Québec concernant cet important avant-projet de loi sur les
pesticides.
Nous sommes préoccupés, comme fédération de
la santé, de nos concitoyens, de la santé des utilisateurs des
pesticides, de la santé de la population en général; nous
sommes préoccupés, donc, dans un avenir immédiat, de ces
populations. Nous sommes préoccupés aussi des
conséquences, à moyen et à long terme, de l'usage des
pesticides sur la santé des individus, de la population. On peut penser,
par exemple, à des effets sur la chaîne alimentaire ou sur les
eaux de consommation de l'infiltration dans les nappes phréatiques,
etc.
Alors, je voudrais, dans un premier temps, vous dire très
brièvement que la Fédération des CLSC du Québec,
c'est le regroupement volontaire des CLSC. La fédération existe
depuis 1975 et elle oeuvre à la promotion du développement des
CLSC, auxquels elle dispense plusieurs services-conseils. La
fédération regroupe actuellement 146 CLSC répartis dans
toutes les régions du Québec.
Les centres locaux de services communautaires, les CLSC, ont pour
mission, de dispenser à leur population respective des services sociaux
et des services de santé d'ordre curatif et préventif en
intervenant auprès des individus ou des groupes dans leur milieu
respectif.
Afin que la population puisse bénéficier des conditions
environnementales propices au maintien et à l'amélioration de sa
santé, les CLSC peuvent être amenés aussi à
intervenir auprès des organismes publics et privés qui
réalisent des activités ayant des conséquences sur la
qualité de l'environnement ou/et, par voie de conséquence, sur la
santé du public.
Dans ce contexte, par le biais de programmes comme la santé du
travail et l'action communautaire, des CLSC ont vécu des
expériences portant sur l'utilisation des pesticides. À titre
d'exemple, mentionnons les études que certains CLSC mènent
actuellement avec l'Institut de recherches en santé et en
sécurité du travail afin de déterminer les risques
d'exposition des travailleurs qui utilisent des pesticides dans les
pépinières. Mentionnons aussi les collaborations établies
avec le ministère de l'Énergie et des Ressources dans le cadre de
l'arrosage aérien visant à enrayer les désastres
causés par la tordeuse, ou encore les nombreuses sessions de
sensibilisation ou d'information menées en milieu agricole au sujet de
l'utilisation des pesticides. C'est donc à partir de ces
expériences que nous allons vous livrer nos réflexions et vous
faire un certain nombre de recommandations.
En tout premier lieu, nous tenons à exprimer notre satisfaction
par rapport à la volonté du ministère de l'Environnement
de légiférer dans le domaine de la vente et de l'utilisation des
pesticides au Québec. Nous souscrivons, notamment, aux
énoncés de politique et aux principes directeurs qui apparaissent
dans le document intitulé: "Sommaire de la problématique et de
la politique d'intervention proposée par le ministère de
l'Environnement", de même qu'aux intentions faisant l'objet du
document "Pour une utilisation rationnelle des pesticides au
Québec".
Toutefois, après avoir pris connaissance de ces deux ouvrages,
nous nous attendions que cet avant-projet de loi, qui en est issu, vienne
confirmer ces énoncés et ces intentions. Nous nous attendions
aussi que ce dernier s'inscrive dans la Loi sur la qualité de
l'environnement et qu'il vienne ajouter plus de mordant à ses
dispositions qui ont pour objet la préservation et l'amélioration
des conditions environnementales dont bénéficie la population
québécoise. Tel n'est cependant pas le cas. Cet avant-projet de
loi vient plutôt remplacer ces conditions et, de façon
générale, il nous semble plus permissif que la loi
présentement en vigueur.
Nous considérons aussi qu'il est dangereux d'amputer la Loi sur
la qualité de l'environnement de domaines dans lesquels elle intervient
déjà. À long terme, une semblable pratique pourrait avoir
pour conséquences de limiter son action d'une façon telle que les
objectifs qui ont conduit à son adoption pourraient devenir
difficilement réalisables.
Nous savons qu'à cet égard et sur cette question, M. le
ministre a déjà indiqué qu'il avait pris cette question en
délibéré. Néanmoins, nous tenons aujourd'hui en
commission parlementaire à vous souligner cet aspect que nous trouvons
important.
Donc, pour ces raisons, nous nous objectons fermement à ce que le
contrôle des pesticides par une loi spéciale soit soustrait de la
Loi sur la qualité de l'environnement. Selon nous, il doit en faire
partie et en aucun temps ne doit venir atténuer certaines dispositions
qui y sont
déjà comprises. (17 h 30)
Outre cette réserve majeure qui porte sur la place que doit
occuper cet avant-projet de loi dans l'ensemble de législation
québécoise en matière de protection de l'environnement,
nous désirons aussi vous faire des recommandations par rapport à
certaines dispositions que contient cet actuel avant-projet de loi. Tout
d'abord, au chapitre de la recherche et du développement et de
l'éducation. À la page 11 du document intitulé
"Sommaire de la problématique et de la politique d'intervention
proposée par le ministère de l'Environnement", il est
indiqué dans la conclusion, et je cite: "...il apparaît que les
solutions pour réduire les risques pour l'environnement et la
santé humaine passent par deux avenues; la recherche et le
développement, et l'éducation."
De telles solutions sont fort intéressantes, et ce pour deux
raisons. D'abord, parce qu'elles permettent de remonter jusqu'aux causes et de
bien identifier ce qui, dans le cas présent, est nuisible à la
santé et à l'environnement; trop souvent, à notre avis, on
se contente de minimiser les effets immédiats d'un produit sur une
situation donnée, sans se soucier des conséquences qu'il peut
avoir à moyen et à long terme. Ensuite, parce qu'elles impliquent
un caractère préventif en voulant informer et éduquer
autant les utilisateurs que la population des avantages et des
inconvénients des pesticides. L'avant-projet de loi est cependant peu
loquace et précis sur ce sujet. Le contrôle de la vente et de
l'utilisation des pesticides semble être le seul objectif poursuivi.
Nous verrions donc d'un bon oeil qu'une plus grande importance soit
consacrée à ce volet dans cet avant-projet de loi. Dans cette
optique, nous recommandons que les paragraphes 1, 2 et 3 de l'article 7
constituent une responsabilité ministérielle qui "doit"
être assumée - et non seulement "peut" être assumée -
et que l'avant-projet de loi contienne des dispositions précisant les
moyens qui seront utilisés afin de sensibiliser et d'éduquer la
population par rapport aux pesticides.
La fameuse question des agriculteurs et des sylviculteurs. Les
statistiques démontrent qu'environ 85 % des pesticides utilisés
au Québec le sont par les agriculteurs et les sylviculteurs. Or,
l'avant-projet de loi précise que les mesures de contrôle qu'il
comporte ne s'adressent pas à cette catégorie d'utilisateurs. Et
même si le gouvernement peut déterminer certaines dispositions qui
pourraient les concerner, nous considérons cette situation comme
inacceptable. À l'instar de plusieurs autres groupes qui se sont
présentés, "je pense, devant la commission parlementaire, nous
recommandons que les dispositions de la section III du chapitre III et celles
des sections I, IV et VI du chapitre IV de l'avant-projet de loi s'appliquent
à tous les vendeurs et utilisateurs de pesticides, y compris les
agriculteurs et les sylviculteurs, quitte à ce que le gouvernement
accorde à ces derniers, après l'étude de leurs
requêtes, des traitements distincts.
En ce qui concerne maintenant les classes et la nature des pesticides,
l'avant-projet de loi ne fait pas état des classes et de la nature des
pesticides sur lesquels portent plusieurs de ses articles. Cette
présentation apparaîtra plutôt dans la réglementation
qui accompagnera la loi. L'aspect parfois très spécialisé
du sujet est probablement à l'origine d'une telle décision.
Cependant, si l'on considère que les pesticides constituent
l'objet de cet avant-projet de loi, nous recommandons que celui-ci contienne
une section consacrée aux pesticides dont la vente et l'utilisation sont
permises, ceux dont la vente et l'utilisation sont prohibées et les
catégories auxquelles ils appartiennent.
L'avant-projet de loi sur les pesticides donne l'impression d'accorder
sa bénédiction aux pratiques actuellement en vigueur. Ainsi, il
ne comporte à peu près pas d'interdits, notamment en ce qui a
trait aux méthodes, normes et procédés
généralement reconnus en cette matière ou aux normes
fixées par réglementation du gouvernement. La loi devrait,
à notre avis, être plus précise à ce sujet, et nous
recommandons: 1. que soient précisés dans cette loi les normes et
procédés en matière d'utilisation de pesticides; 2. que la
loi interdise les pulvérisations aériennes des pesticides en
deçà de certaines distances des zones résidentielles et
des bassins d'alimentation en eau potable, et cela en tenant compte des
facteurs de dérive. J'ajouterais que cela doit tenir compte
également des pulvérisations manuelles qui sont faites dans les
mêmes environnements; 3. que la loi rende obligatoire l'émission
d'avis publics informant la population et les organismes de santé, au
moins quinze jours à l'avance, des zones qui seront arrosées, des
produits utilisés et des mesures à prendre si ceux-ci venaient en
contact, étaient inhalés ou encore absorbés par un
individu. Il s'agit là donc de mesures de prévention secondaires
très immédiates; 4. que la loi permette aux propriétaires
de terrains privés le droit de refuser que des arrosages manuels ou
aériens de pesticides soient faits sur leurs terrains.
Pour ce qui est de la formation, l'avant-projet de loi ne comporte pas
de précisions sur le type d'examen à passer pour l'obtention d'un
certificat, le type de formation requis pour être accepté à
un tel examen et les organismes habilités à dispenser cette
formation. Nous
recommandons donc que seuls les organismes publics ou les firmes
spécialisées en formation soient habilités à
concevoir et à dispenser des sessions de formation s'adressant aux
utilisateurs des pesticides. En aucun temps, les fabricants et fournisseurs de
pesticides ne devraient être directement impliqués dans de telles
activités.
En ce qui concerne l'étiquetage, et nonobstant les dispositions
de l'article 118 de cet avant-projet de loi, nous recommandons que
l'étiquetage apparaissant sur les contenants des pesticides contienne
des directives sur leur conservation et leur entreposage, de même que sur
leur élimination après usage. Nous sommes confrontés
régulièrement avec des gens qui ne savent pas comment disposer
des restes de pesticides qu'ils ont utilisés lors d'épandage. Il
faudrait, de plus, ajouter des instructions claires et visuelles sur la
protection personnelle à prendre selon le degré de
toxicité des produits et indiquer les équipements de protection
suggérés pour assurer véritablement cette protection. II
faudrait aussi s'assurer que les équipements de protection sont
disponibles dans les points de vente des pesticides. On peut parler
d'instruments de protection, mais s'ils ne sont pas disponibles dans les points
de vente, on multiplie les contacts à faire et il n'y a pas de
possibilité, à ce moment-là, de donner
véritablement suite à cette question.
Un dernier sujet, mais non le moindre: la réglementation. La
pratique veut, dans le cadre de l'élaboration et de l'acceptation d'une
loi, que les précisions concernant son application soient
confirmées dans une réglementation qui l'accompagne et qui est
déterminée un peu avant son entrée en vigueur. Bien que
cette réglementation soit importante, elle porte néanmoins sur
des applications qui s'inscrivent dans le cadre d'orientations, de directives
et d'énoncés édictés dans la loi. Dans le cas
présent, nous avons l'impression que c'est la réglementation qui
va venir préciser bon nombre de ces énoncés et directives,
et non la loi, comme cela devrait être, à notre point de vue.
C'est pourquoi nous recommandons que soit précisés dans la loi:
premièrement, la nature et la classification des pesticides auxquels
elle s'adresse; deuxièmement, les critères menant à
l'obtention d'un permis et d'un certificat; troisièmement, les
dispositions qui s'appliquent aux agriculteurs et aux sylviculteurs; et
quatrièmement, les normes et pratiques concernant l'utilisation des
pesticides.
Voilà qui complète notre tour d'horizon de cet
avant-projet de loi sur les pesticides.
Vous avez constaté notre déception sur certains aspects de
cet avant-projet de loi au cours de notre mémoire. Il faut d'ailleurs
préciser que le simple fait que cet avant-projet de loi soustraie les
pesticides à la Loi sur la qualité de l'environnement nous
préoccupe et nous inquiète grandement, il nous semble que cette
orientation gouvernementale sous-estime l'importance à apporter au
respect de l'écosystème québécois. Quand nous
parlons du respect de l'écosystème, nous entendons, bien
sûr, la qualité du sol et de l'environnement, mais nous voulons
aussi insister sur les conséquences sur la santé publique des
Québécois. L'idéal serait de formuler un nouveau chapitre
de la Loi sut-la qualité de l'environnement au sujet des pesticides.
Tout au moins, il est normal que nous nous attendions à un projet
de loi beaucoup plus mordant, surtout quand on considère les intentions
déjà connues du ministère de l'Environnement ainsi que les
expériences reliées à l'utilisation des pesticides,
isolées peut-être, mais de plus en plus nombreuses, qui ont
été néfastes, tant pour la santé que pour
l'environnement. Sans vouloir être alarmistes, nous croyons qu'il vaut
mieux prévenir que guérir, et c'est dans cette optique que nous
vous invitons à considérer ce mémoire et à lui
donner les suites indiquées.
Nous vous remercions, M, le Président, du temps que vous nous
avez accordé. Même si notre mémoire est relativement court,
comme les autres, nous n'avons pas eu tout le temps que nous aurions
souhaité. Ce n'est pas un domaine dans lequel on est massivement
impliqués, mais c'est quand même un domaine qui nous
préoccupe hautement.
Le Président (M. Rochefort): Merci, M. Leguerrier. M. le
ministre.
M. Lincoln: M. Leguerrier, merci de votre mémoire. Vous
avez souligné vous-même qu'il était court; mais
malgré cela, il apporte sûrement des observations pertinentes et,
en même temps, très importantes. Dans ce sens, on le
considère avec le plus grand sérieux. Je pense que le point
central de votre mémoire, c'est le fait que nous ne nous sommes pas
servi de la Loi sur la qualité de l'environnement et que, de ce fait,
nous avons diminué l'impact de la loi et peut-être diminué
aussi le cadre de la lutte envers les pesticides dans l'environnement. Je
voudrais vous souligner ce que j'ai essayé d'expliquer hier à un
intervenant qui en a fait le point central de son mémoire, et au
début de cette commission parlementaire, où cela a
été le cas aussi.
Je peux vous assurer que c'est une décision qui a
été prise avec beaucoup de recul et de réflexion. Nous
avons commencé par... En fait, je l'ai; j'ai montré cela hier. Le
dossier rouge est le dossier de travail sur ce projet de loi, dans lequel on a
essayé d'élaborer des textes, comme vous l'avez souligné,
comme vous l'avez suggéré, pour inclure une section sur les
pesticides dans la Loi sur la qualité de l'environnement. C'est
un travail majeur parce que la Loi sur la qualité de
l'environnement est une loi-cadre, donc très générale,
où les pesticides sont seulement un des centaines et des centaines de
contaminants que la loi peut couvrir. Ceci veut dire qu'il faudrait tellement
d'amendements à la loi pour apporter une habilitation
particulière par rapport à un contaminant, surtout dans le cadre
juridique actuel, qui est beaucoup plus strict que le cadre juridique qui
s'appliquait en 1972, quand la Loi sur la qualité de l'environnement a
été adoptée, et où des dispositions très
larges étaient données, étaient permises qui ne le sont
pas aujourd'hui dans le cadre réglementaire de notre loi où il
faut situer exactement les paramètres d'une réglementation
future.
Donc, lorsque nous avons essayé de faire ce travail, qui
était notre premier objectif pour nous-mêmes, nous avons produit
des ébauches - il y en a plusieurs qu'on pourra certainement vous
montrer - qui sont arrivées devant le comité
interministériel. Il y a tout un cheminement à faire pour les
lois. Partout, la constatation a été que c'était une loi
presque illisible. Il y avait tellement d'amendements, tellement de
références que personne, surtout nous-mêmes qui travaillons
avec les lois... Il y avait des légistes qui ne pouvaient pas comprendre
le sens de la loi, c'était tellement compliqué. Ils ont dit:
Comment voulez-vous qu'un citoyen prenne une loi comme cela et qu'il sache ce
que vous voulez faire? C'était une première raison.
Il y avait une deuxième raison. Nous avons consulté les
provinces canadiennes, les États américains. Pour plusieurs
raisons, après avoir examiné les deux côtés de la
médaille... La dernière province a été la
Nouvelle-Écosse, qui a été l'avant-dernière, avant
nous, à faire une loi sur les pesticides et qui a une loi sur la
qualité de l'environnement. Après avoir examiné le pour et
le contre, ils sont arrivés à la même conclusion que nous
et ils ont eu à faire une loi particulière. Il y a le fait, qui a
été souligné par un intervenant, qu'il y a la loi
fédérale sur les pesticides et les produits antiparasitaires avec
laquelle il faut faire une concordance. C'est une loi particulière.
C'est encore un autre argument. C'était tout ce jeu de choses qui nous a
presque obligé à aller de l'avant avec une loi
particulière. En fait, le comité de législation de
l'Assemblée nationale a dit: Votre première esquisse ne peut pas
passer, ce n'est pas acceptable. Il faut refaire une loi sur les
pesticides.
J'ai aussi souligné qu'une des personnes les plus
éminentes au Québec, qui a participé à la
rédaction de la Loi sur la qualité de l'environnement, au
début, qui a été un de ses plus grands promoteurs, qui a
participé activement, qui a été une des personnes qui a
écrit la loi, nous a recommandé le même cheminement, soit
de faire une loi particulière. Après tous ces avis, il y avait
surtout le dernier point que si, par exemple, nous avions inscrit un amendement
sur les pesticides à la Loi sur la qualité de l'environnement, il
avait fallu toucher à certains articles fondamentaux, par exemple les
articles 20 et 22. L'article 22 est d'une portée générale;
il est immense. Aujourd'hui, on ne pourrait pas le "recapturer". Si on faisait
aujourd'hui un article 22 comme celui-là dans une loi, il ne serait pas
acceptable dans le cadre juridique actuel. Comme là, c'est acquis; on
nous a donné un avis juridique que si on commence à toucher
à cela en faisant des amendements pour un contaminant particulier, on
diminuera sa portée potentielle parce qu'à un moment
donné, il va être testé en cour, et celle-ci va dire: On va
l'appliquer à un produit particulier. Il faudra faire la même
chose pour tous les autres contaminants. On nous a dit: Laissez cela comme
ça. Cela a une portée beaucoup plus grande.
Ce qui se passe aujourd'hui, c'est que, vu tous les intervenants qui ont
souligné la question, nous allons préciser que la loi sur les
pesticides ne porte nullement atteinte à l'intégrité de la
Loi sur la qualité de l'environnement. On va préciser trois
choses: premièrement, que les pesticides sont certainement un
contaminant selon la Loi sur la qualité de l'environnement, pour faire
un lien; deuxièmement, que toutes les dispositions qui ont trait
à l'accès du public à l'information vont s'appliquer dans
la loi des pesticides; troisièmement, qu'il y aura une disposition qui
va stipuler que l'intégrité de la Loi sur la qualité de
l'environnement va s'appliquer totalement, c'est-à-dire que tout le
poids de la Loi sur la qualité de l'environnement va toujours être
là, mais que cette loi sur les pesticides, pour les raisons que je vous
ai données, est une loi particulière. (17 h 45)
Maintenant, pourquoi toutes les normes et les dispositions que vous avez
notées avec beaucoup de pertinence ne sont-elles pas dedans? C'est parce
qu'on voulait faire une loi-cadre. Il y a deux façons de
procéder. Vous pouvez mettre toutes les dispositions dans une loi.
À ce moment-là, ce qui arrive dans le cas des pesticides
où vous avez des changements évolutifs presque constants, c'est
que vous avez besoin d'amender la loi. Quand vous avez besoin d'amender une
loi, je pense que tous les intervenants autour de la table vous diront que
c'est un processus très lourd. Il faut passer par le processus
législatif, par les comités interministériels. Amender une
loi est presque interminable, mais amender un règlement se fait beaucoup
plus facilement. On donne un avis de changement de règlement et c'est
beaucoup plus flexible.
Comme le domaine des pesticides est nouveau pour nous et évolue
constamment, il faudra changer la classification des pesticides
eux-mêmes, changer la classification des utilisateurs, changer tout le
système des permis lorsqu'il y aura eu une évolution
là-dedans. Il faut avoir un système où on peut changer les
règlements assez facilement. C'est la raison pour laquelle beaucoup de
dispositions et de normes seront contenues dans une réglementation qui
deviendra publique à Pété pour consultation.
En ce qui concerne les agriculteurs et les sylviculteurs, je
répète que l'intention est de les inclure. Il y a une disposition
permettant de les inclure à une date ultérieure. Il y a
déjà des négociations avec ces deux secteurs pour les
inclure. Là aussi, ils seront sujet à une réglementation
qui sera prépubliée.
Je voudrais toucher à quelques éléments. Par
exemple, la recherche sur laquelle vous avez mis l'accent. Tout à
l'heure, nous discutions du sujet avec le Dr Nantel, qui en avait fait la
pièce centrale de son mémoire. Il avait, lui aussi,
souligné qu'on devrait mettre l'accent sur la recherche. Je sais que
vous avez suggéré que la loi ne dise pas "peut" mais qu'elle dise
"doit" conduire des programmes de recherche. On va considérer cela. Il y
a des raisons pour lesquelles on a dit "peut", parce que parfois des choses
sont impossibles à faire pour des raisons financières ou
d'autres. C'est pourquoi le législateur se donne une marge de manoeuvre.
En tout cas, on va considérer cela de très près.
Je voulais vous poser quelques questions sur certaines parties de votre
mémoire. Par exemple, vous suggérez, concernant la classe et la
nature des pesticides, que la loi contienne une section consacrée aux
pesticides dont la vente et l'utilisation seront permises, d'une part, ceux
dont ces aspects sont prohibés et les catégories auxquelles ils
appartiennent. Pourriez-vous me donner une explication de ce que vous
recherchez?
M. Leguerrier: D'accord. Je pense que dans le document que le
ministère de l'Environnement a produit préalablement à la
loi, il en est question. Je vais demander au Dr Gingras s'il veut nous
préciser ces aspects des classes qui sont, si j'ai bien compris,
liés au degré de toxicité des produits qui peuvent
être utilisés.
M. Gingras (Benoit): En réalité, on fait allusion
aux classes fédérales qui sont déjà en vigueur,
mais de façon que cela soit inclus dans la loi. C'est-à-dire que
les classes déterminées par la loi fédérale sont
différentes de celles suggérées actuellement dans les
documents qui ont conduit à l'élaboration de l'avant-projet de
loi que vous avez présenté. Nous croyons important de
concrétiser dans la loi les classes des pesticides qui, en termes de
degré de toxicité, rendraient leur utilisation dangereuse pour
les utilisateurs ou les gens qui en font l'application.
M. Lincoln: Dans le domaine privé, par exemple, vous avez
fait une suggestion pour ce qui est des arrosages sur les terrains domestiques.
Vous recommandez que la loi permette aux propriétaires de terrains
privés le droit de refuser des arrosages manuels de pesticides sur leurs
terrains. Pourriez-vous me dire si vous avez en vue des arrosages
aériens par exemple, ou bien, des arrosages faits par un voisin qui
pourraient avoir un impact sur le terrain d'un autre?
M. Leguerrier: Je peux demander à M. Malenfant de donner
un exemple précis de ce qui s'est produit dans sa région pour ce
qui est de l'arrosage des pesticides pour la tordeuse de l'épinette.
M. Lincoln: Bon.
M. Malenfant (Gaétan): Je vais vous donner un exemple tout
à fait récent qui date de l'été dernier et qui me
concerne personnellement. Je suis membre du Syndicat des producteurs de bois du
Bas-Saint-Laurent parce que j'ai une terre de bois. Le syndicat a
procédé à des arrosages contre la tordeuse des bourgeons
de l'épinette avec l'insecticide Bt dans la région où je
demeure. On m'a demandé si j'étais d'accord qu'on arrose ma
terre. J'ai refusé; je n'ai pas signé le papier les autorisant
à arroser. De toute façon, ils ont arrosé quand
même. Le plus beau du tour c'est que j'ai reçu une lettre me
remerciant d'avoir participé au programme. Je me dis: Que vaut te droit
de refus dans des cas comme cela? C'est absolument inutile. Il faut vraiment
asseoir cela sur quelque chose de sérieux. Il faut avoir de quoi faire
valoir nos droits dans la loi.
Cela vaut aussi pour les voisins qui se font arroser, surtout quand
c'est aérien. On pense aux agriculteurs qui arrosent leurs champs.
Souvent on ne tient pas compte des vents. Alors, la dérive arrose le
champ d'à côté. Cela arrive souvent quand ce sont des
producteurs dont les voisins pratiquent une agriculture dite biologique. Quand
le voisin arrose son champ en avion et que toi, tu fais une culture biologique,
cela vient mêler les cartes. It faudrait que les gens qui ne
désirent pas être arrosés puissent se prévaloir de
quelque chose dans la loi. C'est aussi valable pour les arrosages
d'Hydro-Québec le long des lignes de transmission, à la fois de
transport et de distribution. J'ai vu, l'été dernier aussi, qu'on
arrosait tout près de chez moi et sans me prévenir qu'on
arrosait. Ces choses sont quand même dangereuses.
M. Lincoln: Je comprends très bien le sens de votre
demande. C'est pourquoi je suis content d'avoir posé la question parce
c'est un exemple frappant qui explique cela bien mieux que des explications
théoriques.
Mon temps s'achève, il va falloir que je cède la parole
à mon collègue de l'Opposition. J'aimerais poser une
dernière question au Dr Gingras et à sa collègue qui
s'occupent du domaine du travail. Pourriez-vous nous donner des
expériences que vous avec vécues dans ce domaine quant à
l'impact des pesticides sur la santé? Sans aller bien loin, mais
peut-être un ou deux exemples frappants comme cela qui pourraient nous
illustrer les problèmes de façon graphique.
M. Gingras: Mon expérience est surtout au regard de
l'utilisation des pesticides par les agriculteurs. Depuis quatre ans, je suis
en contact assez fréquemment avec ce groupe d'utilisateurs qui, on l'a
dit plusieurs fois, utilisent une très grande quantité de
pesticides, mais aussi une grande variété de pesticides, dont
certains sont parfois très toxiques. À l'occasion, ils utilisent
aussi des pesticides moins toxiques, donc, qui sont inclus dans une classe
qu'on considère comme moins dangereuse et cela fait allusion aux classes
dont on parlait tout à l'heure. Mais compte tenu de la quantité
impressionnante utilisée, il est certain que l'impact sur leur
santé en tant qu'utilisateurs - et j'exclus en parlant comme cela
l'impact sur l'environnement parce qu'il y a des gens qui sont beaucoup plus
experts que moi dans ce domaine - l'impact sur la santé des agriculteurs
eux-mêmes comme utilisateurs devient très grand, même s'ils
utilisent un produit en particulier, par exemple, qui pourrait être
considéré comme moins toxique. De façon
générale, les agriculteurs ne connaissent pas couramment les
risques que représentent les produits qu'ils utilisent. Ils ont appris
à travailler d'une certaine façon avec des produits dont ils ne
connaissent pas la nature. Il est, bien sûr, déjà
très difficile, même avec une volonté de formation,
même s'ils le voulaient bien. Ils ne sont pas de mauvaise foi ni de
mauvaise volonté dans ce sens, ils voudraient bien avoir une formation
plus grande; mais ils ont déjà développé beaucoup
d'attitudes et d'habitudes de travailler avec des produits dont ils ne
connaissent pas la toxicité. Il est courant de voir les agriculteurs,
quand il fait chaud au printemps, faire des pulvérisations, torse nu. La
dernière fois que je parlais comme cela à un producteur
récemment, il disait qu'il avait hâte d'arriver au bout du champ
parce qu'en revenant, par exemple, les petites bruines qu'il avait dans le dos
le rafraîchissaient, parce qu'il faisait très chaud. Ce n'est pas
une blague. D'autres utilisations sont faites, par exemple, dans les
bâtiments.
Je peux vous dire que quand on parle de la formation des producteurs,
pour ce qui est de ces produits, souvent ils considèrent que ce n'est
pas un problème pour eux. Ils utilisent un produit et ce n'est pas trop
dangereux. On fait régulièrement des rencontres d'information,
précisément sur certains produits. La réponse, en
général, à cette invitation, qui est organisée par
l'UPA et non pas par le CLSC, est d'environ 5 %. Les gens ne se
considèrent pas comme impliqués dans cette question.
Un autre aspect, rapidement, c'est l'encadrement qu'on prétend
que les agriculteurs ont par les agronomes des bureaux locaux, par exemple, du
ministère de l'Agriculture, ou encore par les agronomes ou par les
vendeurs de pesticides. Les agronomes eux-mêmes - dans notre
région, en tout cas - avouent très souvent qu'ils ne sont pas en
mesure d'apporter des renseignements d'ordre sécuritaire concernant les
pesticides et je peux vous affirmer qu'on en a fait plusieurs fois
l'expérience.
C'est la même chose en ce qui a trait aux vendeurs, que cela soit
les coopératives ou les vendeurs itinérants. Il suffit qu'un
vendeur soit plus loquace qu'un autre pour passer son produit, même si
son produit est nettement plus toxique alors qu'un autre produit d'une autre
compagnie pourrait être moins toxique avec les mêmes
résultats.
J'ai peut-être été très long, mais il fallait
mentionner que la protection des utilisateurs dans le milieu agricole n'existe
pas. Il ne semble pas encore, malgré beaucoup de pression même du
milieu local, l'UPA, très ouvert à recevoir de l'information et
de la formation en ce qui concerne ces produits et, dans ce sens, je pense
personnellement que l'incitation à la formation devrait être
peut-être plus pressante que ce qui apparaît dans la loi.
Mme Langlais (Michelle): J'aimerais peut-être
compléter un peu ce que vient de dire le Dr Gingras. L'expérience
que j'ai dans mon milieu ressemble un peu à celle que vient de citer le
Dr Gingras, dans le sens que ce sont des rencontres avec des producteurs, et ce
qui en est ressorti, c'est vraiment cela.
Pour répondre à votre question plus particulière
sur l'impact sur la santé des utilisateurs, on n'a pas, chez nous, de
données concrètes là-dessus. Comme le disait tout à
l'heure le Dr Nantel, les symptômes sont très vagues.
C'est-à-dire que les producteurs peuvent peut-être se plaindre
qu'ils ont des maux de tête, des pertes d'appétit, mais ils ne
font pas nécessairement de lien avec le fait qu'ils utilisent des
pesticides. Il n'y a pas de données concrètes comme cela. C'est
là qu'est le danger, justement. Les producteurs agricoles ne sont pas
conscients qu'ils utilisent des produits
toxiques et dangereux parce que ces produits sont faciles d'accès
et aussi parce qu'ils n'ont pas d'information des personnes qui les leur
vendent, que ce soit les vendeurs ou les agronomes. Il y a donc
énormément de risques dans ce domaine. Il y a un impact, mais on
le connaît très peu. On connaît l'impact sur
l'environnement, mais sur la santé, on le connaît très peu
à cause des symptômes qui sont très vagues.
Une voix: Je crois que M. Leguerrier veut ajouter quelque
chose.
M. Leguerrier: Si vous me le permettez, on a tous des exemples.
Je pense qu'on a lu l'an dernier, dans les journaux, que dans l'ouest de
Montréal, par exemple, on a arrosé des pelouses et des enfants se
sont retrouvés avec des problèmes. Dans ce cas, on a fait un lien
très direct. Mais quand un individu se présente chez le
médecin, on lui demande si c'est un accident de la route, un accident du
travail ou une maladie générale, et l'intoxication aux pesticides
passe dans les maladies générales parce qu'on n'en relève
pas les présomptions comme telles. (18 heures)
Une de nos recommandations que l'on trouve importante - j'en jumelle
deux - c'est celle de l'information et celle de l'étiquetage. Si les
gens sont mieux informés par un étiquetage véritablement
adéquat, il y a des possibilités de prévention et on
n'aura pas besoin d'intervenir, probablement. Le problème réside
dans la non-connaissance de l'ensemble des gens. Vous savez, comme moi,
qu'aujourd'hui on peut aller à peu près n'importe où
acheter des pesticides au marché libre. Il faudrait que ce soit
réglementé. Si on a un bon étiquetage et qu'on a aussi des
programmes d'information et d'éducation - quand je dis cela, je parie de
programme, en général... Quand dit-on, à la
télévision ou à la radio, comment disposer des pesticides?
Quand dit-on, dans des annonces promotionnelles sur la prévention, que
c'est dangereux? Ce sont des aspects que l'on trouve importants qu'ils soient
pris en considération, et non pas uniquement la certification, etc. On
trouve cela aussi important, mais on insiste également sur les aspects
préventifs liés aux actions à poser, dans cette loi.
Le Président (M. Rochefort): Cela va? M. le
député de Terrebonne.
M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président, Vous disiez que
votre rapport est court. Je tiens à vous dire qu'il est franc, qu'il est
clair et qu'il parle beaucoup par ses recommandations qualitatives qui, elles,
parlent très haut. On volt, par la teneur de vos recommandations, que
vous êtes près de la population et, au législateur, vos
recommandations servent beaucoup. Je sais, malgré la franchise de ce
document, que le guerrier que vous êtes ne venait pas livrer bataille
sanglante aux législateurs que nous sommes.
M. Leguerrier: Mon nom est pacifique.
M. Blais: Mon père s'appelle Pacifique, mais je ne suis
pas un engin.
Vous êtes le dernier groupe que nous avons sous la dent. Vu que
vous nous avez dit que vous auriez prévu un avant-projet de loi plus
mordant, j'irai à la page 4 de votre rapport, où vous dites que
le "Sommaire de la problématique et de la politique d'intervention
proposée par le ministère de l'Environnement", document que vous
avez eu et qu'on a eu en avant-projet, et le deuxième, "Pour une
utilisation rationnelle des pesticides au Québec", c'étaient des
documents que vous avez considérés comme mordants, d'une bonne
dentition; et qu'après, vous vous retrouvez avec un avant-projet de loi
qui vous semble "partiel". Vous dites: "Toutefois, après avoir pris
connaissance de ces deux ouvrages, nous nous attendions que cet avant-projet de
loi, qui en est issu, vienne confirmer ces énoncés".
Je vais vous poser la question suivante. Vous êtes vraiment le
dernier groupe. Vous savez que c'est aride, cette salle. Je vais essayer, tout
en posant des questions sérieuses, d'y mettre un peu plus d'humour, vu
qu'on vous a retardés dans votre présentation.
Vous croyez que cet avant-projet de loi ne représente pas les
intentions qu'annonçait le ministre par ses documents de base; c'est ce
que vous pensez, c'est ce que vous écrivez. J'aimerais vous demander sur
quels points vous sentez cette faiblesse de l'avant-projet de loi, les deux ou
trois principaux points où vous sentez une faiblesse qu'il faut à
tout prix corriger.
M. Leguerrier: Je vais demander tantôt à mes
collègues de m'aider à préciser. Je pense que toute la
question de la classification et de la nature des pesticides que l'on avait
retrouvée dans les documents était un élément
important qu'on aurait aimé voir se traduire comme tel dans cet
avant-projet de loi; donc, c'est un des éléments importants. Je
pense également à toute la question de la recherche qui est
Impliquée là-dedans. Je vais demander à mes
collègues de préciser certains aspects. Peut-être M.
Gagnon. Oui, Maurice.
M. Charlesbois (Maurice): Si l'on veut préciser deux ou
trois points centraux, il y a ceux qui ont été mentionnés
par rapport à la classification, au moins d'introduire de grandes
catégories pour encadrer... La
classification, c'était le premier élément et, la
recherche, le deuxième. L'étiquetage et l'information, dont on a
parlé tout à l'heure, est un autre point important,
c'est-à-dire s'assurer, quant à une réglementation de
l'étiquetage ou quant à des dispositions concernant
l'étiquetage, que les utilisateurs peuvent prévenir
eux-mêmes des situations dangereuses, alors un étiquetage visuel,
clair, etc., qui tient compte du fait que les gens utilisent ces produits
depuis longtemps et... enfin, leur éviter d'avoir à lire le petit
livre en caractères très fins de 22 pages dans la boîte. Il
pourrait y avoir tout un code visuel de développé, comme cela
s'est fait dans les produits domestiques.
M. Blais: Y a-t-il autre chose? Oui, M. l'arrosé.
M. Leguerrier: Oui, je pense qu'une des choses qui est
importante, c'est toute l'exclusion des cultivateurs, des agriculteurs du
projet de loi, qui était mentionnée dans cette étude. Je
ne sais pas si...
M. Malenfant: C'est pour insister sur le fait que, dans le fond,
ce sont des produits dangereux que l'on retrouve, de par l'agriculture, tout
près des résidences des agriculteurs et, à la fois, des
villages agricoles. Chez nous, des études ont été faites
par le Département de santé communautaire de
Rivière-du-Loup qui ont démontré que dans le cas des
arrosages au Bt, ou bacillus thuringiensis, les populations environnant les
blocs d'arrosage ont été atteintes, même à une
distance de 12 kilomètres, et même 20 kilomètres, qu'il y
avait du Bt dans l'air jusqu'à 20 kilomètres des territoires
arrosés, souvent même plus.
Si on en retrouve sur d'aussi grandes distances, quand on cultive
près des résidences et des villages et qu'on... Les agriculteurs
ne prennent pas nécessairement toujours de précautions parce
qu'on ne sait pas que cela représente un risque; alors, on va arroser
même lorsqu'il vente, en plein soleil... Donc, la dérive que
l'ensemble du village reçoit est souvent... En tout cas, on me disait
encore l'été dernier, dans certaines rues proches des villages:
Les enfants ont été malades cette semaine, et cela a
adonné qu'il y avait eu des arrosages durant la même semaine.
Alors, ce sont des choses flagrantes et la raison pour laquelle il faudrait
inclure absolument l'agriculteur.
M. Blais: M. le Président, j'aurais une autre question.
À la page 8 de votre mémoire, le dernier paragraphe: "Nous
recommandons donc que seuls les organismes publics ou des firmes
spécialisées en formation soient habilités à
concevoir et dispenser les sessions de formation s'adressant aux utilisateurs
de pesticides. En aucun temps, les fabricants et fournisseurs de pesticides ne
devraient être directement impliqués dans de telles
activités."
Je trouve personnellement que ce paragraphe parle par lui-même,
mais vous savez que nous ne comprenons que la troisième ou la
septième fois que l'on se fait dire quelque chose. Pourquoi cette
recommandation? Que veut-elle dire?
M. Leguerrier: Je pense que le groupe qui nous a
précédés a parlé de ses compétences dans le
domaine de la formation comme telle, et c'était éloquent. Je
pense que si on veut véritablement avoir une information et une
formation adéquates, il faut aller chercher cette formation dans les
organismes qui ont la compétence pour la préparer et non pas
les... Bien sûr, les fabricants peuvent y contribuer, si vous voulez, un
peu comme dans les universités, les compagnies contribuent à
améliorer l'état de la connaissance, mais la formation devrait
être distribuée, donnée par des groupes neutres qui n'ont
pas d'intérêts à défendre dans leur formation mais
qui ont tout intérêt à faire la formation la plus
scientifique et la plus correcte possible. C'est tout simplement cela. C'est
d'éviter que les fabricants soient mis eux-mêmes en conflit de
rôles, si ce n'est pas en conflit d'intérêts, en ayant des
responsabilités de formation pour des produits pour lesquels ils
défendent, bien sûr, des éléments et pour
lesquels... On sait comment c'est difficile pour les compagnies de donner
toutes les informations au ministère; le Dr Nantel y a fait allusion.
Alors, nous pensons que ce ne serait pas correct de laisser à ces
compagnies le soin de faire la formation. On pense qu'il existe des
cégeps, des universités, un réseau d'éducation et
même des entreprises privées dans le domaine de la formation qui
pourraient faire cette formation.
M, Blais: Malgré qu'on tarde à avoir des CLSC aux
derniers endroits où il devrait y en avoir, je vous poserai la question
suivante: Est-ce que les CLSC seraient intéressés à avoir
une banque de données? On va ramasser, par cette loi, des banques de
renseignements de toutes sortes, des amoncellements, bien sûr, sous
l'égide du ministère de l'Environnement, qui ferait la
coordination. Est-ce que la décentralisation de ces données, qui
seraient disponibles pour l'information du public, pourrait être tenue
dans vos établissements'?
M, Leguerrier: II est difficile, peut-être, de concevoir
aujourd'hui exactement comment on pourrait le faire, mais il est clair que les
intervenants des CLSC pourraient utiliser des données qui existeraient
dans une banque. Il n'est peut-être pas nécessaire qu'elle soit
toujours toute
décentralisée. Mais ils pourraient, même si on a des
parties des données décentralisées, utiliser des
données comme celles-là, soit pour donner de l'information
è la population, soit pour faire de l'éducation auprès de
groupes cibles particuliers, soit encore pour sensibiliser les intervenants,
que ce soit les médecins, les infirmières et le reste du
personnel, aux aspects néfastes des pesticides et à
reconnaître les symptômes afin de ne pas émettre un
diagnostic de gastro-entérite quand il y a véritablement lieu
d'aller chercher un peu plus loin, parce qu'on connaît les effets de ces
pesticides ou de ces produits.
M. Blais: Mon cher M. le président, j'ai mes deux
questions traditionnelles à' vous poser en terminant. Je sais qu'elles
sont fastidieuses, mais il me faut les réponses.
Plusieurs personnes et groupes qui sont venus ici nous ont
recommandé qu'il y ait une taxe spéciale sur les pesticides afin
de créer un fonds de recherche pour l'éducation, la formation et
la publicité sur les pesticides dans la population. Seriez-vous
d'accord, votre organisme, avec une telle taxe'
Deuxièmement, pourquoi vous, qui êtes si près de la
population, n'avez-vous pas dans votre mémoire, de façon
particulière, et dans vos recommandations les plus virulentes,
demandé que dans ce projet de loi il y ait des articles qui incitent
à la diminution de l'utilisation? Le projet qu'on a ne regarde que la
sécurité de l'utilisation. Vous m'entendez bien?
M. Leguerrier: En ce qui concerne votre premier point, la
recherche, nous ne nous sommes pas prononcés. Nous n'avons pas
proposé une taxe spéciale. Cependant, ce que nous disons, c'est
que le ministre devrait recevoir un mandat clair; il devrait "devoir" faire de
ia recherche. Le domaine des moyens, comme les taxes, appartient au
législateur. En tout cas, nous ne taxons pas dans les CLSC. Les
commissions scolaires le font, mais on ne souhaite pas le faire. Le domaine des
moyens appartient, dans le fond, au législateur. Cela pourrait
être une taxe générale, puisque cela touche toute la
population. Mais ce sur quoi nous insistons, c'est que le ministre doit se
préoccuper de recherche et d'éducation dans le domaine des
pesticides.
Concernant votre deuxième question, je suis obligé de la
relier à la première. Bien sûr, on n'a pas fait la
recommandation, d'une façon spécifique, qu'on recherche d'autres
moyens que les pesticides qu'on utilise actuellement, mais nous sommes
très certainement préoccupés. Quand on dit que le ministre
doit faire de la recherche, cette recherche ne doit pas porter, à mon
avis, uniquement sur les conséquences des pesticides; elle doit porter
également sur la substitution de moyens naturels pour essayer
d'éliminer cette question des pesticides le plus possible et trouver
d'autres moyens que les pesticides pour répondre aux besoins qui
existent dans l'environnement. On n'en a pas fait une question
spécifique, mais pour nous, elle est incluse dans le domaine de la
recherche. C'est pour cela qu'on pense que le ministre "doit" plutôt que
"peut" s'impliquer dans la recherche.
M. Blais: Quant à moi, M. le Président, je tiens
à vous remercier beaucoup de la qualité de votre rapport. Je vous
remercie aussi de la façon sérieuse, mais tout en ayant un
sourire aux lèvres, dont vous nous avez présenté une telle
chose en étant vindicatifs et revendicateurs. On volt qu'on peut exiger
des choses en le faisant de façon diplomatique et de façon polie.
Vous en êtes le symbole et je vous en remercie.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Nicolet.
M. Richard: M. le Président, j'aimerais m'adresser au Dr
Gingras. Dans le court document que vous avez présenté à
l'appui de la Fédération des CLSC, vous mentionnez à
plusieurs endroits "obligatoire", "données", "renseignements",
"obligatoire", "titulaire d'un certificat". Vous mentionnez aussi que, dans le
milieu agricole, carrément, il n'y a pas que des pesticides, il y a tous
les "cides" qu'on voudra. La seule chose que vous ne mentionnez pas, et cela
sous-tend formation, cela sous-tend beaucoup d'informations... Ma question sera
très directe: Est-ce que vous pensez que dans la formation, en
matière agricole particulièrement, l'UPA devrait s'impliquer?
M. Gingras: Je crois...
M. Richard: Je ne vous avais pas fait parvenir la question avant.
(18 h 15)
M. Gingras: Non, ça va. Remarquez que j'ai l'air
d'hésiter, mais j'y ai déjà quand même
réfléchi, j'en ai déjà discuté. Je crois que
l'UPA est un organisme habilité à diffuser et à organiser
la formation de ses membres. Je crois, toutefois, que l'UPA n'est
peut-être pas actuellement habilitée à concevoir seule
cette formation. De toute façon, l'UPA collabore souvent avec le
ministère de l'Éducation aussi pour la conception et la diffusion
de l'information en ce qui concerne les différents secteurs de formation
en agriculture et non pas seulement sur les pesticides. Maintenant, c'est
certain que la formation est absente en ce qui concerne l'utilisation des
pesticides. Je crois que l'UPA seule n'est peut-être pas actuellement
habilitée à concevoir cette formation.
M. Richard: Vous croyez que cela devrait Être l'UPA?
M. Gingras: Qui fasse...
M. Richard: Le travail de formation. C'était ma
question.
M. Gingras: Je pensais y avoir répondu. Je pense que l'UPA
peut organiser la formation mais non pas la faire seule.
Le Président (M. Rochefort): M. le ministre, pour le mot
de la fin.
M. Lincoln: Merci beaucoup, M. Leguerrier. Je pense qu'il n'est
pas nécessaire de souligner l'importance de votre organisme comme
instrument de base en contact continuel avec les citoyens. Donc, les
observations que vous avez apportées ici sur des faits réels qui
se sont passés, surtout vos recommandations très
sérieuses, critiques mais constructives, seront prises très au
sérieux et traitées avec beaucoup d'intérêt par le
ministère. Je peux vous en assurer. Merci beaucoup d'être venus,
vous et vos collègues.
Le Président (M. Rochefort): Je veux moi aussi vous
remercier de votre présence parmi nous de même que de votre
contribution à nos débats. Avant de conclure nos travaux, est-ce
que vous souhaitez conclure la commission, M. le ministre?
Conclusions
M. Clifford Lincoln
M. Lincoln: Oui, je voudrais dire un mot pour conclure. Je
voudrais, M. le Président, remercier tous mes collègues de chaque
côté de la Chambre qui ont participé aux travaux de la
commission. Je pense qu'on travaille chacun pour des objectifs convergents,
c'est-à-dire d'essayer d'améliorer la vie de nos concitoyens. En
même temps, nous avons des contraintes. On défend des positions
démocratiques, mais opposées par le fait même du jeu
parlementaire. Mais je pense que cette commission s'est déroulée
dam un esprit parlementaire très positif.
C'est sûr qu'il y a eu beaucoup de critiques faites sur le projet
de loi. C'était le but, d'obtenir des observations et des commentaires
qui aident à le bonifier. Mais je pense que cela s'est fait dans un
esprit constructif et très courtois. Je remercie et félicite le
critique de l'Opposition ainsi que son groupe pour leur participation à
ces travaux, de même que mes collègues du côté
ministériel et vous aussi, M. le Président, pour avoir
présidé la commission avec un doigté et une courtoisie
exceptionnels. Merci.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Terrebonne.
M. Blais: D'abord, il y a une question, M. le ministre, que je
voudrais vous poser avant la fin. Vous nous aviez dit que vous apporteriez le
rapport d'Hydro-Québec sur cet avant-projet de loi.
M. Lincoln: Oui, c'est vrai. Vous faites bien de le souligner. Ce
qui est arrivé, c'est que le ministre de l'Énergie et des
Ressources est absent du Québec jusqu'au 28 février. Apparemment,
le rapport est à son cabinet, mais sans son assentiment, ils n'ont pas
voulu le rendre public. Je vais le contacter dès son arrivée pour
essayer d'obtenir le rapport le plus tôt possible. Je vous promets que
dès que je l'aurai obtenu, je vous le ferai parvenir.
M. Yves Blais
M. Blais: M. le Président, si vous me le permettez, j'en
aurais pour environ deux minutes à essayer de résumer un peu les
consultations que nous avons faites.
Je pense que la qualité professionnelle des groupes que nous
avons reçus et leurs recommandations pertinentes seront d'une aide
précieuse pour les législateurs que nous sommes.
Deuxièmement, je pense que je dois regretter ici le manque de
concordance qualitative entre les documents de base de l'avant-projet de loi et
le libellé de l'avant-projet de loi lui-même.
En ce qui concerne la consultation, les leçons à retenir
sont que les gens nous ont dit que le texte était un peu faiblard parce
que trop d'utilisateurs ne sont pas concernés par cette loi;
deuxièmement, la réglementation viendra encore réduire sa
portée, parce que le ministre aura le pouvoir d'éliminer des
pesticides de la loi; troisièmement, il ne prévoit pas de moyens
de récupération des résidus; quatrièmement, il ne
comporte aucun moyen de provoquer la diminution de l'utilisation quantitative
des pesticides. Il n'y a pas non plus de création de bureaux de
recherche pour trouver des moyens compensatoires aux pesticides. Il ne couvre
pas non plus la publicité qui provoque l'usage abusif des
pesticides.
Ce projet est nébuleux sur l'information, sur la formation des
utilisateurs; il ne comporte aucune façon de parfaire l'éducation
du public, des manipulateurs, des utilisateurs et des vendeurs. Il minimise
l'impact positif que tient actuellement la Loi sur la qualité de
l'environnement. Il ne centralise pas la responsabilité au ministre de
l'Environnement; et cela, je le regrette, parce qu'il reste des
autorités sur la qualité de l'environnement au ministère
de l'Énergie et des Ressources, par
Hydro-Québec; aux services sociaux, à l'Éducation;
aux agriculteurs, au ministre de l'Agriculture.
Bref, c'est un projet de loi qui ressemble à un code de
bienséance à l'ancienne, même pas applicable à la
moderne. C'est un écran de fumée de bonne volonté
inspiré par la faiblesse politique d'agir, autant par la
compétence que par la faiblesse des sommes d'argent qui seront
prévues pour que ce projet de loi soit efficace.
Nous nous réservons, à l'étude du projet de loi
article par article, le droit - le droit de l'Opposition - de mettre notre
poids et toute notre conviction pour rendre ce projet au moins acceptable dans
son utilisation au Québec. Cependant, je vous sais gré, M. le
ministre, de votre attitude amicale durant toutes ces consultations.
J'espère que, malgré ma franchise, vous avez trouvé ma
participation constructive; c'est ainsi qu'elle voulait se qualifier. Soyez
assuré que j'espère que la façon dont j'ai
travaillé avec vous et vos confrères et les miens, ainsi que ceux
qui sont venus, c'était pour faciliter votre travail, de sorte qu'il
soit plus positif et plus productif. Sur ce, M. le Président, je vous
remercie.
Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.
M. Clifford Lincoln
M. Lincoln: M. le Président, si vous me permettez de dire
un mot, je ne savais pas qu'à la fin on allait faire un petit sommaire,
un petit débat final, amical. Puisque c'est le sens de la fin, je me
permets de répliquer à certains commentaires du critique de
l'Opposition. Je verrais très mal cette commission parlementaire se
terminer par un enregistrement du Journal des débats qui
qualifierait notre projet de loi de code de bienséance. C'est sûr
que cela peut être une opinion, mais c'est une opinion que je ne partage
certainement pas.
Le Québec est presque 40 ans en arrière de l'Ontario par
rapport à une loi sur les pesticides. Le Québec est six ans en
retard sur une recommandation formelle du Conseil consultatif de
l'environnement qui lui recommandait une loi particulière sur les
pesticides. En passant, c'est une des raisons que j'ai oublié de vous
souligner: c'était une recommandation du Conseil consultatif de
l'environnement, 1940 à 1980, d'avoir une loi particulière sur
les pesticides.
Pour la première fois, nous avons eu au moins le mérite -
peut-être qu'il faudrait que ce soit souligné, mais puisqu'on ne
l'a pas fait, je vais le souligner - de faire un pas bien important, celui
d'avoir eu le courage de légiférer. Peut-être que
légiférer, cela semble plus facile lorsqu'on ne le fait pas. Le
fait est que cela a demandé des mois et des mois de consultation et de
travail, une consultation intense avec tous les milieux concernés, un
document de travail que tous ont accepté comme un document de travail de
premier ordre. Dire que la loi doit être un reflet exact d'un document de
travail, c'est aller bien loin. Une loi, c'est un processus d'habilitation qui
ne peut pas, par la nature même des choses, contenir tout ce que l'on
veut exprimer et accomplir. C'est impossible que cela se fasse dans le cadre
d'une loi. C'est pourquoi une loi prévoit des pouvoirs
réglementaires. C'est pourquoi une loi comme celle-ci, comme le guide de
travail l'a bien expliqué, est basée sur des codes de bonne
pratique qui vont être établis avec tous les grands intervenants,
des cadres de formation qui vont être établis de concert avec les
ministères concernés. Je ne pense pas que le ministère de
l'Environnement cède d'aucune façon ses prérogatives dans
cette loi. Tout au contraire, la loi le responsabilise très ouvertement.
Tous les ministères concernés qui travaillent avec lui savent
très bien que c'est lui le moteur de cette loi. On pourra critiquer la
loi; je suis sûr que l'objet même d'une commission parlementaire
est de dire que ce n'est pas un objet parfait, qu'il faut le parfaire, le
bonifier. Mais en même temps, je pense que c'est beaucoup plus qu'un code
de bienséance.
Je voudrais dire en terminant que le fait même d'avoir
déposé un projet de loi est une expression formelle d'une
volonté gouvernementale, qui ne s'est pas manifestée
jusqu'à aujourd'hui, de régir toute l'utilisation des pesticides.
Je suis certain que le moins qu'on puisse dire est que c'est un pas en avant,
certainement pas un pas en arrière et certainement pas un pas sur place.
On ne reste pas en place, on va en avant. C'est une première
étape, et je suis sûr qu'il y aura des étapes qui vont
suivre. Je remercie tous les gens qui vont nous aider à le bonifier.
M. Blais: Merci, M. le ministre, et je vous offre ma
collaboration. J'admets, parce que je suis un homme positif, que le fait
d'avoir déposé cet avant-projet de loi est certainement un geste
positif dans ia gestion des pesticides au Québec. Votre fair play
parlementaire m'a bien plu durant cette commission, M. le ministre.
Le Président (M. Rochefort): Sur ces bonnes paroles, la
commission ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 18 h 27)