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Version finale

33rd Legislature, 1st Session
(December 16, 1985 au March 8, 1988)

Tuesday, August 18, 1987 - Vol. 29 N° 81

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale portant sur la levée du moratoire sur la conversion des immeubles locatifs en copropriété divise


Journal des débats

 

(Dix heures douze minutes)

Le Président (M. Rochefort): La commission de l'aménagement et des équipements reprend ses travaux ce matin pour une deuxième journée dans le cadre du mandat qui lui a été confié par l'Assemblée nationale quant à une consultation générale que nous tenons sur le document gouvernemental déposé par le ministre responsable de l'Habitation concernant la levée du moratoire sur la conversion des immeubles locatifs en copropriété divise.

Nous entendrons aujourd'hui dans l'ordre les groupes suivants pour une période respective de 45 minutes chacun, divisée en trois blocs: quinze minutes pour la présentation des opinions, des points de vue de l'organisme ou des individus, quinze minutes d'échange avec le parti ministériel et quinze minutes d'échange avec le parti de l'Opposition officielle.

Les groupes suivants défileront devant nous: l'Association de l'immeuble du Québec, la Fédération de l'âge d'or du Québec, le Forum des citoyens âgés de Montréal, l'Association québécoise pour la défense des droits des retraités et préretraités, l'Association de l'âge d'or du Québec et le Conseil des aînés de Notre-Dame-de-Grâce, Me Sylvain Boucher, le Nouveau parti démocratique du Québec, le Parti québécois, conseil régional de Montréal-Centre, le Rassemblement des citoyens et citoyennes de Montréal, la cité de Côte-Saint-Luc, le Conseil des travailleuses et travailleurs du Montréal métropolitain (Fédération des travailleurs du Québec), le Conseil central de Montréal (CSN) et le GRT du nord-est de Montréal.

Je me permets de rappeler à tous les intervenants que l'ensemble des membres de la commission ont déjà reçu vos mémoires, ont déjà eu l'occasion d'en prendre connaissance. Je vous demanderais donc de respecter les règles de quinze minutes consacrées à la présentation de vos opinions quitte à centrer votre intervention sur les points qui vous semblent les plus importants dans les différentes recommandations que vous avez pu faire aux membres de la commission, qui, je le répète, ont déjà reçu vos mémoires, ont eu l'occasion d'en prendre connaissance et ont déjà eu l'occasion de préparer des sujets, des points sur lesquels ils voulaient échanger avec vous.

Donc, avant d'inviter le premier groupe, je demanderais au secrétaire de la commission de nous indiquer s'il y a des remplacements dans la composition de la commission pour aujourd'hui. M. le secrétaire.

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Il faut prendre note que les remplacements qui ont été annoncés hier le sont pour l'ensemble de la commission. Il s'ajoutera un remplaçant pour la séance d'aujourd'hui, à savoir M. Garon, de Lévis, qui va être remplacé par Mme Harel, de Maisonneuve.

Association de l'immeuble du Québec

Le Président (M. Rochefort): Merci. Il n'y a pas d'autre changements? Ça va? Donc, sans plus tarder, j'inviterais l'Association de l'immeuble du Québec à prendre place à la table des témoins, s'il vous plaît!

Bienvenue parmi nous. Je vous demanderais pour l'information des membres de la commission de présenter les personnes qui représentent votre association à la table des témoins et, par la suite, de nous faire votre présentation.

M. Hudon (Pierre): M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs les députés, il me fait plaisir de vous présenter les membres de l'Association de l'immeuble du Québec qui vont présenter le mémoire. À ma droite, M. Claude Morneau, président du comité ad hoc sur la levée du moratoire; à côté de M. Morneau, M. Denis Allard, vice-président des affaires gouvernementales et, à l'extrême droite, M. André Jenkins, directeur des communications pour l'Association de l'immeuble du Québec. À ma gauche, M. Serge Cayer, vice-président et directeur général de l'Association de l'immeuble du Québec, et, à l'extrême gauche, M. Gaétan Marquis, membre du comité ad hoc sur la levée du moratoire.

L'Association de l'immeuble du Québec remercie les membres de la commission de l'occasion qui nous lui offerte de se prononcer sur un sujet aussi important que la levée du moratoire. Nous sommes toujours très heureux de l'excellente collaboration qui existe entre les autorités politiques du Québec et les membres de l'association. Dans un premier temps, je vais faire un portrait

de ce qu'est l'Association de l'immeuble du Québec et, par la suite, M. Claude Morneau vous fera une brève présentation de notre mémoire.

L'Association de l'immeuble du Québec représente plus de 10 000 courtiers et agents qui oeuvrent à travers la province de Québec. L'association a deux fonctions principales: la première, la protection du public, et, la deuxième, la promotion du professionnalisme parmi nos membres.

Comment l'association arrive-t-elle à protéger le public de façon adéquate? Premièrement, par son code de déontologie et, deuxièmement aussi, par un comité de discipline qui prend les sanctions nécessaires lorsque certains membres ne respectent pas le code de déontologie. Pour travailler à cette fonction, nous avon3 à l'association trois syndics à temps plein, et ces syndics peuvent donner une information continue au public.

Au niveau de la promotion du professionnalisme, l'association encourage la formation continue par des cours qu'elle crée elle-même et qu'elle donne à ses membres. Bien entendu, tous les dossiers qui touchent à l'habitation, l'association s'y implique continuellement. À ce sujet, la publication du document Lever le moratoire: une décision qui s'impose nous a grandement intéressés et nous avons décidé de publier un mémoire à ce sujet. Nous avons donc créé un groupe de travail composé de praticiens oeuvrant plus spécialement dans le domaine de la copropriété et M. Morneau, en tant que président de ce comité, vous transmettra les grandes lignes de notre mémoire. Merci beaucoup. M. Claude Morneau.

M. Morneau (Claude): Merci, M. Hudon. M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs les députés, fondamentalement, l'Association de l'immeuble du Québec appuie le projet de permettre la conversion de logements locatifs en copropriété divise tout simplement parce que notre association est heureuse d'encourager toutes les mesures gouvernementales qui favorisent l'accession à la propriété et, ainsi, contribuent à l'essor de notre société. Justement, la levée du moratoire contribue à cet objectif.

Le but de notre intervention est donc de rappeler la nécessité, pour les autorités gouvernementales, de permettre à un plus grand nombre de citoyens du Québec d'accéder à la propriété. Dans cette optique, la levée du moratoire doit être incluse dans une politique globale d'habitation favorisant l'accession à la propriété sans pour autant négliger le domaine du logement social qui nous préoccupe également.

Ceci nous amène à une question fondamentale: Voulons-nous que la majorité des citoyens du Québec soient locataires ou propriétaires? En tant qu'élus, vous avez justement à vous interroger sur le sujet. Quant à nous, notre intention et notre volonté sont claires: nous désirons qu'une majorité de Québécois et de Québécoises deviennent propriétaires de leur logement. Pourquoi, au Québec, je ne sais pas, 65 %, 70 % ou 75 % des gens ne seraient-ils pas propriétaires de leur unité d'habitation?

Voyons maintenant quelques-uns des avantages reliés à l'accession à la propriété. La propriété permet à un ménage de contrôler ses conditions de logement, voire de créer une indépendance additionnelle. Cela lui permet aussi d'accumuler des épargnes; par exemple, se bâtir un patrimoine, une équité en prévision de ses vieux jours. Cela amène aussi un meilleur entretien et un meilleur contrôle du logement. La personne qui est propriétaire de son unité d'habitation peut plus facilement décider quels genres d'amélioration elle va lui apporter, quand elle va le faire, etc. Cela met aussi le ménage à l'abri des conjonctures économiques. Cela va aussi améliorer la qualité du parc de logements et d'habitation. Ce sont des avantages économiques pour la société, puisque cela va permettre à des ménages de se prendre en charge et, ainsi, de se constituer une épargne. C'est un investissement pour leur retraite, leurs vieux jours, et ceci va améliorer l'économie du Québec. D'ailleurs, nous avons préparé un tableau à cet effet qui montre, hors de tout doute, les avantages è devenir propriétaire. On pourra y revenir ultérieurement.

Ce sont quelques-unes des raisons qui motivent notre appui au projet gouvernemental. On doit aussi dire que, dans l'ensemble, on est très satisfaits du document qui nous a été présenté: Lever le moratoire: une décision qui s'impose. Nous avons, par contre, quelques commentaires à vous formuler. En ce qui a trait aux règles de conversion qui accordent une protection pour une durée illimitée aux locataires, nous trouvons que ceci porte une atteinte très grave au droit de propriété. Nous préconisons plutôt que les locataires en place soient garantis dans les lieux pour toute la période de conversion de l'immeuble, quitte après à se soumettre aux règles du marché ou à celtes qui sont actuellement en vigueur.

Un autre point très important, le harcèlement. Nous considérons qu'aucune forme de harcèlement ne devrait être tolérée. Je crois qu'il y a d'ailleurs des lois actuellement pour protéger les gens à cet effet. En ce qui regarde les nouveaux locataires, si un nouveau locataire entre dans un édifice où il y a déjà un projet de conversion, nous croyons, à ce moment-là, qu'il n'aurait pas besoin de protection additionnelle étant donné qu'il va déjà, au départ, connaître les règles du jeu. Le reste des propositions dans leur ensemble nous paraissent satisfaisantes, notamment en ce

qui a trait au droit de préemption, à la protection des acquéreurs, aux indemnités, etc.

Certains mentionnent que la levée du moratoire va se faire au détriment des économiquement faibles, des personnes âgées, des personnes handicapées, je me demande jusqu'à quel point - peut-être 80 % - les gens qui vont passer ne sortiront pas des points négatifs. Ce qu'on voudrait faire, c'est mettre en évidence les points positifs de l'accession additionnelle à la propriété. Les agents et les courtiers immobiliers, on est vraiment sceptiques sur certains commentaires qui ont été faits.

Il y a d'ailleurs des expériences américaines qui ont prouvé que la conversion n'a pas véritablement causé de problème. Il y a une étude, d'ailleurs, de HUD, le Department of Housing and Urban Development, qui indique que seulement 5 % de l'ensemble du parc locatif a été affecté par la conversion.

Je me permets de vous rappeler que les chiffres estimatifs de M. le ministre en ce sens mentionnent de 1000 à 1500 logements convertis annuellement, ce qui, en passant, est probablement moins que ce qui se fait actuellement, même s'il y a un moratoire qui existe. Il faut aussi se dire que ce ne sont pas nécessairement tous les propriétaires qui vont être intéressés à faire la conversion demain matin, parce qu'il y a beaucoup de gens pour qui, avoir des logements, c'est une opération commerciale, et ils vont continuer dans ce sens-là.

Pour vraiment encourager les gens à la conversion, nous croyons que le gouvernement devrait avoir de véritables mesures incitatives pour favoriser les gens qui voudraient devenir propriétaires. Par exemple, pourquoi le locataire qui achèterait son appartement ne jouirait-il pas de mesures d'aide financière, notamment en ce qui concerne l'adoption de certains programmes gouvernementaux? Il y a déjà eu des subventions du type de Corvée-habitation qui, incidemment, a surtout aidé un segment de la population qui était plus dans des villes de province, de même que dans des villes de banlieue. Je pense particulièrement à la région de Montréal et à la région de Québec. Peut-être qu'un programme comme celui dont nou3 parlons actuellement pourrait aider des gens dans des centres-villes à se porter acquéreurs de leur logement.

Il y a aussi des programmes privés comme, par exemple, celui des caisses populaires. Il pourrait y avoir aussi différentes mesures fiscales pour donner un coup de main à ces gens et leur permettre de déduire leur intérêt hypothécaire de leur revenu ou, encore, de jouir de certains avantages en ce qui concerne les taxes foncières, qui peuvent être aussi des crédits d'impôt équivalents. Dans le cas, par exemple, où un propriétaire vendrait un logement au locataire occupant, au locataire actuel, on pourrait lui donner, pour l'encourager, un traitement fiscal préférentiel s'il vend au locataire en place. Cela suppose aussi que le coût est beaucoup moins élevé. Il peut, par exemple, ne pas y avoir de rénovations majeures à faire. Il n'y a pas de perte de revenu pour le propriétaire. Le plan de mise en marché, à ce moment-là, ne lui coûte, pour ainsi dire, rien, pour inciter les gens dans ce sens-là. On suggère aussi d'entreprendre différentes études pour essayer de réduire les frais reliés à la conversion d'un immeuble, comme, par exemple, l'enregistrement de déclaration, les frais de cadastre. Cela pourrait aider les gens.

Un autre point qui n'est pas laissé de côté: Pourquoi ne pas encourager les gens à faire de l'auto conversion, ce qui éliminerait, je pense, certains frais? Il pourrait y avoir une association ou un regroupement de personnes mis en place, composé, par exemple, de notaires, d'avocats, d'arpenteurs-géomètres, d'agents ou de courtiers en immeubles, pour aider les gens à cet effet.

En tant que société, on a aussi un choix à faire. Dans le passé, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, on a aidé certains segments de la population. Pourquoi ne pas, aujourd'hui, aider un autre secteur de la population qui, lui, n'a vraiment pas tes moyens d'acheter des propriétés de banlieue, mais qui serait intéressé à faire l'acquisition de l'appartement où il demeure actuellement? Ceci servirait principalement dans des centres, des métropoles comme, entre autres, Montréal et Québec. (10 h 30)

Nous croyons sincèrement que la levée du moratoire va permettre à la société québécoise de retirer plus d'avantages que de désavantages. C'est là, je pense, tout le bien-fondé de la chose. Nous espérons que la levée du moratoire va se faire et que cela va permettre à plusieurs autres Québécois et Québécoises de devenir propriétaires et, par le fait même, de contribuer à l'essor de notre société. Nous réitérons notre appui au projet gouvernemental de permettre la conversion d'immeubles locatifs en copropriété divise. Nous vous remercions.

Le Président (M. Rochefort): Je vous remercie de votre présentation. M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, je vous saurais gré de reconnaître le député de Louis-Hébert.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Merci, M. le Président.

Quelques mots pour remercier l'Association de l'immeuble du Québec de sa présentation. Il est visible que le travail a été fait, qu'on s'est penché sérieusement sur le document ministériel et qu'on en a analysé les tenants et aboutissants. Les considérations qui nous sont présentées ainsi que les recommandations appuient globalement, grosso modo, la présentation du ministre. Il y a lieu de s'en réjouir, d'autant plus que les gens qui nous donnent cet appui sont dans le métier, ce sont des gens qui connaissent cela et qui parlent en connaissance de cause.

La prémisse sur laquelle ils s'appuient, c'est que l'accession à la propriété est un bien en soi et que c'est désirable. D'autres groupes qui sont venus ici hier ne reconnaissent pas cette prémisse. À des questions que je leur ai posées, ils m'ont répondu: Le bien qu'il faut rechercher, le but ultime qu'il faut rechercher, c'est que les gens se logent convenablement à des prix raisonnables, que c'est là ce qu'on doit rechercher et que l'accession à la propriété est un accessoire, ce n'est pas le principal. Ce qui est le principal, c'est de se loger convenablement.

J'aimerais avoir votre réaction à cette vision des choses, à savoir que le premier but recherché devrait être de permettre au plus qrand nombre possible de se loger convenablement à un prix abordable et non de rechercher I'accès à la propriété que plusieurs personnes refusent ou auquel elles ne sont pas intéressées, pour une raison ou pour une autre. Est-ce que vous avez des réactions à cette prise de position?

M. Hudon: On vous remercie des commentaires, M. le député de Louis-Hébert. Je pense que l'un des points importants à souligner, c'est que, souvent, un certain nombre de personnes parmi la population sont quelquefois un peu effrayées par le fait de devenir propriétaires. Mon confrère soulevait tout à l'heure le fait qu'il serait intéressant d'avoir un comité qui permette d'informer les gens davantage et de leur démontrer par des tableaux intéressants comment on peut devenir propriétaire et quels en sont les avantages. Je pense que c'est l'un des éléments qui pourraient favoriser ou intéresser davantage ces gens-là. Bien entendu, nous aussi, on sait qu'il y a une certaine partie de la population qu'il faut protéger, et on l'a aussi souligné. Mais ce qu'on voudrait surtout faire ressortir aujourd'hui, c'est qu'il y a malqré tout un pourcentage important, beaucoup plus élevé que cette partie de la population, qui peut devenir propriétaire et qui le désire. Malheureusement, étant donné que les possibilités ne leur sont pas offertes, ces personnes ne peuvent pas y arriver.

M. Doyon: Je vous remercie. Vous êtes passés rapidement tout à l'heure sur un point qui me paraît important, c'est-à-dire que la levée du moratoire n'implique pas que tous les propriétaires d'immeubles vont, aujourd'hui ou demain, ou même dans un délai relativement long, être intéressés à convertir l'immeuble dont ils sont propriétaires, le fait étant que pour plusieurs personnes, être propriétaires de logements locatifs, c'est une opération commerciale, comme vous le disiez, et c'est leur métier. De la même façon, on pourrait dire que le fait de permettre à des ouvriers, à des employés de devenir propriétaires ou actionnaires de l'entreprise n'implique pas que, demain, il n'y aura plus de patrons, parce qu'il y a des gens dont c'est le métier d'être patron et de diriger des entreprises. Je pense que c'est un point important qui vaut la peine d'être souligné et je voulais le faire en passant.

Une autre chose me frappe, et je proposerais à la commission que ce document soit déposé, c'est le document que vous nous avez remis, qui a été distribué et qui fait une projection des coûts propriétaire et locataire. Je pense que c'est intéressant et je me demande si, étant donné que tous les membres ont ce document en main, vous ne pourriez pas nous en donner une brève explication, étant donné que vous n'avez pas eu l'occasion de le faire.

M. Hudon: M. Cayer va vous expliquer ce tableau.

M. Cayer (Serge): Vous mentionniez tantôt l'intérêt de plusieurs groupes à ce qu'un logement convenable à prix abordable soit toujours disponible au public. Nous alléguons que ce prix abordable et convenable doit être considéré non seulement à court terme, mais aussi à long terme. C'est d'ailleurs le but du tableau qu'on vous a remis ce matin. Pour vous le décrire très sommairement, il s'agit d'une comparaison entre les coûts d'un propriétaire et les coûts d'un locataire en matière de mensualités. Vous avez deux tableaux sensiblement les mêmes qui tiennent compte tout simplement de deux taux d'inflation différents. Je me bornerai donc dans mes commentaires au premier document.

Donc, le tableau tient compte d'un taux d'inflation de 5 % qui ne s'applique, dans le cas d'un propriétaire, qu'à la portion de 3es taxes. Pourquoi? Parce que la portion capital et intérêts est relativement fixe au fil du temps. La seule variation qui puisse y arriver c'est l'augmentation ou la diminution des taux d'intérêt au fil du temps. Nous avons estimé qu'un taux d'intérêt de l'ordre de 10 % est convenable pour tirer cette projection.

En matière de financement, il est courant de financer l'achat d'une propriété jusqu'à 90 % de sa valeur. Le chiffre qui

apparaît sous la colonne capital et intérêts représente le coût, en capital et intérêts, d'un financement à 90 % d'un immeuble dont on a estimé le coût ici à 40 000 $. Soit dit en passant, le coût en capital et intérêts comprend aussi le coût de l'amortissement de la prime d'assurance-hypothèque, payable habituellement à des compagnies spécialisées ou à la Société canadienne d'hypothèques et de logement. D'autre part, nous avons estimé que, pour ce même logement dont la valeur théorique serait de l'ordre de 40 000 $, le locataire peut payer présentement entre 350 $ et 400 $. Nous avons préféré être conservateurs et utiliser le chiffre de 350 $.

Quant aux taxes, à la suite d'une analyse sommaire de quelques propriétés qui se sont vendues dans ces prix, nous avons retenu un chiffre qui irait entre 750 $ et 1200 $, suivant le secteur. Afin, toujours, d'être conservateurs, nous avons retenu 1080 $ par année, c'est-à-dire 90 $ par mois. Le tableau tient donc compte d'une augmentation, au fil de l'inflation, des taxes qui passent, sur une période de 25 années, de 90 $ à 290 $. C'est l'effet significatif que peut avoir l'inflation, sur des dépenses pour quelqu'un.

Quant au locataire, nous avons appliqué la même règle et son loyer passe de 350 $ à 1128 $ sur une période de 25 ans. Évidemment, au-delà de ces 25 ans, l'hypothèque du propriétaire étant remboursée, il ne lui reste plus qu'à payer, à toutes fins utiles, les taxes. Son coût diminue après 25 ans. Nous avons établi un tableau sommaire, à la fois de 25 ans et de 30 ans, de ces coûts, tant pour le locataire que pour le propriétaire. Vous vous rendrez compte que, dans le cas du propriétaire, sur une période de 25 ans, il lui en coûte un total de 148 000 $, alors que le locataire, il lui en coûte 200 000 $. Le prix abordable, à notre avis, se trouve du côté de la personne qui est propriétaire de son logement.

Au bout de cette période de 25 ans, l'hypothèque étant totalement amortie, le propriétaire a en plus un capital, qui est l'immeuble en question, dont on a estimé la valeur à quelque 135 000 $, chiffre auquel on arrive avec tout simplement une augmentation moyenne du taux d'inflation de 5 % par année.

Dans les faits, tant au niveau des loyers que de l'augmentation de la valeur des propriétés au fil des 15 ou 20 dernières années, ce taux d'inflation a en fait été largement supérieur à 5 %. Nous l'estimons à quelque 8,5 % ou 8,6 %.

Maintenant, si nous regardons ces coûts sur une période de 30 ans, la balance penche encore plus fortement du côté du propriétaire puisque, pour les cinq années au-delà des 25 ans d'amortissement, son coût diminue, substantiellement même, passant, par exemple, de 612 $ à 304 $ entre la 25e et la 26e année. Les plateaux penchent donc plus favorablement encore envers le propriétaire. Ici, on a 168 000 $ de coûts pour le propriétaire pendant 30 ans; pour le locataire, 279 000 $, soit une différence de 110 000 $. La valeur finale entre les mains du propriétaire est de 172 800 $. Il en aura coûté finalement au propriétaire sur cette période de 30 ans moins 4500 $ s'il devait vendre son immeuble à ce moment.

Nous tenons aussi à souligner l'impact social et économique que peut avoir le fait d'être propriétaire, le besoin moindre que ces gens peuvent avoir à l'orée de leur retraite en ayant un capital entre les mains et la charge conséquemment inférieure pour l'État dans cette situation. C'est là l'essentiel de ce tableau.

M. Doyon: Merci beaucoup. Je sais qu'il y a d'autres questions que le ministre voudrait poser. Simplement un petit renseignement. Est-ce que les coûts d'entretien qui doivent être payés par tout propriétaire d'immeuble sont considérés là-dedans?

M. Cayer: Non. Pour la simple et bonne raison que le degré d'entretien peut varier selon l'âge de la propriété qui est achetée, selon la nature de la propriété, et qu'il est faux de prétendre qu'un locataire n'a aucun entretien à faire à son logement. On peut penser immédiatement à la peinture annuelle ou tous les deux ou trois ans. Une étude évidemment plus approfondie démontrerait qu'il y a peut-être une augmentation minime du coût total pour le propriétaire et encore inférieure pour ie locataire, mais les chiffres restent sensiblement les mêmes, éloquents.

M. Doyon: Une dernière petite question. Étant donné qu'il y a un financement à 90 %, il y a un montant de 4000 $ qui doit être payé comme mise de fonds initiale. Est-ce que cela se retrouve quelque part dans votre tableau, c'est-à-dire si le locataire qui devient propriétaire emprunte ses 4000 $, il faut qu'il paie des intérêts là-dessus. Il y a donc un remboursement additionnel de 40 $, 50 $ ou 60 $ qu'on doit retrouver quelque part. Est-ce que vous en avez tenu compte?

M. Cayer: Pas dans ce tableau-ci. Nous en avons tenu compte dans d'autres études. L'une des mesures que nous avancions dans le mémoire était que, si l'on veut favoriser l'accession à la propriété pour les locataires, et plus spécifiquement pour le logement qu'ils occupent, une des mesures qui pourraient être prises, surtout quand il est question d'autoconversion, c'est-à-dire quand, conjointement, les locataires eux-mêmes convertissent l'immeuble en question en copropriété, c'est que cette plus-value puisse en fait représenter le capital nécessaire pour obtenir ce financement.

Je vous donne un exemple. Une propriété qui vaudrait aujourd'hui, disons, 200 000 $ et qu'on convertirait, déjà, les municipalités considèrent que cet immeuble a une valeur largement supérieure. La preuve, c'est que les municipalités ne se gênent pas pour en augmenter l'évaluation et les taxes en conséquence. Une partie de cette valeur peut donc être considérée par les prêteurs hypothécaires comme la mise de fonds des locataires qui deviennent propriétaires.

M. Doyon: D'accord.

M. Cayer: Alors, c'est l'une des mesures principales que nous préconisons.

M. Doyon: Je n'ai pas d'autres questions, M. le Président. Je demanderais que le document, avec la permission de la commission et la vôtre, puisse être déposé.

Le Président (M. Rochefort): Oui, le document sera déposé, M. le député. D'ailleurs, il a déjà été distribué aux membres de la commission, mais il sera déposé formellement dans le procès-verbal. Sur ce, je reconnais M. le député de Shefford.

M. Paré: Oui. Merci, M. le Président. Je vais essayer de reprendre très rapidement l'énoncé que vous avez fait, M. Morneau, parce que c'était très intéressant. Je vous remercie de la présentation effectivement très étoffée de votre document.

Vous dites que vous êtes ici surtout pour insister sur une des facettes importantes de l'habitation, c'est-à-dire l'accès à la propriété comme étant quelque chose de très positif autant pour le citoyen que la société. Là-dessus, je dois vous dire que cela fait l'unanimité. Je pense qu'il n'y a personne qui est contre le droit à la propriété et à ses avantages. Je dois vous dire que tout le monde est d'accord avec cela, comme tout le monde veut aller au ciel,* il ne faut pas se le cacher. (10 h 45)

Je dois vous dire qu'on était tellement d'accord de ce côté-ci qu'on a mis, et vous en avez parlé tantôt sommairement, des programmes comme Corvée-habitation, comme le Programme d'accès à la propriété résidentielle pour permettre à ceux qui le veulent et à ceux qui le peuvent avec un peu d'aide, de devenir propriétaires. On l'a fait. Vous rêviez du jour où une majorité de Québécois pourront être propriétaires de leur demeure, eh bien, c'est fait, on est à 53 % propriétaires grâce à ces programmes et, pour la première fois au Québec, cela s'est fait.

Il y a eu une préoccupation depuis quelques années d'accès à la propriété, et on est d'accord aussi, je pense, de façon unanime des deux côtés de la table pour retenir comme mode de propriété la copropriété. D'ailleurs, des chiffres sont sortis officiellement - vous les connaissez, j'en suis sûr. En janvier et février seulement, des mises en chantier dans la région de Montréal, le quart ou près du quart allait à la copropriété. Donc, on n'est pas contre l'accès à la propriété. On n'est absolument pas non plus, quand on s'oppose à la levée du moratoire, contre ce mode de propriété qu'est la copropriété.

Cela dit, il ne faut pas oublier deux choses: c'est qu'à Montréal il y a 80 %, ou près de 78 %, de locataires, et, à Québec, plus de 50 %. Le problème se situe au niveau des deux grandes villes du Québec spécialement. Il ne faut pas l'oublier. Deuxième chose qu'il ne faut pas oublier: vous l'avez dit, on a un choix de société à faire. C'est pour cela qu'on écoute les gens ici pour essayer que ce soit de la façon la plus éclairée possible, sauf qu'il y a aussi des prémisses. Vous dites qu'on a un choix à faire... Effectivement, on n'a pas qu'un choix, on a des choix à faire. Parmi ces choix, c'est d'aider ceux qui ne peuvent pas ou qui ne veulent pas accéder à la propriété. Vous allez en convenir avec moi, malgré des études qui, je dois le dire, sont très bien faites... Même si, comme mon collègue vous l'a demandé, le capital de départ, l'entretien et la rénovation ne sont pas inclus, quand même, c'est un tableau intéressant. Par contre, malgré ce tableau, on se rend compte qu'il n'y a pas nécessairement avantage pour les gens à la retraite à devenir propriétaires, et même beaucoup de gens décident à la retraite de devenir locataires. Vous reconnaissez cela aussi, je dois le dire, et c'est très intéressant. A la page 4 de votre mémoire, en caractères gras, vous dites: "Mais pour que les objectifs visés par la levée du moratoire soient atteints, le législateur devra encourager principalement des conditions favorables à l'accession à la propriété, notamment par te biais d'incitatifs de toutes sortes, et voir à ce que les locataires puissent disposer d'un stock suffisant de logements locatifs, bien situés et à des prix abordables." C'est ce qu'on essaie de concilier ici.

On sait qu'à Montréal et à Québec, il y a des gens, et de façon très largement majoritaire à Montréal, qui ne veulent pas et qui ne peuvent pas accéder à la propriété, et on doit en tenir compte. On est aussi d'accord avec l'amélioration de la qualité du parc locatif. Vous avez parlé de cela et vous dites que ça pourrait favoriser justement l'amélioration. Il y a d'autres moyens de la favoriser aussi. Ce serait peut-être d'avoir une véritable politique, dont vous avez fait mention, une véritable politique de l'habitation, avec des choses claires et précises, un peu comme le suggérait la ville

de Montréal hier, en sachant que le propriétaire, bâilleur demeure propriétaire-bailleur à Montréal, avec un bon programme de beaucoup amélioré sur PARCQ qu'on connaît présentement pour aider le propriétaire résident ou le propriétaire-bailleur. En l'aidant de façon convenable, on pourrait s'assurer - le propriétaire sachant qu'il devra rester propriétaire-bailleur vraiment d'une bonne amélioration du stock de logements locatifs.

Vous dites que, de par les expériences vécues ailleurs, de toute façon, ce n'est pas tout le monde qui va convertir ses logements et que ce n'est pas beaucoup. On parle de 1 % sur l'ensemble des États-Unis ou quelque chose comme cela. II faut être réaliste aussi. C'est là où il faut faire attention. Beaucoup de gens nous l'ont rappelé hier et d'autres vont nous le rappeler tout au cours de la semaine, et c'est important.

Oui, on peut parler de 1 %. On peut espérer que ce ne soit pas plus de 1 %. Je dois vous dire que, dans l'ensemble du Québec, il se peut que ce ne soit pas plus de 1 % sur cinq ans, parce que c'est sûr qu'à Granby, c'est sûr qu'à Baie-Comeau, c'est sûr qu'à bien d'autres places, cela ne touchera personne ou tellement peu de gens que ce ne sera pas significatif en termes de quantité de personnes, sauf que cela va être concentré. C'est unanime, je pense, vous allez le reconnaître avec moi, ça va être concentré dans des quartiers comme le Plateau-Mont-Royal, cela va être concentré dans le centre-sud, dans Notre-Darne-de-Grâce, dans Rosemont et à Québec, dans les quartiers Limoilou, Saint-Jean-Baptiste et Saint-Roch.

Quand on sait cela, et qu'on ramène le 1 % à une échelle aussi réduite gréographiquement parlant, on s'aperçoit que le deuxième objectif que vous avez en tête et qu'on a aussi, de s'assurer qu'on va avoir suffisamment de logements locatifs bien situés à des prix abordables, on n'est pas sûr de le garantir. C'est tout ce qu'on doit voir et analyser en même temps, je dois vous le dire.

J'aurai quelques questions. La première: Hier, l'Association provinciale des constructeurs en habitation du Québec est venue dire oui à la levée du moratoire, avec beaucoup de restrictions, et il y avait une crainte qui était manifestée, à savoir est-ce que la levée du moratoire, par contre, n'amènera pas des difficultés en ce qui concerne la construction neuve?

M. Cayer: M. Marquis pourrait peut-être répondre à cette question.

M. Marquis (Gaétan): On pense que l'intention de la conversion, c'est de s'assurer que les gens qui demeurent dans une unité en paient théoriquement la valeur ou les coûts d'occupation et, en théorie, on dit que ces gens pourraient acquérir l'unité dans laquelle ils résident. Tout le problème réside dans une différence de prix entre la construction neuve et la construction en place. Vous avez des gens - nous sommes les premiers à le dire - économiquement faibles, il y a des démunis, il y a des gens qui n'iront pas s'acheter de château dans le West Island. Par contre, il y a des gens en place qui. aimeraient devenir propriétaires, s'amasser un petit pécule, se construire une succession dans l'unité dans laquelle ils résident, et j'ai l'impression que ces gens ne sont pas nécessairement des acquéreurs d'unités de la construction neuve; ce n'est pas la clientèle et cela ne devrait pas affecter les gens de la construction neuve.

M. Cayer: Est-ce que cela répond à votre question?

M. Paré: Oui. Je comprends que cela touche deux clientèles, si on veut: la construction neuve...

Une voix: En termes de fourchettes de prix.

M. Paré: D'accord, sauf que ceux qui ont les moyens d'accéder à la propriété maintenant et qui n'y vont pas... Parce qu'il y en a qui sont intéressés, mais ils attendent peut-être la levée du moratoire ou d'autres occasions, ou il leur manque un peu de capital. Si, à l'inverse, au lieu de lever le moratoire, on avait un programme d'accès à la propriété québécoise qui permettrait aux gens qui sont intéressés d'investir dans une construction neuve, est-ce que de cette façon on ne respecterait deux choses qui sont l'accès à la propriété pour ceux qui le veulent et qui le peuvent et, en même temps, préserver le stock de logements locatifs dans les grands centres que sont Montréal et Québec?

M. Marquis: Vous avez un problème géographique. Ce ne sont pas tous les gens qui veulent s'en aller à Laval ou à une demi-heure ou 45 minutes de voiture de leur travail. Il y a une question aussi de proximité des écoles; il y a des gens qui ne veulent pas se déraciner et qui n'iront pas acheter à l'extérieur, qui seraient intéressés à acheter dans le milieu où ils sont.

Maintenant, il y a une question qui est encore plus physique que cela, c'est la disponibilité! de sites de construction. La ville de Montréal, avec son programme de 10 000 logements, a réussi à remettre sur le marché un nombre impressionnant de terrains avec ReviCentre et ces choses-là. On connaît tous la revitalisation du secteur de la rue Saint-Jacques où on a remplacé des rails de

chemin de fer, on a remplacé une cour de triage par un très beau parc locatif. C'est évident qu'il y a cela, mais j'ai l'impression que, dans l'ensemble du parc immobilier, c'est une exception. On est en train de remplir ces trous et, à brève échéance, on va être obligé de s'en aller à l'extérieur dès qu'on va parier de construction neuve.

Maintenant, une différence, c'est qu'on est toujours porté à penser que le fait de convertir une unité de logement, automatiquement, on retire cela du parc locatif. C'est un fait qu'on le retire du parc locatif, mais, sans faire de démagogie, cela reste toujours dans le parc immobilier résidentiel, on ne parle pas de changement d'affectation. La vocation demeure résidentielle et c'est un locataire qui va s'en aller dans ce logement, un ancien locataire qu'on aura converti en propriétaire, si ce n'est déjà l'occupant actuel qui aura décidé de se comporter en propriétaire. Alors, le phénomène de conversion n'aura peut-être pas l'impact que beaucoup de personnes semblent craindre sur la disparition massive de logements disponibles.

M. Paré: Un commentaire et une question spécifiquement sur le sujet dont vous venez de traiter. Vous dites: On remplace un par un, cela peut être le même. Si c'était le même, et j'y reviendrai tantôt, le problème est déjà beaucoup moins complexe, mais on dit qu'on remplace l'un par l'autre. C'est évident que la levée du moratoire... Il y a un certain nombre de logements et on veut permettre maintenant que ces logements locatifs deviennent des copropriétés. Donc, on diminue le stock de logements locatifs, c'est évident, on puise. Cela le dit en soi: la conversion, c'est convertir. Donc, on enlève quelque part pour donner ailleurs. Sur cela, on est d'accord.

Donc, un pour un, on dit que cela a plus ou moins d'effet, sauf qu'un pour un, cela a des effets dans le sens de l'expérience vécue ailleurs. On a déplacé des gens de New York vers la banlieue, on a déplacé des gens de Paris vers la banlieue. Si vous dites que le logement neuf a moins de place, cela veut dire qu'on va aller en banlieue. Pour ceux qui vont en avoir les moyens, choisir de devenir propriétaires et habiter en banlieue, oui, il y a un déplacement, et cela veut dire que la proximité vient d'être perdue, d'une certaine façon. Mais, si ce n'est pas à eux qu'on le demande, cela veut dire que ce sera aux plus démunis. Cela veut dire que la personne sera obligée de partir parce que son logement sera converti en copropriété par quelqu'un qui en a plus les moyens. Lui, il aura la chance d'être bien situé, à proximité, mais l'autre qu'on va déplacer, lui, il sera éloigné, alors qu'il est plus démuni et qu'il a moins d'argent. Finalement, on pénalise le plus démuni. C'est l'exemple qu'on a vécu ailleurs. Si on me trouve des façons de faire pour que les deux soient conciliables, mais qu'on ne le fait pas sur le dos de l'un par rapport a l'autre, je vais vous dire, on est bien ouvert à cela, et c'est ce qu'on cherche, des solutions. Tel que proposé, si on rétrécit le stock de logements locatifs en permettant à des gens qui en ont les moyens de les prendre, cela veut dire que ce sera au détriment de ceux qui n'ont pas les moyens.

Je rattache ma question à cela: M. Morneau, vous avez fait référence dans votre présentation à de l'aide, à savoir que, dans une politique, il faudrait tenir compte du stock de logements locatifs à préserver et apporter une forme d'aide. Vous êtes toujours revenu en disant, et je l'ai pris en note: aider quelqu'un qui achète son logement. Cela pourrait même être une formule, un programme d'aide auquel vous faisiez référence tantôt, une aide au propriétaire qui vend à son locataire. Donc, c'est toujours en essayant de déplacer le moins possible. Est-ce que vous dites oui à la levée du moratoire, avec des programmes d'aide précis, mais à la condition qu'on ne déplace pas des gens, que ce soit limité aux gens qui peuvent - je dois vous dire que je ne sais pas si, techniquement, c'est faisable - mais est-ce que le filon que vous développez, l'aide que vous voulez apporter, ce serait à la condition que cela ne déplace pas des gens et que ce soit dans leur logement?

M. Morneau: Exactement, c'est dans cette optique que cela a été mentionné. L'aide est concentrée sur le locataire qui se porte acquéreur de l'unité de logement dans laquelle il vit présentement. Si ce locataire achète dans un autre immeuble un autre logement qui a été converti, il n'y a pas d'aide qui s'applique. Cela s'appliquerait strictement et uniquement dans le cas où la relation serait locataire-propriétaire, ceux qui sont déjà dans la même bâtisse et qui occupent déjà un logement dans lequel ils résident présentement. Ceci ferait aussi diminuer énormément les coûts parce que, normalement, la personne, si elle est heureuse dans cet appartement, ne pensera pas nécessairement à refaire en entier la salle de bain ou toute la cuisine, ou à changer toutes les fenêtres, etc. Donc, une acquisition à un coût beaucoup moindre. On parlait tout à l'heure de mise en marché et de trouver d'autres systèmes pour que les enregistrements et les actes de copropriété soient moins dispendieux, de trouver une formule pour que le cadastre soit moins dispendieux qu'actuellement pour aider, justement, le maximum de personnes possible.

M. Paré: Je trouve cette avenue intéressante, sauf qu'un problème a été soulevé par d'autres hier qui mérite d'être

souligné, parce que, si on dit maintenant que c'est un programme qui n'est plu3 universel, qui est limité... Il faut la volonté maintenant. Le propriétaire ne peut pas utiliser le programme si le locataire ne le veut pas et le locataire ne le peut pas si le propriétaire ne le veut pas. Le problème qui était identifié hier et qui, dans ce cas-ci, deviendrait très complexe: Avez-vous imaginé la complexité ou les relations, les conflits possibles à l'intérieur du même immeuble, de six ou huit logements si deux personnes profitaient du programme et devenaient copropriétaires et que les quatre ou six autres décidaient que non, n'étaient pas intéressés? Cela pourrait être 50-50. Avez-vous pensé à la complexité des relations, allant même jusqu'au harcèlement, ce qui est possible, parce que c'est un sujet dont vous avez traité et que beaucoup de gens ont souligné hier: le harcèlement? Il a même été suggéré par des gens, entre autres, par l'union des MRC, du Québec qui disait: Utilisez le droit de maintien comme mesure pour "bargainer", de marchandage, alors que la Commission des droits de la personne a dit que c'était impensable, que c'était une forme de harcèlement. On doit en tenir compte parce que non seulement on vit dans une société démocratique, mais on est régi par une charte des droits et libertés. (11 heures)

Alors, ce problème, je dois dire qu'on devra y trouver une solution. Si on le permet uniquement pour des locataires en place, on risque de créer un autre problème qui se situera au plan des relations entre les gens d'un même édifice. Avez-vous des commentaires là-dessus?

M. Hudon: Une des solutions qu'on proposait, c'était une partie de solution. On se disait que la subvention pourrait être appliquée à la personne qui habite le logement et en devient propriétaire, mais cela ne voudrait pas dire qu'il ne pourrait pas y avoir d'autres conversions. Mais la subvention n'irait qu'à ces gens, justement, pour favoriser, pour inciter cette partie de la population à devenir propriétaire. Donc, c'est certain qu'il peut y avoir dans quelques dossiers certains conflits, mais, d'un autre côté, l'association est quand même optimiste. Je pense que, par des renseignements ou de l'information, elle peut motiver des gens à devenir propriétaires plutôt que l'inverse, faire peur aux gens et dire que de devenir propriétaire c'est difficile.

M. Marquis: Pour compléter, ce à quoi il faudrait faire attention dans la loi, ce serait de ne pas donner à quelqu'un un droit de veto sur la conversion avec ce genre de permanence, de maintien, qui pourrait devenir transmissible et que le harcèlement soit à l'envers, que ce soient les gens en place qui n'ont pas besoin de protection qui profitent d'une situation pour empêcher les autres d'une certaine communauté ou d'un certain immeuble de se prendre en main et de se doter eux-mêmes du titre de propriétaire.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre, en vous rappelant qu'il reste une minute et demie à votre formation.

M. Bourbeau: Oui, M. le Président. Une observation, d'abord. Le député de Shefford nous disait tout à l'heure qu'un quart des constructions neuves le sont en condominium. Je ne sais pas où il prend ses statistiques, mais celles que nous avons, qui proviennent de la SCHL, nous indiquent qu'en 1985, par exemple, pour la région de Montréal, sur les 21 731 mises en chantier, il y en avait 3287 en condo, donc un septième et non pas un quart, comme le disait le député de Shefford. Par contre, ce qu'il y a d'intéressant, c'est que, sur les 21 731 mises en chantier, il y en avait 11 771 qui étaient des logements locatifs, donc, plus de 50 % des mises en chantier, en 1985, étaient des logements locatifs. En 1986, c'est un peu la même chose, sur les 28 523 mises en chantier dans la région de Montréal, 15 606 étaient des logements locatifs. Donc, on ne peut pas dire qu'on est en péril, et qu'on risque de voir le stock locatif diminuer.

Il y a une question que je voudrais poser aux gens de l'immeuble: Dans le tableau que vous nous présentez, je ne crois pas que vous teniez compte dans les frais, dans les dépenses du propriétaire des frais de condo, des frais de chauffage, des assurances et des réparations autres que locatives. Est-ce que ce ne sont pas dépenses qui sont de la responsabilité d'un propriétaire et qui sont comprises dans le loyer d'un locataire?

M. Marquis; II y a une chose. On a simplifié l'affaire au maximum sans en faire une caricature. On a présumé que les deux unités étaient des unités où les occupants se chauffaient eux-mêmes. Je pense que là où le problème se déplace, c'est que tous les gens s'imaginent qu'automatiquement un logement locatif se situe dans une grande structure, propriété d'un gros méchant capitaliste. Il y a - je ne sais pas quelle proportion, vous avez probablement ces chiffres-là beaucoup plus que nous - une majeure partie des logements qui sont dans des structures de deux, ou trois, ou quatre logements, où le propriétaire fait sa propre peinture, son propre entretien et où il a décidé de se prendre en main et de se créer un capital au cours des années; il n'a pas les moyens d'appeler chaque fois le plombier ou le peintre. Or, c'est pour cela qu'on n'a pas fait intervenir cela. C'est certain que cela ferait varier les chiffres, mais on pense que

l'essence de ce qu'on voulait faire ressortir, c'était que la personne qui se prend en main en faisant un acte de foi dans la propriété, c'est peut-être une des meilleures façons d'épargner. En plus de cela, c'est une épargne dont on n'a pas le choix. Si vous me demandez si vous voulez un bateau ou pas de bateau, vous n'êtes pas obligé d'avoir un bateau, mais on est tous obligés d'avoir un toit. Alors, de s'en faire un patrimoine, ce qu'on appelle en anglais, passez-moi l'expression, un "equity-building program", on pense que se construire cette équité dans sa propriété, c'est l'acte de foi de l'Association de l'immeuble.

Le Président (M. Rochefort): Le mot de la fin, M. le ministre?

M. Bourbeau: M. le Président, j'aimerais féliciter nos amis du secteur immobilier de la présentation qu'ils ont faite, tout en soulignant qu'il serait intéressant que le tableau que vous avez préparé et qui donne la preuve visuelle, si je peux dire, de ce que nous savons tous, mais que certains d'entre nous, parfois, ne peuvent pas visualiser facilement, il serait intéressant que ce tableau soit distribué ou diffusé de façon que les locataires qui voudraient accéder à la propriété puissent se rendre compte qu'effectivement, sur une longue période de temps, il est éminemment intéressant sur le plan financier d'accéder à la propriété.

Quant à moi, je serais très heureux de voir cette bonne nouvelle diffusée un peu partout et je souhaite que vous puissiez avoir les moyens de le faire. Je vous félicite encore de votre présentation. Merci.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le député de Shefford.

M. Paré: Merci, M. le Président. Moi aussi, je vous félicite pour le travail que vous avez fait. On a déjà eu des échanges. J'aimerais juste que, si vous diffusez largement le document, il soit complété en fonction des réponses que vous avez données au député de Louis-Hébert tantôt, en y indiquant que le capital de départ et les charges reliées à cela ne sont pas incluses, probablement les frais de transformation non plus.

Vous avez dit aussi que les frais d'entretien et de rénovation ne sont pas inclus parce que vous ne pouvez pas les connaître, que ceia dépend des édifices; il y en a qui peuvent être des rénovations de 10 000 $ et d'autres de 40 000 $. Je me rends compte que, sur les deux tableaux, malgré un taux d'inflation de 5 % et de 7 %, le loyer du locataire est le même. J'ai l'impression qu'il doit y avoir...

M. Marquis: On vient de découvrir l'erreur, effectivement.

M. Paré: Oui, il y a quelque chose qui n'est pas correct là, et cela peut être très important comme différence.

Je vous remercie, mais je dois vous dire - je demeure là-dessus et c'est ce qu'on va essayer d'éclaircir du début à la fin -qu'on a deux objectifs qui sont peut-être inconciliables et nous, on doit essayer de ne pénaliser personne par rapport à d'autres.

Mais l'expérience toute récente nous prouve que, spécialement dans le coeur de Montréal, toute conversion jusqu'à maintenant ou, en tout cas, en très grande partie, se fait sur le dos des plus démunis par ce qu'on appelle le phénomène de la "gentrification". On a juste à le constater, c'est ce qui se passe présentement. Merci beaucoup.

Le Président (M. Rochefort): Merci. Le mot de la fin de l'Association de l'Immeuble.

M. Hudon: On remercie la commission de nous avoir entendus. Je pense que ce qu'on voudrait laisser comme message, c'est que, bien entendu, dans les années à venir, il y ait de plus en plus de gens qui deviennent des propriétaires. Merci beaucoup.

Le Président (M. Rochefort): Je vous remercie, à mon tour, de votre participation et de votre contribution à nos travaux.

Fédération de l'âge d'or du Québec

J'invite maintenant le groupe suivant, Fédération de l'âge d'or du Québec, à prendre place à la table des témoins, s'il vous plaît!

Bienvenue. Je vous demanderais de vous présenter et de présenter les gens qui vous accompagnent, Mme la présidente, pour l'information des membres de la commission et, par la suite, de prendre une quinzaine de minutes pour nous faire la présentation des points essentiels de votre mémoire.

Mme Leblanc (Rose-Aimée): De notre équipe qui se présente devant vous, à ma droite, j'ai ici notre recherchiste, Mme Rita Cambron. L'administratrice, Mme Laurette Gingras, devait se présenter aussi, mais, à son grand désespoir, elle est malade et -circonstance incontrôlable - elle ne peut être avec nous. Nous avons avec nous M. Gilles Larocque, directeur général du conseil de l'âge d'or Montréal-Bourassa.

Je voudrais vous laisser entendre que la Fédération de l'âge d'or compte 200 000 membres répartis en 1100 clubs qui forment un réseau à travers la province de Québec et sont regroupés sous 18 conseils d'administration régionaux.

Je vous remercie beaucoup de nous donner la chance de nous faire entendre. Le problème du logement pour les personnes âgées où on compte beaucoup de démunis est très important et surtout prioritaire vu le

climat de notre province, comme le disait quelqu'un tout à l'heure.

Je voudrais saluer, M. le Président, tous les députés présents. Vous me permettrez de saluer particulièrement M. Maurice Richard, député de Nicolet, et le nôtre, le député de Lotbinière, M. Lewis Camden. Merci. Je cède maintenant la parole à notre recherchiste, Mme Cambron.

Mme Cambron (Rita): Bonjour, M. le Président. Bonjour, MM, les députés. Il est important au départ d'établir les besoins en logement des personnes âgées. Le Québec compte 650 000 personnes de 65 ans et plus et le groupe des 55-65 ans est encore plus considérable, soit autour des 700 000. On dit que, d'ici l'an 2001, les personnes de 80 ans auront augmenté de plus de 80 %. C'est dire qu'une foule de personnes âgées devront être logées. La grande majorité de ces personnes seront autonomes dans leur logement et un grand nombre d'autres, à la suite de décisions administratives du ministère de la Santé et des Services sociaux de favoriser les soins et services à domicile, vivront également dans leur propre maison ai celle-ci est adaptée à leurs contraintes de mobilité et moyennant qu'elles y reçoivent l'aide et le support nécessaires.

La ville de Montréal, pour sa part, compte près de 60 % des personnes âgées du Québec sur son territoire. Le problème du logement y est devenu crucial pour un grand nombre d'entre elles qui attendent soit une réponse à une demande de HLM, soit une place d'hébergement en centre d'accueil, soit un nouveau logement à la suite d'une éviction ou d'une augmentation de loyer trop forte pour leurs moyens.

Quels sont les effets de la rénovation et de la restauration des logements sur les personnes âgées? Il existe actuellement une concentration de personnes âgées locataires dans les quartiers dits anciens et défavorisés - elles habitent là depuis 30, 40 et 50 ans parfois - qui sont devenus un objet de convoitise pour les spéculateurs fonciers et les promoteurs immobiliers. Nous convenons que plusieurs immeubles nécessitent des réparations et restaurations. Pourquoi n'y a-t-il pas eu des efforts de communication directe avec les propriétaires, âgés aussi pour la plupart, leur offrant les services techniques et l'information nécessaires quant aux subventions possibles qui leur auraient permis de faire effectuer eux-mêmes Ies travaux et de maintenir dans les lieux les locataires âgés, assurant du même coup le maintien du tissu social et de la solidarité des citoyens du quartier?

Jusqu'ici, en dépit du moratoire, nous avons assisté à des spoliations indirectes de biens immobiliers aux dépens des propriétaires âgés et à des déracinements douloureux dont certaines images télévisées sont devenues un témoignage accablant pour notre société actuelle. On dit qu'on juge une société à la façon dont elle traite ses aînés. Il est donc vrai que notre société actuelle est malade, et très malade. Le scandale de la chose, c'est que la plupart de ces transformations de logements s'effectuent en partie à même des fonds publics, ce qui contribue à enrichir davantage les uns et à appauvrir davantage les autres, dont un grand nombre d'aînés.

Ces personnes déplacées vont, le plus souvent, avoir recours au logement social, ce qui sera encore une charge supplémentaire pour la société, ou à l'hébergement collectif, un fardeau social très lourd aussi. Est-ce à croire que seuls les promoteurs et les spéculateurs puissent réaliser des bénéfices dans ces transactions, alors que l'État doit augmenter sa participation financière aux rénovations, d'une part, et, en même temps, au relogement des personnes âgées et des familles à faibles revenus, d'autre part? C'est une responsabilité collective de loger les personnes démunies. Donc, l'État paie les gens pour rénover les maisons; il subventionne les rénovations et la restauration et, ensuite, il est obligé de payer pour loger les gens qui sont déplacés. Donc, l'État doit se retrouver très riche, j'imagine.

Par ailleurs, il ne faut pas oublier que des restrictions budgétaires au ministère de la Santé et des Services sociaux ont ralenti la construction de centres d'accueil et diminué les services à domicile, même si, en principe, la priorité du ministère, c'est le maintien à domicile. C'est pourquoi nous affirmons que les besoins en loyers modiques ou en centres d'accueil pour les personnes âgées ne vont pas cesser de croître. Il faut logiquement le reconnaître.

Le maintien du moratoire. On peut en faire un peu l'historique. À la fin des années soixante et au début des années soixante-dix, des propriétaires de maisons de rapport ont commencé à convertir les logements locatifs en copropriété. (11 h 15)

En 1975, à la suite de représentations de divers groupements dont la FADOQ, le ministre de l'époque imposait un moratoire concernant la conversion d'immeubles de cinq logements ou plus. En dépit de ce moratoire, cependant, certains promoteurs astucieux ont réussi et réussissent encore à contourner la loi et à changer la vocation de logements locatifs en copropriété. Aucune mesure n'est venue à ce jour apporter des correctifs pour assurer un plus grand respect de la loi, du moins de l'esprit de la loi dans son application.

À l'occasion du Sommet économique de Montréal, il était déjà rumeur que le moratoire soit levé. La plupart des organismes représentés au Sommet

économique de Montréal se sont prononcés en faveur de la levée du moratoire, tout en reconnaissant que Les personnes âgées et les familles à faible revenu s'en trouveraient pénalisées. À la session de clôture du sommet, la Fédération de l'âge d'or et deux autres organismes se prononçaient pour le maintien du moratoire. De son côté, le ministre Bourbeau, à la même séance, annonçait prématurément la levée du moratoire pour le 1er juillet 1987 sans préciser aucune mesure concrète de protection des locataires si ce n'est, comme tous les organismes qui se prononçaient en ce sens, de dire qu'il faudrait avoir une protection, mais il n'y avait rien de concret. Le document Lever le moratoire: une décision qui s'impose a été publié au printemps. L'objectif mentionné dans le document de favoriser l'accès à la propriété pour Ies familles à revenus moyens est louable en soi. On constate, cependant, que ces familles sont en majorité constituées de deux adultes avec deux salaires et souvent sans enfant ou de citoyens de banlieue désireux de réintégrer le centre-ville, donc, pas nécessairement des nécessiteux. Or, nous l'avons affirmé, les logements visés sont des logements qui sont à prix abordables. Ils sont occupés par des gens à revenus modestes et par des personnes âgées dont les revenus sont habituellement fixes.

Par ailleurs, la levée du moratoire réduira considérablement le stock de logements locatifs à prix abordable et les locataires déplacés ne pourront pas aisément trouver l'équivalent. Cela s'accompagne également d'une augmentation vertigineuse du prix des maisons. Par exemple, des duplex qui valaient 60 000 $ en 1983-1984 se vendent aujourd'hui 60 000 $ par logement ou par étage; le prix en a doublé. Il faut, à notre avis, s'interroger sur les effets à long terme d'une telle surenchère alors que les spécialistes en économie et en gestion prédisent que, dans les années 2000, soit dans treize ans seulement, cela veut dire demain, le chômage touchera une proportion de plus en plus grande de citoyens. Verrons-nous alors augmenter de façon aussi vertigineuse le nombre des itinérants et des sans-logis qu'on connaît depuis quelques années?

Les programmes Opération 20 000 logements à Montréal et Corvée-habitation ont connu un succès certain. Ils ont surtout favorisé des citoyens qui avaient certains moyens. Tant mieux! Aujourd'hui, il s'agit de préserver des logements locatifs à prix abordable pour les personnes âgées et les familles à faibles revenus qui habitent d'anciens quartiers animés par une solidarité et un esprit d'entraide qui représentent une valeur certaine en notre milieu, surtout si on fait le lien avec l'orientation actuelle du ministère de la Santé et des Services sociaux de vouloir développer et redévelopper des services communautaires aux personnes âgées à domicile.

Il faut également favoriser l'accès à la propriété en soutenant les coopératives d'habitation comme dans les années cinquante et les OSBL, de même que les GRT qui stimulent la création des coopératives. Je voudrais qu'on illustre ici le sujet de façon concrète par des exemples. M. Gilles Larocque pourra peut-être le faire.

M. Larocque (Gilles): Je ne voudrais pas qu'on allonge la lecture du mémoire vu que vous l'avez déjà en main. Il s'agit surtout d'insister sur le fait qu'il y a un aspect pour les personnes du troisième âge qu'on ne retrouve peut-être pas chez les gens qui sont plus démunis à un autre niveau d'âge, c'est la vulnérabilité qu'on a soulignée. Quand on a parlé du harcèlement, je pense que tout le monde c'est entendu. Mais on le vit et on le voit chez les gens. Comme on l'a dit tantôt, tous les propriétaires ne sont pas des "méchants capitalistes", mais il y en a. Je veux dire par là qu'il y a des gens qui, pour leur intérêt, sont prêts a ne pas tenir compte de la personne âgée du fait qu'elle n'a pas le même but dans ta vie que les personnes qui ont 40 ou 50 ans. La personne âgée, on l'a souligné tantôt, ne veut pas nécessairement être propriétaire, parce qu'à 60 ou 70 ans elle y voit peut-être moins d'intérêt. Je pense qu'il y a plus que de dire que ce sont des gens à faibles revenus. Il y a le fait aussi qu'il faut tenir compte d'une spécificité qui s'appelle "personnes âgées".

Il y a un autre phénomène, on l'a réalisé à la fédération parce que nous couvrons le Québec. C'est vrai ce qu'on a souligné tantôt, on voudrait faire une grande distinction entre les problèmes des personnes âgées dans les grands centres urbains et ceux de celles qui sont en province. C'est bien sûr que ce n'est pas les mêmes problèmes. On achoppe tout le temps sur la distinction: Qu'est-ce qu'on fait quand on arrive dans la grande région de Montréal qui est la province dans la province, à tous les niveaux, soit au niveau de la régionalisation, au niveau des conseils régionaux de loisirs? On a essayé de faire une région à Montréal. Pour les municipalités régionales de comté, c'était le même problème. Chaque fois qu'on arrive dans la région de Montréal, on achoppe. On veut faire une uniformité au niveau du Québec, on arrive dans les grands centres urbains et on dit: On n'est pas capable de faire comme ailleurs. Est-ce qu'il n'y aurait pas des distinctions à faire au niveau des règlements entre Ies grands centres urbains et les centres qui sont en province?

Ce sont des points importants parce que, même à la fédération, on n'est pas capable de dire qu'il y a une uniformité.

C'est pour ça qu'on a des conseils régionaux parce qu'on sent qu'il y a des distinctions, des spécificités et que, même s'il y a une unité au niveau d'une fédération, on a des distinctions dont on doit tenir compte au niveau de la régionalisation.

Je pense que ces points-là sont importants et l'essentiel de notre présentation est de se dire: Nous, on travaille à la défense des intérêts des gens du troisième âge. C'est sûr que, même si cela affecte peut-être peu de personnes, elles sont concentrées. Même si on semblait dire, dans certaines statistiques, que ce sera peut-être 1 % ou 2 %, pour nous, c'est 1 % ou 2 % que l'on se doit de défendre.

Mme Cambron: Si vous me le permettez, M. le Président, j'aimerais faire une évaluation des mesures proposées dans le document. On parle de maintien dans les lieux pour une période illimitée. Je pense qu'il est inutile de s'illusionner, il faut être réalistes. Si, en dépit de l'existence du moratoire, des promoteurs et des propriétaires en grand nombre ont exécuté des reprises de possession, des évictions et des conversions au grand jour impunément, comment croire aujourd'hui à une protection efficace des locataires sans harcèlement et sans abus? Par l'obligation d'émettre un avis d'intention de convertir avant d'entreprendre des démarches? Illusion. Par une interdiction au propriétaire de reprendre possession ou par un droit dévolu au locataire d'être maintenu dans les lieux pour une période illimitée sans distinction d'âge, de revenus ou d'autres conditions socio-économiques? Autre illusion.

Le croire, c'est aller un peu contre la logique des choses et c'est tout simplement naïf de l'exprimer. Cette mesure aurait sans doute été efficace pour faire respecter le moratoire actuel, mais, à notre avis, elle vient malheureusement trop tard.

Le Président (M. Rochefort): Je vous demanderais de conclure. Malheureusement, compte tenu des règles, il vous reste une trentaine de secondes pour le faire, s'il vous plaîtî Malheureusement...

Mme Cambron: De toute façon, sur le rôle de la Régie du logement et sur les mesures de protection et d'encadrement, je pense que notre mémoire est assez explicite. Mme la présidente pourra conclure.

Le Président (M. Rochefort): Mme la présidente.

Mme Leblanc: Nous croyons que la levée du moratoire ne réglera en rien le problème du logement pour les personnes âgées ni pour les familles à faibles revenus. Elle bénéficiera davantage, croyons-nous, aux intermédiaires spéculateurs qui auront flairé les bonnes transactions immobilières et aux constructeurs qui auront effectué les transformations. Les profits qu'ils réaliseront doivent les écarter de toute forme d'aide financière.

Si on compare les subventions massives versées aux concepteurs, promoteurs et constructeurs d'habitations dites modiques aux maigres et restrictifs programmes d'aide directe aux locataires, soit Logirente et Supplément au loyer, on ne peut qu'être scandalisé. Par exemple, le programme Logirente destiné aux personnes âgées a bénéficié à moins de 20 000 personnes alors qu'on avait escompté en aider 60 000. Y a-t-il eu des lacunes dans l'information? Le programme est-il déficient ou pas assez généreux? Est-il possible que les frais d'administration du programme soient même supérieurs aux montants des allocations versées? Alors que l'aide directe pourrait rejoindre plus de bénéficiaires à faible coût. Le budget de Logirente est une goutte d'eau comparé aux frais de construction et aux frais d'opération énormes des HLM, on continue, pourtant, la construction de logements subventionnés et on veut, de surcroît, subventionner le secteur privé et accorder directement aux propriétaires privés le Supplément au loyer.

Un autre exemple: "la formule des appartements grand-mère." Je vais sauter ce paragraphe. Je vais mentionner tout de même que, lorsque l'État subventionne une forme de propriété quelconque, il devrait prévoir à ce moment des mécanismes particuliers de contrôle en raison du caractère mobile et temporaire de ce type de pavillon - on parle de la formule des appartements grand-mère - qui doit toujours être occupé par une personne âgée. Cet aspect a-t-il été étudié et évalué?

Ce qui s'impose au Québec aujourd'hui, c'est plutôt une politique globale de l'habitation et une tribune de concertation et de coordination dont les membres se préoccupent des besoins immédiats des citoyens, d'une part, et de la capacité de l'État, d'autre part, de financer des programmes réalisés par des corporations privées ou même publiques. C'est une lourde responsabilité à partager entre l'État, le secteur privé, les corps publics et les associations de citoyens impliqués socialement.

La FADOQ souhaite depuis des années une table de concertation, interministérielle de préférence, pour l'établissement d'une politique globale au service des aînés et de la famille. Des programmes dynamiques plus ouverts et mieux coordonnés apporteraient sans doute, avec la collaboration des citoyens, de meilleures solutions.

Le Président (M. Rochefort): Je vous

remercie. M. le ministre.

M. Bourbeau: Oui, M. le Président, je vous demanderais de reconnaître le député de Lotbinière, s'il vous plaît!

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Lotbinière.

M. Camden: M. le Président, Mme la présidente et vous, les représentants de la FADOQ, il faut dire que j'ai porté une attention particulière à votre mémoire. Évidemment, je salue Mme Leblanc qui est une résidente de mon comté. Je dois vous dire aussi que j'ai noté la pertinence de certains de vos propos, particulièrement lorsque vous dites de la FADOQ, et à juste titre, je crois bien, "qu'elle possède une vision québécoise de la personne âgée qui respecte les particularités propres à chaque région."

Je pense qu'il est particulièrement intéressant de vous rencontrer ici ce matin et évidemment de nous permettre de vous consulter dans le cadre des présentes audiences de la commission de l'aménagement et des équipements.

J'ai retenu certains points en particulier qui sont, évidemment, fortement d'actualité, soit vos craintes de voir déraciner des personnes âgées de leur milieu. Cette crainte est, évidemment, manifeste, tant en milieu rural, pour d'autres raisons, qu'en milieu urbain, pour les raisons qu'on connaît déjà.

Cependant, je voudrais peut-être attirer votre attention sur des éléments qui m'inquiètent à certains égards. Je pense qu'on reconnaît de fait qu'il y a des problèmes actuellement dans le cadre des opérations de spéculation de certains propriétaires face è des logements, de l'appropriation de ces logements de façon plus ou moins subtile, avec plus ou moins de tact et dans une perspective qui n'est pas tellement respectueuse, je pense, des individus.

Je dois vous dire que vous vous opposez, d'une part,' à la levée du moratoire. Cependant, on constate une chose, c'est qu'il serait particulièrement intéressant que vous nous proposiez des avenues pour faire face à l'ensemble de ces situations qui sont difficiles pour ces gens, lesquels, évidemment, doivent composer avec des difficultés et des propriétaires qui sont plus ou moins scrupuleux. Qu'est-ce que vous proposez en fait pour pallier et corriger les déplorables gestes de harcèlement auprès des personnes âgées dont on nous a fait part depuis le début des audiences et aussi dont nous fait mention tout à l'heure M. Larocque?

Mme Leblanc: J'ai ici un communiqué qui est paru dans La Presse le 7 mai 1987 où le ministre Bourbeau disait: Après la levée du moratoire, il faudra étudier "l'expectative d'en fixer les paramètres, de façon à empêcher l'éviction des locataires, tout en permettant à ceux qui le désirent de se porter acquéreur d'un logement converti."

Vous me posez une question. Je vais passer la parole à M. Larocque. Je n'ai pas la réponse à cela. Je ne suis pas une spécialiste. Seulement, par exemple, cela peut s'étudier. M. Larocque passe la parole à Mme Cambron.

(II h 30)

Mme Cambron : Disons que cela fait plusieurs années que je réfléchis un peu à la question du logement par rapport aux personnes âgées qui ont de la difficulté. Concrètement, quand vous voyez une personne qui a 60 ans, 65 ans, 70 ans, qui habite un logis depuis longtemps, si on procède à une éviction, si la maison est vendue et convertie, la personne devra partir. Mais seulement le fait - je viens de déménager à 64 ans et je sais que ce n'est pas facile - de dire qu'il faut qu'elle choisisse ce qu'elle va garder, elle n'est pas capable de faire le partage à 70 ans ou à 75 ans. Alors, ce qu'elle va faire, c'est qu'elle va se tourner du côté du gouvernement et elle va dire: Vous allez m'envoyer dans un HLM ou dans un centre d'accueil. Tant qu'à me défaire de mes choses, il me faut le centre d'accueil. On dit qu'en centre d'accueil cela coûte très cher de loger une personne âgée qui est encore assez autonome. Si elle demeure dans sa maison, elle va pouvoir continuer à vivre de façon autonome. Mais si on la déracine de là, si elle n'a plus ses amis, qu'elle n'a plus ses mêmes voisins pour l'aider occasionnellement, c'est sûr qu'elle n'ira pas se loger ailleurs. Premièrement, bien souvent, elle n'aura pas les moyens de payer un logement beaucoup plus cher ailleurs. Deuxièmement, elle va peut-être être assez perturbée émotionnellement pour ne pas être capable de réagir et de pouvoir vraiment rester autonome et se débrouiller par elle-même.

Vous me demandez une avenue; je peux bien vous en suggérer une. Il y a des propriétaires âgés aussi qui sont dans des situations un peu semblables, qui ont une maison trop grande pour leurs besoins et qui voudraient bien peut-être la partager avec d'autres. Mais, à ce moment-là, il faut qu'il y ait des transformations qui soient faites, il faut des ajouts, il faut aussi l'adapter parce qu'il peut y avoir des personnes qui auront besoin d'un fauteuil roulant à un moment donné. Donc, il y a toutes ces dépenses et le propriétaire de 70 ou 75 ans n'a pas eu les salaires que les jeunes ont aujourd'hui. Dans son temps, les salaires étaient plus bas. Sa pension est sûrement assez modeste. S'il a participé au régime de rentes, il en a un

peu, mais comme cela fait plusieurs années qu'il est à sa retraite, peut-être que cela n'est pas tellement élevé, non plus, de sorte qu'il ne peut peut-être pas faire face aux dépenses qui vont lui être occasionnées pour faire l'adaptation et la transformation du logement. Si on pouvait avoir des mesures d'aide à un propriétaire ou à une personne qui est locataire dans une maison trop grande pour elle, en lui permettant de rester chez elle, peut-être, en prenant deux ou trois autres personnes... C'est un peu une solution qui a été envisagée dans différents pays, et de faire des appartements de groupe, on appelle cela comme cela, pour trois ou quatre personnes. Il y en a peut-être une qui a de la difficulté à marcher, l'autre a peut-être de la difficulté avec ses yeux, l'autre avec ses oreilles, mais peut-être qu'à trois elles peuvent un peu s'accommoder et s'entraider. Mais cela, la personne ne peut peut-être pas toujours le faire toute seule et à ses frais. Il faudrait peut-être de l'aide de ce côté. Cela pourrait être un élément de solution: de l'aide pour développer le logement partagé. Je pense que ce sont souvent de grands logements qui sont convoités, comme cela, pour être convertis. Cela permettrait peut-être une meilleure entraide et une espèce de vie de communauté dans un même logement qui serait assez grand pour les personnes et dans un même quartier où les gens souhaitent demeurer jusqu'à la fin. Je ne sais pas si cela peut répondre.

Mme Leblanc: Est-ce que M. Larocque peut ajouter quelque chose?

M. Larocque: Merci, M. le Président. En fait, vous mentionnez surtout comment on pourrait empêcher le harcèlement. Je pense bien qu'il n'y a pas de méthodes qu'on pourrait vous indiquer pour être sûr qu'il n'y aura personne qui, demain matin, aura le goût d'évincer un locataire, si cela lui rapporte, et qui va essayer d'utiliser des moyens de harcèlement. Si les règles sont moins larges un peu, c'est la loi de la jungle. On se dit: Avant la loi de la jungle, on peut avoir des réglementations qui vont, justement, éviter que des personnes âgées ne soient délogées très facilement. Peut-être qu'on ne s'est pas penché sur des solutions pratiques et concrètes, mais, tout simplement, à la vue des événements qui pourraient survenir, notre rôle est de vous sensibiliser et de vous dire: Écoutez, ces gens sont vulnérables. Attention! Il faudrait peut-être le prévoir, y penser et essayer de trouver des mesures.

Je pense qu'on a aussi mentionné à maintes reprises qu'on croyait qu'il y aurait lieu d'avoir des tables de concertation qui permettraient de trouver des solutions assez heureuses. La consultation auprès des gens pour exprimer leurs besoins, comme vous le faites aujourd'hui, je pense que cela aussi facilite l'approche pour trouver des solutions. Personne n'a de solution miracle, mais je pense qu'on doit être conscient qu'il faut mettre des règles du jeu peut-être plus précises pour éviter que les gens ne fassent n'importe quoi, surtout auprès de personnes qui sont plus vulnérables. C'est dans ce sens qu'on le soulignait.

M. Camden: Ma question s'adresserait peut-être à Mme Cambron. Plus particulièrement, vous avez fait mention en page 10 d'extraits du document concernant le maintien dans les lieux pour une période illimitée. Alors, on constate, d'une part, que vous manifestez votre opposition à la levée du moratoire dans les conditions actuelles et, à la fois, vous nous mentionnez, en page 10 du mémoire, que "cette mesure aurait sans doute été efficace pour faire respecter le moratoire actuel. À notre avis, elle vient malheureusement trop tard." J'ai de la difficulté, vous savez, à interpréter le fait que vous soyez, d'une part, contre le moratoire et que vous considériez aussi, d'autre part, que, si cette mesure avait été appliquée au moment du dépôt du moratoire, cela aurait été une façon de corriger des situations afin que les gens n'aient pas à vivre les difficultés qu'ils connaissent actuellement.

Mme Cambron: Ce qui arrive, c'est que tout le monde réalise et tout le monde admet que le moratoire a été établi en 1975 supposément dans une bonne intention et depuis il y a eu, quand même, toutes sortes de façons de contourner la loi et, malgré le moratoire, il s'est fait énormément de conversions, surtout à Montréal. Si le droit dévolu au locataire d'être maintenu dans les lieux pour une période illimitée sans distinction d'âge, de revenus ou d'autres conditions socio-économiques avait existé pour corriger, en fait, les failles qui existaient dans le moratoire, c'est sûr qu'on n'aurait pas vu ce qu'on a vu à la télévision: des vieux de 80 ans qui pleuraient d'être obligés de laisser leur quartier, parce que le propriétaire aurait dû les maintenir dans les lieux pour une période illimitée sans distinction d'âge, de revenus ou d'autres conditions socio-économiques. Cela veut dire que le propriétaire n'aurait pas pu augmenter le loyer. Alors, ta personne n'aurait pas déménagé. Cela aurait été une façon de corriger les failles du moratoire.

Là, c'est trop tard, parce qu'il y a déjà un très grand nombre de conversions qui se sont faites à Montréal et cela a déplacé des personnes âgées. Les personnes qui ont été déplacées, que ce soit des personnes âgées ou d'autres personnes, ont eu des augmentations de 45 % à 123 % de loyer à payer, pour être déplacées en plus. En

réalité, les personnes âgées qui ont des revenus modestes ne peuvent pas faire face à ces augmentations. Même si elles avaient acheté le condo, si le propriétaire leur avait dit: Bien, si vous voulez l'acheter, vous avez un droit de préhension, vous avez le premier choix, cela aurait été une augmentation de 53 % de loyer. Les personnes " âgées ne peuvent pas se permettre cela. Elles n'ont pas les revenus pour se permettre des augmentations comme celle-là.

II y a des personnes de 65, 70 et 75 ans qui vendent leur maison quand elles en ont une pour aller à loyer, parce qu'elles ne sont plus capables d'entretenir la maison, de couper le gazon, de pelleter l'hiver. Donc, il n'y a pas d'intérêt pour elles à rester propriétaires ou à acquérir une propriété. Comme l'Association de l'immeuble du Québec le disait ce matin, c'est sûr que, pour des jeunes, c'est un avantage d'être propriétaire, mais les personnes âgées, elles ne voient pas cela de la même façon.

Le Président (M. Rochefort): Cela va, monsieur? M. le député de Shefford.

M. Paré: Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bienvenue à la Fédération de l'âge d'or du Québec. Je suis très heureux que vous ayez pris le temps et les énergies nécessaires pour monter le mémoire et venir nous le présenter. À la lecture du mémoire et après la présentation que vous en avez faite ce matin, je pense qu'il est important qu'on prenne bonne note, comme responsables à Québec, du message que vous passez. Vous passez des messages, entre autres, sur une politique globale, mais qui ne doit pas être tout simplement isolée parmi le reste des préoccupations gouvernementales.

Vous avez - je ne vous rappelerai pas la page, mais je suis sûr qu'on va se rappeler où - parlé, à un moment donné, de maintien à domicile qui est une responsabilité ou, en tout cas, une orientation gouvernementale du ministère de la Santé et des Services sociaux. On a parlé hier, et c'est important aussi, de désinstitutionnalisation. Donc, on veut garder les gens chez eux. On veut faire en sorte que les gens soient le plus longtemps possible chez eux et on sait très bien que ce qui est important, si on veut que les gens soient bien et ne cherchent pas à entrer en institution, c'est d'abord qu'ils soient en sécurité, qu'ils puissent retrouver dans leur demeure une sécurité certaine, et c'est l'environnement qui fait que c'est ainsi. On s'habitue à l'environnement au cours des années, en se faisant des amis, en s'habituant à un rythme de vie. Le rythme de vie, c'est l'environnement général. Cela veut dire le quartier, la rue, les voisins, les commerces, les amis qu'on se fait au cours des années. Vous le spécifiez Ià-dedans: c'est l'orientation qu'un ou une ministre se donne. Par contre, il y a un autre ministre maintenant en ce qui concerne la politique de la famille. Vous en faites état en disant qu'il faut qu'il y ait une vision globale et que, s'il y a un comité, il faut que ce soit un comité formé de plusieurs ministères.

Là, on parle de quelque chose d'acquis; on a eu des annonces presque officielles de la part du ministre au cours des derniers jours, hier encore, disant qu'on aura incessamment, très prochainement, la chance de discuter d'une politique globale de l'habitation ou du logement. On nous informe, du côté gouvernemental, qu'il faut s'attendre à l'annonce prochaine d'un document de référence, d'une consultation ou d'une orientation gouvernementale en matière de politique de la famille qui est tout à fait relié à cela. Je dis qu'aujourd'hui, si on vient parler de la levée du moratoire, il faut en connaître les conséquences et savoir qu'il ne s'agit, en fait, dans une politique globale du logement, que d'une seule facette. On ne peut pas régler cela maintenant. Il faut attendre une politique globale de l'habitation et une politique globale de la famille. Ainsi, on ne risque pas d'être obligé, dans quelques semaines, dans quelques mois, de corriger des erreurs ayant des conséquences négatives et même dramatiques pour le groupe que vous représentez. C'est le premier commentaire que je voulais faire et je pense que c'est impartant.

Ma première question portera sur la recommandation que vous faites en disant qu'il faudrait interdire la conversion dans certains quartiers. Quand on commence à limiter comme ça, est-ce que ce ne serait pas mieux d'adhérer à la proposition de la ville de Montréal, hier, qui disait: II faudrait plutôt donner une possibilité à la ville de décider? Quand on commence à regarder Montréal dans sa totalité, il n'y a que les quartiers neufs qui ne seront pas touchés. Je ne pense pas que, sur le boulevard Pie IX au nord, et sur le boulevard Henri-Bourassa, dans ces coins, ils seront le plus touchés. Ce sont vraiment tous les quartiers centraux. Les mieux placés pour être capables de percevoir les besoins et les priorités de la population, ce sont les élus municipaux qui sont près de leur population et qui ont une responsabilité en matière d'habitation, de rénovation, en termes de permis de construction. Est-ce que vous ne pensez pas qu'au lieu de procéder par quartier, il y aurait avantage à procéder, en tout cas à Montréal où il y a le plus de danger, par municipalité?

M. Larocque: En fait, comme je l'ai mentionné tantôt, on doit tenir compte de réalités qui sont distinctes à des moments donnés. C'est difficile de faire une politique globale sans tenir compte de phénomènes

locaux ou régionaux. Je pense qu'on n'aurait pas d'objection à dire: C'est la municipalité qui le détermine. On n'aurait pas d'objection à ce que ce soit cette modalité qui s'applique.

M. Paré: Merci. Un autre point que vous avez développé passablement tantôt, c'est l'attrait des quartiers populaires. Il est évident qu'avec les années et les changements de mentalité les modes changent. II y a eu départ vers les banlieues; il y a retour vers la ville. Il y a aussi cet attrait des quartiers populaires, à proximité des services. Vous le dites, vous le précisez: C'est en grande partie dans ces quartiers que demeurent les personnes à la retraite. On dit: II y a menace de déplacement s'il y a levée du moratoire. Moi, je me dis: il y a plus que menace, il y a certitude. C'est dans ce 3ens que nou3 voulons que le ministre révise sa position. Il y a certitude, à la lumière de ce qui s'est passé dernièrement.

J'aimerais avoir vos commentaires. On semble dire, dans la proposition gouvernementale, que le fait de lever le moratoire fera baisser le prix des maisons. Vous en avez donné des exemples tantôt: une maison de 60 000 $ s'est transformée rapidement en une maison d'une valeur de 60 000 $ par logement. Cela veut dire que maintenant on est rendu que cela ne fait plus baisser les prix, mais que cela les multiplie en proportion des logements dans un édifice. (11 h 45)

Je pense que c'est bien plus vers cela qu'on s'en va que vers une diminution si on ouvre largement. La meilleure preuve qu'on a là-dessus, c'est au niveau des édifices neufs présentement. Ça se bâtit comme on ne l'a pas vu depuis très longtemps. Ce que cela a comme effet, c'est que l'augmentation de la valeur pour la personne qui veut l'acquérir, c'est de 18 %, 20 %, 22 % et même 28 %, tout dépendant des mois. À cause du phénomène présent de construction, heureusement de taux d'intérêt assez bas et tout ça, cela fait en sorte que plus on en bâtit, plus c'est élevé dans le logement neuf. Là, on semble vouloir nous dire que, dans le logement usagé qu'on voudrait convertir, le fait d'ouvrir, cela ferait baisser les prix, alors que, depuis quelques années, dans les quartiers où on peut maintenant voir les conséquences des transformations, c'est le contraire.

Vous avez donné un exemple et il y a d'autres groupes qui ont donné des exemples hier, où, finalement, des maisons qui devraient se vendre quatre ou cinq fois la valeur des revenus sont vendues dix, douze et quinze fois la valeur des revenus en prévision de la levée du moratoire. À votre avis, laquelle des deux interprétations est bonne? Est-ce que vous pensez que c'est vrai qu'ouvrir les vannes - excusez l'expression - à la conversion va faire baisser les prix pour ceux qui veulent acquérir un logement?

Mme Leblanc: Â mon avis, ça serait complètement contraire à ce qui se produit dans n'importe quel domaine. Tout est à la hausse. Comme prétexte, probablement qu'il y aura plus de commodités dans ces logements. La personne âgée sera-t-elle capable de payer ces commodités? Non. Je voudrais ajouter aussi que c'est prévu que, vers l'an 2000, il va y avoir vraiment un exode de la campagne vers la ville. Les personnes âgées vont se diriger là. Quand on parlait, tout à l'heure, d'une politique globale du logement à partir d'une politique globale de la famille, eh bien, moi, je souhaiterais et j'ai confiance qu'on en vienne tous ensemble à avoir une alternative de logements pour les gens en ville et de services pour les gens à la campagne, parce qu'il y a des logements en campagne.

Mme Cambron: Pour répondre à votre question concernant la hausse des prix, je pense que cela ne peut pas faire autrement que favoriser la hausse des prix. C'est un peu la loi de l'offre et de la demande. Il y a une très forte demande de personnes qui sont en banlieue actuellement et qui veulent réintégrer le centre-ville parce qu'elles veulent être près des services. Elles ont goûté à la campagne je veux dire à la banlieue quand les enfants étaient jeunes. Maintenant que les enfants sont partis ou sont plus âgés, elles veulent revenir à Montréal pour être près des métros, près des magasins, près des services. Donc, il y a une très forte demande. Je pense que la pression pour la levée du moratoire a été faite en raison de cela.

Comme il y a une très forte demande, c'est sûr que les prix ne peuvent pas faire autrement qu'augmenter. Les prix ne peuvent pas diminuer. Même si quelqu'un a acheté une maison à très bon marché parce qu'il a eu affaire à un propriétaire qui était âgé et qui ne savait pas trop se défendre, le premier acheteur n'a peut-être pas payé la maison cher, mais quand il va l'avoir transformée et qu'il va l'avoir convertie, quand il va revendre les unités, il va les revendre très cher. Cela ne peut pas être autrement. C'est la logique des choses parce qu'il y a une très forte demande.

M. Larocque: C'est sûr. Sans qu'on ait fait une analyse poussée des statistiques nous-mêmes, c'est la réalité qu'on a rencontrée. En tout cas, je n'ai pas vu de cas où la maison valait 40 000 $ et a été vendue en unités pour la valeur totale de 25 000 $. Ça a été le contraire. Si la maison valait 40 000 $ et que, dans cette maison, il y avait trois unités, on a peut-être vendu chaque unité 40 000 $ ou enfin

30 000 $.

Une chose est certaine - c'est ce que je voulais ajouter, mais Mme Cambron m'a un peu précédé là-dessus - c'est qu'il y a un phénomène qu'on peut constater: évidemment, les gens arrivent vers la ville parce qu'il y a plus de services en ville. Il y a un phénomène un peu paradoxal: autant on peut dire que la ville, c'est gros, c'est anonyme, qu'on voudrait la petite unité, qu'on voudrait vivre à l'échelle humaine, autant on revient vers la ville - on le voit chez les gens du troisième âge - parce qu'on a une plus grande sécurité, qu'on est rassuré. Les médecins sont plus près, les transports en commun sont plus accessibles. C'est plus facile, si on n'a plu3 notre automobile etc. À la grande ville même, malgré cette espèce de déshumanisation qu'on y retrouve, on retrouve aussi des services plus accessibles, plus faciles. Alors, on revient vers la ville et cela aussi, c'est un jeu qui fait que c'est dangereux au niveau de l'augmentation des coûts. C'est sûr que, s'il y a une plus grande demande, cela peut jouer dans le sens contraire tantôt. On parlait du maintien à domicile. On n'a pas besoin de faire la preuve - je pense qu'elle a été faite depuis quelques années - que, socialement, c'est moins cher que l'institutionnalisation. Par contre, le maintien à domicile suppose aussi qu'on est capable de se loger à des coûts qui sont abordables; il y a une espèce de logique là-dedans dont il faut tenir compte.

M. Paré: Oui. Vous avez aussi mentionné, lors de la discussion tantôt, qu'il n'y a pas intérêt pour les personnes du troisième âge à accéder à la propriété. On a beau vouloir en faire un beau grand principe, les gens qui sont passés avant vous voudraient bien que tout le monde soit propriétaire avec une Cadillac dans la cour puis la piscine en arrière et, moi aussi, j'aimerais que tous les Québécois aient cela, sauf qu'il ne faut pas rêver en couleur. Vous dites que, passé un certain âge, question de sécurité, question aussi d'avoir moins d'ouvrage à cause de la capacité d'entretenir, c'est plutôt le phénomène inverse: on se départit de sa propriété. Donc, l'accès à la propriété: oui, en principe, pour ceux qui veulent et pour ceux qui peuvent. Par contre, pour les personnes du troisième âge, ce serait plutôt le phénomène inverse: on vend ses propriétés pour avoir moins de problèmes. La levée du moratoire pour le groupe que vous représentez, à votre avis, a-t-elle quelques effets bénéfiques? En quoi consiste l'intérêt de cela? Avez-vous trouvé que cela va dans la direction de l'intérêt de vos membres ou si, effectivement, c'est totalement contre les intérêts de vos membres?

Mme Leblanc: Moi, le problème de la ville, je le connais moins. À la campagne, je sais que les personnes âgées aiment beaucoup être propriétaires. Elles ont leur propriété et elles la gardent longtemps, tant qu'elles le peuvent. Je vais laisser les autres répandre. Ils connaissent les problèmes de la ville.

M. Larocque: Oui. C'est peut-être la situation, justement. Â la campagne, comme Mme Leblanc vient de le souligner, ce n'est peut-être pas le même phénomène qu'à la ville. Quand les gens viennent s'installer à la ville - vous connaissez les tours de résidences pour personnes âgées qu'on a construites - ils ne sont pas intéressés à devenir propriétaires pour différentes raisons. Ce n'est pas le même phénomène absolument, le phénomène urbain. Quand on vient à la ville, on a vendu sa maison à l'extérieur et, même pour un résident de la ville, pourquoi la personne âgée vend-elle sa résidence? Parce que, très souvent, d'abord, c'est une résidence unifamiliale ou un logement qui est trop grand. La famille est élevée et on n'a plus besoin d'autant d'espace. Pourquoi entretenir six pièces ou six pièces et demie alors qu'on pourrait se contenter d'un quatre pièces ou quatre pièces et demie? Il y a toutes ces raisons très concrètes, très terre à terre, qui font qu'une journée on se dit: Qu'est-ce que je fais là? Je déménage. C'est plus facile pour moi, c'est moins de troubles, moins de préoccupations: les tuyaux, la fournaise, tous les problèmes concrets et pratiques.

Ce sont des faits que j'ai constatés dans mon travail - je travaille en régions et particulièrement à Montréal - à savoir que des gens sont tentés de se départir de leur maison à Montréal quand ils arrivent à un certain âge et surtout quand, dans le couple, l'un des deux est disparu; quand on est seul, c'est une autre raison, un autre motif pour se dire: On va devenir locataire. On a constaté cela facilement.

Le Président (M. Desbiens): Merci. M. le ministre, pour le mot de la fin.

M. Bourbeau: Oui, seulement pour remercier les représentants de la FADOQ pour leurs propositions, tout en leur soulignant que le programme Logirente, puisque vous en parlez dans votre mémoire, ne vient pas en aide à 20 000 personnes, comme vous l'avez mentionné, mais plutôt à 32 000 à l'heure actuelle. Je vous rappelle que c'est un programme universel, en ce sens qu'il n'est pas limité à un nombre X de personnes, qu'il est ouvert à tous les citoyens du Québec quels qu'ils soient et quel que soit leur nombre, pourvu qu'ils aient 60 ans et qu'ils entrent évidemment dans les paramètres du programme. Je pense qu'il est important de dire ces choses-là parce qu'il ne faudrait pas penser que nous limitons le

programme Logirente à un nombre de personnes âgées. C'est l'un des rares programmes universels, en ce sens que nous n'avons aucune limite au nombre de personnes qui peuvent être admises dans le programme. Il ne s'agit que de demander si on entre dans les paramètres du programme... Bref, c'est un programme qui s'applique, comme vous le savez, aux gens qui ont des moyens financiers très restreints. Automatiquement, s'ils entrent dans les limites, ils sont acceptés, pourvu, évidemment, qu'ils aient au moins 60 ans.

Merci de votre contribution et j'espère qu'on vous reverra bientôt.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Shefford, une dernière intervention.

M. Paré: Oui, seulement pour vous remercier et vous dire que j'espère que le gouvernement va prendre en considération une de vos demandes, c'est qu'il y ait une table de concertation où vous pourriez participer, parce que vous représentez beaucoup de gens, et où plusieurs ministères seraient représentés puisque l'habitation, le logement, c'est effectivement quelque chose qui est global et non pas très sectoriel et limitatif. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Desbiens): Nous vous remercions pour votre présentation. J'inviterais maintenant le Forum des citoyens âgés de Montréal à s'approcher de la table, s'il vous plaît!

Je vous souhaite la bienvenue. M. Dansereau, avant que vous présentiez les membres de votre groupe, je vous rappelle les règles de la rencontre: quinze minutes pour la présentation de votre mémoire, lequel a déjà été reçu par chacun des membres de la commission et qui ont eu le loisir de l'étudier; ce sera suivi d'échanges de quinze minutes avec le parti ministériel et de quinze minutes avec l'Opposition. Â vous la parole.

Forum des citoyens âgés de Montréal

M. Dansereau (Alfred): M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs membres de la commission, nous vous remercions de nous écouter ce matin.

J'aimerais présenter les membres du comité du logement. À ma gauche, Mme Evelyn McOuat; M. John Bradley, à droite; Mme Marie-Paule Lamarche, à gauche de Mme McOuat; M. Roland Larouche, mon voisin; Mme Lucette Hornblower, directrice générale du Forum des citoyens âgés.

Fondé en 1965, le Forum des citoyens âgés de Montréal est une association composée de personnes bénévoles de 50 ans ou plus et d'organismes qui participent à une action sociale dans le but d'améliorer la qualité de vie des aînés et de contribuer au bien commun de la société. Le forum considère les personnes âgées comme des citoyens à part entière et, à ce titre, il les encourage à exercer leurs responsabilités et à veiller au respect de leurs droits. Le forum planifie, organise des actions collectives concertées visant cette amélioration de la qualité de vie. De plus, le forum diffuse l'information concernant la situation des personnes âgées auprès de ses membres, des organismes concernés, des médias, des élus et du public en général.

Le forum met sur pied et appuie des comités composés de membres actifs et de représentants d'organismes. Ces comités examinent les situations vécues par les aînés en matière de logement, de revenu, de transport en commun, de maintien à domicile, etc. Ils transmettent aux membres et aux autorités concernées la position et les recommandations du forum. Au besoin, ces comités défendent tes intérêts des aînés au sein des groupes gouvernementaux, parapublics ou autres. Le forum compte près de 600 membres individuels, 45 membres collectifs (associations, groupes de personnes âgées, organismes de services), 250 organismes coopérants (associations, groupes, clubs, centres communautaires, CLSC, DSC, centres de jour, centres de bénévolat et autres).

Nous aimerions signaler que les recommandations contenues dans notre mémoire ont été appuyées par une trentaine d'organismes communautaires dont nous pourrons vous fournir la liste. Tous ces organismes travaillent auprès de personnes âgées. (12 heures)

Depuis 22 ans, le Forum des citoyens âgés de Montréal se préoccupe des aînés, conformément à sa mission de promouvoir l'amélioration de leur qualité de vie. Notre association réalise depuis longtemps que l'assurance d'un logement décent, à prix abordable, est un besoin primordial des personnes âgées. En instituant un programme de services à domicile, le gouvernement reconnaît aussi que le maintien des personnes âgées dans leur milieu naturel et familier est un élément indispensable à leur santé psychologique et physique.

C'est dans cette optique que nous vous soumettons ce mémoire relatif à la levée du moratoire sur la conversion des immeubles locatifs en copropriété divise. Pour le Forum des citoyens âgés, la question clé est la suivante: Est-ce que la levée du moratoire contribuera à l'amélioration de la situation du logement pour les personnes âgées? Après l'étude de la proposition du gouvernement du Québec rendue publique dans le document "Lever le moratoire: une décision qui s'impose" et d'après nos connaissances de la

situation économique et sociale des personnes âgées, nous devons répondre par la négative. Selon le gouvernement, une des raisons principales pour la levée du moratoire est de favoriser l'accès à la propriété. Pourtant, pour la grande majorité des locataires, surtout pour les locataires âgés, l'accession à la propriété n'est pas une option valable. Tous les effets souhaitables de l'accession à la propriété évoqués par le gouvernement s'appliqueraient également à une formule d'accession sans but lucratif. De plus, ce type de développement assurerait un maintien dans les lieux à loyer raisonnable. Laissez-moi vous citer quelques données statistiques. 91 % des personnes âgées du Québec déclarent des revenus annuels inférieurs à 20 000 $; 72 % des ménages avec chef de famille âgé ont des revenus inférieurs à 20 000 $.

Depuis les 25 dernières années, le développement urbain et surtout l'aménagement du centre-ville de Montréal n'ont pas assez tenu compte des locataires âgés. Les démolitions massives, par exemple, pour la Maison Radio-Canada et l'autoroute Ville-Marie, la chute dramatique du nombre de chambres, 15 000 à 5000 depuis 1977 et plus récemment la vague spéculative en copropriété indivise, alimentée par les subventions à la rénovation ont contribué à la diminution d'un stock de logements à prix abordable.

Si on regarde de plus près la situation économique des personnes âgées de Montréal, ou nous pouvons présumer que la conversion aura les effets les plus importants, la situation est alarmante. En effet, l'île de Montréal, avec 200 000 aînés compte presque 36 % de la population âgée du Québec. 35 % de ces personnes âgées, soit 70 000 personnes, se trouvent sous le seuil de la pauvreté.

Dans les quartiers du centre de Montréal, la situation est encore plus alarmante. 27 925 personnes âgées dans seize districts de CLCS centraux sont sous ce seuil de la pauvreté, soit 47 % de la population âgée de ce secteur, 59 230 personnes.

Tenant compte de ces facteurs bien connus, on devrait compter sur des interventions importantes en vue de remédier à ce problème. En effet, que le projet, tel que présenté à la consultation, n'aurait pour conséquence que d'aggraver cette problématique.

Donc, pour résumer, 10 % des personnes âgées du Québec demeurent dans les quartiers du centre de Montréal et leur taux de pauvreté approche 50 %. Notre argumentation s'attarde particulièrement à la population des locataires âgés de Montréal. Nous demeurons toutefois conscients que le phénomène de la conversion aura des effets importants sur l'ensemble du territoire de la région métropolitaine et au-delà. Si on ajoute à cette population toutes les personnes qui ont des revenus un peu plus élevés, il est évident que l'accès à la propriété est indispensable pour cette couche de la population, De plus, les personnes âgées mieux nanties sont soit déjà propriétaires ou préféreraient garder leurs biens liquides pour utilisation à court et à moyen terme.

Les locataires âgés de Montréal. Ceux-ci, en général, occupent leur logement depuis longtemps et bénéficient souvent d'un loyer raisonnable. Ils ont développé un réseau de liens sociaux et affectifs et se sentent à l'aise dans leur quartier, leur voisinage, leur milieu familial et leur milieu familier et naturel.

Nous pouvons présumer sans nous tromper que le taux de conversion en copropriété divise sera le plus élevé dans les districts centraux de Montréal où résident près de 60 000 personnes âgées. Vu leur proximité des services et l'infrastructure culturelle et économique, ces locataires âgés seront les premiers à subir les effets de la levée du moratoire. Les raisons suivantes nous convainquent des conséquences sérieuses de cette levée du moratoire: Bon nombre de logements occupés par les personnes âgées sont très susceptibles de conversion. La majorité des locataires âgés résident depuis de nombreuses années dans leur logement, paient des loyers raisonnables sans avoir les moyens d'en faire l'achat. Des promoteurs spéculateurs ont un intérêt économique à se débarrasser des locataires peu payants et à revendre les logements convertis en copropriété divise. Bien des personnes âgée3 sont craintives, inquiètes et vulnérables au harcèlement et se sentent incapables d'entreprendre des poursuites judiciaires.

En somme, nous croyons que cette conjoncture amènera une expulsion massive des locataires âgés. Les mesures de protection suggérées sont inefficaces, longues et laborieuses. Et elles ne seront pas utilisées par la grande majorité des personnes âgées. Soit par harcèlement, coupure de services, offre de pots-de-vin ou par simple menace, les "développeurs" vont réussir à contourner les règlements proposés.

Malgré les mesures d'encadrement devant accompagner la levée du moratoire, nous croyons fermement que le résultat final sera un exode des personnes âgées de leur logement, de leur quartier, ce qui entraînera des coûts économiques, sociaux et médicaux très élevés. Les liens que les personnes âgées développent dans leur milieu naturel, dans leur environnement, sont très difficiles à recréer lors d'un déplacement, volontaire ou pas, et peuvent causer un stress important. Le support social, l'accès aux services de santé et aux services communautaires pourraient également se détériorer. L'effet de harcèlement ou de déracinement d'un quartier pourrait avoir des conséquences

traumatiques désastreuses.

Regardons de plus près certaines mesures d'encadrement proposées et la possibilité d'abus. À première vue, le droit du locataire au maintien dans les lieux pour une période illimitée semble être une mesure complète de protection. Cependant, pour se débarrasser de ces locataires âgés, le propriétaire pourra tout simplement, sans même signaler son intention de convertir, donner avis de réparations majeures. La personne âgée expulsée pour une période de six à huit mois retournera-t-elle dans son logement? De la même manière, une reprise de possession pourra être accordée au propriétaire lui-même ou à une parenté acceptable.

Deuxièmement, même s'il y avait certaines mesures de protection pour s'opposer au phénomène de la conversion sous prétexte de réparations majeures, on se demande sérieusement si les personnes âgées auront l'énergie et la ténacité nécessaires à des poursuites légales malgré un "guichet spécial". Si elles ont déjà été évincées et sont installées maintenant ailleurs, probablement dans un loyer plus élevé, est-ce qu'elles auront le goût et la volonté d'entreprendre de telles procédures?

À la suite de la conversion, les locataires qui ont résisté au harcèlement auront un autre obstacle à franchir: les hausses de loyer subséquentes a des rénovations entreprises par les copropriétaires une fois majoritaires à l'assemblée des copropriétaires. En toute probabilité, la personne âgée n'aura pas les moyens de subir les augmentations de loyer et s'en ira hors du quartier et peut-être dans un logement converti où elle n'aura plus aucune protection.

On se demande quels effets positifs il y aurait alors de la levée du moratoire pour les personnes âgées. Est-ce que la grande majorité des personnes âgées ont les moyens d'acheter leur logement? La réponse est assurément non. Est-ce que la spéculation immobilière et ses coûts effarants vont favoriser le maintien des personnes âgées dans leur milieu naturel? Nous en doutons fortement. Est-ce qu'une personne âgée qui bénéficie du supplément du revenu et qui consacre 40 %, soit 290 $ de son revenu garanti mensuel de 657 $ au loyer sera considérée comme un locataire privilégié et à protéger aux yeux d'un promoteur qui pourrait vendre le logement en condo à 40 000 $, 50 000 $ ou 60 000 $? La réalité économique nous fait croire autrement.

Est-ce que les personnes âgées vont lutter contre les spécialistes en spéculation lors de harcèlement ou de fraude? Nou3 crayons que non et qu'elles ne doivent pas être mises dans cette situation périlleuse.

Est-ce que les personnes âgées auront accès aux HLM à Montréal? Avec grande difficulté! La liste d'attente officielle se chiffre à 3000 personnes et la ville prévoit construire, en 1988, 300 logements pour les personnes âgées.

Avant de passer à nos recommandations principales, nous aimerions soumettre certaines suggestions advenant que le gouvernement décide de procéder à la levée du moratoire malgré notre profond désaccord. Que l'article 1 de la Régie du logement soit modifié pour qu'en tout temps un logement locatif ou devenu vacant relève de la Régie du logement; que la contrainte au chapitre des réparations majeures après l'avis d'intention de convertir soit maintenue jusqu'à ce que les propriétaires résidents soient majoritaires à l'assemblée des copropriétaires et que le locataire ait le droit de contester l'opportunité et la nature des travaux; que le droit d'occupation illimitée soit aussi appliqué à ceux qui deviennent locataires après déclaration de la copropriété; que les offices municipaux d'habitation ou les organismes sans but lucratif aient un droit de préemption pour se porter acquéreur des logements occupés par les personnes âgées; que des pouvoirs soient confiés aux municipalités pour empêcher la conversion dans certaines zones ou quartiers; que les délais pour utiliser le droit de préemption soient normalement de trois mois pour un locataire et de six mois pour les organismes sans but lucratif ou coopératives; que la majorité des locataires soient d'accord pour la conversion des logements en copropriété et que tout propriétaire soit obligé de faire une demande à la régie pour entreprendre des réparations et que le locataire ait le droit de contester la nature et l'opportunité des travaux majeurs.

Nos principales recommandations sont que: la conversion des logements locatifs sous toute forme (divise ou indivise) soit interdite jusqu'à ce que le gouvernement du Québec se dote d'une politique globale en matière d'habitation pour s'assurer que toute personne à faible revenu, âgée ou non, puisse avoir accès à un logement décent à prix abordable et puisse demeurer dans son logement et dans son quartier; que le gouvernement favorise l'amélioration du développement du secteur public (HLM) et du secteur sans but lucratif (coopératives et OSBL), ainsi que le développement de formules innovatrices.

Le phénomène incontestable d'une population rapidement vieillissante demande une politique qui assurera l'accessibilité aux logements à prix modique. Selon les prévisions, il y aura au moins 148 180 nouvelles personnes âgées résidant dans la région métropolitaine de Montréal d'ici à l'an 2006. Il est clair que les politiques d'aujourd'hui vont directement influencer les choix disponibles d'ici à 20 ans.

Nous croyons fermement qu'une décision

de lever le moratoire sur la conversion des immeubles locatifs en copropriété divise ne contribuera pas à l'amélioration de la qualité de vie des aînés. Par conséquent, nous nous prononçons fortement contre ce projet du gouvernement actuel.

À la suite des présentes consultations, nous souhaitons pouvoir intervenir de nouveau avant qu'une décision finale ne soit prise. Merci beaucoup de votre attention.

Le Président (M. Rochefort): Merci de votre présentation. M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, je demanderais que vous reconnaissiez Mme la députée de Dorion, s'il vous plaît!

Le Président (M. Rochefort): Mme la députée de Dorion.

Mme Trépanier: M. le Président, je voudrais en premier lieu remercier le président du Forum des citoyens âgés de Montréal de sa présentation claire. Votre mémoire est tout à fait éloquent et clair. Merci d'être là.

Vous nous avez dit dans votre préambule que vous étiez des citoyens à part entière. Permettez-moi de vous dire que vous êtes des bâtisseurs de notre société et que tous autant que nous sommes autour de cette table, si ce n'est déjà fait, chaque matin nous approchons de plus en plus de la FADOQ et du Forum des citoyens âgés. Nous sommes tout à fait sensibles à vos problèmes. Ce sont des solutions que nous essayons de chercher ensemble. (12 h 15)

Dans l'introduction de votre mémoire vous faites deux constats. Vous dites que les personnes âgées désirent - je dirais plus, je dirais qu'elles ont le droit - avoir un logement décent à prix abordable. Vous dites aussi que le gouvernement et sûrement vos organismes veulent maintenir les personnes âgées dans leur milieu naturel et familier. Je crois que vos objectifs et les nôtres avec le projet de levée de moratoire, sont tout à fait conciliables à bien des points de vue puisque nous voulons aussi permettre à des personnes de rester dans leur logement, donc, dans leur milieu naturel et ce, en devenant propriétaires de leur logement à un prix abordable. De plus, nou3 voulons accorder une protection accrue aux locataires et je pense que vous êtes tout à fait conscients que présentement il y a des problèmes majeurs au niveau de la protection des locataires. Nous essayons de travailler dans ce sens-là.

Je voudrais revenir sur certains points de votre mémoire. Vous dites à la page 4 que la majorité des locataires âgés résident depuis de nombreuses années dans leur loge- ment, paient des loyers raisonnables sans pouvoir acheter ces derniers.

À la page 6 vous dites: "Est-ce que la grande majorité des personnes âgées ont les moyens d'acheter leur logement?" M. le président, je voudrais vous poser une question. Est-ce que vous ne pensez pas qu'avec la levée du moratoire il serait possible pour certains d'entre vous ou peut-être pour une couche de personnes de 45 à 55 ans, avant d'atteindre l'âge de la retraite, de devenir propriétaires de leur logement et de se permettre ainsi une retraite un peu plus facile ou un peu plus aisée?

M. Dansereau: Les gens de 45 à 55 ans, madame, sont de jeunes vieux, tandis que nous considérons les personnes au-delà de cet âge, comme des vieux. Nous comptons parmi nos membres des vieux vieux, des gens qui ont atteint 30 ou 85 ans. Vous voyez la différence et de quelle façon les mesures que le gouvernement veut mettre en place peuvent affecter ces trois catégories de personnes. Je vous demanderais, M. le Président, de donner aussi la permission* aux autres membres du forum de pouvoir répondre à votre question sans être nécessairement de mon avis.

Si vous le permettez, j'aimerais bien que les autres ajoutent quelque chose à ma remarque.

M. Bradley (John): Je pense que c'est évident que les personnes qui sont toujours sur le marché du travail ont de meilleures occasions d'accéder à la propriété. Je pense quand même que, si on parle des personnes âgées, s'il y a beaucoup d'accès à la propriété pour une couche de la population de 45 ans qui est un peu plus munie, cela aurait les mêmes effets sur les personnes qui ont 65 ou 75 ans, en termes d'un possible déplacement. C'est évident que les personnes qui sont moins âgées auront plus de chance, mais je pense qu'il faut aussi regarder le sort et le revenu des locataires dans la quarantaine à Montréal. Évidemment il y a un plus grand pourcentage de ces personnes qui en auront les possibilités.

Mme Trépanier: Vous parlez à plusieurs reprises de protection additionnelle pour les locataires. Vous dites que nos mesures sont insuffisantes. Nous sommes conscients qu'il faut absolument protéger de façon maximale les locataires. Est-ce que vous pourriez nous aider dans ce sens-là? Est-ce que vous avez des suggestions à nous faire? Qu'est-ce que vous pourriez considérer comme des mesures de protection additionnelle ou accrue?

M. Dansereau: Nous sommes très favorables à la concertation soutenue. J'aimerais demander à M. Bradley, qui a été notre recherchiste pour le mémoire, de

répondre plus adéquatement à cette question. Nous, nous favorisons grandement la concertation d'une façon soutenue dans les problèmes qui peuvent affecter les personnes âgées.

M. Bradley: Je pense qu'il y a peut-être plusieurs points dont l'un est technique. Je pense qu'il serait intéressant, advenant la levée du moratoire, qu'une évaluation soit faite peut-être tous les trois ans pour voir exactement où on est rendu en termes des effets, une étude systématique des effets du moratoire.

Aussi, je pense que le développement des "alternatives" en logement pour les personnes âgées serait intéressant pour contrer peut-être une rareté de logements locatifs, surtout au centre-ville, pour les personnes âgées. Probablement aussi une concertation, comme M. Dansereau l'indique, concernant les guichets spéciaux pour les groupes communautaires qui travaillent auprès des personnes âgées, pour avoir un mot à dire dans le type de consultation et le type de diffusion d'information concernant les mesures de protection envisagées.

Mme Trépanier: M. Bradley, je dois vous dire que dans le projet de la levée du moratoire, à la page 57 on fait état de cette chose et c'est prévu. Je vais vous lire le paragraphe. On dit: "Si le suivi du rythme de conversion ou l'arrivée de problèmes liés à des conjonctures économiques et sociales devaient révéler des tensions dans certains segments du marché locatif, il serait possible d'intervenir rapidement afin de limiter ou d'interdire la conversion dans ces secteurs." J'en prends bonne note lorsque vous parlez de concertation. Je pense qu'il est important d'avoir le pouls si on veut adopter des mesures concrètes qui touchent vraiment les gens.

Je voudrais apporter une clarification aussi. Dans votre mémoire, vous parlez d'éviction massive. Vous dites que le propriétaire pourrait tout simplement, sans même signaler son intention de convertir, donner un avis de réparations majeures pour se débarrasser des locataires âgés. Je tiens à vous dire que, dans le projet, il est clairement stipulé que le propriétaire dont on se rendra compte qu'il avait l'intention de convertir et qui s'est servi de réparations majeures pour expulser ses locataires se verra enlever le droit de convertir, et ce, pour une période de trois ans.

De plus, il y aura des dommages et intérêts prévus pour ces gens chez les locataires et aussi de la part de la Régie du logement au propriétaire. Alors, je pense qu'il y a là une certaine protection ou une protection certaine.

M. Bradley: Je pense qu'il y a une certaine protection de ce côté. Mais, quand même, le propriétaire pourrait évincer les locataires sans donner avis, attendre trois ans et revendre. Il y a aussi la question de l'autre type de protection.

Mme Trépanier: Mais les dommages exemplaires, les dommages et intérêts demeurent.

M. Bradley: Les dommages. Je pense que ce qu'on a souligné... Je ne sais pas si c'est souhaitable de mettre les personnes figées dans une situation où il faut qu'elles entreprennent toute cette procédure juridique. Je pense que, si on regarde la situation à la Régie du logement, il y a peut-être deux ou trois personnes âgées qui s'en servent. Est-ce qu'on devrait mettre les personnes âgées dans cette situation bureaucratique?

Mme Trépanier: On me dit aussi - je l'avais oublié - qu'il y a un guichet spécial pour les personnes âgées, mais dans votre mémoire vous stipulez que beaucoup de personnes âgées n'utilisent pas ces guichets et que c'est difficile d'entreprendre un peu ce que vous venez de nous dire.

Dans l'éventualité où le moratoire se lèverait, comme vous le dites dans votre mémoire, plusieurs de vos suggestions se recoupent avec celles d'autres groupes que nous avons entendus hier. Vous pouvez être assurés qu'il en sera tenu compte. Vous parlez beaucoup de harcèlement. C'est un problème majeur. Je pense que, le jour où nous aurons défini ce qu'est le mot harcèlement et que nous aurons trouvé des solutions à ce problème, il y aura un grand pas de fait, vous admettrez avec nous que c'est un problème très difficile.

Vous nous parlez aussi d'amélioration du secteur public dans le logement. Nous sommes tout à fait d'accord avec cela. Je pense que nous avons entrepris des démarches et nous avons des programmes qui s'adressent spécialement aux couches les plus démunies de la société. Toute notre orientation se dirige vers cela présentement. Nou3 avons un nouveau programme qui s'appelle le supplément au loyer. Nous travaillons ensemble et j'ai l'impression qu'on arrivera à trouver des solutions à nos problèmes communs. Cela termine mes commentaires pour le moment.

Le Président (M. Rochefort): Merci, madame. M. le député de Shefford.

M. Paré: Merci, M. le Président. Je dois dire que l'enfer est pavé de bonnes intentions, mais que ce sont les gestes qui comptent et la réalité. Là-dessus, je dois dire que vous aviez raison quand vous avez présenté votre mémoire en disant qu'on

reconnaît Id qualité d'une société à la façon dont on traite nos aînés. Ce qu'on apporte présentement, je dois vous dire que c'est l'installation de l'insécurité. Quand on commence à installer cela dans une société, en commençant par les personnes âgées, moi, je ne pense pas qu'on investit sur quelque chose de solide. On est plutôt en train de démolir quelque chose. Quand je parle de démolir, je ne parle pas de béton. C'est facile de voir de gros buildings être érigés, mais quand c'est pour déplacer du monde, moi j'appelle cela plutôt de la démolition au niveau humain, en tout cas. Oui, il y a une urgence et je m'en rends compte en entendant depuis hier les groupes qui passent ici. L'urgence, c'est d'arrêter maintenant la saignée que connaît le logement locatif. Il y a un moratoire qui n'est pas respecté et la façon de régler le problème, l'urgence, c'est de remplacer le moratoire par une toi ou de le faire respecter.

Le faire respecter, cela veut dire interdire. Il n'y a pas d'autre façon. Il faut que ce soit respecté, sinon, on va aggraver le problème. Vou3 avez amené des chiffres qui sont révélateurs. Ce qui m'inquiète dans ce livre, on l'a dit et on va le répéter, ça repose, premièrement, sur des bonnes intentions et des belles phrases, mais pas sur des études sérieuses. Il n'y a pas d'étude là-dedans, il n'y a pas de chiffres, il n'y a pas de données.

M. Bourbeau: ...

M. Paré: Ah oui! Je l'ai lu et à plusieurs reprises. Je m'excuse, vous prendrez vos quinze minutes quand vous les aurez.

M. Bourbeau: Ça ne paraît pas.

Le Président (M. Rochefort): À l'ordre!

M. Paré: Ça ne repose sur rien de concret. À ce moment, où allons-nous? C'est difficile de le savoir quand on n'est même pas capables de savoir d'où on vient. Là-dessus, je dois vous dire que je vous remercie pour la présentation et le contenu de votre mémoire parce que vous nous fournissez des chiffres qui nous sont indispensables pour être capables d'arriver avec une solution équitable. Vous arrivez avec des chiffres qui sont importants et qu'on ne retrouve pas dans l'étude.

On peut bien défendre des principes, mais il y a toujours des victimes. Dans le cas qui nous concerne, les victimes sont les personnes âgées, en premier lieu, et ce sont en plus les plus démunies. J'en suis de plus en plu3 convaincu avec tout ce qu'on a entendu depuis hier quand même des groupes favorables à la levée du moratoire de façon presque inconditionnelle comme les gens de l'immeuble qui sont venus ce matin sont très limitatifs. C'est l'ouverture de l'accès à la propriété pour les locataires résidents; ils l'ont spécifié. Ce n'est même pas pour l'ensemble des locataires. On commence déjà à se rendre compte de ce qu'on peut amener de misère, de trouble. C'est une façon, finalement inapplicable de ce principe de copropriété tel que proposé, en tout cas, dans la proposition gouvernementale,,

En plus, je dois vous dire que je préfère ce que vous dites dans le mémoire à la réponse que vous avez donnée, M. le directeur général, et je vous le dis tel que je le pense. Vous dites: II faudrait voir l'évaluation dans trois ans si le moratoire est levé. Je dois vous dire que c'est maintenant qu'il faut aller aux chiffres et ne pas attendre dans trois ans parce que l'évaluation, vous la faites en partie dans votre mémoire. Vous dites qu'on sait déjà le nombre de personnes âgées prévu pour l'année 2006. On est en train de dire - et vous l'amenez d'une façon claire, précise, à côté de laquelle on ne peut passer - qu'à partir de maintenant et depuis des années la population vieillissante au Québec s'en va comme cela. La proposition qu'on retrouve dans la levée du moratoire fait en sorte que le stock locatif s'en va comme ça.

Donc, cela ne peut pas aller ensemble. On ne peut pas en même temps être sûr, au moment où on se parle, que la population vieillissante... Vous le reconnaissez, et tout le monde, je pense, de façon unanime, ce n'est pas une population qui veut ou qui peut accéder à la propriété. La population vieillissante s'en va en augmentant et la proposition gouvernementale, c'est clair et c'est net, c'est pour diminuer le stock de logements locatifs. La levée du moratoire, c'est pour diminuer. C'est ça. Un synonyme: diminution du stock de logements locatifs. Diminution pour ceux qui vont accepter de convertir. Diminution pour ceux qu'on va réussir à faire partir par toutes sortes de formules - et je vais y revenir en vous interrogeant tantôt - donc, ceux qui vont accepter de partir et diminution effective parce que la deuxième catégorie de locataires n'est pas protégée. (12 h 30)

Donc, la ville de Montréal nous a apporté aussi des chiffres hier qu'on ne retrouve pas là-dedans: 90 000 déménagements par année à Montréal. Ce n'est pas long, n'est-ce-pas? On vient de perdre 90 000 fois la protection du maintien dans les lieux. Il ne faut pas se leurrer. Les bonnes intentions, bravo! chapeau! mais les conséquences c'est vous qui allez les subir et c'est maintenant qu'il faut faire des études, ce n'est pas dans trois ans. Cela n'empêche pas que, s'il le présente, il faudra faire des études et il faudra suivre cela de proche, sauf qu'encore une fois on sera obligé d'apporter du correctif au lieu du préventif.

Probablement qu'à ce moment-là on transférera les chargea de l'Habitation aux Affaires sociales ou au ministère de la famille si jamais cela finit par exister.

Je dois vous dire que cela m'inquiète. D'un mémoire à l'autre, peu importe qu'il soit favorable ou pas, cela m'inquiète davantage parce que je me rends compte que cela repose plus sur des principes que sur des bases sérieuses, des études poussées. Il n'y en a pas, et le fait que vous en ameniez beaucoup ce matin, je dois vous dire que c'est important et nous allons certainement les utiliser en commission parlementaire sur la réflexion qu'on va faire en espérant qu'on nous donne la chance de discuter passablement longtemps là-dessus parce que déjà on nous limite beaucoup, on a à peine quinze minutes pour discuter.

Vous dites que vous favorisez les coopératives et les organismes sans but lucratif pour prendre la relève, assurer une sécurité pour ceux qui ne veulent pas ou ne peuvent pas devenir propriétaires de façon individuelle. Vous savez très bien qu'il n'y a pas d'augmentation en ce qui a trait à ces budgets. Surtout, présentement on bâtit tellement, ce qui fait en sorte que plus on bâtit dans le secteur privé, en même temps on bâtit moins dans le secteur collectif. Cela veut dire que la part du marché qui appartient à des coopératives et des OSBL diminue toujours dans le grand marché locatif, ce qui veut dire que c'est de plus en plus marginal ce qui fait en sorte que le rôle - là, vous allez excuser l'expression - de chien de garde pour garder les loyers bas, diminue toujours et le fait qu'on se donne un mois, même si on permettait aux coopératives d'accéder à la propriété, le fait qu'on ait un mois, cela va être impraticable. On connaît le temps nécessaire à monter une coopérative, un organisme sans but lucratif. On n'est jamais sûr d'être accepté et on a des délais très limités.

J'ai une question pour le moment - j'y reviendrai, j'espère qu'on va avoir le temps -en ce qui concerne le harcèlement. On sait comment fonctionne le harcèlement. Des gens sont venus nous faire des témoignages et c'est sûr que ce qu'on apporte là cela ne vient pas limiter le harcèlement. Cela vient donner des nouvelles façons ou même presque reconnaître le droit d'utiliser du harcèlement. Un des moyens qui est amené par plusieurs intervenants, c'est de permettre de barguiner, de négocier, de marchander, de monnayer le droit de maintien dans les lieux. Cela, je pense que c'est important. Il y a un droit qui nous est donné, mais en même temps on semble accepter qu'il y ait un droit qui soit donné à l'autre de pouvoir le négocier. Dans ce cas-là la commission des droits nous dit que c'est inacceptable. D'autres disent que c'est tout à fait normal, c'est sur le marché privé et on est là pour négocier des choses. Le ministre a même dit à l'Assemblée nationale, un peu comme ce matin, que c'est correct que cela soit ainsi parce que c'est un pour un, sauf que c'est un propriétaire...

M. Bourbeau: Encore les bobards du député de Shefford; il dit n'importe quoi.

M. Paré: Je ressortirai cela à un moment donné.

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre s'il vous plaît! M. le ministre, à l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre, puis-je vous rappeler...

M. Bourbeau: Le député de Shefford dit n'importe quoi, tout ce qui lui passe par la tête.

Le Président (M. Rochefort): Puis-je vous rappeler que vous avez quinze minutes pour intervenir à l'occasion de la présentation de chacun des groupes? Et je vous demanderais de les utiliser au moment où elles sont les vôtres.

M. Bourbeau: Je suis d'accord, M. le Président, sauf que la vérité a ses droits, vous en conviendrez.

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre, on ne peut exprimer par des questions de règlement des divergences d'opinions, cela crée la situation dans laquelle nous sommes présentement.

M. Bourbeau: Et qui va continuer si le député de Shefford continue à dire des mensonges.

Le Président (M. Rochefort): Non, M. le ministre, je m'excuse, vous ne direz pas que vous allez continuer, sinon je vais devoir suspendre les travaux pour vous rappeler un certain nombre de dispositions de notre règlement.

M. Bourbeau: Allez-y, M. le Président.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Shefford, s'il vous plaîtî

M. Paré: Oui, je pense que le plus qu'on puisse faire, c'est de respecter, au moins, les gens qui sont ici et leur permettre que les quinze minutes ne soient pas prises par des débats de procédure. Ma question est: Est-ce que vous pensez que le maintien dans les lieux ne sera pas justement une mesure de harcèlement de plus et qui risque que les gens vont se faire offrir des montants? Comme vous avez dit tantôt, ils vont certainement les accepter ou, s'ils ne les acceptent pas, ils n'iront pas se plaindre

parce que les gère utilisent très peu la Régie du logement parce qu'il semble y avoir un manque de confiance vis-à-vis d'elle.

M. Dansereau: Nous connaissons la situation, vous savez, où le mot harcèlement peut avoir comme synonyme une expression qui est un peu plus familière, c'est: bousculer. Et nous connaissons des cas fréquents où les personnes âgées ont été bousculées de toutes les façons au monde pour leur faire accepter les opinions des gens, des propriétaires ou des directeurs de HLM, etc. Je ne pense pas que la levée du moratoire va améliorer cette situation. S'il y a quelques autres de mes collègues qui sont encore plus au fait de situations de harcèlement, j'espère que vous leur donnerez la parole.

M. Paré: II n'y a aucun problème.

M. Bradley: Je pense qu'il y a une autre possibilité, un autre danger. Si on prévoit beaucoup d'investissements dans la copropriété et que ce n'est pas nécessairement le copropriétaire qui est résident, cela devient vraiment une question d'ivestissement et c'est la réalité économique qui va prévaloir au lieu de la question d'une protection des locataires, surtout pour les personnes âgées. Si une personne âgée paie 250 $ et que c'est un investisseur qui a l'appartement, est-ce qu'il y a un danger de harcèlement afin d'être capable de relouer le logement à 500 $, 600 $, 700 $? Il y a peut-être moins de problèmes avec les locataires qui occupent leur propre logement. Mais si c'est une question d'investissement, cela peut être une autre paire de manches.

M. Paré: Selon les chiffres que vous nous avez fournis sur les pourcentages et les revenus de vos membres, est-ce que vous croyez que les gens pourront demeurer dans les lieux s'il y a une augmentation des loyers? À mon avis, il y a aura, de façon obligatoire, une augmentation des loyers parce que, dès qu'on arrivera avec une conversion en copropriété - il y a eu des exemples, je pense que le groupe avant vous disait qu'une maison de 60 000 $ est devenue une maison de 60 000 $ par logement - cela veut dire que l'évaluation foncière augmentera considérablement et risquera d'être multipliée par le nombre de logements qu'on retrouve dans l'édifice. L'évaluation foncière augmentée, cela veut dire: augmentation des taxes et augmentation des frais de transformation en copropriété, donc, des coût3 qu'on peut transférer. Même si, tantôt, ma collègue a dit qu'on ne pouvait pas faire des rénovations majeures comme on le voulait, selon la proposition, dès qu'il y a une majorité des logements qui appartiennent à des copropriétaires, on peut décider tout simplement de faire des rénovations. Et, dès qu'on fait des rénovations dans les parties communes, cela augmente les coûts pour chacun des propriétaires, donc, on transfère aussi. Au moins de trois façons, on est sûr qu'il va y avoir augmentation: les taxes, la transformation, la rénovation. Est-ce que vous pensez que, s'il y a augmentation des loyers, plusieurs de vos gens, même s'ils ont, à ce qu'on dit, le droit, le pouvoir de demeurer dans les lieux, auront la capacité financière de le faire?

M. Dansereau: On craint cette situation considérablement. Et même, présentement, nos gens ne profitent pas comme ils le devraient de la Loi sur la Régie des loyers. Même s'il y a un guichet spécial, les gens ne s'y rendent pas; Us n'en ont pas la volonté, ils n'en ont pas le goût. Ils n'ont pas la capacité d'affronter les problèmes bureaucratiques, d'aller attendre, juste attendre. Même avec un rendez-vous à 9 heures, on ne voit pas les gens avant 11 heures. Dans de telles circonstances, je ne crois pas que les gens âgés profitent des conditions qui peuvent leur être présentées. C'est déjà le cas présentement.

M. Bradley: Je pense que le programme Logirente est un programme souhaitable. Je ne sais pas si c'est une minorité, mais l'information ou l'utilisation n'est pas ce qu'elle devrait être. Mais, quand même, avec les augmentations de loyer qu'on peut prévoir, je pense qu'il faut revoir Logirente afin d'avoir une augmentation considérable des sommes consacrées à Logirente en termes de plafond de loyer et aussi peut-être en termes de pourcentage de revenus consacrés.

M. Paré: Merci pour vos réponses.

Le Président (M. Rochefort): Merci, M. le député. M. le ministre, en vous rappelant qu'il vous reste trois minutes trente secondes.

M. Bourbeau: Qui, M. le Président. Vous avez noté, tout à l'heure, que je suis intervenu pendant que le député de Shefford parlait. C'est plus fort que moi, c'est dans ma nature. Quand j'entends des gens, comme le député de Shefford le fait fréquemment, qui osent affirmer en public des choses qui sont totalement contraires à la vérité - alors qu'il le sait à part cela - c'est plus fort que moi, je ne peux pas résister à corriger ces choses.

Si le règlement ne me l'interdisait pas, il y a des mots que je pourrais prononcer, mais, malheureusement, on ne peut pas traiter quelqu'un de menteur ou de choses comme cela, alors, je ne me permettrai

certainement pas de le faire.

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre, vous me permettrez de vous rappeler que ce qui n'est pas permis d'être fait directement ne peut pas l'être indirectement. Je vous demanderai, M. le ministre, pour le respect de nos invités, pour le bon déroulement de nos travaux, de respecter à la lettre et dans son esprit le règlement.

M. Bourbeau: Très bien, M. le Président. Alors, je ne traiterai pas le député de Shefford de ces mots infâmes, sauf que je dirai, à titre d'exemple... Le député de Shefford disait, plus tôt, qu'un quart des logements construits à Montréal sont en condominiums; or, la vérité, c'est un septième, il n'a même pas consulté les chiffres. Il affirme régulièrement des choses, il lance cela dans le débat, tentant d'influencer les gens qui sont là. Je me suis toujours opposé à cette façon de faire les choses; il fait cela, à part cela, avec le plus grand sérieux, règle générale. Je vais continuer à réclamer que la vérité ait ses droits partout et ici même.

En ce qui concerne la situation qui prévaut présentement, c'est triste que les personnes âgées soient sujettes à du harcèlement, à de l'intimidation. Nous avons dans le document des mesures qui tentent de corriger cette situation. La situation n'est pas nouvelle, elle existe depuis longtemps. Nous avons le mérite, au moins, de faire des propositions concrètes pour tenter de l'améliorer. Quand on voit le député de Shefford et son gouvernement, qui ont été là pendant neuf ans et qui n'ont strictement rien fait... Ils ont fait des consultations. Ils ont fait une proposition, je dois le dire, en 1984, le livre vert, Se loger au Québec; il comportait une proposition pour lever le moratoire, comme maintenant. Sauf que, dans la proposition du gouvernement précédent, la protection des locataires était beaucoup moindre que celle que nous proposons. Il n'y avait pas le maintien dans les lieux, par exemple, garanti pour une période indéfinie, comme nous le faisons présentement.

Donc, je trouve que le député de Shefford est bien mal placé pour venir faire la morale aux autres et pour jouer les vierges offensées, alors que son gouvernement n'a même pas eu le courage de proposer des mesures concrètes. Justement au sujet de ces mesures, nous avons dans le document des mesures, comme par exemple, un guichet spécial à la Régie du logement pour les personnes âgées qui seraient victimes de harcèlement; des conseils techniques qui pourraient leur être donnés; la Régie du logement pourrait demander à la Commission des droits de la personne de faire des enquêtes et d'intenter des poursuites dans le cas de harcèlement. Là, vous demandez: Est-ce que vous trouvez que ces mesures sont intéressantes et est-ce que vous auriez d'autres mesures à proposer au gouvernement pour tenter de contrer le harcèlement ou l'intimidation?

M. Dansereau: Les mesures qui sont en place sont intéressantes si elles peuvent être exécutées selon l'esprit du législateur. Malheureusement, ce n'est pas le cas.

Maintenant, nous préconisons et nous vous exhortons fortement, si on peut le faire, à la concertation. C'est une formule dans laquelle nous avons foi, non seulement pour les besoins actuels, mais c'est également basé sur l'expérience passée.

Le Président (M. Rochefort): Le mot de la fin.

M. Bourbeau: Oui! Alors, puisque le temps est écoulé... J'aurais aimé vous poser d'autres questions, mais je vous remercie de votre intervention, de votre contribution. Vous pouvez être assurés que, lorsque, éventuellement, nous allons rebrasser tout cela et regarder quel cheminement nous allons suivre dans les prochains mois, nous tiendrons certainement compte de votre point de vue dans l'élaboration d'une éventuelle politique du gouvernement en cette matière. Merci.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Shefford.

M. Paré: Oui, très rapidement. Je vous remercie, je pense que vous avez apporté à la commission un éclairage important et beaucoup de chiffres. Pour ce qui est de qui dit la vérité, je pense que la population jugera. Vous savez très bien, M. le ministre, que je vous ai déjà montré le Journal des débats et je vais vous le ramener pour ce que vous avez déjà cité; c'est textuel et je vais essayer de l'avoir avant la fin de la journée. (12 h 45)

M. Bourbeau: II est hors contexte comme toujours.

M. Paré: Oh non! Absolument pas! Pour ce qui est des chiffres de la construction, il faudrait les prendre sur les mois que je vous ai énumérés, et non pas sur une période plus longue, de façon à diminuer le pourcentage. Pour ce qui est de l'ex-gouvernement qui n'a rien fait, nous sommes allés en consultation avec Se loger au Québec pour répondre à ce que demandent les gens ici, qu'il y ait une véritable consultation, non pas sur le moratoire, mais sur une politique d'habitation d'ensemble...

Le Président (M. Rochefort): M. le président, le mot de la fin?

M. Dansereau: Merci beaucoup. Nous sommes très heureux d'avoir eu l'occasion de venir présenter notre mémoire. C'est un document qui reflète un peu la situation qu'on constate chez nous tous les jours, en tenant compte même des catégories de vieux que je vous ai mentionnées. Merci beaucoup.

Le Président (M. Rochefort): Je vous remercie de votre présence et de votre contribution à nos travaux. Merci.

Association québécoise

pour la défense des droits

des retraités et préretraités

J'appelle maintenant l'Association québécoise pour la défense des droits des retraités et préretraités à prendre place à la table en avant.

Je vous souhaite la bienvenue parmi nous et je vous demanderais de vous présenter pour l'information des membres de la commission; par la suite, de prendre les quinze minutes qui vous sont réservées pour nous faire la présentation des points essentiels de votre mémoire, compte tenu que celui-ci a déjà été reçu et lu par l'ensemble des membres de la commission. Madame.

Mme Lévesque-Brunet (Yvette): Yvette Brunet, présidente de l'AQDR. L'AQDR, c'est l'association qui s'occupe de la défense des droits des retraités et préretraités. L'AQDR existe depuis presque dix ans et compte 40 sections au Québec et 10 000 membres.

Nous, de l'AQDR, avons publié en 1980 un manifeste qui s'appelle Vieillir chez soi. Devant la situation déplorable du logement, c'était urgent, pour nous, à cette époque, de publier ce manifeste. Nous constatons aujourd'hui qu'il est encore très à jour et que même, devant ce qui se passe aujourd'hui, c'est-à-dire la levée du moratoire, la situation empire de plus en plus.

Alors, nous avons publié en 1960 Vieillir chez soi et, dans son action politique, l'AQDR a formulé les principes qui doivent orienter toute intervention en matière d'habitation pour les retraités et préretraités. Ces principes peuvent être regroupés de la façon suivante... Je m'interromps, parce que j'ai oublié de faire la présentation de Benoît Lafortune, qui est recherchiste à l'AQDR.

Nous pensons qu'il est important d'assurer à chacun et chacune le droit de bénéficier d'un logement convenable, à un prix respectant sa capacité de payer et de favoriser le droit au maintien des personnes retraitées dans leur lieu de résidence, de prévoir des formes d'aide spécifique et des modalités particulières d'application des programmes d'habitation pour les propriétaires âgés à revenu fixe. Mais, surtout, les problèmes de logement sont le plus souvent liés aux problèmes de revenu; on ne saurait régler les premiers sans régler en même temps les seconds.

Alors, ce que nous vivons actuellement à l'AQDR face aux retraités, c'est que les retraités ont de plus en plus de difficulté à acquérir un revenu qui leur permette d'accéder, par exemple, à la propriété, comme madame en faisait mention tantôt. Vous souhaitiez que tout le monde et les personnes âgées puissent avoir accès à la propriété. Je pense que, quand une personne arrive è la retraite sans avoir déjà une propriété, c'est impensable, c'est même illusoire de penser qu'elle peut avoir accès à la propriété, sachant que le revenu à la retraite baisse de 50 % et que les retraités prennent leur retraite de plus en plus tût, pour la raison très simple que les compagnies incitent fortement les employés de 50 à 55 ans à prendre une retraite sous prétexte de laisser la place aux plus jeunes, quand on sait que c'est parce que les industries s'informatisent et se robotisent et qu'il n'y a vraiment pas de place pour tout le monde. Alors, le retraité est le premier à partir et à le faire de plus en plus jeune. Pour nous, accéder à la propriété, c'est irréalisable pour un retraité s'il n'a pas déjà sa propriété.

La situation du logement au Québec pour le troisième âge. L'accès à un logement convenable, à prix abordable, qui puisse répondre aux besoins les plus élémentaires de la population québécoise est un problème crucial auquel tous les intervenants en matière d'habitation sont confrontés. La question du logement est dramatique pour un nombre de plus en plus grand de personnes retraitées qui doivent y consacrer jusqu'à 40 % de leurs maigres revenus sans pouvoir en retirer le minimum de sécurité et de bien-être qu'ils sont en droit d'exiger après avoir trimé toute leur vie et contribué à développer la richesse du pays au détriment de leurs intérêts et, souvent même, de leur santé.

Une augmentation effarante des coûts. L'habitation au Québec a récemment subi de brusques pressions spéculatives qui ont considérablement aggravé la situation. Ainsi, selon le Front d'action populaire en réaménagement urbain, le FRAPRU, il y avait, au Québec, en 1981, 520 000 ménages locataires qui gagnaient moins de 15 000 $ par année et qui devaient consacrer en moyenne 40 % de leurs revenus au logement, tandis que 273 000 ménages propriétaires gagnant moins de 15 000 $ par année octroyaient 38 % de leurs revenus uniquement au logement. Par ailleurs, toujours selon le FRAPRU, de 1981 à 1985, les loyers ont augmenté en moyenne de 34,6 % à Montréal et de 39,1 % à Québec. Si l'on considère que l'augmentation de la valeur marchande et de la valeur locative s'est

accentuée depuis 1985, on est en droit de se demander si le Québec ne se dirige pas vers une forme de "ghettoisation" avancée des personnes à faible et moyen revenu.

Discrimination et harcèlement. La discrimination et le harcèlement font aussi partie du lot qui échoue au locataire. Les mouvements de femmes et les organisations syndicales ou populaires ont maintes fois mis en évidence la discrimination dont les femmes en particulier sont victimes dans nos sociétés dites civilisées et démocratiques. Cette discrimination est bien présente quand vient l'heure du troisième âge. Que ce soit pour effectuer des travaux de réparation majeure ou simplement majorer de façon excessive le prix des loyers, les conséquences de la discrimination et du harcèlement sont connues et clairement identifiées. Elles engendrent le plus souvent les situations suivantes: les personnes âgées, particulièrement les femmes, trouvent un logement de moindre qualité, en mauvais état, moins grand et souvent plus cher. La recherche d'un logement est plus longue, plus ardue, et elle suscite chez le ou la locataire un sentiment de peur et d'isolement. Cet état de fait oblige bon nombre d'entre elles à s'en remettre aux maisons de chambres, lorsque ce n'est pas carrément à l'aventure des san3-abri.

Les conditions actuelles dans lesquelles se retrouvent les retraités et préretraités à faible revenu sont donc inacceptables. Plus de 25 % des personnes âgées sont mal logées et la très grande majorité ne peut faire face à la fois au coût exorbitant des loyers, à l'entretien et aux remises de taxes qui grugent de plus en plus leurs minces revenus. Si les retraités souhaitent élire domicile le plus longtemps possible et conserver par le fait même le maximum d'autonomie et de dignité, cette revendication fondamentale, assortie de plusieurs conditions pourtant maintes fois reconnues par le gouvernement du Québec, est en voie de devenir l'unique objet de promesses électorales. On sait aussi, et je pense que c'est trè3 important d'en tenir compte, qu'en l'an 2000, la population âgée, qui est de 8 % présentement, aura augmenté du double et sera de 16 %. Les difficultés de se trouver un logement et d'être capable de se loger décemment existent et sont très nombreuses. Si rien n'est mis en place pour contrer ce malheur, qu'est-ce qui va se passer en l'an 2000, quand cette population sera rendue à 16 %? Certains pays d'Europe, qui sont déjà à 16 % de gens âgés, ont mi3 en place des mesures depuis nombre d'années pour faire face à ce changement de population et ont réglé la situation. Pourquoi nous, ici, au Québec, ne se 3ervirait-on pas de ces exemples qui existent pour essayer de mettre en place une politique d'habitation cohérente?

Quant aux différentes formules de loge- ment social, elles sont trop peu nombreuses et, souvent, répondent assez mal aux besoins spécifiques des personnes âgées pour qu'on y acccorde plus d'importance qu'elles en ont. J'ai dit tantôt qu'une politique d'habitation cohérente pourrait être mise en place. Je me pose des questions, parce que la politique de maintien à domicile qu'on prétend appliquer présentement est tout à fait, j'oserais dire, incohérente. Comment se fait-il que le ministère de l'Habitation n'ait pas consulté le ministère des Affaires sociales quant au maintien à domicile des personnes âgées? Comment se fait-il qu'on ne se soit pas rendu compte que le ministère des Affaires sociales prétend mettre en place une politique cohérente de maintien à domicile quand elle ne l'est pas? Vous êtes en train de faire quelque chose complètement à côté sans tenir compte de ce que le ministère est en train de faire aussi. Nous, quand on regarde aller les choses, on se dit: Est-ce que les gouvernements, qui sont là pour gouverner toutes les couches de la population, y compris les bien nantis, y compris les personnes défavorisées, est-ce qu'on tient vraiment compte de ce que les personnes les plus démunies, c'est-à-dire les personnes âgées - il y a aussi les jeunes, mais je suis ici pour parler des personnes âgées - qui sont en plus grand nombre, qui vont devenir très importantes électoralement... C'est comme s'il n'y avait rien qui se passait, quand on sait que, dans treize ans, on sera rendu en l'an 2000, quand on sait que la population aura doublé.

Enfin, les solutions de rechange au logement pour les personnes en perte d'autonomie ne sont guère plus reluisantes. Les centres d'accueil, les centres hospitaliers, quand on y a accès, apparaissent le plus souvent comme des terminus de béton et constituent, au bout du compte, l'endroit où on parque les vieux qui attendront tranquillement la mort, quand ce n'est pas dans un foyer clandestin, coupés du monde extérieur et soumis à l'arbitraire.

Actuellement, pour les personnes hospitalisées qui ne peuvent retourner à la maison, on fait des pressions énormes pour renvoyer ces personnes à la maison, même très malades, parce qu'encore là, soi-disant, avec une politique de maintien à domicile, tout va être en place à la maison pour prendre soin de ces personnes. Quand il n'y a personne à la maison pour recevoir ces personnes, ce qu'on a à proposer, c'est de dire à la personne: On a trouvé un centre d'accueil pour vous à 1000 $ par mois. Je me demande qui dans la société est capable de payer 1000 $ par mois pour aller finir ses jours, quand on sait que huit femmes sur dix sont pauvres et que six personnes sur dix sont pauvres au Québec.

Comment se fait-il qu'il n'y ait rien dans votre politique pour la personne âgée,

non pas pour qu'elle ait accès à la propriété, comme je l'ai dit tantôt, mais ceux qui ont une propriété, est-ce que des moyens sont mis en place, pour les aider à rester chez eux? II est fort possible que ces gens-là aient payé leur maison, mais il y a l'entretien de la maison et ils en sont incapables parce qu'ils n'ont pas le revenu pour le faire. (13 heures)

Pourquoi l'AQDR se prononce-t-elle contre la levée du moratoire? Parce que nous considérons qu'avec l'âge le logement prend une importance primordiale et constitue non seulement un gîte, mais l'univers principal des personnes âgées. Parce que la majorité des retraités et préretraités ne sont pas en mesure de se loger convenablement. Parce que la levée du moratoire accentuera les pressions spéculatives sur l'habitation en milieu urbain, engendrant des déplacements de population.

En remplacement des mesures annoncées par le gouvernement du Québec dans son document intitulé Lever le moratoire: une décision qui s'impose, l'AQDR voudrait soumettre è la discussion publique quelques propositions concernant le maintien des retraités et préretraités dans leur habitat. Comme je l'ai dit tantôt, nous souhaitons le maintien à domicile avec une politique. Pour ce faire, ce qu'on est en train de discuter, la consultation que vous voulez mettre sur pied après avoir dit qu'il y avait urgence de lever le moratoire, on se pose des questions, à savoir quelle est l'urgence, pourquoi une urgence et faire une consultation ensuite. Je vous dis que l'AQDR souhaiterait faire partie de cette consultation, même si on pense qu'elle aurait dû venir avant la levée du moratoire.

Toutes les propositions qui ne sont pas encadrées dans une loi... Vous avez posé des questions tantôt en disant: Qu'est-ce qui pourrait être le plus efficace pour l'application de tout ce qu'on préconise? Nous disons: Renforcez la Loi sur la Régie du logement. Il existe déjà un moyen qui pourrait devenir beaucoup plus efficace si cette loi avait plus de dents, si elle avait plus de pouvoirs. Il n'y a pas 56 solutions, il y en a une et elle existe, c'est en faisant une loi encadrant une politique sur l'habitation.

Le Président (M. Desbiens): Merci. M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, j'aimerais que vous reconnaissiez Mme la députée de Dorion, s'il vous plaît!

Le Président (M. Desbiens): Mme la députée de Dorion.

M. Bourbeau: Je m'excuse, M. le Président, c'est plutôt M. le député de Saint-Hyacinthe.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Messier: Merci, M. le Président. J'aimerais vous remercier pour la profondeur de votre document que j'ai lu avec grande attention. Par rapport à votre document de réflexion sur la problématique du logement pour les personnes âgées, vous avez notifié certaines choses. Vous avez fait un constat ou un certain portrait de la situation du logement. Vous dites que les personnes âgées ont une situation précaire au niveau financier, au niveau de leurs revenus, et qu'en même temps le stock de logements est en train de se détériorer, que la levée du moratoire risque d'empirer la situation présente et vous réclamez une politique globale de logement ou d'habitation. C'est bien, grosso modo, votre mémoire qui brosse cet ensemble-là.

À la lecture de votre document et à la lecture de la proposition gouvernementale qui est sur la table à dessin, on propose certaines choses. Au niveau des personnes âgées, le ministre a fait mention tout à l'heure qu'il y aura un guichet pour que les aînés ou les personnes handicapées reçoivent le maximum d'information, Vous n'avez peut-être pas accès présentement à cette information-là, mais on va s'efforcer de vous donner accès à un guichet pour vous donner le maximum d'information.

Il a été fait mention aussi du parc locatif. C'est évident que l'Opposition ne l'a pas soulevé, mais une étude a été faite en 1983 par la Société canadienne d'hypothèques et de logement, à savoir que, s'il y avait conversion du parc locatif en condominiums, il y aurait une perte de 1 % du logement locatif sur une base de cinq ans, c'est-à-dire que l'activité de conversion se ferait sur une base de cinq ans et qu'il y aurait une perte de 1 % On pourrait conserver, grosso modo, le parc locatif existant.

Des questions concernant votre mémoire. Vous avez soulevé aussi le fait qu'il y avait des programmes d'aide plus ou moins inexistants. Il y a quand même eu le programme PARCQ. On peut situer le programme PARCQ dans un contexte vraiment récent. Il y a eu entente provinciale-fédérale concernant l'aide aux plus démunis de notre société, soit les personnes handicapées, les familles monoparentales et, aussi, les personnes âgées. Ce n'est peut-être pas une panacée, mais c'est quand même une aide offerte aux personnes à plus faible revenu. On peut dire aussi qu'il y a eu une augmentation... Vous dites dans votre mémoire, à 2.1, qu'il y a une augmentation effarante des coûts. Vous faites mention, à 2.2, qu'au chapitre du

logement social et de la propriété collective: coop, OSBL, HLM, la situation n'est guère reluisante. Vous dites qu'il y a eu une réduction considérable du nombre de logements sociaux. Ce ne sont peut-être pas les chiffres que noua avons au ministère. Il y a eu quand même un accroissement de l'ordre de 37 % de l'aide aux démunis depuis qu'on est au pouvoir. Il y a une tendance à augmenter l'aide aux plus démunis: familles monoparentales, personnes âgées, personnes handicapées.

Quelques questions concernant votre mémoire. Une question très générale. Si vous aviez la chance d'accéder à la propriété à des coûts relativement avantageux, en tant que personne d'un âge respectable... Si vous aviez le choix entre habiter dans un logement et accéder à la propriété, mais à des conditions relativement avantageuses, quel serait votre choix présentement?

Mme Lévesque-Brunet: Je vais laisser répondre Benoît Lafortune là-dessus. Juste avant, j'ai un petit commentaire è faire.

M. Messier: Oui, madame.

Mme Lévesque-Brunet: Ce qu'on constate en général, c'est que les gens qui prennent leur retraite vendent leur maison. Même si vous dites qu'on nous faciliterait l'accès à la propriété, les gens ne veulent plus avoir cette responsabilité. Avoir une maison, ce n'est pas juste acheter la maison, c'est aussi l'entretien de la maison. Alors, physiquement, souvent, ils sont moins capables de le faire et cela coûte cher en plus.

M. Messier: D'accord. En réponse à cela, je vis peut-être à Saint-Hyacinthe, dans un comté semi-rural, semi-urbain, l'effet contraire. Les personnes qui sont propriétaires de maison unifamiliale n'ont peut-être pas les moyens physiques d'entretenir la maison. Qu'est-ce qu'elles vont faire? Elles vont s'acheter un condo pour effectivement se départir des tâches ménagères d'entretien de la maison, peinture, gazon ou quoi que ce soit. En tout cas, il y a une effervescence à Saint-Hyacinthe dans la vente de maisons unifamiliales et la recherche d'un condominium. Qu'est-ce que les gens veulent au plus profond de leur être? C'est de rester propriétaire. Ils considèrent que c'est une richesse que d'être propriétaire et que le fait d'être locataire, c'est enrichir un autre propriétaire, qu'il vaut mieux être propriétaires de leur propre maison, de leur propre condo, et de s'enrichir eux-mêmes pour ensuite laisser aux générations futures leur bien, en tout cas, l'usufruit.

M. Lafortune (Benoît): Juste pour ajouter là-dessus. Je pense qu'il y a les souhaits des personnes, mais il y a aussi la situation générale sur l'ensemble du territoire du Québec, et ce n'est pas ce qu'on considère dans les grands centres urbains.

Peut-être qu'on pourrait revenir sur la logique de l'argumentation du document qui repose sur la base qu'il y aurait possibilité d'acquérir un logement pour 50 000 $. La chambre d'immeuble, ce matin, parlait de 40 000 $. Je ne sais pas si vous avez fait une évaluation du marché montréalais dans le détail, mais il est à peu près impossible de trouver quoi que ce soit en bas d'au moins 70 000 $. Si on trouve à 40 000 $ ou 50 000 $, c'est sauvent avec 20 000 $ de travaux de rénovation. Alors, il faudrait revoir cette base de calcul, se reposer la question et voir si les gens à 45, 50 ou 55 ans, s'ils n'ont pas déjà accédé à la propriété, quelle possibilité ils ont réellement d'y accéder à cet âge, considérant surtout qu'à moyen et long terme, si on pense à une hypothèque de 20 ans, les revenus vont à tout le moins être stables, sinon décroissants. Je pense que c'est dans cette perspective que les gens envisagent la situation d'acheter ou non. La plupart - en tout cas, dans les grands centres urbains - n'ont pas les moyens d'accéder à la propriété.

M. Messier: Merci. Vous avez fait mention dans votre document de réflexions sur la situation de harcèlement et de discrimination. Je pense qu'il y a trois groupes qui ont eu une certaine logique dans leur pensée. C'est que des gens, comme le disait le groupe précédent, sont bousculés, sont tassés un peu dans le coin par les propriétaires ou des personnes âgées et même des personnes handicapées ou des familles monoparentales - on l'a vu hier - se sentent un peu démunies face à ce monstre que peut être le propriétaire. Mais vous demandez au gouvernement de garder le moratoire tel quel, vous demandez au gouvernement de ne pas bouger. Est-ce que cela peut aller à l'encontre de dire un peu... Vous dites qu'il y a une situation alarmante: discrimination, harcèlement. Vous demandez de garder le statu quo, c'est-à-dire de garder la situation présente. N'y aurait-il pas lieu d'amener des modifications majeures au moratoire?

M. Lafortune: Je vais tâcher de vous répondre. Je pense que, pour l'AQDR, il y a nombre de mesures qui sont proposées dans le document qui sont intéressantes et qui mériteraient d'être renforcées ou, en tout cas, qui permettraient d'amender la Loi sur la Régie du logement pour les incorporer normalement au niveau de la reprise de possession et de travaux de rénovation majeurs. Cependant, on pense que cela peut être fait sans nécessairement lever le

moratoire et, pour l'AQDR, il nous semblerait plus intéressant au moment de la levée du moratoire d'arriver avec une politique intégrée qui comprendrait des éléments d'une politique de maintien à domicile, ce qui nécessiterait que le ministère de l'Habitation en discute à tout le moins avec le ministère des Affaires sociales pour s'entendre là-dessus. Peut-être aller dans ce sens, mais attendre plutôt une politique intégrée de l'habitation plutôt que simplement lever le moratoire, ce qui va causer, à notre avis, une forte déportation de la population des quartiers centraux en milieu urbain.

Il faut noter que 78 %, que près de 80 % des personnes âgées au Québec vivent dans des centres urbains - on parle des quartiers centraux et non pas périphériques -et c'est là que le bât blesse, c'est là que ça va faire le plus mal. II faudrait y songer, je pense.

M. Messier: D'accord. Vous avez fait mention tout à l'heure de l'incohérence gouvernementale concernant le maintien à domicile, comme s'il n'y avait pas de lien entre le ministère des Affaires sociales et le ministère de l'Habitation. Il me semble qu'il y a une politique cohérente - peut-être que je suis partisan en disant cela - mais à tout le moins l'incohérence résulte... En tout cas, nous autres, on essaie de maintenir les personnes âgées à domicile parce qu'elles vivent une sécurité dans leur milieu, dans leur environnement. Je pense qu'il y a énormément de facilités qui sont mises à leur disposition avec le centre local de services communautaires qui parfois envoie des infirmiers et infirmières à la maison, ou des médecins, pour voir, d'une façon relativement hebdomadaire, s'il n'y a pas une détérioration de la personne.

Il y a aussi d'autres programmes qui sont mis en vigueur. À Saint-Hyacinthe, on a la Popote roulante. Il y a certains facteurs qui sont déjà mis en cause pour aider les personnes âgées à rester à la maison, mais l'incohérence provient d'où, d'après vous? Il me semble que c'est cohérent de maintenir les personnes âgées à la maison, mais qu'au ministère des Affaires sociales on donne un appui technique, qu'on fournisse le personnel spécialisé à la maison.

Mme Lévesque-Brunet: Je ne pense pas que ce soit incohérent de maintenir les personnes âgées à domicile, parce qu'on pense que les personnes âgées doivent rester chez elles le plus longtemps possible; d'ailleurs, c'est ce qu'elles désirent. Ce qui est incohérent, c'est le manque de politiques de maintien à domicile du gouvernement, d'une part. Vous dites que de plus en plus on implante des mesures pour que les personnes reçoivent les soins et les services à domicile.

Ce qu'on constate dans les faits, c'est qu'on n'implante pas de plus en plus, des mesures, c'est-à-dire qu'on rejette tout ce dossier, tout ce qu'il y a à faire pour maintenir la personne à domicile, et chez les femmes en particulier, je dirais. On retourne les grands malades à la maison au bout de quatre ou cinq jours en demandant à la famille de s'en occuper. Je ne pense pas que ce soit une solution. Je ne pense pas que ce soit non plus quelque chose qui va apporter une amélioration du maintien à domicile. Au contraire! Si ce n'est pas plus efficace que ce l'est dans le moment, ça va entraîner une détérioration.

Une véritable politique de maintien à domicile, ce n'est pas juste une popote roulante. Ce sont tous les soins qu'une personne nécessite. C'est contrer l'isolement que la personne vit, c'est l'environnement. Je pourrais vous en dire très long là-dessus, mais ce n'est pas cela qui se fait dans le moment. On essaie des projets pilotas un peu partout dans les centres hospitaliers. On se rend compte que ça ne correspond pas aux besoins du milieu. On prend les millions, on les transfère ailleurs. Je ne vois pas de cohérence là-dedans et, en plus, nulle part dans votre document, il n'est question des personnes âgées, du maintien à domicile et des mesures à prendre pour que les personnes puissent rester chez elles. .Vous parlez d'accès à la propriété quand on sait que, nous autres, on l'a dit et on le répète...

M. Messier: Je comprends votre point de vue. Disons que la consultation générale porte sur la levée du moratoire et non sur une politique d'habitation, et encore moins sur une politique de maintien à domicile qui ne relèverait pas de ce ministère-ci.

Juste avant de terminer, parce que les quinze minutes vont s'écouler: Y a-t-il un point majeur par rapport au document proposé: Lever le moratoire: une décision qui s'impose? Voyez-vous un argument majeur et, si vous en voyez un - oui? - lequel? Et si vous voyez un argument néfaste, lequel? (13 h 15)

M. Lafortune: Si vous me permettez, un peu pour reprendre ce que je disais tout à l'heure, il y a des mesures intéressantes, notamment sur le contournement du moratoire, des mesures qui étaient contenues dans le moratoire. Je pense qu'il faut les renforcer dans la Loi sur la Régie du logement. Par ailleurs, on ne voit pas l'association directe qu'il peut y avoir avec la levée du moratoire. On pourrait procéder à la levée du moratoire. Autrement dit, on se questionne beaucoup sur l'urgence. Concernant aussi la situation de l'industrie, selon les statistiques, elle ne se porte pas si mal que cela, surtout à l'heure actuelle.

Donc, concernant l'urgence de lever le moratoire, on privilégierait plutôt que le

gouvernement songe à une politique Intégrée de l'habitation, une politique globale, et, donc, à ce moment-là, procède à la levée du moratoire, Mais je pense que, dès à présent, il serait très important que le gouvernement agisse au niveau de la Régie du logement. La situation est clairement identifiée dans le document; c'est son point fort. Concernant les moyens, cependant, on se questionne un peu.

M. Messier: Merci.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Shefford.

M. Paré: Oui, très rapidement, parce que mon collègue de Jonquière veut intervenir. J'ai juste trois petits commentaires et une question; trois commentaires sur les commentaires du député de Saint-Hyacinthe.

Premièrement, ce que les groupes de ce matin demandent, c'est loin d'être le statu quo, c'est le maintien du moratoire, mais avec le renforcement des mesures pour son application. C'est d'arrêter son contournement. Il y a une différence fondamentale entre noir et blanc. Il y a une différence entre ce que vous avez dit et ce que les groupes demandent. Le statu quo, c'est le maintien du moratoire, mais aussi son application.

Vous vous référez toujours au 1 % à l'échelle du Canada. Je veux bien croire que, chez les Inuit et au Yukon, il ne s'en transférera pas beaucoup, sauf qu'il ne faut pas oublier d'autres chiffres qui sont révélateurs. Ils sont d'actualité, ils sont confirmables: c'est 13 000 rénovations au seul Plateau-Mont-Royal depuis 1981. C'est loin du 1 %; c'est multiplié par 25 et 30.

Troisième commentaire concernant la rénovation. Il ne faut pas oublier que l'Association provinciale des constructeurs en habitation qui se dit en faveur de la levée du moratoire a quand même dit hier dans son intervention qu'elle est convaincue que, tel que présenté, les propriétaires auront tout avantage à laisser se détériorer le stock de logements locatifs pour être capables justement de procéder à la transformation, à la conversion.

J'ai une question. À votre avis, est-ce que l'achat du droit de maintien dans les lieux, dont on a discuté et dont on n'a pas fini de discuter parce que c'est un point important, est-ce que c'est considéré comme un droit du propriétaire ou si c'est considéré comme une mesure de harcèlement?

Mme Lévesque-Brunet: L'achat de quoi?

M. Paré: L'achat du maintien. Étant donné qu'on...

Mme Lévesque-Brunet: Ah! d'accord.

M. Paré: ...dit que les gens pourront demeurer dans les lieux de façon illimitée, est-ce que le fait que les propriétaires vont offrir aux locataires d'acheter cela - il y a des groupes qui l'ont suggéré et même le ministre en a parlé - est-ce que vous considérez cet achat comme un droit qui appartient au propriétaire ou si vous considérez cela plutôt comme une mesure de harcèlement qui s'ajoute à ce qu'on connaît déjà?

Mme Lévesque-Brunet: Je considère cela comme une mesure de harcèlement.

M. Paré: Merci. Je vous demanderais de reconnaître le député.

M. Dufour: Je voudrais d'abord vous féliciter pour la tenue de votre mémoire.

Le Président (M. Desbiens): II vous reste une minute et demie.

M. Dufour: Je pense que vous représentez bien l'Association québécoise pour la défense des droits des retraités et préretraités par la façon de présenter votre mémoire. Ayant déjà eu l'occasion de vous rencontrer et entendre, j'ai l'impression que vous avez l'heure juste.

Le problème que nous avons ce matin, c'est qu'effectivement il n'y a pas de politique d'habitation. C'est un problème cru que nous avons devant nous. Il n'y a pas de solution, il y a des parties de casse-tête qui sont devant nous et qui font qu'on veut régler un problème, mais qu'on en crée d'autres à côté. Les questions que je me pose, parce que le problème est crucial, surtout à Montréal, c'est qu'il y a un stock de logements qui est nécessaire pour répondre aux besoins des personnes âgées, pour les loger. Ce besoin, ce sont des logements locatifs; non pas être propriétaires, ce sont des logements locatifs. La question qu'on peut se poser: Est-ce que le gouvernement a prévu un certain nombre de logements qui demeureront à la disposition des personnes âgées, quelle que soit la décision ou la volonté des spéculateurs? Je pense que la question est claire. Si on prend une personne âgée et qu'on la déloge, la personne âgée ne reprendra jamais possession de ce logement, à moins qu'on n'attende 30 ans et que la personne devienne âgée. Donc, il y a tout ce phénomène qu'on est en train de déraciner et qu'on est en train aussi... Les personnes âgées sont faibles de par leur état, ce qui fait que ces gens ont besoin d'être près du centre de la municipalité. Là, on va les déloger et ils ne pourront plus y revenir.

Ce qui m'inquiète, c'est comment convaincre le gouvernement qui, depuis deux

jours, se fait dire carrément par des groupes: Vous êtes dans l'erreur, ne faites donc pas ce jeu-là. Je pense que vous avez des interrogations qui sont importantes quand vous dites qu'on parque, que les centres d'accueil sont des tunnels de béton avant de mourir. Il n'y a pas beaucoup de monde, entre nous, qui ne connaît pas des gens qui sont près de cette évacuation de la société.

Donc, il y a un problème majeur. J'espère que le ministre va répondre à vos demandes et qu'il va en être convaincu un jour, qu'il ne fera pas juste penser qu'il est le seul à avoir la vérité. Il y a d'autres vérités qui ne sont peut-être pas intéressantes, mais qu'il faut mettre en marche.

Est-ce que vous pensez que le stock de logements locatifs dans une métropole comme Montréal ou Québec - à Québec, c'est peut-être un peu moins crucial -devrait être protégé? Est-ce qu'il devrait y avoir des étude3 sur des statistiques pour dire qu'il y a un stock qui devrait demeurer là, au même titre qu'on décide d'avoir tant de logements sociaux pour des familles, des personnes âgées ou d'autres. Quel est votre avis par rapport à cela?

Mme Lévesque-Brunet: Je voudrais revenir à la spéculation qui existe particulièrement sur le plateau Mont-Royal où c'était une population âgée qui demeurait dans ce quartier. La réalité, aujourd'hui, c'est qu'on prend des maisons et qu'on les vide complètement de leur contenu. Les personnes âgées qui y demeurent, avant qu'on transforme la maison, paient à peu près 150 $ de logement, avec un revenu, pour les femmes en particulier, de 600 $ par mois. Alors, 150 $, ce n'est pas si mal. Celui qui achète la maison, qui décide de la vider de son contenu et de refaire le logement peut bien dire au locataire qu'il est évincé pour le moment: Vous pourrez revenir quand la maison sera refaite, je vous reprendrai comme locataire, mais la personne ne pourra jamais revenir, parce que c'est impossible pour elle de payer 400 $ et 500 $ quand elle a un revenu de 600 $ par mois. Alors, qu'arrive-t-il à cette personne âgée? La seule ressource, le seul chemin qu'elle voit et qu'elle peut prendre, c'est de demander d'entrer dans un centre d'accueil. C'est la solution pour ces personnes. On sait qu'il y a une liste d'attente, on sait qu'on ne veut plus construire de centres d'accueil à coups de 2 000 000 $, 3 000 000 $ et 4 000 000 $. Où vont aller ces gens? Est-ce qu'on peut penser à l'extrême qu'on va les trouver mort3 dans une chambre, ce qui déjà arrive, sans surveillance, sans soin, sans argent, sans personne sachant que ces personnes existent? Je pense qu'il y a des chiens qui ne meurent pas comme cela, mais c'est cela la situation réelle. On a une section qui s'est formée dans le centre-ville à partir du problème des chambreurs. Tout ce monde pauvre était délogé et est encore délogé. Alors, on a formé une section pour défendre ce droit de pouvoir rester au moins dans une chambre parce qu'autrement c'est la rue et ces gens deviennent des sans-abri.

M. Dufour: Je vous remercie. C'est évident que ce que vous soulevez, ce sont des problèmes vécus, réels, qu'on peut constater facilement. On va essayer d'élargir un peu, parce qu'il y a les plus démunis, mais il y a des personnes âgées aussi qui sont propriétaires et qui voudraient se reloger. La ville de Montréal a avancé un certain nombre d'hypothèses qui proviennent d'autres initiatives qui ont été prises dans d'autres provinces. Par exemple, si quelqu'un a la possibilité de vendre son logement, vous dites à 3.1: "en offrant la possibilité aux propriétaires retraités de vendre leur propriété en échange d'une rente viagère, tout en conservant le droit d'y demeurer". Je vous demande si vous avez un aperçu de ce que les personnes âgées pensent par rapport à cela. Parce que cela a pour effet de déposséder avec le temps. Dieu sait si les gens âgés sont attachés è leur bien! Ils pensent que c'est un héritage pour leurs enfants ou leurs petits-enfants, je ne sais pas trop de quelle façon, mais il y a ce problème. Est-ce que vous avez déjà une étude d'impact par rapport à cette hypothèse qui est avancée? Est-ce que c'est juste avancé comme cela ou si vous savez déjà ce que cela peut faire sur les personnes?

M. Lafortune: Je pense que c'est une revendication de l'AQDR qui date déjà du manifeste, donc, de 1979. Cela a déjà été discuté dans de nombreux congrès, du moins de l'AQDR.

Juste pour revenir à l'amélioration du parc locatif, il y a l'idée de maintenir un secteur locatif intéressant. Il y a l'idée aussi pour les propriétaires de continuer à demeurer dans leur logement. On peut parler de la situation affective, comme vous venez de la présenter. Il y a aussi que les personnes âgées, à un moment donné, s'assoient, font leur budget et se rendent compte qu'elles n'ont plus les moyens de demeurer propriétaires, principalement encore dans les centres urbains. Et c'est là que la décision se prend, à savoir si oui ou non, on vend et on s'en va à logement. Il y a les responsabilités, mais il faut aussi savoir, sur le plan financier, si on a les moyens de payer les rénovations de la maison, de payer les taxes, de payer l'ensemble des coûts. L'AQDR a déjà discuté avec l'administration montréalaise, et peut-être avec d'autres administrations aussi, pour voir à ce qu'il y ait des incitations fiscales qui permettent d'entretenir le stock de logements locatifs et

qui permettent aussi è des propriétaires âgés de continuer à demeurer dans les lieux, dans les maisons qu'ils habitent depuis 20 ans, depuis 30 ans peut-être, et qu'il y ait donc remise de taxe ou de travaux de rénovation, ou qu'il y ait étalement pour des travaux de rénovation, et que ces montants soient remis lors de la vente de la maison qui pourrait se faire cinq ou six ans plus tard, une dizaine d'années plus tard, ce qui permettrait de maintenir plus facilement et sans coût trop élevé pour le gouvernement les personnes âgées dans leur propre résidence.

Mme Lévesque-Brunet: J'ajouterais que beaucoup de retraités ont pensé à l'hypothèque inversée. Je sais qu'il y a des groupes qui sont allés à Québec pour essayer de persuader le gouvernement d'apporter une aide. Les caisses populaires ne veulent pas embarquer dans cela et les banques non plus. Je ne sais pas s'il y en a parmi vous qui se souviennent qu'en 1950, 1955 - je ne me rappelle pas si c'était un gouvernement libéral ou quel gouvernement était là, mais peu importe - il y avait ce qu'on avait appelé à l'époque le rabais provincial, c'est-à-dire que le taux d'intérêt étant à 5 %, le gouvernement, pour encourager l'accès à la propriété payait 2 % d'intérêt. Il restait seulement 3 % d'intérêt à payer par les propriétaires, ce qui était très encourageant. Je pense qu'il y aurait des formules, mais les caisses et les banques ne veulent pas embarquer là-dedans sans avoir un appui quelconque du gouvernement. Il s'agit de réfléchir parce qu'il y en a, des moyens.

M. Dufour: En fait, ce que vous soulevez, c'était la loi du crédit agricole qui permettait...

Mme Lévesque-Brunet: Exactement, c'est cela.

M. Dufour: Dans ce temps-là, le taux d'intérêt était pas mal moins élevé qu'actuellement. Je trouve qu'il y a une problématique qui ressort toujours de votre mémoire et ce n'est pas la première fois qu'on le constate. C'est d'une politique d'habitation que le Québec a besoin et qu'il doit se donner. Il va falloir qu'on arrête de penser à la pièce. Il va falloir arrêter de dire que cela dépend de l'autre gouvernement qui n'a rien fait ou qui a tout fait. Je ne sais plus trop comment me situer par rapport à cela.

On constate un problème. On prend la peine de déplacer une commission parlementaire, on demande aux gens de préparer des dossiers. Ils viennent nous présenter cela, on a 51 mémoires et la plupart disent; Le moratoire ne répond pas à nos besoins, on aurait besoin d'une politique familiale. Donc, qu'on étudie les impacts d'une chose par rapport à d'autres. Il est évident que, si on pense aux personnes âgées, il faut penser à d'autres personnes qui sont démunies, il faut penser aux chômeurs, il faut penser aux couples, il faut penser aux familles, il faut penser aux familles monoparentales. Il y a tout ce phénomène et le ministre nous arrive avec un document. Il prétend que c'est le best-seller de l'année puisqu'il a été obligé d'en faire une réédition spéciale - il doit probablement la donner -pour dire aux gens: Regardez comme nous autres on a pondu quelque chose de correct. Et, quand on regarde l'ensemble, ce n'est pas cela que vous venez nous dire. Je pense que c'est cela être à l'écoute des gens, venir s'informer de ce que les gens veulent et quels sont les problèmes qui sont vécus. Je pense que vous donnez un aperçu des faits réels concernant l'état du logement à Montréal. Ce n'est pas juste le moratoire, c'est l'ensemble des données sociales qui font que tout le monde est touché par la question du logement.

Je voudrais vous dire qu'effectivement vous apportez des solutions. Il y a peut-être des points... On ne parle pas d'habitation partagée; je pense que c'est très nouveau. On parle de l'habitation d'Australie; il y en a qui appellent cela la maison volante, la maison qui se déplace, je ne sais pas trop. Il y a toutes sortes de phénomènes qui se produisent. Il n'y a pas une solution, il y a un ensemble de solutions. Et la meilleure façon de les trouver, c'est de s'asseoir avec les gens et de les écouter, d'essayer d'explorer des avenues. De ce côté-là, je voudrais vous remercier. Il y aurait une certain nombre de questions que je voudrais poser. On pourrait vous garder toute la journée, mais je pense que, si le ministre ne change pas d'opinion et n'évolue pas dans sa pensée, cela va être difficile de comprendre et de trouver la réponse à vos besoins. Merci.

Le Président (M. Desbiens): Mme la députée de Dorion, il reste une minute trente à votre formation politique.

Mme Trépanier: M. le Président, en une minute trente j'aurais beaucoup de choses à vous dire, je vais essayer de me dépêcher.

Mme Lévesque-Brunet, j'aimerais vous dire en premier lieu que j'ai écouté votre présentation avec beaucoup d'intérêt et que j'ai remarqué surtout la conviction avec laquelle vous vous êtes adressée à nous. Cela me tente de vous dire qu'une chaîne est aussi forte que le plus faible de ses chaînons et vous avez entièrement raison de dire que, lorsqu'une partie de nos programmes fonctionne plus ou moins bien, cela vient briser tout l'équilibre. Vous nous avez parlé de maintien à domicile, vous avez relié beaucoup le maintien à domicile à nos

actions à nous. II y a beaucoup de travail à faire dans ce domaine, on en est fort conscients. Pour être députée d'un comté très ouvrier et très pauvre, j'en sais quelque chose. Je suis tout à fait d'accord quand voua dites qu'il faut concerter nos actions, que cela est tout à fait primordial. Lorsque vous parlez de maintien à domicile et du ministère de l'Habitation, je dois vous dire qu'il y a des discussions constantes entre nos deux ministères, mais il y a énormément de choses à faire.

D'un autre côté, je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous lorsque vous dites que notre projet de levée de moratoire, ou à peu près - vous nous avez à peu près dit cela - venait contrecarrer les autres domaines, que cela ne s'articule pas dans une politique globale d'habitation. Je pense que la levée du moratoire vient en parallèle, mais qu'elle peut aider les gens à rester chez eux plus longtemps, et cela est important. Dana nos programmes existants, il ne faut pas oublier Logirente, qui est un programme quand même universel et qui aide les gens âgés à demeurer chez eux plus longtemps, et cela est important. Nous étudions aussi diverses possibilités. Vous avez fait mention d'un programme qui existait dans les années 1950. Voua avez sûrement entendu parler des récentes assises Québec-municipalités où on essaie de trouver des formules qui pourront alléger le fardeau des résidents des régions urbaines, spécifiquement à Montréal.

Alors, je pense que mon temps est terminé. Je voudrais vous remercier infiniment de votre présentation et soyez assurés que noua en tiendrons compte.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Shefford, en conclusion également?

M. Paré: Très rapidement pour vous remercier aussi et vous dire que votre dossier est très complet. À mon avis, il fait part d'un paquet d'inquiétudes qui sont facilement prouvables et justifiables, À ce niveau-là, vous avez raison d'être inquiets. En fonction de ce je viens d'entendre de ma collègue de Dorian, je me rends compte que les gens n'ont pas compris de l'autre côté. On défend plutôt des programmes comme Logirente. Je dois dire que c'est un très bon programme, c'est le Parti québécois qui l'a amené, mais je ne voudrais pas faire de politique partisane. Je me rends compte, aux commentaires que je viens d'entendre, que de l'autre côté on n'a pas pris vos inquiétudes et vos craintes au sérieux. On essaie plutôt de dire encore que le cheval blanc de Napoléon est noir et que, de toute façon, il y a des mesures, alors qu'il n'y a pas de mesures. Je vous invite à continuer, parce que temps presse, à faire des pressions et à sensibiliser vos membres pour vous assurer que cela ne passera pas. Le ministre doit reculer sur cela. Les commentaires que je viens d'entendre, malheureusement, me déçoivent parce que j'avais l'impression que le ministre avait cheminé dans la bonne direction depuis hier. Au dernier commentaire que j'entends, je me rends compte - à moins que cela ne soit très personnel - que cela n'a pas cheminé dans ce sens et qu'il ne faut pas laisser passer, au contraire. Il ne s'agit pas de venir faire une présentation et de se retirer parce qu'on risque justement que, dès qu'on sort par la porte, la mesure passe.

Je vous invite à continuer auprès de vos membres une démarche très active parce que cela presse. Le ministre a des intentions pour l'automne. Je pense qu'il faut bloquer cela et on doit compter sur vous. Merci beaucoup.

Le Président (M. Desbiens): Est-ce que vous voulez ajouter quelque chose?

Mme Lévesque-Brunet: Je pense que toutes cea revendications, il y a derrière cela une volonté politique. Je pense que les gouvernements vont se pencher sur les revendications que l'AQDR peut faire, mais il y a plus qu'une volonté politique, il y a aussi la volonté de tout citoyen. Alors, soyez assurés que l'AQDR sera toujours là pour faire des pressions quand il est question de qualité de la vie. J'ose dire qualité, on n'est même pas rendu là pour les personnes âgées, mais, en tout cas, pour les plus démunis, parce que ce sont des personnes qui ont travaillé, ce sont des personnes qui ont mis des enfants au monde. Ces enfants sont en place aujourd'hui et c'est incompréhensible et inacceptable, encore une fois, qu'au Québec il y ait huit femmes sur dix qui soient littéralement pauvres, et six hommes sur dix, après avoir travaillé toute leur vie. Alors, il y a une volonté politique, mais il y a une volonté de tout le monde, et l'AQDR s'en occupe. Merci.

Le Président (M. Desbiens): Je vous remercie au nom des membres de la commission de votre contribution à nos travaux et je rappelle, avant de lever la séance, que, malgré le retard que nous avons pris, nous allons recommencer à 15 heures précises. Alors, je demande è tous les membres de la commission leur bonne volonté pour être présents. Merci. La commission est suspendue jusqu'à quinze heures.

(Suspension de la séance à 13 h 36)

(Reprise à 15 h 11)

Le Président (M. Rochefort): La

commission de l'aménagement et des équipements reprend ses travaux, toujours dans le cadre de son mandat de consultation générale sur le document gouvernemental concernant la levée du moratoire sur la conversion des immeubles locatifs en copropriété divise. Nous sommes rendus maintenant à l'Association de l'âge d'or du Québec et au Conseil des aînés de Notre-Dame-de-Grâce qui, sauf erreur, se sont entendus pour faire une présentation conjointe. Alors, nous vous souhaitons la bienvenue parmi nous. Nous vous demandons de vous présenter de façon que les membres de la commission puissent mettre des noms sur vos personnes et, par la suite, de prendre une quinzaine de minutes pour nous présenter l'essentiel de votre mémoire, puisque celui-ci a déjà été reçu et lu par l'ensemble des membres de la commission.

Association de l'âge d'or

du Québec et Conseil des atnés

de Notre-Dame-de-Grâce

M. Gottheil (Jacques): Merci, monsieur. À ma droite, Mme Rose Weber; moi-même, Jacques Gottheil, of the Golden Age Association of Montreal, and proceeding from my left, Mr. David Woodsworth, president of the NDG Senior Citizens' Council and Mr. Abe Gruber, also of the NDG Senior Citizens' Council.

Mr. Chairman, members of the commission, with your permission I would like to take just a few moments before we get to the actual brief itself to tell you a little bit about who we are. The Golden Age Association of Montreal has a membership of 6000 seniors having been in existence over 25 years and one of the outstanding characteristics is that we have grown from an organization of possibly 1520 in the first years up to 6000 now, which only reflects a very simple fact that we are getting older, living longer and we hope to see that trend continue.

As an association, we sponsor and encourage senior participation in cultural, physical, creative activities that are conducive to a healthy retirement period. Over 600 of our members are volunteers who direct all of our programs and services including such things as wills, counselling, frankly visiting, etc.

The Notre-Dame-de-Grâce Senior Citizens Council since its inception in 1973 is composed of volonteers seniors dedicated to improve the quality of life of the elderly in NDG. Their objectives are to organize senior citizens into effective groups for purposes of health, welfare, recreation, information and as such have organized committees on housing, healthcare, homecare, rent-a-hand respite, daycare, etc.

I mention this only to indicate that our roots go deep into the senior community with a commitment to take action on matters that are of interest to seniors.

I think we should note that a high proportion of seniors in the community live on low, limited and fixed income and the overwhelming majority are in rental units. We would like to indicate that when we first became aware of the proposition to lift the moratorium, the condo conversion proposals in 1986. I do not think I... Well, let me just say that it was not a carpet of welcome on the part of the seniors and seeing this as a wonderful initiative and opportunity to buy their rental units. Rather the reverse, we reacted at that point with considerable anxiety and seeing it as a threat to shelter security. During the course of the year, as these proposals have been elaborated, let me show you that the anxiety and the tension have increased during that period of time and have let us to today's session with the preparation of this brief.

Again for background, let me just say that seniors generally are concerned with three basics in the later period of their lifestyle: adequate food, health and shelter. Together, they provide the security for the senior population. I emphasize that, it is one thing about the senior population, hopefully, that all of us here are going to experience sooner or later.

Seniors feel that generally we have paid our dues. We have worked, we fought to provide security and comfort for our families to see that they get along well in the ways of the world and, in our retirement years, all we are asking for is minimum comfort, stability, ease, no aggravation, no hassles, legal or otherwise. We want to remain in our dwellings. We want to maintain an independent creative way of life. Our home is our castle and this is something that we are going to protect by all means.

Accordingly, our brief deals in particular with the impact of the proposal to lift the moratorium on the life of seniors. If we may emphasize special senior concerns, we would suggest they are not in conflict with the interest of other segments of the tenants community, but, on close examination, we share similar misgivings about the proposals.

And now, to get to the formal part of the brief, now begin with paragraph 2, having describe really the first paragraph. We compliment the minister of Municipal Affairs for encouraging the process of consultation regarding the lifting of the moratorium on the conversion of apartments to condominiums and for the consultation document prepared for that purpose. The document contains much usefull informations and recognizes the special needs of older persons, but we find that it fails to support the conclusion that lifting the moratorium is

either logical or "necessary" as the title of the document claims.

The document recognizes the difficulties faced by many older tenants in their relations with landlords and proposes a number of ways in which the tenants could be protected if conversion occurs. We are not persuaded that these proposals would be effective, or even that they could be implemented. A complicated system of controls would be confusing to older people and objectionable to landlords who want the moratorium lifted. The proposals are hypothetical. However, if the government believes that these safeguards would indeed protect older tenants, we would argue in the strongest terms that the necessary regulations should be in place before the moratorium is lifted.

In most cases, older persons are financially unable to buy their apartments because they do not have the capital. Even when they do have savings, they are used as investments to supplement low pensions. Further, older persons usually do not wish to acquire real property. Their life expectancy is short and the costs and problems of property management are great. The option of purchase is therefore unrealistic. I might just comment that the brief recognizes that from our point of view, from even your point of view, the interest in purchasing a condominium would not be found among the senior citizens. I think you recognize that. We mention it here only to underscore it. Why? We are not interested in the conversion of ther apartments that we now occupy into condominiums because we have no interest in buying. I think that we might as well agree with that from the very beginning.

The document recognizes that conversion reduces the stock of rental apartments. During the next decades, the number of older persons in Québec will increase markedly as the document shows. Lifting the moratorium would mean that, in future, older persons would have progressively less access to affordable rental apartments and would have to accept housing of poorer quality. Might I underscore that there are any number of seniors who may own their single dwellings now in which their families have grown and who, as they approach the retirement years, it is in their interest to forego this and to sell their homes and seek rental units. We may want to discuss that later, but it is in that context that we see, as the population gets older, if affordable rental housing decreases, then you are increasing the conflicts and the problems.

The document recognizes, but underestimates, the critical importance to old people of security of tenure. It fails to grasp the financial and social difficulties involved for older people in protecting themselves in the housing market. Even when laws or regulations exist for their protection, they are often unaware of them or are physically, emotionally or mentally unable to use them or are afraid to do so because of threats or because of fear of bureaucratic procedures or of linguistic problems. Measures designed by and for younger people are often inadequate to protect older people. For many older persons, provisions must include active help from the regulating agency; otherwise these people are denied access. Simply to propose guaranteed tenure is not enough. Paragraph 6.1.5 on page 52 of your document proposes to establish a special Régie du logement, that is the one for senior citizens. While this might be helpful, it would have to be much more proactive, take a leading role in support of older tenants than is usual in neutral bureaucratic procedures or as suggested in the document.

The Ministry's document characteristically reflects the departmentalization -we call it compartmentalization - of administrative thought in treating housing or older people as if it could be separated from other essentials of life such as health, transportation, and social and mental stimulation. Older people usually become settled, over time, in particular places: particular rooms in certain houses, in networks of neighbours, relatives and friends. They depend for their wellbeing upon the support of familiar people and surroundings. If these are changed, the health and autonomy of the old persons suffer. In short, the problem of housing cannot be settled without reference to human and financial costs in other areas. The consequences for health and social services are of course to be measured in financial as well as in human terms, and we believe that the moratorium should not be lifted without consideration of these costs.

Mr. Chairman, I would like to read this over and over again and I trust that, in our discussion, we will be able to come back to this particular section, because this, for us, gets to the hart of the matter. We are talking about human dwellings, life and its consequences. The government will predictably be under pressure from landlords to lift the moratorium for market reasons. Our argument against doing so is essentially two-fold: first, that older persons would be unable to protect themselves even if the proposals in the document were feasible, and secondly, that the negative consequences will affect many thousands of old people now and in the future, so that larger costs will be created for other public services.

Consequently, we offer the following recommendations: that the effectiveness of safeguards for tenants be firmly established

in consultation with groups representing seniors before the moratorium is lifted; that alternative housing for seniors be provided before the moratorium is lifted. This alternative could take various farms which must be developed in advance.

Mr. Chairman, at this point, I might say that our reaction in this part is: Is this a proposal merely for accessibility to ownership of property or is this part of a housing proposal? Our concern is adequate, decent housing for the total community and for seniors and we feel that this should be considered within that social context. This is what we find lacking in the brief, a housing policy to answer some of the real needs of our community, and seniors in particular.

Therefore, we recommend that the moratorium be extended in order to allow time for the establishment of these necessary safeguards and provisions in the light of fuller consideration of the consequences. In closing, Mr. Chairman, may I merely indicate again we began our brief by complimenting you for the process of consultation. We trust that the process of consultation will continue. In our democratic way of life, the total community, not only the seniors, feel that consultation is something that continues during the tenure of the government in office. You consult us not only on voting days, on election days. The consultation takes place continuously. We want to be actively involved on matters that are of serious concern to us. And seniors have a good memory. I think governments, at all levels, have learned to consult us. At the federal level, on the question of pension indexation, and, on the provincial level, in the immediate past spring when the budget was introduced, a recognition believably of the penalizing aspects of the taxation, the withdrawal of deductions for working seniors. So that this is part of a continuous process and we would like to assure you that active senior citizens born, brought up, living in Québec, we are going to express our democratic pressures, influences. Constantly, we assume our responsibilities of watch-dogs on the interest of food, shelter and health. I thank you.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre.

M. Bourbeau: I would like to welcome the people from the Golden Age Associaton of Québec, and the Council of Seniors of NDG for their presentation. I wish to tell them that the purpose of this exercise is exactly what you are aiming at to permit all groups to be heard and not only to be heard for the purposes of us eventually saying we have heard you. We are sincerely interested in hearing all comments of all groups and we are taking due consideration of everything that is said here. I can assure you that this is not a mock consultation. Is that the right way to say that? Good. I am even surprised of my own vocabulary. You are still following me?

Une voix: Each other...

M. Bourbeau: The government proposal is a proposal. We put it forward. It has the benefit of challenging, if I can say, the people to come out, to think on the subject and to say what they think. Obviously, all groups are not in complete harmony with our proposals. We are not deaf and we hear things. So, since we are not particularly stupid, I think, we will take due note of everything you are telling us and everything that other groups tell us also. So, you can rest assured that this government has not been elected to throw tenants in the street or to help unscrupulous landlords harassing or intimidating senior citizens. On the contrary, I think people will recognize that the measures that we are proposing are a step forward in trying to block a lot of loopholes that exist in the present situation. We have people coming in and they say that they want the status quo. I do not think we should keep the status quo. I think the status quo is unacceptable as far as these problems are concerned. So, our firm intention is to move forward in the direction, certainly, of improving the situation created by evictions of tenants in an uncivilized way during major repairs, towards trying to stop unscrupulous landlords from harrassing senior citizens and so on and so forth.

So, the exercise that we are conducting today, I think, and these days will have the merit of putting all these problems an the table and allowing us eventually to take a decision in the best interests of all citizens and certainly the best interests of tenants. Thank you. (15 h 30)

Le Président (M. Rochefort): Merci, M. le ministre. M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: Yes. Madam, gentlemen, I must thank you for coming. Someone asked me why I was in politic. I answered because I wanted to pay my debt. It is you people by the time you were working who payed high taxes so I could be educated. I guess I own you something and I want the next generation to benefit of the same or at lease better, I hope.

The Minister keeps on stating us that Napoleon's black horse is white or Napoleon's white horse is black, he plays with his policy, especially saying that he has solved great deal of the problem with that so-called unique wicket that you could find at the Régie du logement.

Yesterday I met a lawyer from the

Aide juridique. I do not know how to say it in English. I guess you understand what I want to say. He came and said that in no way it will solve the problem because again it is another bureautic solution. Do you agree with that point? I was asking you: People, yesterday, said that the unique wicket for senior citizens that is proposed by the Minister at the Régie du logement wilt solve all problems. He came and said: In no way because it is another bureautic measure.

M. Gottheil: I think we referred to that in the document that first of all senior citizens are afraid of appearing before courts, bureautic offices and things of that sort. You know we have a Régie du logement for rent control. And seniors are frankly frightened, you know, when they have to appear before some of these bureaucracies. We have a quasi legalaid at Golden Age. We have the experience of seniors coming in when they have a legal document in front of them that requires signatures, a little bit of concern. What does it involve? What does it mean? Who is trying to take advantage of and things of that sort? And our concern here is that seniors become aware of the forces that are opposed to them, those who would want to displace them.

I think that, if we recognize the fact that seniors are not going to buy their appartments their dwellings, then they are faced with one of two alternatives; either they stay there or they move to other dwellings. To move to other dwellings becomes another problem. But, if they are going to stay there, then the harassment comes in and the idea of going into an office, particularly if that office is sort of isolated, it exists but, without it coming out straight forward, as shall we say, a protective association for them, then I think the chances of it working are frankly very slim. I do not know if others...

M. Gruber (Abe): May 1 add to that? M. Gottheil: Sure, go ahead.

M. Grubert: Excuse me. I am ignorant of the name... Is that Mr. Bourbeau overthere? Yes. I am sorry, sir, I did not know before. Mr. Bourbeau, I failed to see how the lifting of the moratorium in itself will make it possible to correct the current abuses. The current abuses have been in place for so long now and the governments in power have failed for so long to close those loopholes. It seems to me clearly that the lifting of the moratorium will tempt the landlord who has an opportunity to sell my appartment to me perhaps for four or five times what he paid for... It is like issuing a hunting licence on tenants.

It seems to me, with the best will in the world... You spoke about unscrupulous landlords; let's talk about scrupulous ones. 1 think the majority of them are scrupulous but when you give a landlord an opportunity to sell me the apartment that I am living in for four times the amount that he paid for it - and that would be a low market price today and not a high market price - you are opening the door to the kind of abuses that any amount of legislation cannot contemplate and cannot stop and I would hope that you would take that into consideration in your final decision.

M. Boulerice: I like to ask you another question. When you turn over 60, 70, health conditions and all environment make you choose to be a tenant instead of a home owner. One of the lawyers that came from the Aide juridique yesterday said that the possibility for the owner to buy the tenant's right, that was a form of harassment. How do you react to it? One of the lawyers that came in yesterday said that the possibility for the owner to buy the tenant's right is a form of harassment,

M. Gottheil: A form of harassment. In other words, where the owner wants to come in and say: I will offer you 1000 $ if you would be so kind as to find other places of dwelling, etc. Of course, it is a form of harassment, it is a form of blackmail and seniors are not damfool. If somebody is going to come in and offer me a 1000 $ - and this is where the problem, I think, of clarity comes in. To refer back to your previous question also from the point of view of the "régie" that would look after the interest of the seniors, the worst thing that can happen for somebody who has decided to live in their apartment for the point of view of security of tenure for their reamaining years, when they have this dangling in front of them, what are they going to do? Accept the 1000 $ and then what do they go for? This is what we would like to say.

The document itself indicates - and the experience in other areas - that, when seniors have left their existing apartments to seek other dwellings, generally the apartments are more expensive and they are of inferior quality. This is what they have. Now, that 1000 $ is dangling various ... They have limited income, to begin with. Their income is not going to grow. Seniors 65 and 70 are not going out to the job market to increase their income in periods of inflation and any government that would propose to them, or any group, go up and work and display some initiative would have to have their heads examined. It would be not only stupid, it would be criminal.

So that in itself is being a form of blackmail and a form of harassment and, if

anything should be condemned and punished, this is it and we would certainly... There are other forms of harassment that have taken place but I would certainly agree with you that it is something that we abhor and that has taken place and we can only ask ourselves, when somebody offers a 1000 $ to a tenant to move out... And, you know, it brings us this. When some of the landlords are interested in converting their apartments into condominiums, is it to improve the housing situation for the community, to provide better housing for the populace at large?

Let's face it. Our brief indicates that we understand the market, it is to make a buck, that is part of the game, fine. We are not questioning that, but I thing we have a right to look after our rights.

M. Boulerice: You are asking government to be sensitive and in someway I must pay a tribute to one MNA that at least, on the other side, is very sensible to it. It is Mr. Polak that did not hesitate to have his own stand on that issue. Do you not think that the Minister's proposals right now are very partial and that we should wait for global family policy that would come with solutions for all age among our fellow citizens instead of going only by a little piece with the disastrous effects that everybody evokes as potentially coming in the next few months, if he applied his partial policy?

M. Gottheil: Yes sir. Our recommendation 2, and I thing that I have eluded that in the formal part of the brief, said: "That alternative housing for seniors be provided before, the moratorium is lifted. This alternative could take various forms, which must be developed in advance". As I said outside, our brief is concerned primarily with seniors but we do not see it in conflict with the interest of the rest of the community. No way can anybody indicate to us where any position that we have taken here in terms of this housing problem will stand in conflict with the interest of the other segments of our total community. I am leaving out certain economic groups, I am not putting them within that concern. As I indicated in our comments, what we really are trying to emphasize is that what we need is a housing policy. You call it a family policy, we need a housing policy that could provide decent safeguard, affordable dwellings for the total community. Present us that and, within that context, yes we can talk about condominiums, we can talk about apartments we can talk about single dwellings. There are all forms of housing that, I think, can respond to the needs of families of different status or life-style, for families with one or two children who are going to start out. We are not going to talk... I can appreciate a rental unit as a parent. When my family was growing up, a rental unit, within an apartment, was not the most desirable place to bring up children. My son lives in an apartment and he curses every morning at 7 o'clock, he does not need an alarm clock, there is a youngster upstairs that is... He would like to get out of that particular rental unit. Seriously, we have not attempted to it because this wa3 not the purpose and the goal of this lifting the moratorium in the letters and the correspondance. That, we would suggest, is one of the basic weaknesses of this proposal, sir. I think we are prepared to talk about these things but let us talk about an overall housing policy, then we can talk about the particulars here.

M. Boulerice: Speaking of housing policy, we probably know that in Québec we no more have a Ministry of Housing, we have a Ministry of Municipal Affairs with a Minister responsible for housing but there is no longer a Ministry of Housing; that is back to a kind of a banana republic to my stand. But anyway, what you say is kind of interesting because you say okay, there is a right to be an owner but there is also a right to be a tenant if it is your choice and we could conciliate the two, not to make them in conflict and, right now, what the Minister's policy is doing is to bring it in conflict. So, we are going to go with no solution but, exactly as you predicted, we are going to go with a crash, which is shortage of apartments in Montreal. Especially, I have to point it out, we came out of another commission last week saying that, to increase population here, we should raise immigration. We are going to need more housing. Right now in Montreal, we have one of the lowest housing park probably in all North America, it is only 1,4 %, it is very low, so we are going to go with a crash for sure about it.

I would like to get back on harassment. Some other groups that came, and they were from the same district as you are, and I found it interesting because people... Well, first you are killing the old folklore, you know, that NDG, Westmount and all those areas, it is only rich people and I am glad to hear that "au contraire", you know, there are people with needs and you make the subject really what it is, a Greater Montreal concern and problem, that we have to face even if we live East or West, South or North, or central. Some other groups came and gave us horrible examples of harassment and I asked one group how many calls they had from their memberships? They gave me such a number, you know, for God's sake, I know that they were not lying. How many cases were you reported of harassment and what kind of harassment? Was it even

physical as someone reported us? (15 h 45)

Mme Weber (Rose): As far as harassment is concerned, I can tell you, from a personal experience, that a relative of mine lives at the corner of Kensington and Sherbrooke and that is not a low income apartment. She has been there, that is going on the second year, and unfortunately her husband is in a wheelchair. Her landlord came to her at the first week of June and said to her: Since you are living here six months of the year, how about vacating, 1 would like to renovate the building? She said: It is not an old building, what do you want to renovate? He said: I will give you -1 do not remember - X amount of dollars. In other words, he said: 1 would like to have your apartment. She said: I am not moving anywhere, I am protected by the "régie" and I am not going anywhere. He said: I am not forcing you out, but I certainly have other people who have signed and are willing to take the money. Why don't you take it, you are only here six months of the year? That is mild harassment, but she has not finished yet and he ha3 not finished with her. There are many such cases. Your have only to drive along Sherbrooke Street and see what is happening to all the older buildings that are 25, 35 years old. There are not low income rentals. They are pretty fair, 450 $ to 650 $ and some of these people have been living there for many years. This is what is happening. The landlord comes along and he rings your bell and he offers you 1000 $, 2000 $, I understand. You know, when this is dangling before your eyes, it is very difficult to refuse, but this is going on. I am sure, if you make any kind of study, you would find at this point that it would be astounding the numbers of people who have been evicted and I am surprised that you have reached this point without making the study.

M. Gottheit: I just add here that it is interesting how people react. When we are talking about harassment, we are talking about people living in apartment who want to maintain that apartment. We get back to the question that you raised before about a family policy and Mr. Woodsworth reminded me of this. It stands to reasons, for older people in particular, the familiarity as our brief indicates - of the surroundings, the neighbourhood, the social organizations that they belong to, the ability to get there packed forth with their friends, with our neighbours, with relatives ease what we described before as the comfort, the security, the stability and the health...

Une voix: The quality of life.

M. Gottheil: ...of the people, of the seniors. It would have been interesting for the ministry to approach Mme Thérèse Lavoie-Roux, the Ministe.r of Health and Welfare, and to possibily get some studies from her of the interelatedness of shelter, food, health, psychological tension and maintaining their own homes. Ask people, particularly in that state of life, as the tension increases, the anxiety increases, you began then to get the problems manifesting themselves in questions of health, that is morbidity sickness, psychological problems, and so forth. And then, what do you know? Mme Thérèse Lavoie-Roux says: I do not have enough of a budget. The questions of homecare begin to come in. The questions of institutions come in. The questions of more hospitals, chronic care come in. I would like to suggest, as our document indicates, that the question of housing manifests itself the problems in many different ways, it begins to seep out - you might say - drain out into other aspects of community life and it becomes a much more costly thing. At the time when we are talking about decreasing the budget cost, we are suggesting constructive ways of prevention. This is the point that I think we are trying to indicate here. Prevention is worth an announce of... I think you get the idea and that is the important thing.

Mme Weber: Announce of prevention... cure.

M. Gottheil: All right. We are all in agreement on that.

Le Président (M. Saint-Roch): Je m'excuse, M. le député de Saint-Jacques, le temps de votre formation politique étant écoulé, je me dois de céder la parole à M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Merci, M. le Président. Mr. Gottheil and Mrs. Weber, first, a few preliminary remarks because I, and not only me, but the members of the Government, we are always very impressed by the involvement of the senior citizens, such as your group. And we do get the documents in our riding offices and in Québec. I remember that there was this problem with the Minister of Finance. It was because of the brief that you wrote that we intervened in our caucus and, as a result, the Minister, in the budget, came up with a measure which gave effect, more or less, to what you have asked, what you have suggested. So, keep up the good work, it is very important that you be involved and that you be heard and we do listen to you, no just now when there is a by-election, because I have never seen my friend from Saint-Jacques so pleasant towards NDG. But let's hope he will continue to be it afterwards too.

So, in other words, you do have a lot of influence, called grey power, looking at your hair and mine now, or called the elderly. We know and we realize very well that society has been built by your work and, as you said, we are becoming older and you are around. Keep kicking us, I think that it is very important. I am very proud that the Minister has authorized me to sort of pose a few more questions to you, because he thinks along those lines exactly.

I am very pleased to hear... Because, you know, it is not always easy to administer and, as I have heard Mr. Bourbeau mentioned that we are flexible, I am very happy about one thing, because I heard a complaint; it has been mentioned to me in my riding: Well, you know, this consultation, how far of a real consultation is it going to be? I have mentioned that to him; he went very mad to me, he said: If 1 go consult people, do I two kinds of consultations? There is only one kind of consultation, the real one. And, if you have something to say, get on the committee and you will be there. So I am very pleased that we work together and we try to come up with solutions that please the population. So, your brief, and, of course, also the group of NDG, Mr. Woodsworth and Mr. Gruber, it is very important, just as the briefs of all the other groups that came before us.

A few points to make. You said that you are interested in food, health and shelter, so is the Government for you. I noticed that you have mentioned that the emotional issue of the elderly, when it comes to protect their rights, that, you know, they do not always react as a younger person; I think that it is a very important point, it has to be made by you, over and over again. Perhaps you could express it a little better and more in details. And even if there is going to be a special wicket, let's say, at the Régie du logement, for the elderly, it still does not mean that the elderly will go there. To me, perhaps, we should enable the elderly to go with a program of information. Do you have some idea on that, independently of the moratorium? Let's say you are looking for other measures of improving the system and avoiding abuses; in which way could such a special desk be strenghted to just help groups like yours? Or perhaps another gentleman of NDG will reply to that.

M. Gottheil: Well, you know, good public relations, not only to set up an office and to say it is there, but an education to the community, to indicate almost immediately what are the rights of tenants, what are their loopholes, what are the traps that are there, the questions of harassment, to indicate, in a very public way, that there is an office that is acting on behalf of the tenants, not only to recognize their rights, but to make them aware of the loopholes. The Government has - I do not know under whose Ministry - a magazine called, or under their sponsorship, Protégez-vous, Protect Yourself. You know that is very clear, emphatic and with a good clarion call to the community: Not only are these your rights, but this is what you have got to be aware of, the swindlers, the double takers and things of that sort.

I think what you could have would be really a good brain session, get together representatives of the different senior citizens who are experiencing the kinds of things that Rose Weber is talking about, that others are talking about and say: These are the realities that we are facing in the problems of shelter. Then, from there, this is what consultation would be, to go ahead and enforce measures that would have strenght, that would have meaning.

The minister, in his opening remarks, talked about this, one thing that we do not want, it is the status quo. I could not agree with him more. It has got to be flexible and opened. Our concern is: in what way is the status quo going to change and in what direction? We are not talking about form, we are talking about substance. In consultation, we would not talk about the form of what is taking place, but the substance of what it means and to know that these measures have teeth, protection and that the senior knows that there is somebody who understands him.

M. Polak: I think that Mr. Gruber something to add.

M. Gruber: Yes, Mr. Polak. Apart from the moratorium all together, as you say, if the moratorium remains in effect, there is still a problem of bringing the proper services to elderly people who are literally afraid of bureaucracy and "régie". There is another way of doing it. The NDG CitizensCouncil employs a very small staff that does a very big job of servicing the community in NDG. If the Provincial Government could find a few more dollars for us to give us an animator who would go out on call to help people with their problems with the "régie", I think that would be a great step and it would not cost an awful lot of money, it would cost some.

I wish Mr. Bourbeau or whoever is concerned with that problem of funding the kind of services that we deliver to provide us with a small amount of extra money that would animate and better service people who cannot go to the "régie" or who have to be taken by the elbow, sometimes, and brought to the "régie" and have somebody who knows all about to represent them there. Give us another animator or more than one and we will do that job for you.

M. Gottheil: Excuse me. If I could just add a word here. In our brief, we indicated that we had some question about the feasibility and the practicality of some of the measures that are being proposed. You know, in the final part of the document, you . talk about measures envisaged, of what we would do to encounter certain problems that have occured. I think that we would want to stress something here.

The document indicates that the Ministry and the Government are aware of the problems of harassment. They are aware of the problems of renovation being used as a means of evicting tenants. They are aware of a number of the problems that have existed even now. In the year 1984, I think, you had about 400 or 500 problems of abuses, what we call abuses that were brought to the attention of the municipal authorities. In 1985 or the year following - I think maybe it was in 1985 and then in 1986 - I think that the figure went from about 500 to 800. It is in the document. I notice in this morning's paper, the latest reporting, that, in the first 3ix months of the year, there is a record of something like 800 -and the year is not over - cases of abuse that are there for the record.

So the document is aware and recognizes the problems that tenants are now having and the whole problem of the conversion, what is happening in the conversion process, the harassment, etc. You talk about alleveating the situation. But, what we find strange - and we say that we do not see the linkage - is, being aware of it, you say: This will be rectified when we lift the moratorium. Now, I get back to our first recommendation. We would like an explanation, an understanding of why these loopholes are not plugged now.

Des voix: Bravo!

M. Gottheil: You are aware of it. Why do we need to lift the moratorium to rectify something now? In other measures of health, we do not wait until the disease is rampant and the major part of the population is sick in beds and hospitals and things of that sort before we take measures and we say: Well, if we do this, then we will do that. We plug the problems now. If you could put into effect - and that is our first recommendation - plug It now, show that it is effective, that you can stop this, have the rate of incidence go from 800 to 0, to 10 -we will compromise, 40 - during the course of the year, then I think that you will encourage us to have a measure of confidence in your ability to handle this problem. This is the key problem. Let me argue again. We are not against the principle of condominiums, per se. We are against the principle of converting existing rental units into condominiums because of the problems that it enhances. We want to underscore that over and over again. (16 heures)

Nobody has asked me, I happen to live in a condominium. I purchased it myself willingly. It is my choice and I enjoy it. I have friends who live in apartment houses for their own reasons. I have other friends who wanted to remain in their family homes for their good reasons. I do not chalenge them on that. So, again let us emphasize that we are not for a status quo. We understand these other forms of dwelling, but we are against the harassment, we are against the tension it creates on seniors and we say unequivocally that if you continue in this way the problems will manifest itself socially, humanly and financially in ways that you are assured that you have got the stamping start in the first place.

Une voix: I would like to...

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Sainte-Anne, le temps de votre formation étant écoulé, je céderai maintenant la parole à M. le ministre pour de brèves remarques de conclusion.

M. Bourbeau: Well, closing remarks. I would just like to bring to the attention of our guests here that this is exactly what we are doing. We were elected little more than a year and a half ago. We took cognizance of a major problem that had not been solved during the previous administration for nine years, although they had plenty of time to do it. That makes me laugh today to see them posing as angels on the subject. We have been going through this subject for a year now. We have a good grasp of the situation. It is our firm intention to come in the fall with legislation. You say now, but as you know we cannot legislate until the House is sitting. Our friends, yesterday, said that the Minister could today, standing here, make a law, a ministerial declaration that I would make from my car, probably, on my backyard. You know, we have to legislate a law when the House is in session. So, at the next sitting of the House, which is in October of this year, I have full intention to bring mesures to correct a lot of the problems that we have been able to identify. I can assure you that the representations and what ever being said here will be taken in due consideration in preparation of this legislation.

Now, as far as the lifting of the moratorium is concerned, It is obviously not - and I am answering the question of the gentlemen here - the lifting of moratorium itself that will improve or disimprove the situation. But we have to realize that the situation that exists now has been coming

about while the moratorium is on. And therefore it is our opinion and the opinion of the city of Montreal too, that came yesterday, that the existence of the moratorium cannot garantee that these things will not keep on. So, we have to find a new solution which will better protect tenants than the status quo. In that sense, I want you and I want to see the citizens have a better protection than what they have right now, namely the status quo. In this connection, I can assure you that we will take mesures in the fall that will improve the situation in a significant way. Thank you.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le ministre. M. le député de Shefford.

M. Paré: M. le député de Saint-Jacques.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: They probably say that I am sensitive. Of course, I am because we are dealing with human beings, not cans. His cashregister attitude is not my style. It will never be. One day, I was asking my grandfather what was experience. And he said: We live in a thirty stories building and there is a mountain. You are young, kid, you live on the first floor. You see the mountains. I am much older, I am your grandfather. I live in the penthouse. I know what is over the hill. I am telling you: Kid, do not climb it up because I know what is on the other side. This is precisely what you came in and said to the Minister. Do not lift the moratorium, and you give him the flat no on many of its aspects. He mentioned October. He is unveiling a part of his face. This is October. It is all taped. So, what we are going to do, you and us, we will check and see in October and, if not, maybe the commission will not seat again in Montreal as we requested it, but I am sure you can come to Québec City.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le député de Saint-Jacques.

M. Gottheil, for a very short remark to conclude, please.

M. Gottheil: Well, again, we appreciate the opportunity of coming here. We trust that the substance of our brief will be studied. I want to emphasize again and again that whatever proposals might be submitted we would feel much more confident if they would come within the context of what we, at the moment, are calling inadequate housing policy. We feel that this is a fragmented approach and we realize that the problem of the moratorium that has been in existence all these years has not alleveated the situation. But we are distressed by the fact that, when lifting the moratorium was first suggested a little over a year ago, it was at that point that almost all the floodgates were opened and we began to hear of many of the problems which we are experiencing today.

So that in itself gives us an indication that, should it be lifted, frankly we dread that experience. Again and again, we would want to emphasize that the problems of conversion, the upsetting for seniors in particular, the dislocation from familiar neighbourhoods, the dislocation from the places where they shop, their clubs, their associations, their dwellings, all violate the security of tenure. Again and again, all seniors are asking for is an opportunity to spend their retirement years without disturbing other people in relative comfort, ease, without aggravation, without hassle. We are very independent people. We are not looking for hand-outs. You now have a generation of seniors who maintain their independence in a sense even from their children. We do not want to depend even on our children for, quote, "our so-called material support". We feel very secure, we feel very creative in that way. And we do not relish the kinds of problems that the lifting of the moratorium introduces. Again, it is not just the act in itself, but what is does to the whole security of shelter.

I will finish as I have started. All we are asking for is decent food, decent health and a decent shelter. We have a Medicare system of which we are proud. Frankly - this is not the place, but - we are frightened. Take a look at any measure, suggestion of an infringement on that, again, as disturbing our security. Within that context, we talk about the total family life of the senior. We would stress over and over again that, for the question of the lifting of the moratorium, the danger of opening up a can of worms in the sense that the seniors become threatened the way they manifest their anxieties in their daily life, physically, emotionally, healthwise and so on.

I speak to you as a senior. I speak to you on behalf of our groups over here, of our 6000 members, those in NOG and all the other seniors in saying that we think that we are still productive members of society. We want to be able to be productive members of society and a lot of us have had the benefit of a good education, a good life-style and we feel that we are creative and we want to contribute to the life-style. 1 guess that we want to make things a little bit easier for you when you reach this stage, if you have a little bit of white hair and so on.

So, we are fighting, not only for ourselves, we are fighting for all in society and let me again reassure you over and over

again: we are concerned with the basics of what a decent life-style is. Thank you.

Le Président (M. Saint-Roch): Thank you for your participation.

Je demanderais maintenant à Me Sylvain Boucher de prendre place.

J'attire maintenant l'attention des membres de la commission sur le fait que nous avons pris 20 minutes de retard. Pour ces motifs, je demanderais aux intervenants de bien vouloir nous aider à respecter notre programme et, dans la mesure du possible, les quinze minutes allouées pour la présentation de leur mémoire afin que nous puissions avoir des échanges entre les membres de la commission et les intervenants. M. Boucher, je vous cède maintenant là parole pour quinze minutes.

M. Sylvain Boucher

M. Boucher (Sylvain): M. le Président, M. le ministre, madame et messieurs les membres de la commission, je veux d'abord vous remercier de l'occasion que vous m'offrez aujourd'hui d'exprimer mon avis sur l'opportunité de lever le moratoire. Comme vous avez pu le constater è la lecture du mémoire que j'ai déposé devant votre commission, ma position se résume essentiellement à ceci: La copropriété divise constitue un moyen privilégié pour favoriser l'accès à la propriété des ménages locataires. Il s'agit d'une formule souple, adaptée aux conditions de grands centres urbains et qui contribue à améliorer la qualité globale de notre parc de logements à des coûts raisonnables.

En conséquence, il faut procéder le plus tôt possible à la levée du moratoire qui se poursuit maintenant depuis une douzaine d'années. Il s'agit la sans conteste d'une décision qui s'impose. Mais il faut également résister à la tentation d'accompagner cette décision de mesures d'encadrement bureaucratiques lourdes et inutiles qui sont autant de moyens détournés de maintenir la situation de fait actuelle et de prolonger artificiellement le moratoire. Comme je l'ai dit, il faut lever le moratoire, mais il faut le lever pour vrai. Voilà, pour l'essentiel, ce que je suis venu dire aujourd'hui devant votre commission.

Comme notaire exerçant à Outremont, je me suis spécialisé depuis plusieurs années dans le domaine de la copropriété divise et indivise. À ce titre, j'interviens à tous les niveaux de la vie en copropriété. Je conseille des locataires qui désirent acquérir une unité de logement. J'assiste des propriétaires qui veulent convertir leur immeuble. J'aide les copropriétaires qui cherchent la meilleure façon d'administrer et d'améliorer leurs logements. Je suis notamment appelé à élaborer régulièrement des conventions de copropriété dont l'un des principaux objectifs est de suppléer, par des mesures contractuelles, aux carences de la législation actuelle.

C'est donc du point de vue d'un praticien qui travaille sur le terrain que j'ai appris à connaître jour après jour les problèmes et les avantages de la vie en copropriété. Mon approche est donc essentiellement pragmatique.

À ce titre, deux réalités m'apparaissent incontestables. La première, c'est qu'un ménage qui devient propriétaire de son logement pose la plupart du temps le geste le plus significatif pour améliorer de façon permanente ses conditions d'habitation. La seconde réalité qui découle de la première, c'est qu'il existe une demande réelle et importante pour la conversion de logements existants en copropriété divise.

Dans ce contexte, il est profondément anormal qu'à peine un ménage sur quatre soit propriétaire de son logement à Montréal. Cette situation entretient les locataires dans une dépendance face à leurs conditions d'habitation. Elle accentue les inégalités dans la répartition de la richesse et concentre l'épargne du secteur immobilier entre les mains d'une petite minorité. Elle limite les investissements à l'entretien et à l'amélioration des immeubles résidentiels. De ce fait, elle accélère la dégradation du parc de logements.

Pour ces raisons et pour plusieurs autres, il est urgent de corriger ce déséquilibre en favorisant l'accès à la propriété résidentielle. C'est une question de justice sociale, mais c'est aussi une question de développement économique.

Malheureusement, il n'est pas facile d'accéder à la propriété par les temps qui courent. Les études gouvernementales et surtout le gros bon sens montrent que l'écart s'est creusé depuis une vingtaine d'années entre ce qu'il en coûte pour devenir propriétaire par les moyens traditionnels, d'une part, et les revenus et l'épargne disponibles des locataires, d'autre part.

Ainsi, les maisons unifamillales sont aujourd'hui inabordables pour la majorité des locataires qui veulent accéder à la propriété. Les banlieues se développent plus lentement, en bonne partie parce que le gouvernement veut freiner l'étalement urbain et l'érosion du territoire agricole dans la couronne montréalaise. Par ailleurs, la possibilité d'acquérir un immeuble neuf reste le privilège d'une petite minorité de ménages.

Il n'y a donc pas 36 solutions. C'est au niveau des immeubles résidentiels existants dans le centre-ville et dans sa périphérie immédiate qu'il faut intervenir. Or, le parc d'immeubles résidentiels en question est très majoritairement composé d'édifices à logements multiples, des duplex, des triplex ou des multiplex. Voilà donc le patrimoine résidentiel qui caractérise nos centres-villes.

Pour devenir propriétaire de teis immeubles, il faut remplir deux conditions. Premièrement, il faut disposer d'une capital initial important pour acquérir d'un seul coup toutes les unités de l'immeuble, toutes les unités de logement de l'immeuble. Deuxièmement, il faut accepter de jouer le rôle de locateur, ce qui ne plaît pas nécessairement à tous. (16 h 15)

II va sans dire que le nombre de locataires qui remplissent ces deux conditions est limité. Si on veut augmenter le nombre de propriétaires occupants en se fiant uniquement aux méthodes traditionnelles d'accession à la propriété, on n'atteindra certainement toujours que des résultats médiocres.

Il est donc primordial de libérer au plus tôt la formule de la copropriété divise des contraintes juridiques artificielles qu'on lui impose depuis 1975. Bien sûr, cette formule n'est pas la recette magique qui va régler du jour au lendemain tous les problèmes de logement. Mais la copropriété divise fournit tout de même, admettons-le, une solution très intéressante pour un grand nombre de locataires qui désirent acquérir un logement. De cette manière, elle peut être un levier puissant pour accroître le nombre de propriétaires occupants.

Malheureusement, à cause du moratoire, la copropriété divise n'a pu remplir ce rôle depuis douze ans. Elle ne reste accessible en principe que sous la forme de condos de luxe dans des immeubles neufs, et s'adresse encore une fois principalement à un certain type de ménages.

En ce qui concerne les immeubles existants, le moratoire a effectivement réussi, dans ses premières années à interdire dans les faits les conversions en copropriété divise.

Mais ce n'est pas parce qu'il a réussi de cette manière à contingenter l'offre de logements convertis que le gouvernement est pour autant parvenu à effacer la demande. Cela n'est pas par un simple décret qu'on peut mettre fin à une demande qui correspond à un besoin réel pour lequel il n'y a pas de substitut adéquat.

C'est bien connu, le marché a horreur du vide et lorsqu'il est impossible de satisfaire un besoin bien fondé dans le strict cadre de la légalité, on assiste généralement à l'émergence d'un marché parallèle basé sur des tactiques toujours plus ingénieuses les unes que les autres. Les consommateurs finissent toujours par trouver des moyens de contourner les règles officielles, souvent trop arbitraires. Pour le meilleur ou pour le pire, c'est ce qui est arrivé avec le moratoire.

Comme notaire, j'ai été à même de constater comment le moratoire a provoqué, par exemple, le développement tout à fait artificiel de la copropriété indivise. De nombreux ménages ont eu et ont encore recours à cette formule pour faire indirectement ce qui leur est interdit d'accomplir directement. Le problème, c'est que l'indivision constitue un mode accessoire et indésirable d'accession à la propriété. La protection qu'elle accorde aux acquéreurs et le cadre juridique qu'elle leur fournit est tout à fait inadéquat. Surprotégé par l'appareil bureaucratique du gouvernement lorsqu'il était locataire, le ménage qui devient copropriétaire par le moyen de l'indivision est littéralement laissé à lui-même et doit se débattre dans un vide légal et juridique.

N'eût été de l'existence du moratoire, cette formule serait demeurée tout à fait marginale au Québec et ce, pour le plus grand bien de tout le monde. Un autre effet secondaire du moratoire - j'entends par là une autre façon de le contourner - a pris une ampleur particulière au cours des dernières années. II s'agit, bien sûr, d'utiliser des rénovations majeures comme stratégie pour évincer le locataire d'un immeuble. Cette méthode fonctionne bien et permet efficacement de contourner le moratoire. Mais, encore une fois, elle a pour effet de limiter l'accès à la propriété à ceux et à celles qui recherchent un logement complètement rénové, équivalant presque à un neuf.

Bref, contourner le moratoire, c'est faisable. L'expérience est là pour le prouver, mais d'une façon ou d'une autre ça finit toujours par coûter cher. Le gouvernement en est donc rendu à une croisée des chemins et parmi les options qui s'offrent à lui, il y a celle qui consiste à prolonger le moratoire en bouchant les trous qui permet actuellement de le contourner. Essentiellement, cette approche interdit à l'acquéreur d'une unité de logement converti de l'occuper tant et aussi longtemps que le locataire qui désire y rester veut y demeurer. De plus, elle interdit les conversions d'immeubles qui ont fait l'objet de rénovations substantielles dans un passé récent. Ces deux mesures, on doit en convenir, sont nécessaires s'il faut prolonger le moratoire et s'assurer qu'il soit à l'avenir mieux respecté qu'il ne l'a été au cours des dernières années.

Cette approche est une tactique purement défensive pour, soi-disant, protéger les droits des locataires. Pourtant, ce sont principalement des locataires qui vont en faire les frais. En effet, ce sont des locataires qui constituent et qui vont continuer à constituer le bassin principal d'acquéreurs de logements convertis. À ceux-là et à tous les autres qui désirent occuper le logement qu'ils projettent d'acheter, le message est clair: II n'est pas question d'occuper votre logement à moins que le locataire actuel ne consente à le quitter de son plein gré. Sous-entendu: Avez-vous vraiment les moyens d'acheter le départ de ce locataire au prix fort?

S'il retenait cette approche, le gouvernement créerait deux classes de propriétaires et deux classes de locataires. Alors, d'un côté, il y aura les propriétaires conventionnels, qui jouiront de tous leurs droits, dont celui - tout à fait normal d'occuper un logement qu'ils possèdent. D'un autre, il y a tes copropriétaires qui ne pourront jouir librement de leur propriété parce que celle-ci est grevée d'un droit illimité de maintien dans les lieux. Je vous laisse imaginer comment les spéculateurs vont profiter de la différence de valeur qui existera forcément sur le marché entre, d'un côté, un logement grevé d'un droit permanent d'occupation et un logement équivalent libéré de cette contrainte. Parmi les locataires, il y aura, d'un côté, ceux qui disposeront d'un droit illimité de maintien dans les lieux et, de l'autre, les autres. Je vous laisse imaginer, encore une fois, le fouillis que cela va créer quand ils cohabiteront dans un même immeuble.

La stratégie que je viens de décrire, qui est celle qu'on nous présente dans le document des propositions de la Société d'habitation du Québec, revient à protéger les droits des locataires en les maintenant dans leur statut de locataire. Elle aura pour effet de perpétuer l'intolérable déficit de propriétaires occupants qui prévaut actuellement dans nos centres-villes. En adoptant des mesures discriminatoires à l'égard de ceux et celles qui veulent devenir propriétaires, pour occuper leur logement et non pour spéculer, le gouvernement va lancer un message clair à ceux et à celles qui veulent légitimement accéder à cette forme de propriété. "Demeurez locataires! Cela vaut tellement mieux pour tout le monde!"

Est-ce bien là, M. le ministre, mesdames et messieurs de la commission, le message que vous voulez vraiment lancer aux locataires, à ceux qui désirent accéder à la propriété? Non, je ne le crois pas. Mais, si tel était le cas, si votre intention est vraiment de favoriser l'accès à la propriété pour ceux et celles qui le désirent, si votre intention est de faire savoir aux locataires qui désirent devenir propriétaires qu'ils ont votre appui, alors, il faut être conséquent. Il faut lever le moratoire, mais pour vrai.

À première vue, il semble que telle soit l'intention du gouvernement du Québec. Après tout, le titre même du document des ' propositions de la Société d'habitation du Québec ne parle-t-il pas de "Lever le moratoire"? Hélas, je crains que les intentions maintes fois répétées par M. Bourbeau n'aient été trahies par ceux et celles qui ont été chargés de les traduire en mesures administratives. Je suis convaincu que votre intention initiale, M. le ministre, était, et est encore aujourd'hui, d'offir aux ménages québécois qui veulent accéder à la propriété un moyen supplémentaire et économique de réaliser leur rêve. Mais il est évident que les mesures d'encadrement proposées par la SHQ constituent, en réalité, une façon détournée de prolonger le moratoire. Ces mesures partent toutes du principe dont je parlais tout à l'heure, que le meilleur moyen de protéger les locataires est de les maintenir, veux veux pas, dans leur statut de locataire.

Par exemple, on accorde un droit de maintien illimité dans les lieux, ce qui va avoir un impact inflationniste sur les coûts réels des unités en voie de conversion. On interdit les rénovations, ce qui va accélérer la dégradation du parc des logements. Dans de nombreux cas, on laissera littéralement des immeubles à l'abandon pour pouvoir démolir et reconstruire à neuf plutôt que de rénover. Après tout, le moratoire ne s'applique qu'aux immeubles existants et non aux immeubles neufs...

Toutes ces restrictions s'appliquent, par ailleurs, à tous les types d'immeubles sans distinction. Mais, au fond, ce sont les locataires les plus démunis, les personnes âgées ou handicapées, les ménages les plus pauvres que veut d'abord protéger le gouvernement. Alors, pourquoi prendre en otage tous les locataires, y compris ceux et celles qui voudraient vraiment accéder à la propriété et qui ne te peuvent pas par les moyens traditionnels?

Le Président (M. Saint-Roch): En conclusion, Me Boucher.

M. Boucher: Juste pour une minute. D'accord? On confie à un organisme gouvernemental déjà surchargé, la Régie du logement, la responsabilité d'émettre un permis de conversion dont l'objectif véritable reste pour le moins nébuleux. En effet, ce permis donnerait le pouvoir à la régie de contrôler le rythme des conversions pour empêcher, soi-disant, une diminution excessive de l'offre de logements locatifs. Pourtant, dans le même document qui contient cette proposition, on signale et je cite: "La perte nette représenterait moins de 1 % du parc locatif après cinq ans d'activités de conversion." On écrit plus loin: "II apparaît que l'impact de cette conversion sur te parc locatif sera négligeable dans le contexte du droit au maintien dans les lieux accordé aux locataires occupants".

Quand on y réfléchit un peu, on est en droit de s'étonner devant cet exercice de pensée magique. On nous dit qu'il faut faire intervenir la Régie du logement, qu'il faut créer un permis spécial dont l'émission occupera un groupe sélect de fonctionnaires et entraînera à coup sûr des délais importants, qu'il est impérieux d'ajouter un étage supplémentaire à l'énorme édifice bureaucratique qui domine déjà l'ensemble du secteur du logement. Pourquoi donc ce

remue-ménage? Pour protéger le public d'un danger dont on dit par ailleurs qu'il n'existe pas! Bref, M. le ministre, cette approche bureaucratique trahit encore une fois l'intention initiale que vous avez exprimée, qui est celle de lever le moratoire.

Dans le mémoire que j'ai déposé devant votre commission, je propose une démarche beaucoup plus simple et beaucoup plus souple, qui fait d'abord confiance à la dynamique intrinsèque du marché. Cette démarche ne requiert pas l'intervention continuelle des organismes publics. Elle sera donc beaucoup plus facile et plus économique à administrer. Elle permettra également de maintenir un équilibre harmonieux entre les droits de tous, qu'ils soient propriétaires-convertisseurs, copropriétaires, acquéreurs potentiels ou locataires occupants. Entre autres, la démarche que je propose garantit à tout locataire un droit de préemption sur le logement qu'il habite.

Les perspectives qu'offre une véritable levée du moratoire sont, je le crois sincèrement, extrêmement stimulantes. À condition, toutefois, de ne pas être noyée sous un déluge de mesures d'encadrement, cette levée du moratoire permettra de compléter les politiques gouvernementales en matière d'habitation, en tenant compte du contexte politique et économique actuel.

En effet, l'action des gouvernements pour favoriser l'accès à la propriété a traditionnellement pris la forme de programmes de subvention et de crédits à l'impôt. Il ne s'agit pas de remettre en question aujourd'hui la pertinence et l'utilité de ces programmes qui ont joué un rôle majeur pour des milliers de Québécois. Ce qu'il faut, c'est imaginer des moyens nouveaux et efficaces de poursuivre le même objectif en respectant davantage la capacité et la volonté de payer des contribuables.

C'est un fait certain que la levée du moratoire rendra accessible la propriété résidentielle à toute une nouvelle couche de ménages québécois dont plusieurs n'en ont pas les moyens à l'heure actuelle. Ce résultat, faut-il le souligner, sera atteint sans qu'il en coûte un sou au trésor public.

En ce sens, la levée du moratoire oppose aux habitudes bureaucratiques et a la manie coûteuse de tout contrôler, lesquelles ont prévalu dans le passé, une approche douce et économique qui permet au marché d'évoluer à son rythme dans le respect du droit de chacun. Ne serait-ce que sous cet aspect, la levée du moratoire - je veux dire une véritable levée du moratoire - serait une véritable bouffée d'air frais annonciatrice de temps nouveaux. Alors, je vous remercie.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie Me Boucher. M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, tout en félicitant Me Boucher d'un travail que je qualifierais de tout à fait exceptionnel, quant aux notes qu'il vient de nous lire et également au document très substantiel qu'il a déposé, je vous prierais de reconnaître le député de Louis-Hébert, si vous le voulez bien.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre. M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Merci, M. le Président. Comme vient de le dire le ministre, il s'agit d'un travail d'envergure réalisé par quelqu'un qui est un spécialiste dans le domaine. Les mots de félicitations du ministre, je les fais miens et je reconnais en Me Boucher un notaire qui se penche sur la question depuis de nombreuses années et a voulu, par son travail, par son expertise, proposer des solutions et faire une analyse factuelle, une analyse rationnelle de la situation. Il est facile dans le domaine, quand on parle d'hébergement, quand on parle de personnes qui ont besoin d'un toit, de tomber dans l'émotivité. Dans cela comme dans d'autres choses, M. le Président, l'émotivité est mauvaise conseillère. Léqiférer sous le coup de l'émotivité, c'est tomber dans la facilité. La tentation de le faire est forte, parfois. Me Boucher a été à même comme nous d'entendre, par exemple, les qens de l'âge d'or qui sont venus il y a quelques minutes nous faire une présentation, une présentation qui m'a ébranlé, je ne le cache pas et qui n'est pas dénuée de fondement. D'un autre côté, Me Boucher nous présente une facette des choses qui doit nous faire réfléchir, quand il nous dit: Si on veut arriver à une solution, il faut éviter de prolonqer indirectement le moratoire en l'encadrant d'une façon tellement stricte qu'on soit encore au même point au bout d'un certain temps. (16 h 30)

Cependant - et je voudrais avoir l'opinion de Me Boucher là-dessus - il y a des problèmes qui en découlent. Prenons par hypothèse que votre proposition est acceptée et que le moratoire est levé. Indéniablement, je pense qu'il faut reconnaître qu'il y aura un certain nombre de personnes qui sont des personnes âgées, par exemple, des personnes qui ont de très bas revenus et qui dépendent en grande partie pour survivre de l'aide sociale ou de prestations de cette nature-là ou encore, comme cela nous a été présenté hier d'une façon très convaincante aussi, des groupes sociaux tels que les étudiants et les étudiantes qui ne sont pas des clients potentiels à l'acquisition d'une propriété où ils doivent demeurer. Qu'adviendra-t-il, selon vous, de ces catégories de personnes qu'on peut qualifier de déplacées ou de délogées? Où iront-elles crécher, finalement?

M. Boucher: On décide d'effectuer une véritable levée du moratoire dans le sens d'en faire une politique d'habitation qui offre aux gens de devenir maintenant des propriétaires et non plus de rester toute leur vie durant dans leur statut de locataire et je pense que c'est là le principal objectif. Cela aurait des conséquences à court terme pour certaines gens qui n'ont véritalement pas les moyens aujourd'hui d'acquérir une unité ou n'en ont pas le goût, et c'est quand même leur droit. II y aura sûrement des grincements de dents à certains endroits, il ne faut pas jouer a l'autruche et se dire que cela n'existera pas, mais je pense qu'il faut regarder toute cette politique dans une approche beaucoup plus générale, dans une approche de cesser de naître locataire et de demeurer locataire.

Le statut de locataire devrait être envisagé comme étant une fonction temporaire dans un cadre donné. Mis à part le centre-ville de Montréal, particulièrement, où on retrouve près de 80 % des gens qui y résident qui sont locataires, à l'extérieur de ce périmètre, les gens sont propriétaires de leur unité d'habitation, mais on retrouve ce phénomène-là uniquement dans Montréal et pourtant les gens ne sont pas installés à Montréal d'une façon uniquement temporaire, ils sont intallés d'une façon véritablement permanente, mais ils ont été habitués à conserver un statut de locataire, et c'est à celui-là que l'on en a.

Mais, en tout cas, on a des mesures directes, ce sera simplement d'inciter les gens par différentes mesures à eux-mêmes devenir propriétaires de leurs unités.

M. Doyon: Mais le fait demeure que cette solution-là, finalement, est dans les faits impossible pour un certain nombre de personnes. Parlons par exemple, pour se situer, des étudiants et des étudiantes qui ont besoin d'un logement près de leur lieu d'étude.

M. Boucher: Les études ont démontré que l'impact sur le stock de logements là-dessus serait de 1 %. Vraiment, on s'adresse à une extrême minorité de gens qui pourraient être affectés par la levée totale du moratoire.

M. Doyon: Alors, la réponse que vous me faites à cette inquiétude-là, c'est que l'impact va être tellement minime que, finalement..

M. Boucher: L'impact est minime d'un côté; d'un autre côté, il ne faut pas jouer a l'autruche et dire que cela n'existera pas, c'est évident. Puis, ce n'est pas tout le monde qui va décider de convertir d'un bloc, le lendemain de la levée du moratoire, tous les immeubles, ce n'est pas non plus tout le monde qui va décider d'acheter du jour au lendemain une unité et ce n'est pas tout le monde non plus, qui, à la suite de l'achat d'une unité d'un immeuble nouvellement transformé, va donc évincer un locataire occupant. Alors, l'impact de tout cela, reste quand même minime, mais il y en aura un, on ne peut pas le nier non plus.

Il y aura quand même toujours le cas pathétique de madame oui demeure là depuis 25 ans, vous en avez sûrement entendu plusieurs, puis on ne peut pas l'éliminer pour autant. Je pense qu'il faut le regarder dans une vision beaucoup plus générale et non pas s'attarder uniquement au cas type du cas pathétique. Cela existe, cela existera, mais il faut y faire face, sinon on va demeurer tout le temps encore dans la même incertitude parce que je pense qu'on est vraiment à la croisée des chemins, c'est le temps de se décider.

On a un moratoire qui est là depuis douze ans. On a décidé jusqu'à maintenant de ne pas bouger, on a été imaqinatlf d'un autre côté, on a trouvé des moyens de le contourner, on réalise que les moyens sont tellement efficaces que le moratoire existe beaucoup moins. Cela a eu pour effet d'augmenter, évidemment, le prix du stock de logements. Alors, on dit aujourd'hui: Non, il y a trop d'effets négatifs au moratoire tel qu'il a été énoncé au départ, il y a douze ans ou à peu près. Aujourd'hui, on veut simplement boucher les trous. Non, allons donc plus vers le sens général d'une politique d'habitation. C'est cela qui est encore plus impartant, je pense.

M. Doyon: Dans votre mémoire que j'ai lu et pour lequel je vous félicite de nouveau car il contient une foule de données, vous éliminez pratiquement le rôle de la Régie du logement. Vous n'en voyez plus la nécessité. Ne pensez-vous pas qu'il y a besoin quelque part d'un appareil bureaucratique ou qui joue un rôle quasi judiciaire pour trancher et protéger les droits des locataires et des nouveaux acquéreurs, etc.?

M. Boucher: Dans les propositions énoncées par la Société d'habitation du Québec, la Réqie du logement n'apparaît que pour confirmer et vérifier si toutes les dispositions ont été respectées. Or, je considère, encore une fois, que c'est faire appel à un appareil bureaucratique énorme, coûteux et très lonq en délais.

Chaque fois qu'il y a une transaction sur un immeuble, un notaire apparaît. Je pense que celui-ci, à titre éqalement d'officier public, est bel et bien habilité à représenter l'intérêt de tous, comme officier public, et à vérifier et à constater si toutes les formalités ont bel et bien été respectées; sinon, la qualité du titre en dépend. 3e pense que, comme de toute façon les notaires sont

obligatoirement appelés à transiger chaque fois qu'il y aura une opération, ils peuvent facilement, par la même occasion, aqir également comme officier public et s'assurer, comme ils le font dans d'autres lois, que les lois sont respectées.

La Régie du logement n'apparaît plus comme un mécanisme d'action directe. Elle peut rester un mécanisme de consultation et d'aide aux gens qui veulent obtenir les informations, etc., mais un organisme d'intervention directe n'est pas utile dans le sens des propositions que j'ai énoncées.

M. Doyon: Le temps passe rapidement. Combien de temps me reste-t-il, M. le Président?

Le Président (M. Saint-Roch): Quatre minutes... Trois minutes, M. le député de Louis-Hébert. Je m'excuse.

M. Doyon: Trois minutes. Il y a bien des questions qui en découlent, M. le Président, et tout ce que je veux dire, c'est que le problème majeur, on est peut-être porté à le mettre de côté un peu rapidement... Finalement, tout le monde serait d'accord et on procéderait rapidement si on n'avait pas le cas des gens qui viennent nous rencontrer dans nos bureaux de comtés et qui ont des inquiétudes. Sur les principes, je pense qu'on s'entend facilement; en tout cas, il y aurait probablement moyen d'en venir à un certain consensus là-dessus.

Le fait demeure que les effets réels sur les gens, c'est ce qui cause une certaine préoccupation. C'est pour cela que le ministre a voulu baliser la levée du moratoire. C'est pour cela que le gouvernement essaie, tout en levant le moratoire et en permettant au procédé de se dérouler d'une façon civile, d'accorder une protection aux locataires, c'est-à-dire aux occupants des lieux. C'est dans cette optique qu'on peut reconnaître un certain nombre d'obstacles qui sont mis à certains endroits pour empêcher que tout cela se déroule d'une façon qu'on pourrait qualifier de sauvage.

Cependant, la contribution que vous avez faite nous oblige à nous ouvrir les yeux et à poser la question fondamentale: Est-ce que le moratoire sera levé véritablement avec les propositions gouvernementales telles qu'elles sont actuellement? Dans ce sens, votre contribution est extrêmement intéressante et importante. En terminant, je veux vous en féliciter et vous assurer, comme le fera probablement le ministre lui-même, qu'il en sera tenu compte de façon que la législation qui sera présentée tienne compte de tout ce qui peut empêcher une véritable levée du moratoire si le ministre décide d'en venir à cette conclusion en temps et lieu. Merci beaucoup, Me Boucher, et je vous félicite encore une fois.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le député de Louis-Hébert. M. le député de Shefford.

M. Paré: Oui, merci beaucoup, M. le Président. M. Boucher, je vais convenir avec les gens de l'autre côté que vous avez fait quand même un travail assez volumineux. Je vais reconnaître aussi le droit à votre idée personnelle et venir en sensibiliser les membres de la commission, c'est très bien et je respecte votre point de vue.

Vous avez dit, au tout début, que c'était sur un sens très pragmatique. Je suis d'accord avec vous que c'est très pragmatique. Ce n'est absolument pas pratique et cela ne tient absolument pas compte de la réalité qui est vécue par une majorité de la population. Je vous inviterais plus à demeurer un petit bout de temps avec nous pour voir les groupes qui se présentent ici et pour voir ce qu'est la réalité. Vous allez vous apercevoir qu'il y a d'autres réalités qu'Outremont qui se vivent à Montréal. Vous dites que vous trouvez inacceptable et que vous comprenez mal qu'il y ait un ménage sur quatre qui soit propriétaire à Montréal; le pourquoi a été grandement expliqué depuis hier. Il y a des facteurs qui justifient cela. Il y a la volonté de certaines personnes. Des gens sont venus l'expliquer tantôt, juste avant vous. Il y a des gens qui sont locataires par choix. Il y en a surtout qui sont locataires par obliqation.

Je suis d'accord avec vous. Vous avez mentionné tantôt qu'il y a eu des programmes d'accès à la propriété, qu'il n'y en a plus et qu'il devrait v en avoir d'autres. C'est vrai qu'il faut aider les gens à accéder à la propriété parce que, malheureusement, tout le monde n'a pas des salaires importants. II y a des chiffres qui ont été sortis depuis hier et qui sont connus, d'ailleurs, qui montrent qu'il y a un pourcentaqe tellement élevé de gens qui font moins de 20 000 $ par année de revenus que, même s'ils le voulaient, ils ne pourraient pas devenir propriétaire. il y a une condition de capacité financière.

Qu'on dise qu'on rêve sur le principe et que l'idéal, finalement, c'est que tout le monde soit propriétaire, je suis d'accord avec vous. Cela serait vraiment l'idéal. Je le disais ce matin. Si tout le monde pouvait avoir le plus beau des bungalows avec la Cadillac devant la porte ou bien une autre automobile - je ne veux faire de publicité pour personne - et la qrosse piscine en arrière, tant mieux! Je le souhaite, moi aussi, mais soyons réalistes. On sait que cela n'est pas possible. On sait qu'il y a des problèmes. Quand vous dites qu'avec la solution que vous amenez il va y avoir des grincements de dents, je dois vous dire que j'aime bien mieux que certaines qens qui veulent devenir propriétaires aient des

troubles bureaucratiques que de vivre le harcèlement que beaucoup de gens vivent régulièrement. Il faut aussi être réaliste sur cela et terre à terre.

Je suis d'accord avec vous que l'idéal serait que tout le monde soit propriétaire* Vous êtes très pragmatique et vous donnez ce qui serait l'idéal en ce qui concerne la facilité de l'accès à la copropriété. Je le prends dans ce sens. Mais ce que je vous dis, c'est que nous allons retenir cela comme une démarche qui serait trè3 simple, mais qui n'est pas applicable. Je vous le dis tel que je le pense. Il faut quand même être réaliste parce que nous sommes ici pour essayer de trouver le juste milieu pour la société, pour essayer d'aider tout le monde. On a une responsabilité, peu importe la tendance des partis politiques. On a une responsabilité envers les plus démunis. Quand on n'est pas capable de donner de l'ouvrage a tout le monde et quand on n'est pas capable de donner 10 $ et 20 $ l'heure à tout le monde, il faut s'assurer qu'on est capable de donner à nos citoyens les services essentiels, dont le logement. Vous dites que c'est un choix de société qu'on a à faire ici, on lève ou on ne lève pas le moratoire. En le levant, c'est le libre marché, c'est facile et tout le monde peut y accéder. Vous dites que tout le monde peut y accéder. Tout le monde le voudrait peut-être, mais, même, tout le monde ne veut pas.

Comme gens qui avons à décider pour l'avenir... Vous avez dit dans votre intervention que le fait de lever le moratoire d'une façon totale - et la régie pourrait rester pour des conseils et certaines informations - vous avez dit que cela était une mesure en même temps sociale et économique. Je dois vous dire que ce que vous proposez est une mesure antisociale qui ne tient pas compte que, dans la réalité, il y a plusieurs classes de citoyens. Ce n'est pas parce que les gens le veulent, ils n'ont pas tous choisi d'être dans les classes où ils se trouvent, mais il y a des classes, il y a des gens qui ont plus de difficultés, il y a des quartiers et il y a des gens qui sont d'un certain âge. Les clubs de l'âge d'or sont venus faire valoir leur point de vue. Il y a des personnes handicapées qui ont des situations particulières. Il y a toutes sortes de raisons qui font en sorte que, dans la société, il y a des classes et nous devons en tenir compte. Ce que vous proposez, c'est: Enlevons les contraintes et vendons. Je vous dis que c'est une mesure antisociale. Vous dites que c'est une mesure de développement économique. Cela pourrait être une mesure pour permettre à des gens de profiter d'un secteur, mais une mesure de développement économique... Il faudrait faire attention parce qu'il y a d'autres groupes qui sont venus pour dire - entre autres, l'APCHQ -qu'ils avaient des inquiétudes parce que, si on lève le moratoire, quel effet cela aurait-il sur la construction de loqements neufs?

Il y a des qens qui sont venus et qui sont tout à fait d'accord avec la levée du moratoire aussi, sauf qu'à un moment donné on se rend compte que cela est très balisé. Entre autres, l'Association de l'immeuble est venue nous dire ce matin qu'il faudrait presque limiter cela à la condition que le locataire puisse avoir son logement et non pas le logement d'un autre. Déjà, il y a toute une différence. Quand on dit que c'est une mesure de développement économique, nous, comme gouvernement... Dans les dernières pages, vous dites qu'il faut que cela coûte moins cher au gouvernement aussi. S'il fallait qu'on fasse cela, avec ce que cela nous coûterait comme conséquences sociales, je dois vous dire qu'on ne ferait pas beaucoup d'économies. (16 h 45)

À mon avis, cela nous coûterait tellement cher... Parce que, s'il fallait que cela devienne tellement ouvert, que tout le monde puisse prendre le logement de n'importe qui, n'importe où, qu'est-ce qui arriverait des personnes âgées, entre autres de celles qui étaient ici tantôt? Où vont-elles se ramasser? Parce que les loqements disponibles, où allons-nous les ramasser si tout est transformé? Parce que l'idéal que vous proposez, c'est: Tous des propriétaires. Sauf que tous ne peuvent pas - même si on le voulait - et tous ne veulent pas; où vont-ils se loqer? Il va falloir qu'ils s'en aillent en banlieue; il va falloir qu'ils s'en aillent là où c'est le plus cher parce que les centres-villes - on le sait très bien et si vous le proposez, c'est que vous sentez qu'il y a un milieu, qu'il y a une demande, qu'il y a un besoin... Donc, on va vraiment, à ce moment-là, amener une mesure antisociale qui va nous coûter tellement cher comme société, comme gouvernement que vous allez voir que vos taxes vont certainement augmenter.

Un dernier point, quand vous parlez du 1 %. C'est un peu contradictoire quand vous dites: Cela ne nous inquiète pas, de toute façon, c'est 1 %, mais il faut le lever totalement pour que tout le monde puisse devenir propriétaire. C'est 100 % ou c'est 1 %. Quand on joue sur le 1 %, je dois vous dire qu'on joue sur le 1 % et qu'on l'utilise beaucoup, mais voyons la réalité des choses. On prend 1 % sur l'ensemble d'un pays ou d'un très qrand territoire; bien, c'est sûr qu'il y a des réqions où c'est zéro, cela vient compenser pour les autres où c'est plus que cela. On a vu ce que cela a fait dans d'autres métropoles ailleurs dans le monde, cela a déloqé des gens pour les envoyer dans des quartiers de banlieue et cela a été les plus démunis qui ont été obligés d'y aller, ceux qui se sont fait expulser. Donc, c'est plus que 1 % dans les grands centres. Ce qui

se passe présentement nous montre qu'à Montréal c'est, mon Dieu! multipliez-le souvent, le 1 %, c'est beaucoup plus que cela; l'exemple tout récent du plateau Mont-Royal vient de nous prouver que c'est beaucoup plus que cela. Il y a des gens qui, je pense, vont nous amener des chiffres dans les prochains jours et ils vont venir nous montrer que le 1 %, si on l'applique au Yukon et au Labrador dans un ensemble avec Montréal, on peut peut-être penser que c'est vrai; mais si on l'applique juste à Montréal, vous allez convenir avec moi que c'est plus que 1 %.

Je vais vous poser une question là-dessus. Est-ce que vous pensez vraiment que, si on levait totalement le moratoire et qu'on ouvrait le marché à la copropriété de façon tout a fait ouverte, comme vous le proposez, est-ce que vous avez vraiment l'impression que ce serait seulement 1 % du stock de logements locatifs qui serait transformé en copropriété au cours des cinq prochaines années?

Le Président (M. Saint-Roch): Me Boucher.

M. Boucher: Oui. Je suis content que ce soit la question que vous me posiez, je suis content également de connaître votre opinion. Que ce soit 1 %, ce n'est pas moi qui le dis, c'est dans les conclusions... Ce sont les études qui ont été faites jusqu'à présent qui le démontrent, que le degré de déplacement de la population serait, dans un cadre de cinq ans, de 1 %. Est-ce que ce serait le cas, oui ou non? Je ne suis pas en mesure de répondre à cela. Peut-être irons-nous, voua et moi, les compter à ce moment-là.

Mais, pour revenir à ce que vous avez dit si bien tout à l'heure, ce n'est pas parce qu'on est locataire, qu'on gagne 20 000 $ comme famille, qu'on doit obligatoirement rester dans notre statut de locataire. Il ne faut pas se mettre cela dans la tête, il faut se l'enlever. Allez voir les gens qui sont un peu plus loin du centre-ville de Montréal, regardez le revenu moyen des gens; est-ce qu'il est vraiment plus élevé qu'à Montréal? Posez-vous quand même une question sérieusement. Je ne le pense pas. Je ne pense pas qu'à Montréal, dans les immeubles existants, les gens aient moins les moyens d'être propriétaires qu'ailleurs. Je pense que c'est vraiment déplacer le problème. Est-ce qu'il y aura un impact sur ta population? Est-ce qu'il y aura un déplacement des populations? Tôt ou tard, qu'on lève le moratoire ou qu'on ne le lève pas, il y aura évidemment un impact. La population vieillit; elle change. On assiste à un déplacement de nos populations des centres-villes vers l'extérieur. Est-ce que c'est là un déplacement normal? Si on l'accentue, si on le multiplie, on va, à un moment donné, se retrouver avec un noyau vide vers le centre de Montréal. Qu'est-ce qui se passe?

M. Paré: Vous avez vraiment l'impression que, si on ne lève pas le moratoire... Parce que vous dites qu'on va se ramasser avec un noyau vide, si j'ai bien compris...

M. Boucher: Noyau vide, oui.

M. Paré: Ce n'est absolument pas ce qui se passe et vous devez en être bien conscient.

M. Boucher: Écoutez, vous avez un déplacement... Je vous rappelle simplement qu'il y a un déplacement de la population, depuis une vingtaine d'années facilement, vers les banlieues. Au fur et à mesure, les locataires sont cristallisés dans les centres-villes de Montréal, sur l'île de Montréal, et les propriétaires, en ceinture. Au fur et à mesure des années et des changements démographiques de la population, les gens deviennent de plus en plus propriétaires et les chiffres, pris d'une façon qlobale, le démontrent. Avant, on était généralement considéré comme une population de locataires; aujourd'hui, on a, tout d'un coup, un petit peu plus de propriétaires, ce qui fait qu'au fur et à mesure des années, on aura un plus qrand nombre de propriétaires, veux, veux pas. L'offre et les marchés parallèles de copropriété vous le démontrent. Il ne faut pas dire que cela n'existe pas. Il y a une demande pour des immeubles existants dans des endroits bien situés vers les centres-villes, il ne faut pas le nier. Il faut éqalement s'assurer qu'on va offrir à ces gens qui désirent souvent payer très cher -on reviendra là-dessus tout à l'heure, si vous voulez - une protection suffisante. Il ne faut pas les prendre par la main comme locataires et, à partir du moment où ils deviennent propriétaires: Acceptez n'importe quel mode de copropriété, lancez-vous dans la mer, on ne vous donne aucune protection. Je ne suis pas de cet avis. Je considère qu'autant les propriétaires que les locataires ont besoin d'une protection et c'est là le rôle de nos qouvernements. On s'est refusé jusqu'à aujourd'hui de le faire. Je suis quand même très satisfait de savoir qu'aujourd'hui, après douze ans, on se pose la question d'une façon peut-être un peu plus sérieuse.

Si on revient sur la majoration des prix, on a parlé tout à l'heure de la rénovation excessive des immeubles. C'est évidemment un des effets. Evidemment, évincer un locataire en procédant par le biais de la rénovation - ce sont souvent des immeubles qui n'ont pas nécessairement besoin d'une rénovation totale - cela aura pour effet de majorer indûment les prix. Si

cette unité avait été offerte dans un état satisfaisant ou existant, son acquisition aurait probablement été accessible au plus grand nombre ou peut-être même au locataire qui était là. Pourquoi pas? Mais je pense que dire: À Montréal, ce sont des locataires, ils vont rester des locataires, les revenus, ce n'est pas fort, ce n'est vraiment pas faire face à la réalité.

M. Paré: Vous dites que vous êtes content qu'après douze ans il y ait des études sérieuses qui s'effectuent. Je dois vous dire que si, il y a douze ans, ils ont décidé de mettre un moratoire, c'est qu'il y avait des études sérieuses indiquant qu'il y avait un danger qui était présent et le danger y est encore. Vous dites qu'on va se ramasser avec un centre-ville vide à Montréal. Je dois vous dire que ce n'est pas cela que les chiffres disent. La mode que vous appelez "des banlieues", a existé au cours des 20 dernières années, c'est vrai, sauf que les derniers chiffres nous disent que c'est plutôt un retour à la ville. Effectivement, on se rend compte qu'il y a une espèce de demande considérable pour les quartiers populaires de Montréal. Donc, ce n'est pas un exode vers les banlieues, c'est plutôt un retour vers les quartiers centraux de Montréal, et c'est déjà plein.

Il y a possibilité de construction. Ce n'est pas vrai qu'on dit qu'il faut garder les locataires et bravo, et les locataires seront locataires toute leur vie; ce n'est pas ce qu'on dit. Mais ce qu'on dit, par exemple, c'est que cela ne doit pas se faire sur le dos de ceux qui veulent demeurer locataires et spécialement de ceux qui doivent demeurer locataires parce qu'ils n'ont pas les moyens d'être propriétaires. Si on ouvre tout cela comme vous le proposez, on installe l'insécurité. À ce moment-là, tout est à vendre, personne n'est stable. Et surtout, si la Régie des logements, qui n'a déjà pas suffisamment de pouvoire et qui a de la difficulté à les appliquer - on connaît les voies de contournement et de détournement qui se produisent présentement - avait moins de moyens pour remplir efficacement la tâche qui lui incombe, ce serait quoi?

Je vais vous dire qu'on est d'accord au maximum avec l'accès à la propriété. Et la voie de la copropriété est une très bonne voie, elle aussi, sauf qu'on n'a pas le droit d'ignorer des situations qui sont effectivement vécues par des gens, et spécialement à Montréal. Il y a 78 % de locataires à Montréal. S'il y en a qui peuvent devenir propriétaires et si on est capable de les aider afin qu'ils puissent le devenir plus vite, tant mieux! Mais qu'on ne transforme pas les logements pour faire en sorte d'envoyer des gens en banlieue et que ceux qui vont y aller, ce ne sera pas par choix, on va les y envoyer. Et c'est cela, le danger. C'est cela que les qens sont venus nous dire depuis deux jours. À mon avis, c'est un danger qui est réel.

Je dois dire que, comme gouvernement - ie parle de Québec parce que je suis du côté gauche du président - on va faire valoir le point de vue de ce3 gens. Ce que vous proposez n'est pas social parce qu'on ne tient pas compte des réalités existantes. Ce n'est pas une mesure économique, pour le gouvernement en tout cas, parce qu'on sait quelles seront les demandes - si jamais cela se produit - en termes de logement social qui vont grandir et en termes de conséquences sociales aussi. Depuis le matin, on a rencontré des gens du troisième âge et ils sont venus nous le dire; pour les gens qui sont dans les centres-villes, ce qu'on essaie de favoriser, en termes de mesures économiques, c'est le maintien à domicile. Si maintenant on les déloge, qu'est-ce que cela va nous coûter en termes d'institutions et en termes de mesures sociales? Je dois vous dire qu'il faut considérer cela, c'est notre rôle. Comme je vous l'ai dit, je respecte votre idée, sauf qu'ici on est obligé d'être réaliste beaucoup plus que pragmatique.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le député de Shefford. M. le ministre, en conclusion.

M. Bourbeau: M. le Président, vous m'avez dit qu'il me restait encore du temps tout à l'heure.

Le Président (M. Saint-Roch): II reste une minute exactement à la formation ministérielle.

M. Bourbeau: Avant la conclusion.

Le Président (M. Saint-Roch): Avant la conclusion.

M. Bourbeau: Très bien. M. Boucher, je répète ce que j'ai dit tout à l'heure, que nous apprécions énormément la qualité du travail que vous avez fourni et en tant qu'ancien practicien moi-même ayant exercé la même profession je suis en mesure d'apprécier peut-être davantage encore la qualité de votre travail. Je dois dire que je souscris un peu à ce que vient de dire mon ami d'en face, le député de Shefford. Il manque une dimension à votre travail et cette dimension, c'est celle du monde réel, si je peux dire, du pays réel qui n'est peut-être pas autant connu qu'on croit dans les cercles où vous évoluez, et où j'ai évolué d'ailleurs, je dois le dire, et qu'a très bien décrit tout à l'heure le député de Shefford.

La réalité montréalaise est différente de ce qu'on peut voir à partir de certaines officines professionnelles. Il faut aller voir ce qui se passe sur le terrain dans les loge-

ments, dans les bureaux des locateurs pour voir comment très souvent les personnes âqées et les personnes démunies financièrement sont victimes d'abus, de menaces, de harcèlement, d'intimidation de toutes sorte3. Dans nos bureaux de députés on a régulièrement des témoignages non seulement verbaux, mais écrits. Dans ce sens, on est obligé, quand on entre dans le milieu où je suis, de prendre contact avec cette réalité et de s'ajuster en conséquence. C'est pour cela que je peux vous assurer que la proposition gouvernementale ne trahit pas l'intention du ministre.

Le ministre avait annoncé l'an dernier qu'il accorderait une protection blindée aux locataires. C'est le mot que j'avais employé et j'ai toujours cette intention. Levée du moratoire ou pas, indépendamment de la levée du moratoire, il faut en premier lieu s'assurer que les locataires ne deviennent pas l'objet, comme ils le sont présentement de plus en plus, de la voracité, si je peux dire, de certains individus qui ne sont pas la majorité, mais qui sont une minorité terriblement agissante. L'objectif que nous recherchons et qui est peut-être difficile -peut-être est-ce la quadrature du cercle, je ne le sais pas - c'est de renforcer cette protection pour les locataires qui sont les plus démunis, non seulement financièrement, mais à tous points de vue, avec l'autre objectif qui est de tenter d'amener les Québécois le plus possible à accéder à la propriété.

Même cet objectif, nos amis d'en face ne le nient pas, ne le rejettent pas; est-ce que c'est possible de le faire de la façon que nous avons imaginée? Vous nous dites: Vous mettez tellement de mesures de protection pour les locataires que, finalement, il ne se fera pas de conversion. D'autres gens qui sont venus ici nous disent: Vous ne mettez pas assez de mesures de protection des locataires et la levée du moratoire va entraîner l'éviction, va faire en sorte que la situation va s'empirer. Bref, ce n'est pas une solution. Il n'y a pas de solution facile là-dedans. Mais c'est en consultant comme nous le faisons présentement, en réfléchissant nous-mêmes et en puisant dans l'expertise que nous avons et celle qui nous est offerte dont la vôtre, que j'espère nous finirons par trouver une solution qui permettra de faire en sorte de protéger les locataires les plus faibles et les plus démunis surtout, le devoir du gouvernement étant en premier lieu d'assurer la justice sociale et accessoirement et dans le même geste, j'espère, et dans le même temps de pouvoir permettre à des locataires qui le désirent - et il y en a une proportion - de pouvoir accéder à la propriété même si leur revenu est modeste et même si dans l'état actuel des choses ils ne peuvent pas accéder a la propriété.

Notre objectif est donc double: augmenter le nombre de Québécois qui peuvent accéder à la propriété et, deuxièmement, renforcer la sécurité des locataires. Je vous remercie encore pour votre contribution. Elle est importante et certainement que nous allons en tenir compte. Merci.

Le Président (M. Desbiens): Un bref mot, M le député de Shefford.

M. Paré: Oui, très rapidement pour vous remercier, M. Boucher, parce que, même s'il y a divergence au niveau du fond - et je pense que vous avez donné votre version et moi la mienne - je respecte votre idée, comme je l'ai dit. Cela n'empêche pas qu'on a lu les notes que vous nous avez amenées. Si on est capable de les critiquer d'une certaine façon, c'est qu'on les a lues. Donc, cela apporte un éclairage. On en a tenu compte et on vous remercie de votre présence. (17 heures)

Le Président (M. Desbiens): Je vous remercie au nom de tous les membres de la commission.

Nouveau parti démocratique du Québec

J'inviterais maintenant le Nouveau parti démocratique du Québec à s'approcher, s'il vous plaît! Alors, M. Harney, avant que vous présentiez les membres qui vous accompagnent, je vous rappelle que nous avons 45 minutes, dont 15 pour la présentation de votre mémoire, 15 minutes à l'Opposition et 15 minutes au parti ministériel pour les échanges subséquents. Alors, à vous la parole.

M. Harney (Jean-Paul): Merci beaucoup, M. le Président. M. le Président, honorables membres de la commission, j'aimerais d'abord présenter les collèques qui m'accompagnent. À ma qauche, vous trouvez Hélène Guay, qui est vice-présidente du Nouveau parti démocratique du Québec, qui est aussi avocate, conseillère à la CEQ, et quoi d'autre donc? Ah, oui! Candidate dans la circonscription de Notre-Dame-de-Grâce qui invite d'autres porte-couleurs. Mme Louise O'Neil, qui est membre de l'exécutif national du NPD-Québec, et M. Louis Roy qui est membre de l'exécutif de l'association de comté du NPD de Saint-Jacques.

M. le Président, la possibilité de convertir des logements locatifs en copropriété pose un problème majeur à une partie importante de la population. Au Québec, plus d'un million de ménages sont locataires. C'est un problème qui les atteint dans un aspect déterminant de leur vie. Cette possibilité éveille aussi une aspiration profonde à devenir propriétaire de son logement.

L'expérience vécue entre décembre 1973 et décembre 1975 nous a montré les dangers que comporte la conversion pour les locataires. Ces dangers ont poussé le gouvernement de l'époque, le même qu'aujourd'hui, à imposer un moratoire sur les conversions. Cette mesure d'urgence est demeurée en place parce que le gouvernement québécois n'a pas trouvé de rechange et parce que les dangers sont restés réels.

En annonçant son intention de lever le moratoire, le ministre des Affaires municipales ne proposait pas de solution de rechange. Mais il s'engageait à imposer des mesures qui, croit-il, protégeront les locataires, les acquéreurs et le parc locatif. À la lumière d'une analyse sérieuse de la situation, à la lumière même des données présentées par le ministre à l'appui de sa décision et aussi à la suite des discussions poussées avec des groupes populaires et des gens qui s'intéressent particulièrement au sort des locataires, la Nouveau parti démocratique du Québec est convaincu qu'il est prématuré de lever le moratoire et qu'il faut au contraire le rendre plus efficace. Tant qu'une politique du logement, globale et articulée, ne viendra pas modifier la situation présente, le moratoire demeurera une nécessité pour la protection des locataires et pour éviter une rapide augmentation du coût du logement.

Pourquoi lever le moratoire? À cette question, le ministre répond: Pour favoriser l'accès à la propriété et pour le remplacer par des mesures plus efficaces. À l'analyse, les propositions du ministre ne permettent qu'un faible accès à la propriété et ne sont pas suffisantes pour protéger les locataires contre les évictions.

Il est évident qu'une partie importante des ménages locataires désire, comme le dit M. le ministre, accéder à la propriété d'un logement convenable, à prix abordable et bien situé. Cela était vrai en 1975 comme ce l'est maintenant.

Mais on ne peut pas prendre nos désirs pour la réalité. De 1971 a 1981, le revenu médian des ménages locataires a diminué de 5 %, tandis que le prix moyen de la propriété a augmenté de 64 %. Ainsi, la proportion de ménages locataires pouvant accéder à la propriété neuve au prix moyen sans que leur taux d'effort dépasse 30 % est passée de près de 12 % à moins de 8 %, c'est-à-dire un fléchissement d'au moins un tiers. En 1985, à Montréal, un ménage locataire sur quatre est intéressé par l'achat en copropriété. Pourtant, le revenu de ces ménages est souvent modeste: inférieur à 20 000 $, pour la moitié d'entre eux, inférieur à 30 000 $, pour 77 % d'entre eux. Mais, dans le grand désir de devenir propriétaires, ces ménages se disent prêts a augmenter leur taux d'effort de 28 % en moyenne. C'est ce qui établit la grande prémisse politique de cette démarche, de faire appel au désir peut-être trop irréaliste des gens.

En 1986, le désir est encore plus grand. il atteint 28,1 % des ménages locataires prêts à accepter une hausse identique du taux d'effort. En nombre absolu, cette proportion représente plus de 195 000 ménages résidant dans les régions métropolitaines de Montréal et de Québec.

Le document du ministre des Affaires municipales indique que 292 000 ménaces seraient capables d'accéder à la propriété d'un logement au prix de 50 000 $ à un taux hypothécaire de 10 %, en supposant une mise de fonds de 10 %, soit 5000 $.

Mais, quelle est la valeur de ces données? Qu'est-ce qu'elles signifient pour les locataires dont on parle? D'abord, il faut savoir qu'en 1983 le taux d'effort des ménages locataires ayant des revenus inférieurs à 15 000 $ par année se situe déjà à 40 %. Pour eux, il n'est pas question d'augmenter leur taux d'effort sans sacrifier les autres nécessités de la vie. Pour ceux dont les revenus se situent entre 15 000 $ et 30 000 $, le taux d'effort moyen est alors de 17,4 %. L'auqmenter de 28,1 %, comme les locataires disent être prêts à le faire, signifie que le taux d'effort accepté serait de 22,3 % et là, nous sommes très loin des 30 % suggérés par le ministre dans son rapport qui se base, pour ces chiffres, sur le livre vert de 1985.

En fait, un tel taux serait de 35 % supérieur à ce que les locataires seraient prêts a accepter. Nous espérons que le ministre responsable de l'Habitation se rende compte du caractère inflationniste de cette suggestion et qu'il soit prêt à en prendre la responsabilité.

Ajoutons que le prix suggéré, 50 000 $, ne correspond pas à l'état actuel du marché résidentiel. Le prix moyen des résidences a augmenté de 16 % entre juin 1986 et juin 1987 pour se fixer à 91 450 $. Tous les observateurs s'entendent pour dire que le marché actuel subit une vague spéculative. L'annonce de la décision de lever le moratoire n'est peut-être pas étrangère à ce phénomène.

Malqré le qrand intérêt pour les désirs des locataires, leur aspiration a jouir des avantages de la propriété de leur logement, la décision de lever le moratoire repose sur l'hypothèse qu'en fait seulement 3000 logements locatifs seraient convertis en copropriété dans la région métropolitaine de Montréal au cours des cinq prochaines années, soit seulement 2,5 % du parc locatif. Bien peu de locataires auraient donc finalement accès a la propriété du fait de la levée du moratoire. On semble faire deux choses. On semble indiquer que, oui, cela ouvre la porte d'une propriété à 195 000 personnes, mais il ne faut pas trop se

tracasser, cela n'aura pas beaucoup d'effet, seulement 3000 personnes pourraient tirer avantage d'une telle démarche.

Le chiffre approximatif de 1500 logements par année a été confirmé par le Chambre d'immeuble de Montréal, tors des consultations publiques organisées par la ville de Montréal les 26 mai et 2 juin derniers, en précisant qu'il s'agit du nombre de logements convertis qui seraient acquis par des copropriétaires occupants. Cependant, de l'avis de la chambre, on peut s'attendre à plusieurs milliers d'acquisitions et de conversions pour fins d'investissements seulement. Oui, il va se faire de la conversion, mais pas directement au bénéfice des locataires.

L'impact de la levée du moratoire pourrait donc être beaucoup plus grand que celui souhaité, mais ce ne serait pas le fait de locataires accédant enfin à leurs désirs. Il s'agirait essentiellement d'un processus spéculatif par lequel des logements locatifs seraient acquis en copropriété pour être remis en location. Regardons l'expérience aux États-Unis, 25 % des logis en copropriété sont loués. En France, à Paris spécifiquement, où on a l'expérience de décennies de copropriété, au-delà de 70 % des logis en copropriété sont loués. Au cours de ce processus, le prix du logement augmenterait sensiblement. On observe déjà, dans les quartiers anciens, la vente d'immeubles locatifs à des prix correspondant à dix ou douze fois les revenus annuels alors que la norme courante est de cinq ou six fois les revenus. Cette hausse des prix vient restreindre encore plus les possibilités des locataires d'accéder à la copropriété.

La deuxième raison pour laquelle le ministre veut lever le moratoire, c'est pour le remplacer par des mesures plus efficaces de protection des locataires, des acquéreurs et du parc locatif. II est reconnu que le moratoire, dans sa forme actuelle, est inefficace. L'acquisition en copropriété indivise d'immeubles de quatre logements et moins ou l'exécution de travaux majeurs de dégarnissage, de démolition et de modification donnent accès à une autorisation de conversion. Ces deux voies de contournement impliquent l'éviction des locataires.

Cependant, les mesures proposées par le ministre des Affaires municipales comportent des lacunes importantes qui tiennent aux insuffisances actuelles de la réglementation concernant les réparations majeures, le harcèlement et la reprise de possession. Tant qu'un locataire n'a pas reçu l'avis d'intention de conversion, il est protégé par la loi actuelle du logement. Or, actuellement, un propriétaire décidé à évincer un locataire peut y parvenir de différentes manières, soit par des tentatives répétées d'augmenter le loyer de façon abusive... Et je passe les phrases que vous connaissez si bien.

Si le propriétaire-convertisseur a exécuté des travaux majeurs de réparation ou d'amélioration et que, ce faisant, il a réussi à évincer le locataire, il est fort probable que le locataire en question ne soit jamais informé des démarches ultérieures en vue de la conversion. Il ne pourra donc pas porter plainte pour obtenir des dommaqes-intérèts, ni pour bloquer la conversion. Même s'il en est informé, il est peu probable qu'il soit intéressé à entreprendre les démarches nécessaires, d'autant plus que le fardeau de la preuve reposera sur lui.

De plus, comment démontrer que l'intention du propriétaire-convertisseur ou du copropriétaire-locateur était bien de l'évincer? Il faudra des années avant d'établir une jurisprudence sur cette question. Après l'avis d'intention de convertir, le propriétaire-convertisseur devra s'adresser à la réqie pour obtenir l'autorisation d'effectuer des travaux autres que des réparations urqentes ou d'entretien courant. Mais cette contrainte n'est maintenue que jusqu'au moment où les acquéreurs deviendraient majoritaires à l'assemblée des copropriétaires. Donc, il suffit de deux acquéreurs puisqu'il n'y a qu'un propriétaire unique avant la conversion. La contrainte sera de courte durée.

À long terme, le parc locatif est menacé par le fait que les locataires ultérieurs ne seront pas protégés contre la reprise de possession du logement par un co propriétaire-locateur.

Les mesures visant le harcèlement font aussi reposer le fardeau de la preuve sur les épaules des locataires. Pour les mettre en oeuvre, il faut, au préalable, avoir résisté au harcèlement et, par la suite, avoir encore les ressources pour les mener. Plus les espoirs de gain seront grands, plus sera grand le risque de voir les plus démunis, les personnes âgées et les femmes soumis à ces pressions.

Le droit de préemption a bien peu de chance d'être exercé dans la forme proposée. Il suppose que le locataire est assez fortuné pour pouvoir répondre à la meilleure offre d'achat reçue par le propriétaire-convertisseur. La seule mesure proposée vraiment efficace est l'interdiction de la reprise de possession par les copropriétaires indivis, quel que soit le nombre de logements de l'immeuble. (17 h 15)

Plutôt que de multiplier les mesures d'encadrement plus ou moins efficaces, nous croyons que le gouvernement devrait revenir à la formulation du moratoire qui a été appliquée entre 1975 et 1980, soit l'interdiction pure et simple des conversions en copropriété divise, en y ajoutant l'interdiction de reprise de possession par des copropriétaires indivis, quel que soit le nombre de logements des immeubles. Ainsi, il

sera clair pour les propriétaires et pour les investisseurs qu'ils ne peuvent pas espérer obtenir de gains spéculatifs aux dépens des locataires tant qu'une politique globale du logement ne viendra pas ouvrir de nouvelles alternatives pouvant répondre aux besoins et à la capacité de payer des locataires.

Dans le contexte d'un marché spéculatif stimulé par l'exemption des gains de capitaux - c'est un des frais qu'on paie aujourd'hui pour le beau risque de 1984 - il n'est pas opportun de stimuler encore la demande et surtout pas par le procédé de la conversion qui n'ajoute aucune unité de logement et qui, au contraire, ne peut que resserrer le marché locatif et provoquer une hausse des coûts des logements. La faible amélioration de l'accès à la propriété comme mode d'occupation ne justifie pas les impacts négatifs de la levée du moratoire. Ce geste ne règle pas le problème de fond, à savoir que de moins en moins de gens ont accès à la propriété, que ce soit à la forme traditionnelle ou à la copropriété.

Comme les organismes représentant les locataires et les coopératives, le NPD-Québec est convaincu que la meilleure manière de répondre aux besoins et aux désirs des locataires est de développer prioritairement le logement social au Québec. Les coopératives d'habitation, les organismes sans but lucratif et les habitations à loyer modique répondent déjà au besoin et au désir d'un logement convenable à prix abordable et bien situé. Une politique du logement qui les favoriserait vraiment permettrait de maintenir le prix du logement à un niveau accessible, tout en garantissant un droit réel de maintien dans les lieux.

En faisant preuve d'imagination et en s'inspirant d'expériences telles que la propriété partagée mise en application en Angleterre, il serait possible de développer, dans le cadre du logement social, des modes d'occupation dont les avantages seraient comparables à ceux de la copropriété.

D'ici la mise en oeuvre d'une politique globale privilégiant ces aspects et comblant les lacunes de la loi de la régie, le NPD-Québec juge qu'il serait irresponsable de semer des illusions, de créer des attentes irréalistes ou, pis encore, d'attiser des flambées spéculatives et inflationnistes.

Nous devons conclure en rappelant la nécessité de mettre en oeuvre une politique de plein emploi et d'améliorer les programmes sociaux pour permettre à la population du Québec l'accès aux ressources nécessaires à la réalisation de leurs aspirations, entre autres, celle d'être mieux logée.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Harney. M. le ministre,

M. Bourbeau: Oui, M. le Président. Il est coutume, quand on commence à poser des questions, de bien identifier nos interlocuteurs. Vous représentez te Nouveau parti démocratique du Québec. Combien de membres avez-vous au Québec?

M. Harney: De membres. J'ai bien compris votre question. Je ne la trouve pas pertinente, mais je vais y répondre.

M. Bourbeau: Mais écoutez, il...

M. Harney: Nous avons environ 5000 membres au Québec, M. le Président,

M. Bourbeau: Écoutez, il est coutume de poser cette question. C'est presque une routine ici.

M. Harney; Mais allez-y! Allez-y!

M. Bourbeau: On a eu des orqanismes de consommateurs qui avaient 18 300 membres, etc. On veut toujours s'assurer de la représentativité des groupes. On peut avoir quelqu'un qui se présente au nom de l'association des gens de je ne sais pas quoi et qui représente seulement quatre personnes. Alors, on veut être sûr que vous êtes bien représentatif.

M. Harney: M. le Président, pour répondre à la question de M. le ministre, nous représentons 5000 membres maintenant au Québec qui sont regroupés dans 85 organisations nationales de comté et qui représentent une idée nouvelle de la politique aux Québécois.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le ministre.

M. Bourbeau: Quand vous parlez de "nationales", est-ce que vous formez un parti politique séparé, autonome ou si vous êtes une branche du parti politique fédéral?

Une voix: Le ministre veut prendre sa carte!

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Bourbeau: Exactement. Si je prenais ma carte du NPD-Québec, est-ce qu'automatiquement je suis membre du NPD-Canada, par exemple?

M. Harney: Non, vous ne deviendrez pas membre à titre individuel du NPD-Canada parce que c'est le NPD-Québec qui fait partie intégrante du NPD-Canada. Il n'y a pas de membership dans le NPD-Canada. Nous vivons, d'une façon partisane, la vraie confédération par le truchement du NPD-Québec.

M. Bourbeau: Ah, boni Le NPD-Canada n'a pas de membres comme tels. Les membres sont au niveau provincial...

M. Harney: Exactement.

M. Bourbeau: ...et toutes les associations provinciales forment la grande famille du NPD-Canada.

M. Harney: Non, pas entièrement. Normalement, le terme qu'on choisit, c'est NPD national, pour le Québec. Vous êtes membres de l'Assemblée nationale, nous cherchons à faire élire des gens à l'Assemblée nationale. Ainsi, notre parti s'appelle le NPD-Québec; c'est un parti national.

M. Bourbeau: Les politiques de votre parti, a l'échelle nationale, par exemple, la politique d'habitation, deviennent automatiquement, je présume, les politiques au niveau provincial, puisque c'est le même parti finalement. Est-ce que je me trompe?

M. Harney: Vous comprendrez très bien, M. le ministre - par votre entremise, M. le Président - que le parti fédéral - je ne veux pas prendre tout le temps de la commission pour faire une leçon de terminoloqie - n'a pas directement des politiques d'habitation parce que cela appartient surtout au niveau provincial, que ce soit au Québec, en Saskatchewan ou en Colombie britannique.

M. Bourbeau: Pourtant, le gouvernement fédéral a un ministre responsable de l'Habitation et il y a des politiques fédérales d'habitation. La Société canadienne d'hypothèques et de logement est le bras droit du gouvernement fédéral en matière d'habitation. Si je comprends bien, entre l'aile québécoise et l'aile fédérale, il y a moins de différences, si je puis dire, qu'entre le Parti libéral du Canada, qui est un parti autonome, et le Parti libéral du Québec, qui n'a aucun lien juridique avec le Parti libéral du Canada.

M. Harney: Nos relations sont complètement ouvertes, M. le ministre. On n'a pas du tout honte de nos relations avec le parti fédéral. Justement, ce sont les partis provinciaux - dans le cas du Québec, c'est le parti national du Québec - qui forment en fédération le parti fédéral. Notre parti fédéral a certainement des politiques qui s'appliquent à la question de l'habitation. Jadis, vous le savez très bien, la Société canadienne d'hypothèques et de logement avait une véritable politique progressiste et sociale de l'habitation; ce n'est pas du tout le cas aujourd'hui. Comme de raison, notre parti fédéral viserait, en tant que gouvernement, a faire abattre les taux d'intérêt en tant qu'ils s'appliquent è l'habitation et, de cette façon, à faire de l'accès à la propriété non seulement un désir, mais une réalité. Sur le plan fédéral, on pourrait certainement parler de deux taux d'intérêt: un taux d'intérêt qui s'appliquerait aux emprunts normaux, ordinaires et des taux d'intérêt spécifiques qui s'appliqueraient à l'habitation. C'est une politique fédérale, qui est propre au fédéral. Mais ici, aujourd'hui, on s'adresse a une politique qui appartient au Québec.

M. Bourbeaus M. Harney, dans le document "Lever le moratoire", qu'est-ce que vous pensez des mesures que nous proposons concernant l'indivision?

M. Harney: Vous savez que la propriété indivise nous semble d'abord être une splendide opportunité pour les qens de se rassembler, de se reqrouper pour devenir propriétaires en commun. Mais, malheureusement, dans les faits, ce qui se passe, c'est que cela permet à une couche de la population qui n'est pas nécessairement très bien nantie d'aller en guerre contre une autre couche de la population qui est certainement moins bien nantie. Nous trouvons que toute politique de l'habitation, qui est après tout une forme de politique sociale très importante, qui divise les gens, certains groupes contre d'autres, est néfaste. Notre réaction a été d'abord, comme plusieurs participants à la discussion ici, au Québec, de dire: Oui, la propriété indivise, c'est une bonne chose, mais, malheureusement, cette bonne chose est utilisée à des fins qui nous semblent néfastes sur le plan social.

M. Bourbeau: Pourtant, quand un mari et une femme achètent ensemble un duplex, ils sont en indivision. Vous n'êtes pas opposé à ce qu'un couple marié achète une propriété ensemble?

M. Harney: II faut quand même faire une distinction entre la propriété détenue par un couple...

M. Bourbeau: Mais c'est de l'indivision.

M. Harney: M. le ministre, j'ai peut-être fait lecture du texte un peu trop rapidement, mais, à la deuxième page avant la fin, avant d'arriver à nos recommandations, je dis que "la seule mesure proposée vraiment efficace est l'interdiction de la reprise de possession par les copropriétaires indivis, quel que soit le nombre de logements de l'immeuble".

M. Bourbeau: C'était la question que je vous posais. Je vous demandais...

M. Harney: Excusez-moi. Je l'ai mal comprise. Il y avait un bruit ici; il y a un

élément négatif de votre phrase que je n'ai pas capté.

M. Bourbeau: Je comprends que vous êtes d'accord avec les mesures que nous proposons au sujet de l'indivision.

M. Harney: Bien, cette mesure-là, oui.

M. Bourbeau: C'est la seule que nous proposons en ce qui nous concerne.

M. Harney: Ah! Je pensais que vous faisiez allusion à toutes les mesures. Mais, par rapport à l'indivision, oui, nous sommes d'accord.

M. Bourbeau: Qu'est-ce que vous pensez de la situation qui prévaut présentement en ce qui concerne l'indivision dans les immeubles de cinq loqements et plus?

M. Hamey: Pardon? J'ai de la difficulté à comprendre votre question.

M. Bourbeau: La situation actuelle varie en ce qui concerne l'indivision à l'égard des immeubles, soit qu'ils aient cinq logements et plus ou quatre logements et moins. Alors, pour les immeubles de cinq logements et plus, êtes-vous d'accord avec la situation actuelle, avec le régime qui prévaut présentement?

M. Harney: Oui, c'est bloqué maintenant et on est d'accord.

M. Bourbeau: Vous êtes d'accord avec le maintien de la situation?

M. Harney: Oui, oui, avec le régime qui existe maintenant.

M. Bourbeau: Oui, bon. Alors, vous êtes d'accord avec cela.

M. Harney: Bahï

M. Bourbeau: Pourtant, dans le régime qui existe maintenant, même pour les cinq logements et plus, un particulier qui est propriétaire peut quand même reprendre possession d'un logement pour lui-même, même pour les membres de sa famille.

M. Hamey: Écoutez, il me semble que c'est bloqué, M. le ministre.

M. Bourbeau: Pas pour un individu propriétaire d'un édifice de cinq logements et plus. Supposons que vous êtes propriétaire d'un huit logements, vous pouvez quand même évincer tes locataires, un locataire pour vos fins à vous et d'autres pour les fins de votre famille. Est-ce que vous souhaiteriez également qu'on modifie cet état de fait?

M. Harney: Là, on est en train de confondre deux choses. Ce n'est pas de l'indivision. Il y a un seul propriétaire.

M. Bourbeau: C'est cela. Oui, mais j'ai commencé par vous poser la question sur l'indivision et vous m'avez dit que vous étiez d'accord avec la situation...

M. Harney: Ah! Bien, là, M. le ministre, on...

M. Bourbeau: Écoutez, vous avez dit que vous étiez d'accord avec le régime actuel en matière d'indivision dans les cinq logements et plus. Là, je vous pose une autre question. Je vous demande: Pensez-vous qu'on devrait modifier le système actuel pour les cinq logements et plus quand c'est un propriétaire unique, en ce qui concerne la reprise de possession?

M. Roy (Louis): M. le ministre, je pense que la commission se tient sur la question de la copropriété. C'est sur cette question que notre mémoire apporte des réponses. On dit clairement que nous sommes d'accord avec ce que vous avez proposé dans votre document concernant l'interdiction de la reprise de possession par les copropriétaires indivis.

M. Bourbeau: Oui, mais quand on parle de...

M. Roy: Nous sommes d'accord parce que c'est un cas très différent quand il y a un propriétaire unique d'un immeuble de quatre, cinq, dix ou vingt logements. Un propriétaire unique ne peut reprendre qu'un seul logement. Dans une copropriété indivise, vous le savez très bien, sous le moratoire actuel, quand il s'agit d'un édifice de quatre logements ou moins, les quatre copropriétaires peuvent reprendre les quatre logements. Cela multiplie les évictions et c'est dans ce sens que le droit de reprise de possession devrait, comme vous le proposez, être interdit dans le cas de copropriété indivise, tout en étant maintenu pour le cas de propriété simple où un seul logement est remis en question.

M. Bourbeau: Bon. C'est justement là que porte...

M. Roy: Nous n'avons pas remis en question cet aspect de la loi du logement.

M. Bourbeau: C'est justement là que porte ma question. On parle d'éviction, de reprise de possession. Or, la reprise de possession est permise présentement dans les immeubles de cinq logements et plus par un

propriétaire unique. Je vous demande si vous pensez qu'on devrait maintenir cette situation ou si vous pensez qu'on devrait la modifier. (17 h 30)

M. Roy: Nous crayons qu'il manque actuellement une politique globale du logement, que cet aspect de la politique actuelle de la loi du logement pourrait être éventuellement remis en question. On fera probablement une commission parlementaire. J'espère que vous en ferez une si vous faites une politique globale du logement. À ce moment, on verra les pour et les contre d'une telle remise en question d'un droit de propriété fondamental. C'est un aspect important du droit de propriété qu'une personne qui est propriétaire d'un édifice puisse en occuper une partie.

Vous avez reconnu que, dans le cas de la copropriété, ce droit conduisait à des situations nombreuses d'évictions et que, dans le cas de la copropriété, il fallait limiter, même interdire la reprise de possession. Vous avez dit que les couples, les conjoints qui sont copropriétaires dans l'indivision pourraient avoir droit de reprendre possession, mais seulement eux. Donc, par ce biais, on accorde à des gens qui sont en copropriété indivise un droit qui est accordé déjà et depuis toujours à des propriétaires uniques. Nous sommes d'accord avec cet aspect.

Mais, sur un ensemble d'autres propositions que vous faites, nous ne sommes pas d'accord parce qu'il y a des lacunes majeures, entre autres et principalement parce que le fardeau de la preuve repose encore sur ce qu'on pourrait appeler des victimes. Quand des personnes âgées sont victimes de harcèlement, que c'est à elles de faire la preuve qu'elles l'ont été, que c'est à elles de se défendre^ que c'est à elles d'avoir les ressources, le soutien et tout ce que cela prend pour mener une bataille dans le but de démontrer une intention, en plus, il faut admettre que c'est une lacune des propositions que vous faites.

Nous avons clairement dit que, sur une de vos propositions, nous sommes d'accord. On a beau être un parti politique concurrent, on est capable de reconnaître ce qu'il y a de bon. On ne fait pas nécessairement votre jeu. On ne vous demande pas: Qu'est-ce que c'est, votre parti et qu'est-ce que vous représentez? Nous autres, on regarde la question qui est en jeu actuellement: ce sont les droits des locataires. Ce qu'on dit, c'est que, sur l'ensemble des propositions que vous avez faites, une est bonne et nous sommes prêts à l'appuyer. D'autres, nombreuses, ne sont pas efficaces et peuvent être facilement contournées.

Le Président (M. Saint-Roch): II vous resterait une minute et trente, M. le ministre.

M. Bourbeau: Dans les recommandations qui apparaissent en page 8 de votre communication, justement en ce qui concerne les mesures, vous ne parlez pas du harcèlement et de l'éviction des locataires. Est-ce que vous pourriez nous résumer quelles suggestions vous faites pour tenter de pallier au problème très épineux du harcèlement dont sont victimes les personnes âgées et les personnes démunies, ainsi que les recommandations que vous faites pour faire en sorte que les locataires ne soient pas évincés?

M. Harney: M. le ministre, on ne s'est pas proposé de faire dans notre mémoire un compte rendu de tous les aspects de cette question. Il y a eu plusieurs autres groupes qui se sont présentés ici hier, aujourd'hui, et qui seront devant vous demain. On n'a pas couvert tous les aspects. Cela est évident. On a quinze minutes. Dans quinze minutes, on ne peut se concentrer que sur quelques aspects du problème. On a décidé de se concentrer sur des aspects économiques importants sur l'effet que la proposition que vous avez mise devant l'Assemblée nationale pourrait avoir sur le marché locatif et surtout l'effet spéculatif. Cela ne veut pas dire qu'on ne s'intéresse pas du tout à la question du harcèlement et qu'il ne devrait pas y avoir des mesures extrêmement rigoureuses pour contrôler toute possibilité de harcèlement.

M. Bourbeau: Je comprends...

Le Président (M. Saint-Roch): M. le ministre, je m'excuse, mais le temps alloué au parti ministériel étant maintenant écoulé, je cède la parole à M. le député de Shefford.

M. Paré: Oui. Merci, M. le Président. Je vais faire assez vite parce qu'effectivement on n'a pas grand temps et mon collègue de Saint-Jacques veut intervenir aussi. Je vous souhaite la bienvenue à la commission, comme à tous les groupes qui viennent nous exposer leurs points de vue. Je suis heureux de voir que, comme nous, vous défendez finalement une position selon laquelle la proposition gouvernementale telle qu'élaborée ne vient rien régler, mais risque, au contraire, d'augmenter les problèmes considérablement. Vous dites qu'il est illusoire et impensable, finalement, de faire une proposition sur un sujet aussi fondamental qui ne soit pas élaborée et qui ne tienne pas compte d'une politique globale et générale en matière d'habitation.

Ce que j'ai dit à l'ouverture de la commission hier, soit qu'il fallait geler le

moratoire jusqu'à ce qu'il y ait une politique de l'habitation pour préserver davantage les locataires en place qui ne peuvent pas ou ne veulent pas devenir propriétaires, je pense que c'est important. On retrouve cela dans votre mémoire.

Vous ayez reconnu, et moi aussi, je suis prêt à le faire» qu'il y a des mesures qui sont apportées qui sont positives. Le ministre peut mettre en application ces mesures sans que le moratoire soit levé. Cela permettra, justement, que le moratoire soit, s'il n'est pas levé, observé.

J'aurais une question qui rejoint la dernière question de M. le ministre concernant le harcèlement. Est-ce que vous croyez que, tel que c'est proposé dans le document du ministre, les citoyens risquent d'être plus ou moins victimes de harcèlement, spécialement en tenant compte d'une clause particulière de la loi qui pourrait être déposée? Cela se confirme toujours; à force de discuter, le ministre en échappe des bribes; un projet de loi devrait être déposé en octobre. Il va être dans quel sens? On ne le sait pas. On va essayer de le savoir d'ici à la fin de la semaine. il faudra attendre en octobre, à mon avis. Pourquoi octobre? On le verra. Je pense que le ministre veut attendre en octobre pour nous faire valoir effectivement sa volonté sur cela. Si la loi est déposée et qu'elle tient compte exactement de la proposition, cela voudra dire que le locataire va acquérir un droit de maintien illimité dans les lieux. C'est à évaluer jusqu'à quel point le droit est sérieux et applicable, mais il est là. Est-ce que vous croyez que cela ne deviendra pas pour les nouveaux acquéreurs, justement, une façon d'essayer de "bargainer" et de harceler davantage les gens en essayant d'acheter, justement, ce droit au maintien dans les lieux?

M. Harney: Vous comprenez, M. le Président, que l'expérience qu'on a de la copropriété ne date que de 1969. C'est un élément assez nouveau dans notre vie. On a fait les premières expériences entre 1969 et 1973 et on a appris assez rapidement que ce nouveau réqime emportait dans son sillon de nouveaux problèmes, et c'est pour cela qu'on a eu le moratoire. Ce que le ministre propose de faire, c'est lever le moratoire et pallier aux difficultés qui - lui-même y est sensible - pourraient survenir par l'ajout de réglementation. Plus il y a de réglementation dans ces domaines, plus il est possible de trouver des façons de contourner le règlement. Plus la chose devient complexe, plus les gens ordinaires se trouvent dans des situations où ils ne peuvent pas concurrencer ceux qui se spécialisent dans des domaines qui, pour eux, demeurent assez généraux.

Je ne crois pas qu'on peut boucher les trous qui vont se présenter dans n'importe quelle réglementation qui chercherait à protéger le locataire dans une situation comme celle-là. Il faut comprendre que le locataire, ce n'est pas un spécialiste dans le domaine, ce n'est pas un agent d'immeubles, ce n'est pas un spéculateur, ce n'est pas un notaire, ce n'est pas un avocat. Plus le règlement devient complexe, plus la possibilité d'intervention néfaste se développe.

Justement, Hélène Guay me parlait de situations qu'elle avait rencontrées dernièrement dans Notre-Dame-de-Grâce.

Le Président (M. Saint-Roch): Mme

Guay.

Mme Guay (Hélène): II y a peut-être une proposition qu'on peut vous faire et dont on a discuté déjà avec des groupes de locataires. Si le gouvernement est vraiment sérieux dans son énoncé en disant qu'il veut protéger le droit au maintien dans le logement, il y a des choses qui pourraient peut-être être faites et qu'on pourrait vous suggérer. D'abord, je dois vous signaler que les mesures que le gouvernement propose vont s'appliquer seulement après que les locataires auront reçu l'avis de transformation en copropriété ou en condominiums. Avant, c'est la loi actuelle qui s'applique. Vous êtes tous très conscients que la loi actuelle est assez déficitaire sur ce plan. Comme le groupe précédent vous l'a dit, il serait tout à fait possible de boucher les trous de la loi actuelle sans nécessairement lever le moratoire sur la transformation en condominiums. C'est une chose qu'on vous suggère.

Une autre chose qu'on peut vous suggérer, c'est un peu les procédures qui existent au Code du travail dans le moment. Dans le moment, les gens ont un droit d'association qui est affirmé et protégé. Quand un employé est congédié, c'est à l'employeur de faire la preuve qu'il ne t'a pas congédié pour des raisons d'activités syndicales. On peut peut-être vous suggérer la même chose. Quand un locataire est évincé, ce serait peut-être au locateur de faire la preuve qu'il ne l'a pas évincé pour des raisons de transformation en copropriété, peu importe si l'avis a été donné avant ou après l'éviction.

M. Paré: Juste un commentaire avant de laisser la parole à mon collègue de Saint-Jacques. Je dois dire que ce que nous avons dénoncé beaucoup, c'est que, finalement, on est en train de le lever en n'ayant pas beaucoup d'études ou de chiffres à l'intérieur du document qui est présenté. Vous nous en fournissez qui viennent effectivement dénoncer ce qui, nous le disons depuis le début, est impensable, c'est qu'on semble dire que, si on inonde le marché de loge-

merits à vendre, cela va faire baisser les prix. La réalité qu'on est capable de constater, c'est que le fait que la demande soit grandissante, que les quartiers soient populaires, qu'il y ait beaucoup de logements attrayants, même s'ils ne sont pas rénovés présentement parce qu'ils sont dans ces quartiers, cela fait en sorte qu'au moment où l'on se parle les prix ne sont pas à la baisse, mais à la hausse.

Il va falloir que le ministre tienne compte de cela parce que, s'il décide de proposer la levée du moratoire, pour permettre l'accès à la propriété, cela risque effectivement de nous amener des résultats tout à fait contraires. Comme on le dit depuis hier matin, ce qu'on a vu dans les autres villes - vous t'avez souligné ici - ce qu'on a vu dans les grandes métropoles des autres pays, c'est, finalement, le contraire, soit l'accès à la propriété pour location dam beaucoup de cas. Finalement, cela ne baisse rien. Essayez d'aller vous loger à Toronto, soit que vous achetiez une maison ou que vous alliez en location, et vous allez être contents de revenir à Montréal.

Ce sont les commentaires que j'avais à faire. Je cède la parole à mon collègue de Saint-Jacques.

M. Harney: M. le Président...

Le Président (M. Saint-Roch): M.

Harney.

M. Harney: ...le député aurait plusieurs raisons d'être content de revenir à Montréal de Toronto, mais celle-là en est une cinqlante, je vous l'assure, parce qu'il ne faudrait pas du tout imiter ce qui se passe à Toronto et placer nos gens ici au Québec et surtout à Montréal dans cette situation.

Il faut comprendre qu'on s'intéresse ici spécifiquement à une proposition de levée de moratoire sur la conversion de propriétés locatives en condominiums. Cela ne veut pas dire qu'on s'oppose aux condos. On dit au gouvernement: Si vous en voulez, des condos, construisez-en. C'est la route à prendre. Mais nous avons ici, surtout dans la région métropolitaine, une situation assez précaire: des dizaines de milliers de personnes seront menacées par cette proposition de conversion de logements en condos. C'est de cette question qu'on traite spécifiquement dans notre mémoire. On vous dit: Si vous voulez parler de politique globale d'habitation, nous serons prêts à le faire. Mais ce n'est pas cela, la proposition. Le radical dans tout cela, c'est le ministre, pas le NPD, pas les locataires. C'est lui qui veut changer radicalement l'état des choses. C'est pour cela qu'on s'oppose.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: M. le Président, le ministre s'est très volontairement et délibérément déguisé en Bonhomme Sept Heures quand il a annoncé la levée du moratoire, ce qui a provoqué, c'est inévitable et on l'a tous vécu, notamment à Montréal, une panique chez les locataires. Après cela, il n'y a aucun doute - je vous assure que je le vis d'une façon atroce dans ma circonscription avec des spéculateurs qui se promènent - j'ai vu la même maison changer cinq fois de propriétaires en sept jours. Je me suis dit: J'espère que cela a été cinq notaires différents. Au moins, cela a roulé. Mais remarquez que c'est une bien piètre consolation.

Que vous veniez joindre votre voix à la nôtre et à celle de la très grande majorité des groupes qui sont ici, personnellement, je ne trouve pas cela menaçant. Bien au contraire, je trouve cela très réconfortant. Cela prouve qu'il y a effectivement "Péril en la demeure". Je pense qu'on peut emprunter à ce film pour décrire la situation actuelle dans l'habitation au Québec.

Le ministre a présenté comme la panacée à tous les maux son fameux guichet unique pour les personnes âgées et les personnes handicapées à la Régie du logement. Est-ce que vous avez des commentaires là-dessus, M. Harney? (17 h 45)

M. Harney: M. le Président, j'accepte certainement l'intention qui sous-tend la question et les commentaires du député. Nous sommes devant un très grand problème. C'est une question de panique pour beaucoup de nos concitoyens. Et moi, je ne suis pas ici et vous, non plus, pour faire des procès d'intention. Je suis content de voir que la formation de M. Boulerice se rallie maintenant à l'importance de ne pas lever le moratoire, car telle était l'intention du livre vert. Mais, on en apprend toujours...

M. Boulerice: D'imposer. On n'a pas le goût de le lever.

M. Harney: Le livre vert de 1984-1985, ce n'était pas le Parti libéral qui l'avait proposé. Mais, en tout cas, l'expérience électorale peut être vraiment indicative. Et puis, on apprend des choses. Je ne trouve pas qu'il est possible de rassurer les personnes âgées et de leur dire qu'elles auront suffisamment de recours en leur offrant un guichet où elles pourraient aller chercher un remède à des problèmes qu'on va leur imposer. Pourquoi leur imposer le problème, d'abord? Pourquoi les mettre dans cette situation d'abord? C'est pour pallier à un malaise qu'on va leur imposer. Pourquoi le faire?

M. Roy: II est important de rappeler ce que les intervenants précédents ont dit au

début de l'après-midi. C'étaient des personnes âgées elles-mêmes qui faisaient partie d'une association de personnes âgées. L'une d'entre elles a dit: II serait peut-être intéressant que l'État soutienne mieux les associations de personnes âgées qui sont, finalement, la seule institution en laquelle les personnes âgées peuvent avoir confiance. Là, elles ont un recours pour les aider à se prémunir ou même à répondre à des problèmes de harcèlement. Il est extrêmement difficile de répondre à la question du harcèlement parce que cela se passe en privé. On est obligé de réagir après coup. Si on peut dire, le mal est fait quand on l'apprend.

En ce sens, ce que dit M. Harney, c'est exactement le fond de la question. Il ne faut pas créer une situation qui incite des gens à harceler d'autres gens. La meilleure manière de le faire, c'est de ne pas lancer l'idée qu'il va être possible de convertir et, donc, possible de faire des gains de capitaux, d'avoir des exemptions fiscales pour ces gains et de faire un bon coup d'argent, comme on le disait dans le livre, de faire de l'argent avec l'argent des autres.

Premièrement, il est important de ne pas semer ces craintes. Deuxièmement, il est important de soutenir les associations, les gens qui se regroupent. Ils ne se regroupent jamais pour rien. Ils se regroupent parce qu'ils ont des problèmes, ils en sont conscients et ils savent comment y répondre. Ils ont besoin d'un soutien de l'État afin de bien faire leur travail. Je pense que c'est la meilleure méthode pour y répondre.

La question du guichet unique, pour autant que cela laisse à l'individu tout le poids de se défendre, que cela laisse les personnes encore isolées - et c'est le problème des personnes âgées d'être isolées, on sait qu'il y a beaucoup de personnes âgées qui vivent seules - cela ne répond pas vraiment à leurs problèmes. Cela veut juste dire qu'il faut qu'elles se défendent toutes seules. Aller à un guichet unique ou aller ailleurs dans l'État, c'est toujours très compliqué pour les personnes âgées. À moins qu'on augmente vraiment le personnel de la Régie du logement, ce qui n'a pas été énoncé dans le document du ministre, et qu'on investisse vraiment dans la défense des personnes âgées, cela n'ajoute pas grand-chose. Par contre, on sait qu'il y a des associations de personnes âgées qui fonctionnent bien, qui font un travail courageux et qui devraient être appuyées.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie. M. le député de Saint-Jacques, je regrette...

M. Boulerice: C'est cela. La contrainte du temps ne me laisse qu'un seul mot, merci.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le député de Saint-Jacques. M. le ministre, de brèves remarques de conclusion?

M. Bourbeau: Oui, M. le Président, pour remercier le NPD-Canada, succursale Québec, de sa contribution à nos travaux et pour lui souhaiter les meilleures chances possible dans toutes ses aventures à venir.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre. M. le député de Shefford.

M. Paré: Je vous remercie de votre mémoire et de votre présentation, en espérant que plus on sera nombreux - le ministre semble vouloir compter cela en termes de mémoires - à dénoncer le moratoire, plus on aura de chances que le ministre accepte finalement de répondre à la demande .de la très grande majorité de la population.

Le Président (M. Saint-Roch): M.

Harney, de brèves remarques, s'il vous plattî

M. Harney: Tout simplement par rapport à la dernière question, le guichet, je crois qu'il est mieux de ne pas semer la panique, d'abord; c'est ce qu'il ne faudrait pas faire. Je reviens à ce que j'ai dit tout à l'heure, M. le Président. C'est le ministre qui propose un changement radical. L'état de choses qui existe depuis 1975 a quand même permis une certaine stabilité. Je ne trouve pas que ces propositions de rechange, si elles le sont, justifient ce changement. Je répète ce qu'on a dit au tout début: Ce que nous attendons surtout, c'est une politique globale de l'habitation. Peut-être qu'au sein d'une politique globale il y aura possibilité de parler et de discuter de nouvelles formes de conversions qui ne sont pas sauvages. Il est peut-être possible, dans le cadre d'une véritable politique, d'arriver à certaines conversions. Mais, dans l'état des choses telles qu'elles sont là, on ne peut pas procéder, on ne peut pas te faire sans mettre en péril le bien-être de dizaines de milliers de nos concitoyens.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Harney, de votre contribution aux travaux de la commission de l'aménagement et des équipements.

Il est maintenant près de 18 heures. Est-ce qu'il y aurait consentement, vu notre horaire chargé, pour entendre le prochain groupe avant d'aller dîner? Y a-t-il consentement?

Des voix: Consentement.

Le Président (M. Saint-Roch): S'il y a consentement, nous allons suspendre nos travaux pour deux secondes.

(Suspension de la séance à 17 h 53)

(Reprise à 18 heures)

Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous plaît!

Je demanderais maintenant aux porte-parole du Parti québécois, conseil régional de Montréal-Centre de prendre place et de bien vouloir s'identifier pour le bénéfice des parlementaires et du Journal des débats.

Parti québécois - conseil régional de Montréal-Centre

M. Bouchard (Pierre): Merci. Mon nom est Pierre Bouchard. Je suis président du conseil régional de Montréal-Centre du Parti québécois. Les personnes qui m'accompagnent sont Mmes Hélène Chartier et Eve Laferrière, toutes deux conseillères au sein de l'exécutif régional, à Montréal-Centre.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie. Je vous cède maintenant la parole pour quinze minutes.

M. Bouchard: Merci. Je tiens à vous remercier, M. le Président, M. le ministre ainsi que madame et messieurs les députés de consacrer du temps pour écouter la position du conseil régional de Montréal-Centre du Parti québécois.

Dans le mémoire que l'on vous a déposé, vous avez, en épigraphe, un extrait d'un best-seller québécois publié en 1986, qui ironisait un peu sur différents conflits de générations et, dans cette citation, les accepteurs globalistes, ce sont les jeunes. Je crois qu'on décrit assez bien, sous forme humoristique, ce qui arrive dans certains quartiers populaires de Montréal, cette "gentrification" de ces quartiers qui se fait aux dépens des couches populaires. Si vous avez eu l'occasion de voir le film québécois sorti récemment Un zoo, la nuit, à l'autre partie de notre histoire, lorsqu'on arrive à un âge plus avancé, vers la fin de notre vie, le personnage principal, lui aussi, est aux prises avec ce problème de logement, avec un propriétaire qui, de plus en plus, le refoule dans un coin pour, croit-il, finalement prendre possession de son logement. Dans ce film, c'est sûrement une des causes qui amènent la personne à mourir d'un infarctus. Évidemment, il s'agit d'oeuvres imaginaires, mais elles décrivent bien la réalité que vivent les gens dans les quartiers populaires à Montréal. C'est pour cela qu'on a voulu donner un peu la lame de fond qui se trouve dans notre document.

Avant de critiquer les mesures qui nous sont proposées dans le document gouvernemental, nous noua devons d'exposer les buts visés par toute politique d'habitation valable. L'occupation d'un logement décent est un droit minimal de toute la population, quel que soit son statut socio-économique. Puisqu'au Québec, malheureusement, il existe des gens ayant de la difficulté à subvenir à leurs besoins les plus élémentaires tel le logement, le logement doit demeurer un domaine d'intervention gouvernementale.

Ces gens qui ne pourront peut-être jamais devenir propriétaires devront avoir accès à des logements décents, dans une gamme de prix qui leur convient, sans avoir à se relocaliser dans un autre quartier. II faut bien comprendre que la mobilité de la population doit être considérée sur une base purement volontaire et que toute mesure provoquant les migrations des plus démunis doit être évitée parce qu'à toutes fins utiles ce serait instituer une déportation de ces personnes. Lorsqu'on parle de Montréal, il faut bien comprendre cette réalité, que c'est l'ensemble de plusieurs quartiers. Et partir du centre-sud pour s'en aller dans le quartier Ahuntsic, c'est quelque chose d'aussi grave que de partir de Matane pour s'en aller dans la région de Trois-Rivières, d'une certaine façon. Psychologiquement, c'est vécu d'une façon aussi dramatique pour les personnes âgées, particulièrement; ces gens sont déracinés.

Une politique d'habitation valable doit réduire aussi les situations de harcèlement qui existent malheureusement entre propriétaires et locataires. On ne doit donc pas mettre de l'avant des mesures qui favoriseraient ce harcèlement. Par ailleurs, l'accès à la propriété est souhaitable et devrait être facilité dans ta mesure où il ne met pas en péril la situation des moins bien nantis de notre société.

Arrivons un peu plus précisément au document. Une des premières questions que l'on s'est posée à la lecture du document Lever le moratoire: une décision - et nous paraphrasons - qui veut s'imposer... à l'encontre des plus démunis, c'est: Pour qui travaille le présent gouvernement, au fond, en lançant cette idée de lever le moratoire et en disant même que la décision est prise, à toutes fins utiles? Pourquoi parler depuis plus d'un an de cette levée du moratoire alors qu'on connaît déjà une très forte spéculation immobilière dans certains quartiers? L'incertitude sur la volonté politique de maintenir ce moratoire ne fait qu'encourager cette spéculation nocive pour l'atteinte de nos objectifs en matière de logement. La protection que donne le document aux locataires, conscients qu'ils risquent d'être les premières victimes, nous semble pour le moins faible. Par ailleurs, on doit saluer cette volonté, tantôt encore répétée par le ministre, de leur donner une protection blindée. Cet objectif, nous le partageons à 100 %, mais cette protection devra être réellement blindée.

Donc, on doit essayer de voir où sont les faiblesses de ce document, ce qui fait que nous croyons que ce n'est pas une protection blindée qui y est donnée. Deux choses. Affirmer que l'accession à la propriété ne se fera pas au détriment du parc de logements locatifs est illogique. On ne peut à la fois transformer des logements locatifs et essayer de croire que cela ne diminuera pas le parc de ces logements. Deux postulats bien fragiles laissent croire à la faisabilité de cette équation. Il s'agit du concept de maintien dans les lieux pour une période illimitée et de l'assurance que les logements convertis seront achetés par des locataires. Je vais laisser le soin à Mme Hélène Chartier de vous expliquer pourquoi ces deux postulats sont faux, à toutes fins utiles, et rendent donc, pour les locataires, la garantie éphémère, pour le moins douteuse.

Mme Chartier (Hélène): Au cours des cinq prochaines minutes, je vais tenter de vous démontrer pourquoi nous croyons que la levée du moratoire est dangereuse dans la situation du marché actuel. Je procéderai en deux grands volets. Premièrement, j'attaquerai l'amélioration souhaitée de l'accès à la propriété et, dans un deuxième temps, les mesures de protection des locataires qui sont proposées dans le document de réflexion.

Il nous semble difficile d'assumer qu'une simple levée du moratoire permettra à beaucoup de citoyens d'accéder à la propriété. Selon un document qui a été produit par le gouvernement en 1983, "Se loger au Québec, une analyse de la réalité et un appel à l'imagination", 3,8 % des plus grands propriétaires détiennent 53 % du parc de logements locatifs. Ces propriétaires-bailleurs, ne sont évidemment pas dans le domaine de l'immobilier par vocation sociale, ils ont l'intention de faire de l'argent, de faire beaucoup d'argent s'il est possible d'en faire et Dieu sait s'il y a moyen d'en faire en convertissant en immeuble locatif en copropriété!

Or, le domaine de l'habitation ne peut être soumis à la pure loi du marché, étant donné que c'est de nos logis, donc, de nos droits les plus élémentaires qu'il s'agit. Dans l'enquête réalisée après l'annonce de la levée du moratoire qui nous est présentée dans le document de réflexion, on nous indique que 19,5 % des locataires sont intéressés à fournir un effort supplémentaire de 21,5 %. Mais le profil économique de ces individus n'est pas mentionné. Dans le même ordre d'idées, on vit le problème du retour à la ville, pour ne pas dire du retour au centre-ville. En effet, les logements convertis ne seront pas nécessairement achetés par les locataires puisque, dans la région métropolitaine surtout, le mouvement du retour à la ville amène plusieurs propriétaires de banlieue ou leurs enfants à acheter un condo en ville. Les quartiers les plus touchés sont ceux où l'on retrouve des locataires qui ne peuvent ou ne veulent pas, majoritairement, devenir propriétaires. Il s'agit du Plateau-Mont-Royal, du centre-sud ou de Villeray; enfin, bien d'autres exemples pourraient nous venir en tête.

Ce phénomène d'inploslon urbaine analysé à Paris dès les années soixante-dix avait permis aux couches populaires de revendiquer le droit à la centralité, droit que les couches populaires de Montréal doivent aussi revendiquer. Avec les données qui nous ont été présentées, il nous est donc difficile de vraiment pouvoir croire l'affirmation qu'une levée du moratoire entraînera une augmentation de l'accès à la propriété et qu'elle aura une influence positive sur la spéculation. Étrangement, dans le document de réflexion, on nous fournit d'autres données visant à minimiser les conséquences d'une levée du moratoire. Ainsi, on nous indique que 11 % des propriétaires-bailleurs, se montrent intéressés à la conversion. Nous voyons tout de suite que l'utilisation de ces données afin d'amoindrir l'impact de la levée du moratoire est erronée puisque ce pourcentage de propriétaires ne fait pas état de la proportion du parc locatif qu'ils détiennent et que, selon "Se loger au Québec", il y a 3,8 % des propriétaires qui détiennent 53 % du marché locatif.

Pour ce qui est des mesures protégeant les locataires, le droit au maintien dans les lieux, bien que parfaitement louable, risque de ne pas avoir d'application concrète. Pourquoi? Le coût du loyer d'un logement converti en propriété divise sera augmenté, premièrement, par la hausse des taxes municipales, deuxièmement, par les rénovations que feront les propriétaires et, troisièmement, par la plus-value que prendra automatiquement l'édifice. Ajoutez la pression des loyers environnants et la majorité des locataires devront quitter leur logement malgré le droit au maintien dans les lieux parce qu'ils n'en auront plus les moyens financiers.

Pour ceux qui en auraient les moyens financiers, ils n'auront plus qu'à combattre un contexte favorisant le harcèlement de toutes sortes et où les offres de primes se feront nombreuses pour abandonner leur droit de maintien dans les lieux.

Finalement, le chapitre portant sur l'expertise connue nous laisse songeurs. L'étude Lapointe-Cyr nous indique une baisse probable de 2 % à 4,17 % du parc locatif pour la région métropolitaine de Montréal. Ce chiffre est trompeur puisqu'il tient pour acquis que le phénomène de conversion est réparti également sur le territoire. Or, la réalité montréalaise est faite de plusieurs quartiers et le phénomène de conversion se

concentre dans les quartiers du centre-ville ou des environs. Les vieilles zones industrielles de Montréal sont présentement aussi durement touchées. L'histoire présente de la zone du canal Lachine montre bien que la revitalisation de cette zone se fait contre la population locale. Ajoutons à cela le faible taux de logements vacants dans ces quartiers et l'on voit l'effet de relocalisation des couches populaires qu'aura la levée du moratoire. On pourrait presque parler de déportation. D'ailleurs, nous retenons surtout de l'expérience américaine que 58 % des locataires furent évincés lors de la conversion de leur logement.

Cela étant dit, il nous faut cependant admettre que le présent moratoire est à maints égards inefficace et que certaines mesures qui sont proposées dans le document devraient être mises en place le plus rapidement possible sans toutefois remettre en question la présence du moratoire. En particulier, il s'agit de mesures qui ont trait à la reprise de possession et aux réparations majeures. Il nous faut cependant mentionner que toutes ces mesures ne pourront suffire longtemps et qu'il est primordial de mettre sur pied une politique qlobale de l'habitation. Je rends la parole à Pierre Bouchard.

M. Bouchard: II faudrait attaquer cette question du logement de façon globale. En regardant les différents facteurs qui composent la question globale, c'est clair qu'il va falloir augmenter la quantité de logements sociaux qui est présentement insuffisante. Il va falloir hâter la mise sur pied de plusieurs nouvelles unités. La planification de ces logements doit se faire par quartiers de façon à éviter la relocalisation des gens qui en ont besoin. Avant de procéder à la levée du moratoire, il faut mettre en place une autre série de mesures plus complètes que celles proposées par le gouvernement. Par exemple, un programme d'accès à la propriété pour les personnes à faible revenu, en particulier pour les familles, et un programme d'aide pour encourager la création de coopératives d'habitation. Ces mesures seraient garantes d'un plus grand succès lors d'une future levée du moratoire.

Il faudrait aussi un contrôle des impacts sur la taxation municipale. C'est primordial afin de ne pas forcer des augmentations de loyer systématiques dans les quartiers en transformation. Une réglementation de la Régie du logement devrait être instaurée pour contrôler les rénovations nécessitant l'évacuation des locataires. L'objectif de cette réglementation serait de réduire ces évacuations.

Le droit de préemption proposé dans le document du gouvernement libéral constitue une mesure intéressante qui devrait être mise en application lors d'une future levée du moratoire. Enfin, une dernière mesure importante quant à nous. On sait que c'est l'isolement qui est une faiblesse des locataires présentement face aux propriétaires, alors, on devrait avoir un programme d'aide aux regroupements de locataires en plus de leur donner une reconnaissance juridique pour qu'ils puissent agir un peu à la façon d'un syndicat avec les travailleurs et travailleuses envers un employeur si bien que, dans le cas des personnes plus démunies ou des personnes âgées, une association pourrait prendre la relève pour défendre leurs intérêts avec le succès qu'on a pu voir dans le monde du travail sur ces questions.

De plus, afin de minimiser les déplacements involontaires de la population, un permis de transformation ne devrait être accordé que si une majorité de locataires occupant déjà le logement est désireuse d'acheter ces logements. Cette mesure aurait des effets directs pour ralentir la spéculation et la gentrification des quartiers populaires.

En conclusion, la levée du moratoire veut s'imposer, mais, comme on a tenté de le démontrer dans les pages précédentes, les mesures d'encadrement du processus qui nous sont proposées sont nettement insuffisantes. Les clientèles les plus démunies devront faire face à des augmentations de loyer qu'elles ne pourront supporter. De plus, elles subiront des pressions de plus en plus nombreuses visant à les faire quitter leur logement. Ainsi, plusieurs seront évincées non seulement de leur logement, mais de leur quartier.

Nous comprenons par ailleurs que le moratoire est à maints égards inefficace. À cet effet, les mesures valables que nous avons relevées dans le document de consultation ainsi que celles que nous y avons ajoutées devraient être appliquées le plus rapidement possible. Même si l'accès à la propriété doit être facilité et qu'il s'agit d'un objectif que le Parti québécois a toujours mis de l'avant, il ne peut se faire à la défaveur des moins bien nantis. Nous serons donc contre toute levée du moratoire aussi longtemps qu'une politique globale en matière d'habitation ne nous aura pas permis d'assurer à toutes les couches de la population la protection de leur droit à un logement décent, à prix raisonnable, dans le quartier où ils résident actuellement. Merci. (18 h 15)

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le président. Je cède maintenant la parole à M. le député de Nicolet.

M. Richard: Merci de vos commentaires et de votre mémoire. On constate dans un premier temps, et vous le mentionnez, que vous appuyez des mesures qui visent à contrer les failles qui rendent le moratoire

inefficace. Vous en faites la nomenclature et, en fait, c'est te texte intégral du document ministériel. Donc, vous constatez, et je pense que tout le monde est à même de le constater, qu'il y a effectivement des failles dans l'application actuelle du moratoire tel que nous le connaissons.

Vous mentionnez aussi que le moratoire est évidemment inefficace tel qu'il est actuellement et que des mesures valables pourraient enfin permettre au moratoire existant d'être efficace. À ce niveau, vous avez quelques commentaires, par exemple, le programme d'accès à la propriété. Votre nomenclature est plus limitée à ce niveau, je veux dire que vous constatez l'inefficacité. Vous appuyez d'une part massivement ce que le ministre énonce dans son optique ou dans sa suggestion... J'aimerais que vous me précisiez quels sont les gestes précis que vous feriez demain matin.

Mme Chartier: Je pense qu'à cet égard la position de la ville de Montréal hier a été extrêmement pertinente. Les mesures que l'on souhaite voir appliquées avec le moratoire, qui sont proposées dans le document de consultation, sont effectivement souhaitables, mais ne règlent pas tous les problèmes. La position de la ville de Montréal qui disait: Abolissons le moratoire, mais empêchons toute conversion en copropriété est extrêmement pertinente puisqu'elle nous permet d'atteindre nos objectifs qui sont de protéger le locataire d'une façon blindée.

Donc, on est d'accord avec le fait que le moratoire actuel ne permet pas au locataire d'être suffisamment protégé. On est très loin d'être d'accord avec la position du ministre Bourbeau qui dit que pour régler ce problème nous devons lever le moratoire. Nous croyons que l'on doit aller beaucoup plus loin.

M. Richard: Est-ce que vous croyez que la levée du moratoire pourrait être une solution, à long terme du moins, à l'exode des ménages des grands centres urbains?

Mme Chartier: C'est le contraire.

M. Bouchard: C'est le contraire. En tout cas, je crois que cet exode des ménages de Montréal est présentement quelque chose qui est plutôt en résorption. Si cela a été vrai dans les années soixante, soixante-dix, l'expansion de ces banlieues, présentement, avec les coûts de transport entre autres, c'est plutôt le contraire qui se produit. Alors, il y a un retour à la ville présentement qui se fait.

M. Richard: Pour quelle raison? M. Bouchard: Pardon?

M. Richard: Pour quelle raison, le retour à la ville?

Mme Chartier: C'est le fameux droit...

M. Bouchard: Mon Dieu! c'est la question de transport, c'est la question de toutes les commodités, des services que l'on retrouve à Montréal et qu'on ne retrouve pas en banlieue. On ne se remettra pas à reconstruire autant d'hôpitaux, d'universités, de centres culturels. Enfin, je ne vous citerai pas tout ce qu'on a à Montréal.

M. Richard: Cela répond tout à fait à ma question. D'accord. Cela va, en ce qui me concerne. Je ne sais pas si mes collègues ont d'autres questions. Je tiens à vous remercier. Je pense que votre rapport fait beaucoup référence au document ministériel. Je suis d'accord avec vous pour dire qu'il y a des lacunes et qu'on doit trouver des solutions pour améliorer. Merci de vos commentaires.

Le Président (M. Saint-Roch): Tout en respectant l'alternance, je vais maintenant céder la parole à M. le député de Shefford.

M. Paré: Merci, M. le Président. Comme à tous les autres groupes, je vous souhaite la bienvenue. Je suis très heureux de la présentation du mémoire. Vous allez sans doute me trouver un peu partisan, mais je dois vous dire que je suis plutôt beaucoup partisan. Je suis content que le Parti québécois fasse preuve de son souci constant en ce qui concerne le logement et l'habitation. Ce n'est pas nouveau, ce n'est pas d'hier. On se rappellera qu'entre 1970 et 1976 il n'y a eu aucun programme gouvernemental qui a été amené pour l'aide à l'habitation. II y en avait un qui avait été mis sur pied dans le temps de Duplessis et il a été aboli, alors que depuis 1976 - et je pense que c'est bon de le rappeler - il y a eu la création du ministère, il y a eu des programmes qui ont été mis sur pied, qu'on pense à Loginove, qui ont amené finalement les groupes de ressources techniques à être mis sur pied pour être capable d'aider justement les plus démunis à accéder à la propriété sur une base collective.

Il y a eu Logirente. On l'a sauvent entendu dans la bouche du ministre depuis quelques jours, mais c'est un programme qui a été mis sur pied sous l'ancien gouvernement du Parti québécois. On avait aussi un programme d'accès à la propriété, PAAPR, qui n'existe plus, malheureusement. Des programmes de rénovation, que ce soit... Dans l'accès à la propriété, il y a eu Corvée-habitation, dans la rénovation, Loginove et Équerre. Nous, dans l'espace de neuf ans, on a doublé le nombre de HLM qu'il y avait quand on est arrivé au pouvoir

en 1976. Je pense qu'il faut le rappeler à un moment donné. Quand on regarde ce qui s'est passé en 1970 et 1976 et ce qui s'est passé depuis le 2 décembre 1985, on s'aperçoit que c'est dans la même ligne de conduite exactement, c'est-à-dire qu'il y a eu - si on les prenait par ordre d'énumération que j'ai fait - abolition du ministère.

On annonce la fin de l'aide aux groupes de ressources techniques. C'est déjà annoncé. Ce n'est pas dans les heures. C'était dans les annonces du ministre, publiquement, il y a quelques mois. On a aboli le programme d'accès à la propriété. Quand on dit qu'on veut favoriser l'accès à la propriété pour les plus démunis, les classes moyennes, c'est là qu'on dit qu'on doit faire attention à ce qu'on dit. C'e3t ce qu'on fait qui compte en politique. Dans les programmes de rénovation, on a aboli Loginove qui était plus généreux, mais qui permettait de rénover alors que là on est arrivé avec le programme PARCQ qui est beaucoup moins généreux et presque pas applicable. J'avais donné des exemples en commission parlementaire où, dans des municipalités, l'enveloppe budgétaire est de 5000 $. Cela veut dire qu'on peut aider un propriétaire.

Dans les HLM, on n'a pas réussi l'an passé à construire ce qu'on avait annoncé. C'est 800 logements de moins mis en chantier. Un dernier pointt II y a une chose qui ressort, je pense, de façon continuelle dans tous les mémoires qui sont présentés, tout le monde demande une véritable politique de l'habitation, une consultation sur l'ensemble du logement parce que c'est général, ce qu'on est en train de toucher. Tout le monde va être touché par la levée du moratoire si ça se fait, mais cela va se faire d'une façon très sectorielle, segmentée, au lieu de se faire globalement. Ce qui arrive, finalement... Nous, on avait amené le livre vert "Se loger au Québec". On avait fait une véritable consultation. Ce qui est dommage, c'est qu'il n'y ait pas eu de suite à cette démarche qui avait été entreprise, à cette demande qui venait du milieu à ce moment, qui disait que ça prend une table de concertation qui n'a jamais été mise sur pied.

En habitation, le ministre peut poser des gestes dès maintenant, s'il le veut. Entre autres - et c'est une invitation qui a été faite par bien des groupes - qu'il y ait véritablement une table de concertation, ce qui n'a pas été fait. Le ministre pourrait au moins protéger les propriétaires actuels avec les plans de garantie qui ont été votés en 1985 par la loi 53 et qui ne sont toujours pas mis en application alors que le ministre pourrait dès demain le faire s'il le voulait. Il y a des choses qui pourraient être faites maintenant. Ce que vous apportez dans votre mémoire, c'est de dire, finalement, et on l'a entendu dans des mémoires hier: À l'heure actuelle, au moment où on se parle, il y a des gens qui contournent le règlement ou le moratoire pour convertir.

Il y a des mesures qui sont proposées pour arrêter ce contournement. On a offert deux choix. On arrête le contournement, soit par la solution Montréal, soit par la solution que vous amenez présentement, c'est-à-dire que les mesures qui vont arrêter le contournement, on les met en application, mais on maintient le moratoire. Ou, la proposition du ministre actuel qui dit: On lève le moratoire avec des mesures. Mais, en levant le moratoire, cela veut dire que, finalement, on permet la conversion. On n'arrêtera pas le contournement actuel, on n'arrêtera pas les conversions qui se font déjà sur une grande échelle. J'aurais une question à vous poser. Vous proposez de maintenir le moratoire avec des mesures pour arrêter le contournement et il y a une mesure qui est proposée par la ville de Montréal qui est plutôt une loi qui viendrait enlever le droit, sauf exception.

Seriez-vous d'accord avec celle de Montréal ou pensez-vous que c'est la formule que vous proposez qui serait la meilleure?

M. Bouchard: À toutes fins utiles, je crois que la proposition que la ville de Montréal a apportée, d'interdire tout simplement la transformation des immeubles à logements locatifs en condominiums, cela serait en bout de piste la meilleure solution et on arrêterait de se faire une mauvaise conscience en se disant que ce moratoire dure depuis douze ans. Dans le fond, la volonté politique et l'intérêt de la population sont que ces immeubles qui ont une vocation locative gardent leur vocation locative. 5i on veut avoir des logements en copropriété divise, qu'on construise de nouvelles unités. Ne pas changer la vocation des immeubles que l'on a présentement pour pouvoir conserver l'image des quartiers de Montréal et leur composition socio-économique. De ce point de vue, la solution de la ville de Montréal enlèverait toute ambiguïté et freinerait, je l'espère, en partie, la spéculation éhontée qui se fait présentement sur notre population et que, malheureusement, l'incertitude sur cette question de lever le moratoire ne fait qu'encourager.

M. Paré: Vous apportez dans votre mémoire des chiffres qui sont très révélateurs. Vous dites que, dans d'autres municipalités, on prend comme exemple entre autres Paris, on donne les chiffres du nombre de gens en pourcentage qui ont été déplacés... En comparaison, selon vous, est-ce que le 1 % qu'on nous apporte de façon très régulière est réaliste pour l'ensemble du Québec ou spécialement pour Montréal?

M. Bouchard: C'est un chiffre qui est tout à fait illusoire. D'ailleurs, dans le document, on parle de 1 % à 2,5 %, je vous dis cela de mémoire, je ne veux pas faire une bataille de chiffres. Ce fameux chiffre est répandu sur tout le territoire de la région métropolitaine. Or, on sait que la pression pour transformer des immeubles qui sont présentement à logements locatifs en propriété divise n'est pas répartie également sur tout le territoire. Il y a très peu de pression à Rivière-des-Prairies pour des transformations d'immeubles en condos. La pression se fait dans les quartiers qui sont tout près du centre-ville ou au centre-ville. Ces transformations vont augmenter de façon effarante. On est d'autant plus inquiet lorsqu'on sait le nombre restreint de propriétaires, parfois des compagnies à numéros dont on ne sait pas qui est derrière; c'est bien clair que ces compagnies ou ces personnes ont acheté ces maisons au cours des dernières années pour faire un coup d'argent, comme on dit. Le jour où on va lever le moratoire, dans une maison qu'ils ont payée 60 000 $, où il y a cinq logements, on va vendre les cinq logements 60 000 $ chacun. Comme loyer d'argent, c'est réussi. J'appelle cela de la fraude, du vol collectif et je pense qu'aucun gouvernement ne devrait encourager ce vol collectif fait sur le dos des couches les plus démunies à Montréal.

M. Paré: Je dois dire qu'il y a une recommandation que vous avez faite et qu'on n'a pas entendue souvent, c'est la première fois, du moins ici en commission, que je l'entends et je la trouve très intéressante, c'est la reconnaissance des associations de locataires. Je dois dire que cela devrait être envisagé très sérieusement. On a reconnu entre autres dans les universités les associations d'étudiants, dans les cégeps aussi, on a reconnu dans les régions - et je le dis comme cela parce que je viens d'entendre la suggestion - les conseils régionaux de loisirs, les conseils régionaux de la culture où, finalement, on les aide. Et ce que cela fait, c'est qu'au lieu de considérer ces groupes comme des porte-parole de groupes rivaux ou en tout cas conflictuels, cela permet plutôt d'éviter les conflits et cela permet aux groupes de se structurer et d'être capables d'élaborer en concertation des suggestions qui peuvent aider justement le gouvernement à régler des problèmes plutôt qu'à éteindre des feux. Je dois dire là-dessus que je ne sais pas si la suggestion que vous apportez est plus élaborée, mais je pense qu'on se doit effectivement de considérer très sérieusement et rapidement la reconnaissance des associations de locataires et j'espère que le gouvernement va prendre cette suggestion et l'analyser sérieusement et rapidement.

Je ne sais pas si vous avez des commentaires à passer là-dessus, mais c'est une suggestion sur laquelle je tenais absolument à insister de façon précise. (18 h 30)

M. Bouchard: Un commentaire à ajouter, toujours dans la même veine de l'objectif d'offrir une protection blindée. Je pense qu'on se rend compte présentement que le rapport de forces entre locataires et propriétaires est en train de se défaire. Justement, de reconnaître légalement et d'aider ces associations de locataires rétablira l'équilibre. Le fait qu'il y a une plus grande concentration des immeubles aux mains de quelques personnes ou compagnies rend les gens complètement démunis, même si c'est un individu. Si j'ai un immeuble et j'ai besoin de conseils d'avocats pour savoir comment me débarrasser de mes locataires parce que je veux faire telle chose, cela sera même déductible de mon impôt en bout de piste, parce que cela va faire partie des frais que j'ai encourus alors que j'ai des logements. Tandis que le pauvre locataire peut bien s'essayer à l'impôt de déduire ses frais d'avocats pour se défendre s'il a eu besoin de conseils, mais c'est clair qu'il va se faire retourner sa formule et que ce ne sera pas accessible. Même dans la fiscalité, il y a quelque chose d'inéquitable. Si c'est une association, à un moment donné, elle va pouvoir prendre fait et cause pour ces locataires et les personnes âgées. Un propriétaire pourra dire: Bon, pourvu que je vienne à bout d'en tasser trois sur cinq. Ce n'est pas vrai. Même s'il venait à bout de les tasser tous, l'association pourrait représenter ces personnes. Un peu comme cela se fait présentement dans le monde du travail. Là, on va rétablir un équilibre dans le rapport de forces. En tout cas, on n'a pas étudié plus en détail quelles seraient les réglementations; on n'est pas ici pour faire cela. Je pense qu'on a une fonction publique compétente qui pourrait, une fois qu'on lui fixe les objectifs, établir des paramètres autour d'une réglementation.

M. Paré: Ce sera tout pour moi, M. le Président.

M. Bouchard: Hélène voulait apporter quelque chose en complément.

Mme Chartier: Oui. Je pense qu'il faut se fier aux exemples qu'on a vécus récemment. Je pense à Milton Park, dans le comté de Saint-Louis, où un regroupement de locataires a réussi des choses absolument extraordinaires. il y a des loyers qui restent très faibles, une architecture sauvegardée et c'est vraiment le fait qu'ils se soient regroupés qui leur a permis d'atteindre ces démarches. Donc, il faut se fier à des exemples qu'on vient de vivre pour essayer

de faire pareil dans d'autres régions.

M. Bouchard: Sur ce qui se vit présentement sur la rue Overdale et qui fait la manchette des journaux. Quand les gens s'unissent, on voit la force que cela peut donner et on doit favoriser cette union de locataires.

M. Paré: Ce sera tout, M. le Président.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le député de Shefford. Je cède maintenant la parole à M. le député de Sainte-Marie.

M. Laporte: Merci, M. le Président. Je voudrais tout d'abord remercier le Conseil régional de Montréal-Centre pour sa contribution à la commission. Je reviendrai un peu tantôt sur le territoire que vous couvrez au juste pour me donner une image géographique de ce que peut être la composition de Montréal-Centre. J'ai trouvé agréable le commentaire du début du député de Shefford qui nous a fait une mise en garde en disant que ce serait probablement un discours partisan et qu'il ait choisi que les interlocuteurs qui nous entendent soient ainsi. On pourra peut-être l'inviter à faire une communication plus directe avec les membres à ce sujet s'il a un message à faire passer. En tout cas, il m'a semblé que cet élément de cassette... J'avais déjà entendu la litanie.

À tout le moins, pour les fins du débat, et je pense que c'est le but de bien utiliser le temps, j'aurais aimé effectivement m'entretenir un peu avec vous sur le territoire que vous couvrez pour que je puisse bien saisir de quelle partie est composé Montréal-Centre.

M. Bouchard: La région de Montréal-Centre au Parti québécois, ce sont 17 comtés de l'île de Montréal; elle part de Verdun-Saint-Henri et se rend jusqu'au comté de Lafontaine. Vous prenez comme découpage à peu près le boulevard Métropolitain. Il y a des accidents de découpages de carte électorale, mais sans entrer dans les détails. Ce sont 17 comtés de l'est et du sud-est de Montréal.

M. Laporte: Vous avez justement dans cette partie de la population des comtés qui, par rapport à la levée du moratoire... Vous avez exprimé plusieurs réserves. Cependant, en écoutant les diverses propositions que vous amenez, avec quelques modifications que vous proposez, des rénovations majeures d'un à trois mois, des indemnités et autre chose, vous soulignez que vous seriez d'accord avec la mise en place de telles dispositions, mais sans la levée du moratoire. J'aimerais peut-être - c'est un peu, comme on dit, pour fins de discussion avec vous - regarder un peu si ces mesures dans le sens de la bonification ne pourraient pas être assorties d'une levée du moratoire et les motifs sous-jacents au fait de dire: On va prendre peut-être ce qui est bon ou ce qui nous semble bon. Pour le reste, ce sur quoi on est plus ou moins certain ou qu'on ne connaît pas, ce avec quoi on n'est pas d'accord, à tout le moins, on se refuse à aller plus avant. J'aimerais avoir un peu plus de profondeur quant à ces éléments.

Mme Chartier: C'est une période de questions, oui?

M. Laporte: Oui, oui.

Mme Chartier: D'accord, cela va. Écoutez, qu'on ait dit qu'on refusait une partie du document parce qu'on ne la comprenait pas, je crois que c'est une affirmation qui est du moins douteuse, on le faisait en toute conscience de cause. Il nous apparaît essentiel de conserver le moratoire, comme on l'a mentionné précédemment, afin de défendre les locataires. Tout ce qu'on dit dans le document et ce qui entraîne le fait qu'on approuve les mesures que vous suggérez en levant le moratoire pour protéger le locataire, c'est que ces mesures sont inexistantes à l'heure actuelle et qu'elles nuisent au locataire. Donc, il faudrait peut-être raffermir ce qui existe déjà, mais, finalement, cela n'a pas vraiment de lien avec une levée du moratoire. De mettre ces mesures-là, tout simplement en levant le moratoire, ce ne serait pas suffisant. Ce sont des mesures qui sont quand même bonnes, alors, testons-les avec le moratoire; on va voir si vraiment le moratoire va arrêter d'être une passoire. Si vraiment tout fonctionne à 100 %, ce sera tant mieux.

M. Laporte: C'est cela. C'est parce que j'essaie justement de concilier cela. Vous dites effectivement que le moratoire est inefficace...

Mme Chartier: Oui. M. Laporte: ...à l'heure actuelle. M. Bouchard: À certains égards. Mme Chartier: À certains égards.

M. Laporte: En tout cas, que le moratoire est inefficace. Vous semblez souligner que, selon certaines propositions que vous faites, vous seriez d'accord avec l'application des mesures qui sont proposées dans le livre blanc: on va l'appeler ainsi.

La question que je vous pose: Si, effectivement, la carence que vous avez constatée... Selon les propositions que vous

faites, on accorderait cela; donc, qu'est-ce qui empêcherait La levée du moratoire? C'est cela que je veux saisir comme question précise.

M. Bouchard: Ce qui nous fait être contre la levée du moratoire, c'est que, présentement, à Montréal, le stock de logements locatifs est faible. Le taux de vacance dans les quartiers qui vont subir ces transformations est nul, à toutes fins utiles; il n'y a pas de logements vacants. Donc, il ne faut absolument pas toucher à ce stock de logements locatifs, entre autres en levant le moratoire parce que, forcément, on ne peut pas à la fois rendre - je pense que cela tombe sous le sens - un logement en propriété et essayer de nous faire accroire que ce logement, qui avant était à loyer, cela ne fera pas baisser le stock de logements locatifs.

La première chose, il faut protéger le stock de logements locatifs à Montréal, surtout que, dans ce stock de logements locatifs, c'est là qu'on retrouve des loyers, en tout cas pour certains, qui sont encore abordables pour une couche de la population. On doit protéger cela, sinon ces gens, où vont-ils s'en aller? Justement, ce qu'on réclame, c'est d'avoir une politique globale. On pourra lever le moratoire lorsqu'on saura où le pauvre monde, après, va rester. Présentement, tant qu'on n'aura pas une politique globale de l'habitation, le pauvre monde, comme dans le comté de Sainte-Marie que je connais très bien, où va-t-il aller?

M. Laporte: Merveilleux comté, d'ailleurs.

M. Bouchard: Où ces gens vont-ils aller? Ils vont se ramasser en banlieue. On va reproduire ce qu'il y a à Paris présentement. C'est superbe lorsqu'on se promène autour de la Seine, près de Notre-Dame; mais allez voir ce qui se passe dans les banlieues rouges. On va construire des tours pour les parquer loin du centre, loin des services. Je ne veux pas vivre cela à Montréal. On ne peut pas demander à notre population de transformer notre ville comme cela. Évidemment, cela ne se fera pas demain matin, mais on doit immédiatement bloquer ce mouvement qui s'amorcerait.

Donc, le parc de logements locatifs, où il y a encore des logements à prix raisonnable, pour préserver la composition socio-économique de ces quartiers, ce qui fait sa beauté, sa richesse et qui attire même du tourisme américain, on doit conserver cela. il y a toute une culture dans ces quartiers. En complément?

Mme Chartier: Oui, juste un petit complément. On dit que le moratoire est inefficace. Effectivement, à maints égards, il est inefficace, mais il ne faudrait pas non plus croire qu'une levée du moratoire n'amplifierait pas le phénomène. C'est-à-dire qu'il y a des locataires qui, à l'heure actuelle, sont lésés, mais l'on croît qu'avec une levée du moratoire les tendances à la spéculation vont de beaucoup grossir. Donc, on dit: Conservons le moratoire. Les mesures que vous proposez ne seront pas suffisantes pour empêcher les spéculateurs d'agir rapidement, mais on dit quand même que les mesures sont souhaitables et intéressantes; donc, mettez-les en application parce qu'elles vont permettre de blinder les locataires qui sont quand même, à certains égards et dans une façon qui est probablement minime par rapport è ce qui se produirait s'il y avait levée du moratoire, quelquefois affectés. Donc, mettons les mesures de façon à vraiment les blinder au maximum et peut-être même allons dans le sens de la ville de Montréal où on abolirait complètement la transformation des immeubles en copropriété, mais ne levons pas pour autant le moratoire parce que les effets de spéculation vont de beaucoup grossir.

M. Laporte: Une petite dernière. Il y a plusieurs associations qu'on a entendues depuis hier matin et qui venaient des régions que vous représentez; elles nous ont fait part un peu des pressions exercées sur elles comme vous le mentionnez dans votre document. À la lecture du mémoire que vous avez, je n'ai pas constaté soit des propositions ou des guides. Je ne sais pas si vous avez une réflexion ou des propositions à nous faire par rapport à cette situation qui nous a été décrite.

M. Bouchard: Sur la question du harcèlement fait...

M. Laporte: Ou harcèlement, de la pression, c'est cela.

M. Bouchard: ...de la pression. D'une part, on savait que certaines associations vous en parleraient beaucoup. Par ailleurs, on a surtout visé à mettre en lumière qu'il ne faut pas mettre en place un contexte qui va favoriser ce harcèlement. Évidemment, il y a quelque chose de bien difficile: se faire téléphoner à deux heures de la nuit, se faire couper le chauffage, recevoir des visites impromptues, se faire invectiver de bêtises sur la rue; comment voulez-vous légiférer à un moment donné sur cela? Il y a quelque chose qui devient pratiquement impossible. C'est d'aller aux raisons qui font qu'il y a ce harcèlement. Alors, le propriétaire qui a soif d'un gain important en pouvant vendre ses logements en propriété divise, si on lui enlève cette possibilité de faire ce gain excessif, cela va être quoi les raisons qui

vont lui rester de faire du harcèlement? Quand on parle de ne pas mettre sur place des mesures qui favorisent le harcèlement, je pense que c'est plutôt sur cela que dans le mémoire on a voulu se pencher. Sur les autres façons de faire, je crois qu'il y a d'autres groupes qui vont vous le dire. On n'a pas examiné cela plus en profondeur.

Mme Chartier: Je crois qu'il est important de partir de la prémisse que ce ne sont pas la plupart des locataires qui vont être soumis à du harcèlement qui vont aller se plaindre. Il va toujours rester majoritairement une grande quantité de personnes qui vont être mal informées et qui n'auront donc pas recours aux moyens de pression auxquels elles auraient droit. Donc, ce qu'il faut viser comme gouvernement, selon nous, c'est vraiment de minimiser les contextes favorisant le harcèlement beaucoup plus que d'essayer...Des mesures qui vont permettre aux gens de se protéger, c'est très bon, mais cela n'aura pas un effet parfait. Donc, il faut vraiment viser à minimiser les contextes favorisant le harcèlement.

M. Bouchard: En dernière analyse, si on regarde dans l'épigraphe que vous aviez au début du mémoire, elle conclut en disant: 11 est temps de fuir. J'espère qu'on ne poussera pas les gens à arriver à cette conclusion que leur seule porte de sortie, c'est de fuir.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le député de Sainte-Marie. M. le député de Nicolet, en conclusion.

M. Richard: En conclusion, je pense que vous avez un excellent mémoire. C'est bien de constater qu'il n'était pas teinté de partisanerie. C'était excellent. Merci au nom de mes collègues d'avoir présenté ce mémoire à la commission.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le député de Nicolet. M. le député de Saint-Jacques, en conclusion.

M. Boulerice: Bien, écoutez, j'aurais presque le goût de faire une phrase méchante. Quand on avait demandé tantôt: Quelle première mesure y a-t-il à prendre, moi, j'ai suggéré: Changer de ministre. Je vois que le député de Nicolet a des appréciations d'une objectivité qu'on lui connaît. Je vais quand même le féliciter.

Je veux d'abord, M. le Président, Mme Chartier et Mme Laferrière, voua remercier d'avoir été présents ici à cette commission. Je me réjouis et vous comprenez qu'il y a chez moi une part de très grande fierté et également quand même une certaine nostalgie de voir que la région Montréal-Centre du Parti québécois est toujours aussi fidèle à sa tradition militante et surtout socialement très engagée. On le voit à la lecture de votre mémoire. D'ailleurs, je pense que c'est notre formation politique qui a été la première au Québec à permettre à l'une de ses instances d'intervenir en commission parlementaire de façon distincte de son aile parlementaire. Cela a toujours été Montréal-Centre qui a été l'instance privilégiée pour venir intervenir dans les commissions parlementaires avec toujours, et je le répète, un discours socialement très engagé. Je me rappelle celui sur le travail; je me rappelle également celui qui avait été fait sur la protection de la langue.

Vous avez effectivement présenté un mémoire d'une très grande qualité. C'est dommage que le ministre n'y soit pas. J'ose espérer que son collègue, le député de Nicolet, pourra être "porte-voix" de ce que vous avez dit et lui rapporter fidèlement ce que vous nous avez dit. Vous avez suggéré au ministre, au lieu des panacées ou de cette expression typiquement québécoise qu'on appelle "mettre un "plaster" sur une jambe de bois", d'attaquer le mal à sa racine puisque c'est le fondement de votre intervention. J'aurais aimé que le ministre écoute cela et j'aurais aimé aussi que vous lui disiez: Oui, un blindage, mais on blinde avec du balsa. Vous savez, c'est ce bois qu'on emploie dans les films quand on casse les chaises sur la tête du mauvais cowboy. Il y a une différence entre un blindage en baisa et un blindage en plomb, en fer ou en acier. Actuellement, le document qui nous est présenté par le ministre n'est pas un blindage vraiment blindé, c'est du balsa qui pourrait être très facilement défoncé, mais ce sera au détriment, M. le président, des 17 circonscriptions électorales que vous représentez...

Le Président (M. Saint-Roch): En conclusion, M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: ...17 circonscriptions dont 6 ont été très sauvagement attaquées en ce qui a trait à l'habitation au début des années soixante-dix, par la construction de l'autoroute Ville-Marie où on a chassé une dizaine de Montréalais. C'était un stock de logements qui étaient "rénovables". On les a chassés je ne sais où malheureusement et c'est ce qu'on veut éviter à l'avenir et vous nous le soulignez de façon très pertinente. Encore une fois, je vous remercie, je vous félicite et continuez.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le député de Saint-Jacques. De brèves remarques de conclusion, M. le président.

M. Bouchard: Écoutez, cela va être trè3 bref. Je crois que, comme parti politique, c'est sûrement un dénominateur commun que nous avons ici autour de la table: On doit,

avant tout, servir la population et plus particulièrement les plus démunis et je croîs que d'un côté et de l'autre de ce triangle présentement le même objectif était visé et j'espère qu'on va avoir la volonté politique de ne pas lever ce moratoire, mais, au contraire, d'empêcher les gens qui ont trouvé les moyens de le contourner pour, bien souvent, faire des profits excessifs et mettre à la rue des gens qui, en bout de piste, n'ont que nous comme ressources pour les défendre.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie de votre contribution aux travaux de cette commission. Avant de suspendre nos travaux, j'aimerais attirer l'attention des membres de la commission sur ceci: nous avons un horaire extrêmement chargé ce soir. Nous avons cinq organismes à rencontrer. Alors, j'aimerais avoir la collaboration de tous les membres: vous devez être présents pour que nous puissions commencer à 20 heures. Alors, sur ceci la commission suspend maintenant ses travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 48)

(Reprise à 20 h 7)

Le Président (M. Saint-Roch): La commission de l'aménagement et des équipements reprend maintenant ses travaux pour poursuivre les auditions et sa consultation générale portant sur la levée du moratoire sur la conversion des immeubles locatifs en copropriété divise.

Rassemblement des citoyens et citoyennes de Montréal

Je demanderais maintenant au Rassemblement des citoyens et citoyennes de Montréal de prendre place, s'il vous plaît! Permettez-moi, dans un premier temps, de vous souhaiter la bienvenue à la commission de l'aménagement et des équipements. Je demanderais à Mme Hélène Côté de présenter la personne qui l'accompagne, s'il vous plaîti

Mme Côté (Marie-Hélène): Oui, je suis accompagnée de M. Benoît Lafortune, membre de l'exécutif à titre de conseiller au programme.

Le Président (M. Saint-Roch: Merci. Alors, j'aimerais vous rappeler que nous avons un horaire trè3 chargé ce soir et que nous vous allouons quinze minutes pour présenter votre mémoire. Je vous cède maintenant la parole.

Mme Coté: M. le Président, M. le ministre, membres de la commission, le RCM a toujours été et est encore très préoccupé par le problème du logement à Montréal. Or, la décision du gouvernement du Québec de lever le moratoire sur la conversion d'immeubles locatifs en copropriété divise aura un impact certain sur cette situation. L'augmentation spectaculaire des coûts de la valeur marchande et de la valeur locative des immeubles au centre-ville et en périphérie du centre-ville a déjà contribué grandement à modifier le parc locatif à Montréal. De 1957 à 1979, 140 000 personnes ont dû quitter leur logement par suite de la démolition ou de la restauration d'immeubles locatifs.

Par ailleurs, une enquête effectuée par le Laboratoire de recherche en sciences immobilières nous apprend que, dans les quartiers du Plateau-Mont-Royal, de Papineau et de Mile-End à Montréal, c'est 90 % des gens qui sont dans le quartier depuis moins de deux ans qui habitent les logements rénovés. Le loyer, après restauration, y est en moyenne de 38 % supérieur à ce qu'il était avant les travaux. De plus, dans 67 % des cas, la restauration s'est soldée par la conversion du logement en copropriété. Avec la levée possible du moratoire sur la copropriété divise, il faut s'attendre que ce soit de 20 000 à 50 000 ménages qui soient touchés et donc forcés de se déplacer. Pour cette raison, le RCM croit qu'il est prématuré de permettre la conversion des immeubles locatifs en copropriété divise.

Le RCM recommande plutôt à la commission parlementaire d'empêcher toute conversion des immeubles locatifs en copropriété divise, du moins jusqu'à ce que le gouvernement du Québec ait élaboré des programmes d'aide qui favorisent l'accès à la propriété des ménages à faible et moyen revenu, tout en laissant le choix aux locataires de leur mode d'habitation.

Le mémoire présenté par le RCM en mars 1985 sur le livre vert du gouvernement québécois, Se loger au Québec, résume assez bien le point de vue de notre parti sur la situation montréalaise en matière d'habitation. Cette situation peut être circonscrite par les paramètres suivants: Montréal reste une ville de locataires où les modes d'occupation des logements évoluent lentement. Ainsi, environ 75 % des Montréalais sont locataires, cette proportion ayant peu bougé au cours des 20 dernières années.

Le statut de locataire est trop souvent assorti à une très grande insécurité pour les ménages. Cela est particulièrement vrai dans les zones du centre-ville et celles limitrophes à celui-ci où la spéculation immobilière, la conversion des modes d'occupation et la restauration sévissent avec une très forte intensité.

Les programmes de restauration con-

duisent trop souvent à des modifications à la hausse des loyers et provoquent un effet d'éviction qui, lui-même, favorise des hausses de loyer plus substantielles encore.

Les personnes déplacées se retrouvent prisonnières d'une situation qui tend le plus souvent vers une qualité inférieure de leur condition de logement et ce, à des coûts plus élevés.

L'ensemble des politiques gouvernementales d'accès à la propriété favorisent surtout le logement de luxe, et le logement locatif a tendance è être remplacé par des logements sis dans des immeubles achetés en copropriété, ceux-ci étant hors de prix pour une vaste majorité de la population. D'autre part, ces interventions ont eu pour effet de faire grimper les loyers, l'évaluation foncière et les taxes.

Le moratoire de 1975 sur la conversion de logements locatifs en copropriété divise n'a pas eu les effets escomptés, les immeubles de cinq logements et moins n'étant pas réglementés, soit 50 % du stock de logements. Ainsi, plus de 10 000 unités auraient été converties de cette façon à Montréal, selon le livre vert dont il est fait mention plus haut.

Jusqu'à maintenant, les politiques gouvernementales en matière d'habitation n'ont pas tenu compte des besoins des Montréalais et Montréalaises, ni exploré toutes les formes de solution susceptibles de répondre à ces besoins: par exemple, les coopératives d'habitation, les organismes à but non lucratif, les HLM (en diversifiant leurs modes de réalisation), l'intégration des programmes gouvernementaux à tous les niveaux, etc.

Le RCM, à la fois dans son programme et dans le mémoire présenté en réponse au livre vert Se loger au Québec" a formulé les principes qui doivent guider toute intervention en matière d'habitation au service de la population montréalaise. Ces principes peuvent être regroupés de la façon suivante: assurer à chacun et chacune le droit de bénéficier d'un logement convenable, à un prix respectant sa capacité de payer; promouvoir le droit au maintien des locataires dans les lieux; promouvoir l'exercice effectif du droit au logement sur son territoire. Cette contribution devant permettre la démocratisation de la gestion du logement; améliorer la qualité des logements et satisfaire les besoins en logements nouveaux, à loyer modique ou modéré; maintenir un secteur locatif viable; offrir des services d'information visant à sensibiliser la population à son droit au logement, aux formes d'aide disponible, tout en l'incitant à acquérir un meilleur contrôle de son milieu de vie par le biais, notamment, de la propriété collective; établir une réglementation pour contrer l'utilisation de l'habitation comme véhicule de placement à des fins purement spéculatives.

Les principales lacunes du moratoire sont suffisamment connues et clairement identifiées, je ne ferai que les citer: les propriétaires-convertisseurs utilisent notamment l'avis de réparations majeures et la reprise de possession pour signifier aux locataires leur éviction temporaire ou définitive; le moratoire ne permet pas d'atteindre certains objectifs d'origine, notamment pour le renouvellement du parc locatif et l'implantation d'une politique générale d'accès à la propriété comprenant des logements à prix modique pour certains ménages et, aussi, de nouveaux programmes d'aide au logement social. Les objectifs moteurs de la mise en oeuvre du moratoire sur la conversion des immeubles locatifs sont donc visiblement contournés. Une intervention rapide est indispensable pour atteindre les objectifs communs à l'ensemble des intervenants dans le domaine de l'habitation.

Bien que le gouvernement du Québec vise dans son document des objectifs fort louables: accès à la propriété des ménages à revenu faible ou moyen, droit illimité du maintien dans les lieux des locataires au moment de la conversion, protection accrue pour les acquéreurs, nous doutons fortement que les effets pratiques prévisibles de cette proposition correspondent aux objectifs recherchés. En effet, dans la dynamique actuelle du logement à Montréal, il est plutôt à* prévoir une ségrégation sociale qui rejette en périphérie ou dans la banlieue souvent mal équipée, ceux et celles qui ne peuvent plus se payer une existence dans plusieurs quartiers du centre-ville. C'est un problème crucial de notre temps, dont la solution exige la conjonction de plusieurs moyens, à savoir, avant tout, des efforts pour permettre de trouver dans un même quartier des logements correspondant aux diverses catégories de revenus, à la fois par une action directe de la municipalité et du gouvernement auprès des investisseurs et par le recours aux possibilités souvent mal connues des zones d'aménagement désignées, mais, en outre, un effort pour la réalisation d'habitations collectives qui constituent un moyen efficace d'atténuer la ségrégation sociale. (20 h 15)

La décision de lever ou non le moratoire sur la conversion des immeubles locatifs joue donc un rôle extrêmement important sur les orientations à venir dans le domaine de l'habitation. Si le gouvernement persiste à aller de l'avant avec l'ensemble de sa proposition contenue dans le document, il faut prévoir que les mises en place et les fusions progressives de groupes d'acheteurs risquent de faire tache d'huile à la fois au niveau des habitations comprenant cinq logements et plus, ainsi qu'au niveau des quatre logements et moins où la conversion des immeubles locatifs en copropriété indivise est

déjà fort répandue.

En lieu et place des intentions du gouvernement contenues dans le document Lever le moratoire: une décision qui s'impose, le RCM veut soumettre à la discussion quelques mesures favorisant la protection des locataires, tout en permettant l'accès à la propriété par d'autres formes que la levée du moratoire. Afin de faciliter l'accession à la propriété aux locataires, le RCM suggère que le gouvernement du Québec accorde une aide tenant compte du revenu des ménages pour l'accès à la propriété des ménages à faible et moyen revenu. Le RCM croit aussi que le gouvernement du Québec devrait attribuer des fonds de roulement à des organismes sans but lucratif pour acheter et revendre à leurs occupants des immeubles d'habitation. Le gouvernement du Québec pourrait, de plus, envisager des mesures d'aide aux propriétaires occupants en difficulté financière afin de leur permettre de demeurer dans leur logement.

Au RCM, nous croyons qu'il est primordial que le gouvernement du Québec adopte des mesures législatives et réglementaires pénalisant la transaction ou la conversion d'immeubles locatifs comme véhicule de placement à des fins purement spéculatives, ou bien qu'il permette à la ville de Montréal de procéder à l'adoption de telles mesures.

À cet effet, le RCM suggère l'imposition d'une taxe sur la plus-value spéculative dont le produit pourrait servir à la création d'un fonds attribué au financement de logements à prix abordables et à des programmes de logements sociaux. Dans le même sens, le RCM demande aussi au gouvernement du Québec d'accorder à la ville de Montréal le pouvoir d'exiger un droit de conversion de la part des propriétaires qui vendent des logements locatifs en copropriété; ces sommes pourraient aussi être versées dans un fonds municipal de soutien à l'habitation collective. De l'avis du RCM, l'application du code d'habitation ne devrait pas entraîner des hausses de loyer excessives, ni l'éviction du locataire, ni la résiliation du bail. Si des travaux de réparation majeurs étaient effectués sur un bâtiment, la reconnaissance d'un droit illimité d'occupation au locataire ou d'une garantie de "réaccession" aux locataires concernés par la restauration de leur logement devrait s'appliquer.

À cet effet, la Régie du logement pourrait voir au contrôle de l'utilisation et de la qualité des travaux d'aménagement du logement restauré. Elle pourrait aussi accorder le droit aux locataires de contester l'opportunité des travaux devant ta régie. Par ailleurs, en accord avec la proposition du document Lever le moratoire: une décision qui s'impose, le RCM suggère de porter immédiatement de 30 à 90 jours le délai de l'avis d'évacuation d'un logement aux fins d'exécution de travaux ou d'améliorations majeures.

Le RCM est d'avis que l'accroissement du parc de logements disponibles est lié à la protection du parc locatif. En ce domaine, comme pour contrer la spéculation excessive, le RCM croit qu'il faut réviser la fiscalité pour accroître l'incitation à l'entretien des immeubles locatifs. En cette matière, le RCM pense qu'il faut porter une attention particulière aux problèmes de logement que connaissent les familles monoparentales et les retraités. Le RCM est convaincu qu'il serait utile de développer de nouvelles solutions quant aux problèmes de logement que connaissent ces deux groupes de population en favorisant, par exemple, l'adaptation ou la subdivision de logements locatifs.

En ce qui a trait à la reprise de possession, le RCM propose que les frais de déménagement ainsi que la compensation pour les améliorations apportées au logement par le locataire soit réputé faire partie des compensations exigibles dans tous les cas de reprise de possession d'un logement.

Peu importe le scénario retenu par le gouvernement, il est indispensable de revoir le rôle de la Régie du logement. La situation actuelle comporte trop de voies d'évitement. L'accroissement des services rendus par la régie, tel que proposé par le ministre, ne peut être en effet qu'une phase transitoire, car le rôle à remplir va nettement au-delà de la somme de ses attributions traditionnelles. Il est donc nécessaire de revoir la loi même de la Régie du logement afin de définir et de préciser ses pouvoirs dans le cadre d'une véritable politique du logement et d'y inclure une réglementation actuellement traitée de façon très insuffisante.

La prise en charge de ces attributions nouvelles par la régie imposera un effort d'adaptation important. En vue de le faciliter, il paraît nécessaire de profiter de la mise en place d'une nouvelle organisation des services pour porter remède aux principaux défauts de la situation actuelle et corriger les abus qui surviennent lors du contournement des mesures en place.

Le gouvernement du Québec, en instituant une commission parlementaire sur la conversion des immeubles locatifs, a ouvert la porte à des modifications plus importantes qu'il pourrait entreprendre dans le domaine de l'habitation. Il a à son actif un portrait précis du contournement des mesures visées par te moratoire. De plus, les enjeux de la levée du moratoire et l'Impact de cette décision mobilisent suffisamment les passions populaires pour que le gouvernement tienne compte des opinions exprimées à votre commission parlementaire.

Les voies et moyens pour remédier à la situation sont nombreux et ne sont pas étrangers à la décision de lever ou non le

moratoire. Pour le RCM, c'est en effet dans la mesure où les administrations municipales et le gouvernement du Québec se mettront d'accord sur un ensemble de mesures touchant l'habitation que le temps de la concertation succédera aux années d'hésitation.

Dans son programme politique, tout comme dans les priorités administratives que la population montréalaise a été à même de sanctionner lors de la dernière élection, le RCM propose des mesures pour enrayer le déplacement des populations et accroître l'accès à la propriété. Ces mesures comprennent: une aide gouvernementale aux propriétaires occupants en difficulté financière; une réglementation pour atténuer la spéculation immobilière; la reconnaissance d'un droit illimité d'occupation aux locataires concernés par les travaux de réparation majeurs; le droit de contester l'opportunité de ces travaux et un accroissement du pouvoir de contrôle de la régie; une révision de la fiscalité pour accroître l'incitation à l'entretien d'immeubles locatifs; une rétribution plus juste aux locataires lorsqu'il y a reprise de possession; une redéfinition du rôle de la Régie du logement afin d'y inclure une réglementation permettant de contraindre les voies de contournement actuelles; l'élaboration d'une véritable politique d'habitation au Québec. Après cela, mais alors seulement, il sera temps d'entrevoir la levée du moratoire sur la conversion des immeubles locatifs. Merci de votre attention.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, madame. M. le ministre.

M. Bourbeau: Oui, M. le Président. Il me fait plaisir de souhaiter la bienvenue aux représentants du Rassemblement des citoyens et citoyennes de Montréal. Tel que le veut la coutume lors de ces comparutions, je présume que vous n'aurez pas d'objection à nous dire quel est le nombre de membres que contient votre parti politique pour que l'on puisse évaluer votre représentativité.

Mme Côté: À l'heure actuelle, on sort à peine d'une campagne de financement. On a profité de cette campagne de financement pour faire une période de recrutement et un peu de ménage dans les listes. Je demanderais au coordonnateur du parti les derniers chiffres puisque ce n'est pas encore complété. On parle d'à peu près 20 000 à l'heure actuelle.

M. Bourbeau: 20 000? Bon! Et la campagne de financement, cela va bien?

Mme Côté: très bien, c'est un succès total. On a atteint nos objectifs...

M. Boulerice: Cela ne coûte pas une cenne... du maire.

Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous plaît!

Mme Côté: Les objectifs ont été atteints...

M. Bourbeau: Cela va mieux après les élections qu'avant, n'est-ce pas?

Mme Côté: Vous pensez?

M. Bourbeau: En fait, je ne dirais pas cela. Cela allait bien avant les élections aussi pour nous. Trêve de plaisanterie, votre mémoire est intéressant, d'autant plus que vous représentez la branche militante, si je puis dire, du gouvernement au pouvoir à la ville de Montréal. Dans votre mémoire, vous traitez, bien sûr, des sujets qui nous intéressent et vous suggérez que le gouvernement du Québec accorde une aide pour l'accès à la propriété aux ménages à faible et moyen revenu. Cette aide tiendrait compte du revenu des ménages. Parlez-vous d'une aide pour l'ensemble des ménages sous toutes les formes de propriété ou si vous faites référence à la forme de la copropriété, par exemple, quand vous parlez de cette aide?

Mme Côté: Dans le contexte du mémoire, je considère que l'on parle de la copropriété.

M. Bourbeau: Une aide pour les ménages qui voudraient accéder à la copropriété.

Mme Côté: Ce qui n'exclut pas la nécessité d'un programme et, effectivement, quand on parle de politique globale de l'habitation, dans ce contexte-là, le gouvernement du Québec devrait offrir une aide pour l'accès à la propriété de l'ensemble des ménages à faible et moyen revenu.

M. Bourbeau: Dans le cadre de la conversion en copropriété, voulez-vous dire?

Mme Côté: Dans ce contexte-ci, nous nous opposons à la conversion en copropriété.

M. Bourbeau: Si vous vous y opposez, comment peut-on leur venir en aide, s'il n'y a pas de conversion?

Mme Côté: N'est-il pas possible que l'accès à la propriété se fasse sur un autre mode?

M. Bourbeau: Ah bon! C'est la question que je vous posais alors, je vous demandais:

Est-ce que c'est dans le cadre de la conversion que vous suggérez des formules d'aide ou est-ce sous un autre mode de propriété?

Mme Côté: D'autres modes d'accès à la propriété. Quand on demande une politique globale, c'est pour permettre l'accès à la propriété de façon réelle et on doute de la possibilité d'atteindre les objectifs d'accès à la propriété par la levée du moratoire. On maintient la nécessité de favoriser cet accès à la propriété auprès des ménages à faible et moyen revenu par un programme d'aide financière adéquat,

M. Bourbeau: Évidemment, vous stipulez les ménages à faible et moyen revenu. Qu'entendez-vous par des ménages à faible et moyen revenu, en termes d'argent?

M. Lafontaine: Si vous me permettez, je vais répondre. Si on regarde l'ensemble des mesures du gouvernement actuellement, on se rend compte qu'il y a une aide ou un nouveau programme qui a été mis sur pied peut-être pour les ménages ayant des revenus de 16 000 $ et moins. Par contre, entre tes 16 000 $ ou 17 000 $ et 25 000 $ ou 30 000 $, on se rend compte qu'il y a comme un vide, un "gap", et qu'il n'y a pas de mesures favorisant ce type de ménage. Quand on parle de faible et moyen revenu, selon les statistiques, en général, on entend environ 20 000 $ pour une famille de deux enfants et deux adultes comme équivalant à peu près au seuil de la pauvreté. Il faudrait donc qu'on parle à peu près de 35 000 $ et moins pour le revenu moyen, de 25 000 $ à 35 000 $, et un peu moins, donc, en deçà de ce montant pour les ménages à faible revenu.

M. Bourbeau: Si vous étiez au gouvernement, à ma place, disons, que vous aviez une certaine somme d'argent à dépenser pour des subventions aux ménages et que voua aviez à choisir entre venir en aide aux ménages à faible revenu ou aux ménages à moyen revenu, lesquels choisiriez-vous?

M. Lafortune: Je pense qu'il n'y a pas de choix comme tel, il faut aider les deux. Il y a différentes formes d'habitation, il y a différents programmes qui peuvent être mis sur pied. Je ne pense pas que des mesures peuvent en exclure d'autres; je pense que les deux peuvent se faire. Ce qu'on constate avec la levée du moratoire, c'est qu'il nous semble... En tout cas, l'analyse qu'on fait au RCM, ce serait de faciliter l'acquisition de logements à des ménages qui ont déjà les moyens probablement d'acquérir un logement. Alors, on ne voit pas dans votre document de programme, de méthode, de moyen aidant ces ménages à faible et moyen revenu et c'est dans ce cadre-là qu'on s'oppose à la levée du moratoire sans d'autres programmes. Je pense que c'est au gouvernement de proposer des solutions.

M. Bourbeau: Oui, mais, dans votre document, justement, au chapitre de l'accès à la propriété et de l'aide aux locataires, vous faites état de votre demande au gouvernement de venir en aide aux ménages à faible et moyen revenu. Entre autres, dans l'une de vos propositions, vous dites que le gouvernement pourrait attribuer des fonds de roulement à des organismes sans but lucratif pour acheter et revendre à leurs occupants des immeubles d'habitation. Dans votre esprit - encore là, il s'agit d'aide gouvernementale - ces occupants qui achèteraient, si je puis dire, de l'organisme à but non lucratif... L'organisme achèterait l'immeuble et le revendrait aux occupants. Cette revente se ferait-elle sur une base individuelle, à chaque occupant qui achèterait son logement? C'est ce que vous avez en tête, je présume?

M. Lafortune: II y a différentes formules, encore là. J'imagine que l'administration montréalaise vous en a parlé, il y a présentement des projets pilotes de sociétés acheteuses qui peuvent permettre à la fois la mise sur pied de coopératives d'habitation, mais qui pourraient aussi bien permettre l'acquisition individuelle de logements. Disons que, pour l'instant, la formule est plus utilisée, le projet pilote est plus développé dans le sens de la coopérative d'habitation, mais je pense qu'il n'y a pas de problème ou de limite à l'utilisation de cette formule.

M. Bourbeau: Évidemment, si la revente se fait sur une base individuelle, logement par logement, il faut qu'on lève le moratoire et qu'on permette la conversion parce que, là, vous parlez d'immeubles qui vont être achetés et revendus en copropriété à des acheteurs individuels. (20 h 30)

Mme Côté: Je pense que c'est une formule qui fait l'objet d'un projet pilote et qu'on devrait la revoir et la réévaluer. C'est une proposition, c'est une idée qui est émise. Je pense qu'il faudrait réévaluer le cas et voir ce que cela signifie.

M. Bourbeau: Non, mais il faudrait quand même être rigoureux. Si vous nous proposez de financer, de venir en aide à des gens qui vont acheter individuellement des logements, vous devez être assez logiques pour admettre que cela va prendre la conversion en copropriété; sans cela, cela ne peut pas se faire.

M. Lafortune: Ce que j'ai dit, c'est que

les projets actuels de sociétés acheteuses sont élaborés en fonction de coopératives. Ce que j'ai dît, c'est qu'il serait passible d'entrevoir d'autres formules, mais }e pense que la ville de Montréal a dit sensiblement la même chose, qu'elle était contre la conversion, sauf exceptions, donc si une majorité de locataires sont intéressés à acheter la bâtisse. Je pense que cela va tout à fait dans ce sens-là et cela n'empêche pas de ne pas lever le moratoire, mais ce sont des situations d'exception. Ce sont des projets pilotes, de toute façon, qui existent, je ne pense pas que ce soient des projets généraux. Ce ne sont pas des mesures gouvernementales, en tous les cas.

M. Bourbeau: Alors, là, on tomberait dans les cas d'exception dont parlait la ville de Montréal où on pourrait permettre la levée du moratoire et la conversion.

M. Lafortune: Je ne pense pas que ce soit cela tout à fait, mais enfin...

M. Bourbeau: Oui, la ville parlait de cas d'exception, des cas où les locataires, par exemple, étaient intéressés à acheter.

Vous nous dites que, dans ces cas-là, on pourrait venir en aide à la société à but non lucratif pour lui fournir un fonds de roulement, mais, dans ces coopératives-là, puisqu'on parle de coopératives, forcément, les gens ne sont pas tous des démunis, on connaît des coopératives où il y a des professeurs d'université. Il y en a ici pas loin qui gagnent 50 000 $, 60 000 $ par année ou des gens qui ont de très forts revenus. Ne trouvez-vous pas cela un peu exorbitant que le gouvernement vienne en aide par un fonds de roulement à des sociétés, leur donne des centaines de milliers de dollars pour acheter des immeubles et les revendre à des occupants qui ne sont pas nécessairement des gens démunis, qui pourraient être des gens ordinaires, avec des revenus ordinaires?

Mme Côté: Moi, ce que je pense, c'est qu'on a un cas d'exception, ou, en tout cas, qu'on a un exemple devant nous et qu'en réalité la teneur du débat à l'heure actuelle est de savoir si la levée du moratoire va permettre un accès plus grand à la propriété des ménages à faible et moyen revenu. Or, je pense que le cas n'est pas d'évaluer la participation individuelle aux coopératives, la question serait de savoir si, dans le cas qui nous occupe, à savoir le cas des coopératives, on ne fera pas l'évaluation ou le procès des catégories économiques, des participants aux coopératives ici.

M. Bourbeau: Non, je veux bien ne pas faire le procès, mais c'est important parce que, quand on investit des fonds publics, il faut s'assurer qu'ils sont investis - enfin, les subventions - à l'égard des gens qui sont parmi les moins favorisés de la société. Je ne pense pas que la société accepterait que le gouvernement accorde des subventions à des gens, même s'ils sont à l'intérieur de la formule coopérative, qui gagnent 40 000 $, 45 000 $ par année. Je donne à titre d'exemple Milton Park ici - on est juste à côté - bien, à Milton Park, il y a 4 % des gens qui gagnent en haut de 40 000 $ par année qui ont eu des subventions gouvernementales. Moi, je trouve cela inacceptable que des subventions gouvernementales soient utilisées par des gens qui gagnent plus de 40 000 $ par année.

Il y en a 11 % qui gagnent plus de 30 000 $. Encore là, on peut se poser la question: Est-ce que les rares fonds que possède le gouvernement pour l'habitation ne devraient pas - et je vous pose la question parce que vous êtes dans ce domaine-là -être vraiment ciblés vers les éléments les plus démunis de la société, selon l'esprit de l'entente que nous avons signée récemment avec le gouvernement du Canada qui favorise nettement les gens les plus démunis de la société?

Mme Côté: Quand on parle de zones désignées, ce seraient des cas à évaluer, à voir. En fonction de ce qu'on définirait comme zone désignée, j'ai l'impression qu'il y aurait des critères à établir et c'est pourquoi je disais tout à l'heure qu'on ne peut pas uniquement se fier à ce type de cas-là pour évaluer les objectifs d'accès à la propriété de la levée du moratoire, par exemple, mais je suis d'accord avec le type de préoccupations que vous apportez. Je n'ai pas de solution à l'heure actuelle, mais je pense que le principe et l'idée de fonctionner par zone désignée permettraient d'évaluer des cas comme ceux-là.

M. Bourbeau: Quand vous parlez de zone désignée, vous parlez d'une zone géographique ou d'une strate de revenus des bénéficiaires?

Mme Côté: Je pense qu'il s'agirait de zones géographiques, en recoupant probablement cela avec des catégories de revenus.

M. Bourbeau: Si je m'évertue à parler de cela, c'est que dans votre texte, quand vous parlez des ménages à moyen revenu, pour les ménages à faible revenu, j'embarque d'emblée là-dedans et, par tous nos programmes, on tente au maximum de venir en aide aux gens à faible revenu. Mais, quand on parle des moyens revenus, c'est là que le bât blesse parce que, à ce moment-là, on commence à parler de gens qui ne sont vraiment pas parmi les moins bien nantis de

la société, des gens qui ont des revenus, comme vous le disiez tantôt, autour de 30 000 $ par année, 25 000 $, 30 000 $, peut-être 35 000 $, et, comme ministre responsable de l'Habitation, j'ai non seulement des hésitations, mais je ne peux pas accepter de donner des fonds publics, des subventions, ou venir en aide à des gens qui ont des revenus comme ceux-là, alors que je sais qu'il y en a des dizaines de milliers qui, eux, sont littéralement démunis financièrement. Je me dis que les fonds qu'on a, on doit, en premier lieu, les consacrer aux besoins les plus criants. C'est là que je diverge d'opinions avec vous quand on parle de subventions pour des gens à revenu moyen.

Mme Côté: Quand on mentionne dans notre document qu'une politique générale, globale d'habitation est nécessaire, je pense qu'on inclut aussi l'aide à la propriété collective. On parle des formules coopératives, mais on a nommément explicité qu'il est nécessaire que les ménages à moyen revenu aient accès à des Iogements à prix modéré. Il s'agit de contrôle des prix ou d'éviter que le mouvement à la hausse soit trop rapide, pour faire en sorte que ces ménages aient accès à la propriété. Ce sont peut-être deux formules. On englobe le tout, mais, d'après moi, cela prendrait des formules différentes.

M. Bourbeau: C'était tellement intéressant de discuter avec vous! Malheureusement, le président est intransigeant et il me signale qu'il n'y a plus de temps. Je. trouve cela un peu malheureux, mais on aura peut-être l'occasion de reprendre la discussion une autre fois.

Le Président (M. Saint-Roch): Je remercie M. le ministre et je cède maintenant la parole à M. le député de Shefford.

M. Paré: C'est ce qu'on vous disait, M. le ministre, que trois quarts d'heure par groupe, c'était trop court; on constate maintenant, à la pratique, que c'est vrai.

Je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie de votre mémoire qui est très bien étoffé; je vous en félicite. En plus, votre mémoire nous apporte beaucoup de suggestions, de recommandations, d'alternatives aux objectifs qu'on retrouve dans la proposition du ministre. On dit non à la levée du moratoire, mais on a des suggestions à faire.

Je vous écoutais discuter et, le débat qu'on est en train de faire, ce n'est pas celui sur la levée du moratoire. C'est un peu cela en partie, mais c'est vraiment un débat sur une politique globale. On en a la preuve, l'échange a porté sur d'autres formules d'accès, sur des formules alternatives, la taxation, etc. Le ministre dit que, parce que dans Milton Park 4 % des gens gagnent plus de 40 000 $... Je connais aussi le dossier de Milton Park parce qu'il s'est retrouvé à l'Assemblée nationale. Oui, il y a des exceptions même dans l'aide qu'on apporte. Cela veut dire qu'il y a 96 % des gens qui gagnent moins que cela et il y a beaucoup plus de gens qui gagnent moins de 20 000 $, je peux vous le dire aussi. Quand il y a un projet qui est bon globalement, je pense qu'il faut le regarder dans son ensemble. Qu'on s'insulte parce qu'on aide quelques personnes qui ont de très bons salaires - cela peut être deux ou trois, ou quelques personnes - je trouve qu'un ne s'insulte pas facilement, par exemple, quand on permet l'exemption d'impôt pour le gain de capital à 500 000 $. Cela aide effectivement les spéculateurs et les plus riches. Un demi-million, ce n'est pas grave, mais, si on aide d'autres personnes qui gagnent 20 000 $ ou 25 000 $ à se loger, on s'insurge contre cela. Il faut faire attention, on a souvent l'insulte trop facile.

Sur le plan de la politique, on a identifié depuis hier matin, et encore ce soir - je pense qu'on le fera toujours - les lacunes du moratoire. Il y a des propositions qui sont faites pour les corriger, tout le monde est d'accord. Ce qu'on demande est bien simple - si ce n'est pas correct, vous me le direz: le moratoire est là, il a des lacunes, il a des conséquences désastreuses pour les gens qui sont touchés. On est en train de gruger sur le stock de logements locatifs, corrigeons cela.

M. le ministre, vous nous avez promis hier une politique d'habitation pour bientôt. On nous a promis une politique de la famille pour bientôt. C'est simple, c'est clair, c'est la seule démarche qui soit logique. Mettons en place le plus vite possible des mesures de protection et allons le plus rapidement possible vers une véritable commission parlementaire pour étudier une politique globale, intelligente, harmonieuse et concertée avec la ou le ministre - je ne sais plus qui est responsable de la politique de la famille. Je pense que c'est la seule façon de fonctionner. Je ne sais pas si je me trompe. Si je comprends bien votre démarche, c'est cela. Vous avez des recommandations qui disent: Oui, il faut protéger et il faut aller de l'avant avec des mesures de protection. Le reste, ce sont des mesures pour l'habitation, globalement. Est-ce que j'ai bien compris votre démarche?

Mme Côté: Oui, en n'oubliant pas d'amender de façon très urgente la Loi sur la Régie du logement pour éviter les contournements actuels.

M. Paré: Merci. Je dois faire un petit commentaire en passant. Il faut aussi

féliciter la ville de Montréal qui, depuis quelques mois, a pris une mesure qui, à mon avis, mérite d'être suivie et d'être reconnue, entre autres, de réserver un certain nombre de terrains que la ville possède pour la construction de logements collectifs en coopérative et en OSBL. Si Québec veut être en harmonie avec Montréal, il faudrait que les programmes destinés à la création de coopératives d'habitation aillent en augmentant pour être capables de répondre non seulement aux besoins, mais à la démarche entreprise par la ville de Montréal.

Je suis content de voir que dans votre document - c'est bon de le rappeler, parce qu'à certains moments on a l'impression qu'on accuse les gens d'être locataires - on reconnaît le droit à un logement de qualité, à prix abordable, bien situé, et que ce n'est pas être un citoyen de seconde zone que d'être locataire. Il va falloir arrêter, parce qu'à certains moments, depuis hier matin, j'ai l'impression qu'on accuse les gens d'être juste des locataires. Les gens sont locataires, certains par choix, d'autres par obligation, mais ce sont des citoyens à part entière qui ont droit à un loqement de qualité. J'ai eu l'impression, en vous entendant lire votre mémoire, qu'effectivement les citoyens qui sont locataires ont des droits et qu'il faut les respecter.

Deux petites questions avant de passer la parole à mon collègue de Jonquière qui veut intervenir. Dans votre mémoire, vous parlez de craintes énormes à l'égard de ce qui va arriver concernant la quantité... Vous parlez de 20 000 à 50 000 logements. Vous allez me dire sur quoi vous vous basez, parce que, lorsqu'on entend les promoteurs du projet du ministre, on parle de 1 %. Quand on parle de 20 000 à 50 000 logements à Montréal, dans les quartiers centraux, cela fait un pourcentage joliment plus élevé.

M. Lafortune: Quelle est la question?

M. Paré: Le pourcentage... Est-ce que vous pensez que le chiffre que vous avancez de 20 000 à 50 000 est plus réaliste que le 1 % et sur quoi vous basez-vous pour arriver à des chiffres semblables?

M. Lafortune: Les chiffres de 20 000 à 50 000 sont basés sur les diminutions en stock de logements qu'il y a eu récemment et aussi sur les déportations. C'est une évaluation qui est tirée de la plupart des rapports de comités de logement à Montréal. Je pense que le 1 % était plus attribué au nombre de transitions qu'au nombre de déplacements comme tels de la population. C'est une évaluation qui est faite à partir de ces données.

M. Paré: Si j'ai bien compris, juste avec l'expérience passée dans les quartiers centraux de Montréal, non seulement on peut s'attendre à un pourcentage très élevé de conversions mais aussi à une espèce de spéculation et d'effervescence. On ne pourra pas y échapper. Cela veut dire une augmentation _ du prix des logements pour ceux qui vont acheter et du loyer pour ceux qui vont continuer la location.

M. Lafortune: Là-dessus, j'aurais un commentaire. II faut tenir compte que, depuis au moins deux ou trois ans, la valeur marchande des bâtiments et la valeur locative des logements a augmenté de façon considérable. Il ne faut pas l'oublier en voulant procéder d'urgence ou en voulant procéder maintenant à la levée du moratoire. Je pense qu'il faut prendre en compte que, déjà, depuis deux ou trois ans, dans certains quartiers montréalais, le prix des maisons a plus que doublé. Aller vers une levée du moratoire... Tantôt, j'entendais le ministre qui se préoccupait beaucoup des ménages à faible et moyen revenu, et je pense que toutes les analyses concordent pour dire que cela ne fera qu'augmenter le prix de la valeur locative et de la valeur marchande des habitations. À ce moment-là, il semble qu'il y aura une non-adéquation des mesures ou des objectifs visés.

M. Paré: Merci beaucoup. Je laisse la parole à mon collègue de Jonquière.

Le Président (M. Saînt-Roch): M. le député de Jonquière. (20 h 45)

M. Dufour: II faut voir dans votre mémoire qu'il y a un problème qui est soulevé. On parle de la levée du moratoire. La réponse que vous trouvez, c'est une politique de l'habitation. Je pense que vous avez raison de ce côté. Cela vous oblige presque à faire une gymnastique entre la levée du moratoire comme telle et, en même temps, présenter des solutions pour une politique de l'habitation. Je comprends que le ministre pourrait jouer au fin finaud avec vous autres par rapport à cela et je trouve cela difficilement acceptable. Je trouve aussi que c'est difficilement défendable parce que, en même temps que vous défendez le parc locatif, vous êtes obligés de penser qu'il n'y a pas seulement des locataires, il peut aussi y avoir des propriétaires qui soient concernés.

Donc, revenons à ce qui se passe. Au point de vue de la levée du moratoire, le problème majeur qu'on rencontre, et tous les groupes viennent nous le dire, ce sont d'abord les plus démunis et les personnes âgées. Je pense que ce sont ceux-là qui sont affectés. Donc, s'il y a une levée du moratoire, c'est là-dessus, et vous vous y opposez. Il y a peut-être un problème que je

vois. C'est que vous demandez de maintenir un secteur locatif viable et vous pariez d'accès à la propriété et d'aide aux locataires. Donc, vous parlez d'un fonds de roulement des organismes sans but lucratif pour acheter et revendre à leurs occupants des immeubles d'habitation. Je trouve que c'est difficilement conciliable qu'on parle en même temps de parc locatif et de propriétaires ou de copropriétés. Je ne sais pas comment voua conciliez cela dans vos esprits. Vous devez choisir une formule ou une autre si on veut répondre à la levée du moratoire.

Quant à la politique d'habitation, vous avez cent fois raison. On s'évertue à convaincre le ministre qu'il doit en faire une. Mais, dans la conversion ou la levée du moratoire actuel, ce qui nous préoccupe, c'est ce qu'il advient des locataires par rapport à votre formule. J'aurais compris que vous pourriez permettre à des organismes d'acheter les bâtisses, mais de ne pas les vendre aux propriétaires ni les revendre. C'est peut-être là que cela se complique un peu.

M. Lafortune: Dans une politique globale, j'imagine que c'est ce qu'on devrait retrouver. Ce qui nous semble le plus intéressant, c'est de laisser le choix aux gens de déterminer quel mode d'habitation les intéresse le plus, que ce soit la propriété collective, que ce soit de demeurer locataire, que ce soit la propriété individuelle. Donc, c'est un peu dans ce sens qu'on penche vers une politique globale, de sorte que l'on respecte les aspirations de la plupart des citoyens et citoyennes. C'est uniquement à ce niveau qu'on est plutôt allés vers une panoplie de mesures que d'en proposer une qui serait la panacée, aux autres un peu comme lever le moratoire pourrait régler nombre de problèmes. Donc, il nous semble plus intéressant d'aller vers ce type de raisonnement ou de logique.

M. Dufour: J'imagine que les gens n'achèteraient pas de ces organismes sans but lucratif des condos de luxe. Ce seraient des condos pouvant s'adapter à des gens à faible ou moyen revenu.

M. Lafortune: Comme je vous le dis, l'expérience pilote, les trois expériences pilotes qui se déroulent présentement de sociétés acheteuses sont dans les quartiers Pointe-Saint-Charles, Centre-Sud et Hochelaga-Maisonneuve. Ce ne sera certainement pas du condominium de luxe ou même de la copropriété de luxe au des coopératives de luxe. Cela serait plutôt surprenant.

M. Dufour: Ces personnes qui achèteraient des bâtisses de ces coopératives ou de ces organismes - on pourra les appeler comme on voudra - quand elles voudraient disposer de leur logement, est-ce que vous iriez jusqu'à dire que ces gens devraient donner le premier choix d'achat à la coopérative ou à l'organisme comme tel pour maintenir le stock de logements?

M. Lafortune: Ce qui se passe présentement, c'est que les sociétés acheteuses achètent pour les coopératives, et les bâtiments sont revendus aux coopératives. C'est uniquement pour constituer un stock résidentiel qui pourrait être acheté par les coopératives. Présentement, ce sont les seules expériences pilotes qui se déroulent, en tout cas à Montréal. Pour les autres, on peut imaginer toutes sortes de possibilités, mais cela ne se fait pas concrètement.

M. Dufour: À 3.2, vous parlez de la lutte à la spéculation et vous parlez de l'imposition d'une taxe sur la plus-value spéculative dont le produit pourrait servir à la création d'un fonds attribué au financement de logements à prix abordable et à des programmes de logements sociaux. Qui pourrait prendre cette taxe de plus-value? Est-ce que vous dites que c'est le gouvernement qui devrait prendre cette...

M. Lafortune: Ce qu'on dit, c'est que le gouvernement pourrait permettre aux municipalités de le faire, selon les engagements du gouvernement envers les logements sociaux. Présentement, on sait que le gouvernement provincial s plutôt laissé à Ottawa le choix de décider de ce qui allait être mis en branle. En ce qui concerne le RCM et la ville de Montréal, je pense qu'il y a une volonté claire de s'impliquer dans ce type de logement. Donc, à ce moment, la plus-value pourrait être de ressort municipal. C'est la ville qui pourrait constituer son propre fonds de développement de logements sociaux. Il y a eu des expériences dans d'autres pays. Il en existe ailleurs, que ce soit en France, par exemple, où on a évalué qu'une transaction en deçà de cinq ans était une transaction spéculative et qui était taxée au niveau de la plus value. Il y a d'autres mesures qui existent aussi en Suède et à d'autres endroits. Il y a donc des possibilités dans ce sens.

Le Président (M. Saînt-Roch): Je vous remercie, M. le député de Jonquière. M. le ministre, quelques brèves remarques de conclusion, s'il vous platti

M. Bourbeau: M. le Président, il me reste à remercier les représentants du RCM pour leur contribution au dossier. C'est une contribution importante venant d'un groupe qui a une expérience certaine dans ce domaine, ayant fait des recherches qui vous apparaissent comme étant importantes. Je

tiens à les remercier, les assurer que nous tiendrons certainement compte de leurs points de vue dans la préparation du projet gouvernemental. Merci.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le ministre. M. le député de Shefford.

M. Paré: Oui. Merci, M. le Président. Moi aussi c'est pour vous remercier en vous disant que j'espère qu'on va se revoir bientôt à une autre commission où il sera question de politique de logement ou d'habitation.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci.

M. Bourbeau: M. le Président, le député de Shefford commence à insinuer que j'ai promis une commission parlementaire sur une politique de l'habitation. Je tiens à dire au député que je n'ai jamais promis une commission parlementaire. J'ai dit que j'étais pour rendre public éventuellement un document d'orientation, mais je n'ai jamais promis une commission parlementaire.

M. Paré: M. le ministre, je suis convaincu que vous ne pourrez pas juste mettre un document de consultation et décider d'une loi sans rencontrer les gens.

M. Bourbeau: Je n'ai pas parlé d'un document de consultation.

Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! J'aimerais rappeler aux membres de la commission, à ce moment-ci, que nous avons un horaire très chargé. Je céderai maintenant la parole à Mme la présidente pour de brèves remarques de conclusion.

Mme Côté: Pour notre part, on est tout à fait heureux de constater l'intérêt et la préoccupation de M. le ministre pour les ménages à faibles et à moyens revenus. Je rappellerais que c'est pourquoi on est contre la levée du moratoire. Merci.

Le Président (M. Saint-Roch): Mme la présidente, je vous remercie ainsi que M. Lafortune de votre contribution aux travaux de notre commission.

Sur ce, je demanderais maintenant aux représentants de la cité de Côte-Saint-Luc de prendre place. M. le maire, j'aimerais, dans un premier temps, vous souhaiter la bienvenue à la commission de l'aménagement et des équipements et vous demander d'identifier la personne qui vous accompagne, s'il vous plaît, pour le bénéfice des membres de la commission.

Cité de Côte-Saint-Luc

M. Lang (Bernard): Merci, M. le Président, et bonsoir. Bonsoir, M. le ministre, bonsoir MM. les députés. J'ai avec moi M. Kirshenblatt, notre avocat et, moi, je suis le maire de Côte-Saint-Luc.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous souhaite la bienvenue, M. le maire. Je vous ferai la même remarque qu'aux autres intervenants. Vous disposez maintenant de quinze minutes pour faire part de votre mémoire aux membres de la commission. Je vous cède maintenant la parole.

M. Lang: La position officielle de la ville est exprimée dans une résolution adoptée par le conseil, le 6 juillet 1987, et dont le texte intégral est inclus à la fin du présent mémoire. The present brief elaborates why Côte-Saint-Luc opposes any relaxation of the present legislation restricting conversions of existing buildings into coproprietor types of ownership. It believes the status quo, although far from perfect, is preferable to the certain tumult that will be unleashed within our society through easing the conversion process.

Côte-Saint-Luc bases its opposition on experience within its own community and which probably mirrors that in other municipalities of the province. Facilitating conversion of existing rental housing to a coproprietorship form of ownership only guarantees less available rental units for the majority in our society who simply cannot afford to become the eventual buyers of condominiums they may occupy.

La cité de Côte-Saint-Luc est une ville résidentielle de l'île de Montréal dont la population est d'environ 30 000 habitants. Bien que sa population soit en majeure partie composée de propriétaires de maisons unifamiliales, la cité a, quand même, encouragé la construction d'immeubles à logements pendant la période de croissance que ce type de construction a connue au cours des années soixante. Entre 1960 et 1977. un total de 91 immeubles à logements furent construits, ajoutant ainsi 7049 unités de logement.

On constate aisément que, depuis l'essor connu par la copropriété divise dans les années soixante-dix et plus particulièrement depuis la promulgation en 1975 du moratoire sous la forme d'un amendement à la Loi pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires (L.R.Q., C-50) la construction d'immeubles locatifs est pratiquement inexistante à Côte-Saint-Luc. En fait, les derniers immeubles résidentiels de ce type ont été complétés en 1977.

Les immeubles en copropriété divise, quant à eux, se multiplient depuis 1979. On retrouve maintenant 16 immeubles de ce type, lesquels totalisent 1501 unités de condominium. Ces données incluent deux

anciens immeubles locatifs comprenant 358 unités que les propriétaires sont parvenus à convertir en condominiums à la suite d'un débat juridique.

De plus, un autre immeuble locatif peut maintenant être converti en condominiums à la suite d'une décision de la Cour supérieure du 11 novembre 1986. En effet, tous les locataires de cet immeuble de 49 unités de logement durent évacuer les lieux tors d'un incendie qui eut lieu le 3 juin 1986. Plusieurs mois plus tard, les propriétaires profitèrent de l'occasion pour demander à la Cour supérieure de déclarer leur immeuble exempt de l'application du moratoire, ce qu'elle fit. La majorité des locataires était composée de personnes âgées à la retraite, lesquels s'attendaient à ce que leurs logements soient rapidement remis en état après l'incendie.

Dans leur requête présentée à la cour, les propriétaires de l'immeuble incendié avaient allégué que la structure de la bâtisse était "dans un état de détérioration avancé... vacant et libre de tout locataire ou occupant... dépouvru de plomberie, de chauffage, de services et de système d'électricité... sans toît... sans divisions, cuisines ou salles de bain." Manifestement, l'incendie du 3 juin avait fait des ravages!

En 1986, l'immeuble apparaissait sur le rôle d'évaluation de la cité et sa valeur déposée était de 1 096 800 $. La structure incendiée de l'immeuble a été vendue le 20 mars 1987 par les mêmes propriétaires au prix de 1 400 000 $ et avec les mentions que l'acheteur reconnaissait que l'immeuble avait subi des dommages substantiels lors de l'incendie et que les vendeurs étaient en droit de conserver toute somme versée à titre d'indemnité par Ies assureurs.

The transformation of an apartment building into a coproprietorship type of ownership obviously creates an unusual plus value to the very same building.

The building in question has not been reconstructed to date, even though it is boarded up for safety purposes.

The municipality believes it unrealistic to believe that relaxation of the moratorium will facilitate ownership by present occupants of rental units. One need not be an expert to figure out that the act of conversion is designed to achieve maximum profits rapidly for the promoters-developers. With a lifting of the moratorium, the promoters-developers will merely help inflate real estate market prices for buildings containing moderate priced rental units to encourage owners to sell to the professionals in the condominium conversion art. Merci.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le maire. Je cède maintenant la parole à M. le ministre.

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Il me fait extrêmement plaisir de saluer le maire de Greenfield-Park... Qu'est-ee que je dis? De Côte Saint-Luc. C'est peut-être un lapsus. C'est peut-être parce que les deux municipalités ont des vues semblables sur le sujet.

M. Lang: II m'a demandé de lui en donner une copie et je lui en ai donné une.

M. Bourbeau: J'en suis bien convaincu. Le maire de Côte-Saint-Luc, dis-je. Étant donné que je suis un ancien résident de Côte-Saint-Luc et que j'estime donc avoir un conflit d'intérêts dans cette affaire, je vous prierais, M. le Président, de reconnaître le député de Sainte-Anne qui est très impatient de poser des questions au maire de Côte-Saint-Luc.

Le Président (M. Saint-Roch): Je cède donc maintenant la parole à M. le député de Sainte-Anne. (21 heures)

M. Polak: Merci, M. le Président. D'abord, je dois féliciter la cité de Côte-Saint-Luc pour avoir présenté un mémoire devant cette commission. Jusqu'à présent, nous avons eu la ville de Montréal. Je crois qu'il est très important qu'on n'ait pas seulement des associations de locataires et de propriétaires, mais aussi des villes qui aient le courage d'exprimer leurs opinions.

Je dois vous assurer qu'ici nous sommes dans un processus de consultation, comme le ministre l'a déjà affirmé à plusieurs occasions, hier et aujourd'hui. On est ici pour écouter ce qu'ont à dire ceux qui viennent devant nous, y compris la cité de Côte-Saint-Luc. Je peux vous assurer que votre opinion va être appréciée à sa juste valeur.

D'ailleurs, j'ai noté, M. le maire, que vous avez préparé cela vraiment. Mon collègue de Saint-Jacques était très content parce que cela lui a permis de parler anglais avec les gens de Notre-Dame-de-Grâce. Le mémoire de Côte-Saint-Luc est dans les deux langues, un côté en français, l'autre côté en anglais. Donc, tout le monde part du même texte.

M. Lang: Même mon nom est bilingue!

M. Polak: Ah bon! Je dois vous dire qu'on a trouvé cela très intéressant d'avoir cette approche de la part de la cité de Côte-Saint-Luc, surtout que vous êtes appuyés par une résolution de la ville. Cet après-midi, je me le rappelle, le ministre a posé une question aux représentants du NPD-Québec; il leur a demandé combien de membres ils représentaient, puisque, hier soir, on avait posé la même question à l'Association des consommateurs. Je vois que la cité de Côte-Saint-Luc représente 30 000

membres. Donc, je pense que vous avez le droit de parler.

M. le maire, perhaps I could pose some of my questions in English because 1 noticed that you were reading your brief faster in English than in French. Yesterday, the City of Montreal was here. I do not know if you have seen the brief they have presented, but one of the suggestions that they had was that the municipalities would play a much bigger role than until now in this processus of conversion. Of course, the city's point of view was that there should be a legislation to interdict the conversion, except in exceptional circumstances, negaciated between the government of different levels, the province as well as the municipalities.

One of the suggestions was that the municipalities would have the right to Issue a "certificat de convertibilité"; I do not know the French translation, a certificate of convertibility or conversion, whatever it is. What is your opinion on that as Mayor of Côte-Saint-Luc?

M. Lang: Well, if we had the authority, if we had "les pouvoirs" to mediate and to determine who is entitled to such a permit, this would go a long way to preserving the position of the "locataires", of the people who are renting at the moment, because there is a tremendous fear among our people who are renters, most of whom are aged. I say "aged", you know, they rented some 30 years ago, they are still there; they are "en retraite"; they are pensioners, for the most part, on fixed income and they need some protection.

The lifting of the moratorium removes their protection, which they have had up to now. Because, even though we have had some small examples, in our municipality, where there has been conversions, basically, the majority of people have had protection from the Law of the moratorium. Once you lift the moratorium without any control by the municipality, 1 am afraid that it is open season for everybody.

M. Polak: O.K. You have mentioned, on page 2 of your brief, that there were 1501 units and ! assume those are new units. And then, you say: "Including two former apartment buildings of 358 units". Are those units that we converted, where people were sort of thrown out of their apartments by legal ou illegal means?

M. Lang: No, I think that was done legally; that was the Presidential Towers, where the city intervened at the beginning and impeded the process, but eventually it became condominiums, but only those two buildings.

M. Polak: O.K. The example that you have mentioned of the speculation of the 49 units and of a fire that took place in June 1986, the tenants that were there, where they sort of tenants on fixed incomes? Do you have any information about that?

M. Lang: Many of them were because they came to our Municipal Council to complain about the position they were in. The fact that they were being told they would not come back and in fact the landlord through whatever means was successful in keeping them from coming back and the building to date has not been repaired, it has been sold as we stated in our mémoire.

M. Polak: You know that the Minister in the document "Lifting the moratorium" also dealt with questions such as the right for a tenant to stay permanently in the premises, measures to protect people against harrassment, dealing with the problem of major repairs. Are you aware of this, that he is, in my view, tackling an issue that perhaps people have not dared to tackle as yet? Are you aware of this?

M. Lang: I think, in theory, the Minister is right. I do not think that, in practice, it can work, because if one out of five or three out of fifteen say they do not want, to move, the next thing that happens is that there is construction going on around them, there is dust, there is water being cut off at all times, electricity being cut off, hot water suddenly missing. The noise and the pollution and the irritation are such that eventually those people decide that they also will leave the building. That is where the weakness in the system exists.

M. Polak: You mentioned in the brief, as the way I was reading it, that the problem could exist when you have a converted building in which you have part tenants who stay on, part extenants who become owners. What kind of atmosphere this is going to be living under one roof where the owner wants to perhaps embellish and increase the value of the premises and the tenant says: Please, do not do it at my expense. Is that a sort of your point also? Could you elaborate a little bit on that?

M. Lang: Well, I mean, that is what I was referring to earlier. First of all, you are fortunate if you can get them to even stay under the circumstances of construction and once you have a mixed bag of renters and condominium owners, there sure it will be a conflict in the approach and attitude of the people living there. Conflict is bound to arise.

M. Polak: O.K. C'est tout pour le

moment. Merci, M. le Président. Thank you.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le député de Saint-Jacques. Je cède maintenant la parole à M. le député de Shefford.

M. Boulerice: II ne le mérite pas. Il est député de Sainte-Anne.

Le Président (M. Saint-Roch): Je m'excuse, de Sainte-Anne. Je cède maintenant la parole à M. le député de Shefford.

M. Paré: Oui, merci beaucoup, M. le Président. J'ai hâte d'entendre le député de Saint-Jacques parler des commentaires qu'il a déjà tenus. On y reviendra. M. le maire, je vous remercie beaucoup de la présentation de votre mémoire. C'est très intéressant. Il y a deux points que je voudrais faire ressortir. En page 2, au dernier paragraphe, on dit que "Ies immeubles en copropriété divise, quant à eux, se multiplient depuis 1979. On retrouve maintenant seize immeubles de ce type, lesquels totalisent 1501 unités de condominium. Est-ce que j'ai raison en disant qu'on n'a pas besoin de permettre la transformation?

M. Lang: Exactement, parce que les condominiums sont en train d'être construits. Ce n'est pas nécessaire de convertir, puisqu'on a l'occasion d'acheter un condominium sans convertir les logements.

M. Paré: Merci beaucoup, M. le maire. Je dois vous dire que c'est très important. Je pense qu'il va falloir retenir cela: on n'est pas contre la copropriété divise, on est contre la transformation. Ce n'est pas la même chose. Je lis le mémoire que vous présentez. Quand je dis "on", je parle de la cité de Côte-Saint-Luc.

Il y a une deuxième chose. Nous, ce qu'on tente de faire comprendre au ministre, c'est que, si le moratoire est levé, il va y avoir des conséquences beaucoup plus catastrophiques que ce qu'on laisse entendre, soit des augmentations généralisées des loyers plus des transformations radicales des quartiers centraux par d'autres populations. Donc, ce ne sera plus le même tissu social, ce ne seront plus les mêmes populations. Donc, ce ne sera plus le même environnement. Ce sera la transformation architecturale, si l'on veut, d'une certaine façon, souvent par l'amélioration. On n'est pas contre, mais c'est une transformation parce qu'en changeant la population on change la mentalité et on change le style de commerce et tout ce qu'on a connu, par la "gentrifrication". À mon avis, cela va avoir des conséquences. Cela va toucher tout le monde. À mon avis, ce sont des risques qu'on doit voir.

Je lis votre résolution du 6 juillet 1987, au troisième attendu: "Attendu que le moratoire en vigueur depuis 1975 a eu comme résultat d'assurer aux locataires d'immeubles à appartements vivant de revenus fixes, le maintien de leur occupation des locaux loués à des loyers raisonnables fixés conformément au processus de conciliation établi par la loi." Ai-je raison en disant que votre crainte, c'est que, si on lève cela, on va toucher les locataires, même ceux qui ne sont pas dans des blocs qui vont être transformés?

M. Lang: À mon avis, M. le député, si on lève le moratoire, ce sera une catastrophe pour beaucoup de gens à revenus fixes. Ce serait très triste pour beaucoup de gens qui n'ont pas les moyens d'acheter un condominium; pour eux, ce serait une grande tragédie.

M. Paré: Je vous remercie beaucoup, M. le maire. Je pense que c'est cela qu'il faut éviter. On a déjà convaincu le député de Sainte-Anne, il va falloir convaincre le ministre maintenant. Je laisserai maintenant la parole à mon collègue, le député de Jonquière.

Le Président (M. Saint-Roch): Je cède maintenant la parole à M. le député de Jonquière.

M. Dufour: Bonjour. D'abord, je veux vous féliciter parce que vous avez fait votre mémoire dans les deux langues. On peut en profiter. C'est tout à votre honneur aussi; vous aviez le droit de le faire dans l'une ou l'autre et vous avez décidé de le faire dans les deux. Je pense que je vous reconnais tel que je vous ai toujours connu.

Actuellement, vous dites que vous êtes contre la levée du moratoire et vous l'expliquez dans votre document. La résolution du conseil est claire là-dessus; vous vous opposez à la levée du moratoire. Donc, ce que vous admettez implicitement, c'est que, même avec le moratoire actuel, il se fait des contournements, des pressions et on fait des changements qui amènent des loyers locatifs à être convertis en condominiums. iriez-vous jusqu'à demander -ce n'est pas exprimé clairement dans le mémoire, mais j'aimerais le savoir de votre part - que le moratoire soit renforcé ou mieux appliqué?

M. Lang: Que cela reste comme c'était; cela veut dire sans toucher le moratoire.

M. Dufour: Actuellement, on se rend compte, d'après les gens qui viennent ici et qui font des représentations, qu'on profite de l'état actuel des choses pour faire du

harcèlement, pour forcer les locataires à quitter leur loyer, pour prendre des moyens détournés. Mais vous n'allez pas jusqu'à dire que ce moratoire devrait être quelque peu renforcé ou mieux appliqué?

M. Lang: Non. Je suis d'avis que, comme il est aujourd'hui, c'est pas mal parce que je n'ai pas entendu beaucoup de problèmes de locataires qui ont été forcés de laisser leur logement ou de déménager. Cela veut dire que cela fonctionne pas mai avec le moratoire qui existe aujourd'hui.

M. Dufour: Mais la bâtisse qui a subi un incendie...

M. Lang: Oui, il y a eu un incendie, mais }e pense que c'est un cas exceptionnel. Cela démontre ce qui peut arriver si on lève le moratoire. Beaucoup de propriétaires cherchent une raison pour convertir. Au moment où il arrive un incendie, Ils pensent qu'ils ont trouvé la raison pour faire sortir les locataires,

M. Dufour: Les bâtiments qui ont été convertis ont fait l'objet de débats juridiques. Ces débats juridiques provenaient-ils des locataires ou de la Régie du logement? Sur quoi portaient ces débats juridiques? Je suis convaincu qu'ils portaient sur la question de convertir ou non, mais qui faisait la contrepartie? Les propriétaires, eux, voulaient convertir. J'imagine qu'il devait y avoir une autre partie qui s'opposait.

M. Lang: Oui, oui, ce sont les locataires qui s'étaient opposés. Si je me le rappelle bien, le gouvernement a imposé un moratoire è la suite de cela.

M. Dufour: C'était en 1975? M. Lang: Oui, en 1975.

M. Dufour: Je vous remercie. Je pense que mon collègue de Saint-Jacques veut intervenir. (21 h 15)

Le Président (M. Saint-Roch): Je cède maintenant la parole à M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: M. te maire, je suis heureux de voir que vous avez échappé à la question du ministre: Combien y a-t-il d'habitants à Côte-Saint-Luc et nommez-les? Il est maintenant dans la lecture d'un dictionnaire de proverbes. J'espère que ça va l'inspirer, parce qu'il y a souvent beaucoup de sagesse là-dedans.

M. Lang, vous avez parlé de cet incendie. Je me rappelle avoir vu ça è la télévision et dans les journaux. Vous savez de quel endroit je suis député, le centre-sud, Saint-Jacques. Est-ce que vous êtes en train de me dire qu'une des formes de harcèlement... Dieu sait que le mot est revenu, "harassment", combien de gens nous l'ont dit!

M. Lang: C'est bien le mot, harcèlement.

M. Boulerice: Vous êtes en train de me dire que, d'une certaine façon, le nombre d'incendies criminels qu'on pourrait avoir à Montréal pourrait être relié potentiellement à cela.

M. Lang: C'est possible.

M. Boulerice: Ce serait une façon d'évacuer les gens.

M. Lang: Je n'ai pas dit ça!

M. Boulerice: Je sais bien que vous ne Pavez pas dit, mais cela peut être une hypothèse, effectivement, montrant jusqu'où on peut aller pour se débarrasser de locataires pour pouvoir reconstruire. On l'a vécu sur le Plateau-Mont-Royal; un immeuble qui a été incendié a été démoli le lendemain matin et remplacé par un superbe condo totalement inaccessible.

Ce que vous dites, M. le maire, c'est que votre municipalité vit actuellement, malgré tout, peu de problèmes et que vous êtes satisfait du moratoire, tel qu'il est.

M. Lang: C'est cela; il y très peu de problèmes Nous sommes satisfaits du moratoire. Les locataires sont satisfaits et il nous ont priés de nous assurer qu'il reste comme il l'était.

M. Boulerice: Donc, compte tenu de tous les intervenants précédents et de l'expertise que vous venez de nous donner, vous êtes favorable à un renforcement du moratoire quand on regarde tout ce qui s'est fait dans d'autres quartiers de Montréal où on a eu une liste incroyable.

Laissez M. le maire apprécier. Je pense qu'il a fait ses preuves depuis suffisamment longtemps.

M. Lang: Le statu quo, pour nous, est très acceptable.

M. Boulerice: Mais vous ne vous opposeriez pas à un resserrement!

M. Lang: Je ne savais pas que c'était la question?

M. Boulerice: C'est ce que le ministre va être obligé de faire à la fin de la commission, d'ailleurs, se mettre à genoux et s'excuser d'avoir présenté un document

comme celui qu'il nous a présenté, qui est dénoncé par tout le monde. Mais je vous repose la question: Compte tenu que le statu quo vous convient dans le cas de Côte-Saint-Luc - je suis heureux de voir qu'il y a moins de difficultés, je ne suis quand même pas pour être jaloux de vous s'il y a moins de difficultés chez vous - mais qu'il y a beaucoup de difficultés à un point tel -d'ailleurs, que cela ébranle le député de Sainte-Anne, que c'est peut-être en train de faire vaciller le député de Sainte-Marie, du moins, je l'espère, est-ce que vous seriez favorable à un renforcement des mesures?

M. Lang: Peut-être le député de Sainte-Anne y est-il favorable.

M. Boulerice: Je vois que vous avez l'air de bien vous entendre avec lui! Disons que, quelquefois, il y a des silences, M. le maire, plus éloquents.

Le Président (M. Saint-Roch): Est-ce qu'il y a d'autres...

M. Boulerice: Non, cela va. Je remercie M. le maire. Mais je pense qu'on s'est quand même bien compris!

Le Président (M. Saînt-Roch): Merci, M. le député de Saint-Jacques. Je cède maintenant la parole à M. le ministre pour de brèves remarques de conclusion.

M. Bourbeau: M. le Président, le député de Saint-Jacques soulignait tout à l'heure que j'étais en train de consulter un volume de proverbes. En fait, c'est exact. Je cherchais un proverbe qui s'appliquait à l'attitude du député de Saint-Jacques et j'en ai trouvé un que j'aimerais bien citer au député de Saint-Jacques. Il dit: Mieux vaut se taire et passer pour insignifiant que prouver qu'on l'est en parlant.

M. Boulerice: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: Est-ce que le ministre, compte tenu de la politique de sa collègue, la ministre des Affaires culturelles, pourrait respecter les lois du Québec et citer les droits d'auteur, à savoir de qui cela vient? Parce que, bien entendu, je ne crois pas qu'il ait eu l'intelligence de l'inventer; c'est inévitable.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Saint-Jacques, ce n'était vraiment pas un point de règlement. M. le député de Shefford, est-ce que vous avez de brèves remarques de conclusion?

M. Boulerice: Non, mais, il y a un proverbe dans ma ville natale: à cochon, cochon et demi.

Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, M. te député de Saint-Jacques! Je cède maintenant la parole à M. le député de Shefford.

M. Paré: Je vous remercie, M. le maire et la personne qui vous accompagne. Comme je vous le disais, dans les deux paragraphes que j'ai cités, c'est fondamental. S'il y avait un proverbe qui irait bien avec votre mémoire et que le ministre devrait retenir, c'est: "Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras".

Le Président (M. Saint-Roch); Merci, M. le député de Shefford. M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, vous me permettrez de dire un dernier mot. Tout à l'heure, le proverbe s'adressait au député de Saint-Jacques, il ne s'adressait pas aux gens de Côte-Saint-Luc.

Le Président (M. Saint-Roch): Très brièvement, M. le ministre.

M. Bourbeau: II doit bien me rester 30 secondes, on n'a pas utilisé tout notre temps. Je tiens à remercier M. le maire et le procureur de Côte-Saint-Luc de leur contribution. On va certainement en tenir compte.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre. M. le maire, quelques brèves remarques, en conclusion?

M. Lang: Merci, M. le Président, mais les conclusions sont dans notre mémoire.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le maire, ainsi que le procureur qui vous a accompagné d'être venus témoigner devant les membres de la commission.

Conseil des travailleuses et travailleurs du Montréal métropolitain (FTQ)

Je demanderais maintenant aux représentants du Conseil des travailleuses et travailleurs du Montréal métropolitain (FTQ), de prendre place, s'il vous plaît! Je demanderais à M. Cousineau d'identifier la personne qui l'accompagne,

M. Cousineau (Guy): Guy Cousineau, secrétaire général du Conseil des travailleuses et travailleurs du Montréal métropolitain (FTQ). Je vous présente M. Fernand Boudreau, président du CTM, qui va vous lire le mémoire.

Le Président (M. Saînt-Roch): Je vous remercie de venir présenter votre mémoire à la commission de l'aménagement et des équipements. Je vous cède maintenant la parole avec les mêmes remarques: nous vous allouons quinze minutes pour faire votre présentation.

M. Boudreau (Fernand): Merci, M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de l'Assemblée nationale, le Conseil des travailleuses et travailleurs du Montréal métropolitain est le porte-parole de plus de 150 000 travailleuses et travailleurs syndiqués de la région de Montréal; j'espère que vous m'éviterez de les nommer. Cela représente quand même plus d'une centaine de sections locales d'une trentaine de syndicats différents. Ces syndiqués proviennent de tous les secteurs économiques, ce qui fait une mosaïque représentative de la société montréalaise.

Le CTM et les questions de logement. Maintenant centenaire, notre organisme n'en est pas à ses premières armes en ce qui concerne les enjeux de la société montréalaise. Qu'il s'agisse des droits au travail, des droits sociaux, des affaires municipales, le conseil s'est ajusté à ta conjoncture en se guidant sur les principes fondamentaux de justice, de respect et d'égalité.

Le conseil a manifesté à plusieurs reprises sa préoccupation pour la question du logement en dénonçant l'insalubrité de certains logements et en réclamant la construction de nouvelles habitations à prix modique. C'est grâce, entre autres, aux pressions du conseil que la Régie des loyers voit le jour et qu'une formule universelle et légale du bail est adoptée.

En plus de s'opposer constamment aux hausses de loyer, particulièrement en temps de guerre, le Conseil des métiers et le Conseil industriel s'impliquent activement lors de la crise du logement, en 1954. Ils interviennent à maintes reprises auprès des pouvoirs municipaux, provinciaux et fédéraux pour exiger la construction de logements à prix modique. Ils appuient le plan Dozois (Habitation Jeanne-Mance) et la construction de HLM, habitations à prix modique ce que le gouvernement provincial appuie finalement en 1956. Dix ara plus tard, en 1966, le conseil manifeste son appui au projet de la Petite Bourgogne de même qu'à celui du comité de citoyens de Milton Park, en 1972, et plus récemment, à celui du Comité de logements Rosemont au sujet des terrains Angus.

De plus, en 1977, le conseil intervenait sur le logement à Montréal devant le caucus des députés du Parti québécois de la région de Montréal. Nous revendiquions è l'époque des politiques cohérentes du logement qui facilitent l'accès à la propriété élargie, c'est-à-dire des politiques qui ne concernent pas seulement les nouvelles constructions: politique sur les coopératives d'habitation, sur les nouvelles formes de propriété, comme la copropriété, etc.

La situation aujourd'hui. Les années quatre-vingt nous ramènent à une conjoncture difficile concernant le logement. Déjà, en 1981, plus du tiers des ménages montréalais locataires devaient allouer au-delà de 25 % de leur revenu brut pour se loger, un ménage sur cinq devant même aller jusqu'à 40 % et plus. Ajoutons à ce portrait une augmentation considérable des sans-abri, la poursuite de l'exode des jeunes familles vers les banlieues et le vieillissement de la population montréalaise.

On comprendra facilement que pour un nombre grandissant de Montréalais et de Montréalaises, les habitations à loyer modique et les coopératives d'habitation offrent le seul moyen d'échapper à la misère. Mais, parallèlement à cet état de choses, une rumeur persistante veut que plusieurs personnes souhaitent accéder à la propriété et que plusieurs propriétaires désirent changer la vocation traditionnelle de leur propriété. Ainsi, le début sur la levée du moratoire sur la conversion des immeubles locatifs en copropriété prend la manchette. Est-il utile de rappeler que ces mesures s'adressent à une clientèle très spécifique, qui ont nécessairement des effets inflationnistes sur le stock de logements des quartiers populaires et sur la stabilité de leurs résidents?

De plus, le projet du ministre Bourbeau Lever le moratoire: une décision qui s'impose, bien qu'il cerne les conditions nécessaires à de nouvelles règles du jeu, n'insiste pas sur les moyens collectifs pour avoir accès à la propriété à un coût raisonnable. Il est vrai que la conjoncture des années quatre-vingt invite plutôt à l'individualisme et à la privatisation qu'à chercher des solutions collectives aux réels problèmes sociaux.

Le CTM et la levée du moratoire. Le conseil est heureux de constater la préoccupation du ministre face aux droits des locataires et au sort qui leur sera réservé au lendemain de la levée du moratoire. Comme nous le disions lors du Sommet économique de Montréal, onze ans d'indécision, cela a assez duré. Les objectifs qui guident le ministre doivent être très présents dans la définition des critères qui permettront la levée du moratoire, les deux objectifs étant: premièrement, favoriser un accès accru à la propriété pour un bon nombre de ménages locataires; deuxièmement, une protection absolue du droit d'occupation des locataires qui ne peuvent ou ne désirent pas acquérir leur logement. Dans Lever le moratoire: une décision qui s'impose, le ministre fait le tour de la question et apporte une quantité de

réponses aux problèmes soulevés par le moratoire et sa levée. Au chapitre 6, les mesures d'encadrement y sont définies. Nous allons faire nos commentaires dans le même ordre.

Une démarche en sept points. Nous constatons ici qu'aucune mesure n'est précisée pour éviter la spéculation. Étant donné que la levée du moratoire doit d'abord favoriser l'accès à la propriété, cette accession devrait passer par le maintien à prix abordable des unités de logement. Nous recommandons qu'aucune conversion ne puisse être effectuée sans l'accord de la majorité des locataires. Cette mesure permettrait de maintenir les coûts plus bas et ainsi faire diminuer l'action spéculative sur les logements à convertir. 1. La protection des locataires et les réparations majeures. Comme le dit le document, cette question déborde celle de la conversion des immeubles locatifs en copropriété. À ce chapitre, nous croyons que les mesures envisagées ne protègent pas assez les locataires. Actuellement, le locataire qui reçoit un avis d'amélioration ou de réparations majeures autres qu'urgentes, peut s'adresser à la Régie du logement s'il juge une condition abusive. Cependant, il ne peut contester la nature ou l'opportunité des travaux.

En plus des mesures envisagées, nous proposons que le locataire puisse contester à la Régie du logement la nature et l'opportunité des travaux, ou bien que le propriétaire soit obligé de déposer à la Régie du logement tous les documents pertinents: avis d'amélioration ou de réparation ainsi que les conditions offertes au locataire pour quitter temporairement son logement, tout comme dans le cas des conversions, la régie devra émettre une autorisation au préalable.

En ce qui a trait aux indemnités à payer, la formulation nous semble faible. À notre avis, le locataire ne devrait avoir aucuns frais à sa charge. Le locateur devrait assumer les frais de déplacement en plus de payer une indemnité pour le préjudice causé. Afin d'éviter de contourner la protection des locataires, certains moyens seraient à prévoir, comme mettre le fardeau sur le locateur, face à la régie, en cas de réparations majeures, interdire une conversion si un historique de l'immeuble sur dix ans quant aux rénovations et évictions antérieures n'est pas produit. 1.2 et 1.3. Le droit au maintien dans les lieux pour une période illimitée. Nous nous réjouissons de la teneur et de la décision du ministre d'imposer ces mesures ainsi que celles qui touchent l'indivision et le droit au maintien dans les lieux. Ici encore, nous croyons que l'historique des améliorations ou réparations majeures devrait être fourni. 1.4. Jouissance paisible des lieux et réparations majeures. Le ministre s'appuie sur la législation actuelle pour dire que le locataire est protégé. Nous lui ferons remarquer que c'est effectivement la faiblesse de la législation qui a permis à plusieurs propriétaires de violer le moratoire. Les mesures envisagées en supplément de la législation semblent satisfaisantes, sauf que les poursuites pénales nous semblent peu convaincantes lorsque l'on connaît les coûts qui accompagnent une telle démarche et le temps qui en découle avant d'avoir Justice. On doit ajouter ici l'interdiction de visite du logement pour fins de vente avant d'obtenir l'autorisation de conversion.

Une protection additionnelle aux personnes âgées ou handicapées. Nous sommes d'accord avec ces mesures qui visent ces clientèles particulièrement vulnérables.

Les augmentations de loyer. Ici, toutes mesures pour prévenir la spéculation sur les logements locatifs doivent être entreprises, sinon toutes nos bonnes intentions d'accès à la propriété pour les personnes à revenu moyen seront anéanties. Une des façons est d'aller chercher l'accord de la majorité des locataires pour avoir le droit de convertir et ainsi freiner la hausse du coût du loyer attribuable à l'augmentation de l'évaluation foncière. 1.7. Le droit de préemption. Accorder un droit de préemption aux locataires en place formés en association pour une durée de six mois. À défaut d'achat par l'association, droit de préemption aux locataires individuels. Les autres mesures envisagées dans le document du ministre nous semblent satisfaisantes. 2. La protection des acquéreurs. À ce chapitre, nous convenons qu'il n'y a pas lieu d'exiger de normes physiques particulières lors de la conversion. En ce qui a trait au rapport d'expert, nous croyons que cela devrait être fait au moment de toute vente d'immeuble locatif ou en copropriété.

(21 h 30)

L'émission du prospectus nous semble importante mais n'aura aucune valeur si cette formalité n'est pas assujettie à un contrôle de la Régie du logement qui devra l'approuver, tout comme les prospectus en valeurs mobilières doivent l'être par la Commission des valeurs mobilières. Cette mesure ne devrait pas être limitée aux immeubles de cinq unités et plus. 3. La protection du parc de logements locatifs. Des pouvoirs discrétionnaires devraient être donnés à la municipalité afin qu'elle empêche les conversions lorsque cela va à rencontre de l'intérêt public, par exemple, lorsque le taux de location baisse sous un certain seuil, etc. 4. L'autorisation de convertir. Pour obtenir l'autorisation de convertir, le propriétaire devrait fournir l'acceptation de la majorité des locataires; de plus, fournir un

historique des travaux majeurs qui ont entraîné le départ des locataires pour plus d'une semaine. Nous croyons que la régie est l'organisme qui doit assumer cette responsabilité. Le ministre devra prévoir les ' ressources nécessaires à son efficacité. 5. Programme qui favorise la prise en charge collective des problèmes de logement. À l'occasion de la levée du moratoire, le gouvernement devrait annoncer une politique plus généreuse et plus accessible aux formes collectives pour acquérir son logement. Les gouvernements doivent inciter les locataires à se regrouper pour acheter les immeubles qu'ils habitent, soit pour en faire des coopératives ou pour les convertir en condominiums. Toute forme de développement collectif devrait être favorisée à l'achat individuel des logements.

En conclusion, après avoir vécu onze ans d'un moratoire qui, dans certains cas, s'est avéré inefficace et a causé des torts à des locataires non protégés par une réglementation stricte, nous croyons que les mesures annoncées et améliorées, telles que nous vous les proposons, vont donner l'effet escompté, soit de rendre accessible la propriété à plusieurs ménages à revenu plus faible. Ces mesures doivent avoir pour effet de fermer la spéculation qui va suivre la levée du moratoire. Pour ce faire, le fardeau de la preuve devra être donné au propriétaire de montrer patte blanche lors de la présentation de sa demande à la Régie du logement.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie. Je cède maintenant la parole à M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le "Président, le mémoire du Conseil central de Montréal est un mémoire qui est manifestement fouillé.

M. Boudreau: M. le ministre, le conseil central va venir après.

M. Bourbeau: Je m'excuse, le Conseil des travailleurs et travailleuses du Montréal métropolitain, (FTQ). J'avais devant moi votre mémoire et, à côté, j'avais celui qui va suivre. J'ai regardé le titre seulement. C'est un mémoire fouillé et je pense que nul n'est plus compétent que le député de Sainte-Marie pour poser des questions aux gens du Conseil des travailleurs et travailleuses du Montréal métropolitain.

M. Laporte: Merci.

Le Président (M. Saint-Roch): Je cède maintenant la parole à M. le député de Sainte-Marie.

M. Laporte: Dans le même sens que le ministre vient de l'indiquer, je pense qu'il est fort intéressant d'avoir des appréciations en commission parlementaire sur différents groupes d'intérêt dont, entre autres, le CTTM-FTQ pour avoir cette espèce de vue globale concernant la levée du moratoire. Je prends un peu l'exemple qu'on a retrouvé dans mon comté il y a quelques années. Bien que mon comté compte majoritairement des locataires et des gens à faible revenu, il nous est apparu quand même important d'effectuer une percée pour conserver une partie de la clientèle qui allait un peu vers l'extérieur, des préretraités et retraités, en offrant des types d'édifices à cette clientèle spécifique.

Par exemple, il y a des gens de la Macdonald Tobacco qui, pour une raison ou pour une autre, lors de leur préretraite, voulant avoir une qualité de logement un peu meilleure, sont allés à l'extérieur du comté pour retrouver cette qualité de logement. C'était une partie de la population, ce n'était pas la majorité, à laquelle on devait répondre.

En ce sens, votre mémoire, tout en allongeant la liste des mesures qu'on pourrait proposer dans le cadre de la levée du moratoire, ce qui est très intéressant, vient un peu offrir la possibilité aux travailleurs et travailleuses d'acquérir cette forme de logement. On me permettra un petit aparté, parce, que le député de Saint-Jacques a entrouvert la porte. Je veux simplement lui signaler qu'alors qu'il était président de Montréal-centre, je m'évertuais, à la Régie du logement et à la Cour provinciale, à amoindrir les problèmes de reprise de possession et de rénovations majeures. C'est seulement ce que je voulais souligner.

Dans votre document, vous parlez de deux règles... J'ai entendu le mémoire de la ville de Montréal et celui du RCM qui est venu un peu plus tôt aujourd'hui, nous faire part un peu des mêmes règles que vous évoquez, advenant la levée du moratoire, avec le consentement de la majorité des locataires. Je vois cela un peu en opposition j'essaie de concilier les deux - la protection du locataire à son logement de façon illimitée par rapport à la règle de la majorité. Par exemple, on a un triplex et il y en a deux sur trois qui sont consentants à acquérir cette propriété; donc, on a cette règle de la majorité. Qu'est-ce que je fais avec mon troisième?

M. Cousineau: On applique la norme qui dit que le troisième locataire peut rester locataire et vous, demeurer propriétaire de votre logement. Vous avez le choix de revendre votre édifice de trois étages ou de trois logements en logements locatifs, comme il est actuellement, ou de le vendre aux individus qui l'habitent et de garder la troisième partie. Vous êtes pris pour garder la troisième partie si le troisième ne veut

pas l'avoir, de la même façon que, dans ce que vous proposez, vous ne mettez pas de majorité. Si, actuellement, dans ce que vous proposez, il y a trois logements, je veux vendre en copropriété, mais les locataires ont le droit de rester, s'il y en a un qui veut rester, qu'est-ce que vous faites? Vous faites la même chose que nous. Le propriétaire reste propriétaire de son logement ou il le vend et le nouvel acquéreur va avoir son locataire tant et aussi longtemps qu'il va vouloir rester dedans. Ce qu'on dit, c'est qu'il n'y aura pas de droit de conversion tant et aussi longtemps que dans un immeuble il n'y aura pas une majorité de personnes qui seront d'accord pour que l'immeuble soit converti. Quand on dit que les gens pourront être d'accord que ce soit converti, cela veut dire que je n'y suis pas obligé, mais que cela ne me fait rien de rester dans un immeuble où mon voisin va être propriétaire, moi locataire, l'autre en face propriétaire et l'autre à côté locataire. Dans le fond, cela ne me fait rien de vivre dans un immeuble mixte. Cela peut être cela ou bien je veux l'acquérir.

Si on fait cela, je pense que l'un des effets, c'est que, lorsqu'on offre dans un premier temps au locataire le choix d'acheter la maison, il connaît la valeur du logement, il sait combien il paie et s'il est prêt à payer dix fois le loyer qu'il paie pour acquérir son logement. II pourra dire non et rester locataire. L'autre ne pourra l'augmenter indéfiniment parce qu'il a payé dix fois le prix que cela valait. Le fait de forcer la vente ou l'accord des locataires va faire que l'effet inflationniste va avoir tendance à diminuer.

M. Laporte: Certains groupes nous ont fait justement état de l'exemple français et aussi de celui d'un autre pays dont le nom m'échappe malheureusement - je crois que c'est en Grande-Bretagne - où d'une part, on retrouvait 70 % des unités converties que les propriétaires n'habitaient pas et l'autre endroit, c'était 20 %. On signalait que c'était un peu discordant quant à la qualité du logement, au prix, etc., et que cela pouvait créer certains conflits.

M. Cousineau: Dans le fond, en Europe, en tout cas en France, cela fait longtemps que la copropriété existe. Lorsqu'on a acheté un logement il y a 20 ans et qu'il est rendu trop petit, on le garde, on déménage ailleurs, on achète un autre logement et on garde celui-là comme revenu. C'est ce qui existe en Europe. Ici, on n'a pas cette pratique. Donc, on veut convertir des immeubles actuellement. Ce qu'on dit, c'est qu'il ne faut pas que dans Sainte-Marie, dans Saint-Jacques ou au Plateau-Mont-Royal, les loyers augmentent parce qu'ils vont être quatre à l'acheter plutôt qu'un. Cela a été contourné. Si on regarde les ventes des maison dans Villeray, l'an passé, on n'avait qu'à regarder le prix que se vendait une maison et on savait que le premier étage valait 60 000 $, le deuxième 55 000 $ et le troisième 60 000 $, parce qu'il n'y avait personne au-dessus, et les gens vendaient des maisons par unité comme s'ils vendaient le bloc au complet. Les prix des maisons étaient en fonction de cela, le moratoire était là et cela n'a pas empêché la spéculation. Ce qu'il faut faire, c'est permettre... L'objectif, c'est de permettre à ceux qui restent dans le logement et qui ont de faibles revenus de pouvoir l'acheter. Donc, il faut s'arranger pour que la loi permette qu'ils puissent l'acheter, que ce soit d'abord eux qui puissent l'acheter, soit par des coopératives, soit par des OSBL, soit individuellement, mais à des prix pas plus élevés que ce que la maison vaut actuellement.

M. Laporte: Vous parlez dans votre mémoire de la possibilité de contester l'opportunité des travaux. J'essaie toujours de voir, un peu comme l'avocat du diable, comment on peut situer cela dans le contexte de la règle de la majorité. Est-ce que cela ne prête pas flanc, si on conteste l'opportunité des travaux, à ce qu'il y ait un démembrement de cet immeuble? Démembrement de l'immeuble dans le sens où, si j'ai la possibilité, à titre d'exemple, et je vois déjà nombre de causes... Il y a beaucoup de logements en bon état et si, pour une raison ou pour une autre, le propriétaire émet des avis de rénovations et de réparations majeures pour des motifs autres que des rénovations... On le conçoit très bien.

De façon générale, est-ce que cette possibilité de contester l'opportunité des travaux ne ferait pas qu'on atteindrait une espèce de démembrement du stock locatif et de l'entretien de l'immeuble en général?

M. Cousineau: Je pense qu'un des problèmes qu'on a eu avec le moratoire, c'est le fait qu'il n'y avait aucune limite pour un propriétaire de dire: Je fais sortir les gens pour trois mots parce que je veux rénover l'ensemble du logement, même si le logement est en bon état, qu'il n'y a aucune réparation majeure à faire dedans, simplement parce que le propriétaire veut, lui, faire sortir les gens. Quand vous sortez de votre logement pour trois mois et que vous savez qu'on va le rendre tellement luxueux qu'au bout de trois mois on va augmenter le loyer et que vous ne pourrez pas le payer, puis il y a les frais de déménagement et le trouble que cela vous donne, si vous trouvez un logement à peu près identique à celui que vous avez, au prix que vous payez, vous ne revenez pas dedans et vous venez de le libérer. C'est ce que le moratoire a fait.

Dans Saint-Louis, au Plateau-Mont-Royal, cela a été utilisé à plein. Quand on dit au locataire: Dehors pour plus d'une semaine parce que je veux rénover, il faut que les travaux soient effectués parce qu'il y a quelque chose dans la structure de la maison ou dans le logement qu'il faut réparer, et non pas juste améliorer la maison pour qu'il y ait une plus-value et la revendre plus cher.

Je trouve que c'est un des dangers qu'il y a eu. C'est le danger qui existe actuellement dans le centre-sud où les gens achètent des maisons et les rénovent, de telle sorte que les gens qui restaient là avant ne pourront jamais payer ce loyer. Il n'y a rien qui empêche un propriétaire actuellement de prendre un taudis et d'en faire un château parce qu'il a le goût d'avoir un château dans la rue Saint-André, au coin de Saint-Hubert.

Je trouve que c'est ce qu'il faut éviter et c'est ce que le moratoire n'a pas évité. C'est une des choses qu'on dit. S'il n'y a pas des mesure pour empêcher cela, le moratoire, qu'on le lève ou non, de toute façon, cela se fait.

M. Laporte: Je suis parfaitement d'accord avec vous que cela a occasionné de gros problèmes. Je pense que les échappatoires qu'il y avait à ce niveau et tous les problèmes que cela a pu occasionner ont été constatés dans votre document. C'était juste ce que je voulais voir un peu avec vous. On cherche toujours à pousser un peu plus loin pour essayer de capter tout ce qu'il nous est possible de ramasser comme information afin d'émettre les meilleures propositions possible,

M. Cousineau: Oui. Une des choses qui est claire dans notre document, c'est qu'on est d'accord avec le moratoire, mais on ne veut paa que ce soit une levée inconditionnelle qui ferait en sorte qu'on perdrait. Dans le fond, on veut la levée du moratoire pour aider des gens. Si on ne fait paa attention, et je pense que c'est un des problèmes... Quand j'ai travaillé avec le document du ministre, j'ai trouvé qu'il y avait de petites ambiguïtés. Il y a effectivement la volonté de protéger, mais en même temps on sent que cela va servir à d'autres gens. Je trouve que les mesures énoncées ne sont pas au niveau de ne pas trop permettre d'échappatoires. Dans le document, il est presque dit que cela va permettre, dans le fond, une recapitalisation dans le domaine immobilier. Même si cela va avoir cette conséquence, ce n'est pas l'objectif.

M. Laporte: J'ai peut-être mal saisi. Vous parlez des propositions avancées dans le document, des propositions afin d'éviter toutes les échappatoires. C'est ce que vous dites. Cela ne semble pas...

M. Cousineau: Ce qu'on dit, c'est que la volonté du ministre, la volonté qu'on retrouve là-dedans, c'est effectivement de protéger les plus démunis, mais il y a comme, à certains endroits, des...

M. Laporte: Est-ce que vous avez des exemples, sans nécessairement...

M. Cousineau: C'est que je suis revenu de vacances hier et je me suis replongé là-dedans cet après-midi.

M. Laporte: D'accord. Nous aurons peut-être l'occasion de revenir plus précisément sur des points comme ceux-là.

M. Cousineau: Peut-être.

(21 h 45)

M. Laporte: Vous vous attardez longuement... En tout cas, de mémoire, je n'ai pas entendu de groupes parler de protection du futur acquéreur de cet immeuble, de celui qui serait converti. Vous proposez une espèce de rapport d'expert qui viendrait, j'imagine, selon , ce qui est exprimé là, faire la description de ce qui a été modifié de cet immeuble et de ce qui reste à modifier. Qu'attendez-vous de façon globale de ce rapport d'expert qui, semblez-vous souligner, servirait même par la suite de recours pour cet acquéreur contre celui qui a vendu?

M. Cousineau: C'est une chose qui n'existe pas dans le marché immobilier. On n'est pas obligé de produire, lorsqu'on vend une maison, un rapport d'expert sur la qualité. N'importe qui parmi nous peut se faire prendre en achetant une maison et avoir un sous-sol plus pourri qu'on ne le pensait. Ce qu'on dit, c'est qu'en même temps qu'on va lever le moratoire... D'ailleurs, je n'ai rien inventé. C'est ce que vous proposez dans Lever le moratoire: une décision qui s'impose. Vous pariez de rapports d'experts. On est d'accord avec cela. Il devrait y avoir un rapport d'expert émis disant quels sont les travaux qui ont été faits et quelle est la valeur de la maison. D'ailleurs, chacun de nous qui achète une maison devrait s'enquérir auprès de l'acheteur pour savoir quelle est la qualité de ce qui est vendu. Cela devrait être une obligation. Quelqu'un qui veut convertir devrait dire à chacun de ses locataires: La maison, la structure est bonne, elle n'est pas bonne, il y a telle faiblesse, il y a telle chose dedans. Ce qu'on dit, à un autre moment, c'est qu'on devrait donner au locataire ou, quand on émet une autorisation pour convertir, dire: Au cours des dix dernières années, personne n'a été évincé parce qu'il y a eu des modifications. Il n'y a pas eu d'acheteur, une gang de monde qui a acheté le triplex, comme cela s'est passé au plateau au cours des quinze dernières années. On a tous

acheté de bonnes maisons à trois ou quatre, sans que ce soit divise. Là, on les revend toutes à l'autre et c'est indivise parce que ce n'est plus un immeuble locatif.

M. Laporte; Est-ce que vous...

Le Président (M. Saint-Roch): Je m'excuse, M. le député de Sainte-Marie, je me vois dans l'obligation de vous retirer la parole, votre temps étant écoulé. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Shefford.

M. Paré: Oui, merci beaucoup, M. le Président. Moi aussi, je vous souhaite la bienvenue et je suis très heureux qu'on puisse échanger parce que vous dites que vous êtes en faveur de la levée du moratoire, mais vous mettez un paquet de conditions. En discutant, vous émettez des craintes et, justement, vos craintes, si le moratoire est levé, vont devenir des cauchemars pour les mêmes citoyens que vous voulez défendre. Je vais vous expliquer pourquoi, on va en discuter. Premièrement, vous dites qu'il faut favoriser la propriété collective pour ceux qui n'en ont pas les moyens. Dans la proposition gouvernementale, on ne retrouve absolument rien. Plus que ça, connaissant les gestes qui ont été posés, c'est-à-dire diminution des investissements au niveau des coopératives et des organismes sans but lucratif, connaissant aussi l'annonce du ministre qui va arrêter de subventionner d'ici quelques années, mais en décroissant, les groupes de ressources techniques sont là pour monter les coopératives. S'ils n'y sont plus, ne rêvons pas en couleur, ce n'est pas Mme Y avec M. Z, qui n'ont pas de connaissances techniques, qui vont pouvoir les monter tout seuls.

Donc, on a déjà pris des mesures négatives ou allant à l'encontre du développement du logement collectif et, en plus, quand on dit dans le livre qu'on va donner aux gens un mois pour leur droit de préemption, un mois, ne rêvons pas en couleur, ça prend beaucoup plus que cela pour monter une coopérative. Cela veut dire qu'on vient d'éliminer le logement coopératif quant à la possibilité d'acquérir des immeubles dans les coins centraux de la métropole. On retrouve des coopératives, mais les gestes posés antérieurement viennent empêcher toute prise de possession par les coopératives.

La première question que je veux vous poser: Vous avez répondu à des questions de mon collègue tantôt et vous sembiiez dire qu'il faut donner au locataire en place la possibilité d'acheter son logement. Dans votre idée, est-ce que c'est oui à la levée du moratoire pour permettre au locataire d'acheter son logement? Si c'est ça, il ne faut pas oublier que dans ce qu'on retrouve là, c'est aussi cela, mais c'est la permission pour tous les propriétaires de vendre leurs logements, peu importe à qui.

M. Cousineau: Je n'ai pas dit que j'étais d'accord, on n'a pas dit qu'on était d'accord avec tout ce qu'il y a là-dedans. On a dit: La levée du moratoire, à condition qu'il y ait des choses de changées. On parle d'un droit de préemption pour une association de six mois, et non pas d'un mois. S'il n'y a pas cela dedans, on sera contre. S'il n'y a pas de mesures pour que le locataire ait vraiment le premier choix d'acheter son logement, on sera contre. Dans ce sens, il ne faut pas dire qu'on est pour la levée du moratoire de façon inconditionnelle, qu'elle se fasse de façon à pénaliser. C'est ce que j'ai dit tantôt en répondant et on dit au début du mémoire qu'il faut, en même temps qu'il y aura levée du moratoire, qu'on ait une politique d'accès au logement. Il faut permettre l'accès au logement collectif. Si on lève le moratoire et qu'on n'a pas une politique qui va aller dans ce sens, la levée du moratoire sera effectivement dangereuse. Mais, en même temps, une des choses qu'il faut savoir à Montréal, c'est qu'actuellement les jeunes ménages n'achètent pas de maison à Montréal, il s'en vont à l'extérieur. Montréal va devenir une ville de vieillards, une ville où les gens ne seront pas. Si on ne permet pas la levée du mpratoire, si on ne permet pas certaines formes d'accès à la propriété, ils vont tous aller acheter à Saint-Hubert, à Saint-Bruno, à Saint-Basile, mettez-en, à Mascouche, parce que les logements, des maisons unifamiliales dans ce coin-là, on peut encore en acheter à 45 000 $ ou 50 000 $. À Montréal, si on ne permet pas la conversion, les condos neufs se vendent 60 000 $, 70 000 $ et plus.

Dans ce sens, il ne faut pas restreindre en disant: Non, non, il ne faut pas toucher à cela. On va faire en sorte qu'à Montréal, il n'y aura plus de jeunes, ils vont s'en aller à l'extérieur. C'est ce que je pense qu'il faut regarder. Dans ce sens, on est d'accord avec la levée du moratoire, mais, en même temps, il faut qu'elle soit assortie d'une politique d'accès à l'habitation et au logement pour l'ensemble de la population.

M. Paré: C'est pour cela que j'étais content que le maire de Côte-Saint-Luc vienne dire tantôt: Des condominiums, on peut en bâtir aussi dans les quartiers de Montréal. Il ne faut pas oublier cela, il y a de la construction.

Une voix: ...

M. Paré: Oui, dans la région de Montréal et dans le Grand Montréal. On parle toujours en fonction du Grand Montréal. Quand vous dites: Oui, il faut permettre aux

gens de devenir propriétaires, on est tous d'accord, sauf qu'une chose a été dite et redite par presque tout le monde ici - par tout le monde, effectivement - il faut reconnaître qu'il y a des gens qui ne peuvent devenir propriétaires et c'est une très grande quantité de personnes. Est-ce qu'on va permettre la levée du moratoire et la conversion en déplaçant ces gens? C'est le danger qui menace présentement. Il faut permettre à des gens d'être propriétaires à Montréal en développant, en permettant môme la copropriété, et on l'a dit, c'est une formule avantageuse. Toutefois, on dit qu'il ne faudrait pas que ce soit en déplaçant des gens.

À la page 2, vous dites qu'il ne faudrait pas que cela ait des effects inflationnistes sur le stock de logements des quartiers populaires et la stabilité de leurs résidents. On dit qu'effectivement, si on le lève, tel que proposé, c'est exactement ce que cela va donner. Je vais vous expliquer pourquoi et je vais avoir une question par la suite. Vous dites que vous êtes d'accord avec ce qui est proposé, le droit au maintien dans les lieux pour une période illimitée. C'est vrai qu'en soi citer cela c'est encourageant, stimulant et de toute beauté. Son application maintenant. C'est vrai qu'on garantit un droit, mais il faut qu'on puisse l'exercer. Nous disons que la plupart ne pourront pas l'exercer. Pourquoi? Parce que c'est évident que, dès qu'un édifice va se transformer - et un paquet d'exemples ont été cités depuis hier matin - l'évaluation foncière sera multipliée, selon le nombre d'appartements, par deux, trois, quatre, cinq ou six. Donc, c'est une augmentation parce qu'il va falloir transférer les taxes aux locataires. C'est une première augmentation certaine.

Ensuite, les frais de transformation en copropriété seront aussi transférés et on dit que, dès qu'il y a une majorité de propriétaires, on peut faire des rénovations. Donc, on va encore transférer. Les gens qui paient - et vous avez cité des chiffres -jusqu'à 40 % pour se loger n'auront pas les moyens, ils seront obligés de s'en aller. Ils ne pourront pas exercer leur droit. N'oublions pas que la protection qui est là est limitée au premier locataire. Comme il y a 90 000 déménagements par année à Montréal, on risque de perdre une quantité incroyable de logements qui seront transformés en copropriété. Oui, cela permet l'accès à la propriété à des gens, mais en délogeant ces gens-là. C'est là où nous disons que nous sommes inquiets. Croyez-vous vraiment que, si le moratoire est levé... Vous savez ce que cela veut dire la levée d'un moratoire? C'est que tous les propriétaires peuvent vendre leur logement, il n'y a plus de limite. Il n'y a plus de moratoire, il n'y a plus d'interdiction pour autant qu'on se conforme au règlement. Le règlement, c'est le droit au maintien, mais on va être obligé d'absorber les augmentations. Pensez-vous vraiment que le droit au maintien sera effectif?

M. Cousineau: Une des choses qu'on dit, et c'est une de nos conditions, c'est que, si on est obligé d'aller, pour convertir, chercher l'assentiment de la majorité des locataires, et quand je dis l'assentiment, ce n'est pas de dire: Je veux devenir propriétaire, il faut que cela ne me fasse rien ce risque-là, de sorte que, si dans un immeuble de dix il n'y en a pas six qui sont d'accord pour que l'immeuble soit converti, on ne pourra pas le convertir. En plus de ce droit, si jamais il y en a six, les quatre autres vont avoir le droit de rester dedans. Une des choses que vous avez soulevées: Qu'est-ce que le moratoire a fait dans les quartiers du Plateau-Mont-Royal? Qu'est-ce que le moratoire a fait dans le centre-sud? M. Boulerice pourrait nous dire que la clientèle et les gens qui restent dans son quartier aujourd'hui, ce ne sont pas ceux qu'il y avait en 1975, avant le moratoire. Cela n'a rien changé. Les populations ont été déménagées quand même et les gens qui étaient là n'ont jamais eu la possibilité d'acheter leur logement. On est passé carrément à côté de la loi, on est passé carrément à côté du moratoire et ils n'ont même pas eu le premier choix de dire si, oui ou non, ils le voulaient. Une des choses que le moratoire va faire, c'est qu'on va être obligé d'offrir d'abord les logements aux locataires. Un locataire dans le centre-sud, il y a dix ans, dans une maison non rénovée, n'aurait pas payé le prix du loyer qu'on lui a exigé aprè3 les rénovations. C'est dans ce sens que la levée du moratoire pourrait permettre à un certain nombre de personnes de devenir propriétaires de leur logement dans les quartiers où elles demeurent avant que le logement ne soit transformé. Actuellement, le jour où un propriétaire veut rénover son logement pour le vendre, il faut qu'il annonce qu'il veut le faire parce qu'il veut le revendre.

Déjà, on pourrait trouver des mécanismes pour que le logement se vende tel qu'il est et non pas rénové, ce qui n'est pas le cas actuellement. Les logements vendus en condos actuellement, qui passent à côté du moratoire, sont tous rénovés et vendus à gros prix.

M. Paré: Là-dessus, on est tout à fait d'accord. Le moratoire est une passoire. On convertit malgré le moratoire. Donc, on a le choix: ou en l'enlève et tout le monde passe, ou bien on met des balises ou on l'empêche. Finalement, cela ne se passe plus. C'est un choix qu'on a. Plusieurs groupes de la ville de Montréal qui sont venus vont plus loin, ils enlèvent le droit. D'autres disent non, le moratoire, on le rend effectif par des

mesures, les mesures qui sont là-dedans. On applique les mesures, mais on garde le moratoire, ou on lève le moratoire et cela veut dire qu'on permet toutes les conversions avec certaines balises. Vous dites: On accepterait à la condition qu'il y ait deux choses qui soient dedans au moins: six mois avec possibilité que cela se fasse de façon collective...

M. Cousineau: Oui, une des premières conditions.

M. Paré: Une des premières conditions. Il y avait la deuxième, attendez un peu...

M. Cousineau: Une des choses qu'on dit, c'est qu'il faut qu'il y ait une majorité de gens qui habitent l'immeuble...

M. Paré: Ah! la majorité.

M. Cousineau: ...qui disent: Oui, on est d'accord pour que l'immeuble soit converti, que vous puissiez le vendre appartement par appartement. Deuxièmement, on dit que les premiers à qui on va l'offrir, cela doit être d'abord è l'association, s'il y en a une, ou à tout le monde en demandant si on veut acheter collectivement comme OSBL ou comme coopérative. On leur donne six mois pour savoir si oui ou non ils veulent se lancer dans cette opération. C'est ce qu'on dit.

M. Paré: Donc, vous seriez d'accord, mais à ces conditions. Sinon, tel que proposé: un mois, les locataires n'ayant rien d'autre à faire que d'essayer d'utiliser leur droit de maintien... Mais avec tout ce que je vous ai dit tantôt, c'est finalement plus utopique, c'est plus une théorie qu'une pratique. À ce moment-là, cela ne serait pas acceptable.

M. Cousineau: Nous disons qu'on n'aura pas le droit de faire des travaux avant la conversion. Tant qu'il n'y aura pas un permis de conversion, on ne pourra pas modifier le logement. Une des choses qu'on constate, c'est que les jeunes travailleurs chez nous ne restent pas à Montréal, ils s'en vont s'installer ailleurs et on trouve cela inquiétant.

M. Paré: Croyez-vous qu'il y ait passablement de gens, connaissant la condition socio-économique des gens des quartiers centraux de Montréal, qui peuvent accéder à la propriété sans un programme d'aide? (22 heures)

M. Cousineau: Je pense que cela en prend. C'est clair que les programmes d'aide doivent être maintenus, renforcés, parce que l'objectif est l'accès pour les gens à faible revenu à une maison, ce qui stabilise leur loyer pour les quinze prochaines années.

Même si, à Montréal, on a eu des fluctuations et qu'on vit actuellement l'inflation de l'évaluation foncière, cela permet quand même de planifier un coût de loyer pour cinq, six ou dix ans. Acquérir une propriété, c'est l'une des chose que cela apporte: une stabilité dans le coût du logement. Donc, il faut prévoir que des gens à faible revenu puissent acheter leur logement et leur donner les moyens de le faire.

M. Paré: Cela répond à mes questions.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le député de Shefford. M. le ministre, quelques brèves remarques de conclusion?

M. Bourbeau: M. le Président, nous remercions le Conseil des travailleuses et travailleurs du Montréal métropolitain pour cette présentation. Il nous a fait voir un point de vue extrêmement pragmatique de la question. C'est un témoignage de gens qui ont manifestement vécu ou qui vivent sur le terrain des problèmes concrets de logement. C'est toujours intéressant de pouvoir discuter avec des gens qui ont une connaissance réelle des problèmes, comparativement à d'autres qui ont des connaissances plutôt théoriques. Cela nous encourage à continuer et à tenter de trouver des solutions pratiques aux problèmes que nous cherchons à résoudre. Merci.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre. M. le député de Shefford.

M. Paré: Oui, je vous remercie aussi. Je prends bonne note que vous voulez que le plus de gens deviennent propriétaires, et c'est vraiment un souhait partagé par tout le monde, que vous êtes aussi contre ce qui se passe présentement, que le moratoire n'est pas respecté et qu'il faut donc agir dans ce sens-là, que vous seriez d'accord avec la proposition, mais à des conditions bien précises dont les trois que vous venez d'énumérer. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le député de Shefford. M. Cousineau, de brèves remarques de conclusion?

M. Cousineau: Il nous a fait plaisir de présenter notre point de vue. On veut dire au ministre que ce n'est pas une urgence de lever le moratoire, que cela se fasse pour juillet 1988; je pense qu'il a à nous présenter, en même temps que le moratoire, une politique d'accessibilité pour tout le monde ou de meilleures conditions pour que les gens à faible revenu puissent accéder à la propriété en même temps qu'il y aura la levée du moratoire. Je pense que cela ne se fait pas nécessairement en trois ou quatre

mois. On lui demande de prendre plus son temps, mais qu'on ait une meilleure politique.

Le Président (M. Saint-Roch): Messieurs, je vous remercie de votre participation aux travaux de la commission.

Je demanderais maintenant au Conseil centrai de Montréal (CSN) de prendre place, s'il vous plaît.

Dans un premier temps, M. Paquette, j'aimerais vous souhaiter la bienvenue à la commission de l'aménagement et des équipements et, dans un deuxième temps, vous demander de présenter tes gens qui vous accompagnent, s'il vous plaît.

Conseil central de Montréal (CSN)

M. Paquette (Pierre): Je voudrais d'abord remercier la commission de nous recevoir. Comme le faisait remarquer mon collègue précédent, comment se fait-il qu'on passe toujours après le conseil du travail de Montréal, la FTQ?

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Paquette: La semaine prochaine, je demande au ministre une faveur: que le Conseil central de Montréal, sur la question du transport en commun, passe avant le conseil du travail de Montréal.

M. Bourbeau: Écoutez, ce n'est pas moi qui vais présider l'autre commission.

Une voix: C'est le poids du nombre.

M. Paquette: Ah! C'est parce que c'est la même commission.

M. Bourbeau: Vous noterez que, tout à l'heure, je vous ai presque fait passer avant, puisque j'ai nommé l'autre groupe le conseil central. Alors, l'intention était peut-être là.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Paquette, en tant que président de la commission, j'aimerais vous signaler que, certainement, la semaine prochaine, vous allez passer les premiers.

M. Paquette: Ah bon! Merci.

Le Président (M. Saint-Roch): Si l'horaire est respecté.

M. Paquette: Je voudrais vous présenter les gens avec moi. Il y a d'abord Gilles Robichaud, conseiller syndical à la CSN-construction, puisqu'on parle d'habitation et de logement et Marie-Claude Desève, militante au conseil central, qui a participé au travail d'élaboration du mémoire.

Je vais vous lire assez rapidement te mémoire. Je suis convaincu que vous l'avez déjà lu. Mais, quand même, pour se rafraîchir un peu la mémoire. D'abord, le conseil central est le porte-parole régional de ta Confédération des syndicats nationaux. Nous regroupons plus de 70 000 membres de tous les secteurs d'activité. Comme particularité dans le débat actuel, on regroupe, comme personnes ayant des statuts d'occupation du logement, aussi bien des locataires que des propriétaires ou des gens qui vivent dans des coopératives d'habitation et dans des organismes sans but lucratif, ce qui nous amène à avoir une approche peut-être plus générale que certains groupes avec lesquels, d'ailleurs, on travaille comme, par exemple, les groupes de locataires.

La préoccupation du groupe précédent, c'est-à-dire l'accès à la propriété, est pour nous quelque chose de très important. On n'accorde pas de valeur particulière au fait d'être locataire ou propriétaire. Pour nous, ce qui est important, c'est que les gens puissent avoir accès au logement selon la formule qu'ils vont choisir et selon les revenus qui sont les leurs.

Alors, pour ce qui est de la première partie, une approche globale: le droit au logement, je vais passer un peu par-dessus, disons, la page 2 parce que, demain matin, vous allez rencontrer le Front d'action populaire en réaménagement urbain et on le cite. Je pense que l'important ici, c'est de comprendre que, pour ce qui est de la région de Montréal, le logement est devenu, à notre avis, avec la question de l'emploi, le problème social numéro un. Sa dynamique est même, je dirais, plus explosive en termes de tensions sociales que ne peut l'être la question de l'emploi dans la région métropolitaine.

On a toujours eu un problème, nous, comme organisation syndicale, dans la région métropolitaine, à regrouper nos membres sur la question du chômage. À cause de la dispersion des activités, du roulement de la main-d'oeuvre, la question du chômage prend peut-être un caractère un peu différent dans la région métropolitaine. Par exemple, en régions, une usine ferme, les gens se mobilisent autour de cette fermeture. On fait des pressions politiques. À Montréal, une usine ferme - il y en a une qui a fermé dernièrement dans Hochelaga-Maisonneuve -les travailleurs se sont mobilisés, mais on n'en a pratiquement pas entendu parler.

Par contre, sur la question du logement dans la région métropolitaine, les problèmes sont conscrits à certains quartiers, ce qui fait que, dans ces quartiers, il existe des tensions - et nous, nous les vivons, même à l'intérieur de notre organisation - entre les locataires, les petits propriétaires et les propriétaires tout court. Je pense que c'est un problème qu'on ne doit pas négliger. C'est dans ce sens-là que, je pense, comme

beaucoup de groupes, à ce stade-ci on demande au ministre de maintenir et de renforcer le moratoire sur la conversion des logements locatifs en copropriété. Mais, ce qu'on ajouterait, c'est: Peu importe le nombre de logements de l'immeuble, et ce jusqu'à ce que le gouvernement dote le Québec d'une politique globale d'accès au logement pour tous et toutes. Dans notre esprit, ce moratoire renforcé devrait être d'une durée relativement courte, un an environ, et permettre de replacer la levée du moratoire dans une politique d'ensemble sur le logement.

Advenant que le ministre accepte cette recommandation, il est très important que celui-ci renforce le moratoire en comblant les trous de l'actuel moratoire, pour éviter que ce délai supplémentaire ne soit vu par les promoteurs et les spéculateurs comme une occasion de multiplier les réparations majeures, les reprises de possession ou différents - types de harcèlement. On recommande, comme beaucoup de groupes l'ont fait ou vont le faire, d'élargir la juridiction de la Régie du logement pour que celle-ci ait juridiction sur les logements dégarnis, démolis ou modifiés.

Sur la question du logement, il faut partir des besoins de la population. Une politique d'accès au logement doit partir du principe que chaque citoyenne et citoyen doit être en mesure de se loger selon ses besoins et ses revenus. Un plus grand choix de statuts d'occupation ne signifie pas, toutefois, que l'on favorise systématiquement la prolongation du droit de propriété. Selon nous, ce qu'il faut favoriser, c'est un plus grand contrôle des occupants sur leur logement, et cela peut se faire dans le cadre de solutions collectives comme les coopératives ou les OSBL.

À l'heure actuelle, selon nous, toute politique d'accès au logement doit passer par une politique axée sur le logement social, parce que le marché privé, tout en répondant à une certaine demande, est incapable de répondre aux besoins d'une partie toujours plus grande de la population. Cela est particulièrement vrai dans la région de Montréal. Seul le logement social permet des coûts de loyer adaptés à la capacité de payer des résidentes et des résidents et représente, de ce fait, la seule façon pour plusieurs d'avoir accès au logement à un coût qu'ils et qu'elles peuvent assumer.

L'État, dans ce domaine, peut et doit jouer un rôle qu'aucun autre intervenant n'est en mesure d'assumer. Les programmes de logements sociaux permettent, en général, de produire des logements de qualité adaptés aux besoins et aux demandes spécifiques de certains segments de la population, contrairement aux logements construits par l'entreprise privée qui sont habituellement trop petits et trop chers.

De plus, ces logements sociaux constituent un patrimoine pour la société puisqu'ils appartiennent à toute la collectivité. C'est alors en fonction de décisions politiques que sont déterminés les règles d'accession et les coûts d'habitation de ces unités. Sans cette intervention de l'État, la rareté des logements de qualité à prix abordable, en plus de maintenir les mallogés dans leurs mauvaises conditions de logement, favorise les augmentations de loyer artificielles, la discrimination. Pour pallier a cette rareté, un meilleur contrôle des augmentations et des programmes de rénovation sont sans doute nécessaires, mais cela ne peut suffire: II faut également mettre en place un important programme de logements sociaux.

Dans les vieux quartiers, dans les quartiers centraux de Montréal, ces logements constituent une condition essentielle au maintien de la population résidante et on donne ici l'exemple du quartier Hochelaga-Maisonneuve où il y a de très fortes proportions de locataires qui ont subi le phénomène de la conversion en copropriété indivise. Ici, c'est un très bel exemple du problème que le moratoire posait et ce qui nous amène à demander de le renforcer dans sa prolongation à l'ensemble des logements, c'est que, dans Hochelaga-Maisonneuve, il y a énormément d'immeubles de quatre logements et moins qui ne sont pas touchés par le moratoire. Je pense que c'est la majeure partie des problèmes qu'on a connus dans ces quartiers.

C'est dans ce contexte qu'il faut replacer l'éventuelle levée du moratoire. Par exemple, le document du ministre sous-estime les effets de la levée du moratoire sur la conversion quand il y est écrit: "Le perte nette - de logements locatifs -représenterait moins de 1 % du parc locatif après cinq ans d'activités de conversion." Supposons que cela soit vrai, sur cela je ne suis pas convaincu que ce soient des chiffres... Puisque c'est basé sur des projections économétriques et vu que je suis économiste je sais comment ces calculs peuvent être très variables. Par exemple, dans le cas de la ville de Montréal on avait présenté un chiffre aux alentours de 13 % du parc locatif lors du dernier sommet économique de Montréal où le ministre était présent. Pour ce qui est de la région de Montréal, même en comptant la construction de logements locatifs qui pourrait remplacer cela, la perte nette s'élèverait à beaucoup plus de 1 %, j'irais jusqu'à probablement 10 %, dans les cinq prochaines années. Supposons que cela soit vrai, ce 1 %, le ministre oublie que cette perte nette sera concentrée dans quelques quartiers centraux et dans quelques villes. Il serait passablement étonnant que Rivière-des-Prairies soit l'objet d'un processus généralisé de conversions aussi

bien à cause du type de logements que de la nouveauté des constructions. Par contre, Villeray, Hochelaga, Maisonneuve et Rosemont demeurent des quartiers cibles, c'est-à-dire des quartiers où les populations locales sont des plus vulnérables du point de vue financier en termes d'information et où les logements aussi sont accessibles quant aux coûts. Alors, c'est avec cette réalité que nous allons analyser le document. Nous avons mis quelques petites informations statistiques que vous possédiez probablement, mais il fallait bien que nous les contruisions.

Concernant le document Lever le moratoire: une décision qui s'impose on a retrouvé quatre plans dans ce document. Il y a d'abord un plan quant à la protection des locataires. Ensuite, il y a un autre plan pour privilégier les locataires occupants intéressés à devenir propriétaires, un autre plan qui est de protéger les acquéreurs et un dernier qui est de protéger le parc locatif. Nous allons commenter brièvement ces quatre types de mesures en recommandant certaines modifications puis nous synthétiserons les positions du conseil central.

Protection des locataires. Le document déposé par le ministre André Bourbeau contient quelques gains intéressants pour les locataires, particulièrement dans les cas de réparations majeures: La prolongation d'un à trois mois des délais d'évacuation des locataires en cas de rénovations majeures; le remboursement par les propriétaires des frais de déménagement et de réaménagement causés par cette évacuation temporaire; l'imposition de dommages exemplaires pour les propriétaires qui contreviendraient à la loi.

Par contre, les mesures pour décourager le contournement nous semblent avoir peu de poids tant que le gouvernement n'aura pas élargi les pouvoirs de la régie, comme nous le mentionnions précédemment. Une autre amélioration à signaler est la limitation des reprises de possession dans un logement acheté en copropriété indivise aux seuls conjoints, et ce pour un seul logement. Cette proposition du ministre devrait s'accompagner de l'obligation de dédommager le locataire évincé par une reprise de possession en le compensant pour ses frais de déménagement, ce qui n'était pas dans le document. De plus, pour lui assurer un délai suffisant pour se reloger, il faudrait prévoir un avis de reprise de possession d'au moins six mois comme c'est déjà prévu au Code civil. Le locataire aurait alors le droit d'annuler son bail à 30 jours d'avis à partir de l'avis d'éviction. De telles mesures existent dans plusieurs États américains. Disons que ce sont des améliorations mineures mais qui, je pense, pourraient se retrouver dans une éventuelle politique d'ensemble.

Dans le même ordre d'idées le ministre recommande d'interdir au propriétaire- convertisseur de reprendre possession d'un logement à partir du moment où l'avis d'intention est émis. Mais quelle mesure le ministre propose-t-il si un propriétaire utilise son droit de reprise de possession avant l'avis d'intention de convertir et cela dans le but de priver le locataire de son droit au maintien dans les lieux pour une période illimitée? Cela a été souligné ou cela va être souligné, d'ailleurs, par plusieurs groupes de locataires. Le seul recours du locataire dans la proposition présentée est le recours aux tribunaux. Or, on sait bien que plusieurs locataires n'ont pas les ressources pour entreprendre de telles démarches, et particulièrement s'ils sont relogés entretemps.

D'autre part, pourquoi le fardeau de la preuve devrait-il revenir au locataire? Selon nous, la seule façon de contrer l'effet pervers de la proposition très valable du ministre est d'interdire purement et simplement à un propriétaire qui a utilisé son droit de reprise de possession de convertir son immeuble en copropriété. Évidemment, il y a le droit à l'erreur. S'il avait décidé qu'il voulait rester dans son logement dans Villeray et que tout à coup il s'aperçoit que ce serait peut-être mieux qu'il aille rester dans Outremont, bien, il vendra l'ensemble de la bâtisse.

Finalement, le Conseil central de Montréal ne peut être que d'accord avec la recommandation d'accorder aux locataires occupants le droit au maintien dans les lieux pour une période illimitée. Le renforcement du droit d'occupation par rapport au droit de propriété dans le domaine du logement s'est concrétisé dans l'évolution de nos législations et doit se poursuivre. Ce renforcement est justifié par le fait qu'en règle générale le locataire occupant a un revenu plus faible que l'acheteur et que ses possibilités de se loger ailleurs, en particulier au même coût, sont plus faibles. (22 h 15)

II faut, par contre, que le gouvernement donne aux locataires les moyens de se défendre contre le harcèlement possible. Cela passe aussi bien par des mesures législatives décourageant le harcèlement, des campagnes d'information, que par une politique de financement adéquate des groupes de défense des locataires. Cette dernière mesure évitera l'accroissement des réglementations bureaucratiques en favorisant le "solutionnement" des problèmes réellement vécus par la communauté. Dans une ère de déréglementation ou d'allégement des réglementations, je pense qu'une recommandation de ce type-la ne peut être que bienvenue. En plus de cela, on responsabilise la communauté en se prenant en charge. Je pense que c'est tout à fait dans la ligne défendue par le présent gouvernement.

Privilégier les locataires occupants

intéressés à devenir propriétaires. On devrait, dans le cadre de cet énoncé du ministre, être au centre de la stratégie visant à lever le moratoire sur la conversion des logements locatifs en copropriétés. En effet, on ne lève pas un tel moratoire pour, fondamentalement, protéger les locataires, mais bien pour leur donner la possibilité d'accéder à la propriété de leur logement.

Dans ce cadre, on se serait attendu à toute une politique d'aide financière visant à favoriser effectivement l'achat des logements convertis par leurs occupants.

Le ministre se contente de proposer comme mesure un droit de préemption (priorité d'achat) pour le locataire, ce qui est nettement insuffisant. Là, on mentionne les expériences qui se sont passées aux États-Unis où, effectivement, l'adoption d'un tel droit a amené de très bons résultats au niveau des quartiers où les gens avaient des revenus supérieurs à la moyenne. Par contre, dans les quartiers où les gens ont des revenus plus faibles, cela n'a eu aucun effet. On sait que 51,2 % des ménages locataires québécois ont un revenu inférieur à 15 000 $ par année en 1981. Ils n'ont donc pas la possibilité d'accéder à la propriété sans une aide gouvernementale.

Le Conseil central de Montréal recommande donc, dans une éventuelle levée du moratoire, de favoriser l'accès à la propriété en privilégiant les occupants, en leur donnant les moyens financiers de devenir propriétaire du logement occupé. Cette aide pourrait prendre la forme d'un prêt avec faible intérêt pour le versement initial à certaines conditions. Ce prêt serait remboursable s'il y a revente et au moment de la vente comme cela existe en Californie. D'autre part, si l'intention du gouvernement, en levant le moratoire, est de "diversifier les droits d'accès à la propriété pour les ménages locataires du Québec", comme c'est mentionné, sans que cela ne se "fasse au détriment des locataires en place", toujours comme c'est mentionné, celui-ci doit accorder aux locataires le droit de refuser la conversion de l'immeuble en copropriété.

La formule que nous proposons, je pense, ressemble sensiblement à celle que nos camarades du CTM ont présentée, c'est-à-dire: interdiction de convertir si 100 % des locataires ne sont pas d'accord avec la conversion dans le cas des immeubles de moins de cinq unités locatives occupées et si 51 % ne sont pas d'accord dans le cas de cinq unités locatives occupées et plus; droit de préemption des locataires avec un délai suffisant pour s'orqaniser en association; maintien des locataires occupants dans les lieux pour une période illimitée dans tous les cas, comme c'est prévu, d'ailleurs: le propriétaire ne peut pas vendre à un prix plus bas que celui offert par les locataires. Les pourcentages que nous avons présentés nous semblent, dans le cadre du principe que les locataires doivent accepter la conversion, comme allant de soi. Prenons l'exemple d'un triplex où le propriétaire-convertisseur habite. Quel sens aurait une décision des locataires où un des locataires occupants voterait pour la conversion et l'autre, contre? À notre avis, les deux doivent être en faveur pour que le processus de conversion se fasse, soit parce qu'ils sont intéressés à devenir copropriétaires, soit parce qu'ils ont obtenu des garanties ou des compensations suffisantes. Dans le cas des immeubles de plus de cinq unités locatives -et là, j'ajoute occupées - la majorité des locataires est une garantie suffisante, selon nous, de l'appui qu'ils accordent au changement de statut et de leur intérêt pour la formule.

L'intérêt de cette formule est double: d'une part, elle permet de garantir les droits des locataires aussi bien d'accéder à ta propriété que de rester dans les lieux; d'autre part, elle permet de "réduire le prix d'achat de l'immeuble à un niveau qui se rapproche de la valeur locative, puisque le seul concurrent aux occupants est un acheteur externe qui continuerait à louer les logements."

Cela permettrait sans réglementation lourde - encore ma grande préoccupation -de freiner la spéculation et d'assurer que les locataires, règle générale et mis à part le versement initial, soient capables d'acheter leur logement. En effet, l'hypothèque à payer ne serait que légèrement plus importante que le logement versé précédemment.

En fait, ce sont normalement les règles qui devraient régir le coût d'achat des immeubles locatifs. Normalement, c'est fondé sur les revenus que représentent les loyers. Si les locataires en place sont capables de payer les loyers, normalement, si l'État les aide dans le versement initial, ils devraient être en mesure de remplir les obligations que les hypothèques leur apportent plus des frais supplémentaires qui peuvent exister. On pourra revenir là-dessus.

Signalons aussi qu'une telle mesure permettrait d'éviter que les propriétaires-convertisseurs ne relouent pas leurs logements locatifs quand ces derniers sont libérés, puisque, tant qu'un locataire resterait, il serait en mesure de bloquer toute conversion non désirée.

Alors, c'est pour ça que j'insiste sur la notion de logements locatifs occupés. Il suffit qu'il en reste un, il est capable de bloquer la conversion. Alors, si on a un logement, par exemple, avec huit unités à louer et que, par un processus très long, le propriétaire, en vue de convertir, ne reloue pas d'une année à l'autre les logements dont les locataires ont décidé de partir, ça lui prendrait drôlement de temps avant d'avoir évincé tous les locataires. Il est aussi bien

d'essayer de s'entendre avec eux.

Selon le Conseil central de Montréal, il faut s'assurer que tous les ménages aient le choix d'être propriétaires ou locataires. Cela implique une aide de l'État pour plusieurs d'entre eux et le droit de refuser le statut de propriétaire. Si le ministre est sincère dans les buts énoncés dans son document, il doit bonifier grandement les mesures qui privilégient tes locataires intéressés à accéder à la propriété. Finalement, nous ne pouvons qu'être en accord avec l'approche et les mesures proposées pour protéger les acquéreurs.

Protéger le parc de logements locatifs. Dès le départ, le libellé de cette intention nous semble très défensif. Le Conseil central de Montréal considère que non seulement il faut protéger le parc locatif, mais dans plusieurs régions ou quartiers, le développer.

Nous avons déjà expliqué que, selon nous, ce développement passait par une politique axée sur le logement social. Le Conseil central de Montréal considère comme prioritaire le contrôle de leurs conditions de logement par les citoyens et citoyennes du Québec. Par contre, nous divergeons de la position du ministre voulant que cela passe uniquement par l'accès à la propriété.

À cet égard, il nous semble important d'élargir le droit de préemption non seulement et en priorité aux locataires, mais aussi à la collectivité. Selon nous, une municipalité, un OSBL ou une coopérative de logements devraient avoir priorité dans l'achat d'un immeuble offert à la conversion, parce que ces acquisitions augmenteraient le contrôle collectif sur le logement.

Nos demandes sont-elles irréalistes? Je pense que, là aussi, on vous a déjà fait mention du fait que l'aide qui avait été apportée au programme d'accès à la propriété dans le passé a dépassé largement les sommes qui ont été investies dans le logement social.

Je terminerai tout simplement en disant qu'un des problèmes qu'on rencontre et qui est présent dans l'ensemble du problème de la levée du moratoire, ce sont les aspects spéculatifs qui pourraient en retomber. Ce qu'on demande, c'est de réinstaurer l'impôt sur le gain de capital qui, à notre avis, est un des facteurs qui a amené beaucoup de spéculation dans la région métropolitaine.

Finalement, vous avez les propositions du Conseil central que je vous ai lues au fur et à mesure du document. Donc, je n'y reviendrai pas. Voilà.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Paquette. M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, le mémoire du Conseil central de Montréal est un mémoire bien équilibré et les représentants du conseil font une analyse des points forts et de ce qu'ils considèrent être les points faibles du mémoire. Je dois dire qu'ils manient assez bien la carotte et le bâton à l'endroit du ministre avec un coup d'encensoir ici et un coup de bâton là. Mais c'est de bonne guerre.

M. Paquette: ...le gouvernement...

M. Bourbeau: Vous parlez d'une politique de financement, d'une politique d'aide au logement. Dans votre esprit, est-ce qu'une telle politique, si elle devait exister, devrait tenir compte du niveau de revenu des emprunteurs, des acheteurs ou, enfin, de ceux qui jouiraient de l'aide gouvernementale ou si on devrait avoir un programme ouvert, sans tenir compte d'une...

M. Paquette: Dans la formulation, on écrit: Selon certaines conditions. À notre avis, ce n'est pas l'ensemble des personnes qui veulent accéder à la propriété qui devraient avoir droit à ces programmes, mais c'est selon certaines conditions. Entre autres, le revenu me semble important. Il y a aussi la localisation dans les régions qui sont plus touchées. On est capable d'identifier certaines régions où les gens sont plus affectés par le phénomène de la conversion. C'est un ensemble de facteurs qui devrait permettre de rendre des personnes admissibles à ce programme d'aide.

M. Bourbeau: Dois-je comprendre que vous seriez plutôt d'accord avec la politique du gouvernement actuel qui vise à faire en sorte de concentrer l'essentiel de l'aide gouvernementale aux citoyens les moins favorisés ou les plus démunis, selon l'esprit de l'entente que nous avons signée avec le gouvernement fédéral?

M. Paquette: Je pense que cela dépend des domaines dans lesquels cela se situe. Au chapitre de la santé et des services sociaux, on a toujours défendu l'universalité des programmes. Au chapitre de l'habitation et de l'accès à la propriété, c'est un peu l'exemple qu'on a déjà donné devant la commission Parizeau. Dans un terrain de golf municipal, je ne suis pas contre la tarification. Par contre, s'il y a une arÉna ou une piscine, il me semble qu'on devrait donner l'accès gratuit à la population locale. C'est un peu la même chose pour ce qui est des programmes d'habitation. Il y a certaines mesures qui doivent être universelles, mais, dans le cadre de l'accès à la propriété privée, parce que ce sont les gens qui sont ensuite... Je parlais spécifiquement de l'aspect de la propriété privée et je pense donc qu'il y a certains critères qui doivent entrer en ligne de compte. Ce doivent être des prêts dans le sens où - d'ailleurs, c'est mentionné dans le document du ministre et

je pense que c'est quelque chose de très important - la propriété d'un logement au Québec est une forme d'épargne très importante. Or, les gens, bénéficiant d'un prêt du gouvernement, vont être capables de faire fructifier cette propriété et d'en tirer éventuellement des bénéfices.

Je n'ai rien contre le fait qu'un logement, qui a été acheté à 30 000 $, après des rénovations, faites évidemment, par des travailleurs syndiqués de la construction, puisse être vendu 60 000 $, si les gens ont pris les moyens nécessaires pour faire ces améliorations. C'est dans ce cadre spécifique. Mais cela ne touche pas, entre autres, la question des logements sociaux.

M. Bourbeau: Les taux d'intérêt réduits dont vous parlez, dans votre esprit, se situeraient autour de quel pourcentage?

M. Paquette: Ah là, je vais vous dire...

M. Bourbeau: À quoi pensez-vous quand vous parlez d'un taux réduit?

M. Paquette: On pourrait dire, si on avait une indexation des salaires, que cela pourrait être le taux de l'indexation des salaires. On pourrait penser à environ 3 % ou quelque chose de semblable.

M. Bourbeau: Évidemment, quand on parle d'un taux réduit, il faut dire que plus c'est réduit, plus cela coûte chef au gouvernement et que moins c'est réduit, moins cela lui coûte cher.

M. Paquette: Mais personne n'oblige le gouvernement à lever le moratoire.

M. Bourbeau: Absolument.

M. Paquette: II faut que vous regardiez les coûts et les avantages que vous en retirez. Si vous considérez que cela vous coûte plus cher que les avantages, là...

M. Bourbeau: Mais le gouvernement ne retire aucun avantage à lever le moratoire. Ce n'est pas le gouvernement qui va accéder à la propriété, ce sont les locataires.

M. Paquette: Mais comme représentants de notre société.

M. Bourbeau: C'est cela. Il y en a qui veulent que notre société demeure une société de locataires et d'autres qui voudraient que l'on tente de favoriser l'accès à la propriété. C'est selon les points de vue.

M. Paquette: C'est précisément là-dessus que je vous rejoins tout à fait. C'est que je ne considère pas qu'il y ait une... On l'a mentionné dans le document et je pense que le CTM l'a fait également, on n'attache pas une valeur particulière au fait d'être locataire. Même, on se rappelle très bien que, dans les années soixante, le fait d'avoir une très forte proportion de locataires au Québec était présenté comme un phénomène de notre pauvreté par rapport à la moyenne canadienne, de notre manque de contrôle sur notre développement social. C'est en ce sens que nous ne privilégions pas plus le statut de locataire que celui de propriétaire. Ce qu'on veut, c'est que les gens aient plus de contrôle sur leur logement par toutes sortes de formules et aussi qu'ils aient le choix. C'est dans ce sens-là que je suis d'accord avec vous que l'on ne veut pas un peuple de locataires. (22 h 30)

M. Bourbeau: Je n'ai pas l'intention de faire un débat sur cette question. Je suis de ceux qui pensent que, si c'est possible de le faire, il est préférable de favoriser l'accession à la propriété pour un individu. Je reconnais le droit au libre choix, de toute façon, mais il y a des vertus importantes à la propriété, ne serait-ce que pour contrôler son propre habitat et faire en sorte que la plus-value s'accumule au profit du locataire et non pas d'un spéculateur propriétaire.

Une dernière question: Hier matin, la ville de Montréal parlait de la possibilité de confier aux municipalités un rôle important dans la décision de convertir ou non des immeubles. Autrement dit, quelqu'un qui voudrait convertir son immeuble en copropriété, en condominium, devrait se présenter à la municipalité et cette dernière aurait un rôle à jouer, elle pourrait émettre un certificat de convertibilité ou non. Qu'est-ce que vous pensez de cette possibilité de confier aux municipalités un droit de regard là-dedans?

M. Paquette: Cela me semble très raisonnable parce que la question du moratoire touche principalement, certaines municipalités. C'est un phénomène. Les problèmes liés à la conversion en copropriété sont très limités. On est capable de savoir exactement où ils se trouvent et dans ce sens-là les municipalités ont un rôle très important à jouer dans l'application de la politique. Par contre, j'ai lu dans les journaux - je n'ai pas eu accès au mémoire -que ce que proposait la ville, c'est que la conversion se fasse dans certains cas exceptionnels. Je ne suis pas très favorable à des politiques où il y aurait énormément d'arbitraire. Les règles du jeu doivent être connues et ne doivent pas être liées à des pressions politiques qui pourraient venir subséquemment. Entre autres, on avait envisagé le fait de maintenir le moratoire dans certaines zones, par exemple, particulièrement dans Hochelaga-Maisonneuve qui est une zone très affectée actuellement

par le phénomène de conversion parce que les logements là ne sont pas touchés par le moratoire, mais il me semble y avoir quelque chose de dangereux et d'arbitraire dans le fait de dire: De ce côté-là de la rue, tu peux convertir, puis de l'autre côté tu ne peux pas parce que c'est zone. C'est ce genre de politique de réglementation qui a discrédité un peu dans le passé certaines politiques et réglementations que les différents paliers de gouvernement pouvaient prendre.

Je préférerais une politique qui s'adresse à l'ensemble du territoire québécois, tout en sachant quel est le problème qui se pose. Par exemple, il y a toutes sortes de formules. Pour tous les logements actuellement en haut de 600 $, le moratoire ne s'appliquerait pas parce que ce ne sont pas des populations visées, touchées par le problème derrière l'ensemble du débat sur la levée du moratoire et à ce moment-là on aurait une mesure générale qui s'appliquerait particulièrement dans certaines zones affectées. Disons que c'est une idée, ce n'est pas du tout une recommandation que l'on fait. Mais c'est un peu le danger que je voyais dans la ville de Montréal. Si chaque ville commence à mettre ses propres règles, à ce moment-là il va y avoir énormément d'arbitraire d'une municipalité à l'autre. Le gouvernement du Québec a la responsabilité de faire une politique générale et de pouvoir laisser l'application de cette politique au palier municipal.

M. Bourbeau: M. le Président, comme on dirait en cour, c'est votre témoin.

Le Président (M. Saïnt-Roch): Je vous remercie, M. le ministre. Je cède maintenant la parole à M. le député de Shefford.

M. Paré: Oui, très rapidement, parce qu'il y a d'autres collègues qui veulent intervenir. Je vous félicite pour votre mémoire qui est très bien étoffé, je dois dire, qui va au fond des choses et qui fait des bonnes suggestions. Je veux juste rappeler certains points. Entre autres vous parlez, et dès le début, d'une politique de l'habitation. Tous les groupes ont demandé cela depuis le début et je suis content de voir que le ministre commence presque toujours depuis le début de la soirée en parlant de politique. C'est bon signe. Finalement, on risque d'avoir une politique d'habitation et non pas juste une levée du moratoire.

M. Bourbeau: Grâce à vous.

M. Paré: Je ne veux pas de fleurs, je veux juste que l'on protège finalement les locataires, les propriétaires et l'ensemble des gens, parce que le logement, cela touche tout le monde. Je dois vous dire que, tout comme vous, je suis convaincu que, si le moratoire est levé, à Montréal, le 1 % on va le dépasser largement. On a juste à regarder, maintenant qu'il y a un moratoire, ce qui se passe et ce qui s'est passé ailleurs. Ce serait terrible, en termes de chiffres. Vous êtes le deuxième groupe à la faire et je trouve très intéressante votre suggestion de la reconnaissance des groupes de défense des locataires. Effectivement, je pense qu'il faut donner à une partie très importante de la population, spécialement dans les grands centres, Montréal et Québec, des moyens, des institutions et des groupes qui seraient en mesure d'aider, mais non pas comme la régie qui est là pour arbitrer des causes. Je pense que ce serait important, il faut le reconnaître.

Vous parlez aussi d'aide financière et, effectivement, si on veut que les gens accèdent à la propriété, cela fait l'unanimité. Tout le monde veut qu'on devienne propriétaire; c'est unanime, je pense qu'il n'y a personne qui ne veut pas cela. Sauf qu'il y a des limites et que tout le monde ne le peut pas, malheureusement. Vous favorisez entre autres un moyen de le devenir, c'est de façon collective par les coopératives et les ÔSBL. J'espère que le message va passer parce que, depuis un an ou deux, cela va en diminuant en ce qui concerne les budgets et l'aide des groupes de ressources techniques, ce qui est impensable. Il faut aider les gens à devenir propriétaires de toutes les façons.

Juste un point sur la formule de Montréal. Je dois vous dire que j'avais pris une petite note lors de la lecture. Avant qu'il y ait un échange, j'en suis venu à la conclusion suivante; Mon Dieu, que cela rejoint la proposition de Montréal! La proposition de Montréal, c'est qu'il n'y ait pas de conversion, sauf exception; et il pourrait y avoir exception si tous les locataires sont d'accord. Il y avait une mesure précise, il y avait une norme, une réglementation, c'était: Non, sauf si les locataires sont d'accord. Sur ce plan, je pense que cela permettrait en même temps de rejoindre et de concilier les objectifs qu'on a de protéger les locataires et de favoriser l'accès à la propriété. C'était cela, Montréal. Je pense que c'est la formule qui rejoint le plus... Vous la proposez d'une autre façon. Montréal, c'est: Non, sauf exception; et vous c'est: Oui au moratoire s'il y a unanimité. Finalement, on se rejoint sur le point de chute.

Juste une question avant de céder la parole. Vous dites que vous êtes d'accord avec la proposition de maintien dans les lieux pour une période illimitée. Est-ce que vous croyez vraiment que, si le projet est amené tel quel, ce pouvoir, ce droit qu'on donne est plus théorique que pratique? En

fait, cela veut dire que c'est seulement le premier locataire qui en bénéficiera. Cela veut dire que, pour le deuxième, déjà, le droit vient de tomber. Ensuite, toutes les augmentations prévues vont effectivement arriver parce que, dès qu'il y a transformation, il y a augmentation, on le sait. Vous avez donné des chiffres très éloquents à ce sujet. Spécialement dans Hochelaga-Maisonneuve, les gens ne pourront même pas rester; ils vont devoir déménager. Donc, le droit qu'on leur donne, ils ne pourront pas l'appliquer. En plus, des groupes ont recommandé qu'on permette de monnayer ce droit. Je ne sais pas ce que vous pensez de cette possibilité de monnayer. J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus.

M. Paquette: Je dirais qu'on y a pensé longuement à la suite de la lecture des mémoires présentés entre autres par les différente groupes de locataires. Il me semble que, dans une politique d'ensemble, c'est-à-dire les mesures d'aide à l'accès à la propriété, le financement des groupes de défense des locataires, etc., on ne peut pas donner le droit, on ne peut pas - comment pourrais-je dire? - geler le stock locatif tel qu'il existe au moment où on va lever le moratoire. En ce sens, je pense qu'on ne peut donner le droit de rester de façon illimitée dans les lieux qu'au locataire occupant. Certains problèmes ont été soulevés. J'ai lu, par exemple: Est-ce que tes conjoints ou les enfants vont être... À ce moment-là on pourra regarder ce que cela représente vraiment dans la réalité. Je ne pense pas que, parce qu'au moment de la levée du moratoire ou au moment où on l'a converti, le logement était un logement locatif, il doive le rester éternellement jusqu'à ce qu'un locataire éventuel décide de devenir propriétaire. nous limiterions le droit d'occupation illimitée au locataire résident au moment de la conversion, c'est-à-dire: II est là, on prend le vote. Prenons un immeuble de douze logements. Quatre locataires ne veulent pas la conversion pour différentes raisons. Ces quatre pourraient y rester de façon indéfinie. Mais, s'il y en a un qui quitte, à ce moment-là, ce serait aux copropriétaires de décider s'ils le mettent en location ou non.

Tout cela, encore une fois, est évidemment conditionnel à l'ensemble de la politique. Dans le cadre actuel, il est évident que je ne pense pas que ce soit satisfaisant. Et, dans tous les cas, avec la plus belle politique, il va y avoir du harcèlement et cela fait partie, je dirais, du type de société dans laquelle on est. À partir du moment où certaines personnes ont des intérêts et d'autres en ont d'autres, cela peut être l'intérêt de devenir propriétaire ou de vendre le logement, puis pour d'autres ce sera l'Intérêt de rester locataire, il va y avoir des conflits, il va y avoir du harcèlement. Par contre, qu'on donne les moyens aux locataires de se protéger contre ce harcèlement-là. Nous, ce qu'on reconnaît, c'est que le locataire, dans l'ensemble de cette politique-là, devra être privilégié parce qu'il est plus faible, si on veut, en termes économiques, en termes de rapport de forces avec son propriétaire, il est plus faible donc, la législation doit être faite en mesure de favoriser ses droits.

Par contre, sur la question du droit d'occupation, on le limite au locataire résident.

M. Paré: Très rapidement. Ce n'est pas un peu contradictoire que ce soit limité au seul locataire alors que vous avez dit dans la formule que vous proposez que cela prend l'unanimité des locataires pour pouvoir convertir? Peu importe que ce soit un nouveau ou un ancien.

M. Paquette: On n'a pas dit l'unanimité. Remarquez que cela pour nous c'est un détail; ce qu'on dit, c'est qu'en haut ' de cinq unités locatives occupées, c'est la majorité.

M. Paré: En bas de cinq.

M. Paquette: En bas de cinq, oui; c'est la majorité.

M. Paré: Donc, il y a le maintien.

M. Paquette: C'est la majorité, oui. Mais la majorité des gens peuvent être en faveur de la conversion sans vouloir eux accéder à la propriété. Si moi, par exemple, je suis locataire puis que le propriétaire-convertisseur me dit: Je te donne 5000 $ et puis en plus, j'ai la loi qui me défend, si je décide de prendre les 5000 $, sachant mes droits, c'est le choix que je peux faire, je peux dire oui, je vais jouer le jeu. Alors, c'est un peu dans ces termes-là. Nous, on ne pense pas qu'effectivement cela fera... même dans une très belle politique, cela ne se fera pas sans heurt. Il y a toutes sortes d'intérêts qui vont jouer et il se peut très bien que quelqu'un préfère avoir les 5000 $ avec les effets de harcèlement qui peuvent s'ensuivre; si jamais la copropriété est vendue, il ne peut plus faire ce choix-là. Cela ne veut pas dire que, même si la majorité des locataires sont d'accord pour la conversion» ils veulent tous accéder à la propriété. Il n'y a pas de contradiction, à mon sens.

M. Paré: Sauf que la Commission des droits de la personne a dit que c'était une façon inacceptable - Je veux seulement vous souligner cela- lorsqu'elle est venue ici. Je cède la parole à M. le député de Jonquière.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Jonquière.

M. Dufour: Seulement quelques mots. On écoute souvent le ministre nous rapporter et de temps en temps nous dire qu'il y en a qui veulent être propriétaires et d'autres, locataires. Je pense que le débat ne s'est jamais situé là, dans l'esprit de l'Opposition. Ce n'est pas une question d'être locataire ou propriétaire, la discussion porte sur le fait d'avoir le droit d'habiter sous un toit. Je pense que c'est cela, la vraie question.

Je ne pense pas qu'on pouvait ramener... Quand on regarde la structure financière des gens... À moins que vous ne remplissiez toutes vos promesses et que vous ne donniez satisfaction et le salaire à la femme au foyer comme on Fa promis dans la campagne électorale, puis certaines mesures sociales que vous avez promises - le revenu garanti et on pourrait en ajouter -peut-être qu'à ce moment-là on pourrait accepter que tout le monde puisse avoir son logement.

La question n'est pas là, la question est: Sommes-nous capables de lever le moratoire tout en protégeant les droits des plus démunis, des personnes âgées en donnant aussi un choix aux gen3 de s'abriter de la façon qu'ils trouvent la plus convenable. Et, quand on n'a pas les moyens, bien, je pense qu'un logement, être locataire, ce n'est pas un déshonneur, puis je ne pense pas que ce soit une tare sociale. C'est parce que, parfois, la structure financière fait que les gens ne peuvent pas être propriétaires d'une maison parce qu'ils vont prendre sur le manger ou sur l'habillement pour pouvoir se payer une maison et des mesures de sécurité pour ce qu'il pourrait arriver à leur maison. Ce n'est pas éternel une maison, cela se brise, s'use, il y a des changements qui doivent être apportés.

C'était peut-être pour rappeler le débat qu'on fait, ce n'est pas une question d'être propriétaire ou locataire, ce n'est pas cela du tout. C'est juste pour le ministre, ce n'est pas pour vous autres, je pense que vous avez compris et vous l'avez affirmé dans vos princiqes.

À la page 13, M. Paquette, vous dites: "interdiction de convertir si 100 % des locataires ne sont pas d'accord dans le cas des immeubles de moins de cinq unités". Ce qui veut dire que, pour un immeuble de quatre unités, vous demandez quatre sur quatre. À cinq unités, vous dites 51 %. 51 %, c'est trois, à ce que je sache; donc, à ce moment-là, vous demandez moins de personnes pour convertir quand il y a cinq unités que quand il y en a quatre. Donc, il y a peut-être un petit problème, je fais juste vous le souligner, j'ai l'impression que les chiffres ne concordent pas. (22 h 45)

Je voudrais juste souligner un point qui m'amène à réfléchir, c'est que, si vous ne demandez pas une forte majorité, vous ne trouvez pas que les tensions qui vont se produire... Surtout vous qui êtes habitués de travailler avec des syndicats et de voir ce qui se passe avec les syndiqués, quand la majorité n'est pas tellement grande, par exemple, pour une grève ou si vous voulez que les gens acceptent un contrat de travail, si c'est adopté à 51 %, vous savez bien qu'il y a quelque chose qui ne tourne pas rond. Cela veut dire que la grève s'est réglée là, mais que, la prochaine fois, vous en aurez une.

Dans des logements en copropriété où il y a des locataires, si vous exigez seulement un de majorité, vous verrez que le diable va prendre, il y aura du harcèlement, ce sera terrible, ils joueront les uns contre les autres à l'intérieur de la bâtisse. Je ne vous en tiens pas rigueur, mais cela ne reflète peut-être pas la réalité.

M. Paquette: On pourra mettre 60 %. Je pense qu'à partir du moment où les immeubles deviennent assez volumineux - je pense, entre autres, à Outremont où il y a certains immeubles avec 30 logements qui ont été convertis en copropriété indivise - si une personne ne veut pas la conversion, je ne vois pas pourquoi on brimerait le droit des autres, d'autant plus qu'il faut voir qu'avec tout ce qui est proposé par le ministre, la demande de permis, toutes les démarches vont entraîner des coûts que les locataires qui ont décidé d'accéder à la propriété vont amortir et que l'autre qui a décidé de rester locataire n'auront pas à amortir. Ceux qui refusent augmentent par le fait même les coûts de l'accès à la conversion.

Fondamentalement, nous croyons que le maintien du statut de locataire comme il est actuellement n'est pas une valeur idéale. Ce qu'on proposerait comme étant, à notre avis, une politique vraiment offensive là-dessus, c'est l'accès à la propriété, d'accord, pour ceux qui sont intéressés par ces formules, mais surtout le développement du logement social. Dans la région de Montréal, par exemple dans Hochelaga-Maisonneuve, actuellement, c'est un problème criant. Ce qui m'intéresse n'est pas tellement de défendre le stock de logements, c'e3t plutôt le développement des solutions collectives comme les coopératives et les OSBL. Par contre, tout le monde n'est pas intéressé par ce type de formule et, dans ce sens, ceux qui veulent rester locataires, soit... Cela amène des responsabilités quand on prend le contrôle de son logement, soit d'une façon collective ou individuelle. Que ces gens aient la possibilité de rester locataires, d'accord, mais je pense que la solution pour notre société va dans le sens de développer ces

nouvelles formules plutôt que dans le maintien de notre statut de peuple locataire. Depuis longtemps, je me le rappelle encore, dans les années soixante, comme je le disais tout à l'heure, on nous présentait cela comme étant un des indicateurs du fait qu'on était un peuple dépendant et, maintenant, ce serait devenu une preuve qu'on est un peuple socialement plus avancé. Je n'embarque pas trop trop dans ce revirement dans le discours.

La Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Paquette. M. le ministre, de brèves remarques de conclusion?

M. Bourbeau: M. le Président, c'est un point de vue rafraîchissant que d'entendre quelqu'un qui défend ses idées contre vents et marées, même contre les questions suggestives des membres de l'Opposition et qui maintient son point de vue. Je pense que c'est intéressant. D'ailleurs, on avait eu l'occasion, si je me souviens bien, de vous rencontrer l'an dernier, lors du sommet économique. C'est vous qui étiez là l'an dernier, je crois?

M. Paquette: Oui.

M. Bourbeau: 11 y a de la suite dans vos idées.

M. Paquette: Pour la loi 100. Vous n'avez pas tenu compte de mes suggestions, par exemple, cette fois-là. Remarquez que vous n'êtes pas les seuls parce que te RCM, qui avait dans son programme ta proportionnelle, n'en a pas encore beaucoup parlé. Je ne sais pas si c'est l'accès au pouvoir qui...

Le Président (M. Saint-Roch): Allez-y, M. le ministre.

M. Boulerice: L'ambition est comme le feu, elle se nourrit des matières les plus viles comme des plus...

Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bourbeau: On est constant, on écoute toujours, mais cela ne veut pas dire qu'on prend toujours toutes vos suggestions. Dans ce cas-ci comme dans d'autres cas, on va certainement mettre tout cela dans notre collimateur et tenter d'arriver avec une proposition la plus acceptable possible. Merci.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre. M. le député de Shefford.

M. Paré: C'est juste pour dire que, effectivement, j'espère que le ministre retiendra un paquet de suggestions qu'on retrouve dans le mémoire de la CSN parce qu'il y a des choses qui sont réalisables. Comme tout te monde, on est tous d'accord, je dois vous dire que nous sommes bien contents qu'au cours des dernières années, une majorité - selon les derniers chiffres, c'était 53 % - des Québécois soient maintenant propriétaires de leur logement ou de leur maison grâce aux programmes d'aide. Nous sommes tout à fait d'accord avec l'accès à la propriété, et c'est pour cela que j'espère que les programmes qui sont suggérés vont être mis en oeuvre. Là, ce qu'on connaît plutôt, c'est l'abolition du programme d'aide pour l'accession à ta propriété et une diminution au niveau de la propriété collective. J'espère que te ministre va reconnaître que cela existait, mais que cela n'existe plus. II y a des demandes pour que cela revienne. C'est important, il y en a qui demandent juste cela pour pouvoir devenir propriétaires.

M. Bourbeau: 40 000 $ et plus, de salaire.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le député de Shefford.

Je cède maintenant ta parole à M. Paquette.

M. Paquette: Je vais conclure en rappelant au ministre qu'il ne faut pas sous-estimer le problème. En tout cas, pour ce qui est de la région de Montréal - je ne peux pas parler au nom de l'ensemble de la province - le problème du logement est devenu vraiment très important et je pense que M. Laporte peut en parler. Dans ce sens, j'invite le ministre - l'ensemble des mémoires qui vont être présentés, j'ai vu qu'il y en avait une cinquantaine, cela va être bourré de bonnes suggestions - s'il sent la nécessité de reconsulter sur un autre document, à ne pas se gêner, parce que je dirais que c'est un problème très grave, la question du logement. Je dirais que nous-mêmes, on est déchirés comme organisme syndical - on l'a vu un peu avec le CTM -entre les deux tendances. On a des propriétaires, on a des locataires, nos membres ne sont pas les plus pauvres de la sociétés ils ne sont pas les plus riches, non plus, et, dans ce sens, on est déchirés nous-mêmes par ces tensions. J'invite donc à beaucoup de prudence dans la suite des démarches.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Paquette, au nom des membres de la commission, pour la présentation que vous avez faite.

M. Paquette: Merci beaucoup.

Le Président (M. Saint-Roch): Sur ce, je

demanderais maintenant au GRT du nord-est de Montréal de prendre place.

GRTNEM M. Dumais (Pierre): Bonsoir.

Le Président (M. Saint-Roch): Bonsoir. Je présume que vous êtes M. Pierre Dumais.

M. Dumais: C'est bien cela.

Le Président (M. Saint-Roch): M.

Dumais, comme à tous les autres intervenants, j'aimerais vous rappeler que vous avez maintenant quinze minutes pour présenter votre mémoire.

M. Dumais: D'accord. Nous, on a rédigé notre mémoire en pleine période d'appels de propositions qui ont toutes eu lieu en juin et en juillet. On a fait un commun effort, on s'est servi des mémoires du FRAPRU, de la coordination nationale des GRT et un peu des politiques du RCM pour rédiger notre mémoire, mais on a essayé de faire une place à part pour l'est de Montréal, en particulier pour Rivière-des-Prairies où on intervient le plus depuis deux ans.

Au sujet du mémoire, j'aimerais vous lire la partie qui concerne notre situation actuelle à Rivière-des-Prairies et, ensuite, vous pourrez me poser des questions.

La situation actuelle: l'exemple de Rivière-des-Prairies. On dit: Rivière-des-Prairies est un quartier de Montréal en plein essor; le nombre de chantiers y est impressionnant. Cela va de Gouin à Maurice-Duplessis, de la limite ouest à la 50e avenue. Cependant, la majorité de ces constructions sont de type condominium, bungalow et duplex, le logement locatif y étant en minorité et concentré sur la rue Perras. Au fond, il y a une seule rue où il existe des logements de deux chambres à coucher. En dehors de cela, il ne s'en fait pas.

Dans tous les cas, ce marché est fermé aux personnes et familles à faibles revenus. Ces dernières sont surtout concentrées dans le complexe immobilier Place des Prairies, qui existe depuis une quinzaine d'années, seul ensemble où on trouve, entre autres, des appartements de trois chambres à coucher à prix abordable. La clientèle est composée de familles (35 % de familles traditionnelles, 11 % de familles monoparentales), de personnes âgées, de handicapés, de personnes seules et, enfin, de couples. Leurs revenus tel que recensés par le CLSC de Rivière-des-Prairies, se répartissent comme suit: les familles gagnent en moyenne 22 000 $ par année dans ce complexe, les personnes seules, 10 000 $, les personnes âgées, 7500 $, les familles monoparentales, 8000 $, les personnes handicapées, 5000 $, les couples, 27 000 $. C'est un recensement qui date d'environ un an et demi- Enfin, 61,5 % des familles traditionnelles et monoparentales consacrent plus de 25 % de leur revenu brut au paiement de leur loyer.

Ces immeubles ont fait l'objet d'une reprise de la SCHL en 1979. On se rappelle qu'au cours de cette période la SCHL a mis en vente tous ses immeubles et ce complexe faisait partie de l'ensemble des immeubles que la SCHL revendait. Cela a été revendu au privé en 1979. À ce moment, plusieurs interventions ont été nécessaires, entre autres, par le CLSC de Rivière-des-Prairies, pour forcer le nouveau propriétaire à respecter les locataires: reconnaissance des locataires subventionnés, remises de taxes, élimination de la vermine et je dis "etc.", parce que chaque année il a fallu mobiliser les locataires par rapport aux hausses abusives de loyers.

Entre 1982 et 1986, 7 des 17 immeubles de Place des Prairies ont été transformés en coopératives. En 1986, face aux intentions de vente du propriétaire des autres immeubles, nous avons demandé à la SHQ une subvention dans le cadre du programme Logipop catégorie 2 pour les retirer du marché, ce qui aurait permis au processus de coopérativisation d'atteindre l'ensemble des blocs.

Au lieu de cela, les immeubles ont connu deux ventes successives causées sans nul doute par l'attrait du gain en capital non imposable et l'annonce de la levée éventuelle du moratoire. En 1985, quatre immeubles avaient été vendus pour environ 270 000 $; en 1986, un autre le fut pour 280 000 $. Puis on annonça la vente des dix immeubles non coopératifs pour plus de 1 000 000 $. Au moment où l'on essayait d'acheter un nouvel immeuble, l'ensemble a été vendu. On a essayé d'approcher le propriétaire. Il ne nous demandait plus 270 000 $ ou 280 000 $, mais 350 000 $, ce qui fait que l'espoir d'acheter ou de continuer notre coopérativisation s'est terminé là.

Il est évident que la seule façon pour le nouveau propriétaire de rentabiliser son investissement, c'est la transformation en copropriété. Mais, comme on l'a vu plus tât, les locataires n'ont pas les moyens financiers d'acquérir leur logement, pas plus, d'ailleurs, que de subir les hausses qu'ils connaissent depuis deux ans. Avec un peu de rationalisation, c'est-à-dire en déplaçant certains locataires... Depuis quelques jours, j'ai des nouvelles très fraîches à ce niveau; on n'a pas besoin de déplacer des locataires. Il y a eu des hausses de loyer qui ont été faites récemment; entre autres, un locataire a tenté de mobiliser d'autres locataires pour se défendre contre les hausses de loyer et il a été poursuivi directement en dommages et intérêt pour 25 000 $. C'est une cause

perdue d'avance, mais il reste que cela a fait peur à bien des gens et de plus en plus des logements se vident à Place des Prairies. Comme on le dit, avec un peu de rationalisation, c'est-à-dire en déplaçant certains locataires dans des logements vacants vers d'autres immeubles dans le but de libérer un ou plusieurs immeubles, le propriétaire parviendra en quelques années à nettoyer Rivière-des-Prairies de sa zone de concentration de ménages à faibles et à moyens revenus.

Nous travaillons dans tout le nord-est de Montréal. On dit: Où vont aller ces locataires? Certainement pas dans Ahuntsic où, là aussi, cela monte. À Rosemont aussi cela monte. De toute façon, le taux de vacance est de moins de 1 %. Ni à Montréal-Nord, Saint-Léonard ou Anjou où le même scénario semble se dérouler. Je pourrais vous donner d'autres exemples de reprises par la SCHL. On a une liste de peut-être une dizaine de projets du même type qui sont aussi sous spéculation, qui ont largement dépassé le seuil de rentabilité et dont les propriétaires tentent aujourd'hui d'imposer des hausses de loyer successives.

Nos appréhensions face à cette situation sont aussi renforcées par le manque de moyens mis à notre disposition et à la disposition des locataires. Ainsi, la Régie du logement ne peut intervenir et ralentir la tendance à la hausse que lorsque l'on fait préalablement appel à ses services. J'ai donné l'exemple tantôt d'un locataire qui est poursuivi et d'autres qui ont peur d'être poursuivis même s'ils savent que la cause est perdue. Il y en a d'autres qui ne prennent pas de chance. Ils déménagent dès qu'ils ont une hausse de loyer.

Le programme fédéral-provincial catégorie 1 se prête mal à l'achat d'immeubles existants à cause des PML (les prix maximaux par logement) qui sont trop bas, dans le cas où des immeubles ont été sous spéculation. En un an et demi, des immeubles sont passés de 270 000 $ à 350 000 $. On n'a pas approché le troisième propriétaire, mais ils seraient passé facilement à 375 000 $ ou à 400 000 $. On n'est plus dans les PML, on ne peut plus les approcher avec les programmes. (23 heures)

Donc, à cause de PML trop bas ou des critères relatifs aux besoins impérieux, vu qu'on retrouve rarement des immeubles composés à 100 % de ménages répondant au profil dicté par le programme, c'est-à-dire que dans un immeuble de 14 ou de 20 logements, il peut y avoir 1, 2, 3 locataires qui gagnent, disons, 20 000 $ et plus. On ne peut plus embarquer dans le programme parce que ça prend 100 %. Les 14, 15, 17 autres, il n'y a plus moyen de les embarquer dans le programme.

Dans le cas du programme PHI (le prêt hypothécaire indexé), programme livré directement par le fédéral, qui vise surtout des gens à revenus moyens, il ne répond pas aux besoins des plus démunis. On parle d'un programme de marché et le prix du marché est fixé dans le haut du marché, ce qui fait que, dès qu'on va approcher les locataires, on leur parle d'abord d'une hausse de loyer.

De plus, aux yeux de la SCHL et de la SHQ qui empruntent les mêmes politiques par rapport aux PML et aux loyers marchands, le quartier Rivière-des-Prairies - et on peut y ajouter Pointe-aux-Trembles et une partie d'Anjou - ne constitue pas une priorité parce qu'il y a un taux de vacance. Pourtant, nos listes d'attente sont majoritairement composées de personnes ayant des besoins impérieux venant, entre autres, de ville d'Anjou, Saint-Léonard, Montréal-Nord et Saint-Michel: des ménages pour qui la levée du moratoire ne représente qu'un élément de plus favorisant le rétrécissement de cette part du marché locatif où ils peuvent encore espérer se loger selon leurs moyens.

Une fois qu'on a dit ça, je n'ai pas vraiment de suggestions concrètes autres que de dire: S'il y avait une politique globale du logement où on puisse avoir des moyens pour agir, soit nous dans les GRT ou du moins les locataires ou d'autres associations, c'est ce qui serait souhaitable. Là, je donne un exemple. On pourrait trouver de multiples exemples dans l'est de Montréal. Tout à l'heure, j'ai entendu dire que, dans le centre-ville de Montréal, le problème était grave. Je me dis: C'est vrai, mais il l'est aussi dans l'est de Montréal et probablement que si j'allais dans l'ouest, je serais capable de trouver de-multiples projets où le même phénomène se présente. A Rivière-des-Prairies, ce n'est pas uniquement des gens qui gagnent 40 000 $ par année. Je vous ai donné un exemple d'un projet où les gens gagnent une moyenne de peut-être 18 000 $, 20 000 $ par année. C'est tout.

Le Président (M. Saint-Rock): Je vous remercie, M. Dumais. Je cède maintenant la parole à M. le ministre.

M. Bourbeau: Qui la cède, M. le Président, avec votre consentement, au député de Pontiac.

Le Président (M. Saînt-Roch): Je cède maintenant la parole à M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Merci. M. Dumais, on vous remercie de la présentation de votre mémoire. Pour en venir au problème que vous soulevez à Rivière-des-Prairies, vous mentionnez que vous avez réussi à acheter cinq unités à des prix de 270 000 $ et 280 000 $. Vous avez dit qu'à votre tour on vous demandait 350 000 $. Combien d'unités

y avait-il dans ces appartements? Combien y avait-il d'appartements dans ces blocs?

M. Dumais: D'accord. Sur 17 immeubles, il y en a eu sept transformés en coopératives. Il y a environ trois ans, il y a eu un premier immeuble de 14 unités qui a été transformé dans le cadre du programme 56.1 de la SCHL. Après trois ans, il y a eu cinq immeubles qui sont embarqués en catégorie 2. Sur les cinq immeubles, il y en avait quatre de 14 unités et un de 21. Après, il y en a eu un de 21 qui a été transformé avec le programme 56.1. Tout de suite après, avec l'annonce des politiques sur les gains de capital non imposables, il y a eu vente de l'immeuble et on nous demandait 70 000 $ de plus.

M. Middlemiss: Combien y a-t-il d'unités dans ces blocs d'appartements?

M. Dumais: Les 10 immeubles qui restent, ce sont des immeubles d'environ 14 unités chacun, ce qui veut dire environ - il y en a de 21 - 150, 160 unités qui restent là, qui sont sous spéculation libre.

M. Middlemiss: Oui. Maintenant, au prix de 350 000 $, en présumant que ce serait converti en copropriété, à quel prix l'unité se vendrait?

M. Dumais: C'est de l'unité de logement que vous parlez ou d'un bloc?

M. Middlemiss: De logement. Si vous convertissez cela en copropriété et que vous vendez chaque unité, ce sera à quel prix?

M. Dumais: Quand je dis qu'on nous demandait 350 000 $, c'est qu'il y a eu une autre vente. Là, on nous demanderait facilement 400 000 $. Je me dis: Le propriétaire qui est là, pour rentabiliser son achat, il faudrait qu'il les vende 40 000 $ à 50 000 $ l'unité.

M. Middlemiss: Donc...

M. Dumais: Là, il fait de l'argent.

M. Middlemiss: ...de 40 000 $ à 50 000 $, ce serait l'ordre de grandeur.

Est-ce que vous croyez qu'il y a des qens, qui sont aujourd'hui locataires, qui pourraient devenir propriétaires à ce prix-là?

M. Dumais: II y en a une minorité qui pourrait essayer d'avoir des hypothèques et les obtenir, mais une minorité.

M. Middlemiss: D'accord. Maintenant, on sait que le premier locataire va être protégé dans le cas d'une conversion. Le deuxième locataire qui va venir s'installer n'aura pas cette protection. Cela semble vous tracasser un peu. Vous voudriez que cela continue de façon illimitée?

M. Dumais: Dans le cas de ce genre de projets où des locataires ont des loyers relativement bas actuellement...

M. Middlemiss: Oui.

M. Dumais: ...ce sont des politiques gouvernementales qui permettent la spéculation. Ce qu'on se dit, c'est que, si ces politiques n'étaient pas là, il y aurait des loyers à bon marché. Il faudrait que tous les locataires puissent être protégés. Même s'il y a des déménagements, ceux qui suivent aussi doivent être protégés.

M. Middlemiss: D'accord. Vous parlez de cela à la page 8. À la page 10, toutefois, vous trouvez que ce n'est pas normal qu'un acheteur n'ait pas le droit de se loger dans son propre appartement qu'il vient d'acheter. Comment peut-on concilier le fait qu'on voudrait donner au deuxième locataire le droit d'y demeurer et dire qu'on ne trouve pas que c'est normal que le nouveau propriétaire ne puisse pas occuper son logis?

M. Dumais: Je comprends mal la question.

M. Middlemiss: À la page 10. M. Dumais: Oui, oui.

M. Middlemiss: Regardez à la page 10 de votre...

M. Dumais: Oui, oui.

M. Middlemiss: ...mémoire. "En effet, il nous apparaît inconcevable que quelqu'un ne puisse occuper le logement qu'il a acheté parce que le locataire actuel ne veut pas quitter les lieux."

M. Dumais: C'est ce qu'on dit.

M. Middlemiss: Oui. À la page 9, toutefois, vous demandez "d'étendre le droit illimité au logement et le droit de préemption à tous les locataires, présents ou futurs."

D'un côté, vous dites: On aimerait que le premier locataire ait ses droits, mais qu'un deuxième locataire, qui arrive après la conversion, ait également ses droits. Ensuite, vous dites: Le propriétaire, comment peut-on l'empêcher d'occuper le logement qu'il achète?

M. Dumais: Lorsqu'on a rédigé cela, on s'est dit: Dans le réseau, il y a des locataires; le locataire doit être protégé. Si

le logement n'a pas été vendu et qu'il est reloué, le locataire a toujours des droits.

M. Middlemiss: D'accord. Le deuxième locataire qui vient, une fois la... Mais, où est-ce que cela va s'arrêter, de cette façon-là? J'essaie de voir le fond de votre pensée sur cela. Est-ce que, à un moment donné, cela pourrait s'arrêter pour donner la chance à quelqu'un de l'acheter? Si on a déjà décidé, les locataires, à la majorité ou selon la façon qu'on veut utiliser, de dire: Oui, on accepte de convertir des logements locatifs en copropriété, où est-ce qu'on arrête? Après combien de locataires arrêterait-on cette procédure?

M. Dumais: Ce qui est bien clair dans notre esprit - c'est ce qui se passe actuellement - c'est que les logements vont se vider. C'est cela qui va se passer. La réalité, c'est un évincement, soit par des hausses de loyer ou des harcèlements et on ne peut pas dire qu'il va y avoir quinze locataires qui vont passer par là. Je veux dire, il va y en avoir un, deux, mais il n'y en aura pas quatorze. À un moment donné, ils vont vider les lieux et cela va être vendu.

M. Middlemiss: D'accord. Donc, vous croyez qu'en donnant le droit illimité au deuxième cela va leur donner plus de protection de demeurer là comme locataires s'ils le veulent.

M. Dumais: Oui.

M. Middlemiss: Qu'est-ce que vous pensez d'une formule mixte, coopérative et copropriété? Est-ce que cela pourrait être intéressant dans des immeubles convertis, la coop étant un copropriétaire-locateur?

M. Dumais: On peut inventer 36 000 formules. Je ne suis pas contre le fait d'inventer de nouvelles formules. Ce qui est bien clair, si je pense â la clientèle qui est à Place des Prairies ou même à celle pour qui on construit des immeubles, un logement de 435 $, c'est déjà très cher. On ne pense pas à une clientèle qui va être propriétaire. C'est une clientèle qui est actuellement locataire parce qu'elle n'a pas les moyens d'être propriétaire. Elle est locataire dans de bien meilleures conditions qu'elle ne le serait avec un propriétaire privé. Ce sont des responsabilités aussi, mais ce sont des bonnes conditions. La formule est comme cela actuellement. Il n'y a pas vraiment de formule actuellement en vigueur qui fonctionne.

M. Middlemiss: Par exemple, il y a une conversion qui se fait et un nombre de propriétaires qui achètent leur unité. Est-ce que, là, il pourrait arriver, pour ceux qui ne sont pas vendus, que cela devienne une coopérative qui serait propriétaire de toutes les unités qui n'appartiennent pas nécessairement à des individus?

M. Dumais: Je dois vous dire que je n'y ai pas réfléchi à fond. Je ne suis pas fermé à l'idée. Si les locataires peuvent se protéger en restant locataires, ce serait peut-être une solution. Je réponds comme cela.

M. Middlemiss: D'accord. C'est un peu cela.

M. Dumais: Moi, ce n'est pas la formule coopérative, la possession continue, absolument et tout le temps. Ce n'est pas le feu sacré dans ce sens. C'est le feu sacré dans le sens qu'actuellement c'est la formule qui répond le mieux. Si elle peut être mixte, peut-être, je ne suis pas fermé à ce genre d'idée.

M. Middlemiss: C'est dans le sens de vouloir protéger les locataires.

M. Dumais: Oui, oui.

M. Middlemiss: Là où il se fait de la conversion, l'autre partie, pour que les autres ne soient pas mis à la porte, cela devient une copropriété. Donc, vous êtes ouvert à cette idée.

M. Dumais: Cela reste imaginable, je ne suis pas fermé à l'idée.

M. Middlemiss: D'accord. Une dernière question. Vous dites que le taux de conversion avec les mesures contraignantes proposées avec la levée du moratoire serait beaucoup plus élevé que le taux de production de nouvelles unités locatives. Est-ce que ceci est basé sur une étude ou si c'est juste un sentiment, un "feeling" que vous avez que c'est ce qui va se produire?

M. Dumais: Je considère que c'est plutôt un "feeling".

M. Middlemiss: C'est plutôt un "feeling". II n'y a pas d'études sur cela. D'accord.

Le Président (M. Saint-Rock): Je voua remercie, M. le député de Pontiac. Je cède maintenant la parole à M. le député de Shefford.

M. Paré: Oui. Merci, M. le Président. Alors, moi aussi, je veux vous remercier pour nous avoir présenté votre mémoire. J'aurais quelques questions à vous poser. C'est évident, on a parlé avec les groupes précédents de l'idéologie et de l'objectif de

faire en sorte que tout le monde soit propriétaire. II y a un M. Boucher qui est venu cet après-midi qu'on a essayé de ramener un peu sur la terre, car je pense qu'il faut être réaliste. Il va falloir le rappeler souvent. Oui, l'accès à la propriété pour tout le monde, mais en étant bien conscient que ce n'est pas possible pour tout le monde. C'est malheureux, mais on est obligé d'être réaliste face à la situation présente, même si cela ne fait pas toujours notre affaire, surtout quand on sait que c'est pour 80 % de la population de Montréal. Ce que vous soulevez comme problème ici, c'est un problème vécu par bien des gens et qui demande qu'on lui accorde toute l'attention qu'il mérite puisque c'est important.

J'ai deux questions assez précises à poser, mais avant je voudrais faire juste un petit commentaire à mon collègue de Pontiac au sujet de sa dernière question: Est-ce que c'est envisageable d'être locataire-propriétaire en même temps, une formule où il y aurait mixité des gens? Finalement, la formule qu'on propose, c'est cela - des groupes avaient proposé cela ce matin - une mixité et une complexité à un moment donné où il y aura des locataires, des copropriétaires avec et sans protection et le maintien dans les lieux, etc. Je dois dire qu'on peut envisager des formules presque à l'infini quand on regarde ce qui se passe juste autour ici. On est assis au milieu de Milton Park. Vous savez très bien que Milton Park, ce sont des sociétaires de coopératives en copropriété. Je dois vous dire que c'est une discussion qui a été loin. Finalement, c'est un précédent et une première; c'est probablement une expérience pilote qui peut être suivie par d'autres. Donc, il y a possibilité de permettre à des gens d'être en copropriété des sociétaires d'une coopérative ou d'un organisme sans but lucratif. La loi a été adoptée dernièrement à Québec. Donc, on sait qu'il y a des avenues dans le sens de votre question. (23 h 15)

Maintenant, de façon très précise, une première question. Les deux groupes qui ont passé avant ont dit: Oui à la levée du moratoire, mais à la condition qu'on permette à des gens qui ne peuvent pas devenir propriétaires sur une base individuelle de le devenir sur une base collective. Le représentant de la FTQ l'a répété à quelques occasions: c'est oui, à la condition que... Et la CSN, c'est non, parce que ce n'est pas inclus. Finalement, on revient à la même chose. Mais on dit: Pour être capables de le faire, il faut se donner six mois. Vous êtes un groupe de ressources techniques; est-ce techniquement faisable? Si une personne envoie son avis d'intention, lorsque le locataire a reçu cet avis d'intention de convertir, s'il décide de se tourner tout de suite vers un groupe de ressources techniques ou vers des gens compétents dans le domaine pour trouver l'aide nécessaire, est-ce qu'en six mois il est possible de monter une coopérative de gens dans un même bloc?

M. Dumais: Ouais. Ce n'est pas bien long de monter une coopérative quand on a les moyens de le faire. Actuellement, on fonctionne autant du côté provincial que fédéral par appel de propositions qui ont lieu une fois par année, avec beaucoup de limites budgétaires. Sur six ou sept groupes qu'on présente, il y a en a deux ou trois qui obtiennent les unités. Cela a l'effet que, entre autres, cette année, on a un groupe qui a obtenu des unités au gouvernement fédéral et qui se présentait pour la troisième année. Aurait-il pu le faire en six mois? Oui, mais, il a fallu trois ans dans ce cas-là. Je dirais que la moyenne est d'un an et demi, deux ans avec les budgets actuels, ceci sans créer trop d'espoir, c'est-à-dire que, comme groupe de ressources techniques, on ne fait pas une publicité indue parce qu'on se ramasserait avec quinze ou vingt groupes qui prendraient sept ou huit ans à obtenir les unités. Finalement, on y va selon ce qu'on pense être capables de sortir.

M. Paré: Vous avez répondu un peu à ma deuxième question, sans que je la pose, mais je vais la poser de façon précise quand même. S'il y a levée du moratoire, donc vente généralisée ou possiblité de vente généralisée de tous les logements de Montréal, connaissant l'expérience de la spéculation qui nous a été rapportée par bien des gens et qui est connue des gens qui ont eu à la subir dans le comté de Saint-Jacques et le Plateau-Mont-Royal... On nous amène de plus en plus de cas chaque jour. Là, vous parlez de Pointe-aux-Trembles. D'autres personnes nous ont parlé énormément de Notre-Dame-de-Grâce, de Pointe-Saint-Charles. Là, on nous parle de plus en plus de Maisonneuve, Hochelaga, Rosemont; cela s'étend vraiment. À mesure que cela se transforme, on parle d'augmentation et de spéculation. Vous nous avez donné des chiffres, c'est ce qui a amené ma deuxième question. L'expérience fait en sorte que cela devient tellement dispendieux d'acquérir l'immeuble et vous êtes tellement limités, soit par le prix maximum par logement de la catégorie 1 ou par les critères actuels qui disent qu'il ne faut pas gagner plus de 20 000 $ et qu'il faut 100 % des gens que finalement, dans le programme actuel, on parle de quelque chose d'infaisable. Même si c'est faisable en six mois, c'est infaisable à cause des normes et des règlements du programme.

M. Dumais: De transformer en coopérative...

M. Paré: Oui.

M. Dumais: ...avec la levée du moratoire? Non, ce n'est pas possible. À Rivière-des-Prairies, si je prends l'exemple des 17 immeubles, il en reste 10; je peux peut-être en passer un ou deux avec la SMQ, peut-être une construction neuve avec !e fédéral et, après cela, c'est fini parce qu'il n'y a plus d'unités ou je ne suis pas dans les critères. Le reste, je n'ai pas de prise dessus; le secteur privé s'en va avec. Même si les locataires viennent me voir - je ne parle pas juste de moi - je ne suis pas capable de les embarquer parce que, seulement dans le cas de la catégorie 1, le budget de 1988 est épuisé actuellement. On va dire qu'on parle de 1989. Dans le cas du fédéral... Comment?

M. Bourbeau: Les budgets sont épuisés, mais les travaux ne sont pas commencés encore pour deux ans. Il y a, quand même, 1000 unités qu'on vient de donner.

M. Dumais: Je suis d'accord qu'il y a 1000 unités, mais il y a encore des demandes qui sont là. Moi, j'ai un projet de 24 unités que je dois faire en deux ans. Je parle d'un groupe de ressources techniques. 1000 unités, c'est pour la province, je pense.

M. Bourbeau: Oui.

M. Paré: D'accord. Donc, il est clair et. précis, finalement - cela ne peut pas être plus clair que cela - que, si on veut permettre aux gens qui n'ont pas les moyens de devenir propriétaires sur une base individuelle, si on veut répondre de façon positive à la demande des deux groupes qui vous ont précédé de pouvoir inclure la possibilité de propriété collective, cela prend absolument des modifications et des transformations majeures des critères et règlements et, même, de la mentalité qu'on retrouve présentement en ce qui a trait au programme Logipop ou au programme fédéral, programmes qui s'adressent aux coopératives d'habitation et aux organismes sans but lucratif. Le programme actuel n'est pas du tout adaptable aux demandes des groupes et des citoyens qui voudraient créer une coopérative. C'est exactement cela.

M. Dumais: Effectivement.

M. Paré: Vous avez répondu très bien aux questions qui me préoccupaient. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Saïnt-Roch): Je vous remercie M. le député de Shefford. M. le ministre, de brèves remarques de conclusion.

M. Bourbeau: Cela me fait toujours rire d'entendre le député de Shefford qui fait son monologue et qui répond lui-même à ses propres questions et qui se déclare satisfait de la réponse.

De toute façon, on remercie nos invités du GRT pour cette contribution. Encore là, c'est un point de vue de plus qu'on va ajouter aux autres pour faire la somme de tous les points de vue et éventuellement tirer nos conclusions. Merci.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le ministre. M. le député de Shefford.

M. Paré: Merci. J'ai posé des questions, vous m'avez répondu et je suis bien content, je dois vous le dire, parce que cela fait plusieurs groupes, presque même la totalité des groupes, qui nous parlent de la possibilité pour les démunis d'aller sous la forme coopérative. Vous êtes la première personne à qui on a la chance de poser directement la question sur la faisabilité de cela. J'ai eu ma réponse. Je l'ai posée peut-être de façon très précise et complète. Je n'avais pas besoin de plus qu'un oui ou un non à la suite de la présentation du mémoire que j'ai écouté parce que, justement, il expliquait le programme tel qu'il existe. Je ne pense pas que je me suis fait plaisir, sauf que je serai capable de répondre aux groupes à l'avenir, quand Ils vont parler de coopératives, que cela demande la volonté politique d'amender, de changer complètement le programme tel qu'il existe au niveau des coopératives d'habitation et des organismes sans but lucratif. Je vous remercie beaucoup de votre patience parce qu'il est déjà 23 h 30. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Saïnt-Roch): Merci, M. le député de Shefford. M. Durnats.

M. Dumais: Je n'ai pas de conclusion autre que de dire qu'on apprécierait une politique globale plutôt que la levée du moratoire ou dans trois mois une autre politique où on va présenter un autre mémoire. Qu'on se présente globalement.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie de votre participation aux travaux de la commission. Sur ceci j'aimerais remercier les membres des deux côté8 de cette table pour leur collaboration envers la présidence, ce qui nous a permis de conclure nos travaux chargés de la journée, tout en respectant notre horaire.

Sur ce, la commission de l'aménagement et des équipements ajourne maintenant ses travaux à 10 heures demain matin.

(Fin de la séance à 23 h 23)

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