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Version finale

33rd Legislature, 1st Session
(December 16, 1985 au March 8, 1988)

Thursday, August 20, 1987 - Vol. 29 N° 83

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale portant sur la levée du moratoire sur la conversion des immeubles locatifs en copropriété divise


Journal des débats

 

(Dix heures six minutes)

Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission de l'aménagement et des équipements reprend maintenant ses travaux pour poursuivre la consultation générale portant sur la levée du moratoire sur la conversion des immeubles locatifs en copropriété divise. Est-ce qu'il y a des remplacements ce matin, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Oui, toujours aux remplacements permanents s'ajoute le remplacement suivant: M. Gauvin (Mont-magny-L'Islet) sera remplacé par M. Joly (Fabre).

Association des urbanistes et des aménagistes municipaux du Québec

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le secrétaire.

Je demanderais au représentants de l'Association des urbanistes et des aménagistes municipaux du Québec de prendre place et à son porte-parole de s'identifier, ainsi que la personne qui l'accompagne.

M. Pelletier (Pierre): Bonjour. Mon nom est Pierre Pelletier; je suis président de l'association des urbanistes et je suis accompagné par M. Jacques Besner qui est le secrétaire trésorier de l'association.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie. Alors, à ce moment-ci, j'aimerais vous rappeler que vous avez quinze minutes pour présenter votre mémoire.

M. Pelletier: Merci. M. le ministre, MM. les députés, M. le président de la SHQ, je suis heureux, au nom de l'association, de présenter la position de l'association à la commission parlementaire de l'aménagement et des équipements, ce matin, concernant la levée du moratoire sur la conversion des logements locatifs en unités de copropriété divise.

Pour le début, je vais laisser la parole à mon collègue et je reprendrai, ensuite, pour une autre partie du texte.

M. Besner (Jacques): L'Association des urbanistes et des aménagistes municipaux du

Québec désire tout d'abord féliciter le gouvernement du Québec pour sa décision de mener une consultation élargie sur le projet de levée du moratoire.

L'Association des urbanistes et des aménagistes municipaux du Québec a été fondée en 1974 et regroupe uniquement des professionnels de l'aménagement de municipalités locales et régionales. À ce jour, l'association compte environ 120 membres à l'emploi d'une soixantaine de municipalités locales et régionales de toutes tailles et situées aux quatre coins du Québec.

Maintenant, notre position sur la levée du moratoire. Je vais, auparavant, faire un préambule sur la question du logement au Québec. En 1976, le groupe de travail sur l'urbanisation concluait, après analyse du secteur de l'habitation au Québec, que le gouvernement du Québec ne s'était pas encore donné de politique globale en matière d'habitation. On constatait également que l'habitation avait des liens étroits et variés avec de nombreux autres facteurs comme l'économie, la démographie, les besoins sociaux, etc.

Dans le document Se loger au Québec, le gouvernement du Québec proposait en 1984 une politique d'habitation contenant des objectifs et des propositions, et soulignait l'interdépendance des divers domaines d'intervention dans le domaine du logement.

Ces énoncés en matière d'habitation vont dans le sens des préoccupations de l'Association des urbanistes et des aménagistes municipaux du Québec qui estime qu'on ne peut espérer envisager une solution valable au problème précis de la conversion des immeubles locatifs en copropriété divise sans tenir compte des autres variables économiques, sociales et politiques. Ce postulat a donc servi de base à l'analyse du document Lever le moratoire: une décision qui s'impose et à l'élaboration de la position de l'association sur la question.

La lecture de ce document nous a permis de dégager les objectifs directs poursuivis par le gouvernement, soit: de favoriser l'accès à la propriété à une clientèle plus étendue; de favoriser l'accès à la propriété dans les quartiers anciens et très en demande; d'assurer une protection accrue aux locataires désireux de maintenir ce statut.

Assurément louables, ces objectifs soutenus par une série de mesures de mise en oeuvre n'en présentent pas moins une série d'embûches pour l'ensemble des intervenants. En substance, les problèmes généraux nous apparaissent être les suivants: premièrement, une position gouvernementale qui ne définit pas un cadre global d'intervention en matière d'habitation; deuxièmement, une proposition gouvernementale qui ne fournit aucune analyse détaillée des incidences sur les programmes actuels du gouvernement en matière d'habitation (programme Logirente, programme de restauration des logements, programme relatif aux coopératives); troisièmement, une proposition gouvernementale qui ne soutient pas financièrement la volonté potentielle des locataires à devenir propriétaires; quatrièmement, une proposition gouvernementale qui ne fournit aucun outil supplémentaire aux municipalités dans les domaines de l'évaluation de manière à assurer une certaine équité entre propriétaires et locataires, et entre bâtiments locatifs et bâtiments en copropriété.

M. Pelletier va maintenant commenter le document.

M. Pelletier: La quatrième partie concerne les commentaires sur le document gouvernemental. En ce qui concerne la partie 1 du document sur la levée du moratoire. L'association considère qu'il y a, premièrement, une absence de vision d'ensemble. En résumé, on estime que la levée du moratoire est faite - indépendamment d'une politique globale du logement et que cette solution sectorielle a un aspect de la question du logement beaucoup plus vaste. À long terme, cela créera sans doute plus de problèmes, du moins à notre avis, que les améliorations qui seront apportées à la question du logement.

En ce qui concerne l'absence de mise en situation, on aurait aimé une analyse de mise en situation pour les propriétaires et les locataires situés dans les territoires où se produira l'essentiel des conversions, c'est-à-dire dans les grands centres urbains du Québec, Montréal et Québec essentiellement ou, en tout cas, les communautés urbaines. Ces analyses, avec des interviews contrôlées auprès de groupes cibles, auraient permis de se faire une idée beaucoup plus précise du comportement des personnes et des effets sur le parc de logements locatifs des quartiers que l'on estime être visés.

Le troisième valet concerne l'analyse qui est trop générale. En bref, nous crayons que l'impact de la levée du moratoire sera très marqué dans certains secteurs et cela se ferait dès la levée du moratoire.

Quatrièmement, on estime que les données présentées ou les comparaisons avec les États-Unis et la France sont boiteuses dans la mesure où ce qui a été choisi comme comparaison ne permet pas de porter des jugements sur ce qui pourrait se passer au Québec.

Le cinquième aspect concerne l'incidence sur la fiscalité. La fiscalité est un élément très important dans la question de l'habitation et le document ne tient absolument pas compte des dispositions fiscales qui ont pourtant un effet marqué sur le marché immobilier. La mise en application de mesures fiscales comme l'exemption du gain de capital a eu et aura, à notre avis, un effet déterminant sur les tendances du marché de l'habitation au Québec et en particulier pour ce qui est du phénomène de spéculation qui se fait actuellement au centre-ville de Montréal en attendant la levée du moratoire.

De la même façon, des dispositions fiscales ont eu dans le passé un impact majeur sur le marché du logement. On n'a qu'à prendre les mesures fiscales du gouvernement concernant les immeubles résidentiels à logements multiples, ce qu'on appelait les MURB. Ces variables qui sont pourtant très importantes pourraient avoir un effet très important sur l'analyse qu'on peut faire de la levée du moratoire et elles ont été absolument escamotées dans le dossier.

Le sixième problème que l'on voit concerne la question du financement hypothécaire. On ne semble pas avoir considéré les problèmes de financement hypothécaire pour les petits épargnants même si on dit que l'un des objectifs est de favoriser l'accession à la propriété des locataires occupants. En effet, il aurait été essentiel de connaître la position des groupes de citoyens et celle des institutions financières sur les modalités de la levée du moratoire pour valider ou modifier au besoin les propositions contenues dans le document.

Septièmement, quant au milieu municipal, on en fait complètement abstraction même si la question de la fiscalité municipale, l'évaluation foncière, les pouvoirs de réglementation en matière d'urbanisme sont des éléments importants à considérer dans le cadre de ce document.

Quant à la deuxième partie du document Lever le moratoire: une décision qui s'impose, on a également des réserves sur les quatre volets du contenu.

Premièrement, la protection relative des locataires. Le droit au maintien des lieux pour une période illimitée est un principe ou un objectif louable. Cependant, certaines des mesures proposées nous semblent susceptibles de poser des problèmes. De plus, même si les mesures proposées pour atteindre l'objectif de droit au maintien dans les lieux s'avéraient efficaces, il sera nécessaire que le gouvernement précise quand même ses orientations et ses interventions pour assurer le logement des personnes à faible et moyen

revenus et des clientèles particulières. (10 h 15)

Essentiellement, au sujet des locataires, on pense que,notamment, surtout quand il y aura des personnes âgées, que les mesures ne seront peut-être pas suffisantes pour les protéger. On pourrait leur dire: On va vous donner 2000 $, vous quittez le logement. Pour la personne, c'est une somme importante; pour le convertisseur, c'est dérisoire comme montant. À ce niveau, les mesures ne nous semblent pas suffisantes pour assurer leur protection.

En ce qui concerne le deuxième aspect, soit la protection relative des propriétaires, les propositions visant à empêcher les propriétaires convertisseurs à expulser les locataires par le biais des travaux non majeurs nous paraissent pertinentes dans la mesure où elles ne risqueront pas de causer par la suite un préjudice sérieux aux acquéreurs d'unités dont l'investissement serait hypothéqué. En effet, dans le cas où un bâtiment converti " en copropriété divise conserverait une majorité de locataires, il nous semble logique de penser que les propriétaires divis voudront procéder à des améliorations visant à assurer une meilleure qualité d'habitation. Il faut aussi tenir compte du fait que la réalisation de travaux dans les aires communes contribuera à l'amélioration générale de l'immeuble et de sa valeur marchande.

Dans les circonstances, il nous apparaît probable que l'opposition des locataires à ces améliorations autres que les réparations d'entretien courant et les réparations urgentes, opposition fondée sur la crainte d'une majoration des loyers consécutive à la réalisation de ces travaux, créera des tensions avec les propriétaires divis. À l'inverse, la disposition aurait pour effet d'accroître le risque financier des propriétaires divis, puisque ceux-ci ne pourront pas améliorer l'ensemble du bâtiment comme ils le désirent.

Nous ne pensons donc pas souhaitable de vouloir assurer la protection d'un groupe au détriment d'un autre groupe. De plus, on peut s'interroger sur l'attitude des institutions financières lorsque les propriétaires divis minoritaires voudront obtenir un prêt hypothécaire pour la réalisation de travaux dans les parties communes. Et si les institutions acceptent de prêter, ce sera à quelles conditions? De même, on peut penser que les assureurs vont exiger des primes plus élevées.

La vente éventuelle de telles unités pourrait comporter des problèmes sérieux dans le cas où l'immeuble conserverait en majeure partie son statut locatif. On n'a qu'à prendre un extrait de la page 53 du document sur la levée du moratoire où on remet en cause, finalement, la justesse de l'investissement pour ceux qui auront accepté d'acquérir l'immeuble. On dit: "Par contre, s'il arrivait que plusieurs logements de l'immeuble converti continuent d'être occupés par des locataires ayant un droit au maintien dans les lieux pour une période illimitée, cela pourrait avoir un impact à la baisse sur la valeur de l'immeuble. Dans les faits, ce dernier conserverait en grande partie son statut locatif."

Qu'arriverait-il de l'investissement situé parfois à la limite des ressources financières d'un acheteur moyen? Les institutions financières vont-elles exiger un paiement initial beaucoup plus élevé? Elles ne se contenteront pas de 10 %, 15 % ou 20 %, elles vont peut-être demander 25 %, 50 %. Ce sont des questions dont on ne connaît pas la réponse, mais il aurait été intéressant de les fouiller plus, avant d'arriver avec un document comme celui-là.

Il y a aussi le fait que les locataires sont prêts à accepter une qualité d'habitation peut-être moindre que celle du propriétaire de son logement. De plus, il faut considérer que le maintien des locataires aux conditions prévues dans le document ne nous apparaît pas adéquat dans la mesure où ces conditions ne favoriseront pas le maintien ni l'amélioration de la qualité de l'habitat. Au contraire, ces conditions pourraient favoriser la taudification d'une partie du parc de logements locatifs.

On souligne ici la question de l'évaluation municipale. On estime que, dès qu'il y aura levée du moratoire, il faut que des mécanismes soient déjà prêts. Sinon, la première année, il y aura des plaintes. Lors de la séance du 20 mai 1987, M. Gaétan Boucher a d'ailleurs dit que par le seul fait d'enregistrer une déclaration de copropriété, automatiquement, la valeur de l'immeuble vient de doubler. Conséquemment, les taxes vont augmenter. Ce sont des choses qui ne sont peut-être pas certaines, mais qui devraient à tout le moins être étudiées avant qu'on fasse la levée du moratoire.

Finalement, en ce qui concerne la protection relative des acquéreurs, on dit: "Afin de ne pas ajouter aux normes existantes qui procurent déjà aux acquéreurs une protection minimale, l'immeuble ne serait pas soumis à des normes physiques particulières lors de la conversion en copropriété."

On comprend que cette mesure vise à favoriser l'accession à la propriété, sauf que, d'un autre côté, lorsque vous faites l'acquisition d'un immeuble unifamilial qui est en mauvais état, c'est plus facile de procéder progressivement à des restaurations majeures. Dans le cas d'un immeuble qui est, finalement, multifamilial, la possibilité va être plus réduite; un tel serait prêt une année, l'autre non. Dans certains cas, c'est préférable, en tout cas, bien qu'on soit conscients que cela va augmenter le coût

d'acquisition de l'immeuble, que les restaurations majeures soient faites dès le départ. S'il y a lieu de refaire la plomberie ou l'électricité, il faudrait que ce soit fait au départ pour tout le monde, sans quoi cela va poser des problèmes.

Finalement, quant au quatrième aspect, soit la protection relative du parc de logements locatifs, l'association a de sérieuses réserves sur les mesures annoncées dans le document concernant la protection du parc de logements locatifs parce que celle-ci requiert la mise en place préalable de mécanismes efficaces pour suivre le rythme de conversion ou pour évaluer la conjoncture économique et sociale dans les quartiers les plus touchés.

En somme, on pense que l'action du gouvernement visant à assurer la protection du parc de logements locatifs risque d'être inefficace ou trop tardive si les moyens d'intervention pour contrer les phénomènes qui sont prévus dans les paragraphes précédents - le chapitre IV - ne sont pas prêts dès la levée du moratoire. Je passe à nouveau la parole à mon collègue.

M. Besner: J'aimerais maintenant résumer, pour chacun des intervenants impliqués dans le processus de conversion, les impacts qui sont anticipés.

Premièrement, du point de vue de l'acquéreur, la levée du moratoire devrait théoriquement assurer un éventail plus large d'unités de logement disponibles à l'achat et majoritairement situées dans les quartiers les plus en demande. On pense au Plateau-Mont-Royal, par exemple, à Montréal.

Elle devrait permettre également d'offrir une plus grande diversité de prix à l'éventuel acquéreur, à faible ou à moyen revenu, compte tenu des différences de qualité et de localisation des bâtiments.

Cependant, l'obligation de s'en tenir à des interventions minimales, lors de la conversion ou dans les années qui suivent immédiatement celle-ci, pourrait empêcher de maintenir une qualité minimale au bâtiment converti sur une période trop longue. Si ce scénario se réalisait, il aurait un effet modérateur sur le rythme de conversion et sur le rythme normal d'amélioration de la qualité du parc de logements locatifs qui demeureraient.

Le reconnaissance du droit à l'occupation du logement par le locataire pour une période illimitée apparaît, par ailleurs, une mesure dissuasive pour l'éventuel acquéreur.

Les motifs généralement admis comme étant incitateurs pour un individu lors de l'achat d'une propriété, soit le gain en capital, l'autonomie de disposer de son logement, le niveau de confort anticipé, etc., ne sont pas reconnus et leur absence aura vraisemblablement un effet dissuasif à moyen terme pour le futur acquéreur.

Du point de vue, maintenant, du propriétaire vendeur, la levée du moratoire vise à assurer au propriétaire vendeur la possibilité de convertir un immeuble existant par l'observance de certaines règles.

Cependant, de nombreuses étapes administratives viendront allonger la réalisation de l'opération.

La création d'une plus-value sans aucune intervention au niveau du bâtiment, c'est-à-dire consécutive à une réévaluation du bâtiment suivant le dépôt d'une déclaration de copropriété, nous apparaît une conséquence qui induira une accessibilité réduite des unités de logement.

Maintenant, du point de vue du locataire occupant, la levée du moratoire devrait lui permettre d'acheter son logement. Si telle n'est pas son intention, les procédures administratives proposées pour assurer son maintien dans les lieux se révéleront peut-être peu efficaces. Étant donné que les clientèles visées hésitent souvent à faire valoir leurs droits, entre autres, il pourrait arriver que des cas de harcèlement se produisent, surtout quand les copropriétaires divis sont très largement majoritaires. Par ailleurs, on relève qu'aucune protection n'est assurée au sous-locataire.

Certaines catégories de locataires pourront faire l'objet de discrimination lors de la location de logements, ne représentant pas une catégorie d'acheteurs potentiels. Pour ces motifs et en l'absence d'une politique gouvernementale à long terme, il y a lieu de craindre que les locataires à faible et moyen revenus soient donc confinés dans une offre de plus en plus réduite de logements, qu'il s'agisse de la localisation ou de la qualité de l'espace habitable.

Maintenant, du point de vue des administrations municipales, la levée du moratoire permettra une récupération plus élevée de taxes de mutation. Cependant, les mesures proposées n'assureront probablement en rien l'amélioration de la quantité et de la qualité du stock de logements dans la municipalité, et en particulier dans les quartiers proches du centre-ville de Montréal et de Québec, par exemple.

Les mesures proposées ne permettront vraisemblablement pas non plus à la municipalité d'intervenir pour le maintien d'une qualité acceptable quant à son stock de logements global.

Enfin, l'absence de propositions gouvernementales concernant les méthodes et les techniques d'évaluation et les règles de taxation fixées par la loi font craindre l'emballement éventuel des taxes foncières dans les secteurs sensibles, ce qui pénaliserait les locataires et les propriétaires sans que les municipalités n'aient les moyens d'intervenir.

La position de l'association sur la levée du moratoire est la suivante. Notre analyse a démontré qu'il restait de nombreuses questions sans réponse qui doivent pourtant être résolues si l'on veut que la conversion s'effectue sans problème grave. De plus, les objectifs fixés sont louables, mais l'association croit qu'ils ne peuvent être atteints avec les mesures proposées.

Au contraire, l'association pense qu'avec le projet tous seront perdants, locataires et propriétaires.

De plus, on a pu vivre pendant onze ans avec le statu quo et celui-ci demeure de loin préférable à des mesures trop hâtives et peut-être insuffisantes.

En conséquence, l'Association des urbanistes et des aménagistes municipaux du Québec s'oppose à la levée du moratoire telle que présentée. Toutefois, l'association serait favorable à une levée du moratoire si les conditions suivantes étaient remplies.

Premièrement, une mise en vigueur de politiques claires concernant la construction et l'accessibilité des logements pour les personnes à faible et moyen revenus, les personnes âgées et les handicapés. Parmi les mesures d'application possible, soulignons l'allocation-logement, les subventions à la construction d'unités locatives ou à la mise de fonds initiale de 10 % ou de 25 %, selon le cas, pour le premier acquéreur, ou bien un droit de préemption à l'achat par les offices " municipaux d'habitation.

Deuxièmement, la réalisation des études suivantes que propose l'association démontrerait la faisabilité réelle du projet et proposerait des mesures de mitigation aux impacts appréhendés: étude comparative avec les grandes villes américaines et avec Paris (analyses détaillées par secteur, par quartier); étude de simulation sur certains quartiers cibles de Montréal et de Québec sur la protection des acquéreurs, des locataires et du parc de logements locatifs; études des options possibles en matière d'évaluation foncière, de plafonnement du compte de taxes et de modification de la Loi sur la fiscalité municipale, si nécessaire; et étude sur tout le mécanisme de contrôle et du suivi du processus de conversion afin de conserver en tout temps un certain pourcentage de logements locatifs dans toutes les catégories de prix et dans chacun des quartiers, comme cela se fait à Toronto.

Troisièmement, pour une période de cinq à dix ans, la levée du moratoire ne pourrait être que partielle, soit par municipalité, soit par quartier, le choix d'une levée partielle étant laissé aux élus municipaux, et aux urbanistes et aménagistes qui les conseillent. Merci.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci. Je cède maintenant la parole à M. le ministre.

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Alors, je salue l'Association des urbanistes et des aménagistes municipaux du Québec qui joue un rôle très important en aménagement au Québec. On sait que l'aménagement est à la mode depuis quelques années et que cela risque de l'être encore pendant un bon bout de temps puisqu'on est justement en train de recevoir, par les temps qui courent, les schémas d'aménagement, de les étudier ainsi que de réagir à ceux-ci. Certains, dans les MRC, sont déjà en vigueur, d'autres le seront au cours des prochains mois. Bref, de ce temps, les aménagistes ont beaucoup de travail. Au cours des deux prochaines années, on adoptera les plans d'urbanisme locaux, dans les municipalités. Encore là, les aménagistes seront très près des conseils municipaux pour tenter de leur prodiguer leurs connaissances et leurs conseils.

Dans le mémoire que vous présentez, vous vous déclarez contre la levée du moratoire et vous décrivez un peu la situation qui existe présentement. Or, plusieurs intervenants ont passé des heures à nous décrire une situation qui, selon certains, est devenue inacceptable en ce qui concerne, par exemple, l'évacuation des personnes âgées, l'intimidation, le harcèlement, les reprises de possession massives par les propriétaires indivis dans les immeubles de quatre logements et moins, les évacuations sauvages pour de présumées réparations majeures, lesquelles, souvent, ne sont qu'un prétexte pour obtenir une conversion des immeubles par la porte d'en arrière, si je peux dire. Et tout cela se passe dans le système actuel, avec un moratoire. Est-ce que vous ne croyez pas que maintenir' le moratoire est une décision qui risquerait de perpétuer une situation devenue plus ou moins intolérable? (10 h 30)

M. Besner: Notre position n'est pas le maintien du moratoire, mais l'abolition du moratoire avec des conditions. Et je pense que le plus vite possible sera le mieux à cause justement de ces problèmes.

M. Bourbeau: Pourtant, dans votre mémoire, vous dites en page 17: "De plus, on a pu vivre pendant onze ans avec le statu quo et celui-ci demeure de loin préférable à des mesures trop hâtives et peut-être insuffisantes."

M. Pelletier: Nous, notre position est fondée sur le fait que la levée du moratoire telle que proposée dans votre document ne ne nous semble pas apporter de garanties à la fois aux locataires et aux propriétaires. Comme nous le disons plus loin, nous sommes favorables à une levée du moratoire dans la mesure où, premièrement, on évite les écueils que l'on pense anticiper et que nous avons prévus dans notre mémoire. Au fond,

nous n'avons pas d'objections majeures à la levée du moratoire pour autant que certaines conditions contenues là soient respectées, qu'il y ait notamment une politique du logement claire et qu'on sache vers quoi on s'en va. Aussi, dès que la levée du moratoire sera appliquée, qu'il y ait des mécanismes pour éviter certains dérapages, si vous voulez.

C'est notre position, finalement. Nous ne prenons pas position pour un groupe ou pour un autre. Ce que nous disons, c'est qu'une levée du moratoire sans politique de logement, analyse ou mesures efficaces pour assurer effectivement qu'il n'y ait pas de dérapage, ce n'est pas acceptable. C'est tout ce que nous disons.

M. Bourbeau: Les positions exprimées devant la commission varient énormément selon que les intervenants représentent des milieux urbains, comme Montréal par exemple, des milieux ruraux ou des municipalités à l'extérieur de l'île de Montréal. On a vu l'UMRCQ se prononcer en faveur de la conversion. Nous avons eu l'Union des municipalités du Québec qui s'est également prononcée pour la conversion, donc pour la levée du moratoire et la conversion en copropriété. Nous avons eu une foule d'organismes de Montréal, y compris la ville de Montréal, qui ont exprimé une opinion contraire; les groupes de personnes âgées, par exemple, et les groupes des milieux populaires. Il semble donc que la réalité soit différente selon que l'on vive en ville ou à la campagne. Je ne voudrais pas quand même traiter de campagne tout ce qui est en dehors de Montréal. Il y a quand même des municipalités urbaines ou de type urbain. Comment réagissez-vous par rapport à cette ambivalence, si je peux dire, de positions partout au Québec, vous qui êtes dans toutes les municipalités?

M. Besner: Comme on le dit dans notre introduction, le problème de la conversion sauvage actuelle se localise principalement dans les grands centres urbains, à Montréal et à Québec en particulier. Le problème dans les municipalités rurales ne se pose absolument pas.

M. Bourbeau: Oui, mais il y a plus que cela. Vous parlez des grandes municipalités, mais parmi les grandes municipalités, à notre connaissance, il n'y en a qu'une seule qui a des objections, c'est la ville de Montréal. Je fais exception pour la ville de Côte-Saint-Luc qui est également venue nous rencontrer. D'autres municipalités, comme la ville de Québec par exemple, se déclarent favorables à la conversion. On n'a entendu aucune récrimination de la part d'aucune autre grande municipalité au Québec. Alors, cela ne semble pas être un problème très important en dehors de la ville de Montréal.

M. Pelletier: Effectivement, nous pensons que l'impact va se situer principalement dans la ville de Montréal, mais aussi dans certaines villes en périphérie. Je pense que certains secteurs d'Outremont vont être touchés considérablement. Nous présentons une position à titre, si l'on veut, entre guillemets, d'experts. Nous ne représentons absolument pas la position des élus municipaux sur la question. Nous, de toute façon, ce que nous disons dans nos recommandations à la fin, c'est que la levée du moratoire pourrait être partielle. Si par exemple une municipalité comme Montréal choisissait de maintenir le moratoire ou de le lever par quartier ou autrement, cela n'empêcherait pas les municipalités où on n'a pas de problèmes et où ne prévoit pas de problèmes de le faire différemment. C'est tout ce qu'on dit. Qu'il y ait, si besoin est, une adaptation aux conditions locales, à la spécificité du milieu. C'est le sens de notre troisième recommandation ou condition qui entoure notre acceptation de la levée du moratoire, finalement.

M. Bourbeau: Je conçois très bien les problèmes dans les grandes conciergeries, le harcèlement et l'intimidation qu'on peut faire à l'endroit des personnes âgées et d'ailleurs à l'endroit de toutes sortes de personnes, mais il reste quand même, depuis une dizaine d'années, à Montréal surtout, mais aussi dans plusieurs villes - à Québec aussi - le phénomène de gens qui ont acquis en copropriété indivise, en indivision, des duplex, des triplex, des quadriplex et parfois même des immeubles à cinq ou six logements. Ils sont tous copropriétaires et ils vivent des problèmes. On en connaît. Tout le monde connaît des gens qui, par exemple, vivent dans un triplex, qui sont propriétaires d'un tiers indivis de l'immeuble et qui, de plus en plus, réalisent les problèmes importants, sur le plan juridique, de vivre une situation comme celle-là, ne serait-ce que quand ils viennent pour essayer de revendre. Ils ne peuvent pas refinancer l'immeuble, trouver d'acheteurs qui ont un montant comptant énorme, etc.

Hier, on a vu le cas le plus patent, celui des propriétaires du manoir Barrington qui sont 32 en indivision et qui souhaitent en sortir le plus tôt possible puisqu'il semble que ce soit devenu quasiment un enfer. D'après certaines études, il y aurait ainsi au moins 20 personnes en indivision. Dans ces cas-là, quand ces gens, unanimement, veulent convertir leur immeuble en copropriété, n'y aurait-il pas lieu de le permettre?

M. Besner: Effectivement, c'est peut-être un cas où la conversion serait autorisée, mais elle devrait être contrôlée par les municipalités.

M. Bourbeau: Alors, justement...

M. Besner: Donc, sectoriellement, par quartier, la municipalité pourra autoriser la conversion, selon le pourcentage de logements locatifs. Si des problèmes comme celui que vous mentionnez se présentent, je pense qu'on pourrait autoriser la conversion.

M. Bourbeau: Puisque vous nous parlez des municipalités, dans votre document, vous dites justement qu'on pourrait, soit par quartier, soit autrement, leur laisser le choix d'une levée du moratoire. Est-ce que, dans votre esprit, il serait préférable que le gouvernement laisse aux municipalités la décision totale de signifier leur consentement à la levée du moratoire dans des quartiers donnés, dans des secteurs ou même dans toute la municipalité, ou si vous trouvez que le gouvernement devrait maintenir à la Régie du logement l'autorisation de convertir?

M. Besner: Je pense que les deux sont indispensables: un cadre gouvernemental qui régit la conversion globale, mais que les municipalités décident elles-mêmes d'autoriser les conversions selon certaines conditions. Par exemple, si le taux de vacance dans le stock de logements d'un certain quartier devient trop élevé, on pourrait autoriser la conversion.

M. Bourbeau: II reste encore du temps?

Le Président (M. Saint-Roch): II vous reste encore une minute, M. le ministre.

M. Bourbeau: Vous êtes très généreux, M. le Président. Je vais laisser la parole à l'Opposition et je reviendrai peut-être à la fin.

Le Président (M. Saint-Roch): Je cède maintenant la parole à M. le député de Shefford.

M. Paré: Merci, M. le Président. Je vous remercie beaucoup de la présentation de votre mémoire qui, soit dit en passant, pose les vraies questions et très clairement. Vous allez me permettre quelques minutes pour commenter les propos du ministre parce que je trouve que cela n'a pas de bon sens.

M. Bourbeau: Le contraire m'aurait étonné.

M. Paré: Vous n'étiez pas ici et je comprends très bien que vous ne pouviez pas être ici depuis lundi matin. Je trouve incroyable que le ministre vienne dire que tout le monde, que toutes les autres municipalités excepté Montréal sont d'accord avec la levée du moratoire. La lecture que le ministre fait des présentations est fausse dans son interprétation. Mais la lecture que vous vous faites, c'est la lecture qui est faite par à peu près tout le monde; c'est important. Il y a des choses que vous rappelez dans votre mémoire et qui ont été rappelées par à peu près tout le monde presque sans exception, sauf deux ou trois cas qui sont des cas particuliers que le ministre réutilise.

Une voix: C'est bien triste.

M. Paré: Le cas du manoir Barrington est un cas qui se règle par un projet de loi privé et non en changeant tout le mode d'habitation d'une population de 6 500 000 Québécois pour régler un cas dans Côte-Saint-Luc ou je ne me souviens plus à quel endroit. Cela n'a pas de bon sens. il prend aussi d'autres cas, mais qui sont isolés. Des individus sont venus ici soumettre des propositions, mais ce sont des individus. On ne règle pas des cas individuels par une politique globale. Mais ce qui est ressorti dans presque tous les mémoires, c'est qu'il est impensable de lever le moratoire sans qu'il n'y ait une politique globale. Vous l'avez souligné dans votre mémoire. Il y a un manque flagrant d'étude, il est impensable de venir chambarder toutes les relations locataires-propriétaires, le mode d'accès à la propriété, changer la vie, spécialement à Montréal, des citoyens et même changer les citoyens de Montréal par d'autres sans qu'il n'y ait d'études. Il n'y a pas d'études là-dessus ni d'études actuelles.

Les vrais chiffres, on les a retrouvés dans les mémoires qui ont été présentés par des groupes comme le vôtre. Mais, là-dedans, on n'en retrouve pas et il n'y a surtout pas d'études sur les conséquences possibles et probables. Il n'y a pas de programmes d'aide: vous l'avez souligné et tout le monde l'a souligné. Et il y a des problèmes que vous avez soulignés aussi; vous avez spécifié les problèmes de maintien, entre autres, le harcèlement par le rachat, les problèmes de qualité du logement, les prix à cause de l'augmentation des taxes. Vous parlez de cela et tous les groupes en ont parlé, mais le ministre ne le dit pas. On dit que c'est impensable qu'il n'y ait pas de politique et il s'en va dire que l'Union des municipalités est à 100 milles à l'heure pour sa proposition.

Je vais vous lire la conclusion, car cela n'a pas de bon sens de laisser passer des choses semblables; il y a des mots que je n'ai pas le droit d'utiliser ici. L'Union des municipalités du Québec conclut son rapport - et je pense qu'il vaut la peine de le lire -ainsi: "Ce n'est que par une approche globale que le gouvernement pourra s'assurer que les objectifs qu'il s'est fixés par la levée du moratoire seront véritablement atteints. "Pour l'Union des municipalités du Québec, il est primordial que la levée du

moratoire soit accompagnée de mesures parallèles dont les objectifs chercheront à favoriser l'accès à la propriété par les locataires en place. Il faut se rappeler la raison première de l'imposition du moratoire, soit la protection des locataires."

Venir dire que l'Union des municipalités du Québec adhère à une affaire comme cela, avec une conclusion semblable, je m'excuse, mais, à un moment donné, il faut que les choses soient dites. Je m'excuse si j'ai pris quelques minutes pour cela plutôt que de commenter votre document qui, comme je vous le disais, est très complet. Mais on ne peut pas, pour aller chercher des réponses qui font notre affaire et pour aller chercher des alliés, ne pas aller jusqu'au fond de votre proposition et essayer d'influencer, avec ce qui a été dit avant, en interprétant faussement.

J'ai une question... Non, un autre commentaire, car on a douze minutes; on nous a même limités dans le temps. Quand le ministre dit - et c'est une inquiétude -qu'il y a énormément de problèmes... Et c'est reconnu. On a eu des personnes âgées avant-hier, on a eu des locataires hier et on a même eu des groupes de tous les coins de Montréal, de Westmount jusqu'à Rivière-des-Prairies. Je pense que des gens de tous les quartiers sont passés pour dire qu'ils avaient des problèmes énormes. C'est connu et reconnu et cela a été confirmé ici lors de la commission. Mais le ministre semble dire qu'il y a un moratoire qui n'est pas respecté et qu'il y a beaucoup de problèmes; donc, il faut régler cela et cela presse. Donc, ou on le garde ou, à l'inverse, on lève le moratoire. Il n'est pas vrai que c'est tranché noir sur blanc comme cela. Il y a une solution. C'est l'application du moratoire. Le ministre a pris un engagement hier, soi-dit en passant - il faut que les gens le sachent c'est la modification, dès le mois d'octobre, de l'article 1653 de la loi 107. Un engagement formel a été pris hier. Donc, cela veut dire qu'il y aura modification de la loi 107 dès le mois d'octobre.

On vient de régler les problèmes. Maintenant, prenons le temps d'établir une politique qui nous permettra de savoir si la levée du moratoire, non plus en fonction des problèmes qu'on vit maintenant, mais entre le principe du maintien du stock locatif et la vente en copropriété de tous les blocs, lequel des deux on fera, mais non en fonction des problèmes qui sont vécus. Maintenant, c'est réglable et le ministre a pris l'engagement de le régler. Donc, on ne pourra plus parler de problèmes mais de politique d'habitation.

En fonction de ce que vous dites, en fonction de la dernière question du ministre qui a dit qu'il y a des quartiers spéciaux, surtout à Montréal, et que vous faites la proposition, dans votre document, de regarder par quartier ou par ville... Je ne sais pas si vous avez eu le temps de prendre connaissance du mémoire de la ville de Montréal, mais ne pensez-vous pas que, finalement, la proposition de Montréal est drôlement plus acceptable, avantageuse et réaliste que ce qu'on retrouve dans la proposition du ministre? (10 h 45)

M. Besner: On ne peut se prononcer au nom de tous les membres de l'association qui viennent de tous les coins du Québec, mais je pense que cette proposition mérite réflexion. Certains éléments, sinon la majorité, devraient être retenus et vont dans le sens de la position de l'association.

Notre intérêt, finalement, c'est évidemment la protection des propriétaires et surtout des locataires, mais aussi la protection du stock de logements locatifs. On a beau dire que les Québécois sont un peuple de locataires, mais ce sont surtout les Montréalais qui sont un peuple de locataires, et c'est à Montréal où il faut protéger ce patrimoine - il ne faut pas se le cacher - de stock de logements locatifs. On avançait une proposition qui était un droit de préemption municipal. Par exemple, lorsqu'un immeuble pourrait être sur le point d'être converti, on pourrait donner le choix, premièrement, au locataire de rester dans les lieux et s'il survenait certains problèmes, la municipalité ou ceux qui sont dotés d'un office municipal pourraient acheter le logement et le louer aux locataires qui seraient désireux de ne pas devenir propriétaires. Ce n'est pas tout le monde qui veut devenir propriétaire. Il y a des retraités, justement, qui ont été propriétaires toute leur vie et qui veulent devenir locataires pour finir sagement leurs jours. Les personnes âgées ne sont peut-être pas non plus intéressées à devenir propriétaires et à assumer toutes les charges que les propriétaires ont à assumer.

Le stock de logements locatifs est un patrimoine qu'il faut conserver, et cela se concentre effectivement autour du centre-ville de Montréal et dans les municipalités périphériques comme Outremont, Westmount. On nous a appris que le pourcentage de logements locatifs à Westmount était particulièrement élevé. Ce sont des faits qu'il faut analyser à fond.

M. Paré: Dans votre mémoire, vous avez identifié deux problèmes importants et majeurs, finalement; plus que cela, mais il y en a deux sur lesquels j'ai accroché, donc la qualité du stock de logements locatifs. Il y a d'autres mémoires, entre autres celui de l'APCHQ, qui disait que l'association craignait ou, du moins, se posait des questions sur ce que cela aurait comme effet sur la construction de logements neufs. S'il y en a moins, il y a moins de logements neufs. Il y en avait aussi d'autres qui disaient... Je ne me souviens pas si c'est l'Union des

municipalités du Québec. Oui, c'est effectivement ce mémoire qui disait mettre en doute la qualité du logement dans le sens que, tel que proposé, l'avantage du propriétaire était de laisser le logement se détériorer de façon que les locataires s'en aillent. Ainsi, cela lui permet de transformer son immeuble plus vite en copropriété.

D'autres groupes exprimaient leurs craintes: Oui, on va permettre à ceux qui veulent accéder à la propriété, par le biais de la conversion telle que proposée maintenant, de pouvoir le faire même s'ils ont des revenus très modestes. Mais quand ils auront payé le surplus - c'est certainement une augmentation de passer de locataire à propriétaire - ils seront tout juste capables de payer le logement et ils n'auront plus les moyens de faire d'autre entretien qu'une couche de peinture tous les cinq ans. Finalement, en étant propriétaires, ils auront plus de difficulté à vivre et ils ne pourront pas améliorer le stock de logements locatifs.

Vous exprimez aussi un point de vue qui n'a pas été soulevé. Il y a ces deux ou trois points de vue que vous venez d'exprimer, mais voua dites, en plus: Si, dans un édifice de trois ou quatre logements qui sont convertis, il y en a deux qui peuvent avoir les moyens de faire des rénovations plus importantes, majeures - comme on est moins exigeant sur le plan des critères, cela peut être le filage, la plomberie, le toit, des choses très coûteuses - mais qu'il y en a un qui n'a pas les moyens de le faire, qu'arrivera-t-il aux gens qui ne sont pas capables de s'entendre? Et j'ai une autre question là-dessus.

Autant là-dessus que sur le reste, pour les propriétaires, les copropriétaires, le locataire avec un droit de maintien dans les lieux et l'autre qui est le deuxième locataire qui, lui, n'a plus aucun droit, aucun pouvoir, quelle sera leur vie, d'après vous? Est-ce que ce sera une vie de tension? Comment imaginez-vous cela dans un immeuble? Comment cela peut-il être vivable?

M. Pelletier: À cela, on peut répondre qu'on n'est qu'à l'étape des hypothèses, mais effectivement, s'il n'y a qu'une partie des personnes qui est en mesure de faire les travaux et l'autre partie ne l'est pas, ceux qui ont fait l'acquisition de leur logement auront des problèmes à vendre leur copropriété divise à un prix qui se rapproche de ce qu'ils auront payé parce que ceux qui n'ont pas les moyens ne pourront pas faire les travaux. C'est un problème, la qualité de l'investissement qu'on va demander à quelqu'un de consentir en disant qu'il fait une bonne affaire pour acquérir son logement. On peut penser que, pour les personnes qui vont être à la limite de leurs ressources financières, leur immeuble va se détériorer et que la qualité de leur investissement va se révéler très néfaste, sauf qu'elles auront engagé une partie importante des économies de leur vie. C'est un scénario qui nous apparaît plausible. Il est évident que l'autre qui a l'argent, lui, n'aimera pas cela et cela va créer des tensions, c'est bien possible. À savoir si les tensions vont être insolubles ou si cela va être vivable, on ne pourrait pas répondre. Je sais que cela existe en France. La situation est-elle acceptable? Je ne le sais pas. Je n'ai jamais vu d'enquête qui pariait de la qualité des relations entre locataires qui dépendent d'un propriétaire divis ou encore de copropriétaires divis. C'est tout ce que je peux dire.

M. Besner: J'aimerais peut-être ajouté un point qui n'a pas été beaucoup touché. Le maintien des locataires dans les lieux à perpétuité, c'est un petit peu aussi... On ne peut pas immobiliser des gens à vie dans un logement. On sait que les Québécois ont la bougeotte. On déménage tous les deux à cinq ans environ. Qu'est-ce que cela va donner, pour un peuple de locataires, quelqu'un qui y reste à vie? Il va être obligé de rester à vie dans son logement. Donc, il ne pourra pas améliorer ses conditions. S'il part de son logement original, qu'advient-ii de son droit à perpétuité de conserver un logement? Il ne l'aura pas ailleurs. Donc, le logement d'où il part n'aura plus cette contrainte et il va pouvoir être converti. Le stock de logements va diminuer au fur et à mesure, c'est irréversible. Je pense qu'il faut contrôler la quantité et surtout la qualité du stock de logements.

M. Paré: Malheureusement, mon temps est terminé.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le député de Shefford. Il reste maintenant une minute à la formation ministérielle.

M. Bourbeau: Oui. Une remarque au sujet de ce qu'on vient de dire. Le locataire qui déciderait de déménager et de laisser de côté son droit au maintien dans les lieux à perpétuité ne se relogera pas nécessairement dans un immeuble qui aura été converti et où on aura des locataires qui entreront dans des logements convertis. Il peut aller dans un autre immeuble en location normale, auquel cas, si ce propriétaire veut convertir, il devra lui donner aussi un droit au maintien dans les lieux illimité.

Une voix: C'est un cercle vicieux, plus on réduit...

M. Bourbeau: Quand même, on ne s'attend pas à ce qu'il y ait un déluge de conversions, le rythme devrait être très lent.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le ministre.

M. Bourbeau: Est-ce que cela fait déjà une minute?

Le Président (M. Saint-Roch): On me fait signe que oui.

M. Bourbeau: Avec votre interruption, oui, je comprends.

Le Président (M. Saint-Roch): Alors, à ce moment, nous en sommes aux remarques de brève conclusion. Je vais reconnaftre M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, je tiens simplement à saluer et à remercier les représentants de l'Association des urbanistes et des aménagistes municipaux du Québec Leur point de vue sera considéré lorsque nous déposerons éventuellement le projet final que retiendra le gouvernement.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le ministre. Je cède maintenant la parole à M. le député de Shefford.

M. Paré: Oui. Juste pour vous remercier aussi pour un document très étoffé qui tient vraiment compte de la réalité. Je suis heureux d'entendre le ministre dire qu'il va en tenir compte lorsque viendra le temps de prendre des décisions. Merci beaucoup.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le député de Shefford. De brèves remarques de conclusion?

M. Pelletier: En conclusion, on remercie les membres de la commission parlementaire de nous avoir entendus et on pourrait tout simplement souligner qu'il y a certainement le cas de Montréal qui est peut-être une opposition plus marquée, mais cela représente quand même la voix d'un million de personnes. Cela représente à peu près 15 % à 20 % du Québec, c'est quand même un point important. C'est surtout là, nous pensons, que l'enjeu va se faire. Alors, il faut conséquemment que les mesures qui soient prises se révèlent, à l'usage, les plus efficaces possible. On vous remercie.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie de votre participation aux travaux de la commission.

Je demanderais maintenant aux représentants de l'Association des propriétaires du Québec de prendre place, s'il vous plaît: Permettez-moi, dans un premier temps, de vous souhaiter la bienvenue à la commission de l'aménagement et des équipements. Je demanderais maintenant au porte-parole de bien vouloir s'identifier et d'identifier la personne qui l'accompagne, s'il vous plaît!

Association des propriétaires du Québec

M. Pépin (Gilles): Mon nom est Gilles Pépin. Je suis le président de l'Association des propriétaires du Québec. Je suis accompagné de Louise Roy, directrice des relations publiques à l'association.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie. À partir de ce moment-ci, vous avez maintenant quinze minutes pour présenter votre mémoire.

M. Pépin: Membres de la commission, M. le Président, lorsqu'on a reçu le mémoire, on a tenté de se mettre dans la peau du propriétaire. Mais dans le cas présent, on parle du petit propriétaire et du propriétaire moyen qui sont la majorité de nos membres. Ce ne sont pas nécessairement des professionnels, ce ne sont pas nécessairement des députés, ce sont souvent des ouvriers et souvent des anciens locataires. Ils sont drôlement au courant des problèmes des locataires puisqu'ils ont tous passé par là pour la plupart.

Il s'agissait de savoir, devant une brique semblable, comment ce petit propriétaire pouvait dire: Comment est-ce que je vais vivre avec ça? C'est beau, des lois. En 1979, on n'y était pas; ils ont adopté la Loi sur la Régie du logement et aujourd'hui, on doit vivre avec. Cela le lèse dans bien des cas et, dans d'autres cas, c'était nécessaire que ce soit fait.

Or, on s'est ramené à la base. On a dit: Un locataire existe parce qu'il y a un propriétaire. À l'opposé, un propriétaire existe parce qu'il y a un locataire. Dans le moment, il y a des propriétaires qui n'ont pas de locataires. Ils ne seront pas propriétaires longtemps, ils vont être locataires. Il faut vivre les choses telles qu'elles sont dans le moment. Le propriétaire qui a quatre, cinq ou six logements est un opérateur, un dépanneur qui n'a pas la protection du dépanneur parce qu'il ne peut pas augmenter ses prix, il ne peut pas faire ce qu'il veut dans son opération. Il doit vivre selon les lois, c'est très réglementé.

Bien sûr, je ne suis pas ici pour défendre les locataires, ils sont très bien défendus. Je suis ici surtout pour représenter le point de vue du petit propriétaire. Il faudrait s'enlever de la tête, au départ, que le propriétaire est un gros méchant loup et un gros riche. La moyenne des propriétaires n'est pas beaucoup plus riche que la moyenne des locataires dans certains quartiers. Le fait d'être locataire, c'est un choix et le fait d'être propriétaire, dans certains cas, c'est aussi un choix.

Je vais revenir à mon document. Je

pense que j'ai étoffé le document. Je ne me suis pas attardé à disséquer la brique de bout en bout. Je l'ai étoffé à peu près comme le propriétaire le voit lui-même.

À prime abord, le document soumis pour étude sur la conversion de logements locatifs en copropriété se fait tout ce qu'il y a de plus rassurant pour les locataires tout en ignorant les droits les plus fondamentaux de celui qui a permis qu'un locataire existe, soit le propriétaire.

Ce qui inquiète le plus les propriétaires, c'est l'attitude centralisatrice et ingérante du gouvernement dans l'entreprise privée, soit celle du logement locatif, alors que ce même gouvernement prône la décentralisation dans tous les autres domaines.

Nous sommes d'autant plus inquiets que nous croyons fermement que le gouvernement est en train d'instaurer de nouvelles politiques dans le domaine du logement locatif et ces mesures qui, dans un premier temps, s'adresseront à une minorité d'immeubles, soit ceux qui seront convertis en copropriétés divises, risquent fort de se retrouver dans un autre document qui lui s'adressera à l'ensemble du parc locatif.

Nous avons examiné le document soumis avec un esprit critique et nous n'avons pas peur de le dire, avec le sentiment que nous sommes en train de marché sur des oeufs, car certaines de ces politiques acceptables pour une conversion sont absolument intolérables dans une politique globale de logement.

Nous n'avons pas l'intention de disséquer le document dans son entier, mais de nous attarder sur les objectifs poursuivis et certains des moyens préconisés pour les atteindre. Notre intention est de démontrer que certaines mesures envisagées sont absolument inapplicables ou même complètement déraisonnables.

Les objectifs poursuivis par le gouvernement: 1. Favoriser l'accession à la propriété. Notre position: Nous souscrivons entièrement à cette idée, à la condition que l'accession à la propriété ne vienne pas léser les droits de ceux qui sont déjà propriétaires. C'est clair. Celui qui est déjà là comme propriétaire n'a pas à perdre de ses droits pour favoriser l'autre à devenir aussi un propriétaire. 2. Protéger le locataire en place. Nous croyons normal qu'un locataire en place ait certains droits et privilèges, mais à certaines conditions et ceux-ci ne doivent pas léser ceux que le propriétaire a acquis en achetant la propriété. Nous reviendrons un peu plus loin sur ces détails. (11 heures)

Les moyens suggérés par le gouvernement. 1. Pour favoriser l'accession à la propriété, le gouvernement propose la levée du moratoire et de diversifier les choix d'occupation en propriété.

La position de l'A.P.Q.; La levée du moratoire ne permettra l'accessibilité à un logement qu'à un nombre restreint de locataires: ceux qui ont déjà, probablement, les moyens d'être propriétaires. La levée du moratoire accompagnée d'un plan financier adéquat dans le cas de conversions de logements pourrait réellement atteindre le but visé en aidant le locataire incapable financièrement d'acheter un logement et en lui donnant les moyens de réaliser son rêve, entre guillemets. 2. Pour protéger le locataire en place, le gouvernement propose: le premier droit de refus d'acheter du locataire occupant; le maintien dans les lieux à l'infini de ce même locataire; le refus au propriétaire de procéder à des réparations autres que celles appelées "urgentes"; interdire au propriétaire le droit de reprendre son logement tant et aussi longtemps que le locataire en place désire demeurer sur les lieux.

La position de l'A.P.Q. quant au premier droit de refus d'acheter du locataire occupant: Nous sommes d'accord avec ce principe à condition qu'à la suite d'un refus du locataire, le propriétaire puisse exercer son droit de gérance et offrir son logement sur le marché. Cependant, s'il devait accepter une offre inférieure à celle soumise à son locataire, celui-ci devrait être informé et aurait de nouveau le privilège du premier acheteur au nouveau prix. Ce sont les lois logiques du marché: offre et demande, et capacité d'acheter.

Notre position sur le maintien dans les lieux à l'infini du locataire occupant. À la suite du refus d'acheter du locataire, celui-ci conserve le maintien à vie dans les lieux. Cette solution est injuste envers le propriétaire et envers tout autre locataire désireux de faire l'acquisition de ce logement. J'insiste; ce n'est pas seulement injuste envers le propriétaire. Ce logement-là est disponible sur le marché. Si le locataire n'en veut pas, il y a d'autres locataires qui en veulent. Il n'existe nulle part ailleurs une telle clause sans date limite. Il s'agit de trouver une formule de dédommagement raisonnable en plus d'un délai fixe qui permettrait au locataire de se relocaliser et au propriétaire de reprendre son bien avant la fin de ses jours. Une solution proposée par l'A.P.Q. est un délai de douze mois après la terminaison du bail et une compensation monétaire de six mois à la fin de la période d'occupation, ou une compensation monétaire de douze mois à la fin du bail pour que le locataire qui, ayant refusé d'acheter son logement, devra quitter les lieux.

Vous voyez qu'on ne pense pas que le locataire n'a pas de droits. Il en a, des droits; des droits que même la loi ne lui donne pas. On est prêts à accepter des droits à condition qu'on puisse les exercer.

Le refus au propriétaire de procéder à des réparations autres que celles appelées "urgentes". Il est clair que le mot "urgent" aura une tout autre signification pour le propriétaire que le locataire lorsque ceux-ci vivront une période de conversion troublée. En clair, le propriétaire n'ayant aucun avantage à moderniser ou à simplement maintenir en santé ses logements, ils seront négligés de façon telle que le parc locatif et la qualité de l'environnement en souffriront grandement.

Je sais que beaucoup de ces points-là ont été soulevés précédemment. Je n'y suis pas depuis lundi; malheureusement, je suis obligé de gagner ma vie ailleurs. Mais je suis certain... La position qu'on vous apporte, c'est celle du gars qui, demain matin, va avoir à se soumettre à ce que vous allez mettre sur la table. Il y a des urbanistes, des municipalités, des élus, il y a toutes sortes de gens qui sont venus. Mais ce ne sont pas eux qui ont les logements, pour la plupart. Ceux qui les ont, ce sont les propriétaires qui les ont achetés à quelque condition que ce soit et de ce temps-ci, ils les ont payés trois fois trop cher. Et il va falloir qu'ils vivent avec cela. Alors, c'est leur position. Comment vont-ils se débattre là-dedans tantôt?

La position de l'A.P.O quant au fait d'nterdire à un propriétaire de reprendre son logement pour lui-même: cette partie est une entorse grave à tout ce qui a existé jusqu'à ce jour. On préconise ou on tient pour acquis que la majorité des propriétaires acquerront des immeubles et en reprendront possession strictement dans le but de léser leur locataire, tout en oubliant que la grande majorité des propriétaires, comme celle des locataires, sont honnêtes et que, si un propriétaire achète une propriété pour y habiter, on ne peut absolument pas lui interdire ce droit fondamental dans notre société. Je pense que c'est clair et net. Le droit de propriété qu'on veut donner au locataire, on n'est pas pour le retirer au propriétaire qui l'a déjà. On dit au propriétaire: Vous achetez un logement et vous n'avez pas le droit de rester dedans. Alors, qu'est-ce que c'est un propriétaire, s'il n'a pas le droit de prendre sa maison, s'il n'a pas le droit de prendre son logement?

La libre entreprise. Nous croyons toujours au principe fondamental de la libre entreprise et nous continuons de préconiser que l'offre et la demande finiront par avoir raison des propriétaires trop gourmands et des locataires qui ne respectent pas leurs contrats. Vous lisez tous les journaux ces temps-ci: Deux mois gratuits, four microondes. Ils ne prêtent pas la belle-mère et c'est bien juste. C'est ce qui arrive. La loi de l'offre et de la demande, on la vit.

En ce moment, on vit un surplus de logements locatifs, tant mieux pour les locataires et tant pis pour ceux qui ont mal pensé leur affaire. On ne veut pas défendre ceux qui ont fait de mauvais placements, mais on pense qu'on doit vivre avec ces périodes. On l'a vécu en 1982. Comme je suis propriétaire, en 1982, je me suis ramassé avec 50 % et 40 % de vacance dans le secteur Saint-Eustache. C'est bien fatigant pour payer les hypothèques; on ne me les a pas baissées, on les a remontées à 22 %. Les gens qui sont ici et qui ont vécu cela savent de quoi on parle.

Cependant, comme nous vivons dans une société fortement réglementée par l'État, il est utopique de croire que l'Etat n'interviendra pas régulièrement dans un domaine aussi important que le logement.

Tant et aussi longtemps que l'État respectera certaines règles du marché et permettra au propriétaire des profits raisonnables comme ceux du marché de la Bourse, par exemple, nous pourrons fonctionner à l'intérieur de ces lois, même si elles sont de plus en plus restrictives envers le propriétaire. Mais nous mettons l'État en garde contre la centralisation à outrance et contre le fait de penser qu'une béquille comme la Régie du logement pourra résoudre tous les problèmes qui découleront de ces nouvelles lois.

S'il y a des propriétaires ici et s'ils font affaire avec la Régie du logement, ils savent drôlement bien ce que je veux dire par béquille. C'est une béquille nécessaire, je suis d'accord; c'est encore mieux qu'une jambe de bois. Mais on ne va pas lui donner encore de nouveaux travaux, de nouvelles directives, alors que les gens qui sont en place sont déjà dépassés par ce qu'ils ont à faire. Je dois vous dire que quand ils ont des problèmes avec les propriétaires, ils les envoient chez nous. Ils leur disent: Allez là parce que vous êtes bien mai équipés, vous allez être mal servis si vous arrivez avec un dossier pas plus étoffé que cela. Nous, on est là pour cela.

Nous aimerions terminer par un exemple pratique, et je pense qu'on va frapper le centre de tout le problème: le cas typique d'une bâtisse de cinq logements d'environ 30 ans, ayant subi des rénovations mineures et bien entretenue. Le locataire paie environ 300 $ par mois et paie lui-même son chauffage. On a sorti des moyennes et c'est sensiblement cela. Cela pourrait être 325 $ ou 340 $, mais le prix du logement serait en conséquence. Le prix minimal qui lui sera demandé sera de 40 000 $. Si on faisait un petit calcul rapide et qu'on disait: 300 $ par mois, douze mois par année, on aurait en gros 4000 $ de loyer. Les logements se paient, en ce moment, à huit ou neuf fois les revenus -quatre fois neuf, 36 - quand on parle de 40 000 $, on est dans les prix. On ne parle pas de surenchère. Si vous achetez. un

duplex, vous allez payer douze et treize fois son revenu locatif parce que la qualité du logement entre en ligne de compte.

Le but de l'exercice est de déterminer le coût pour se loger après l'achat de son logement. On a un locataire qui a le choix de devenir propriétaire et il doit décider à quel coût. Le locataire devra effectuer un emprunt de 40 000 $ à un taux hypothécaire moyen de 10 1/2 % - ce qui est courant dans le moment - sur une période de remboursement de 20 ans. Le remboursement, par mois, pour l'intérêt seulement est de 350 $ et pour l'intérêt et le capital, de 393,20 $. On dit toujours qu'au bout de 20 ans, cela vaudra ce montant. On dit aussi qu'en 20 ans, vous remettez en réparations sur une propriété, à peu près sa valeur. Ceux qui ont acheté des maisons vers 1965 savent très bien que, s'ils ont payé 25 000 $ dans le temps, ils ont mis un autre 25 000 $ depuis longtemps sur la maison.

Les taxes dont d'environ 1000 $ annuellement, selon les municipalités, donc 84 $ par mois; l'entretien courant, 1000 $ annuellement. Une année, vous allez mettre 3000 $, l'année suivante 500 $, l'année suivante 4000 $. Donc, à 1000 $ annuellement, c'est une moyenne. L'entretien majeur réparti entre les quatre ou cinq locataires: 500 $, 42 $; l'assurance pour l'immeuble, 500 $, 42 $. Celui qui payait 300 $ vient de passer à 602 $, s'il ne calcule que l'intérêt. Il n'y a pas de capitalisation; il n'a pas fait une "cenne" et n'en fera pas parce qu'à ce prix-là, il payera encore pendant 100 ans. Il va encore, à condition que le taux ne monte pas plus haut que 6,25 %, être pris pour payer 602 $. Vous allez dire: Son loyer va monter, mais les intérêts peuvent s'ajuster en chemin. Vous passez de 300 $ à 602 $, et si vous voulez payer la bâtisse, vous passez à 645 $. Face à ces faits, nous devons nous poser les questions suivantes: Le locataire a-t-il les moyens de doubler son loyer? Le locataire a-t-il intérêt à acheter son logement puisque le projet de loi prévoit que son droit de refus lui donne automatiquement le droit de maintien dans les lieux aux conditions présentes aussi longtemps qu'il le désirera.

Vous venez de convaincre votre locataire qu'il a tout avantage à rester locataire parce que vous l'avez assis dans les lieux pour le reste de ces jours. La seule raison qu'il avait réellement d'acheter son logement, c'était justement pour ne pas en être évincé. Vous venez de lui dire: Tu restes là, tu gardes ton loyer à ce prix-là, plus l'augmentation annuelle de 3,5 %, selon la régie, ou tu doubles ton loyer et tu deviens propriétaire.

En conclusion, le ministère, avec le projet de loi tel que présenté présentement, atteindra exactement les résultats contraires à ceux visés. À cause des avantages que lui procurent son statut de locataire occupant du logement et son droit de refus d'acheter, les avantages de la propriété sont si peu motivants qu'il restera locataire. C'est notre position, celle des propriétaires.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Dorion.

Mme Trépanier: M. le Président, je voudrais souhaiter la bienvenue aux gens de l'Association des propriétaires du Québec. Avant de céder la parole au député de Saint-Hyacinthe qui analysera votre dossier, je voudrais faire deux petits commentaires. D'une part, je n'ai pas de conseil à vous donner, mais pour louer vos logements plus facilement, vous seriez mieux d'offrir un four micro-ondes et un réfrigérateur au lieu de votre belle-mère, cela vous donnera plus de chance. Deuxièmement, vous avez fait sursauter la nouvelle présidente de la Régie du logement en traitant la régie de béquille. Sur ce, pour des propos plus sérieux, je cède la parole, si vous le permettez, M. le Président.

Le Président (M. Saint-Roch): Je reconnais maintenant le député de Saint-Hyacinthe.

M. Messier: Merci, M. le Président. La lecture de votre document me laisse perplexe et cela, pour diverses raisons, M. Pépin. Premièrement, vous attaquez peut-être un peu de front le gouvernement. Je vais vous lire l'article 1 de ma constitution comme membre du Parti libéral - certaines formations politiques ont peur de leur article 1, mais moi, j'en suis fier - Est libéral celui qui fait le développement économique du Québec, celui qui fait la promotion de la justice sociale, celui qui fait la promotion de la liberté de l'individu, celui qui fait la promotion de la protection des individus et des libertés civiles.

Lorsque vous tenez pour acquis, dans votre mémoire, que les locataires ont certains droits et les propriétaires aussi, j'aimerais vous poser la question suivante. C'est écrit ici: La libre entreprise, oui, cela va pour cela. Mais vous parlez du fait de préconiser l'offre et la demande dans un secteur locatif où les propriétaires n'auront pas à être trop gourmands et où les locataires auront à respecter leur contrat. Hier, certaines associations et certaines personnes sont venues nous voir pour nous dire qu'effectivement les propriétaires avaient des droits, mais que certains en abusaient. Un immeuble de 20 logements, pour vous, est-ce que c'est de votre compétence?

M. Pépin: Oui, oui.

M. Messier: Parfait! D'accord.

M. Pépin: Le petit propriétaire peut avoir de 12 à 20 ou 6...

M. Messier: C'est un petit propriétaire quand on parle de 20 logements?

M. Pépin: Oui, oui.

M. Messier: Parfait! Hier, des gens sont venus nous voir. Un propriétaire a acheté un immeuble pour 950 000 $ et, onze mois plus tard, il le vendait 1 450 000 $, soit un profit de 450 000 $ en onze mois. Est-ce que vous trouvez cela gourmand ou si c'est justifié?

M. Pépin: Absolument injustifié. Le pauvre gars, le nouveau propriéraire qui a acheté cela, va avoir des problèmes tantôt quand il va faire ses calculs à la fin de l'année.

M. Messier: Pensez-vous qu'il a acheté cela pour faire de la spéculation ou pour se mettre la corde au cou?

M. Pépin: il a acheté cela strictement pour la spéculation, mais il y en a qui achètent à la Bourse pour faire de la spéculation. Si vous suivez ce qu'on dit dans les postes de radio et à la télévision, un tas d'annonceurs vous disent: "Faites 2000 $ par semaine, gardez votre "job" au gouvernement, vous n'avez qu'à trouver un immeuble à 100 000 $ et le vendre 200 000 $. Ce n'est pas compliqué. Vous faites cela quatre fois par année, vous faites 400 000 $. C'est aussi simple que cela.

Le type dont vous parlez maintenant vit présentement une période inflationniste. S'il fallait que le coût de la vie ait suivi le coût de l'inflation dans les immeubles d'habitation, je vais vous dire une chose, on aurait des problèmes. Je peux vous dire que les vrais investisseurs, que les gens sont tentés d'appeler les requins de la finance, n'achètent pas depuis trois ans, ils attendent que ceux qui ont acheté soient obligés de vendre et cela va se faire très bientôt, il reste un an encore. Dans un an, vous allez vivre ce qui s'est passé en 1982. Si vous étiez là en 1981-1982, rappelez-vous que les bâtisses se remettaient pour les hypothèques et que des gens avaient des relations dans les compagnies d'hypothèques pour acheter les hypothèques et, simplement, les absorber; eux ont fait de l'argent. Mais ce n'est pas le propriétaire moyen, ce sont peut-être les 3 % ou 4 % de spéculateurs contre les 96 % d'"opérateurs". On a toujours dit: dans l'exploitation de logements, il n'y a pas d'argent à faire; dans la spéculation, à court terme, dans le moment, il y en a. À long terme, le logement suivra toujours le mouvement de l'inflation, c'est-à-dire que c'est peut-être le placement le plus sécuritaire dans dix ans, mais pas en fonction... Vous me parlez d'un cas très précis: Le monsieur qui a acheté à 900 000 $ et qui a vendu à 1 400 000 $, qu'est-ce que vous en pensez? Je pense que c'est un maudit bon homme d'affaires, celui qui a acheté à 900 000 $ et qui a vendu à 1 400 000 $. Qu'est-ce que vous pensez de l'autre qui a acheté à 1 400 000 $? C'est un cave. Ce sont deux propriétaires pourtant. Alors, c'est votre réponse. (11 h 15)

M. Messier: Parfait! Cela semble être monnaie courante à Montréal. Il y a des caves en maudit à Montréal. J'ai un autre cas, ici, d'un propriétaire qui a acheté au prix unitaire de 990 000 $; 36 mois plus tard, il vend à 1 800 000 $, c'est-à-dire que, sur 36 mois, il fait 1 000 000 $ de profit, une augmentation de 26 000 $ par mois. Lui aussi, c'est un cave, à moins qu'il n'ait quelque chose d'autre en tête.

M. Pépin: Dans le moment, la phobie est au propriétaire. On ne parle pas strictement du domaine locatif, on va parler de l'unifamilial. Je n'ai pas les chiffres, je ne suis pas le plus calé dans les chiffres exacts. Disons que si un bungalow valait 60 000 $, il y a un an, il en vaut 85 000 $ ou 90 000 $. Si vous calculez le pourcentage, vous allez avoir le même pourcentage. C'est le même pourcentage qu'on retrouve, mais cela ne se justifie pas face aux coûts d'entretien. La seule façon dont cela peut se justifier dans le moment, c'est que notre parc locatif et nos propriétés étaient sous-évalués, si on compare avec Toronto, Vancouver ou New York. Une propriété qu'on avait pour 50 000 $ ou 60 000 $ dans le secteur de Montréal se vendait déjà 120 000 $ à Toronto et 18.0 000 $ à Vancouver. À Vancouver, un haut de duplex se loue 1300 $ par mois, à Toronto, 900 $, à Montréal 555 $ ou 600 $. On était en bas du marché et là, tout le monde a décidé de rattraper ce marché.

Pour faire plaisir à notre dame de la Régie du logement, on a une Régie du logement qui empêche cette spéculation effrénée des loyers. C'est cela qui fera que le propriétaire qui a acheté dans le but de spéculer ne peut pas revendre. En spéculant, il ne pourra pas entretenir son logement, parce qu'il est obligé de se maintenir avec la compétition. La compétition, c'est celui qui bâtit douze logements et à qui il en reste sept à louer après six mois de location. C'est lui qui donne deux mois gratuits, le micro-ondes - j'exclus la belle-mère; la mienne n'aurait pas accepté de toute façon -et c'est lui qui coupe les prix. Il ne veut pas couper la valeur. Il dit: Écoute, loue quand

même à 500 $. Savez-vous ce que les constructeurs font dans le moment? Ils louent à 500 $ et ils redonnent 150 $ par mois en liquide aux locataires pendant douze mois, pour être certains de pouvoir garder la valeur de vente. Imaginez le propriétaire qui achète en pensant qu'il achète 500 $ de revenus locatifs. Il vient nous voir à partir du 1er janvier et nous dit: Je ne comprends pas, mes locataires ne veulent pas payer 500 $} ils m'ont toujours dit qu'ils recevaient 150 $ du constructeur. Vous regardez le dossier et il n'y a rien pour protéger l'acheteur là-dedans. Le propriétaire est pris avec un problème et il tente de maintenir cela. C'est cela, la situation inflationniste dans le moment. C'est la loi de l'offre et de la demande. Je ne plains pas le propriétaire. Il a agi en homme d'affaires incompétent et il paie pour.

M. Messier: En fonction de l'offre et de la demande, il y a divers groupes qui sont venus nous voir, mais la majorité des groupes qui représentaient des associations disaient qu'ils étaient victimes de harcèlement et de discrimination de la part des propriétaires. Est-ce que le fait de lever le moratoire en mettant des clauses, comme on en a mises dans les "mesures d'encadrement", comme le droit de préemption ou le droit de maintien dans les lieux pour une période illimitée, va faire en sorte que la discrimination va cesser ou va augmenter? Quelle est votre position face aux cas de harcèlement et aux cas de discrimination?

M. Pépin: J'ai eu plusieurs rencontres avec des associations de locataires. Avez-vous remarqué que les associations de locataires sont toutes à la même place? Elles sont toutes dans les secteurs très défavorisés. Je n'ai rien contre cela, mais les locataires ne se retrouvent pas tous là. Les locataires ne sont pas tous sur le Plateau-Mont-Royal, dans le Vieux-Montréal ou à Saint-Henri. Il y a encore des locataires à Ahuntsic, Montréal-Nord, Rivière-des-Prairies. Si on interroge la personne qui se sent discriminée, elle est discriminée partout dans la société, par le bien-être social qui ne lui en donne pas assez, par le propriétaire qui lui demande trop cher, par la taxe d'eau que la ville veut percevoir, etc. Ce sont toujours les mêmes gens, subventionnés par le gouvernement d'ailleurs. Je n'ai rien contre cela; ils ont besoin de subventions. Cela crée des jobs, mais ce sont des jobs à même les taxes, les taxes des propriétaires. Ce sont eux qui les paient et les autres locataires qui paient des loyers aussi. Lorsque vous me dites que les locataires sont discriminés, je dis: Non, il y a certains locataires qui sont discriminés. Et je dis: Oui, il y a certains propriétaires qui font de la discrimination, mais c'est aussi minoritaire dans un cas que dans l'autre. Est-ce qu'on va faire des lois pour une majorité de personnes ou pour une minorité? Je vous pose la question.

M. Messier: On va y réfléchir. Une chance que vous n'étiez pas là, hier matin, avec le FRAPRU.

M. Pépin: Je suis déjà passé à la radio avec eux.

M. Messier: Oui?

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Messier: Je pense que cela aurait frappé. Toujours concernant la Régie du logement, vous dites que la régie n'est peut-être pas un bien nécessaire ni un mal nécessaire. Moi, je la considère comme un mal nécessaire pour certains, mais c'est plus un bien nécessaire qu'un mal nécessaire. Vous dites que c'est une béquille. Si on veut faire des modifications à la loi 107 et qu'on veut inclure une clause de harcèlement avec des mesures punitives, est-ce que vous y voyez encore une contrainte à la libre entreprise, à la liberté des gens?

M. Pépin: Je n'ai pas de projet précis devant moi, mais chaque fois qu'on veut impliquer que quelqu'un est coupable avant qu'il n'ait eu le droit de se défendre, c'est du harcèlement - pour autant que cela me concerne - de la part du propriétaire ou du locataire. Il existe présentement des lois drôlement restrictives et qui protègent drôlement bien le locataire. La Régie du logement, quand je dis que c'est une béquille, je suis apte à dire aujourd'hui que c'est une béquille nécessaire. C'est une béquille dans un contexte où chacun a des droits qu'il veut défendre. Ce qu'on reproche à la Régie du logement, c'est de tenir pour acquis que le propriétaire a tout. C'est lui qui a le rôle, le fardeau de la preuve, chaque fois. C'est lui qui est responsable de tous les mouvements. Quand vous analysez la Régie du logement, il y a certaines choses... Si le propriétaire vous envoie une lettre et que vous n'y répondez pas, vous dites: Oui. Dans un autre cas, s'il vous envoie une lettre et que vous n'y répondez pas, vous dites: Non. Il faut le savoir et ce ne sont pas tous les propriétaires qui le savent. S'il veut prendre votre logement et que vous ne répondez pas, vous dites: Non. Si vous avez une augmentation du loyer et que vous ne répondez pas, vous dites: Oui. Ce sont ces petits détails. La partie de votre question, à savoir: Si on fait une loi encore plus restrictive, est-ce que cela devrait être une bonne chose? J'aimerais bien savoir pourquoi et il faudrait qu'on me fasse la preuve que, dans le cas présent, à part une certaine

minorité de personnes, le propriétaire est mal servi.

M. Messier: Une dernière question. Combien de temps me reste-t-il? Trois minutes. D'accord, en trois minutes. Il y a eu des propositions de modifications à l'article 1653 présentées hier par l'Association des locataires contre la conversion en copropriété et le Groupe de travail en droit du logement visant à modifier l'article 1653 en ce qui concerne les réparations majeures, parce qu'il y a effectivement beaucoup d'évictions sous prétexte de réparations majeures. Le fait de modifier en tout ou en partie cet article, comment réagissez-vous face à cela?

M. Pépin: Peut-être 0,1 % de nos membres sont intéressés à la conversion des logements. J'ai fait un "survey" parmi nos 3000 membres et j'ai eu treize réponses. Ils ne sont pas réellement intéressés. Ce qui les inquiète, dans le moment, c'est que les lois qui sont en train d'être votées deviennent des lois qui soient des acquis et qui soient adaptées à l'ensemble du parc locatif. Présentement, celui qui veut convertir sait où il s'en va; il connaît les règles du jeu et il va jouer avec les règles du jeu.

Lorsqu'on dit qu'on donne le droit au maintien dans le logement à perpétuité, qu'on fait un tas d'affaires, c'est drôlement fatigant parce qu'on sait que c'est toujours ainsi que les lois s'amorcent et que les lois se changent. Là, on fait un petit "trial" -pardonnez-moi l'anglicisme - on fait un essai dans un domaine précis; on dit: On va essayer cela, peut-être que ce sera un bon point et, si jamais cela fonctionnait bien, on va l'étendre à l'ensemble du parc locatif. Mais là, ce n'est pas aussi drôle. Ne tenez pas pour acquis que tous les propriétaires veulent convertir. C'est la petite minorité, et il va y en avoir de moins en moins, ce n'est pas payant. C'est rendu que ce n'est pas payant. Il y a des gens qui en ont fait la preuve tantôt: l'évaluation double, mais il y a trois propriétaires qui ne sont plus capables de vendre; ils ne sont plus capables d'hypothéquer. C'est bien beau dire que cela vaut cher pour la municipalité qui veut percevoir des taxes, mais si vous n'êtes pas capable de rien faire avec. Si vous avez converti pour y habiter, je suis entièrement d'accord, mais vous étiez un locataire. Mais si vous avez converti pour le revendre et que vous n'êtes pas capable de le revendre, parce qu'il n'y a pas d'acheteur, vous allez y penser deux fois avant de convertir le logement.

C'est un peu comme la question des réparations majeures. Est-ce que, d'un côté, on va empêcher tous les propriétaires de faire des réparations majeures? Sur le Plateau-Mont-Royal, si ce secteur a repris de la gueule, c'est parce qu'on a converti des logements, an a empêché des maisons de s'écrouler. Est-ce qu'on veut revenir à ce qu'on avait avant, il y a quinze ans, alors qu'on détruisait tout pour faire du neuf ou si on veut conserver notre parc locatif?

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le député de Saint-Hyacinthe. Je vais maintenant reconnaître le député de Shefford.

M. Paré: Merci, M. le Président. M. Pépin, Mme Roy, bienvenue à la commission. Il me fait plaisir de vous entendre. Juste quelques petits commentaires avant de passer aux questions. Je trouve dommage que le ministre ne soit pas présent; il ne pourrait pas dire par la suite que l'ensemble des propriétaires sont venus dire qu'ils étaient tout à fait d'accord avec cela. Ce qui est dit ici, on va en discuter et c'est autre chose.

Un petit commentaire sur les propos du député de Saint-Hyacinthe qui parlait de l'article 1 de son programme. On n'en a pas parlé jusqu'à maintenant, et je n'aurais pas voulu qu'on en parle, mais je vais prendre dix secondes pour vous dire que l'article 1 pour nous, c'est pour que le peuple québécois devienne propriétaire, et non pas qu'il demeure locataire.

Une voix: ...

M. Paré: Bon! je pense que c'est important de replacer les choses. Cela étant dit, revenons maintenant sur la levée du moratoire. Tout le monde, de façon unanime depuis lundi matin, y compris l'Association des locataires dit: On est d'accord avec l'accès à la propriété. Vous le dites aussi. On ne peut pas être contre cela. Effectivement, c'est être capable de se ramasser du capital et avoir une sécurité. C'est notre rôle, à nous, d'essayer de juger les choses en fonction de la réalité et de la capacité des gens. On sait très bien que ce n'est pas possible, spécialement dans la région de Montréal, que la majorité des gens deviennent propriétaires. Il faut être bien conscient de cela: La réalité est là. Est-ce que cela va changer dans l'avenir? J'espère. Ce serait l'idéal de permettre aux gens d'avoir de plus gros revenus. C'est toujours une question de finances. Plus les gens vont avoir les moyens, plus ils vont acheter. Que les gouvernements leur donnent des moyens, si nécessaire, cela peut activer les choses, mais pour le moment, on sait que ce n'est pas cela.

Face à cela, on se rend compte depuis le début de la commission que, finalement, les locataires, ils sont venus nous le dire, étaient contre la proposition qu'on retrouve dans le document. Quand je parle des

locataires, je parle à titre individuel des associations, des groupes d'âge d'or, même la FADOQ, la fédération du Québec. Globalement, de façon unanime, tous ceux qui représentent les associations, les locataires en général, sont contre. Vous, vous représentez ici l'Association des propriétaires du Québec et vous dites que, tel que proposé, cela ne fera rien avancer.

Est-ce que c'est exact de dire que votre interprétation, c'est: Au lieu d'aider les futurs propriétaires, cela aurait plutôt tendance à nuire aux propriétaires actuels?

M. Pépin: La façon dont c'est posé dans le moment, c'est qu'on veut enlever des droits à une partie de la société pour les transférer à l'autre. Je pense que les deux ont des droits, qui sont reconnus dans la société. Obliger le dépanneur à vendre son ketchup 0,85 $ au lieu de le vendre 0,83 $... C'est réglementé comme la régie du lait... c'est réglementé de plus en plus, dans tou3 les domaines. Le propriétaire, de nature, est un individualiste. C'est normal. C'est un entrepreneur dont la clientèle est composée de locataires. Lui ne veut pas vivre à l'intérieur de lois restrictives à tout bout de champ. Il veut bien vivre à l'intérieur des lois qui régissent la société en général. Pourquoi être plus restrictif pour certains que pour d'autres? Pourquoi lui enlever des droits et les transférer à l'autre? C'est toujours ce qui le lèse et cela le rend un peu agressif parce qu'il dit: C'est quoi, le "next move"? Je vais vendre, c'est aussi bien de redevenir locataire, je vais traverser de l'autre côté, j'ai plus de droits d'un côté que de l'autre.

M. Paré: On sait qu'au Québec, comme un peu partout ailleurs aussi, dans les autres pays ou dans les autres provinces, une situation particulière est vécue dans les grands centres. Au Québec, c'est Montréal et Québec. Ce qui se vit ailleurs au Québec, ce n'est pas la même chose que ce qui se vit à Montréal. C'est très particulier et, d'ailleurs, au Québec, depuis quelques années, on a enfin réussi à faire en sorte qu'une majorité de Québécois soient propriétaires de leur logement. On parle maintenant de 53 %. Par contre, quand on arrive à Montréal, c'est complètement dans l'autre sens, c'est 78 % à 80 % de locataires. Donc, Montréal vit une situation tout à fait particulière, et dans nos lois, dans les décisions qu'on prend, il faut tenir compte de cette particularité, sinon on n'est pas correct. (11 h 30)

Les propriétaires comme les locataires, en général, dans un pourcentage très élevé, sont des gens honnêtes qui veulent vivre honnêtement et en relation harmonieuse les uns avec les autres. Il y a effectivement des propriétaires et des locataires parmi nous aussi et on veut tous être propriétaires, si on ne l'est pas déjà. On a à vivre finalement en harmonie. Vous avez dit que la spéculation ou des décisions ont fait en sorte qu'on paie, à Vancouver et à Toronto, 800 $, 900 $, 1000 $ ou 1200 $ et qu'on paie encore 500 $ à Montréal. Ne pensez-vous pas - c'est bien beau de vouloir entrer dans le cadre canadien, on se compare à l'Ontario et on aime bien cela - que, si on utilise cela, on risque de faire en sorte que Montréal finisse par vivre à l'heure de Toronto, c'est-à-dire qu'on va consacrer un montant tellement important en logement, que moins de logements seront disponibles en location, et que ceux qui le seront coûteront très cher? Pour s'acheter un appartement, on sera obligé de consacrer beaucoup plus que ce qu'on consacre présentement. Si on applique cela, d'après vous, on va faire en sorte que Montréal, spécialement - le reste du Québec est moins touché, j'en suis conscient, et les relations sont beaucoup plus harmonieuses, en tout cas, il y a moins de problèmes - si on l'applique tel quel, on va finir par ressembler davantage à Toronto, de sorte que cela va coûter beaucoup plus cher en logement pour les locataires et pour les locataires devenant propriétaires en copropriété?

M. Pépin: Pour répondre à la première partie de votre question de tantôt, M. le député, à savoir comment il est possible de passer de 700 000 $, 900 000 $ à 1 200 000 $ en l'espace de très peu de temps, cela a été possible parce qu'on s'est servi de l'image extérieure pour dire: Écoute, ta propriété est sous-évaluée - on a vendu cette idée en général - alors tu peux l'acheter à tel prix; elle va atteindre ces sommets-là. Comme on est dans une période économique excellente, c'est sûr que le propriétaire du logement ne vit pas de ses logements. La plupart sont des gens qui ont un autre travail. 95 % de nos propriétaires de logements ne vivent pas de cela. Ils peuvent très bien arriver à la fin de l'année et, à l'opération, perdre 3000 $, 4000 $ ou 5000 $ sans être affectés. C'est même une diminution des impôts. À partir de là, votre question est: Si on l'applique tel quel, est-ce qu'on va se rapprocher du marché de Toronto? Oui, si cela impliquait 10 %, 12 % ou 15 % du marché, mais cela va impliquer à peine 0,5 % du marché. Dans la mesure où les gens vont réaliser que ce n'est pas payant, ils vont moins l'utiliser.

Notre crainte n'est pas tellement ce qui va s'appliquer directement à la conversion, ce sont les idées générales qui s'en dégagent et c'est toujours cette présence gouvernementale de plus en plus forte à l'intérieur du particulier.

M. Paré: Vous venez de dire une chose très importante: D'après vous, cela ne

touchera pas beaucoup de gens. Si cela en touche beaucoup, on va avoir ce que je considère les problèmes de logement de Toronto pour le coût à payer pour se loger. Vous dites qu'il n'y a pas de danger parce que cela ne touchera pas grand monde. Je vous retourne cela. Je ne sais pas ce sur quoi vous vous basez, mais, pour les 95 % de petits propriétaires dont nous sommes, répartis sur le territoire, je comprends qu'on ne vit pas de nos propriétés. C'est un revenu supplémentaire ou même, dans certains cas, cela peut être une dépense finalement, mais on veut être propriétaires.

Vous dites que cela ne touchera même pas 1 %, alors que le chiffre cité dans le document est entre 1 % et 2,5 % à Montréal. Il y a eu une petite chicane de chiffres hier et je ne veux pas y revenir; toutefois, on parle de dizaine de milliers à Montréal à l'heure actuelle et les gens sont venus nous dire, des gens dont on ne s'attendait pas du tout, je dois vous dire, de Notre-Dame-de-Grâce, Ville Mont-Royal et Westmount, que c'est vraiment parti, qu'il y a un courant, et on le ressent. Promenez-vous dans les rues de Montréal, allez à Saint-Henri ou à Pointe-Saint-Charles, n'importe où, et vous voyez que c'est beaucoup plus que 1 %, à mon avis. Si on lève le moratoire, vous pensez que cela n'aura pas un effet intéressant pour les gens qui veulent vivre d'achat et de revente d'édifices, mais même pour de petits propriétaires qui auront un gain facilement réalisable rapidement, parce qu'il y a effectivement une spéculation terrible. Je dois vous dire qu'en juin on a adopté un projet de loi privé sur Milton Parc pour empêcher la spéculation, pour empêcher les propriétaires des coopératives et des OSBL, ici autour de l'hôtel, de vendre, tellement la pression était forte pour la spéculation. Les groupes sont venus nous dire qu'ils sentent ça. On a eu des cas précis que le député de Saint-Hyacinthe a mentionnés hier, qui viennent de sortir, parce qu'ils s'attendent à la levée du moratoire. Ne pensez-vous pas que cela va avoir un effet multiplicateur au cours du suivi de la levée du moratoire si jamais cela a lieu?

M. Pépin: Savez-vous ce qu'on devrait faire? Une loi pour le Plateau-Mont-Royal et une loi pour le reste de la province de Québec. Depuis que je suis avec l'association, soit les quatre dernières années, le FRAPRU et l'Association des locataires représentent toujours le Plateau-Mont-Royal. Que voulez-vous que je vous dise? Le Plateau-Mont-Royal, c'est une rue et quelques rues de travers. Cela représente "so many people", avec les droits desquels je suis d'accord. L'autre qui est à Ahuntsic... Savez-vous combien de propriétaires à Laval parlent de conversion? .000 %. Combien à Brossard en parlent? Ils vont aller dans du vrai condominium, ils bâtissent, ils achètent des vrais condominiums. Ils ne parlent pas de convertir, ils parlent d'acheter un condominium comme un autre parle d'acheter une maison unifamiliale.

On ramène toujours le Plateau-Mont-Royal comme le centre de toutes les activités au Québec. Ce sont les plus actifs, mais non pas le centre des activités. J'entends rarement parler d'un propriétaire d'Ahuntsic, il n'est pas concerné et pourtant Ahuntsic, c'est un quartier normal à la ville de Montréal. J'entends parler un peu plus de Villeray, cela se rapproche un petit peu. Mais les autres sont satisfaits des conditions.

M. Paré: On se rejoint là-dessus, sauf que j'agrandis drôlement le Plateau-Mont-Royal et surtout depuis le début de la commission parce que, comme je vous le disais tantôt, les gens qui étaient à la table hier où le ministre a fini par annoncer qu'il présenterait un amendement à l'article 1653 à la suite de leur témoignage, ces gens-là représentaient le Montréal métropolitain. Si on utilise souvent le Plateau-Mont-Royal, c'est peut-être justement parce que les gens sont plus sensibles et qu'il y a eu plus de déplacements. C'est toujours utilisé à titre d'exemple, sauf que j'ai parlé tantôt de Milton Parc. Le Centre-Sud est venu. Le député de Sainte-Anne reconnaît que le visage de Pointe-Saint-Charles a changé. Allez vous y promener; ceux qui sont passés il y a cinq ans et qui passent aujourd'hui s'aperçoivent très bien que ce n'est absolument plus la même chose. Je comprends et vous avez raison. Je l'ai dit, Laval, Brossard, Québec, Sherbrooke, Granby ne vivent pas ce que Montréal vit parce que quand on pense à s'en aller dans un condominium, on pense plus à s'en aller dans du neuf parce qu'il y a moins de quartiers anciens et que le quartier du centre-ville est beaucoup moins important. C'est spécifique à Montréal.

Je dois achever, malheureusement. La proposition de Montréal fait en sorte qu'on laisse à la municipalité un rôle ' décisionnel, ce qui ferait que le reste du Québec ne serait pas touché sans le consentement des municipalités. Montréal pourrait faire des recommandations, des suggestions, soit par quartier, soit par type de logement. Est-ce que vous seriez plus d'accord avec la proposition de Montréal qui fait en sorte qu'on ne chambarde pas tout le mode de location et d'habitation au Québec mais qu'on laisse à la municipalité, qui est le gouvernement le plus proche, le plus sensible normalement à ce que vivent les citoyens, la responsabilité d'appliquer ou non, sur son territoire, une transformation en copropriété?

M. Pépin: On dit qu'on va faire un

moratoire sur la conversion pour que les gens qui sont dans les logements puissent les acheter. Ceux qu'on veut qu'ils les achètent ne veulent pas les acheter, au départ, et ensuite n'ont pas les moyens de les acheter. Tous les autres qui ont les moyens, qui pourraient les acheter, ne sont pas intéressés. Ils vont acheter autre chose, maison uni familiale, condo, etc. On veut défendre les gens, leur donner des droits et ils n'en veulent pas. Le gouvernement a décidé de donner des droits à des gens qui ne veulent pas de ces droits-là, mais qui veulent vivre à l'intérieur de lois qui les protègent dans ce qu'ils ont déjà. On dit qu'une minorité . de propriétaires veulent acquérir ces immeubles-là pour y faire des transformations. Si personne ne les transforme... Je suis contre l'évacuation sauvage, je suis contre tout ce qui fait que ça délabre une société. Est-ce qu'on peut dire à partir de là qu'on ne touchera plus à rien ni au Plateau-Mont-Royal, ni à Pointe-Saint-Charles, ni ailleurs, qu'on va laisser toutes ces vieilles bâtisses tomber en ruines de façon que dans 50 ans il n'y ait plus rien à faire avec et qu'on les remplace par des manufactures?

Il fut un temps, si je me rappelle bien, j'étais peut-être un peu moins haut, mais en bas de Saint-Antoine, de Saint-Jacques, il y avait des maisons, il devait y avoir des résidents. Aujourd'hui, il y en a très peu. Les gens ont choisi, par goût, de monter graduellement. Je sais que les gens qui habitent Plateau-Mont-Royal aujourd'hui, ou plutôt, qui habitaient là il y a 25 ans, on les retrouve dans Villeray. Ceux de Villeray, vous les retrouvez dans Ahuntsic, ceux d'Ahuntsic, vous les retrouvez à Laval, ceux de Laval, de temps en temps, sont en périphérie, quelques-uns sont dans le nord. À partir de là, c'est un mouvement naturel des populations. C'est une migration normale. Là, on veut dire aux gens: On va empêcher la migration à l'opposé, celle du gars qui est à Laval et qui aimerait venir habiter dans le centre-ville pour différentes raisons. Comme les terrains sont très peu nombreux, c'est sûr que les gens essaient d'acquérir des propriétés.

Je suis obligé de dire oui aux droits du propriétaire, mais non à ce qu'on le fasse à n'importe quelles conditions. Les urbanistes avant nous parlaient de procéder par secteur, parlaient de ne pas apporter des solutions globales à des problèmes locaux. Je suis entièrement d'accord avec cela. Le problème est réellement local. Granby, Saint-Hyacinthe ont définitivement un problème différent de celui du Plateau-Mont-Royal, qui a un problème différent d'Ahuntsic. Pourtant, c'est la même ville.

M. Paré: Merci. Je retiens deux choses dans votre mémoire. On retrouve à la page 1: "...de ces politiques acceptables pour une conversion sont absolument intolérables dans une politique globale de logement". Il faut que ce soit dans le cadre d'une politique globale d'habitation. À la page 2, "La levée du moratoire ne permettra l'accessibilité à un logement qu'à un nombre restreint de locataires, ceux qui ont déjà probablement les moyens d'être propriétaires." Je pense que les remarques que vous faites ici sont importantes. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le député de Shefford. Nous en sommes maintenant aux remarques de conclusion. Je reconnaîtrai maintenant M. le ministre.

M. Bourbeau: Oui. Bien que je n'aie pas assisté personnellement à toute la présentation du mémoire, je tiens à dire que j'ai eu l'occasion de lire le mémoire et de prendre connaissance de son contenu. Je remercie l'Association des propriétaires du Québec pour le point de vue qu'ils ont exprimé. Je peux vous assurer que ce point de vue sera considéré de même que tous les autres qui ont été énoncés devant la commission lors de la décision que prendra le gouvernement sur la suite à donner aux propositions concernant la levée du moratoire. Merci,

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le ministre. M. le député de Shefford.

M. Paré: À nouveau pour vous remercier aussi, en disant que l'échange de vues a été très intéressant. Votre document apporte un exemple précis et concret qui mérite d'être considéré. On va en tenir compte. Vous êtes très représentatifs du monde que vous défendez. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Pépin, de brèves remarques de conclusion.

M. Pépin: Très brèves. Je pense que le gouvernement et l'Opposition ont un travail précis à faire dans le cas présent. Le gouvernement tente de trouver des solutions à des problèmes insolubles. L'Opposition voudrait bien que le gouvernement n'ait pas raison parce que cela fait partie de son bail. Nous, on essaie de régler les problèmes de nos propriétaires. Là-dessus, je vous remercie.

Le Président (M. Saint-Roch): Je remercie l'Association des propriétaires du Québec de leur contribution aux travaux de cette commission. Je demanderais maintenant à la Ligue des propriétaires de Montréal Inc. de prendre place, s'il vous plaît!

Permettez-moi, dans un premier temps, de vous souhaiter la bienvenue aux travaux de la commission. Je demanderais maintenant au porte-parole de bien vouloir s'identifier ainsi que les gens qui l'accompagnent.

Ligue des propriétaires de Montréal Inc.

M. Aubry (Jean-Pierre): Mon nom est Pierre Aubry. Je suis le président de la Ligue des propriétaires de Montréal. Je suis accompagné à la table ici par M. Guy Rouleau, responsable d'une partie de la rédaction du mémoire. À ma gauche, M. Claude Desroches, vice-président de la ligue.

Le Président (M. Saint-Roch): J'aimerais maintenant vous céder la parole pour quinze minutes pour déposer votre mémoire.

M. Aubry: Bonjour, M. le ministre, MM. les membres de la commission. Je pourrais vous lire le document au complet. J'en sauterai probablement quelques phrases en passant. Le document que nous vous présentons se veut sans malice,, Plutôt que toucher des points de pratique, de détail et de formalité dans la troisième virgule de tel amendement, on a essayé de s'en tenir aux éléments de base de la philosophie qui pourrait réellement faire avancer le marché que nous étudions, le marché de la propriété, et en même temps de parler de la transformation en condominiums qui est le sujet qui nous touche le plus particulièrement aujourd'hui. (11 h 45)

C'est notre première rencontre officielle avec M. Bourbeau en sa qualité de ministre de l'habitation. Nous lui exprimons nos voeux les meilleurs et souhaitons ardemment qu'il puise ses politiques dans le programme du Parti libéral du Québec et les différents documents publiés par ce parti au cours des dernières années. Ils préconisent une moins grande ingérence de l'État et une importante déréglementation. Nous lui en soulignerons quelques extraits dans le cadre des commentaires qu'à son invitation nous ferons dans le cadre du document Lever le moratoire, une décision qui s'impose. Nous souhaitons le dialogue, la consultation et la concertation permanente à toutes les étapes de l'élaboration et l'amendement des lois sur l'habitation, y compris l'étape des groupes de travail, l'expérience nous démontrant que c'est à cette étape que l'impact peut être déterminant.

Notre intervention dépasse nécessairement le cadre de notre "membership" et à la suite des consultations faites, nous croyons exprimer ici l'opinion d'une très grande majorité de propriétaires du Québec, dont nous partageons les inquiétudes à l'annonce des nouvelles mesures envisagées par le ministère.

Selon Se loger au Québec, publié en 1984, des propriétaires, il y en avait 200 000 au Québec générant directement ou indirectement 75 000 emplois et des dépenses de l'ordre de 5 000 000 000 $. C'est dire l'impact de ce domaine d'activité sur l'économie du Québec.

Parlant d'habitation, nous, propriétaires, membres du groupement sans but lucratif qu'est la ligue des propriétaires, désirons nous démarquer de certains spéculateurs dont c'est le métier de faire des spéculations fiancières et commerciales. La propriété, pour eux, ne représente qu'une opération sur valeur immobilière à l'inverse du propriétaire qui possède son immeuble, soit comme résidence, soit comme placement dans le cas des immeubles à revenus. L'élément "permanence", surtout chez nos membres, est celui qui prédomine.

Cela dit, nous aimerions rappeler à votre connaissance les termes que nous avons servis à votre prédécesseur, le ministre, M. Jacques Rochefort, en mars 1985, lors de la présentation des mémoires sur le livre vert Se loger au Québec et je cite: "Nous, propriétaires, membres de la ligue, nous ne demandons aucun octroi, aucune subvention, aucune législation ou réglementation visant à faire du propriétaire un citoyen à part, un citoyen privilégié. "Par contre, nous nous opposons énergiquement, farouchement même, à toute législation au réglementation visant uniquement le propriétaire, le lésant dans ses droits, le plaçant dans une position d'infériorité vis-à-vis de ses concitoyens. Nous ne vouions pas être la cible d'une législation d'exception et onéreuse par surcroît."

Le deuxième principe que nous avançons, c'est que la location d'un logement est une activité commerciale au même titre que l'acquisition d'un dépanneur, du détenteur d'une franchise ou concession, d'une épicerie, d'une boucherie ou autre commerce. Par une saine administration, dans des conditions normales, l'investissement doit générer des profits.

Nous partageons, plus qu'on pourrait le croire, le souci des politiciens, des groupements de locataires et autres associations de bienfaisance - auxquelles nous participons -pour la protection des démunis, des personnes âgées et des handicapés. Nous apprécions à sa juste valeur l'argument du droit de tous à un logement. Ce souci, cependant, n'est pas le propre d'un petit groupe, mais ce souci et cette responsabilité doivent être partagés par la majorité de la population, y compris les propriétaires, y compris les locataires, y compris toutes les personnes habitant au Québec. Nous comprenons la notion du logement social, nous en sommes et nous sommes de la même société. Nous faisons remarquer cependant que nous ne devons pas assumer

seuls, comme le voudraient certains, cette obligation sociale. C'est le devoir de la société dans son entière té. Il appartient à l'État de répartir le coût de cette obligation parmi tous les membres de la société et dans toutes les sphères d'activité, et non d'imposer à un seul groupe de la société, comme on semble le faire de plus en plus depuis quelques années, la responsabilité de cette obligation sociale.

Nous ne surprendrons personne en affirmant que toutes les lois d'exception adoptées par les gouvernements, cette dernière décennie, pour concilier locateurs et locataires, pour se loger et maintenant pour donner accès à la propriété, l'ont été aux dépens du propriétaire en changeant radicalement la notion de propriété et en restreignant sans cesse la liberté de contracter, pourtant depuis toujours sanctionnée par le Code civil. Ces lois d'exception ont été le prétexte d'ingérence outrancière dans le domaine du droit privé et de la réglementation de plus en plus rigide de l'activité du propriétaire dans ses relations avec ses locataires et dans l'administration et l'entretien de ses immeubles. Tous ces contrôles devaient être temporaires au début. Avec les années, ils prirent une forme de permanence temporaire pour devenir temporairement permanents et enfin, en 1980, permanents permanents en dépit de l'opposition des locataires et des propriétaires.

Je sauterai l'historique sur le moratoire de la conversion. Je pense qu'un peu tout le monde est au courant de ce qui s'est passé. J'en viens à la page 5. Le ministère recommande que le projet de loi, notamment en ce qui a trait aux articles portant sur la copropriété, soit adopté et mis en application le plus tôt possible. Cette recommandation date de 1983; nous sommes en 1987 et la loi n'est toujours pas en vigueur.

On trouve ces informations dans le livre vert de 1984, Se loger au Québec, basé sur les conclusions de différents groupes de travail. Dans ce document, au chapitre de la copropriété, on traite des modifications à apporter au régime juridique de la copropriété. Cela s'intitule "Simplification et uniformisation du régime de propriété" avec, naturellement, "scénario possible d'intervention". Suit, il va de soi - quoi d'autre? - le chapitre sur l'encadrement de la conversion des immeubles locatifs avec scénario possible d'intervention pour l'encadrement de la conversion. Voici ce que cela donne: "Si l'on veut que le pourcentage des propriétaires augmente, il faut que davantage de locataires à revenus modestes accèdent à la propriété." Il fallait y penser. "La conversion des immeubles locatifs peut fournir cette occasion, si elle est encadrée convenablement." Sous-entendu: extension des tentacules de la réglementation et pouvoirs accrus à la Régie du logement. On refile au propriétaire le programme destiné au locataire à revenus modestes et visant à lui donner accès à la propriété de son logement.

Au temps des péquistes, les groupes de travail nous faisaient servir le scénario d'intervention. Sous les libéraux, on a chaussé les bottes de sept lieues. Avec Lever le moratoire, ils nous présentent une décision qui s'impose, symphonie inachevée en sept mouvement et sept temps. On s'imagine que cette nouvelle approche est une déréglementation.

Nous avons pu nous faire entendre par le passé. Nous ne pensons pas nous être fait comprendre. Nous n'avions pas acquis la maîtrise, le sens de la protestation et de la manifestation vocale, scandante et même chantante qui semblait réussir à faire son effet avec l'ancien gouvernement.

Le ministre nous demande de faire nos commentaires sur le document Lever le moratoire, une décision qui s'impose qu'il donnait en avant-première, le 13 mai dernier. Nous serons francs avec le ministre. Nous ne pouvions croire qu'un gouvernement libéral qui avait promis de stopper l'ingérence du gouvernement et de procéder à une déréglementation d'envergure propose de nouvelles mesures de réglementation sous prétexte de faciliter l'accès à la propriété. Nous conservons malgré tout un préjugé favorable au gouvernement actuel et au ministre que nous aimerions pouvoir rencontrer plus souvent.

Nos espoirs de déréglementation furent ravivés à la lecture des rapports du groupe de travail, ministériel celui-là, sur la révision des fonctions et des organisations gouvernementales, remis le 26 mai 1986 par le président du Conseil du trésor au premier ministre Robert Bourassa. Au cours de son entrevue accordée au journal Habitabec, le ministre André Bourbeau avait confié au journaliste Bernard Carrier avec beaucoup d'humour, croyions-nous: "Je garde toujours près de mon coeur le livre vert Se loger au Québec préparé sous la tutelle de l'ex-ministre Guy Tardif. Cet ouvrage - de dire le ministre - constitue une somme importante de la pensée collective en matière d'habitation." J'ajouterai ici: C'est une somme importante de la pensée collective, mais ce n'est pas une somme totale. Les propriétaires dans leur entièreté en sont exclus.

Pour notre part, si nous n'avons pas rejeté ce document du revers de la main, nous n'avons pas accepté la philosophie qui animait ses auteurs et qui se traduit toujours dans différents scénarios d'intervention. Nous sommes davantage d'accord avec les conclusions d'un groupe de travail du Parti libéral du Québec que l'on peut lire dans le document de réflexion préliminaire publié en mai 1984 où il est dit: "Une politique à long

terme devra être axée sur l'autonomie des lois du marché". Exprimant leur opinion, les auteurs du document de réflexion du Parti libéral affirment: "Le vrai développement économique ne se fera pas en déplaçant dans le temps la demande de logements neufs ou rénovés, ou en donnant de fortes subventions, mais en favorisant l'avènement supplémentaire dans un contexte plus près de nos besoins et de notre richesse propre." De conclure, les libéraux: "Les solutions ne seront pas simples et leur application peut demander une bonne dose de courage."

Les groupes de travail ont relu le document, ayant à l'esprit les énergiques appels à l'austérité du président du Conseil du trésor, Paul Gobeil, et du ministre des Finances, Gérard-D. Levesque. Une aubaine pour les conseillers du ministère sur l'habitation. L'opportunité de continuer l'oeuvre. D'autant plus qu'on pouvait satisfaire en même temps les appels à l'austérité, l'apparence de la réalisation d'une partie du programme libéral et certains souhaits exprimés par le ministre dans son entrevue à Habitabec. M. Bourbeau avait en effet déclaré que, s'il n'était pas question d'abandonner les programmes sociaux, il n'en allait pas de même pour des programmes chers à l'ancien ministre, mais qui, très coûteux, n'avaient pas réalisé leurs objectifs. On pouvait donc faire d'une pierre deux coups. En premier lieu, on pouvait rogner sur les subventions pour satisfaire aux programmes d'austérité et ensuite on semblait satisfaire l'une des conclusions du Parti libéral du Québec en refilant à l'entreprise privée, en l'occurence, le propriétaire de logements locatifs, le programme d'accès au locataire à la propriété de son logement.

Lever le moratoire pour donner au locataire l'accès à la propriété de son logement par la décision d'imposer, en même temps, au propriétaire de l'immeuble une démarche en sept temps dont il assume seul les risques et les déboursés, alors que le locataire se voit accorder le droit de préemption en même temps que le droit au maintien sur les lieux à perpétuité. Le Code civil sera amendé pour prolonger les délais d'avis avec provisions pour frais de déménagement, etc.

Le propriétaire réfléchira mûrement, sérieusement et longtemps avant de s'embarquer dans une galère dont il ne peut savoir où, quand, comment et en quel état il en débarquera s'il ne sombre pas avant.

Lever le moratoire, nous en sommes, certes. Notre vice-président, Claude Desroches, résumait, à ce sujet, notre pensée dans un article paru dans notre bulletin du mois de mai dernier: "La levée du moratoire comporte, en principe - écrivait-il - une expansion très importante du droit de propriété. Nous l'apprécions. il est évident que la levée du moratoire aura des implications pour les propriétaires concernés qui pourront alors vendre chacun de leurs logements individuellement."

Reconnaissant également les implications pour les locataires, en certains cas personnes à revenus limités, personnes âgées, handicapées, il s'en inquiète et accepte qu'on encadre provisoirement le processus de conversion pour que le changement se fasse de façon ordonnée et civilisée, comme le sont la très grande majorité des citoyens du Québec, locataires comme propriétaires. Il déplore aussi la rapacité de certains spéculateurs et profiteurs peu scrupuleux de s'enrichir aux dépens des plus démunis de la société.

Pour prévenir les excès en ce sens, nous acceptons qu'à l'intérieur du règlement du processus de conversion, mentionné à l'article 53 de la loi sur le logement locatif, s'établissent, avec les critères de conversion, les sanctions qui les accompagnent. Nous nous opposons formellement, toutefois, à ce que la levée du moratoire serve de prétexte à l'amendement de quelque article de la loi sur le logement locatif que ce soit. Nous soumettons, de plus, au ministre qu'il nous semble que la clause de maintien spécial dans les lieux va à l'encontre du but visé, en ce sens qu'il empêche précisément l'accès à la propriété du logement que le locataire ne veut pas acheter et qu'il peut occuper à perpétuité.

Le règlement de conversion pourrait accorder un droit spécial de maintien sur les lieux au seul signataire du bail au moment de l'avis, à l'exclusion de toutes les autres personnes pour une période de cinq ans avec prohibition de vendre ou de céder ce bail sous peine de nullité absolue.

Les critères devraient prévoir les différents mécanismes pour régler les problèmes d'une occupation mixte des immeubles pour locataires et propriétaires de condo en relation avec le locateur. Nous pensons plus particulièrement à l'obligation du locateur de procurer la jouissance paisible. Que peut faire un locateur auprès de qui se plaint un locataire des troubles causés par un propriétaire de condo, son voisin? Sans doute trouverons-nous réponse à ces questions lors de la promulgation de la loi modifiant le régime juridique de la propriété.

Ce sont là des questions que nous n'aurions pas à poser s'il existait une table de concertation des intervenants. Mieux, nous n'aurions peut-être pas à exposer de nouveau nos vues sur le sujet, la levée du moratoire. (12 heures)

Nous avons fait part de notre suspicion à l'endroit des différents technocrates et bureaucrates formant les groupes de travail qui se sont succédé au cours de la dernière décennie pour préparer les grandes politiques

des relations propriétaire-locataire.

Compétents sans doute comme théoriciens, nous aurions préféré, qu'avant de livrer le fruit de leurs recherches en laboratoire, ils viennent consulter sur le terrain les représentants des associations de constructeurs, de locataires et de propriétaires, praticiens que nous sommes dans chacune de nos sphères. Nous avons toujours eu l'impression que, dans des grandes occasions comme aujourd'hui, on nous offrait de nous exprimer, mais que, à la suite de la publication d'un livre blanc, bleu ou vert, les jeux étaient faits. On nous écoutait, on ne nous entendait pas, les groupes de travail défendant leurs conclusions qu'ils avaient fait accepter par le ministre. Si nous avions été préalablement consultés, nous aurions éprouvé un plus grand sens de participation, ce qui nous eût inspiré de la confiance au lieu de la suspicion. Le climat serait sûrement meilleur aujourd'hui qu'il ne l'est.

De nos rencontres avec les différentes associations de locataires au cours des années, il en est toujours ressorti que nous avions des terrains où nous pouvions très bien nous entendre, vu que nous touchions les deux côtés du problème.

Le ministre veut donner au locataire accès à la propriété de son logement. C'est un but louable auquel il nous fait plaisir de concourir. Nous sommes prêts à collaborer avec le ministre parce que nous le croyons de bonne foi. Le ministre, cependant, comme les autres intervenants, comprendront et pourraient partager les craintes et les appréhensions que nous entretenons: que l'on ne profite de la levée du moratoire pour amender la loi sur le logement locatif. Pour parodier un autre groupe, nous disons: Ne touchez pas à la loi 107... tout de suite.

Aucun amendement à cette législation ne devrait se faire sans préalable concertation avec les intéressés. Il y aurait certes lieu à de nouveaux aménagements de la loi auxquels pourraient souscrire locataires et locateurs. Ceci pourrait être l'occasion d'une première table de concertation.

Malgré la diversité des intervenants, comme le suggérait le livre vert, une table de concertation sur la loi sur le logement locatif et son application permettrait d'engager un véritable dialogue et d'établir certains objectifs communs. Un tel exercice pourrait bien contribuer - c'est à espérer - à l'élaboration d'une politique globale d'habitation qui pourrait devenir la plus belle réalisation du ministre. Cela prendra une bonne dose de courage pour le ministre. Le document de réflexion du groupe de travail du Parti libéral sur l'habitation nous assure que le parti qui forme le gouvernement n'en manque pas.

Dans l'immédiat, nous souhaitons au ministre de réussir dans son projet de donner aux locataires accès à la propriété de leur logement. Après avoir entendu les mémoires, nous savons qu'il a une tâche délicate et difficile. Merci beaucoup, M. le ministre.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie. J'attire l'attention des deux membres de la commission sur le fait qu'il leur reste maintenant dix minutes à chacun pour la période de questions. Je reconnais M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, tout en saluant les gens de la Ligue des propriétaires de Montréal Inc. et en leur disant que, si les technocrates qui entourent le ministre cherchent, bien sûr, à l'influencer et peut-être l'influencent à l'occasion, le ministre a quand même une bonne expérience dans ce domaine et il est capable de se faire une opinion lui-même. Sur ces remarques, M. le Président, je crois que le député de Sainte-Marie brûle du désir de poser des questions à la Ligue des propriétaires de Montréal.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre. Je vais reconnaître le député de Sainte-Marie.

M. Laporte: Merci, M. le Président. Premièrement, je tiens à vous saluer et à vous remercier pour la contribution que vous offrez aux membres de cette commission justement dans le but, un peu comme vous le soulignez dans votre mémoire, de regarder l'ensemble des commentaires et surtout les réactions des gens à la suite du dépôt du document que le ministre et le gouvernement ont présenté.

Étant donné le temps qui nous est imparti, vous me permettrez justement d'aller rapidement aux questions pour qu'on puisse avoir un échange d'opinions et obtenir vos commentaires sur certains sujets. J'aimerais tout d'abord rappeler, comme vous le soulignez, qu'on est dans l'obligation de tenir compte de certaines contingences effectivement ou à tout le moins de les mettre en place. Je prends, à titre d'exemple, les discriminations positives au niveau de l'embauche des femmes ou des communautés ethniques. Il existe un peu partout, dans diverses lois, des dispositions justement afin de rétablir une certaine forme d'équilibre et qui, malheureusement, se sont continuées, se sont propagées avec le temps. En ce sens, je dois dire qu'une grosse majorité des intervenants qui ont passé ici, en commission parlementaire, nous ont fait part, comme vous nous le décriviez et vous nous le souligniez aussi, d'ailleurs, dans votre mémoire, de la situation créée par certains spéculateurs. On a tendance à mettre tout le monde dans le même panier. Effectivement, les tendances de certains propriétaires ont, dans un marché spéculatif et de rentabilité,

occasionné certains problèmes aux locataires. À titre d'exemple, les rénovations majeures comme moyen, entre autres d'éviction.

À la suite de ces diverses remarques, on constate, particulièrement dans mon comté, qu'il y a eu de nombreux abus. J'aimerais discuter avec vous afin de voir, dans toutes les dispositions proposées dans les documents qui vous ont été soumis pour discussion, s'il n'y a pas lieu justement, à partir du moment où tout le monde connaîtra les règles du jeu, comme n'importe quoi, d'appporter cette solution afin de rétablir une espèce d'équilibre. J'aimerais vous entendre un peu là-dessus.

M. Aubry: Dans les dispositions prévues, je pense qu'on parle des sept étapes ou manières de protection.

M. Laporte: C'est cela.

M. Aubry: C'est qu'on fait entrer un nouveau droit, le droit au maintien dans les lieux, le droit pour le locataire d'accéder à la propriété. C'est un droit très nouveau, très important et qui, dans le document de travail qui nous était présenté, est un droit permanent.

M. Laporte: Vous faites, à la page 9, la proposition de maintien dans les lieux pour une période de cinq ans.

M. Aubry: Oui.

M. Laporte: Je serais porté à vous poser la question: si cela réussit à durer cinq ans, pourquoi cela ne pourrait pas durer plus longtemps?

M. Aubry: Cinq ans, c'est déjà, en ce qui nous concerne, une grande concession. J'aurais dO dire en partant, comme base de négociation, 0 an, mais nous comprenons que la création du condominium est un droit nouveau, qui peut entraîner, pour certains locataires, des brassages que la société n'est pas habituée à envisager. C'est pour cela qu'on était prêts, dans notre cas, à accepter un compromis qui consisterait à permettre, sur une base temporaire, à un locataire de voir venir le problème et non d'être confronté à une procédure d'expulsion, le lendemain ou très rapidement.

Maintenant, quant au fait d'accorder cela à un locataire, il faut bien comprendre quelle est sa position dans la relation propriétaire-locataire. Le propriétaire a investi des sommes considérables dans une bâtisse et il offre la location à quelqu'un qui s'engage sur une base purement temporaire et uniquement pour le loyer, et à l'instant où cette personne devient locataire, elle hérite, on lui fait un gros cadeau, on lui donne un droit de préemption, on lui donne un droit de veto et on lui accorde un ensemble de droits qui se monnaient, y compris un droit de chantage: Si tu veux que je signe, paie-moi pour le bail.

Toute cette philosophie de donner à une personne en contrepartie est, je pense, abusive, surtout de donner sur une base permanente. On est prêt à accepter qu'il y ait une phase, une période de transition et c'est pour cela qu'on s'est dit: Cinq ans. En cinq ans, un locataire a le temps de voir venir le problème. (12 h 15)

M. Laporte: D'un autre côté, plusieurs organisations - ce serait la première partie de ma question, je vais vous en poser tout de suite une autre par la suite - nous ont fait part, à l'inverse de ce que vous dites, qu'effectivement cela pouvait constituer une forme de "bargaining power", mais aussi une forme de harcèlement de dire: Je vais vous donner 5000 $, à titre d'exemple, pour résilier le bail mais ces 5000 $ pourraient être récupérés facilement, à plus ou moins brève échéance. C'est la première partie de ma question et j'aimerais vous entendre un peu sur les gens que vous représentez, sur leur sensibilité - je ne connais pas la composition de votre ligue, si vos membres sont des propriétaires de duplex au de triplex - mais j'aimerais avoir un aperçu de cela et voir si, effectivement, comme l'Association des propriétaires nous en a fait part tantôt, il y en a qui envisagent cette possibilité de conversion, s'ils ont un intérêt ou s'ils sont motivés à embarquer dans ce processus de conversion des immeubles qu'ils possèdent actuellement, parmi les membres que vous représentez.

M. Aubry: Dans la première partie de votre question, vous parlez d'un montant d'achat du bail, un montant de 5000 $ ou quelque chose comme cela. Vous savez, cela nous semble abusif dans ce sens. Quand une personne signe un bail pour un mois, cela ne l'engage pas financièrement à plus que le loyer du bail. Or, elle hérite d'un "bargaining power" qui lui permet même de penser à demander 5000 $, alors que cette personne-là n'a rien risqué. On voit des droits de préemption, entre actionnaires, dans une même compagnie, lesquels vont s'échanger des droits de préemption ou de refus, mais les deux ont risqué beaucoup et ils sont une partie dans un ensemble, alors que la relation entre le propriétaire et le locataire n'est pas la même chose. Le propriétaire a risqué des sommes considérables, il a investi; le locataire hérite d'un droit et de ce côté, il n'y a pas de contrepartie: Le locataire n'avait pas à risquer et à investir, et le propriétaire n'hérite pas de droits quels qu'ils soient, de nouveaux droits, à la suite de cet échange.

C'est pour cette raison qu'on n'apprécie

pas cette nouvelle création de droits. On est prêts à la tolérer, mais au moins pour une période limitée. Je pense que déjà le Parti libéral avait mentionné que, dans plusieurs de ses phases, la déréglementation se ferait en faisant des lois qui se termineraient après un temps limité.

Maintenant, pour la deuxième partie de votre question: La Ligue des propriétaires de Montréal représente qui? La Ligue des propriétaires ne représente pas normalement dans ses membres le propriétaire de maison uni familiale, elle représente un bon -groupe de propriétaires de duplex, triplex et petits immeubles, mais elle est surtout composée de propriétaires d'immeubles de 6 à 250 logements. Certains de nos membres sont de petits propriétaires et d'autres, de gros propriétaires.

Dans tous les cas, par notre code d'éthique, on essaie quand même de constater et d'inciter nos membres à de bonnes relations propriétaire-locataire. Les locataires sont effectivement nos clients et on doit quand même respecter un client et bien transiger avec lui, si on veut pouvoir vivre harmonieusement et sur une longue période.

M. Laporte: J'aimerais vous remercier. J'aurais aimé vous poser d'autres questions, mais je vais laisser la parole à d'autres.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Sainte-Marie, votre temps est maintenant écoulé. Je vais reconnaître M. le député de Shefford.

M. Paré: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, merci beaucoup pour votre présentation. Votre point de vue est aussi très important. J'ai quelques questions à vous poser, mais j'ai, avant tout, un petit commentaire à faire au ministre: J'espère qu'il va prendre bonne note d'un message que vous passez à plusieurs reprises. Il y a à la page 10, par exemple: "Ce sont là des questions que nous n'aurions pas à poser s'il existait une table de concertation des intervenants". On retrouve à la page 11: "Si nous avions été préalablement consultés, nous aurions éprouvé un plus grand sens de participation, ce qui nous eût inspiré de la confiance au lieu de la suspicion". Et, à la page 12: "Malgré la diversité des intervenants, comme le suggérait le livre vert, une table de concertation sur la législation sur le logement locatif et son application permettrait d'engager un véritable dialogue et d'établir certains objectifs communs".

Je suis tout à fait d'accord avec vous là-dessus. On l'a dit et on le répète: Effectivement, il n'y a pas eu de consultation sur la présentation qui est là et il doit y en avoir, parce que c'est majeur.

J'espère que le ministre va finir par prendre au sérieux cette demande qui vient de vous et de beaucoup d'autres personnes, à savoir qu'il y ait une table de concertation sur la loi sur le logement social, comme ce fut proposé dans le livre vert Se loger au Québec, que cela devienne quelque chose de concret de façon qu'il y ait, aux commissions parlementaires, non seulement des présentations, mais des échanges d'opinions entre tous les intervenants. Vous présentez votre point de vue, les associations de locataires ont présenté le leur, le monde municipal, les intervenants aussi, mais un à un, à des jours différents. Nous, ici, on a une vision globale et générale, mais on n'a pas d'échanges de vues avec tout le monde en même temps. Ce domaine plus que d'autres touche tellement de gens que la table de concertation est une nécessité. Face aux changements majeurs proposés elle devient une urgence, une nécessité fondamentale.

J'ai quelques questions. Vous dites à un moment donné - attendez, j'ai pris des notes - à la page 9: "Nous nous opposons formellement toutefois à ce que la levée du moratoire serve de prétexte à l'amendement de quelque article de la législation sur le logement locatif que ce soit." Le ministre a annoncé son intention formelle de modifier l'article 1653 de la loi 107 au début d'octobre. J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus.

M. Aubry: C'est parce que, par le biais de la conversion en condominium, on touche à une tout autre phase, on touche à la Loi sur la Régie du logement proprement dite. Déjà, le droit au maintien dans les lieux se retrouvait dans la Loi sur la Régie du logement, loi concernant la relation locataire-locateur et non pas le condominium. Ce sont deux points qui nous ont frappés. Pour régler le problème de la conversion en condominium, on modifie la loi. On ne la modifie pas en faisant moins de réglementation, mais en réglementant en plus de ce qui existe déjà. En ce qui concerne la conversion en condominium et les phases d'une telle conversion, qu'il y ait une réglementation, on est d'accord. On n'est pas d'accord à ce qu'on touche à la loi de base qui concerne les locataires-locateurs, la loi qu'on connaît dans le moment comme étant celle de la Régie du logement. Je comprends et tous les gens qui ont travaillé avec moi à la rédaction du mémoire comprennent très bien qu'il pourra y avoir des abus. Dans toute société, il y a des façons de contourner les lois et d'abuser du système. Je pourrais vous en citer beaucoup. Vous en connaissez beaucoup. Il y a peut-être là une possibilité, mais ce n'est pas en affectant tout l'ensemble qu'on va régler ces problèmes. On cause cependant un autre

problème: En modifiant cette loi, la personne qui veut réellement rénover et améliorer un bâtiment existant est mise en discussion et bloquée dans sa démarche. Pour régler le problème du condominium, on s'attaque à l'ensemble. Pourtant, le condominium n'est qu'une petite partie de l'ensemble.

M. Paré: Vous êtes en train de présenter l'argumentation qu'on entend aussi depuis le début. Finalement, en prenant la levée du moratoire sur la copropriété comme quelque chose de plus ou moins significatif, on finit par toucher à peu près à tout ce qui existe dans le domaine du logement, que ce soient les relations, par le biais de la loi locataires-propriétaires, que ce soient les formules d'aide. C'est tellement global -vous pourrez faire vos commentaires - que c'est impensable de voter quelque chose d'aussi majeur sans qu'il n'y ait une loi générale sur l'habitation. Ce serait marcher un peu à l'envers que de modifier la loi, de permettre la conversion sans qu'on n'ait discuté globalement des facteurs importants à retenir dans une démarche, une vision générale et harmonieuse de logement et d'habitation au Québec.

M. Aubry: Dans une table de concertation, justement.

M. Paré: Donc, on revient à la table de concertation qui nous permettrait de préparer une véritable politique du logement social au Québec.

Un autre commentaire. On voit, au début de la page 10 de votre mémoire, que vous manifestez des craintes sur le plan de la jouissance paisible et des troubles qui pourraient être causés par un propriétaire de condo. Vous vous demandez sérieusement comment cela va fonctionner si cela se produit dans un immeuble où - c'est important de le rappeler parce que les gens qui vont le vivre, y compris vous, ce sont les locataires des bâtisses qui seront transformées - il y aura des propriétaires, des copropriétaires, des copropriétaires locateurs, des locataires bénéficiant du maintien dans les lieux et des locataires de deuxième niveau, sans aucune protection. Comment, d'après vous, ce sera vivable?

M. Aubry: Justement, on ne voit pas comment cela peut être vivable. Il faudrait que la levée du moratoire soit globale. Un promoteur qui pourrait normalement avoir accès à une transformation en condominium, il faudrait qu'au moins, dans un avenir prévisible - nous avons commencé par parler de cinq ans - il puisse entrevoir de faire la conversion au complet. Ou il convertit ou il ne convertit pas. Mais avec les réglementations qui nous sont présentées, on voit dans certains cas un empêchement majeur à la conversion qui ferait que, sur un immeuble de 20 logements, il y ait trois locataires qui n'auraient pas accepté la conversion. La conversion se ferait pour les autres locataires, mais non pas pour eux. Ils seraient des locataires parmi des propriétaires de condo et des locataires avec les droits de la Régie du logement, le droit à la jouissance paisible, des choses comme cela. On ne voit pas comment cela peut se faire: deux sortes de locataires ou locataires-propriétaires dans le même édifice. C'est ce que la loi laisse entrevoir.

L'autre façon, ce serait de dire: S'il y en a un qui bloque, on ne permet pas la conversion. Mais on vient d'accorder à cette personne un pouvoir de chantage extraordinaire. Il faudrait quand même imposer une limite dans le temps au pouvoir de blocage. On pense qu'on pourrait au moins dire: Tu ne veux pas cette année; écoute, dans cinq ans, il faudra que tu aies trouvé une solution à ton problème, car, dans cinq ans, on fera la conversion sur une base normale et on pourra vendre les logements, ce sera une conversion globale. Cinq ans, c'est long dans la vie d'un locataire. Les locataires, la plupart du temps, vont habiter un logement un an, deux ans, trois ans, cinq ans. La moyenne est entre trois et quatre ans. On donne donc du temps amplement pour résoudre tous les problèmes.

M. Paré: Je dois vous dire que les limites de temps, je ne trouve pas cela drôle dans mon cas. On vient de me dire que je n'ai déjà plus de temps et j'aurais eu beaucoup de questions, parce que ce dont on discute est important. Je n'ai plus de temp3 disponible.

Je vous poserai seulement une question. Est-ce que vous êtes d'accord avec le mémoire proposé par M. Pépin de l'Association des propriétaires du Québec qui conclut en disant que le ministère, avec le projet de loi tel qu'il est présentement, atteindra exactement les résultats contraires à ceux visés?

M. Aubry: Nous sommes généralement d'accord avec cela. Maintenant, si vous ne disposez plus de temps, on pourra quand même se rencontrer en d'autres temps pour en discuter en dehors de l'Assemblée.

M. Paré: Je retiens votre invitation avec beaucoup de plaisir.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Aubry. Nous en sommes maintenant aux brèves remarques de conclusion. Je reconnais maintenant Mme la députée de Dorion.

Mme Trépanier: M. le Président, après avoir entendu les présentations de vos

prédécesseurs, de M. Lépine et la vôtre, ce que nous aurons à faire à la suite de cette commission, c'est trouver un juste milieu, trouver l'équilibre, c'est-à-dire la justice pour chacun. Où commencent, où finissent les droits de chacun, c'est le principe des vases communicants: quand on enlève une responsabilité à l'un, on la transfère à l'autre. Votre représentation et votre contribution à notre commission nous aideront sûrement. On vous remercie infiniment.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, Mme la députée de Dorion. M. le député de Shefford.

M. Paré: Je vous remercie beaucoup de votre présentation. Effectivement, vous avez un mémoire qui mérite d'être considéré et étudié. Mais après la présentation de votre mémoire et de tous les autres, la représentante du ministre nous dit que, finalement, il faudra concilier. Par contre, s'il y a une chose qu'on doit remarquer depuis le début, c'est qu'il y a unanimité sur le fait qu'on ne respecte pas les objectifs visés, avec la proposition qui est là. Le gouvernement, à la suite de tout ce qu'on a entendu, devra faire attention. On ne peut pas se permettre une erreur dans le domaine de l'habitation, parce que c'est économiquement et socialement trop grave de faire un mauvais choix dans ce domaine. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le député de Shefford. M. Aubry, pour de brèves remarques de conclusion.

M. Aubry: Nous avons apprécié d'être entendus. Nous espérons que nous serons bien compris et qu'on pourra progresser dans la société où nous habitons tous.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie pour votre contribution aux travaux de notre commission. Avant de suspendre nos travaux, j'aimerais attirer l'attention des membres de la commission sur le fait qu'exceptionnellement, tel qu'entendu et convenu, nous reprendrons nos travaux à 14 heures, cet après-midi.,

La commission de l'aménagement et des équipements suspend maintenant ses travaux.

(Suspension de la séance à 12 h 32)

(Reprise à 14 h 17)

Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente de l'aménagement et des équipements reprend ses travaux, toujours dans le but d'entendre les groupes intéressés à nous faire connaître leur position sur le document gouvernemental concernant la levée du moratoire sur la conversion des immeubles locatifs en copropriété divise.

J'invite maintenant les représentants du Projet Genesis à prendre place à l'avant.

M. Fortier: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Rochefort): Oui, M. le député d'Outremont, ministre délégué aux Finances et à la Privatisation.

M. Fortier: M. le Président, j'aimerais demander l'autorisation de mes collègues, si c'est nécessaire, pour siéger cet après-midi. Il y a deux groupes qui s'intéressent de très près aux questions de logement dans le quartier Côte-des-Neiges et, comme je suis le député d'Outremont et de Côte-des-Neiges, j'aimerais pouvoir assister aux débats de cet après-midi. Si mes collègues m'en donnent l'autorisation, je le ferai avec beaucoup d'intérêt et beaucoup de plaisir.

Une voix: Allez dire quel comté.

M. Boulerice: S'il a le courage du député de Sainte-Anne, on est d'accord.

Projet Genesis

Le Président (M. Rochefort): Je crois comprendre, M. le député et M. le ministre, qu'il y a accord des membres de la commission pour vous permettre de participer pleinement à nos travaux pour la rencontre des deux groupes de votre circonscription électorale.

Donc, sans plus tarder, je veux souhaiter la bienvenue aux représentants de Projet Genesis. Je vous demanderais de vous identifier, pour l'information des membres de la commission, et de nous faire la présentation de votre mémoire.

Mme Herscovitch (Alice): M. le Président et membres de cette commission, nous vous remercions de l'invitation que vous nous avez faite de présenter notre mémoire. Je suis Alice Herscovitch, directrice de Projet Genesis.

Mme Klein (Marcie): Marcie Klein, supervisor of Individual Services at Project Genesis.

Mme McCaughey (Dominique): Dominique McCaughey, membre du conseil d'administration.

Mme Rotter (Nadia): Nadia Rotter, board member of Project Genesis.

M. Saxe (Garry): Garry Saxe, organisateur communautaire.

M. Garner (Linton): Linton Garner, organisateur communautaire.

Le Président (M. Rochefort): Bienvenue. Comme les membres de la commission ont déjà reçu votre mémoire et qu'ils en ont pris connaissance, je vous demanderais de prendre une quinzaine de minutes pour nous faire la présentation des points les plus importants pour ensuite nous permettre le dialogue.

Mme Herscovitch: Merci. J'espère que cela ne vous dérangera pas si on présente le mémoire en anglais, vu qu'on l'a écrit en anglais.

Le Président (M. Rochefort): Absolument pas. C'est votre droit le plus légitime.

Mme Herscovitch: Merci.

Project Genesis is a private nonprofit community based organization which has been active in the Côte-des-Neiges area for over eleven years. We provide information, advocacy and referral services free of charge to 10 000 clients each year. As well, we are involved in several community organizing projects including a cafeteria for the low income, the Côte-des-Neiges/Snowdon Community Council, a welfare rights coalition, an action committee of disabled persons and an annual multicultural festival.

Our major concentration is in the area of housing. The plurality - 45 % - of our clients approach us with many different housing concerns, from the need for information and advocacy concerning rent increases, maintenance, renovations and evictions to filling out applications for low-cost housing. About 10 % of our requests are for low-cost housing and we are very thankful that the Minister of Housing recently announced the addition of 100 low-cost housing family units in Côte-des-Neiges, as we presently have none despite the waiting list. We have provided technical assistance in the creation of housing cooperatives and actively participate on the comité HLM and tenant information meetings. We are now very concerned about the effects that conversion to condominiums will have on our neighbourhood.

Côte-des-Neiges is a tenants community; 86 % or 34 985 of the 40 770 dwellings in the area are rented. This is substantially above both the Québec and Montreal averages of 47 % and 78 % respectively. Located in the western part of the City of Montreal, Côte-des-Neiges is bordered by Outremont, Town of Mount Royal, Hampstead and Westmount. The area is centrally located, serviced by several metro stations and many bus routes and contains the Université de Montréal and several shopping centres. These factors, along with its low rents and high percentages of rental units, make Côte-des-Neiges an overlooked and disavantaged neighbourhood surrounded by the aforementioned high-income areas.

Many immigrants and refugees rent in the area upon arrival in Canada. Between 1945 and 1981, 38 735 people came to Côte-des-Neiges as immigrants or refugees. This figure represents 45 % of the area's population. The most recent immigrants include Latin-American immigrants, Sri Lankans, Turkish people and Southeast Asians. 36 % of the Black population of Montreal lives in Côte-des-Neiges and represents 10 % to 12 % of the area's population. 50 % of Montreal's Jewish, poor and elderly, are housed in Côte-des-Neiges. French-speaking Jews, mainly from Morocco, are the more recent immigrants. There have been estimates of at least 36 different ethnic groups in Côte-des-Neiges.

There is a high percentage of elderly people, approaching 30 % in some districts of Côte-des-Neiges, and 19 % overall, compared to Statistics Canada's average of 10,6 %. 30 % of households earn less than 10 000 $ per year. 23 % of families and 40 % of unattached individuals live below the poverty line. These are significantly above the Statistics Canada's statistics. 30 % of all dwellings are in need of repair.

The centrality and demographics of Côte-des-Neiges will not encourage residents of the area to buy their units if the moratorium is lifted because, as we have shown, residents cannot afford to do so. Instead, allowing conversion to condominiums would encourage speculation. Investors from outside of Côte-des-Neiges would take advantage of the low costs of real estate and buy condominiums for resale or rental. Already, in areas such as Plateau-Mont-Royal, without legitimately allowing condominium conversion, 13 000 rental units were converted.

The Government cannot continue to allow the eviction of entire neighbourhoods. We cannot allow this to happen in Côte-des-Neiges. Having clearly identified the population of Côte-des-Neiges and the impossibility of homeownership for most of its residents, we will go on to study the government document supporting the lifting of the moratorium.

In its consultive document which proposes the lifting of the moratorium on condominium conversion, the Government of Québec clearly states its intention to allow actual tenants to renew their leases for an unlimited time. However, there is no protection whatsoever for those who move. Most low-income tenants are highly transient,

due to their inability to pay rent increases, the poorer quality of the housing they rent and changes in family composition. Many places in the Côte-des-Neiges area are rented on a monthly basis with no original leases at all. Therefore, landlords profit from the situation by giving shorter notices for rent increases, repossession, termination of lease and often taking measures which result in illegal eviction.

As outlined earlier, the Côte-des-Neiges/Snowdon Community is composed largely of law-income tenants, many of whom are also recent immigrants. As the rental housing market shrinks, where will these tenants go? They can neither afford to purchase homes, nor to pay increased rents due to renovations and decreased availability of rental units. These tenants are also particularly prone to victimization and harassment by landlords* We will discuss the limits of Government protection against these problems later in the document, but we must now state our doubt about the ability of any law to enshrine unlimited tenancy, the main principle of the reform, as a respected right.

The second part of the document submitted by the Government of Québec deals with studies done in Québec and elsewhere regarding condominium conversion. According to the Lapointe-Cyr study, 2,5 % of the rental housing stock would be lost to conversion every five years. This percentage is further reduced to 1 % by an assumption that most buyers will be tenants. This seems to be purely speculative, particularly in an area like Côte-des-Neiges. As well, as tenants move and their apartments are vacated, it is more likely that apartments will be converted and accumulative increase in condominium units can therefore be expected. There is also absolutely no reference to the type of rental housing likely to be converted, that is rental value, size and neighbourhood. AH these factors could prove conversion to have a much greater significance than 2,5 % in five years, in neighbourhoods such as ours where housing costs are relatively low, family housing is available and residents are relatively easy to victimize. These factors should be given serious consideration before the lifting of any moratorium.

The example cited from the Dansereau-Godbout report speaks of 85 % of tenants in high-rises being single or couples without children. Most Montreal housing is neither high-rise nor occupied by persons without children. Since both the economic and family situations of the majority of tenants are so different from the situation cited, is it reasonable to assume that the same interest will be shown for conversion? Housing costs increased from 45 % to 123 % for tenants who purchased their homes. Can low or average income tenants afford to increase their housing costs so drastically? Most of them already pay well over the 25 % of income recommended for housing costs. We can think of all those people on welfare who pay about 46 % of their income in housing costs, pensioners who live on a pension supplement whose income is 664 $ a month and who are paying 300 $ and 400 $ in rent, people on unemployment insurance, people who are jobless, people who are earning minimum wages. We can also consider the 18 to 30 years old who are on welfare, receiving 172 $ a month and paying probably more than their total income in rent.

The HUD studies provide further statistics and facts which support our position against condominium conversion. To cite a few: 58 % of tenants were evicted, the low-income and aged left to find inferior quality housing outside their neighbourhood, similar to the trend of gentrification which lifting the moratorium purportedly stops according to the Government report; those who bought faced 44 % increases in housing costs; tenants who stayed faced rent increases of 7 %, but new tenants paid 38 % more and we can imagine that over the years, these figures went up; only 34 % of actual tenants purchased their homes. There is very little to suggest that condominium conversion allowed for affordable, improved housing for either tenants or homeowners. As we are particularly concerned with the Côte-des-Neiges/Snowdon Community of Montreal, we are most concerned about increased rents, increased housing costs in general and the eviction of tenants from both their homes and neighbourhoods. We see absolutely no proof of advantages for community residents from the conclusions of the HUD report. The document then goes on to state that 25 % of converted housing in the United States and 75 % in France is not owner occupied. Thi3 is certainly a disincentive for lifting the moratorium. Is the Government hoping to increase homeownership or a proliferation of small landlords in a building?

As for the previous Government consultations, where some groups showed an interest in the lifting of the moratorium, it is clear that the professional corporations of notaries and architects have considerable financial self-interest in this proposal. The City of Montreal is presently against the lifting of the moratorium, and the argument mentioned by tenant groups of the need to protect low-rental housing has not been considered at all by this document. (14 h 30)

We are in total agreement that the moratorium has been ineffective. However, we do not feel the solution is to lift it, but rather to strengthen the law to better protect tenants and close the existing

loopholes. The Government document then goes on to state that there is considerable tenant interest in purchasing converted condominiums. It begins this section with an outline of the advantages of home-ownership, some of which we find dubious: 1) Control of housing conditions and cost. According to the studies cited by - the document, housing costs with ownership increase A4 % to 123 % and, in a condominium, decisions regarding common services and spaces are not made individually. 2) Homeownership constitutes the accumulation of capital because of value appreciation. This seems particularly untrue in neighbourhoods such as ours. Most of the apartments if owned after a 35 year mortgage could be worth considerably less than at present. 3) Homeownership is a shelter against hard economic times. Homeownership through a long-term amortization period does not protect from inflation (high interest rates, increased heating and repair costs, etc.) or unemployment» low wages, bankruptcy. Average income Quebeckers will not own their homes immediately. They will pay for them over a long period of time. 4) Many families will never be able to own their homes and to sell them as seniors to improve their quality of life. Many senior citizens who presently own their homes cannot afford to pay their taxes and expenses.

The Government document goes on to discuss changes in homeownership and rental trends. One of the trends examined is the decrease in private construction of rental dwellings. One of the contributing factors is no doubt the difficulty in renting high cost units. I am certain that if we could provide new low-rental housing, there would be no trouble filling it. Would the lifting of the moratorium not simply reduce the available low rental housing and increase costs of all housing? The studies cited previously prove the point.

The charts comparing home and condominium purchase show that the costs of condominium ownership are lower. However, as clearly stated, buildings converted (should the moratorium be lifted) will not follow the norms for new housing, will not necessarily be in a good state of repair. Are we simply trying to provide ownership of poor quality housing? Are those who presently buy homes in the suburbs interested in buying high density, poorer quality housing in the city? These families are certainly different from the high-rise clientele of singles and couples mentioned by the Dansereau-Godbout report.

Finally, the document outlines interest in purchasing a converted rental unit through a study done by Langlais, Hurtubise et Associés. The percentages of those very interested remain low, 3,9 % in Montréal. As to the increased housing costs tenants are willing to bear to own their home, the average is 28 %. However, both the HUD and Dansereau-Godbout studies speak of increased real costs of 44 % to 123 %. Only 28 % of the 12,9 % who are either very or somewhat interested would be willing to face over 40 % increases. It would be interesting to know how many of these 3,9 % would be willing to face over 40 % housing cost. By 1985, an average increase of only 21,5 % is considered tolerable.

Who will truly be able to afford to purchase and be interested in purchasing a converted condominium? It is clear that the Government document does not answer this question, and yet is willing to risk conversions which, according to the studies cited, will increase housing costs, for those who purchase, by 44 % to 123 %, and for tenants, from 7 % to 38 %, while promoting gentrification and evictions through harassment. 45 % of housing clients who come in to Project Genesis come in to contest the renting increases of 4 % to 30 %. What could they do faced with housing cost increases of 44 % to 123 %?

We feel the studies cited by the Government in no way justify the lifting of the moratorium. Rather, they effectively strengthen our arguments against such an action.

We feel the regulatory measures that the Government has announced in its document are an extra step towards protecting tenants if, and only if, applied within the context of the present law. That is without lifting the ban on condominium conversion.

The Government briefly mentions the possibility of rapid restrictive action should the need to protect rental stock arise. However, ther conditions under which they will determine that the rental stock needs to be protected and a form of restrictive action to be taken are not defined. The ban on condominium conversion was originally imposed largely to protect low-cost rental housing stock. Why should the Government now lift this moratorium and expose low-income tenants to the same threats that were present before the moratorium was implemented? There is no protection for low-cost rental stock discussed in the document.

In Québec, nearly a million people lack adequate and affordable housing. The causes include: high rate of effort for tenants; discrimination and harassment; displacement from their communities due to renovations and conversions and increased rental costs due to speculation. Available and affordable rental stock of good quality must be preserved and it is therefore a necessary decision to maintain the moratorium. The average cost of rental dwellings has risen,

between 1981 and 1985, an average of 34,6 % in Montréal. Those on social assistance programmes are using 46 % of their income on rents. In addition, an estimated 10 000 people in Montréal alone are homeless.

Presently tenants are discriminated against and harassed based on their age, disability, ethnic origin, sex, religion, income level and sexual orientation. The special Régie du logement office proposed is solely geared towards the eiderly and disabled. It is purely an information service and does nothing to protect the aged or disabled and certainly nothing for the other groups we have mentioned. With regard to harassment of tenants by landlords, the Government proposes little change from the existing protection. Both complaints to the Human Rights Commission and criminal suits are extremely long procedures, and harassment of any kind is extremely difficult to prove.

There is also no real protection from harassment of tenants by co-owners of converted units. They can put pressure on those who do not purchase a unit to leave and therefore allow conversion to take place or property values to rise.

In reviewing the Government's proposal, it is abundantly clear that the proposed regulatory measures are commendable if they become amendments to the present legislation. We feel the only way to protect tenants is to legislate a ban on condominium conversion and close the existing loopholes in the law.

We therefore make the following recommendations: 1. The regulatory measures, proposed to better protect tenants from evictions due to major renovations, repossession in cases of undivided co-ownership and harassment, should be implemented under the present Rental Board legislation. Automatic compensation should be granted to tenants who are temporarily displaced due to major repairs. All of these measures should be implemented without lifting the moratorium. 2. Further legislation must be planned which will close other existing loopholes in the law, thus protecting tenants, in particular low-income tenants, from full-scale conversion of their rental units into condominiums and rent increases due to speculation.

The possible suggestion to close these loopholes would be heavy fines for landlords and automatic compensation for tenants in the case that temporary eviction really becomes permanent eviction and automatic rent fixing by the régie in the case of major renovations.

The Government admits that in the case of places such as Plateau-Mont-Royal, there is no difference between temporary displacement and eviction, as a tenant never returns. We believe that under the present legislation, landlords should be obliged to automatically apply to the Rental Board and compensate tenants wherever major repairs are necessary.

Since housing is a basic need in our society, which cannot be ignored, people simply have no choice but to pay their rent. If housing costs rise from 7 % to 38 % after units are converted to condominiums, tenants must pay these increases as authorized by the Régie du logement and we are concerned, after a few years, about what kind of rent increases we would see due to major renovations which would be permitted. The only other alternative for those who are unable to afford the cost of rent is not to occupy any permanent dwelling at all. As 1987 is the International Year of the Homeless, should the Government not be proposing that more subsidized and cooperative type housing be built to deal with this problem rather than imposing even stricter limitations upon this segment of society?

In conclusion, it is important to stress that the existing moratorium is indeed ineffective and many loopholes do presently exist, but lifting the moratorium is certainly not the answer to this problem. We recommend the enforcement of legislation which will offer better protection to tenants and the closing of loopholes which exist under the present law. Lifting the moratorium is by no means a necessary decision, but will only serve to increase housing costs for both those who purchase and those who continue to rent.

We strongly recommend that a permanent ban on condominium conversion be legislated. Thank you very much.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, je vous saurais gré de reconnaître le député de Sainte-Anne qui brûle du désir d'interroger nos invités.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Merci, M. le Président. First of all, I want to say to the group that we are extremely happy that you are here. We have been here now since Monday. There are a lot of anxieties. It is groups such as yours that come here to express their opinions. Some of these opinions we have already heard, but from other sectors of the city.

I think it is clear enough, from the remarks that the Minister has made since we have been here, that no final decision has been taken. You call your document "An Unjust Decision", but there is no decision as

yet. As the Minister has stated, we are in consultation. He wants to hear and we want to hear what people have to say, owners, tenants, cities, whoever is involved in this very important dossier.

So, I think that the anxiety should be removed by now. The people know, from listening to Mr. Bourbe au himself, on a number of occasions, that we are consulting and we want to feel what the people think should be done in order to arrive at a solution acceptable to the population.

Just a few questions. I know how your organization works. As a matter of fact, I am very happy to see Mr. Fortier here, because I know he is very much involved with community organizations such as yours, because I am reading some articles, some things I have learned about tenants rights. He is running the local newspaper. So, I read those articles. I think you have a very good advocate in your own area.

Having said that, just the three issues, I want to discuss. You know that the Minister's document mentions the possibility to establish a special Régie du logement service to provide assistance to the elderly and the disabled. I noticed in your document that you state that you do not think that it is a good idea because the handicapped are not mobile enough to go to such a service and the elderly are not people that usually go out and use those services. You state that here in your document.

Now, as a matter of fact, you say: Many require an outreach service to keep them informed of their rights. So, how would you see such a service, if there was an intent on the part of the Government to make people better aware of what their rights are? Yesterday, the same question came up with another group and they stated that maybe they would have no objection to the Rental Board having a special desk, let us say, to do that. However, they thought that the people there were not qualified enough and that they do not have the necessary expertise. Do you feel, if there were people sitting at the desk from the milieu, that it would correct the situation?

Mme Herscovitch: Let me answer part of that question. Maybe one of my confrères or consoeurs can add something. We were saying that we felt that it was an ineffective service. It does not mean that it is something that is negative. It was limited to people who are seniors and disabled. We feel that an outreach program which means a program where you reach people where they are, in their homes, in the community organizations which they attend, which they frequent, would be more effective as a means of informing people of their rights for those who are not used to going to the Government offices to be informed of their rights. And there are many people who, for example, I think, would come to an organization such as ours, Project Genesis, and not go to the Régie du logement to ask a question. We do a lot of door-to-door work in our work and we feel that is a very positive approach to reach people where they are with information.

M. Saxe: Also, the limitation on the service being just for elderly or disabled people was something we had a question with. There are other disadvantaged segments of our population - women are discriminated against - and the list could go on. That was another question we had.

M. Polak: Okay. I saw in the document as a positive step... Perhaps it does not go, like you say, far enough, it could be strengthened, but you can see an advantage in that it partially corrects the situation that needs correction. Is that correct?

Mme Klein: I would just like to add that the elderly and the disabled who come to Project Genesis - at least from what we know - seem to be those who least use the services of the Régie du logement, only because either they cannot get out of their homes or they are afraid to go. Many of the elderly are afraid to use the service and when they come into Genesis for something like not getting the proper services from their landlords and we tell them: You must go and make a demand at the Régie du logement, their first reaction is usually: Oh no! Never mind! You know, I would rather not go. (14 h 45)

M. Polak: Okay. Is there also a language problem? Could you, for instance, in your group, serve people directly in their own language while, at the régie, there would be a problem? Second of all, if that situation exists, could it be corrected? Do you go with those people to the régie, for instance, and help them?

Mme Rotter: The language is certainly an important factor. Very many people... We have a lot of elderly Jewish people who do not speak English or French very well. We have a lot of immigrants who do not speak as yet the language. It certainly is a factor. The matter is that we do not have enough people to go to represent these people at the Régie du logement because, in the majority, we have people volunteering and we have a very small staff because of the finances, as you can well understand, and we do not have as yet enough volunteers able to go and represent these people at the régie.

M. Polak: Okay. I have another question. You mentioned in your brief: Are

we simply trying to provide ownership of poor quality housing? You explain that by saying that the conversions do not follow the norms for new housing. Therefore, the property will not necessarily be in good state of repair and the result will be that we end up providing poor quality housing, sort of condos for the poor. Could you elaborate a little bit more on that?

Mme Herscovitch: I think we were concerned, in the Government document, with a little paragraph which talks about the quality of housing to be converted. It is very clear that the same demand will not be made on buildings which are converted to condominiums as would be made not only of new housing, but I think even often of homes that are purchased. So, it talks about soundproofing not being at the same levels or repairs not necessarily being at the same levels either and, in fact, the document speaks of no major renovations before conversion to condominium so that we have noticed it in many of our apartments in Côte-des-Neiges, about 30 % are in need of substantial repairs. We wonder what kind of housing people will really be getting. They will be owning something, but what will they really be owning?

M. Polak: Do you have examples in your area of converted housing where the ultimate result was that the rents went up in a very large percentage?

Mme Herscovitch: Converted housing or do you mean renovated?

M. Polak: Yes.

Mme Herscovitch: Renovated?

M. Polak: Renovated.

Mme Herscovitch: Yes, we do. There are some buildings on Gouin Street, for example; I cannot give you the name of the landlord who rents his apartments as rooming houses. These are not rooming houses; they do have a kitchen, they do have a bathroom. Most of the tenants who lived in these apartments were evicted. They were evicted for purposes of renovation. They were not given the choice of coming back. These people are largerly uninformed of their rights, they are new immigrants, senior citizens. Therefore, they did not return to their homes, they did not have the option to continue their leases. We believe that the new tenants are paying almost double what the old tenants were paying. I do not have statistical information with me, but we have done some doorknocking in that building and the impression is that new tenants are paying considerably more than the old tenants were. And the old tenants were not given the choice of returning to their homes once the renovations were over.

M. Polak: Another issue that came up in other briefs is the vacancy rate which varies from area to area. Is the vacancy rate in your area very low, so that it needs, let us say, even more protection perhaps than somewhere else? What is your experience in the matter?

M. Garner: M. le Président, our experience basically has been that housing is at a premium in the Côte-des-Neiges area. As we stated in the document, 86 % of the citizens of Côte-des-Neiges are tenants and do rent. We also, at the present time, have close to 1000 individuals who are waiting to get low-income housing from the Government. We just recently, as I understand it, got 30 units promised to us in the Côte-des-Neiges area but we were originally promised 100 units and I understand that there is some difficulty right now in that particular area about the resumption of those 100 units for the Côte-des-Neiges area.

We understand that the original site is in question. We feel that at least some effort should be made, considerable effort should be made, that the other 70 units should be placed on the original site which is near the Côte-des-Neiges Hospital on Côte-des-Neiges. But, there is a strong need for housing in our area and the occupancy rate is very low, because we have had problems before, in terms of being able to establish new housing in our area because there is not enough space.

M. Polak: Our time has expired and I want to thank you very much for your interest. It takes people like you to come here and submit those briefs and it is very important in view of making up our minds. Thank you.

Le Président (M. Rochefort): Merci, M. le député de Sainte-Anne. M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: Ladies and gentlemen, I would like to thank you for coming. There have been a lot of groups, what I call popular groups. I cannot number how many, but there were a lot and I am pleased with it. But you are all telling us the same thing. I do not feel that you are lying. You are too many to be lyers. I guess you are right. The things that you have been telling us are really nightmares to some people. How many times have I heard the words harassment, eviction, unnecessary renovations, people forced out! I mean, that is the vocabulary that is being used by all popular groups that

came in, no matter from what part of town they were. That was good because it means that it is not an Eastern problem, a Western problem. It is a Greater Montreal problem that concerns all of us.

You are telling us exactly what people are living. So, I hope that this cruel reality, in a way, will help the Minister to come out of the twilight zone he is in, when he says things about housing. Even if his book is not a decision, if there had not been this commission, that much talk on the radio, television and newspapers, it could have been a law, a few months ago. So, in a way, we are happy we finally forced him to have this commission, especially in Montreal, so you did not have to bus to Quebec City. The Minister proposed in his book that so -called unique wicket, le guichet unique, at the Régie du logement. My honorable colleague from Sainte-Anne even think3 that it is not a good guarantee. But are you a Government supported organization? No, you are all "bénévoles".

Mme Herscovitch: We are a private nonprofit organization. We receive a very small subsidy from the "Ministre de la Santé et des Services sociaux, in a program for "maintien à domicile". But most of our funds are privately raised.

M. Boulerice: My colleague said: We might have people from the field - I guess it is the expression he used - to work in the régie. My stand would be: You are close to the people. People know you. You are next door. I do not have to ask an old person to take the bus to go to the "régie" because you are next door. Why should we not change that formula and say: You have the experience, you have the skills, you have the people, why should you not be the "guichet unique" for the citizens of your district? It is my stand. I do not know if you want to comment on that. That is the stand I would take.

Secondly - and that is quite a concern - you probably know the new shadow cabinet Minister for Immigration and Cultural Communities. We just ended, in Quebec City last week, a commission on immigration and we all agreed to raise the number of new immigrants in Quebec, because we need to.

In your district, there are a lot of people who are new immigrants. Do you believe that, if the Minister went ahead with his policy, we would kind of jeopardize our immigration policy we want to put up because we would be kind of luring new immigrants and telling them: Okay, just come in. But, as soon as they step down from the plane or the boat, there will not be any housing for them. How do you stand on that?

Mme Herscovitch: It is clearly one of our major concerns. We are an area made up largely of new immigrants to Canada and we know that these refugees and immigrants are not all informed of their rights, have no financial means, are very easy to harass and victimize. A landlord, for example, who does not provide mail boxes for his tenants, but collects the mail himself and holds back envelopes coming from the ministère de l'Immigration, from the Government departments, can certainly instil a lot of fear in newly arrived immigrants.

We are very concerned that allowing the conversion of apartments to condominiums will particularly affect these recent immigrants who will not fight, who will not necessarily even know that they have the right to unlimitated tenancy even if it is not enshrined in the law. And those harassed will certainly leave. We are very concerned about that.

M. Boulerice: That is going to be the kind of problem for those who are already in. But do you agree that we will be luring the new ones we want if we go with the Minister's proposal and do not correct the actual situation?

Mme Herscovitch: We believe that there will be a reduced amount of rental housing in Côte-des-Neiges, reduced by a considerable amount, more than the .1 % to 2,5 % quoted in the document, and that immigrants will certainly not be able to find housing in Côte-des-Neiges. We also believe the gentrification process will occur in Côte-des-Neiges as it has in other places, and, because we are centrally located and we have bus and metro lines and that the whole makeup of the neighbourhood will change, we will lose our special multicultural character. Businesses serving the multiethnic communities will also leave the community because this community will be dispersed. We are very concerned about the lack of housing for both immigrants and people who are Quebeckers and here, presently.

M. Boulerice: As a former Queen Mary Street resident, I could say that you are right.

At the Immigration Commission, we agreed on an immigration policy. Stating that we need housing to build that...

M. Bourbeau: ...

M. Boulerice: Pardon?

Une voix: II trouve que vous sortez de la pertinence un peu là.

Le Président (M. Rochefort: Vous pouvez poursuivre, M. le député de Saint-

Jacques.

M. Boulerice: Je vous remercie, M. le ministre. We will not bother with that small talk. What is important is our exchange.

I was saying that we have decided in Quebec City to have an immigration policy which should be different from the previous one in terms of number, the quality of welcoming and all that stuff.

Do you think that the Minister's proposal is "précoce" - I do not know how we say that in English - premature, that we should go... We have a population problem. We need a family and children policy. We have started a new immigration policy. Do you believe that, instead of going with the Minister's premature position, we should go first on a global housing policy or global population policy and then make the right choice, and not go piece by piece, bit by bit like he is doing right now. (15 heures)

M. Garner: I do agree that housing is a problem and that there should be more concern for families. As I stated before, we have over 1 000 individuals, most of them consisting of families, who are waiting on a list now for public housing from the Government. So, unless we can do more for the citizens who are already there or for the community people who are already there to respond to their housing needs, then those new incoming people are going to be further behind than the present individuals in the community because they will be the ones who will have to wait for other improvements after that fact. So, we still do need our total public housing program, particularly instituted in our community in order to respond to their already present needs and also to respond to any further demands because Côte-des-Neiges is usually one of the first communities where immigrants come into, when they enter Montreal and they enter Canada.

M. Boulerice: Thank you. You are telling me that I still have some time? I still have time.

Le Président (M. Rochefort): M. le député...

M. Boulerice: Oui.

Le Président (M. Rochefort): Je vous ai indiqué tantôt qu'il vous restait cinq minutes. Maintenant, je vous indique qu'il en reste un peu moins.

M. Boulerice: Okay. Time is running short. Time is also running short for you, Mr. Minister, and it is not the PBS series "Yes Minister"; it is no Minister. Could you give me an example of harassment in your district? Some even mentioned that there was physical harassment. It makes the Minister laugh but I think it is too serious to laugh at.

M. Saxe: I can give you an example of one elderly woman whom we came across with in the last few months. She was just getting out of the hospital after recovering from her second stroke which followed her second heart attack, earlier. She returned back to her studio apartment, a one and a half, and she was told by the concierge that he did not recognize her lease and that if she had not moved by the end of the month, which I believe was April, he would change the locks on her door and throw her furniture out. Myself and Mrs. Herscovitch, our director, went over to the building and got into a basically yelling match with the concierge who insisted that he knew the law and he had done it before. Mr. President, we do not doubt that he did that before. Cases like that one, of harassment, are not that uncommon in our area.

M. Boulerice: Have there been fires in your district, suspicious fires as the ones we are having in east downtown ridings?

M. Garner: From time to time certainly there have been what you would call suspicious fires, in a way, but we certainly cannot necessarily link them, I think. Some of the more physical or more tangible aspects are people who, after having gone to the Régie du logement to complain, upon coming back to their apartment find out that their stuff is out on the street, because he and the landlord were having a dispute. People find, when they come back to their apartment, that their doors have been kicked down and their stuff thrown out the window or deposited somewhere else in the care of the landlord or a concierge because they are also having some kind of dispute, or the landlord wants to do some renovation. It is more those kinds of tangible things which we see that affect the life of the individuals every day, particularly in the smaller, I would say, rooming house types of places which are not rooming houses but a one-room kind of apartment for people,

M. Boulerice: Thank you.

Le Président (M. Rochefort): Merci, M. le député. Il reste une minute au parti ministériel. M. le ministre.

M. Bourbeau: I wish to say that we have taken good note of your brief. We note that you recommend the status quo on the moratorium. You want improvements in the landlord-tenants relationship. You would like us to adopt measures to stop the

repossession of units by owners, protection against harassment for all tenants, automatic indemnity and three-months prior notices in case of major repairs. Also, you would like the landlords to have to justify before the Rental Board major repairs. All these are very interesting measures. We are going to take that into consideration when we come up with some legislation in the fall. Thank you.

Le Président (M. Rochefort): Je vous remercie. Alors, sur ce, j'inviterais maintenant M. lé ministre à faire des remarques finales.

M. Bourbeau: In closing, I will just say that you also showed a lot of interest for housing and low-cost housing. I know that our friends across there are saying that we are doing a terrible job, an awful job. By looking at the statistics, I found out that the only area in the Montreal area where the former Government did not find the time to allocate any housing units was in Côte-des-Neiges and NDG. Zero, for the last ten years. So, I say it in advance, because they are going to speak after me.

You know that we have already come up with one hundred units. It is difficult to find land in Côte-des-Neiges. We are working hard at it. Your MNA, Pierre-C. Fortier, has been constantly harassing me - I think we should put something in the law about that too - to try to plug that hole, if I could say, you know, this error, 1 would say, that was made in the past. So, we are trying to come up with solutions to that. I can assure you that we will keep on trying to level up your area with the other areas in Montreal, because you do have needs. It is our firm intention to try to bring you to the standards of the other wards of the City of Montreal.

Le Président (M. Rochefort): Merci. Pour le mot de la fin, M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: Yes, Social housing is lower since December 2nd. You have to know that. I will not make cheap politics on your back on so serious a subject as someone might be tempted to do. The only thing I would say is that you have been too many and too precise in your argumentation to be all wrong. I hope those who listen to you as they listen to the others, and I will take the word from him, I hope you all plugged the right message to the Minister. Thank you.

Le Président (M. Rochefort): Merci, le mot de la fin.

Mme Herscovitch: Alors, nous voulons vous remercier, M. le Président, M. le ministre responsable de l'Habitation, MM. les membres de la commission et MM. les membres qui sont là aujourd'hui, devant l'Assemblée nationale, pour l'attention que vous avez portée à notre mémoire et à notre présentation. Nous vous remercions également pour les questions que vous nous avez posées et le temps que vous nous avez accordé. Merci beaucoup.

Organisation d'éducation et d'information logement de Côte-des-Neiges

Le Président (M. Rochefort): Merci de votre présence parmi nous. J'inviterais maintenant le groupe suivant: l'Organisation d'éducation et d'information logement de Côte-des-Neiges, à prendre place devant nous. Bienvenue parmi nous. Je vous demanderais, pour l'information des membres de la commission, de vous identifier. Par la suite, je vous demanderais de prendre tout au plus quinze minutes pour nous faire la présentation de votre mémoire. Dois-je vous rappeler que nous l'avons déjà reçu et que les membres de la commission ont eu l'occasion d'en prendre connaissance, pour permettre justement de garder du temps pour les discussions avec les parlementaires.

M. Daigneau (Claude): Claude Daigneau. Je suis l'organisateur communautaire de l'Organisation d'éducation et d'information logement de Côte-des-Neiges qui s'appelait autrefois l'Association des locataires de Côte-des-Neiges.

Mme Malka (Hélène): Hélène Malka, membre du conseil d'administration et secrétaire de l'organisation.

Mme Nouen (Nowal): Nowal Nouen, membre de l'organisation.

M. Raymond (Jean-Gabriel): Jean-Gabriel Raymond. J'anime des réunions d'information pour l'association.

M. Freignac (Jean-Pierre): Jean-Pierre Freignac, membre du conseil.

M. Perez (Joseph): Joseph Perez, membre du conseil.

M. Daigneau: Est-ce que c'est assez fort ou trop fort?

Le Président (M. Rochefort): Ah oui! il n'y a pas de problème. Si c'est nécessaire, le service approprié posera les gestes qu'il faut.

M. Daigneau: Bonjour. Pour ceux qui connaissent moins notre organisme, je vais prendre quelques minutes pour le présenter. Le ministre délégué aux Finances et à la Privatisation le connaît bien; on fait souvent

affaire avec M. Fortier. L'organisation s'appelait autrefois l'Association des locataires de Côte-des-Neiges. C'est un organisme dont l'objectif est l'amélioration des conditions de logement des locataires de Côte-des-Neiges. C'est un organisme qui existe depuis 16 ans et qui a des membres. Nous ne limitons pas nos services aux seuls membres inscrits sur notre liste. Nous faisons des réunions d'information, par exemple, tous les mercredis, durant toute l'année. Cela fonctionne ainsi depuis de très nombreuses années. Les services sont gratuits et disponibles à tous les locataires du quartier.

Il s'agit d'un quartier qui a une population de 85 000 habitants dont près de 90 % sont locataires. C'est, je pense, un quartier qui est de la taille de la ville de Trois-Rivières, peut-être un peu plus. En imaginant Trois-Rivières avec une population à 90 % de locataires, cela vous donne une idée du genre de quartier. Il n'y a pas d'associations de locataires dans les quartiers et les villes environnant Côte-des-Neiges. Donc, nous recevons des gens de ces quartiers: Outremont, Ville Mont-Royal, Ville Saint-Laurent, Côte-Saint-Luc, Westmount, le centre-ville et Notre-Dame-de-Grâce. Nous sommes donc passablement occupés et notre association est ouverte à tous les locataires qui viennent utiliser nos services. Nous avons bien l'impression de représenter un assez grand nombre de locataires de ce quartier. Nous nous limitons strictement aux activités dans le domaine de l'habitation.

Je ne vous décrirai pas le quartier, car Project Genesis vous l'a présenté précédemment. Si jamais il y a des questions, par la suite, je le ferai. Je préférerais qu'on entre dans le vif du sujet. La présentation qu'on fait maintenant ne suit pas... Il y a des éléments dans notre mémoire dont nous allons parler maintenant, mais il y a un certain nombre de choses qui ne sont pas nécessairement directement écrites dans le document.

Nous avons pensé, cet après-midi, aborder le sujet en ne répétant pas trop, autant que possible, tout ce qui a été dit depuis lundi, car cela finit par être un peu assommant. Les chiffres que nous allons citer, nous allons essayer surtout de nous concentrer sur ceux qui concernent Côte-des-Neiges. Vous avez eu beaucoup de chiffres des autres quartiers.

Le projet, qui est sur la table, de la levée du moratoire du gouvernement, du ministre M. Bourbeau est un projet qui a pour objectif de lever le moratoire tout en essayant de faire en sorte que les locataires qui habitent les logements ne les perdent pas. Donc, c'est un document qui comporte des mesures juridiques pour protéger les locataires et leur garantir un droit à une occupation illimitée. Le problème que nous voyons au départ dans ce projet-là, c'est qu'il ne comporte que des mesures juridiques et non des mesures économiques. Je précise ce que je veux dire par des mesures économiques. Supposons que, dans le projet, il y avait la possibilité pour les propriétaires... En tout cas, si des gens voulaient acheter leur logement ou si des propriétaires voulaient vendre leur logement s'il y avait l'obligation de s'adresser au gouvernement pour demander qu'on fixe le prix de vente, on pourrait imaginer deux scénarios, par exemple. Les parties s'adressent au gouvernement. Le gouvernement évalue l'immeuble en se basant essentiellement sur la dernière vente. (15 h 15)

Imaginons un immeuble vendu, il y a quatre ou six mois, à 25 000 $ le logement. Le gouvernement envoie ses experts qui font une évaluation. Ils disent: Cela pourrait se vendre un peu plus cher, 26 000 $; on tient compte de l'état de l'immeuble, de la valeur de ce bâtiment, des loyers qui sont payés. Le gouvernement fixe le prix, exproprie le bâtiment et le vend aux locataires. Ce serait une mesure de protection, une mesure économique. Ou bien, pour être moins raide, le gouvernement dirait: Voici le prix que nous fixons; M. le propriétaire, si vous voulez vendre, vous vendez à ce prix-là et si cela ne fait pas votre affaire, cela continue à être un immeuble de logements locatifs.

Le projet que nous avons devant nous ne comporte pas ces mesures-là. Il ne comporte que des mesures juridiques. Nous aimerions bien, comme le gouvernement, que tout le monde soit propriétaire de son logement. Nous aimerions bien qu'il n'y ait pas de locataire, pour être bien francs, parce que nous ne sommes pas tellement de chauds partisans du logement privé. Mais il faut regarder la réalité telle qu'elle est. Tout le problème qu'il y a dans la conversion des logements locatifs en copropriété divise ou indivise réside dans le passage de l'état de locataire à celui de propriétaire. Si on avait une baguette magique et qu'on pouvait dire: Ping! tout le monde devient propriétaire, ce serait parfait; on serait pour le moratoire. Le problème, c'est que ce n'est pas ainsi que les choses se passent. Avec le projet que nous avons devant nous, on ne contrôle pas le prix de vente des immeubles et on laisse s'exercer le jeu du libre marché. Les prix des logements vont nécessairement augmenter, les prix des logements qui ont été payés 25 000 $. C'est à peu près le prix moyen, dans Côte-des-Neiges à l'heure actuelle, pour un logement qui est acheté par un propriétaire.

Essayons de regarder certains scénarios. Nous savons que, en ce moment, des logements qui ont été rénovés illégalement ou légalement dans Côte-des-Neiges se vendent 85 000 $. Les logements de la place Decelles, par exemple, se vendent, cet été,

85 000 $. Supposons qu'on lève le moratoire et que des propriétaires vendent des logements rénovés à ces prix-là. En supposant un comptant de 10 % - sur 85 000 $, on donne un comptant de 8500 $ - cela prendrait un revenu de 44 000 $ pour acheter un logement de 85 000 $ et en consacrant 30 % de 3on revenu. Donc, il faudrait avoir un revenu familial de 44 000 $, consacrer 30 % de son revenu pour acheter un logement de 85 000 $ en donnant un comptant de 10 %. Cela fait un loyer de 1100 $ par mois.

Ce sont des chiffres approximatifs, mais qui sont assez proches, nous pensons, de la réalité. Si les logements sont vendus tels quels, nous avons imaginé l'hypothèse de 60 000 $. Vous allez nous dire que c'est un chiffre arbitraire. C'est vrai, c'est un peu un chiffre arbitraire, mais nous avons essayé de mettre un chiffre qui se rapproche - en tout cas, selon nous - de ce qui se produirait si le moratoire était levé. Nous pensons que les gens qui rénovent des logements et qui les vendent, en ce moment - en tout cas, c'est notre impression - font un profit d'environ 30 000 $ sur un logement. Donc, pour un logement qui aurait été payé 25 000 $ ou 30 000 $ et qui serait revendu tel quel, le propriétaire aurait tendance à chercher à peu près le même taux de profit. Donc, il serait vendu autour de 60 000 $.

Si un logement se vendait 60 000 $, cela voudrait dire un loyer de 870 $ par mois. Cela prend des revenus familiaux -toujours en supposant un comptant de 10 % - de 35 000 $ par année et, dans ce cas-là, on consacre 30 % de son revenu pour payer ce loyer. Si on veut consacrer seulement 25 % de son revenu pour acheter ce logement de 60 000 $, on doit avoir un revenu de 42 000 $.

Quant aux chiffres que nous avons pour Côte-des-Neiges, nous n'avons malheureusement pas réussi à en obtenir de très détaillés pour tout le quartier, mais ceux que nous avons pu obtenir nous viennent de la clientèle du CLSC, lequel couvre une partie du territoire de Côte-des-Neiges. Ils nous disent que, en 1980, il y avait 7,5 % des résidents de cette partie de Côte-des-Neiges qui avaient des revenus supérieurs à 25 000 $. Donc, ce qui est clair par cette démonstration que nous essayons de faire, c'est que pour cette minorité de personnes, qui ont d'assez hauts revenus dans Côte-des-Neiges et qui paient des loyers qui doivent se situer, en général, entre 300 $ et 500 $ par mois, les loyers vont plus que doubler, simplement pour qu'ils se mettent le chapeau de propriétaire sur la tête.

Les maisons uni familiales, à cause du jeu du libre marché, sont devenues inabordables. Tout le monde le sait. Nous ne voyons pas de raisons pour que cela se passe de façon différente dans le cas des condominiums. Supposons que vous décidez de lever le moratoire malgré tout, en vous disant qu'il y a quand même une minorité de locataires qui seront capables d'acheter, les conséquences que nous voyons, pour la majorité des locataires - nous les avons mentionnées dans notre mémoire - c'est que cela créera une situation conflictuelle dans les immeubles parce qu'il y aura deux catégories de personnes; c'est-à-dire qu'il y aura des copropriétaires et des locataires qui auront des intérêts radicalement opposés et ce sera la guerre à plus ou moins brève échéance. Il y aura des hausses de loyer pour les locataires qui seront dues à la hausse d'évaluation des immeubles; il y aura perte de jouissance de la vie des locataires dans leur logement avec tous ces travaux qui se feront, car nous nous attendons à ce que beaucoup de rénovations se fassent.

Qu'est-ce que vaudront les mesures juridiques de protection contenues dans le document du ministre? Il y a un certain nombre de trous qui ont été mentionnés, tel que le fait que le seul locataire protégé soit celui qui habite le logement au moment où il y a déclaration en copropriété et que le locataire qui vient subséquemment ne soit pas protégé; le fait que le fardeau de la preuve repose sur les épaules du locataire dans le cas où le propriétaire a fait des rénovations dans le but de convertir plus tard et de se débarrasser de ses locataires.

Il y a une faille qui, à notre connaissance, n'a pas été mentionnée et nous nous basons sur un cas auquel nous faisons face présentement dans Côte-des-Neiges. Il y a une méthode qui est utilisée par deux spécialistes de la conversion illégale à Côte-des-Neiges et qui permet de passer complètement à côté des mesures juridiques contenues dans le mémoire du gouvernement. Alors, MM. Bertrand et Langiais, qui ont converti des logements sur la place Decelles et ailleurs dans le quartier, n'ont pas besoin d'envoyer d'avis d'intention de convertir, comme cela serait prévu dans le document; ils n'ont pas besoin d'enregistrer de déclaration de copropriété. Ils ne vendent pas des logements, ils vendent des parts. Ceux qui achètent, ce sont des actionnaires, ce ne sont pas des copropriétaires, ni divis, ni indivis. Dans le contrat que Bertrand et Langiais signent avec les acheteurs, il y a une clause qui donne, à ces acheteurs, le droit d'occupation d'un logement. Donc, cela permet de passer complètement à côté des mesures qui ont été prévues dans le mémoire et je peux vous assurer que cela semble fonctionner très bien. Nous nous attendons, donc, à ce que, si le moratoire est levé et que les mesures contenues dans le document sont mises en place, ce système ae généralise.

Est-ce que de vraies mesures de protection juridique sont possibles? Ce que nous pensons, c'est que les spécialistes de la

conversion illégale vont certainement trouver le moyen de les contourner. Nous n'avons pas essayé de toutes les imaginer, mais il y a une chose qui nous semble claire, c'est que, si le moratoire est levé, il faut, pour protéger les locataires, des mesures juridiques nombreuses et complexes, et des mesures qui n'ont pas encore été testées, dont l'efficacité est inconnue. Si le moratoire n'est pas levé, les mesures de protection sont moins nombreuses. Comme nous avons l'expérience du moratoire, comme celui-ci a été testé, comme les expériences malheureuses pour vérifier sa solidité ont été faites, nous connaissons les mesures qu'il faut pour consolider ce moratoire. Les drames nécessaires à la vérification de l'efficacité du moratoire ont déjà été vécus. Les drames liés à la levée du moratoire n'ont pas encore été vécus. Lever le moratoire, c'est créer de nouveaux drames pour vérifier. Maintenir le moratoire et le consolider, c'est, nous l'espérons bien, mettre fin aux drames. Lever le moratoire, cela nous semble bien plonger dans l'inconnu. Il nous semble bien aussi que ceux qui feront les frais de cette nouvelle expérience malheureusement, ce ne seront pas les députés de l'Assemblée nationale qui, à moins que je ne me trompe, ne sont pas des locataires de quartiers populaires.

Ce que nous demandons donc, c'est de maintenir et de consolider le moratoire. Nous demandons aussi, comme nous l'avons expliqué dans notre mémoire, plus d'argent pour les programmes de logements sociaux. Nous vous faisons un appel. Nous profitons de cette occasion, de la commission parlementaire, pour lancer un appel au gouvernement et aux élus pour qu'ils attachent plus d'importance à l'habitation.

M. le ministre, vous nous avez dit hier que 90 000 000 $ sont consacrés au logement social, cette année. Vous avez dit qu'il y avait une limite à ce qu'on pouvait accorder pour le logement social, mais je vous rappelle que le budget 1987-1988 pour la province de Québec est de 30 000 000 000 $ et que les 90 000 000 $ représentent 0,3 %. Si le gouvernement et tous les élus ici présents d'ailleurs considéraient - et je termine - que l'habitation est une priorité, je pense qu'ils feraient les efforts nécessaires pour trouver l'argent qu'il faut. Il n'y a pas que les groupes-logements qui, par les temps qui courent, disent que l'habitation est un secteur important et que cela devient de plus en plus un problème. De plus en plus de groupes sociaux de tous genres viennent dire qu'énormément de problèmes sociaux sont liés au problème de l'habitation. Merci.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, tout en répondant à nos intervenants que le montant d'argent que le Québec dépense annuellement dans l'habitation sociale, l'habitation pour les personnes... est de 200 000 000 $ par année présentement, dont environ 90 000 000 $ pour les HLM, mais il y a aussi tous les programmes d'aide, Logirente et les programmes d'aide aux coopératives, etc., 200 000 000 $, c'est quand même plus que le montant que vous avez cité...

M. Daigneau: Ce qui voudrait dire que nous sommes à peu près, je dirais, à plus de 0,3 %, nous sommes peut-être à 0,7 % environ.

M. Bourbeau: II faut tout de même penser que le service de la dette prend une bonne partie du budget du Québec et il y a d'autres dépenses comme cela, absolument incompressibles. La marge de manoeuvre du gouvernement est quand même assez limitée.

M. Daigneau: Nous pensons que des points ont été soulevés depuis lundi et ils nécessiteraient peut-être un peu d'examen. Le problème de la spéculation que nous n'avons pas abordé est un problème important. S'il y avait moyen d'établir une sorte d'impôt sur la spéculation, il y aurait moyen d'aller chercher des sommes d'argent qui aideraient peut-être à construire du logement social. Je ne pense pas seulement aux HLM, je pense aux coopératives aussi. Si on coupait un peu dans les subventions à l'entreprise privée, si on revoyait la fiscalité des entreprises, je ne sais pas, si on allait peut-être chercher de l'argent dans des programmes qui sont peut-être moins prioritaires que l'habitation... Si on accorde de l'importance à l'habitation, on va la mettre plus haut dans l'échelle des priorités. Vous êtes les élus qui devez examiner tout cela. (15 h 30)

M. Bourbeau: Concernant ce sujet, d'abord l'habitation sociale, le budget de la SHQ est de 350 000 000 $ par année au Québec. Il y a 150 000 000 $ qui viennent du fédéral; c'est dépensé par le Québec mais ce sont des fonds fédéraux et 200 000 000 $ des fonds québécois. Donc, 350 000 000 $ par année, c'est le montant global dépensé en habitation: HLM et tous les autres programmes.

Pour ce qui est de ce dont vous parlez, les abris fiscaux etc., vous savez que la réforme fiscale du gouvernement fédéral annoncée met un sérieux frein aux abris fiscaux. Le gouvernement du Québec a annoncé son intention de s'aligner un peu sur la réforme du gouvernement fédéral. Je ne peux pas préjuger des décisions du ministre des Finances. Je pense qu'on s'oriente dans la direction dont vous parlez. M. le

Président, je n'avais pas l'intention d'être l'interlocuteur. C'est le député de Nicolet qui devait poser des questions. Je ne sais pas si vous voulez respecter l'alternance. Je laisse cela à votre convenance.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Nicolet.

M. Richard: Merci, M. le Président. M. Daigneau, à la lecture de votre mémoire, j'aurais le goût de vous demander pourquoi on devrait amender la Loi sur la Régie du logement pour les travaux majeurs. On s'aperçoit qu'à la suite de vos commentaires on acquiert presque la certitude qu'aucune mesure ne peut vraiment être efficace. On sous-tend dans le document que le locataire, de toute façon, ne se défendra pas et à l'instant où on lui annoncera des travaux majeurs, il va tout simplement sacrer son camp, par intimidation ou volontairement un peu, à l'instant où on va lui indiquer la porte. Avec ce que vous appeliez tout à l'heure votre baguette magique qui fait "ping", de quelle façon vous suggéreriez au gouvernement, au législateur de remplir les trous qui existent actuellement dans la loi.

M. Daigneau: II y a trois points dans notre document. À la page 9, nous proposons, premièrement, de modifier l'article 1 de la loi, de l'amender pour empêcher que les propriétaires obtiennent un jugement déclaratoire qui leur permettra de soustraire leur logement à la loi 107. Mais si j'ai bien compris, M. Bourbeau a l'intention de remédier à ce problème. Il y a une provision à cet effet. Elle n'est pas tout à fait claire dans le document, mais ce problème va être couvert. Le deuxième problème est relativement facile à couvrir. Il s'agit d'étendre la protection qui existe pour les cinq logements et plus, qui est dans l'article 136.1. Cet article a été voté au mois de juin 1981, si je me souviens bien, à la suite de pressions des locataires d'Outremont, sur la rue Bernard, qui étaient en train de perdre leur logement parce que des copropriétaires s'apprêtaient à utiliser la voie de l'indivision pour mettre tout le monde dehors.

M. Fortier: II y a eu des représentations du député de Mont-Royal et du député d'Outremont.

M. Daigneau: Cela me fait bien plaisir. Alors, évidemment c'est une chose que nous avons appréciée beaucoup dans Côte-des-Neiges, car Côte-des-Neiges est un quartier de logements multiples et d'immeubles qui ont plus que cinq logements. Le malheur, c'est que les immeubles de quatre logements et moins n'ont pas bénéficié de cette protection. C'est le Parti québécois qui était au gouvernement dans ce temps-là, ils n'ont pas jugé bon... Alors, ce qui arrive dans le Plateau-Mont-Royal et dans le centre-sud, c'est dû au fait que l'article 136.1 se limite aux immeubles de cinq logements et plus. Le troisième point, selon nous, est le plus important parce que c'est le plus litigieux et le plus difficile à circonscrire. Ce qui est ici est basé sur l'expérience que nous avons eue. Si la plupart des locataires, à l'heure actuelle, partent quand ils reçoivent un avis en vertu de l'article 1653 et, quand ils savent pertinemment qu'ils font face à des convertisseurs, c'est qu'ils voient ce qui va s'en venir la plupart du temps. Ils pensent qu'ils n'ont pas de chance de gagner leur point. Je pense qu'ils ont même raison, malheureusement, de le penser. Si je prends le cas de Bertrand et Langlais, de façon plus particulière, ils ont envoyé leurs avis au mois de décembre aux locataires, quelques jours avant Noël. Alors, évidemment ils ont pu ronger cela pendant le temps des fêtes et l'audition avait lieu, tout de suite après les fêtes le 8 janvier. Le 8 janvier, sur quinze logements, si ma mémoire est bonne, huit ou neuf ont signé une résiliation de leurs baux. À cette époque, cinq locataires avaient décidé de tenir bon et de se battre. Alors, nous avons essayé de faire un certain nombre de choses. Entre autres, la première chose que nous avons faite, nous sommes allés rencontrer M. Fortier à son bureau avec les locataires qui avaient décidé de rester dans l'immeuble; il y avait aussi un autre locataire d'un autre immeuble et deux conseillers municipaux du quartier. Nous avons demandé à M. Fortier de parler à ces deux propriétaires pour leur dire que ce qu'ils faisaient allait contre le sens de la loi et que ce n'était pas acceptable. M. Fortier a accepté, il a convoqué l'un de ces messieurs à son bureau et lui a dit qu'il n'était pas d'accord avec ce qu'ils faisaient. Ces messieurs en question ont invité M. Fortier et son adjoint politique, Marc Saint-Pierre, à aller visiter les immeubles. Ils ont expliqué à M. Fortier tout leur système, comment ils fonctionnaient. M. Fortier leur a répété que ce qu'ils faisaient était dans le sens contraire de la loi. Cela ne les a absolument pas dérangés. Alors, on a continué. Évidemment, les locataires qui restaient ont éventuellement eu droit à une audition devant la Régie du logement; nous avons essayé de mettre sur le dossier l'un des meilleurs avocats à Montréal, spécialisés dans le domaine du logement; nous avons réussi à gagner du temps dans une première démarche. L'avocat a attaqué l'avis des propriétaires sur des technicités. Finalement, après un certain nombre de mois, les propriétaires ont jugé qu'ils allaient perdre leur cause, ils ont envoyé un nouvel avis. De nouveau il y a eu audition au mois de juillet et la décision rendue la semaine dernière accorde aux propriétaires le droit d'évincer

les locataires pour faire les rénovations même s'ils sont en train de faire des condos. Cela ne les a pas empêchés tout l'été de vendre leurs condominiums, de les annoncer dans les journaux et de faire des "open houses" les dimanches et peut-être même les samedis après-midi aussi, d'ailleurs.

Face à cela, dans le contexte actuel, comment voulez-vous que les locataires... parce que ceux qui sont restés, les trois qui restent, ce sont les trois coriaces, et ils ont subi des travaux de rénovations, du "bing-bang" depuis le 1er mai. Nous avons dû y aller à un moment donné, j'ai dû appeler le responsable des inspecteurs des bâtiments de la ville et me rendre dans le bâtiment avec les inspecteurs de la ville pour essayer un peu de ralentir, à la suite de certaines choses qui se passaient. Que voulez-vous? C'est impossible. C'est un bulldozer, cet article-là. Comment voulez-vous que les locataires moins résistants que ces trois locataires-là puissent résister à une pareille affaire?

Il faut modifier l'article 1653, c'est l'article le plus dévastateur qu'il y a dans la loi. Nous, nous proposons qu'il ne s'applique qu'aux seuls cas où c'est vraiment nécessaire, aux seuls cas extrêmes, de la même façon que le recours du déguerpissement et le recours de l'ordonnance. Par exemple l'article 1656.3, ne s'applique que dans les cas extrêmes, c'est-à-dire dans les cas où il y a un danger pour la santé et la sécurité du locataire. Ce n'est pas possible d'aller chercher une ordonnance à la Régie du logement quand il n'y a pas un danger pour la santé et la sécurité du locataire, ni de déguerpir quand il n'y a pas un danger pour la santé et la sécurité du locataire. Pourquoi n'en serait-il pas ainsi pour les travaux majeurs?

Quand le locataire loue un logement de 400 $, il le fait parce qu'il a un certain revenu. Compte tenu de son revenu, c'est ce qu'il peut se payer. Il ne veut pas se retrouver avec un logement qui va lui coûter le double en cours de bail. Il ne demande pas un logement rénové, il demande un logement en assez bon état, un logement réparé, mais il ne demande pas un logement rénové. Alors, il nous semble injuste qu'on rénove des logements tout à coup, en plein milieu des baux, sans qu'il n'y ait une véritable nécessité. Qu'est-ce qui va être le véritable critère de nécessité, sinon la protection de la santé et de la sécurité des locataires? Cela prend un principe directeur pour choisir, pour décider si les travaux de réparation sont nécessaires. Ce pourrait être la beauté du logement, ce pourrait être l'ancienneté du logement, préserver le caractère historique, préserver la beauté. Nous pensons que le véritable principe directeur à retenir quand on décide si, oui ou non, des travaux majeurs doivent se faire, c'est la nécessité de protéger la santé et la sécurité des locataires. Il faudrait évidemment le faire de façon plus sérieuse et plus stricte que ce ne l'est maintenant.

M. Richard: M. Daigneau, j'aurais une autre question. Avez-vous pensé à l'impact sur la qualité des logements de l'ensemble du bloc locatif si les propriétaires n'étaient autorisés qu'à faire des travaux reliés, comme vous le dites, à une situation de santé ou de sécurité des occupants.

M. Daigneau: Nous aurions à peu près la même situation qu'actuellement. Il faut bien se dire que, lorsque les propriétaires font des rénovations, à l'heure actuelle, ils ne choisissent pas nécessairement, ni même la plupart du temps, (es logements qui sont dans le plus mauvais état. Les logements de la place Decelles sont parmi ceux qui sont dans le meilleur état dans le quartier. Ils ne vont pas aller faire des rénovations sur la rue Barclay. Ils savent bien que ce n'est pas intéressant, qu'ils n'attireront pas la clientèle qu'ils veulent avoir sur la rue Barclay, ni sur la rue Mountain Sights; ils vont aller les faire dans les logements qui sont en meilleur état. Donc, si le reste de la loi 107 n'est pas changé, nous allons avoir exactement la même situation qu'actuellement. Je ne dis pas qu'en modifiant l'article 1653, on règle tous les problèmes de logement, certainement pas. Il faut aussi modifier d'autres choses dans la loi.

Vous savez, il faudrait un code du logement dans la province. Il devait y en avoir un. Le ministre Tardif l'avait promis. Il a répété, à plusieurs reprises, qu'il allait venir. Il n'est jamais venu. On l'attend toujours. Il y a un Code du logement à Montréal; malheureusement, il est encore très mal appliqué et nous espérons que la ville, éventuellement, se mettra à l'appliquer d'une façon plus sévère que cela ne l'est à l'heure actuelle. Mais il n'y en a pas au plan provincial. Cela prendrait un code du logement.

Le fait qu'on limite les rénovations aux cas de protection de santé et de sécurité des locataires n'empêche pas les autres articles de s'appliquer, c'est-à-dire les articles où il est prévu de déposer son loyer; l'ordonnance, par exemple, continuerait à s'appliquer. Le locataire pourrait lui-même faire les démarches qui s'imposent. Il est possible que, dans certains cas, des logements nécessitent des rénovations majeures sur certains points et que le propriétaire ne veuille pas les faire; il y a l'article 1656.3 qui permet de les faire, mais il faudrait, encore là, y apporter des modifications. On ne s'embarquera pas là-dedans, maintenant; on y passerait l'après-midi.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M.

le député de Shefford.

M. Paré: Merci, M. le Président. Eh bien! moi aussi, je vous souhaite la bienvenue. Tantôt, vous avez commencé votre intervention en disant que vous alliez répéter des choses qui ont été dites par plusieurs groupes. Vous en avez ajouté, je dois vous le dire, mais je trouve important que vous soyez ici, tout comme le groupe Genesis qui vous a précédés, afin que tous les députés, sans exception, se sentent concernés par le dossier qui est présentement en discussion à l'Assemblée nationale.

Au début, il semblait toujours qu'on avait un seul exemple ou un seul quartier qui était touché et on pariait toujours de Plateau-Mont-Royal. Là, on se rend compte, avec les deux derniers groupes qui viennent de faire des présentations, que c'est toute l'agglomération de Montréal qui est touchée par cela et qui risque d'être pénalisée. Cela est parti de Rivière-des-Prairies et on a passé partout, tout autour de chez vous; hier soir, on était dans Notre-Dame-de-Grâce, Westmount, Mont-Royal et, aujourd'hui, Côte-des-Neiges. Effectivement, je pense qu'il n'y a personne qui puisse dire qu'il n'est pas concerné par ce qui se passe dans son coin, en tout cas dans la grande région de Montréal. C'est la première des choses que je voulais vous dire.

Ce qui est important, ce sont les chiffres que vous donnez. Vous faites des calculs qu'on ne retrouve pas dans la proposition gouvernementale. C'est beau d'avoir un objectif, qui est l'accès à la propriété pour les gens à revenus moyens. Vous êtes très conservateur, je dois dire, et je suis content que vous ayez pris un montant de 40 000 $ comme montant d'achat d'une maison; cela me permet de relier votre intervention à celle de deux autres qui vous ont précédés et de vous montrer à quel point, tout comme le disait l'Association des propriétaires du Québec, avec le projet de loi tel qu'exprimé présentement, on atteindra exactement les résultats contraires de ceux visés, justement parce que ce n'est pas faisable d'accéder nécessairement à la propriété avec les montants que vous nous avez présentés: en parlant de 40 000 $, combien cela pourrait coûter d'augmentation à un citoyen locataire pour devenir propriétaire? (15 h 45)

Très rapidement, juste pour vous dire que l'Association des propriétaires du Québec a fait le calcul suivant, par exemple, pour un locataire, qui voudrait acheter son appartement à 40 000 $, sans tenir compte d'un prix spéculatif. Avec un immeuble qui vaut 40 000 $, cela voudrait dire 645 20 $ par mois pour qu'il soit capable de rembourser les mensualités. Je ne suis pas sûr que la majorité des gens de Montréal soient capables de payer cela. Il y avait aussi l'Association de l'immeuble du Québec qui avait fait un calcul pas mal extraordinaire pour nous dire, aussi, que ce serait plus payant de devenir propriétaire. Je pense que personne ne doute des effets bénéfiques de la propriété. Par contre, dans les calculs, on se rend compte d'une augmentation passablement considérable. On parle de plus de 410 $ par mois. Sauf que, dans les débats, on s'est aperçu qu'on n'avait pas inclus dans cela la spéculation, on n'avait pas inclus les montants de rénovation. On s'est fait dire ce matin par l'Association des propriétaires du Québec que la rénovation, dans les coins centraux de Montréal, c'est l'équivalent en 20 ans de l'achat de la maison. Cela vient grossir passablement. Cela ne tient pas compte du capital de 10 % qu'on investit, plus les intérêts sur cela. Cela ne tient pas compte de l'entretien. À mon avis, on revient à peu près à 645 $ ou 650 $ par mois. Donc, en ce qui concerne l'accès à la propriété par la levée du moratoire, les chiffres des deux associations, que je viens de vous énumérer, plus ce que vous êtes en train de dire par les calculs que vous avez faits, sont en train de prouver qu'on passe à côté de l'objectif qu'on s'est fixé. Il faut trouver d'autres façons, à mon avis.

J'aurais une première question. Vous dites que votre association existe depuis seize ans et que vous avez des membres, mais que vous vous adressez à la population en général par des réunions que vous faites les mercredis. Est-ce que vous avez tenu des réunions dernièrement concernant justement la proposition qui est sur la table aujourd'hui et qu'est-ce que la population en général en pense?

M. Daigneau: Nous n'avons pas tenu des réunions de la population en général. Nous avons fait une assemblée générale, si je me souviens bien, le 29 juin. Donc, cela ne fait pas tellement longtemps. C'était une assemblée générale de nos membres qui se sont tous - ceux qui étaient présents -prononcés contre la levée du moratoire. Je peux vous dire que c'est un sujet dont nous avons discuté depuis longtemps avec les résidents de Côte-des-Neiges. Je n'ai jamais rencontré un seul locataire qui était d'accord avec cette idée.

M. Paré: D'autres arguments ont été apportés par plusieurs groupes, peu importe qu'on soit pour ou contre la levée du moratoire. Il y a une crainte: Comment cela peut-il être vivable? Avez-vous imaginé le mode de cohabitation à l'intérieur d'un édifice de 5, 10, 15 ou 20 appartements où il y aurait des gens propriétaires, copropriétaires, locataires du copropriétaire ou du propriétaire, locataires avec un droit

de maintien dans les lieux ou non? Comment voyez-vous cela?

M. Daigneau: J'ai envie de laisser la parole à Mme Nouen qui justement est une locataire sur la rue Édouard-Montpetit dans un immeuble qui a été converti en copropriété indivise et donc, les cinq autres personnes sont copropriétaires. Si vous voulez un peu raconter.

Mme Nouen: Oui, je suis locataire depuis six ans d'un immeuble de 3ix appartements qui a été converti en copropriété indivise. Je suis la seule locataire présentement. Bon, c'est difficile. Par exemple, ils font des réparations de toiture, etc. Je passe régulièrement à la Régie du logement pour l'augmentation de loyer qui est pas mal importante. Comme cette année, mon propriétaire voudrait passer de 413 $ à 433 $. Alors, on va aller à la Régie du logement. Je lui ai dit: Vous n'aurez pas ce prix. Il me dit: Ah! vous savez, je ne serai pas loin. Et, c'est vrai, parce que l'année dernière il demandait 25 $ d'augmentation, il en a eu 23 $. Alors! En tout cas, moi, je garde mon optimisme, toujours.

M. Daigneau: Je peux vous mentionner, en plus de cela, que Mme Nouen s'est fait offrir d'acheter le logement. À combien?

Mme Nouen: À 85 000 $.

M. Daigneau: À 85 000 $.

Mme Nouen: Ce qui est cher.

M. Daigneau: Non rénové.

Mme Nouen: Non rénové. Pas du tout.

M. Daigneau: Je peux vous dire que dans les immeubles qui ont été convertis par Bertrand et Langlais il y a un immeuble, semble-t-il, où il reste encore trois locataires. Il semble bien que c'est la guerre ou presque, c'est-à-dire que tous les copropriétaires se sont ligués contre les trois locataires qui restent pour essayer de les faire partir. D'ailleurs, ce n'est pas intéressant de conserver des locataires dans l'immeuble. C'est pour cela que la pression est si forte sur les locataires qui restent, par exemple, sur la place Decelles. C'est qu'évidemment les propriétaires, avec les trois locataires qui restent, s'ils demeurent locataires... même s'ils rénovent leur logement, ils ne feront pas autant d'argent que s'ils vendent le logement. Les copropriétaires ne sont habituellement pas intéressés à avoir les locataires dans l'immeuble parce qu'ils savent qu'ils ne partageront pas les dépenses avec eux.

Une voix: ...

M. Daigneau: Ah bon! Vous me dites qu'il a proposé 65 000 $ et il a refusé.

Mme Nouen: II m'a proposé 85 000 $, j'ai proposé 65 000 $ et il a refusé, bien sûr.

M. Daigneau: Nous pensons que cela va créer une situation conflictuelle, c'est certain; cela va être invivable dans ces immeubles, la plupart du temps.

M. Paré: Donc, par votre exemple, vous êtes en train de confirmer deux choses qui ont été soulignées par plusieurs groupes: La première, c'est que même si une personne demeure locataire, elle va devoir absorber une partie importante des coûts reliés aux transformations, aux rénovations votées, acceptées par une majorité des nouveaux copropriétaires, même si cela ne touche pas votre appartement.

Deuxième constatation par l'expérience vécue, c'est qu'effectivement cela va faire augmenter considérablement les prix puisque l'appartement, pour un loyer de quelque 400 $ par mois - près de 400 $ - cela va être l'équivalent d'un achat de 80 000 $ dans votre secteur.

M. Daigneau: Cela a des chances, oui. Nous, le chiffre de 60 000 $, nous l'avons mis arbitrairement en nous disant que, peut-être, ils offrent 85 000 $. Dans son cas, cela va bien, le moratoire n'est pas encore levé. Si on lève le moratoire, peut-être que les prix vont baisser un peu, mais je ne pense pas qu'ils baissent beaucoup plus bas que 60 000 $.

M. Paré: Vous avez dit, tantôt, dans votre présentation, que vous constatez que, dans la proposition gouvernementale, des mesures juridiques sont apportées, mais qu'il n'y a pas de programme de mesures financières. La mesure financière dont vous avez parlé tantôt...

M. Daigneau: Je parlais d'un contrôle des prix.

M. Paré: Oui, un contrôle des prix, qui est une mesure financière si on veut.

M. Daigneau: Des prix de vente.

M. Paré: Que le gouvernement ou la régie ou une autre instance que le propriétaire et le libre marché fixent des prix, je dois vous dire que c'est une mesure, à mon avis, qui n'est pas applicable - je vous le dis, je réfléchis tout haut - en tout cas difficilement. Tout en étant pour la libre entreprise, mais avec des contrôles, des

mesures sociales et des programmes d'aide, d'accord; mais laisser une instance, une tierce partie fixer des prix entre acheteur et vendeur... Est-ce qu'il n'est pas plus facilement applicable et acceptable pour les locataires de maintenir le moratoire et de l'appliquer effectivement, plutôt qu'une proposition semblable, laquelle, à mon avis, est plus une ingérence directe du gouvernement dans la propriété privée?

M. Daigneau: Cet exemple-là avait été apporté uniquement pour démontrer que le projet, tel qu'il est présenté, n'est pas viable. Nous savons que ce n'est pas l'intention du gouvernement de proposer une mesure de contrôle des prix de vente, mais nous en avons parlé pour essayer de faire comprendre que c'est ce que cela prendrait si on voulait lever le moratoire, sans causer des problèmes sociaux et économiques importants.

M. Paré: Malheureusement, je ne pourrai pas vous poser d'autres questions. On me dit qu'il me reste moins de deux minutes. Je vais juste vous dire que je considère comme vous que, tel que proposé là, cela va être intenable et on en a une preuve vivante ici. C'est qu'effectivement, si le programme concernant la fixation du prix de vente n'est pas applicable, les mesures juridiques proposées sont très facilement contournables - vous en êtes très certainement conscients - par l'augmentation des prix du loyer, par les taxes, les rénovations, les frais de transformation, par le harcèlement qui va certainement se faire en offrant aux gens d'acheter le droit de départ, par les pressions - je dois dire que je viens d'ajouter cela parce qu'on n'avait pas discuté de cela et vous êtes les derniers à être entendus à Montréal - exercées chez les gens qui vont essayer de demeurer dans les lieux. Selon les derniers chiffres publiés par Bell Canada, il y a eu 100 000 déménagements à Montréal cette année. 100 000 déménagements, cela veut dires Qu'est-ce qui arrive avec cette protection du maintien dans les lieux quand on va perdre 100 000 protections par année. Finalement, c'est tout simplement une théorie, une illusion, quelque chose qui n'est pas applicable et qui ne donne pas de protection. Je vous remercie.

Le Président (M. Rochefort): Merci, M. le député de Shefford. Brièvement, M. le ministre, le mot de la fin.

M. Bourbeau: Oui. Les intervenants dans le présent dossier nous ont fait une description éloquente des aberrations qui peuvent se produire sur le terrain avec la loi telle qu'elle existe présentement. Nous savons que la loi est contournée, que le moratoire est contourné et que des évictions sauvages ont lieu. Tout -cela se fait dans le régime actuel avec la loi 107 telle qu'elle existe depuis plusieurs années, et elle n'a pas été corrigée, je dois dire, pendant plusieurs années. J'espère que le député de Shefford va profiter de son dernier tour de piste pour faire amende honorable au nom de sa formation politique de ne pas avoir pris le temps, au cours des neuf années qu'ils ont été là, d'apporter des corrections à cela. Je le dis parce qu'on tente de donner l'impression que le gouvernement libéral est responsable de cette situation. Nous sommes là depuis quelques mois. Nous faisons Le tour du jardin et nous prenons connaissance des problèmes. C'est le but de cette commission-ci. Nous atteignons notre but, je dois le dire. J'ai déjà annoncé mon intention de soumettre, au Conseil des ministres et à l'Assemblée nationale, des modifications à l'automne pour tenter de pallier le problème que vous avez décrit.

En ce qui concerne l'autre aspect de la levée du moratoire et de la possible accession à la propriété, je constate que les problèmes ne sont pas les mêmes partout. Les personnes âgées n'ont pas les mêmes problèmes que les jeunes; les personnes à revenu moyen et élevé n'ont pas les mêmes problèmes que les personnes à revenu modeste; la Ville de Montréal n'a pas les mêmes problèmes que les régions du Québec. Bref, le Québec est diversifié dans ce dossier comme toujours d'ailleurs. Il est bien évident que les solutions que nous devrons apporter à ce problème ne pourront pas être la solution rnur-à-mur, qui serait la même partout. Nous allons tenir compte des disparités, devrais-je dire, des sociétés distinctes que l'on rencontre un peu partout dans le Québec. Nous aurons certainement des mesures qui feront en sorte d'affronter les problèmes tels qu'ils existent et où ils sont. Je peux vous assurer que c'est notre intention d'apporter des correctifs à ces problèmes dès l'automne qui vient. Je vous remercie.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Shefford, brièvement.

M. Paré: Oui, très brièvement pour vous remercier de la présentation de votre mémoire. Il est évident qu'on va en tenir compte parce qu'il y a des éléments très importants dans cela. Juste pour vous dire, M. le ministre, qu'une consultation sur le livre vert Se loger au Québec demandait une table de concertation qui aurait dû être mise sur pied avant une proposition comme celle-là. Elle aurait certainement été de meilleure qualité. Ce que nous dénonçons, c'est l'effet que vous ayez créé par une annonce prématurée, il y a plus d'une année, qui a fait en 3orte d'accentuer les problèmes. Nous avons des recommandations. Nous vous l'avons dit au début de la commission, et, à

mon avis, cela se confirme. Ce qui est important, c'est une politique globale d'habitation parce que cela est trop fondamental pour être traité à la pièce. En attendant, qu'on corrige immédiatement les lacunes qui nous ont été bien identifiées par les gens du milieu qui sont venus. Ils nous ont fait des recommandations. Au mois d'octobre, on est prêt à régler cela. Un, deux, trois, la même journée en ce qui concerne les correctifs, une politique globale et, la levée du moratoire, ce sera seulement un argument parmi les autres.

Une voix: ...un filibuster. M. Paré: Ça dépend...

Le Président (M. Rochefort): Merci. Vous me permettez messieurs. Nous allons permettre au groupe devant nous de conclure à son tour. M. Daigneau.

M. Daigneau: Oui. Je voudrais simplement préciser...

Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous plaît! M. Daigneau.

M. Daigneau: ...qu'à la suite de ce que M. Bourbeau vient de dire qu'il y a longtemps que nous travaillons dans le domaine du logement. Nous n'avons pas perdu la mémoire. Nous savons fort bien qui a voté la loi 107. Nous nous souvenons très bien, parce que nous sommes allés à la commission parlementaire en 1979, qui a précédé l'adoption de la loi 107. Depuis ce temps, nous avons fait de très nombreuses demandes au gouvernement du Parti québécois pour modifier la loi. Nous sommes conscients que le gouvernement du Parti québécois n'a jamais voulu modifier la loi 107. Alors, nous savons très bien qui est responsable de quoi. Nous ne blâmons pas le gouvernement libéral de tous les maux qui se produisent présentement. Dans le livre vert à la page 105, qui a été rendu public au mois de novembre 1984, si je me souviens bien, par M. Tardif, il était question d'un projet de levée du moratoire, qui ressemblait beaucoup au projet présenté par M. Bourbeau. Ce que nous pensons, c'est que si vous étiez toujours au pouvoir vous auriez probablement présenté à peu près le même projet que celui qui est mis sur la table. Le dossier serait venu sur la table pour fins de discussion.

Ce que nous vouions dire par là, c'est que nous ne pensons pas que les libéraux ou le parti québécois sont des méchants ou des bons. Nous disons que ce projet-là n'est pas bon et nous ne croyons pas qu'il y a seulement le gouvernement libéral qui a pensé à présenter ce projet-là. Le parti québécois y avait pensé aussi. Nous demandons à tous d'y réfléchir et de tirer des conclusions, à la suite des auditions qui ont été tenues ici.

Je ne veux pas être ennuyeux avec l'opposition qui se trouve, en ce moment nos alliés objectifs, mais nous ne sommes pas devenus amnésiques.

Le Président (M. Rochefort): Je vous remercie de votre participation à nos travaux. Sur ce, je voudrais rappeler aux membres de la commission que nos travaux se transportent à Québec demain. Nous nous retrouvons à 10 h 00 demain matin à la salle du Conseil législatif pour cette dernière journée de consultation générale. Avant de mettre fin à nos travaux, j'aimerais rappeler aux membres permanents de la commission de l'aménagement et des équipements, que nous devons nous retrouver immédiatement à la salle qui est tout juste derrière nous, au Salon des Pins 2, pour une séance de travail d'organisation d'une prochaine consultation que nous devrons mener sur le livre 2 de la réforme des lois municipales.

Sur ce, je suspends nos travaux à demain matin, 10 heures, à Québec.

(Fin de la séance à 16 h 2)

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