To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Committee Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the Committee on Planning and Infrastructures

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the Committee on Planning and Infrastructures

Version finale

33rd Legislature, 1st Session
(December 16, 1985 au March 8, 1988)

Wednesday, August 19, 1987 - Vol. 29 N° 82

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale portant sur la levée du moratoire sur la conversion des immeubles locatifs en copropriété divise


Journal des débats

 

(Dix heures trois minutes)

Le Président (M. Saint-Roch): À l'ardre, s'il vous plaît!

La commission de l'aménagement et des équipements reprend maintenant ses travaux pour poursuivre la consultation générale portant sur la levée du moratoire sur la conversion des immeubles locatifs en copropriété divise.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire: Non, M. le Président. Il y a toujours, pour l'ensemble, les remplacements qui ont été annoncés lundi et qui se maintiennent. Il n'y a aucun remplacement pour la présente séance.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le secrétaire.

J'attire l'attention des membres de la commission sur le fait que, ce matin, nous n'avons aucun cendrier. Pour ceux qui en sentent le besoin, on vous demande, s'il vous plaît, d'exercer vos droits de fumeurs à l'extérieur de la salle où nous tenons notre réunion.

Cette remarque étant faite, j'attire également l'attention des membres de la commission sur le fait qu'aujourd'hui nous avons une journée très chargée. Et, comme on l'a si bien démontré hier, je crois qu'avec la même collaboration des deux côtés, nous pourrons réussir à entendre tous les citoyens et les citoyennes qui ont manifesté l'intention de se faire entendre à cette commisson.

Je remarque que les représentants de l'Union des municipalités du Québec ont maintenant pris place. Je demanderais à leur porte-parole de s'identifier et d'identifier les personnes qui l'accompagnent pour le bénéfice des membres de la commission ainsi que celui du Journal des débats.

M. Dulude (Marcel): L'Union des municipalités du Québec est représentée par Marcel Dulude, maire de Saint-Bruno; par M. Marc Laperrière, conseiller juridique et directeur de l'Union des municipalités et par M. L'Italien, directeur général.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le maire. Permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue à la commission de l'aménagement et des équipements. J'aimerais vous rappeler, comme nous le faisons pour tous les intervenants, que vous disposez maintenant de quinze minutes pour présenter votre mémoire aux membres de la commission. Je vous cède la parole.

Union des municipalités du Québec

M. Dulude: Merci. M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, bien chers amis, M. Pelletier me prie de l'excuser. C'est lui qui devait présenter le mémoire ce matin. Comme il est retenu à Québec, il m'a demandé de le représenter. Je vais vous présenter le mémoire au nom de l'Union des municipalités du Québec. Si toutefois vous avez des questions après la lecture du mémoire, il nous fera plaisir d'y répondre.

L'introduction de notre mémoire. L'objectif fondamental de l'imposition du moratoire en 1975 était de s'assurer du maintien dans les lieux du locataire en place. Pour l'Union des municipalités du Québec, si la levée du moratoire sur la conversion des immeubles locatifs en copropriété divise cherche à rendre accessible à la propriété un plus grand nombre de logements, elle ne doit pas être faite à l'encontre des locataires, soit ceux que le moratoire cherchait à protéger, dès le départ.

Par ailleurs, le législateur, en levant le moratoire, doit aussi veiller à ce que les acquéreurs soient adéquatement protégés.

Enfin, nous croyons que la levée du moratoire doit, pour être efficace, s'inscrire dans une politique globale d'habitation qui cherche à favoriser l'accès à la propriété par les locataires eux-mêmes.

À cet égard, nous croyons que nos commentaires s'inscrivent parfaitement dans les deux objectifs essentiellement visés par la levée du moratoire tel que décrit dans le document de consultation Lever le moratoire, une décision qui s'impose qui sont: 1° de permettre à des ménages locataires à revenu modéré de pouvoir accéder à la propriété d'un logement à des conditions plus favorables que celles que l'on retrouve sur le marché immobilier traditionnel; 2° de renforcer la protection des locataires contre l'éviction.

Pour une approche globale. Le livre vert sur l'habitation publié par le gouvernement du Québec en 1984 et intitulé Se loger au Québec énonçait que la réussite de toute

politique gouvernementale - en matière d'habitation reposait essentiellement sur une approche globale qui implique tous les facteurs et intervenants qui agissent dans ce milieu: La plus grande partie des actions entreprises dans le secteur de l'habitation sous impulsion de l'État n'ont toutefois la chance de produire pleinement leur effet que si elles mobilisent dans la même direction tous les autres intervenants.

Ainsi, la levée du moratoire sur la conversion des immeubles locatifs en copropriété divise doit s'inscrire dans une vision d'ensemble plus cohérente si le gouvernement veut vraiment atteindre les deux objectifs de base qu'il s'est fixés, soit l'accès à la propriété par les ménages locataires à revenu modique et la protection des locataires contre l'éviction.

Or, le document de consultation déposé par le gouvernement énonce uniquement les règles administratives qui encadreront la levée du moratoire.

L'Union des municipalités du Québec est convaincue que la levée du moratoire doit s'accompagner de mesures parallèles qui s'inscrivent dans une approche plus globale pour que les objectifs de base soient atteints.

La protection des locataires ou le guichet unique. Le document de consultation du gouvernement propose l'instauration d'un guichet spécial à la Régie du logement afin de fournir toute l'aide nécessaire aux personnes âgées ou handicapées concernées par la levée du moratoire.

L'Union des municipalités du Québec croit que ce guichet spécial doit être accessible à toute personne impliquée dans la levée du moratoire, que ce soit un locataire en place ou un futur acquéreur. L'achat d'un immeuble en copropriété divise est une opération complexe qui comporte plusieurs inconnus, particulièrement pour ceux qui en sont à leur première propriété.

Les travaux de réparation» L'expérience démontre que la réalisation de travaux majeurs constitue une stratégie fréquemment employée par les propriétaires pour évincer leurs locataires. Pour pallier cette stratégie, le gouvernement propose d'interdire tous travaux autres qu'urgents ou d'entretien.

Pour l'Union des municipalités du Québec, cette solution ne ferait qu'entraîner la dégradation des immeubles. Nous croyons plutôt que le législateur devrait permettre la réalisation de travaux, mais les encadrer par des règles strictes visant la protection des locataires.

Ainsi, la Régie du logement pourrait être mandatée pour vérifier l'opportunité des travaux ainsi que leur étalement dans le temps. De cette façon, tout propriétaire qui se propose d'effectuer des travaux majeurs ou des rénovations devrait soumettre son projet à la Régie du logement, qui serait alors en mesure de vérifier s'ils sont exécutés dans l'objectif d'évincer les locataires ou simplement de procéder à la rénovation ou aux réparations de l'immeuble. En parallèle, il serait bon de prévoir le droit pour les locataires de contester la nature ou l'opportunité de ces travaux.

L'identification de zones critiques et la levée partielle du moratoire. Les règles régissant la levée du moratoire sont d'application uniforme dans l'ensemble du Québec. Or, les tensions du marché s'expriment bien différemment selon qu'on se retrouve dans une région ou une autre, dans un secteur périphérique d'une municipalité ou proche de son centre-ville. Le niveau de ces tensions est particulièrement élevé à l'intérieur des grands centres urbains.

Afin de pallier ces tensions, le gouvernement énonce que, si le suivi du rythme de conversions ou l'arrivée de problèmes liés à des conjonctures économiques et sociales devrait révéler des tensions dans certains segments du marché locatif, il serait possible d'intervenir rapidement afin de limiter ou d'interdire la conversion de ces secteurs.

Le rôle de la Régie du logement. Nous croyons que la Régie du logement, par sa neutralité et sa spécificité, est l'organisme tout désigné pour veiller au bon cheminement de la levée du moratoire. Si les tensions sont trop fortes dans certains secteurs, pour limiter ou interdire la conversion à ces endroits, ce pouvoir devrait être balisé par certains critères, afin d'encadrer adéquatement la discrétion de la régie.

La désignation de zones critiques par les municipalités. La conversion des immeubles locatifs en copropriété divise peut s'avérer excellente pour plusieurs municipalités, mais poser certains problèmes à d'autres qui sont aux prises avec de fortes tensions du marché. Un taux de location très bas ou un type de clientèle particulier, pour ne donner que quelques exemples. Les municipalités, étant proches de leur milieu et de leurs citoyens, sont les plus aptes à percevoir les problèmes liés à la conversion.

Si la régie devait être habilitée à désigner par elle-même des secteurs où la conversion serait limitée ou interdite, nous croyons aussi qu'il est primordial qu'il soit du devoir légal de la régie d'interdire ou de limiter la conversion dans les secteurs qui seraient désignés par les municipalités elles-mêmes.

Enfin, dans cette démarche, on devra s'assurer que les municipalités aient accès aux analyses de la Régie du logement, afin qu'elles puissent prendre des décisions éclairées quant à l'avenir de leurs secteurs locatifs dans leur territoire. Pour cette raison, l'Union des municipalités du Québec croit que la Régie du logement doit procéder à des études beaucoup plus précises dans les secteurs où les tensions du marché risquent

d'être les plus fortes, soit les grands centres urbains.

La protection de l'acquéreur, le rapport d'expert. Une autre mesure envisagée par le gouvernement vise à obliger les propriétaires convertisseurs à remettre un rapport d'expert à tout acquéreur. Ce rapport ne porterait toutefois que sur les parties communes de l'immeuble. Nous croyons que l'acquéreur éventuel, particulièrement pour celui qui est à l'achat d'une première propriété, doit obtenir la meilleure information possible avant de prendre sa décision.

Nous croyons alors que le législateur devrait obliger le propriétaire convertisseur à fournir à tout acquéreur éventuel un rapport d'expert portant sur toutes tes parties de l'immeuble. Le contenu obligatoire de ce rapport d'expert ainsi que la méthode pour procéder à l'évaluation de l'immeuble devraient être prescrits par la loi ou un règlement du gouvernement.

En ce qui concerne la remise du prospectus, le document de consultation du gouvernement prévoit que le propriétaire convertisseur devrait remettre un prospectus à tout acquéreur éventuel d'une unité située dans un immeuble comportant au moins cinq unités.

Nous croyons qu'une protection adéquate des acquéreurs commande un traitement égal pour chacun d'entre eux. L'Union des municipalités du Québec recommande de rendre obligatoire la production d'un prospectus, quelle que soit la taille de l'immeuble faisant l'objet d'une conversion. De plus, le contenu obligatoire du prospectus ainsi que les personnes ou organismes autorisés à le rédiger devraient être prescrits par la loi ou règlement. Enfin, la Régie du logement devrait être chargée de vérifier la conformité du contenu du prospectus aux exigences légales et de l'approuver.

En ce qui concerne les programmes d'aide à la restauration du parc immobilier, il est souvent avancé que l'accession à la propriété favorise une plus grande implication des gens dans leurs conditions de logement, de même que dans leur milieu de vie. Il s'ensuit normalement une amélioration de l'entretien de ces logements.

Toutefois, cette assertion n'est valable que pour autant que les ménages concernés disposent des moyens financiers requis pour leur permettre de procéder aux travaux de restauration et d'entretien. Or, malgré que le prix des unités offert aux locataires risque d'être intéressant, il n'en demeure pas moins que, dans la majorité des cas, ce coût entraînera des déboursés supérieurs à ce qu'exigeait leur loyer mensuel pour la même unité de logement. L'accès à la propriété pourrait aisément exiger de la part des locataires un apport financier considérable qui laissera peu de place aux travaux de rénovation et d'entretien.

On peut donc s'interroger à savoir s'ils seront ensuite en mesure de réaliser des travaux d'amélioration et quelle sera la qualité de ces travaux. On peut en déduire que la possibilité d'une dégradation progressive de l'immeuble est réelle. Ce qui aurait pour effet de diminuer la qualité de l'investissement réalisé et d'amener une "taudifica-tion" d'une partie du parc de logements. (10 h 15)

Pour que la levée du moratoire s'avère une opportunité réelle pour tes ménages locataires d'accéder à la propriété de leur logement et d'entraîner l'amélioration et la rénovation du parc de logements, nous croyons que le gouvernement devra prévoir, en parallèle de la levée du moratoire, un programme d'assistance financière destiné aux locataires qui désirent acquérir un immeuble et y effectuer des travaux de rénovation. Nous croyons aussi que le gouvernement devrait joindre à ce programme d'assistance financière un programme d'accession à la propriété permettant aux ménages ayant peu d'épargne de pouvoir accéder au financement hypothécaire.

À cet égard, l'expérience municipale nous démontre que la mise sur pied de coopératives d'habitation permet aux ménages à faible revenu d'accéder à la propriété. Ainsi, les programmes d'accès devraient viser tant les locataires eux-mêmes que, par leur entremise, les coopératives. Ce n'est que par ces mesures que la levée du moratoire pourra permettre la régénérescence des quartiers et l'accession à la propriété par ceux que le moratoire voulait protéger initialement.

La disponibilité des ressources techniques aux acquéreurs. Dans le but de favoriser l'acquisition des logements convertis par les locataires en place, il y a lieu de leur faciliter la tâche en leur permettant d'avoir accès à une assistance technique qui pourrait être dispensée par les groupes de ressources techniques - GRT - qui ont acquis, dans le domaine de la conversion, une expertise de premier ordre.

En ce qui concerne la fiscalité municipale, la conversion d'un immeuble en copropriété entraîne généralement une hausse significative de l'évaluation. Cette hausse n'est que le reflet de la valeur marchande de l'immeuble. En effet, l'évaluation municipale est basée sur cette valeur marchande. Il s'agît d'un élément fondamental de la fiscalité municipale. Pour l'Union des municipalités du Québec, il est essentiel que les règles régissant l'évaluation des copropriétés ne remettent pas ces principes en cause.

Notre conclusion. Ce n'est pas par une approche globale que le gouvernement pourra s'assurer que les objectifs qu'il s'est fixés par la levée du moratoire seront véritablement atteints. Pour l'Union des municipalités

du Québec, il est primordial que la levée du moratoire soit accompagnée de mesures parallèles dont les objectifs chercheront è favoriser l'accès à la propriété par les locataires en place. Il faut se rappeler la raison première de l'imposition du moratoire, soit la protection des locataires. Merci, M. le Président, de nous avoir donné l'occasion de présenter notre mémoire.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le maire. Je cède maintenant la parole à M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, il me fait extrêmement plaisir, en ma double qualité de ministre des Affaires municipales et de ministre responsable de l'Habitation, de souhaiter la bienvenue aux représentants de l'Union des municipalités du Québec, à l'occasion de cette commission parlementaire qui entend les points de vue de divers intervenants sur le livre blanc que nous avons publié relativement à la levée du moratoire.

En écoutant les propos de l'Union des municipalités du Québec, je ne peux faire autrement que de me rappeler que nous avons reçu, au cours des derniers jours, un autre groupe représentant d'autres municipalités du Québec, soit l'UMRCQ qui, à peu près dans les mêmes propos, se déclarait également en faveur de la proposition gouvernementale.

On peut donc affirmer que, d'une façon générale, les deux unions municipales, qui représentent la quasi-totalité de toutes les municipalités du Québec, se déclarent en faveur de permettre la conversion des immeubles locatifs en copropriété, au profit des locataires à revenu modeste, tout en faisant, bien sûr, les nuances qui s'imposent relativement à la protection des locataires, des acquéreurs et du stock locatif.

Nous avons également eu l'occasion d'entendre en tout premier lieu, au cours de cette commission, les représentants de la ville de Montréal qui ont utilisé une approche différente. Dans un premier temps, Ils nous ont dit que la situation actuelle ne pouvait plus perdurer. Ils ont décrit la situation que nous vivons sous le moratoire comme étant inacceptable. Ils ont donc demandé de reléguer le moratoire aux oubliettes - ce sont les mots textuels prononcés - donc, de se débarrasser du moratoire et de le remplacer par un nouveau régime. Ce nouveau régime étant un régime qui, au départ, interdirait la conversion, mais pourrait la permettre à certaines conditions et, pour encore reprendre leurs mots: Pas n'importe où, pas n'importe quand, pas n'importe comment. Alors, à certaines conditions qu'il reste à déterminer, d'ailleurs.

Cette position de la ville de Montréal est évidemment différente de celle que vous prenez. Or, la ville de Montréal est membre de l'Union des municipalités. Je me demande, en conclusion, si le point de vue que vous défendez en est un généralisé au sein de l'Union des municipalités ou si la ville de Montréal fait un peu bande à part dans votre union sur ce sujet-là, bien sûr.

M. Dulude: Notre mémoire nous indique qu'il y a des cas spéciaux sans les nommer. La ville de Montréal est certainement un cas spécial. Il peut y avoir des cas d'exception comme, par exemple, la ville de Montréal qui peut aussi, à l'intérieur de sa municipalité, avoir le privilège de ne pas accepter un moratoire. Mais, c'est un cas d'exception qui peut être fait pour Montréal, parce que, si on regarde toutes les municipalités dans tout le Québec, c'est entendu qu'on n'a pas les mêmes problèmes que si on regarde les municipalités et la ville de Montréal. C'est un cas à part, aussi bien la ville de Montréal que celle de Québec.

M. Bourbeau: On peut donc dire que...

M. Dulude: On pourrait peut-être demander aussi à M. Laperrière de parier sur ce sujet, parce qu'on a regardé ce dossier, mais le fait que je l'aie ce matin, c'est difficile de pouvoir l'expliquer.

M. Laperrière (Marc): Peut-être simplement une parenthèse qui va me permettre d'expliquer davantage la dynamique. La ville de Montréal a participé au comité et la porte que l'on a ouverte, présentement en ce qui concerne le régime d'exception, est effectivement pour laisser place à des dispositions qui pourraient permettre à certaines municipalités, plus particulièrement Montréal, d'avoir un régime particulier. Ce que l'on a cherché à faire, c'est une vision d'ensemble pour le monde municipal et, pour le monde municipal en général, je pense que ce n'est pas une cachette pour personne, la levée du moratoire n'est pas aussi aiguë que ce que l'on peut retrouver à Montréal.

La porte est donc ouverte dans notre mémoire pour des dispositions particulières à Montréal. Vous le savez assez bien, on crie sur les toits que l'uniformité ou l'uniformisation n'est pas une chose qui est bonne en soi. Il faut toujours regarder un peu la diversité des milieux. Notre mémoire laisse place justement à un régime particulier pour la ville de Montréal, si elle le désire.

M. Bourbeau: Si je comprends bien vos propos, vous nous dites qu'il pourrait y avoir deux régimes: un premier qui s'appliquerait à l'ensemble du Québec où, d'une façon générale, on pourrait permettre la conversion des immeubles locatifs avec les contrôles,

que vous indiquez dans votre document, qui pourrait être appliquée soit par les municipalités, soit par la Régie du logement, selon la conjoncture; et un deuxième régime qui pourrait s'appliquer à Montréal, qui serait plus restrictif et qui procéderait peut-être à l'inverse.

M. Laperrière: La porte est ouverte. C'est dans ce sens-là que Montréal a participé pleinement au comité et a pleinement compris aussi que, finalement, la diversité des municipalités est très grande, -qu'il fallait prendre position pour l'ensemble des municipalités et que la porte lui est ouverte pour un régime particulier. Ce sont deux réalités.

M. Bourbeau: Je comprends bien cette expression-là, puisque je suis moi-même le député de Laporte. Alors...

M. Dulude: En fait, il n'y a pas d'incompatibilité entre les deux, c'est simplement par les moyens.

M. Bourbeau: Oui, je comprends bien. Justement, dans ses recommandations, la ville de Montréal dit, à la page 39 de son mémoire: "Que les municipalités soient appelées à travailler de concert avec le gouvernement afin d'identifier les critères permettant la conversion." Vous allez plus loin, vous dites: On devrait permettre la conversion et la restreindre dans certains cas. Pourriez-vous expliciter un peu les cas où vous trouvez que l'on devrait ne pas permettre la conversion ou la restreindre?

M. Laperrière: Si vous me le permettez, je dirai que la seule réponse sage que l'on peut se permettre de dire, à ce stade-ci, c'est que la réflexion est loin d'être faite sur l'identification des critères que l'on pourrait choisir. Le livre vert a très bien indiqué, d'ailleurs, que l'habitation est très complexe et implique énormément de facteurs. Je pense que la réflexion mérite d'être faite avec le monde municipal, avec les intervenants du milieu de l'habitation pour essayer d'identifier quels devraient être les critères. On nous a soulevé des taux d'inoccupation, de tout simplement les désigner par zone, des choses de ce genre. Mais, pour l'instant, je pense qu'il est prématuré d'identifier des critères bien précis. Je pense que la réflexion mérite d'être faite à cet égard.

M. Bourbeau: Cette décision d'interdire la conversion dans certains secteurs de la municipalité, comme vous le dites dans votre mémoire, ou peut-être à l'égard de certains immeubles où il pourrait y avoir une proportion trop importante de personnes âgées, ou tout autre critère, est-ce que vous pensez qu'il serait sage de confier cette décision-là à la municipalité, qui pourrait exercer un genre de droit de veto, dans certains cas, de demande de conversion?

M. Laperrière: J'ai quasiment le goût de vous répondre la même chose. Il est certain, d'une part, comme on le dit dans le mémoire, que les municipalités étant les plus proches de leurs citoyens, elles doivent avoir un droit de regard - c'est un peu dans le même sens que Montréal a fait ses interventions - un droit de déterminer des zones où la levée du moratoire doit être limitée ou interdite. Quant à savoir si elles doivent être balisées, je pense que, encore là, tout comme la question des balises qui doivent entourer la décision de la régie, cela fait partie d'une réflexion qu'on doit continuer, ni plus ni moins. Encore une fois, je pense qu'il est prématuré de répondre.

Ce qui est certain, c'est que les municipalités veulent être en mesure de désigner les zones dans lesquelles la levée du moratoire sera interdite ou limitée. Est-ce que ce sera un droit de veto discrétionnaire? Est-ce que ce sera un droit de veto balisé? Je pense, encore une fois, qu'il y a un cheminement à faire dans la réflexion.

M. Bourbeau: Est-ce que, par exemple, puisque vous reconnaissez le rôle important de la Régie du logement dans la conversion, et vous êtes d'accord avec son intervention dans ce secteur, vous verriez d'un bon oeil une réglementation qui ferait en sorte que les municipalités seraient appelées à se prononcer devant la régie sur l'opportunité ou non d'autoriser la conversion, dans des cas où une demande serait faite à l'égard d'un immeuble dans une municipalité. Prenons le cas de Saint-Bruno, par exemple, puisque nous avons l'honneur d'avoir le maire de Saint-Bruno avec nous. Supposons qu'une demande a été faite à la régie pour une conversion en copropriété d'un immeuble locatif à Saint-Bruno, est-ce que vous verriez d'un bon oeil que ta régie doive signifier à Saint-Bruno la demande et solliciter, de la part de cette ville, son avis sur la question?

M. Dulude: Je serais de cet avis et l'union aussi, certainement, endosserait cette position.

M. Bourbeau: Je parle peut-être à titre personnel, maintenant, parce qu'il semble que l'union... Est-ce que vous, M. le maire, verriez d'un bon oeil, à titre personnel, que la ville puisse venir devant la régie et présenter une objection formelle à la conversion et que l'on prévoit que, dans ce cas, la régie devrait donner suite à l'objection de la ville?

M. Dulude: Oui, certainement. Vous

savez, dans nos municipalités, lorsqu'on regarde nos zonages, on s'efforce d'avoir quand même une qualité de vie, mais il ne faudrait pas que, pour un tel geste, on n'ait pas un mot à dire dans ces décisions. Je trouve que cette approche est positive et je l'endosse, en tant que maire.

M. Bourbeau: Dans votre mémoire, vous dites, au sujet des travaux majeurs, que vous ne croyez pas qu'il faille interdire tous les travaux majeurs avant la conversion, car cette situation risquerait d'entraîner la dégradation des immeubles. Je suis d'accord avec vous que, si on commence à interdire à des propriétaires d'améliorer ou d'entretenir leur immeuble, on va se retrouver éventuellement avec un stock immobilier totalement dégradé.

Je voudrais simplement souligner que le mémoire n'interdit pas les travaux majeurs autres qu'urgents et nécessaires; il les permet, même. Il dit que si ces travaux, qui ne sont pas urgents et nécessaires mais qui sont faits, ont pour effet d'évincer les locataires et tout cela dans le but de préparer l'immeuble à la copropriété, dans ces cas, la régie pourrait refuser la conversion. Je ne pense pas qu'il soit exact de dire que nous interdisons les travaux. (10 h 30)

M. Laperrière: Si vous me le permettez, M. le Président, c'est effectivement le cas dans le texte de la levée du moratoire. On s'est penché sur la question sauf qu'il y a un aspect bien humain là-dedans quand un propriétaire entreprend des travaux. Est-ce qu'il n'y aurait pas comme effet, une espèce d'épée de Damoclès, à savoir: Est-ce que mes locataires vont décider de s'en aller? Est-ce que cela risque d'être interprété comme voulant éventuellement convertir en copropriété? Où tranche-ton la ligne entre des travaux qui pourraient être de nature à évincer ou vont être de nature à évincer les locataires? Il pourrait se créer chez les propriétaires, une psychose aux yeux du comité du conseil d'administration qui a entériné le mémoire, une espèce de frein qui ferait en sorte qu'on essaierait de limiter au minimum les réparations de façon à espérer que les locataires ne soient pas évincés dans certains cas. Donc, on se dit qu'il serait peut-être beaucoup plus clair si les règles du jeu faisaient en sorte que c'est devant la régie que tout cela est décidé, que l'étalement des travaux est étudié et qu'on examine l'opportunité du projet. Comme cela, le propriétaire pourrait par la suite poursuivre son projet en étant bien sûr que cela ne sera pas interprété comme une conversion éventuelle et une éviction des locataires. Il serait beaucoup plus sûr que ses travaux seraient interprétés de la bonne façon.

M. Bourbeau: Je trouve votre proposition intéressante. En fait, ce que vous nous dites, c'est de faire la distinction entre des travaux qui évinceront ou non les locataires. Bien sûr, les travaux même s'ils sont majeurs n'ont pas nécessairement pour effet d'évincer les locataires. Il n'y a pas de problème, onn'a pas besoin de s'adresser à la régie, puisque les locataires peuvent demeurer en place. Cela pourrait être, par exemple, refaire l'extérieur de la bâtisse, l'entrée, le lobby, les cages d'escalier, enfin, les endroits communs. Si cela n'a pas pour effet d'évincer les locataires, il n'y a pas -de problème. Je comprends ce que vous nous dites; si les travaux avaient pour effet d'évincer les locataires, on devrait, avant de les commencer, se présenter devant la régie pour expliquer ce qu'on veut faire, les locataires pourraient également se faire entendre et on trouverait un genre de modus vivendi acceptable et pour les locataires et pour les propriétaires et pour la régie.

M. Laperrière: II y a peut-être un moyen terme administrativement; mais l'objectif premier du mémoire et de la position de l'union c'est que les règles doivent être claires pour le propriétaire aussi, pour qu'on puisse protéger les locataires en allant devant la régie et en présentant l'opportunité des travaux, le cheminement, le moment des travaux. On peut permettre à la régie de s'assurer que cela soit fait dans l'intérêt des locataires et, de l'autre côté, le propriétaire serait toujours certain, après la décision de la régie, que les travaux qu'il entreprendrait ne seraient pas éventuellement interprétés comme étant des travaux pour évincer ou pour convertir en copropriété. C'est dans ce sens pour éviter toute incertitude et pour assurer aussi une plus grande protection des locataires.

M. Bourbeau: II semble, malheureusement, que mon temps est expiré. Cela passe toujours plus vite que prévu. Merci.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre.

Je cède maintenant la parole à M. le député de Shefford.

M. Paré: Merci, M. le Président. Effectivement, on a seulement quinze minutes. Alors, vous allez me permettre d'aller très vite, parce que mon collègue de Jonquière veut aussi intervenir. Je dois vous dire que je suis très heureux de votre mémoire qui tombe à peu près à mi-chemin de notre commission parlementaire et j'espère que le ministre va vraiment en prendre note, parce qu'en sept pages, je vous félicite, vous témoignez d'une préoccupation et d'une sensibilité à la réalité qui mérite d'être soulignée. Les messages qui sont

passés là-dedans, M. le ministre, sont extraordinaires. Je dois vous dire que la lecture que j'en fais et l'écoute de la lecture qui a été faite se rapprochent bien plus du mémoire de Montréal que de votre proposition. Je vais vous expliquer en quel sens. Premièrement, ce sont les premiers mots de la conclusion, "Ce n'est que par une approche globale...". Il est temps que vous compreniez, M. le ministre, qu'on ne peut pas lever le moratoire sans une politique globale d'habitation. C'est impensable. Tout le monde vous l'a dit. J'espère que cela s'en vient. Ce n'est pas ce que vous disiez au début de la commission. Enfin, ce matin, on vous entend dire que cela s'en vient. Je suis bien content. Donc, enfin...

M. Bourbeau: On a attendu pendant neuf ans. Sous l'ancien gouvernement, on n'en a même pas eu.

M. Paré: Excusez-moi, j'ai seulement quinze minutes.

Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous plaît!

La parole est au député de Shefford.

M. Paré: L'une des choses qu'on retrouve tout au long de votre mémoire, c'est que cela prend une consultation, cela prend une orientation générale en matière d'habitation, une politique globale. Vous avez raison, c'est impensable de lever un moratoire sans qu'il y ait d'autres mesures. C'est l'une des choses qu'on retrouve, une politique globale, ça presse.

Vous dites ensuite - on y va très rapidement, parce que je n'ai pas grand temps - qu'il y avait un objectif fondamental en 1975 qui était d'assurer le maintien dans les lieux du locataire en place. J'aurai une question tantôt là-dessus. Je trouve cela très important. Est-ce que, maintenant, parce qu'on veut permettre - on le retrouve plus bas - aux gens à revenu modéré d'accéder à la propriété, on puisse le faire maintenant? Est-ce que la situation a suffisamment changé? En connaissant la situation financière, socio-économique des locataires, spécialement à Montréal, est-ce que cela a suffisamment changé pour dire que maintenant on peut faire ce qu'on dit là-dedans, levons le moratoire globalement sans pénaliser qui que ce soit?

On retrouve aussi une vision d'ensemble plus cohérente. Vous amenez une crainte et vous n'êtes pas les seuls à l'avoir amenée, entre autres, sur la dégradation possible. Mais vous amenez une vision qui n'a pas été amenée jusqu'à maintenant et je pense que c'est important.

L'APCHQ a amené une inquiétude sur la dégradation en disant que les propriétaires vont faire exprès pour laisser dégrader de façon à se débarrasser des locataires et pouvoir convertir. Vous dites en permettant à ceux qui ont à peine les moyens d'accéder à la propriété qu'ils vont mettre tout ce qu'ils peuvent pour être capables de faire leurs paiements mais qu'ils ne pourront pas rénover ou vont le faire vraiment, par une couche de peinture de temps en temps, sans aller au fond. Donc selon l'APCHQ, dégradation non seulement pour forcer les gens à s'en aller, mais dégradation parce que les nouveaux acquéreurs, si parce qu'ils ne veulent pas quitter, vont décider d'acquérir en mettant tout ce qu'ils peuvent sur le logement, vont finir par faire en sorte que cela va se dégrader.

Deux autres choses. Vous parlez aussi de la fiscalité municipale. Cela est important. Nous avons dit, c'est sûr, que si c'est levé, il va y avoir une augmentation généralisée du coût des loyers pour les édifices concernés. C'est évident. Mais, pour l'ensemble, parce que cela a un effet sur la rue, le quartier s'il y a beaucoup de transformations, vous dites bien qu'il ne faut pas toucher à la fiscalité municipale. Donc, vous venez de confirmer que le monde municipal veut conserver la fiscalité telle qu'elle est. Donc, cela va se répercuter par une augmentation sur les loyers.

Vous dites aussi cela a été amené par tout le monde, qu'en plus de la politique globale, cela ne peut pas se faire sans qu'il y ait des mesures qui soient amenées, des mesures parallèles - c'est le mot que vous utilisez, des mesures parallèles - des programmes d'aide à l'accessibilité, alors que les programmes d'aide à l'accessibilité ont été abolis dernièrement. Et vous dites: II faut donner la chance aussi aux gens de pouvoir acquérir de façon collective par les coopératives. Le dernier groupe qui est passé hier soir est venu nous dire que telle que la proposition est là, impossibilité de conversion en coopératives à cause du temps, à cause des programmes tels qu'ils existent. Vous dites qu'il faut donner des pouvoirs aux groupes de ressources techniques. Le ministre a déjà annoncé la disparition de l'aide aux groupes échelonnée sur trois ans. Donc, vos demandes vont dans le sens contraire des gestes posés par le gouvernement depuis un an et demi.

J'ai une question, parce qu'on le retrouve dans votre mémoire au moins à deux places. Je vais essayer de le retrouver très rapidement. Non, je vais le retrouver juste à une place à la fin mais c'est la même chose. Dans la conclusion, on dit: Des mesures parallèles dont les objectifs chercheront à favoriser l'accès à la propriété pour les locataires en place. Je vous demande, selon votre vision, selon votre idée, quand on parle pour les locataires en place, si on va dans le même sens que deux groupes, soit la Chambre d'immeuble, hier,

et ta FTQ, pour qui l'accès à la propriété c'est pour le locataire dans son logement. Est-ce que pour vous c'est ce que vous voulez dire ici, que ce n'est pas ouvert, que moi, je vais aller prendre le logement de mon voisin d'en face ou d'à côté? Est-ce que, selon votre optique, l'accès à la propriété pour les locataires en place veut dire de permettre au locataire d'acheter son logement et non pas déloger son voisin?

M. Dulude: C'est essentiellement pour le locataire en place.

M. Paré: Je vous remercie beaucoup. Je n'aurai pas d'autres questions pour le moment. Je laisse la parole à mon collègue de Jonquière.

Le Président (M. Saint-Roch): Je cède maintenant la parole à M. le député de Jonquière.

M. Dufour: II me fait plaisir de saluer un ex-collègue et aussi des personnes avec qui j'ai eu le plaisir de travailler au bureau de direction de l'Union des municipalités du Québec, comme cadres importants à l'union.

C'est évident quand on écoute le ministre qui se cherche des alliés qu'il peut voir à peu près ce qu'il veut à travers tout ce qui s'est dit ou tout ce qui se dit à cette commission parlementaire. Il faut tirer très fortement par les cheveux pour arriver à la conclusion que l'Union des municipalités dit oui à la levée du moratoire, sans presque aucune restriction.

On sait bien que l'Union des municipalités, connaissant sa prudence et son expertise, quand elle nous dit que la levée du moratoire doit être accompagnée de mesures parallèles qui vont favoriser l'accès à la propriété, je comprends que l'expertise de l'Union des municipalités n'est pas n'importe quelle expertise et l'accès à la propriété est un ensemble de mesures. Ce n'est pas à travers la levée du moratoire seulement qu'on va trouver cela.

Quand on nous dit qu'il faut protéger les locataires, encore là, cela me semble des restrictions très fortes. Lorsque le ministre essaie de mettre en contradiction la ville de Montréal et l'Union des municipalités, je pense qu'il fait erreur, qu'il y a méconnaissance des associations municipales. Cela ne fait pas longtemps qu'il est ministre, on peut lui permettre cela. On sait que l'Union des municipalités, ce n'est pas un syndicat. Cela oblige tout le monde à passer dans le même canal. Que Montréal ait une position... parce que la position première du ministre, c'est qu'il nous rapportait que Montréal était pour la levée du moratoire et, c'est le contraire. Il disait: Prenons le moratoire, mettons-le dans la loi. C'est une façon d'enlever le tapis au ministre pour ne pas le poser dans des problèmes majeurs.

Je pense qu'il est clair que Montréal a une position et que l'Union des municipalités a aussi une position défendable. Je ne pense pas que les deux puissent être parallèles dans le même pattern ou le même moule. Personnellement, je trouve que l'Union des municipalités a fait un travail extraordinaire, intéressant, et j'aurais quelques questions à poser concernant cela. Vous êtes le seul groupe actuellement qui propose le guichet unique pour l'ensemble des personnes concernées. Je trouve cela intéressant. Partout ailleurs, on l'a proposé pour les handicapés, les personnes âgées. Guichet unique pour l'ensemble des personnes concernées, cela me semble plus satisfaisant. Un problème nous confronte régulièrement. On parle toujours du harcèlement et que ça empêche les gens de contester. Un autre groupe nous a proposé - ou des groupes -que le gouvernement devrait favoriser ou soutenir financièrement des groupes d'associations de locataires qui pourraient être les défenseurs des gens ou en même temps mieux les sensibiliser vis-à-vis même de ce comptoir unique. Que pensez-vous de cette proposition qui nous a été faite qui compléterait possiblement ce que vous nous dites?

M. Laperrière: Pourriez-vous clarifier? Voulez-vous impliquer les associations de locataires?

M. Dufour: Oui. C'est à cause du harcèlement. On dit que malgré le moratoire actuel, les gens ou les propriétaires finissent par expulser les locataires, que ce soient des personnes âgées, des handicapés ou autres. On dit que même s'ils ont déjà accès à une certaine forme d'autodéfense, des groupes prétendent que ce n'est pas suffisant. Des associations de locataires qui pourraient être comme des associations ou des syndicats, cela pourrait permettre de mieux défendre parce que c'est sur le terrain qu'on les reconnaît mieux.

M. Laperrière: Je pense qu'il est plus difficile de répondre à cette question-ci, puisque le conseil d'administration ne s'est pas penché sur cette question spécifique. Alors, répondre à cette question serait très hasardeux de notre part puisqu'on ne l'a pas soumise au conseil d'administration. Comme vous le savez, nos instances décisionnelles sont le conseil d'administration et le bureau de direction. Je pense que le silence a un goût de sagesse.

M. Dufour: On sent dans tout votre mémoire, en filigrane, que la municipalité refuse de prendre toute responsabilité sans ressources financières correspondantes. On sent dans votre positionnement par rapport

aux travaux de réparations majeures, où vous dites que cela devrait passer par la régie, contrairement à ce que Montréal disait, que c'est l'Union des municipalités qui ne semble pas vouloir s'engager trop trop dans ce dossier. Montréal avait une position beaucoup plus ferme en disant: S'il y a des réparations majeures, nous, on veut savoir, on veut s'impliquer et on veut avoir un droit de parole par rapport à cela. Pas nécessairement un droit de veto, mais un droit de présenter, comme il existe à la Régie des alcools, un droit de présenter des argumentations concernant ces travaux.

Vous, de l'Union des municipalités, nonobstant le manque de ressources financières parce que ça va exercer certaines pressions sur la municipalité - il faut comprendre que Montréal est beaucoup plus impliquée que l'ensemble des autres municipalités au Québec - verriez-vous ça comme un empêchement, ou trouveriez-vous que l'implication de la municipalité devrait être plus grande concernant les réparations majeures?

M. Dulude: C'est une autre question qui est un peu en dehors du moratoire et qui n'a pas été étudiée avec les membres de l'Union des municipalités. Vous donnez une position sur cette question. C'est difficile pour nous. Je pense que M. l'ex-président de l'Union des municipalités, vous devez convenir avec nous qu'il est difficile de vous donner une réponse à cette question. On peut réfléchir et donner notre position.

M. Dufour: C'est évident que la commission parlementaire permet d'ouvrir certaines perspectives. Cela permet aussi de donner certaines ouvertures dans plusieurs aspects. Je comprends que par rapport aux travaux de réparations, les zones critiques, les rapports d'experts où vous dites que ce soit juste l'acquéreur, cela pourrait être une expertise remise à la municipalité qui, elle, pourrait devenir un intervenant beaucoup plus impliqué, qui prendrait beaucoup plus partie dans tout ce dossier. (10 h 45)

M. Dulude: En fait, je ne pense pas que l'union aille vers cet aspect. On veut se détacher beaucoup plus de cela, plutôt que d'aller dans cette direction.

M. Dufour: Mais, à l'exception que vous êtes conscient que lorsqu'on confie les responsabilités à tout le monde un problème se pose aussi. On peut bien dire que, ce matin, cela est parfait, mais il y a d'autres éléments. L'expérience que vous avez, comme maire, devrait vous porter à être prudent en disant: Ce tribunal, entre parenthèses, peut être l'instance finale; mais, il faut que vous puissiez l'éclairer. Vous dites "protéger les locataires", ce n'est pas à tout le monde de protéger les locataires; je veux bien comprendre que le gouvernement a la responsabilité de protéger les locataires; les locataires ont la responsabilité de se protéger, mais il faut aussi que les municipalités, si ce que vous nous dites est vrai, aient la volonté de vouloir aussi protéger le locataire. Ce n'est pas juste en disant: On laisse tout faire cela» qu'on peut le protéger. Vous avez dit, tout à l'heure: On est prêt peut-être à aller un peu plus loin. Oui, c'est intéressant, on devrait donner notre point de vue. Mais, pour donner votre point de vue, où allez-vous prendre votre expertise? C'est un peu tout cela...

M. Dulude: C'est justement, notre mémoire est basé sur cela. En fait, on a un droit de regard. On a répondu un peu à cela tantôt. Je pense que c'est bien important...

M. Dufour: Mais, pour que...

M. Dulude: ...au plan de l'expertise.

M. Dufour: II faut que votre droit de regard puisse s'appuyer sur des expertises ou que vous ayez accès à tous ces dossiers. Si vous ne le demandez pas, vous ne l'aurez pas.

M. Dulude: On l'a aussi dans notre mémoire.

M. Dufour: Vous parlez beaucoup de la restauration, du droit d'accession à la propriété; vous parlez de plusieurs programmes. On sait que, actuellement, il y a des programmes qui ont été abolis ou diminués dans leur essence. Vous revenez à la charge en disant: On devrait profiter plus de l'expertise de groupes comme les GRT, ce qui permettrait l'accès au logement, et les OSBL, qui sont des organismes valables, qui ont fait leurs preuves dans l'ensemble des municipalités du Québec; ils permettent aussi de donner, en même temps que cette aide, l'assistance financière qui permet d'ouvrir une panoplie de possibilités pour l'accès au logement.

Je pense que, de ce côté-là, votre mémoire prend une autre saveur. Vous ne dites pas non au moratoire, mais vous l'assortissez de tellement d'éléments supplémentaires, ce qui fait qu'on ne serait pas correct, je pense, en disant: On a eu carte blanche de la part de l'Union des municipalités pour lever le moratoire sans aucune restriction ou avec des restrictions différentes de ce que vous proposez. Je pense que, de ce côté-là, je dois vous remercier du travail que vous avez fait. Le message est clair, cela confirme ce que vous dites sur la fiscalité depuis quelques années. Espérons que ce message va être compris par d'autres, par le gouvernement supérieur, et

que ce soit mis en pratique aussi. Dans le cas du logement, celui qui nous concerne ici, qu'on prenne les mesures pour protéger les plus démunis, donc les locataires, les personnes âgées et, en même temps, les handicapés.

Donc, par rapport à cela, je veux vous remercier. Je pense bien qu'en soulignant l'effort de ces groupes communautaires, qui ont fait beaucoup pour la propriété, vous nous rappelez qu'il serait bon de les soutenir pour qu'ils fassent un meilleur travail. Merci.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le député de Jonquière. Je cède maintenant la parole à M. le ministre pour de brèves remarques de conclusion.

M. Bourbeau: M. le Président, je trouve cela un peu malheureux que nos amis de la télévision n'aient pas été ici pour entendre le témoignage de l'Union des municipalités du Québec qui est venue nous dire que, dans l'ensemble des municipalités au Québec, on a un appui très important pour la levée du moratoire et pour la conversion des immeubles en copropriété.

Bien sûr, l'Union des municipalités du Québec fait les restrictions qu'il faut, amène dans son témoignage les balises qu'elle juge nécessaires pour s'assurer de la protection des locataires, mais, d'une façon générale, elle s'inscrit plutôt en faveur de la proposition gouvernementale. Je rappelle que la position de l'UMQ rejoint celle de l'autre union municipale, l'Union des municipalités régionales de comté, qui, elle aussi estimait qu'il fallait permettre la conversion des immeubles en copropriété. J'espère que nos amis de la presse vont tenir compte non seulement d'un point de vue, mais des deux points de vue. Je suis heureux de voir qu'ils sont ici pour entendre le groupe suivant qui, manifestement ne partage pas les vues de l'Union des municipalités du Québec. Je salue l'Union des municipalités du Québec. Je la remercie de sa contribution en l'assurant que nous tiendrons compte de son point de vue lors de l'élaboration du projet final par le gouvernement. Merci.

M. Dulude: Les journalistes n'ont pas eu l'occasion d'entendre le mémoire. Vous pouvez toujours leur en donner une copie. Ils pourront tirer leurs conclusions.

Le Président (M. Saint-Roch): Je cède maintenant la parole à M. le député de Shefford.

M. Paré: Merci, M. le Président. Vous pourrez dire ce que vous voulez, M. le ministre, avec les gens qu'il y a ici et les gens de la presse qui étaient ici aussi, quand les gens de l'Union des municipalités du Québec nous ont fait la lecture de leur document, ils vont bien se rendre compte que... Peu importe si vous le répétez, vous ne leur ferez jamais accroire que le cheval blanc de Napoléon est noir. Il y a toujours une limite de contredire les gens. Vous n'avez pas compris. Je vais vous lire la conclusion du mémoire c'est court mais c'est tellement clair: "Ce n'est que par une approche globale que le gouvernement pourra s'assurer que les objectifs qu'il s'est fixés par la levée du moratoire seront véritablement atteints. Pour l'Union des municipalités du Québec, il est primordial que la levée du moratoire soit accompagnée de mesures parallèles dont les objectifs chercheront à favoriser l'accès à la propriété par les locataires en place. Il faut se rappeler la première raison de l'imposition du moratoire, soit la protection des locataires."

Je vous remercie beaucoup. Je dois vous dire, comme je vous le disais au tout début, que vous avez des points majeurs dans cela et nous allons nous y référer, je pense, très souvent au cours de la commission et même après. Vous touchez à peu prè3 à tous les points qui ont amené des échanges avec les groupes depuis le début, avant-hier, et qui vont certainement apporter des réponses aux questions des groupes qui vont se présenter d'ici à Vendredi. Je vous remercie beaucoup de vous être présentés devant la commission.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le député de Shefford. M. le maire, une brève remarque, en conclusion.

M. Dulude: Oui, je voudrais simplement remercier le comité de nous avoir donné l'occasion de présenter notre mémoire.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le maire.

Je demanderais maintenant au Front d'action populaire en réaménagement urbain de prendre place, s'il vous plaît. Permettez-moi, dans un premier temps, de vous souhaiter la bienvenue à la commission de l'aménagement et des équipements. Je demanderais maintenant au porte-parole de bien vouloir s'identifier pour le bénéfice des membres de la commission et de celui du Journal des débats et de nous présenter les personnes qui l'accompagnent.

M. Saillant (François): Mon nom est

François Saillant. Je suis coordonnateur au FRAPRU. À ma droite, Suzanne Laferrière, organisatrice communautaire à Pointe-Saint-Charles; à ma gauche, Pierre Gaudreau, aussi animateur au FRAPRU et, à mon extrême gauche, Denis Giraldeau, qui va faire une présentation au nom de la Coalition "Sauvons nos logements" avant qu'on fasse la présentation du FRAPRU.

M. Giraldeau (Denis): Bonjour. On profite aujourd'hui...

Le Président (M. Saint-Roch): Je m'excuse. J'aimerais vous rappeler que vous avez maintenant quinze minutes pour présenter votre mémoire aux membres de la commission. Je vous cède maintenant la parole.

Coalition Sauvons nos logements

M. Giraldeau: D'accord. On profite aujourd'hui de la commission parlementaire pour faire part au ministre des demandes de la coalition "Sauvons nos logements".

L'automne dernier, face à la situation vécue par de nombreux locataires qui ont eu à subir des loyers excessifs, du harcèlement sous diverses formes et, finalement, l'expulsion et le délogement sans possibilité de se reloger aux mêmes conditions, le FRAPRU et le Regroupement des comités logements et associations de locataires ont formé la coalition "Sauvons nos logements" afin de sensibiliser la population aux problèmes créés, entre autres, par la conversion d'immeubles locatifs en copropriété divise et indivise et par les réparations majeures.

La coalition a fait circuler une affiche Mon logement n'est pas à vendre et une pétition demandant au ministre, M. André Bourbeau, responsable de l'Habitation, d'interdire immédiatement toute conversion de logements locatifs en copropriété et ce, tant et aussi longtemps que n'auront pas été adoptées les mesures réelles de protection permettant aux locataires de demeurer dans leur logement et les programmes d'aide permettant aux locataires de s'approprier collectivement leur logement. À ce jour, 10 298 personnes ont signé cette pétition et attendent du gouvernement des mesures réelles et concrètes dans un très bref délai. Plusieurs groupes et associations ont appuyé notre demande et ont collaboré à la cueillette de signatures. Citons notamment la Table des GRT de Montréal, la Table des pasteurs du Plateau-Mont-Royal et celle de Centre-Sud. Je ne les énumère pas tous. La liste des signataires de cette pétition est donc déposée aujourd'hui devant les membres de cette commission parlementaire. Je ne sais comment en disposer, mais si...

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Saint-Roch): Je cède maintenant la parole à M. Saillant.

Front d'action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU)

M. Saillant: Le Front d'action populaire en réaménagement urbain - FRAPRU - est un regroupement national sur le logement et la qualité de vie dans les quartiers populaires du Québec. Il est composé de 28 groupes présents dans toutes les régions de la province, dont douze dans la région de Montréal. Vous avez, à la fin du mémoire du FRAPRU, la liste des membres de notre organisme.

Le FRAPRU a la particularité de regrouper à la fois des comités-logements et associations de locataires, des comités de citoyens et citoyennes, des groupes de locataires de HLM, des groupes de ressources techniques, une fédération de coopératives d'habitation et divers autres groupes populaires impliqués dans la lutte pour le droit au logement.

Le FRAPRU a été formé depuis bientôt dix ans, précisément autour des grands objectifs qui devraient être au coeur des débats de cette commission parlementaire, soit le maintien de la population résidente dans les quartiers populaires et la préservation du stock de logements à bas loyer.

On aurait pu s'attendre que le gouvernement libéral et le ministre des Affaires municipales, M. André Bourbeau, profite de l'année internationale du logement des sans-abri pour proposer enfin une politique globale d'accès au logement pour tous et toutes. Une telle politique ne nous est-elle pas promise depuis plus d'un an? Non. Le gouvernement nous arrive plutôt avec une autre mesure à la pièce, une mesure qui, nous en sommes fermement convaincus, ne fera qu'aggraver la situation, une situation qui est pourtant déjà intolérable. Rappelons quelques chiffres: en mars 1987, le FRAPRU a publié un dossier noir sur le logement et la pauvreté, un dossier qui démontrait qu'il y avait au Québec autour de 1 000 000 de mal logés, c'est-à-dire de gens qui n'avaient pas droit à un logement convenable, à un prix raisonnable soit parce qu'ils payaient trop cher pour se loger, soit parce que leur logement était de mauvaise qualité, soit parce qu'ils vivaient diverses situations de discrimination ou de harcèlement, soit encore parce que leur maintien dans leur logement ou leur quartier était compromis par la restauration et par la conversion en copropriété.

Beaucoup d'autres voix sont, depuis ce temps, venues s'ajouter à celle du FRAPRU pour dénoncer la pauvreté dans le logement. Le 13 avril, le comité des sans-abri de la ville de Montréal identifiait le développement urbain fait au détriment du logement et des services aux plus démunis comme l'une des

causes au phénomène des sans-abri. Le 20 mai, la Société Saint-Vincent-de-Paui de Montréal faisait état d'une étude qu'elle avait menée sur sa clientèle. L'étude démontrait que cette clientèle devait consacrer une moyenne de 46 % de ses revends pour se loger et cela ne comprend pas les services.

Une semaine plus tard, la Coalition sur l'alimentation Hochelaga-Maisonneuve dénonçait la situation vécue par 10 000 personnes souffrant de la faim dans ce quartier de Montréal. Le taux d'efforts que cette population consacre au logement est de 45,5 %. Si on inclut les services, cela monte à 57 %. Le 17 juin, la Corporation professionnelle des diététistes du Québec déclarait que la raison principale des problèmes de mauvaise alimentation des personnnes à faible revenu, plus précisément des femmes enceintes et allaitantes et des nourrissons, était le coût trop élevé consacré au logement.

Dans les grandes villes du Québec, nous assistons depuis une bonne dizaine d'années à ce qu'on appelle la "gentrification" ou, en d'autres mots, l'embourgeoisement des quartiers populaires, c'est-à-dire le remplacement de la population traditionnelle de ces quartiers composée de retraités, d'assistés sociaux, de travailleurs, par une population plus jeune, plus instruite et surtout plus riche qu'on qualifie plus familièrement de yuppies. En forçant ces ménages à faible revenu à quitter leur ancien logis ou loyer souvent très bas, on les a obligés à consacrer une part plus lourde de leur budget pour le logement et, par voie de conséquence, à couper dans le reste des dépenses: la nourriture, le loisir, le vêtement. Pire encore, on les a parfois forcés à rejoindre la cohorte des itinérants, des sans-abri.

Des dizaines d'études et d'enquêtes ont démontré au cours des dernières années les résultats des politiques gouvernementales pour les populations à faible revenu. Ainsi, une étude du Laboratoire de recherche en sciences immobilières publiée en mars 1985 a démontré qu'à peine 4,5 % des locataires de logements restaurés dans les quartiers centraux de Montréal avaient pu revenir dans leur logement après restauration. Pourquoi? Parce que les loyers y étaient de 38 % supérieurs et, aussi, parce que, pour une bonne part, ces logements avaient été transformés en copropriété. 62 % des logements restaurés appartenaient à des copropriétaires.

Une étude du Comité-logement Saint-Louis a démontré que sur le seul Plateau-Mont-Royal, le stock de logements locatifs a diminué de 13 000 logements depuis 1981 et que 22 000 personnes ont été évincées par la copropriété.

Le ministre responsable de l'Habitation répétera probablement que des groupes comme le FRAPRU exagèrent, qu'ils véhiculent une vision apocalyptique de la réalité et qu'ils auraient grand avantage à aller dans d'autres pays pour constater que les locataires du Québec sont les mieux traités dans le monde occidental. Je citais le ministre. (11 heures)

Le ministre, lui, aurait d'abord grand avantage à écouter et, deuxièmement, à descendre un peu plus souvent dans les quartiers, à aller aux assemblées populaires où il est invité pour voir la réalité qui s'y vit. Peut-être constaterait-il alors que la situation du logement est loin d'être rose pour les classes populaires du Québec et que la levée du moratoire ne pourra qu'aggraver la situation.

Si le gouvernement libéral et le ministre Bourbeau n'a pas encore présenté de politique conséquente de lutte contre les problèmes de logement et le déplacement des populations traditionnelles des centres-villes ni même de politique tout court, il a, par contre, posé bien des gestes qui, eux, ne vont pas du tout dans ce sens: Déresponsabilisation de l'État en matière d'aide au logement pour les classes populaires et libre cours au marché privé.

Voilà comment on pourrait le mieux résumer les mesures à la pièce imposées au cours des dernières années. Je veux seulement en énumérer quelques-unes, cela en vaut la peine. La signature avec le gouvernement fédéral d'une entente a entraîné une réduction considérable du nombre de logements sociaux produits annuellement au Québec; les coopératives et les organismes sans but lucratif ont subi la plus importante dégringolade, leur nombre chutant de 3000 en 1985 à 1900 en 1986. Quant aux HLM, leur nombre mis en chantier a chuté de 2378 en 1985 à 1564 en 1986. Cela, même si le ministre, durant toute l'année, a affirmé qu'il se ferait 2300 HLM en 1986.

Deuxièmement, coupures dans les subventions aux groupes de ressources techniques chargés d'aider à la réalisation de logements coopératifs. D'ici à trois ans, on aura réduit le nombre de GRT subventionnés, de 37, qu'il est actuellement, à 11.

Troisièmement, mise en place d'un programme de supplément au loyer pour le marché privé qui, - l'expérience des autres provinces l'a démontré, - sera beaucoup plus une aide aux propriétaires de logements vacants qu'aux locataires dans le besoin.

Quatrièmement, adoption prochaine d'un nouveau règlement de sélection des locataires de HLM, visant ni plus ni moins qu'à masquer le scandale des listes d'attente des logements publics. Cela représente 35 000 ménages au Québec.

Au lieu de produire de nouveaux logements sociaux, le gouvernement cherche à

escamoter le besoin et, pour ce faire, pénaliser et continuer de pénaliser les immigrants reçus, les sans-abri, lea personnes seules de moins de 40 ans et les mères chef de famille.

La dernière pièce de ce puzzle est la levée du moratoire sur la transformation de logements locatifs en copropriétés. Même si le gouvernement propose tout un train de mesures visant, apparemment, à permettre le maintien des locataires, la lecture de son document Lever le moratoire: une décision qui s'impose, ne peut que nous convaincre que ce que cherche le gouvernement, ce n'est pas à empêcher l'expulsion des résidents à faible revenu des quartiers populaires mais, au mieux, à la civiliser, à la légaliser. Malgré ses belles prétentions, le gouvernement ne part pas de la volonté de maintenir la population en place, mais de celle d'ouvrir un nouveau marché pour des ménages ayant les moyens financiers d'y avoir accès.

Il y a une étude récente de Marc Choko et de Francine Dansereau, faite sur la conversion de logements dans le centre-ville de Montréal qui dit que le revenu moyen des ménages propriétaire de logements convertis s'établit à 45 481 $ par année et que 37.3 % de ces ménages ont un revenu supérieur à 50 000 $. Il ne s'agit pas du tout là du portrait de la population traditionnelle de nos quartiers. Rappelons simplement que 51,2 % des ménages locataires québécois avaient un revenu inférieur à 15 000 $ par année, en 1981.

D'ailleurs, Choko et Dansereau le disent clairement: "La copropriété restaurée constitue dorénavant une formule d'accession à la propriété disponible pour les seuls ménages à revenu moyen et élevé." Le pire, c'est que cet accès des couches plus fortunées de la population à la propriété ou à une nouvelle forme de propriété ne pourra se faire qu'au détriment de la protection du stock de logements à bas loyer et par le fait même, qu'au détriment de la possibilité pour les gens à faible revenu d'avoir accès à un logement à un prix raisonnable.

Le document Lever le moratoire: une décision qui s'impose, affirme que "la perte nette représenterait moins de 1 % du parc de logements locatifs après cinq ans d'activité de conversion." Peut-être et peut-être pas aussi. Mais le. stock de logements à bas loyer, lui, aura été attaqué et compte tenu des populations que nous représentons, c'est celui-là qui nous préoccupe, d'autant plus que la possibilité de conversion offerte par le ministre entraînera indéniablement une poussée spéculative qui se répercutera sur les loyers de l'ensemble du parc de logements environnants.

Le gouvernement dore cependant la pilule aux locataires en leur offrant ce qu'il appelle un droit au maintien illimité dans les lieux. Ce faisant, le gouvernement répond en partie à certaines revendications véhiculées de longue date par les groupes de locataires. On en cite quelques-unes dans le mémoire, mais il s'agit là de gains bien minces qui seront pour la plupart invalidés en fin de compte, car nous doutons très fortement de la possibilité pour les locataires de se prévaloir véritablement de leur droit au maintien dans les lieux. On va juste énumérer quelques failles qu'il y a dans la position du ministre.

La passe des rénovations majeures dont le gouvernement reconnaît qu'elle a permis de passer outre au moratoire demeurera toujours le moyen pour évincer les locataires et transformer en douce en condos. Si de telles rénovations seront interdites une fois l'intention de convertir annoncée, elles demeureront possibles avant. Le propriétaire n'aura d'abord qu'à envoyer un avis de réparations majeures, qu'à s'organiser pour faire vider les lieux et qu'à procéder par la suite à la conversion. Il échappera ainsi à la juridiction de la Régie du logement.

Une fois l'intention de convertir annoncée, il est facile d'imaginer les pressions, l'intimidation et le harcèlement de tous ordres que les locataires auront à subir de la part des spéculateurs, des nouveaux propriétaires de leurs logements et même des voisins copropriétaires.

Nous doutons très fortement que les locataires et surtout les plus vulnérables résisteront à ce stress perpétuel et ce n'est pas le kiosque spécial ou la conciliation spéciale proposée par le gouvernement pour les personnes âgées ou handicapées qui va empêcher les locataires de partir. Le droit de préemption de premier achat par les locataires est une sinistre farce puisqu'il n'est accompagné d'aucune aide financière et que nous savons par ailleurs que les programmes gouvernementaux qui auraient permis à un certain nombre de locataires de se prévaloir de ce droit, par exemple, les programmes de logements coopératifs, sont terriblement bureaucratisés et considérablement réduits.

S'il est vrai que le moratoire sur la conversion de logements locatifs en copropriétés est une véritable passoire, surtout pour les immeubles de cinq logements et moins, la situation risque de se détériorer davantage avec les propositions du ministre Bourbeau, puisqu'on lèvera les barrières qui protégeaient minimalement certains logements et certains quartiers.

La levée du moratoire ne s'inscrit aucunement dans une politique globale d'accès au logement visant à s'attaquer aux problèmes criants de logement vécus par les classes populaires. Elle s'inscrit, au contraire, dans une politique libérale non écrite et non soumise ouvertement à la population et qui ne vise au fond qu'à déresponsabiliser l'état

des problèmes de logement et qu'à remettre le sort des locataires entre les mains du marché privé. Pour cette raison et aussi parce que nous croyons que toute porte ouverte à la conversion de logements locatifs en copropriétés ou en condos ne peut se faire qu'au détriment des locataires à faible revenu, qu'au détriment de leur droit à demeurer dans leur logement et leur quartier, qu'au détriment aussi du stock de logements à bas loyer. Nous réclamons, avec plus de 10 000 résidents des quartiers populaires qui ont signé la pétition de la coalition "Sauvons nos logements", l'interdiction immédiate de toute conversion de logements locatifs en copropriété divise ou indivise, peu importe le nombre de logements de l'immeuble, et ce, tant et aussi longtemps que le gouvernement n'aura pas doté le Québec d'une véritable politique d'accès au logement pour tous et toutes et tant que le droit des locataires à demeurer dans leur logement et dans leur quartier à un prix qu'ils peuvent assumer n'aura pas été pleinement assuré.

Le gouvernement a, à notre avis, les pouvoirs de promulguer un tel gel en amendant la Loi sur le logement locatif et en comblant de ce fait les trous du moratoire actuel. On énumère dans notre mémoire les moyens qui peuvent être utilisés pour faire cela.

Mais ce que nous réclamons d'abord et avant tout, c'est que le gouvernement du Québec se dote d'une véritable politique globale d'accès au logement pour tous et toutes. Cette politique devrait s'appuyer sur les grands principes suivants. Le logement n'est pas une marchandise comme les autres. Il est un droit fondamental, un bien essentiel auquel tous et toutes doivent avoir pleinement accès quelque soit leur revenu, leur sexe, leur statut social, leur race? leur condition physique ou mentale, etc. Le droit individuel et collectif au logement doit primer d'autres droits comme le droit à la propriété. Le droit des résidents à demeurer dans leur logement et leur quartier doit être pleinement assuré. La politique que nous préconisons est axée sur le logement social, sur un secteur étatique, coopératif et sans but lucratif fort. Comme l'entreprise privée est incapable - et cela a été démontré amplement - de respecter véritablement le droit au logement et de permettre l'accès de tous et toutes au logement, c'est à l'État de jouer un rôle central en finançant du logement social et aussi en contrôlant le marché privé.

Nous énumérons dans notre mémoire toute une série de mesures qui devraient faire partie d'une politique globale dont la mise en chantier de 50 000 logements sociaux au cours des cinq prochaines années, la mise en place d'un contrôle obligatoire et universel des loyers et une révision en profondeur des abris fiscaux consacrée au logement.

On accusera sûrement le FRAPRU de brimer les droits de certaines couches plus fortunées de la population à avoir accès à la copropriété dans de vieux et pittoresques logements des centres-villes. On nous accusera fort probablement aussi de nous attaquer au sacro-saint droit de propriété. Mais qu'est-ce qui est le plus en danger présentement au Québec? Le droit de propriété? Le droit des yuppies? Non, ce qui est en danger, c'est le droit des classes populaires, non pas seulement à améliorer leur sort, mais à éviter qu'il ne se détériore. Ce qui est en danger, c'est le droit des assistées sociales et assistés sociaux, le droit des travailleurs et travailleuses, le droit des retraités, le droit des personnes handicapées à pouvoir demeurer dans leur logement et dans leur quartier à un prix qu'ils et qu'elles peuvent assumer. Ce qui est remis en question c'est même le droit d'individus de plus en plus nombreux à seulement avoir un toit sur la tête.

Le gouvernement du Québec a encore la possibilité d'éviter que l'année internationale du logement des sans-abri n'ait servi qu'à un étalement sensationnaliste de la misère et qu'à quelques mesures rachitiques -c'est le moins que l'on puisse dire - prises pour sauver la face. Le gouvernement a encore la possibilité de doter enfin Québec d'une véritable politique de logement s'attaquant non seulement au problème des sans-abri, mais aussi à celui de l'ensemble des mal logés du Québec et il doit le faire avant qu'il ne soit trop tard. Je vous remercie.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Saillant. Je cède maintenant la parole à M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, la position du FRAPRU, bien sûr, ne nous étonne pas. On peut dire que l'organisme est constant avec lui-même; on lui rendra cet hommage. Il défend une position qui est tout à fait valable, bien sûr, soit la position des locataires de la classe la plus démunie de la société, ceux dont les revenus sont les plu3 faibles. Ce sont justement ceux-là que nous tentons de protéger avec la nouvelle politique que le gouvernement a mise de l'avant lors de la signature des ententes avec le gouvernement fédéral. Vous savez qu'en juin 1986, nous avons signé une nouvelle entente sur le logement social avec le gouvernement fédérai. Cette entente différait de l'entente qui prévalait précédemment en ce que, dans la nouvelle entente, la totalité des fonds est dévolue aux ménages les plus démunis de la société. Et si on décide politiquement de concentrer les fonds vers les plus démunis, vers ceux dont les revenus

sont les plus bas, forcément on en donne un peu moins à ceux dont les revenus sont plus hauts. C'est sûr qu'on ne peut pas imprimer l'argent. Si on en prend dans la classe moyenne, c'est pour le donner aux plu3 démunis et, forcément, ceux qui sont dans la classe moyenne vont en avoir moins. Il est possible que dans les groupes de coopératives de travailleurs, il y ait des gens qui n'aient plus accès - c'est évident qu'il y en a - aux formules d'aide gouvernementale parce que l'aide va maintenant aux citoyens les plus démunis. À ce titre, je vous signale et je vous répète pour la nième fois que, dans la nouvelle entente que nous avons signée avec le gouvernement fédéral pour l'année 1987, nous allons permettre la construction ou l'établissement de 4850 unités de logement pour les ménages démunis alors que dans les années précédentes, la moyenne des cinq années sous l'ancienne entente était de 3550 unités par année, toujours pour les démunis. C'est donc une augmentation de 37 % que nous allons avoir en 1987 par rapport aux années précédentes en ce qui concerne l'aide gouvernementale aux ménages les plus démunis, à ceux qui satisfont aux critères de ce qu'on appelle les logements impérieux, en matière de logement.

Comme votre organisme, le FRAPRU, se prétend - je sais que c'est le cas d'ailleurs - un organisme qui défend les citoyens à faible revenu, je présume que, pour vous, ce doit être une bonne nouvelle. Je comprends mal que vous veniez blâmer le gouvernement de cette nouvelle politique puisqu'elle avantage exactement les gens que vous défendez, à moins que vous ne vouliez qu'on retourne à l'ancienne position, à l'ancienne situation où on aidait autant les ménages les plus fortunés - je ne parle pas de ceux qui gagnent 50 000 $ et plus, mais les ménages à revenus moyens... maintenant, on se concentre sur les plus démunis. Je dirai cela à titre de remarques d'ouverture.

Le document que nous avons proposé a deux objectifs: consolider et renforcer la position des locataires. Vous avez admis, dans votre document, qu'il y a des améliorations par rapport à ce qui existe présentement. Vous n'êtes pas entièrement satisfaits, vous recommandez d'aller plus loin, mais vous admettez qu'il y a des améliorations. Accessoirement, et en plus, nous proposons de permettre à des locataires à revenu modeste de pouvoir accéder à la propriété. Nous avons eu des témoignages au cours de cette commission parlementaire de gens: des travailleurs, des chefs syndicaux ont plaidé en faveur de permettre à des travailleurs, à des citoyens à revenu modeste de pouvoir accéder à la propriété. Je citerai simplement la conclusion du mémoire du conseil des travailleuses et des travailleurs du Montréal métropolitain, affiliés à la FTQ, qui conclut: Après avoir vécu onze ans d'un moratoire qui, dans certains cas, s'est révélé inefficace et à causé des torts à des locataires non protégés - qu'on pense à tout ce qui se fait actuellement de harcèlement d'évictions dans le système actuel, avec le moratoire, - nous croyons, - continue le rapport, - que les mesures annoncées et améliorées, telles que nous vous les proposons, vont donner l'effet escompté, soit de rendre accessible ta propriété à plusieurs ménages à revenu plus faible. Ces mesures doivent avoir pour effet de fermer la spéculation qui va suivre la levée du moratoire. Pour ce faire, le fardeau de la preuve devra être donné aux propriétaires de montrer pattes blanches lors de la présentation de leurs demandes, demandes de conversion, bien sûr, à la Régie des loyers. (11 h 15)

Voilà donc un témoignage venant d'un groupe de travailleurs qui estiment que la proposition gouvernementale est raisonnable. M. le Président, je pourrais continuer très longtemps, mais je me limiterai à ceci pour l'instant. Merci.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le ministre. Je cède maintenant la parole à M. le député de Shefford.

M. Paré: Merci beaucoup, M. le Président. Je devrai être bref, moi aussi, parce que mon collègue de Saint-Jacques veut intervenir. Je voudrais remercier les gens du FRAPRU d'être venus sensibiliser les membres de la commission à la réalité des choses. C'est vrai qu'on a parlé beaucoup hier de voir tous les gens du Québec comme des propriétaires. Tout le monde le veut, c'est évident. Tout le monde est d'accord avec l'accès à la propriété si tout le monde le pouvait, sauf que nous devons tenir compte du vécu des gens, et tout le monde ne le peut pas. Tous les groupes qui sont venus, sans exception, ont demandé une politique globale. Tous ont dit, à mon avis, sauf un individu, non à la levée du moratoire. On a dit, peut-être, oui, mais à certaines conditions, y compris la FTQ, dont quelques passages du mémoire ont été cités par le ministre tantôt.

Il ne faut pas oublier que la FTQ, hier, a dit oui à l'accès à la propriété pour permettre à un plus grand nombre de Québécois de devenir propriétaires de leur logement, mais pas sur le dos des locataires, et à des conditions très précises. Entre autres, parmi les conditions précises de la FTQ, il fallait absolument qu'il y ait un vote majoritaire dans l'édifice, ce qu'on ne retrouveras dans votre proposition. On disait aussi: À la condition qu'il y ait des programmes d'aide à l'accès à la propriété, alors que vous les avez abolis. Il y a une différence. Ensuite, il y avait une question

de délais et une question de coopératives d'habitation.

On s'est fait dire par le dernier groupe, hier, - et on aura certainement la chance de discuter avec d'autres groupes, soit de locataires ou la Fédération des coopératives d'habitation de Montréal, - qu'à l'heure actuelle, dans la proposition qui est là, - ne rêvons pas en couleur, - ce sera impossible aux coopératives de devenir propriétaires des immeubles déjà en place, à cause des délais, à cause des nouveaux programmes, à cause de la bureaucratie qui fait en sorte qu'on doit y aller en appliquant... Si je me trompe, vous me le direz... On a des délais pour appliquer le programme coopératif et, en plus, on est en train de dire qu'on va abolir la majorité des GRT puisqu'on en diminuera le financement.

C'est le message que les gens veulent ■ nous passer et, j'espère, M. le ministre, que vous lirez ce mémoire avec autant d'attention que les autres parce que cela touche beaucoup de gens. Je suis content que vous n'ayez pas commencé en disant: Êtes-vous vraiment représentatifs? Les gens l'avaient dit, et je pense que s'il y a un organisme représentatif, c'est celui qu'on a ici, ce matin. On a entendu les groupes de l'âge d'or venir exprimer leurs craintes, ces gens viennent aussi exprimer leurs craintes.

Avant de passer la parole à mon collègue de Saint-Jacques, j'aurais une ou deux questions. On dit: On va donner la chance à plus de gens de devenir propriétaires, mais on sait que cela sera dans les quartiers populaires. Vous en avez parlé un peu tantôt - mais, en fonction du vécu, on revient souvent avec le 1 %. Je vous dirai que, dans la plupart des mémoires, en tout cas, ceux qui sont favorables à la levée du moratoire, on parle du 1 % comme de quelque chose coulé dans le ciment. Vous êtes bien placé pour connaître le problème des gens qui vont vous voir, et vous voyez, en vous promenant dans les rues, sur la rue Ontario, partout dans les quartiers populaires que, finalement, il y a beaucoup de transformations. Est-ce que, selon vous, le 1 % est quelque chose de réaliste?

Mme Laferrière (Suzanne): Je pense qu'il faut d'abord situer exactement de quoi on parle. Quand on parle des quartiers populaires, le 1 % ne s'applique pas. Quand on fait le décompte des études qui ont été réalisées dans ce qu'on appelle, entre sociologues, le "T" de la pauvreté, on parle, au bas mot, de 30 000 ménages qui sont déplacés. Je pense qu'on change tout de suite d'ordre de grandeur quand on voit la faiblesse des solutions, les 4000 unités coopératives proposées par le ministre Bourbeau. Il faut confronter cela à l'ampleur du problème. Je pense qu'on commence à voir le problème. On ne prétend pas, d'ailleurs, que les études qui ont été faites par les organismes communautaires sont complètes. il y a des quartiers pour lesquels on n'a pas de données actuellement. Uniquement dans les quartiers pour lesquels on est capable d'affirmer avec certitude qu'il y a du déplacement, on parle au bas mot depuis cinq ans de 30 000 départs. Je pense qu'il va falloir qu'an se rende compte qu'on est en train de générer des problèmes sociaux. Si j'étais à la place de Mme Lavoie-Roux, la collègue de M. Bourbeau, je serais peut-être un peu inquiète, parce qu'il y a une certaine tendance à cloisonner le problème. On est en train de vider des aspects de l'habitation qui vont resurgir à un moment donné dans les problèmes du ministère de la Santé et des Services sociaux. Les déplacements provoquent la paupérisation des gens et le démembrement du tissu social. On va assister à un accroissement des problèmes sociaux. Il y a d'autres villes qui sont peut-être plus documentées sur ces sujets, qui ont déjà fourni un avant-goût de ce que cela pourrait donner à Montréal, donc une multiplication des problèmes qu'on aura à gérer. Même dans une perspective de gestion du gouvernement, il faudrait voir que ce qu'on enlève à l'habitation va ressortir du côté de la santé et des services sociaux.

M. Paré: Effectivement, cela a été dit par plusieurs, il est impensable de toucher à la pièce d'un secteur aussi fondamental sans qu'il y ait élaboration d'une politique de la famille et d'une politique du logement. Je pense que vous avez tout à fait raison. Je ne sais pas si vous avez eu la chance de prendre connaissance du dossier ou de la proposition de la ville de Montréal. Si oui, j'aimerais savoir ce que vous en pensez et si vous seriez favorable à cette mise en place.

M. Saillant: J'ai lu le mémoire de la ville de Montréal et, dans l'ensemble, on est d'accord et on est heureux que la ville de Montréal se prononce en ce sens. Par contre, demeurent certaines ambiguïtés dans le mémoire de la ville. Entre autres, on parle beaucoup de subdivision en copropriété divise. On parle d'interdire la subdivision en copropriété divise sauf exception. On parle moins de la copropriété indivise. Or, si on prend des quartiers comme le Centre-Sud, comme le Plateau-Mont-Royal, le type de copropriété qui, à l'heure actuelle, fait le plus de ravages dans ces quartiers, c'est la copropriété indivise. C'est pour cela que dans le mémoire du FRAPRU, on va plus loin que dans celui de la ville de Montréal. Ce qu'on demande purement et simplement, c'est l'interdiction complète de toute transformation en copropriété, qu'elle soit divise ou indivise et ce, tant qu'on ne sera pas assuré que les gens vont pouvoir demeurer dans leur

logement et leur quartier. Comme Suzanne le disait, quand on regarde la réalité des 30 000 personnes qui ont été déplacées, ce chiffre est en train de devenir aussi élevé que les gens qui ont été déplacés dans les années soixante lors des opérations qu'on a appelées "bulldozer", la démolition massive de logements des quartiers populaires pour construire des hôtels, comme celui où nous sommes présentement, La Cité...

Des voix: Ha! Ha!

M. Saillant: On est en train d'atteindre les mêmes chiffres. Nous, on est inquiets de la situation actuelle et on pense qu'il faut réagir par rapport à cette situation. Ce qu'on dit, c'est qu'il ne faut pas empirer la situation mais mettre un moratoire complet tant que la situation ne se sera pas améliorée; on verra après.

M. Paré: Une dernière question avant de passer la parole à mon collègue. Vous étiez ici tantôt, vous avez entendu les gens de l'Union des municipalités du Québec qui ont émis une idée qui a été exprimée à deux reprises hier. Je voudrais savoir ce que vous en pensez. C'est la levée du moratoire pour permettre aux gens d'accéder à la propriété mais à la propriété de leur logement. Je l'ai fait répéter à plusieurs personnes pour être bien sûr que ce qu'elles écrivaient c'est ce qu'elles pensaient et c'est ce qu'elles voulaient faire comprendre aux gens de la commission, c'est-à-dire accéder à leur logement et non pas prendre le logement de leur voisin d'à côté, d'en haut ou d'en face. Je ne sais même pas si c'est applicable, mais le ministre dit... De toute façon, ce que vous proposez, c'est: On vend tout et il va y avoir dans le même bloc... Il y en a un qui l'a dit: Comment va-t-on être capable de vivre cela? Un propriétaire, un copropriétaire, un locataire avec droit de maintien et un second locataire sans droit de maintien. Il y a des gens qui nous ont dit, la première journée, que ce serait invivable. Ce que je suis en train de vous dire, M. le ministre, ce n'est pas ma proposition, je vous rapporte ce que les gens ont dit, y compris ceux de l'Union des municipalités du Québec ce matin. Ce qu'ils proposent dans la levée du moratoire, c'est permettre aux gens - je l'ai fait répéter ce matin aussi - seulement le droit d'accès à la propriété de leur logement. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Saillant: Nous, l'évaluation qu'on fait, c'est que la très grande majorité des locataires n'est pas capable d'avoir accès à la propriété de son logement, parce qu'elle n'a pas les moyens financiers pour le faire et il n'existe pas de programme qui lui permet de le faire. Donc, dans ce sens, on voit mal une exception de ce type. C'est pour cela qu'on réclame une interdiction complète. Par contre, il nous semble qu'il y a des formules qui mériteraient d'être développées et qui permettent aux gens de posséder leur logement, entre autres la formule coopérative. Mais, malheureusement, dans le type de formule coopérative que le gouvernement du Québec, dans le cadre de l'entente fédérale-provinciale, nous offre, c'est un programme tellement bureaucratisé qu'il est à peu près inapplicable dans l'achat-restauration. Quand le ministre nous dit, comme il l'a dit tantôt: Vous devriez être bien contents parce que' vous êtes pour les faibles revenus et le programme maintenant est réservé uniquement pour les faibles revenus; on serait content si la définition qu'il y a pour "faibles revenus" n'était pas aussi basse. On dit qu'une personne seule qui gagne plus de 13 000 $ - ce n'est pas un riche, n'est-ce pas? - n'a droit à aucune forme de logement social et qu'un ménage qui gagne plus que 14 500 $ par année n'a droit à aucune forme d'aide au logement social.

Ce qu'on appelle les faibles revenus, pour nous, cela va beaucoup plus loin que cela. C'est bien dommage, mais quand vous avez un revenu de 20 000 $ par année pour un couple, vous n'êtes pas riches. Vous êtes loin d'être riches et vous avez besoin d'un appui de l'État. Donc, dans ce sens, on pense que s'il y avait une formule de logements coopératifs plus applicable, moins technocratique, moins bureaucratique que ce qu'il y a là, cela pourrait être un moyen par lequel les gens pourraient avoir accès au logement.

D'ailleurs, ce qu'on demande dans notre mémoire, c'est un droit de préemption sur l'ensemble des ventes qui sont faites. Dès qu'un propriétaire met ses logements en vente, qu'ils soient offerts aux résidents pour qu'ils puissent se former en coopérative pour acheter ces logements. Donc, on est très favorable à l'accès à la propriété mais on dit que ce qui est applicable à l'heure actuelle pour la très grande partie de nos gens, c'est la formule coopérative.

M. Paré: Merci.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: Le ministre vous disait que votre mémoire ne l'étonnait pas. Effectivement, s'il n'avait pas été de cette nature, il l'aurait étonné et je vous préviens qu'il m'aurait déçu. Donc, je suis content que vous soyez ici et que vous le présentiez.

On vous avait également prévenus qu'il était dans sa phase de: le cheval blanc de Napoléon est noir, parce qu'il est même allé dire que vous étiez en train de l'appuyer.

M. Bourbeau: Elle commence à être

moins drôle après huit fois.

M. Boulerice: Le ministre prend mouche. D'ailleurs, il a évité de vous demander aussi combien de membres vous aviez et de les nommer, ce qu'il a fait avec les partis politiques qui sont venus hier. Il vous a évité cet odieux. Je m'en réjouis quand même. Il se plaignait que les caméras n'étaient pas là. Cela aurait été édifiant si les caméras avaient été là hier soir, vous auriez pu l'entendre.

Au départ, il nous a promis du logement social. Vous avez entendu son jeu de violon. Alors, je vais en profiter tout de suite, M. le ministre, pour vous montrer ce qui était distribué dans le centre-sud de Montréal, dans Saint-Jacques: "Changeons pour du solide". Remarquez que je n'ai jamais considéré du "Jell-O" comme du solide. Et on disait: Le candidat libéral et son équipe s'engagent à mettre en disponibilité un fonds de 26 000 000 $ dans le but de rénover 1500 logements et de construire 400 nouvelles unités destinées prioritairement aux gens à faible revenu du comté de Saint-Jacques.

J'ose espérer que l'engagement sera respecté

M. Bourbeau: C'est malheureux qu'il n'ait pas été élu, M. le Président.

Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous plaîti

M. Bourbeau: C'est malheureux qu'il n'ait pas été élu.

Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous plaîti

M. Boulerice: J'ose espérer qu'il sera respecté puisque tout ce que les gens à faible revenu de Saint-Jacques ont connu ce sont les coupures dans les soins dentaires. Ceux qui gagnent 20 000 $ ont eu juste droit à une réduction de 100 $.

M. Bourbeau: Combien de HLM vous a-t-on donnés, M. le député? Combien de HLM avez-vous eus?

M. Boulerice: Vous en avez prévu pour 26 000 000 $, monsieur, dans Saint-Jacques. Alors, je les attends. Pour combien de millions en avez-vous jusqu'à maintenant?

M. Bourbeau: Vous en avez eu déjà?

M. Boulerice: Combien de millions jusqu'à maintenant?

M. Bourbeau: Dites-nous donc combien vous en avez eu.

M. Boulerice: Combien de millions jusqu'à maintenant?

M. Bourbeau: Vous savez qu'on en a eu.

M. Boulerice: Combien de millions jusqu'à maintenant?

M. Bourbeau: L'ancien gouvernement n'en donnait pas dans les comtés libéraux. Nous, on vous en a donné.

Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous plaftl

M. Boulerice: Alors, de toute façon, au moment où il s'est déguisé en croque-mitaine pour annoncer la levée du moratoire, ce qui a fait une levée spéculative incroyable, êtes-vous capable de me répondre: Est-ce que c'est encore possible pour une coopérative d'acheter dans le centre-sud de Montréal?

M. Saillant: Dans des quartiers comme le Plateau-Mont-Royal, par exemple, ou dans le Centre-Sud, le problème est tellement grave qu'il y a un groupe de ressources techniques, Info-Loge, qui a dû se dissoudre, qui est disparu du décor parce qu'il n'arrivait plus du tout entre autres à avoir la disponibilité de maisons et des fonds dans des délais raisonnables pour pouvoir accaparer ce stock de logements. Cela est très grave parce que, dans ces quartiers, c'est le seul moyen que les gens avaient et on est en train de leur enlever tranquillement pas vite.

M. Boulerice: Et si ce n'est pas stoppé...

M. Saillant: Et avec l'annonce du ministre, la situation a empiré. C'est un bout que j'ai sauté tout à l'heure dans le mémoire parce que le temps pressait mais je pense que l'attitude que le ministre Bourbeau a eue l'année passée en annonçant ici même au sommet économique de Montréal la levée prochaine du moratoire, en annonçant le 12 mai, si je ne me trompe pas, là aussi, la consultation publique et sans mettre de gel au moment où il annonçait cela, cela a donné une situation anarchique qui, pour les résidents des quartiers populaires, est extrêmement grave comme situation. On parle de 8000 logements sur le Plateau-Mont-Royal qui sont accaparés à l'heure actuelle par des spéculateurs pour profiter d'une éventuelle levée du moratoire. Je pense que c'est là une attitude criminelle et insouciante de la part de ce ministre.

M. Boulerice: Là, vous l'avez située sur le plateau mais c'est en train de s'étendre partout. Cela s'en va même jusque dans Rosemont.

M. Saillant: Avant, les quartiers qu'on nommait souvent parmi les plus attaqués, c'était Plateau-Mont-Royal ou Centre-Sud, mais il faut voir que cela en déborde. Pointe-Saint-Charles - il y a un paquet de gens ici qui pourraient en témoigner -commence à être touchée sérieusement par ces questions. Rosemont, Hochelaga-Maisonneuve et Villeray sont des quartiers qui étaient épargnés jusqu'à maintenant, mais qui commencent de plus en plus à être touchés. Donc, on ne parle plus seulement de deux quartiers. On est en train de parler de l'ensemble du centre-ville et avec une vision assez large de ce qu'est le centre-ville. (11 h 30)

M. Paré: II ne me reste pas grand temps mais il y a un sujet que je trouve très important. Depuis l'annonce, vous dites que c'est plus anarchique et même pire. On doit prendre des mesures, finalement, de harcèlement pour forcer les gens à quitter. Là-dedans, on semble dire que maintenant les choses vont être plus claires et qu'il y aura moins de harcèlement. D'après vous, n'essaiera-t-on pas davantage de faire du harcèlement chez les locataires en essayant de racheter entre autres leur droit de maintien illimité dans les lieux? Est-ce que pour vous cela est considéré comme une forme de harcèlement?

M. Gaudreau (Pierre): Non. On ne pense pas qu'il y ait des garanties suffisantes. On pense que l'intimidation et le harcèlement des propriétaires envers les locataires où il va y avoir des intentions de convertir en condo vont faire en sorte que bon nombre de locataires vont partir. Les mesures qui sont annoncées pour protéger les locataires, c'est un kiosque spécial à la Régie du logement. On sait très bien que les gens qui se font intimider et harceler par la nature même de ce qu'ils vivent... Il y a des groupes comme Femmes et logement qui pourraient en témoigner et d'autres groupes. Ces gens ne sont pas portés à aller se plaindre à la Régie du logement, même s'il y a un kiosque spécial. La clientèle des personnes âgées aussi ne sera pas capable de faire face à cela. Bon nombre de locataires vont se réveiller évincés de leur logement, malgré les mesures annoncées.

M. Paré: Malheureusement, le temps est écoulé.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le député de Shefford. J'aimerais attirer l'attention du parti ministériel sur le fait qu'il lui reste dix minutes pour sa période. Je cède maintenant la parole à M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, le FRAPRU a l'habitude de publier des documents qui font choc, qui frappent l'imagination et il nous instruit régulièrement sur la situation du logement. Nous lisons toujours avec beaucoup d'intérêt Ies documents qui viennent de cet organisme qui se dévoue, comme je l'ai dit plus tôt, pour tenter de promouvoir la cause des locataires les plus démunis. Encore que parmi les plus démunis, il y a tout le groupe de ceux qui sont dans les coopératives et qui ne sont pas tous des démunis. La coopérative regroupant à la fois des démunis et des gens qui ont des revenus moyens. C'est là qu'il y a une certaine confusion parce que quand on plaide la cause des coopératives... Et moi, je veux bien venir en aide aux coopératives. On le fait au gouvernement avec des programmes. On vient justement de lancer deux programmes qui ont mis sur le marché quelque chose comme au-delà de 1000 unités de logements pour des groupes de coopératives OSBL par l'intermédiaire des GRT. Mais nous voulons également nous assurer que l'essentiel des fonds gouvernementaux vont vers les ménages les plus démunis. Je suis convaincu que le FRAPRU ne s'oppose pas à cela.

Mais dans les discussions, dans les documents, on nous lance souvent à la tête des chiffres qui frappent l'imagination. Je profite de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui pour commenter la déclaration que le FRAPRU a faite il y a quelques mois à savoir qu'au Québec, il y avait 1 000 000 de personnes mal logées. J'ai déclaré à l'Assemblée nationale que cette affirmation était fausse et je répète aujourd'hui que cette affirmation est fausse. Le Québec est considéré comme un endroit, au monde, où la qualité du logement est relativement meilleure que dans la plupart des autres pays en Occident. Je ne veux pas dire qu'il n'y a pas de problème de qualité de logement. Je sais que le gros problème, c'est le problème d'accessibilité au logement.

Mais, en ce qui concerne la qualité des logements, le Québec se classe très bien parmi les nations de la terre. En ce qui concerne le chiffre de 1 000 000 de mal logés, le livre vert - puisque également vous basez le plus souvent vos affirmations sur les constatations du livre vert qui, je dois le reconnaître, est un document qui a fait la somme de toutes les connaissances et de toutes les statistiques disponibles au moment où il a été écrit - nous annonce qu'au Québec, à cette époque, il n'y a pas longtemps, il y a une couple d'années, deux ou trois ans, il y avait 317 000 ménages à la limite du seuil établi de pauvreté, des gens donc qu'on reconnaît être parmi ceux qui ont des besoins impérieux en matière de logement.

De ces 317 000, il y a 90 000 locataires qui n'avaient aucun problème de logement. C'étaient des gens qui étaient sous

le seuil de la pauvreté mais qui n'avaient pas de problème de logement. On peut penser, par exemple, à des gens qui ont des revenus très très modestes mais qui vivent dans des logements salubres parce que sans cela, ils ne seraient pas dans cette catégorie et à loyer très bas. Donc, ils n'avaient ni des problèmes de qualité de logement ni des problèmes financiers de logement. Il faut donc les exclure.

Il y avait également 52 300 personnes, toujours d'après le livre vert, qui étaient des locataires en situation de transition. Donc, le problème de logement, c'est qu'ils étaient en train de déménager, mais ce ne sont pas nécessairement des gens qui avaient des problèmes d'accessibilité ou de qualité de logement.

Il reste donc, toujours selon le livre vert, 172 600 ménages locataires ayant des problèmes, c'est-à-dire 17 % des locataires. Or, parmi ces 172 600 locataires, il y en avait 130 100 qui avaient des problèmes financiers. Donc, cela confirme ce que tout le monde sait, c'est que la plus grande partie des problèmes de logement sont des problèmes d'accessibilité financière. Il y en avait 12 625 qui, en outre des problèmes financiers, avaient des problèmes de qualité de logement; 12 735 qui avaient des problèmes en plus de cela d'espace, donc de taille de logement; 1390 ménages avaient les trois problèmes en même temps, donc ceux qui étaient le plus durement touchés.

Finalement, cela veut dire que sur les 172 000, il y en avait 156 850 qui avaient ce genre de problèmes; les 16 000 autres -la différence - avaient des problèmes soit de qualité ou de taille de logement mais pas des problèmes financiers.

Donc, la conclusion de tout cela, c'est qu'il faut éviter de lancer dans le public des chiffres alarmants qui tentent de faire croire à une situation absolument de catastrophe, de guerre si je peux dire, alors que la situation est quand même relativement beaucoup moins dramatique que tente de nous le faire croire le FRAPRU.

Maintenant, toujours dans la question des chiffres, le FRAPRU nous dit dans ses commentaires que 51,2 % des ménages québécois gagnaient moins de 15 000 $ par année en 1981. Or, la vérité, c'est que ce pourcentage s'applique uniquement aux ménages locataires. Pour l'ensemble des ménages québécois...

Une voix: C'est évident.

M. Bourbeau: Mais, quand vous parlez des ménages québécois, vous ne faites pas la distinction. Quand on parle des ménages québécois, il faut parler des propriétaires et des locataires parce qu'il y a des propriétaires aussi qui ont des problèmes financiers.

Pour l'ensemble des ménages québécois - c'est l'expression que vous employez -c'était plutôt 36,5 % qui gagnaient moins de 15 000 $ par année et non pas 51,2 %. Là encore, il faut faire les distinctions et ne pas lancer des chiffres qui sont de nature à induire les gens en erreur.

Maintenant, vous dites que, de 1981 à 1985, les loyers ont augmenté, en moyenne, de 34,6 % à Montréal et de 39,1 % à Québec. Il ne faut pas oublier que, pendant ce temps-là, également, il y a eu une hausse du revenu familial; il ne faut pas parler seulement de l'augmentation des loyers, il faut parler aussi de l'augmentation moyenne des revenus familiaux qui a été, de 1980 à 1984, de 25 %, alors que l'augmentation des prestations des personnes âgées pensionnées de l'État a été de 52 % pour les personnes seules et de 45 % pour les couples. Encore là, je pense, quand on parle de l'augmentation des coûts de logement, il faut parler aussi de l'augmentation des revenus des gens.

Maintenant, ayant fait ces remarques, j'aimerais en revenir à votre mémoire. Vous recommandez, comme principale mesure, 50 000 nouveaux logements sociaux au cours des cinq prochaines années. J'aimerais être capable de construire 50 000 logements sociaux. Vous savez qu'on a un programme assez agressif, au Québec, de HLM, depuis une quinzaine d'années. Nous en avons construit exactement 50 000 en quinze ans: le gouvernement libéral de M. Bourassa, qui a instauré le système; le Parti québécois lorsqu'il était là, mais il a concentré les unités dans les comtés péquistes...

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Bourbeau: ...et le gouvernement libéral actuel... Nous avons fait collectivement, l'ancien gouvernement et le nôtre, 50 000 logements sociaux en quinze ans. Voua comprendrez que cela va être assez difficile d'en faire 50 000 en cinq ans, bien que nous ayons augmenté le rythme de logements sociaux pour en faire, cette année, environ 5000.

Vous demandez le contrôle universel et obligatoire des loyers. Nous avons un système au Québec qui fonctionne relativement bien; je ne dis pas que c'est parfait, mais quand on se promène un peu partout dans les pays de l'Occident, on voit que nous avons un des systèmes qui, quand même, fonctionne le mieux et qui est le plus équitable envers les locataires.

Vous demandez des mesures sévères contre la discrimination et le harcèlement. Je voua dis oui, et je vous dis que, dans le projet de loi que je déposerai à l'automne, il y aura des mesures sévères et nouvelles pour contrer le harcèlement et la discrimination.

Vous demandez de meilleures protec-

tions contre les reprises de possession et les rénovations majeures. Il y a déjà, dans notre document, des mesures importantes pour améliorer ces questions de reprises de possession. Nous proposons le maintien illimité dans les lieux dans le cas de la conversion, ce qui n'existe pas présentement, à l'encontre de la reprise de possession. Nous proposons des mesures également dans le cas de rénovations majeures. On retrouvera des mesures comme celles-ci dans le projet de loi à l'automne pour améliorer la situation.

Vous proposez l'abolition des abris fiscaux aux propriétaires. Vous savez que dans le cadre de la réforme fiscale annoncée récemment par le gouvernement du Canada, je ne veux rien annoncer mais je présume qu'il y aura une certaine forme d'harmonisation avec les provinces. Déjà les abris fiscaux sont en train de tomber. Donc, je pense qu'on procède également dans la bonne direction.

Je termine, M. le Président, en vous disant que la politique du logement que vous réclamez, nous aussi sommes intéressés à une politique du logement. J'ai déjà annoncé que j'ai l'intention, à l'automne, de proposer une politique globale en matière de logement. Les membres de l'ancien gouvernement qui sont devant nous déchirent leurs vêtements et jouent les vierges offensées parce que nous n'avons pas, au cours d'un an et demi, accouché d'une politique du logement. Eux, ils n'ont pas trouvé le temps en neuf années de pouvoir de faire une politique du logement. Je vous dis qu'à l'automne, nous avons l'intention de déposer un document qui traitera de ces grandes orientations. Et justement, la consultation que nous faisons aujourd'hui est en vue de nous permettre de mieux articuler une politique du logement. Lorsque nous déposerons un projet de loi, à l'automne, sur ces questions, la politique du logement évidemment inspirera grandement ce projet de loi.

Je vous remercie de votre mémoire et de votre contribution.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le ministre. Nous en sommes maintenant à la période des brèves conclusions.

M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, je viens déjà de faire mes remarques. Je vais laisser la parole à mon collègue.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Shefford.

M. Paré: Oui, très rapidement pour dire que, comme vous le remarquez, le ministre n'écoute pas beaucoup et il passe des messages pendant les quinze minutes d'échange avec les groupes. Cela n'est pas surprenant. Il dit qu'il est prêt à en faire beaucoup; je l'espère. Quand on regarde la réalité des choses, s'il s'est bâti beaucoup de HLM, il s'en est surtout bâti de 1976 à 1985. Il y en avait 19 000 en 1976, il y en avait 55 000 en 1986. Nous en avions bâti plus que 35 000 en neuf ans. Faites la même chose et vous verrez.

M. Bourbeau: On fait mieux.

M. Paré: II n'y avait aucun programme d'aide à l'accès à la propriété avant 1976. Nous en avons mis huit sur pied que vous êtes en train d'abolir les uns après les autres. Vous dites que nous n'avions pas de politique. Nous avions fait la consultation et le livre vert Se loger au Québec. C'est dommage que vous l'ayez mis de côté. Quand vous sortez des chiffres sur l'aide aux plus démunis, c'est le beau discours que vous nous tenez tout le temps. Je me rappelle ce que vous avez dit sur la restauration avec votre beau programme PARCQ annoncé en 1986: On va investir 35 000 000 $ de Québec et 35 000 000 $ d'Ottawa; donc, 70 000 000 $ en 1986. Quand l'étude des crédits est arrivée, c'est zéro qui avait été investi effectivement dans la rénovation par votre gouvernement. 70 000 000 $ d'annoncés, zéro de dépensé. Cela m'inquiète quand vous lancez des chiffres. C'est pour cela que les gens ont raison d'être inquiets, parce que 70 000 000 $ d'annoncés et zéro d'investis dans PARCQ. Quand vous parlez de 1 % et que la réalité nous dit qu'il y en a 13 000 juste sur le Plateau-Mont-Royal, on a raison d'être inquiets.

Je vous remercie beaucoup même si les échanges n'ont pas été très nombreux. Ce que vous nous avez apporté comme documentation nous fournit plus de chiffres que ce que l'on retrouve dans le document du ministre. On va en tenir compte. Merci.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, voici mes remarques finales. Pour ce qui est des programmes d'aide sociaux, je viens de dire plus tôt que nous avons une politique pour venir en aide aux plus démunis. Je continue à penser que nous allons également aider les coopératives et les OSBL, mais avec une préférence pour les groupes les plus démunis.

Pour ce qui est des programmes, nous avons aboli, bien sûr, certains programmes dont entre autres le programme EQUERRE qui accordait des subventions à des gens dont la moyenne de salaire tournait autour de 35 000 $ par année. L'évaluation de ce programme a révélé que 80 % des gens qui ont reçu la subvention auraient quand même fait les rénovations sans subvention. Alors, les 52 000 000 $ que le gouvernement a

gaspillés dans ce programme, on n'en avait pas besoin parce que les gens auraient quand même fait les travaux. Ce sont des gens qui avaient des revenus substantiels. Nous préférons venir en aide aux démunis. Je peux vous assurer, MM. et Madame du FRAPRU, que si vous avez des bonnes suggestions, - et vous en avez dans votre mémoire - nous sommes prêts à les prendre en considération. Dans le projet de loi que nous déposerons à l'automne, je peux voua assurer que nous tiendrons compte de votre point de vue ainsi que du point de vue de tous les autres groupes qui se seront présentés devant la commission. Merci.

Le Président (M. Saint-Roch): M.

Saillant.

M. Saillant: En terminant, je voulais juste rectifier un peu. Le ministre a dit qu'on aimait jouer avec les chiffres et sortir des chiffres frappants mais qui ne correspondaient pas à la réalité. D'une part, j'ai relu le mémoire du FRAPRU, j'ai relu les parties où l'on parlait de cela. Quand on disait que 51.2 % des ménages québécois gagnaient moins de 15 000 $ par année, on parlait bel et bien des ménages locataires québécois. Donc, on ne charriait pas dans le mémoire, on disait la réalité telle qu'elle est. (11 h 45)

M. Bourbeau: ...du Parti québécois.

M. Saillant: Une deuxième chose: le 1 000 000 de mal logés - je pense que c'est le plus important - le FRAPRU n'a pas sorti ce chiffre tout simplement pour dire: Là, cela va mal, il faut faire quelque chose vite ou pour essayer d'être alarmiste. On a sorti un chiffre qui nous semblait correspondre à la réalité, chiffre que le ministre, lui, essaie d'escamoter et une réalité qu'il essaie d'escamoter.

Je vais vous citer deux choses. Premièrement, les 520 000 ménages locataires québécois qui gagnent moins de 15 000 $ par année - c'est le livre qui le dit - paient en moyenne 40 % de leurs revenus pour se loger. On parle des 520 000 ménages locataires. Quant aux ménages propriétaires, on parle de 273 000 qui gagnent là aussi moins de 15 000 $ par année et qui paient en moyenne 38 % de leurs revenus pour se loger. Au total, si vous calculez les deux, cela fait quelque chose comme 800 000 ménages au Québec qui gagnent moins de 15 000 $ par année et qui, donc, ont des problèmes de logement.

Le deuxième chiffre que je vais citer provient d'une étude de George Matthews qui n'a jamais été connu comme un grand partisan des locataires. Il a dit: En 1970, 263 000 ménages locataires consacraient plus de 25 % de leurs revenus au logement. Cela nous semble être un seuil critique. En 1980, ce chiffre de gens qui payaient plus de 25 % de leurs revenus pour se loger a grimpé à 331 000 et on estime qu'il atteindra 336 400 en 1990. Là, on parle de ménages locataires. Donc, 336 400 ménages locataires vont payer plus de 25 % de leurs revenus pour se loger. Si vous multipliez par le nombre de personnes par ménage - c'est 2,9 - vous arrivez à 1 000 000 environ.

M. Bourbeau: Ils n'ont pas nécessairement des problèmes de logement.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Saillant, pour la contribution de votre organisme aux travaux de notre commission.

Je demanderais maintenant au Regroupement information logement de Pointe-Saint-Charles Inc., de prendre place s'il vous plaît. Oh! je m'excuse, c'est l'Association des locataires des Habitations Jeanne-Mance. Permettez-moi, dans un premier temps, de vous souhaiter la bienvenue à cette commission. Je demanderais à madame ou monsieur le porte-parole de s'identifier ainsi que les membres qui l'accompagnent.

Mme Lacelle (Denise): Notre porte-parole est Micheline Aubin, vice-présidente de l'association des locataires qui est ici, à ma droite. Mon nom est Denise Lacelle, je suis organisatrice communautaire à l'association et, à ma gauche, M. Robert Pilon qui agit auprès de notre organisme comme personne-ressource.

Le Président (M. Saint-Roch): Bienvenue à notre commission. Je vous cède maintenant la parole pour quinze minutes.

Association des locataires des Habitations Jeanne-Mance

Mme Aubin (Micheline): Bonjour. D'abord, nous voulons nous présenter. En 1975, à travers une démarche d'identification collective, plusieurs locataires des Habitations Jeanne-Mance se regroupent et fondent l'Association des locataires des Habitations Jeanne-Mance, dans le but de mieux défendre et promouvoir les intérêts de tous les résidents des Habitations Jeanne-Mance.

Insatisfaction et injustice avaient, à l'origine, mobilisé quelques résidents principalement autour des questions de règlement du bail et de l'échelle des loyers.

L'association a, depuis lors, parcouru un bon bout de chemin en élargissant ses centres de préoccupation, mais elle vise toujours à améliorer la qualité de vie des personnes vivant aux Habitations Jeanne-Mance.

Regroupant une soixantaine de membres en 1975, l'assocation comptait en 1986-1987

au-delà de 250 membres actifs sur une population de près de 2000 personnes de tout âge. Le complexe des Habitations Jeanne-Mance a plus de 25 ans d'existence. Il est situé dans le centre-ville de Montréal et compte 796 logements. Sa population est composée de personnes âgées, 42 %, et de familles, 54 ,%. Il faut souligner le nombre important de personnes handicapées, de familles monoparentales, de jeunes de moins de 18 ans et le peu de travailleuses et travailleurs salariés, 15 %. Il s'agit d'une population économiquement faible à 85 %, dépendant d'un revenu de retraite ou de prestations de l'aide sociale. C'est dans ce milieu que l'association oeuvre depuis plus de dix ans. Mais ce milieu n'est pas coupé du monde, il est géographiquement situé, coincé entre le quadrilatère Saint-Dominique, Ontario, Sanguinet et Sainte-Catherine, en plein centre-ville, quoi.

C'est ainsi que le complexe des Habitations Jeanne-Mance est doublement particulier: particulier parce qu'il fut le premier HLM et, à ce titre, son statut est différent de tous les autres HLM du Québec, ce qui ne va pas sans poser des problèmes précis et parfois aigus; particulier parce qu'il constitue un bastion isolé de résidences en plein coeur d'un secteur où cette fonction disparaît rapidement.

En effet, le secteur centre-ville a vu sa population passer de 50 000 personnes en 1950 à environ 7000 en 1987, les fonctions culturelles, récréatives et administratives ayant nettement pris le dessus, la fonction de stationnement aussi. Ce sont ces particularités principalement qui font des résidents des Habitations Jeanne-Mance des personnes attentives aux conséquences du développement pensé par d'autres, des personnes attentives aux égarements de certaines lois, des personnes attentives, cette fois-ci, au projet de levée du moratoire sur les conversions en copropriété.

Pourquoi l'Association des locataires des Habitations Jeanne-Mance s'intéresse à la levée du moratoire? Premièrement, l'importance d'un milieu de vie, d'un quartier où il fait bon vivre. Nous l'avons souligné rapidement précédemment, les Habitations Jeanne-Mance sont maintenant coincées dans un quartier qui n'en est plus un: Bars, discothèques, bureaux, commerces nouveau genre ont désormais pris la place des voisins, de l'épicerie, du nettoyeur. On n'entend plus pleurer les enfants de la voisine. On entend hurler les freins et les klaxons.

Il n'est pas besoin de vivre longtemps dans un tel milieu pour se souvenir avec nostalgie des bons côtés de la vie de quartier. Un quartier que l'on aime, c'est aussi un tissu social lentement formé sur lequel on peut compter. C'est important.

Aux Habitations Jeanne-Mance, nous avons tous et toutes été en quelque sorte déracinés. Il nous a fallu des années d'efforts pour reconstruire une vie communautaire dont nous sommes aujourd'hui très fiers. Mais l'environnement que nous venons de décrire pose des limites évidentes.

Aussi sommes-nous particulièrement sensibilisés à l'importance d'éviter de déraciner les gens et à l'importance d'un milieu de vie équilibré. C'est pourquoi nous sommes très méfiants et méfiantes face à une politique comme la levée du moratoire qui risque de forcer les gens à déménager et qui donne le feu vert aux spéculateurs de toutes sortes leur permettant de transformer des quartiers complets à leur guise, au gré de leurs profits.

Deuxièmement, l'importance d'une politique d'ensemble plutôt que des mesures à la pièce. Le développement du centre-ville est un bel exemple de développement non planifié. Les conditions de vie qui en découlent et dont nous devons nous accommoder sont également un bel exemple des résultats des mesures à la pièce, non planifiées, non cohérentes.

On pourrait ajouter aussi maints détails dans la gestion de nos immeubles et de nos vies qui témoignent des problèmes que causent des politiques, des pratiques, des mesures à courte vue. On comprendra facilement, dès lors, notre profonde méfiance face aux projets et interventions ponctuels, sectoriels, sans plan d'ensemble.

Or, avec le projet de levée du moratoire, c'est à une opération de ce type que l'on fait face. Le gouvernement du Québec a annoncé dans les derniers mois tout un train de mesures concernant l'habitation, du supplément au loyer en passant par les critères de sélection dans les HLM, jusqu'à cette levée du moratoire.

On ne retrouve nulle part, sinon en filigrane, de politique globale d'habitation. Ce véritable puzzle nous présente des pièces qui s'agencent plus ou moins entre elles, mais on n'a nulle part l'image globale à laquelle on devrait arriver. On n'a pas d'étude d'impact sérieuse, on n'a pas de solution de rechange, on n'a pas, surtout, de véritables consultations et de véritable débat.

On agit comme si, derrière toutes ces mesures, il n'y avait pas d'enjeu. Nous croyons que des enjeux sont présents et importants. Par exemple, nous ne pouvons accepter qu'on affirme inconsciemment que la levée du moratoire ne déplacera pas les gens et nous ne pouvons accepter non plus qu'une telle mesure ne soit pas accompagnée d'un plan solide de développement du logement social.

Qu'on nous permette également de souligner ce que peuvent causer des réformes à l'aveuglette. Une loi, quelle qu'elle soit, ne peut être parfaite, mais il est toujours possible de s'attacher à la rendre la plus cohérente possible. La loi 107, à ce titre,

mériterait un prix citron. 5es trous innombrables laissent de côté de grands pans de la réalité, le statut particulier des HJM, par exemple. Ce genre de trous, c'est la porte ouverte à tous les abus, à tous les con tournements, à tous les problèmes dont sont victimes ceux et celles qui croient naïvement que les lois sont bonnes. Le FRAPRU et le RCLALQ démontrent dans leur mémoire respectif quantité de trous de ce genre, inacceptables, dont les conséquences sont douloureuses pour les locataires. Nous ne les reprendrons pas ici mais nous tenons à y attirer votre attention.

Quelques critiques fondamentales. Qu'on nous permette maintenant de faire des liens. Le projet de levée du moratoire, malgré les mesures qui, apparemment, protégeront les locataires, n'est pas un projet pour nous. Malgré ses belles prétentions, le gouvernement ne part pas de la volonté de maintenir la population en place mais de celle d'ouvrir un nouveau marché pour des ménages ayant les moyens financiers d'y avoir accès. Ce n'est pas là une politique pour nous. Sans négliger les multiples difficultés auxquelles nous faisons face en habitant dans un HLM, nous savons que nous sommes parmi les privilégiés qui ont bénéficié des politiques de logement social. C'est de plus en plus rare. Mais qu'on ne prive pas les gens dans le besoin en affirmant fallacieuse ment qu'on a trop fait pour nous.

Nous ne comprenons pas comment il se fait que le gouvernement dirige ses priorités d'intervention vers des secteurs de la population à l'aise alors que des centaines de milliers de personnes pourrissent dans la misère.

Résumons-nous. Nous nous opposons aux mesures qui favorisent la dispersion de la population et la destruction des milieux de vie. Nous nous opposons aux mesures qui favorisent l'accès à la propriété pour la classe moyenne au détriment du droit au logement pour les gens à faible revenu. Nous nous opposons aux mesures à la pièce qui prétendent remplacer une politique globale claire et débattue publiquement. Nous nous opposons aux mesures qui favorisent la spéculation sauvage au détriment d'une orientation sociale. Nous revendiquons une politique globale de l'habitation qui respecte les deux principes suivants: Le logement n'est pas une marchandise comme les autres. Il est un droit fondamental, un bien essentiel auquel tous et toutes doivent avoir pleinement accès quels que soient leur revenu, leur sexe, leur statut social, leur race, leur condition physique ou mentale, etc.

Ce droit individuel et collectif au logement doit primer d'autres droits comme le droit de propriété. Le droit des résidents et résidentes de demeurer dans leur logement et dans leur quartier doit être assuré.

Mme Lacelle: Pour cela, il faut prendre des mesures claires. Ce n'est pas écrit. C'est un court ajout. Quand on laisse se transformer des quartiers sans surveiller ce qui se passe, cela cause toutes sortes de problèmes. Entre autres choses, ce qu'on voit apparaître autour de nous aux Habitations Jeanne-Mance, c'est tout un développement de condominiums près du Vieux-Montréal. C'est très beau. Mais ce que cela fait, entre autres choses, c'est que les commerces auxquels nous avions accès disparaissent pour s'adapter à cette population qui a les moyens d'acheter des choses qui sont différentes et qui coûtent plus cher. Nous autres, on est obligé de courir à pied jusque dans des quartiers à l'autre bout pour aller faire nos achats ordinaires. Cela cause ces problèmes, quand on laisse aller le développement de condominiums sans les surveiller.

Cela cause aussi des problèmes comme ce qui se passe dans la Petite Bourgogne où des condos ont été construits sur le bord de la rivière, pas loin des HLM. C'est beau. Les gens ont acheté des condos. Ils ont trouvé cela beau. Mais ils ont trouvé aussi que les HLM qu'il y avait à côté de chez eux faisaient baisser la valeur de leur propriété et que cela faisait un bien mauvais voisinage. Leur premier réflexe a été d'adresser une pétition à la ville de Montréal, demandant tout simplement que ces HLM soient démolis. Ce sont des choses semblables qui entraînent notre méfiance et qui nous font dire clairement que le moratoire, non, nous ne voulons pas qu'il soit levé. En plus, on veut qu'il soit resserré avec toute la série de mesures dont le FRAPRU vous a déjà fait part et que le Regroupement des comités logement et associations des locataires du Québec va préciser encore, un peu plus tard aujourd'hui.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie. Je cède maintenant la parole à M. le ministre.

M. Bourbeau: J'aurais une question. Est-ce que la ville de Montréal a ordonné la démolition des HLM? (12 heures)

Mme Lacelle: Bien non! Encore beau.

M. Bourbeau: Alors, il n'y a pas de problème.

Mme Lacelle: Non, ils ne sont pas démolis, mais imaginez ce que cela donne comme allure dans le quartier quand ce monde-là se croise tous les jours sur la rue, quand les ti-culs font de la bicyclette les uns à côté des autres. Les HLM n'ont pas été démolis, mais les frictions entre les gens les uns à côté des autres restent là.

Si vous n'appelez pas cela des problèmes, si vous ne considérez pas que

cela provoque des augmentations de la délinquance, si vous ne considérez pas que cela provoque toutes sortes de difficultés au niveau social, libre à vous de penser que ce ne sont pas des problèmes. On pense que la sauvegarde des immeubles, ce n'est pas assez pour dire qu'il n'y a pas de problème là.

M. Bourbeau: Je ne crois pas avoir dit cela. Vous me mettez dans la bouche des mots que je n'ai pas prononcés. Vous avez dit tout à l'heure que les gens qui habitaient les condominiums plus ou moins luxueux avaient demandé que l'on démolisse les HLM. Or, les HLM appartiennent au gouvernement du Québec et non pas à la ville de Montréal. Je peux vous assurer qu'avant que l'on donne l'autorisation de démolir des HLM neufs, en plus, financés avec des fonds fédéraux et provinciaux, cela prendrait également la permission du gouvernement fédéral. Il n'a pas l'habitude de mettre la hache dans ses HLM.

De plus, les problèmes de délinquance dont vous parlez, je ne pense pas que ce soit mauvais pour les HLM, pour les résidents, les familles dans les HLM d'avoir comme voisins des condominiums un peu plus luxueux. Ce n'est pas mauvais, cela ne peut que rehausser pour eux la qualité du voisinage et je ne crois pas que les HLM... C'est mieux d'avoir ces condos que d'avoir des "scrap yard" ou des taudis, en termes de qualité de l'environnement. Vous ne partagez peut-être pas mon point de vue, mais pour la qualité de l'environnement, c'est mieux d'avoir ces bâtisses neuves que d'avoir des bâtisses en décrépitude.

Finalement, dans le coin, il y a des HLM neufs et des condos neufs. Bref, tout le monde est dans le neuf.

M. le Président, je ne sais pas si l'Opposition veut poser des questions tout de suite. Le député de Sainte-Marie aimerait...

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre. Dans l'esprit de l'alternance, je vais céder maintenant la parole à M. le député de Shefford.

M. Paré: Une première intervention pour vous remercier parce que vous soulevez un point auquel on doit, comme législateur, absolument faire attention, c'est ce côté social dont vous parlez. Cela n'a pas de bon sens comme société que l'on pense au béton et que l'on oublie qu'il y a du monde. Quand on déplace du monde, on crée d'autres problèmes. Le groupe avant vous disait que Mme Lavoie-Roux ou M. Dutil ou les deux devraient être ici, parce que cela n'a pas de bon sens, il y a quelqu'un qui paiera pour le mal que l'on va faire si on ne le fait pas comme il faut. C'est important que les gens nous le répètent et nous le rappellent continuellement. C'est du monde. Les décisions que l'on prend peuvent l'être en termes très financiers parce qu'il y a beaucoup de groupes qui nous ont dit: C'est une mesure de développement économique. Mais cela peut être une mesure de destruction sociale. Il y a quelqu'un qui paye pour et c'est tout le monde à un moment donné, sauf qu'il y en a qui le vivent quotidiennement d'une façon très pénible.

Je vais penser tout haut et vous me ferez vos commentaires. Dans votre mémoire, à la page 6, c'est écrit: "Malgré ses belles prétentions, le gouvernement ne part pas de la volonté de maintenir la population en place, mais de celle d'ouvrir un nouveau marché pour des ménages ayant les moyens financiers d'y avoir accès." Et au deuxième paragraphe: "Nous ne comprenons pas comment il se fait que le gouvernement dirige ses priorités d'intervention vers des secteurs de la population à l'aise..." C'est exactement cela. En fait, vous venez de mettre le doigt sur quelque chose d'important. Le ministre s'évertue à dire qu'il ne veut plus aider les ménages moyens, ceux qui sont en moyen, mais veut aider les plus démunis. II a aboli les programmes d'accès à la propriété en disant que cela n'aidait pas les plus démunis, que cela aidait plutôt les ménages moyens. Là, il vient, d'une façon très subtile, de faire en sorte d'aider les ménages moyens en mettant à leur disposition des logements moins cher, mais au lieu que ce soit le gouvernement qui paye par ses programmes, cela sera les gens déplacés qui paieront en termes de qualité de vie et en termes de difficulté de vivre.

C'est très subtil, je dois vous dire. Vos deux paragraphes ont fait en sorte que... Je l'interprète comme cela et, effectivement, il faut faire attention à cela. On n'aidera pas, comme gouvernement, les ménages moyens, on va aider indirectement, mais on ne paiera pas et on fera payer ceux que l'on va déplacer. C'est exactement cela. Il y a de la "gentrification" qui se fait aux dépens des gens. Je ne suis pas contre le fait que l'on construise aussi dans des milieux populaires et que l'on permette une variété de population, sauf que la prise de possession d'un logement par d'autres personnes, c'est de la "gentrification" qui se fait aux dépens de quelqu'un. Finalement, ce sont les gens déplacés qui vont payer parce qu'ils vont payer plus cher leur loyer s'ils sont déplacés, alors que le gouvernement va économiser. Est-ce la vision que vous avez de la levée du moratoire?

M. Pilon (Robert): Oui. J'aimerais revenir sur les chiffres. Les gens qui habitent dans des condominiums dans les quartiers centraux de Montréal gagnent en moyenne, comme revenu familial, 40 000 $ par année. La majorité des gens qui habitait dans ces quartiers et qui habite encore dans

ces quartiers gagnent moins de 30 000 $. Le calcul n'est pas terriblement compliqué à faire. Si tu ne gagnes pas 40 000 $ tu n'achètes pas le condo en question, tu déménages. C'est ce qui arrive. Je pense que l'exemple de la Petite Bourgogne et de Jeanne-Mance est bon pour cela. C'est que les gens à faible revenu se retrouvent dans un ghetto. Je sais que le ministre est fort dans sa dénonciation des ghettos, quand il parle des HLM. Mais il faudrait peut-être se rendre compte qu'on est en train de créer d'autres ghettos, des ghettos de riches, des ghettos de gens qui gagnent 40 000 $ et plus par année et qui vont habiter le centre-ville. Les gens à très faible revenu ou tout simplement les gens à bas revenu, en bas de 30 000 $ par année se retrouvent mal à l'aise. C'est eux qui se retrouvent dans un ghetto de riches où ils n'ont plus leur place. Non seulement ils n'ont plus leur place, mais ils n'ont même plus leur dépanneur, ils n'ont même plus leur place à l'école parce que c'est bien dommage, mais les petits jeunes qui arrivent là sont d'une autre famille, n'est-ce pas! Pire que cela, ces gens-là se liguent contre eux pour s'en débarrasser. Ils veulent se débarrasser des HLM. C'est un peu comme la goutte qui fait déborder le vase pour les habitants des HLM. On ne veut même plus d'eux dans le quartier, on veut démolir leur logement. C'est ce qui arrive actuellement à la Petite Bourgogne. Je trouve que cela en dit long sur ce qui risque de se passer.

Une autre chose que je voudrais dire, c'est que ce qu'on demande à la place de cela, c'est simple. C'est de permettre aux gens qui gagnent moins de 30 000 $ par année de rester dans leur quartier, d'avoir des logements rénovés, d'avoir des bons logements de qualité, mais de rester là. C'est eux qui sont là depuis 20, 30 ou 40 ans qui ont enduré tout le délabrement des logements et tout cela. Ils ont le droit de rester là. Ce qu'on vous demande donc, ce sont des politiques en faveur de ces gens-là, pas des politiques en faveur des gens qui gagnent 40 000 $ et plus par année. De toute façon, ils n'ont pas besoin de politique. Ils peuvent s'acheter des condos à Pointe-aux-Trembles, ils peuvent s'acheter des condos sur tous les terrains vacants s'ils le veulent. C'est là que je trouve que le ministre a du front. Moi aussi j'en ai, il faut le dire, mais je trouve que le ministre a du front tout le tour de la tête quand on parle des HLM. Le ministre dit: On en fait autant, et ils vont à ceux qui sont vraiment le plus dans le besoin. Mais en même temps que vous dites cela, je vous ramènerais deux faits très simples. Le premier, c'est que vous aviez conclu une entente pour faire 2300 HLM en 1986. Dans le rapport de la SHQ, il est dit que vous en avez fait seulement 1500. Ou bien c'est de l'incompétence crasse ou bien c'est criminel.

Vous n'en voulez pas, mais il y a des besoins qui sont énormes, qui sont urgents, et vous en faites moins qu'avant et vous trouvez même le moyen de ne pas les faire. On ne peut pas dire que cela ne se fait pas 2300 HLM par année. Il s'en est déjà fait 5000 au Québec. Si vous ne trouvez pas le moyen d'en faire la moitié moins que ce qui s'est déjà fait, il y a un problème là et il y a des gens qui paient. C'est la première chose.

Le deuxième exemple, c'est que vous dites que vous en faites autant, nous disons que vous en faites moins. Vous dites que vous en faites autant, mais en plus, cela va aux gens qui sont le plus dans le besoin. En même temps que vous dites cela, on a un document qui vient de la Société d'habitation du Québec sur les nouveaux critères de sélection dans les HLM. À qui va aller votre aide? À qui vont aller les logements subventionnés qui indiquent noir sur blanc que vous voulez exclure des HLM les immigrants reçus? Il va dorénavant falloir être citoyen canadien pour entrer dans un HLM. Ne venez pas me dire que les immigrants reçus sont fortunés. Ils sont parmi les plus mal pris. Je dirais que ce que le père Harvey dit tout haut, vous le faites tout bas. Un autre exemple, ce sont les gens seuls de moins de 40 ans. Les itinérants en particulier, beaucoup de gens qui ne sont pas dans la rue, mais qui sont chambreurs. Les gens seuls de moins de 40 ans sont parmi ceux qui ont le plus bas revenu et qui sont les plus mal pris et c'est un peu l'antichambre du trottoir, c'est bête à dire. Ces gens-là, selon les règlements actuellement en vigueur et celui que vous voulez mettre de l'avant, n'ont pas droit aux logements subventionnés. Pourtant, c'est parmi les plus mal pris. Un autre exemple, c'est celui des femmes chefs de famille et des femmes seules d'un certain âge. Vous voulez contingenter ces gens-là, contingenter leur accès aux logements subventionnés. Je me dis: Qui fait des accroires à qui? Les besoins en HLM sont énormes. Il y a 35 000 ménages qui veulent entrer dans des HLM. Au lieu de vraiment construire du logement, vous voulez diminuer les listes d'attente, cacher les besoins, réduire l'admissibilité à ces logements et dire: Vous voyez, il n'y a rien qui presse. On n'a pas besoin de crier au feu et d'exagérer, ni de pousser des cris d'alarme. Tout va bien, restez calmes, citoyens, et rentrez chez vous. Je me dis: Qui raconte des accroire3 à qui dans cette situation? Je pense que le ministre n'a de leçon à donner à personne dans ce domaine.

M. Paré: C'est tout pour le moment.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le député de Shefford. Je cède la parole à M. le ministre.

M. Bourbeau: II reste combien de temps?

Le Président (M. Saint-Roch): 13 minutes M. le ministre. Une remarque, M. le député de Sainte-Marie.

M. Bourbeau: Tout simplement pour replacer un peu les choses dans leur contexte. Vous nous parlez du règlement de sélection dans les locataires qui présentement est en consultation. C'est un projet de règlement qui a été mis au point à la suite d'une période de deux ans, c'est un projet pilote qu'on a fait dans quinze offices municipaux d'habitation regroupant 20 000 unités de HLM, donc, à peu près 40 % du parc HLM. C'est donc à une échelle très grande que ce règlement a été testé et mis au point. Il n'est pas final, il est en consultation.

Le problème qui se pose, c'est qu'actuellement il n'y a pas de règlement qui détermine qui doit entrer dans un HLM, c'est grave. il n'y a pas de règlement. Cela veut dire que toute personne qui vit dans une ville peut demander d'être mise sur la liste d'attente. Les critères peuvent varier d'un HLM à l'autre, d'un office municipal à l'autre.

Cela veut dire qu'un individu comme le député de Shefford qui a des revenus assez importants - c'est un député bien payé -pourrait être sur la liste d'attente de l'office municipal à Granby, par exemple. Il y en a comme cela actuellement qui sont sur des listes d'attente. On sait que les listes d'attente sont longues, mais on ne sait pas si les gens qui sont sur les listes d'attente sont tous des gens qui devraient y être parce qu'il n'y a pas de règlement général qui dit qui doit être sur les listes d'attente.

Bien sûr, les gens qui sont sur les listes d'attente, qui ont des revenus élevés sont au bas de la liste parce que quand même le revenu est pris en considération. Mais quand un office municipal vient me dire; On a besoin de HLM, on a 2000 personnes sur la liste d'attente. se ne sais pas si, sur les 2000, il n'y en a pas 1000 qui gagnent 30 000 $ et plus par année ou 25 000 $ et plus par année. Il n'y a pas de moyen de le savoir parce qu'il n'y a pas de règlement. Ce que nous disons actuellement, c'est que nous voulons avoir un règlement qui va permettre que ceux qui vont être sur les listes d'attente, ce sont les gens démunis, les gens qui vont répondre aux critères. Je ne comprends pas que des gens souhaitent qu'on mette sur les listes d'attente des gens qui gagnent 30 000 $ et plus. Or, cela se fait actuellement. Cela se fait, c'est possible, le règlement le permet. On ne peut pas refuser à quelqu'un de faire la demande, si je peux dire.

Nous voulons avoir un portrait clair des listes d'attente pour savoir où vraiment il y a des besoins et où il n'y en a pas. Je pense que, comme gestionnaire, on a l'obligation de savoir où sont les plus démunis et où ils ne sont pas. Quand on veut faire adopter un règlement, on n'a même pas le choix d'ailleurs, le Code civil dit qu'il doit y avoir un règlement. Il n'y en a pas actuellement. Il ne faut pas nous reprocher de tenter de vouloir avoir un règlement dont l'objectif est justement de donner la priorité dans les HLM aux citoyens les plus démunis. Voilà l'objectif.

Maintenant, M. le Président, je pense que M. le député de Sainte-Marie voudrait poser des questions.

Le Président (M. Saint-Roch): Avant de céder la parole à M. le député de Sainte-Marie, j'aimerais rappeler aux personnes qui assistent aux travaux de la commission que dans la tradition du parlementarisme, les parlementaires ont le droit au libre choix de leurs expressions. Je demanderais à tous ceux qui assistent à nos travaux de respecter ce droit et les traditions du parlementarisme en ne manifestant en aucune façon leur accord ou non à la suite des idées émises par qui que ce soit des deux côtés de cette Assemblée. Ces brèves remarques étant faites, je cède maintenant la parole à M. le député de Sainte-Marie.

M. Laporte: Merci, M. le Président.

Simplement pour souhaiter, moi aussi, la bienvenue au groupe des Habitations Jeanne-Mance qui me rappelle effectivement mon travail d'il y a dix ans, cette possibilité que vous avez émise dans votre mémoire. Mon travail en animation allait dans ce sens-là, à cette époque, de rassembler un peu tout le monde à l'intérieur de ce qu'on appelait le plan Dozois pour éviter cette forme de ghettoïsation que vous avez mentionnée et de pouvoir faire une intégration un peu plus dans le milieu. C'est pour cela que je me réjouis un peu de voir la présentation de ce mémoire-là qui amène une autre dimension comparativement à ce que nous avons entendu jusqu'à présent.

Les groupes qui se sont présentés devant nous avaient peut-être un intérêt plus particulier, que ce soit les associations de locataires, ou l'APCHQ au niveau des municipalités où il y avait un intérêt direct. Je crois bien qu'en tant que tels, les gens des Habitations Jeanne-Mance, vous avez aussi un intérêt mais quand même qui n'est peut-être pas aussi directement relié à la levée du moratoire. Cette dimension-là, je la trouve importante, parce que vous êtes situés près du centre-ville avec ce que vous avez énuméré comme situation tantôt et ce qu'on peut visualiser aussi à certaines époques. C'est le phénomène des 800 logements dans lesquels vous êtes situés. C'est une question qui me revenait un peu à l'esprit.

(12 h 15)

La construction de condos de luxe a été mentionnée tantôt. Vous suggériez aux membres de la commission de mieux répartir à la fois la construction de HLM et celle de coopératives, ce qui n'empêche pas nécessairement le privé. Il y a des groupes qui nous ont fait part ici d'une crainte qu'ils ont: que tous les jeunes, à titre d'exemple, qui travaillent un tant soit peu, se retrouvent à l'extérieur de la ville, et que peut-être, à longue échéance, ce sera un endroit où il y aura seulement des personnes âgées. C'est une analyse que je ne sanctionne pas, dans le sens qu'on est ici pour essayer de voir le plus possible. J'aurais aimé avoir vos commentaires sur cet aspect, dans le sens qu'on nous disait, dans le cadre de la levée du moratoire, qu'il faut donner cette protection, ce avec quoi je suis d'ailleurs d'accord. Il faut donner cette protection aux locataires pour que, de façon concrète et réelle, sur le terrain, ils ne soient pas déplacés. Il y a déjà eu des propositions dans le livre blanc et des propositions qui nous ont été apportées par plusieurs groupes ici et que je trouve fort intéressantes. Dans ce cadre, ils nous disaient cela aussi, mais ils nous amenaient ce que je vous indiquais tantôt.

J'aurais aimé ' entendre votre réaction. Je ne sais pas si vous avez pris connaissance de la position de la ville de Montréal concernant la levée du moratoire, de faire un type de loi interdisant la levée du moratoire, mais prendre juste des cas plus spécifiques, sans nécessairement qu'il y ait à épiloguer ou à énumérer tellement longtemps, en disant selon le taux de location, selon le taux de revenu et même selon l'édifice, apparemment, qui pourrait être sorti... J'aurais aimé entendre votre réaction face à ces deux éléments.

Mme Lacelle: Deux choses. La première, je n'ai pas très bien compris. Vous parlez d'un danger d'exode des jeunes hors de la ville. Je ne saisis pas trop.

M. Laporte: Je mentionnais qu'il y a certains groupes qui nous ont fait part que cela faisait onze ans que le moratoire existait et qu'il était inefficace. De toute façon, je pense qu'aucun groupe n'a pu dire le contraire. L'ensemble des groupes, qu'ils soient d'accord ou non, soulignent effectivement l'importance d'apporter des correctifs. C'est cela, d'une part. Certains groupes nous ont dit qu'effectivement depuis onze ans ce moratoire ne donnait pas de possibilité. On a mentionné tantôt les condos de luxe. On a mentionné que d'autres auraient peut-être eu la possibilité, si ce moratoire avait été levé avant, d'acquérir un logement et de rester dans leur place. Dans un comté, comme le mien, Sainte-Marie, qui est à côté de Saint-

Jacques, cette situation fait en sorte que tu n'as plus de place pour construire, comme vous le mentionniez. Quelqu'un qui veut demeurer dans ce quartier, mais qui veut avoir autre chose, je ne sais pas trop quoi, un jeune travailleur - c'est un peu ce qui était dit - doit s'en aller. On ne lui donne pas la possibilité de rester là. Je ne dis pas que cela constitue une partie de la clientèle, comme toutes les autres parties de la clientèle que vous mentionniez tantôt. Mais j'essaie de regarder cela dans un plan d'ensemble. Ils disaient qu'avec le temps ils vont tous se retrouver à l'extérieur et que cela ne sera pas intéressant à ce niveau. On va peut-être assister à un vieillissement de la population. Je veux juste avoir vos réactions par rapport à cela, pas nécessairement sanctionner ou dire que c'est bon ou pas bon, mais réellement faire un tour de la question pour nous avancer dans les débats et avoir la perception de l'ensemble des gens là-dessus.

M. Pilon: Cela dépend de quels jeunes vous parlez, c'est bien sûr. Si vous parlez des jeunes entre 20 et 30 ans, par exemple, tu n'es pas propriétaire à 20 ans, même è 30 ans quand tu es à très faible revenu et quand tu gagnes autour du salaire minimum ou quand tu gagnes à peine 15 000 $ par année. Toutes les statistiques que le groupe précédent donnait, montrent que les gens qui gagnent moins de 15 000 $ par année, sont pour la plupart des jeunes. Tu ne peux pas être propriétaire actuellement à 15 000 $ par année, dans les quartiers centraux de Montréal et tu ne pourras pas non plus, avec la levée du moratoire si jamais elle a lieu, être propriétaire de ta copropriété quand tu gagnes 15 000 $ par année, ce n'est pas vrai. Avec la spéculation que Montréal connaît, les chiffres le montrent, il faut gagner 40 000 $ par année. Alors, ce n'est pas étonnant que les gens s'en aillent, y compris les jeunes qui gagnent moins de 40 000 $ par année. Ils sont obligés de quitter le centre-ville. Le meilleur exemple, c'est les maisons de chambres. Le portrait type de l'itinérant et du chambreur a changé par rapport aux années soixante. Ce sont des gens de plus en plus jeunes, beaucoup plus de femmes qu'avant, 20 % de femmes, je pense, et ce sont surtout des itinérants et des chambreurs de plus en plus jeunes. On assiste actuellement, dans le centre-ville de Montréal - je pense que la ville elle-même a commencé à s'en préoccuper - à une démolition systématique des maisons de chambres. On est passé de 15 000 maisons de chambres à 5000. Ces chambreurs sont obligés de partir. Alors, toutes les mesures qui pourraient aller dans le sens de protéger leur stock de logements existants, les maisons de chambres, les loyers, on va les applaudir. C'est cela qu'on demande, d'ailleurs, de

vraies mesures de protection du logement.

Cela, à notre sens, est incompatible avec le fait de les transformer en condominium. C'est bien de valeur. Si tu transformes ces logements en condominium pour des gens qui gagnent 40 000 $ et plus par année, tu les élimines du marché. Ceux qui se cherchent un logement au centre-ville vont être obligés d'aller en banlieue.

C'est à cela qu'on assiste depuis cinq ans. C'est ce qu'on veut que les gouvernements freinent. On ne veut pas qu'ils donnent un petit coup de pouce à cela pour l'encourager encore plus.

M. Laporte: L'exemple que j'apportais lors d'une discussion, c'est certain que cela ne représente pas la majorité de la population, mais j'indiquais que des gens du comté travaillent chez RJR Macdonald Tobacco, à titre d'exemple. Ce sont des gens qui résident dans notre secteur.

Alors, cela constitue une partie infime de la population, je le conçois. Je pense que j'ai déjà fait état qu'effectivement, on doit assurer une protection et tout le reste. Il y a beaucoup de ces personnes qui ont pris leur retraite anticipée. Elles se sont retrouvées avec un certain montant. Mais ce sont des gens qui ont toujours vécu dans le secteur et, à ce moment-là, qui ont voulu, s'acheter un petit quelque chose pour avoir la paix et éviter des augmentations de loyer, etc.

Le problème qui est survenu avec cela, c'est qu'ils se sont tous ramassés en dehors. Ces gens ont déménagé et sont partis du coin. Ce sont des gens quand même qui constituent une clientèle qui est de notre secteur. Je ne dis pas que c'est la vaste majorité, mais j'essaie de le voir, comme je le disais, dans son ensemble.

Qu'est-ce que je fais avec cette partie? C'est pour cela que je vous demande votre réaction face à la proposition de la ville de Montréal, face à la nôtre et face à diverses propositions. C'est dans ce cadre que j'essaie de donner une image. Je pense que c'est important. C'est une population qui est en place et qui est là. Qu'est-ce qu'on fait avec elle?

Mme Lacelle: Je pense qu'il s'est trouvé plusieurs personnes pour souligner comment même acheter son propre logement, non pas se lancer dans l'immobilier pour faire du fric, mais seulement acheter son propre logement, c'est quelque chose qui coûte généralement plus cher que le loyer qu'on payait avant, dans bien des cas.

Dans le cas de beaucoup de logements de Sainte-Marie ou de Saint-Jacques, on se retrouve - ce qui est encore beau, heureusement - avec des logements qui ne sont pas trop chers et que les gens qui les habitent peuvent payer.

Tu reçois ta retraite anticipée, ton gros motton, tu peux t'acheter un logement. Bien, à cause de la poussée spéculative dans des quartiers comme ceux-là, à cause des phénomènes qui ont été décrits depuis ce matin et, j'imagine, depuis trois jours, ce n'est pas dans le quartier où tu demeures que tu peux devenir propriétaire parce que cela coûte trop cher.

Sur cette question, on n'a pas de point de vue particulier, mais il y a eu des choses qui ont été expliquées. Maintenant, sur la deuxième question...

M. Laporte: On peut revenir un peu là-dessus. Je ne sais pas si...

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Sainte-Marie, l'entente étant un respect des interventions, je permettrai à madame de conclure brièvement sur la deuxième question avant de céder la parole à M. le député de Shefford.

Mme Lacelle: Merci. Sur la deuxième question, soit qu'est-ce qu'on pense de la position de la ville de Montréal, je vous avouerai que je n'ai pas lu le mémoire au complet. J'ai regardé ce qui était paru dans les journaux, point à la ligne. J'ai été étonnée et satisfaite, dans l'ensemble, de la prise de position de la ville de Montréal et de celle du RCM qui, paraît-il, est la même que la nôtre.

Cela dit, de la même façon que le FRAPRU un peu avant nous l'a souligné, ce qu'on déplore à l'intérieur de cette position, ce sont des ambiguïtés comme, par exemple, sur la question des copropriétés divises et indivises, il y a des choses imprécises. Cela demanderait, de notre part, une étude plus poussée du document avant de nous prononcer. Mais, dans l'ensemble, on est satisfaits que, globalement, la ville s'oppose à la levée du moratoire.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, madame. Je cède maintenant la parole à M. le député de Shefford en lui rappelant qu'il reste sept minutes à sa formation.

M. Paré: Merci, M. le Président. Très rapidement, parce qu'il est question de HLM. Pour arrêter de se chicaner sur les chiffres et de sortir des chiffres ici et là, on va aller dans la bible directement, c'est-à-dire le rapport annuel 1986 de la Société d'habitation du Québec, qui est signé par nul autre que M. Jean-Paul Arsenault, donc le président et, finalement, le vrai ministre de l'Habitation.

On dit à la page 25: La construction et l'achat d'habitations à loyer modique. La société a enregistré, en 1986, une diminution du nombre d'habitations à loyer modique

mises en chantier, par rapport à 1985. Elle a effectivement entrepris, durant cette période, la construction de 79 projets comptant 1564 logements, en comparaison de 96 projets comprenant 2378 logements, l'année précédente. Donc, on ne fera plus de prévisions avec des peut-être, etc. Je pense que c'est ce qu'il y a de plus officiel.

Un autre point avant de passer à une question. En ce qui concerne les HLM, vous avez parlé de l'inquiétude face à la fameuse liste, face à la réglementation pour faire en sorte de raccourcir la liste d'attente. En ce qui concerne la réglementation faisant en sorte de permettre une discrimination contre surtout certains groupes, comme les personnes seules, les femmes chefs de famille monoparentale, le ministre dit que c'est pour corriger une lacune, sauf qu'il ne faudrait pas empirer la situation. Pour corriger une lacune, il faut qu'il y ait une réglementation, et la réglementation, c'est une discrimination contre les femmes.

Deux choses là-dessus. Premièrement, c'est vrai que c'est déposé, sauf que le ministre l'a défendu à l'Assemblée nationale. Est-ce une explication ou une défense, je lui donne le bénéfice du doute même si, à deux reprises, cela m'a semblé une défense, parce que les questions étaient directes, les réponses aussi. Sauf que si, aujourd'hui, il était prêt à prendre l'engagement de retirer son appui à cette réglementation spécifique sur la discrimination, je pense que ce serait une bonne chose, ce serait rassurant pour tout le monde. J'espère qu'il va le faire dans son intervention tantôt.

Question maintenant. Je pense que c'est de mise qu'on vous pose la question à vous, l'Association des locataires des Habitations Jeanne-Mance.

Deux groupes ont proposé, hier, la reconnaissance des associations de locataires, avec une formule d'aide, étant donné que c'est normal que soient aidés des groupes -il y en a d'autres qui sont reconnus dans la société - finalement, qui sont là pour aider leurs membres, mais, en même temps, qui sont un intervenant reconnu majeur et qui travaillent de façon positive avec le gouvernement pour améliorer les choses. Qu'on pense aux associations étudiantes dans les universités et les cégeps. C'est une recommandation qui a été amenée. Je vous demande vos commentaires là-dessus, étant donné que le ministre nous a dit qu'il prévoit, pour l'automne, nous amener un document d'orientation sur une politique globale et que toutes les suggestions sont bienvenues. Je voudrais avoir vos commentaires là-dessus, en espérant que ce ne sera pas la seule occasion que vous aurez de donner vos commentaires sur cette proposition et les autres et en espérant qu'on soit aussi consultés sur le document par la suite, dans une autre commission parle- mentaire.

Mme Lacelle: Rapidement. Vous parliez du projet de règlement sur les critères de sélection en souhaitant un engagement du ministre. Je vous dirai que, quant à mot, des engagements du ministre, j'en ai vu plusieurs qui n'ont pas été respectés. Il nous a promis qu'il ne toucherait pas à plusieurs choses dans lesquelles il s'est lancé allègrement donc, même s'il s'engageait, ici, à ne pas toucher à ceci ou à retirer cela, je vous avoue que je n'en ferais pas beaucoup de cas.

Cela dit, sur la reconnaissance des associations de locataires. Cela fait plusieurs années que les associations de locataires ou les comités-logements, ou les tout ce qu'on voudra, toutes les formes de noms qu'on a pu se donner, travaillent auprès des locataires, travaillent auprès de la population à faible revenu. Je pense que la reconnaissance de ces groupes-là, de ce fait, est là, par la population directement concernée, par les diverses instances municipales, gouvernementales, qui n'ont pas le choix de nous écouter de temps en temps, même si c'est pour ne pas faire beaucoup de cas de ce qu'on leur amène. Mais toujours est-il que cette reconnaissance est là, de fait, et elle est là non pas à cause de telle ou telle Intention, de tel ou tel personnage politique, mais bien à cause du travail qui est fait quotidiennement dans les quartiers auprès des gens que cela préoccupe.

Est-ce que les associations de locataires sont les mieux placées pour défendre les locataires aux prises avec des problèmes de conversion de leur logement? Évidemment, on n'a pas attendu que d'autres gens y pensent pour le faire, voilà longtemps qu'on fait toutes sortes de critiques sur les trous qu'il y a dans la loi 107, par rapport à ce moratoire-là. Il n'y était pas question de le lever encore qu'on critiquait la façon dont il était mal foutu, si vous me permettez l'expression. Qu'une reconnaissance passe par un soutien financier, c'est bien tant mieux, cela va juste nous permettre d'être plus efficace, alors qu'on sait, depuis longtemps, qu'on fait à moindre coûts du travail de meilleure qualité que bien du monde. C'est fin, on aimerait être plus pour pouvoir faire plus de travail.

M. Pilon: Peut-être, pour être encore plus précis sur la question des HLM, les offices actuellement ne sont pas obligés de subventionner les associations de locataires. Ce serait une bonne solution pour se débarrasser de la... Parce que l'on se plaint surtout, du côté du ministre, que les HLM coûtent cher, nous, on en doute. Mais une façon de diminuer les coûts serait, au lieu de payer de la bureaucratie et de la bureaucratie et de la bureaucratie, de

financer un peu les associations de locataires, cela permettrait peut-être aux locataires une meilleure prise en charge de Ieurs conditions de logement. Là où cela a été fait, là où les associations de locataires ont été aidées et non pas empêchées, le vandalisme dans les logements a diminué. La participation des locataires à la gestion des édifices, aux rénovations des édifices s'est beaucoup amélioré. Cela ne serait donc pas de grasses dépenses que de financer les associations de locataires et de leur permettre de prendre les choses en main. Il ne s'agit pas d'une question d'argent, mais de savoir si on veut faire cela, si on veut que les locataires aient leur mot à dire dans la gestion de leurs conditions de logement ou non. Actuellement, on ne force pas les offices à financer les associations de locataires. Si Québec voulait, Québec pourrait forcer les offices à les financer. Ce serait un bon règlement comparativement à d'autres qui sont moins bons. (12 h 30)

M. Paré: Malheureusement, mon temps est écoulé. Merci beaucoup.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le député de Shefford. Nous sommes maintenant rendus aux remarques de la conclusion et j'attirerais l'attention des membres de la commission sur le fait que ces remarques devront être brèves, à la suite du retard que nous avons déjà accumulé. Sur ce, M. le ministre, je vous cède la parole pour de brèves remarques de conclusion.

M. Bourbeau: M. le Président, tout en remerciant nos interlocuteurs, j'aimerais signaler que le gouvernement du Québec vient en aide présentement à des associations de locataires. Nous ne venons pas en aide à chaque association de locataires de chaque immeuble, parce qu'on en aurait un nombre absolument infini, mais nous donnons des subventions importantes - on me souligne le chiffre de 28 000 $ par année - au regroupement des associations de locataires, donc, à l'organisme qui regroupe les associations de locataires pour lui permettre de venir en aide, justement, aux groupes de locataires. Les règles qui régissent les offices municipaux d'habitation permettent également à ceux-ci de venir en aide aux associations de locataires à l'intérieur des HLM. Je pense donc qu'on peut dire que le gouvernement fait quelque chose pour venir en aide aux associations de locataires.

Maintenant, est-ce que c'est vrai que cela coûte cher de construire des HLM? Nous avons les chiffres et c'est évident que cela coûte cher. Quand on connaît les coûts de construction aujourd'hui, tout le monde sait que c'est dispendieux. Nous allons continuer de faire des HLM. Il n'est pas question d'arrêter d'en faire sauf que, dans des endroits comme Montréal et même d'autres grandes villes du Québec, on ne réussit plus à trouver des terrains. Si vous demandez à la ville de Montréal son gros problème en matière de HLM, elle vous dira qu'elle a de la difficulté à trouver des terrains. Or, une des solutions qu'on peut envisager et qu'on est en train de tester, c'est de permettre à des locataires, à des familles démunies, de se loger dans des logements privés, dans le parc locatif privé, au même coût que dans un HLM. Donc, pour la famille démunie, il n'y a pas de différence, plutôt que d'être dans un HLM, être dans un logement ordinaire, mais l'avantage, c'est qu'elle peut être dans son quartier parce qu'on peut trouver des logements vacants dans les quartiers, sans la déplacer, et le coût est le même pour la famille démunie. Et la différence entre le loyer du marché et le loyer que paie le locataire est absorbée par le gouvernement.

Il y a deux choses à ce sujet, M. le Président - et je termine là-dessus - c'est que cette formule permet de loger tout de suite deux fois plus de familles que dans un HLM, mais au même prix. Donc, on en fait deux fois plus avec le même montant d'argent, ce qui est de nature à aider les gens; ce n'est pas vrai que les propriétaires font la passe avec cela parce que le prix du loyer, qui est fixé pour cinq ans dans le bail signé, est le même qui est exigé dans cet immeuble, pour les autres locataires. On ne paie pas de prime, donc pour le même loyer du marché, on obtient deux fois plus de locataires. Je pense donc que c'est une formule intéressante qui va permettre aux familles démunies et à un plus grand nombre de familles, de se loger dans leur quartier, plus rapidement.

Cela dit, je remercie les intervenants pour leur mémoire et leur point de vue, dont on tiendra certainement compte.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le ministre. Je cède maintenant la parole à M. le député de Shefford.

M. Paré: Oui, seulement pour vous remercier. Je dois dire qu'on va effectivement tenir compte des préoccupations dont vous nous avez fait part, sur le vécu quotidien des gens dans les quartiers centraux de Montréal. Pour ce qui est du dossier qu'a présenté le ministre sur l'aide via le secteur privé, étant donné qu'on a seulement une minute, je n'entreprendrai pas un débat là-dessus, mais je suis sûr qu'avec d'autres groupes, on aura l'occasion d'y revenir, j'en suis convaincu, avec les autres comités de logements ou associations de locataires. Merci beaucoup.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le député de Shefford. De brèves remarques

de conclusion.

Mme Lacelle: Oui, simplement pour finir, rapidement. Toutes sortes de débats qui ont été soulevés, dont celui sur les critères de sélection, et j'espère qu'on aura l'occasion d'y revenir quand ce sera à l'ordre du jour et non pas dans le débat d'aujourd'hui. Même chose pour le projet expérimentai de supplément au loyer dans le marché privé. Nous pensons qu'il existe d'autre type de solution que celui-là. Je mets le ministre au défi de trouver des logements vacants dans le Plateau-Mont-Royal, par exemple. Je lui suggère de penser à des formules comme l'achat-restauration pour construire des HLM s'il n'y a pas de terrain libre.

Cela dit, en ce qui concerne toutes les questions entourant la levée du moratoire, on voudrait revenir avec l'essentiel de ce qu'on avait à dire. Pour nous, il est inadmissible qu'on laisse aller le marché sans penser aux conséquences sociales et humaines de telle transformation. On n'est pas visés directement par cela, comme M. le député de Sainte-Marie l'a souligné, et on ose espérer que personne n'aura la sinistre idée de venir transformer les Habitations Jeanne-Mance en condo. Il aurait du "fun" pour les rénovations, en tout cas. Cela dit, on n'est quand même pas aveugle. On voit ce qui se passe autour de nous et comment des transformations comme celles-là viennent bouleverser un quartier complet, viennent le transformer et ont des conséquences qu'on n'a pas fini de compter, qu'on n'a pas fini de nommer, pour les personnes qui se font changer de place ainsi.

On termine en répétant qu'on s'oppose à la levée du moratoire et qu'on revendique des mesures de contrôle serrées.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie de votre participation aux travaux de notre commission. À ce moment-ci, je demanderais au Regroupement information logement de Pointe-Saint-Charles Inc. de prendre place, s'il vous plaît.

Bonjour. Permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue à cette commission. Je demanderais maintenant à Mme la porte-parole de bien vouloir s'identifier et d'identifier aussi les gens qui l'accompagnent pour le bénéfice des parlementaires.

Mme Stanhope (Thérèse): Bonjour. Mon nom est Thérèse Stanhope et, à ma droite, se trouve Mme Murielle Sauvé; à ma gauche,

Mme Marie-Josée Corriveau. Nous sommes toutes les trois représentantes du Regroupement information logement de Pointe-Saint-Charles Inc.

Le Président (M. Saint-Roch): Sur ce, madame, je vous cède maintenant la parole pour quinze minutes.

Regroupement information logement de Pointe-Saint-Charles Inc.

Mme Stanhope: Merci. Le Regroupement information logement est implanté depuis une dizaine d'années dans le quartier de Pointe-Saint-Charles, à Montréal, dans le comté de Sainte-Anne. Il regroupe quatre équipes. Le comité logement, le comité Saint-Charles, le SARP qui est un groupe de ressources techniques et la SOCAM qui est une société acheteuse sans but lucratif. Un de ces principaux objectifs est d'améliorer les conditions de logement et d'assurer le maintien dans les lieux de la population résidente.

Les réalisations du RIL depuis sa fondation. Grâce au travail de ces différentes équipes, le RIL a activement participé à la formation de près de 40 coopératives d'habitation regroupant près de 370 ménages. Cela répond à 10 % des besoins du quartier. Le comité logement, pour sa part, a contribué activement à améliorer les conditions de vie de plus de 2000 locataires. Il en a regroupé, a préparé des recours collectifs et a largement diffusé des feuillets d'information. Il continue de sensibiliser les locataires à leurs droits. 5000 citoyens et citoyennes du quartier ont appuyé le comité Saint-Charles lorsqu'il a mis sur pied son projet. Cet appui a été donné par la signature d'une pétition qui a été présentée au gouvernement. Évidemment, tous les groupes communautaires du quartier ont aussi appuyé le comité Saint-Charles.

Ce dernier compte actuellement plus de 360 ménages membres, dont une centaine font maintenant partie de coopératives d'habitation grâce à son travail et à celui du SARP. Quant à la SOCAM, elle a acheté plus de 240 unités de logement pour les revendre à des coopératives d'habitation, les retirant ainsi du marché spéculatif. De cette façon, elle a sauvé des centaines de ménages qui, autrement, étaient menacés d'éviction ou de rénovation impliquant des hausses de loyer largement au-dessus de leur capacité de payer. Elle est actuellement propriétaire gestionnaire de 70 unités d'habitation.

Beaucoup de choses ont été réalisées, mais cela reste insuffisant en regard des grands besoins du quartier que Mme Trépanier a été en mesure de constater, lors de sa visite, et que M. Polak connaît très bien aussi, puisqu'on est situés dans son comté, il voit de près les besoins.

Je vais vous décrire un peu notre quartier de Pointe-Saint-Charles qui est situé à Montréal, M. le ministre. Pointe Saint-Charles est délimitée au nord par le canal Lachine, à l'est et au sud par l'autoroute Bonaventure et le fleuve Saint-Laurent, et à l'ouest par la voie ferrée et la voie d'accès au pont Champlain. Ceinturée de toute part, voire isolée, Pointe-Saint-Charles n'en

demeure pas moins un secteur convoité par les investisseurs immobiliers. Son principal attrait est la proximité du centre-ville de Montréal. .

Maintenant, je vous donne le profil socio-économique de la population résidante. En fait, comme la plupart d'entre vous le savent sûrement, Pointe-Saint-Charles est un quartier composé principalement de gens à faible revenu, dont une proportion grandissante de familles monoparentales qui compose 40 % des familles du quartier. En fait, c'est un décalage considérable par rapport à la moyenne montréalaise évaluée à 16,8 % en 1981. il y a un taux d'analphabétisation de 55 % dans la population du quartier. Celle-ci est affligée d'un taux de chômage deux fois plus élevé que la moyenne de la région métropolitaine. Trois ménages sur quatre dépendent de prestations d'aide sociale. C'est une population dont 43 % des ménages vivent sous le seuil de la pauvreté. En fait, le revenu annuel d'une personne seule se situe à 7300 $ et celui d'une famille à 16 100 $.

Il y a une grande incidence de la pauvreté sur la santé de la population. Une étude du ministère des Affaires sociales, effectuée en 1976, démontre qu'on enregistre un taux de mortalité de 65 % supérieur à la moyenne québécoise dans les quartiers de Pointe Saint-Charles et de Saint-Henri. Le stock de logements est formé de 5700 unités dont 3400 auraient besoin de rénovation et dont seulement 771 ont fait l'objet de travaux importants. La plupart des chiffres que je viens de vous citer viennent de Statistique Canada et datent de 1981. Ceux de 1986 ne sont pas encore connus, mais nous sommes d'avis qu'ils risquent d'être pires encore.

Selon les données officielles, ce portrait de la population de Pointe-Saint-Charles reflète un niveau de pauvreté inégalé au Québec. Toutefois, les statistiques ne peuvent révéler le fait que cette population forme un noyau vivant et enraciné géographiquement. Les gens du quartier se connaissent, fonctionnent en réseau de familles, d'amis et de voisinage, et entretiennent des souvenirs et des désirs pour le quartier. De plus, la vie de quartier témoigne de la densité du tissu social. Le sentiment d'appartenance au quartier est bien réel, on le retrouve inscrit dans les projets qui cherchent des solutions aux problèmes actuels.

Il ne faudrait donc pas anéantir tout ce travail fait par cette collectivité en retirant les aides gouvernementales ou en appliquant des politiques et des programmes non appropriés et mis sur pied sans consultation auprès de la population, telle la levée du moratoire sur la conversion des immeubles locatifs en copropriété divise.

M. le ministre, Pointe-Saint-Charles est un quartier convoité. Ce quartier, tout comme les autres quartiers populaires autour du centre-ville de Montréal, est aux prises avec le processus d'embourgeoisement, sur lequel sa population n'a que peu de contrôle. Déjà, le quartier change. Il n'y a plus d'emploi, mais il y a des condos. Les développeurs de l'immobilier convoitent ce quartier si bien situé au coeur de la ville. Les abords du canal Lachine, la proximité des voies rapides, la vulnérabilité économique de la population et l'annonce de la levée du moratoire sur la conversion en copropriété divise, tout cela en a fait un secteur particulièrement attrayant pour les vendeurs de logements luxueux.

Nos inquiétudes ne sont pas des lubies, M. le ministre. Aux premières loges, Pointe-Saint-Charles a été témoin de la transformation radicale de sa voisine, la Petite Bourgogne dont on a parlé plus tôt ici. Pour nous, il n'est pas question que cela se répète à Pointe-Saint-Charles. On ne veut pas d'un quartier qui profite aux intérêts de quelques-uns, mais nous voulons que les résidents et les résidentes actuels, la communauté de Pointe-Saint-Charles, puissent avoir droit de cité. (12 h 45)

Malgré toute cette détermination, nous sommes obligés de constater que la spéculation foncière commence à faire des victimes et menace la population d'exil. Depuis déjà quelques années, les principaux problèmes qui frappent les locataires de Pointe-Saint-Charles sont les évictions pour rénovations majeures et les reprises de possession. Les évictions ont toujours été vécues douloureusement parce qu'en quittant leur logement, les gens perdent une partie de leur histoire et, parfois même, leur réseau d'entraide et de solidarité. De plus, au cours des derniers mois, les évictions ont pris littéralement des allures de cauchemar. À titre d'exemple, nous avons annexé au présent mémoire un rapport du comité logement relatant précisément le harcèlement qu'ont dû endurer des locataires du quartier de la part de leur propriétaire bien décidé à se débarrasser d'eux.

Sans reprendre ici tout le rapport, on doit tout de même rappeler que les locataires dont il a été fait mention ont été harcelés, ont été privés de services essentiels, ont perdu des biens à la suite de bris de plomberie, ont été volés et même menacés de mort. Malgré le recours à la Régie du logement, malgré une injonction à la Cour supérieure, le propriétaire a réussi à évincer tous ses locataires. Quant au locataire qui a tenu le coup le plus longtemps, il n'a obtenu que 1500 $ de dédommagement, ce qui est un montant ridicule en regard des préjudices subis.

Il est important aussi de mentionner que tous ces événements se sont produits dans un quadrilatère où, justement, il y a un

développement de condos de luxe. Et même si cette histoire semble invraisemblable, elle n'est malheureusement pas unique. Dans ce contexte, M. le ministre, la levée du moratoire serait catastrophique. Elle activerait le processus de "gentrification" du quartier, l'exil de sa population actuelle et son appauvrissement. Ce serait faire des ménages de Pointe-Saint-Charles les prochains candidats à l'itinérance.

La levée du moratoire va à rencontre de la population de Pointe-Saint-Charles, quartier qui compte une population essentiellement à faible et à modeste revenu. De ce fait, il est peu probable, sinon impensable que cette population puisse acheter les logements qu'elle habite, bien que depuis tout ce temps, elle les a déjà payés plus d'une fois. De toute façon, rares sont les résidents et les résidentes du quartier qui pourraient obtenir des prêts hypothécaires en vue de cet achat. D'ailleurs, plus d'un propriétaire a dû vendre au cours des dernières années, ne pouvant plus assumer les charges financières de leur maison.

Certaines de ces maisons ont été achetées par la Société d'amélioration de Pointe-Saint-Charles, la SOCAM. Cette dernière a pu ensuite les céder à un OSBL ou à une coopérative d'habitation. De cette façon, on a maintenu les locataires dans les lieux et, par des subventions au logement social, on a rénové les bâtiments. Les loyers respectent enfin la capacité de payer des locataires à faible revenu et, surtout, les locataires contrôlent maintenant leurs conditions de logement.

Par contre, dans d'autres cas - ce sont là, malheureusement, les plus courants - les propriétaires ont vendu à des investisseurs comptant bien faire profiter leur nouvelle acquisition. Le scénario suivant de telles transactions est de plus en plus et toujours le même: Éviction pour rénovations majeures ou pour reprise de possession. Il est évident que les propriétaires se préparent à la levée du moratoire. Sachant que la majorité des locataires ne pourront acheter leur logement, les propriétaires tentent déjà de les faire quitter ou d'aller chercher une clientèle plus fortunée. Ils évincent, rénovent, augmentent abusivement les loyers et font entrer de nouveaux locataires plus riches, c'est-à-dire des acheteurs potentiels.

De plus, les mesures d'encadrement sont loin de nous rassurer quand il s'agit de faire face au harcèlement des propriétaires. Tant et aussi longtemps qu'on considérera le logement comme un investissement duquel on peut attendre des profits, tant et aussi longtemps que les démarches pour faire appel à la Régie du logement ou à la Commission des droits de la personne seront aussi longues et lourdes, les mesures d'encadrement en cas de levée du moratoire seront sans effet pour les plus démunis.

Mme Corriveau (Marie-Josée): Le portrait du quartier étant dressé, on voudrait maintenant vous présenter nos recommandations, parce qu'il y a effectivement des alternatives pour aider Pointe-Saint-Charles, pour aider les plus démunis. Ce avec quoi, M. le ministre, vous devriez être d'accord, puisque cela fait partie de vos engagements électoraux. Il faut développer des mesures ayant pour but d'améliorer la situation des gens du quartier en comblant un besoin fondamental, le logement, et en respectant le tissu social d'un milieu bien vivant. Nos recommandations impliquent directement le gouvernement du Québec parce que, à l'heure actuelle, le niveau de pauvreté à Pointe-Saint-Charles justifie des interventions rapides de la part de celui-ci. Il devient urgent de protéger les gens les plus démunis.

Pour garantir le maintien en place de la population qui désire demeurer à Pointe-Saint-Charles tout en améliorant les conditions actuelles du logement, il faut multiplier les interventions antispéculatives. De ce fait, nous voulons le maintien et l'extension du moratoire sur les conversions. Le gouvernement du Québec doit maintenir le moratoire sur la conversion des bâtiments résidentiels en copropriété divise. De plus, il doit prendre une position claire en faveur de l'extension de ce moratoire pour les bâtiments de moins de cinq logements.

Le gouvernement du Québec doit donner aussi des dents à la loi 107 sur le logement locatif, particulièrement en ce qui a trait aux évictions par reprise de possession pour rénovations majeures. En fait, on pourrait, entre autres, mettre à l'intérieur de la loi 107 des mesures d'encadrement qui sont proposées dans le document du ministre, mais ce, sans lever le moratoire. Le gouvernement ne doit aussi accorder que des subventions conditionnelles à la rénovation résidentielle.

Au sujet du canal Lachine, on le sait, les terrains aux abords du canal Lachine sont très convoités. Cette zone bordée d'un espace public linéaire ceinturé d'une ancienne zone industrielle offre un potentiel de développement d'une grande valeur. Les enjeux d'aménagement y sont d'ailleurs très grands et font fréquemment l'objet de fortes discussions dans le quartier à la ville de Montréal et dans les journaux. Il faut s'assurer que le développement du canal serve la population de Pointe-Saint-Charles. Le canal doit donc demeurer un espace public qui lui est accessible. Pour favoriser l'appropriation publique des abords du canal et décourager ie3 fonctions pouvant nuire à la population résidante, il faut rejeter catégoriquement l'idée de condos de luxe sur le canal.

De ce fait, nous voulons que le gouvernement du Québec refuse toute contribution financière ou autre aux projets situés sur le canal Lachine qui pourraient concourir à la spéculation dans le quartier. De plus, pour tout projet de transformation des sites dans lequel il pourrait être impliqué, le gouvernement du Québec doit s'engager à en étudier les impacts sur la vocation de parc, de même que sur la population résidante de la pointe.

Concernant l'accès au logement social, pour encourager les projets locaux de . développement résidentiel à contrôle communautaire et favoriser la prise en charge du cadre résidentiel par les résidents et les résidentes, il faut multiplier les projets de rénovation et de construction adaptés aux besoins de la population et à sa capacité de payer.

De ce fait, nous voulons le maintien des programmes d'aide au logement social et nous voulons que les gouvernements, dont celui du Québec, y injectent tous les fonds nécessaires. De plus, le gouvernement du Québec doit soutenir le projet Saint-Charles, la SOCAM, le Comité logement de Pointe-Saint-Charles et le Service d'aide à la rénovation de Pointe-Saint-Charles qu'est la GRT, c'est-à-dire tous ces organismes qui mettent tout en oeuvre pour promouvoir et défendre les droits de la population résidante du quartier et pour augmenter le stock de logements collectifs à but non lucratif pour les ménages à faible revenu.

Mme Stanhope: En conclusion, M. le ministre, dans le quartier, nous sommes conscients et conscientes qu'il n'est guère réaliste de vouloir tout demander tout de suite. Mais nous sommes aussi conscients et conscientes que, quotidiennement, des sommes publiques sont dépensées et que des politiques sont adoptées selon des choix qui peuvent être remis en question.

Nous croyons que la survie d'un quartier et son développement sont question de choix. Les nôtres sont faits, M. le ministre. Nous voulons améliorer le quartier, ses logements, son cadre de vie et surtout respecter la population. Or, lever le moratoire sur la conversion en copropriété divise serait en complète contradiction avec ce principe. Cela pénaliserait les ménages à faible revenu, puisqu'ils subiraient le harcèlement des propriétaires convertisseurs, qu'ils subiraient de fortes hausses de loyer et devraient quitter probablement leur logement et le quartier.

Toute décision des gouvernements en matière d'habitation devrait plutôt prendre appui sur le respect des populations les plus vulnérables et viser deux objectifs prioritaires. D'abord, accroître la protection des locataires les plus appauvris face au mouvement spéculatif et de "gentrification" des quartiers populaires et, ensuite, améliorer les conditions de logement des plus démunis, stimuler la réalisation de projets visant à leur fournir des habitations décentes à des prix abordables et à leur permettre un meilleur contrôle de leurs conditions de logement.

En ce sens, nous comptons sur votre gouvernement pour qu'il choisisse d'intervenir vigoureusement afin de freiner l'appauvrissement des quartiers populaires et de limiter dès maintenant les causes de l'itinérance.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, madame. Je cède maintenant la parole à M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, si vous voulez, j'aimerais que vous reconnaissiez le député de Sainte-Anne qui a des questions très pertinentes à poser à nos amis de Pointe-Saint-Charles.

Le Président (M. Saint-Roch): Je cède maintenant la parole à M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Merci, M. le Président. D'abord, je voudrais souhaiter la bienvenue aux représentants du RIL et aux gens de Pointe-Saint-Charles qui sont tous très actifs dans le dossier du logement social. Comme je l'ai toujours dit et comme je l'ai appris, le mot solidarité signifie beaucoup. Je pense que c'est important qu'on réalise qu'on parle de toute une communauté qui vient faire le point ici.

Je dois vous dire que le dossier du logement social est extrêmement difficile. C'est grâce à vous et à ce mouvement du logement social à Pointe-Saint-Charles que j'ai appris, après des années, d'abord dans l'Opposition et maintenant au gouvernement, comment le problème est complexe et comment il s'agit d'un dossier où il faut vraiment représenter le comté et connaître les gens et rencontrer les groupes, parler et discuter avec eux, pour mieux les comprendre.

Je me rappelle très bien la raison pour laquelle je suis ici, à cette commission, parce que je ne suis pas membre de cette commission. C'est que, Mme Stanhope, vous vous rappelez, on a parlé longuement du document du ministre au début de l'été, j'ai vu tout de suite qu'il y avait une réaction, pas seulement de vous autres mais généralement dans mon comté, avec énormément d'inquiétude. Je me rappelle aussi qu'on avait dit: La consultation n'est pas une vraie consultation parce que le ministre a sans doute déjà décidé, et je pense que j'ai entendu le mot consultation bidon. J'ai dit: Je ne crois pas cela, je crois vraiment que c'est une consultation où l'on

veut savoir ce que la population pense partout dans le Québec. Je vous ai dit que je voulais tenter de devenir membre de cette commission juste pour ce dossier qui est très important dans mon comté et que je croyais qu'il y avait assez de consultations, qu'il n'y avait rien dans le béton ou de décidé d'avance et que je pensais qu'une décision serait prise plus tard après avoir écouté tout le monde.

Je suis heureux de constater que, quant à moi j'ai vu cela parce que je suis ici depuis lundi, il ne s'agit pas du tout d'une consultation bidon parce qu'on a religieusement écouté tous les différents mémoires et toutes les inquiétudes qui existent dans tous les groupes et aussi, ceux qui sont en faveur de la proposition. Je pense que beaucoup de pistes très intéressantes ont été développées. Je vous demande... et je sais que, quant à vous, j'ai toujours considéré vos approches d'une manière très positive. J'ai appris beaucoup et je vais faire tout mon possible pour faire valoir votre point de vue à l'intérieur de notre formation. Évidemment, ce n'est pas moi qui contrôle tout. J'espère et je sais que le ministre est certainement flexible parce que, hier déjà, il s'est exprimé là-dessus plusieurs fois devant d'autres groupements. On est ici et le ministre joue évidemment un rôle primordial pour écouter, afin de faire saisir le problème.

Tout à l'heure, quand on a parlé de la Petite Bourgogne, vous aviez raison et l'autre groupement avait raison. Ce qui est arrivé dans la Petite Bourgogne, c'est que, maintenant, c'est un quartier d'où les gens ont été chassés, ils ne sont plus là et cela a été remplacé par ce condo bien neuf et bien beau évidemment à Pointe-Saint-Charles. Mme Trépanier était là avec moi quand vous l'avez invitée, pendant une visite. Je suis d'accord avec vous...

Mme Stanhope: Pariant de la Petite Bourgogne, M. Polak, je n'en parle pas à partir de statistiques. J'en parle pour avoir vécu le problème, pour avoir été chassée de ce quartier. Il est évident que les problèmes qui ont été amenés ici, plus tôt, sont réels, ils existent, ils créent un climat social inacceptable. C'est ce que nous craignons qu'il se produise à Pointe-Saint-Charles qui est le quartier voisin et c'est évidemment ce qu'on trouve inacceptable et qu'on ne va pas accepter.

Quand vous parliez tantôt, M. Polak, au nom du ministre - je pense qu'il est là - on a l'impression que sa décision quant à la levée du moratoire est prise. Ce sur quoi il nous consulte, c'est sur les mesures d'encadrement. Alors, on vous dit, on vous répète, M. le ministre, que cela ne nous enlève pas nos inquiétudes pénibles pour les gens à revenu modeste, actuellement. Cela va être pire encore avec la levée du mora- toire et nous, évidemment, on dit que cela ne peut pas se faire à moins de se faire sur le dos des plus démunis, ce qu'on ne pense pas que vous ayez l'intention de faire et ce qu'on n'acceptera pas qu'il se fasse de toute façon. (13 heures)

M. Polak: Je ne voudrais pas vous questionner. Dans le mémoire, vous soulevez des points très importants et j'ai noté que vous avez sauté certaines sections avec beaucoup de statistiques très intéressantes pour les membres de la commission, à cause d'une limite de temps. Mais, en fait, on retrouve le même message de d'autres groupements de locataires, de personnes âgées et de toutes sortes de groupes dans la population.

Je voudrais me servir un peu de l'occasion de votre présence ici, pour vous demander vos commentaires, dans le vécu, sur quelques points que le ministre a soulevés ce matin, et ce, dans l'optique d'avoir une discussion constructive. Parce que très souvent, je pense que le message qui va être donné directement, c'est plus fort.

Deux points: Le ministre a parlé de la question des coopératives. C'est la politique de donner du support à ceux qui sont le plus dans le besoin, les plus faibles, disons, au point de vue social et économique. Il a été mentionné que, peut-être, il y a certaines classes de personnes qui ne sont plus en mesure d'appliquer parce que, simplement, ils gagnent trop, même s'ils gagnent un peu en dessous du seuil de pauvreté, ils sont encore très pauvres. Disons, hypothétiquement, s'il y avait une augmentation des critères, est-ce que cela n'aurait pas comme conséquences que ceux qui sont dans le besoin auront moins de parts au gâteau.

Je voudrais simplement avoir votre opinion là-dessus parce que le ministre, tout de même, dans 3on message dit: J'ai un certain gâteau, je donne cela - en coopération avec le fédéral - à ceux, disons, qui sont les plus faibles. Maintenant, on va augmenter cela un peu. Où est le danger dans cela?

Mme Stanhope: Je suis très contente que vous posiez cette question. Cela fait plusieurs fois que j'entends M. Bourbeau mentionner à une autre commission parlementaire, à Québec, entre autres, qu'il y a des gens qui vivent en coopératives et qui sont trop riches pour être là.

Laissez-moi vous dire que... Vous avez posé la question à Québec... Quels sont vos moyens de contrôle quand les gens deviennent trop riches? Je me souviens de ce que vous aviez employé, à l'époque, comme situation: quelqu'un qui gagne la loterie. D'abord, les chances sont très minces, vous le savez, mais en tout cas... Admettons quelqu'un qui pourrait être plus réaliste,

quelqu'un qui améliore son revenu... Evidemment, dans une coopérative, c'est établi en fonction du revenu des gens jusqu'à un loyer de marché.

Les gens qui ont des revenus plus élevés et qui habitent déjà des coopératives depuis quelques années paient un loyer de marché. Donc, ces gens-là, évidemment, ne reçoivent pas d'aide de supplément au loyer. Ils vivent dans une coopérative dans laquelle ils ont investi de leur temps parce que c'est l'esprit d'une coopérative. Les gens s'impliquent et ces gens paient le prix du marché. Par contre, les gens qui doivent débourser plus de 25 % de leur revenus paient selon leur revenu. Maintenant, au Québec, il y a un programme qui s'adresse spécifiquement aux personnes à faible revenu, votre programme: Catégorie 1.

Evidemment, on ne va pas vous dire que ce n'est pas correct; en fait, on dit: Ce sont les gens qui ont besoin d'être aidés, cela va. Il y a, ensuite, la Catégorie 2 où les gens ne reçoivent pas l'aide. Le hic, c'est qu'il y a entre les deux une population que nous décrivons comme la population des 15 000 $ - 25 000 $ qui eux, en dépit de ce que vous avez dit tantôt, M. Bourbeau, sont trop riches pour être acceptés dans des HLM. Je ne sais pas d'où vous tenez vos informations, mais je peux vous dire, qu'entre autres, à Montréal une personnne seule qui a un revenu de plus de 1200 $ par mois n'est pas éligible à un HLM, donc, il y a des contrôles. Ce sont des gens - et j'en vois de ces familles-là à la Petite Bourgogne - qui sont trop riches pour être dans des HLM ou des coopératives de Catégorie 1 et trop pauvres pour être dans une coopérative de la Catégorie 2. Ce sont les gens qui se situent avec des revenus entre 15 000 $ et 25 000 $. Ce sont des gens qui sont laissés pour compte, actuellement, qui ne sont pas riches, qui auraient, en fait, besoin d'être aidés. On en connaît, on a des familles à Pointe-Saint-Charles qui sont sur la liste d'attente du comité Saint-Charles, qui sont dans cette situation et on est incapable actuellement de répondre à leurs besoins.

M. Polak: Maintenant...

Mme Stanhope: Est-ce que ça répond à votre question?

M. Polak: Oui. Je suis d'accord avec vous...

Mme Stanhope: J'espère que le ministre a lui aussi compris la réponse.

M. Polak: Voilà. Le point que je voulais souligner - je n'ai pas encore eu de réponse là-dessus - c'est que, moi, je suis d'accord avec vous: ils ne sont pas riches et ils méritent une aide. Disons qu'on donne une aide à ces gens. Disons qu'un tel programme existe, mais que le gâteau financier total disponible soit le même, cela ne voudrait-il pas dire qu'on enlève un peu d'argent à ceux qui sont vraiment encore plus dans le besoin? C'est ça que je voudrais savoir.

Mme Stanhope: Je suis encore contente que vous posiez cette question. Ce qu'on dit...

M. Polak: Je pose toujours de bonnes questions.

Mme Stanhope: ...dans notre mémoire -on dirait qu'on s'est arrangé avant. Ce n'est pas le cas - c'est que l'habitation sociale c'est une question de choix, mais pas une question de choix entre les plus démunis et les un peu moins bien nantis. C'est une question de choix, de priorité. C'est aussi, à notre avis, une question de politique globale d'habitation.

M. Polak: D'accord. Maintenant, deuxième point. Il a été soulevé plusieurs fois auparavant lors de discussions avec des groupements dans mon comté: la formule de supplément de loyer, disons le projet pilote de date toute récente. Personnellement, quand cela m'a été présenté, j'ai vu l'avantage de cela. Je me le suis expliqué comme suit. J'ai dit: Voici un locataire, comme disait le ministre ce matin, qui peut rester dans son logement parce que, même si le prix est un peu plus élevé que ce que le locataire est capable de payer, la différence va être assumée, disons, par le gouvernement. Au lieu d'avoir un HLM où tout le monde est dans des grandes tours, etc., cela donne aux gens une occasion de rester dans leur appartement. La réponse que j'ai souvent reçue dans la communauté était: Ce n'est pas vrai. Ce n'est pas une subvention aux locataires. C'est plutôt le propriétaire qui en bénéficie... il va amélioré, etc. À un moment donné, le loyer va augmenter, etc. Voulez-vous m'expliquer un peu les inquiétudes sur le plan pratique qui existent dans cette formule? Moi vraiment je me dis que je me sers de cette occasion pour peut-être passer le message au ministère, au ministre et aux fonctionnaires et dire: Peut-être qu'il s'agit d'une question de contrôle d'un programme. Je ne le sais pas. J'ai entendu parler qu'il y aura un gros contrôle. Que suggérez-vous qu'on pourrait faire sur le plan positif parce que tout de même je trouve cela un projet pilote intéressant.

Mme Stanhope: Notre position, là-dessus, est qu'en fait nous autres on appelle cela du "patchage". C'est évident. On dit: Pour nous, là encore, ce sont des choses, des programmes qui sont mis sur pied avec une très courte vue. On dit: On va aider des

gens. En fait ceux qui reçoivent l'aide, c'est plus les propriétaires que les locataires parce qu'on va payer la différence entre ce que cela coûterait dans un HLM et ce que le locataire a à payer. Cependant, cette mesure va être pour une période de cinq ans. Ce n'est pas ça? Vous faites signe que non. Ce n'est pas ça?

M. Bourbeau: On n'aide pas le propriétaire. Le propriétaire, lui, reçoit exactement le même loyer s'il loue à une personne démunie que s'il loue à une personne non démunie.

Mme Stanhope: Exactement, sauf que la différence...

M. Bourbeau: Lui n'a pas d'aide supplémentaire. Il reçoit le loyer du marché. Mais la personne démunie, elle, voit son loyer payé à 50 % par le gouvernement. Donc, c'est elle qu'on aide.

Mme Stanhope: On dit la même chose, mais de façon différente. C'est-à-dire qu'on dit...

Une voix: C'est très différent là.

Mme Stanhope: Oui. Je ne dis pas que le loyer va être le prix du marché sauf que le locataire va payer ce qu'il paierait dans un HLM et la différence va être payée par le gouvernement.

M. Bourbeau: Sauf que ça coûte deux fois moins cher au gouvernement qui pourra en faire deux fois plus.

Mme Stanhope: Je vais finir mon intervention, M. Bourbeau. À ce moment - et ça c'est pour une période de cinq ans - le locataire qui va être aidé n'a aucune garantie, il ne lui reste rien. Si on investit des fonds dans la construction de HLM, ça reste une propriété collective et il reste quelque chose qui est utilisé non pas sur une période de cinq ans. Si les gens améliorent leur condition économique, évidemment, d'autres personnes vont pouvoir en bénéficier. Savez-vous à quoi cela me fait penser? En mère de famille que je suis, c'est comme si je disais: Vous dites, ça coûte moins cher. Ça coûte moins cher, mais il faut regarder ce que cela apporte, ce que cela va laisser. C'est comme si je disais à ma famille: Ça va me coûter le même prix. On va toute la famille coucher dans un hôtel luxueux comme ici, ça va me coûter le même prix que le loyer que ça me coûte, sauf qu'on va coucher un soir peut-être alors que dans un loyer on serait là pour un mois.

Je trouve que c'est ça le raisonnement dans votre programme.

Le Président (M. (Saint-Roch): Je m'excuse, le temps alloué à la formation ministérielle étant écoulé, je cède maintenant la parole à M. le député de Shefford, en vous rappelant que vous avez treize minutes pour vos questions.

M. Paré: Merci beaucoup, M. le Président. Je vous souhaite la bienvenue et je vous félicite, premièrement, pour tout ce que vous avez fait dans votre quartier. À voir le début de votre mémoire, les réponses et les suggestions que vous amenez, je dois dire que vous connaissez vraiment bien le dossier, vous êtes en mesure de nous donner un éclairage important. Je reprendrai quelques points.

Est-ce que c'est une consultation bidon? J'ose espérer que non, exactement comme mon collègue, votre député. On le saura seulement en octobre, parce que le ministre répète depuis hier que, effectivement, il a décidé de déposer une politique sur la levée du moratoire au mois d'octobre. Que contiendra-t-elle? Je ne le sais pas. J'ose espérer que le message que votre député a passé quand il dit: Si le moratoire est levé, les promoteurs vont chasser les personnes âgées et les pauvres de leur logement. Je viens de citer votre député. J'espère que si lui le dit, l'autre a compris. Je ne suis pas sûr, mais je trouve cela important.

Je vous entendais parler sur le dernier point, les HLM. Je dois dire que le discours du ministre est un peu contradictoire quand, en même temps, il glorifie l'accès à la propriété, demande à tous les locataires de devenir propriétaires, mais dit, comme responsable de la Société d'habitation du Québec, qu'il fait machine arrière; qu'il veut devenir locataire de l'entreprise privée et ne plus bâtir. À un moment donné, il faut être constant. Si c'est payant pour les citoyens, pourquoi ne serait-ce pas payant pour le gouvernement? Je dois vous dire qu'il y a des HLM chez nous, entre autres, qui commencent à être rentables, parce qu'ils sont payés. Avec le temps, si c'est payant pour des citoyens - vous dites que l'entreprise privée est le modèle à suivre et que le gouvernement veut suivre ce modèle -peut-être le ministre devrait-il tenir compte que c'est peut-être plus payant d'être propriétaire que locataire.

Vous avez parlé de politiques, de programmes d'aide, de démarches. Est-ce que vous ne trouvez pas absurde la proposition qui nous est faite, qui est clarifiée un peu ce matin, et qui dit: Oui, je vais déposer, en octobre, un projet de loi sur la levée du moratoire - peu importe ce qu'il y a dedans, comme je vous le disais, j'ai hâte de le voir aussi - et, qu'en même temps, il dise aux groupes qui vous ont précédés: on va déposer dans les semaines qui suivent - donc en octobre ou novembre, octobre probablement -

un document sur une politique générale d'habitation? Comment peut-on déposer un projet de loi sur un point particulier pour ensuite revenir avec une politique générale? Est-ce que ce n'est pas le temps de passer le message au ministre pour dire: N'allez donc pas à reculons, allez-y donc selon une logique normale: la politique générale et globale d'habitation avec des programmes d'aide ensuite, on considérera la levée du moratoire dans cette politique, et non pas avec un projet de loi en octobre et une consultation après.

À ce moment-là, cela voudrait dire: Qu'est-ce qu'on fait là? Ce serait une consultation bidon. J'ai une première question: À qui pensez-vous, finalement -vous en avez parlé un peu, mais je tiens à revenir là-dessus parce que c'est le fond du dossier dans bien des quartiers de Montréal -à qui va profiter la levée du moratoire? Est-ce que ce sont les locataires parce qu'ils pourront accéder plus facilement à la propriété? Est-ce que ce sont les spéculateurs ou si ce sont les coopératives, compte tenu de la proposition gouvernementale telle qu'elle est? Est-ce que vraiment, chez vous, dans votre quartier, les locataires pourront accéder à la propriété ou auront-ils les moyens techniques et financiers d'y accéder d'une façon collective?

Mme Stanhope: Évidemment, dans notre mémoire, on parle pour notre quartier, mais je vous ferai remarquer qu'il y a d'autres quartiers populaires dans la province qui sont dans la même situation. Évidemment, les gens n'ont pas le "cash" nécessaire, le fric pour acheter leur maison. La plupart d'entre eux, de toute façon, ne peuvent pas avoir de prêt hypothécaire. Quand on nous dit que cela permettra à plus de gens d'avoir accès à la propriété, on est obligé d'avoir des doutes dans le sens où des gens qui, maintenant, ont les moyens... Je voyais ce matin, dans La Presse, qu'il y a vraiment un taux de vacance très élevé dans les condominiums à Montréal. On disait: Évidemment, la levée du moratoire va régler un des problèmes de vacance dans les condos de luxe.

Je n'annonce rien et je n'apprends rien à personne quand je dis que cela va profiter aux marchands d'habitations, aux promoteurs, à ceux qui spéculent, à ceux qui font du logement leur source de revenu. Ce ne sont pas des revenus modestes, je n'apprends rien à personne là-dessus, encore une fois. C'est sûr que pour nous, dans notre quartier et dans des quartiers comme le nôtre, cela n'a aucun avantage. Non seulement, cela ne représente aucun avantage, mais cela nous menace fortement dans notre capacité de pouvoir continuer à demeurer dans des logements qui ont de l'allure. Même si, et on le voit, nos quartiers sont convoités, quand les gens qui sont plus fortunés viennent dans nos quartiers, que pensez-vous qu'ils achètent en premier? Les meilleurs logements. Ce qui reste pour les gens à revenu plus modeste, c'est ce qui a besoin de plus de rénovations. Les propriétaires - j'entendais cela à la radio dans une émission sur la question, la semaine dernière •- se plaignent déjà que cela coûte trop cher pour rénover. Imaginez quand, en plus, on a des logements de plus de 100 ans - et on retrouve cela à Pointe-Saint-Charles - c'est sûr qu'ils ne sont pas intéressés à les acheter pour les rénover. Ils achètent les bons logements qui n'ont pas besoin de beaucoup de rénovations et ce qui reste, pour les gens à faible revenu, c'est ce qu'il y a de plus taudis et c'est ce que les propriétaires ne veulent pas acheter pour rénover. Nous, on dit: la seule façon de rénover efficacement, c'est par le biais du logement social et par le biais de la propriété collective, sans but lucratif, évidemment.

(13 h 15)

M. Paré: Votre député disait aussi que les propositions du ministre créent plus de problèmes qu'elles vont en régler. A votre avis, y a-t-il, dans la proposition gouvernementale, au moins quelque chose qui vous avantage?

Mme Stanhope: En fait, on trouve que les mesures d'encadrement, si elles étaient intégrées à la loi 107 sans la levée du moratoire, ce serait bien.

M. Paré: D'accord, à la condition qu'il n'y ait pas de levée du moratoire.

Mme Stanhope: Absolument. On dit un non catégorique à la levée du moratoire.

M. Paré: En fait, dans ce que vous venez de dire, vous rejoignez passablement ce que la ville de Montréal a dit dans sa présentation et dans son mémoire, c'est-à-dire que, si on met en oeuvre la décision du ministre de lever le moratoire, cela voudra dire qu'on va créer une psychose des deux côtés: chez les spéculateurs pour se dépêcher et chez les propriétaires pour vendre et faire des profits et, de l'autre côté, encore plus de problèmes parce que la psychose va être l'insécurité et l'inquiétude pour les gens en place. Une personne qui est, depuis longtemps, sur le boulevard Saint-Joseph dans un édifice de 75 ans, elle est bien, mais à partir de maintenant, il n'y a plus de sécurité. Est-ce que vous seriez plus enclin à favoriser - je ne sais pas si vous en avez pris connaissance - la proposition de la ville de Montréal par rapport à ce qui est ici?

Mme Stanhope: Écoutez, on n'a pas lu le mémoire de la ville de Montréal. Comme une autre intervenante l'a dit ce matin, ce

qu'on en a su, c'est ce qui a été rapporté dans les journaux. Cependant, j'insiste sur le fait que les mesures d'encadrement devraient exister sans la levée du moratoire. M. le ministre, vous avez laissé entendre que si la situation était à ce point catastrophique... Quand on vous parle d'évictions sauvages, quand on vous parle de gens qui sont jetés hors de leur logement pour des rénovations majeures, vous nous dites: Vous voyez bien que la situation ne marche pas. Alors, on va essayer de la régler, on va lever le moratoire. Si j'insiste là-dessus, c'est justement pour vous dire: Effectivement, il y a des abus présentement, mais ce n'est pas la levée du moratoire qui va empêcher ces abus, c'est le renforcement de la loi 107 tenant compte de la situation des locataires et des propriétaires qui sont là pour faire beaucoup de fric rapidement. On dit que dans le cas des rénovations majeures, cela prend des mesures plus strictes qui vont protéger davantage les locataires, parce que c'est vrai que c'est le "free for all" maintenant et qu'il y a souvent des actions abusives de la part des propriétaires.

M. Paré: Est-ce que vous pensez que si les mesures d'encadrement qui sont proposées étaient mises en place et qu'il y avait levée du moratoire, il y aurait diminution ou, au contraire, augmentation du harcèlement?

Mme Stanhope: Au contraire, je pense que ce serait pire. J'ai vécu, je me suis beaucoup impliquée dans les HLM avec des locataires de HLM où on retrouvait à la fois des gens qui bénéficiaient d'une aide supplémentaire et des travailleurs, et cela causait certains problèmes. Si on a, dans le même édifice, différentes catégories, soit des locataires à faible revenu ou soit d'autres qui sont propriétaires, évidemment, les gens ne vont pas subir uniquement le harcèlement du propriétaire, ils vont, en plus, subir le harcèlement de Ieurs voisins propriétaires. Pour nous, au contraire, cela va empirer la situation s'il y a levée du moratoire. Le harcèlement ne cessera pas. Au contraire, il-va s'amplifier.

M. Paré: Et est-ce que vous pensez la même chose en ce qui concerne les rénovations majeures et les reprises de possession? Est-ce que vous pensez que les mesures sont suffisamment dures ou contraignantes pour empêcher que ce qu'on connaît va se produire ou au contraire, par le harcèlement et tout cela, on va grossir le problème tel que le disait votre député?

Mme Stanhope: Oui, effectivement. Autant pour le harcèlement que pour les rénovations, les propriétaires vont continuer d'en faire parce que leur intérêt est de vendre le logement, c'est de spéculer, en fait. Ce n'est pas d'offrir à des gens... Cela va à l'encontre... Je pense que de toute façon, en tout cas, quand j'ai vu cela et que j'ai regardé cela, je me suis dit que les propriétaires qui sont là, que je considère comme des businessmen, ne seraient pas de bons businessmen s'ils acceptaient cela. Remarquez que je ne suis pas tellement ferrée en affaires, mais cela me pète dans la face.

M. Paré: Croyez-vous valable, comme mesure d'aide, la création du bureau de la Régie du logement?

Mme Stanhope: Je m'excuse, je n'ai pas entendu la question.

M. Paré: Est-ce que vous considérez comme utile et efficace la mesure qui est proposée, soit la création d'un bureau à la Régie du logement?

Mme Stanhope: Cela fait partie des autres mesures en fait. Nous, on dit que les mesures en général, celle-là, les autres, avec la levée du moratoire, cela ne nous sécurise absolument pas. On ne trouve pas, non plus, que ce serait cela la solution.

M. Paré: Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le député de Shefford. Nous en sommes maintenant rendus, en conclusion, aux brèves remarques. M. le ministre.

M. Bourbeau: Oui, M. le Président. Les remarques. D'abord, pour revenir au programme de supplément au loyer dont on parlait tantôt, je vous signale que les cinq ans dont on parlait sont les cinq ans du bail que signerait la SHQ avec le propriétaire privé, mais cela ne veut pas dire que le locataire démuni, lui, en aurait pour cinq ans seulement. À partir du moment où il est pris en charge par l'office municipal, il aurait toujours un loyer. Au bout de cinq ans, si ce loyer n'est pas disponible, il en aurait un autre. Cela devient la responsabilité du gouvernement. Donc, il est aussi protégé que dans un HLM.

Tout cela pour vous dire que je conclus de votre présentation que vous êtes favorables aux mesures que nous proposons pour améliorer le sort des locataires, mais que vous êtes contre la levée du moratoire. Dans le document que nous proposons, il y a des mesures qui visent à sécuriser ou renforcer le droit des locataires contre l'éviction, par exemple, contre la reprise de possession. Nous nous sommes engagés à modifier la loi pour contrer le harcèlement. Je ne peux pas croire que vous êtes contre cela. Je pense bien que vous y êtes favorable. Ce qui vous effraie c'est la

perspective de voir lever le moratoire. En fait, probablement que ce qui vous effraie le plus c'est plutôt la conversion des immeubles. Vous ne voulez pas voir d'immeubles locatifs convertis en copropriété. Tout ce que je peux vous dire, c'est que j'ai pris bonne note de vos recommandations. Je prends note que dans votre secteur et, à Pointe-Saint-Charles - vous représentez des gens de Pointe-Saint-Charles - on ne veut pas de conversion d'immeubles locatifs en copropriété. D'autres groupes représentant d'autres secteurs sont venus dire la même chose. La ville de Montréal nous a dit qu'elle voulait une politique où il n'y aurait pas de conversion, sauf dans des cas qui seraient déterminés par règlement où on pourrait le permettre. D'autres municipalités en dehors de Montréal ont plutôt dit qu'elles souhaiteraient avoir des conversions. Alors, je constate que ce n'est pas partout pareil dans les régions du Québec, ce n'est pas partout pareil dans toutes les municipalités du Québec. Ce n'est même pas partout pareil dans tous les quartiers des municipalités. Il va donc falloir qu'on regarde cela à la lumière de ce point de vue.

Je peux vous assurer que nous n'avons pas l'intention d'adopter des politiques ou de prendre des décisions qui vont aller jusqu'à faire déloger les locataires ou à brimer les droits des locataires. Au contraire. Alors, on va tenir compte de votre point de vue dans l'élaboration finale du projet gouvernemental. Si j'étais à votre place, je n'aurais pas trop peur, je ne ferais pas en sorte de poursuivre mes soirées de veille et je ne passerais pas mes nuits à m'en faire. Vous pouvez dormir jusqu'au mois d'octobre. Merci.

Le Président (M. Saint-Rach): Je vous remercie, M. le ministre. Je cède maintenant la parole à M. le député de Shefford.

M. Paré: Merci, M. le Président. Je dois dire que votre député a compris. Le ministre a entendu mais je ne suis pas sûr qu'il a compris suite à l'interprétation qu'il a faite des propos des municipalités. Je pense que vous étiez là ce matin. Vous avez compris que l'Union des municipalités du Québec n'a pas dit qu'elle était en faveur de la proposition qui était là. Elle est en faveur de la levée du moratoire mais y met un paquet de conditions qui fait en sorte que ce n'est plus une levée du moratoire. Il faut faire attention. On avait dit la même chose - et le député de Saint-Hyacinthe est là pour le justifier - aux producteurs de betteraves dans mon coin: Dormez tranquilles, la raffinerie ne fermera pas. Je vous dis: Ne dormez pas, parce qu'il ne faudrait pas que la loi d'octobre soit une déception totale.

M. Bourbeau: C'est vous qui avez dit cela, ce n'est pas nous.

M. Paré: Je m'excuse, comme vous dites, la vérité a ses droits, je pourrais amener les dépliants politiques de tous les députés libéraux de votre coin où il y a eu un engagement formel. Je ne voudrais pas revenir là-dessus, mais on n'est pas ici pour tromper la population et je dois vous le dire.

Je vous remercie beaucoup pour la présentation de votre mémoire qui est très structuré, qui amène une facette qui nous oblige à considérer, comme élu, qu'on a une responsabilité sociale. Si les spéculateurs ont le droit de faire des profits, ont le droit de faire des pressions, c'est vrai que c'est un droit, vous avez aussi un droit parce que vous êtes dans vos logements depuis longtemps. Notre rôle est d'équilibrer cela entre les deux. C'est important que vous, les gens de tous les quartiers de Montréal, fassiez valoir votre point de vue parce que le ministre finit par comptabiliser le nombre d'interventions faites ici, si je fais le calcul qu'il fait depuis lundi. Je pense que c'est important parce que vous êtes très représentatifs de votre milieu et vous pouvez être sûrs qu'on va en tenir compte et qu'on va utiliser votre mémoire au moment opportun. Merci beaucoup.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le député de Shefford. Mme Stanhope.

Mme Stanhope: Je vais conclure rapidement. D'abord, je vais revenir sur la question de supplément au loyer. Ce que vous me dites, M. Bourbeau, c'est que finalement, le locataire peut y avoir droit, mais on va lui imposer, possiblement, un déménagement tous les cinq ans. À la fin du compte, il ne restera rien. À ce jour, c'est un programme qui est expérimental, si je ne me trompe; même si on le continue, au bout de quinze ans, on a toujours rien alors que si on investit ces fonds-là dans la construction de HLM, les bâtisses restent toujours, au moins, à l'État. Je voudrais vous dire ceci, M. Bourbeau: Je pense qu'à moins que vous soyiez incompétent, il y a des choses qui vous échappent. Je veux vous inviter à venir dans notre quartier, comme l'a fait votre collègue Mme Trépanier, voir comment vivent les gens dans un quartier comme Pointe-Saint-Charles, à Montréal. On va se faire un plaisir de vous accueillir, de vous promener dans le quartier, de vous montrer l'état des logements, de voir la population. En fait, tous ceux qui veulent venir, on vous invite. On est très accueillant à Pointe-Saint-Charles. Je pense qu'à ce moment-là, vous serez plus en mesure de voir comment vivent les gens et quels sont les besoins en matière d'habitation. À une date que vous choisirez, M. Bourbeau, on se fera un plaisir de vous accueillir.

M. Bourbeau: Madame, si vous m'invitez, cela me fera plaisir d'y aller.

Mme Stanhope: Je vous invite officiellement, publiquement, je vous invite, je suis prête à fixer une date avec vous, à part cela.

Le Président (M. Saint-Roch): Alors, je remercie le Regroupement information logement de Pointe-Saint-Charles Inc., pour sa contribution aux travaux de la commission. Sur ce, la commission de l'aménagement et des équipements suspend ses travaux jusqu'à quinze heures.

(Suspension de la séance à 13 h 29)

(Reprise à 15 h 10)

Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission de l'aménagement et des équipements reprend maintenant ses travaux pour poursuivre la consultation générale portant sur la levée du moratoire sur conversion location des immeubles locatifs en copropriété divise.

Je demanderais aux représentants de la Fédération des coopératives d'habitation de l'île de Montréal de prendre place s'il vous plaît. Avant de débuter, je demanderais à M. le secrétaire s'il y a des remplacements pour cet après-midi.

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Gauvin (Montmagny-L'Islet) est remplacé par M. Joly (Fabre) pour la journée.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le secrétaire.

Le Secrétaire: Pas de Fabre. De quel comté?

Une voix: Joly?

Une voix: Fabre.

Le Secrétaire: Fabre. C'est bien cela?

Une voix: Oui.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Joly de Fabre. Cela dit, je demanderais maintenant au porte-parole de la Fédération des coopératives d'habitation de l'île de Montréal de s'identifier et de bien vouloir identifier les personnes qui l'accompagnent pour le bénéfice des parlementaires, s'il vous plaît.

M. Jourdain (Claude): Bonjour messieurs et mesdames les parlementaires et les journalistes. Mon nom est Claude Jourdain.

Je suis président de la Fédération des coopératives d'habitation de l'île de Montréal. Je suis accompagné de M. Michel Proulx, coordonnateur adjoint de la FECHIM et de M. Jocelyn Pelletier qui est membre du conseil d'administration.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Jourdain. À partir de ce moment, vous avez maintenant quinze minutes pour faire la présentation de votre mémoire devant les membres de la commission.

Fédération des coopératives d'habitation de l'île de Montréal

M. Jourdain: Merci. En guise de présentation, je voudrais dire au ministre qu'il pourra confier aux journalistes que la fédération est d'accord avec son projet de lever le moratoire mais il y a un petit problème, c'est qu'on veut la levée du moratoire mais avec le gel des conversions.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Jourdain: Juste avant de passer à la présentation de notre mémoire dont je ne vous ferai pas la lecture comme telle, je vais juste vous rappeler les points importants de notre mémoire. Je voudrais vous parler de la fédération et de ses actions dans le domaine coopératif. La FECHIM existe depuis 1983. Elle regroupe 80 coopératives situées sur l'île de Montréal, en majeure partie dans les quartiers périphériques au centre-ville, donc dans les quartiers anciens. Elle offre à ses membres des services d'aide à la gestion, des services de formation, des services financiers et un plan d'assurance. Elle vise le développement et la consolidation du mouvement par le biais, entre autres, de la représentation en ce qui concerne les gouvernements et autres intervenants. La fédération pense que la formule coopérative permet l'accès à la propriété collective pour ceux et celles qui ne peuvent pas se donner une sécurité d'occupation en termes de logement, ceux et celles qui ne peuvent pas accéder à une autre forme de propriété faute de moyens. La formule coop, en chiffres, brièvement, ce sont 35 000 personnes au Québec, ce sont 15 000 à Montréal, dont 80 % gagnent moins de 20 000 $. Un dernier chiffre sur cet aspect. Il faut rappeler que 46 % de ce3 personnes sont sous le seuil de pauvreté. Donc, on considère que le profil de la clientèle des coops correspond bien à celui des populations qui sont déplacées en dépit du moratoire qui existe sur la conversion des Iogements et qui le seraient davantage lors de sa levée. Est-il besoin de rappeler - je sais que le FRAPRU l'a déjà mentionné - que 22 000 personnes seulement dans le quartier Plateau-Mont-

Royal, à Montréal, ont été déplacées depuis 1981? Mais, comme certains disent, le problème, ce n'est pas les statistiques, c'est d'être dans les statistiques.

Un peu pour vous rappeler pourquoi on est ici, c'est que notre action se situe en concordance d'action avec les autres groupes qui défendent le logement social -et qui défendent le droit des locataires au maintien dans les lieux. Notre démarche s'inscrit donc dans cette optique: pour le droit au logement réel et effectif pour tous, pour le droit au logement à un prix abordable pour les clientèles démunies et, finalement, pour la préservation du stock de logements à bas loyer. Je tiens à vous rappeler que notre démarche veut mettre en évidence que la formule coopérative nous apparaît comme une solution plus que valable à l'insécurité de logement que vivent des milliers de personnes à Montréal seulement.

Je suis persuadé que vous connaissez déjà les principes coopératifs, mais je vais vous les rappeler. On a insisté sur le maintien dans les lieux ou le quartier par la rénovation avec des hausses de loyer que les gens peuvent assumer réellement et qu'ils ne soient pas obligés de partir à la suite de rénovations. C'est un mouvement foncièrement antispéculatif qui essaie de soustraire une partie du marché de l'habitation au mouvement spéculatif. La formule coopérative vise le contrôle démocratique des occupants, de leur environnement immédiat et cela permet - fait assez important - la responsabilisation et le développement du sens communautaire. C'est donc un mouvement social de par les caractéristiques de sa clientèle et de par le sens de son action.

Ces principes nous apparaissent beaucoup plus positifs que les problèmes que nous avons identifiés dans le document du ministre sur la levée du moratoire. Laissez-moi vous rappeler les failles majeures de ce document à notre avis, en particulier celles des rénovations majeures.

Nulle part dans le document on ne dit comment on va régler ce problème qui existe depuis longtemps et qui permet à des propriétaires, par le biais de rénovations majeures, d'évincer des locataires. On sait qu'il y a très peu de locataires qui reviennent dans leur logement après les rénovations, parce que des études ont démontré que les loyers sont augmentés de façon considérable. Cela va jusqu'à 38 % ou 40 %.

Le document ne parle pas non plus du contrôle qu'il faudrait exercer et comment régler la question du harcèlement. Il aura beau y avoir toutes sortes de dispositifs ou de dispositions techniques pour prévoir le maintien dans les lieux, le document fait à peine mention du harcèlement des propriétaires envers leurs locataires dans le but de reprendre possession de logements.

En dernier lieu, un des points négatifs qu'on voit dans ce document, c'est que celui-ci présente le droit de préemption comme étant une solution et une façon de permettre l'accès des locataires à la propriété. Nous pensons que ce droit de préemption est irréaliste et un peu fictif dans la mesure où il n'est accompagné d'aucune mesure financière et technique pour permettre l'accès réel aux populations visées.

Cela m'amène à rappeler la nécessité de programme adéquat pour les coopératives et le logement social dans son ensemble. Le programme coop existe depuis un certain nombre d'années, mais ces dernières années, il a été remis en question. Je donnerai des exemples du programme fédéral pour commencer. On est pris avec un nombre insuffisant d'unités par rapport aux demandes qui sont faites par les populations, à la fois dans les fédérations et dans les coopératives elles-mêmes. Il y a aussi le problème des prix des loyers qui, dans le programme coop, mettent hors de portée les clientèles qui étaient traditionnellement visées par ces programmes, c'est-à-dire les clientèles à faible et moyen revenu.

L'autre problème qui est un problème de principe, c'est la remise en question du caractère social du logement coopératif. Bien sûr, les deux gouvernements, le fédéral comme le provincial, parlent d'accès à la propriété, mais nous croyons qu'il est nécessaire de poser la question: Pour qui est cet accès à la propriété?

Si on veut regarder un peu l'aide qui est apportée au logement dans son ensemble, je citerai des statistiques qui proviennent du document Se loger au Québec qui date de 1984 et qui montre que sur toute l'aide au logement, 16 % seulement de cette aide va aux locataires. Et ces locataires ont un revenu inférieur à 20 000 $. Vous avez par contre 84 % de l'aide qui va aux propriétaires dont 60 % ont des revenus supérieurs à 20 000 $.

Cela m'amène aussi à parler d'un des problèmes majeurs du document qui donne finalement des garanties - entre guillemets - mais qui oublie que le droit ou la loi est souvent en fonction des capacités économiques et financières des intervenants ou des personnes concernées à faire respecter ces dispositions. Cela amène aussi le problème de l'absence d'une véritable politique d'accès au logement pour tous en mettant l'accent sur les clientèles non seulement exclues de l'accès à la propriété mais qui sont aussi et tout simplement évincées de leur logement actuellement, c'est-à-dire les clientèles à faible et moyen revenus.

Donc, pour nous, il est évident qu'il faut cesser de travailler à la pièce, avec des programmes inadéquats. Il faut avoir des programmes adaptés pour ceux qui sont vraiment dans une situation critique de loge-

ment. Est-il besoin de vous rappeler l'urgence de la question? Le moratoire dure depuis douze ans. Je pense qu'honnêtement ce temps-là aurait pu servir à élaborer une politique globale d'accès à la propriété, mais pour ceux qui en ont le plus besoin.

Je voudrais tout simplement, en terminant, vous rappeler les revendications de notre mémoire qui se lisent comme suit: En partant du principe du maintien dans les lieux des clientèles locataires à faible et moyen revenus, nous demandons: premièrement, le gel de toute conversion de logement en copropriété et ce, tant que le Québec ne se sera pas doté d'une véritable politique d'accès au logement. Et c'est là que c'est important. Cette politique donnera à ces ménages locataires le droit réel et effectif de demeurer dans leur logement ou leur quartier, à un prix qui leur est accessible, c'est-à-dire qui ne dépasse pas 25 % du revenu du ménage. La formule coopérative -on est là pour cela - devra être une composante essentielle de cette politique comprise dans le cadre du logement social, ce qui comprend aussi un programme de soutien financier efficace aux groupes de ressources techniques qui sont là pour aider le développement des coopératives, sans oublier, bien sûr, les fédérations.

Deuxièmement, plutôt que de s'inquiéter de l'accès à la propriété pour les locataires qui ont déjà les moyens de se le permettre, le ministre devrait travailler avec les intervenants du milieu - et on est très disponibles à cet égard - à la conception d'un programme fonctionnel qui rejoigne les besoins des clientèles décrites ci-dessus.

Voilà. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Jourdain. Je cède maintenant la parole à M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, je vous saurais gré de reconnaître le député de Louis-Hébert, s'il vous plaît.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: M. le Président, quelques mots pour souhaiter la bienvenue aux représentants de la Fédération des coopératives d'habitation de l'île de Montréal. Leur point de vue est extrêmement intéressant. Ils défendent une formule qui a fait ses preuves et qui a droit à une place au soleil et qui représente, pour de nombreux ménages, une planche de salut quant à un logement convenable. C'est reconnu par le gouvernement. Le gouvernement fait des efforts. II va continuer d'en faire de façon à favoriser l'éclosion de coopératives d'habitation. C'est là une facette qui est valable pour résoudre le problème du logement, particulièrement à Montréal. Cette formule a fait ses preuves et elle est aussi appliquée dans d'autres villes du Québec, et avec succès, je dois le dire.

Il reste cependant qu'elle ne peut constituer la solution unique ou d'ensemble pour tout le problème. La question de l'accessibilité à la propriété est dans l'air depuis un certain temps. Le ministre a décidé, avec l'accord de ses collègues, de poser des gestes concrets en vue de proposer des solutions acceptables pour tous. Le travail que vous faites mérite nos félicitations. La formule que vous défendez, comme je le disais, est valable.

Il est bon de rappeler que le ministre a dit à maintes reprises - il l'a répété ici en commission parlementaire - que la protection à être accordée aux locataires se veut une protection qu'il a qualifiée de blindée, c'est-à-dire à l'épreuve de tout. On reconnaît qu'il y a des trous actuellement et, dans les circonstances, j'aimerais avoir votre réaction quant à cette garantie donnée par le gouvernement, par le ministre, d'accorder aux locataires une protection à l'épreuve de tout pour leur permettre le maintien dans les lieux qu'ils occupent actuellement. Étant donné qu'il y a un certain nombre d'échappatoires actuellement - le ministre en est conscient et nous en sommes conscients -des gestes seront posé.s à ce sujet et des correctifs seront apportés. Comment voyez-vous la situation avec les améliorations promises et qui seront apportées au régime actuel?

M. Jourdain: Si vous me le permettez, avant de répondre à votre question, je voudrais faire une remarque concernant la façon dont vous voyez notre mémoire. Nous présentons la formule coopérative comme étant l'une des solutions et non pas la solution globale au problème du logement. Il faut vraiment l'inclure dans une politique d'accès à la propriété, mais c'est une des solutions et non pas la solution.

M. Doyon: Je l'avais compris comme cela.

M. Jourdain: Concernant votre question, c'est sûr qu'on peut se dire que, effectivement, le ministre veut donner des garanties de maintien dans les lieux, de protection blindée, mais vous savez comme moi que la loi 107 existe et prévoit également un certain nombre de garanties facilement contournées par les propriétaires, soit par le harcèlement. On oublie souvent aussi les réalités économiques qui forcent les gens à quitter leur logement, indépendamment des garanties législatives accordées.

Dans un quartier comme celui où j'habite, où les propriétés, les valeurs

foncières, ont augmenté parfois jusqu'à 40 % parce qu'on est dans un marché spéculatif, les taxes qui découlent de cette valeur font que, finalement, les locataires se retrouvent sans protection. Ils sont obligés de déménager parce qu'ils ne sont plus en mesure de payer le prix des loyers. Donc, il faut vraiment qu'il y ait un côté pratique à des garanties législatives ou techniques; il faut qu'il y ait une option pour prévoir les cas où soit les propriétaires ou les réalités économiques font que les gens sont obligés de déménager, de quitter leur, logement parce qu'ils n'ont pas les moyens d'y demeurer.

M. Doyon: Oui. Il reste cependant qu'une catégorie croissante de personnes sont désireuses de devenir propriétaires. C'est là -et je suis sûr que vous allez le reconnaître -une ambition respectable et normale pour plusieurs personnes. À partir de là, il faut reconnaître qu'il existe un besoin et une demande. De nombreuses personnes sont prêtes à s'imposer des sacrifices. Il y en a à faire, des sacrifices, pour devenir propriétaires; tout le monde le reconnaît. Pour ces personnes, devenir propriétaires est une ambition légitime. Dans les circonstances, ne croyez-vous pas que le gouvernement a le devoir de prendre des mesures de nature à faire baisser le prix des logements qui seront mis en vente pour les situer à l'intérieur de la capacité financière de payer des gens qui veulent les acquérir? Actuellement, à Montréal, les condominiums neufs à 60 000 $ ou 75 000 $ excluent évidemment une catégorie importante de gens qui auraient le droit de devenir propriétaires. Dans ces circonstances, ne croyez-vous pas que les mesures annoncées par le ministre sont de nature à faire baisser le prix des logements mis en vente? Par le fait même, on les rend accessibles à des gens qui veulent les acheter et qui sont à la source même de cette demande, qu'on ne peut pas nier et qu'on ne peut pas faire disparaître non plus. (15 h 30)

M. Jourdain: C'est évident qu'une partie de la population veut devenir propriétaire pour se donner, effectivement, une sécurité de logement; il y a une autre partie d'acheteurs pour qui ce n'est pas une question d'occuper un logement, c'est une question d'entrer dans le marché spéculatif. C'est là le problème. Nous, nous faisons passer le droit au logement avant le droit de l'acheteur. Le droit au logement, c'est un droit fondamental qui est même reconnu dans la déclaration des droits de l'homme. Nous faisons passer le droit au logement avant le droit de propriété. C'est sûr qu'un certain nombre de personnes désirent acheter un logement et peut-être qu'elles ne peuvent pas se le permettre parce que le prix des condos neufs est trop élevé et cela ne leur permet pas d'accéder à ce type de propriété. Le problème, nous le voyons davantage chez les gens qui se font déplacer. Ils se retrouvent dans des conditions de logement encore pires; c'est cela qu'on défend. Peut-être que, effectivement, il y a des gens qui ne réalisent pas leurs objectifs, mais on pense que le problème est ailleurs. Le problème que vous soulevez existe, mais le problème des gens qui se font déplacer est encore plus aigu.

M. Doyon: L'exercice que nous tentons de faire ici, tous ensemble, consiste à concilier la réalité des choses qui est, premièrement, un groupe de personnes qui veulent acquérir des logements à des prix raisonnables; cela existe, vous le reconnaissez. À partir de là, on se dit: II faut faire quelque chose.

D'un autre côté, cette autre réalité qui existe aussi, c'est-à-dire des gens qui veulent demeurer locataires, qui veulent demeurer dans le milieu de vie qu'ils connaissent, à un prix qu'ils peuvent se permettre. Alors, c'est tout cet équilibre qu'il nous faut tenter de préserver.

Votre réaction, si je la comprends bien, est dans le sens que, dans les circonstances, il faudrait faire primer le droit des locataires de continuer d'être locataires à l'endroit où ils désirent l'être, au prix qu'ils veulent payer. Par le fait même, en faisant primer cela, vous laissez de côté cette autre catégorie, cette autre tranche de la population aussi importante, qui, jusqu'à un certain point, est en conflit avec cette vision des choses, ces gens-là voulant devenir propriétaires et ne pouvant le faire sur le marché actuel qui met les logements, qui sont à vendre, hors de leur portée.

Alors, c'est le dilemme dans lequel nous sommes. Si je comprends bien votre position, vous optez sans réserve, tout simplement, pour, un resserrement du moratoire et, avec l'aide qui pourrait aller du côté des coopératives - tel que vous l'avez expliqué, sans tenir compte du besoin d'une certaine tranche de la population -d'acheter son logement et de devenir propriétaire à des coûts abordables, de 40 000 $ à 45 000 $ ou même de 35 000 $. Est-ce que c'est de cette façon que vous voyez les choses?

M. Jourdain: Disons que c'est à peu près ainsi, mais je mettrais l'accent sur le fait que, pour nous, le problème existe peut-être du côté des gens qui veulent acheter un logement à un prix abordable, mais le problème est beaucoup plus criant pour ceux qui se font mettre dehors; c'est tout simplement cela. Nous disons: Nous ne voulons pas d'un moratoire renforcé, on veut un gel des conversions, tant qu'il n'y aura pas une

politique d'accès au logement pour les clientèles que nous représentons. Ce n'est pas un moratoire renforcé, c'est très différent. Le moratoire est inefficace; je pense que vous l'avez entendu aujourd'hui les groupes sont venus vous le dire, vous ont donné des exemples. Ce n'est pas un moratoire renforcé qu'on veut, c'est un gel des conversions tant qu'il n'y aura pas une solution de rechange pour permettre à ceux qui se retrouvent dehors de se retrouver en dedans dans de bonnes conditions. C'est ce qu'on veut.

Le problème des acheteurs éventuels ou de cette tranche de population que vous, vous dites aussi importante que celle de ceux qui se font déplacer, c'est vous qui avancez cela. Je vous rappellerai que seulement dans Plateau-Mont-Royal, 22 000 personnes ont été déplacées de 1981 à 1986; c'est considérable.

M. Doyon: Maintenant, si on parle du problème des réparations majeures, vous soutenez, dans votre mémoire, si je comprends bien, que les mesures proposées par le gouvernement ne vous semblent pas satisfaisantes, adéquates. Qu'est-ce que vous proposez en échange? Parce qu'il y a un fait, c'est que des réparations majeures, à un moment donné, cela devient nécessaire et urgent; on ne peut pas y échapper.

On ne peut pas laisser non plus le parc résidentiel, qu'il soit locatif ou la propriété de propriétaires privés, se détériorer indéfiniment. Il faut donc qu'il se fasse des réparations quelque part. Comment voyez-vous la solution à ce problème-là?

M. Jourdain: Bien, une partie de la solution. Je vous dirais que je connais cela, des réparations majeures, parce que les coops en font. Cela, c'est sûr, il y a un problème au sein du parc de logements. Il y a un problème. Au Québec surtout, on sait que le parc de logements était plus détérioré que dans les autres provinces. Et je vous dirais que le mouvement coop, dans ses premières années jusqu'à récemment, a beaucoup travaillé à faire des rénovations majeures.

La différence avec un acheteur privé qui fait des rénovations majeures, c'est qu'il n'a pas juste l'intérêt de dire: Je vais rénover le logement et je vais améliorer le stock de logements. il y a un côté spéculatif dans cette action et il y a souvent un désir d'éviction, finalement. On se sert souvent des rénovations majeures pour mettre les locataires dehors puis ensuite avoir de nouveaux locataires qui vont payer un loyer beaucoup plus élevé. Mais ce ne sont pas les mêmes clientèles.

Si on permet aux coops d'avoir accès à des programmes plus adéquats, le problème c'est que... Dans les coops, vous avez le contrôle des rénovations majeures. Vous décidez ce que vous voulez rénover, vous faites ces rénovations majeures, mais vous continuez à contrôler votre environnement, ce qui n'arrive pas quand c'est un acheteur privé qui achète pour soi-disant améliorer le stock de logements. Je pense que c'est une grosse différence.

M. Doyon: Je comprends très bien cela mais...

M. Proulx (Michel): Si je peux me permettre...

M. Doyon: Oui, allez-y.

M. Proulx: Le programme coop d'ailleurs, au Québec, avait une originalité particulière comparativement aux autres provinces au Canada, c'est que • c'est ici qu'on a développé quasiment l'achat-rénovation. Dans les autres provinces, les coopératives, c'était le plus souvent de la construction neuve, alors qu'au Québec, les GRT particulièrement ont développé une expertise en architecture, en technique de rénovation. Ils savaient comment s'y prendre. C'est vraiment une originalité qu'on a eue et, dans ce sens-là, les coopératives ont été des intervenants majeurs pour la rénovation du stock du logement.

M. Doyon: Je reconnais que le rôle que les coopératives d'habitation ont joué dans le domaine de la rénovation est patent, c'est connu. Je le reconnais volontiers. Cependant, la solution au problème reste à trouver dans le sens qu'il y a des rénovations majeures qui doivent se faire ailleurs que dans des coopératives et vous nous dites ce que vous proposez.

Premièrement, le gouvernement propose des mesures que vous considérez inadéquates. Mais que proposez-vous pour protéger les locataires et, en même temps, préserver la qualité de notre parc immobilier? Dan3 le cas des rénovations majeures, que fait-on avec ce problème?

M. Jourdain: Quant à nous, notre action est concentrée sur les coops d'habitation. Je pense que les solutions au problème que vous mentionnez, les rénovations majeures qui doivent être faites... Nous, on dit effectivement qu'il faudrait qu'il y en ait des rénovations majeures qui soient faites mais qu'elles soient faites pour que les gens qui habitent déjà ces logements puissent y demeurer.

Je pense que de toute façon, c'est la clientèle des groupes de locataires qui se sont présentés ici. C'est leur clientèle traditionnelle, ils sont plus en mesure de vous amener des solutions concrètes à cet égard. Nous, ce qu'on veut mettre de l'avant, c'est que, pour ce qui est des

dispositions techniques et des dispositions législatives, il y a des garanties qui existent, mais tant que ce ne sera pas assorti d'une aide financière et de programmes adéquats, on ne croit pas que cela va permettre aux gens de rester dans leur logement.

M. Doyon: Je sais que mon temps est écoulé, M. le Président, mais j'aurais eu d'autres questions. Je vous remercie. Cette discussion a été extrêmement intéressante. Peut-être aurons-nous l'occasion de la poursuivre à un autre moment. Merci.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le député de Louis-Hébert.

Je cède maintenant la parole à M. le député de Shefford.

M. Paré: Merci, M. le Président. Je vous remercie aussi de la présentation de votre mémoire. Je pense que c'est important que vous soyez là parce que depuis le tout début, je pense qu'il n'y a pas un 'mémoire qui n'a pas parlé de l'accession à la propriété d'une façon collective, par le truchement des coopératives et des organismes sans but lucratif.

À la page 6, deuxième paragraphe, une phrase est très intéressante et importante dans le débat: Tout se passe comme si le gouvernement avait choisi d'aider ceux et celles qui n'ont pas vraiment besoin de son soutien, alors que la population qui sera la plus touchée négativement par cette mesure constitue le groupe cible des coopératives d'habitation.

Effectivement, quand on regarde ce qui est contenu dans la proposition gouvernementale, on permet à ceux qui ont déjà les moyens d'accéder à la propriété ou aux spéculateurs non pas nécessairement d'accéder à la propriété, mais d'acheter des logements qui sont présentement occupés par des locataires. On ne trouve aucune formule d'aide de quelque nature que ce soit et pas plus d'aide aux coopératives. On ne fait même pas allusion aux coopératives, comme si c'était un mode qu'on veut exclure. Sans le dire, J'ai l'impression qu'effectivement, on rejette cette formule dans les quartiers centraux des grandes municipalités par les délais qu'on se donne. En sachant la spéculation que cela va amener, en connaissant la formule coopérative, c'est-à-dire la façon de procéder pour pouvoir accéder aux volet un, volet deux, programme fédéral, etc., et, en même temps, connaissant les restrictions budgétaires et les restrictions en termes de nombre de GRT aussi, on sait très bien que cela ne pourra pas être mis en application. D'après vous, si cette proposition était amenée, votée et acceptée telle quelle, est-ce qu'il y aurait encore de l'espoir de sauver des appartements, des édifices des secteurs centraux de

Montréal et de Québec en les transformant en coopérative?

M. Jourdain: J'ai mal compris votre question.

M. Paré: "Si la proposition était, finalement, ce qui va s'appliquer pour l'accès à la propriété...

M. Jourdain: La proposition du document.

M. Paré: La proposition de lever le moratoire qui dit qu'on offre d'abord aux locataires résidants un mois comme formule de préemption.

M. Jourdain: Déjà, c'est un très gros problème parce qu'un mois, c'est insuffisant pour permettre aux coops de s'organiser. On ne peut pas bousculer les gens dans les processus démocratiques. Je pense que l'Assemblée nationale est très consciente de cela. Par exemple, c'est une bonne question, ce délai d'un mois est tout à fait irréaliste. En tenant compte que même s'il y avait des programmes adéquats de coop, il est impossible, à partir du moment où un logement est mis en vente, en leur laissant un mois, de permettre aux gens de s'organiser. Ces gens, bien sauvent n'ont jamais entendu parler de la formule coopérative auparavant. Alors, avant qu'ils puissent dire: Bon, effectivement, on pourrait devenir propriétaires collectivement, contrôler notre environnement et décider de ce qui se passe dans nos logements. Ce délai est tout à fait irréaliste. Je pense que c'est une très bonne intervention de le rappeler. C'est ce genre de lacune qu'il y a dans le document. Effectivement, on ne parle pas des coops dans ce document. Je pense que cela fait partie de toute la remise en question du programme des coops. On continue de maintenir des programmes ou des semblants de programmes pour dire: Écoutez, vous ne pouvez pas dire que cela n'existe plus, des coops, vous ne pouvez pas dire qu'on n'aide pas les coops. Mais, au fond, cela devient tellement limité, tellement restreint. D'une part, ceux qui en font partie deviennent quasiment des privilégiés par rapport à ceux qui sont à l'extérieur. D'autre part, peut-être qu'on craint de dire: Les coops, cela rend les gens autonomes et responsables de leur environnement et ce n'est pas de l'argent gaspillé, au contraire. Mais peut-être qu'au niveau politique, cela fait peur de rendre les gens responsables.

M. Paré: Des groupes on dit: On veut permettre au locataire résidant d'accéder à la propriété de son logement ou d'un logement. Les gens ont recommandé qu'on puisse aller aussi du côté coopératif. Je dois dire

que, globalement, dans presque tous les mémoires, on retrouve cette volonté. Mais tout le monde ne savait pas nécessairement, c'est bien connu, en tout cas, on s'en rendait compte à l'échange, combien c'est compliqué et combien cela prend du temps. De3 gens pourraient ouvrir une espèce d'avenue dans ce sens en demandant que, dans la proposition finale qui sera amenée à l'Assemblée nationale, il y ait une clause de transférabilité de l'individu, du locataire à une coopérative. De toute façon, même si cette clause est amenée en fonction de ce que vous venez de dire... Le programme prend du temps. On ne monte pas une coopérative du jour au lendemain, il faut se parler, regrouper les personnes, les convaincre et monter tout cela. En plus, le programme est très limitatif, en ce sens que les budgets et le nombre d'unités sont limités. En plus, on a des dates limites pour faire des propositions et, ensuite, il faut attendre pour voir si on est retenu ou non. Donc, si, à l'heure actuelle, on ne change pas fondamentalement les budgets et les programmes coopératifs, il est inutile d'en parler. C'est pour cela que le ministre n'en parle pas, finalement. Je voudrais que ce soit bien clair de façon qu'on ne nous fasse pas accroire qu'il y a d'autres possibilités et d'autres solutions, s'il n'y en a pas d'autres, surtout, si on est en train, par cette mesure, de mettre le logement coopératif de côté. (15 h 45)

M. Jourdain: Je pense qu'au moins, dans le document, le ministre aurait dû reconnaître que la formule coopérative est un type de propriété. On ne la présente pas comme étant le type de propriété. C'est un type de propriété qui convient à une certaine tranche de la population qui est très importante et je pense que cela aurait été un minimum dans ce document de reconnaître, effectivement, la formule coopérative, mais là il y aurait eu un problème de... Une fois qu'on l'a mise, il faut essayer d'y donner du corps.

M. Paré: II y a eu aussi, à la fin des années soixante-dix et au début des années quatre-vingt, plus de constructions de coopératives, avec un certain taux de construction d'édifices dans le secteur privé. On connaît, présentement, une diminution dans le secteur coopératif et une augmentation considérable dans le secteur privé. On voit qu'on bâtit partout et on disait que cela prendrait un secteur coopératif très fort de façon qu'il soit un frein ou un secteur modérateur par rapport à l'augmentation des prix. Parce qu'on peut en conclure que, maintenant, on est en train de faire en sorte de ratatiner ou de diminuer le pourcentage, l'importance du secteur coopératif dans l'ensemble du secteur locatif au Québec et cela peut avoir des effets négatifs justement sur l'augmentation des prix, puisque ce qu'on pouvait avoir comme frein a de moins en moins d'importance dans l'ensemble du secteur.

M. Proulx: II y a des exemples de chiffres en Europe, mais ce sont des exemples auxquels il faut faire attention quand on les transfère dans un contexte nord-américain, c'est sûr. Un des fondements de l'intervention de la Société de développement coopératif du Québec était que cela prend un secteur coopératif en habitation relativement fort, relativement important pour agir comme élément modérateur sur les taux des loyers. On donnait l'exemple de la Suède et du Danemark, dans les quartiers des villes où il y avait 15 % des logements qui étaient des logements coopératifs, cela avait un effet modérateur. À Montréal, ce n'est même pas 1 % du stock de logements, alors cela n'a pas vraiment eu d'impact dans l'ensemble des quartiers, sauf peut-être â Milton Park, qui est un gros îlot de coopératives, mais, effectivement, la présence d'un secteur coopératif fort aurait des répercussions sur le reste de la population qui vit en logement. Cela permettrait d'assurer un loyer plus décent et des hausses de loyer plus décentes, moins sujettes à la spéculation.

M. Paré: Merci. J'aurais une autre courte question, parce que mon collègue de Saint-Jacques veut intervenir aussi. Je voudrais dire, en tout cas, que la première phrase de vos recommandations est très claire. Vous demandez le gel de toute conversion de logements en copropriété, tant qu'il n'y a pas une politique et des programmes d'aide. Vous parlez de programmes d'aide dans lesquels il devrait y avoir un droit réel et effectif, pour les locataires, de demeurer dans leur logement tout en ne dépassant pas un pourcentage de 25 % de leur revenu à consacrer au loyer. Est-ce que, parmi les formules envisagées, ce serait une sorte de Logirente universelle? Non, est-ce que cela pourrait être Logirente élargie à toute la population, avec un pourcentage de 25 % du revenu pour le loyer, mais où on ne tient pas compte de l'âge des locataires?

M. Jourdain: Effectivement, cela pourrait être une des solutions, ce que je voudrais rappeler ici, c'est que, au départ, on parle des coops, on essaie de voir ce qu'on pourrait faire pour améliorer le programme coop et permettre à ceux qui veulent en faire partie d'en faire partie, finalement. Évidemment, on pourrait se pencher sur une réflexion globale en matière de logement. Je pense que ce n'est pas dans nos objectifs immédiats, cela nous préoccupe mais, à prime abord, c'est un peu comme

lorsque nous allons voir la ville de Montréal et qu'on dit: Les taxes foncières représentent un fardeau très important parce qu'on est dans un marché spéculatif. On arrive là et on demande une réforme en ce qui a trait aux coopératives ou à des exceptions et on se fait répondre: Écoutez, il y a d'autres propriétaires qui sont aux prises aussi avec les taxes foncières. Au début, nous sommes là pour défendre les intérêts de nos membres et de ceux qui peuvent en faire partie. Quant à ceux qui vivent des problèmes semblables, on peut être solidaires avec eux, mais la définition d'un programme qui conviendrait, par exemple, dans le cas de... Je pense que ce serait souhaitable que personne ne dépasse la proportion de 25 % de son revenu pour payer son loyer, indépendamment qu'il soit propriétaire ou locataire. Je pense qu'effectivement on ne peut pas... Mais on n'a pas travaillé là-dessus, on travaille toujours à partir des problèmes que vivent les coopératives.

M. Paré: De toute façon, cela coûterait moins cher de limiter cela aux coopératives et cela permettrait les autres avantages que vous avez énumérés tantôt, dont la responsabilisation des gens si c'était réservé au secteur coopératif. Ce sera tout pour moi, je vous demanderais de reconnaître mon colègue.

Le Président (M. Saint-Roch): Je cède maintenant la parole à M. le député de Saint-Jacques en lui rappelant qu'il reste environ 3 minutes et 30 secondes.

M. Boulerice: Alors, on va être directs, aussi directs que votre mémoire l'a été. Je trouve que votre mémoire a de la mémoire. Je lis en page 2 et c'est bien la devise du Québec, je me souviens: "Qu'on pense à la démolition de milliers de logements bon marché pour faire place à des projets d'envergure," Je pense que s'il y a une circonscription qui a goûté, comme on dit, à la folie bétonnière de l'ancien nouveau premier ministre, l'autoroute Ville-Marie, c'est bien le comté Saint-Jacques. Non, c'est votre patron, cher monsieur en 1970, qui était premier ministre.

J'aimerais vous poser deux questions. À cause de la spéculation qui a vraiment flambé comme un feu d'artifice depuis l'annonce prématurée du ministre, avez-vous une idée du nombre d'immeubles dont vous auriez voulu vous porter acquéreur dans le centre-sud et pour lesquels cela a été totalement impossible parce que le prix n'était plus accessible pour vous?

M. Proulx: Malheureusement, je n'ai pas de chiffre précis à vous donner là-dessus. Je sais seulement, par exemple, que j'ai en mémoire quelques projets coopératifs qui ont avorté parce que le prix de la maison, entre le moment où le projet s'est élaboré et le moment où est venu le temps de conclure l'achat, était rendu trop élevé. Dans un cas le prix est passé de 240 000 $ à 380 000 $, en l'espace d'environ un an, le prix d'une maison. Cela a tué complètement le projet de coopérative en question. C'était impossible, à ce moment-là, d'assumer le projet coopératif. Il y a quelques cas comme cela dans le quartier centre-sud. Je n'ai malheureusement pas de chiffre précis.

M. Boulerice: J'ai comme idée que c'est la formule coopérative qui permet à la population traditionnelle, c'est-à-dire celle qui a donné une authenticité au quartier, d'y rester. Maintenant, je me suis laissé dire -j'aimerais que vous m'infirmiez ou confirmiez cela - que le système de quotation pour les projets de coopérative avaient été refaits de façon telle que les quartiers comme le nôtre étaient maintenant désavantagés.

M. Jourdain: Vous parlez des projets SHQ ou...

M. Boulerice: Oui.

M. Proulx: Malheureusement, je ne suis pas vraiment au courant de cela. Ce sont des questions...

M. Boulerice: Je cherche la vérité.

M. Proulx: ...qui concernent plutôt l'aspect du développement des coopératives. J'en ai entendu parler. Ce sont des choses qui se sont passées récemment. Les gens des GRT vont pouvoir vous en raconter pas mal plus en détail de ces choses, je sais que la Coordination nationale des GRT passe un peu plus tard. Les porte-parole vont pouvoir vous expliquer cela en détail. Malheureusement, je ne suis pas assez informé de ces questions.

M. Jourdain: Je voudrais seulement faire une remarque par rapport à l'intervention du député. La spéculation non seulement remet les nouveaux projets en question, mais elle peut remettre aussi en question les projets des coops qui existent déjà, parce que les taxes foncières sont dépendantes du marché. Alors, il y a un gros problème. Dans Milton Park, cela commence à être très sérieux. Là, on commence à parler de remise en question de projets qui ont été très forts dans les années soixante-dix, qui se terminent actuellement et qui seraient remis en question à cause du marché spéculatif. Ce serait comme si on disait: On a investi beaucoup dans les coops, les gens et les gouvernements ont investi là-dedans, si on ne travaille pas sur la question de la spéculation, on pourrait remettre en question tout ce qui a été investi.

M. Boulerice: Merci, messieurs.

M. Proulx: D'ailleurs, un des effets insidieux peut-être de l'annonce prématurée du ministre, comme vous le disiez tantôt, est la spéculation galopante dans certains projets coopératifs. Cela entraîne des hausses de loyer de 15 % ou 20 % par année, seulement à cause de l'augmentation des taxes due à l'évaluation foncière. Voilà, merci.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le député de Saint-Jacques. Nous sommes maintenant rendus aux brèves remarques de conclusion. M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, il est toujours malheureux de voir que les fonds publics ne peuvent pas combler tous les espoirs de ceux qui voudraient bénéficier des subventions gouvernementales. Nous avons été élus pour redresser l'état des finances publiques. Les citoyens, je pense, nous ont donné un mandat très clair à ce sujet et nous tentons également, dans la mesure du possible, de venir en aide à tous ceux qui ont des besoins criants, que ce soit en matière de logement, de santé ou de sécurité. En ce qui concerne le logement, nous poursuivons la politique de subventions aux coopératives. Je signalais, ce matin, que nous venons d'accorder récemment quelque chose comme 930 unités d'habitation, dans le programme de catégorie 1, à des organismes coopératifs et OSBL. Nous allons annoncer bientôt l'équivalent d'environ 300 unités dans le programme des sans-abri. Tous ces programmes, évidemment, sont accordés au mérite, selon les décisions d'un jury, les règles du jeu étant connues d'avance par tous les GRT. Je sais que vous avez l'habitude de travailler là-dedans.

Bien sûr, l'essentiel des ressources du gouvernement revient aux populations les plus démunies, celles qui ont le moins d'argent pour se loger. Nous aimerions faire plus. Nous aimerions venir davantage en aide à ceux qui ont des revenus moyens, mais, malheureusement, comme nos fonds sont limités, l'accent est mis - et c'est un choix de gouvernement, un choix de société - vers ceux qui sont financièrement au bas de l'échelle, les plus démunis parmi les démunis. On doit faire un choix et on pense que ceux qu'il faut aider en premier lieu, ce sont ceux qui sont vraiment au bas de l'échelle. Cela ne veut pas dire qu'on n'aide pas les coopératives, mais on les aide peut-être moins que certains le voudraient.

Pour ce qui est de la question du député de Saint-Jacques, à savoir que les règles ont changé: les règles n'ont pas changé. Elles sont toujours les mêmes. Ce qui se produit, cependant, c'est que, comme c'est un système de points qui est connu, lorsque les coûts de construction, les coûts de réalisation sont plus élevés dans un projet que dans un autre, à cause des ententes que nous avons avec le gouvernement du Canada et à cause de notre volonté aussi de construire aux meilleurs coûts possible, il arrive que des projets soient disqualifiés, qu'ils ne se qualifient pas, parce que les coûts sont trop élevés. Je sais que vous êtes très au courant de cette situation.

Alors, nous continuons à tenter de réaliser le plus d'unités possible aux meilleurs coûts passible, de façon à loger le plus grand nombre de citoyens possible et, surtout, ceux qui sont les plus démunis. Je vous remercie de votre mémoire. Nous continuerons à travailler avec les GRT, les coopératives, comme par le passé* Merci.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre. Je cède maintenant la parole à M. le député de Shefford.

M. Paré: Je vais conclure très rapidement en citant ce que j'ai dit tantôt. Je pense que cela vaut la peine, parce que le ministre passe son temps à dire qu'il veut aider les plus démunis, qu'il doit consacrer tout l'argent seulement aux plus démunis. Sa proposition, là-dedans, consiste justement à aider ceux qui en ont le moins besoin au détriment des plus démunis. C'est ce que j'ai dit tantôt et je vais le répéter, cela en vaut la peine. Tout se passe comme si le gouvernement avait choisi d'aider ceux et celles qui n'ont pas vraiment besoin de son soutien, alors que la population qui sera la plus touchée négativement par cette mesure et qui constitue le groupe cible, c'est-à-dire les plus démunis, ce sont ceux qui pourraient justement profiter d'un programme de coopératives d'habitation. Merci beaucoup aux gens de la FECHIM d'être venus nous présenter leur mémoire aujourd'hui.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie M. le député de Shefford. M. Jourdain, de brèves remarques de conclusion?

M. Jourdain: Je voudrais seulement faire une remarque sur ce que le ministre vient de dire au sujet de l'aide aux plus démunis. Dans le document Se loger au Québec, une source fiable, je pense, pages 62 et 75, on dit que l'aide visible aux logements est de 182 000 000 $, en 1981, et que l'aide invisible, c'est-à-dire les abris fiscaux, de 825 000 000 $. On peut se poser la question: Est-ce que ce sont les plus démunis qui profitent des abris fiscaux?

M. Bourbeau: Vous savez que nous sommes en train de modifier les abris fiscaux? Vous avez pris connaissance du projet de réforme de la fiscalité? On est en train de les couper.

Le Président (M. Saint-Roch): Sur ce, j'aimerais remercier les gens de la Fédération des coopératives d'habitation de l'île de Montréal pour leur contribution aux travaux de la commission. Je demanderais maintenant au Comité logement Rosemont de prendre place, s'il vous plaît.

Permettez-moi, dans un premier temps, de vous souhaiter la bienvenue à cette commission. J'aimerais maintenant demander au porte-parole de s'identifier ainsi que d'identifier les gens qui l'accompagnent.

Mme Bégin (Claude): Je suis Claude Bégin du Comité logement Rosemont, coordonnatrice, et M. Mare Lamarche, qui m'accompagne, est membre du conseil d'administration.

Le Président (M. Saint-Roch): Sur ce, j'aimerais vous rappeler les mêmes commentaires usuels. Vous avez maintenant quinze minutes pour déposer votre mémoire à la commission.

Comité logement Rosemont

Mme Bégin (Claude): Avant de commencer, je vais vous citer ta déclaration universelle des droits de l'homme. "Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que les services sociaux nécessaires." Cela, a été adopté le 10 décembre 1948, à l'ONU. (16 heures)

Je veux vous rappeler que le Comité logement Rosemont a dix ans d'existence, bientôt onze ans, et je veux vous dire qu'il dessert une population d'environ 110 000 personnes. Le Comité logement Rosemont a été créé en vue de promouvoir l'amélioration de la vie du quartier et des conditions de logement de sa population, particulièrement les travailleurs à bas revenu, les chômeurs, les assistés sociaux, les chefs de famille monoparentale et les personnes âgées. Le comité s'implique dans tous les dossiers qui ont une influence sur les conditions de vie et de logement de la population du quartier: l'aménagement ou le réaménagement du quartier, les droits des locataires, les politiques de logement et les programmes gouvernementaux, la construction de logements sociaux.

Dans notre présentation, nous nous attarderons plus spécifiquement aux réalités socio-économiques des résidents locataires de Montréal et, plus particulièrement, de ceux du quartier Rosemont. Notre quartier est déjà la cible d'un marché inflationniste, spéculatif, où la copropriété prend de l'ampleur.

Le moratoire actuellement en vigueur, et qui fait l'objet de la présente commission parlementaire, se voulait, à l'origine, une réponse à un problème pressant, celui des locataires faisant les frais de la formule alors émergente de la copropriété divise dans les grands et moyens ensembles immobiliers. Aujourd'hui, au moment d'examiner la pertinence de lever le moratoire, il est nécessaire de cerner quels sont les problèmes auxquels les locataires de 1987 doivent faire face.

Je vais vous dresser un bref tableau de ce qui se passe dans notre quartier. Le marché immobilier montréalais connaît, depuis environ deux ans, une poussée inflationniste importante. Au centre de ce phénomène se trouvent, d'une part, les taux hypothécaires bas et alléchants et, d'autre part, une série de mesures fiscales incitant aux investissements immobiliers. Les valeurs résidentielles ont grimpé en flèche et, avec elles, s'effectue une pression considérable sur la structure des loyers.

Ce phénomène récent se surimpose, dans les quartiers périphériques au centre-ville, à ce qu'il est convenu d'appeler la "gentrification". Ce processus observé, dans maintes grandes villes nord-américaines, a débuté à Montréal au milieu des années soixante-dix, mais connaît actuellement un développement particulier. À partir d'un mouvement culturel qui transforme les vieux quartiers populaires en secteurs convoités par une classe économiquement ascendante, se sont développés des foyers chroniques de spéculation. L'image traditionnelle montréalaise des zones du "T" inversé de la pauvreté se modifie à mesure que les résidents à faible revenu sont délogés. Par les mécanismes des évictions pour rénovations et des reprises de possession, les moins nantis sont graduellement refoulés hors les murs: des corridors d'immigration se forment, les ménages à la recherche de logements à prix raisonnable se retrouvent de plus en plus loin du centre-ville.

Les conséquences, pour les ménages économiquement faibles, du tandem "gen-trification-déplacement" apparaissent maintenant clairement. D'une part, on constate un appauvrissement notable des ménages déplacés, dont la part du budget à consacrer au logement doit augmenter. S'en ressentent les autres besoins fondamentaux: alimentation, habillement, etc.

Il est important de noter que la qualité du logement des ménages déplacés n'augmente pas nécessairement. Les logements dits modiques, hors des quartiers centraux, sont souvent de construction médiocre, mal insonorisés, de dimension mesquine et dont l'entretien laisse à désirer. Par ailleurs, on doit noter les conséquences sociales du déplacement des populations traditionnelles hors des vieux quartiers: perte des services communautaires, perte des

commerces familiers, perte surtout du réseau d'entraide et de support, du tissu social, etc. Les gestionnaires de l'État devraient se rappeler que le déracinement ne peut qu'engendrer et multiplier de nombreux problèmes et amener ainsi des recours inévitables à des services sociaux.

Les quartiers montréalais sont inégalement touchés par le problème de la "gentrification". Le Plateau-Mont-Royal, les quartiers Centre-Sud, Milton Parc sont déjà très atteints et une seconde ceinture, Saint-Henri, Pointe-Saint-Charles, Hochelaga, Villeray et Rosemont, subit actuellement les assauts du marché. Sur le territoire du Comité logement Rosemont, par exemple, les loyers mensuels des personnes venues consulter le comité sont passés, en deux ans, de 225 $ à 375 $ par mois. Il faut situer cette hausse dans son contexte. Scénario typique: une première vente du bâtiment est suivie de réparations majeures, augmentant sensiblement la valeur du bâtiment est suivie de réparations majeures augmentant sensiblement la valeur du bâtiment et ses loyers. Les locataires serrent les dents, mais encaissent. Une deuxième vente suit rapidement et le nouveau prix exigé, nettement disproportionné par rapport au loyer, place le bâtiment sur le marché des copropriétés. Ainsi, des duplex se vendent actuellement 60 000 $ à 75 000 $ par étage. Cette fois-ci, les locataires doivent partir.

Rosemont qui profite actuellement du débordement du marché de la copropriété du Plateau-Mont-Royal, quasi saturé, voit son stock de logements locatifs diminuer. Les locataires de Rosemont, en plus de devoir affronter un marché du logement frénétique, doivent également subir les modifications des structures commerciales dont les services s'adressent maintenant à une clientèle différente et mieux nantie. Les commerces traditionnels disparaissent.

On peut noter que les interventions étatiques peuvent contribuer à accélérer ou aggraver les phénomènes de marché décelés dans nos quartiers. Le développement des terrains des anciennes usines Angus, tel que souhaité initialement par les gouvernements de Québec et de Montréal, prévoyait une implantation massive de condos sur le site. Même si le travail des groupes du quartier a permis qu'une large partie soit finalement consentie au logement social, la publicité autour du dossier a incité certains commerçants à anticiper la venue d'une nouvelle population.

Je vais aborder le cadre législatif. Face aux reprises de possession endémiques, face aux évictions pour réparations majeures et, conséquemment, face à la réduction du marché locatif et à l'escalade des coûts, la loi actuelle n'offre que bien peu de protection. Reprises de possession et rénovations ne sont sujettes qu'à des contraintes de délais, le législateur n'ayant pas jugé bon de régulariser ces situations. Les hausses de loyer après rénovations ne sont réglementées que lorsqu'elles sont effectuées dans le cadre strict de certains programmes de subventions. De plus, il est de notoriété publique que la Régie du logement n'atteint qu'une infime proportion des cas de hausse de loyer, hors rénovations, qui seraient pourtant sous sa juridiction. Ces carences législatives sont un facteur clé dans la situation actuelle.

Je vais aborder la situation socio-économique des locataires du quartier Rosemont et des quartiers populaires de Montréal. Dans les quartiers populaires de Montréal, les phénomènes de marché décrits plus haut s'attaquent à une population extrêmement vulnérable. Il importe d'abord de situer le niveau économique des résidents des vieux quartiers centraux. Selon les quartiers, entre 50 % et 75 % des locataires gagnent, selon le recensement de 1981, moins de 15 000 $ par année. La proportion de ménages jugés sous le seuil de la pauvreté oscille, dans ces mêmes quartiers, entre 35 % et 65 %. La proportion d'assistés sociaux atteint, quant à elle, 55 % de la population dans des quartiers tel que Pointe-Saint-Charles. À Rosemont, quartier pourtant statistiquement moyen, 46 % des ménages n'atteignent pas, en 1981, 15 000 $ de revenu annuel.

Les études statistiques sont nombreuses à dépeindre la précarité économique des résidents des vieux quartiers. Dans un tel contexte, on ne peut se surprendre des impacts sérieux des hausses du marché du logement. Dans Hochelaga-Maisonneuve, la Coalition sur l'alimentation dénonçait, en avril 1987, la situation vécue par 10 000 personnes souffrant de la faim dans ce quartier de Montréal. Le taux d'effort budgétaire que cette population consacre par logement est de 45,5 % et il atteint 57 % si on inclut les coûts des services qui lui sont liés. La 5ociété Saint-Vincent-de-Paul de Montréal, par une étude qu'elle a menée sur sa clientèle, démontre que celle-ci doit consacrer une moyenne de 46 % de ses revenus pour se loger, services non inclus. De plus, ce pourcentage augmente à mesure que le revenu baisse. Dernièrement, la Corporation professionnelle des diététistes du Québec s'est aussi penchée sur la question dans une enquête concernant la situation des personnes de milieu économiquement faible, plus précisément celle des femmes enceintes et des femmes allaitant des nourrissons. Elle déclare que la principale raison des problèmes de mauvaise alimentation des personnes à faible revenu est le coût trop élevé consacré au loyer.

À l'instar des auteurs de ces études, nous sommes forcés de conclure que la

situation des ménages à faible revenu à Montréal, en particulier ceux vivant dans les vieux quartiers, est devenue critique.

Donc, je vous amène à des solutions. Dans ce contexte, comment pouvons-nous assurer aux ménages à faible revenu l'accès à des logements de bonne qualité tout en respectant leur capacité de payer?

Le marché privé n'est sûrement pas une solution. Au Comité logement Rosemont, nous croyons que le marché privé, même fort actif, ne répond pas à cet objectif. Le loyer dans les logements locatifs neufs est élevé: une consultation exhaustive des annonces dans les journaux révèle l'absence notoire de logements familiaux à prix modiques. Ensuite, la nette progression du marché du condo ne va pas dans le sens d'un réel accès à la propriété pour les ménages à faible et moyen revenu puisqu'il faut disposer d'un revenu annuel de plus de 30 000 $ si on désire acheter une unité bas de gamme à 70 000 $.

Du côté de la rénovation privée, on continue dans la même veine. Le coût des loyers après rénovation fait déménager bien des gens... Une enquête effectuée par le LARSI dans les quartiers Plateau-Mont-Royal, Papineau et Mile-End nous apprend que 90 % des gens dont le logement a fait l'objet d'une rénovation n'ont pas réintégré leur logis. Rénovation signifie donc éviction: les coûts et énergies liés au déplacement sont en cause en plus du fait que le loyer d'un logement rénové y est en moyenne de 38 % plus élevé que ce qu'il était avant les travaux. De plus, dans 67 % des cas, la rénovation se solde par la conversion du logement en copropriété.

À ce marché supposément privé, les gouvernements provincial et fédéral apportent leur contribution: dans l'application du nouveau programme d'aide à la rénovation Canada-Québec, PARCQ, s'annoncent déjà des hausses de loyer pouvant atteindre de 26 % à 46 %.

Pour nous, une seule issue possible se trouve dans l'intensification du logement social. Il est absolument nécessaire que les gouvernements cessent de se retirer des problèmes de logement et relancent la production de logements sociaux, HLM, coopératives locatives et OSBL, ainsi que les mesures d'aide au logement.

Beaucoup de gens à Rosemont et d'autres quartiers de Montréal ont compris cela. Pour s'assurer une réponse à leur besoin fondamental de logement, ils revendiquent du logement social neuf et/ou rénové. Les demandes populaires se multiplient. Dans le quartier la Petite Patrie, la table de concertation logement-aménagement revendique 332 logements sociaux de type HLM et coopératifs sur le site des ateliers municipaux du métro Rosemont. De plus, la table cible des sites pour la réalisation de plusieurs centaines d'autres unités, histoire de répondre aux be'soins immédiats du quartier.

Dans le quartier Rosemont, malgré le travail de la table de concertation populaire des Terrains Angus, le nombre d'unités de logement social actuellement acquis n'atteint que la moitié de l'objectif initial de 2200 logis, objectif qui répondait aux besoins de ...1980. Généralement à Montréal, la liste de l'OMH compte plus de 10 000 ménages inscrits en attente d'un logement dans un HLM.

Le GRT de notre quartier reçoit chaque année un nombre important de gens intéressés à participer à un projet d'habitation coopérative afin de solutionner leur problème de logement. Malheureusement, un grand nombre d'entre eux sont déçus: la quantité d'unités réalisées avec les programmes gouvernementaux est bien en deçà de la demande.

Une deuxième solution. La construction de logements sociaux ainsi que l'établissement de mesures d'aide au logement sont éminemment nécessaires. Mais, parallèlement à ces interventions, il est impératif de préserver le stock actuel de logements locatifs dans les quartiers centraux de Montréal.

Situés en périphérie du centre-ville, ces quartiers populaires regroupent une part importante des logements encore abordables de Montréal. C'est plus de 300 000 ménages qui y vivent.

Des mesures doivent être prises rapidement afin de maintenir l'accès à ces logements pour la population des travailleurs, chômeurs, assistés sociaux, familles, personnes âgées et autres qui ont des revenus faibles ou modestes.

Le gouvernement a la responsabilité d'éviter toute mesure qui contribuerait à stimuler encore davantage la frénésie actuelle du marché immobilier dans ces quartiers. Certains vivent déjà une situation catastrophique; la spéculation effrénée entraîne la hausse vertigineuse des prix des terrains, des bâtiments et, bien sûr, des loyers. Des milliers de logements à bon marché disparaissent sous le vent de la conversion en copropriété et sous la vague des rénovations majeures avec les hausses de loyer qui les accompagnent.

Même le développement du logement social y est nécessairement menacé. Compte tenu de la forte spéculation, les programmes de financement des gouvernements deviennent rapidement insuffisants. (16 h 15)

Les logis de ces quartiers échappent presque tous au moratoire actuel parce qu'ils se situent en très grand nombre dans de petits bâtiments de cinq logements et moins. L'image traditionnelle de ces quartiers nous présentent une multitude de duplex, triplex,

quadruplex et petits "walk-up". Que dire de plus, sinon que l'on y retrouve aussi la plupart des logements familiaux!

Le gouvernement doit se servir de toutes les avenues qu'il a à sa disposition afin d'assurer le maintien des populations à faible et moyen revenu dans les quartiers populaires de Montréal. Toute mesure doit être centrée sur la seule capacité de payer de ces gens et doit répondre à leurs besoins réels et immédiats de logements.

En conclusion, le gouvernement du Québec ainsi que le ministre de l'Habitation doit reconnaître le droit au logement et le droit des résidents à faible et moyen revenu de demeurer dans les quartiers où ils habitent. La reconnaissance de ces droits passe par une augmentation très importante du nombre de logements sociaux produits chaque année afin de répondre aux besoins répertoriés et sans cesse croissants. De plus, une politique d'habitation devrait garantir que, dans les logements sociaux, le taux d'effort consenti par les ménages locataires ne dépasse jamais 25 % de leur revenu. Ensuite, afin de favoriser pleinement l'accès des gens à faible revenu aux HLM, il faut que des amendements soient apportés au règlement sur la sélection des locataires afin d'y enlever toute forme de discrimination et d'arbitraire.

Le réseau des GRT doit être soutenu plus fortement qu'il ne l'est actuellement et les subventions de base que reçoivent ces organismes doivent être indexées. Enfin, des subventions doivent être octroyées aux sociétés acheteuses sans but lucratif.

Toutes ces formes de propriétés collectives, qu'il s'agisse de HLM, de coopératives ou d'OSBL, assurent le maintien dans les lieux des locataires à bas revenu et leur garantissent de pouvoir demeurer dans les quartiers qu'ils choisissent, maintiennent un stock de logements à loyer abordable, soustraient des bâtiments résidentiels aux tendances spéculatives du marché privé. Enfin, elles permettent l'accès à un mode d'occupation orienté vers la prise en charge collective des conditions de logements.

Relativement au moratoire sur les conversions en copropriété, le Comité logement Rosemont réclame qu'il soit maintenu et étendu afin qu'aucune conversion de logements locatifs en copropriété divise ou indivise ne soit possible dans tous les bâtiments de nos quartiers tant et aussi longtemps qu'un nombre suffisant de logements sociaux de toute nature n'ait été produit et tant et aussi longtemps que le gouvernement n'aura pas doté le Québec d'une véritable politique d'accès au logement pour tous sans exception.

À cet effet, le mémoire déposé par le Front d'action populaire en réaménagement urbain énumère tout un train de mesures et de politiques que le gouvernement du Québec doit adopter. Le Comité logement Rosemont appuie la position du FRAPRU.

Qu'on ne nous dise pas encore une fois que l'État n'a pas' les moyens pour mettre de l'avant ces mesures et qu'il faut remettre le sort des locataires entre les mains du marché privé.

Actuellement, l'État dépense des sommes importantes dans le domaine de l'habitation en aide directe ou indirecte. Cependant, il le fait très majoritairement en faveur des classes à revenu supérieur par le biais de multiples avantages fiscaux relatifs au logement. En 1981, le gouvernement du Québec a accordé pas moins de 325 000 000 $ à de tels avantages fiscaux; c'était quatre fois et demie plus que ce qui allait en subventions directes à l'habitation, soit 182 200 000 $ et douze fois plus que ce qui allait à des programmes de logements sociaux comme les HLM, Logirente et Logipop, soit 64 000 000 $.

Pour terminer, voici ce que disait le rapport Nielson sur le logement au sujet des abris fiscaux: ils font perdre à l'État des recettes considérables dont il pourrait se servir pour atteindre d'autres objectifs de logement et ils ne bénéficient à peu près pas aux Canadiens qui ont le plus besoin d'aide en matière de logement. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie. Je cède maintenant la parole à M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, je vous prierais de reconnaître le député de Sainte-Anne, s'il vous plaît.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Merci, M. le Président. Merci madame pour votre mémoire. Évidemment, nous sommes ici depuis lundi et on a écouté énormément de mémoires. On peut évidemment constater que certaines lignes de pensée sont identiques. Ce matin, il y avait des gens de mon propre comté, soit de Pointe-Saint-Charles, le RIL, qui ont été à peu près dans le même sens que votre groupement. Mais, c'est toujours intéressant de voir que le même problème est vécu dans différents secteurs. Je pense que vous devez le réaliser et je suis très content que le ministre dans ses déclarations à cette enquête depuis lundi a clairement indiqué que nous sommes en consultation et que ce n'est pas une question où tout est décidé d'avance. On est ici pour obtenir des opinions de différents groupements, y inclus évidemment le vôtre, pour justement décider ce qui ira le mieux, à un moment donné, et quelle décision prendre qui sera acceptable à toute la population.

Je dois vous dire que votre propre député, le Dr Rivard, est très au courant de votre mémoire. Je lui ai dit que je serais à la commission et il m'a demandé de vous transmettre son vif intérêt dans le dossier, parce que cela concerne directement son comté.

Je voudrais simplement savoir de vous, le Comité logement Rosemont, quels moyens avez-vous pour communiquer avec, disons, la clientèle qui a justement besoin de vos services? Avez-vous un système de...

Mme Bégin (Claude): On a un système de membres, on a des membres qui sont actifs au Comité logement Rosemont, qui renouvellent à chaque année, qui font appel à nos services. En plus, on communique avec les gens soit par les journaux locaux, par des dépliants, des trucs du genre. En fin de compte, il y a beaucoup d'activités au Comité logement Rosemont.

M. Polak: Vous avez beaucoup de volontaires qui vous donnent un coup de main?

Mme Bégin (Claude): Oui. On a beaucoup de gens qui sont membres et qui participent.

M. Polak: Maintenant, vous parlez à un moment donné de la Régie du logement, vous dites - je n'ai pas la page parce que votre mémoire n'est pas numéroté mais la page dit: il est de notoriété publique que la Régie du logement n'atteint qu'une infime proportion des cas de hausse de loyer... Je suis d'accord avec vous et on entend cela très souvent que ceux qui ont le droit d'aller devant la régie, simplement n'y vont pas; les personnes âgées nous ont fait une démonstration de cela.

Maintenant, il y a une mesure dans le document du ministre - je voudrais parler d'autres mesures aussi avant, disons, la levée du moratoire - d'avoir un guichet spécial à la régie pour les personnes handicapées, pour les personnes âgées et peut-être aussi pour les personnes à faible revenu. En tout cas, cela pourrait être arrangé plus tard. Quelles sont vos idées sur cela et en même temps -parce qu'on discutait cela hier avec d'autres groupes - sur la possibilité de sensibiliser la population, vraiment, que ce guichet ou ce système est là?

Mme Bégin (Claude): Je peux vous dire que je ne sais pas jusqu'à quel point cela risque d'être efficace. La proportion de gens qui savent, premièrement, qu'ils peuvent utiliser la Régie du logement pour défendre tel et tel point, elle est minime. Beaucoup de gens ne sont pas au courant de cela, et même si on leur mettait des guichets de plus, ils ne le sauront pas plus. Cela prend d'autre genre d'information pour que les gens soient au courant que la Régie du logement est là. Comme nous, le Comité logement Rosemont, il y a bien des gens qui ne sont pas au courant qu'on existe et qu'on est là pour cela. Cela va être exactement le même problème. Nous, en plus, nous sommes à proximité des demeures. Je veux dire qu'on est dans le quartier, on vit avec les gens, on les connaît. Je ne sais pas jusqu'à quel point cela risque d'être efficace s'il n'y a pas une mesure de publicité différente qui peut être prise à ce moment pour sensibiliser les gens.

M. Polak: Est-ce qu'actuellement vous accompagnez des gens à la régie pour leur donner un coup de main pour plaider leur dossier?

Mme Bégin (Claude): Monsieur peut répondre ici.

M. Lamarche (Marc): Je pense que l'installation d'un guichet à la Régie du logement, c'est une préface. La législation actuelle est incompétente et elle est pleine de trous; quand on parle actuellement seulement de réparations majeures, les articles 1653 et suivants du Code civil permettent de toute façon d'évincer n'importe qui, n'importe quand et de n'importe quelle façon dans des conditions absolument débiles, de toute façon. En plus, c'est bien beau d'installer un guichet mais encore faut-il avoir du personnel compétent, ce qui n'est pas le cas présentement. On a du personnel, on en voit nous, on a des copies de demandes pour la régie qu'on remplît. On envoie les gens avec ces copies déjà remplies, déjà prêtes, juste l'estampe à mettre, et les employés de la régie retournent ces gens disant: Pas de problème, retournez chez vous, il n'y en aura pas de réparation, il n'y en aura pas de reprise de possession. Six mois plus tard, ils se retrouvent sur le derrière. Il faudrait peut- , être, qu'au lieu de leur donner l'immunité judiciaire, on leur donne peut-être une formation, une sensibilité aux problèmes des gens, à la réalité. C'est bien beau le fonctionnarisme, mais il y a des limites aussi.

M. Polak: Mais vous êtes d'accord avec le fait que chaque démarche pour améliorer le système, on doit l'encourager. Même s'il ne va pas assez loin, cela peut toujours être amélioré un peu plus.

M. Lamarche: Je n'encourage pas le guichet du tout.

M. Polak: Comment?

M. Lamarche: Je n'encourage pas l'installation du guichet. Qu'est-ce que cela

donne de mettre un "plaster"? De toute façon à l'eau, il décolle.

M. Polak: Mais disons si... Parce que pour chaque individu qui travaille, je présume, travaille par l'entremise d'un organisme comme le vôtre, donc il y a une certaine clientèle qui va directement devant la régie. Si quelqu'un est là pour les aviser» s'ils sont sensibilisés...

Mme Bégin (Claude): C'est là qu'est le problème. Bien souvent, à la Régie du logement, les gens ne répondent pas efficacement aux personnes dans le besoin. Ils sont débordés. Plein de gens attendent à la Régie du logement. Quand ils viennent chez nous avant, on a le temps de s'occuper d'eux, de prendre leur cas, d'étudier comme il faut ce qu'ils ont comme recours et même de préparer leur demande quand ils vont à la Régie du logement. Quand ils arrivent à la régie, c'est souvent... c'est trop organisé pour eux. Ils ont beaucoup de difficulté avec cela. Alors, même si on ajoute trois guichets de plus, à moins qu'on donne une formation supplémentaire à ces gens-là pour comprendre les gens qui ont des problèmes de logement, plus spécifiquement les personnes plus démunies, à faible revenu ou quoi que ce soit...

M. Polak: À un moment donné, à 3.3, vous avez parlé de préserver le stock actuel. Le ministre en a parlé ce matin et j'aimerais avoir vos commentaires là-dessus aussi, parce que je crois que vous avez ici l'occasion de passer des messages, de manière positive, je l'espère, pour améliorer toujours le système et pour tenter de trouver une solution.

Le nouveau programme pilote que le ministre vient d'annoncer dernièrement qui accorde l'aide au locataire, où le locataire paie le même montant qu'en HLM, sauf qu'il reste dans sa demeure...

Mme Bégin (Claude): Le supplément au loyer.

M. Polak: C'est cela, le supplément au loyer. Maintenant, la théorie du ministre est que, pour le même montant - parce que l'enveloppe distribuée est tout de même limitée - on peut servir le double de la clientèle puisqu'on évite la construction de HLM et toutes les dépenses que cela occasionne et, en même temps, cet argent est retourné à ces gens pour couvrir la différence. Donc, quand j'ai entendu parler de ce programme, je l'ai trouvé très intéressant, mais je sais qu'il existe une critique. Ce matin, je l'ai demandé à mes groupements de Pointe-Saint-Charles et j'aimerais avoir vos commentaires à ce sujet.

Mme Bégin (Claude): Notre commentaire, c'est qu'on est tout à fait en désaccord avec un tel programme. On rejoint beaucoup les positions du regroupement des locataires de Pointe-Saint-Charles. En fin de compte, on croit plus en un programme HLM où on va construire un bâtiment qui va demeurer, plutôt que d'enrichir les poches d'un propriétaire spéculateur ou autre de ce genre. Même si la personne a un maintien dans les lieux pour cinq ans, cela ne signifie pas qu'elle sera bien dans ce logement parce qu'elle va sûrement avoir des problèmes avec les voisins d'à côté qui, eux, paient le plein prix. Les enfants qui vont vivre à l'intérieur des appartements de ce genre-là vont-ils, eux aussi, subir de la discrimination par rapport aux voisins plus fortunés ou mieux nantis? Jusqu'à quel point je crois plutôt en tel programme? Je n'y crois pas pour l'instant. Je crois plus en un programme de coopérative, de HLM ou d'OSBL, et aussi en un programme de prise en charge des citoyens, comme la FECHIM l'a dit tout à l'heure, je crois plutôt en un programme de coopérative d'habitation que de donner le supplément au loyer à des propriétaires bien nantis qui vont profiter de la situation pour s'enrichir encore une fois. C'est notre position.

M. Polak: D'accord. Une autre question. Vous avez mentionné dans vos conclusions que' le gouvernement doit reconnaître le droit des résidents à faible et moyen revenu de demeurer dans le quartier où ils habitent. Je présume que le ministre répondrait à cela qu'il va plus loin encore, parce que, dans son document, il garantit le droit à tous les locataires sur une base permanente de demeurer là.

Maintenant je comprends très bien. Votre réponse sera probablement: qu'est-ce que ce droit-là donne, car il y a toujours moyen de se débarrasser de ce locataire? Je suis un de ceux qui pensent que, quand il y a quelque chose de bon dans un document, il ne faut pas tout rejeter. Donc, oublions pour le moment la levée du moratoire. Il y a tout de même des points comme les réparations majeures, le harcèlement dont il a été dit à plusieurs occasions, et cela viendra avec la loi, qui va contrer... c'est beaucoup mieux, décrivant etc., le contrat. Croyez-vous que nous sommes sur la bonne route avec ces mesures?

Mme Bégin (Claude): Non. Je dois vous dire... Bon, premièrement...

M. Polak: Vous ne croyez pas en grand chose. Allez-y.

Mme Bégin (Claude): Premièrement, les gens victimes de harcèlement pour quitter leur logement, on en a plein qui viennent

nous voir à longueur de journée, car cela commence à Rosemont où de plus en plus de spéculateurs achètent et mettent les gens dehors soit par le processus de réparations majeures ou par la reprise de possession. Ils font du harcèlement. Les gens ont tellement peur qu'ils ne pensent même pas à aller se plaindre à la Régie du logement ou venir nous voir pour cela. Il faut vraiment insister pour réussir à savoir exactement que les gens subissent du harcèlement. (16 h 30)

Je ne sais pas si cela va vraiment changer quelque chose que ces gens aient la possibilité d'aller se plaindre. Je n'y crois pas réellement. Pour ce qui est des réparations majeures, première chose, il faudrait que les gens aient la possibilité de contester la nature des travaux. Si tu ne peux jamais contester la nature des travaux qui vont être faits dans ton logement, cela ne donnera absolument rien qu'il y ait un, deux ou trois mois d'avis. Il faut que tu puisses être en mesure de dire non ou oui, j'accepte tel genre de réparations ou je les refuse. Maintenant, on est pris avec des règlements qui font qu'on ne peut pas contester. Ils viennent rénover deux mois avant et ils rénovent trois mois après, c'est tout le temps oui, on n'a pas le choix. Déjà cela, il faudrait que les gens puissent au moins donner leur avis concernant les réparations majeures et le bien-fondé de ces réparations.

M. Polak: Une dernière question. Sur les coopératives, le ministre a expliqué, ce matin, qu'en vertu du programme, combiné avec le fédéral, l'argent est investi pour les clientèles les plus démunies. Je suis d'accord avec vous, comme j'étais d'accord avec le groupement de Pointe-Saint-Charles, ce matin, qu'il y a d'autres catégories qui sont aussi dans le besoin, même s'ils gagnent peut-être plus que la limite de 12 000 $.

Croyez-vous qu'on devrait élargir les critères pour ceux qui veulent se qualifier? Évidemment, on a toujours la même enveloppe. Ne croyez-vous pas que si cela arrive, on rendra moins de services à ceux qui sont vraiment dans le besoin?

Mme Bégin (Claude): Je ne penserais pas. En fin de compte, à Rosemont, la clientèle qu'on dessert réellement, c'est celle qui est justement dans cette fameuse zone grise...

M. Polak: Ah!

Mme Bégin (Claude): ...de 15 000 $ à 25 000 $. Ces gens-là n'ont pas accès à la propriété privée et ils n'ont pas plus accès aux HLM, ni aux coopératives d'habitation de catégorie A. Donc, je veux dire que cela ne changerait pas vraiment le sens de notre problème dans Rosemont, parce qu'on se retrouve quand même avec cette clientèle qui est la zone grise.

M. Polak: Je suis en conflit d'intérêts avec vous parce que, dans mon comté, il y a Pointe-Saint-Charles; j'ai cette clientèle-là.

Mme Bégin (Claude): Oui!

M. Polak: Donc, peut-être que le ministre va donner plus à nous autres et moins à vous. C'est cela le problème, un peu...

Mme Bégin (Claude): C'est cela le problème.

M. Polak: ...on ne peut jamais tous être heureux.

Mme Bégin (Claude): C'est qu'on ne peut pas commencer à préparer des mesures à prendre financièrement là-dessus. Là n'est pas notre rôle non plus au Comité logement Rosemont...

M. Polak: Non, non.

Mme Bégin (Claude): ...de commencer à préparer des programmes financiers.

M. Polak: Donc, quant à moi, je réitère simplement que nous sommes très intéressés dans tout ce qu'on nous présente. On espère toujours que le monde le fait d'une manière positive et toujours optimiste pour qu'on puisse améliorer le système et trouver une solution acceptable pour tout le monde. Merci.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le député de Sainte-Anne. Je cède maintenant la parole à M. le député de Jonquière.

M. Dufour: Je vous remercie, M. le Président. Je voudrais, comme il est de coutume, souhaiter la bienvenue aux représentants du Comité logement Rosemont et leur dire que leur document est suffisamment impressionnant pour peut-être soulever... Il soulève aussi un certain nombre de questions.

Il faut se dire que le ministre des Affaires municipales, responsable de l'Habitation, est notaire; il est censé connaître surtout le marché de l'immeuble dans Montréal. La levée du moratoire, l'un de ses principaux buts, c'est de donner l'accès au logement.

Quand on regarde ce que les groupes sociaux, tel que le vôtre, viennent nous dire, qu'il y a 46 % des gens qui gagnent au-dessus de 15 000 $, ce n'est pas unique; il y a d'autres groupes qui sont venus nous le

dire ce matin, vous desservez 110 000 personnes. Est-ce que vous pensez réellement que la levée du moratoire qui est proposée, -indépendamment de ce que vous dites, je sais que vous êtes contre - pourrait donner plus accès à la propriété à ces gens que vous connaissez très bien et avec lesquels vous travaillez régulièrement?

Mme Bégin (Claude): Non. Cela ne donnera pas plus accès à la propriété parce que ces gens-là, du jour au lendemain, ne trouveront pas l'argent suffisant pour acheter et, avec les taux hypothécaires, comme ils sont rendus présentement, ils n'auront pas plus les moyens d'accéder à la propriété. C'est clair et évident. Cela prend une moyenne de revenu de plus de 30 000 $ par année pour pouvoir être propriétaire d'un étage seulement, qui se vend dans les 60 000 $ et plus dans Rosemont.

M. Dufour: Dans la loi actuelle et sans la levée du moratoire, vous nous faites la démonstration d'un cas. Vous parlez de reprises de possession, rénovations; cela fait des contraintes, des délais. Actuellement, vous auriez pu ou vous pouviez protester. Il semblerait que vous n'avez jamais pu réussir à arrêter la volonté d'un propriétaire qui a voulu procéder à des rénovations majeures. Est-ce que vous avez réussi cela?

Mme Bégin (Claude): On réussit, oui. Heureusement, il y a des cas qu'on réussit à gagner comme cela et par chance; cela encourage les locataires à continuer de venir nous voir et de croire encore qu'on peut faire quelque chose parce que, dans plusieurs cas, on a réussi à faire cesser les travaux, soit des cas de reprises de possession, de réparations majeures ou même des changements d'affectation. On a encore des causes qui sont en cours, et on a de fortes chances de gagner. Il y en a d'autres qu'on a gagnées aussi avec des locataires.

M. Dufour: Qui sont vos meilleurs alliés quand vous défendez cette cause? Est-ce que ce sont les locataires qui travaillent le plus fort avec vous? Est-ce que ce sont des ressources différentes?

Mme Bégin (Claude): Les locataires y croient fermement et cela aide beaucoup. Quand on fait un regroupement de locataires qui subissent les mêmes réparations dans un édifice, quand les gens se tiennent entre eux, cela aide beaucoup. On travaille aussi beaucoup avec les avocats de pratique privée qui s'occupent souvent des locataires qui viennent nous voir. En fin de compte, on a quand même un bon soutien.

M. Dufour: Ce matin, un groupe nous a apporté, suggéré ou mis une solution de l'avant en disant que les associations de locataires devraient être mieux aidées et soutenues financièrement.

Mme Bégin (Claude): Évidemment, je suis entièrement d'accord avec vous, là-dessus. Il devient sans aucun doute très désagréable de courir après les subventions d'année en année, de mois en mois pour pouvoir survivre et soutenir les locataires ainsi, dans un quartier où le besoin s'en fait sentir de plus en plus réellement.

M. Dufour: Vous parlez du programme PARCQ. Pour le ministre, ce programme a été le tiroir unique. Il nous a annoncé cela l'an passé avec un élan du coeur parce qu'il était un des bons négociateurs avec Ottawa. Il est venu nous dire qu'il allait régler à peu près tous les problèmes avec ce programme. Cela s'adressait aux plus démunis, 13 000 $ et moins, propriétaires, locataires. Dans votre mémoire, vous dites que les loyers qui profitent du programme PARCQ vont subir des hausses de 26 % à 46 %. Comment voyez-vous cela? Ces gens disent: On est là pour aider les plus démunis et on les reprend de l'autre côté.

Mme Bégin (Claude): Je vais vous dire que c'est le FRAPRU qui a fait des simulations en prenant les formules de demande du programme PARCQ et qui en est venu à la conclusion qu'avec ce programme, les logements augmenteraient du pourcentage que vous venez de mentionner. Ce n'est pas nous qui avons fait ta simulation de ces cas. C'est le FRAPRU qui a travaillé là-dessus. Évidemment, cela annoncerait des hausses de loyer. Donc, je ne peux pas vraiment donner de détails sur le programme PARCQ, malheureusement.

M. Dufour: D'accord. Mais, vous qui avez l'habitude - j'imagine - d'accompagner vos clients ou vos clientes à la Régie du logement dans certains cas - malheureusement, ils n'y vont pas tous, mais quand ils y vont, vous les appuyez - est-ce que vous pensez que 26 % et 46 % d'augmentation avec des programmes qui ont été subventionnés, vous auriez des arguments suffisants pour empêcher ces hausses dramatiques et trop élevées?

Mme Bégin (Claude): De toute façon, de telles hausses sont absolument inacceptables, qu'il y ait le PARCQ ou non.

M. Dufour: Mais c'est encore pire.

Mme Bégin (Claude): Une hausse de 26 %, nous conseillons fortement aux locataires de contester une telle augmentation.

M. Dufour: II y a un autre point que je veux soulever, ce sont les groupes de ressources techniques. Elles doivent être soutenues plus fortement. Ce matin, on apprend d'un groupe... On l'a appris, maïs on le savait nous aussi. Malgré certaines promesses en commission parlementaire ce printemps, on s'est rendu compte que les groupes communautaires d'aide au logement s'étaient fait organiser quelque peu lors d'une rencontre avant la vraie commission parlementaire et on a coupé assez fortement leurs subventions et le soutien gouvernemental. Ce matin, un groupe a dit: II est prévu que, de 37 groupes de GRT, on va tomber à onze. Vous dites: Cela devrait être indexé, on devrait avoir des subventions.

Mme Bégin (Claude): On devrait soutenir et encourager. Il y a des listes de gens... J'ai des appels téléphoniques tous les jours, de la part de gens intéressés à participer et à mettre sur pied des coopératives d'habitation. Plus on a de gens et plus le gouvernement veut enlever le plus possible de GRT ou enlever les subventions aux GRT. Je trouve qu'il y a un non-sens qui s'établit dans une relation comme celle-là. Les gens nous appellent, ils veulent participer et ils veulent des logements et, en fin de compte, ils ne pourront pas en avoir.

M. Dufour: Qu'est-ce que vous pensez de la position de la ville de Montréal concernant la levée du moratoire?

Mme Bégin (Claude): Nous sommes agréablement surpris. Nous en sommes bien heureux, sauf que, comme disaient les autres groupes ce matin, il y a certaines ambiguïtés sur de petits détails. Je ne l'ai pas lu, mais que je sais qu'en gros, dans les journaux, on est agréablement surpris de la décision de la ville.

M. Dufour: Le harcèlement, votre mémoire n'en fait pas tellement état, mais ne pensez-vous pas qu'il y a possibilité de contrer ces mesures concernant soit les réparations majeures, soit les évictions, etc.?

M. Lamarche: Pour contrer ces mesures, je pense qu'il faut changer justement de direction, comme on le disait tantôt. De toute façon, le harcèlement c'est difficilement quantifiable, cela se prouve difficilement. Quelqu'un qui est seul chez lui et qui reçoit deux personnes le soir à 23 heures, à coup pied dans la porte et qui se fait dire: Tu sors ou bien on te sort; pour aller contester cela à la régie, on va lui demander s'il a des preuves de quoi que ce soit. Je pense que c'est un peu utopique. Il va peut-être falloir serrer les dents au niveau de la loi là-dessus, au niveau du harcèlement, mettre des mesures vraiment efficaces, précises, ou quelque chose qui permet au locataire de contester les réparations majeures dans leur nature même, ce qui n'existe pas actuellement. Comme le disait le député tantôt pour la FECHIM, c'est sûr qu'il y a des réparations majeures qui, dans certains cas seulement, sont nécessaires. Par contre, on sait très bien que les réparations majeures servent aussi à déloger des gens là où il n'y a pas besoin de réparations majeures.

Il y a un "washer" qui coule et il faut faire des réparations majeures. Je trouve cela absolument inacceptable. Et les gens n'ont pas la possibilité de contester cela. Ils se retrouvent pendant trois ou quatre mois dans la rue et souvent, quand ils reviennent, leur logement, pendant la période d'évacuation, a été loué à quelqu'un d'autre pour le double ou le triple de ce qu'ils payaient eux autres mêmes; et les réparations n'ont pas été faites.

Je pense qu'il faut revenir au quotidien si on veut comprendre le problème du logement. C'est beau, les grandes politiques, mais je pense qu'en venant voir ce qui se passe dans le quotidien, en se promenant et en allant voir dans la rue les gens, ce qu'ils ont, ce qu'ils vivent, peut-être que là on va sensibiliser les gens.

Ce n'est pas en créant une classe sur papier et en disant qu'eux autres sont démunis et eux autres ne sont pas démunis qu'on peut comprendre la situation. Cela est abstrait, ce n'est pas concret.

M. Dufour: C'est sûr que c'est complexe et je pense aussi que vous y faites allusion très fortement. C'est le voeu de la plupart des groupes socio-économiques qui se sont présentés aujourd'hui, à savoir qu'on a besoin d'une véritable politique de l'habitation. Ce n'est pas avec des "plasters" sur une jambe de bois qu'on va régler ces problèmes. Je pense que c'est un problème auquel on fait face. Il s'agit de poser la question pour voir la réponse spontanée que tous les groupes nous font. Je pense que vous êtes sérieux de ce côté. On fait traîner dans le paysage, bien sûr... Et surtout pour vous autres, cela semble plus probant. D'un côté, le gouvernement dit: On veut que tout le monde soit propriétaire, et vous arrivez avec les coopératives où effectivement les gens deviennent propriétaires. Les OSBL, il y a certains groupes là-dedans. On parle de logements sociaux, de HLM, là ce ne sont pas des propriétaires. Vous les défendez fortement.

Mme Bégin (Claude): On les encourage parce que ces gens vont payer 25 % de leur revenu. Ils n'auront pas à faire un effort considérable pour pouvoir vivre. Ils vont pouvoir se nourrir convenablement et élever leurs enfants convenablement. En fin de

compte, c'est primordial. C'est pour cela qu'on encourage autant toute forme de logement social.

M. Dufour: Je pense que de ce côté, vous êtes très cohérents parce qu'on ne peut pas avoir une solution unique pour l'ensemble des citoyens. C'est normal qu'il y ait une panoplie de logements différents qui s'adresse à des classes de gens différentes. Vous choisissez... Tant qu'il n'y aura pas une garantie de revenu suffisante, vous garantissez un abri et que les gens seront bien logés... Je pense que cela est important. De ce côté, je peux juste féliciter votre clairvoyance et votre sérieux.

M. Lamarche: Au niveau des HLM, j'aimerais ajouter quelque chose. C'est beau, là, de créer des logements sociaux, mais encore faut-il qu'ils soient accessibles. Ce n'est pas évident actuellement et ce n'est pas évident avec ce qui s'en vient, quand on invente et qu'on crée des listes de gens qui ont droit à ces logements. Pourquoi une femme ferait-elle du trouble dans un logement ou dans un HLM? Elle a le droit d'y être même si elle est seule, même si elle n'est pas mariée. Les immigrés aussi ont le droit d'être là, particulièrement lorsqu'ils ont leur statut d'immigrant reçu: ils sont Canadiens et Québécois comme tout le monde. Pourquoi faire de la discrimination? Qu'on appelle cela HLM, ou condo, ce ne sont que des noms. C'est l'accessibilité qui compte.

Encore là, ça prend une volonté politique pour le faire et ce n'est pas évident tout le temps.

M. Dufour: Malheureusement, le temps est écoulé. Je veux vous remercier de votre sérieux travail.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le député de Jonquière. Nous en sommes maintenant aux remarques de conclusion. M. le ministre. (16 h 45)

M. Bourbeau: M. le Président, simplement pour souligner que je comprends le point de vue de notre intervenant qui dit que quelle que soit la formule, ce qui compte, c'est l'accessibilité. Mais parmi ceux qui sont sur les listes ou qui devraient y être ou ne devraient pas y être, étant donné que le gouvernement n'a pas des milliards de dollars à donner en subventions, on doit quand même établir une liste de priorités. Les critères font que cette liste est basée sur les besoins financiers les plus criants, de sorte qu'on privilégie, dans les listes d'attente, ceux qui sont les plus démunis. Possiblement que certains n'acceptent pas ces critères et voudraient qu'on ait une ouverture totale pour tout le monde, mais nous savons que les fonds que nous avons sont limités. Nous ne pouvons pas indéfiniment pomper, on pompe déjà au Québec, chaque année, à peu près 100 000 000 $ pour les HLM. Disons qu'avec le fédéral, on se retrouve à peu près à 150 000 000 $, séparés à peu près à 55-45. Le Québec est un peu en bas de 100 000 000 $, disons 90 000 000 $, 85 000 000 $. C'est quand même beaucoup d'argent, chaque année, que le Québec injecte dans l'habitation sociale. Nous continuons à le faire, même que ce montant augmente chaque année parce qu'on en fait toujours plus. Mais il faut commencer quelque part.

C'est dans ce sens que je vous répète que nous commençons par venir en aide, en priorité, aux plus démunis. Quand on aura fait tout le tour des démunis, qu'on aura satisfait tous les besoins, nous monterons dans l'échelle vers ceux qui le sont un peu moins. Pour l'instant, je pense qu'on ne peut pas nous reprocher d'aller aux besoins les plus criants. Je sais que vous comprenez cela, de toute façon.

On vous remercie de votre collaboration et de votre présentation et on tiendra certainement compte de votre point de vue. Merci.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le ministre. M. le député de Shefford.

M. Paré: Merci, M. le Président. Malheureusement, on n'a pas de temps pour revenir sur votre document. Je veux juste vous remercier parce que je trouve les chiffres que vous apportez importants. C'était un manque flagrant dans le document du ministre, tous ces chiffres par quartier pour nous permettre d'évaluer les conséquences sociales probables du déracinement des locataires en place. Si je comprends bien le contenu de votre mémoire et la discussion que vous avez eue, la levée du moratoire pour les plus démunis, au lieu de permettre l'accès à la propriété, amènerait plutôt la perte du logement pour eux. Le message a passé de ce côté-ci.

Juste une petite chose en terminant, j'ai été très surpris de la question du député de Sainte-Anne qui demandait: Qu'est-ce que vous pensez de la création d'un bureau de la Régie du logement? Lui-même opinait de la tête devant son groupe pour dire qu'il pensait encore cela. Je ne crois pas à ces garanties, a dit M. Polak. Les statistiques démontrent que les personnes âgées et démunies ne vont presque jamais à la régie. En pratique, elles seront très vulnérables devant les promoteurs si le moratoire est levé. Je vous retourne à votre réponse et je pense que les mesures ne sont pas assez importantes.

Encore une fois, je vous remercie

beaucoup parce qu'on sait que ce sont des quartiers centraux, en particulier, qui seront victimes de la levée du moratoire. Que chaque quartier vienne nous montrer l'image réelle et actuelle et les probabilités des conséquences néfastes de la levée du moratoire, c'est bon que les gens de la commission y soient sensibilisés. Vous avez bien rempli votre rôle et je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le député de Shefford. Mme Claude Bégin, de brèves remarques de conclusion?

Mme Bégin (Claude): Comme conclusion, j'inciterais le gouvernement à prendre ses responsabilités face au logement social, face à ses responsabilités sociales en ce qui concerne le logement en particulier. Nous représentons le quartier Rosemont; donc, c'est la prochaine cible du marché de la spéculation. C'est pourquoi on se serre les dents et on va espérer que cela va passer à côté ou que cela ne passera pas du tout.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie pour la qualité de votre présentation aux membres de la commission.

Je demanderais maintenant aux représentants du Regroupement des comités logement et associations des locataires du Québec de prendre place, s'il vous plaît. Je demanderais au porte-parole de bien vouloir s'identifier et d'identifier les membres qui l'accompagnent pour le bénéfice des membres de la commission.

Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec

M. Cusson (Denis): Oui. Nous remercions la présente commission parlementaire de nous donner l'occasion d'exprimer le point de vue des locataires sur la question de la levée possible du moratoire sur la conversion des immeubles locatifs en copropriété. Je vais vous présenter les représentants et représentantes du regroupement: à ma droite, Mme Nadia Cloutier, à ma gauche, M. Pierre Marquis et moi-même, Denis Cusson.

Le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec existe depuis 1978. Le regroupement est formé de neuf groupes logement situés à Longueuil, Montréal, Québec, Thetford-Mines, Baie-Comeau, Victoriaville et Sherbrooke. Le regroupement a acquis une vaste expérience quant à la question du logement. Quatre de ces groupes ont plus de dix ans d'existence. Dans notre travail quotidien, nous effectuons un travail de première ligne auprès des locataires, soit l'information juridique, une aide technique pour le soutien à la Régie du logement, entre autres, et un soutien moral. Par son travail et par celui de ses groupes membres, le regroupement rejoint plus de 500 000 ménages locataires. Nous avons comme objectif la défense et la promotion des droits des locataires défavorisés économiquement ou socialement.

Quatre principes de base guident le travail du regroupement et de ses groupes membres, soit: un engagement plus grand de l'État dans le domaine du marché locatif privé afin de garantir le droit au logement par opposition à la sécurité de l'investissement; deuxièmement, l'amélioration de la loi actuelle afin d'assurer aux locataires un logement de qualité à un coût respectant leur capacité de payer et de protéger l'intégrité physique et morale des personnes; troisièmement, l'appropriation collective des logements afin d'assurer aux personnes défavorisées économiquement ou socialement un contrôle sur leurs conditions de logement et de freiner la spéculation et finalement, la participation des résidents concernant l'aménagement de leur quartier ou de leur région.

M. Marquis (Pierre): Bonjour! Voici de quelle façon on va présenter notre exposé. On n'énumérera pas tout ce qui a été rappelé à propos de la problématique du logement. Je pense que vous l'avez entendu depuis deux jours. Pour ce qui est des questions de harcèlement, de contourner la loi qui est strictement liée à la conversion en copropriété, du moratoire, etc., vous êtes au courant de cela. Un exposé a été fait par le Comité logement Rosemont pour ce qui est de la problématique par rapport aux faibles revenus, les plus démunis, tout cela. Il était, je pense, très réaliste. Quant à nous, on ne reviendra pas là-dessus, mais on va insister sur ce qu'on fait comme organisation dans le quotidien. Ce qu'on fait, c'est qu'on informe. Un locataire vient nous voir, on l'informe juridiquement et on essaie de voir si la loi actuelle est en mesure d'aider le locataire à avoir un véritable droit au maintien dans les lieux. Quand les locataires viennent nous voir, on s'oriente toujours dans notre raisonnement.

Notre présentation va être axée surtout sur le document que le ministre des Affaires municipales a déposé, Lever le moratoire: une décision qui s'impose. La façon dont on veut procéder, c'est qu'on ne veut pas dénoncer pour dénoncer, c'est plate, cela n'a pas de bon sens. Ce qu'on veut faire, par exemple, c'est essayer de se situer dans un contexte et dire pourquoi les recommandations du document ne correspondent pas nécessairement à la réalité spéculative qu'on retrouve dans les quartiers centraux de Montréal et de Québec. La façon dont on le verrait, c'est qu'on parle de nos recommandations et qu'on échange des

propos. On va essayer de parler de la réalité de ce qu'on vit au quotidien pour essayer de répondre aux locataires.

Ce qui est important, au départ, et ce qu'on veut souligner, c'est que la discussion est toujours canalisée et centrée sur la question de la conversion en copropriété. C'est sûr que c'est un problème en soi parce que cela a des effets sur l'exode de la population ou des choses comme cela, mais le véritable problème n'est pas nécessairement la conversion en copropriété. La conversion en copropriété est un moyen sûr et efficace de rentabilisation. Le problème, c'est la spéculation. Quand on parle de spéculation, cela nous amène à d'autres niveaux et à nuancer le débat; et je pense que cela est essentiel. La solution des problèmes de logement ne repose pas strictement sur l'accès à la propriété par le biais de formules de copropriété. Il y a une multitude de variables autour. Je pense que le gouvernement ou n'importe quel autre gouvernement doit s'asseoir et regarder ce qui se passe avec la spéculation et agir en fonction des effets qui ont été exprimés par à peu près tout le monde actuellement.

La chose la plus déplorable est celle qu'on a constatée dans les quartiers centraux. Moi, je travaille dans le quartier du Plateau-Mont-Royal. Je pense que c'est un quartier baromètre pour ce qui est de la conversion en copropriété - plusieurs études l'ont démontré - et cela a eu énormément d'effets sur les autres secteurs. C'est dans ce secteur que la conversion en copropriété a pris une certaine ampleur et il y a eu des chiffres qui sont venus quantifier les effets de cela. Ce qui est intéressant - entre guillemets - c'est de constater que, dans les quartiers où la conversion en copropriété se fait... C'est là qu'est l'aberration, mais c'est une aberration qui n'est pas nécessairement reliée aux individus en soi mais au marché spéculatif dans le sens qu'un propriétaire qui achète un bâtiment dans le quartier du Plateau-Mont-Royal, dans Villeray ou ailleurs, au départ, il va acheter un bâtiment déficitaire. C'est bien sûr que mot, comme propriétaire, si j'achète un bâtiment déficitaire dans le sens que les loyers sont insuffisants pour payer les paiements hypothécaires, cela me met dans une position où il faut que je mette des pressions pour augmenter les loyers. Automatiquement, c'est clair.

Ce qu'on a constaté, c'est que les sociétés immobilières consciemment, se mettent dans des situations comme cela et que les propriétaires convertisseurs, consciemment, se mettent dans des situations comme cela. Ce qui est intéressant, c'est qu'il y a une étude qui a été faite par l'Université de Montréal, entre autres par Pierre Durocher, qui précise que dans le Plateau-Mont-Royal, entre autres, une maison barricadée - c'est-à-dire qui n'a plus de locataires à l'intérieur et donc, on peut faire des condos comme on veut - génère des profits de l'ordre de 304 % à 404 %. Cela, c'est clair.

Ce qui est démontré aussi, c'est qu'un bâtiment locatif dans le Plateau-Mont-Royal, selon cette étude, qui passe de locatif à copropriété divise ou indivise génère en moyenne des profits qui varient entre 171 % et 238 %. Donc, les convertisseurs sont conscients de cette situation. Ils savent que la copropriété, c'est payant et ils prennent le risque d'acheter des bâtiments déficitaires et de s'organiser en conséquence pour mettre les locataires dehors et aboutir à la conversion.

Ce qui est déplorable dans le moratoire, c'est simple. Ce que dit la loi, c'est qu'on ne peut pas faire de conversion dans le stock de logements locatifs sans l'autorisation de la régie. La seule possibilité, c'est de sortir de la loi 107. Et pour aboutir à cela, il faut mettre les locataires dehors. C'est aussi simple que cela. C'est ce que vivent les gens.

Nous trouvons que cela est une aberration - il ne faut pas avoir peur des mots - dans le sens que les locataires peu fortunés, dans un milieu spéculatif fort, vorace où c'est l'argent qui compte - et c'est ce qui se passe dans le Plateau-Mont-Royal et les quartiers centraux - deviennent des obstacles.

Je trouve dommage que le droit au maintien dans les lieux soit strictement relié à la capacité de payer des locataires en place. Je suis touché par cela parce que, à tous les jours, on le vit.

Proportionnellement au développement de tout le phénomène de la copropriété dans les secteurs, il y a un nouveau phénomène qui se développe aussi, c'est tout le phénomène de la colocation. On ne parle pas ici de la colocation. Mais une chose est certaine, par exemple, c'est que compte tenu du fait que le marché des bâtiments s'élève, compte tenu que les propriétaires doivent hausser les loyers ou vendre en copropriété, que font les locataires en place qui veulent rester dans le quartier? Ils vont se regrouper ensemble pour payer le loyer.

Et c'est là beaucoup de concessions. Cela veut dire que c'est une concession pour ce qui est de son intimité. On n'est plus capable de vivre personnellement ses choses. C'est une concession aussi quant à l'entassement. Dans les quartiers populaires où il y a eu beaucoup de conversions en copropriété, le stock de logements locatifs rétrécit mais les gens ne peuvent pas s'entasser ad vitam aeternam. C'est évident qu'on va atteindre un seuil critique et, à partir de ce seuil critique, on assiste à un exode de la population hors quartier.

Ce qui est dommage là-dedans, c'est

que les gens qui vivent en colocation, à cause de la conversion en copropriété et à cause des copropriétaires, il faut s'entendre, ces gens, pour la plupart, n'ont pas de protection en vertu de la loi 107 actuellement. Souvent, les gens vont faire de la colocation mais ils n'ont pas signé le bail, Le locataire qui est là n'a pas de protection: on le met dehors.

Donc, ce sont des réalités qu'il faut regarder. La réalité de la colocation, je pense qu'elle n'est soulevée nulle part, et c'est important d'en discuter.

L'autre aspect aussi qu'on trouve souvent déplorable là-dedans, c'est l'argument que les gens doivent capitaliser pour acheter des bâtiments et, entre autres, les personnes âgées. Quand elles vont atteindre leur retraite, elles vont pouvoir vendre ce bâtiment et... Pour un quartier comme le Plateau-Mont-Royal, je vais vous donner un exemple. Rue Papineau, il y a un propriétaire qui a acheté un bâtiment 1 200 000 $. Il est allé voir tous les locataires, les personnes âgées dans un premier temps. Il s'est organisé - il y a eu des conférences de presse là-dessus, entre autres - pour augmenter les loyers entre 150 $ et 125 $ par loyer, selon la grosseur du logement. Comme je vous le disais, le propriétaire était coincé, il a payé le bâtiment trop cher. Il s'est organisé pour augmenter les loyers et il a misé sur les personnes âgées. Et qu'est-ce qui arrive? Ces personnes âgées qui ont travaillé toute leur vie pour accumuler de l'argent vont être obligées de le donner à cette personne. Savez-vous qu'il y a un monsieur de 80 ans qui était là et qui a accepté une augmentation de 125 $ par mois? Calculez, sur cinq ans, quel effet cela peut avoir sur l'argent qu'il a économisé. (17 heures)

Donc, c'est une réalité et ce n'est pas nécessairement la conversion qui est le problème, c'est le marché spéculatif et le recul que les gouvernements prennent par rapport à cela. Tant et aussi longtemps qu'on ne regardera pas cela et qu'on ne freinera pas cette spéculation, on va aboutir à un débat qui va être difficile à cerner.

Dans le document que le ministre des Affaires municipales a déposé, il y a des choses qui sont intéressantes, cela, c'est clair. Je ne suis pas dans une position où on dénonce pour le plaisir de dénoncer, je vous l'ai expliqué au départ.

Mais avant de parler du document, nous, ce qu'on pense au Regroupement des comités logement et associations des locataires, c'est que les énergies doivent être axées sur les façons de contrer la spéculation. Pour aboutir à freiner la spéculation, les gouvernements doivent, au départ - c'est sûr - essayer de développer des politiques d'accès à la propriété. Ce n'est pas la seule solution, il y a d'autres solutions. Donc, dans un premier temps, il faut regarder cela et c'est un peu cela qui est ramené là-dedans. Mais il y a d'autres choses: il y a tout l'établissement des programmes réels de développement de logements sociaux. Nous pensons que, pour freiner la spéculation, il faut absolument interdire toute conversion en copropriété divise dans le stock de logements locatifs et limiter la conversion des condos aux bâtiments neufs. Ce qu'il faut interdire aussi pour freiner la spéculation, c'est toute reprise de possession dans le cas de copropriétaires indivis. On sait quel impact cela a eu.

L'autre aspect qui est important, c'est le droit au maintien dans les lieux. Cela se défend aussi par rapport à une loi qui est simple, souple et ajustée en fonction d'une réalité. Ce que nous préconisons là-dedans, c'est qu'il faut absolument que le gouvernement, dans un document, apporte des modifications aux lois actuelles; je ne parle pas nécessairement juste de la loi 107, je parle du Code civil, du droit de propriété, en tout cas, toutes les notions qui sont là et qui, probablement, devraient être réaménagées.

Cinquièmement, il faudrait qu'on parle aussi de la protection du stock de logements locatifs et des hausses du taux d'inoccupation selon un indice normal. Quand on regarde les quartiers centraux et qu'on constate... Il faut prendre en considération que la Société canadienne d'hypothèques et de logement, depuis le mois d'avril, calcule les taux d'inoccupation sur les trois logements et plus; avant, c'était dans les six logements, là on en est rendu aux trois logements. On constate, dans le plateau, qu'on aboutit à des taux d'inoccupation qui sont en deçà de 1 % quand l'indice normal est de 3 %; il y a un problème quelque part. C'est sûr que les gens qui sont confrontés à subir l'exode ne sont pas en mesure de se trouver un logement dans un environnement qui est proche. Ils sont confrontés à cette réalité et ils subissent des hausses de loyer, de la discrimination et tout ce qui se passe. Donc, freiner la spéculation, cela passe aussi par le rehaussement des taux d'inoccupation.

Un point qui est très important et que je trouve une aberration, c'est que les propriétaires convertisseurs mettent les locataires dehors, contournent la loi régissant le logement locatif de façon très simple - ils ridiculisent cela à un point tel - font des profits excessifs, comme je l'ai expliqué tout à l'heure, et, en plus, ils ne paient pas d'impôt. Je pense qu'il y a des limites quelque part. C'est dans ce sens qu'il faudrait peut-être penser aux gens à plus faible revenu. Depuis cinq ou six ans la conversion en copropriété existe dans le secteur. Dans le Plateau-Mont-Royal, il y a

peut-être 15 000 - de 13 000 à 15 000 -logements convertis. Même si le ministre levait le moratoire sur toute la question des transactions immobilières quant à la conversion en copropriété et tout cela, il reste quand même qu'il y a 13 000 à 15 000 logements qui sont déjà sortis du marché locatif. Ces logements peuvent se revendre et tout cela. Tout le milieu de la conversion en copropriété peut se maintenir quand même là, mais dans un stock de logements locatifs déjà convertis. Je pense que c'est une notion qui est importante.

Dans le document, ce qu'on trouve de très positif, c'est d'abord - et cela est un gain - l'interdiction des reprises de possession pour les copropriétés indivises. Je trouve que c'est un gain qui est essentiel. On ne peut pas le nier, ce serait de la folie pure de nier cela. Là où il pourrait y avoir une certaine lacune, ce qu'on a ramené souvent, c'est que c'est limité au conjoint; cela devient comme une reprise de possession pour un propriétaire unique, mais il n'y a pas de frais de dédommagement de prévus à cet effet. Donc, il y aurait peut-être une lacune dans ce sens-là.

Les autres éléments positifs qu'on trouve, c'est la prolongation d'un mois à trois mois pour le délai d'évacuation des locataires en cas de réparations majeures. Je pense que c'était essentiel. Un mois, cela n'avait pas de bon sens. Le monde recevait un avis de réparations majeures, avait dix mois pour le contester et un mois pour s'en aller. Donc, trois mois, je trouve que c'est intéressant. De là, à inclure les remboursements des frais de déménagement et de réaménagement, moi je suggère que le ministre prenne en considération la jurisprudence qui existe actuellement à la régie. On constate, dans la jurisprudence, que les décisions des régisseurs sont souvent supérieures à celle qui est préconisée dans le document sur la levée du moratoire.

Il y a toute l'imposition exemplaire pour les propriétaires contrevenant à la loi. Je pense que c'est quelque chose d'essentiel aussi. C'est un gain. Je ne pourrai pas intervenir tellement là-dessus mais peut-être que Denis pourra en parler tout à l'heure. Mais ça, pour nous autres, c'est un élément qui est important.

Comme lacune ce que l'on constate là-dedans, c'est que toute la réglementation ou la protection des locataires pour ce qui est de l'éventuelle conversion en copropriété est axée sur un avis d'intention. À l'avis d'intention est greffé un scénario que les propriétaires convertisseurs doivent respecter. En soi, cela peut être intéressant. Ce que je ne comprends pas, par exemple, et ce qu'il serait simple de régler, c'est comment il se fait que dans le document, on reconnait que la loi est contournée, on reconnaît que c'est contourné par des réparations majeures et toute la question des propriétés indivises et tout cela, et qu'on maintient encore la même question, soit contourner la loi.

Moi, je pense pertinemment que si vous maintenez toute la question de l'avis d'intention et que vous ne modifiez pas l'article 1 de la régie, toutes vos recommandations en soi deviennent bidon parce que les propriétaires vont encore continuer de la contourner. C'est dans ce sens. À partir du moment où un propriétaire n'envoie pas d'avis d'intention et qu'il procède à l'évacuation des locataires, qu'il n'y en a plus dedans, la régie n'aura plus de pouvoirs, d'après la loi, là-dessus, à moins qu'il n'y ait des modifications importantes dont je ne suis pas au courant. En tout cas, on pourra en reparler.

L'autre aspect qui est aussi abordé, c'est tout le danger qui peut survenir pour ce qui est de la multiplication significative des reprises de possession. Il faut s'entendre là-dessus. Je vais donner un exemple. On va prendre un bloc où le propriétaire est allé chercher un avis; bon, il a envoyé un avis d'intention. Il est allé chercher la décision à la régie et là-dessus, la régie a fixé les noms des locataires qui ont droit au maintien illimité. C'est fixé par la régie. On sait pertinemment que dans le document, le droit illimité au maintien dans les lieux est strictement lié au locataire en place et inscrit sur la liste de la régie. Il n'est pas axé et il n'est pas valable pour le nouveau locataire. Cela est une question qui est importante et il faut en parler. Dans le document de M. le ministre, ce qu'on sent, c'est que comme il y a des rotations au niveau des déménagements ou des choses comme cela, toute la question de l'accession à la propriété va se développer là-dedans.

Là, le danger qu'on voit, c'est qu'on peut assister à une multiplication des reprises de possession dans le sens que si je prends mon exemple, on a l'autorisation de convertir. On a réglé les fameuses sept étapes du début. On sait que le locataire s'en va. Il y a un rythme de déménagement assez élevé. La preuve, c'est que Bell Canada déclarait dernièrement qu'il y a eu 100 000 déménagements au mois de juillet. C'est assez significatif. Cela veut donc dire qu'un propriétaire qui n'a pas tout de suite converti et qui a des nouveaux locataires qui sont en dehors de cela n'auront pas accès à cela. Pour nous autres, il y a un certain problème là. L'autre aspect aussi où il peut y avoir un problème, c'est qu'à partir du moment où un bâtiment est converti, qu'il a été acheté par un copropriétaire éventuel et que le locataire est parti, le copropriétaire prend la décision de relouer son logement. Cela veut dire que lui a le droit à un pouvoir de reprise de possession.

Cela veut dire que dans un bâtiment où il y a quatre copropriétaires qui ont... Bon,

il n'y a plus de locataires qui étaient là avant, on s'entend là-dessus. Eux autres ont pris possession du logement ou ce sont de nouveaux locataires. Chacun des copropriétaires a la possibilité de faire une reprise de possession. On peut assister, à cause de la fragmentation du stock de logements locatifs, à une multiplication très dangereuse du nombre de reprises de possession. Ce n'est plus un propriétaire résidant, un propriétaire de bâtiment de trois logements qui peut faire seulement une reprise de possession, en tout cas, par rapport aux membres de sa famille, mais plusieurs propriétaires. C'est une réalité qu'il faut regarder, et il faut la situer globalement, pas juste à court terme mais à long terme. Quel effet cela aura-t-il? Si on prend tous les logements qui seront convertissables, quel effet cela aura-t-il? Il faut se poser la question. Dans le document, il n'y a aucun chiffre là-dessus.

L'autre aspect, juste pour accélérer parce que je n'énumérerai pas toutes les lacunes qu'on trouve, c'est toute la question du fardeau de la preuve. Vous dites que si un propriétaire convertit un bâtiment de façon frauduleuse c'est-à-dire qu'il envoie des avis de réparations majeures et qu'il réussit à faire des condos, tout cela, le locataire peut amener le propriétaire à la cour et faire certaines pressions pour aller chercher des frais de dédommagements. Là où est le problème, c'est que tout le monde sait que peu de locataires utilisent la Régie du logement. Il faut s'entendre. Quand on dit que 2,8 % des locataires utilisent la Régie du logement, ce n'est pas évident que c'est parce que cela va bien dans les relations entre propriétaires et locataires, il faut se poser la question. C'est parfois difficile, des recours juridiques. C'est dans ce sens que le fardeau de la preuve devient complexe et non utilisé.

Pour conclure, le droit de préemption, le délai d'un mois et pas d'aide financière, pour nous autres, ce n'est à peu près pas réalisable. Pour conclure, le Regroupement des comités logement ne peut pas appuyer le document qui a été déposé par M. Bourbe au étant donné qu'il ne s'attaque pas nécessairement au marché spéculatif, mais il ramène toute la question à la conversion en copropriété. Les problèmes de l'habitation ne se limitent pas seulement à cela; la preuve en est que vous l'avez ramené régulièrement aujourd'hui. On ne peut pas appuyer cela, c'est bien sûr. C'est dans ce sens que Denis va vous présenter les recommandations du regroupement.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous demanderais à ce moment-ci d'accélérer et de conclure parce que vous avez déjà dépassé de plusieurs minutes.

M. Cusson: D'accord. Je ne ferai pas la lecture des recommandations juridiques libellées aux pages 22 et suivantes du document. Je pense que le ministre et les députés en ont pris connaissance. Je voudrais que le ministre et le gouvernement se souvienne que, quand on établit une loi qui touche une question aussi importante que le logement, les principes qui devraient guider toutes les modifications à la législation actuelle devraient être la reconnaissance pour chaque citoyen, indépendamment de son revenu, du droit à un logement convenable, que cette prémisse nous reste en tête quand on regarde la législation actuelle et les modifications qu'on veut y faire. Est-ce qu'on veut aider les gens qui n'ont pas de problème de logement à devenir propriétaire ou remédier aux problèmes de logement de la population au Québec?

On voudrait poser une question importante au ministre. En attendant que la nouvelle loi soit adoptée, comment le ministre responsable de l'Habitation pense-t-il protéger les locataires qui font face aux spéculateurs qui contournent le moratoire?

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie de la présentation de votre mémoire. Il reste maintenant onze minutes à chacune des formations. Je cède maintenant la parole à M. le ministre.

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Je commence par répondre à la dernière question. Je compte protéger les locataires à la prochaine occasion où nous pourrons légiférer, c'est-à-dire à la session d'automne qui vient, en introduisant des modifications à la loi 107 de façon à renforcer la sécurité des locataires ou les droits des locataires. Les mesures que vous voyez dans le document gouvernemental devraient, en principe, s'y retrouver et possiblement, certainement des améliorations parmi celles qui sont suggérées par les intervenants. (17 h 15)

Deuxièmement, au sujet de l'avis d'intention dont on parlait tout à l'heure, vous nous disiez qu'il serait facile pour des promoteurs de convertir en n'envoyant pas d'avis d'intention si la proposition gouvernementale était mise en vigueur, en faisant comme maintenant et en enregistrant des déclarations de copropriété en passant à côté de la régie. Or, ce n'est pas possible, avec ce que nous proposons savoir qu'aucune déclaration de copropriété ne peut être enregistrée sans que la régie ne donne une autorisation. Il ne serait donc plus possible, même si la bâtisse est complètement vide, même si elle est vacante, même si elle a été détruite en partie par le feu, on ne pourrait plus aller à la Cour supérieure comme maintenant et obtenir le droit d'enregistrer. Toutes les copropriétés nécessiteraient l'autorisation de

la régie. La régie exigerait, dans tous ies cas, qu'il y ait eu un avis d'intention. On bloquerait vraiment ce point. Troisièmement...

M. Marquis: Cela veut dire, M. le ministre, que la modification dont vous parlez va être mise en oeuvre cet automne; cela va être inclus dans les modifications que vous voulez apporter.

M. Bourbeau: C'est la proposition gouvernementale.

M. Marquis: D'accord, qui va être faite à l'automne.

M. Bourbeau: S'il y avait conversion, il faudrait avoir une autorisation. Troisièmement, j'aimerais profiter de l'occasion -évidemment, on est ici depuis deux ou trois jours et c'est pas mal toujours la même formule - étant donné qu'on a devant nous des gens qui, manifestement, sont assez au courant des choses et que vous avez invoqué abondamment la fameuse étude "Le plateau des uns fait le bonheur des autres"... On nous ramène cela continuellement sur la table depuis le début. L'étude veut prouver que, dans le quartier du Plateau-Mont-Royal, entre 1981 et 1986, il y a eu 13 000 logements qui seraient passés du statut de locataire à celui de propriétaire touchant 22 000 personnes. J'ai entendu cela à satiété depuis quelques jours. J'ai demandé aux experts de la Société d'habitation du Québec de me faire une note là-dessus de façon à savoir ce qu'il en est. Les gens qui sont experts dans ce domaine à la SHQ m'ont dit qu'il y avait des failles méthodologiques dans le document.

J'aimerais vous faire lecture d'un mémo que j'ai devant moi, qui ne provient pas de moi, mais de gens qui ont fait l'étude du document de façon tout à fait neutre, qui sont des fonctionnaires experts en la matière qui étaient là avant mot, je le souligne, qui, sûrement, seront là après moi. Ils m'ont remis la note suivante: Les failles méthodologiques du document "Le plateau des uns fait le bonheur des autres" - je pense que c'est intéressant parce que cela donne -concernant les 13 000 logements ayant changé de statut d'occupation depuis 1981, ayant nécessité l'éviction de 22 000 personnes et non de ménages de leur logis, le Comité-logement Saint-Louis se base sur deux études et un article du Devoir pour en arriver à ces chiffres. Évidemment, dans votre document, il y a quatre dates fatidiques: l'année 1981 où l'on se base sur Statistique Canada. Je pense qu'on ne peut pas mettre cela en doute. Ensuite, en 1982, le rapport Durocher; en 1986, un rapport de la SIDAC Mont-Royal et, en 1986, l'article du Devoir.

L'article du Devoir ne fait reposer son analyse sur aucune source statistique existante. Donc, c'est une opinion du rédacteur. La première étude citée, c'est celle de la SIDAC Mont-Royal qui indiquerait un transfert important du mode d'occupation en location vers le mode d'occupation en propriété. Nous avons copie de cette étude, elle est ici, et aucun chiffre portant sur un tel transfert n'y apparaît. Dans l'étude on ne parle pas de chiffres quant aux locataires ou aux propriétaires. D'ailleurs, le directeur général de la SIDAC Mont-Royal a confirmé à nos fonctionnaires que jamais sa société n'avait eu de telles données en sa possession.

La deuxième étude citée est le rapport Durocher. Il s'agit de la source la plus sérieuse évoquée par le Comité-logement Saint-Louis. La citation est la suivante: Le rapport Durocher révèle qu'en 1982, la proportion de propriétaires résidants atteignait 37 % de la population restante du secteur (tableau 21, page 53). Ce pourcentage est surprenant car il était, d'après Statistique Canada, de 13,7 % en 1981, c'est-à-dire l'année précédente. On serait passé de 13,7 % à 37 % en un an. La méthodologie utilisée pour tirer de telles conclusions est très douteuse. Durocher limite son étude à un périmètre précis du quartier et non à tout le quartier. Deuxièmement, il choisit le périmètre ayant subi principalement la gentrification des dernières années, axe Saint-Denis/Saint-Laurent. Troisièmement, il recense 247 cas de restaurations majeures et 39 cas de bâtiments barricadés, soit 1064 logements au total. Quatrièmement, de ces cas, il sélectionne un échantillon pondéré de 100 cas appelés "échantillon global". Cinquièmement, de ces cas, il sélectionne un sous-échantillon de 53 cas, pour les cas où il y a eu un changement de tenure. Cet échantillon est appelé "échantillon terminé". De cet échantillon, on constate que 37 % des logements locatifs sont occupés en propriété, soit en copropriété divise, indivise ou propriétaire occupant. Le Comité-logement Saint-Louis utilise ces 37 % de propriétaires, soit 53 cas de restaurations majeures situés dans un périmètre privilégié du plateau et extrapole ce pourcentage à l'ensemble du quartier, d'où faille méthodologique importante.

Maintenant, un fait nouveau. Les données du recensement de Statistique Canada pour 1986 permettent maintenant d'évaluer à 12 000 le nombre de logements convertis dans la région métropolitaine de Montréal, pour la même époque, de 1981 à 1986. Le moratoire sur la conversion d'immeubles locatifs en copropriétés n'est plus efficace. Plusieurs ont trouvé des moyens de le contourner, on le sait, par des échappatoires: les travaux majeurs, l'indivis... On en parle depuis quelques jours.

Les derniers chiffres du recensement

1986 parus récemment viennent d'ailleurs confirmer le con tourne ment du moratoire. De 1981 à 1986, le nombre de logements occupés en propriété - selon Statistique Canada 1986 - a augmenté de près de 71 000 dans la région métropolitaine de Montréal, tout le grand Montréal. En déduisant de ce nombre, 71 000, les mises en chantier de logements destinés à l'occupation en propriété au cours de cette période, soit environ 56 000 logements, ce serait près de 15 000 logements locatifs qui seraient maintenant occupés par des propriétaires, 71 000 moins 56 000.

Tenant compte de la proportion de locateurs occupants, environ 3000, on peut déduire qu'entre 1981 et 1986 environ 12 000 de ces logements seraient maintenant occupés par des copropriétaires divis ou indivis dans toute la région métropolitaine de Montréal. Ces données récentes sont maintenant disponibles et jettent un éclairage nouveau sur l'ampleur du phénomène des conversions, au cours des dernières années. Même si elles contredisent les chiffres véhiculés par certains et qui indiquent que 13 000 logements locatifs auraient changé de statut et d'occupation dans le seul Plateau-Mont-Royal - alors qu'en réalité il y en a eu 12 000 dans toute la grande région métropolitaine de Montréal - les données du recensement de 1986 n'en témoignent pas moins d'un phénomène nouveau qui indique l'intérêt des locataires pour l'accession à la propriété dans la grande région métropolitaine de Montréal.

Aussi, M. le Président, j'ai pensé profiter de l'occasion pour faire lecture de ce mémo. Ce n'est pas une prise de position personnelle. Ce sont des documents qui m'ont été remis. Je pense que cela valait la peine de le faire parce qu'on a vraiment utilisé à satiété l'argument des déplacements sur le Plateau-Mont-Royal. Je pense que les gens qui ont pris connaissance de ma déclaration pourront vérifier ces chiffres de nouveau. Vous avez sûrement accès aux statistiques de Statistique Canada pour l'année 1986. Cela vous permettra peut-être de replacer dans son contexte l'étude "Le plateau des uns fait le bonheur des autres."

Est-ce qu'il me reste du temps, M. le Président?

Le Président (M. Saint-Roch): Deux minutes.

M. Bourbeau: Deux minutes. Bon. Si vous voulez, je vais laisser la parole à l'Opposition. Je reviendrai à la fin.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre. Je cède maintenant la parole à M. le député de Shefford.

M. Paré: Je pense qu'il serait tout à fait normal et, je suis prêt à ce que, sur mon temps, les gens du Regroupement des Comités-logement puissent intervenir pour répondre à ce que le ministre vient d'apporter comme argumentation.

M. Marquis: C'est sûr, M. le ministre, qu'en tant qu'organisme communautaire avec peu de moyens financiers - il faut s'entendre là-dessus - on ne peut pas se taper des études exhaustives suivant des méthodes scientifiques très reconnues. C'est bien sûr. On n'a jamais prétendu cela.

Nous pensons que l'étude qui a été présentée, par exemple, l'a été face à une réalité qu'on a vécue à tous les jours. Je pense sincèrement que les éléments qu'on a eus par rapport à cela étaient vrais et le sont encore. Dans le contexte, cm le voit, on est tout le temps dedans. C'est intéressant à vérifier. Vous allez voir que votre chiffre de 12 000 logements convertis en indivise et divise... Vous mettez tout le paquet ensemble, dans la région de Montréal... Comment se fait-il que Francine Dansereau, en 1981, disait catégoriquement que dans les quartiers centraux, il y avait 10 000 logements convertis seulement en indivises et il y avait un nombre assez important qui étaient convertis en copropriété divise? On parle de 1981.

On sait pertinemment qu'aujourd'hui, par exemple, depuis cinq ans, il y a eu tout un développement de la copropriété. Donc, il faut s'entendre là-dessus. Les arguments de Francine Dansereau sont inscrits carrément dans votre document. Il ne faut quand même pas charrier sur les chiffres, pour ne plus voir ce qui se passe là-dedans et ne plus s'en sortir.

Un autre aspect aussi. Quand vous dites dans votre document que le stock de logements locatifs a seulement un effet de 1 % quant à la conversion en copropriété, je serais curieux de vérifier votre donnée dans le Plateau-Mont-Royal pour savoir si, depuis cinq ou six ans, le stock de logements locatifs a baissé de seulement 1 %. Je serais curieux de voir cela. Après cela, on parlera de chiffres. Une chose est certaine, par exemple, ce que j'aurais aimé c'est qu'on discute du fond des propositions. On a été clair au départ. On a dit au ministre: On veut discuter du document et dire que cela ne protège pas les locataires. Pour vous en sortir, vous êtes en train de nous amener dans une querelle de chiffres et vous n'êtes pas même sûr de vos chiffres. Donc, je pense pertinemment qu'il faut faire attention là-dedans. J'aurais aimé, M. le ministre, qu'on discute véritablement de ce qui est présenté.

Tout à l'heure, on disait que vos recommandations étaient contournées, actuellement, si vous ne modifiiez pas la loi... Vous en avez convenu, vous êtes

d'accord avec cela, vous voulez apporter une modification à l'automne; donc, on a ramené des éléments de discussion. C'est sûr qu'on n'est pas des scientifiques, qu'on n'a pas d'argent. Je trouve déplorable que vous n'ayez pas fait l'étude dans le plateau? Pourquoi, nous, un organisme, ferions-nous une étude quand vous en avez les capacités financières? On essaie de se défendre du mieux qu'on peut en fonction des ressources financières qu'on a et on n'a pas trop de budget, vous le savez comme nous.

Donc, la réalité est basée sur le vécu, sur les chiffres que vous nous avez présentés. Il peut y avoir certains problèmes quant à la rigueur scientifique, mais, de là à tout rejeter, je serais curieux d'avoir quelque chose de plus précis par rapport à cela.

M. Paré: Ce que l'on sait, en tout cas, de façon officielle, c'est qu'il y a des changements majeurs qui sont en train de s'effectuer. On est même, je pense, en droit de se demander si, dans certains quartiers, il ne commence pas à être trop tard, tellement cela a changé.

Il y a des phénomènes - vous êtes le premier groupe qui l'abordez, c'est bon qu'on en parle et qu'on le mentionne - de colocation qui commencent à s'établir. Si on dit et qu'on veut se vanter d'être la place où on traite le mieux au monde - c'est ce que le ministre nous disait ce matin - les locataires, je pense qu'on ne peut pas accepter des situations semblables. Mais, il y a aussi toute une philosophie qui nous a été soumise, en commençant par le premier mémoire, celui de la ville de Montréal, qui a peur à la psychose qu'on peut créer. Tous les mémoires qu'on a reçus, en passant par Rosemont, Maisonneuve-Hochelaga, Centre-sud, maintenant le Plateau-Mont-Royal, hier Notre-Dame-de-Grâce, peu importent les communautés culturelles, tous sont venus dire l'inquiétude et la peur qu'ils avaient et, avec raison, je pense.

Vous avez utilisé, tantôt, un terme qui m'a frappé. Je l'ai marqué et je l'ai souligné parce que, effectivement, ce qu'on va créer maintenant comme image, c'est presque inacceptable. Le locataire va être considéré, maintenant, comme un obstacle. Ce n'est pas des farces. Il y en a qui exigent encore le droit d'être logés, le choix de leur logement et de la façon de se loger, soit comme propriétaire ou comme locataire, mais certains vont en venir à être considérés comme des obstacles.

Si on lève le moratoire, - c'est un peu cela le message que vous avez passé et je veux qu'on échange un peu là-dessus - peu importent les mesures qu'on va prendre pour arrêter l'hémorragie qui est confirmée dans les chiffres du ministre, qu'on parle de 10 000, 12 000 ou 15 000, ce que l'on sait c'est que s'il y en a 10 000, il y en a un maudit paquet. Cela commence à toucher du monde. Cela est important. Qu'il y en ait 10 000 ou 12 000, je m'en fous, mais ce que je sais, c'est qu'il faut arrêter l'hémorragie. Sauf que, peu importent les mesures qu'on va prendre pour arrêter l'hémorragie, si on lève le moratoire, on vient de tout permettre. On vient de permettre que tous les logements sur toutes les rues et dans toutes les municipalités du Québec soient en vente. Quelle est la sécurité pour les gens? Qui va être en sécurité dans son appartement? Personne. Ce sera à la volonté...

Il y a des gens, parmi les associations de constructeurs ou les représentants des municipalités, qui sont venus nous dire: Les propriétaires auraient tout avantage à laisser se dégrader le stock de logements pour se débarrasser des locataires, se débarraser des obstacles identifiés pour être capables de vendre. Si on n'appelle pas cela de la spéculation, je me demande comment est-ce qu'on appelle cela.

Lever le moratoire, je ne sais pas si on le sait, est en train de créer un changement fondamental de société, remplacer dans des maisons, du monde pour du monde, c'est changer des populations dans des quartiers, c'est déplacer des gens. Le message qu'on doit passer et qu'on doit reconnaître, et même le député de Sainte-Anne l'a reconnu et on l'a cité, laisser des gens être déplacés comme cela, cela n'a pas de bon sens.

Ceux qui sont venus ce matin de la petite Bourgogne, du quartier Saint-Henri, de Pointe-Saint-Charles, de partout... On a juste à se promener en auto... On y est allé hier soir aussi, dans le bout de Saint-Henri et tout cela. Les transformations... Ceux qui sont passés il y a cinq ans et qui passent aujourd'hui n'ont pas besoin de connaître les chiffres, ils ne se reconnaissent plus. C'est aussi évident que cela. On transforme les quartiers, on change les visages et on déplace du monde. (17 h 30)

La levée du moratoire, sans une politique pour permettre au monde de rester là, M. le ministre, c'est antisocial. C'est une politique globale que cela prend. Cela n'a pas de bon sens. Je ne suis pas d'accord pour qu'on se batte sur des chiffres. C'est une société qu'on est en train de vouloir changer. On ne changera pas cela juste à cause de la spéculation, mais par une politique globale où les gens auront ta chance de se faire entendre sur une orientation fondamentale. On n'acceptera pas, nous, de ce côté-ci, de voter des changements à la pièce. Je vous dis oui, on va être prêts si vous voulez modifier la loi 107 au tout début de la session. On est même prêts à sauter les procédures de la réglementation parlementaire pour aller vite là-dessus, à condition que ce ne soit pas lié, comme on l'a vu dans d'autres lois, à la levée du

moratoire, par exemple. C'est de cela qu'on a bien peur.

Amenez-nous au plus sacrant, en octobre, une autre consultation ou un document de référence sur une politique fondamentale d'habitation et de logement. Vous pouvez être convaincu que vous allez nous faire plaisir et on va travailler en concertation et très rapidement avec vous, de même qu'une politique de la famille, qui a été promise, parce que c'est interrelié. On ne peut pas, à mon avis, comme société, continuer à y aller à la pièce comme cela et, surtout, à faire de l'interprétation. Vous laissez toujours entendre... Les gens le demandent toujours et disent: On n'a pas les moyens d'être propriétaires individuels, on veut obtenir la propriété collective; les gens l'ont demandé ce matin encore; ils l'ont demandé depuis toujours. On vient encore de le demander. Vous répondez toujours - par les gestes que vous posez, vous allez à l'encontre de ce qu'on demande, finalement, parce qu'on diminue toujours - en disant que le logement coopératif, finalement, cela aide des gens en moyen. Oonc, on ne peut pas aider les coopératives, cela aide des gens en moyen.

La levée du moratoire, qui va-t-elle aider si ce ne sont pas les gens en moyen capables de prendre le logement des autres par leurs propres moyens, puisqu'il n'y a pas de formule d'aide là-dedans? Il n'y a aucun programme d'accès à la propriété et il n'y a pas d'aide aux coopératives. Qui allons-nous aider? Les gens en moyen de prendre la place des autres. Il faut se le dire, il faut se parler franchement. Ce qu'on est en train de faire en levant le moratoire, c'est de permettre à ceux qui ont les moyens de prendre les logements de ceux qui n'auront pas les moyens de payer l'augmentation des loyers, laquelle augmentation va être amenée par les spéculateurs ou ceux qui sont propriétaires et qui vont vouloir faire de l'argent par la vente de leur logement.

Là-dessus, vous dites... C'est tellement vague à certains moments donnés, je n'essaierai pas de le retrouver parce qu'il ne doit pas me rester beaucoup de temps... Mais, il faudrait regarder, évaluer et discuter pour voir la possibilité de ce qu'on peut faire avec l'évaluation foncière et les taxes. On sait très bien ce que cela va avoir -parce que des exemples ont été donnés -comme effet sur l'augmentation des loyers. Quelqu'un vous a répondu ce matin, de façon franche et non équivoque; c'est l'Union des municipalités du Québec qui est venue vous dire: M. le ministre, vous ne toucherez pas à la fiscalité municipale, même si cela amène des augmentations de taxes, donc de loyers, qui seront importantes pour les locataires.

Là-dessus, c'est important, à mon avis, de voir cela dans une vision globale d'habitation. On ne peut pas lever le moratoire comme on peut décider de couper un programme. C'est cela qui est important de retenir. Si on coupe un programme, on peut ralentir l'accès à la propriété pour certaines personnes. Si on coupe dans la construction de HLM, on retarde l'entrée de 50, 100 ou 200 personnes dans une année. Mais si on lève le moratoire, c'est le Québec en entier qui est touché, vous le savez très bien. Cela ne veut pas dire qu'il va tout être touché en même temps, mais c'est tout le Québec qui va vivre en même temps - en tout cas, presque tous les locataires en même temps - l'inquiétude et l'insécurité. Ce n'est pas normal de vouloir créer volontairement, comme gouvernement, une situation comme cela pour les gens qui sont les plus démunis. On est là pour s'assurer de la stabilité, pour aider les gens, spécialement les plus démunis. Je ne retrouve rien là-dedans qui amène cela.

Je m'excuse si j'ai fait un discours et si je suis intervenu plus longtemps que je ne l'aurais voulu. Est-ce qu'il me reste du temps? Une minute. Sauf que je trouvais important de ramener le dossier là où il doit se situer. On mettra les chiffres qu'on voudra... Tout le monde, sans exception -sauf un et je l'ai dit, je lui ai demandé de descendre de sa montagne - tout le monde a demandé une politique d'habitation, tellement c'est important. Pourtant, quand on consulte - on a vécu d'autres commissions parlementaires sur des projets particuliers - c'est rare. Je n'ai pas vu cela dans d'autres commissions parlementaires et ce n'est pas la première à laquelle je participe depuis 1981. Je n'ai jamais vu quand on discute de transports, même d'habitation, quand on discute de n'importe quel sujet, je n'ai jamais vu que, de façon unanime, tous les intervenants nous disent: Mettez cela de côté; c'est tellement fondamental que cela nous prend une politique globale dans le domaine. C'est la première fois que cela arrive. Si vous avez quelque chose entre les deux oreilles et que vous n'êtes pas venu ici juste pour l'image, mais pour écouter et pour entendre, vous allez commencer par nous les donner, puisque vous avez promis les deux à l'automne... Faites-le selon le bon sens et dans l'ordre que cela doit se faire: une politique et avant, en attendant, une bonne protection pour les locataires. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le député de Shefford. Je cède maintenant la parole à M. le ministre, en lui rappelant qu'il reste deux minutes à la formation ministérielle.

M. Bourbeau: M. le Président, je suis toujours estomaqué d'entendre le député de Shefford. Comme le disait ma mère, cela prend du front tout le tour de la tête pour

parler comme cela.

M. Paré: Vous êtes placé pour parler.

M. Bourbeau: Dans son cas, c'est plutôt que ça prend du toupet parce qu'il a plus de toupet qu'il n'a de front pour venir dire au gouvernement actuel: Vous n'avez pas de politique d'habitation. Mais où étiez-vous, vous autres, depuis 1976? L'exode du Plateau-Mont-Royal, cela ne s'est pas fait dans les années quarante. L'exode du Plateau-Mont-Royal, ça s'est fait dans les -années 1981, 1982, 1983 jusqu'à 1986. Vous avez été là pendant neuf ans. Vous n'avez rien fait. Vous n'avez pas été capables de déposer un seul document de politique gouvernementale, pas d'orientation pendant neuf ans de temps. Vous avez le toupet aujourd'hui de venir nous dire après 16 mois, 18 mois de pouvoir qu'on n'a pas encore déposé le document que je vous ai dit que je déposerais à l'automne. Avant de déposer des documents, on consulte les gens. C'est ce qu'on fait actuellement. Si j'étais vous, je me cacherais en dessous de la table avant de prononcer des paroles comme ça.

Deuxièmement, vous nous dites que les problèmes qui existent présentement, on en est la cause» C'est vous autres qui étiez là depuis 1976. Les évictions, le harassement, vous n'avez rien fait. Les lois actuellement ne protègent pas les locataires. Vous avez été là pendant neuf sessions, pendant neuf ans. Encore là, vous n'avez encore rien fait. Je n'accepte pas qu'un gouvernement qui s'est croisé les bras pendant neuf ans, qui n'a rien fait, vienne aujourd'hui faire la leçon devant des gens qui témoignent des problèmes.

Moi, j'ai été chargé de régler les problèmes. Je consulte. Je n'ai pas peur d'entendre ce qu'on dit. Je peux vous assurer qu'on va régler ces problèmes à l'automne avec un projet de loi et je vous attends pour voter. Maintenant pour reprendre avec nos gens qui sont ici... Je ne reviendrai pas de toute façon. Tout à l'heure, j'ai parlé de statistiques. Je ne l'ai pas fait pour vous blesser. Je l'ai fait simplement pour tenter de replacer les choses dans leurs perspectives. C'est sûr que vous n'avez pas les moyens de faire les enquêtes. Je ne vous en veux pas du tout. Sauf que je pense que vous êtes aussi assez des gens d'honneur pour reconnaftre que quand on a des chiffres, cela vaut la peine de les mettre sur la place publique. La question des 10 000 logements de Francine Dansereau, j'ose à peine répondre à cela pour ne pas vous blesser de nouveau.

On me signale qu'il s'agît de 10 000 unités pour toute la province de Québec et pour la période qui va depuis le début de la copropriété en 1975 à peu près et même avant cela - la loi a été adoptée en 1969 - jusqu'en 1981. C'est quand même une longue période de temps. Tout ce que je dirai c'est que je vous confirme qu'il y a, de toute façon, un phénomène d'exode, de déplacement. On ne peut pas nier que le moratoire est contourné dans sa forme actuelle. Il se fait de la copropriété par la porte d'en arrière d'une façon détournée. Cela se fait par les évictions et cela se fait aussi par l'indivision. Vous reconnaissez dans votre document que nous nous proposons de bloquer ces failles. Nous proposons de bloquer la reprise de possession par l'indivision. Il ne sera plus possible de le faire, dans toutes les bâtisses de quatre logements et moins. Nous proposons également des mesures pour essayer d'éviter les évictions dans le cas des réparations majeures.

Possiblement que ce que nous proposons n'est pas satisfaisant, mais c'est nettement mieux que ce qu'avait fait l'ancien gouvernement, puisque les lois actuelles permettent les évictions. Nous avons des mesures qui proposent d'améliorer le sort des locataires. Vous nous proposez des améliorations à cela. Nous allons regarder cela attentivement. Je suis convaincu que nous allons pouvoir encore bonifier les mesures que nous avons dans la proposition gouvernementale. Pour ce qui est de la levée du moratoire qui permettrait de convertir, vous faites objection à cette levée du moratoire jusqu'à ce que certains événements se soient produits. Bon. Je comprends que votre position est, je pense, très raisonnable. Pour l'instant, vous n'êtes pas d'accord. Mais quand on aura atteint une situation au Québec où tout le monde sera confortable, vous nous dites, qu'à ce moment-là, on pourra possiblement lever le moratoire et permettre la conversion.

Il faut quand même dire que la situation n'est pas la même dans toutes les municipalités du Québec. La ville de Montréal nous a proposé...

Le Président (M. Saint-Roch): En conclusion, M. le ministre.

M. Bourbeau: ...de faire en sorte de donner aux municipalités un droit de regard, si je peux dire, là-dedans. Il ne serait peut-être pas impossible qu'on pourrait penser que, dans certaines municipalités où le problème que vous décrivez est aigu, on puisse agir d'une façon et que, dans d'autres où il n'y a pas de problème, on puisse agir d'une autre façon. De toute façon, je peux vous assurer que nous n'avons pas l'intention de prendre des mesures qui seraient de nature à brimer les droits des locataires ou de leur rendre la vie plus difficile. Au contraire. Je pense que l'esprit du rapport que vous avez devant vous indique que nous tentons d'améliorer le sort des locataires. Je peux vous assurer que c'est ce que nous avons l'intention de faire. Merci.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre. Je cède maintenant la parole à M. le député de Shefford.

M. Paré: Merci, M. le Président. Je remercie le groupe d'être venu nous faire part d'une situation effectivement vécue. Peu importe ce que dira le ministre, ce sont les gestes qui comptent. Quand vous dites que vous avez consulté et que vous avez le goût de continuer à consulter, je dois vous dire que le comité-conseil sur l'évaluation des GRT, sur l'élaboration de votre programme et la plupart des groupes qui sont venus ont dit qu'ils regrettaient de ne pas avoir été consultés. La seule consultation que vous faites est celle du comité des sages à 400 $ par jour. Nous, pendant la crise économique, cela ne nous a pas empêchés de continuer à aider le logement social. On avait huit programmes, il n'en reste même plus la moitié parce que ce que vous avez fait depuis un an et demi a été d'abolir des programmes d'accès à la propriété, des programmes d'aide aux plus démunis, ce qui fait qu'avec les exemptions que vous avez données sur les impôts pour les 46 000 $ et plus, depuis un an et demi, les riches sont plus riches et les pauvres sont plus pauvres. Si votre programme est mis de l'avant tel que proposé, les pauvres seront vraiment plus pauvres et les riches énormément plus riches. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le député de Shefford. S'il vous plaît, en conclusion.

M. Marquis: Nous remercions la commission parlementaire de nous avoir écoutés. Bien sûr, ce n'est pas simple de ramener des questions comme la question du logement. C'est sûr qu'il peut y avoir des émotions qui sont réveillées là-dedans. En parlant d'émotions et de choses comme cela, M. le ministre, vous avez dit vous-même tout à l'heure que l'exode de la population s'était véritablement fait sentir à partir de 1981, 1982, 1983; les chiffres de tantôt sont avant 1981. Il faut regarder cela, vous-même l'avez affirmé.

Comme regroupement, nous sommes contents et heureux d'apprendre... Notre principale crainte, c'était que, compte tenu du fait que plusieurs mémoires allaient un peu à l'encontre de ce qui avait été ramené et en fonction des commentaires que M. Paré a ramenés, vous faisiez volte-face sur le travail qui a été fait. Il faut faire attention, c'est aussi la crainte de plusieurs organismes. Les journalistes aussi en parlent. On trouverait dommage que le ministre prenne la décision de maintenir le moratoire pour régler le problème. Je pense que des choses ont été avancées, du travail a été fait, cela a été discuté ici. Je trouverais cela triste parce qu'on sait pertinemment que beaucoup d'enjeux sont ramenés là-dedans et que les locataires vont subir les contrecoups. Je n'avais que cela à dire. J'aurais apprécié qu'on puisse discuter véritablement du contenu du document que d'essayer de bifurquer.

M. Cusson: Un dernier mot, s'il vous plaît.

Le Président (M. Saint-Roch): Très bref, s'il vous plaît.

M. Cusson: Très bref. Dans l'ensemble du document, le ministre porte beaucoup de choses entre les mains de la Régie du logement. On pose un certain iota sur la Régie du logement à l'heure actuelle. Le regroupement a formulé plusieurs critiques. Malheureusement, on n'a pas eu de réponse de la part du ministre quant à nos critiques depuis un an. On a certains doutes sur la possibilité de la Régie du logement d'assurer la protection efficace des locataires quant au maintien dans les lieux. Par exemple, dans les cas de reprise de possession faite de mauvaise foi, la Régie du logement a le pouvoir de poursuivre au pénal les propriétaires qui sont passibles d'une amende allant jusqu'à 1000 $, mais rien n'a été fait jusqu'à présent. Aucun propriétaire n'a été poursuivi pour reprise de possession faite de mauvaise foi.

De plus, quant à la perte d'un logement parce qu'il a été reloué à quelqu'un d'autre, les jugements actuels refusent que le locataire qui s'est fait voler littéralement son logement qui a été recelé à quelqu'un d'autre puisse le réintégrer. On demande -ce qui est très important, aussi - de revenir sur la demande de contrôle obligatoire et universelle de tous les loyers, même ceux de cinq ans et moins, et aussi l'enregistrement obligatoire de tous les baux comme forme de mesure de protection des plus efficaces pour s'assurer que les loyers restent à des prix convenables et que les informations se transmettent d'un locataire à un autre. Merci.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie pour votre participation aux travaux de la commission.

Je demanderais maintenant à l'Association des copropriétaires du manoir Barrington à Outremont de prendre place devant les membres de la commission, s'il vous plaît.

(17 h 45)

À l'ordre, s'il vous plaît!

Je tiens à souhaiter la bienvenue à l'Association des copropriétaires du manoir Barrington à Outremont et à demander au porte-parole du groupe de s'identifier et d'identifier aussi les membres qui

l'accompagnent pour le bénéfice des parlementaires et celui du Journal des débats.

M. Tremblay (Jacques): Mon nom est Jacques Tremblay, président de l'Association des copropriétaires du manoir Barrington. À ma droite, Mme Louise Charrette; à ma gauche, Mme Josette Poliquin, toutes deux membres du conseil d'administration; à ma gauche également, le notaire Bertrand Ducharme, qui a fait nos statuts et règlements et nos conventions depuis le début.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous cède maintenant la parole en vous faisant les commentaires d'usage. Vous avez maintenant quinze minutes pour présenter votre mémoire à la commission.

Association des copropriétaires du manoir Barrington à Outremont

M. Tremblay (Jacques): M. le ministre, membres de la commission, c'est à titre de copropriétaires indivis qui vivons une situation un peu difficile depuis sept ans que nous sommes ici. Nous sommes pour la levée du moratoire, parce que nous entrevoyons que c'est la seule solution pour nous actuellement de devenir copropriété divise; ce que nous souhaitons.

Notre mémoire était très succinct. Je relèverai seulement quelques passages du mémoire. Historiquement, le manoir Barrington est un immeuble de 36 logements sur l'avenue Bernard à Outremont. En octobre 1980, les logements ont été mis en vente. Trois ans plus tard, tous les logements appartenaient à leurs occupants à l'exception d'un seul. Il y a une erreur dans notre document, on a oublié de le mentionner. De tous ces appartements, 24 ont été vendus à des gens qui étaient déjà locataires. Tous les gens, au moment où ils ont acheté leur appartement, espéraient la levée rapide du moratoire qui durait déjà depuis cinq ans. Ce désir a été traduit dans notre convention lors de l'achat et dans nos statuts et règlements et c'était une priorité pour les copropriétaires et le conseil d'administration qui géraient les affaires du manoir Barrington.

Il est intéressant de mentionner ici que les mesures proposées dans le livre blanc à la page 45 par le ministre responsable de l'Habitation ont été pratiquement suivies à l'exception de deux et ce, sept ans avant qu'on les lise dans ce document. Les deux cas qu'on ne pouvait pas suivre, c'est parce que cela ne s'appliquait pas à ce moment-là.

À l'intérieur de nos statuts et règlements et de notre convention, on obligeait chacun des propriétaires à habiter son appartement. Évidemment, c'était, premièrement, pour éviter toute spéculation et, deuxièmement, être prêt lorsque la conversion en copropriété divise arriverait.

On a noté un changement important dans l'entretien et les améliorations que la propriété a connues tout au long des sept années de possession de l'édifice en copropriété, ce qui veut dire que les propriétaires ont été très impliqués en matière de qualité de vie et avaient la fierté que l'édifice soit extrêmement bien entretenu.

Parlons maintenant des problèmes reliés à la gestion de l'indivision. C'est ce qui nous amène ici. Ayant un statut d'indivisaire, cela implique que chaque copropriétaire est conjointement et solidairement responsable envers des tiers et entre eux, ce qui veut dire également vis-à-vis des créanciers hypothécaires et c'est très compliqué.

Je vais résumer les problèmes. À la période de questions, j'aimerais que M. Bertrand Ducharme revienne sur les problèmes puisqu'il a été un des artisans des conventions de copropriétés et il a connu ce que veut dire l'indivision au point de vue des problèmes. Il est mieux placé que moi pour en parler.

Succinctement, les problèmes auxquels on doit faire face et qu'il élaborera tout à l'heure concernent les hypothèques, le refinancement, la responsabilité financière qui limite les copropriétaires, les difficultés de refinancer auprès des institutions financières lorsque les successions ne sont pas réglées pour les propriétaires d'appartement, les déclarations de résidence familiale, les hypothèques judiciaires, les privilèges et les faillites.

Au fur et à mesure que nous gérons l'indivision, et ce après sept ans comme je le mentionnais tout à l'heure, nous réalisons mieux à quel point la notion de responsabilité secondaire et conjointe s'étend à un éventail de situations beaucoup plus vaste que la seule responsabilité associée à l'emprunt hypothécaire. Avec le temps, les probabilités augmentent, on a peur que les problèmes se superposent et qu'on soit à un moment donné dans une situation où cela ne sera plus possible de gérer l'indivision.

En terminant, le commentaire suivant vient du fait qu'après avoir lu le livre blanc d'un couvert à l'autre, on n'a vu à aucun endroit le cas de l'indivision. On ne traite de l'indivision nulle part vis-à-vis de la conversion en copropriété divise. J'aurais des questions à poser au ministre qui. sont les suivantes: La levée du moratoire s'appliquera-t-elle aux immeubles déjà convertis en copropriété indivise? Le ministre a-t-il l'intention d'élaborer une procédure spécifique pour la conversion de ce genre de propriété? Deuxième question, comment s'effectuera la levée du moratoire pour les copropriétés comme le manoir Barrington qui

compte encore un logement occupé par un locataire car un des propriétaires n'a pu prendre possession de son logement en vertu de la loi de 1981? Sera-t-il possible d'accélérer le processus de conversion en copropriété divise pour ceux qui ont déjà franchi l'étape de la copropriété indivise? L'Association des copropriétaires du manoir Barrington pourra-t-elle jouer, comme association, le râle de copropriétaire convertisseur dans les démarches auprès de la Régie du logement? Je vous remercie.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie de votre présentation. Je cède maintenant la parole à M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, on nous pose des questions. Je comprends très bien le problème que vivent les gens du manoir Barrington. Ayant pratiqué la profession de notaire pendant 20 ans, j'ai une petite idée de ce que cela peut être d'être en indivision quand on est 36, avec les problèmes de refinancement, les problèmes de succession qui doivent se poser, etc. J'ai beaucoup de sympathie pour ceux qui sont agglutinés juridiquement, si je peux dire, et qui sont conjointement et solidairement responsables pour les taxes de tout le monde, pour l'hypothèque unique, etc. C'est un cas évidemment qui est difficile et qui pourra possiblement se résoudre.

M. le Président, je pense que le député de Fabre... Ah! Le député d'Orford plutôt aimerait prendre la parole en premier. Je pense qu'il a en main les éléments pour répondre aux questions. Si jamais ce n'était pas très précis je pourrais peut-être compléter et je suis entouré de la vice-présidente de la Régie du logement, avocate par surcroît. Je pense bien qu'on a ici ce qu'il faut pour répondre. Même la présidente est derrière moi. Alors, on peut probablement répondre à vos questions. Merci.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le ministre. Je cède maintenant la parole à M. le député d'Orford.

M. Vaillancourt: Merci, M. le Président. En premier lieu, j'aimerais vous souhaiter la bienvenue ici, aujourd'hui, et vous remercier de venir présenter votre point de vue devant notre commission parlementaire. Je vous félicite pour votre mémoire qui est très spécial par rapport à tous les autres que nous avons reçus depuis le début, étant donné que votre association en est une plutôt de copropriétaires; la majorité des autres mémoires qui nous ont été présentés nous provenait plutôt de groupes de locataires.

L'Association des copropriétaires du manoir Barrington à Outre mont - je l'ai constaté, vous l'avez dit - appuie la décision du livre blanc ou du document de proposition déposé par le ministre au mois d'avril dernier. Dans ce mémoire, le ministre apprenait à la population la levée du moratoire qui était décrété depuis le 26 novembre 1975, c'est-à-dire depuis onze ans. C'est un document préliminaire car, vous le savez sans doute, avec la consultation que nous faisons cette semaine auprès de la population et des intéressés, cela va nous permettre de présenter, à l'automne, des modifications assez intéressantes pour tous les locataires et pour toutes les personnes concernées par le moratoire.

J'aurais quelques questions à poser à nos invités. Est-ce qu'il y a eu des transformations de faites par le propriétaire avant de les vendre? Quel a été le processus de conversion?

M. Tremblay (Jacques): Je vais commencer par la partie la plus facile. Le processus de conversion s'est fuit, comme je l'ai dit tout à l'heure, pratiquement de la même façon, pas seulement pratiquement, mais de la même façon que cela est suggéré à la page 45, comme je vous l'ai déjà mentionné. Vous pouvez prendre cette page, cela s'est fait de cette façon. Je vais vous dire cela de mémoire, cela fait déjà sept ans. Au moment de la vente, le propriétaire a offert, dans un premier temps, les appartements à tous les locataires. S'il y avait un refus d'acheter de la part des locataires, il y avait compensation s'il y avait déménagement.

Pour ce qui est de la protection pour ceux qui achetaient, on obligeait que l'hypothèque soit au maximum, à 40 % de la valeur d'achat, ceci pour limiter le risque financier dû à l'indivision. Également, des expertises ont été faites sur la qualité de l'édifice, sur les points majeurs de construction, comme la toiture, le système de chauffage, etc., et, de plus, des garanties de la part du propriétaire d'apporter des améliorations très précises dans le cours du processus de conversion en copropriété indivise ou de propriété locative indivise.

Pour ce qui est du prospectus, on n'appelait pas cela un prospectus, c'était une convention et des statuts et règlements. Ils ont été faits en ayant toujours à l'esprit la plus grande protection vis-à-vis des nouveaux acquéreurs d'appartements. C'est Me Du-charme, ici à ma gauche, qui a préparé ces documents, les statuts et règlements, ainsi que les conventions. Je ne sais pas si j'oublie des choses. (18 heures)

Mme Charrette (Louise): Pour ce qui est des réparations importantes avant la conversion, il n'y a pas eu, avant la décision de mettre en vente, des rénovations majeures dans les appartements. Les appartements étaient vendus tels quels. Les rénovation:) qui se sont

faites dans les appartements par la suite l'ont été par les nouveaux propriétaires acquéreurs quand ils se sont installés. Les seules réparations qui ont été faites par le propriétaire à la suite du rapport d'expert, ont été de changer les boîtes d'entrée d'électricité par appartement. Avant la conversion, il n'y a pas eu de réparations majeures. Les réparations se sont faites par la suite, entre autres, aussi, des améliorations dans les espaces communs, mais cela a été fait par la suite.

M. Vaillancourt: Est-ce un chauffage commun ou un chauffage individuel?

M. Tremblay (Jacques): C'est un chauffage commun, central.

M. Vaillancourt: C'est un chauffage commun. Cela est resté tel quel.

M. Tremblay (Jacques): C'est resté tel quel.

M. Vaillancourt: La facture est répartie par les propriétaires.

M. Tremblay (Jacques): Elle est répartie en fonction des millièmes que chacun des copropriétaires possède.

M. Vaillancourt: Y a-t-il eu des calculs de faits afin de comparer les avantages d'être propriétaire plutôt que d'être locataire?

M. Tremblay (Jacques): Je peux vous dire que sur le plan pécuniaire, au moment où cela s'est fait, c'était extrêmement avantageux d'acheter. La plupart des copropriétaires étaient des gens qui ne pourraient pas acheter aujourd'hui ce qu'ils ont comme propriété.

M. Vaillancourt: Quelle était la moyenne des revenus des personnes locataires qui sont devenues propriétaires?

M. Tremblay (Jacques): La moyenne de? M. Vaillancourt: De revenus.

M. Tremblay (Jacques): De revenus. C'est difficile de répondre. Il y avait un éventail d'acquéreurs, des secrétaires, des professeurs, des infirmières, des économistes, des ingénieurs, des administrateurs, des entrepreneurs. On a un éventail assez représentatif de la société active.

M. Vaillancourt: Est-ce que les familles sont admises dans ce bloc?

M. Tremblay (Jacques): II n'y a aucune restriction.

M. Vaillancourt: Aucune restriction.

M. Tremblay (Jacques): II n'y a jamais eu de restriction.

M. Vaillancourt: Les enfants.

M. Tremblay (Jacques): II y a des enfants.

M. Vaillancourt: Les couples qui ont des familles ont pu devenir propriétaires.

M. Tremblay (Jacques): II y a plusieurs rentiers aussi, des gens d'un certain âge. Il y a un éventail vraiment représentatif.

M. Vaillancourt: Vous disiez tout à l'heure qu'il y avait 24 locataires qui ont acheté sur 36.

M. Tremblay (Jacques): Oui.

M. Vaillancourt: Qu'est-il advenu? Il y en a encore un qui est locataire. Mais les autres qui étaient locataires? Est-ce parce qu'ils ne pouvaient pas acheter ou ...

M. Tremblay (Jacques): II y a des personnes qui...

M. Vaillancourt: ... s'ils n'avaient pas l'argent nécessaire.

M. Tremblay (Jacques): II y a des personnes qui ne voulaient pas devenir propriétaire et qui n'ont pas acheté. Sur les 24 copropriétaires qui étaient des locataires anciennement, il y en avait une certaine quantité qui venait du même édifice et il y en avait une autre quantité qui venait d'autres endroits. C'était, encore une fois, réparti.

M. Vaillancourt: Avez-vous à payer pour les services en commun? Combien cela peut-il coûter environ par propriétaire pour les services en commun comme l'entretien des escaliers, si vous voulez, la couverture et tout cela.

M. Tremblay (Jacques): Définitivement...

M. Vaillancourt: De la bâtisse, en général.

M. Tremblay (Jacques): 11 y a une partie...

M. Vaillancourt: Payez-vous un certain montant?

M. Tremblay (Jacques): Oui, certainement.

M. Vaillancourt: Mensuellement ou

annuellement?

M. Tremblay (Jacques): C'est un montant qui est réparti, encore une fois, mensuellement, mais en proportion des millièmes que chaque appartement représente. C'est tout à fait acceptable et même très acceptable actuellement en considérant le marché.

M. Vaillancourt: Cette bâtisse datait de 1925.

M. Tremblay (Jacques): C'est un édifice qui date de 1927.

M. Vaillancourt: D'accord, je vais... On me dit que mon temps est pas mal écoulé. En ce qui concerne les questions que vous avez posées tout à l'heure, je vais laisser le ministre y répondre. Je pense qu'il est plus qualifié que moi. Je pense bien qu'à - l'automne vous allez avoir votre réponse avec la loi qui va être déposée, mais étant donné qu'elle n'est pas déposée, pour ma part, je ne suis pas capable de répondre à ces questions.

M. Tremblay (Jacques): Merci.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le député d'Orford. Dans le respect de l'alternance, je cède maintenant la parole à M. le député de Shefford.

M. Paré: Merci, M. le Président. Bienvenue à la commission. Qu'on ait un cas spécial particulier à la commission, je pense que c'est de bonne mise. Cela va nous permettre de discuter de faits vécus. Il y a 24 copropriétaires et 36 logements, si je comprends bien. C'est bien cela?

M. Tremblay (Jacques): Actuellement, il y a 36 appartements, dont l'un appartient à l'ensemble des copropriétaires du manoir, qui est occupé par le concierge; et il reste un appartement qui, lui, est actuellement la propriété du propriétaire de l'immeuble qui a fait la conversion. Les 34 autres appartements sont habités par les copropriétaires.

M. Paré: D'accord. À votre avis, combien de cas semblables pourrait-il y avoir au Québec?

M. Tremblay (Jacques): C'est une question qu'on a essayé de se poser. Je ne sais pas si c'est 50 ou 200, mais je sais qu'il y a beaucoup d'édifices qui ont été convertis de cette façon. Nous sommes très surpris d'être les seuls qui viennent dire qu'ils ont des problèmes à gérer l'indivision et de le dire ouvertement, de cette façon. Je suis sûr qu'il y en a d'autres, beaucoup d'autres. Je ne sais pas si Bertrand peut vous donner une idée approximative du nombre de cas semblables au nôtre, d'édifices où il y a 30, 35, 40 personnes qui sont propriétaires.

M. Ducharme (Bertrand): Dans Outre-mont, dans le même environnement que cet immeuble, on peut dire que ce sont au moins une dizaine d'immeubles qui sont en copropriété indivise, des immeubles d'au moins une vingtaine de logements. Il y en a sûrement ailleurs, mais ceux que je connais personnellement sont surtout concentrés dans Outremont.

M. Paré: Le ministre aura certainement des réponses à vous donner précisément aux questions que vous posez. Globalement, qu'il y ait un cas bien précis, un édifice bien précis avec des gens qui vivent un problème et qui demandent si la loi va le régler, cela représente des cas vécus par quelques autres groupes, que ce soit 10 à 50, je dois dire que ce n'est pas un pourcentage très significatif par rapport à l'ensemble de la population de 6 500 000 Québécois, mais je pense - je vous le dis comme je le pense - que c'est le genre de dossier qu'on pourrait régler bien plus facilement par projet de loi privé, comme on a fait pour Milton Parc, où on a réglé pour à peu près 1500 locataires en même temps. Par un projet de loi privé ou si le ministre acceptait la proposition de la ville de Montréal qui veut qu'il y ait des exceptions, vous pourriez, à mon avis, être tout à fait admissibles à ce genre d'exception.

Je ne voudrais pas que, dans une société, on détermine une politique globale, générale pour 6 500 000 personnes quand on sait - vous avez entendu quelques remarques tantôt parce que vous étiez dans la salle, mais cela fait déjà trois jours et il reste deux jours - quels sont les impacts. Je ne serais pas d'accord qu'on oriente toute une politique, pour régler des cas spécifiques. Je suis bien plus ouvert à des projets de loi privés pour dire: On va régler des cas qui ont été faits de bonne foi et que maintenant on se retrouve devant un mur juridique qui fait en sorte que la loi présente, le moratoire et tout cela, on ne cadre dans rien. Quand on ne cadre dans rien, on va chercher une porte à l'Assemblée nationale. Je serais prêt, comme quand j'ai rencontré les gens de Milton Parc, à étudier la possibilité d'arriver à une entente parce que pour les projets de loi privés, cela prend le consentement des partis, selon la façon de procéder de l'Assemblée nationale. Les cas particuliers, les projets de loi privés, il y en a à la dizaine à la fin de chaque session, et c'est correct. C'est le rôle de l'État de satisfaire des gens et de régler des situations qui deviennent presque intenables.

Je suis très ouvert à vous rencontrer et

à discuter le cas particulier de gens qui arrivent devant un mur juridique. Je ne retiendrais pas comme telle la recommandation de dire: On applique le moratoire pour régler un problème parce que quand on a à régler le sort de toute une population, on peut retenir par la suite des exceptions, mais on ne doit pas baser l'orientation majeure en fonction des exceptions.

C'est le commentaire que je voulais faire et il me fera plaisir de vous rencontrer si jamais la démarche que je vous propose est la démarche que vous aurez à suivre; tout dépendra de la réponse du ministre. J'ai terminé.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le député de Shefford. Je cède maintenant la parole à M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, j'aimerais répondre à quelques questions. La première: La levée du moratoire s'appliquera-t-elle aux immeubles déjà en indivision? C'était votre question. Je vous réponds sur la base de la proposition qui est devant nous présentement. C'est une proposition gouvernementale présentement en consultation. Cela ne veut pas dire que le projet final sera une copie conforme du projet que nous avons devant nous. Si nous consultons, c'est justement pour voir s'il y a moyen d'améliorer ou de modifier cette proposition. Tout ce que je peux vous dire, c'est que, dans l'esprit actuel qui prévaut, la levée du moratoire s'appliquerait aux immeubles en indivision. Bien entendu, les copropriétaires indivis devraient se présenter devant la Régie du logement pour avoir l'autorisation de faire la conversion. À ce moment-là, le locataire que vous avez conserverait son droit au maintien dans les lieux pour une période illimitée. Ce n'est pas un problème pour vous, je crois, mais vous auriez la copropriété. Autrement dit, vous seriez libéré du carcan, vous savez ce que je veux dire.

Comment s'effectuerait la levée du moratoire pour un cas comme le manoir Barrington qui ne compte qu'un seul locataire? Comme pour tous les autres cas. Vous enverriez l'avis d'intention au locataire, il y aurait interdiction de faire des réparations majeures pendant la période de demande à la régie. Vous devriez émettre un certificat... Un rapport d'expert, ce serait assez difficile pour un seul logement. Je ne suis pas sûr si on devrait... Surtout que vous avez déjà un logement... Est-ce que la part indivise qui reste est vendue?

Mme Charrette: Elle appartient à un copropriétaire.

M. Tremblay (Jacques): C'est cela, elle appartient à un copropriétaire.

M. Bourbeau: Qui n'y habite pas?

M. Tremblay (Jacques): Qui ne peut pas l'habiter, non.

M. Bourbeau: À ce moment-là, il n'aurait pas besoin de faire cela, de prospectus non plus.

Le processus sera-t-il plus rapide pour les indivisaires? Dans votre cas, cela me paraît très rapide, parce que tout est en place.

M. Tremblay (Jacques): C'est cela»

M. Bourbeau: L'association des copropriétaires indivis pourrait-elle jouer le rôle de propriétaire convertisseur dans les démarches? Oui, il n'y a pas de problème.

Donc, il semble que ce serait très facile dans votre cas. Maintenant, comment régler votre problème? On verra avec la proposition à l'automne. Je retiens la proposition du député de Shefford d'un projet de loi privé, sauf que cela pourrait ouvrir la porte à bien du monde.

Ce qu'il faut bien dire, c'est que l'indivision - je peux parler un peu en connaissance de cause, connaissant ce milieu - est une formule qui est un pis-aller par rapport à la copropriété. C'est une formule qui, juridiquement, est inférieure à la copropriété classique, puisque tous les propriétaires indivis sont un peu soudés ensemble, ils sont collectivement et solidairement responsables de toutes les taxes de l'immeuble. Ils n'ont pas la possibilité de pouvoir dire: J'ai mon logement, je suis responsable uniquement de mon logement. Ils sont "pognés" avec l'hypothèque globale, les taxes globales. Donc, sur le plan juridique, c'est une formule qui est extrêmement boîteuse et cela prend des spécialistes, avocats ou notaires, pour rédiger les conventions qui protègent tout le monde. C'est bien parce que la copropriété n'était pas permise qu'on s'est rabattu sur l'indivision depuis plusieurs années. Le livre vert Se loger au Québec indique que, dans la seule région de Montréal, il s'en est fait 10 000 en cinq ans, de 1978 à 1983. On peut bien présumer qu'aujourd'hui, on est rendu à 20 000 personnes qui ont dû se rabattre sur cette formule inférieure sur le plan juridique, parce qu'elles ne pouvaient pas profiter de la conversion en copropriété. Pour les cas où les gens sont tous des copropriétaires, où il n'y a pas de locataires, bref, je pense que ce ne serait pas un gros problème de faire la conversion si jamais on pouvait le faire. Quelle que soit la formule qui sera adoptée, même si on adoptait la formule de la ville de Montréal, celle-ci a semblé nous dire qu'elle ne ferait pas d'objection dans le cas où tous les locataires, à plus forte raison les copropriétaires, seraient d'accord, elle n'a

même pas parlé d'unanimité mais d'une majorité de locataires. Donc, j'ai bon espoir que, quelle que soit la solution retenue, vraisemblablement, vous pourriez atteindre votre objectif qui est de pouvoir être en copropriété plutôt qu'en indivision.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le ministre. Est-ce que c'étaient vos remarques de conclusion, M. le ministre?

Je cède maintenant la parole à M. le député de Shefford.

M. Paré: Oui. Je veux vous remercier et vous dire qu'on a pris bonne note de votre dossier et que si jamais cela aboutit à l'Assemblée nationale, on en aura déjà un avant-goût. Si c'est la voie è suivre, je serai disposé à vous rencontrer pour vous assurer que le cheminement sera très rapide. Connaissant l'importance du dossier global de l'habitation au Québec, cela sera plus rapide de faire adopter un projet de loi privé avant la fin de la session d'hiver que d'avoir une politique globale d'habitation.

M. Dufour: C'est la porte qu'on va leur donner.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le député de Shefford. M. Tremblay, avez-vous de brèves remarques en conclusion?

M. Tremblay (Jacques): Je veux remercier la commission de nous avoir invités, étant justement un cas très particulier. N'étant pas ici pour critiquer l'ensemble du document, le projet de loi, j'apprécie et nous apprécions grandement le fait d'avoir été invités pour faire ressortir ce cas.

Comme il a été mentionné tout à l'heure, combien y en a-t-il qui sont dans la même situation que nous au Québec? On ne le sait pas, mais je suis convaincu qu'il y en a beaucoup parce qu'il s'en est fait beaucoup.

Pour terminer, j'espère que, comme il s'est dit, ce sera rapide pour nous lorsque se fera la conversion en divise parce que, pour avoir géré pendant sept ans cette situation, je peux vous dire qu'on est pas mal prêts pour la division. Merci beaucoup.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Tremblay ainsi que vos collègues de votre participation aux travaux de cette commission.

Étant maintenant arrivée à la fin de l'horaire de l'après-midi, la commission suspendra maintenant ses travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 17)

(Reprise à 20 h 3)

Le Président (M. Richard): À l'ordre, s'il vous plaît!

Je vous demanderais votre attention, s'il vous plaît. La commission reprend donc ses travaux sur la consultation générale portant sur la levée du moratoire sur la conversion des immeubles locatifs en copropriété divise.

Je demanderais aux intervenants représentant les Services immobiliers de la copropriété, identifiés comme SIOEC, de prendre place. S'il vous plaît, monsieur, vous faites la présentation de vos collègues à votre droite et à votre gauche. Vous avez quinze minutes pour présenter votre mémoire. Je me permettrai poliment de vous signaler quand il restera deux minutes environ de façon à ne pas vous arrêter dans le milieu d'une phrase. Vous présentez vos collègues et, par la suite, la partie ministérielle aura quinze minutes et les représentants de l'Opposition auront aussi quinze minutes pour vous interroger. À vous.

M. Séguin (Germain): Merci, M. le Président.

Le résumé du texte du mémoire, à la page 57, sera présenté par Me François Auger et Me Hélène Martineau.

Services immobiliers de la copropriété (SIDEC)

M. Auger (François): Tout en reconnaissant les principales recommandations gouvernementales dans le cadre de la levée du moratoire, les Services immobiliers de la copropriété considère que cette levée du moratoire doit être complétée par des modifications législatives accordant une plus grande protection aux locataires contre les abus des spéculateurs et permettant, par des programmes d'aide gouvernementaux appropriés, l'accession réelle à la propriété pour les locataires occupants. De plus, des mesures favorisant la formation et l'information des locataires occupants doivent être mises sur pied afin d'assurer le succès de la conversion.

Les législations actuelles s'avèrent inefficaces et inéquitables, entre autres, les exceptions au principe du maintien dans les lieux. Les réparations majeures et la reprise de possession sont devenues une façon facile et rentable d'évincer des locataires. Ainsi, sur une décision de la Régie du logement où le locataire doit quitter pendant les réparations majeures, on sait que certains spéculateurs en profitent pour louer à un autre locataire, souvent à un prix beaucoup plus élevé, supposons 200 $ par mois de plus. Souvent, ce spéculateur revend l'immeuble. Si on prend un multiplicateur de revenu brut de 10, il peut espérer aller chercher 24 000 $

de plus à la revente de ce logement. Le seul recours que peut exercer le premier locataire, c'est un recours en dommages. Aucune statistique à la Régie du logement n'est disponible présentement. De notre pratique, on estime que les locataires peuvent retirer 2500 $. Donc, le spéculateur peut espérer un gain de 24 000 $ alors que le seul dommage qu'il aura à payer sera peut-être un montant d'environ 2500 $. De plus, les règles de preuve relatives aux réparations majeures ne permettent pas de vérifier les intentions réelles du locateur. Ainsi, on ne peut exiger le dépôt, devant la Régie du logement, des plans et devis et des permis municipaux. Les montants accordés à titre de dommages-intérêts ne compensent pas réellement les pertes subies par les locataires évincés et ne découragent pas les desseins des spéculateurs. On l'a vu tantôt. Le locataire a le fardeau de contester l'avis de réparations majeures dans un délai très court, dix jours, et je vous reporterai à la législation actuelle sur la reprise de possession où le locataire est présumé avoir refusé de quitter le logement. Il faudrait faire la même chose du côté des réparations majeures.

Sans aide gouvernementale appropriée, la majorité des locataires ne peuvent espérer accéder à la propriété. En 1981, 72 % des ménages montréalais avaient des revenus inférieurs à 25 000 $ par année. La législation fiscale actuelle encourage la spéculation foncière, je suis prêt à reprendre l'exemple de tantôt, et la spéculation foncière entraîne une hausse générale des coûts de loyer. Ce qui a, en effet, un impact direct sur l'évaluation, sur la taxation. Je pense, entre autres, à une coopérative d'habitation qui, cette année, ici à Montréal, a vu son compte de taxes passer de 10 000 $ à 14 000 $, et on va rappeler que dans le cas d'une coopérative è possession continue, l'immeuble n'est pas sur le marché spéculatif. Les locataires doivent débourser un pourcentage plus élevé de leur revenu pour fins d'habitation. Souvent, cela se passe dans les loyers de bas de gamme et les locataires se retrouvent dans un autre loyer où, au lieu d'avoir à payer 200 $, ils devront payer 400 $. C'est cela la réalité.

Les locataires les plus démunis sont victimes d'ententes désavantageuses. On va revenir tantôt sur cette question spécifique. En gros, les principales recommandations à ce point-ci sont les suivantes.

Premièrement, l'abolition des exemptions sur le gain en capital dans le secteur immobilier locatif usagé, sauf pour l'unité occupée par le propriétaire. Aujourd'hui, les immeubles ne se vendent plus, à Montréal, en fonction des revenus escomptés, mais en fonction du gain en capital escompté. Si on recule de deux ou trois ans, les immeubles à revenus se vendaient à cinq ou six fois les revenus. Maintenant, ils se vendent à dix fois les revenus.

Deuxièmement, le maintien dans les lieux pour une période illimitée pour les locataires occupants et compléter les mesures gouvernementales déjà proposées par les suivantes. Sur la reprise de possession, permettre au locataire de recouvrer des dommages-intérêts du propriétaire qui a effectué une reprise de possession dans les deux ans précédant une conversion en divis et qui a vendu son logement à ce propriétaire. À cette occasion, permettre également à la Régie du logement de condamner le contrevenant à des dommages exemplaires. Pour améliorer la situation actuelle, à la suite d'une décision finale considérant une demande de reprise de possession comme étant de mauvaise foi, le locateur ne pourrait présenter une nouvelle demande de reprise de possession avant deux ans, sinon cela devient une question de harcèlement. Je pense, entre autres, à un cas où il y a eu six demandes d'un propriétaire et six décisions, trois de la Régie du logement, trois de la Cour provinciale. Le propriétaire revenait chaque année. Et cinq fois sur six, cela a été considéré comme étant des demandes de mauvaise foi.

Troisièmement, en ce qui concerne les réparations majeures, nous recommandons qu'il y ait présomption de refus du locataire sur avis d'amélioration ou de réparations majeures, contestation possible sur l'opportunité et la nature des travaux. Par exemple: si le propriétaire a à déposer le permis municipal, à ce moment-là, la municipalité va aller visiter l'immeuble et si seulement l'entrée électrique doit être nécessairement changée, mais sans changer le filage électrique, pourquoi le changer? Dommages-intérêts et dommages exemplaires en faveur des deux locataires, l'ancien et le nouveau. L'ancien locataire devrait avoir le choix de revenir à son logement. On parle de maintien dans les lieux illimités. S'il n'a pas le choix de revenir, et, présentement, il ne l'a pas, il ne peut pas revenir dans son logement s'il a été loué à un autre. Il faudrait qu'il puisse revenir et que ces deux locataires puissent avoir droit aux dommages-intérêts et aux dommages exemplaires. On a vu tantôt que cela peut être très rentable pour un spéculateur de faire ce qui se fait présentement. Il faut que cela lui coûte très cher s'il procède à cela pour qu'on mette fin à cette situation.

Durée maximale des travaux: cinq mois. Écoutez, on voit des cas de stripage. Ici, à Montréal, ce sont surtout des triplex ou des quintuplex. Il y en a qui demande un an pour faire les travaux. La durée maximale devrait être de cinq mois.

Aucune évacuation des locataires avant

le 1er juillet. Cela va faciliter la recherche d'un autre logement durant la période- des réparations majeures. Sortir au mois de février: on a vu des décisions, à un moment donné, à la Régie du logement ou le délai, pour en appeler de la décision, n'était même pas expiré qu'on disait au locataire de sortir du logement, cela n'a aucun sens.

Nous allons aborder maintenant la question relative aux ententes de gré à gré et c'est Me Martineâu qui va traiter de ce point-là.

Mme Martineau (Hélène): À ce stade-ci, il est important de se pencher sur les trois exceptions au maintien dans les lieux où il existe des lacunes présentement dans la loi actuelle. Il s'agit des avis de réparations majeures, de la reprise de possession et des avis de non-renouvellement de bail.

J'aimerais noter que les avis de non-renouvellement de bail n'existent pas dans la loi présente, sauf que, dans la réalité, c'est une chose qui se produit très fréquemment. Je vais vous donner un exemple concret qu'on a rencontré dans notre pratique quotidienne. Il s'agit d'un avis de réparations majeures envoyé à un locataire. Cela se lit comme suit: Veuillez prendre note que des travaux majeurs de rénovations, plomberie, électricité et plâtre, seront entrepris à votre logement à compter du 1er juillet 1987. Par conséquent, votre bail ne sera pas renouvelé à cette date. Par contre, si vous désirez quitter votre logement immédiatement, des dispositions peuvent être prises en ce sens.

Comme commentaires sur ce genre d'avis envoyé aux locataires, on peut voir tout de suite que l'avis de rénovations majeures n'est pas conforme à la loi parce qu'il n'indique pas la durée des travaux et que la nature des travaux n'est pas des plus détaillées. Oe plus, il s'agit ici d'un avis de non-renouvellement.

C'est cet exemple-là que je voulais citer pour vous montrer que cela existe dans la situation actuelle. On constate qu'il y a harcèlement à l'égard des locataires pour qu'ils quittent leur logement. Puisque, trop souvent, il y a un manque d'information, le locataire ne connaît pas les recours disponibles pour contester ce genre d'avis-là ou il s'y prend trop tard et n'a pas le temps de contester. Donc, son seul choix, souvent, est de signer une mésentente pour partir de son logement moyennant une somme d'argent qui, souvent, s'avère ridicule si on compte le montant que le locataire a à débourser pour se reloger. Ce montant-là est souvent trop petit. C'est alors au chapitre des ententes qu'il faut agir et nous nous vous soumettons les moyens pour ce faire.

Premièrement, comme mon collègue le disait tout à l'heure, il faut éliminer les lacunes présentes dans la loi actuelle et, deuxièmement, réglementer les ententes de gré à gré en instaurant un cadre rigide assurant une protection accrue au locataire.

Rapidement, en ce qui concerne la loi sur le logement, les modifications qu'on pourrait y apporter consisteraient à instaurer une présomption de refus pour ce qui est des avis de non-renouvellement et des avis de réparations majeures. Il est à noter que, dans les cas de reprises de possession, cette présomption existe. De plus, dans les cas d'avis de réparations majeures, il y aurait possibilité, pour le locataire, de contester l'opportunité des travaux* Ce qui, on le sait, aujourd'hui, ne se fait pas à la Régie du logement.

En ce qui concerne les ententes, quelle solution devrait-on apporter? On s'est basés sur la Loi sur la protection du consommateur pour instaurer un cadre très rigide pour justement réglementer ces ententes-là. Pourquoi la Loi sur la protection du consommateur? Parce que cette loi a su civiliser les rapports entre les commerçants et les consommateurs. De plus, le Québec peut se vanter d'avoir su régulariser ce rapport, parce qu'à travers l'Amérique du Nord, c'est peut-être une des seules lois qui sache le faire.

Je ne reprendrai pas les technicités concernant ces ententes, mais, en gros, ce que nous suggérons, c'est qu'il faut absolument établir une formalité pour ces ententes. Alors, l'entente devrait être faite par écrit, elle devrait comprendre une série de mentions obligatoires, entre autres, une qui pourrait dire que le locataire a bien lu l'entente avant d'apposer sa signature. De plus, une copie de l'entente doit être remise au locataire. C'est très important, car, avec les nouvelles mesures que nous proposons, il pourrait exercer une faculté de résiliation de son entente dans un délai de dix jours. Alors, avec l'entente, il y aurait une formule de résiliation. Si, dans un délai de dix jours, le locataire revient sur son entente et n'est pas satisfait, il pourra transmettre son avis de résiliation et l'entente sera annulée de plein droit. De plus, il faudrait que l'entente soit annulable par la Régie du logement s'il y a non-respect par le locateur de l'entente comme telle et s'il y a omission par celui-ci d'inscrire toutes les mentions obligatoires et d'en faire prendre connaissance au locataire. Je passe la parole à Me François Auger, concernant l'accession à la propriété. (20 h 15)

M. Auger: L'objectif premier de la levée du moratoire doit viser, selon les autorités gouvernementales, à favoriser l'accès à la propriété. Cependant, à la lecture des faits saillants soumis pour étude, aucune mesure concrète autre que celle du droit de préemption ne vient favoriser l'accession à la propriété pour les locataires occupants.

Si l'objectif visé est réellement l'accès

à la propriété, les gouvernements doivent accompagner la levée du moratoire de mesures concrètes favorisant l'application de cet objectif. Nous rappelons qu'en 1981, 72 % des ménages montréalais avaient un revenu inférieur à 25 000 $. La majorité des Montréalais n'a pas le capital nécessaire pour faire l'acquisition de son logement. Si, dans un premier temps, la levée du moratoire doit se faire en accordant une protection blindée en faveur des locataires occupants, il faut aussi des mesures d'aide permettant réellement l'accès à la propriété pour ceux-ci sinon, les Montréalais risquent de demeurer encore longtemps un peuple de locataires (78 %).

Favoriser l'accession à la propriété serait favoriser une forme d'enrichissement collectif. Les mesures fiscales actuelles, particulièrement celles touchant le gain de capital, ont exercé sur le marché immobilier une spéculation effreinée à l'avantage d'un nombre restreint d'individus ou de groupes. Des choix politiques s'imposent donc; la fiscalité actuelle avantageant le spéculateur immobilier doit être modifiée et les sommes ainsi récupérées dirigées vers la masse des locataires occupants.

Alain Dubuc, dans La Presse du 27 mai 1987, rappelait, à juste titre, que: L'exemption est l'un des principaux facteurs qui expliquent la fièvre immobilière dans bien des villes canadiennes et la flambée des prix. En outre, la mesure encourage ceux qui achètent pour vendre le plus vite possible au détriment de ceux qui veulent gérer et améliorer des immeubles. Cela ne crée pas d'emplois. La vente des maisons usagées ne fait que provoquer un jeu de chaises musicales entre propriétaires". - Fin de la citation. - Ainsi, l'exonération du gain en capital représentait, en 1981, 385 000 000 $ pour le gouvernement du Québec et devait coûter, au gouvernement fédéral, 600 000 000 $ en 1986-1987.

À notre humble avis, la fiscalité actuelle au chapitre du gain en capital, dans le secteur immobilier locatif usagé, n'a entraîné aucun investissement positif créateur d'emplois, sinon au Bureau d'enregistrement de Montréal. La spéculation n'entraîne pas de réparations majeures; on se sert plutôt des avis de réparations majeures pour mieux spéculer sur les immeubles, avec tous les effets négatifs subis par les locataires et les petits propriétaires. On n'a qu'à penser aux problèmes engendrés par la forte spéculation sur la fiscalité municipale; d'un côté, on exonère les gens qui ont le capital et, de l'autre côté, ce sont les locataires qui doivent payer les hausses de taxes. Nous soumettons donc un train de mesures favorisant concrètement l'accession à la propriété pour les locataires occupants.

Du côté du gouvernement fédéral. On sait que le gouvernement fédéral s'est concentré, par le biais de la SCHL, surtout sur l'assurance hypothécaire. La SCHL devrait, pour les locataires occupants, assurer le financement hypothécaire à 100 %, comprenant le coût d'acquisition et l'ensemble des frais relatifs à ladite acquisition des logements concernés par les locataires occupants, tels les frais d'ouverture de dossiers, honoraires professionnels, droit de mutation, etc.

Du côté du gouvernement provincial. Afin de permettre l'accession à la propriété pour les locataires occupants, le gouvernement provincial devrait accorder un crédit d'impôt conditionnel. À titre indicatif, ce crédit d'impôt pourrait être de 2400 $ décroissant sur six années jusqu'à 400 $. Donc, en supposant qu'à chaque année 10 000 locataires occupants se prévaudraient d'un tel crédit d'impôt, cette mesure coûterait au trésor québécois 24 000 000 $ la première année, pour atteindre 84 000 000 $ lors de la sixième année lorsque 60 000 locataires seraient bénéficiaires d'un tel crédit.

Du côté des municipalités, nous recommandons d'accorder aux locataires occupants qui acquièrent leur logement en copropriété divise un crédit de taxes échelonné sur cinq ans. De plus, des mesures spécifiques devraient encadrer les hausses exagérées d'évaluation foncière qui pourraient compromettre les résultats positifs espérés d'une telle accession à la propriété.

Si vous vous reportez à la page 46 du document, je prends le deuxième exemple qu'on a pris. On a pris quatre exemples de triplex. À la page 46, c'est l'exemple 2; c'est un triplex dans le centre-nord; le prix, 135 000 $, les loyers, 325 $, 280 $, etc.; le multiplicateur de revenu brut, 12,43. Quand on met le coût d'acquisition et les frais relatifs, on arrive à un total par mois et par logement de 534,81 $. La hausse de loyer varierait entre 209 $ et 254 $, c'est l'augmentation de loyer si le propriétaire achetait. Si on met le crédit d'impôt et le crédit de taxe pour la première année, cela représenterait des hausses entre 9 $ et 54 $ par mois. Durant les cinq années suivantes, on aurait, au chapitre du crédit d'impôt qui diminue, du crédit de taxe qui diminue, une hausse d'environ 40 $. À ce moment-là, plusieurs locataires occupants pourraient envisager sérieusement d'acheter leur logement.

En conclusion, il ressort des exemples précités que sans aide gouvernementale pour favoriser l'accession à la propriété, le coût mensuel minimum serait d'environ 600 $ par mois. Il devient dès lors évident qu'un tel coût devient inabordable pour la majorité des locataires montréalais. En effet, la majorité des locataires montréalais n'a pas les épargnes suffisantes pour fournir la mise de fonds initiale et ne peut faire face aux

exigences de remboursement hypothécaire, tout au moins pour les premières années.

Les avantages fiscaux consentis lors des dernières années, particulièrement les mesures visant le gain de capital, ont eu une influence telle sur l'évaluation moyenne des logements qu'il faudra que le gouvernement adopte des mesures correctrices nécessitant des fonds publics importants si on veut atteindre le premier objectif de la levée du moratoire, c'est-à-dire l'accession à la propriété.

De façon réaliste, on peut croire que l'évaluation minimale des logements convertis serait de l'ordre de 50 000 $ actuellement. Il faut se rappeler qu'en 1983, dans Se loger au Québec, on disait que pour un triplex, c'était 22 000 $.

À notre avis, le retard des gouvernements du Québec à agir pour contrer la spéculation a des répercussions telles que l'État, tout en ayant renoncé à des impôts importants, aura dorénavant à consacrer des sommes aussi importantes pour venir corriger les effets parfois désastreux de ses politiques précédentes.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie. Mme la députée de Dorion.

Mme Trépanier: Merci, M. le Président. Je voudrais en premier lieu excuser l'absence du ministre des Affaires municipales, M. Bourbeau, qui sera ici dans quelques minutes. Je dois vous dire qu'il a pris connaissance de votre mémoire et de tous les autres, d'ailleurs. Pour ma part, je veux vous remercier de votre excellente présentation et de ce document très étoffé.

En définitive, ce que vous nous dites, c'est que vous seriez d'accord avec la levée du moratoire d'une part, mais à la condition que nous bouchions les trous, si je peux dire, que nous éliminions les iniquités qui existent dans la loi 107 avec un programme d'accès à la propriété. C'est un peu ce que je retiens de votre présentation, en résumant très succinctement.

Vous nous donnez certaines facettes des programmes d'accès à la propriété. Je voudrais passer la parole à mon collègue de Sainte-Marie, mais, avant, j'aurais une question à vous poser et un commentaire à faire. Lorsqu'on parle d'éviction de locataires, vous avez entièrement raison; la loi ne peut rester comme elle est là, il faut absolument faire quelque chose. Qu'il y ait levée de moratoire ou pas, il faut protéger, de façon accrue, les locataires, c'est officiel.

Vous avez un train de mesures dont vous nous avez parlé tout à l'heure. Nous aussi, je pense, dans notre projet, nous avons un train de mesures à cet égard. Nous pensons avoir colmaté, en tout cas, plusieurs brèches dans la loi. Une que j'ai retenue, Me Angers, je crois, c'est que vous nous avez dit que lorsqu'un propriétaire va vouloir convertir et évincer ses locataires pour réparations majeures, il n'a qu'à donner un avis de réparations majeures. Il évince son locataire...

M. Auger: Je ne suis pas nécessairement sur cette question, avec la levée du moratoire, sur cette question-là comme telle. Sur la question des réparations majeures...

Mme Trépanier: D'accord. Là, vous ne touchez pas...

M. Auger: ...si on veut colmater, il faut absolument que le locataire occupant...

Mme Trépanier: Oui.

M. Auger: ...dans un cas de réparations majeures, puisse revenir. Présentement, si le propriétaire loue à un autre, ce locataire-là ne peut pas revenir.

Mme Trépanier: Ce que nous disons dans le projet, page 47 ou 49... Mais là, vous ne faites pas allusion du tout à la levée du moratoire, alors cela change. Nous proposons, dans le projet, qu'il y ait des dommages-intérêts et des dommages exemplaires pour le locataire qui a été évincé de son logement et qui ne peut revenir. Vous parlez...

M. Auger: De réparations générales.

Mme Trépanier: ...de dommages-intérêts pour celui qui est parti, pour qu'il revienne dans les lieux, et de dommages-intérêts pour celui qui devra quitter.

M. Auger: Pour les deux.

Mme Trépanier: Pour celui qui est le deuxième locataire, c'est cela?

M. Auger: Pour les deux, des dommages-intérêts et des dommages exemplaires pour les deux.

Mme Trépanier: D'accord. Nous, ce que nous disons dans notre projet, aussi, c'est que si on se rend compte que le propriétaire est de mauvaise foi et qu'il évince ses locataires pour convertir par la suite, la Régie du logement ne lui donnera pas la permission de convertir avant trois ans. Vous pariiez de deux ans. Ce sont des détails techniques, mais je dois vous dire que nous sommes très sensibles sur ce point. Évidemment, vous allez encore un peu plus loin que le projet.

M. Auger: C'est qu'on y va aussi sur les réparations majeures en général, je pense que c'est important de le comprendre. Comme vous le disiez, il faut absolument

protéger les locataires, qu'il y ait ou non levée du moratoire.

Mme Trépanier: Oui, sans parler de lever le moratoire, d'accord.

M. Auger: C'est essentiel,

Mme Trépanier: Parfait. Pour le moment, je vais passer la parole à mon collègue - excusez-moi, je me suis trompée de circonscription - de Saint-Hyacinthe.

Le Président (M. Saint-Roch): Excusez-moi, Mme la députée de Dorion. Je vous remercie de votre intervention, mais pour le respect de l'alternance, je vais maintenant céder la parole à M. le député de Shefford.

Mme Trépanier: Et on revient ensuite.

Le Président (M. Saint-Roch): Je reconnaîtrai dans un deuxième temps M. le député de Saint-Hyacinthe.

Mme Trépanier: Je ne voulais pas jouer au président.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Shefford.

M. Paré: Merci, M. le Président. Je vous souhaite la bienvenue à la commission. Je dois dire qu'effectivement votre dossier est extrêmement intéressant, substantiel et bien étoffé et, à certains niveaux, même à plusieurs, il l'est plus que la proposition gouvernementale.

Je vais vous poser une question très courte, en commençant, parce que, de l'autre côté - nous y sommes habitués, mais je voudrais bien qu'on clarifie les choses - on entend dire régulièrement: Merci de la présentation de votre mémoire, vous êtes d'accord avec nous sauf pour des petites affaires. Mais moi, je trouve que les petites affaires que vous amenez sont fondamentales. Cela veut dire que ce sont des programmes d'accès à la propriété alors qu'on les a abolis, des programmes d'aide en tout cas, une foule de choses, des mesures beaucoup plus importantes, et je reviendrai sur des points bien précis. Est-ce que vous seriez d'accord avec la levée du moratoire, telle que proposée, comme cela, sans les amendements que vous proposez?

M. Auger: Non.

M. Paré: Bon. Premièrement, on vient de régler une chose. Deuxième chose, c'est clair qu'on insinue et qu'on dit - c'est le discours, je pense qu'il faut être clair -qu'on veut absolument et de plus en plus aider les plus démunis de la société. Est-ce que, d'après vous, la proposition qu'on retrouve dans le livre est un programme d'aide aux plus démunis?

M. Auger: II n'y a pas d'aide à l'accession à la propriété.

M. Paré: Donc, si on dit que c'est pour préserver les plus démunis et que le deuxième objectif qui est visé est de permettre l'accès à la propriété pour les plus démunis, il faut prouver qu'on veut le faire par des mesures concrètes.

Je vais vous dire que je vous félicite parce que dans votre mémoire, on retrouve non seulement des études détaillées, des chiffres et des mises en situation qui nous permettent de visualiser des choses, mais vous avez des propositions concrètes où on fait finalement le pour, le contre et la balance à un moment donné. Je vais essayer de l'imager et vous allez me dire si je suis correct. Si on veut vraiment permettre l'accès à la propriété pour les plus démunis, vous amenez des mesures qui sont, entre autres, je les ai sorties en vous écoutant: impliquer les trois niveaux de gouvernement, assurances hypothécaires au fédéral, un crédit d'impôt au provincial et crédit de taxes au municipal. Et là, vous ne dites même pas au gouvernement que cela va coûter quelque chose. Vous allez probablement économiser si vous voulez vraiment prouver que vous voulez aider les plus démunis. Appliquez ces mesures mais en contrepartie, abolissez les exemptions de gain de capital dans le secteur immobilier du logement locatif. C'est exactement cela?

M. Auger: C'est exactement cela.

M. Paré: Cela entre, à mon avis, dans . une politique familiale, une politique d'habitation.

M. Auger: C'est une politique globale d'habitation.

M. Paré: Je reviens quand même à quelque chose parce que ce que vous êtes en train de nous sortir est extrêmement intéressant. Ce sont des conseils applicables intéressants qui rendraient une "levée de moratoire", entre guillemets, acceptable, parce que cela pourrait permettre un accès réel à la propriété avec une véritable protection. J'aimerais juste vous demander ce que vous pensez, par contre... Vous n'étiez pas là ce matin, mais il y a l'Union des municipalités du Québec qui a dit: Ne touchez pas à la fiscalité municipale. Est-ce que vous pensez qu'on peut appliquer votre crédit de taxe sans toucher à la fiscalité municipale? Qu'est-ce que ce serait? On permettrait de taxer sur l'évaluation totale, mais avec un pouvoir qu'on donnerait aux municipalités?

(20 h 30)

M. Auger: Bien, sur la fiscalité municipale, présentement, une chose est certaine, à Montréal... Je donnais l'exemple d'une coopérative d'habitation en possession continue. L'immeuble n'est pas sur le marché spéculatif et il y a des hausses de 40 %. Cette hausse, dans ce cas-là, celui auquel je pense, c'est une augmentation de 10 000 $ à 14 000 $, c'est onze logements, il faut penser à augmenter les loyers de 35 $ juste sur cette mesure, alors que vous êtes dans une coop qui essaie de contrôler ses coûts de logement. Vous payez pour le spéculateur qui, lui, a une exemption. Il y a quelque chose à régler là et il faut le régler rapidement. Je suis d'accord que c'est le gouvernement fédéral qui a ouvert le bai sur la question des exemptions sur le gain de capital, mais le gouvernement provincial a suivi. Probablement qu'on n'avait pas pensé... Il ne faut jamais oublier qu'à Montréal, la grande majorité des gens est locataire. Sur la question des taxes, c'est le locataire qui paie. Durant ce temps-ià, le spéculateur est exonéré.

M. Paré: J'aimerais - je ne l'avais pas prévu dans cet ordre - qu'on revienne tout de suite là-dessus parce que c'est bien important. La levée du moratoire comme telle, si cela permet, comme on l'a entendu dire par d'autres groupes aujourd'hui, la spéculation, c'est évident que cela veut dire une augmentation pour les gens en location dans des logements convertis. Est-ce que cela va jusqu'à la crainte, qui est aussi exprimée par plusieurs que, finalement, pour les gens de Montréal, dans leur ensemble, c'est une augmentation généralisée des loyers à cause de l'augmentation qui se reflète finalement dans les rues, les quartiers et partout?

M. Séguin (Germain): Oui, je pense que cela va dans ce sens-là. On pourrait peut-être, à la limite, penser qu'on pourrait même augmenter le taux de locataires à Montréal.

M. Paré: J'aimerais que vous expliquiez davantage ce que vous venez de dire.

M. Séguin (Germain): On aurait aimé à tout le moins avoir... Étant donné qu'on n'a pas lu le document qui a été présenté, on peut difficilement arriver à vérifier l'élément technique ou analytique du mémoire. C'est pour cela qu'on trouve cela difficile, présentement, de voir comment l'on pourrait, globalement, évaluer cette possibilité.

Sauf que ce qu'on dit aussi, peut-être par rapport aux questions que vous avez soulevées, c'est qu'une décision s'impose par rapport à notre mémoire avec une action concrète: des fonds alloués pour accéder à la propriété. Je pense qu'une décision s'impose.

À défaut de cela, une décision s'impose aussi quant aux modifications législatives concernant les rénovations majeures. Je pense qu'à l'heure actuelle, la décision s'impose peut-être pour la conversion mais avant tout pour les rénovations majeures. Je pense que c'est là qu'est le problème. Je dirais qu'avant même, à la limite, de penser à la conversion, il s'agirait peut-être, dans un premier temps, une fois que les modifications législatives portant sur les rénovations majeures auraient été apportées, de les vérifier et de les évaluer. On verra ce que cela a donné de façon concrète, par rapport à nos tribunaux, et quand on aura appliqué les modifications législatives sur les rénovations, peut-être qu'elles nous serviront, dans un premier temps, à voir comment la conversion peut se faire et comment on peut appliquer des règles de conversion. Mais je pense qu'avant tout, il faudrait à tout le moins évaluer les modifications législatives concernant les rénovations majeures parce que c'est là, à Montréal, qu'est le trou majeur. Je pense qu'on passe par les rénovations majeures et par les reprises de possession, qui sont des exceptions au maintien dans les lieux. Je pense que c'est là qu'est le problème.

Donc, avant de parler de convertir les logements, corrigeons l'hémorragie qui est là. Avec les correctifs qu'on aura par rapport à cette hémorragie, là on pourra, je pense, parler de la conversion et appliquer peut-être des règles de conversion qui nous auront été à tout le moins proposées ou elles pourront avoir été directement évaluées à cause des rénovations majeures. C'est le problème fondamental, ces rénovations majeures. Une fois qu'on aura corrigé ce problème à Montréal, on pourra peut-être être en mesure d'évaluer ce que pourraient être les règles applicables à la conversion. Mais tant et aussi longtemps qu'on n'a pas réglé les problèmes majeurs des rénovations majeures, parce que c'est par ce biais que les investisseurs immobliers ou que les spéculateurs arrivent... Je pense que c'est dans cette intention que le ministre a préparé le document en disant qu'une décision s'impose. Elle s'impose sur la conversion, je le comprends, parce que, depuis 1976... Mais, dans l'immédiat, la décision s'impose davantage quant à des modifications législatives portant sur les rénovations majeures. Une fois qu'on aura apporté ces modifications et qu'on les aura évaluées, on pourra peut-être se permettre d'établir des règles encore beaucoup plus adéquates et fondées sur une réalité que les locataires rencontrent quotidiennement.

M. Auger: J'ajouterai, si vous me le permettez, qu'il faut réglementer les ententes. Il y a 5 % des gens qui vont à la

Régie du logement, peut-être 10 %. On fait signer n'importe quoi aux gens. On fait des pressions. C'est un des aspects du document qu'on considère très important.

M. Paré: Donc...

M. Séguin (Germain): Je pense...

M. Paré: Oui. allez-y.

M. Séguin (Germain): ...aussi qu'il ne faut pas oublier la question des intervenants dans le monde immobilier. Je pense aux agents d'immeubles. Je n'ai pas encore vu de programmes ou de formation qui feraient que les agents d'immeubles recevraient une formation de qualité supérieure à celle qu'ils reçoivent à l'heure actuelle. Je pense que ce sont très souvent les premiers qui sont en lien direct avec les locataires. Je n'ai pas pu voir ou lire dans les différents documents qui m'ont été présentés cet aspect du dossier. Je pense que c'est quand même assez important parce que très souvent, ce sont les agents d'immeubles qui sont en lien direct ou qui ont les premiers contacts avec les locataires. J'aimerais voir quelle serait leur formation ou les informations qui pourraient s'en dégager. Même par rapport à ce qui passe avec la copropriété indivise è Montréal, très sauvent, on pouvait rencontrer des agents d'immeubles qui donnaient des conventions de copropriétaires sans que les copropriétaires en sachent toutes les conséquences et les implications. Ceux-ci se basaient sur cette convention pour acheter leur copropriété.

Dans un autre ordre, on va finalement se retrouver avec des coûts juridiques assez énormes parce que pour appliquer cette convention, on va se retrouver devant la Cour supérieure et chaque copropriétaire aura à payer des frais ou des honoraires. C'est dans ce sens que je regarde la qualité de l'information, par qui elle doit passer et quelle sera la formation ou la qualité de l'information que les intervenants qui vont avoir des liens directs avec les locataires pourront donner.

M. Paré: Justement, en parlant de la formation et de l'information des intervenants, vous mentionnez aussi, à la page 52, qu'il devrait y avoir des groupes-conseils mis sur pied pour faciliter l'information et la formation. Dans votre esprit, quels sont les groupes conseils suggérés?

M. Séguin (Germain): C'est un peu le parallèle avec les GRT dans les coopératives d'habitation. Pour arriver à ce que les gens puissent recevoir de l'information relativement à l'acquisition d'une propriété, je pense que cela prend des gens qui sont dans les quartiers ou des groupes qui sont près des locataires pour que l'information se rende. Je pense que c'étaient là les intentions du rapport. Quand on regarde le rôle de la Régie du logement qui est exercé à 7 % ou 8 % finalement, même celle-ci, depuis le temps, est méconnue. Souvent, les gens ne la connaissent pas. Je pense qu'avec un nouveau programme, cela va être encore plus difficile de rendre accessible l'information sur la conversion. Donc, c'est pour cela qu'il s'agirait de voir la possibilité d'avoir des groupes de quartier, en tout cas, des groupes qui sont près des locataires.

M. Paré: Donc, le ministre n'aurait pas dû changer d'idée et maintenir ce qu'il avait dit à l'étude des crédits. Il disait: On étudie la possibilité de continuer à aider - et même plus, si possible - les groupes de ressources techniques de façon que, s'il y a levée du moratoire, il y ait des gens qui connaissent bien le milieu, qui puissent intervenir et être près des gens. Je me rappelle avoir entendu cela sauf que, malheureusement, la décision est tout autre. C'est plutôt l'abolition.

On me dit que mon temps est malheureusement écoulé, mais je dois vous dire que je trouve qu'une de vos propositions mérite vraiment d'être étudiée parce que cela est important, surtout que je suis critique en matière de protection du consommateur. C'est intéressant de dire que pour les travaux majeurs, il faut faire en sorte de se baser un peu sur la Loi sur la protection du consommateur, par exemple. Effectivement, je trouve que c'est une proposition très intéressante et qui mérite d'être étudiée et probablement appliquée, je pense, à première vue. Je ne sais pas si vous avez le temps de donner un peu plus de détails là-dessus, mais je trouve cela très intéressant.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le député de Shefford. Je cède maintenant la parole à M. le député de Saint-Hyacinthe en lui rappelant qu'il reste neuf minutes et trente secondes à la formation ministérielle.

M. Messier: Merci, M. le Président. Comme je l'ai souligné tout à l'heure, c'est un excellent travail que vous avez fait et un excellent mémoire que vous avez présenté. C'est avec beaucoup de joie que je l'ai tu.

Dans votre mémoire, à la page 9, vous avez soulevé neuf points très précis concernant les principales modifications à la présente loi. Vous amenez des amendements à formuler peut-être à court terme et ils sont vraiment adéquats.

Peut-être que le député de Shefford ne l'a pas mentionné tout à l'heure, mais le document qui a été présenté par le ministre est un document de travail et non une position globale, une position de béton armé que

l'on perd.

C'est pourquoi il y a une consultation générale et c'est pourquoi vous êtes appelés, ce qui n'a pas été fait auparavant dans votre cas. Dans la consultation générale, on a autant du pour que du contre concernant la levée du moratoire. Vous êtes pour la levée du moratoire, mais complémentaire à certaines dispositions législatives, à certaines modifications législatives. C'est plus positif que ce que vous avez dit tout à l'heure.

Une question très précise. Dans l'introduction de votre mémoire, vous parlez d'accroître ' la protection des locataires. Question simple: Est-ce que le fait d'accroître cette protection des locataires peut amener davantage de discrimination, davantage de harcèlement vis-à-vis de ces locataires? Il y a des positions qui semblent dire: Oui, en donnant plus de privilèges aux locataires, il va y avoir de plus en plus de discrimination, plus de harcèlement. Est-ce que c'est une position que...

M. Séguin (Germain): De toute façon, sur la question des rénovations majeures, on se rend compte fréquemment, quotidiennement, qu'il y a du harcèlement. Finalement, comme l'expliquait mon confrère, pour un logement qui était loué 200 $ et qu'il est possible de louer 400 $ et 500 $, ce profit amène très souvent le spéculateur à faire du harcèlement ou, à tout le moins, à commencer ses rénovations en permettant au locataire d'y demeurer. Je l'ai vu à plusieurs reprises et je pense que c'est une forme de harcèlement. Est-ce qu'une protection blindée va amener davantage de harcèlement? Si j'ai bien compris votre question, elle va dans ce sens. Je pense que, de toute façon, cela va apporter du harcèlement. Comme il y en a à l'heure actuelle en ce qui concerne les rénovations majeures, je présume qu'il va y en avoir davantage dans le cas d'une conversion parce que le profit est nettement supérieur. Donc, dans les faits, cela va même augmenter le harcèlement. Même en rapport avec ce que j'ai pu entendre antérieurement au sujet du "plea bargaining" ou d'une entente sur les sommes qui pourraient être négociées entre le locataire et le propriétaire, cela aussi va nécessairement amener du harcèlement. C'est pour cela que j'ai de la difficulté à voir de façon concrète, que ce soit par un guichet ou par un formalisme rigoureux, comment on peut en arriver à corriger cette situation. Je dois vous dire qu'on n'a pas de solution magique.

M. Messier: On pourrait proposer des modifications législatives...

M. Séguin (Germain): Même les modifications au Code criminel...

M. Messier: ...inclure dans la Loi sur la

Régie du logement le mot "harcèlement" et en faire une définition, il y aurait des mesures coercitives vis-à-vis des propriétaires qui font du harcèlement. C'est une des mesures qui a été soulevée par certains groupes.

Vous avez évalué à 84 000 000 $ le montant à verser ou, en tout cas, à non percevoir du qouvernement sur les six premières années pour 60 000 locataires. Je trouve cette façon de voir intéressante. Mais à combien évaluez-vous toutes les réformes? C'est un plan global que vous nous soumettez présentement, 84 000 000 $, c'est juste une parcelle de votre mémoire. Est-ce que vous avez chiffré l'ensemble de votre mémoire?

M. Auger: Non, cet aspect n'a pas été couvert. Je vous avoue que, comme on l'a dit, on en parle surtout comme d'une piste de solution. On n'a pas la prétention de détenir toute l'analyse là-dessus, c'est assez complexe. Sauf qu'on pourrait dire qu'on fait quand même ce début de démarche, mais ce n'est pas dans le document Lever le moratoire: une décision qui s'impose. On parle d'accession à la propriété, mais on ne donne pas de moyens. Il est évident, il est clair qu'à Montréal, sans aide aux locataires occupants pour accéder à la propriété, il n'y aura pas d'accession à la propriété.

M. Messier: Quelle solution voyez-vous? Vous parliez tout à l'heure de la non-possibilité de mettre une mise de fonds initiale. Est-ce que vous avez quelque chose dans la tête pour...

M. Auger: Cela ressemble un peu au programme 56-1 qu'il y avait auparavant pour les coopératives d'habitation et les organismes sans but lucratif. Mais du côté du gouvernement fédérai, le fait de garantir ou d'assurer le financement hypothécaire... Ils ont déjà le noir là-dessus.

M. Messier: Mais vous prenez une prémisse de 100 %.

M. Auger: À 100 %. Écoutez, pour la plupart des locataires, quand on regarde le revenu des ménages... Le choix qu'on fait, c'est dire: II faut favoriser l'accès à la propriété aux locataires occupants. On sait que les revenus des ménages à Montréal sont très bas.

M. Messier: À peu près 25 000 $, vous l'avez soulevé dans...

M. Auger: C'est cela. À ce moment-là, on ne peut pas leur demander de mise de fonds en capital. Remarquez, au bout de l'année, ce sont eux qui auront payé. C'est l'ensemble des coûts qui sont financés et ils ont des versements à faire. Sauf qu'il leur

faut une aide au moins pour les premières années. Il pourrait y avoir une allocation supplémentaire de logement pour les gens à faible revenu. (20 h 45)

M. Messier: D'accord.

M. Séguin (Germain): Ce que je pourrais ajouter finalement en ce qui a trait à cela, c'est que sans aide, ce qui va se produire si on laisse cela à l'offre et la demande, quand on parle du "bargaining" ou de la somme d'argent que le locataire pourrait retirer pour éventuellement acheter ailleurs, je peux comprendre les règles du marché qui pourraient arriver dans certains cas, que cela se produise et que effectivement ce capital que le locataire reçoit, il s'en serve pour acheter éventuellement. Mais je me dis de façon générale - il ne faut pas se le cacher - que quand un propriétaire va dédommager ou va donner cette idemnité quand, lui, va revendre le logement, il va tenir compte dans son prix de revente de l'indemnité qu'il a donnée à son locataire pour sortir, pour le convertir. À ce moment, c'est une boule de neige. On dit que ce sont les locataires qui éventuellement sont des acheteurs potentiels; le locataire reçoit une indemnité pour acheter ailleurs. Le logement dans lequel habitait ce même locataire, le propriétaire va le revendre en fonction de l'indemnité qui lui est donnée, cela va de soi. Donc, je pense que, sans aide gouvernementale, on ne peut pas laisser les règles telles qu'elles sont établies, même sur la base des rénovations majeures. C'est un peu cela qui se passe aussi. On monnaye des ententes, 1500 $, 1000 $, et même 500 $ et le locataire quitte et on reloue par la suite à 600 $. À côté de chez moi, au Plateau-Mont-Royal, dernièrement, il y avait un locataire, il y a un mois, dans un triplex, une personne âgée chef de famille monoparentale. Les logements étaient loués à 100 $ et 150 $ par mois et aujourd'hui, le propriétaire me disait qu'il venait de louer, après des rénovations non pas majeures mais très mineures, 600 $ par mois. Cela est un exemple. Au Plateau-Mont-Royai, je pense que les statistiques sont assez officelles: il y en a 22 000; et on peut prétendre qu'il y a déjà 8000 logements "stockés" qui attendent la conversion.

M. Messier: Est-ce que vous avez lu le mémoire de la ville de Montréal?

M. Séguin (Germain): Je n'ai pas eu le temps de le passer au complet mais j'ai lu la moitié du rapport.

M. Messier: Vous ne pourriez pas en faire une analyse... Vous n'avez pas encore fait une analyse factuelle du document tel quel?

M. Séguin (Germain): Non.

M. Messier: Cela va pour moi, M. le Président.

M. Séguin (Germain): Ce que je peux dire par contre, c'est que... Ce qui est évident, et cela on le voit dans notre pratique concernant la Régie du logement, c'est comment les investisseurs réagissent par rapport aux mesures annoncées ou aux dispositions qui pourraient être éventuellement appliquées. Ce que je peux dire, c'est que je pense qu'il serait temps qu'on puisse à tout le moins, si la décision n'est pas prise, arrêter de remettre le moratoire parce que cela a des effets très négatifs, on stock le logement. C'est pour cela que les plus-values ou le ratio de 6, 7, 8 ou 9 n'a plus d'importance. C'est que le convertisseur lui, quand même... J'en ai vu à 19 et à 20, des ratios. Le ratio n'a plus d'importance parce qu'ils croient éventuellement qu'ils vont pouvoir convertir. Ils peuvent attendre et stocker du logement pendant ce temps.

M. Messier: Mais le ratio de 10 %, est-il conservateur ou vraiment dans les faits? C'est vraiment un ratio de 10 %?

M. Séguin (Germain): C'est la moyenne. M. Messier: C'est la moyenne.

M. Séguin (Germain): C'est même le minimum, je dirais.

M. Messier: Oui.

Le Président (M. Saint-Roch): En vous remerciant, M. le député de Saint-Hyacinthe, je cède maintenant la parole à Mme la députée de Dorion pour de brefs remarques de conclusion.

Mme Trépanier: Merci, M. le Président. Je pense que nous pouvons sûrement affirmer qu'il y a consensus au Québec pour corriger, ou en tout cas amender la loi 107. C'est sûr que nous devrons nous y attarder très bientôt, nous devrons nous pencher sur ce problème. Vous nous avez parlé de politique globale d'habitation. Le ministre Bourbeau a annoncé le dépôt d'un document de proposition, à l'automne, faisant suite à la vaste consultation sur le livre vert Se loger au Québec. Je voudrais terminer en disant deux petites choses. M. le député de Shefford nous a parlé de la contribution possible et très souhaitable des groupes de ressources techniques dans cette démarche, advenant la levée du moratoire. C'est évident, c'est vrai et c'est certain que le ministre a dit aux groupes de ressources techniques qu'il faudrait diversifier leurs activités et qu'ils

pourraient jouer un rôle important dans le futur. Alors, nous trouvons cela tout à fait souhaitable qu'ils participent à cette démarche.

M. le Président, comme M. le ministre vient d'arriver, est-ce qu'il pourrait dire quelques mots de clôture ou si c'est antiparlementaire? Non, bon.

En terminant, je voudrais vous remercier de votre excellente présentation et soyez assurés que, même si le ministre n'était pas ici pour entendre vos propos, il était là les semaines dernières pour lire votre mémoire et nous en tiendrons compte sûrement. Merci.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, Mme la députée de Dorion. Je céderai maintenant la parole à M. le député de Shefford.

M. Paré: Oui, je vous remercie, M. le Président. Moi aussi, je vous remercie. Effectivement, votre mémoire est très intéressant et j'espère qu'on va en retenir beaucoup de choses. Je dois vous dire que, seulement après deux jours et deux tiers de commission parlementaire, les bonnes nouvelles commencent à arriver: j'espère que cela va continuer. Je ne sais pas si c'est parce que le ministre n'y était pas mais, déjà, on a des modifications à la loi 107, avec une politique globale dès l'automne. C'est extraordinaire! Je ne sais pas si le ministre va être d'accord avec cela... Le député de Saint-Hyacinthe reconnaît, contrairement à ce qu'on a toujours dit, qu'il ne s'agit pas d'une proposition gouvernementale, mais de documents d'étude possiblement très amendables. Je dois vous dire: Continuons à travailler, on s'en vient bien.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Shefford, merci de vos brèves remarques de conclusion. À l'ordre, s'il vous plaît! Je vous cède la parole M. Séguin.

M. Séguin (Germain): Nous vous remercions de l'attention que vous avez portée à notre mémoire et, si vous avez besoin d'informations supplémentaires, nous sommes prêts à être consultés à nouveau. Merci.

Association des locataires contre la

conversion en copropriété et groupe

de travail en droit du logement

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie de votre contribution aux travaux de la commission. Je demanderais maintenant à l'Association des locataires contre la conversion en copropriété et groupe de travail en droit du logement de prendre place devant la commission, s'il vous plaît. À l'ordre, s'il vous plaîti Permettez-moi, dans un premier temps, de vous souhaiter la bienvenue à la commission pour la présentation de votre mémoire. Je demanderais maintenant au porte-parole du groupe de bien vouloir s'identifier et d'identifier les membres qui l'accompagnent, pour les membres de la commission parlementaire et notre Journal des débats.

M. Springer (Eddie): I am sorry, sir, I do not speak French at all but our presentation is in French. We are the Association of Tenants Against Condominium Conversion. I have to give it to you in English, otherwise, I will fracture the French and we might kill the French language from hereon. I would not like to see that happen.

Le Président (M. Saint-Roch): I would like to ask you if you want to proceed to identify the people who are with you at the table.

M. Springer: Thank you, I shall do that. I will introduce myself: I am Eddie Springer, I act as coordinator for the association. I am going to start from that side, Mr. Laiken, a businessman who is one of our executive. He represents the Rock Hill. Mr. Jack Cabot represents the Village Apartment Tenants and he is a businessman. Mrs. Josephine De Vries is our public relations person and a business - person as well, and, at the far end, you will have to introduce yourself, if you will, please.

Une voix: I represent a building in Town of in Mount Royal and that is a very big case, my building.

M. Springer: Okay, next please.

Une voix: I represent a building in Côte-Saint-Luc.

M. Springer: Yes, I will do that.

M. Goldberg (Isadora): Isadore Goldberg, Côte-Saint-Luc.

M. Springer: Mr. Isadore Goldberg, the other gentlemen there. We are so many people and so widely spread out that, sometimes, I cannot recall names or organizations. We represent well over 60 tenant association and groups so, it is sometimes hard to keep track of everyone, but we get there and, nevertheless, we are very effective. And, the star of our show, of course, is Me Dida Berku who is one of the most prominent lawyers in the City of Montreal, specializing in the field of tenant relations. Î beg your pardon?

Une voix: Can we have a list of the tenants?

M. Springer: Yes, if it is required. When we filled out the application, we gave the gentleman a list of all the tenants. If you would like another one, we have them here. It is not even a full list, but we have them.

Before Mrs. Berku makes her presentation, I want to show the panelists this group of petitions of which there are over 4000. We have collected these over a period of two months. And, if I were to say to you people on the panel here that there were six persons who refused to sign it, then I would be exagerating. This was an almost 100 % signature against condominium conversion of any kind. And, the personal questioning was: Would you buy or do you want to buy a condominium? And, gentlemen, if there were 95 % of the people who wanted to sign the petition, 100 % would have signed it on that questionnaire alone. There was absolutely nothing.

Now, gentlemen, we are a very poor organization. We operate on no budget. If you want a copy of what we have here, I will give it to you based on the promise that I must have it back after you have made a copy of it.

Des voix: Ha! Ha!

M. Springer: As far as my own views are concerned, I am not a youngster anymore, I am a battle scarred old veteran and when you reach that age, you become sort of like a broken record and you repeat the same statement again and again. There have been lessons of what happens when people repeat things again and again: sometimes, it is a brainwashing for bad and sometimes, it is a brainwashing for good. I hope the type of brainwashing that I do, that I commit, is for good, because I just keep repeating again and again: We want to retain the moratorium on condominium conversion, we do not want evictions and we want a good working Rental Board. And this is my statement over again. It is very simple. To go into further detail... Do you see that? You can even get so cock-eyed when you try to endoctrlnate yourself.

Most essential, the loopholes in the law. There are so many of them, the old song is "the worms crawl in and the worms crawl out"; you have it right here, gentlemen. I thank you for listening to me and I turn over to Mrs. Dida Berku.

Mme Berku (Dida): Thank you, Eddie. Je vais m'adresser à la commission en français.

Des voix: Talk louder.

Une voix: Excuse me. 90 % of the people here do not understand French. Could you please speak in English?

Mme Berku: Je vais m'adresser à la commission en français and I will translate into English those portions that I think are relevant. I should not say relevant, I think that all of it is relevant, but I will try and summarize briefly as we go along.

J'espère que la commission peut s'adapter à cette façon de procéder. Il n'y a pas de problème, si je procède comme cela?

Le Président (M. Saint-Roch): Je m'excuse, Mme Berku. M. le ministre.

M. Bourbeau: As far as we are concerned, you could go in English all the way. We understand English on this side. I do not know whether the Opposition would like to...

Mme Berku: Je ne me suis pas préparée en anglais.

Des voix: Ha! Ha!

M. Springer: If you want to present it in French, you do so.

M. Bourbeau: ...as the others...

M. Boulerice: I have already taught English to the Minister, so it is okay.

M. Dufour: S'il comprend mieux, on va la laisser parler en anglais.

M. Bourbeau: Let us put it this way, there were other groups before you who spoke exclusively in English and it went perfectly well, so you can...

Mme Berku: I have not prepared myself in English. I have prepared myself in French. I usually plead in court and the language that I use is French. So, I am used to pleading in that language. So, if you do not mind, I will do what I usually do; I will start in French and I will go into English.

M. Bourbeau: No problem.

Mme Berku: I hope the members in the audience will understand.

Lorsque M. Springer a dit que des associations de locataires faisaient partie de ce groupe, vous avez, à la fin de l'annexe attachée à notre mémoire, une liste qui s'intitule Association of Tenants Against Condo Conversion. Juste pour vous donner un petit guide de notre mémoire, vous avez en première partie le mémoire comme tel, qui est un mémoire de neuf pages; en deuxième partie, vous avez une annexe au mémoire qui est une annexe de cinq pages comprenant des résumés de certains cas types; en troisième

partie, vous avez une liste de documents numérotés de A-l à F-6, F-5 étant effectivement la liste des membres du groupe ATACC qui est l'acronyme pour notre groupe. (21 heures)

Je commence en disant que c'est vraiment un grand plaisir pour moi de vous adresser la parole sur un sujet qui me préoccupe depuis des années. En tant qu'avocate, représentante de centaines de locataires, je suis très préoccupée par le problème et par le processus d'éviction pour rénovation et conversion.

Le message de notre groupe, ce soir, est très simple. Il s'agit d'axer notre proposition sur un problème immédiat et urgent qui est l'éviction pour fins de rénovations et, plus particulièrement, l'article 1653.

Je suis venue lundi matin pour entendre les représentations de la ville de Montréal, je suis retournée au bureau et depuis le début de la semaine j'ai reçu à mon bureau - et on est mercredi soir - quatre appels de quatre buildings différents, dont un sur la rue Sainte-Catherine à Outremont, 30 locataires, un autre sur la rue Graham, à Ville Mont-Royal, 12 locataires, un autre sur la rue Kensington à Westmount, une trentaine de locataires aussi, et enfin un autre sur la rue Simpson. La dame est ici, elle m'a appelée ce soir à 5 heures en crise, presque en larmes, parce que le premier septembre, elle est mise à la porte et elle ne le savait même pas.

Ce que j'ai à vous dire, c'est qu'il y a effectivement une crise du logement actuellement à Montréal et dont je peux vous parler un peu. C'est l'éviction pour fins de rénovations, mais plus que cela, ce n'est pas seulement l'éviction pour fins de rénovations, c'est l'excuse de l'éviction pour rénovations et ce qui arrive, c'est l'éviction pour l'éviction.

On a souvent des cas - j'ai apporté des photos ici, pour vous les montrer d'immeubles où les locataires sont menacés d'éviction, des immeubles qui sont en parfait état. On a souvent des cas d'immeubles où, parce que le loyer est en dessous du prix du marché, si vous voulez, le propriétaire utilise la pression et c'est cette pression de l'article 1653, mariée avec le harcèlement évidemment - je sais que vous en avez entendu parler à d'autres reprises - c'est cette menace d'éviction pour rénovations qui explique le chiffre, que vous a donné lundi la ville de Montréal, sait 644 demandes devant la Régie du logement, par rapport à l'article 1653, dans les premiers cinq mois. Si on fait l'extrapolation pour l'année au même rythme, cela revient à 1500 pour l'île de Montréal. Je veux être conservateur et dire 1000 demandes pour l'année 1987 et cela correspond aux chiffres que vous avez à la page 31 de votre livre blanc.

Ce que je vous soumets est basé sur mon expérience, et j'ai les détails des cas ici. Je vais multiplier ce chiffre par cinq, pour être conservateur, et dire que, pour chaque demande à la régie, il pourrait y avoir encore cinq locataires qui n'y sont pas allés. Je vais vous dire que je connais des cas et les exemples sont dans le mémoire; 3 sur 33, 7 sur 24, 2 sur 26 locataires qui sont allés à la régie lorsqu'ils ont été menacés d'éviction pour rénovations. Mais, pour être conservateur, je multiplie le nombre de demandes par cinq, cela fait déjà 5000 locataires pendant l'année 1987 qui vont être menacés d'éviction pour rénovations. C'est, à mon sens, un chiffre extrêmement conservateur.

Dans cette optique-là, je vous présente notre mémoire en vous disant que c'est pour nous une urgence de premier ordre, que ce doit être corrigé. Peu importe la levée ou le maintien du moratoire, c'est un problème qui doit être corrigé immédiatement et auquel on ne trouve pas de réponse dans le livre blanc.

Alors, je vais lire rapidement ce que j'ai essayé de résumer.

Malgré les prétentions du gouvernement du Québec à l'effet que la conversion en copropriété puisse être accomplie avec une protection blindée pour les locataires et que les locataires profiteront de l'accès à la propriété, nous sommes convaincus que le projet du gouvernement produira beaucoup plus de mal que de bien.

En effet, la levée du moratoire n'est pas une décision nécessaire pour éliminer les failles de la loi actuelle. Ces échappatoires, dont l'exemption jurisprudentielle des immeubles en chantier et sinistrés de la juridiction de la régie et l'évacuation abusive pour rénovations, pourraient être boucnées sans ouvrir la porte à de pires situations.

We have here with us, tonight, a lady whose building suffered a small fire on Côte Saint-Luc and, after the fire, she had to leave the premises. But she wanted to return because her apartment was not destroyed. The insurance company told her: Your apartment is not destroyed. The landlord went to the Superior Court and asked the superior Court to give him permission to convert the building to condominiums: "parce qu'il n'y a plus de logement habitable dans l'immeuble". When this lady went to the Superior Court with one other person in the building of - how many - over 30 apartments, I think, she was afraid to go in the court room. The lawyers from the city were saying: Do not worry, we will take care of it and the Superior Court permitted the landlord to bypass the Rental Board very simply by saying: "II n'y a plus de logement." There are no more apartments. Therefore, you do not have to go to the Rental Board.

It is like monopoly: Do not pass go. Do not collect 200 $, just go around. You do not have to go to the Rental Board, just go straight to the "bureau d'enregistrement pour enregistrer votre déclaration de copropriété divise". They went to the Superior Court and they got that permission and I was not representing them. I know representations were made, but the Superior Court decided this now. This is happening over and over again. The proposal that we are making when we say "l'exemption jurisprudentielle" is in effect the following.

La loi, l'article 51 - et je vous ai fait d'autres... Je ne sais pas si vous pouvez le distribuer, maybe issie can distribute it. Je voulais faire référence à quelques articles dans la loi qui, nous pensons, devraient être changés, plus particulièrement l'article 51 qui dit: Un immeuble comportant un logement ne peut pas être converti en condominium. La Cour supérieure - j'ai tous les jugements ici dans ma chemise rouge - dit que c'est au présent. Donc, si l'immeuble comportait un logement il y a deux semaines ou il y a trois mois, ou il y a quatre ans, ce n'est pas important. Aujourd'hui, il n'y a plus de logement, donc, on laisse passer la conversion. Je pense que le ministre était au courant. C'est d'ailleurs un des motifs qu'il donne pour justifier la levée du moratoire. Il dit que, de toute façon, les juges de la Cour supérieure l'accordent.

Mais ce que nous disons, c'est tout simple. Actuellement, nous avons un cas devant la Cour supérieure, très similaire à celui du cas de Robinson où il y a eu un petit feu, par rapport à l'article 51 de la loi - c'est à la troisième page de l'annexe que je viens de vous donner. Il y a eu un petit feu. Ce que le propriétaire a fait, c'est qu'il a attendu six mois, huit mois et, là, il est allé à la Cour supérieure et a dit: Bon, j'ai passé par la ville et elle m'a donné un permis. J'ai dégarni les logements. Il n'y a plus de logement habitable. Donnez-moi un permis. Wo! Les locataires sont encore là. Les locataires ont encore des baux. Les baux n'ont pas été résiliés. Là commence un débat que nous sommes présentement en train de débattre. On verra quel sera le résultat.

Il existe un problème immédiat et sérieux. Notre proposition, c'est de ne pas lever le moratoire, mais en bouchant le trou de l'article 51, en disant qu'un immeuble qui comportait un logement résidentiel ne peut pas être converti, et non pas en laissant se continuer cette façon de contourner la loi telle qu'elle existe actuellement.

Je continue: Le gouvernement du Québec doit maintenir le moratoire et l'étendre à tout logement locatif, quelle que soit la grandeur de l'immeuble.

Le Président (M. Saint-Roch): Je m'excuse, madame. M. le ministre.

M. Bourbeau: Je m'excuse, madame. Je n'ai pas très bien compris le dernier exemple que vous avez cité.

Mme Berku: Oui.

M. Bourbeau: J'aimerais que vous me répétiez cela, parce que cela m'apparaft important. Si j'ai bien compris, vous avez un cas où vous avez des locataires dans l'immeuble et le propriétaire veut convertir.

Mme Berku: Non, ce qui arrive c'est que, par exemple, à l'annexe E-l, j'ai une requête pour jugement déclaratoire. Le propriétaire fait une requête pour jugement déclaratoire.

M. Bourbeau: C'est quoi, A-l?

Mme Berku: E-l. D'accord. Sur requête pour jugement déclaratoire, cette compagnie a acheté un immeuble sur la rue Summerhill. L'immeuble... I will speak in English if you want. There was a small fire in the building, not an extensive fire, a very small fire. The apartments were not destroyed, the leases were not cancelled. The tenants are allowed, according to Artile 1652.9 of the Civil Code, to send a notice to the landlord to say: We want to return when the apartments are going to be habitable. And they did that: they sent a notice and they asked the landlord to make the apartments habitable. The apartments were not destroyed, the insurance company did not even pay the tenants anything because their apartments were still in good shape.

What the landlord did, he waited six months, than he sold to a third party. The tenants went to the Rental Board and they said: Our landlord has sold. On dit: Ah! il n'y a pas de problème, madame! Vous êtes protégée, le locateur prend les obligations de l'ancien propriétaire, au sens de l'article 1657 du Code civil. Alors, les locataires retournent chez eux et, le lendemain, what do they see? Condos for sale. They come to see a lawyer and by the time the whole thing gets started, what do we find out? That there is a motion in Superior Court to bypass the Rental Board because the City of Montreal has granted a permit to demolish the interior of the building. I have countless cases: I can give you Sherbrooke, McGregor, Durocher, it goes on and on.

When the tenants come before the Superior Court... We made an intervention. I am representing the tenants and I went before the Superior Court and I made an intervention. I said: Look, the tenants' leases are not cancelled. We have not gotten a decision yet, we are supposed to go before the Superior Court. I cannot predict the outcome of the case, but the argument is simple: II n'y a plus de logement. There are

no more apartments. C'est un état de fait. So, what happens? We are going to sue in damages. Damages is not a recourse. The recourse is: Le droit au maintien dans les lieux. This is the problem and I explain it in my little note here.

Cet immeuble a subi un incendie. Ceci est typique de cas où les propriétaires demandent à la Cour supérieure d'autoriser la conversion en condo. Maintenant, ce qui se passe - je ne suis pas bonne quand je lis un texte, alors je vais laisser mon texte et je vais vous donner des exemples - si vous prenez l'exemple de Dorval, à l'annexe, 825, Lakeshore Drive, Dorval: il s'agit d'un immeuble de 33 logements. Le nouveau propriétaire a commencé les pressions d'éviction en octobre 1986 en envoyant des avis d'évacuation de cinq mois. En janvier 1987, tous les locataires, sauf trois, étaient partis ou étaient en voie de quitter les lieux.

Ce cas est typique dans la mesure où en grande majorité, les locataires menacés par l'éviction vont céder sans compensation ou avec une compensation minime, soit moins de 500 $ plutôt que de se défendre. Des trois locataires, une seule est allée à la Cour supérieure pour obtenir une injonction à la suite des pressions et manoeuvres du locateur. Mère célibataire avec quatre enfants, elle a dû subir des travaux de rénovation et de démolition illégaux dans son logement, coupure d'eau chaude durant la fin de semaine de Pâques, filages, tuyaux de plomberie et câbles envahissant son logement. Son logement est devenu un chantier de construction avant qu'elle ne puisse utiliser le recours d'injonction à la Cour supérieure. Je lui disais: Attendez. On a attendu qu'ils défassent les plafonds, la porte, les murs, qu'ils coupent l'eau. Elle m'a appellée, c'était la fin de semaine de Pâques, et je lui ai dit: Là, on va aller à la Cour supérieure. Je ne pouvais pas y aller avant. Il faut que ce soit grave. Alors, on a attendu et, quand c'est devenu grave, on est allé en cour. Mais elle est la seule. Sur 33 locataires, tout le monde est parti et vous avez à l'annexe du cas, c'est la pièce à l'appui du cas 825, Lakeshore Drive. Vous avez un article du journal: Action d'injonction. Vous avez une annonce du journal Habitabec du 26 juin 1987: Les condominiums "Verrières sur le lac", où son logement est à vendre pour 109 000 $. Elle payait 350 $ par mois, mais, aujourd'hui, son logement est à vendre pour 109 000 $. Dans l'espace de même pas un an - c'est-à-dire que les pressions ont commencé en octobre 1986 - en janvier 1987, sur 33 locataires, il en restait 3 qui contestaient et, en juin, tout le monde est parti et ce fut converti en condo. Vous avez l'annonce du journal, l'injonction et tout ce qu'il peut y avoir pour illustrer cet état de fait. C'est un cas classique. {21 h 15)

Juste à côté - je vous ai donné tous les renseignements dans ces annexes, c'est fort intéressant - un locataire habitant le 845 Lakeshore Drive a aménagé au 825 pour fuir le 845, où c'est la même chose. Les logements sont à vendre au 845, vous l'avez à l'annexe C-l: "Condos for sale, Dorval". M. McVicar, qui se promène du 845 au 825, se fait poursuivre par les propriétaires qui veulent l'évincer pour rénovation.

Cela nous amène au fameux problème de l'éviction pour rénovation qui est le suivant. Lorsqu'un locataire reçoit un avis d'éviction pour rénovation, selon l'article 1653 - vous avez l'article dans la formule que je viens de vous donner - on "ne peut pas contester la nature ou l'opportunité des travaux". Qu'est-ce que cela veut dire? Si on regarde la signification du mot "opportunité" dans le dictionnaire, cela veut dire: Faire quelque chose sans égard à ce qui est droit ou juste. En anglais, "expediency: Doing something without regard for what is just or right".

The tenant who receives a notice of eviction for renovation cannot contest the nature or the expediency of the work. If the landlord, as in the case of Hugh MacLennan... I want you to look at these pictures because the proof is in the pictures. A picture is worth a thousand words. I want you to look at the pictures. I would like to pass them around. If the landlord says: I want you out, I do not like the colour of your wall, I do not like the marble, I want to change it to granite, I do not like the piaster, I want to change it to gyproc, I do not like your window because it has "des carreaux", I want to put sliding windows, you cannot contest.

Just pass them around. Elles sont toutes différentes et j'aimerais que vous les passiez.

Donc, c'est le cas de Summerhill, des locataires de l'immeuble de Hugh MacLennan. Le propriétaire leur a envoyé un avis - vous avez les pièces dans la première section, A-l, 2, 3, 4, 5, 6 - et l'avis est simple. En A-1, il dit: La présente a pour but de vous informer que j'ai l'intention d'entreprendre dans l'édifice que vous occupez à titre de locataire des rénovations et améliorations majeures, à savoir: nouvelles fixtures électriques, construction d'une chambre de lavage, installation d'un interphone - cela n'a rien à voir avec les locataires - suppression du système de chauffage - donc, on change les conditions du bail - démolition de la fenestration - pour une raison que vous allez voir, et complètement inutile, par les photos - installation de nouvelles fenêtres, cuisine neuve.

Et on ne peut pas contester l'opportunité de faire les travaux. Le livre blanc ne change absolument rien à cela

parce que, dans l'article 1653, tel qu'il est actuellement en vigueur... On ne voit dans le livre blanc aucune proposition pour changer cet aspect de l'article 1653. Ce que je plaide devant la cour et ce que je maintiens aujourd'hui devant vous, c'est que c'est complètement contre les droits et libertés de la personne dans le sens suivant. Si le tribunal, qui, soi-disant, doit exercer une juridiction, une discrétion pour déterminer ce qui est juste, ce qui est droit, ce qui doit se faire et ce qui ne doit pas se faire, ne peut pas intervenir pour savoir si le propriétaire devrait faire ou non des améliorations dans le logement, si le propriétaire a les mains libres et peut décider arbitrairement de changer du jour au lendemain ce qui existe dans le logement, à ce moment-là le locataire est dépourvu de tout droit, et non seulement du droit au maintien dans les lieux du fait que son bail est brisé en plein milieu de l'année.

Au mois de janvier, on reçoit un avis qu'on doit partir pour six mois; madame est ici pour vous dire qu'elle doit partir au mois de septembre, pour deux mois; monsieur va recevoir un avis, dans les semaines qui viennent, qu'il doit partir pour cinq mois. En plein milieu du bail, en plein cours de bail, on ne peut contester ni la nature, ni "the expediency of doing the work". Où est la justice? Elle n'est pas là. Je vous dis sincèrement que c'est le plus grand problème qui existe actuellement en ce qui concerne l'article 1653. Même quand ce n'est pas utilisé, il y a la menace que ce le soit. C'est-à-dire que le propriétaire va venir à la porte - dans le cas de monsieur qui est venu me voir lundi - et dire: Partez, je ne suis pas responsable de ce qui va vous arriver sur la rue Graham. Si vous ne partez pas, je recours à l'article 1653. C'est simple.

Dans le cas de Summerhill, c'est le seul cas où les locataires se sont rassemblés et où ils ont lutté. Hugh MacLennan est une personne de renommée, un auteur qui a une renommée et qui a eu énormément de publicité. On a fait de grands efforts, je dois vous dire. La majorité des locataires dans ce bloc sont des personnes âgées et ils ont passé un Noël triste, plus que triste; ils étaient complètement déprimés parce qu'ils ont reçu le jugement au mois de novembre.

In November, we received the decision saying that the tenants have to leave on the 1st of February. We went to court and we tried to get the tenants to reprieve and we could not. All the tenants were very aged. You have all the affidavits here. Katherine Toy, 80 years of age: I have been domiciled and residing at 1535 Summerhill for the past 42 years. I am satisfied with the condition and quality of my apartment. Since receiving the notice in July, I have tried to find comparable accommodations and I cannot, I have no family or friends.

Hugh MacLennan writes an affidavit. I produce ail these affidavits to show you that these people cannot move for five months, they cannot move for 3ix months, they cannot move out of the apartments of which you are looking at the photographs. They do not need renovations and they cannot even move because they have nowhere to go. There is nowhere to go.

Some of these people, like Michael Godman, are running from one building to another. He was on Sherbrooke, he was renovated out. He is on Summerhill, he is renovated out. If he moves somewhere else, he is going to be renovated out. There is nowhere to go. So, people stay and try to fight, but the law is not on their side, unfortunatly. Article 1653 has to be blocked. It is the Parti québécois that introduced it. When they introduced it, the intention was clear: We want to promote renovations. It is now more than five years ago, it is seven years, the landlord discovered it and are using it with speed and with vengeance.

As one landlord whom I often have the pleasure of being with at the Rental Board says: "On ne fait pas des omelettes sans casser des oeufs." Mais, malheureusement, ces locataires n'aiment pas manger des omelettes et, surtout, quand ce n'est pas eux qui vont les manger, mais ce sont les autres qui vont en profiter. C'est vraiment cet article 1653 qui est le problème principal dans la situation actuelle.

Dans l'annexe au mémoire, je vous présente aussi le cas du 4250 Sherbrooke. C'est un immeuble de 24 logements de grand standing construit au début du. siècle à Westmount. À partir de 1983, il y a eu plusieurs tentatives pour vendre les logements en copropriété et pour évincer les locataires par des non-renouvellements fictifs de baux. Sur 24 logements, 7 locataires originaux y demeurent encore en 1986, lorsque le nouveau propriétaire a envoyé un avis d'évacuation pour fins de rénovations pour quatre mois. Ces logements sont en très bon état et vous ave2 des affidavits d'architectes, des affidavits de contracteurs pour le prouver. Dans le mémoire, je vous ai donné cela en annexe.

Les travaux mentionnés dans l'avis, soit la réfection des murs avec du placo-plâtre, ne sont pas appropriés pour ce type d'immeuble et ne sont ni urgents, ni nécessaires, ni opportuns selon un contracteur et un architecte. Ils sont proposés uniquement à cause du fait qu'ils nécessiteront l'évacuation prolongée et complète des locataires. Je continue: Puisque les locataires ne peuvent pas contester la nature et l'opportunité des travaux, ils sont dépourvus de tout droit au maintien dans les lieux et la régie perd sa discrétion judiciaire à juger de la justesse de la décision du propriétaire à faire évacuer des locataires pour des

travaux inutiles et inappropriés. Les autres logements vacants se relouent après des rénovations esthétiques et les loyers passent de 450 $ par mois à 1000 $.

Je vous ai donné, dans les papiers que je viens de vous remettre, les prix de vente du 4250 Sherbrooke, de 1983 à 1984, de 1984 à 1987. Le prix a augmenté de 990 000 $, en 1983, à 1 400 000 $, en 1984, à 1 900 000 $, en 1987. Plus on se débarrasse des locataires, plus le coût de l'immeuble augmente. Le prix d'une unité, en 1983, était de 41 000 $, en 1984, de 58 000 $ et, récemment, il est rendu à 78 000 $ pour le même logement où le locataire paie toujours 500 $ par mois. Quelle est l'intention du propriétaire, sinon d'évincer le locataire pour contourner le régime de contrôle des loyers? La façon parfaite de le faire, c'est de l'évincer au moyen de l'article 1653 et soit de vendre les logements ou de doubler ou tripier les loyers. On a affaire, dans ce dossier, à des augmentations de 30 %. Ce n'est pas assez pour le propriétaire. il ne veut pas 30 %, il veut 100 %, 150 %. Ce n'est pas 30 % qu'il veut.

Alors, que fait-on? On se bat. Ce sont des gens de plus de 65 ans. Il y en a une qui est déjà décédée à cause de tous ces traumatismes. Ce n'est pas une situation facile. Quand je dis à M. Springer, qui vit à Côte-Saint-Luc, que rien n'empêche son propriétaire de lui envoyer un avis d'évacuation demain matin, il dit; Comment? How could I be... Mr. Springer lives in a building that is 30 years old. Maybe his kitchen cupboards have to be changed, maybe his bathroom has to be changed. This article 1653 on the books right now is creating what I consider to be a tremendous suffering amongst a lot of tenants. It is not that it is being abused. It is being used the way it is written and it has to be amended.

In 1985, when I was working on the question of language of lease, there are a lot of tenants in Quebec who were receiving notices and sending out notices in different languages. Reed Scowen approached me and he said: What is going on with the language of lease? We are getting a lot of complaints from our constituents. Because landlords were sending them in French and receiving them in English and vice versa, and landlords were not getting increases and tenants were not getting the rents fixed or they were getting incredible increases.

On June 24th or 23rd, the day before Saint-Jean-Baptiste, the whole National Assembly adopted, in one session, "trots lectures", the amendment to Article 1651.4, because it was urgent. Everyone realized that you had to amend that law. It was ridiculous to penalize landlords or tenants for the language of the notice and the language of the lease.

Je ne sais pas si vous êtes au courant de ce problème. Cela a été amendé dans une journée parce que tout le monde, le PQ et les libéraux, disait: Cela n'a pas de sens. On ne va pas pénaliser tout le monde parce qu'on envoie un avis anglais lorsque le bail est en français et qu'on envoie un avis en français lorsque le bail est en anglais, et tout* le monde subit un préjudice épouvantable à cause de cela. Tout le monde était d'accord et on a amendé la loi. Il faut faire la même chose avec l'article 1653. Il faut le faire demain matin. Il ne faut pas attendre six mois.

Depuis l'annonce de la levée du moratoire en juin 1986, il y a eu un "scramble". Ce n'est pas un "scramble", c'est un "stampede" de propriétaires qui utilisent cette façon d'évincer des locataires. Je vois que mon temps est presque terminé. Je ne veux pas en dire trop. Ce que je veux faire, c'est vous présenter...

Le Président (M. Saint-Roch): II vous reste six minutes.

Mme Berku: ...Mme Josephine De Vries qui voulait vous parler de chiffres. On a mentionné dans notre mémoire des chiffres sur le coût d'un condo et Josephine voulait vous en parler. Je pense que je dois lui donner la parole là-dessus. Je dois aussi vous mentionner le cas de M. Robert Sechon qui est venu me voir lundi parce que c'est un cas classique.

Le propriétaire de son immeuble...

M. Sechon (Robert): 1649 Graham Boulevard, in the Town of Mount Royal.

Mme Berku: OK. I am going to do it quickly and...

M. Sechon: I can go first.

Mme Berku: Oh! You want to do it?

M. Sechon: Okay.

Mme Berku: Take your two seconds now.

M. Sechon: Alright.

M. Springer: Speak into the microphone.

M. Sechon: We have had a new landlord for the last month, since July 17th, and he ha3 managed to force out, to threaten seven out of twelve families. He evacuated the building extremely quickly, over one month, and he has told them basically what he has told us: I will give you moving expenses and the difference in rent. I am going to renovate this building from head to toe. He has basically said: If you know what is good for you, move out. He has also mentioned:

Do not try to fight me; I have great lawyers on my side.

Mme Berku: He is going to convert it into condos.

M. Sechon: He is going to convert it intro condos. First of all, he bought the building at over ten times revenue. The revenue on that building was approximately 50 000 $. He paid 702 500 $. So, he paid a very high price. Now, he wants a return on his investment. Everyone forgets one thing; that in the Town of Mount Royal, he could not care less about the multiplier effect. He knows that the land itself is worth about 250 000 $ for that building. So, he plans to sell. Instead of twelve units, he is going to break down the walls. He will probably make eight units and sell them for about 250 000 $ each. And on top of that, in the town of Mount Royal where I am located, right across from Connaught Park which is the centrer of town, next to the train station, very close to commercial, very convenient, he can get easily about 600 $ or 700 $ a month for condo fees which is another word for rent. It is a bunch of bullshit, condo fees. And in Côte-Saint-Luc, there are some people who are paying 9000 $ to 10 000 $ a year in condo fees.

Thank you very much for your time. (21 h 30 )

Mme De Vries (Josephine): I almost feel bad about speaking at this time because I think this is what Me Berku has said here. I was not even aware of all the details and I am sure that the Government and ail you gentlemen here were not aware of, and certainly not the audience or maybe some of them have gone through it. Now, I usually occupy myself with figures and cost analysis and with great attention I have read Lever le moratoire: une décision qui s'impose. Since I have been allowed to do it in English only, it is easier. From the book, I see that the aim of lifting the moratorium - this is another subject altogether - would be to offer middle and lower income earners the possibility to become owners of their apartment if they so wish, which is a very good point.

On page 40 of the study, it is mentioned: If it would be possible to buy your appartment for 55 000 $, si on pouvait négocier un prix d'achat de 50 000 $ dollars, d'accord? 50 000 $ purchase price, what does it mean realistically? Okay? We are talking here about middle and lower middle income earners, so I have taken on this purchase price of 50 000 $ a down payment of 5000 $, because there are also notaries involves... Pardon?

Une voix: ...

Mme De Vries; No. So I have taken 10 % down, I think that was mentioned further on in the White Paper, which leaves us with a mortgage needed of 45 000 $. Now, I have taken a mortgage of 11 %, a five-year term and 20 year amortization, which costs annually 5500 $. And I have made copies today for each and everyone of you because it certainly should be not only read, but studied.

I went to City Hall to check for taxes and a condo is taxed like any house or duplex or what have you. So, adding municipal, school and Olympic taxes afterwards, I come to 1200 $ in taxes approximately. Then, you have your insurance, you have your condo fee; a prudent and knowledgeable buyer will certainly make a reserve for repairs. After all, there is the roof and the walls have to be painted. Il y a les toits et les murs, éventuellement; balconies, furnace repairs, wiring, électricité, plomberie. And I have taken a very conservative 800 $ a year. Then you have your heating and I come to a total cost per annum of 9400 $ which is close to 800 $ a month. I would say that a comparable rent would come between 350 $ and 400 $ a month which would be an increase, in the cost of Se loger au Québec, of 125 %, and in the second case, of 112,5 %.

I must comment that the people who have made this study have gone into it very deeply. On page 23 of this study, it confirms an actual increase for the existing tenants of the apartment of 45 % to 123 %. So, I am not very far out, more than double in many many cases, because I think 50 000 $ is a pipe dream.

Then, most important of all, I took the metro, I went to Statistics Canada. They compile incomes from the tax filer returns every year. I already did it a few months ago. The latest figure they could give me was 1985. Taxpayers in Montreal who file returns number 915 700 people and out of these 915 700 people, 78 % earn less than 25 000 $. How many people? I have made a study, not only for seniors, not only for young people: there is a great middle class and I know several of them who make less than 25 000 $. So, if one reserves, I think, 30 % for housing, it is the maximum one should reserve because, after all, you have to pay your income tax. You need food, clothing and what have you. The gross income that would be needed, in order to afford this 50 000 $ condo on the basis I have outlined above, is 31 300 $.

M. Bourbeau: M. le Président, est-ce que je pourrais demander la parole? M. le Président, can I ask...

Mme De Vries: And I think that it is something that should be studied, it is very

realistic.

Le Président (M. Saint-Roch): I am sorry. M. le ministre.

M. Bourbeau: I would like to interject here. You know that we have bodies that come one after the other. We have people coming until midnight tonight. You know, we are sitting from early in the morning to midnight every day.

Mme De Vries: I know. I have been here most of the week.

M. Bourbeau: We have five minutes left with your group. The basic procedure we follow is that each group makes a presentation of fifteen minutes, the Opposition has fifteen minutes, we have fifteen minutes for questioning and exchanging with you. Now, you have been using more than forty minutes already. So we have five minutes left, not even, I think, it is three or four minutes.

Mme De Vries: We thank you for the opportunity.

M. Bourbeau: We would have liked to ask some questions but the way it is now, we have just about the time to make some closing remarks to you. So, I would not like to cut you short but, unless you want to finish it as a monologue, we will just say thank you. I would appreciate if the Opposition and us could have at least a couple of minutes each to respond to your presentation. Does that agree with you?

M. Boulerice: We are glad to give you our time.

M. Bourbeau: Will you have no time left anyway, so it is easy to give it.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Boulerice: I am glad we did.

M. Bourbeau: That is a gift that is not expensive. So, do we...

M. Boulerice: Well, it is better than a poisoned one, like your book.

Le Président (M. Saint-Roch): I am sorry, M. le député de Saint-Jacques. À ce moment-ci, il reste quatre minutes. Alors, nous répartirons le temps: deux minutes pour M. le ministre et deux minutes pour M. le député de Shefford. Il est toujours loisible, à ce moment-ci, par consentement mutuel, d'accorder quelques instants de plus, en réalisant les contraintes de temps qu'il y a. Nous avons encore trois groupes à rencontrer avant de terminer notre horaire de travail.

M. le ministre, je vous cède immédiatement la parole.

M. Bourbeau: So, I can just say that I am very happy you were here. We listened very carefully, we got your petition, it is here. I am accompanied here, at my right, by the president of the Rental Board, the new president, she is a lawyer, Louise Thibault. The vice-president is behind me. We have all the senior civil servants. We are taking this consultation very seriously. I have with me the president of the Quebec Housing Corporation too and you have here all the members of Parliament who are interested in this subject here. The Opposition also has its official representatives. This is a consultation. It is not a mock consultation. We have put up a document. This document has good points, obviously, and probably in your mind bad points.

At least, we have put forth some proposals, we had to start somewhere. We are not deaf, we are not blind, we are hearing things. It is obvious that it does not satisfy all the groups what we have put up. So, the document is up for improvement. There could be small improvements, there could be major improvements. We are listening right now. We have listened to you and we read your brief. The problem that you are bringing to us is a very important problem: a problem of harassment, eviction by unscrupulous owners, we are aware of that. You have been intimidated and when... You say no; is that not your problem?

Mme Berku: You have been saying that for months and I am sorry, 1 have to disagree with you. It is not unscrupulous landlords. The landlord who buys a building wants to make a profit, if the law is going to allow him to evict...

M. Bourbeau: I agree with you, but...

Mme Berku: They are not criminals, they are not inherently bad.

M. Bourbeau: I understand. They are going according to the law, but they are still unscrupulous morally. You say that is legal, I say it is immoral. It is not the same thing, but in my mind, somebody who does something that is against the moral, I think it is immoral what he is doing. So, the law has to be changed. That law has been there for many years, I am not responsible for that. The people that will talk after me will say that we are responsible. They were there for nine years, they did nothing. So, I am looking...

Mme Berku: No, they introduced it in 1980.

M. Bourbeau: That is true, they introduced the law. So, my intention... You have been here for the last three days, you know that I have said many times...

Mme Berku: I have not been here, unfortunately.

M. Bourbeau: ...that I intend to amend this law this fall, or the next time we sit. There will be changes to Article 1653. I fully intend to correct a lot of the problems you are mentioning, to make it such that it will be illegal to do what right now is immoral.

However, before amending the law, I had to take cognizance of what the problems were. This is why we are here. So, I have very little time, but I only want to tell you that we intend - I promise it to you - to introduce legislation this fall to correct the problems of harassment, of intimidation, of savage eviction, of tenants, by unscrupulous landlord. That is what t think they are, although you do not think so.

Mme Berku: No.

M. Bourbeau: As far as the moratorium is concerned, I am taking into consideration your advice, what you are saying. We will have a good look at it and I can tell you that the speculators who bought properties thinking they would make a bundle, they may be in for a surprise when they see what we will bring up. I have no intention to put up legislation that will make it such that speculators will make undue benefits on the back of the tenants. So, we are here to improve the law and I can give you my assurance that we will. Thank you.

Le President (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre. M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: The Minister wants to rush because he wants to go to bed, but you are not sure you are going to have a roof tomorrow, that is why we are here and we are concerned. He said he listened; we hope he understood, that could be much better than that.

What you said, Miss Berku, is absolutely true. He started the promoter's stampede, as you used the word, but what you are telling us, you and all your colleagues, yesterday and the day before, no matter in what language it was said, is that by opening his mouth about a possible lifting of the moratorium, he provoked a crisis. And if I just pile up reports that you are giving me, this crisis is really driving us into a potential social crash if we do not react.

He could blame even my great-greatgrandfather, but he has been there for two years. So, just take the power and legislate.

The House is sitting less than usual because there is no law brought to us. We are almost unemployed at the National Assembly right now. So we are ready to sit and vote his law. He just has to write it, we will look at it next October. Do not worry about it. Thanks for coming.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le député de Saint-Jacques. I will allow you a very brief remark, please. (21 h 45)

Mme Berku: Okay. What I want to say is this. I honestly and sincerely feel that the Minister is giving us a fair hearing. I have been feeling that since Monday morning. I have been listening to what he said and I feel that he is giving us a very fair and open hearing. I appreciate it sincerely and I want to continue the dialogue. If we can be of service to you or if you need anymore information, we are ready and available to give it to you. We thank you very much for having these hearings and listening to us with the attention that you are giving us. Thank you very much.

Le President (M. Saint-Roch): I would like to thank you for the exchange and for all the contribution to the work of this committee.

Je demanderais maintenant aux représentants de la Société Saint-Vincent-de-Paul de prendre place, s'il vous plaît.

À l'ordre, s'il vous plaît! Dans un premier temps, j'aimerais vous souhaiter la bienvenue aux travaux de notre commission. Je demanderais à votre porte-parole de bien vouloir s'identifier ainsi que les gens qui l'accompagnent, pour le bénéfice de tous les parlementaires.

Société Saint-Vincent-de-Paul

M. Wilsey (Jean-Pierre): Bonsoir. Nous tenons à remercier les membres de cette commission de nous avoir convoqués ce soir. Il s'agit d'un mémoire présenté par le comité sur l'habitation de la Société Saint-Vincent-de-Paul du conseil central de Montréal, donc de la région métropolitaine de Montréal. Je voudrais vous présenter rapidement les membres de ce comité. À mon extrême gauche, M. Edgar Morin, qui oeuvre depuis plus de 27 ans au sein de la société; M. Jean-Guy Lépine, président de la Société Saint-Vincent-de-Paul et qui y oeuvre depuis plus de 30 ans; Mme Monique Picard, directrice de la résidence du Vieux-Port, qui travaille dans le milieu depuis quinze ans; M. Jacques Laurin du centre des services sociaux du Montréal métropolitain, qui, lui aussi, travaille depuis plus de quinze ans; Mme Hilda Ramacière du comité logement Saint-Louis, qui travaille au sein du comité depuis quinze ans ainsi que moi-même, Jean-Pierre Wilsey, qui suis au comité logement Saint-Louis depuis près de quatre ans.

Je voudrais expliquer très brièvement les intentions de ce mémoire. Il ne s'agit pas d'un document technique. Je pense qu'il y a des gens qui sont passés avant nous au cours des auditions auprès de cette commission. C'est un mémoire qui axe énormément son travail et sa réflexion sur les bénéficiaires de la Société Saint-Vincent-de-Paul, à partir d'un constat de ce qu'ils vivent en matière d'habitation. Il y a aussi certaines conclusions en rapport avec la levée ou non du moratoire sur la conversion.

Je vais céder la parole à M. Jean-Guy Lépine, président de la Société Saint-Vincent-de-Paul.

M. Lépine (Jean-Guy): Bonsoir. En mai dernier, le ministre responsable de l'Habitation, M. André Bourbeau, déposait un document pour fins de consultation: Lever le moratoire: une décision qui s'impose. Il nous apprenait par la même occasion qu'une commission parlementaire aurait lieu à la mi-août sur ce sujet. Après douze années de moratoire sur la conversion des immeubles locatifs en copropriété divise, le gouvernement du Québec va de l'avant avec un cahier de propositions qui prévoit les étapes et les mécanismes pour une éventuelle levée du moratoire. C'est dans ce contexte que la Société Saint-Vincent-de-Paul, conseil central de Montréal, a décidé d'intervenir et de présenter un mémoire devant les membres de la commission de l'aménagement et des équipements.

Nous vous présentons aujourd'hui les quelques réflexions que nous avons menées au cours de ces derniers mois au sein d'un comité sur l'habitation de la Société Saint-Vincent-de-Paul composé de membres de la société et d'intervenants et d'intervenantes de divers milieux. De multiples raisons ont motivé la création de ce comité parmi lesquelles nous retrouvons principalement les suivantes: premièrement, le désinvestissement progressif et dramatique depuis quelques années de l'État fédéral, provincial et municipal dans le secteur du logement social et dans les programmes sociaux de protection du revenu; deuxièmement, la proportion de plus en plus considérable des revenus des ménages pauvres consacrés au logement. Comme nous le verrons bientôt, le taux d'effort moyen pour se loger atteint 46 % pour les bénéficiaires de la Société Saint-Vincent-de-Paui; troisièmement, en moins de cinq ans, la Société Saint-Vincent-de-Paul de Montréal a subi une augmentation de 22 % de demandes en dépannage matériel due principalement à des problèmes reliés à l'habitation.

Pour nous, le phénomène de la copropriété doit être placé dans une perspective de marché immobilier. En effet, la levée du moratoire verrait à mettre sur le marché un nouveau bien de consommation, soit la possibilité d'acquérir le droit de propriété d'un logement.

La principale question que nous nous sommes posée et que d'ailleurs nous nous posons toujours est la suivante. Est-ce que l'implantation de ce . nouveau type d'habitation sera à la portée des personnes défavorisées économiquement comme les jeunes sans emploi, les assistés sociaux, les travailleurs occasionnels, les personnes âgées, etc.?

D'une façon plus concrète, nous avons examiné la situation vécue par les bénéficiaires de la Société Saint-Vincent-de-Paul. En effet, plus de 30 000 personnes ont reçu, au cours de l'année 1985-1986, des 185 conférences et projets de promotion humaine reliés au conseil central de Montréal, assistance ou services sous diverses formes dont la répartition pourrait s'évaluer comme suit: dépannage d'urgence, 18 000 personnes; service de vestiaire et comptoir, 15 000 personnes, programme d'entraide et de promotion humaine, 1500 personnes.

Les coûts d'opération et de gestion de ces services se sont élevés à 1 100 000 $. Les bénéficiaires des conférences vivent dans une proportion de 83 % de prestations d'aide sociale. Le portrait type d'un bénéficiaire est une famille monoparentale ayant deux enfants et plus - avec les pourcentages - et dont l'âge varie entre cinq et dix-huit ans.

Le bénéficiaire type évoque comme raison principale de sa demande une insuffisance de fonds à cause des frais trop élevés à débourser au chapitre du logement. Selon une enquête réalisée en décembre 1986 à partir d'un échantillonnage fait auprès des bénéficiaires de la société (790 fiches de visite remplies au cours des mois d'octobre, novembre et décembre 1986) afin de déterminer les revenus et le pourcentage consacré au logement par ces gens, nous avons constaté que la moyenne mensuelle des revenus des bénéficiaires était de 593 $ par mois; que les revenus mensuels des bénéficiaires en pourcentage se répartissent comme suit: moins de 400 $ par mois, 10 %; entre 401 $ et 700 $ par mois, 57 %; entre 701 $ et 1000 $ par mois, 30 %; plus de 1001 $, 3 %; que le coût moyen de loyer s'élevait à 275 $ et que le pourcentage des revenus consacrés au loyer s'établissait à 46,37 %.

Vous verrez en annexe le tableau indiquant par secteur le pourcentage des sommes allouées mensuellement pour le loyer.

Remarquez qu'il est reconnu qu'un taux d'effort pour se loger ne doit pas dépasser 25 % du revenu brut d'un ménage. Il va s'en dire qu'un taux d'effort supérieur à ce pourcentage a des effets dramatiques sur la qualité de vie d'un ménage.

Il est important de préciser qu'une organisation comme la nôtre ne peut jouer

qu'un rôle complémentaire à l'État face aux nombreux problèmes générés par la pauvreté et notamment dans un secteur aussi névralgique que l'habitation. Or, nous avons constaté que les problèmes, loin de s'amenuiser, ont augmenté considérablement depuis la crise de 1982. Notre organisme éprouve de plus en plus de difficultés à répondre adéquatement à l'accroissement des demandes d'aide. En effet, depuis 1982, les demandes faites à la société se sont accrues de 22 %. Cette croissance est due en grande partie à une insuffisance chronique de moyens financiers pour nos bénéficiaires. Le prix pour se loger n'est certainement pas étranger à cette insuffisance.

Plus la proportion des revenus consacrés au loyer est élevée, moins nos bénéficiaires peuvent assumer les coûts reliés à d'autres besoins essentiels tels que la nourriture, les vêtements et le chauffage. Nous considérons que l'État a toujours un rôle important à jouer tant par rapport à la mise sur pied d'un revenu minimum garanti, que par l'adoption de politiques globales et systématiques dans le domaine de logements sociaux, afin d'éliminer ou du moins, d'atténuer les problèmes associés à la pauvreté.

L'accès à la propriété, pour qui? L'objectif premier qui semble guider le document gouvernemental sur la levée du moratoire est de permettre et de faciliter l'accession à la propriété de la population locative du Québec. Or, d'après les informations que nous possédons et que nous venons de vous communiquer à titre d'exemple, il est invraisemblable qu'une portion importante de la population ne pourra probablement jamais avoir accès à ce nouveau type de propriété, faute de moyens financiers et techniques. En effet, comment un ménage qui consacre actuellement plus de 46 % de ses revenus à l'habitation pourra, même s'il le désire, faire une offre d'achat sur un logement converti en copropriété.

Selon une étude réalisée en 1986 par le Comité de logement Saint-Louis: "Mon logement n'est pas à vendre (l'impact de la conversion en copropriété dans le Plateau-Mont-Royal)", le coût moyen d'un logement converti en copropriété était de 85 000 $. Cela représente des versements mensuels de l'ordre de 890 $ par mois pour paiement hypothécaire, taxes foncières, etc., cela sans compter la mise de fonds initiale qui peut varier entre 10 000 $ et 20 000 $. Il n'est donc pas nécessaire d'être un grand clerc pour en déduire qu'une portion importante de locataires ne pourra pas accéder à ce bien de consommation.

Il va sans dire qu'une politique d'accès à la propriété dans le contexte de la spéculation financière est pour le moins utopique. L'augmentation des évaluations foncières, les taux d'inoccupation excessive- ment bas, l'ampleur des transactions immobilières, l'utilisation systématique de différents programmes publics de revitalisation des artères commerciales et de restauration résidentielle sont des facteurs qui agissent directement sur les coûts inhérents à l'habitation. Ne pas tenir compte de ce contexte aura comme principale conséquence d'accroître davantage la spéculation foncière avec la levée du moratoire.

Attendu l'existence de carences majeures d'une politique d'accès à la propriété collective, OSBL, coopératives, HLM; attendu que la levée du moratoire ne servira pas les intérêts ni ne permettra un réel maintien dans les lieux pour la population défavorisée de notre société; attendu que l'inefficacité de l'actuel moratoire a été largement démontrée; attendu que la majorité du stock de logements au Québec est détenu par l'entreprise privée, plus motivée par des impératifs d'investissement et de rentabilité que par un souci de justice sociale; attendu que les sommes d'argent et les programmes de logements sociaux ont connu une décroissance importante depuis une dizaine d'années; attendu qu'une partie importante de la population vit actuellement dans une situation économique dramatique et, tout particulièrement les jeunes, les femmes et les personnes âgées; nous demandons au gouvernement du Québec: 1 de surseoir à la levée du moratoire, et d'adopter dans les plus brefs délais, les mesures les plus adéquates possible afin d'empêcher le contournement du moratoire; 2 d'adopter-une politique d'habitation qui permettra à la population du Québec d'accéder collectivement à la propriété via les coopératives d'habitations et les OSBL; 3 d'instaurer le contrôle universel des loyers et de favoriser l'enregistrement des baux; 4 d'éliminer les abris fiscaux en matière d'habitation. (22 heures)

Ces quelques voies de solution permettront, nous l'espérons, une amélioration de la qualité de vie des gens les plus défavorisés et cela dans l'intérêt d'une société qui se doit de considérer le logement comme un service essentiel. Merci.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le président. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Dorion.

Mme Trépanier: M. Wilsey, M. le président, M. Lépine, mesdames et messieurs, je vous souhaite la plus cordiale des bienvenues. La Société Saint-Vincent-de-Paul est connue et reconnue dans tout le Québec. Elle est efficace et très appréciée. Je dois dire que son travail est essentiel auprès de notre population. Vous travaillez auprès d'une

population vraiment très démunie. Vous nous dites, dans votre mémoire, que 83 % de vos bénéficiaires sont des gens qui reçoivent de l'assistance sociale.

À la lecture de votre document, à la page 2, c'est surtout cela qui m'a frappée au départ, vous dites: "Est-ce que l'implantation de ce nouveau tvpe d'habitation sera à la portée des personnes défavorisées économiquement comme les jeunes sans emploi, les assistés sociaux, les travailleurs occasionnels, les personnes âgées?" Plus loin, à la page 7, vous dites: "...il est vraisemblable qu'une portion importante de la population ne pourra probablement jamais avoir accès à ce nouveau type de propriété..." Je dois vous dire qu'effectivement je ne pense pas que notre formation politique, le gouvernement et M. Bourbeau n'ait jamais eu l'intention que tout le monde puisse accéder à la propriété. Ce qu'il a toujours dit, c'est que, avec cette mesure, nous pourrions peut-être permettre à une certaine portion de la population, qui ne peut présentement accéder à la propriété, d'y avoir accès. C'est ce qu'il a toujours dit. Il a aussi dit: Si on ne réussissait qu'à faire des propriétaires avec 1 %, 2 % ou 5 % de notre population locataire présentement, nous aurions déjà fait un grand pas. C'est ce qu'il a toujours dit.

Des sondages ont été faits en 1985 avant l'annonce de la levée du moratoire et après l'annonce de la levée du moratoire. À ce moment-là, en 1985, dans la région de Montréal, selon ce sondage, 12,9 % des gens se disaient intéressés à accéder à la propriété; 3 % étaient très intéressés et 9 % assez intéressés. Dans la région de Québec, c'est encore plus important; 20 % des gens se disaient intéressés à accéder à la propriété et trouvaient nécessaire la levée du moratoire. Après l'annonce, cela s'est à peu près confirmé; cela a même augmenté dans la région de Montréal où 19 % des gens se disaient intéressés à accéder à la propriété. C'est à cette couche de population que la mesure s'adresse.

Vous parlez aussi de logements sociaux et vous nous dites, dans votre mémoire, que les sommes consacrées aux logements sociaux ont diminué depuis dix ans. Pour les huit dernières années, je vais laisser nos amis de l'Opposition parler; mais depuis les vingt derniers mois où nous sommes là, l'aide financière aux plus démunis s'est accrue, et de beaucoup.

Les programmes. Vous savez qu'il y a eu des ententes fédérales-provinciales de signées en 1986. Les sommes d'argent disponibles au logement social sont maintenant axées vers les gens les plus démunis, donc, vers les gens avec lesquels vous avez des contacts plus réguliers, vers vos bénéficiaires. Vous en parlez dans votre mémoire.

Vous parlez des HLM et des coopératives. Nous pouvons vous dire qu'à Montréal il se construit plus de HLM en 1987-1988 que par les années passées et que l'aide n'a pas été diminuée; elle a été augmentée pour les gens les plus démunis. Je ne dis pas que les montants ont augmenté, mais cette aide s'est dirigée vers la couche des gens plus démunis. Un autre programme qui confirme cela, c'est notre programme de rénovation PARCQ où l'aide est axée vers les gens les plus démunis. C'est une chose que le gouvernement fait. La levée du moratoire, c'est pour aider une autre portion de la population qui se situe peut-être un peu au-dessus de ce niveau, au-dessus du seuil de pauvreté.

Vous nous dites que, pour vos gens, pour les gens que vous touchez, il y a peu de chance qu'ils puissent accéder à la propriété, peut-être. Vous nous dites: Nos gens vont être affectés parce qu'ils vont être évincés de leur logement. C'est un peu cela que vous nous dites. Est-ce que vous pouvez nous dire ce qui vous fait croire, avec les mesures que nous proposons dans notre document, mesures quand même assez serrées pour le maintien des gens dans les milieux, que les gens seront évincés et qu'ils ne pourront pas avoir le maintien dans les lieux à temps plein? Si c'est le cas, est-ce que vous auriez des mesures additionnelles à nous proposer? Qu'est-ce que vous pourriez nous proposer dans ce sens?

M. Lépine: En dépit de l'existence d'un moratoire depuis plus de douze ans, présentement, dans les quartiers du bas de la ville, dans le Plateau-Mont-Royal par exemple, c'est la folie furieuse. On déloge des familles à grand renfort de... pour faire place à des condominiums. On promet aux gens de les reloger. Ces gens payaient 300 $ par mois, quand vient le temps de les reloger, le prix du logement a doublé. Cela veut dire que ces gens ne peuvent plus retourner habiter dans le même milieu. Quand on a habité le Plateau-Mont-Royal pendant 30 ans et qu'ensuite on se voit délogé et pris dans la souricière à faire face à un loyer de 600 $ par mois, à ce moment-là, la personne n'a pas les moyens de vivre là, de vivre où elle a été élevée, elle est obligée de changer de place. C'est comme cela actuellement dans le bas de la ville. C'est comme cela dans le Plateau-Mont-Royal. Cela s'en vient comme cela dans le secteur Beaubien.

Présentement, les familles que nous aidons... Si vous vous référez au tableau que nous avons ici, par secteurs, c'est le taux d'effort que les gens paient présentement pour le logement. Dans notre secteur que nous nommons Marie-Reine-du-Monde, qui est le centre-ville de Montréal, les gens paient 58 % de leurs revenus pour pouvoir se loger.

Vous savez que dans le centre-ville il y a beaucoup ce chambres, etc. Ce sont des gens qui gagnent très peu, qui ont des revenus inférieurs à 500 $ par mois. Quand vous payez 58 % de loyer, cela devient nettement trop onéreux pour être capable de maintenir quelque chose. Si le propriétaire a la vélléité de rénover, de vider sa maison et ensuite de louer les mêmes chambres à double prix...

Mme Trépanier: Vous pensez...

M. Lépine: Vous avez tout cela. Vous avez toute la nomenclature par quartiers, dans Montréal. Vous voyez, à l'étude rapide de ces quartiers, combien les gens doivent consacrer... Ils n'ont aucune garantie. Si la maison est transformée en condo, à quel prix vont-ils être obligés de se reloger? Se rabattre sur le reste du stock de maisons, sur les taudis qui, actuellement, sont impossibles à habiter?

Mme Trépanier: M. Wilsey, est-ce que vous croyez que, présentement, ces mêmes gens ont des garanties de rester dans les lieux?

M. Wilsey: Actuellement? Mme Trépanier: Oui.

M. Wilsey: Je vais vous dire que c'est une garantie strictement formelle par le biais du contrat qui s'appelle le bail. Mais, je voulais apporter certaines précisions, Mme Trépanier,, Ce qui est important par rapport au document qu'on a présenté ce soir, c'est que, avant tout, nous défendons et représentons des gens qui ont des problèmes soit en ce qui a trait au revenu, qui ont des problèmes majeurs en termes d'habitation, donc des problèmes socio-économiques extrêmement importants. Et, qu'il y ait ou non levée du moratoire, dans le fond, ce que l'on sait, c'est que présentement, en 1987, ces gens-là ont déjà des problèmes. Même si on avait la protection la plus merveilleuse, la mieux blindée, il n'en demeure pas moins que s'il y avait levée du moratoire, il devrait éventuellement y, avoir des travaux de réparations majeures. Et, déjà, les gens sont en train de payer des loyers variables, mais dont la moyenne c'est 46 % du revenu pour des bénéficiaires de la Société Saint-Vincent-de-Paul. On est obligé d'accroître encore leur portion consacrée au loyer, cela devient absurde comme situation. C'est pour cela qu'en termes de demande, on axe davantage nos efforts sur le logement social. Tantôt, vous faisiez référence au fait que les HLM étaient de plus en plus légués ou cédés à des personnes les plus démunies. À ma connaissance, avant tout, pour être admissible dans un HLM, il faut être défavorisé, amplement défavorisé.

Mme Trépanier: C'est parce que j'ai été mal interprétée, je parlais de programmes de rénovations, je parlais des ententes fédérales-provinciales, mais cela ne vient pas changer la clientèle et les critères dans les HLM. J'ai peut-être été mal interprétée. Tout à l'heure, c'est un peu ce que je voulais faire ressortir, que votre clientèle est vraiment la clientèle la plus démunie du Québec et peut-être que ce ne sont pas vos gens qui vont accéder le plus à la propriété; on est bien conscient de cela. Mais, ce dont on est conscient aussi, c'est qu'avec le moratoire comme il est là, c'est une vraie passoire et vos gens sont très pénalisés parce que ce sont eux présentement qui subissent les évictions à cause des rénovations majeures et ce sont ces trous qu'il faut boucher. Nous disons que le projet présenté vient calfeutrer la plupart des brèches dans le domaine des évictions pour réparations majeures et des reprises de possession. C'est une chose qui va aider énormément votre monde, nous croyons. Même la ville de Montréal était d'accord pour dire que le moratoire... pour autant que je me souvienne, je pense qu'il n'y a pas un groupe ici qui a dit que le moratoire, comme il est là, doit rester comme cela. Il faut absolument faire quelque chose. M. Bourbeau, il y a quelques minutes, a laissé entendre qu'il faudrait légiférer rapidement pour régler ce problème-là. On est tous d'accord avec cela. Alors, pour le moment ce sera le commentaire.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, Mme la députée de Dorion; je cède maintenant la parole à M. le député de Shefford.

M. Paré: Merci M. le Président et bienvenue. Vous avez dit, lors de la présentation au tout début de votre document, qu'il ne s'agissait pas, comme d'autres groupes de présentation technique mais bien de donner une image réelle de la misère telle qu'elle se retrouve à Montréal. Je m'excuse, je vais peut-être parler longuement mais je pense que c'est bon, à ce moment-ci, de faire le point et c'est important de le faire. On est sur la fin de la troisième journée, il n'en reste que deux qui seront plus courtes. On a vu beaucoup de points techniques mais ce qu'il est important de faire ressortir, et je pense qu'on a réussi en très grande partie, c'est de montrer les conséquences, les gestes que le gouvernement a posés et veut poser; les conséquences sont en termes financiers mais ils se traduisent en misère pour des gens. Il y en a de la misère, il ne faut pas se cacher les yeux là, il faut s'ouvrir les oreilles pour écouter ce que les gens disent mais aussi les yeux et c'est ce que vous êtes en train de faire, nous faire voir une réalité qui est difficile.

Beaucoup de groupes l'ont fait depuis hier. Vous, qui représentez les gens les plus démunis de la société, des personnes du troisième âge, des groupes de locataires, tous de façon uniforme venez dire... et des gens qui connaissent le milieu parce qu'ils sont sur le terrain viennent dire: II y a des problèmes. Le groupe juste avant vous est venu dire... Juste l'annonce prématurée a eu comme conséquence d'amener une crise très grave. Donc, c'était grave avant. L'annonce prématurée est venue faire en sorte que non seulement c'est une crise que des gens commencent à vivre mais... Il y a quelqu'un dans la salle qui m'a remis un papier tantôt et, malheureusement, on n'aura pas le temps de discuter là-dessus, ce soir. Mais là, et vous l'avez dit, d'autres groupes l'ont dit, sur le Plateau-Mont-Royal entre autres, et comme ailleurs, ce sont des achats qu'on paie 20, 25 et 30 fois - comme l'a dit le groupe, le premier après souper - la valeur réelle, parce que là on se prépare à la levée annoncée par le ministre et cela est grave. (22 h 15)

Effectivement, Mme la députée de Dorion a dit avant moi que le ministre avait dit: Même si cela était 1 %, 2 % ou 3 % de plus de gens qui accédaient à la propriété, cela serait déjà beaucoup sauf que, si cela en met 4 %, 5 % ou 6 % de plus dans la misère, c'est une catastrophe. C'est le message que tout le monde est en train de passer, que le groupe avant vous est venu passer en exposant des cas très précis. Vous en avez des cas précis, sans donner d'adresse, mais en nombre, en quantité de personnes qui sont les plus maltraitées de la société. Le geste que vous posez est important à un tel point qu'on a remarqué une chose: le discours a déjà changé beaucoup. Cela nous rassure et nous fait grandement plaisir parce qu'il y a eu une annonce prématurée pour une date fixe qui était le 1er juillet 1987 et qui a été reportée. Le ministre a dit - je me rappelle très bien - on reporte la date à janvier ou juillet de l'an prochain. On reporte la date, donc détermination d'aller de l'avant, mais toujours détermination. Lorsqu'il a présenté son document, "...une décision qui s'impose", ceux qui étaient ici, lundi matin, ont bien entendu: une décision qui s'impose avec détermination. C'était cela la mesure et on était pour lever le moratoire. Ce qu'on entend maintenant - heureusement, le député de Saint-Hyacinthe l'a dit, le ministre aussi dans son intervention qui a précédé - c'est qu'on est prêt à corriger des lacunes. On a parlé de 107, on a parlé de 1653. On a parlé un peu moins de la levée du moratoire comme telle. Je dois vous dire que cela est rassurant. C'est pour cela qu'il faut absolument amener la réalité des choses que vous êtes en train de faire, parce que c'est la misère qu'on va donner à quelqu'un pour faire profiter une petite minorité. Je trouve important de vous dire cela à ce moment-ci parce que, justement, c'est par la gravité des conséquences des gestes qu'on va poser que vous êtes en mesure de venir confirmer qu'on va réussir à prouver au ministre que ce que la presque totalité des groupes demande, c'est ce qu'il faut faire, c'est-à-dire le maintien du moratoire, mais aussi le rendre efficace.

J'aurais une question à vous poser tout de suite. Je réfère aussi à la page 2 où vous demandez si l'implantation du nouveau type d'habitation sera à la portée des personnes défavorisées. On sait que c'est non. Mais ma question, c'est que si on lève le moratoire tel qu'il est là, comment pensez-vous que cela va grossir les rangs des gens qui doivent aller chez vous?

M. Lépine: Cela va sûrement compliquer l'existence des plus démunis parce qu'on sait ce qui va arriver: cela va être l'augmentation du taux d'évaluation, l'augmentation des taxes, l'augmentation de tout ce qui va avec. Cela va être général. Cela va être réparti à travers toute la population. Cela veut dire que les travailleurs vont devenir de moins en moins riches et ils vont payer de plus en plus de taxes. Quand tu commences les augmentations, cela va... La clientèle que nous défendons a déjà été suffisamment assaillie depuis ces dernières années avec toutes les augmentations de prix. Quand des augmentations de salaire arrivent, c'est bien différent. C'est une autre chanson qu'on reprend. On ne change pas l'air, mais on change les couplets. Alors, ce qui arrive, c'est que le gars qui gagnait 20 000 $, il y a cinq ans, son pouvoir d'achat est de plus en plus grugé. Quand tu es marié, que tu as deux enfants et que tu es sur l'aide sociale, cela veut dire que tu as un revenu de 10 000 $ à 12 000 $ par année. Tu paies le pain et le beurre le même prix que tout le monde, le même prix que le millionnaire. Tu n'as pas de prix de faveur parce que tu deviens un assisté social. Cela peut arriver à chacun de nous. J'ai été officier d'aide sociale pendant 30 ans dans ma vie et la clientèle que je servais à l'époque... Quand quelqu'un reçoit de l'aide sociale, on dit toujours que les besoins essentiels sont couverts. Mais, les prix augmentent, les loyers augmentent, tout augmente. il faut qu'on commence à poser des tampons à un moment donné, qu'on commence à poser des barrières. Le logement qui est un besoin essentiel se doit d'être protégé. C'est sûr. Même moi, à ma retraite comme ancien fonctionnaire, même si j'avais prévu une retraire confortable, je m'aperçois qu'avec les années, depuis que j'ai pris ma retraite, je suis de moins en moins apte à répondre à certains besoins. Tantôt c'est le métro,

tantôt c'est la nourriture, de mois en mois on a des augmentations sur le panier de provisions alors, comment voulez-vous que ces gens-là puissent arriver quand ils consacrent tout de suite, en partant, seulement pour le loyer quasiment la moitié de leur revenu? Cela, il faut en être conscient et je pense que chacun de vous, dans vos comtés recevez les mêmes doléances de tout le monde. Quelqu'un paie 3QQ $ par mois de loyer, puis, il arrive au mois de juillet suivant et tout de suite, quelqu'un qui a pontifié pendant l'année lui dit que les loyers vont augmenter de 10 %, alors lui, il sait tout de suite au départ qu'il va payer 30 $ de plus. Cela, c'est dans tous les domaines. C'est pour cela que nous autres on essaie de couvrir les besoins des gens. Mais de plus en plus, les demandes augmentent. Quand tu es au pied de l'échelle, les besoins sont là, il faut y répondre. Les gens nous disent: Je ne suis plus capable, d'arriver avec mon loyer. J'habite là depuis dix ans, et quand je suis arrivé là, je payais 125 $ par mois. Et, après 10 ans, je suis rendu à 300 $ par mois pour le même logement. Le propriétaire n'a pas fait de réparation depuis dix ans et les réparations qui ont été faites, c'est moi qui les ai faites à mes frais. À ce moment-là, cela devient de plus en plus grave.

Je pense que si c'est dramatique pour une certaine couche de la société, quand tu es au pied de l'échelle sociale, à ce moment-là, c'est de plus en plus dramatique.

M. Paré: Vous avez raison là-dessus et parmi les besoins, vous le spécifiez dans votre mémoire, il y a des choses qui sont essentielles à côté desquelles on ne peut absolument pas passer, ce sont la nourriture, les vêtements et le logement, surtout dans le climat où on vit. Donc, si on touche au loyer qui est un gros montant - probablement que pour plusieurs gens, c'est la plus grosse dépense - ce serait vraiment inacceptable, en cette Année internationale du logement des sans-abri, que le gros cadeau que nous ferait à l'automne le gouvernement ce soit finalement une augmentation généralisée des loyers que tout le monde connaîtrait, sans exception, même si le discours du début c'était: cela ne fera rien augmenter.

Après avoir fait le tour d'à peu près 40 groupes, on est convaincu de cela, à peu près tout le monde, que ce sera une augmentation généralisée des loyers donc, pour les plus démunis spécialement. Probablement que ce sera dans les quartiers centraux que les gens vont être victimes de cela. Donc, cela veut dire, forte augmentation de votre clientèle.

Quand on regarde le groupe qui s'est présenté avant vous, dont les gens sont venus dire comment ils apprennent à la dernière minute - et d'autres l'ont dit aussi aujourd'hui - qu'ils doivent évacuer ou être augmentés de loyer, c'est catastrophique. Cela veut dire que les gens qui, à l'heure actuelle, sont sur l'aide sociale, qui réussissent à peine à payer leur loyer, puis, même pas, à manger leurs trois repas par jour vers la fin du mois avec les faibles prestations, la moindre augmentation du coût du loyer, suite à la levée du moratoire, cela voudrait dire probablement des milliers de gens qui ne peuvent plus arriver. Ou ils arrêtent de manger ou ils abandonnent leur logement, et ensuite ils s'en vont chez vous. Est-ce que je me trompe en disant cela? Est-ce que je grossis ou si, effectivement, c'est tout à fait réaliste? Il faut que les gens comprennent qu'on ne peut pas se permettre la moindre "cenne" d'augmentation des loyers juste pour favoriser la spéculation de quelques-uns.

M. Lépine: Si vous me permettez une remarque, dans le tableau en annexe sur le coût des logements, à la fin du mémoire, vous remarquerez que la zone où on paie le plus bas pourcentage de loyers, c'est la Petite Bourgogne où il existe à Montréal la plus forte concentration de logements subventionnés. C'est dans la Petite Bourgogne, Saint-Henri qui a la plus forte proportion de logements à prix modique et c'est là qu'ils paient le moins cher de loyer. C'est toujours pour le même type de clientèle dans Montréal.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Lépine.

M. le député de Lévis.

M. Garon: Or, simplement pour corroborer ce que vous dites et ce que disait le député de Shefford, M. Paré. Quand j'ai fait des études en économique, je me rappelle qu'on disait que ceux qui sont le plus affectés par les augmentations du coût de la vie, ce sont ceux qui n'ont pas les augmentations du coût de la vie dans leur revenu. Ce sont principalement les gens à faible revenu, les gens qui sont au salaire minimum et qui ne sont pas indexés entièrement et puis les gens qui sont à leur retraite. Eux aussi n'ont pas des pensions indexées entièrement. On a vu dans l'inflation l'an passé que l'alimentation, c'est ce qui a augmenté le plus et si, en même temps, les loyers augmentent considérablement, les gens n'ont pas assez d'argent. Quand bien même ils le voudraient, ils n'ont pas assez d'argent pour arriver. C'est une loi de base dans l'économie. L'inflation affecte plus les gens à faible revenu et ceux qui sont à leur retraite. C'est une loi de base en économie. C'est pour cela que le gouvernement a une politique sociale ou bien il n'a pas de politique sociale. S'il a une politique sociale, il tient compte de cela. Dans l'énoncé de ses politiques, c'est une question

d'orientation politique, de choix politique. Le gouvernement dit: Moi, je pense à des gens qui sont moins favorisés ou bien je ne m'en occupe pas. C'est là le choix. Le choix est simple. La porte est ouverte ou fermée. Elle n'est pas ouverte et fermée en même temps. Dans ce domaine, c'est pour cela que M. Paré disait avec raison, quand on est dans les deux grands secteurs de base, c'est d'abord le logement. Surtout ici, on n'est pas au Mexique, on ne peut coucher à la belle étoile, et, même au Mexique, ils n'y couchent pas, il fait froid la nuit. On ne peut pas ne pas se nourrir. Le vêtement coûte un peu plus cher parce qu'on a l'hiver, une saison qu'ils n'ont pas dans les pays chauds. En termes de besoins essentiels, c'est une règle de base de l'économie. Vous l'avez vu, si vous prenez l'indexation du salaire minimum, il n'a pas été indexé complètement, le salaire minimum. Vous remarquerez que les revenus des dirigeants d'entreprises, comme General Motors, eux 3'indexent. De 400 000 $, ils passent à 500 000 $. Ils n'ont pas assez de 400 000 $; 100 000 $ de plus, cela leur permet de tourner les coins plus ronds. On voit aussi, quand il s'agit des cadres, on dirait qu'on le trouve l'argent. Quand il s'agit d'exempter des gains de capitaux de 500 000 $, il y a de l'argent. Par exemple, il n'y en avait pas suffisamment pour maintenir au point de vue d'exemption d'impôt, les 1000 $ d'intérêts, de ceux qui avaient 10 000 $ d'épargne. Le gouvernement a baissé cela à 500 $. C'est cela les choix. On fait l'un ou l'autre. C'est une orientation, vous avez parfaitement raison dans ce que vous avez énoncé. C'est une question d'orientation et de choix.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie M. le député de Lévis. Le temps alloué à votre formation étant maintenant terminé, il reste trois minutes et trente secondes au côté ministériel. Je vais reconnaître Mme la députée de Dorion.

Mme Trépanier: Merci M. le Président. Très brièvement pour dire que... D'abord, je voudrais relever un commentaire du député de Shefford disant qu'il reprenait mes paroles, qui a dit que M. Bourbeau avait mentionné que 1 %, 2 % de gens accéderaient à la propriété et cela occasionnerait que 4 % à 5 % des locataires seraient dans la rue ou à peu près. Je ne comprends pas trop ses mathématiques. C'est peut-être comme cela qu'on a mis le Québec dans le trou au cours des neuf dernières années. Cela dit à la blague, je vais vous dire plus sérieusement que le gouvernement veut prendre ses responsabilités et il doit se fixer des priorités. La première de ces proriétés a été d'axer son aide vers les plus démunis - je vous parlais de 37 % de plus d'aide. Je suis fière d'appartenir à un gouvernement qui s'est donné ces priorités, d'une part. Toute la situation présente du moratoire a été décriée partout et par tous, en tout cas, depuis trois jours. Plusieurs ont dit que cela prenait du courage politique pour arriver avec des mesures comme les nôtres, d'avoir le courage de lever le moratoire. Je peux vous dire qu'il y a deux objectifs dans ce projet de loi. C'est de donner l'accès à la propriété à des gens qui veulent devenir propriétaire de leur logement, d'une part, et, d'autre part, de donner une protection très accrue et maximale aux locataires, aux gens que vous représentez.

Je vous remercie infiniment de votre contribution et soyez assurés que votre mémoire sera analysé et il en sera tenu compte dans nos délibérations. Merci infiniment d'avoir été avec nous.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie Mme la députée de Dorion. M. le député de Shefford. (22 h 30)

M. Paré: Juste deux petites réponses avant de remercier le groupe pour dire que vous pouvez être bien fiers. N'oubliez pas qu'une des premières décisions qu'a prises votre gouvernement, cela a été de diminuer considérablement les impôts pour les 50 000 $ et plus et de couper 30 000 000 $ par année d'indexation chez les assistés sociaux, les plus démunis de la société. C'est un scandale. Vous êtes fiers de cela, je trouve cela terrible, premièrement. C'est cela qu'on dit des volontés politiques. Votre gouvernement frappe toujours sur les plus démunis et votre projet de loi c'est encore cela. Mathématiquement, je dois vous dire que vous n'avez qu'à écouter les groupes et vous allez peut-être comprendre pourquoi 1 % et 2 % de nouveaux propriétaires équivalent à 4 % à 5 % de gens dans la misère. Les groupes l'ont tous dit: La plupart des gens qui vont acheter, on en a la preuve par les transactions qui s'effectuent présentement, ce sont des spéculateurs. Cela n'augmente pas beaucoup le nombre des propriétaires, alors qu'une augmentation généralisée des loyers, tel que reconnu par à peu près tout le monde, cela touche des dizaines de milliers de gens qui ont de la difficulté à arriver. On avait des chiffres sur la misère aujourd'hui, ce serait entre 300 000 et 1 000 000 - je ne m'obstinerai pas sur les chiffres - mais disons que, au minimum, 300 000 personnes ont de la misère à arriver à l'heure actuelle. Augmentez leur loyer, en termes de pourcentage, vous allez voir que cela touche bien du monde. Cela dit, je vous remercie beaucoup.

Comme je vous le disais, c'est important que les gens viennent sensibiliser les gens qui, à Québec, ne voient pas toujours la misère vécue dans les comtés,

dans les villes du Québec, un peu partout. Merci beaucoup.

M. Lépine: Je remercie le ministre et les membres de la commission d'avoir accepté que nous soyons les interprètes de la classe la plus défavorisée de Montréal.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Lépine.

Je demande maintenant à la Coordination nationale des GRT de prendre place, s'il vous plaît.

À l'ordre, s'il vous plaît! Dans un premier temps, j'aimerais souhaiter la bienvenue à la Coordination nationale des GRT. Je demanderais maintenant aux porte-parole de bien vouloir s'identifier, ainsi que les membres qui l'accompagnent.

M. Martel (André): Merci. Je vous présente, à ma gauche, Mme Paule Trudeau, du GRT des habitations communautaires centre-sud à Montréal et représentante des GRT à la Coordination nationale des GRT; à ma droite, M. Jean-Jacques Bohémier, du GRT des habitations populaires de Rosemont et également de la Coordination nationale des GRT, et moi-même, André Martel, de la Coordination nationale des GRT.

Le Président (M. Saint-Roch): Cela dit, je vous cède la parole en vous demandant d'essayer de résumer votre mémoire en quinze minutes, s'il vous piaft.

Coordination nationale des GRT

M. Martel: D'accord. Merci beaucoup. Je crois bien qu'on va y arriver. On a calculé le temps tout à l'heure et cela s'insère assez facilement dans le temps qui nous est alloué. D'une part, on voudrait préciser ce que la Coordination nationale des groupes de ressources techniques est, la CNGRT, que vous allez entendre fréquemment, cela va rapetisser les phrases un peu. Donc, la CNGRT a été créée en janvier 1986 par trois regroupements régionaux de groupes de ressources techniquesc L'un de ces regroupements est le Comité de développement de la Montérégie; le deuxième est la Table des GRT de Montréal et le troisième est le Conseil des ressources alternatives en habitation.

L'ensemble de ces trois regroupements fait en sorte que la Coordination nationale des groupes de ressources techniques compte 28 GRT. La CNGRT a comme mandat de réaliser des études, des documents ou mémoires sur différentes questions concernant le logement. Elle a également comme mandat de porter au niveau politique les revendications des GRT et de faire connaître aux instances administratives, telles la SHQ et la SCHL, les demandes des

GRT concernant la livraison des programmes.

Quant à eux, les GRT, les groupes de ressources techniques, ils sont les principaux artisans du développement . des coops d'habitations au Québec. Depuis dix ans que le réseau existe, les GRT ont participé à la réalisation d'environ 16 ODQ logements coop et OSBL et tous ces logements sont répartis dans toutes les régions du Québec.

L'ensemble du développement réalisé jusqu'à maintenant a été produit à l'enseigne des objectifs suivants, et ce sont encore nos objectifs, bien sûr: d'une part, rejoindre les ménages à revenus faibles ou modérés, c'est-à-dire très majoritairement les ménages dont les revenus sont en bas de 25 000 $ avec une forte propension à rejoindre spécialement les ménages dont les revenus sont inférieurs à 15 000 $. D'autre part, un autre objectif: promouvoir la propriété collective sous les formes coopératives et OSBL, organismes sans but lucratif. Et, comme moyen de résoudre une partie des problèmes des ménages à faibles et à moyens revenus, notamment nous offrons, par la coop et l'OSBL, la sécurité d'occupation du logement, c'est-à-dire la garantie pour le locataire membre de la coop ou qui vit dans l'OSBL d'occuper son logement sans la crainte qu'un jour il y aura reprise de possession ou éviction pour travaux, par exemple. De plus, la coop et l'OSBL offrent également des logements à loyer abordable. Enfin, l'ensemble de ces éléments, les coops et les OSBL, est géré par les ménages membres de la coopérative ou qui vivent dans l'organisme sans but lucratif.

Une autre spécificité. Lorsqu'il s'agit de projets en achat-rénovations, la coopérative d'habitation et l'OSBL garantissent le maintien dans les lieux, c'est-à-dire que les travaux sont exécutés et, une fois les travaux exécutés, les ménages qui habitaient ces logements reviennent dans leur logement. Il n'y a donc pas d'éviction. Lorsqu'il s'agit de constructions neuves ou de recyclage, la coop et l'OSBL s'assurent que ce sont les ménages qui composent la trame sociale du quartier de la ville ou de la municipalité qui seront les premiers bénéficiaires des projets. Donc, on essaie de respecter le plus possible la trame urbaine, le tissu social.

Concernant les propositions contenues au livre blanc pour lever le moratoire, comme il a été précisé tout à l'heure, M. le ministre, vous fondez votre décision de lever le moratoire sur deux éléments: d'une part, l'urgence de mettre de l'ordre dans un secteur où c'est le fouillis total, c'est-à-dire tout ce qui concerne la protection des locataires, et vous visez à la fois comme objectif de favoriser l'accès à la propriété pour une couche de locataires à revenus moyens, une couche de locataires qui n'a pas les moyens de la propriété privée telle

qu'elle se présente actuellement et qui pourrait, avec la levée du moratoire, c'est-à-dire la copropriété dans le logement existant, accéder à une forme de propriété.

Je ne vous cacherai rien - car vous avez sans doute lu le mémoire - quand je vous dirai que nous voyons dans votre proposition des éléments et, compte tenu du contexte du logement aussi, qui nous font penser que l'atteinte de ces deux objectifs ne nous apparaît pas véritablement possible. Pour nous, donc, dans le contexte actuel du marché du logement, spéculation et normes, votre proposition - parce que non encadrée ou non enchâssée dans une politique du logement qui, pour nous, est extrêmement importante - s'apparente davantage à l'ouverture d'un nouveau marché du logement. De plus, nous pensons que les premiers bénéficiaires de ce nouveau marché du logement, dans le contexte actuel du marché qu'il faut bien resituer, sont les propriétaires convertisseurs, les professionnels des transactions immobilières - j'entends ici les agents d'immeubles, les arpenteurs - et, les municipalités, par le biais de l'assiette fiscale.

Or, M. le ministre, nous considérons que le Québec a besoin d'une politique du logement qui vienne d'abord en aide aux ménages locataires à revenus faibles ou modérés. Pour nous, la seule levée du moratoire ne saura venir en aide aux 78,3 % de ménages locataires dont les revenus sont inférieurs à 25 000 $ ou encore aux 51.2 % de ménages locataires qui déboursent en moyenne 40 % de leurs revenus pour se loger. Je regrette de ne pouvoir vous présenter des statistiques plus récentes; ce sont des statistiques de 1981 et celles de 1986 ne sont pas encore disponibles.

Pour ces ménages locataires qui vivent en fait dans la pauvreté, le privilège d'être le premier acheteur, d'exercer le droit de préemption, ne signifie, à notre avis, que peu de choses. Il signifie peu de choses lorsqu'on sait que les prix de vente des logements existants actuellement - ce qu'on voit dans la copropriété indivise et ce qu'on nous a dit tout à l'heure, il n'y a pas si longtemps -oscille entre 45 000 $ pour des logements non rénovés, jusqu'à 100 000 $ et plus pour des logements rénovés, il est à peu près impossible pour les ménages dont les revenus sont faibles et modérés - en bas de 25 000 $ - de pouvoir les acheter.

Dans ce contexte, le droit d'être le premier acheteur représente peu. Il représente peu dans la mesure où le livre blanc ne prévoit rien pour soutenir l'accès à la propriété collective ou individuelle des ménages à revenus faibles et modérés.

À ce titre, il est bon de rappeler l'expérience de Corvée-habitation. Qu'on soit favorable ou non à Corvée-habitation, peu importe, il n'en demeure pas moins que l'expérience de Corvée-habitation a démontré un certain nombre de choses à la suite d'une enquête. Selon l'enquête, les gens qui ont acheté avec Corvée-habitation affichaient des revenus égaux ou supérieurs à 35 000 $. Avec Corvée-habitation, la proportion du revenu que ces ménages consacraient au logement est passée de près de 13 % lorsqu'ils étaient locataires à 18,1 % une fois qu'ils sont devenus propriétaires. Signalons que cette enquête démontre aussi que la plupart ou, enfin, une grande partie des ménages qui ont profité de Corvée-habitation, ont déclaré que, s'ils n'avaient pas eu les avantages de Corvée-habitation, ils n'auraient pas acheté.

Devant ces données et en voyant cette situation, comment peut-on penser que les ménages locataires, dont la grande majorité -je le rappelle - montre des revenus inférieurs à 25 000 $ ce qui les oblige à consacrer 20 %, 30 % ou 40 % et peut-être même plus de leurs revenus pour se loger, pourraient acheter un logement sans aucune aide de source gouvernementale, il va sans dire?

Toujours sur la loi de préemption. On aurait pu penser utiliser collectivement aussi le droit de préemption pour transformer le mode de gestion des immeubles en coopérative et en OSBL. Le droit de préemption peut exister pour le locataire qui veut acheter individuellement son logement, et nous pensons que ce n'est pas véritablement possible, pour les raisons qu'on donne. On aurait pu penser aussi pouvoir l'utiliser collectivement pour transformer le mode de gestion d'un immeuble en coop ou en OSBL. Or, cette possibilité apparaît peu probable d'une part, parce que le programme Logipop I, programme québécois qui s'adresse aux coops d'habitation et aux OSBL avec lequel 929 logements seront développés en 1987-1988, est, à toutes fins utiles, inutilisable dans le logement existant. Pourquoi? C'est que Logipop I oblige à travailler avec une clientèle de besoins impérieux ciblée à 100 %. Par besoins impérieux, on entend une clientèle qui est à très faible revenu. Il est rare que l'on trouve sur le marché des immeubles à logement dont l'ensemble des locataires fait partie des besoins impérieux. Généralement, cela se passe ainsi: Dans les immeubles, on peut retrouver des ménages à faibles revenus ou à très faibles revenus qui correspondent à la définition de "besoins impérieux", mais on y retrouve aussi des ménages qui sont à revenus modérés, c'est-à-dire dont les revenus se situent entre 15 000 $ et 25 000 $. Comme le programme Logipop I est ciblé à 100 % de besoins impérieux, il devient extrêmement difficile de réaliser des projets de coopérative ou des OSBL dans le logement existant. Cela ne veut pas dire qu'il ne s'en fait pas. On en retrouve. Il

existe certains immeubles... En faisant des recherches, on finit par en trouver. À la suite des résultats de l'appel de proposition, vous constatez que la presque totalité des logements ou des projets qui ont été acceptés par la Société d'habitation sont des projets qui sont réalisés en construction neuve, en transformation ou en recyclage d'école. Dans ces projets, comme ce sont des projets de construction neuve, on loge à 100 % des ménages à faibles revenus. (22 h 45)

Le droit de préemption collectif, c'est-à-dire utiliser la formule coop-OSBL dans le domaine du logement existant, c'est à peu près impossible, compte tenu de ces éléments. Pourtant, les formules coop et OSBL, si elles pouvaient être réellement accessibles en achat-rénovation, seraient bien adaptées aux ménages ayant des revenus faibles et modérés, notamment, pour les personnes âgées, les personnes handicapées, les familles monoparentales et les jeunes ménages. Ces formes de propriété collective, pour le rappeler, assurent le maintien dans les lieux des locataires à bas revenus, maintiennent un parc de logements locatifs dont les coûts de location sont raisonnables, en plus de ralentir les tendances spéculatives du marché privé. À ce titre, une étude de Louise Fortin de l'INRS-urbanisation, étude réalisée en 1980, qui n'est pas très récente, mais quand même valable, concernant la question de la spéculation sur des logements de même type situés dans le marché privé et coopératif, montre, après dix ans, des loyers inférieurs de 90 $ par mois, pour les logements situés dans les coops, par rapport à des logements semblables situés dans le marché privé. Donc, les coopératives ont tendance à limiter ou à intervenir dans la spéculation en la réduisant.

Autre avantage des formules de propriété collective, la coop et l'OSBL ' permettent l'accès à un mode d'occupation orienté vers la prise en charge collective des conditions de logement. De plus, elles offrent une garantie du maintien en bon état du patrimoine immobilier. Mais voilà que, compte tenu des restrictions du programme Logipop 1 et de la gestion, que l'on considère bureaucratique, qui en est faite, on ne peut plus ou on ne peut, à toutes fins utiles, l'utiliser en achat-rénovation. On doit quand même préciser qu'il y a certains projets qui se réalisent et aussi qu'on peut l'utiliser pour les maisons de chambres, compte tenu de la situation particulière des chambreurs qui sont généralement tous à faible revenu.

Nous osons espérer là-dessus que le nouveau Logipop II que nous attendons toujours, viendra corriger les lacunes du Logipop I, c'est-à-dire en permettant justement de rejoindre à la fois des ménages qui sont sous le seuil de la pauvreté ou qui correspondent à la définition de besoins impérieux, mais aussi des ménages à revenu modéré et qu'on puisse reprendre l'intervention dans le parc de logements existants, là où finalement on retrouve l'ensemble des ménages qui sont à faible revenu.

Maintenant, en ce qui a trait au droit de maintien dans les lieux, bien qu'intéressante comme mesure, nous précisons que là aussi, nous sommes sceptiques quant à l'efficacité de cette mesure. D'une part, ce droit n'est disponible que pour le locataire occupant au moment où l'avis de conversion est donné. La question qu'on pose, c'est: Qu'adviendra-t-il des locataires de deuxième génération? Ce point est extrêmement important quand on sait que les locataires du Québec déménagent en grand nombre chaque année. À ce sujet, les représentants de la ville de Montréal indiquaient, lundi dernier, que 90 000 ménages locataires déménagent à chaque année dans la seule agglomération de Montréal. Il y a donc là un problème important. Comme le droit au maintien dans les lieux n'est pas transférable d'un locataire à un autre, cela nous apparaît poser un problème énorme.

D'autre part, l'éviction - toujours sur la question du droit de maintien dans les lieux pour cause de travaux majeurs nous apparaît toujours possible. On a inclus dans le livre blanc des éléments pour renforcer, pour essayer de dissuader, mais l'enjeu dans le domaine de la copropriété, ce qu'on a vu tout à l'heure, c'est que, lorsqu'on parle de prix de vente de logement qui tourne autour de 90 000 $ et 100 000 $, il faudrait voir quelles sont les protections ou les amendes que les propriétaires devront assumer s'ils forcent quand même l'éviction de locataires. Je vous rappelle qu'on joue avec des chiffres qui tournent autour de 90 000 $ à 100 000 $ pour les prix de vente, ce qui n'est pas facile à arrêter. En tout cas, il faudrait voir quelles mesures coercitives pourraient faire respecter le droit de maintien dans les lieux concernant cela. Il faut compter aussi que la réalisation de travaux majeurs entraînent une hausse des coûts de location, ce qui n'est pas non plus pour encourager le retour des locataires.

Sur la question de l'éviction pour travaux majeurs, l'expérience a montré, jusqu'à maintenant, que la plupart des locataires qui doivent quitter pour une période d'un mois, deux mois ou pour une plus longue période à cause de travaux, ne reviennent pas. Ils cherchent à se reloger de façon permanente plutôt que de se reloger temporairement et de revenir dans leur logement.

Le harcèlement apparaît également comme un autre problème minant le droit de maintien dans les lieux. Le harcèlement se produit sous tellement de formes qu'on ne

peut en faire fi. Enfin, dernier point que nous voulons traiter avant de conclure, c'est le danger du rétrécissement du parc de logements locatifs.

Dans le livre blanc, dans une étude citée de Lapointe et Cyr, si je me souviens bien, on indique que c'est environ 1 % du parc de logements locatifs de l'agglomération montréalaise qui serait affecté sur une période de cinq ans - enfin, il faudrait vérifier la donnée - dans le cas de la transformation en copropriété.

Là-dessus, ce que l'on en pense, c'est la chose suivante: appliqué sur l'ensemble du parc de logements locatifs du Québec ou encore même sur le parc de logements locatifs de l'agglomération montréalaise, le pourcentage de logements convertis ne sera pas nécessairement très significatif. D'accord. Toutefois, l'expérience québécoise vécue avec la copropriété indivise montre que le phénomène de la copropriété se concentre tout particulièrement dans les quartiers centraux, devenus à la mode, de Montréal et, dans une moindre mesure, de Québec.

L'exemple du Plateau-Mont-Royal, exemple cité à maintes reprises, est éloquent à ce sujet. Ainsi, sur 42 656 logements locatifs enregistrés en 1981, on estime que 13 000 d'entre eux, jusqu'à ce jour, ont fait l'objet d'une transformation. Le plateau aurait donc perdu 30 % de ces logements locatifs dans cette période. Jusqu'à maintenant, tout porte à croire que la conversion en copropriété sera surtout concentrée dans les quartiers proches des centres-villes, là où l'on trouve encore des logements locatifs à prix raisonnable et où logent beaucoup de ménages à revenu faible et modéré.

Cette situation étant connue, on aurait pu s'attendre que le livre blanc définisse de façon très précise les conditions sans lesquelles la copropriété n'est plus possible dans tel ou tel quartier. On aurait souhaité que le livre blanc dépasse la simple intention d'agir si certains problèmes surgissent. Nous pensons que l'expérience vécue avec la copropriété indivise montre que c'est dans les quartiers centraux des villes que la copropriété a une incidence importante et qu'en ce sens-là, cela aurait justifié que, dans le livre blanc, on retrouve des éléments qui feraient en sorte que la copropriété ne soit plus possible dans tel ou tel quartier, compte tenu de telle et telle condition. Mais on en le retrouve pas, ce que l'on retrouve dans le livre blanc, c'est simplement une intention d'agir.

Devant cette situation et parce que nous pensons que la levée du moratoire pourra compliquer la situation des ménages locataires à faible et moyen revenus, nous en sommes convaincu, nous demandons au ministre de surseoir à son objectif de lever le moratoire et de procéder le plus tôt possible à la présentation de sa politique du logement. J'entendais, aujourd'hui ou les jours précédents, que vous avez l'intention de présenter votre politique du logement à l'automne. Nous comptons beaucoup sur cette politique, nous espérons qu'elle viendra effectivement à l'automne et nous pensons que la politique du logement est le premier élément avant d'entreprendre un chambardement ou des chambardements dans le domaine de l'habitation.

La politique du logement préciserait les objectifs à atteindre et définirait les moyens finalement d'y arriver. Actuellement, ce que l'on trouve, c'est qu'avec la levée du moratoire tel que proposée, vous proposez déjà des moyens sans que l'on connaisse votre politique du logement.

La politique du logement que nous souhaitons que vous présentiez doit être axée sur la reconnaissance du droit au logement et doit s'articuler autour de la protection du parc de logements locatifs et de la constitution d'un secteur coopératif sans but lucratif et public fort. Dans l'immédiat, reconnaissant avec vous qu'il y a urgence d'agir au chapitre des problèmes que suscite le moratoire, nous demandons d'en étendre tout simplement son application aux immeubles de cinq logements et moins et de mettre en place des moyens visant le contrôle des évictions reliées à des rénovations majeures et à décourager le harcèlement et la discrimination des locataires.

Rappelons que l'objectif que nous poursuivons vise essentiellement une amélioration de la situation des ménages locataires. Nous considérons que la proposition contenue dans le livre blanc ne parvient pas à atteindre cet objectif. Et, enfin, notre expérience dans le secteur de l'habitation et pour ce qui est des programmes gouvernementaux et l'expertise que nous avons accumulée depuis notre création en 1977 nous conduisent à penser que toute intervention qui se veut efficace en matière de logement, pour les ménages à revenu faible et modéré, et qui se veut la moins coûteuse possible pour le gouvernement et la société passe nécessairement par la mise en place d'une politique du logement. Sans une telle politique, nous pensons que la seule levée du moratoire équivaut à ratifier la spéculation, que l'objectif d'appropriation du parc de logements locatifs par les ménages locataires n'est qu'un leurre. Je vous remercie.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie. Il reste présentement onze minutes à chacune des formations politiques. Je vais céder la parole à M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Merci, M. le Président.

Je voudrais remercier la CNGRT pour ce mémoire de qualité et surtout pour la façon très explicite dont il a été présenté. En premier lieu, j'aimerais vous poser quelques questions. D'une part, à la page 4 du mémoire, vous parlez du Plateau-Mont-Royal où 8000 logements sont détenus par des promoteurs dans le but de les revendre en copropriété, une fois le moratoire levé, et vous avez soulevé tout à l'heure qu'on y a fait 30 % de conversion. Sur quoi est basé l'information selon laquelle les gens . attendent la levée du moratoire? Est-ce que vous avez des indications pour avancer une telle...?

M. Martel: Sur ce que les gens attendent de la levée du moratoire?

M. Middlemiss: Oui. Sur quoi est-ce basé? Est-ce sur des informations très spécifiques?

M. Martel: Ah! Vous parlez des 8000 logements?

M. Middlemiss: Oui.

M. Martel: Oui. Il s'agit de travaux de recherche effectués par les groupes faisant partie de la coalition Sauvons nos logements et d'activités de plusieurs de ces groupes dans le Plateau-Mont-Royal depuis plusieurs années, activités qui ont porté notamment sur toute la question de la transformation de logements en copropriété indivise.

M. Middlemiss: Cela vous amène à la conclusion que, pour ces 8000 logements, on attend la levée du moratoire pour procéder à leur conversion en copropriété.

M. Martel: Je ne sais pas si ces 8000 logements seront transformés en copropriété immédiatement ou au moment où la levée du moratoire sera effectuée, mais il m'apparaît qu'il se prépare quelque chose dans ce secteur de la ville.

M. Middlemiss: Oui, d'accord. Vous avez parlé, tout à l'heure, de l'étude de Lapointe et Cyr qui parlait de 1 % du parc locatif et vous avez souligné que certains quartiers seraient plus visés que d'autres, mais est-ce que vous avez évalué l'impact à la suite du droit de maintien dans les lieux, qui était inclus dans le livre blanc, pour une période illimitée sur le nombre de logements convertis, puisque l'étude dont on parle reposait sur l'hypothèse d'une législation plus souple? Est-ce que vous avez regardé l'impact dû au fait qu'il y avait cette période illimitée?

M. Martel: Sur la question du droit de maintien dans les lieux, comme nous l'avons précisé tout à l'heure, lorsque le propriétaire présente l'annonce d'avis de conversion, le locataire qui est en place peut bénéficier ou plutôt bénéficie automatiquement du droit de maintien dans les lieux. Par contre, si ce locataire quitte le logement et est remplacé par un nouveau locataire, même si l'avis de conversion a été signifié, ce nouveau locataire ne possède pas, lui, le droit de maintien dans les lieux.

(Difficulté technique. Il manque quelques mots.) (23 heures) ...tout à l'heure et la ville de Montréal aussi a indiqué, lundi, qu'elle estimait qu'il y a environ 90 000 ménages locataires qui déménagent à chaque année, pour la seule ville de Montréal.

Cela a pour effet finalement qu'à force de déménagement, le droit au maintien dans les lieux, il y a pas mai de locataires qui vont le perdre et probablement assez rapidement.

M. Middlemiss: Mais vous n'avez pas fait l'étude de l'impact du fait qu'il y a une période... Certainement, pour une personne qui déménage, il y a au moins une période d'un an dans ces cinq ans-là qui ne serait pas affectée dû au droit illimité. Vous saississez?

M. Martel: Non, je ne vois pas bien...

M. Middlemiss: Non? D'accord. Vous dites que le droit illimité est perdu une fois qu'un locataire est parti, mais à ce moment, il y a au moins une année où la personne qui est là a un droit et l'impact sur cela, c'est le fait qu'il y ait des conditions qui ne sont peut-être pas aussi souples que les hypothèses de l'étude.

M. Martel: La transformation en copropriété, je pense, il ne faut pas la cacher ni tourner en rond autour de cela. La copropriété indivise, cela fait plusieurs années qu'il s'en réalise, c'est dans les quartiers centraux de Montréal et de Québec. A Québec, plus particulièrement, c'est le quartier Montcalm, le quartier Saint-Jean-Baptiste et c'est aussi le quartier Limoilou. À Montréal, on parle du Plateau et du Centre-Sud. C'est concentré là. Je pense qu'il y a des raisons pourquoi c'est concentré là. Ce sont des quartiers qui redeviennent à la mode et cela a des effets extrêmement importants sur ces quartiers. L'étude de Lapointe et Cyr précisait que c'est 1 % pour la région métropolitaine de Montréal. Effectivement, c'est peu si on le prend sur l'ensemble de la région métropolitaine de Montréal. Toutefois, je pense que nous devons le ramener plus particulièrement dans les quartiers où réellement la transformation en copropriété a un attrait.

M. Middlemiss: Merci.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le député de Pontiac.

M. le député de Shefford.

M. Paré: Merci, M. le Président. Ce sera très rapide parce que mon collègue de Saint-Jacques veut aussi intervenir.

Je vous souhaite la bienvenue et je trouve cela important que vous soyez là parce que vous êtes très impliqués et même indispensables à la réalisation et à la concrétisation de projets de coopérative d'habitation. Beaucoup d'organismes - sinon tous - ont manifesté le souhait que pour les plus démunis, on puisse permettre justement cette forme d'accès à la propriété collective.

Quand vous parlez des avantages des coopératives et des OSBL, je suis, tout à fait d'accord avec vous. C'est bon de rappeler cela aux gens pour que ceux qui ne connaissent pas la formule ou qui ne sont pas sensibilisés finissent par comprendre que c'est important. Il y a une question de sécurité pour les gens qui y adhèrent et il n'y a pas la question d'éviction puisqu'ils en sont responsables, justement. Il y a la responsabilisation des gens et en plus, ce sont les gens en place. Cela est important. Il s'agit, contrairement à la proposition gouvernementale, de ne pas déplacer les gens, de les garder en place. C'est le jour et la nuit; c'est la différence totale. Et je trouve important que vous disiez que vous êtes intéressés à participer aux discussions qui pourraient y avoir sur une politique du logement parce qu'effectivement, il ne faudrait pas oublier les coopératives dans une politique du logement.

Quant à moi, j'ai une première question. Avez-vous l'impression, tout comme certains l'ont dit hier soir et aujourd'hui, à la lecture du document Lever le moratoire: une décision qui s'impose, que les coopératives en sont totalement exclues?

M. Bohémier (Jean-Jacques): Je ne pense pas qu'on puisse lire dans le document qu'il y a une place très large pour les coopératives. On est très conscient que les visées de ce document-là sont plutôt d'offrir sur le marché une nouvelle marchandise qui est un logement sous forme de condominium. Cela ne s'adresse pas du tout au marché coopératif comme tel.

M. Paré: II y a eu des suggestions de certains groupes pour être capable d'utiliser le transfert ou suggérer la transférabilité du droit au maintien dans les lieux à une coopérative et avec les courts délais qui sont là, ce n'est effectivement pas faisable.

M. Bohémier: En principe, on pourrait être d'accord avec cela. Ce pourrait être un moyen efficace de garantir le maintien dans les lieux. Par ailleurs, il faut être conscient que le fait de morceler, si on veut, des ensembles en petites parties, de les rendre accessibles logement par logement, cela va sûrement avoir un impact en ce qui concerne les coûts. Et les coopératives, présentement, selon les programmes qui leur sont disponibles, sont aux prises avec des difficultés énormes pour décrocher sur le marché des immeubles qui leur sont accessibles en fonction des programmes disponibles. Dans ce sens, même s'il y avait une ouverture du côté de la transférabilité du droit au maintien dans les lieux à une coopérative ou quoi que ce soit, ce ne serait pas évident que ce serait facile et simple d'y procéder. Le prix est quand même défini par le marché et le marché nous laisse présager des hausses.

M. Paré: En parlant justement de ce que vous venez d'amener, les prix, un des objectifs dans cela, c'est de permettre l'accès à la propriété parce que cela va faire baisser les prix, selon ce qui est dit dans cela. Est-ce que, à votre avis, effectivement, cela va faire baisser les prix, le fait de permettre la vente des logements?

M. Bohémier: Si on regarde ce qui s'est passé dans les dernières années avec la copropriété indivise, ce n'est pas cela qui a fait baisser les prix. Cela a mis plus d'acheteurs en compétition. C'est-à-dire que cela a permis l'accès à la propriété à plus d'acheteurs et cela a donné l'avantage aux vendeurs qui trouvaient, pour chacun qui investissait dans cela, un moyen... Disons que cela donnait des moyens aux gens qui avaient des revenus plus faibles mais pas dans les plus faibles, j'entends. Cela augmentait les possibilités du marché et cela a fait augmenter les prix.

M. Paré: Donc, c'est l'inverse. Effectivement, ce n'est pas parce qu'on augmente les possibilités. Au contraire, on stimule davantage, comme les exemples qu'on a eus au cours de la journée. Dès qu'on parle de copropriété, on parle d'augmentation du prix du logement. Donc, cela ne peut pas amener une baisse des prix même s'il y en avait plusieurs en fonction de ce qu'on a entendu. Vous partagez plutôt l'option que... Ce qu'on espère dans cela, une baisse des prix, cela ne se réalisera pas.

M. Martel: En tout cas, la situation qu'on vit présentement, c'est que dans les quartiers les plus convoités, c'est pratiquement impossible de faire de l'achat-rénovations... d'acheter des immeubles existants pour les transformer en coopérative. D'abord, les programmes ne sont pas assez forts pour le faire. On peut

comprendre qu'ils ne soient pas nécessairement assez forts et non pas nécessairement qu'on soutienne la spéculation. Il y a tellement de spéculation dans les quartiers les plus convoités que c'est à peu près impossible, pour une coop d'habitation -même avec le programme fédéral qui s'adresse à une autre clientèle - de pouvoir intervenir dans ces quartiers.

M. Paré: Une dernière question. Le ministre utilise très régulièrement l'argumentation, pour aider de moins en moins les coopératives, que cela n'aide pas les plus démunis, ou pas seulement les plus démunis, mais souvent des gens à revenus modestes. Par contre, dans sa proposition, ce qu'il veut, c'est aider les revenus modestes et non pas les plus démunis. Est-ce qu'il n'est pas plus économique d'aider les revenus modestes via la coopérative que via sa proposition qui va nous amener des contraintes ou des conséquences sociales très coûteuses finalement qu'on va devoir payer en double ou en triple d'une autre façon?

M. Martel: Ce que nous craignons avec la proposition actuelle, toujours dans le contexte du marché du logement, c'est que la proposition n'atteigne pas du tout son objectif de rejoindre des ménages à revenus modestes ou modérés, étant donné ce qu'on voit présentement sur le marché du logement. C'est cela qu'on craint. On ne pense pas que la proposition de lever le moratoire va permettre d'atteindre cet objectif d'atteindre de façon tangible une clientèle dont les revenus sont modérés ou moyens, compte tenu du marché du logement présentement. C'est pour cela qu'on réclame une politique du logement où on va définir des objectifs, on va définir ce qu'on veut faire du logement locatif et comment on veut aider les ménages locataires au Québec. Avec une politique du logement qui s'articule autour de la reconnaissance du droit au logement et qui développe un ensemble de mesures dans ce sens, nous pensons qu'on va résoudre une partie des problèmes qui sont reliés actuellement à la spéculation.

M. Paré: Merci.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le député de Shefford. Je cède maintenant la parole à M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: Merci de votre présence. Une chose que j'ai remarquée dans votre miroir... Votre miroir!, je m'excuse, votre mémoire. Enfin, c'est le miroir effectivement de la situation. Je pense que le lapsus était fondé. C'est vrai que c'est un quartier très convoité, le Plateau-Mont-Royal. C'est BCBG, c'est Michel Tremblay avec son livre. Tout le monde veut venir y habiter. Vous avez mentionné l'impossibilité de conversion pour les cinq logements et moins. Vous êtes ici depuis un bon petit bout de temps et il est venu des gens de l'ouest de la ville qui nous ont dit, avec un mot coloré, que le ministre avait déclenché un "stampede" de spéculation. La majorité des exemples qu'ils nous donnaient étaient des blocs d'une vingtaine de logements. Sur le plateau, on en a Garnier, de Lanaudière, de Laroche, toutes ces rues en haut de Rachel, entre Rachel, Marie-Anne et Marie-Anne, Mont-Royal. Et il n'y a plus de place pour bâtir sur le plateau. Si vous y trouvez un terrain vacant... Vous savez, comme moi, qu'il n'y a plus de place pour construire sur le plateau et, dans le sud, presque plus non plus, si on ne sauve pas le peu qu'il reste. Si on ne va pas aussi à ce nombre de logements, qu'est-ce qu'on va faire avec ces gens-là? Où va-t-on les mettre?

M. Martel: C'est pour cela qu'on demande le maintien du moratoire. On demande aussi son élargissement pour les cinq logements et moins et on demande également de mettre en place le plus rapidement passible un ensemble de moyens visant le contrôle des évictions reliées à des rénovations majeures, ce qu'expliquait tout à l'heure le groupe, et à décourager le harcèlement et la discrimination des locataires. Il n'y a pas actuellement suffisamment de moyens. Ce qu'on nous montrait finalement tout à l'heure, c'est que, même dans les immeubles de vingt logements ou plus, la transformation en copropriété, là aussi, se produit. On trouve des moyens pour le faire. C'est pour cela qu'on demande aussi, en plus d'élargir le moratoire aux cinq logements et moins, de mettre en place des mesures qui permettraient de contrôler les évictions reliées à des rénovations majeures. Je ne sais pas si je réponds à votre question.

M. Bouierice: Oui, d'accord. Est-ce que, compte tenu de la situation que vous vivez comme GRT - je ne sais pas si vous en avez fait le calcul - vous pouvez me donner une indication du nombre de projets que vous avez dû laisser tomber à cause de la situation actuelle que vous vivez?

M. Bohémier: À cause de la spéculation dans les quartiers?

M. Boulerice: Pas uniquement cela. À défaut d'aide, aussi, ou de la remise en question qu'on fait de votre travail. On parle de rationalisation, comme si vous n'étiez pas, au départ, des gens rationnels...

M. Bohémien On est sûrement émotifs un peu.

M. Boulerice: ...ce que je trouve un peu

injurieux.

M. Bohémier: Je pense qu'il y a, d'une part, une très large partie des projets qu'on faisait traditionnellement en achat-rénovations qu'on a dû abandonner. C'est une réorientation de la pratique qui se fait dans les GRT, c'est-à-dire qu'on est de plus en plus orienté vers la construction neuve, vers le recyclage, par rapport à ce qu'on faisait avant, l'achat-rénovations, d'une part parce que le marché spéculatif est très rapide et que les programmes ne nous donnent pas le moyen de contrer cette rapidité et, d'autre part, les limites des programmes qui ont ciblé, entre autres pour le programme de catégorie 1, les clientèles les plus démunies, ce avec quoi on est d'accord comme objectif. Mais la réalité de la livraison de ces unités dans le milieu fait que, dans un immeuble de huit ou dix logements, il n'est pas sûr que tous les gens seront en deçà des seuils définis dans les besoins impérieux. Ce qui fait que ces projets ne sont pas recevables en catégorie 1 pour le programme provincial.

Les programmes fédéraux sont de moins en moins généreux et génèrent des loyers élevés qui font que la clientèle qu'on avait avant pour le logement coopératif est de moins en moins intéressée; elle trouve d'autres solutions sur le marché, malgré la situation du marché, qui sont quelquefois plus intéressantes ou, du moins, plus abordables pour elle, quitte à accepter des conditions de logement moins intéressantes.

M. Boulerice: Merci.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le député de Saint-Jacques. À ce moment-ci, il reste cinq minutes à la formation ministérielle. M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, il me fait plaisir de saluer les représentants du regroupement des GRT, M. Martel, Mme Trudeau et M. Bohémier, qui sont probablement les GRT ayant le plus de succès, si je puis dire, dans le milieu. Ce succès est certainement dû à leur compétence et non à leurs contacts; ce sont tous toujours des concours qui sont ouverts et on connaît la qualité des travaux qui sont effectués par ces GRT. (23 h 15)

On a parlé de bien des choses et il ne reste pas beaucoup de temps. Peut-être que je pourrais commencer par reprendre, mais seulement en résumé, la question de la fameuse affirmation voulant qu'on ait perdu, dans le Plateau-Mont-Royal, de 1981 à 1987, 13 000 logements locatifs, lesquels auraient changé de statut. Cet après-midi, j'ai eu l'occasion de parler de ce sujet et de rendre publiques de nouvelles informations selon lesquelles il y avait des failles importantes dans la méthodologie de l'étude qui avait été faite par M. Durocher et qui a servi de base au rapport du comité logement Saint-Louis, de sorte que nous ne croyons pas que cette étude ait une valeur scientifique. Nous avons plutôt rendus publics les résultats du recensement de 1986 qui sont maintenant connus et qui ne l'étaient pas lors de l'étude du comité logement Saint-Louis. Selon les statistiques de 1986, il appert que, pour la grande région métropolitaine de Montréal, le nombre total de logements qui auraient changé de statut est de 12 000, pour la même période, de 1981 à 1986, de sorte qu'il est impossible que, pour le Plateau-Mont-Royal, cela ait été 13 000 alors que la grande région métropolitaine de Montréal a connu des modifications, des changements de statut pour un total de 12 000 logements. Si vous êtes intéressés, on pourra vous le donner tout à l'heure. Un de mes attachés politiques pourra vous le remettre.

M. Bohémier: Est-ce que vous parlez de condominiums quand vous parlez de 12 000 logements?

M. Bourbeau: C'est le total des logements qui seraient passés du statut locatif au statut en propriété de toutes sortes -divis, indivis - des logements occupés par des propriétaires. On va vous remettre ce document, vous pourrez le regarder.

Pour ce qui est d'une politique du logement, oui, nous avons l'intention de déposer, dans les prochains mois, des documents qui articuleront une politique et qui donneront les grandes orientations que le gouvernement entend se donner en matière d'habitation. Nous avons pris quelques mois, au-delà d'un an d'ailleurs, je dois le dire, pour faire le tour du sujet, qui est complexe. Je n'ai pas d'excuses à présenter puisque l'ancien gouvernement n'a pas pris le temps de le faire en neuf ans. Mais je peux vous dire que nous avons l'intention de le faire. On touchera l'ensemble des problèmes de l'habitation, autant les problèmes de sécurisation - si je puis dire - des locataires, les problèmes de harcèlement et d'éviction, les modifications à la loi et les problèmes d'accession à la propriété et d'accession financière. Je ne peux pas vous dire que nous allons déposer sur la table une montagne d'argent. Vous savez que le gouvernement n'a pas les moyens de subventionner tous ceux qui souhaiteraient recevoir des subventions gouvernementales pour se loger. Nous allons continuer à concentrer nos efforts en priorité sur les éléments les plus démunis de la société.

Je voudrais simplement revenir à Logipop. En fait, je n'ai presque plus de temps. À plusieurs reprises, vous avez parlé de Logipop II dans vos... Je crois qu'on vous

a demandé à quelques reprises de nous faire des suggestions. Est-ce que vous auriez des suggestions à nous faire en ce qui concerne des modifications au programme Logipop II? Vous dites que vous l'attendez. Nous vous disons régulièrement: Est-ce que vous avez des suggestions à faire pour un programme semblable?

Mme Trudeau (Paule): Premièrement, on aimerait savoir s'il y en aura un cette année. Il était attendu pour l'automne, mais on n'a pas de nouvelles.

M. Bourbeau: On vous a dit à quelques reprises...

Mme Trudeau: Si vous nous dites que vous attendez encore nos opinions là-dessus...

M. Bourbeau: ...lors de nos discussions que, puisque vous prétendez que l'ancien programme n'était pas toujours très à point, on aimerait avoir vos suggestions sur un tel programme. Vous connaissez nos priorités. On ne demande pas mieux que de bénéficier de vos conseils. Vous savez que nous voulons axer nos efforts surtout sur les populations et les citoyens les plus démunis. Nous sommes ouverts à toute suggestion.

Le Président (M. Saint-Roch): La réponse de madame clora le temps alloué aux députés ministériels. Madame, brièvement, s'il vous plaît.

Mme Trudeau: On pourrait dire qu'un programme qui s'adresserait à l'achat-rénovations est fortement attendu. Il est bien beau de dire qu'on veut lever le moratoire pour permettre l'accès à la propriété, mais, encore là, il faut donner des programmes qui vont s'adresser à la grande majorité de la population. C'est évident que la grande majorité de la population qui habite à Montréal et qui est présentement locataire n'est pas en mesure, sans aide gouvernementale, d'y accéder. De plus en plus, les programmes qui permettent la mise sur pied de coopératives d'habitation ne permettent pas aux gens de faire la rénovation de leur logement. Donc, c'est tout le domaine de la rénovation qui est laissé pour compte au profit du marché privé, de la copropriété. Pour nous, c'est comme un accord que le gouvernement donne pour l'entrée d'une population plus aisée et l'exode de la population qui est en place. Pour nous, c'est important qu'il y ait une politique du logement qui tienne compte des quartiers où demeurent les populations, du revenu des gens et du marché aussi, dans le sens que s'il y a des quartiers qui sont fortement spéculatifs, il faudrait que les budgets permettent de pouvoir mettre en place des coopératives d'habitation ou des organismes sans but lucratif parce que, présentement, les programmes ne le permettent pas dans les quartiers centraux, entre autres.

M. Martel: Quant à savoir...

Le Président (M. Saint-Roch): Très brièvement, s'il vous plaît.

M. Martel: ...si nous avons des suggestions concernant un programme, je dois vous dire que oui. La Confédération des coopératives d'habitation du Québec travaille actuellement à la définition d'un programme ou d'éléments qui pourraient faire partie d'un programme et la Coordination nationale des GRT travaille avec elle dans ce sens aussi. Mais c'est la Confédération des coopératives d'habitation du Québec qui travaille plus particulièrement à cet aspect. Nous, nous appuyons le travail de la confédération.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie. Nous en sommes maintenant aux remarques de conclusion. M. le ministre, de brèves remarques de conclusion, s'il vous plaît.

M. Bourbeau: M. le Président, si je me suis permis de vous demander vos suggestions, c'est que, justement, nous avons des problèmes à articuler un programme, compte tenu de la décision politique du gouvernement de consacrer l'essentiel de ses ressources en matière d'habitation aux citoyens les plus démunis. Vous êtes au courant de cette philosophie qui sous-tend la nouvelle entente fédérale-provinciale en matière d'habitation. Il s'agit d'un genre de vases communicants. Nous avons tant de millions de dollars par année à consacrer à l'aide à l'habitation. Par exemple, si l'on donne de l'argent en subventions aux citoyens à revenu moyen, c'est autant qu'on enlève aux citoyens les plus démunis. Or, on ne peut pas, comme gouvernement responsable, enlever des dollars pour venir en aide aux plus démunis et les donner à des gens dont les revenus sont plus élevés. Puisqu'il faut choisir, nous faisons le choix d'aider en premier lieu tous les citoyens qui sont au bas de l'échelle.

Compte tenu de cette philosophie que nous avons, il est difficile de mettre au point un programme où les bénéficiaires seraient des gens dont les revenus seraient plus élevés. C'est comme cela que, dans le programme Logipop II, il y avait de 60 % à 65 % de la clientèle qui n'était pas parmi les plus démunis. Probablement qu'en tenant compte de ces données, vous pourrez peut-être essayer de nous donner quelques conseils, quelques suggestions. C'est ce qui nous crée des problèmes actuellement. Je connais votre expertise et votre expérience. Probablement, en réfléchissant à cela, qu'on

pourrait échanger des avis sur le sujet. Oe toute façon, votre mémoire est très intéressant. Nous en avons pris connaissance. Nous allons continuer de regarder votre mémoire et l'ensemble des suggestions qui nous sont faites. Je peux vous assurer que, dans les prochains mois, on aura l'occasion de se revoir pour discuter de tous ces sujets, j'en suis convaincu.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le ministre. M. le député de Shefford.

M. Paré: Merci, M. le Président. Moi aussi, je vous remercie. Je trouve pertinent que vous soyez venus nous faire part du point de vue des coopératives dans cette discussion qui est très importante. Je suis toujours surpris d'entendre le ministre vous féliciter et reconnaître l'excellent travail que vous effectuez, parce que c'est vrai et que, en même temps, il tienne le discours d'aide aux plus démunis quand, de façon totale, à l'exception de lui-même, tout le monde reconnaît que les coopératives et les OSBL sont une voie d'aide aux plus démunis. Le ministre refuse de reconnaître cela, il dit qu'il veut aider les plus démunis, mais il refuse les coops. Et, en même temps, il vous félicite et veut aider les plus démunis, alors qu'il met à mort une majorité des groupes de ressources techniques. En même temps qu'il fait passer la subvention de capital de 6000 $ par unité à 3000 $, il fait en sorte, et c'est toujours dans le rapport annuel de 1986, pour ce qui est des subventions de capital, que les logements réalisés en coop, dans le programme Logipop, passent de 3949, en 1985, à 1973, en 1986.

Encore une fois, il y a diminution. Il faut arrêter de faire accroire aux gens que tout augmente. Ce sont les chiffres du vrai ministre de l'Habitation qui est assis à côté de vous.

M. Bourbeau: Ils n'ont pas l'air de se plaindre.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le député de Shefford. Maintenant, je cède la parole à M. Martel pour de brèves remarques de conclusion, s'il vous plaît.

M. Martel: D'abord, si nous sommes d'accord pour faire des suggestions à vos demandes, concernant les programmes, je peux comprendre aussi les contraintes que vous avez. Vous êtes liés avec le gouvernement fédéral en ce qui concerne l'entente-cadre, etc. Sauf qu'il nous apparaît complètement aberrant que l'on ne puisse pas faire de projet en achat-rénovations au Québec, alors que notre stock de logements a un certain âge. La démographie ne conseille pas nécessairement de faire énormément de construction. Si on veut intervenir dans l'achat-rénovations, il devra y avoir, à notre avis, un effort, même si je sais que vous avez des contraintes budgétaires aussi, il devra y avoir un effort, dis-je, du gouvernement pour réintroduire les ménages à revenu modéré à l'intérieur des programmes de coops. Cela m'apparaît un élément fondamental.

Pour ce qui est du moratoire, ce que nous souhaitons ardemment, c'est que vous le mainteniez, que vous l'élargissiez aux immeubles de cinq logements et moins et que vous ajoutiez des éléments au contrôle de l'éviction pour rénovations majeures et que vous découragiez le harcèlement et la discrimination. Aussi, ce que nous souhaitons le plus, c'est que vous présentiez une politique du logement sur laquelle nous pourrons nous prononcer. Et nous allons nous prononcer, soyez-en certain, cela nous intéresse au plus haut point.

En terminant, je veux vous dire merci de nous avoir entendus.

Comité logement-aménagement Centre-Sud

Le Président (M. Saint-Roch): Je remercie la Coordination nationale des GRT pour sa contribution aux travaux de cette commission. Je demanderais maintenant au Comité logement-aménagement Centre-Sud de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît!

À l'ordre, s'il vous plaît! Permettez-moi, dans un premier temps, de vous souhaiter la bienvenue aux travaux de la commission de l'aménagement et des équipements. Je demanderais au porte-parole de bien vouloir s'identifier et d'identifier les gens qui l'accompagnent, s'il vous plaît!

Mme Brais (Nicole): Bonsoir. Mon nom est Nicole Brais. Je travaille au Centre Saint-Pierre qui est un organisme situé dans le Centre-Sud. À ma gauche, c'est toujours Paule Trudeau qui représente ici le Groupe de ressources techniques en habitation de Montréal et les Habitations communautaires Centre-Sud; directement à ma gauche, Luc Leblanc du Comité-logement Centre-Sud et, à ma droite, le curé Roger Dufresne de la paroisse Sacré-Coeur, qui représente aussi le Conseil de pastorale Centre-Sud.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie. À ce moment-ci, j'aimerais vous laisser la parole pour la présentation de votre mémoire, tout en vous rappelant que vous avez maintenant quinze minutes à votre disposition.

Mme Brais: On va tenter de faire cela même plus court. On sait qu'on est les derniers. J'espère que votre attention est aussi aiguisée qu'elle l'était lundi matin en

commençant. Je représente le Comité logement-aménagement d'Alerte Centre-Sud. C'est un comité permanent d'Alerte Centre-Sud, un regroupement d'une quarantaine de groupes populaires du quartier et d'une centaine de résidents et résidentes.

Le comité, quant à lui, regroupe les organismes qui interviennent dans le domaine de l'habitation ou qui s'en préoccupent parce que leurs membres ou usagers-usagères vivent des problèmes de logement dans le quartier Centre-Sud. (23 h 30)

Le principal objectif poursuivi par Alerte et le Comité logement-aménagement Centre-Sud, c'est le maintien de la population traditionnelle dans les lieux, c'est-à-dire pour les populations à faibles revenus - on parle souvent de la population traditionnelle et du maintien de ces populations dans les lieux - et donc, le choix, pour ces personnes, de demeurer dans le quartier Centre-Sud, qui est d'origine ouvrière et qui est devenu, avec le déclin de plusieurs de ses entreprises, un quartier populaire. On y retrouve des familles monoparentales, des assistés sociaux, des assistées sociales, des personnes âgées, des chômeurs et des chômeuses.

On est très conscient que dans notre mémoire, qui est assez succinct et qui n'est peut-être pas aussi étoffé que d'autres, on ne décortique pas en détail le projet mis de l'avant par le ministre Bourbeau. La raison en est que les organismes membres du Comité logement-aménagement Centre-Sud, dont deux groupes de ressources techniques, une société acheteuse, une association de locataires, l'ont déjà fait à l'intérieur des mémoires présentés par leur regroupement provincial respectif. Ce que nous voulons faire ici, ce soir, c'est surtout attirer votre attention sur une situation de quartier, sur l'impact des rénovations et de la conversion en copropriété, les deux allant souvent de pair, comme plusieurs ont pu vous le dire, et rappeler les besoins urgents en logements sociaux, particulièrement dans les quartiers touchés par la spéculation et la conversion en copropriété. On en a parlé beaucoup cette semaine. C'est le Centre-Sud qu'on représente ici.

En ce sens, notre intervention appuie les positions des groupes comme le FRAPRU, le Regroupement des comités-logement et associations des locataires du Québec et la table des GRT qui se prononcent contre toute conversion en copropriété tant et aussi longtemps qu'on ne se donnera pas une politique globale d'accès au logement reconnaissant le logement comme un bien essentiel et non pas un bien de spéculation. Pour appuyer cette position, le comité présente très succinctement des chiffres pris à même les études menées par les associations de locataires qui démontrent clairement que les logements rénovés et ceux transformés en copropriété deviennent inaccessibles aux gens à faibles revenus. J'ai l'impression de répéter ce que tout le monde a dit jusqu'à maintenant depuis deux jours, mais je pense qu'il est nécessaire de le répéter encore. Ces logements sont inaccessibles à moins que les gens ne déboursent une part très importante de leurs revenus au loyer.

Le Centre-Sud, comme tout le monde le sait, j'espère, est situé en périphérie de Montréal, plus exactement entre les rues Saint-Denis, Sherbrooke, L'Espérance et Notre-Dame. Il subit la pression d'expansion du centre-ville. Ainsi, la population traditionnelle qui y habitait se trouve souvent déplacée par une population nouvelle, plus jeune, plus scolarisée, attirée par la proximité des services du centre-ville, par les logements maintenant rénovés et aussi par la copropriété qui y est offerte.

Les rénovations. Nous parlons beaucoup de l'impact des rénovations parce qu'on sait que cela va aussi de pair avec la conversion en copropriété. Une étude effectuée dans le Centre-Sud, en 1986, par le Comité logement Centre-Sud démontre que, de tous les cas de rénovations majeures enregistrés au mois de juillet 1986 dans le quartier, 54 % impliquaient des corporations immobilières, 27 % des copropriétaires et le reste, des individus propriétaires. Alors, ce sont surtout de grosses corporations qui font des rénovations, très peu de propriétaires résidents.

Il est évident, selon une autre étude menée aussi par le Comité logement Centre-Sud, que les logements subissent, après rénovations, une augmentation moyenne de 74 %. Cela veut dire qu'un loyer qui coûtait 300 $ coûtera 522 $ après rénovations. La moyenne des revenus dans le quartier, en 1981, était de 9243 $ pour les femmes et de 12 350 $ pour les hommes. Cela confirme que, pour les gens du Centre-Sud, l'accès à ces logements rénovés est impossible. Cela signifierait, pour un homme, qu'il devrait débourser 51 % de ses revenus pour le logement et, pour une femme, 68 %. On peut conclure alors assez facilement que les gens comme les femmes chefs de famille, qui sont très nombreuses dans le quartier, ne pourront jamais habiter un logement rénové.

Pour en venir à la conversion en copropriété, l'indivise ou la divise, encore une fois - comme tout le monde le dit - ce n'est pas fait pour les gens du quartier. Je pense que je n'insisterai pas sur la comparaison qu'on fait avec la situation du Plateau-Mont-Royal. Je crois que M. Bourbeau est très peu réceptif à l'étude menée par le Comité logement Saint-Louis. Il n'en demeure pas moins... Disons qu'on va y aller d'un coup d'oeil impressionniste. Quand on se promène dans le Centre-Sud, on voit

que la construction neuve, la rénovation et la conversion en copropriétés ont changé le visage du quartier. On n'a pas besoin de chiffres à l'appui pour être capable de s'en rendre compte. Même si le phénomène est difficile à quantifier - dans le Centre-Sud, on n'a ni les moyens ni le temps, et c'est difficile de toute façon, de comptabiliser la conversion en copropriétés indivises - on croit que les proportions sont semblables à celles du Plateau-Mont-Royal. Ce sont deux quartiers situés en périphérie de Montréal et qui offrent aussi les mêmes avantages.

Par contre, le Comité logement Centre-Sud a mené d'autres études qui démontrent clairement cette évolution. Les évaluations de taxes foncières démontrent que les immeubles de deux et de trois logements, donc ceux dont la conversion en copropriétés est possible par la loi en ce moment, sont ceux qui ont subi les plus fortes hausses d'évaluation foncière, soit de 226 % et de 250 %. Cela démontre clairement que la conversion provoque une hausse plus grande de l'évaluation que pour les logements qui sont moins touchés par celle-ci.

L'étude effectuée en juillet 1986 par le comité logement démontre aussi que près d'un logement sur deux qui subit des rénovations majeures sera transformé en copropriétés. Les chiffres sont plus précis quand on parle de conversion en copropriétés divises. Le. tableau qui vous est présenté au bas de la page - nos pages ne sont pas numérotées - sur l'évolution du nombre d'immeubles, démontre que ce sont les condos et les immeubles à deux logements qui tendent à augmenter dans le quartier et que, par contre, les immeubles de trois logements et ceux de quatre à onze logements, donc ceux qui représentent un stock de logements locatifs, augmentent très faiblement. On peut aussi remarquer que les maisons de chambres diminuent de façon assez draconienne.

C'est la même chose pour les logements rénovés. Les condos, c'est sûr, ne sont pas accessibles aux gens du quartier, quand on sait que, pour un condo non rénové, il faut débourser des mensualités de 482 $ et, pour un condo rénové, 892 $. Si on compare cela, encore une fois, avec les revenus des gens du quartier, cela voudrait dire que les gens débourseraient au-delà de 50 % de leurs revenus pour leur logement. Ce sont les chiffres qu'on vous a fournis.

Ensuite, vous avez les recommandations des groupes membres du Comité logement-aménagement. Je vais présenter celles Interloge Centre-Sud, qui est une société acheteuse dont l'objectif est de retirer du marché spéculatif des immeubles pour ensuite les convertir éventuellement en coopératives d'habitation. Inter-loge demande que le travail fait par les sociétés acheteuses soit reconnu et que ces sociétés soient appuyées dans leur travail par des subventions, entre autres, par des programmes d'aide à la restauration axés sur l'entretien des bâtiments, subventions adéquates pour que les sociétés acheteuses puissent continuer leur travail d'aide à la conversion en coopératives d'habitation. Je vais maintenant demander à Paule Trudeau de présenter les recommandations des groupes de ressources techniques.

Mme Trudeau: il y a deux groupes de ressources techniques dans le quartier Centre-Sud. Ceux-ci proposent, pour maintenir la population traditionnelle dans le quartier ainsi que pour assurer la protection du stock de logements à bon marché, des programmes pouvant s'adresser à la population qui habite le quartier Centre-Sud, laquelle est vraiment à très faibles revenus. Pour cela, il faut des programmes qui tiennent compte de la forte spéculation du quartier, du prix de vente des immeubles et des terrains, qui est très élevé. Je pense qu'on a eu un bon exemple tout dernièrement, dans le dernier appel de propositions de catégorie 1 du programme, du volet provincial. Je pense que ce pourrait être une bonne occasion pour M. le ministre de nous répondre, dans ce cas-ci, parce qu'on lui a adressé une lettre à ce sujet-là.

Le programme catégorie 1 s'adresse justement à la population à très faibles revenus et, sur quatre projets qui ont été présentés quand a été faite la proposition, aucun dans le quartier n'a été retenu.

Je pense que cela cause un problème. Le quartier Centre-Sud est vraiment un quartier où il y a beaucoup de conversions en copropriétés, je pense que cela a été mentionné par différents groupes. Il n'est peut-être pas encore aussi touché que le Plateau-Mont-Royal, mais cela s'en vient, on le suit de très près. Le programme catégorie l devait justement aider au maintien dans les lieux une population qui est à très faibles revenus.

On s'interroge beaucoup sur les critères de sélection des programmes. Quand on sait que ce sont des programmes sociaux et que 50 % du pointage porte sur le coût économique du projet, on se demande comment des projets dans des quartiers comme les nôtres, qui sont, comme je dis, fortement spéculatifs, peuvent être aussi compétitifs. Je pense que ce sont les besoins de la population qui devraient primer et non pas le coût du projet.

Ce serait tout pour moi et j'aimerais si, tout à l'heure, le ministre pouvait répondre.

Mme Brais: Maintenant, Roger Dufresne va présenter les recommandations du conseil de pastorale.

M. Dufresne (Roger): Alors, les recom-

mandations du conseil de pastorale. J'aimerais d'abord faire un petit excursus en six points, qui ne sont pas dans le document, et ensuite arriver aux deux recommandations.

Premièrement, tout cela se base sur un premier désir, soit qu'il y ait une politique globale du logement. On en a parlé souvent, et je continue la litanie - si je peux employer mon vocabulaire - afin d'être exaucé un jour et d'avoir une politique globale du logement qui ferait partie de la consultation pour qu'on puisse vraiment prendre part à la situation. Et en ce sens-là, on demande un gel de la conversion - là aussi, la conversion, c'est dans notre domaine - mais un gel pour tous les logements, et donc, d'étendre le moratoire afin qu'il n'y ait pas de trou dans la loi, parce que c'est embêtant, pendant ce temps-là, d'avoir une loi où il y a des trous.

Deuxième point de mon excursus. Un des rôles du gouvernement, en principe, est de protéger les plus démunis. Je pense que c'est ce que le gouvernement vise. Maintenant, ce n'est pas une question de charité, mais une question de justice. À ce moment-là, je pense que c'est important d'utiliser les moyens adéquats. C'est pour cela qu'il y a une commission où il y a le consensus et l'éclairage nécessaires.

J'aimerais simplement souligner aux membres de la commission que les paroisses en milieu populaire, dans la région de Montréal, sont de plus en plus sensibilisées à la chose. On a eu, depuis le mois de novembre dernier, des regroupements et on s'apprête à écrire une lettre. Il y a une lettre qui est déjà écrite, mais qui est en train de se faire fignoler. Les gens sont de plus en plus sensibilisés, étant donné que c'est quelque chose d'important et d'essentiel, la question du logement.

Même Mgr Grégoire, qui n'est pas considéré comme un gauchiste, je ne pense pas, est alerté par le problème et s'apprête à faire une intervention sur la question du logement, étant donné que c'est une question de justice, une question qui est rendue urgente, et, entre autres, sur l'appauvrissement des gens par le fait qu'il y ait des logements à des coûts exorbitants. C'était mon quatrième point.

Le cinquième point. Dans le fond, ce que l'on demande au gouvernement, ce n'est pas la charité, on demande des moyens justes pour être capables de se battre contre les spéculateurs. Je n'en ai pas encore eu la preuve, mais j'aimerais cela si quelqu'un était capable de me donner la preuve que la spéculation, ce sont les pauvres, les plus démunis, dans le fond, qui en subissent les conséquences. Prouvez-moi le contraire et, à ce moment-là, on pourra lever le moratoire et susciter la spéculation. Mais, pour moi, la spéculation, c'est nécessairement les plus démunis qui en subissent les conséquences.

Quand on a de l'argent, on en fait plus; quand on n'en a pas, on s'en fait manger. Donc, je pense qu'il faut vraiment arriver à faire quelque chose. La levée du moratoire ne nous apparaît pas comme une solution valable; il faut vraiment étendre le moratoire et avoir une politique globale du logement. (23 h 45)

Je rappelle que, dans le Centre-Sud, nous avons essayé de bâtir un projet. Je réitère la question de Paule Trudeau. Je travaille à la corporation pour avoir des maisons de chambres ou des studios pour les gens; on a présenté notre projet et il n'a pas été accepté. On aimerait bien avoir des explications. Là-dessus, il y a un vrai vice de forme: plus on investit de l'argent dans notre projet, plus on a de subventions; plus on est riche, plus on a -des subventions. C'est ce que je comprends des 5D % pour la question des finances. Si on avait investi 10 000 $ ou 100 000 $, on aurait eu un pointage plus fort et on aurait eu plus de chances d'obtenir des logements ou des subventions. Si ce n'est pas le cas, j'aimerais avoir une explication. Merci.

M. Bourbeau: J'aimerais, que vous précisiez votre question. Vous dites que plus vous investissez d'argent... Que voulez-vous dire par cela?

M. Dufresne: Plus le prix moyen par logement est bas, plus on a de pointage dans les subventions. À ce moment-là, plus on investit, moins cela nous coûte cher. Chez nous, à cause de la spéculation, les terrains coûtent très cher. Plus on investit, plus on peut avoir d'argent. Je trouve que c'est le système à l'envers.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le ministre.

M. Bourbeau: D'abord, puisqu'on parle de ce sujet, les critères utilisés dans le cadre du Programme de logement sans but lucratif privé, qui s'adresse essentiellement aux GRT, sont connus. Ces critères sont les mêmes pour tout le monde; c'est ouvert. Les GRT connaissent très bien ces critères.

Vous savez que ce3 projets font l'objet d'appels de propositions publiques avec un jury composé de fonctionnaires. Il n'y a pas de politiciens là-dedans; on n'a pas de possibilité d'intervenir. Cette année... Pardon?

M. Dufour: Ce sont des bénévoles?

M. Bourbeau: Non, ce sont des fonctionnaires payés. Cette année, 198 projets ont été soumis pour 3434 unités. C'est donc dire que les GRT ont quand même considéré qu'ils pouvaient faire 3434

unités à l'intérieur du projet. Ils ont quand même trouvé soit des édifices existants, soit des terrains pour faire des projets.

M. Dufresne: Le problème n'est pas là. On sait qu'il y en a plus. Mais c'est les 50 % pour la question financière.

M. Bourbeau: Là-dessus, au départ, on avait 639 unités à allouer, mais, devant la qualité des projets qui nous ont été soumis, on a réussi à augmenter ce nombre de, disons, 300 unités de plus. On a accepté 929 unités de logement.

Maintenant, c'est sûr qu'on tient compte du rapport de coûts. À ce moment-là, étant donné que ces unités sont subventionnées à 100 % par le gouvernement, c'est sûr que si on nous propose un projet merveilleux avec de la tuile céramique jusqu'au plafond dans toutes les salles de bains, etc..

M. Dufresne: Mais sans aller jusque-là.

M. Bourbeau: ...et que le projet coûte 65 000 $ par unité, un peu comme dans Milton Parc, forcément, ce serait beau et les locataires seraient bien. Mais c'est le gouvernement qui paie et, quand le gouvernement paie, ce sont vos taxes et les miennes.

M. Dufresne: Ce n'est pas là le problème.

M. Bourbeau: Mais le problème, c'est qu'on essaie de favoriser...

M. Dufresne: C'est sur les critères d'évaluation. Où se trouvent les critères d'évaluation? C'est au plan financier. Si, pour faire baisser les prix, quelqu'un investit, à ce moment-là, cela fait augmenter le pointage beaucoup plus. Pouvez-vous nier cela?

M. Bourbeau: Notre souhait, et je pense que les Québécois nous ont élus pour faire une bonne gestion des fonds publics, c'est de faire le plus grand nombre d'unités possible avec l'argent qu'on a. On essaie de favoriser, par les critères que vous connaissez, en partie, en tout cas, les projets les plus économiques, ceux qui ont les meilleurs coûts. Alors, il faut que les GRT se grattent la tête et réussissent à trouver des terrains et des immeubles à recycler et des méthodes de recyclage qui font en sorte que les coûts seront les plus économiques possible.

M. Dufresne: À ce moment-là, ce sont ceux qui n'ont pas d'argent qui sont encore plus défavorisés.

M. Bourbeau: Écoutez, on paie 100 % des coûts. Je ne vois pas pourquoi vous dites cela.

M. Dufresne: Oui, mais c'est dans l'analyse du projet.

M. Bourbeau: Oui, mais les GRT ont des subventions de base à longueur d'année. Actuellement, on paie une subvention totale à 37 GRT et c'est justement pour faire ce travail de démarchage qu'on leur donne des subventions de base au fonctionnement.

Mme Trudeau: Subventions qui n'ont pas été indexées depuis dix ans...

M. Bourbeau: Écoutez...

Mme Trudeau: ...mais la seule chose que je veux dire...

M. Bourbeau: ...on est la seule province...

Mme Trudeau: Juste un instant! Est-ce que je peux...

M. Bourbeau: ...au Canada à subventionner des GRT; même le gouvernement fédéral, qui les subventionnait, a cessé de 'le faire. Alors, je ne voudrais quand même pas qu'on exagère. Ici, on subventionne 37 GRT, oui, pour au-delà de 2 000 000 $ par année. Il n'y a aucune autre province au Canada qui le fait. Il faut quand même être honnête avec le gouvernement.

Dans l'annonce qu'on a faite, sur une période de trois ans, on va diminuer les subventions aux GRT, mais on maintient quand même, dans chaque région du Québec, au moins un GRT. C'est mieux que ce qui se fait ailleurs, car il ne se fait rien.

M. Dufresne: Oui. Maintenant, pour le pointage des projets - je reviens à cette question - vu que j'ai présenté un projet avec un groupe, je suis quand même un petit peu au courant. Le problème, c'est qu'il n'y a pas de points accordés à la question du milieu, si c'est un milieu défavorisé ou non, s'il y a de la spéculation par rapport aux terrains. Pour les gen3 qui sont dans un milieu comme chez noua, le Centre-Sud, un terrain coûte cher. C'est sûr qu'au départ on a des problèmes, mais est-ce que c'est parce qu'on est dans le Centre-Sud qu'il faut qu'on soit pénalisés à cause de cela?

C'est sûr qu'il y a des améliorations possibles, mais il y a ce problème. C'est sûr qu'il faut essayer de faire le plus possible avec l'argent. Vous avez à faire une administration la plus saine possible, mais il reste que le gouvernement a quand même à voir à ceux qui sont les plus démunis. Je pense que, quant aux critères, il y aurait peut-être quelque chose à faire.

M. Bourbeau: II est sûr que, sur ce point, les terrains sont plus dispendieux au centre-ville; on le reconnaft, d'ailleurs.

M. Dufresne: C'est 20 $ le pied carré et 4 $ à Repentigny.

M. Bourbeau: Oui. La ville de Montréal, d'ailleurs, a des problèmes à trouver des terrains pour les HLM. Évidemment, c'est sûr que, lorsque l'on paie un terrain 20 $ le pied carré pour y mettre des appartements pour se loger, cela fait des logements plus cher.

M. Dufresne: Bien oui.

M. Bourbeau: Beaucoup plus cher. C'est sûr que cela coûte moins cher ailleurs. On pourrait peut-être regarder cela. Par contre, nous avons aussi des contraintes d'argent.

M. Dufresne: Oui, c'est sûr.

M. Bourbeau: Est-ce qu'on va nous laisser subventionner des logements à loyer modique à 20 $ le pied carré pour le terrain? C'est autre chose. Je ne suis pas sûr qu'on va réussir à convaincre le gouvernement fédéral qu'on devrait payer 20 $ le pied carré pour des terrains afin d'y construire des logements à prix modique. C'est autre chose.

Mais je ne dis pas qu'on ne pourra pas considérer ce point de vue. Il serait intéressant, probablement, que vous preniez contact avec nos gens, à la SHQ. On va voir si on ne pourrait pas introduire ce facteur supplémentaire dans les critères.

M. Dufresne: Merci.

Le Président (M. Desbiens): Avez-vous terminé, M. le ministre?

M. Bourbeau: Est-ce qu'il reste encore du temps? Bien, je vais laisser la parole à notre ami. Vous pourrez peut-être me donner le temps après.

Le Président (M. Desbiens): Il reste sept minutes.

M. Bourbeau: Allez-y.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Shefford.

M. Paré: Rapidement et, ensuite, je laisserai la parole à mon collègue, par alternance. Premièrement, je vous remercie aussi parce que c'est important, même si vous avez dit, au début de votre présentation, que vous avez l'impression de répéter et d'utiliser des arguments qui ont déjà été dits.

Mme Trudeau: ...répéter.

M. Paré: Je dois vous dire que c'est important parce que je suis sûr que, de l'autre côté, on avait souvent l'impression que la spéculation n'était pas aussi grave que cela et ne touchait pas autant de monde. On s'y référait très souvent et, vous l'avez dit, on a contesté et les chiffres de Plateau-Mont-Royal... Il faut que les gens soient bien sensibilisés au fait que cela touche un paquet de gens et que cela commence à toucher tout le monde. C'est probablement la seule façon de les faire changer d'idée. La preuve, vous avez vu que le discours a déjà changé énormément aujourd'hui. Pourquoi? Parce que, là, on s'est aperçu qu'il y avait des gens...

Juste comme cela - j'écrivais en vous écoutant tantôt - il y a des gens de Saint-Henri, Notre-Dame-de-Grâce, Côte-Saint-Luc, Mont-Royal, Pointe-Saint-Charles, Centre-Sud, Plateau-Mont-Royal et même Westmount, Hochelaga-Maisonneuve, Rosemont et Rivière-des-Prairies qui, depuis hier, sont venus nous dire que, dans leur coin, c'était inacceptable et dangereux, qu'on était craintifs et qu'on voulait des coopératives d'habitation. Plus il y en a qui le disent, plus il y a des chances que cela reste un peu entre les deux oreilles, à un moment donné, et que cela aboutisse à quelque chose.

Je vais vous dire une petite chose qui est importante. On a adopté un projet de loi, il n'y a pas tellement longtemps, en juin, à la toute dernière minute, très rapidement -je me rappelle, on en était à cette heure-ci quand le ministre a commencé à faire son charriage - sur Milton Parc et on est dans Milton Parc justement, ici. La raison pour laquelle on l'a adopté, c'était pour empêcher la spéculation dans Milton Parc et préserver les coopératives. De beaux arguments, n'est-ce pas? On l'a adopté, il devait être deux heures du matin, mais on a accepté d'adopter une loi spéciale pour préserver le quartier, empêcher la spéculation et permettre aux coopératives de garder leurs sociétaires. Ici, c'est un projet spéculatif. Je pense que c'est bon de se rappeler cela et de le rappeler. Que cela se passe ici aujourd'hui, je pense que c'est une très bonne chose.

Il y a aussi un autre petit point. Lorsque le ministre parle des GRT, moi, je m'en fous complètement qu'il n'y en ait pas à Terre-Neuve et à l'île-du-Prince-Édouard. Si le ministre est en train de nous dire qu'il veut nous rendre une province comme les autres, avec l'intention de tous les abolir et qu'il commence déjà, je dois vous dire qu'il va falloir qu'il tienne compte aussi de presque tous les groupes qui ont passé et qui demandent le contraire. J'espère qu'il va retenir cela et qu'à partir de l'an prochain, au lieu de continuer sur une pente glissante,

cela va commencer sur une pente remontante. Le discours qu'il vient de tenir n'est pas très encourageant.

Une autre question et je vais arrêter, parce que mon collègue a aussi des questions à poser. Considérez-vous les coopératives comme une formule d'aide pour les plus démunis? Ce n'est pas le discours du ministre. Je voudrais savoir, comme on le retrouve dans votre mémoire et dans la plupart des mémoires, si les coopératives, c'est pour aider les plus démunis. Si oui, que le ministre le dise. C'est une formule qui pourrait augmenter les crédits pour en aider le plus possible.

Mme Trudeau: Je pense que la formule coopérative a démontré qu'elle permettait justement l'accès à la propriété collective à des gens à revenus très faibles et modérés. Peut-être le seul hic qu'on peut voir ces dernières années avec justement toute l'entente-cadre fédérale-provinciale, c'est qu'avec la modification des programmes -cela a été modifié - en voulant mettre de moins en moins d'argent, ils ont pris un volet coop pour des gens à revenus un peu plus élevés que ceux qu'on desservait avant. Il y a un programme pour les gens vraiment à "besoins impérieux", à très très faibles revenus, mais toute une classe de gens qu'on desservait avant et qu'on n'est plus capable de rejoindre, soit ceux qui gagnent entre 15 000 $ et 20 000 $, sont laissés pour compte dans les programmes gouvernementaux. C'est pour cela que les groupes de ressources techniques demandent une politique du logement qui tienne compte des revenus des gens et des programmes qui permettent aussi la mixité des revenus. Quand on parle de vouloir faire du maintien dans les lieux, ce n'est pas juste une population qui est dans un immeuble x. Il peut y avoir des gens à très faibles revenus et des gens à revenus moyens. À un moment donné, il faut permettre qu'il y ait des programmes un peu plus flexibles qu'ils ne le sont présentement.

M. Paré: De toute façon, dans la mixité des revenus, tel que vous parlez, il y a aussi une différenciation en ce qui a trait au loyer à payer.

Mme Trudeau: Bien oui, évidemment. On ne demande pas que les logements soient la même chose pour n'importe quel revenu. Ce n'est pas cela qu'on demande du tout. Ce que nous demandons, c'est que les gens consacrent une part raisonnable de leurs revenus, qu'ils ne consacrent pas 40 % de leurs revenus au logement. C'est cela, la réalité des gens à très faibles revenus et aussi de toute la population laissée-pour-compte, de 15 000 $ à 20 000 $. Il ne faut se le cacher, un 4 1/2 pièces, c'est au moins 450 $. Ce sont des gens qui gagnent plus de 20 000 $ qui peuvent aller payer cela. Un 4 1/2 pièces, il ne faut pas que ce soit une trop grande famille. À la minute que la famille grossit, là, où se loge-t-on?

M. Paré: Merci.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre. Est-ce que vous revenez?

M. Bourbeau: Oui. Alors, je remercie nos invités de leur contribution. Nous avons l'intention, au cours des prochains mois, de présenter un document sur les grandes orientations que le gouvernement entend suivre en matière d'habitation au cours des prochaines années. Bien sûr, il ne faudrait pas penser qu'une politique de l'habitation, cela se résume à une montagne d'argent que l'on met sur la table. C'est beaucoup plus que cela, je pense, et ce n'est pas que cela. C'est loin d'être cela. Si on s'attend qu'on remplace une politique de l'habitation par un chèque, je pense qu'on va être déçus, (minuit)

Nous prenons la peine présentement de faire une commission parlementaire à laquelle nous passons beaucoup d'heures: tôt le matin à tard le soir. C'est pour entendre ce que les gens ont à dire. Nous entendons des gens qui viennent de tous les groupes, de toutes les couches de la société. Vous êtes un exemple de gens qui nous ont fait part d'un point de vue original. Nous avons connu des personnes âgées, des propriétaires, des locataires, des jeunes, des étudiants, etc., et des gens qui ont été harcelés, évincés. Je peux vous assurer que cette commission parlementaire servira certainement à nous permettre de colmater beaucoup de brèches dans le système.

Sans vouloir faire de politique, parce que je sais qu'on va parler après moi, je voudrais quand même signaler que ces brèches existent depuis longtemps, elles ne sont pas survenues le 2 décembre 1985. Les problèmes qui existent présentement ont pris naissance il y a longtemps et se sont aggravés avec le temps. Nous avons pris quelques mois pour réfléchir sur le sujet et pour consulter. Je peux vous assurer que j'ai fermement l'intention, au mois d'octobre prochain, lors de la reprise de la session, d'intervenir législativement pour tenter d'améliorer sensiblement le sort des locataires en ce qui concerne l'accession à la propriété. C'est l'un des points que vous soulevez à l'intérieur des objectifs que nous nous sommes déjà donnés de venir en aide, en priorité, aux éléments les plus démunis de la société. Nous allons tenter de faire un effort pour permettre à tous les citoyens d'être mieux logés. Merci.

Le Président (M. Desbiens): M. le

député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: Je n'ai que sept minutes, je vais être obligé de télégraphier. Bravo s'il y a une législation! On va peut-être avoir les 26 000 000 $ qui nous avaient été promis dans le comté de Saint-Jacques et qu'on attend toujours.

Je voudrais tout de suite dégonfler les chiffres qui sont véhiculés: dans le Centre-Sud, un tiers de la population est nouvelle depuis cinq ans. Je vérifie seulement par un instrument que j'ai comme député, donc comme un gars qui a été candidat. Alors, c'est un tiers de la nouvelle population. Or, comment se fait-il qu'il y ait moins de population en 1985 qu'il n'y en avait en 1980? Il y a eu des mouvements de population inévitablement.

La deuxième chose: pour les 56 000 logements sur le Plateau-Mont-Royal, j'aimerais bien savoir combien sont vacants actuellement. Cela pourrait peut-être ramener vos 56 000 à des données plus intéressantes. Mais on va revenir sur ce rapport de la SHQ qui m'intrigue drôlement.

Voici la question que j'aimerais vous poser: Sur la rue Ontario au coin de Visitation, l'immeuble qui a été incendié et qui a fait trois morts - je ne sais pas si on a eu le rapport des pompiers, il y a peut-être eu une main aidante - êtes-vous capable d'acheter cet immeuble? Sinon, qu'est-ce qui va arriver avec cet immeuble?

Mme Trudeau: La seule chose, je sais qu'il a été revendu juste après le feu, mais je ne peux pas répondre vraiment sur ce qui va se passer avec cet immeuble.

M. Boulerice: Bon. Mais vous n'êtes pas capable de l'acheter?

Mme Trudeau: II n'y a aucun programme qui permettrait cela.

M. Boulerice: Aucun programme ne le permet actuellement. D'accord. Les condos sur Alexandre-de-Sève et celui qui est construit en face de la station de métro Papineau sont-ils occupés par la population traditionnelle de Saint-Jacques qui peut maintenant bénéficier d'un logement de meilleure qualité?

Mme Brais: Je ne sais même pas si cela vaut la peine de répondre à cela, on a vraiment démontré que les condos ne sont pas accessibles aux gens du quartier. Les constructions neuves en ce moment, on dit qu'il n'y a pas de terrains vacants, mais c'est surprenant de voir les constructions neuves qui émergent un peu partout actuellement, quelquefois sur le peu de terrains vacants qui restaient ou encore sur des lieux de démolition. C'est du condo dispendieux de 55 000 $, 65 000 $ et 75 000 $, pour un logement.

M. Boulerice: Par contre la coopérative qui est sur Beaudry depuis un bon petit bout de temps, à côté du comité social, est-ce que ce sont des gens de Saint-Jacques qui sont là?

Mme Brais: Nous avons mené une petite enquête dans le secteur où je travaille, auprès des coopératives d'habitation du quartier et, à l'intérieur des coopératives, c'est 60 % des résidents qui demeurent dans le quartier depuis cinq ans et plus. Cela veut dire que ce sont des résidents de longue date, d'avant la période d'exode ou de changement de la population.

M. Boulerice: Donc, c'est une bonne solution: la coopérative maintient les populations traditionnelles?

Mme Brais: C'est comme la question de M. Paré tout à l'heure, c'est un peu piégé. Les programmes de coopératives d'habitation répondaient à des besoins et ont servi à maintenir une population traditionnelle dans les lieux, tel que cela existait il y a une couple d'années. C'est de plus en plus difficile parce que, pour les gens, cela devient trop cher, encore à cause du phénomène de la spéculation et des coûts de loyer que cela entraîne, même dans les coopératives d'habitation; 300 $ par mois, c'est difficile à assumer pour des gens à faibles revenus.

M. Boulerice: J'aimerais poser une question à l'abbé Dufresne. Vous êtes prêtre dans le Centre-Sud depuis quelques années déjà, vous êtes même curé d'une paroisse dans le Centre-Sud; abruptement, comment le clergé s'inscrit-il là-dedans, actuellement?

M. Dufresne: En fait, ce n'est pas juste la position d'un curé. Le conseil de pastorale du secteur, depuis le mois de novembre, met une priorité sur la question du logement, étant donné que c'est rendu un problème majeur, un problème de fond. Il y a même une trentaine de paroisses au moins à Montréal, dans les quartiers populaires, où on a justement une réflexion, une mobilisation au sujet du logement. Alors, je ne suis pas seul, là-dedans.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, Mgr Grégoire a trouvé cela tellement important que l'on a passé une réunion du conseil presbytéral - c'est-à-dire une réunion de tous ses prêtres représentants et conseillers - sur la question du logement. Devant l'ampleur du problème, il a dit: Je pourrais peut-être faire une déclaration à un moment donné. Évidemment, nous étions au mois de juin et il a dit: On va attendre à l'automne, parce

que c'est quelque chose de fondamental, c'est un problème de fond. J'ai parlé avec lui pendant une demi-heure sur la question du logement: Des personnes âgées sont en train de se faire chasser de leur logement, qu'est-ce que je peux faire? Où est-ce que je peux les envoyer? Il me demandait: Avez-vous des adresses? Avez-vous des numéros de téléphone? Y a-t-il des lois? Y a-t-il des possibilités? Je lui disais: Bien, à telle place, c'est possible, mais c'est difficile à cause des trous dans la loi.

M. Boulerice: Vous me dites que Mgr Grégoire s'apprête à prendre une position publique au début de l'automne.

M. Oufresne: Oui.

M. Boulerice: Dites-lui que c'est fort opportun, que cela pourra inspirer le ministre, j'ose l'espérer.

M. Dufresne: Peut-être. C'est cela.

M. Boulerice: Peut-être. Venant d'aussi haut, cela pourra peut-être l'inspirer.

M. Dufresne: C'est cela, on verra.

M. Bourbeau: II pourrait peut-être se présenter à la chefferie du Parti québécois aussi.

M. Boulerice: Bien non, parce que, comme il combat le péché, je pense qu'il aurait plus à faire au Parti libéral. Et les quêtes sont publiques dans les églises. Au Québec, c'est bien différent des campagnes de financement et c'est gratis, serrer la main de Mgr Grégaire, je vous dirai cela, moi.

Le président me fait signe que, malheureusement, le temps très réduit est écoulé. Je remarquais les failles méthodologiques du document sur le plateau. Je pense qu'il y a une faille sur le plan du logement.

M. Leblanc (Luc): J'aimerais, si possible, prendre la parole. Je n'ai pas encore parlé là-dessus. Il ne s'agit pas de refaire une guerre de chiffres, mais il reste qu'il est très difficile, que ce soit sur le plateau ou dans d'autres quartiers de Montréal ou ailleurs au Québec, peu importe, de connaître non pas le nombre de copropriétés divises - cela va, elles sont enregistrées comme telles au service de l'évaluation immobilière de la ville de Montréal - mais, pour ce qui est de la copropriété indivise, cela reste encore un problème majeur.

Moi aussi, je lisais la note, tantôt. On parle de Statistique Canada. Statistique Canada tient compte des propriétaires occupants. Sur la note du ministre, il y a un calcul qui fait qu'on déduit des propriétaires occupants par une proportion normale de propriétaires occupants qui existaient en 1981 et qu'on reporte sur 1986. On fait !a soustraction et on dit qu'il y en a eu 12 000 de plus et on arrive... En tout cas, tout cela pour dire que j'aimerais, si possible - je ne saÎ3 pas si c'est le lieu pour dire cela - que ce soit une recommandation au ministère du Revenu, qu'on écrive cela sur le rapport d'impôt: Je suis un propriétaire indivise occupant.

Il faut aussi parler d'occupation. M. le ministre, le député de l'Opposition et moi, on pourrait être propriétaires de l'ensemble du complexe de la Cité et on serait des propriétaires indivis aussi. Il faut aussi parler de mode d'occupation. J'aimerais qu'il y ait une façon que cela soit enregistré à la Régie du logement pour qu'à l'avenir, quand on interviendra dans ce dossier, on puisse savoir exactement de quoi on parle et le nombre. À un moment donné, cela devient problématique de savoir quelle est l'ampleur de ce phénomène quand ce n'est enregistré nulle part. Cela complète mon intervention.

Le Président (M. Desbiens): Allez-y. Est-ce que vous avez terminé?

M. Leblanc: Oui, oui.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre, avez-vous des observations finales?

M. Bourbeau: Si on a fait circuler le document, ce n'est pas parce qu'on veut s'attaquer à M. Durocher qui avait fait l'étude; on ne s'attaque pas au personnage. Mais quand on a des renseignements qui nous paraissent corrects sur le plan de la méthodologie, surtout s'ils sont tirés de Statistique Canada... C'étaient des données qui n'étaient pas disponibles l'année dernière et qui le sont maintenant, je pense que cela valait la peine, comme vous le dites, de replacer les chiffres dans leur contexte pour savoir quelle est l'ampleur du phénomène. Cela ne veut pas dire que sur le Plateau-Mont-Royal, il n'y a pas eu de déplacements; c'est bien évident qu'il y en a eu. Ce n'est peut-être pas 13 000, mais il y en a certainement eu un bon nombre.

Le mémoire que vous avez soumis et la présentation que vous en avez faite auront servi à une bonne discussion sur ces sujets. Je peux dire à M. l'abbé que j'ai déjà eu une discussion avec le président de la Société d'habitation du Québec qui n'a pas manqué un seul mémoire depuis le début. Il est possible, effectivement, qu'on tienne compte, la prochaine fois qu'on aura un programme, des différents territoires à l'intérieur de la ville de Montréal, pour allouer - c'est une possibilité - des unités

par zones, de façon à tenir compte du phénomène dont vous pariez. On va en discuter. Mais ce serait intéressant que vous puissiez discuter avec M. Arsenault qui est ici à côté de moi. Ne serait-ce que pour ceia, votre présence ici n'aura pas été inutile.

Merci de votre contribution. On tiendra certainement compte de ces points de vue dans la décision finale que nous aurons à prendre. Merci.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Shefford, pour terminer.

M. Paré: M. le Président, pourrais-je demander un vote sur la proposition gouvernementale?

M. Boulerice: J'appuie, M. le Président.

M. Bourbeau: Cela dépend quels sont les gens qui sont ici.

Le Président (M. Desbiens}: Nous sommes en...

M. Bourbeau: Peut-être que ceux qui sont ici... Mais il y en a d'autres qui sont venus avant qui auraient voté pour, vous le savez.

M. Paré: Non, non, ce sont les gens qui sont à la table qui ont le droit de vote.

M. Garon: La majorité pourrait s'exprimer.

M. Paré: Oui, en terminant. C'était une blague pour montrer l'intérêt de l'habitation. Je voudrais vous remercier et je dois vous dire que je sais l'intérêt que vous portez au problème du logement dans votre secteur et je vous en félicite. J'ai eu la chance d'assister à quelques rencontres, dont une assemblée publique où le ministre ne s'était pas présenté. Je dois dire...

M. Boulerice: II est allé à West mount, par exemple.

M. Dufresne: Ce n'est pas vrai. Il était invité depuis un mois.

M. Boulerice: II était invité, oui, sauf qu'il est allé à Westmount à la place.

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. le député de Shefford, avez-vous terminé?

M. Paré: Non.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Shefford, vous avez la parole.

M. Paré: Je conclus tout simplement en vous remerciant d'être venus. Votre contribution est très importante. Je vous félicite de votre implication. Je suis sûr que vous n'avez pas fait ces démarches pour rien. Lorsque le ministre a dit qu'il va demander au président de la SHQ de faire des études par zones et par territoires, je pense que cela aurait dû être fait avant qu'on présente un document semblable.

M. Bourbeau: C'est bien beau de blâmer les autres. Vous avez été là durant neuf ans, vous n'avez rien fait.

Le Président (M. Desbiens): Pour le mot de la fin.

À l'ordre, s'il vous plaîtî

M. le député de Shefford, avez-vous terminé?

M. Bourbeau: C'est pour cela que vous êtes dans l'Opposition.

M. Paré: Non, je n'ai pas fini.

Le Président (M. Desbiens): Alors, si vous voulez conclure.

M. Paré: Si le ministre peut se calmer avant qu'on l'attache. Je dois dire...

Des voix: Ha! ha!

M. Bourbeau: Pas besoin de m'attacher. Cela va très bien.

M. Paré: Lorsque le ministre dit qu'on n'a rien fait - je vais conclure là-dessus -avant 1977, il n'y avait aucun programme venant en aide aux coopératives, donc aux GRT. Je dois dire que j'en suis très fier, on y a cru et on y croit encore. J'espère que, comme dans d'autres domaines, les libéraux ne détruiront pas tout. Merci.

Le Président (M. Desbiens): Madame, est-ce que vous avez un mot de la fin?

Mme Brais: Oui, je voudrais juste conclure en disant que c'est sûr qu'on n'est pas ici et que la commission n'est pas là pour régler des problèmes à la pièce. On a pris beaucoup de temps pour discuter du projet présenté par le comité dont fait partie M. Dufresne. Il reste que cet exemple démontre clairement une certaine incohérence. Dans les quartiers les plus touchés par la spéculation, les projets qui pourraient faciliter le maintien dans les lieux, que ce soit là qu'ils soient le plus irréalisables à cause des coûts entraînés par la spéculation, il y a là une espèce d'incohérence, c'est le moins qu'on puisse dire, surtout que ce projet en est un de maison de chambres, donc à l'intention de

chambreurs et qu'il a été présenté dans le cadre de l'année des sans-abri. C'est là-dessus que je conclus.

Le Président (M. Desbiens): Nous vous remercions de votre contribution aux travaux de la commission.

Nous ajournons nos travaux jusqu'à demain matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 0 h 15)

Document(s) related to the sitting