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(Dix heures six minutes)
Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission de l'aménagement et des équipements reprend
maintenant ses travaux pour poursuivre la consultation générale
portant sur la levée du moratoire sur la conversion des immeubles
locatifs en copropriété divise. Est-ce qu'il y a des
remplacements ce matin, M. le secrétaire?
Le Secrétaire: Oui, toujours aux remplacements permanents
s'ajoute le remplacement suivant: M. Gauvin (Mont-magny-L'Islet) sera
remplacé par M. Joly (Fabre).
Association des urbanistes et des aménagistes
municipaux du Québec
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le
secrétaire.
Je demanderais au représentants de l'Association des urbanistes
et des aménagistes municipaux du Québec de prendre place et
à son porte-parole de s'identifier, ainsi que la personne qui
l'accompagne.
M. Pelletier (Pierre): Bonjour. Mon nom est Pierre Pelletier; je
suis président de l'association des urbanistes et je suis
accompagné par M. Jacques Besner qui est le secrétaire
trésorier de l'association.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie. Alors,
à ce moment-ci, j'aimerais vous rappeler que vous avez quinze minutes
pour présenter votre mémoire.
M. Pelletier: Merci. M. le ministre, MM. les
députés, M. le président de la SHQ, je suis heureux, au
nom de l'association, de présenter la position de l'association à
la commission parlementaire de l'aménagement et des équipements,
ce matin, concernant la levée du moratoire sur la conversion des
logements locatifs en unités de copropriété divise.
Pour le début, je vais laisser la parole à mon
collègue et je reprendrai, ensuite, pour une autre partie du texte.
M. Besner (Jacques): L'Association des urbanistes et des
aménagistes municipaux du
Québec désire tout d'abord féliciter le
gouvernement du Québec pour sa décision de mener une consultation
élargie sur le projet de levée du moratoire.
L'Association des urbanistes et des aménagistes municipaux du
Québec a été fondée en 1974 et regroupe uniquement
des professionnels de l'aménagement de municipalités locales et
régionales. À ce jour, l'association compte environ 120 membres
à l'emploi d'une soixantaine de municipalités locales et
régionales de toutes tailles et situées aux quatre coins du
Québec.
Maintenant, notre position sur la levée du moratoire. Je vais,
auparavant, faire un préambule sur la question du logement au
Québec. En 1976, le groupe de travail sur l'urbanisation concluait,
après analyse du secteur de l'habitation au Québec, que le
gouvernement du Québec ne s'était pas encore donné de
politique globale en matière d'habitation. On constatait
également que l'habitation avait des liens étroits et
variés avec de nombreux autres facteurs comme l'économie, la
démographie, les besoins sociaux, etc.
Dans le document Se loger au Québec, le gouvernement du
Québec proposait en 1984 une politique d'habitation contenant des
objectifs et des propositions, et soulignait l'interdépendance des
divers domaines d'intervention dans le domaine du logement.
Ces énoncés en matière d'habitation vont dans le
sens des préoccupations de l'Association des urbanistes et des
aménagistes municipaux du Québec qui estime qu'on ne peut
espérer envisager une solution valable au problème précis
de la conversion des immeubles locatifs en copropriété divise
sans tenir compte des autres variables économiques, sociales et
politiques. Ce postulat a donc servi de base à l'analyse du document
Lever le moratoire: une décision qui s'impose et à
l'élaboration de la position de l'association sur la question.
La lecture de ce document nous a permis de dégager les objectifs
directs poursuivis par le gouvernement, soit: de favoriser l'accès
à la propriété à une clientèle plus
étendue; de favoriser l'accès à la propriété
dans les quartiers anciens et très en demande; d'assurer une protection
accrue aux locataires désireux de maintenir ce statut.
Assurément louables, ces objectifs soutenus par une série
de mesures de mise en oeuvre n'en présentent pas moins une série
d'embûches pour l'ensemble des intervenants. En substance, les
problèmes généraux nous apparaissent être les
suivants: premièrement, une position gouvernementale qui ne
définit pas un cadre global d'intervention en matière
d'habitation; deuxièmement, une proposition gouvernementale qui ne
fournit aucune analyse détaillée des incidences sur les
programmes actuels du gouvernement en matière d'habitation (programme
Logirente, programme de restauration des logements, programme relatif aux
coopératives); troisièmement, une proposition gouvernementale qui
ne soutient pas financièrement la volonté potentielle des
locataires à devenir propriétaires; quatrièmement, une
proposition gouvernementale qui ne fournit aucun outil supplémentaire
aux municipalités dans les domaines de l'évaluation de
manière à assurer une certaine équité entre
propriétaires et locataires, et entre bâtiments locatifs et
bâtiments en copropriété.
M. Pelletier va maintenant commenter le document.
M. Pelletier: La quatrième partie concerne les
commentaires sur le document gouvernemental. En ce qui concerne la partie 1 du
document sur la levée du moratoire. L'association considère qu'il
y a, premièrement, une absence de vision d'ensemble. En
résumé, on estime que la levée du moratoire est faite -
indépendamment d'une politique globale du logement et que cette solution
sectorielle a un aspect de la question du logement beaucoup plus vaste.
À long terme, cela créera sans doute plus de problèmes, du
moins à notre avis, que les améliorations qui seront
apportées à la question du logement.
En ce qui concerne l'absence de mise en situation, on aurait aimé
une analyse de mise en situation pour les propriétaires et les
locataires situés dans les territoires où se produira l'essentiel
des conversions, c'est-à-dire dans les grands centres urbains du
Québec, Montréal et Québec essentiellement ou, en tout
cas, les communautés urbaines. Ces analyses, avec des interviews
contrôlées auprès de groupes cibles, auraient permis de se
faire une idée beaucoup plus précise du comportement des
personnes et des effets sur le parc de logements locatifs des quartiers que
l'on estime être visés.
Le troisième valet concerne l'analyse qui est trop
générale. En bref, nous crayons que l'impact de la levée
du moratoire sera très marqué dans certains secteurs et cela se
ferait dès la levée du moratoire.
Quatrièmement, on estime que les données
présentées ou les comparaisons avec les États-Unis et la
France sont boiteuses dans la mesure où ce qui a été
choisi comme comparaison ne permet pas de porter des jugements sur ce qui
pourrait se passer au Québec.
Le cinquième aspect concerne l'incidence sur la fiscalité.
La fiscalité est un élément très important dans la
question de l'habitation et le document ne tient absolument pas compte des
dispositions fiscales qui ont pourtant un effet marqué sur le
marché immobilier. La mise en application de mesures fiscales comme
l'exemption du gain de capital a eu et aura, à notre avis, un effet
déterminant sur les tendances du marché de l'habitation au
Québec et en particulier pour ce qui est du phénomène de
spéculation qui se fait actuellement au centre-ville de Montréal
en attendant la levée du moratoire.
De la même façon, des dispositions fiscales ont eu dans le
passé un impact majeur sur le marché du logement. On n'a
qu'à prendre les mesures fiscales du gouvernement concernant les
immeubles résidentiels à logements multiples, ce qu'on appelait
les MURB. Ces variables qui sont pourtant très importantes pourraient
avoir un effet très important sur l'analyse qu'on peut faire de la
levée du moratoire et elles ont été absolument
escamotées dans le dossier.
Le sixième problème que l'on voit concerne la question du
financement hypothécaire. On ne semble pas avoir considéré
les problèmes de financement hypothécaire pour les petits
épargnants même si on dit que l'un des objectifs est de favoriser
l'accession à la propriété des locataires occupants. En
effet, il aurait été essentiel de connaître la position des
groupes de citoyens et celle des institutions financières sur les
modalités de la levée du moratoire pour valider ou modifier au
besoin les propositions contenues dans le document.
Septièmement, quant au milieu municipal, on en fait
complètement abstraction même si la question de la
fiscalité municipale, l'évaluation foncière, les pouvoirs
de réglementation en matière d'urbanisme sont des
éléments importants à considérer dans le cadre de
ce document.
Quant à la deuxième partie du document Lever le
moratoire: une décision qui s'impose, on a également des
réserves sur les quatre volets du contenu.
Premièrement, la protection relative des locataires. Le droit au
maintien des lieux pour une période illimitée est un principe ou
un objectif louable. Cependant, certaines des mesures proposées nous
semblent susceptibles de poser des problèmes. De plus, même si les
mesures proposées pour atteindre l'objectif de droit au maintien dans
les lieux s'avéraient efficaces, il sera nécessaire que le
gouvernement précise quand même ses orientations et ses
interventions pour assurer le logement des personnes à faible et
moyen
revenus et des clientèles particulières. (10 h 15)
Essentiellement, au sujet des locataires, on pense que,notamment,
surtout quand il y aura des personnes âgées, que les mesures ne
seront peut-être pas suffisantes pour les protéger. On pourrait
leur dire: On va vous donner 2000 $, vous quittez le logement. Pour la
personne, c'est une somme importante; pour le convertisseur, c'est
dérisoire comme montant. À ce niveau, les mesures ne nous
semblent pas suffisantes pour assurer leur protection.
En ce qui concerne le deuxième aspect, soit la protection
relative des propriétaires, les propositions visant à
empêcher les propriétaires convertisseurs à expulser les
locataires par le biais des travaux non majeurs nous paraissent pertinentes
dans la mesure où elles ne risqueront pas de causer par la suite un
préjudice sérieux aux acquéreurs d'unités dont
l'investissement serait hypothéqué. En effet, dans le cas
où un bâtiment converti " en copropriété divise
conserverait une majorité de locataires, il nous semble logique de
penser que les propriétaires divis voudront procéder à des
améliorations visant à assurer une meilleure qualité
d'habitation. Il faut aussi tenir compte du fait que la réalisation de
travaux dans les aires communes contribuera à l'amélioration
générale de l'immeuble et de sa valeur marchande.
Dans les circonstances, il nous apparaît probable que l'opposition
des locataires à ces améliorations autres que les
réparations d'entretien courant et les réparations urgentes,
opposition fondée sur la crainte d'une majoration des loyers
consécutive à la réalisation de ces travaux, créera
des tensions avec les propriétaires divis. À l'inverse, la
disposition aurait pour effet d'accroître le risque financier des
propriétaires divis, puisque ceux-ci ne pourront pas améliorer
l'ensemble du bâtiment comme ils le désirent.
Nous ne pensons donc pas souhaitable de vouloir assurer la protection
d'un groupe au détriment d'un autre groupe. De plus, on peut
s'interroger sur l'attitude des institutions financières lorsque les
propriétaires divis minoritaires voudront obtenir un prêt
hypothécaire pour la réalisation de travaux dans les parties
communes. Et si les institutions acceptent de prêter, ce sera à
quelles conditions? De même, on peut penser que les assureurs vont exiger
des primes plus élevées.
La vente éventuelle de telles unités pourrait comporter
des problèmes sérieux dans le cas où l'immeuble
conserverait en majeure partie son statut locatif. On n'a qu'à prendre
un extrait de la page 53 du document sur la levée du moratoire où
on remet en cause, finalement, la justesse de l'investissement pour ceux qui
auront accepté d'acquérir l'immeuble. On dit: "Par contre, s'il
arrivait que plusieurs logements de l'immeuble converti continuent d'être
occupés par des locataires ayant un droit au maintien dans les lieux
pour une période illimitée, cela pourrait avoir un impact
à la baisse sur la valeur de l'immeuble. Dans les faits, ce dernier
conserverait en grande partie son statut locatif."
Qu'arriverait-il de l'investissement situé parfois à la
limite des ressources financières d'un acheteur moyen? Les institutions
financières vont-elles exiger un paiement initial beaucoup plus
élevé? Elles ne se contenteront pas de 10 %, 15 % ou 20 %, elles
vont peut-être demander 25 %, 50 %. Ce sont des questions dont on ne
connaît pas la réponse, mais il aurait été
intéressant de les fouiller plus, avant d'arriver avec un document comme
celui-là.
Il y a aussi le fait que les locataires sont prêts à
accepter une qualité d'habitation peut-être moindre que celle du
propriétaire de son logement. De plus, il faut considérer que le
maintien des locataires aux conditions prévues dans le document ne nous
apparaît pas adéquat dans la mesure où ces conditions ne
favoriseront pas le maintien ni l'amélioration de la qualité de
l'habitat. Au contraire, ces conditions pourraient favoriser la taudification
d'une partie du parc de logements locatifs.
On souligne ici la question de l'évaluation municipale. On estime
que, dès qu'il y aura levée du moratoire, il faut que des
mécanismes soient déjà prêts. Sinon, la
première année, il y aura des plaintes. Lors de la séance
du 20 mai 1987, M. Gaétan Boucher a d'ailleurs dit que par le seul fait
d'enregistrer une déclaration de copropriété,
automatiquement, la valeur de l'immeuble vient de doubler.
Conséquemment, les taxes vont augmenter. Ce sont des choses qui ne sont
peut-être pas certaines, mais qui devraient à tout le moins
être étudiées avant qu'on fasse la levée du
moratoire.
Finalement, en ce qui concerne la protection relative des
acquéreurs, on dit: "Afin de ne pas ajouter aux normes existantes qui
procurent déjà aux acquéreurs une protection minimale,
l'immeuble ne serait pas soumis à des normes physiques
particulières lors de la conversion en copropriété."
On comprend que cette mesure vise à favoriser l'accession
à la propriété, sauf que, d'un autre côté,
lorsque vous faites l'acquisition d'un immeuble unifamilial qui est en mauvais
état, c'est plus facile de procéder progressivement à des
restaurations majeures. Dans le cas d'un immeuble qui est, finalement,
multifamilial, la possibilité va être plus réduite; un tel
serait prêt une année, l'autre non. Dans certains cas, c'est
préférable, en tout cas, bien qu'on soit conscients que cela va
augmenter le coût
d'acquisition de l'immeuble, que les restaurations majeures soient
faites dès le départ. S'il y a lieu de refaire la plomberie ou
l'électricité, il faudrait que ce soit fait au départ pour
tout le monde, sans quoi cela va poser des problèmes.
Finalement, quant au quatrième aspect, soit la protection
relative du parc de logements locatifs, l'association a de sérieuses
réserves sur les mesures annoncées dans le document concernant la
protection du parc de logements locatifs parce que celle-ci requiert la mise en
place préalable de mécanismes efficaces pour suivre le rythme de
conversion ou pour évaluer la conjoncture économique et sociale
dans les quartiers les plus touchés.
En somme, on pense que l'action du gouvernement visant à assurer
la protection du parc de logements locatifs risque d'être inefficace ou
trop tardive si les moyens d'intervention pour contrer les
phénomènes qui sont prévus dans les paragraphes
précédents - le chapitre IV - ne sont pas prêts dès
la levée du moratoire. Je passe à nouveau la parole à mon
collègue.
M. Besner: J'aimerais maintenant résumer, pour chacun des
intervenants impliqués dans le processus de conversion, les impacts qui
sont anticipés.
Premièrement, du point de vue de l'acquéreur, la
levée du moratoire devrait théoriquement assurer un
éventail plus large d'unités de logement disponibles à
l'achat et majoritairement situées dans les quartiers les plus en
demande. On pense au Plateau-Mont-Royal, par exemple, à
Montréal.
Elle devrait permettre également d'offrir une plus grande
diversité de prix à l'éventuel acquéreur, à
faible ou à moyen revenu, compte tenu des différences de
qualité et de localisation des bâtiments.
Cependant, l'obligation de s'en tenir à des interventions
minimales, lors de la conversion ou dans les années qui suivent
immédiatement celle-ci, pourrait empêcher de maintenir une
qualité minimale au bâtiment converti sur une période trop
longue. Si ce scénario se réalisait, il aurait un effet
modérateur sur le rythme de conversion et sur le rythme normal
d'amélioration de la qualité du parc de logements locatifs qui
demeureraient.
Le reconnaissance du droit à l'occupation du logement par le
locataire pour une période illimitée apparaît, par
ailleurs, une mesure dissuasive pour l'éventuel acquéreur.
Les motifs généralement admis comme étant
incitateurs pour un individu lors de l'achat d'une propriété,
soit le gain en capital, l'autonomie de disposer de son logement, le niveau de
confort anticipé, etc., ne sont pas reconnus et leur absence aura
vraisemblablement un effet dissuasif à moyen terme pour le futur
acquéreur.
Du point de vue, maintenant, du propriétaire vendeur, la
levée du moratoire vise à assurer au propriétaire vendeur
la possibilité de convertir un immeuble existant par l'observance de
certaines règles.
Cependant, de nombreuses étapes administratives viendront
allonger la réalisation de l'opération.
La création d'une plus-value sans aucune intervention au niveau
du bâtiment, c'est-à-dire consécutive à une
réévaluation du bâtiment suivant le dépôt
d'une déclaration de copropriété, nous apparaît une
conséquence qui induira une accessibilité réduite des
unités de logement.
Maintenant, du point de vue du locataire occupant, la levée du
moratoire devrait lui permettre d'acheter son logement. Si telle n'est pas son
intention, les procédures administratives proposées pour assurer
son maintien dans les lieux se révéleront peut-être peu
efficaces. Étant donné que les clientèles visées
hésitent souvent à faire valoir leurs droits, entre autres, il
pourrait arriver que des cas de harcèlement se produisent, surtout quand
les copropriétaires divis sont très largement majoritaires. Par
ailleurs, on relève qu'aucune protection n'est assurée au
sous-locataire.
Certaines catégories de locataires pourront faire l'objet de
discrimination lors de la location de logements, ne représentant pas une
catégorie d'acheteurs potentiels. Pour ces motifs et en l'absence d'une
politique gouvernementale à long terme, il y a lieu de craindre que les
locataires à faible et moyen revenus soient donc confinés dans
une offre de plus en plus réduite de logements, qu'il s'agisse de la
localisation ou de la qualité de l'espace habitable.
Maintenant, du point de vue des administrations municipales, la
levée du moratoire permettra une récupération plus
élevée de taxes de mutation. Cependant, les mesures
proposées n'assureront probablement en rien l'amélioration de la
quantité et de la qualité du stock de logements dans la
municipalité, et en particulier dans les quartiers proches du
centre-ville de Montréal et de Québec, par exemple.
Les mesures proposées ne permettront vraisemblablement pas non
plus à la municipalité d'intervenir pour le maintien d'une
qualité acceptable quant à son stock de logements global.
Enfin, l'absence de propositions gouvernementales concernant les
méthodes et les techniques d'évaluation et les règles de
taxation fixées par la loi font craindre l'emballement éventuel
des taxes foncières dans les secteurs sensibles, ce qui
pénaliserait les locataires et les propriétaires sans que les
municipalités n'aient les moyens d'intervenir.
La position de l'association sur la levée du moratoire est la
suivante. Notre analyse a démontré qu'il restait de nombreuses
questions sans réponse qui doivent pourtant être résolues
si l'on veut que la conversion s'effectue sans problème grave. De plus,
les objectifs fixés sont louables, mais l'association croit qu'ils ne
peuvent être atteints avec les mesures proposées.
Au contraire, l'association pense qu'avec le projet tous seront
perdants, locataires et propriétaires.
De plus, on a pu vivre pendant onze ans avec le statu quo et celui-ci
demeure de loin préférable à des mesures trop
hâtives et peut-être insuffisantes.
En conséquence, l'Association des urbanistes et des
aménagistes municipaux du Québec s'oppose à la
levée du moratoire telle que présentée. Toutefois,
l'association serait favorable à une levée du moratoire si les
conditions suivantes étaient remplies.
Premièrement, une mise en vigueur de politiques claires
concernant la construction et l'accessibilité des logements pour les
personnes à faible et moyen revenus, les personnes âgées et
les handicapés. Parmi les mesures d'application possible, soulignons
l'allocation-logement, les subventions à la construction d'unités
locatives ou à la mise de fonds initiale de 10 % ou de 25 %, selon le
cas, pour le premier acquéreur, ou bien un droit de préemption
à l'achat par les offices " municipaux d'habitation.
Deuxièmement, la réalisation des études suivantes
que propose l'association démontrerait la faisabilité
réelle du projet et proposerait des mesures de mitigation aux impacts
appréhendés: étude comparative avec les grandes villes
américaines et avec Paris (analyses détaillées par
secteur, par quartier); étude de simulation sur certains quartiers
cibles de Montréal et de Québec sur la protection des
acquéreurs, des locataires et du parc de logements locatifs;
études des options possibles en matière d'évaluation
foncière, de plafonnement du compte de taxes et de modification de la
Loi sur la fiscalité municipale, si nécessaire; et étude
sur tout le mécanisme de contrôle et du suivi du processus de
conversion afin de conserver en tout temps un certain pourcentage de logements
locatifs dans toutes les catégories de prix et dans chacun des
quartiers, comme cela se fait à Toronto.
Troisièmement, pour une période de cinq à dix ans,
la levée du moratoire ne pourrait être que partielle, soit par
municipalité, soit par quartier, le choix d'une levée partielle
étant laissé aux élus municipaux, et aux urbanistes et
aménagistes qui les conseillent. Merci.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci. Je cède
maintenant la parole à M. le ministre.
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Alors, je salue
l'Association des urbanistes et des aménagistes municipaux du
Québec qui joue un rôle très important en
aménagement au Québec. On sait que l'aménagement est
à la mode depuis quelques années et que cela risque de
l'être encore pendant un bon bout de temps puisqu'on est justement en
train de recevoir, par les temps qui courent, les schémas
d'aménagement, de les étudier ainsi que de réagir à
ceux-ci. Certains, dans les MRC, sont déjà en vigueur, d'autres
le seront au cours des prochains mois. Bref, de ce temps, les
aménagistes ont beaucoup de travail. Au cours des deux prochaines
années, on adoptera les plans d'urbanisme locaux, dans les
municipalités. Encore là, les aménagistes seront
très près des conseils municipaux pour tenter de leur prodiguer
leurs connaissances et leurs conseils.
Dans le mémoire que vous présentez, vous vous
déclarez contre la levée du moratoire et vous décrivez un
peu la situation qui existe présentement. Or, plusieurs intervenants ont
passé des heures à nous décrire une situation qui, selon
certains, est devenue inacceptable en ce qui concerne, par exemple,
l'évacuation des personnes âgées, l'intimidation, le
harcèlement, les reprises de possession massives par les
propriétaires indivis dans les immeubles de quatre logements et moins,
les évacuations sauvages pour de présumées
réparations majeures, lesquelles, souvent, ne sont qu'un prétexte
pour obtenir une conversion des immeubles par la porte d'en arrière, si
je peux dire. Et tout cela se passe dans le système actuel, avec un
moratoire. Est-ce que vous ne croyez pas que maintenir' le moratoire est une
décision qui risquerait de perpétuer une situation devenue plus
ou moins intolérable? (10 h 30)
M. Besner: Notre position n'est pas le maintien du moratoire,
mais l'abolition du moratoire avec des conditions. Et je pense que le plus vite
possible sera le mieux à cause justement de ces problèmes.
M. Bourbeau: Pourtant, dans votre mémoire, vous dites en
page 17: "De plus, on a pu vivre pendant onze ans avec le statu quo et celui-ci
demeure de loin préférable à des mesures trop
hâtives et peut-être insuffisantes."
M. Pelletier: Nous, notre position est fondée sur le fait
que la levée du moratoire telle que proposée dans votre document
ne ne nous semble pas apporter de garanties à la fois aux locataires et
aux propriétaires. Comme nous le disons plus loin, nous sommes
favorables à une levée du moratoire dans la mesure où,
premièrement, on évite les écueils que l'on pense
anticiper et que nous avons prévus dans notre mémoire. Au
fond,
nous n'avons pas d'objections majeures à la levée du
moratoire pour autant que certaines conditions contenues là soient
respectées, qu'il y ait notamment une politique du logement claire et
qu'on sache vers quoi on s'en va. Aussi, dès que la levée du
moratoire sera appliquée, qu'il y ait des mécanismes pour
éviter certains dérapages, si vous voulez.
C'est notre position, finalement. Nous ne prenons pas position pour un
groupe ou pour un autre. Ce que nous disons, c'est qu'une levée du
moratoire sans politique de logement, analyse ou mesures efficaces pour assurer
effectivement qu'il n'y ait pas de dérapage, ce n'est pas acceptable.
C'est tout ce que nous disons.
M. Bourbeau: Les positions exprimées devant la commission
varient énormément selon que les intervenants représentent
des milieux urbains, comme Montréal par exemple, des milieux ruraux ou
des municipalités à l'extérieur de l'île de
Montréal. On a vu l'UMRCQ se prononcer en faveur de la conversion. Nous
avons eu l'Union des municipalités du Québec qui s'est
également prononcée pour la conversion, donc pour la levée
du moratoire et la conversion en copropriété. Nous avons eu une
foule d'organismes de Montréal, y compris la ville de Montréal,
qui ont exprimé une opinion contraire; les groupes de personnes
âgées, par exemple, et les groupes des milieux populaires. Il
semble donc que la réalité soit différente selon que l'on
vive en ville ou à la campagne. Je ne voudrais pas quand même
traiter de campagne tout ce qui est en dehors de Montréal. Il y a quand
même des municipalités urbaines ou de type urbain. Comment
réagissez-vous par rapport à cette ambivalence, si je peux dire,
de positions partout au Québec, vous qui êtes dans toutes les
municipalités?
M. Besner: Comme on le dit dans notre introduction, le
problème de la conversion sauvage actuelle se localise principalement
dans les grands centres urbains, à Montréal et à
Québec en particulier. Le problème dans les municipalités
rurales ne se pose absolument pas.
M. Bourbeau: Oui, mais il y a plus que cela. Vous parlez des
grandes municipalités, mais parmi les grandes municipalités,
à notre connaissance, il n'y en a qu'une seule qui a des objections,
c'est la ville de Montréal. Je fais exception pour la ville de
Côte-Saint-Luc qui est également venue nous rencontrer. D'autres
municipalités, comme la ville de Québec par exemple, se
déclarent favorables à la conversion. On n'a entendu aucune
récrimination de la part d'aucune autre grande municipalité au
Québec. Alors, cela ne semble pas être un problème
très important en dehors de la ville de Montréal.
M. Pelletier: Effectivement, nous pensons que l'impact va se
situer principalement dans la ville de Montréal, mais aussi dans
certaines villes en périphérie. Je pense que certains secteurs
d'Outremont vont être touchés considérablement. Nous
présentons une position à titre, si l'on veut, entre guillemets,
d'experts. Nous ne représentons absolument pas la position des
élus municipaux sur la question. Nous, de toute façon, ce que
nous disons dans nos recommandations à la fin, c'est que la levée
du moratoire pourrait être partielle. Si par exemple une
municipalité comme Montréal choisissait de maintenir le moratoire
ou de le lever par quartier ou autrement, cela n'empêcherait pas les
municipalités où on n'a pas de problèmes et où ne
prévoit pas de problèmes de le faire différemment. C'est
tout ce qu'on dit. Qu'il y ait, si besoin est, une adaptation aux conditions
locales, à la spécificité du milieu. C'est le sens de
notre troisième recommandation ou condition qui entoure notre
acceptation de la levée du moratoire, finalement.
M. Bourbeau: Je conçois très bien les
problèmes dans les grandes conciergeries, le harcèlement et
l'intimidation qu'on peut faire à l'endroit des personnes
âgées et d'ailleurs à l'endroit de toutes sortes de
personnes, mais il reste quand même, depuis une dizaine d'années,
à Montréal surtout, mais aussi dans plusieurs villes - à
Québec aussi - le phénomène de gens qui ont acquis en
copropriété indivise, en indivision, des duplex, des triplex, des
quadriplex et parfois même des immeubles à cinq ou six logements.
Ils sont tous copropriétaires et ils vivent des problèmes. On en
connaît. Tout le monde connaît des gens qui, par exemple, vivent
dans un triplex, qui sont propriétaires d'un tiers indivis de l'immeuble
et qui, de plus en plus, réalisent les problèmes importants, sur
le plan juridique, de vivre une situation comme celle-là, ne serait-ce
que quand ils viennent pour essayer de revendre. Ils ne peuvent pas refinancer
l'immeuble, trouver d'acheteurs qui ont un montant comptant énorme,
etc.
Hier, on a vu le cas le plus patent, celui des propriétaires du
manoir Barrington qui sont 32 en indivision et qui souhaitent en sortir le plus
tôt possible puisqu'il semble que ce soit devenu quasiment un enfer.
D'après certaines études, il y aurait ainsi au moins 20 personnes
en indivision. Dans ces cas-là, quand ces gens, unanimement, veulent
convertir leur immeuble en copropriété, n'y aurait-il pas lieu de
le permettre?
M. Besner: Effectivement, c'est peut-être un cas où
la conversion serait autorisée, mais elle devrait être
contrôlée par les municipalités.
M. Bourbeau: Alors, justement...
M. Besner: Donc, sectoriellement, par quartier, la
municipalité pourra autoriser la conversion, selon le pourcentage de
logements locatifs. Si des problèmes comme celui que vous mentionnez se
présentent, je pense qu'on pourrait autoriser la conversion.
M. Bourbeau: Puisque vous nous parlez des municipalités,
dans votre document, vous dites justement qu'on pourrait, soit par quartier,
soit autrement, leur laisser le choix d'une levée du moratoire. Est-ce
que, dans votre esprit, il serait préférable que le gouvernement
laisse aux municipalités la décision totale de signifier leur
consentement à la levée du moratoire dans des quartiers
donnés, dans des secteurs ou même dans toute la
municipalité, ou si vous trouvez que le gouvernement devrait maintenir
à la Régie du logement l'autorisation de convertir?
M. Besner: Je pense que les deux sont indispensables: un cadre
gouvernemental qui régit la conversion globale, mais que les
municipalités décident elles-mêmes d'autoriser les
conversions selon certaines conditions. Par exemple, si le taux de vacance dans
le stock de logements d'un certain quartier devient trop élevé,
on pourrait autoriser la conversion.
M. Bourbeau: II reste encore du temps?
Le Président (M. Saint-Roch): II vous reste encore une
minute, M. le ministre.
M. Bourbeau: Vous êtes très généreux,
M. le Président. Je vais laisser la parole à l'Opposition et je
reviendrai peut-être à la fin.
Le Président (M. Saint-Roch): Je cède maintenant la
parole à M. le député de Shefford.
M. Paré: Merci, M. le Président. Je vous remercie
beaucoup de la présentation de votre mémoire qui, soit dit en
passant, pose les vraies questions et très clairement. Vous allez me
permettre quelques minutes pour commenter les propos du ministre parce que je
trouve que cela n'a pas de bon sens.
M. Bourbeau: Le contraire m'aurait étonné.
M. Paré: Vous n'étiez pas ici et je comprends
très bien que vous ne pouviez pas être ici depuis lundi matin. Je
trouve incroyable que le ministre vienne dire que tout le monde, que toutes les
autres municipalités excepté Montréal sont d'accord avec
la levée du moratoire. La lecture que le ministre fait des
présentations est fausse dans son interprétation. Mais la lecture
que vous vous faites, c'est la lecture qui est faite par à peu
près tout le monde; c'est important. Il y a des choses que vous rappelez
dans votre mémoire et qui ont été rappelées par
à peu près tout le monde presque sans exception, sauf deux ou
trois cas qui sont des cas particuliers que le ministre réutilise.
Une voix: C'est bien triste.
M. Paré: Le cas du manoir Barrington est un cas qui se
règle par un projet de loi privé et non en changeant tout le mode
d'habitation d'une population de 6 500 000 Québécois pour
régler un cas dans Côte-Saint-Luc ou je ne me souviens plus
à quel endroit. Cela n'a pas de bon sens. il prend aussi d'autres cas,
mais qui sont isolés. Des individus sont venus ici soumettre des
propositions, mais ce sont des individus. On ne règle pas des cas
individuels par une politique globale. Mais ce qui est ressorti dans presque
tous les mémoires, c'est qu'il est impensable de lever le moratoire sans
qu'il n'y ait une politique globale. Vous l'avez souligné dans votre
mémoire. Il y a un manque flagrant d'étude, il est impensable de
venir chambarder toutes les relations locataires-propriétaires, le mode
d'accès à la propriété, changer la vie,
spécialement à Montréal, des citoyens et même
changer les citoyens de Montréal par d'autres sans qu'il n'y ait
d'études. Il n'y a pas d'études là-dessus ni
d'études actuelles.
Les vrais chiffres, on les a retrouvés dans les mémoires
qui ont été présentés par des groupes comme le
vôtre. Mais, là-dedans, on n'en retrouve pas et il n'y a surtout
pas d'études sur les conséquences possibles et probables. Il n'y
a pas de programmes d'aide: vous l'avez souligné et tout le monde l'a
souligné. Et il y a des problèmes que vous avez soulignés
aussi; vous avez spécifié les problèmes de maintien, entre
autres, le harcèlement par le rachat, les problèmes de
qualité du logement, les prix à cause de l'augmentation des
taxes. Vous parlez de cela et tous les groupes en ont parlé, mais le
ministre ne le dit pas. On dit que c'est impensable qu'il n'y ait pas de
politique et il s'en va dire que l'Union des municipalités est à
100 milles à l'heure pour sa proposition.
Je vais vous lire la conclusion, car cela n'a pas de bon sens de laisser
passer des choses semblables; il y a des mots que je n'ai pas le droit
d'utiliser ici. L'Union des municipalités du Québec conclut son
rapport - et je pense qu'il vaut la peine de le lire -ainsi: "Ce n'est que par
une approche globale que le gouvernement pourra s'assurer que les objectifs
qu'il s'est fixés par la levée du moratoire seront
véritablement atteints. "Pour l'Union des municipalités du
Québec, il est primordial que la levée du
moratoire soit accompagnée de mesures parallèles dont les
objectifs chercheront à favoriser l'accès à la
propriété par les locataires en place. Il faut se rappeler la
raison première de l'imposition du moratoire, soit la protection des
locataires."
Venir dire que l'Union des municipalités du Québec
adhère à une affaire comme cela, avec une conclusion semblable,
je m'excuse, mais, à un moment donné, il faut que les choses
soient dites. Je m'excuse si j'ai pris quelques minutes pour cela plutôt
que de commenter votre document qui, comme je vous le disais, est très
complet. Mais on ne peut pas, pour aller chercher des réponses qui font
notre affaire et pour aller chercher des alliés, ne pas aller jusqu'au
fond de votre proposition et essayer d'influencer, avec ce qui a
été dit avant, en interprétant faussement.
J'ai une question... Non, un autre commentaire, car on a douze minutes;
on nous a même limités dans le temps. Quand le ministre dit - et
c'est une inquiétude -qu'il y a énormément de
problèmes... Et c'est reconnu. On a eu des personnes âgées
avant-hier, on a eu des locataires hier et on a même eu des groupes de
tous les coins de Montréal, de Westmount jusqu'à
Rivière-des-Prairies. Je pense que des gens de tous les quartiers sont
passés pour dire qu'ils avaient des problèmes énormes.
C'est connu et reconnu et cela a été confirmé ici lors de
la commission. Mais le ministre semble dire qu'il y a un moratoire qui n'est
pas respecté et qu'il y a beaucoup de problèmes; donc, il faut
régler cela et cela presse. Donc, ou on le garde ou, à l'inverse,
on lève le moratoire. Il n'est pas vrai que c'est tranché noir
sur blanc comme cela. Il y a une solution. C'est l'application du moratoire. Le
ministre a pris un engagement hier, soi-dit en passant - il faut que les gens
le sachent c'est la modification, dès le mois d'octobre, de l'article
1653 de la loi 107. Un engagement formel a été pris hier. Donc,
cela veut dire qu'il y aura modification de la loi 107 dès le mois
d'octobre.
On vient de régler les problèmes. Maintenant, prenons le
temps d'établir une politique qui nous permettra de savoir si la
levée du moratoire, non plus en fonction des problèmes qu'on vit
maintenant, mais entre le principe du maintien du stock locatif et la vente en
copropriété de tous les blocs, lequel des deux on fera, mais non
en fonction des problèmes qui sont vécus. Maintenant, c'est
réglable et le ministre a pris l'engagement de le régler. Donc,
on ne pourra plus parler de problèmes mais de politique
d'habitation.
En fonction de ce que vous dites, en fonction de la dernière
question du ministre qui a dit qu'il y a des quartiers spéciaux, surtout
à Montréal, et que vous faites la proposition, dans votre
document, de regarder par quartier ou par ville... Je ne sais pas si vous avez
eu le temps de prendre connaissance du mémoire de la ville de
Montréal, mais ne pensez-vous pas que, finalement, la proposition de
Montréal est drôlement plus acceptable, avantageuse et
réaliste que ce qu'on retrouve dans la proposition du ministre? (10 h
45)
M. Besner: On ne peut se prononcer au nom de tous les membres de
l'association qui viennent de tous les coins du Québec, mais je pense
que cette proposition mérite réflexion. Certains
éléments, sinon la majorité, devraient être retenus
et vont dans le sens de la position de l'association.
Notre intérêt, finalement, c'est évidemment la
protection des propriétaires et surtout des locataires, mais aussi la
protection du stock de logements locatifs. On a beau dire que les
Québécois sont un peuple de locataires, mais ce sont surtout les
Montréalais qui sont un peuple de locataires, et c'est à
Montréal où il faut protéger ce patrimoine - il ne faut
pas se le cacher - de stock de logements locatifs. On avançait une
proposition qui était un droit de préemption municipal. Par
exemple, lorsqu'un immeuble pourrait être sur le point d'être
converti, on pourrait donner le choix, premièrement, au locataire de
rester dans les lieux et s'il survenait certains problèmes, la
municipalité ou ceux qui sont dotés d'un office municipal
pourraient acheter le logement et le louer aux locataires qui seraient
désireux de ne pas devenir propriétaires. Ce n'est pas tout le
monde qui veut devenir propriétaire. Il y a des retraités,
justement, qui ont été propriétaires toute leur vie et qui
veulent devenir locataires pour finir sagement leurs jours. Les personnes
âgées ne sont peut-être pas non plus
intéressées à devenir propriétaires et à
assumer toutes les charges que les propriétaires ont à
assumer.
Le stock de logements locatifs est un patrimoine qu'il faut conserver,
et cela se concentre effectivement autour du centre-ville de Montréal et
dans les municipalités périphériques comme Outremont,
Westmount. On nous a appris que le pourcentage de logements locatifs à
Westmount était particulièrement élevé. Ce sont des
faits qu'il faut analyser à fond.
M. Paré: Dans votre mémoire, vous avez
identifié deux problèmes importants et majeurs, finalement; plus
que cela, mais il y en a deux sur lesquels j'ai accroché, donc la
qualité du stock de logements locatifs. Il y a d'autres mémoires,
entre autres celui de l'APCHQ, qui disait que l'association craignait ou, du
moins, se posait des questions sur ce que cela aurait comme effet sur la
construction de logements neufs. S'il y en a moins, il y a moins de logements
neufs. Il y en avait aussi d'autres qui disaient... Je ne me souviens pas si
c'est l'Union des
municipalités du Québec. Oui, c'est effectivement ce
mémoire qui disait mettre en doute la qualité du logement dans le
sens que, tel que proposé, l'avantage du propriétaire
était de laisser le logement se détériorer de façon
que les locataires s'en aillent. Ainsi, cela lui permet de transformer son
immeuble plus vite en copropriété.
D'autres groupes exprimaient leurs craintes: Oui, on va permettre
à ceux qui veulent accéder à la propriété,
par le biais de la conversion telle que proposée maintenant, de pouvoir
le faire même s'ils ont des revenus très modestes. Mais quand ils
auront payé le surplus - c'est certainement une augmentation de passer
de locataire à propriétaire - ils seront tout juste capables de
payer le logement et ils n'auront plus les moyens de faire d'autre entretien
qu'une couche de peinture tous les cinq ans. Finalement, en étant
propriétaires, ils auront plus de difficulté à vivre et
ils ne pourront pas améliorer le stock de logements locatifs.
Vous exprimez aussi un point de vue qui n'a pas été
soulevé. Il y a ces deux ou trois points de vue que vous venez
d'exprimer, mais voua dites, en plus: Si, dans un édifice de trois ou
quatre logements qui sont convertis, il y en a deux qui peuvent avoir les
moyens de faire des rénovations plus importantes, majeures - comme on
est moins exigeant sur le plan des critères, cela peut être le
filage, la plomberie, le toit, des choses très coûteuses - mais
qu'il y en a un qui n'a pas les moyens de le faire, qu'arrivera-t-il aux gens
qui ne sont pas capables de s'entendre? Et j'ai une autre question
là-dessus.
Autant là-dessus que sur le reste, pour les propriétaires,
les copropriétaires, le locataire avec un droit de maintien dans les
lieux et l'autre qui est le deuxième locataire qui, lui, n'a plus aucun
droit, aucun pouvoir, quelle sera leur vie, d'après vous? Est-ce que ce
sera une vie de tension? Comment imaginez-vous cela dans un immeuble? Comment
cela peut-il être vivable?
M. Pelletier: À cela, on peut répondre qu'on n'est
qu'à l'étape des hypothèses, mais effectivement, s'il n'y
a qu'une partie des personnes qui est en mesure de faire les travaux et l'autre
partie ne l'est pas, ceux qui ont fait l'acquisition de leur logement auront
des problèmes à vendre leur copropriété divise
à un prix qui se rapproche de ce qu'ils auront payé parce que
ceux qui n'ont pas les moyens ne pourront pas faire les travaux. C'est un
problème, la qualité de l'investissement qu'on va demander
à quelqu'un de consentir en disant qu'il fait une bonne affaire pour
acquérir son logement. On peut penser que, pour les personnes qui vont
être à la limite de leurs ressources financières, leur
immeuble va se détériorer et que la qualité de leur
investissement va se révéler très néfaste, sauf
qu'elles auront engagé une partie importante des économies de
leur vie. C'est un scénario qui nous apparaît plausible. Il est
évident que l'autre qui a l'argent, lui, n'aimera pas cela et cela va
créer des tensions, c'est bien possible. À savoir si les tensions
vont être insolubles ou si cela va être vivable, on ne pourrait pas
répondre. Je sais que cela existe en France. La situation est-elle
acceptable? Je ne le sais pas. Je n'ai jamais vu d'enquête qui pariait de
la qualité des relations entre locataires qui dépendent d'un
propriétaire divis ou encore de copropriétaires divis. C'est tout
ce que je peux dire.
M. Besner: J'aimerais peut-être ajouté un point qui
n'a pas été beaucoup touché. Le maintien des locataires
dans les lieux à perpétuité, c'est un petit peu aussi...
On ne peut pas immobiliser des gens à vie dans un logement. On sait que
les Québécois ont la bougeotte. On déménage tous
les deux à cinq ans environ. Qu'est-ce que cela va donner, pour un
peuple de locataires, quelqu'un qui y reste à vie? Il va être
obligé de rester à vie dans son logement. Donc, il ne pourra pas
améliorer ses conditions. S'il part de son logement original,
qu'advient-ii de son droit à perpétuité de conserver un
logement? Il ne l'aura pas ailleurs. Donc, le logement d'où il part
n'aura plus cette contrainte et il va pouvoir être converti. Le stock de
logements va diminuer au fur et à mesure, c'est irréversible. Je
pense qu'il faut contrôler la quantité et surtout la
qualité du stock de logements.
M. Paré: Malheureusement, mon temps est
terminé.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le
député de Shefford. Il reste maintenant une minute à la
formation ministérielle.
M. Bourbeau: Oui. Une remarque au sujet de ce qu'on vient de
dire. Le locataire qui déciderait de déménager et de
laisser de côté son droit au maintien dans les lieux à
perpétuité ne se relogera pas nécessairement dans un
immeuble qui aura été converti et où on aura des
locataires qui entreront dans des logements convertis. Il peut aller dans un
autre immeuble en location normale, auquel cas, si ce propriétaire veut
convertir, il devra lui donner aussi un droit au maintien dans les lieux
illimité.
Une voix: C'est un cercle vicieux, plus on réduit...
M. Bourbeau: Quand même, on ne s'attend pas à ce
qu'il y ait un déluge de conversions, le rythme devrait être
très lent.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le
ministre.
M. Bourbeau: Est-ce que cela fait déjà une
minute?
Le Président (M. Saint-Roch): On me fait signe que
oui.
M. Bourbeau: Avec votre interruption, oui, je comprends.
Le Président (M. Saint-Roch): Alors, à ce moment,
nous en sommes aux remarques de brève conclusion. Je vais reconnaftre M.
le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, je tiens simplement à
saluer et à remercier les représentants de l'Association des
urbanistes et des aménagistes municipaux du Québec Leur point de
vue sera considéré lorsque nous déposerons
éventuellement le projet final que retiendra le gouvernement.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le
ministre. Je cède maintenant la parole à M. le
député de Shefford.
M. Paré: Oui. Juste pour vous remercier aussi pour un
document très étoffé qui tient vraiment compte de la
réalité. Je suis heureux d'entendre le ministre dire qu'il va en
tenir compte lorsque viendra le temps de prendre des décisions. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le
député de Shefford. De brèves remarques de conclusion?
M. Pelletier: En conclusion, on remercie les membres de la
commission parlementaire de nous avoir entendus et on pourrait tout simplement
souligner qu'il y a certainement le cas de Montréal qui est
peut-être une opposition plus marquée, mais cela représente
quand même la voix d'un million de personnes. Cela représente
à peu près 15 % à 20 % du Québec, c'est quand
même un point important. C'est surtout là, nous pensons, que
l'enjeu va se faire. Alors, il faut conséquemment que les mesures qui
soient prises se révèlent, à l'usage, les plus efficaces
possible. On vous remercie.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie de votre
participation aux travaux de la commission.
Je demanderais maintenant aux représentants de l'Association des
propriétaires du Québec de prendre place, s'il vous plaît:
Permettez-moi, dans un premier temps, de vous souhaiter la bienvenue à
la commission de l'aménagement et des équipements. Je demanderais
maintenant au porte-parole de bien vouloir s'identifier et d'identifier la
personne qui l'accompagne, s'il vous plaît!
Association des propriétaires du
Québec
M. Pépin (Gilles): Mon nom est Gilles Pépin. Je
suis le président de l'Association des propriétaires du
Québec. Je suis accompagné de Louise Roy, directrice des
relations publiques à l'association.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie. À
partir de ce moment-ci, vous avez maintenant quinze minutes pour
présenter votre mémoire.
M. Pépin: Membres de la commission, M. le
Président, lorsqu'on a reçu le mémoire, on a tenté
de se mettre dans la peau du propriétaire. Mais dans le cas
présent, on parle du petit propriétaire et du propriétaire
moyen qui sont la majorité de nos membres. Ce ne sont pas
nécessairement des professionnels, ce ne sont pas nécessairement
des députés, ce sont souvent des ouvriers et souvent des anciens
locataires. Ils sont drôlement au courant des problèmes des
locataires puisqu'ils ont tous passé par là pour la plupart.
Il s'agissait de savoir, devant une brique semblable, comment ce petit
propriétaire pouvait dire: Comment est-ce que je vais vivre avec
ça? C'est beau, des lois. En 1979, on n'y était pas; ils ont
adopté la Loi sur la Régie du logement et aujourd'hui, on doit
vivre avec. Cela le lèse dans bien des cas et, dans d'autres cas,
c'était nécessaire que ce soit fait.
Or, on s'est ramené à la base. On a dit: Un locataire
existe parce qu'il y a un propriétaire. À l'opposé, un
propriétaire existe parce qu'il y a un locataire. Dans le moment, il y a
des propriétaires qui n'ont pas de locataires. Ils ne seront pas
propriétaires longtemps, ils vont être locataires. Il faut vivre
les choses telles qu'elles sont dans le moment. Le propriétaire qui a
quatre, cinq ou six logements est un opérateur, un dépanneur qui
n'a pas la protection du dépanneur parce qu'il ne peut pas augmenter ses
prix, il ne peut pas faire ce qu'il veut dans son opération. Il doit
vivre selon les lois, c'est très réglementé.
Bien sûr, je ne suis pas ici pour défendre les locataires,
ils sont très bien défendus. Je suis ici surtout pour
représenter le point de vue du petit propriétaire. Il faudrait
s'enlever de la tête, au départ, que le propriétaire est un
gros méchant loup et un gros riche. La moyenne des propriétaires
n'est pas beaucoup plus riche que la moyenne des locataires dans certains
quartiers. Le fait d'être locataire, c'est un choix et le fait
d'être propriétaire, dans certains cas, c'est aussi un choix.
Je vais revenir à mon document. Je
pense que j'ai étoffé le document. Je ne me suis pas
attardé à disséquer la brique de bout en bout. Je l'ai
étoffé à peu près comme le propriétaire le
voit lui-même.
À prime abord, le document soumis pour étude sur la
conversion de logements locatifs en copropriété se fait tout ce
qu'il y a de plus rassurant pour les locataires tout en ignorant les droits les
plus fondamentaux de celui qui a permis qu'un locataire existe, soit le
propriétaire.
Ce qui inquiète le plus les propriétaires, c'est
l'attitude centralisatrice et ingérante du gouvernement dans
l'entreprise privée, soit celle du logement locatif, alors que ce
même gouvernement prône la décentralisation dans tous les
autres domaines.
Nous sommes d'autant plus inquiets que nous croyons fermement que le
gouvernement est en train d'instaurer de nouvelles politiques dans le domaine
du logement locatif et ces mesures qui, dans un premier temps, s'adresseront
à une minorité d'immeubles, soit ceux qui seront convertis en
copropriétés divises, risquent fort de se retrouver dans un autre
document qui lui s'adressera à l'ensemble du parc locatif.
Nous avons examiné le document soumis avec un esprit critique et
nous n'avons pas peur de le dire, avec le sentiment que nous sommes en train de
marché sur des oeufs, car certaines de ces politiques acceptables pour
une conversion sont absolument intolérables dans une politique globale
de logement.
Nous n'avons pas l'intention de disséquer le document dans son
entier, mais de nous attarder sur les objectifs poursuivis et certains des
moyens préconisés pour les atteindre. Notre intention est de
démontrer que certaines mesures envisagées sont absolument
inapplicables ou même complètement déraisonnables.
Les objectifs poursuivis par le gouvernement: 1. Favoriser l'accession
à la propriété. Notre position: Nous souscrivons
entièrement à cette idée, à la condition que
l'accession à la propriété ne vienne pas léser les
droits de ceux qui sont déjà propriétaires. C'est clair.
Celui qui est déjà là comme propriétaire n'a pas
à perdre de ses droits pour favoriser l'autre à devenir aussi un
propriétaire. 2. Protéger le locataire en place. Nous croyons
normal qu'un locataire en place ait certains droits et privilèges, mais
à certaines conditions et ceux-ci ne doivent pas léser ceux que
le propriétaire a acquis en achetant la propriété. Nous
reviendrons un peu plus loin sur ces détails. (11 heures)
Les moyens suggérés par le gouvernement. 1. Pour favoriser
l'accession à la propriété, le gouvernement propose la
levée du moratoire et de diversifier les choix d'occupation en
propriété.
La position de l'A.P.Q.; La levée du moratoire ne permettra
l'accessibilité à un logement qu'à un nombre restreint de
locataires: ceux qui ont déjà, probablement, les moyens
d'être propriétaires. La levée du moratoire
accompagnée d'un plan financier adéquat dans le cas de
conversions de logements pourrait réellement atteindre le but
visé en aidant le locataire incapable financièrement d'acheter un
logement et en lui donnant les moyens de réaliser son rêve, entre
guillemets. 2. Pour protéger le locataire en place, le gouvernement
propose: le premier droit de refus d'acheter du locataire occupant; le maintien
dans les lieux à l'infini de ce même locataire; le refus au
propriétaire de procéder à des réparations autres
que celles appelées "urgentes"; interdire au propriétaire le
droit de reprendre son logement tant et aussi longtemps que le locataire en
place désire demeurer sur les lieux.
La position de l'A.P.Q. quant au premier droit de refus d'acheter du
locataire occupant: Nous sommes d'accord avec ce principe à condition
qu'à la suite d'un refus du locataire, le propriétaire puisse
exercer son droit de gérance et offrir son logement sur le
marché. Cependant, s'il devait accepter une offre inférieure
à celle soumise à son locataire, celui-ci devrait être
informé et aurait de nouveau le privilège du premier acheteur au
nouveau prix. Ce sont les lois logiques du marché: offre et demande, et
capacité d'acheter.
Notre position sur le maintien dans les lieux à l'infini du
locataire occupant. À la suite du refus d'acheter du locataire, celui-ci
conserve le maintien à vie dans les lieux. Cette solution est injuste
envers le propriétaire et envers tout autre locataire désireux de
faire l'acquisition de ce logement. J'insiste; ce n'est pas seulement injuste
envers le propriétaire. Ce logement-là est disponible sur le
marché. Si le locataire n'en veut pas, il y a d'autres locataires qui en
veulent. Il n'existe nulle part ailleurs une telle clause sans date limite. Il
s'agit de trouver une formule de dédommagement raisonnable en plus d'un
délai fixe qui permettrait au locataire de se relocaliser et au
propriétaire de reprendre son bien avant la fin de ses jours. Une
solution proposée par l'A.P.Q. est un délai de douze mois
après la terminaison du bail et une compensation monétaire de six
mois à la fin de la période d'occupation, ou une compensation
monétaire de douze mois à la fin du bail pour que le locataire
qui, ayant refusé d'acheter son logement, devra quitter les lieux.
Vous voyez qu'on ne pense pas que le locataire n'a pas de droits. Il en
a, des droits; des droits que même la loi ne lui donne pas. On est
prêts à accepter des droits à condition qu'on puisse les
exercer.
Le refus au propriétaire de procéder à des
réparations autres que celles appelées "urgentes". Il est clair
que le mot "urgent" aura une tout autre signification pour le
propriétaire que le locataire lorsque ceux-ci vivront une période
de conversion troublée. En clair, le propriétaire n'ayant aucun
avantage à moderniser ou à simplement maintenir en santé
ses logements, ils seront négligés de façon telle que le
parc locatif et la qualité de l'environnement en souffriront
grandement.
Je sais que beaucoup de ces points-là ont été
soulevés précédemment. Je n'y suis pas depuis lundi;
malheureusement, je suis obligé de gagner ma vie ailleurs. Mais je suis
certain... La position qu'on vous apporte, c'est celle du gars qui, demain
matin, va avoir à se soumettre à ce que vous allez mettre sur la
table. Il y a des urbanistes, des municipalités, des élus, il y a
toutes sortes de gens qui sont venus. Mais ce ne sont pas eux qui ont les
logements, pour la plupart. Ceux qui les ont, ce sont les propriétaires
qui les ont achetés à quelque condition que ce soit et de ce
temps-ci, ils les ont payés trois fois trop cher. Et il va falloir
qu'ils vivent avec cela. Alors, c'est leur position. Comment vont-ils se
débattre là-dedans tantôt?
La position de l'A.P.O quant au fait d'nterdire à un
propriétaire de reprendre son logement pour lui-même: cette partie
est une entorse grave à tout ce qui a existé jusqu'à ce
jour. On préconise ou on tient pour acquis que la majorité des
propriétaires acquerront des immeubles et en reprendront possession
strictement dans le but de léser leur locataire, tout en oubliant que la
grande majorité des propriétaires, comme celle des locataires,
sont honnêtes et que, si un propriétaire achète une
propriété pour y habiter, on ne peut absolument pas lui interdire
ce droit fondamental dans notre société. Je pense que c'est clair
et net. Le droit de propriété qu'on veut donner au locataire, on
n'est pas pour le retirer au propriétaire qui l'a déjà. On
dit au propriétaire: Vous achetez un logement et vous n'avez pas le
droit de rester dedans. Alors, qu'est-ce que c'est un propriétaire, s'il
n'a pas le droit de prendre sa maison, s'il n'a pas le droit de prendre son
logement?
La libre entreprise. Nous croyons toujours au principe fondamental de la
libre entreprise et nous continuons de préconiser que l'offre et la
demande finiront par avoir raison des propriétaires trop gourmands et
des locataires qui ne respectent pas leurs contrats. Vous lisez tous les
journaux ces temps-ci: Deux mois gratuits, four microondes. Ils ne
prêtent pas la belle-mère et c'est bien juste. C'est ce qui
arrive. La loi de l'offre et de la demande, on la vit.
En ce moment, on vit un surplus de logements locatifs, tant mieux pour
les locataires et tant pis pour ceux qui ont mal pensé leur affaire. On
ne veut pas défendre ceux qui ont fait de mauvais placements, mais on
pense qu'on doit vivre avec ces périodes. On l'a vécu en 1982.
Comme je suis propriétaire, en 1982, je me suis ramassé avec 50 %
et 40 % de vacance dans le secteur Saint-Eustache. C'est bien fatigant pour
payer les hypothèques; on ne me les a pas baissées, on les a
remontées à 22 %. Les gens qui sont ici et qui ont vécu
cela savent de quoi on parle.
Cependant, comme nous vivons dans une société fortement
réglementée par l'État, il est utopique de croire que
l'Etat n'interviendra pas régulièrement dans un domaine aussi
important que le logement.
Tant et aussi longtemps que l'État respectera certaines
règles du marché et permettra au propriétaire des profits
raisonnables comme ceux du marché de la Bourse, par exemple, nous
pourrons fonctionner à l'intérieur de ces lois, même si
elles sont de plus en plus restrictives envers le propriétaire. Mais
nous mettons l'État en garde contre la centralisation à outrance
et contre le fait de penser qu'une béquille comme la Régie du
logement pourra résoudre tous les problèmes qui
découleront de ces nouvelles lois.
S'il y a des propriétaires ici et s'ils font affaire avec la
Régie du logement, ils savent drôlement bien ce que je veux dire
par béquille. C'est une béquille nécessaire, je suis
d'accord; c'est encore mieux qu'une jambe de bois. Mais on ne va pas lui donner
encore de nouveaux travaux, de nouvelles directives, alors que les gens qui
sont en place sont déjà dépassés par ce qu'ils ont
à faire. Je dois vous dire que quand ils ont des problèmes avec
les propriétaires, ils les envoient chez nous. Ils leur disent: Allez
là parce que vous êtes bien mai équipés, vous allez
être mal servis si vous arrivez avec un dossier pas plus
étoffé que cela. Nous, on est là pour cela.
Nous aimerions terminer par un exemple pratique, et je pense qu'on va
frapper le centre de tout le problème: le cas typique d'une
bâtisse de cinq logements d'environ 30 ans, ayant subi des
rénovations mineures et bien entretenue. Le locataire paie environ 300 $
par mois et paie lui-même son chauffage. On a sorti des moyennes et c'est
sensiblement cela. Cela pourrait être 325 $ ou 340 $, mais le prix du
logement serait en conséquence. Le prix minimal qui lui sera
demandé sera de 40 000 $. Si on faisait un petit calcul rapide et qu'on
disait: 300 $ par mois, douze mois par année, on aurait en gros 4000 $
de loyer. Les logements se paient, en ce moment, à huit ou neuf fois les
revenus -quatre fois neuf, 36 - quand on parle de 40 000 $, on est dans les
prix. On ne parle pas de surenchère. Si vous achetez. un
duplex, vous allez payer douze et treize fois son revenu locatif parce
que la qualité du logement entre en ligne de compte.
Le but de l'exercice est de déterminer le coût pour se
loger après l'achat de son logement. On a un locataire qui a le choix de
devenir propriétaire et il doit décider à quel coût.
Le locataire devra effectuer un emprunt de 40 000 $ à un taux
hypothécaire moyen de 10 1/2 % - ce qui est courant dans le moment - sur
une période de remboursement de 20 ans. Le remboursement, par mois, pour
l'intérêt seulement est de 350 $ et pour l'intérêt et
le capital, de 393,20 $. On dit toujours qu'au bout de 20 ans, cela vaudra ce
montant. On dit aussi qu'en 20 ans, vous remettez en réparations sur une
propriété, à peu près sa valeur. Ceux qui ont
acheté des maisons vers 1965 savent très bien que, s'ils ont
payé 25 000 $ dans le temps, ils ont mis un autre 25 000 $ depuis
longtemps sur la maison.
Les taxes dont d'environ 1000 $ annuellement, selon les
municipalités, donc 84 $ par mois; l'entretien courant, 1000 $
annuellement. Une année, vous allez mettre 3000 $, l'année
suivante 500 $, l'année suivante 4000 $. Donc, à 1000 $
annuellement, c'est une moyenne. L'entretien majeur réparti entre les
quatre ou cinq locataires: 500 $, 42 $; l'assurance pour l'immeuble, 500 $, 42
$. Celui qui payait 300 $ vient de passer à 602 $, s'il ne calcule que
l'intérêt. Il n'y a pas de capitalisation; il n'a pas fait une
"cenne" et n'en fera pas parce qu'à ce prix-là, il payera encore
pendant 100 ans. Il va encore, à condition que le taux ne monte pas plus
haut que 6,25 %, être pris pour payer 602 $. Vous allez dire: Son loyer
va monter, mais les intérêts peuvent s'ajuster en chemin. Vous
passez de 300 $ à 602 $, et si vous voulez payer la bâtisse, vous
passez à 645 $. Face à ces faits, nous devons nous poser les
questions suivantes: Le locataire a-t-il les moyens de doubler son loyer? Le
locataire a-t-il intérêt à acheter son logement puisque le
projet de loi prévoit que son droit de refus lui donne automatiquement
le droit de maintien dans les lieux aux conditions présentes aussi
longtemps qu'il le désirera.
Vous venez de convaincre votre locataire qu'il a tout avantage à
rester locataire parce que vous l'avez assis dans les lieux pour le reste de
ces jours. La seule raison qu'il avait réellement d'acheter son
logement, c'était justement pour ne pas en être
évincé. Vous venez de lui dire: Tu restes là, tu gardes
ton loyer à ce prix-là, plus l'augmentation annuelle de 3,5 %,
selon la régie, ou tu doubles ton loyer et tu deviens
propriétaire.
En conclusion, le ministère, avec le projet de loi tel que
présenté présentement, atteindra exactement les
résultats contraires à ceux visés. À cause des
avantages que lui procurent son statut de locataire occupant du logement et son
droit de refus d'acheter, les avantages de la propriété sont si
peu motivants qu'il restera locataire. C'est notre position, celle des
propriétaires.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci. Je cède
maintenant la parole à Mme la députée de Dorion.
Mme Trépanier: M. le Président, je voudrais
souhaiter la bienvenue aux gens de l'Association des propriétaires du
Québec. Avant de céder la parole au député de
Saint-Hyacinthe qui analysera votre dossier, je voudrais faire deux petits
commentaires. D'une part, je n'ai pas de conseil à vous donner, mais
pour louer vos logements plus facilement, vous seriez mieux d'offrir un four
micro-ondes et un réfrigérateur au lieu de votre
belle-mère, cela vous donnera plus de chance. Deuxièmement, vous
avez fait sursauter la nouvelle présidente de la Régie du
logement en traitant la régie de béquille. Sur ce, pour des
propos plus sérieux, je cède la parole, si vous le permettez, M.
le Président.
Le Président (M. Saint-Roch): Je reconnais maintenant le
député de Saint-Hyacinthe.
M. Messier: Merci, M. le Président. La lecture de votre
document me laisse perplexe et cela, pour diverses raisons, M. Pépin.
Premièrement, vous attaquez peut-être un peu de front le
gouvernement. Je vais vous lire l'article 1 de ma constitution comme membre du
Parti libéral - certaines formations politiques ont peur de leur article
1, mais moi, j'en suis fier - Est libéral celui qui fait le
développement économique du Québec, celui qui fait la
promotion de la justice sociale, celui qui fait la promotion de la
liberté de l'individu, celui qui fait la promotion de la protection des
individus et des libertés civiles.
Lorsque vous tenez pour acquis, dans votre mémoire, que les
locataires ont certains droits et les propriétaires aussi, j'aimerais
vous poser la question suivante. C'est écrit ici: La libre entreprise,
oui, cela va pour cela. Mais vous parlez du fait de préconiser l'offre
et la demande dans un secteur locatif où les propriétaires
n'auront pas à être trop gourmands et où les locataires
auront à respecter leur contrat. Hier, certaines associations et
certaines personnes sont venues nous voir pour nous dire qu'effectivement les
propriétaires avaient des droits, mais que certains en abusaient. Un
immeuble de 20 logements, pour vous, est-ce que c'est de votre
compétence?
M. Pépin: Oui, oui.
M. Messier: Parfait! D'accord.
M. Pépin: Le petit propriétaire peut avoir de 12
à 20 ou 6...
M. Messier: C'est un petit propriétaire quand on parle de
20 logements?
M. Pépin: Oui, oui.
M. Messier: Parfait! Hier, des gens sont venus nous voir. Un
propriétaire a acheté un immeuble pour 950 000 $ et, onze mois
plus tard, il le vendait 1 450 000 $, soit un profit de 450 000 $ en onze mois.
Est-ce que vous trouvez cela gourmand ou si c'est justifié?
M. Pépin: Absolument injustifié. Le pauvre gars, le
nouveau propriéraire qui a acheté cela, va avoir des
problèmes tantôt quand il va faire ses calculs à la fin de
l'année.
M. Messier: Pensez-vous qu'il a acheté cela pour faire de
la spéculation ou pour se mettre la corde au cou?
M. Pépin: il a acheté cela strictement pour la
spéculation, mais il y en a qui achètent à la Bourse pour
faire de la spéculation. Si vous suivez ce qu'on dit dans les postes de
radio et à la télévision, un tas d'annonceurs vous disent:
"Faites 2000 $ par semaine, gardez votre "job" au gouvernement, vous n'avez
qu'à trouver un immeuble à 100 000 $ et le vendre 200 000 $. Ce
n'est pas compliqué. Vous faites cela quatre fois par année, vous
faites 400 000 $. C'est aussi simple que cela.
Le type dont vous parlez maintenant vit présentement une
période inflationniste. S'il fallait que le coût de la vie ait
suivi le coût de l'inflation dans les immeubles d'habitation, je vais
vous dire une chose, on aurait des problèmes. Je peux vous dire que les
vrais investisseurs, que les gens sont tentés d'appeler les requins de
la finance, n'achètent pas depuis trois ans, ils attendent que ceux qui
ont acheté soient obligés de vendre et cela va se faire
très bientôt, il reste un an encore. Dans un an, vous allez vivre
ce qui s'est passé en 1982. Si vous étiez là en 1981-1982,
rappelez-vous que les bâtisses se remettaient pour les hypothèques
et que des gens avaient des relations dans les compagnies d'hypothèques
pour acheter les hypothèques et, simplement, les absorber; eux ont fait
de l'argent. Mais ce n'est pas le propriétaire moyen, ce sont
peut-être les 3 % ou 4 % de spéculateurs contre les 96 %
d'"opérateurs". On a toujours dit: dans l'exploitation de logements, il
n'y a pas d'argent à faire; dans la spéculation, à court
terme, dans le moment, il y en a. À long terme, le logement suivra
toujours le mouvement de l'inflation, c'est-à-dire que c'est
peut-être le placement le plus sécuritaire dans dix ans, mais pas
en fonction... Vous me parlez d'un cas très précis: Le monsieur
qui a acheté à 900 000 $ et qui a vendu à 1 400 000 $,
qu'est-ce que vous en pensez? Je pense que c'est un maudit bon homme
d'affaires, celui qui a acheté à 900 000 $ et qui a vendu
à 1 400 000 $. Qu'est-ce que vous pensez de l'autre qui a acheté
à 1 400 000 $? C'est un cave. Ce sont deux propriétaires
pourtant. Alors, c'est votre réponse. (11 h 15)
M. Messier: Parfait! Cela semble être monnaie courante
à Montréal. Il y a des caves en maudit à Montréal.
J'ai un autre cas, ici, d'un propriétaire qui a acheté au prix
unitaire de 990 000 $; 36 mois plus tard, il vend à 1 800 000 $,
c'est-à-dire que, sur 36 mois, il fait 1 000 000 $ de profit, une
augmentation de 26 000 $ par mois. Lui aussi, c'est un cave, à moins
qu'il n'ait quelque chose d'autre en tête.
M. Pépin: Dans le moment, la phobie est au
propriétaire. On ne parle pas strictement du domaine locatif, on va
parler de l'unifamilial. Je n'ai pas les chiffres, je ne suis pas le plus
calé dans les chiffres exacts. Disons que si un bungalow valait 60 000
$, il y a un an, il en vaut 85 000 $ ou 90 000 $. Si vous calculez le
pourcentage, vous allez avoir le même pourcentage. C'est le même
pourcentage qu'on retrouve, mais cela ne se justifie pas face aux coûts
d'entretien. La seule façon dont cela peut se justifier dans le moment,
c'est que notre parc locatif et nos propriétés étaient
sous-évalués, si on compare avec Toronto, Vancouver ou New York.
Une propriété qu'on avait pour 50 000 $ ou 60 000 $ dans le
secteur de Montréal se vendait déjà 120 000 $ à
Toronto et 18.0 000 $ à Vancouver. À Vancouver, un haut de duplex
se loue 1300 $ par mois, à Toronto, 900 $, à Montréal 555
$ ou 600 $. On était en bas du marché et là, tout le monde
a décidé de rattraper ce marché.
Pour faire plaisir à notre dame de la Régie du logement,
on a une Régie du logement qui empêche cette spéculation
effrénée des loyers. C'est cela qui fera que le
propriétaire qui a acheté dans le but de spéculer ne peut
pas revendre. En spéculant, il ne pourra pas entretenir son logement,
parce qu'il est obligé de se maintenir avec la compétition. La
compétition, c'est celui qui bâtit douze logements et à qui
il en reste sept à louer après six mois de location. C'est lui
qui donne deux mois gratuits, le micro-ondes - j'exclus la belle-mère;
la mienne n'aurait pas accepté de toute façon -et c'est lui qui
coupe les prix. Il ne veut pas couper la valeur. Il dit: Écoute, loue
quand
même à 500 $. Savez-vous ce que les constructeurs font dans
le moment? Ils louent à 500 $ et ils redonnent 150 $ par mois en liquide
aux locataires pendant douze mois, pour être certains de pouvoir garder
la valeur de vente. Imaginez le propriétaire qui achète en
pensant qu'il achète 500 $ de revenus locatifs. Il vient nous voir
à partir du 1er janvier et nous dit: Je ne comprends pas, mes locataires
ne veulent pas payer 500 $} ils m'ont toujours dit qu'ils recevaient 150 $ du
constructeur. Vous regardez le dossier et il n'y a rien pour protéger
l'acheteur là-dedans. Le propriétaire est pris avec un
problème et il tente de maintenir cela. C'est cela, la situation
inflationniste dans le moment. C'est la loi de l'offre et de la demande. Je ne
plains pas le propriétaire. Il a agi en homme d'affaires
incompétent et il paie pour.
M. Messier: En fonction de l'offre et de la demande, il y a
divers groupes qui sont venus nous voir, mais la majorité des groupes
qui représentaient des associations disaient qu'ils étaient
victimes de harcèlement et de discrimination de la part des
propriétaires. Est-ce que le fait de lever le moratoire en mettant des
clauses, comme on en a mises dans les "mesures d'encadrement", comme le droit
de préemption ou le droit de maintien dans les lieux pour une
période illimitée, va faire en sorte que la discrimination va
cesser ou va augmenter? Quelle est votre position face aux cas de
harcèlement et aux cas de discrimination?
M. Pépin: J'ai eu plusieurs rencontres avec des
associations de locataires. Avez-vous remarqué que les associations de
locataires sont toutes à la même place? Elles sont toutes dans les
secteurs très défavorisés. Je n'ai rien contre cela, mais
les locataires ne se retrouvent pas tous là. Les locataires ne sont pas
tous sur le Plateau-Mont-Royal, dans le Vieux-Montréal ou à
Saint-Henri. Il y a encore des locataires à Ahuntsic,
Montréal-Nord, Rivière-des-Prairies. Si on interroge la personne
qui se sent discriminée, elle est discriminée partout dans la
société, par le bien-être social qui ne lui en donne pas
assez, par le propriétaire qui lui demande trop cher, par la taxe d'eau
que la ville veut percevoir, etc. Ce sont toujours les mêmes gens,
subventionnés par le gouvernement d'ailleurs. Je n'ai rien contre cela;
ils ont besoin de subventions. Cela crée des jobs, mais ce sont des jobs
à même les taxes, les taxes des propriétaires. Ce sont eux
qui les paient et les autres locataires qui paient des loyers aussi. Lorsque
vous me dites que les locataires sont discriminés, je dis: Non, il y a
certains locataires qui sont discriminés. Et je dis: Oui, il y a
certains propriétaires qui font de la discrimination, mais c'est aussi
minoritaire dans un cas que dans l'autre. Est-ce qu'on va faire des lois pour
une majorité de personnes ou pour une minorité? Je vous pose la
question.
M. Messier: On va y réfléchir. Une chance que vous
n'étiez pas là, hier matin, avec le FRAPRU.
M. Pépin: Je suis déjà passé à
la radio avec eux.
M. Messier: Oui?
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Messier: Je pense que cela aurait frappé. Toujours
concernant la Régie du logement, vous dites que la régie n'est
peut-être pas un bien nécessaire ni un mal nécessaire. Moi,
je la considère comme un mal nécessaire pour certains, mais c'est
plus un bien nécessaire qu'un mal nécessaire. Vous dites que
c'est une béquille. Si on veut faire des modifications à la loi
107 et qu'on veut inclure une clause de harcèlement avec des mesures
punitives, est-ce que vous y voyez encore une contrainte à la libre
entreprise, à la liberté des gens?
M. Pépin: Je n'ai pas de projet précis devant moi,
mais chaque fois qu'on veut impliquer que quelqu'un est coupable avant qu'il
n'ait eu le droit de se défendre, c'est du harcèlement - pour
autant que cela me concerne - de la part du propriétaire ou du
locataire. Il existe présentement des lois drôlement restrictives
et qui protègent drôlement bien le locataire. La Régie du
logement, quand je dis que c'est une béquille, je suis apte à
dire aujourd'hui que c'est une béquille nécessaire. C'est une
béquille dans un contexte où chacun a des droits qu'il veut
défendre. Ce qu'on reproche à la Régie du logement, c'est
de tenir pour acquis que le propriétaire a tout. C'est lui qui a le
rôle, le fardeau de la preuve, chaque fois. C'est lui qui est responsable
de tous les mouvements. Quand vous analysez la Régie du logement, il y a
certaines choses... Si le propriétaire vous envoie une lettre et que
vous n'y répondez pas, vous dites: Oui. Dans un autre cas, s'il vous
envoie une lettre et que vous n'y répondez pas, vous dites: Non. Il faut
le savoir et ce ne sont pas tous les propriétaires qui le savent. S'il
veut prendre votre logement et que vous ne répondez pas, vous dites:
Non. Si vous avez une augmentation du loyer et que vous ne répondez pas,
vous dites: Oui. Ce sont ces petits détails. La partie de votre
question, à savoir: Si on fait une loi encore plus restrictive, est-ce
que cela devrait être une bonne chose? J'aimerais bien savoir pourquoi et
il faudrait qu'on me fasse la preuve que, dans le cas présent, à
part une certaine
minorité de personnes, le propriétaire est mal servi.
M. Messier: Une dernière question. Combien de temps me
reste-t-il? Trois minutes. D'accord, en trois minutes. Il y a eu des
propositions de modifications à l'article 1653 présentées
hier par l'Association des locataires contre la conversion en
copropriété et le Groupe de travail en droit du logement visant
à modifier l'article 1653 en ce qui concerne les réparations
majeures, parce qu'il y a effectivement beaucoup d'évictions sous
prétexte de réparations majeures. Le fait de modifier en tout ou
en partie cet article, comment réagissez-vous face à cela?
M. Pépin: Peut-être 0,1 % de nos membres sont
intéressés à la conversion des logements. J'ai fait un
"survey" parmi nos 3000 membres et j'ai eu treize réponses. Ils ne sont
pas réellement intéressés. Ce qui les inquiète,
dans le moment, c'est que les lois qui sont en train d'être votées
deviennent des lois qui soient des acquis et qui soient adaptées
à l'ensemble du parc locatif. Présentement, celui qui veut
convertir sait où il s'en va; il connaît les règles du jeu
et il va jouer avec les règles du jeu.
Lorsqu'on dit qu'on donne le droit au maintien dans le logement à
perpétuité, qu'on fait un tas d'affaires, c'est drôlement
fatigant parce qu'on sait que c'est toujours ainsi que les lois s'amorcent et
que les lois se changent. Là, on fait un petit "trial" -pardonnez-moi
l'anglicisme - on fait un essai dans un domaine précis; on dit: On va
essayer cela, peut-être que ce sera un bon point et, si jamais cela
fonctionnait bien, on va l'étendre à l'ensemble du parc locatif.
Mais là, ce n'est pas aussi drôle. Ne tenez pas pour acquis que
tous les propriétaires veulent convertir. C'est la petite
minorité, et il va y en avoir de moins en moins, ce n'est pas payant.
C'est rendu que ce n'est pas payant. Il y a des gens qui en ont fait la preuve
tantôt: l'évaluation double, mais il y a trois
propriétaires qui ne sont plus capables de vendre; ils ne sont plus
capables d'hypothéquer. C'est bien beau dire que cela vaut cher pour la
municipalité qui veut percevoir des taxes, mais si vous n'êtes pas
capable de rien faire avec. Si vous avez converti pour y habiter, je suis
entièrement d'accord, mais vous étiez un locataire. Mais si vous
avez converti pour le revendre et que vous n'êtes pas capable de le
revendre, parce qu'il n'y a pas d'acheteur, vous allez y penser deux fois avant
de convertir le logement.
C'est un peu comme la question des réparations majeures. Est-ce
que, d'un côté, on va empêcher tous les propriétaires
de faire des réparations majeures? Sur le Plateau-Mont-Royal, si ce
secteur a repris de la gueule, c'est parce qu'on a converti des logements, an a
empêché des maisons de s'écrouler. Est-ce qu'on veut
revenir à ce qu'on avait avant, il y a quinze ans, alors qu'on
détruisait tout pour faire du neuf ou si on veut conserver notre parc
locatif?
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le
député de Saint-Hyacinthe. Je vais maintenant reconnaître
le député de Shefford.
M. Paré: Merci, M. le Président. M. Pépin,
Mme Roy, bienvenue à la commission. Il me fait plaisir de vous entendre.
Juste quelques petits commentaires avant de passer aux questions. Je trouve
dommage que le ministre ne soit pas présent; il ne pourrait pas dire par
la suite que l'ensemble des propriétaires sont venus dire qu'ils
étaient tout à fait d'accord avec cela. Ce qui est dit ici, on va
en discuter et c'est autre chose.
Un petit commentaire sur les propos du député de
Saint-Hyacinthe qui parlait de l'article 1 de son programme. On n'en a pas
parlé jusqu'à maintenant, et je n'aurais pas voulu qu'on en
parle, mais je vais prendre dix secondes pour vous dire que l'article 1 pour
nous, c'est pour que le peuple québécois devienne
propriétaire, et non pas qu'il demeure locataire.
Une voix: ...
M. Paré: Bon! je pense que c'est important de replacer les
choses. Cela étant dit, revenons maintenant sur la levée du
moratoire. Tout le monde, de façon unanime depuis lundi matin, y compris
l'Association des locataires dit: On est d'accord avec l'accès à
la propriété. Vous le dites aussi. On ne peut pas être
contre cela. Effectivement, c'est être capable de se ramasser du capital
et avoir une sécurité. C'est notre rôle, à nous,
d'essayer de juger les choses en fonction de la réalité et de la
capacité des gens. On sait très bien que ce n'est pas possible,
spécialement dans la région de Montréal, que la
majorité des gens deviennent propriétaires. Il faut être
bien conscient de cela: La réalité est là. Est-ce que cela
va changer dans l'avenir? J'espère. Ce serait l'idéal de
permettre aux gens d'avoir de plus gros revenus. C'est toujours une question de
finances. Plus les gens vont avoir les moyens, plus ils vont acheter. Que les
gouvernements leur donnent des moyens, si nécessaire, cela peut activer
les choses, mais pour le moment, on sait que ce n'est pas cela.
Face à cela, on se rend compte depuis le début de la
commission que, finalement, les locataires, ils sont venus nous le dire,
étaient contre la proposition qu'on retrouve dans le document. Quand je
parle des
locataires, je parle à titre individuel des associations, des
groupes d'âge d'or, même la FADOQ, la fédération du
Québec. Globalement, de façon unanime, tous ceux qui
représentent les associations, les locataires en général,
sont contre. Vous, vous représentez ici l'Association des
propriétaires du Québec et vous dites que, tel que
proposé, cela ne fera rien avancer.
Est-ce que c'est exact de dire que votre interprétation, c'est:
Au lieu d'aider les futurs propriétaires, cela aurait plutôt
tendance à nuire aux propriétaires actuels?
M. Pépin: La façon dont c'est posé dans le
moment, c'est qu'on veut enlever des droits à une partie de la
société pour les transférer à l'autre. Je pense que
les deux ont des droits, qui sont reconnus dans la société.
Obliger le dépanneur à vendre son ketchup 0,85 $ au lieu de le
vendre 0,83 $... C'est réglementé comme la régie du
lait... c'est réglementé de plus en plus, dans tou3 les domaines.
Le propriétaire, de nature, est un individualiste. C'est normal. C'est
un entrepreneur dont la clientèle est composée de locataires. Lui
ne veut pas vivre à l'intérieur de lois restrictives à
tout bout de champ. Il veut bien vivre à l'intérieur des lois qui
régissent la société en général. Pourquoi
être plus restrictif pour certains que pour d'autres? Pourquoi lui
enlever des droits et les transférer à l'autre? C'est toujours ce
qui le lèse et cela le rend un peu agressif parce qu'il dit: C'est quoi,
le "next move"? Je vais vendre, c'est aussi bien de redevenir locataire, je
vais traverser de l'autre côté, j'ai plus de droits d'un
côté que de l'autre.
M. Paré: On sait qu'au Québec, comme un peu partout
ailleurs aussi, dans les autres pays ou dans les autres provinces, une
situation particulière est vécue dans les grands centres. Au
Québec, c'est Montréal et Québec. Ce qui se vit ailleurs
au Québec, ce n'est pas la même chose que ce qui se vit à
Montréal. C'est très particulier et, d'ailleurs, au
Québec, depuis quelques années, on a enfin réussi à
faire en sorte qu'une majorité de Québécois soient
propriétaires de leur logement. On parle maintenant de 53 %. Par contre,
quand on arrive à Montréal, c'est complètement dans
l'autre sens, c'est 78 % à 80 % de locataires. Donc, Montréal vit
une situation tout à fait particulière, et dans nos lois, dans
les décisions qu'on prend, il faut tenir compte de cette
particularité, sinon on n'est pas correct. (11 h 30)
Les propriétaires comme les locataires, en général,
dans un pourcentage très élevé, sont des gens
honnêtes qui veulent vivre honnêtement et en relation harmonieuse
les uns avec les autres. Il y a effectivement des propriétaires et des
locataires parmi nous aussi et on veut tous être propriétaires, si
on ne l'est pas déjà. On a à vivre finalement en harmonie.
Vous avez dit que la spéculation ou des décisions ont fait en
sorte qu'on paie, à Vancouver et à Toronto, 800 $, 900 $, 1000 $
ou 1200 $ et qu'on paie encore 500 $ à Montréal. Ne pensez-vous
pas - c'est bien beau de vouloir entrer dans le cadre canadien, on se compare
à l'Ontario et on aime bien cela - que, si on utilise cela, on risque de
faire en sorte que Montréal finisse par vivre à l'heure de
Toronto, c'est-à-dire qu'on va consacrer un montant tellement important
en logement, que moins de logements seront disponibles en location, et que ceux
qui le seront coûteront très cher? Pour s'acheter un appartement,
on sera obligé de consacrer beaucoup plus que ce qu'on consacre
présentement. Si on applique cela, d'après vous, on va faire en
sorte que Montréal, spécialement - le reste du Québec est
moins touché, j'en suis conscient, et les relations sont beaucoup plus
harmonieuses, en tout cas, il y a moins de problèmes - si on l'applique
tel quel, on va finir par ressembler davantage à Toronto, de sorte que
cela va coûter beaucoup plus cher en logement pour les locataires et pour
les locataires devenant propriétaires en copropriété?
M. Pépin: Pour répondre à la première
partie de votre question de tantôt, M. le député, à
savoir comment il est possible de passer de 700 000 $, 900 000 $ à 1 200
000 $ en l'espace de très peu de temps, cela a été
possible parce qu'on s'est servi de l'image extérieure pour dire:
Écoute, ta propriété est sous-évaluée - on a
vendu cette idée en général - alors tu peux l'acheter
à tel prix; elle va atteindre ces sommets-là. Comme on est dans
une période économique excellente, c'est sûr que le
propriétaire du logement ne vit pas de ses logements. La plupart sont
des gens qui ont un autre travail. 95 % de nos propriétaires de
logements ne vivent pas de cela. Ils peuvent très bien arriver à
la fin de l'année et, à l'opération, perdre 3000 $, 4000 $
ou 5000 $ sans être affectés. C'est même une diminution des
impôts. À partir de là, votre question est: Si on
l'applique tel quel, est-ce qu'on va se rapprocher du marché de Toronto?
Oui, si cela impliquait 10 %, 12 % ou 15 % du marché, mais cela va
impliquer à peine 0,5 % du marché. Dans la mesure où les
gens vont réaliser que ce n'est pas payant, ils vont moins
l'utiliser.
Notre crainte n'est pas tellement ce qui va s'appliquer directement
à la conversion, ce sont les idées générales qui
s'en dégagent et c'est toujours cette présence gouvernementale de
plus en plus forte à l'intérieur du particulier.
M. Paré: Vous venez de dire une chose très
importante: D'après vous, cela ne
touchera pas beaucoup de gens. Si cela en touche beaucoup, on va avoir
ce que je considère les problèmes de logement de Toronto pour le
coût à payer pour se loger. Vous dites qu'il n'y a pas de danger
parce que cela ne touchera pas grand monde. Je vous retourne cela. Je ne sais
pas ce sur quoi vous vous basez, mais, pour les 95 % de petits
propriétaires dont nous sommes, répartis sur le territoire, je
comprends qu'on ne vit pas de nos propriétés. C'est un revenu
supplémentaire ou même, dans certains cas, cela peut être
une dépense finalement, mais on veut être
propriétaires.
Vous dites que cela ne touchera même pas 1 %, alors que le chiffre
cité dans le document est entre 1 % et 2,5 % à Montréal.
Il y a eu une petite chicane de chiffres hier et je ne veux pas y revenir;
toutefois, on parle de dizaine de milliers à Montréal à
l'heure actuelle et les gens sont venus nous dire, des gens dont on ne
s'attendait pas du tout, je dois vous dire, de Notre-Dame-de-Grâce, Ville
Mont-Royal et Westmount, que c'est vraiment parti, qu'il y a un courant, et on
le ressent. Promenez-vous dans les rues de Montréal, allez à
Saint-Henri ou à Pointe-Saint-Charles, n'importe où, et vous
voyez que c'est beaucoup plus que 1 %, à mon avis. Si on lève le
moratoire, vous pensez que cela n'aura pas un effet intéressant pour les
gens qui veulent vivre d'achat et de revente d'édifices, mais même
pour de petits propriétaires qui auront un gain facilement
réalisable rapidement, parce qu'il y a effectivement une
spéculation terrible. Je dois vous dire qu'en juin on a adopté un
projet de loi privé sur Milton Parc pour empêcher la
spéculation, pour empêcher les propriétaires des
coopératives et des OSBL, ici autour de l'hôtel, de vendre,
tellement la pression était forte pour la spéculation. Les
groupes sont venus nous dire qu'ils sentent ça. On a eu des cas
précis que le député de Saint-Hyacinthe a
mentionnés hier, qui viennent de sortir, parce qu'ils s'attendent
à la levée du moratoire. Ne pensez-vous pas que cela va avoir un
effet multiplicateur au cours du suivi de la levée du moratoire si
jamais cela a lieu?
M. Pépin: Savez-vous ce qu'on devrait faire? Une loi pour
le Plateau-Mont-Royal et une loi pour le reste de la province de Québec.
Depuis que je suis avec l'association, soit les quatre dernières
années, le FRAPRU et l'Association des locataires représentent
toujours le Plateau-Mont-Royal. Que voulez-vous que je vous dise? Le
Plateau-Mont-Royal, c'est une rue et quelques rues de travers. Cela
représente "so many people", avec les droits desquels je suis d'accord.
L'autre qui est à Ahuntsic... Savez-vous combien de propriétaires
à Laval parlent de conversion? .000 %. Combien à Brossard en
parlent? Ils vont aller dans du vrai condominium, ils bâtissent, ils
achètent des vrais condominiums. Ils ne parlent pas de convertir, ils
parlent d'acheter un condominium comme un autre parle d'acheter une maison
unifamiliale.
On ramène toujours le Plateau-Mont-Royal comme le centre de
toutes les activités au Québec. Ce sont les plus actifs, mais non
pas le centre des activités. J'entends rarement parler d'un
propriétaire d'Ahuntsic, il n'est pas concerné et pourtant
Ahuntsic, c'est un quartier normal à la ville de Montréal.
J'entends parler un peu plus de Villeray, cela se rapproche un petit peu. Mais
les autres sont satisfaits des conditions.
M. Paré: On se rejoint là-dessus, sauf que
j'agrandis drôlement le Plateau-Mont-Royal et surtout depuis le
début de la commission parce que, comme je vous le disais tantôt,
les gens qui étaient à la table hier où le ministre a fini
par annoncer qu'il présenterait un amendement à l'article 1653
à la suite de leur témoignage, ces gens-là
représentaient le Montréal métropolitain. Si on utilise
souvent le Plateau-Mont-Royal, c'est peut-être justement parce que les
gens sont plus sensibles et qu'il y a eu plus de déplacements. C'est
toujours utilisé à titre d'exemple, sauf que j'ai parlé
tantôt de Milton Parc. Le Centre-Sud est venu. Le député de
Sainte-Anne reconnaît que le visage de Pointe-Saint-Charles a
changé. Allez vous y promener; ceux qui sont passés il y a cinq
ans et qui passent aujourd'hui s'aperçoivent très bien que ce
n'est absolument plus la même chose. Je comprends et vous avez raison. Je
l'ai dit, Laval, Brossard, Québec, Sherbrooke, Granby ne vivent pas ce
que Montréal vit parce que quand on pense à s'en aller dans un
condominium, on pense plus à s'en aller dans du neuf parce qu'il y a
moins de quartiers anciens et que le quartier du centre-ville est beaucoup
moins important. C'est spécifique à Montréal.
Je dois achever, malheureusement. La proposition de Montréal fait
en sorte qu'on laisse à la municipalité un rôle '
décisionnel, ce qui ferait que le reste du Québec ne serait pas
touché sans le consentement des municipalités. Montréal
pourrait faire des recommandations, des suggestions, soit par quartier, soit
par type de logement. Est-ce que vous seriez plus d'accord avec la proposition
de Montréal qui fait en sorte qu'on ne chambarde pas tout le mode de
location et d'habitation au Québec mais qu'on laisse à la
municipalité, qui est le gouvernement le plus proche, le plus sensible
normalement à ce que vivent les citoyens, la responsabilité
d'appliquer ou non, sur son territoire, une transformation en
copropriété?
M. Pépin: On dit qu'on va faire un
moratoire sur la conversion pour que les gens qui sont dans les
logements puissent les acheter. Ceux qu'on veut qu'ils les achètent ne
veulent pas les acheter, au départ, et ensuite n'ont pas les moyens de
les acheter. Tous les autres qui ont les moyens, qui pourraient les acheter, ne
sont pas intéressés. Ils vont acheter autre chose, maison uni
familiale, condo, etc. On veut défendre les gens, leur donner des droits
et ils n'en veulent pas. Le gouvernement a décidé de donner des
droits à des gens qui ne veulent pas de ces droits-là, mais qui
veulent vivre à l'intérieur de lois qui les protègent dans
ce qu'ils ont déjà. On dit qu'une minorité . de
propriétaires veulent acquérir ces immeubles-là pour y
faire des transformations. Si personne ne les transforme... Je suis contre
l'évacuation sauvage, je suis contre tout ce qui fait que ça
délabre une société. Est-ce qu'on peut dire à
partir de là qu'on ne touchera plus à rien ni au
Plateau-Mont-Royal, ni à Pointe-Saint-Charles, ni ailleurs, qu'on va
laisser toutes ces vieilles bâtisses tomber en ruines de façon que
dans 50 ans il n'y ait plus rien à faire avec et qu'on les remplace par
des manufactures?
Il fut un temps, si je me rappelle bien, j'étais peut-être
un peu moins haut, mais en bas de Saint-Antoine, de Saint-Jacques, il y avait
des maisons, il devait y avoir des résidents. Aujourd'hui, il y en a
très peu. Les gens ont choisi, par goût, de monter graduellement.
Je sais que les gens qui habitent Plateau-Mont-Royal aujourd'hui, ou
plutôt, qui habitaient là il y a 25 ans, on les retrouve dans
Villeray. Ceux de Villeray, vous les retrouvez dans Ahuntsic, ceux d'Ahuntsic,
vous les retrouvez à Laval, ceux de Laval, de temps en temps, sont en
périphérie, quelques-uns sont dans le nord. À partir de
là, c'est un mouvement naturel des populations. C'est une migration
normale. Là, on veut dire aux gens: On va empêcher la migration
à l'opposé, celle du gars qui est à Laval et qui aimerait
venir habiter dans le centre-ville pour différentes raisons. Comme les
terrains sont très peu nombreux, c'est sûr que les gens essaient
d'acquérir des propriétés.
Je suis obligé de dire oui aux droits du propriétaire,
mais non à ce qu'on le fasse à n'importe quelles conditions. Les
urbanistes avant nous parlaient de procéder par secteur, parlaient de ne
pas apporter des solutions globales à des problèmes locaux. Je
suis entièrement d'accord avec cela. Le problème est
réellement local. Granby, Saint-Hyacinthe ont définitivement un
problème différent de celui du Plateau-Mont-Royal, qui a un
problème différent d'Ahuntsic. Pourtant, c'est la même
ville.
M. Paré: Merci. Je retiens deux choses dans votre
mémoire. On retrouve à la page 1: "...de ces politiques
acceptables pour une conversion sont absolument intolérables dans une
politique globale de logement". Il faut que ce soit dans le cadre d'une
politique globale d'habitation. À la page 2, "La levée du
moratoire ne permettra l'accessibilité à un logement qu'à
un nombre restreint de locataires, ceux qui ont déjà probablement
les moyens d'être propriétaires." Je pense que les remarques que
vous faites ici sont importantes. Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le
député de Shefford. Nous en sommes maintenant aux remarques de
conclusion. Je reconnaîtrai maintenant M. le ministre.
M. Bourbeau: Oui. Bien que je n'aie pas assisté
personnellement à toute la présentation du mémoire, je
tiens à dire que j'ai eu l'occasion de lire le mémoire et de
prendre connaissance de son contenu. Je remercie l'Association des
propriétaires du Québec pour le point de vue qu'ils ont
exprimé. Je peux vous assurer que ce point de vue sera
considéré de même que tous les autres qui ont
été énoncés devant la commission lors de la
décision que prendra le gouvernement sur la suite à donner aux
propositions concernant la levée du moratoire. Merci,
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le
ministre. M. le député de Shefford.
M. Paré: À nouveau pour vous remercier aussi, en
disant que l'échange de vues a été très
intéressant. Votre document apporte un exemple précis et concret
qui mérite d'être considéré. On va en tenir compte.
Vous êtes très représentatifs du monde que vous
défendez. Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Pépin, de
brèves remarques de conclusion.
M. Pépin: Très brèves. Je pense que le
gouvernement et l'Opposition ont un travail précis à faire dans
le cas présent. Le gouvernement tente de trouver des solutions à
des problèmes insolubles. L'Opposition voudrait bien que le gouvernement
n'ait pas raison parce que cela fait partie de son bail. Nous, on essaie de
régler les problèmes de nos propriétaires.
Là-dessus, je vous remercie.
Le Président (M. Saint-Roch): Je remercie l'Association
des propriétaires du Québec de leur contribution aux travaux de
cette commission. Je demanderais maintenant à la Ligue des
propriétaires de Montréal Inc. de prendre place, s'il vous
plaît!
Permettez-moi, dans un premier temps, de vous souhaiter la bienvenue aux
travaux de la commission. Je demanderais maintenant au porte-parole de bien
vouloir s'identifier ainsi que les gens qui l'accompagnent.
Ligue des propriétaires de Montréal
Inc.
M. Aubry (Jean-Pierre): Mon nom est Pierre Aubry. Je suis le
président de la Ligue des propriétaires de Montréal. Je
suis accompagné à la table ici par M. Guy Rouleau, responsable
d'une partie de la rédaction du mémoire. À ma gauche, M.
Claude Desroches, vice-président de la ligue.
Le Président (M. Saint-Roch): J'aimerais maintenant vous
céder la parole pour quinze minutes pour déposer votre
mémoire.
M. Aubry: Bonjour, M. le ministre, MM. les membres de la
commission. Je pourrais vous lire le document au complet. J'en sauterai
probablement quelques phrases en passant. Le document que nous vous
présentons se veut sans malice,, Plutôt que toucher des points de
pratique, de détail et de formalité dans la troisième
virgule de tel amendement, on a essayé de s'en tenir aux
éléments de base de la philosophie qui pourrait réellement
faire avancer le marché que nous étudions, le marché de la
propriété, et en même temps de parler de la transformation
en condominiums qui est le sujet qui nous touche le plus
particulièrement aujourd'hui. (11 h 45)
C'est notre première rencontre officielle avec M. Bourbeau en sa
qualité de ministre de l'habitation. Nous lui exprimons nos voeux les
meilleurs et souhaitons ardemment qu'il puise ses politiques dans le programme
du Parti libéral du Québec et les différents documents
publiés par ce parti au cours des dernières années. Ils
préconisent une moins grande ingérence de l'État et une
importante déréglementation. Nous lui en soulignerons quelques
extraits dans le cadre des commentaires qu'à son invitation nous ferons
dans le cadre du document Lever le moratoire, une décision qui
s'impose. Nous souhaitons le dialogue, la consultation et la concertation
permanente à toutes les étapes de l'élaboration et
l'amendement des lois sur l'habitation, y compris l'étape des groupes de
travail, l'expérience nous démontrant que c'est à cette
étape que l'impact peut être déterminant.
Notre intervention dépasse nécessairement le cadre de
notre "membership" et à la suite des consultations faites, nous croyons
exprimer ici l'opinion d'une très grande majorité de
propriétaires du Québec, dont nous partageons les
inquiétudes à l'annonce des nouvelles mesures envisagées
par le ministère.
Selon Se loger au Québec, publié en 1984, des
propriétaires, il y en avait 200 000 au Québec
générant directement ou indirectement 75 000 emplois et des
dépenses de l'ordre de 5 000 000 000 $. C'est dire l'impact de ce
domaine d'activité sur l'économie du Québec.
Parlant d'habitation, nous, propriétaires, membres du groupement
sans but lucratif qu'est la ligue des propriétaires, désirons
nous démarquer de certains spéculateurs dont c'est le
métier de faire des spéculations fiancières et
commerciales. La propriété, pour eux, ne représente qu'une
opération sur valeur immobilière à l'inverse du
propriétaire qui possède son immeuble, soit comme
résidence, soit comme placement dans le cas des immeubles à
revenus. L'élément "permanence", surtout chez nos membres, est
celui qui prédomine.
Cela dit, nous aimerions rappeler à votre connaissance les termes
que nous avons servis à votre prédécesseur, le ministre,
M. Jacques Rochefort, en mars 1985, lors de la présentation des
mémoires sur le livre vert Se loger au Québec et je cite:
"Nous, propriétaires, membres de la ligue, nous ne demandons aucun
octroi, aucune subvention, aucune législation ou réglementation
visant à faire du propriétaire un citoyen à part, un
citoyen privilégié. "Par contre, nous nous opposons
énergiquement, farouchement même, à toute
législation au réglementation visant uniquement le
propriétaire, le lésant dans ses droits, le plaçant dans
une position d'infériorité vis-à-vis de ses concitoyens.
Nous ne vouions pas être la cible d'une législation d'exception et
onéreuse par surcroît."
Le deuxième principe que nous avançons, c'est que la
location d'un logement est une activité commerciale au même titre
que l'acquisition d'un dépanneur, du détenteur d'une franchise ou
concession, d'une épicerie, d'une boucherie ou autre commerce. Par une
saine administration, dans des conditions normales, l'investissement doit
générer des profits.
Nous partageons, plus qu'on pourrait le croire, le souci des
politiciens, des groupements de locataires et autres associations de
bienfaisance - auxquelles nous participons -pour la protection des
démunis, des personnes âgées et des handicapés. Nous
apprécions à sa juste valeur l'argument du droit de tous à
un logement. Ce souci, cependant, n'est pas le propre d'un petit groupe, mais
ce souci et cette responsabilité doivent être partagés par
la majorité de la population, y compris les propriétaires, y
compris les locataires, y compris toutes les personnes habitant au
Québec. Nous comprenons la notion du logement social, nous en sommes et
nous sommes de la même société. Nous faisons remarquer
cependant que nous ne devons pas assumer
seuls, comme le voudraient certains, cette obligation sociale. C'est le
devoir de la société dans son entière té. Il
appartient à l'État de répartir le coût de cette
obligation parmi tous les membres de la société et dans toutes
les sphères d'activité, et non d'imposer à un seul groupe
de la société, comme on semble le faire de plus en plus depuis
quelques années, la responsabilité de cette obligation
sociale.
Nous ne surprendrons personne en affirmant que toutes les lois
d'exception adoptées par les gouvernements, cette dernière
décennie, pour concilier locateurs et locataires, pour se loger et
maintenant pour donner accès à la propriété, l'ont
été aux dépens du propriétaire en changeant
radicalement la notion de propriété et en restreignant sans cesse
la liberté de contracter, pourtant depuis toujours sanctionnée
par le Code civil. Ces lois d'exception ont été le
prétexte d'ingérence outrancière dans le domaine du droit
privé et de la réglementation de plus en plus rigide de
l'activité du propriétaire dans ses relations avec ses locataires
et dans l'administration et l'entretien de ses immeubles. Tous ces
contrôles devaient être temporaires au début. Avec les
années, ils prirent une forme de permanence temporaire pour devenir
temporairement permanents et enfin, en 1980, permanents permanents en
dépit de l'opposition des locataires et des propriétaires.
Je sauterai l'historique sur le moratoire de la conversion. Je pense
qu'un peu tout le monde est au courant de ce qui s'est passé. J'en viens
à la page 5. Le ministère recommande que le projet de loi,
notamment en ce qui a trait aux articles portant sur la
copropriété, soit adopté et mis en application le plus
tôt possible. Cette recommandation date de 1983; nous sommes en 1987 et
la loi n'est toujours pas en vigueur.
On trouve ces informations dans le livre vert de 1984, Se loger au
Québec, basé sur les conclusions de différents groupes
de travail. Dans ce document, au chapitre de la copropriété, on
traite des modifications à apporter au régime juridique de la
copropriété. Cela s'intitule "Simplification et uniformisation du
régime de propriété" avec, naturellement, "scénario
possible d'intervention". Suit, il va de soi - quoi d'autre? - le chapitre sur
l'encadrement de la conversion des immeubles locatifs avec scénario
possible d'intervention pour l'encadrement de la conversion. Voici ce que cela
donne: "Si l'on veut que le pourcentage des propriétaires augmente, il
faut que davantage de locataires à revenus modestes accèdent
à la propriété." Il fallait y penser. "La conversion des
immeubles locatifs peut fournir cette occasion, si elle est encadrée
convenablement." Sous-entendu: extension des tentacules de la
réglementation et pouvoirs accrus à la Régie du logement.
On refile au propriétaire le programme destiné au locataire
à revenus modestes et visant à lui donner accès à
la propriété de son logement.
Au temps des péquistes, les groupes de travail nous faisaient
servir le scénario d'intervention. Sous les libéraux, on a
chaussé les bottes de sept lieues. Avec Lever le moratoire, ils
nous présentent une décision qui s'impose, symphonie
inachevée en sept mouvement et sept temps. On s'imagine que cette
nouvelle approche est une déréglementation.
Nous avons pu nous faire entendre par le passé. Nous ne pensons
pas nous être fait comprendre. Nous n'avions pas acquis la
maîtrise, le sens de la protestation et de la manifestation vocale,
scandante et même chantante qui semblait réussir à faire
son effet avec l'ancien gouvernement.
Le ministre nous demande de faire nos commentaires sur le document
Lever le moratoire, une décision qui s'impose qu'il
donnait en avant-première, le 13 mai dernier. Nous serons francs avec le
ministre. Nous ne pouvions croire qu'un gouvernement libéral qui avait
promis de stopper l'ingérence du gouvernement et de procéder
à une déréglementation d'envergure propose de nouvelles
mesures de réglementation sous prétexte de faciliter
l'accès à la propriété. Nous conservons
malgré tout un préjugé favorable au gouvernement actuel et
au ministre que nous aimerions pouvoir rencontrer plus souvent.
Nos espoirs de déréglementation furent ravivés
à la lecture des rapports du groupe de travail, ministériel
celui-là, sur la révision des fonctions et des organisations
gouvernementales, remis le 26 mai 1986 par le président du Conseil du
trésor au premier ministre Robert Bourassa. Au cours de son entrevue
accordée au journal Habitabec, le ministre André Bourbeau
avait confié au journaliste Bernard Carrier avec beaucoup d'humour,
croyions-nous: "Je garde toujours près de mon coeur le livre vert Se
loger au Québec préparé sous la tutelle de
l'ex-ministre Guy Tardif. Cet ouvrage - de dire le ministre - constitue une
somme importante de la pensée collective en matière
d'habitation." J'ajouterai ici: C'est une somme importante de la pensée
collective, mais ce n'est pas une somme totale. Les propriétaires dans
leur entièreté en sont exclus.
Pour notre part, si nous n'avons pas rejeté ce document du revers
de la main, nous n'avons pas accepté la philosophie qui animait ses
auteurs et qui se traduit toujours dans différents scénarios
d'intervention. Nous sommes davantage d'accord avec les conclusions d'un groupe
de travail du Parti libéral du Québec que l'on peut lire dans le
document de réflexion préliminaire publié en mai 1984
où il est dit: "Une politique à long
terme devra être axée sur l'autonomie des lois du
marché". Exprimant leur opinion, les auteurs du document de
réflexion du Parti libéral affirment: "Le vrai
développement économique ne se fera pas en
déplaçant dans le temps la demande de logements neufs ou
rénovés, ou en donnant de fortes subventions, mais en favorisant
l'avènement supplémentaire dans un contexte plus près de
nos besoins et de notre richesse propre." De conclure, les libéraux:
"Les solutions ne seront pas simples et leur application peut demander une
bonne dose de courage."
Les groupes de travail ont relu le document, ayant à l'esprit les
énergiques appels à l'austérité du président
du Conseil du trésor, Paul Gobeil, et du ministre des Finances,
Gérard-D. Levesque. Une aubaine pour les conseillers du ministère
sur l'habitation. L'opportunité de continuer l'oeuvre. D'autant plus
qu'on pouvait satisfaire en même temps les appels à
l'austérité, l'apparence de la réalisation d'une partie du
programme libéral et certains souhaits exprimés par le ministre
dans son entrevue à Habitabec. M. Bourbeau avait en effet
déclaré que, s'il n'était pas question d'abandonner les
programmes sociaux, il n'en allait pas de même pour des programmes chers
à l'ancien ministre, mais qui, très coûteux, n'avaient pas
réalisé leurs objectifs. On pouvait donc faire d'une pierre deux
coups. En premier lieu, on pouvait rogner sur les subventions pour satisfaire
aux programmes d'austérité et ensuite on semblait satisfaire
l'une des conclusions du Parti libéral du Québec en refilant
à l'entreprise privée, en l'occurence, le propriétaire de
logements locatifs, le programme d'accès au locataire à la
propriété de son logement.
Lever le moratoire pour donner au locataire l'accès à la
propriété de son logement par la décision d'imposer, en
même temps, au propriétaire de l'immeuble une démarche en
sept temps dont il assume seul les risques et les déboursés,
alors que le locataire se voit accorder le droit de préemption en
même temps que le droit au maintien sur les lieux à
perpétuité. Le Code civil sera amendé pour prolonger les
délais d'avis avec provisions pour frais de déménagement,
etc.
Le propriétaire réfléchira mûrement,
sérieusement et longtemps avant de s'embarquer dans une galère
dont il ne peut savoir où, quand, comment et en quel état il en
débarquera s'il ne sombre pas avant.
Lever le moratoire, nous en sommes, certes. Notre vice-président,
Claude Desroches, résumait, à ce sujet, notre pensée dans
un article paru dans notre bulletin du mois de mai dernier: "La levée du
moratoire comporte, en principe - écrivait-il - une expansion
très importante du droit de propriété. Nous
l'apprécions. il est évident que la levée du moratoire
aura des implications pour les propriétaires concernés qui
pourront alors vendre chacun de leurs logements individuellement."
Reconnaissant également les implications pour les locataires, en
certains cas personnes à revenus limités, personnes
âgées, handicapées, il s'en inquiète et accepte
qu'on encadre provisoirement le processus de conversion pour que le changement
se fasse de façon ordonnée et civilisée, comme le sont la
très grande majorité des citoyens du Québec, locataires
comme propriétaires. Il déplore aussi la rapacité de
certains spéculateurs et profiteurs peu scrupuleux de s'enrichir aux
dépens des plus démunis de la société.
Pour prévenir les excès en ce sens, nous acceptons
qu'à l'intérieur du règlement du processus de conversion,
mentionné à l'article 53 de la loi sur le logement locatif,
s'établissent, avec les critères de conversion, les sanctions qui
les accompagnent. Nous nous opposons formellement, toutefois, à ce que
la levée du moratoire serve de prétexte à l'amendement de
quelque article de la loi sur le logement locatif que ce soit. Nous soumettons,
de plus, au ministre qu'il nous semble que la clause de maintien spécial
dans les lieux va à l'encontre du but visé, en ce sens qu'il
empêche précisément l'accès à la
propriété du logement que le locataire ne veut pas acheter et
qu'il peut occuper à perpétuité.
Le règlement de conversion pourrait accorder un droit
spécial de maintien sur les lieux au seul signataire du bail au moment
de l'avis, à l'exclusion de toutes les autres personnes pour une
période de cinq ans avec prohibition de vendre ou de céder ce
bail sous peine de nullité absolue.
Les critères devraient prévoir les différents
mécanismes pour régler les problèmes d'une occupation
mixte des immeubles pour locataires et propriétaires de condo en
relation avec le locateur. Nous pensons plus particulièrement à
l'obligation du locateur de procurer la jouissance paisible. Que peut faire un
locateur auprès de qui se plaint un locataire des troubles causés
par un propriétaire de condo, son voisin? Sans doute trouverons-nous
réponse à ces questions lors de la promulgation de la loi
modifiant le régime juridique de la propriété.
Ce sont là des questions que nous n'aurions pas à poser
s'il existait une table de concertation des intervenants. Mieux, nous n'aurions
peut-être pas à exposer de nouveau nos vues sur le sujet, la
levée du moratoire. (12 heures)
Nous avons fait part de notre suspicion à l'endroit des
différents technocrates et bureaucrates formant les groupes de travail
qui se sont succédé au cours de la dernière
décennie pour préparer les grandes politiques
des relations propriétaire-locataire.
Compétents sans doute comme théoriciens, nous aurions
préféré, qu'avant de livrer le fruit de leurs recherches
en laboratoire, ils viennent consulter sur le terrain les représentants
des associations de constructeurs, de locataires et de propriétaires,
praticiens que nous sommes dans chacune de nos sphères. Nous avons
toujours eu l'impression que, dans des grandes occasions comme aujourd'hui, on
nous offrait de nous exprimer, mais que, à la suite de la publication
d'un livre blanc, bleu ou vert, les jeux étaient faits. On nous
écoutait, on ne nous entendait pas, les groupes de travail
défendant leurs conclusions qu'ils avaient fait accepter par le
ministre. Si nous avions été préalablement
consultés, nous aurions éprouvé un plus grand sens de
participation, ce qui nous eût inspiré de la confiance au lieu de
la suspicion. Le climat serait sûrement meilleur aujourd'hui qu'il ne
l'est.
De nos rencontres avec les différentes associations de locataires
au cours des années, il en est toujours ressorti que nous avions des
terrains où nous pouvions très bien nous entendre, vu que nous
touchions les deux côtés du problème.
Le ministre veut donner au locataire accès à la
propriété de son logement. C'est un but louable auquel il nous
fait plaisir de concourir. Nous sommes prêts à collaborer avec le
ministre parce que nous le croyons de bonne foi. Le ministre, cependant, comme
les autres intervenants, comprendront et pourraient partager les craintes et
les appréhensions que nous entretenons: que l'on ne profite de la
levée du moratoire pour amender la loi sur le logement locatif. Pour
parodier un autre groupe, nous disons: Ne touchez pas à la loi 107...
tout de suite.
Aucun amendement à cette législation ne devrait se faire
sans préalable concertation avec les intéressés. Il y
aurait certes lieu à de nouveaux aménagements de la loi auxquels
pourraient souscrire locataires et locateurs. Ceci pourrait être
l'occasion d'une première table de concertation.
Malgré la diversité des intervenants, comme le
suggérait le livre vert, une table de concertation sur la loi sur le
logement locatif et son application permettrait d'engager un véritable
dialogue et d'établir certains objectifs communs. Un tel exercice
pourrait bien contribuer - c'est à espérer - à
l'élaboration d'une politique globale d'habitation qui pourrait devenir
la plus belle réalisation du ministre. Cela prendra une bonne dose de
courage pour le ministre. Le document de réflexion du groupe de travail
du Parti libéral sur l'habitation nous assure que le parti qui forme le
gouvernement n'en manque pas.
Dans l'immédiat, nous souhaitons au ministre de réussir
dans son projet de donner aux locataires accès à la
propriété de leur logement. Après avoir entendu les
mémoires, nous savons qu'il a une tâche délicate et
difficile. Merci beaucoup, M. le ministre.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie. J'attire
l'attention des deux membres de la commission sur le fait qu'il leur reste
maintenant dix minutes à chacun pour la période de questions. Je
reconnais M. le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, tout en saluant les gens de
la Ligue des propriétaires de Montréal Inc. et en leur disant
que, si les technocrates qui entourent le ministre cherchent, bien sûr,
à l'influencer et peut-être l'influencent à l'occasion, le
ministre a quand même une bonne expérience dans ce domaine et il
est capable de se faire une opinion lui-même. Sur ces remarques, M. le
Président, je crois que le député de Sainte-Marie
brûle du désir de poser des questions à la Ligue des
propriétaires de Montréal.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre. Je
vais reconnaître le député de Sainte-Marie.
M. Laporte: Merci, M. le Président. Premièrement,
je tiens à vous saluer et à vous remercier pour la contribution
que vous offrez aux membres de cette commission justement dans le but, un peu
comme vous le soulignez dans votre mémoire, de regarder l'ensemble des
commentaires et surtout les réactions des gens à la suite du
dépôt du document que le ministre et le gouvernement ont
présenté.
Étant donné le temps qui nous est imparti, vous me
permettrez justement d'aller rapidement aux questions pour qu'on puisse avoir
un échange d'opinions et obtenir vos commentaires sur certains sujets.
J'aimerais tout d'abord rappeler, comme vous le soulignez, qu'on est dans
l'obligation de tenir compte de certaines contingences effectivement ou
à tout le moins de les mettre en place. Je prends, à titre
d'exemple, les discriminations positives au niveau de l'embauche des femmes ou
des communautés ethniques. Il existe un peu partout, dans diverses lois,
des dispositions justement afin de rétablir une certaine forme
d'équilibre et qui, malheureusement, se sont continuées, se sont
propagées avec le temps. En ce sens, je dois dire qu'une grosse
majorité des intervenants qui ont passé ici, en commission
parlementaire, nous ont fait part, comme vous nous le décriviez et vous
nous le souligniez aussi, d'ailleurs, dans votre mémoire, de la
situation créée par certains spéculateurs. On a tendance
à mettre tout le monde dans le même panier. Effectivement, les
tendances de certains propriétaires ont, dans un marché
spéculatif et de rentabilité,
occasionné certains problèmes aux locataires. À
titre d'exemple, les rénovations majeures comme moyen, entre autres
d'éviction.
À la suite de ces diverses remarques, on constate,
particulièrement dans mon comté, qu'il y a eu de nombreux abus.
J'aimerais discuter avec vous afin de voir, dans toutes les dispositions
proposées dans les documents qui vous ont été soumis pour
discussion, s'il n'y a pas lieu justement, à partir du moment où
tout le monde connaîtra les règles du jeu, comme n'importe quoi,
d'appporter cette solution afin de rétablir une espèce
d'équilibre. J'aimerais vous entendre un peu là-dessus.
M. Aubry: Dans les dispositions prévues, je pense qu'on
parle des sept étapes ou manières de protection.
M. Laporte: C'est cela.
M. Aubry: C'est qu'on fait entrer un nouveau droit, le droit au
maintien dans les lieux, le droit pour le locataire d'accéder à
la propriété. C'est un droit très nouveau, très
important et qui, dans le document de travail qui nous était
présenté, est un droit permanent.
M. Laporte: Vous faites, à la page 9, la proposition de
maintien dans les lieux pour une période de cinq ans.
M. Aubry: Oui.
M. Laporte: Je serais porté à vous poser la
question: si cela réussit à durer cinq ans, pourquoi cela ne
pourrait pas durer plus longtemps?
M. Aubry: Cinq ans, c'est déjà, en ce qui nous
concerne, une grande concession. J'aurais dO dire en partant, comme base de
négociation, 0 an, mais nous comprenons que la création du
condominium est un droit nouveau, qui peut entraîner, pour certains
locataires, des brassages que la société n'est pas
habituée à envisager. C'est pour cela qu'on était
prêts, dans notre cas, à accepter un compromis qui consisterait
à permettre, sur une base temporaire, à un locataire de voir
venir le problème et non d'être confronté à une
procédure d'expulsion, le lendemain ou très rapidement.
Maintenant, quant au fait d'accorder cela à un locataire, il faut
bien comprendre quelle est sa position dans la relation
propriétaire-locataire. Le propriétaire a investi des sommes
considérables dans une bâtisse et il offre la location à
quelqu'un qui s'engage sur une base purement temporaire et uniquement pour le
loyer, et à l'instant où cette personne devient locataire, elle
hérite, on lui fait un gros cadeau, on lui donne un droit de
préemption, on lui donne un droit de veto et on lui accorde un ensemble
de droits qui se monnaient, y compris un droit de chantage: Si tu veux que je
signe, paie-moi pour le bail.
Toute cette philosophie de donner à une personne en contrepartie
est, je pense, abusive, surtout de donner sur une base permanente. On est
prêt à accepter qu'il y ait une phase, une période de
transition et c'est pour cela qu'on s'est dit: Cinq ans. En cinq ans, un
locataire a le temps de voir venir le problème. (12 h 15)
M. Laporte: D'un autre côté, plusieurs organisations
- ce serait la première partie de ma question, je vais vous en poser
tout de suite une autre par la suite - nous ont fait part, à l'inverse
de ce que vous dites, qu'effectivement cela pouvait constituer une forme de
"bargaining power", mais aussi une forme de harcèlement de dire: Je vais
vous donner 5000 $, à titre d'exemple, pour résilier le bail mais
ces 5000 $ pourraient être récupérés facilement,
à plus ou moins brève échéance. C'est la
première partie de ma question et j'aimerais vous entendre un peu sur
les gens que vous représentez, sur leur sensibilité - je ne
connais pas la composition de votre ligue, si vos membres sont des
propriétaires de duplex au de triplex - mais j'aimerais avoir un
aperçu de cela et voir si, effectivement, comme l'Association des
propriétaires nous en a fait part tantôt, il y en a qui envisagent
cette possibilité de conversion, s'ils ont un intérêt ou
s'ils sont motivés à embarquer dans ce processus de conversion
des immeubles qu'ils possèdent actuellement, parmi les membres que vous
représentez.
M. Aubry: Dans la première partie de votre question, vous
parlez d'un montant d'achat du bail, un montant de 5000 $ ou quelque chose
comme cela. Vous savez, cela nous semble abusif dans ce sens. Quand une
personne signe un bail pour un mois, cela ne l'engage pas financièrement
à plus que le loyer du bail. Or, elle hérite d'un "bargaining
power" qui lui permet même de penser à demander 5000 $, alors que
cette personne-là n'a rien risqué. On voit des droits de
préemption, entre actionnaires, dans une même compagnie, lesquels
vont s'échanger des droits de préemption ou de refus, mais les
deux ont risqué beaucoup et ils sont une partie dans un ensemble, alors
que la relation entre le propriétaire et le locataire n'est pas la
même chose. Le propriétaire a risqué des sommes
considérables, il a investi; le locataire hérite d'un droit et de
ce côté, il n'y a pas de contrepartie: Le locataire n'avait pas
à risquer et à investir, et le propriétaire
n'hérite pas de droits quels qu'ils soient, de nouveaux droits, à
la suite de cet échange.
C'est pour cette raison qu'on n'apprécie
pas cette nouvelle création de droits. On est prêts
à la tolérer, mais au moins pour une période
limitée. Je pense que déjà le Parti libéral avait
mentionné que, dans plusieurs de ses phases, la
déréglementation se ferait en faisant des lois qui se
termineraient après un temps limité.
Maintenant, pour la deuxième partie de votre question: La Ligue
des propriétaires de Montréal représente qui? La Ligue des
propriétaires ne représente pas normalement dans ses membres le
propriétaire de maison uni familiale, elle représente un bon
-groupe de propriétaires de duplex, triplex et petits immeubles, mais
elle est surtout composée de propriétaires d'immeubles de 6
à 250 logements. Certains de nos membres sont de petits
propriétaires et d'autres, de gros propriétaires.
Dans tous les cas, par notre code d'éthique, on essaie quand
même de constater et d'inciter nos membres à de bonnes relations
propriétaire-locataire. Les locataires sont effectivement nos clients et
on doit quand même respecter un client et bien transiger avec lui, si on
veut pouvoir vivre harmonieusement et sur une longue période.
M. Laporte: J'aimerais vous remercier. J'aurais aimé vous
poser d'autres questions, mais je vais laisser la parole à d'autres.
Le Président (M. Saint-Roch): M. le député
de Sainte-Marie, votre temps est maintenant écoulé. Je vais
reconnaître M. le député de Shefford.
M. Paré: Merci beaucoup, M. le Président. Alors,
merci beaucoup pour votre présentation. Votre point de vue est aussi
très important. J'ai quelques questions à vous poser, mais j'ai,
avant tout, un petit commentaire à faire au ministre: J'espère
qu'il va prendre bonne note d'un message que vous passez à plusieurs
reprises. Il y a à la page 10, par exemple: "Ce sont là des
questions que nous n'aurions pas à poser s'il existait une table de
concertation des intervenants". On retrouve à la page 11: "Si nous
avions été préalablement consultés, nous aurions
éprouvé un plus grand sens de participation, ce qui nous
eût inspiré de la confiance au lieu de la suspicion". Et, à
la page 12: "Malgré la diversité des intervenants, comme le
suggérait le livre vert, une table de concertation sur la
législation sur le logement locatif et son application permettrait
d'engager un véritable dialogue et d'établir certains objectifs
communs".
Je suis tout à fait d'accord avec vous là-dessus. On l'a
dit et on le répète: Effectivement, il n'y a pas eu de
consultation sur la présentation qui est là et il doit y en
avoir, parce que c'est majeur.
J'espère que le ministre va finir par prendre au sérieux
cette demande qui vient de vous et de beaucoup d'autres personnes, à
savoir qu'il y ait une table de concertation sur la loi sur le logement social,
comme ce fut proposé dans le livre vert Se loger au Québec, que
cela devienne quelque chose de concret de façon qu'il y ait, aux
commissions parlementaires, non seulement des présentations, mais des
échanges d'opinions entre tous les intervenants. Vous présentez
votre point de vue, les associations de locataires ont présenté
le leur, le monde municipal, les intervenants aussi, mais un à un,
à des jours différents. Nous, ici, on a une vision globale et
générale, mais on n'a pas d'échanges de vues avec tout le
monde en même temps. Ce domaine plus que d'autres touche tellement de
gens que la table de concertation est une nécessité. Face aux
changements majeurs proposés elle devient une urgence, une
nécessité fondamentale.
J'ai quelques questions. Vous dites à un moment donné -
attendez, j'ai pris des notes - à la page 9: "Nous nous opposons
formellement toutefois à ce que la levée du moratoire serve de
prétexte à l'amendement de quelque article de la
législation sur le logement locatif que ce soit." Le ministre a
annoncé son intention formelle de modifier l'article 1653 de la loi 107
au début d'octobre. J'aimerais avoir vos commentaires
là-dessus.
M. Aubry: C'est parce que, par le biais de la conversion en
condominium, on touche à une tout autre phase, on touche à la Loi
sur la Régie du logement proprement dite. Déjà, le droit
au maintien dans les lieux se retrouvait dans la Loi sur la Régie du
logement, loi concernant la relation locataire-locateur et non pas le
condominium. Ce sont deux points qui nous ont frappés. Pour
régler le problème de la conversion en condominium, on modifie la
loi. On ne la modifie pas en faisant moins de réglementation, mais en
réglementant en plus de ce qui existe déjà. En ce qui
concerne la conversion en condominium et les phases d'une telle conversion,
qu'il y ait une réglementation, on est d'accord. On n'est pas d'accord
à ce qu'on touche à la loi de base qui concerne les
locataires-locateurs, la loi qu'on connaît dans le moment comme
étant celle de la Régie du logement. Je comprends et tous les
gens qui ont travaillé avec moi à la rédaction du
mémoire comprennent très bien qu'il pourra y avoir des abus. Dans
toute société, il y a des façons de contourner les lois et
d'abuser du système. Je pourrais vous en citer beaucoup. Vous en
connaissez beaucoup. Il y a peut-être là une possibilité,
mais ce n'est pas en affectant tout l'ensemble qu'on va régler ces
problèmes. On cause cependant un autre
problème: En modifiant cette loi, la personne qui veut
réellement rénover et améliorer un bâtiment existant
est mise en discussion et bloquée dans sa démarche. Pour
régler le problème du condominium, on s'attaque à
l'ensemble. Pourtant, le condominium n'est qu'une petite partie de
l'ensemble.
M. Paré: Vous êtes en train de présenter
l'argumentation qu'on entend aussi depuis le début. Finalement, en
prenant la levée du moratoire sur la copropriété comme
quelque chose de plus ou moins significatif, on finit par toucher à peu
près à tout ce qui existe dans le domaine du logement, que ce
soient les relations, par le biais de la loi locataires-propriétaires,
que ce soient les formules d'aide. C'est tellement global -vous pourrez faire
vos commentaires - que c'est impensable de voter quelque chose d'aussi majeur
sans qu'il n'y ait une loi générale sur l'habitation. Ce serait
marcher un peu à l'envers que de modifier la loi, de permettre la
conversion sans qu'on n'ait discuté globalement des facteurs importants
à retenir dans une démarche, une vision générale et
harmonieuse de logement et d'habitation au Québec.
M. Aubry: Dans une table de concertation, justement.
M. Paré: Donc, on revient à la table de
concertation qui nous permettrait de préparer une véritable
politique du logement social au Québec.
Un autre commentaire. On voit, au début de la page 10 de votre
mémoire, que vous manifestez des craintes sur le plan de la jouissance
paisible et des troubles qui pourraient être causés par un
propriétaire de condo. Vous vous demandez sérieusement comment
cela va fonctionner si cela se produit dans un immeuble où - c'est
important de le rappeler parce que les gens qui vont le vivre, y compris vous,
ce sont les locataires des bâtisses qui seront transformées - il y
aura des propriétaires, des copropriétaires, des
copropriétaires locateurs, des locataires bénéficiant du
maintien dans les lieux et des locataires de deuxième niveau, sans
aucune protection. Comment, d'après vous, ce sera vivable?
M. Aubry: Justement, on ne voit pas comment cela peut être
vivable. Il faudrait que la levée du moratoire soit globale. Un
promoteur qui pourrait normalement avoir accès à une
transformation en condominium, il faudrait qu'au moins, dans un avenir
prévisible - nous avons commencé par parler de cinq ans - il
puisse entrevoir de faire la conversion au complet. Ou il convertit ou il ne
convertit pas. Mais avec les réglementations qui nous sont
présentées, on voit dans certains cas un empêchement majeur
à la conversion qui ferait que, sur un immeuble de 20 logements, il y
ait trois locataires qui n'auraient pas accepté la conversion. La
conversion se ferait pour les autres locataires, mais non pas pour eux. Ils
seraient des locataires parmi des propriétaires de condo et des
locataires avec les droits de la Régie du logement, le droit à la
jouissance paisible, des choses comme cela. On ne voit pas comment cela peut se
faire: deux sortes de locataires ou locataires-propriétaires dans le
même édifice. C'est ce que la loi laisse entrevoir.
L'autre façon, ce serait de dire: S'il y en a un qui bloque, on
ne permet pas la conversion. Mais on vient d'accorder à cette personne
un pouvoir de chantage extraordinaire. Il faudrait quand même imposer une
limite dans le temps au pouvoir de blocage. On pense qu'on pourrait au moins
dire: Tu ne veux pas cette année; écoute, dans cinq ans, il
faudra que tu aies trouvé une solution à ton problème,
car, dans cinq ans, on fera la conversion sur une base normale et on pourra
vendre les logements, ce sera une conversion globale. Cinq ans, c'est long dans
la vie d'un locataire. Les locataires, la plupart du temps, vont habiter un
logement un an, deux ans, trois ans, cinq ans. La moyenne est entre trois et
quatre ans. On donne donc du temps amplement pour résoudre tous les
problèmes.
M. Paré: Je dois vous dire que les limites de temps, je ne
trouve pas cela drôle dans mon cas. On vient de me dire que je n'ai
déjà plus de temps et j'aurais eu beaucoup de questions, parce
que ce dont on discute est important. Je n'ai plus de temp3 disponible.
Je vous poserai seulement une question. Est-ce que vous êtes
d'accord avec le mémoire proposé par M. Pépin de
l'Association des propriétaires du Québec qui conclut en disant
que le ministère, avec le projet de loi tel qu'il est
présentement, atteindra exactement les résultats contraires
à ceux visés?
M. Aubry: Nous sommes généralement d'accord avec
cela. Maintenant, si vous ne disposez plus de temps, on pourra quand même
se rencontrer en d'autres temps pour en discuter en dehors de
l'Assemblée.
M. Paré: Je retiens votre invitation avec beaucoup de
plaisir.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Aubry.
Nous en sommes maintenant aux brèves remarques de conclusion. Je
reconnais maintenant Mme la députée de Dorion.
Mme Trépanier: M. le Président, après avoir
entendu les présentations de vos
prédécesseurs, de M. Lépine et la vôtre, ce
que nous aurons à faire à la suite de cette commission, c'est
trouver un juste milieu, trouver l'équilibre, c'est-à-dire la
justice pour chacun. Où commencent, où finissent les droits de
chacun, c'est le principe des vases communicants: quand on enlève une
responsabilité à l'un, on la transfère à l'autre.
Votre représentation et votre contribution à notre commission
nous aideront sûrement. On vous remercie infiniment.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, Mme la
députée de Dorion. M. le député de Shefford.
M. Paré: Je vous remercie beaucoup de votre
présentation. Effectivement, vous avez un mémoire qui
mérite d'être considéré et étudié.
Mais après la présentation de votre mémoire et de tous les
autres, la représentante du ministre nous dit que, finalement, il faudra
concilier. Par contre, s'il y a une chose qu'on doit remarquer depuis le
début, c'est qu'il y a unanimité sur le fait qu'on ne respecte
pas les objectifs visés, avec la proposition qui est là. Le
gouvernement, à la suite de tout ce qu'on a entendu, devra faire
attention. On ne peut pas se permettre une erreur dans le domaine de
l'habitation, parce que c'est économiquement et socialement trop grave
de faire un mauvais choix dans ce domaine. Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le
député de Shefford. M. Aubry, pour de brèves remarques de
conclusion.
M. Aubry: Nous avons apprécié d'être
entendus. Nous espérons que nous serons bien compris et qu'on pourra
progresser dans la société où nous habitons tous.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie pour votre
contribution aux travaux de notre commission. Avant de suspendre nos travaux,
j'aimerais attirer l'attention des membres de la commission sur le fait
qu'exceptionnellement, tel qu'entendu et convenu, nous reprendrons nos travaux
à 14 heures, cet après-midi.,
La commission de l'aménagement et des équipements suspend
maintenant ses travaux.
(Suspension de la séance à 12 h 32)
(Reprise à 14 h 17)
Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission permanente de l'aménagement et des
équipements reprend ses travaux, toujours dans le but d'entendre les
groupes intéressés à nous faire connaître leur
position sur le document gouvernemental concernant la levée du moratoire
sur la conversion des immeubles locatifs en copropriété
divise.
J'invite maintenant les représentants du Projet Genesis à
prendre place à l'avant.
M. Fortier: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Rochefort): Oui, M. le
député d'Outremont, ministre délégué aux
Finances et à la Privatisation.
M. Fortier: M. le Président, j'aimerais demander
l'autorisation de mes collègues, si c'est nécessaire, pour
siéger cet après-midi. Il y a deux groupes qui
s'intéressent de très près aux questions de logement dans
le quartier Côte-des-Neiges et, comme je suis le député
d'Outremont et de Côte-des-Neiges, j'aimerais pouvoir assister aux
débats de cet après-midi. Si mes collègues m'en donnent
l'autorisation, je le ferai avec beaucoup d'intérêt et beaucoup de
plaisir.
Une voix: Allez dire quel comté.
M. Boulerice: S'il a le courage du député de
Sainte-Anne, on est d'accord.
Projet Genesis
Le Président (M. Rochefort): Je crois comprendre, M. le
député et M. le ministre, qu'il y a accord des membres de la
commission pour vous permettre de participer pleinement à nos travaux
pour la rencontre des deux groupes de votre circonscription
électorale.
Donc, sans plus tarder, je veux souhaiter la bienvenue aux
représentants de Projet Genesis. Je vous demanderais de vous identifier,
pour l'information des membres de la commission, et de nous faire la
présentation de votre mémoire.
Mme Herscovitch (Alice): M. le Président et membres de
cette commission, nous vous remercions de l'invitation que vous nous avez faite
de présenter notre mémoire. Je suis Alice Herscovitch, directrice
de Projet Genesis.
Mme Klein (Marcie): Marcie Klein, supervisor of Individual
Services at Project Genesis.
Mme McCaughey (Dominique): Dominique McCaughey, membre du conseil
d'administration.
Mme Rotter (Nadia): Nadia Rotter, board member of Project
Genesis.
M. Saxe (Garry): Garry Saxe, organisateur communautaire.
M. Garner (Linton): Linton Garner, organisateur
communautaire.
Le Président (M. Rochefort): Bienvenue. Comme les membres
de la commission ont déjà reçu votre mémoire et
qu'ils en ont pris connaissance, je vous demanderais de prendre une quinzaine
de minutes pour nous faire la présentation des points les plus
importants pour ensuite nous permettre le dialogue.
Mme Herscovitch: Merci. J'espère que cela ne vous
dérangera pas si on présente le mémoire en anglais, vu
qu'on l'a écrit en anglais.
Le Président (M. Rochefort): Absolument pas. C'est votre
droit le plus légitime.
Mme Herscovitch: Merci.
Project Genesis is a private nonprofit community based organization
which has been active in the Côte-des-Neiges area for over eleven years.
We provide information, advocacy and referral services free of charge to 10 000
clients each year. As well, we are involved in several community organizing
projects including a cafeteria for the low income, the
Côte-des-Neiges/Snowdon Community Council, a welfare rights coalition, an
action committee of disabled persons and an annual multicultural festival.
Our major concentration is in the area of housing. The plurality - 45 %
- of our clients approach us with many different housing concerns, from the
need for information and advocacy concerning rent increases, maintenance,
renovations and evictions to filling out applications for low-cost housing.
About 10 % of our requests are for low-cost housing and we are very thankful
that the Minister of Housing recently announced the addition of 100 low-cost
housing family units in Côte-des-Neiges, as we presently have none
despite the waiting list. We have provided technical assistance in the creation
of housing cooperatives and actively participate on the comité HLM and
tenant information meetings. We are now very concerned about the effects that
conversion to condominiums will have on our neighbourhood.
Côte-des-Neiges is a tenants community; 86 % or 34 985 of the 40
770 dwellings in the area are rented. This is substantially above both the
Québec and Montreal averages of 47 % and 78 % respectively. Located in
the western part of the City of Montreal, Côte-des-Neiges is bordered by
Outremont, Town of Mount Royal, Hampstead and Westmount. The area is centrally
located, serviced by several metro stations and many bus routes and contains
the Université de Montréal and several shopping centres. These
factors, along with its low rents and high percentages of rental units, make
Côte-des-Neiges an overlooked and disavantaged neighbourhood surrounded
by the aforementioned high-income areas.
Many immigrants and refugees rent in the area upon arrival in Canada.
Between 1945 and 1981, 38 735 people came to Côte-des-Neiges as
immigrants or refugees. This figure represents 45 % of the area's population.
The most recent immigrants include Latin-American immigrants, Sri Lankans,
Turkish people and Southeast Asians. 36 % of the Black population of Montreal
lives in Côte-des-Neiges and represents 10 % to 12 % of the area's
population. 50 % of Montreal's Jewish, poor and elderly, are housed in
Côte-des-Neiges. French-speaking Jews, mainly from Morocco, are the more
recent immigrants. There have been estimates of at least 36 different ethnic
groups in Côte-des-Neiges.
There is a high percentage of elderly people, approaching 30 % in some
districts of Côte-des-Neiges, and 19 % overall, compared to Statistics
Canada's average of 10,6 %. 30 % of households earn less than 10 000 $ per
year. 23 % of families and 40 % of unattached individuals live below the
poverty line. These are significantly above the Statistics Canada's statistics.
30 % of all dwellings are in need of repair.
The centrality and demographics of Côte-des-Neiges will not
encourage residents of the area to buy their units if the moratorium is lifted
because, as we have shown, residents cannot afford to do so. Instead, allowing
conversion to condominiums would encourage speculation. Investors from outside
of Côte-des-Neiges would take advantage of the low costs of real estate
and buy condominiums for resale or rental. Already, in areas such as
Plateau-Mont-Royal, without legitimately allowing condominium conversion, 13
000 rental units were converted.
The Government cannot continue to allow the eviction of entire
neighbourhoods. We cannot allow this to happen in Côte-des-Neiges. Having
clearly identified the population of Côte-des-Neiges and the
impossibility of homeownership for most of its residents, we will go on to
study the government document supporting the lifting of the moratorium.
In its consultive document which proposes the lifting of the moratorium
on condominium conversion, the Government of Québec clearly states its
intention to allow actual tenants to renew their leases for an unlimited time.
However, there is no protection whatsoever for those who move. Most low-income
tenants are highly transient,
due to their inability to pay rent increases, the poorer quality of the
housing they rent and changes in family composition. Many places in the
Côte-des-Neiges area are rented on a monthly basis with no original
leases at all. Therefore, landlords profit from the situation by giving shorter
notices for rent increases, repossession, termination of lease and often taking
measures which result in illegal eviction.
As outlined earlier, the Côte-des-Neiges/Snowdon Community is
composed largely of law-income tenants, many of whom are also recent
immigrants. As the rental housing market shrinks, where will these tenants go?
They can neither afford to purchase homes, nor to pay increased rents due to
renovations and decreased availability of rental units. These tenants are also
particularly prone to victimization and harassment by landlords* We will
discuss the limits of Government protection against these problems later in the
document, but we must now state our doubt about the ability of any law to
enshrine unlimited tenancy, the main principle of the reform, as a respected
right.
The second part of the document submitted by the Government of
Québec deals with studies done in Québec and elsewhere regarding
condominium conversion. According to the Lapointe-Cyr study, 2,5 % of the
rental housing stock would be lost to conversion every five years. This
percentage is further reduced to 1 % by an assumption that most buyers will be
tenants. This seems to be purely speculative, particularly in an area like
Côte-des-Neiges. As well, as tenants move and their apartments are
vacated, it is more likely that apartments will be converted and accumulative
increase in condominium units can therefore be expected. There is also
absolutely no reference to the type of rental housing likely to be converted,
that is rental value, size and neighbourhood. AH these factors could prove
conversion to have a much greater significance than 2,5 % in five years, in
neighbourhoods such as ours where housing costs are relatively low, family
housing is available and residents are relatively easy to victimize. These
factors should be given serious consideration before the lifting of any
moratorium.
The example cited from the Dansereau-Godbout report speaks of 85 % of
tenants in high-rises being single or couples without children. Most Montreal
housing is neither high-rise nor occupied by persons without children. Since
both the economic and family situations of the majority of tenants are so
different from the situation cited, is it reasonable to assume that the same
interest will be shown for conversion? Housing costs increased from 45 % to 123
% for tenants who purchased their homes. Can low or average income tenants
afford to increase their housing costs so drastically? Most of them already pay
well over the 25 % of income recommended for housing costs. We can think of all
those people on welfare who pay about 46 % of their income in housing costs,
pensioners who live on a pension supplement whose income is 664 $ a month and
who are paying 300 $ and 400 $ in rent, people on unemployment insurance,
people who are jobless, people who are earning minimum wages. We can also
consider the 18 to 30 years old who are on welfare, receiving 172 $ a month and
paying probably more than their total income in rent.
The HUD studies provide further statistics and facts which support our
position against condominium conversion. To cite a few: 58 % of tenants were
evicted, the low-income and aged left to find inferior quality housing outside
their neighbourhood, similar to the trend of gentrification which lifting the
moratorium purportedly stops according to the Government report; those who
bought faced 44 % increases in housing costs; tenants who stayed faced rent
increases of 7 %, but new tenants paid 38 % more and we can imagine that over
the years, these figures went up; only 34 % of actual tenants purchased their
homes. There is very little to suggest that condominium conversion allowed for
affordable, improved housing for either tenants or homeowners. As we are
particularly concerned with the Côte-des-Neiges/Snowdon Community of
Montreal, we are most concerned about increased rents, increased housing costs
in general and the eviction of tenants from both their homes and
neighbourhoods. We see absolutely no proof of advantages for community
residents from the conclusions of the HUD report. The document then goes on to
state that 25 % of converted housing in the United States and 75 % in France is
not owner occupied. Thi3 is certainly a disincentive for lifting the
moratorium. Is the Government hoping to increase homeownership or a
proliferation of small landlords in a building?
As for the previous Government consultations, where some groups showed
an interest in the lifting of the moratorium, it is clear that the professional
corporations of notaries and architects have considerable financial
self-interest in this proposal. The City of Montreal is presently against the
lifting of the moratorium, and the argument mentioned by tenant groups of the
need to protect low-rental housing has not been considered at all by this
document. (14 h 30)
We are in total agreement that the moratorium has been ineffective.
However, we do not feel the solution is to lift it, but rather to strengthen
the law to better protect tenants and close the existing
loopholes. The Government document then goes on to state that there is
considerable tenant interest in purchasing converted condominiums. It begins
this section with an outline of the advantages of home-ownership, some of which
we find dubious: 1) Control of housing conditions and cost. According to the
studies cited by - the document, housing costs with ownership increase A4 % to
123 % and, in a condominium, decisions regarding common services and spaces are
not made individually. 2) Homeownership constitutes the accumulation of capital
because of value appreciation. This seems particularly untrue in neighbourhoods
such as ours. Most of the apartments if owned after a 35 year mortgage could be
worth considerably less than at present. 3) Homeownership is a shelter against
hard economic times. Homeownership through a long-term amortization period does
not protect from inflation (high interest rates, increased heating and repair
costs, etc.) or unemployment» low wages, bankruptcy. Average income
Quebeckers will not own their homes immediately. They will pay for them over a
long period of time. 4) Many families will never be able to own their homes and
to sell them as seniors to improve their quality of life. Many senior citizens
who presently own their homes cannot afford to pay their taxes and
expenses.
The Government document goes on to discuss changes in homeownership and
rental trends. One of the trends examined is the decrease in private
construction of rental dwellings. One of the contributing factors is no doubt
the difficulty in renting high cost units. I am certain that if we could
provide new low-rental housing, there would be no trouble filling it. Would the
lifting of the moratorium not simply reduce the available low rental housing
and increase costs of all housing? The studies cited previously prove the
point.
The charts comparing home and condominium purchase show that the costs
of condominium ownership are lower. However, as clearly stated, buildings
converted (should the moratorium be lifted) will not follow the norms for new
housing, will not necessarily be in a good state of repair. Are we simply
trying to provide ownership of poor quality housing? Are those who presently
buy homes in the suburbs interested in buying high density, poorer quality
housing in the city? These families are certainly different from the high-rise
clientele of singles and couples mentioned by the Dansereau-Godbout report.
Finally, the document outlines interest in purchasing a converted rental
unit through a study done by Langlais, Hurtubise et Associés. The
percentages of those very interested remain low, 3,9 % in Montréal. As
to the increased housing costs tenants are willing to bear to own their home,
the average is 28 %. However, both the HUD and Dansereau-Godbout studies speak
of increased real costs of 44 % to 123 %. Only 28 % of the 12,9 % who are
either very or somewhat interested would be willing to face over 40 %
increases. It would be interesting to know how many of these 3,9 % would be
willing to face over 40 % housing cost. By 1985, an average increase of only
21,5 % is considered tolerable.
Who will truly be able to afford to purchase and be interested in
purchasing a converted condominium? It is clear that the Government document
does not answer this question, and yet is willing to risk conversions which,
according to the studies cited, will increase housing costs, for those who
purchase, by 44 % to 123 %, and for tenants, from 7 % to 38 %, while promoting
gentrification and evictions through harassment. 45 % of housing clients who
come in to Project Genesis come in to contest the renting increases of 4 % to
30 %. What could they do faced with housing cost increases of 44 % to 123
%?
We feel the studies cited by the Government in no way justify the
lifting of the moratorium. Rather, they effectively strengthen our arguments
against such an action.
We feel the regulatory measures that the Government has announced in its
document are an extra step towards protecting tenants if, and only if, applied
within the context of the present law. That is without lifting the ban on
condominium conversion.
The Government briefly mentions the possibility of rapid restrictive
action should the need to protect rental stock arise. However, ther conditions
under which they will determine that the rental stock needs to be protected and
a form of restrictive action to be taken are not defined. The ban on
condominium conversion was originally imposed largely to protect low-cost
rental housing stock. Why should the Government now lift this moratorium and
expose low-income tenants to the same threats that were present before the
moratorium was implemented? There is no protection for low-cost rental stock
discussed in the document.
In Québec, nearly a million people lack adequate and affordable
housing. The causes include: high rate of effort for tenants; discrimination
and harassment; displacement from their communities due to renovations and
conversions and increased rental costs due to speculation. Available and
affordable rental stock of good quality must be preserved and it is therefore a
necessary decision to maintain the moratorium. The average cost of rental
dwellings has risen,
between 1981 and 1985, an average of 34,6 % in Montréal. Those on
social assistance programmes are using 46 % of their income on rents. In
addition, an estimated 10 000 people in Montréal alone are homeless.
Presently tenants are discriminated against and harassed based on their
age, disability, ethnic origin, sex, religion, income level and sexual
orientation. The special Régie du logement office proposed is solely
geared towards the eiderly and disabled. It is purely an information service
and does nothing to protect the aged or disabled and certainly nothing for the
other groups we have mentioned. With regard to harassment of tenants by
landlords, the Government proposes little change from the existing protection.
Both complaints to the Human Rights Commission and criminal suits are extremely
long procedures, and harassment of any kind is extremely difficult to
prove.
There is also no real protection from harassment of tenants by co-owners
of converted units. They can put pressure on those who do not purchase a unit
to leave and therefore allow conversion to take place or property values to
rise.
In reviewing the Government's proposal, it is abundantly clear that the
proposed regulatory measures are commendable if they become amendments to the
present legislation. We feel the only way to protect tenants is to legislate a
ban on condominium conversion and close the existing loopholes in the law.
We therefore make the following recommendations: 1. The regulatory
measures, proposed to better protect tenants from evictions due to major
renovations, repossession in cases of undivided co-ownership and harassment,
should be implemented under the present Rental Board legislation. Automatic
compensation should be granted to tenants who are temporarily displaced due to
major repairs. All of these measures should be implemented without lifting the
moratorium. 2. Further legislation must be planned which will close other
existing loopholes in the law, thus protecting tenants, in particular
low-income tenants, from full-scale conversion of their rental units into
condominiums and rent increases due to speculation.
The possible suggestion to close these loopholes would be heavy fines
for landlords and automatic compensation for tenants in the case that temporary
eviction really becomes permanent eviction and automatic rent fixing by the
régie in the case of major renovations.
The Government admits that in the case of places such as
Plateau-Mont-Royal, there is no difference between temporary displacement and
eviction, as a tenant never returns. We believe that under the present
legislation, landlords should be obliged to automatically apply to the Rental
Board and compensate tenants wherever major repairs are necessary.
Since housing is a basic need in our society, which cannot be ignored,
people simply have no choice but to pay their rent. If housing costs rise from
7 % to 38 % after units are converted to condominiums, tenants must pay these
increases as authorized by the Régie du logement and we are concerned,
after a few years, about what kind of rent increases we would see due to major
renovations which would be permitted. The only other alternative for those who
are unable to afford the cost of rent is not to occupy any permanent dwelling
at all. As 1987 is the International Year of the Homeless, should the
Government not be proposing that more subsidized and cooperative type housing
be built to deal with this problem rather than imposing even stricter
limitations upon this segment of society?
In conclusion, it is important to stress that the existing moratorium is
indeed ineffective and many loopholes do presently exist, but lifting the
moratorium is certainly not the answer to this problem. We recommend the
enforcement of legislation which will offer better protection to tenants and
the closing of loopholes which exist under the present law. Lifting the
moratorium is by no means a necessary decision, but will only serve to increase
housing costs for both those who purchase and those who continue to rent.
We strongly recommend that a permanent ban on condominium conversion be
legislated. Thank you very much.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, je vous saurais gré
de reconnaître le député de Sainte-Anne qui brûle du
désir d'interroger nos invités.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Sainte-Anne.
M. Polak: Merci, M. le Président. First of all, I want to
say to the group that we are extremely happy that you are here. We have been
here now since Monday. There are a lot of anxieties. It is groups such as yours
that come here to express their opinions. Some of these opinions we have
already heard, but from other sectors of the city.
I think it is clear enough, from the remarks that the Minister has made
since we have been here, that no final decision has been taken. You call your
document "An Unjust Decision", but there is no decision as
yet. As the Minister has stated, we are in consultation. He wants to
hear and we want to hear what people have to say, owners, tenants, cities,
whoever is involved in this very important dossier.
So, I think that the anxiety should be removed by now. The people know,
from listening to Mr. Bourbe au himself, on a number of occasions, that we are
consulting and we want to feel what the people think should be done in order to
arrive at a solution acceptable to the population.
Just a few questions. I know how your organization works. As a matter of
fact, I am very happy to see Mr. Fortier here, because I know he is very much
involved with community organizations such as yours, because I am reading some
articles, some things I have learned about tenants rights. He is running the
local newspaper. So, I read those articles. I think you have a very good
advocate in your own area.
Having said that, just the three issues, I want to discuss. You know
that the Minister's document mentions the possibility to establish a special
Régie du logement service to provide assistance to the elderly and the
disabled. I noticed in your document that you state that you do not think that
it is a good idea because the handicapped are not mobile enough to go to such a
service and the elderly are not people that usually go out and use those
services. You state that here in your document.
Now, as a matter of fact, you say: Many require an outreach service to
keep them informed of their rights. So, how would you see such a service, if
there was an intent on the part of the Government to make people better aware
of what their rights are? Yesterday, the same question came up with another
group and they stated that maybe they would have no objection to the Rental
Board having a special desk, let us say, to do that. However, they thought that
the people there were not qualified enough and that they do not have the
necessary expertise. Do you feel, if there were people sitting at the desk from
the milieu, that it would correct the situation?
Mme Herscovitch: Let me answer part of that question. Maybe one
of my confrères or consoeurs can add something. We were saying that we
felt that it was an ineffective service. It does not mean that it is something
that is negative. It was limited to people who are seniors and disabled. We
feel that an outreach program which means a program where you reach people
where they are, in their homes, in the community organizations which they
attend, which they frequent, would be more effective as a means of informing
people of their rights for those who are not used to going to the Government
offices to be informed of their rights. And there are many people who, for
example, I think, would come to an organization such as ours, Project Genesis,
and not go to the Régie du logement to ask a question. We do a lot of
door-to-door work in our work and we feel that is a very positive approach to
reach people where they are with information.
M. Saxe: Also, the limitation on the service being just for
elderly or disabled people was something we had a question with. There are
other disadvantaged segments of our population - women are discriminated
against - and the list could go on. That was another question we had.
M. Polak: Okay. I saw in the document as a positive step...
Perhaps it does not go, like you say, far enough, it could be strengthened, but
you can see an advantage in that it partially corrects the situation that needs
correction. Is that correct?
Mme Klein: I would just like to add that the elderly and the
disabled who come to Project Genesis - at least from what we know - seem to be
those who least use the services of the Régie du logement, only because
either they cannot get out of their homes or they are afraid to go. Many of the
elderly are afraid to use the service and when they come into Genesis for
something like not getting the proper services from their landlords and we tell
them: You must go and make a demand at the Régie du logement, their
first reaction is usually: Oh no! Never mind! You know, I would rather not go.
(14 h 45)
M. Polak: Okay. Is there also a language problem? Could you, for
instance, in your group, serve people directly in their own language while, at
the régie, there would be a problem? Second of all, if that situation
exists, could it be corrected? Do you go with those people to the régie,
for instance, and help them?
Mme Rotter: The language is certainly an important factor. Very
many people... We have a lot of elderly Jewish people who do not speak English
or French very well. We have a lot of immigrants who do not speak as yet the
language. It certainly is a factor. The matter is that we do not have enough
people to go to represent these people at the Régie du logement because,
in the majority, we have people volunteering and we have a very small staff
because of the finances, as you can well understand, and we do not have as yet
enough volunteers able to go and represent these people at the
régie.
M. Polak: Okay. I have another question. You mentioned in your
brief: Are
we simply trying to provide ownership of poor quality housing? You
explain that by saying that the conversions do not follow the norms for new
housing. Therefore, the property will not necessarily be in good state of
repair and the result will be that we end up providing poor quality housing,
sort of condos for the poor. Could you elaborate a little bit more on that?
Mme Herscovitch: I think we were concerned, in the Government
document, with a little paragraph which talks about the quality of housing to
be converted. It is very clear that the same demand will not be made on
buildings which are converted to condominiums as would be made not only of new
housing, but I think even often of homes that are purchased. So, it talks about
soundproofing not being at the same levels or repairs not necessarily being at
the same levels either and, in fact, the document speaks of no major
renovations before conversion to condominium so that we have noticed it in many
of our apartments in Côte-des-Neiges, about 30 % are in need of
substantial repairs. We wonder what kind of housing people will really be
getting. They will be owning something, but what will they really be
owning?
M. Polak: Do you have examples in your area of converted housing
where the ultimate result was that the rents went up in a very large
percentage?
Mme Herscovitch: Converted housing or do you mean renovated?
M. Polak: Yes.
Mme Herscovitch: Renovated?
M. Polak: Renovated.
Mme Herscovitch: Yes, we do. There are some buildings on Gouin
Street, for example; I cannot give you the name of the landlord who rents his
apartments as rooming houses. These are not rooming houses; they do have a
kitchen, they do have a bathroom. Most of the tenants who lived in these
apartments were evicted. They were evicted for purposes of renovation. They
were not given the choice of coming back. These people are largerly uninformed
of their rights, they are new immigrants, senior citizens. Therefore, they did
not return to their homes, they did not have the option to continue their
leases. We believe that the new tenants are paying almost double what the old
tenants were paying. I do not have statistical information with me, but we have
done some doorknocking in that building and the impression is that new tenants
are paying considerably more than the old tenants were. And the old tenants
were not given the choice of returning to their homes once the renovations were
over.
M. Polak: Another issue that came up in other briefs is the
vacancy rate which varies from area to area. Is the vacancy rate in your area
very low, so that it needs, let us say, even more protection perhaps than
somewhere else? What is your experience in the matter?
M. Garner: M. le Président, our experience basically has
been that housing is at a premium in the Côte-des-Neiges area. As we
stated in the document, 86 % of the citizens of Côte-des-Neiges are
tenants and do rent. We also, at the present time, have close to 1000
individuals who are waiting to get low-income housing from the Government. We
just recently, as I understand it, got 30 units promised to us in the
Côte-des-Neiges area but we were originally promised 100 units and I
understand that there is some difficulty right now in that particular area
about the resumption of those 100 units for the Côte-des-Neiges area.
We understand that the original site is in question. We feel that at
least some effort should be made, considerable effort should be made, that the
other 70 units should be placed on the original site which is near the
Côte-des-Neiges Hospital on Côte-des-Neiges. But, there is a strong
need for housing in our area and the occupancy rate is very low, because we
have had problems before, in terms of being able to establish new housing in
our area because there is not enough space.
M. Polak: Our time has expired and I want to thank you very much
for your interest. It takes people like you to come here and submit those
briefs and it is very important in view of making up our minds. Thank you.
Le Président (M. Rochefort): Merci, M. le
député de Sainte-Anne. M. le député de
Saint-Jacques.
M. Boulerice: Ladies and gentlemen, I would like to thank you for
coming. There have been a lot of groups, what I call popular groups. I cannot
number how many, but there were a lot and I am pleased with it. But you are all
telling us the same thing. I do not feel that you are lying. You are too many
to be lyers. I guess you are right. The things that you have been telling us
are really nightmares to some people. How many times have I heard the words
harassment, eviction, unnecessary renovations, people forced out! I mean, that
is the vocabulary that is being used by all popular groups that
came in, no matter from what part of town they were. That was good
because it means that it is not an Eastern problem, a Western problem. It is a
Greater Montreal problem that concerns all of us.
You are telling us exactly what people are living. So, I hope that this
cruel reality, in a way, will help the Minister to come out of the twilight
zone he is in, when he says things about housing. Even if his book is not a
decision, if there had not been this commission, that much talk on the radio,
television and newspapers, it could have been a law, a few months ago. So, in a
way, we are happy we finally forced him to have this commission, especially in
Montreal, so you did not have to bus to Quebec City. The Minister proposed in
his book that so -called unique wicket, le guichet unique, at the Régie
du logement. My honorable colleague from Sainte-Anne even think3 that it is not
a good guarantee. But are you a Government supported organization? No, you are
all "bénévoles".
Mme Herscovitch: We are a private nonprofit organization. We
receive a very small subsidy from the "Ministre de la Santé et des
Services sociaux, in a program for "maintien à domicile". But most of
our funds are privately raised.
M. Boulerice: My colleague said: We might have people from the
field - I guess it is the expression he used - to work in the régie. My
stand would be: You are close to the people. People know you. You are next
door. I do not have to ask an old person to take the bus to go to the
"régie" because you are next door. Why should we not change that formula
and say: You have the experience, you have the skills, you have the people, why
should you not be the "guichet unique" for the citizens of your district? It is
my stand. I do not know if you want to comment on that. That is the stand I
would take.
Secondly - and that is quite a concern - you probably know the new
shadow cabinet Minister for Immigration and Cultural Communities. We just
ended, in Quebec City last week, a commission on immigration and we all agreed
to raise the number of new immigrants in Quebec, because we need to.
In your district, there are a lot of people who are new immigrants. Do
you believe that, if the Minister went ahead with his policy, we would kind of
jeopardize our immigration policy we want to put up because we would be kind of
luring new immigrants and telling them: Okay, just come in. But, as soon as
they step down from the plane or the boat, there will not be any housing for
them. How do you stand on that?
Mme Herscovitch: It is clearly one of our major concerns. We are
an area made up largely of new immigrants to Canada and we know that these
refugees and immigrants are not all informed of their rights, have no financial
means, are very easy to harass and victimize. A landlord, for example, who does
not provide mail boxes for his tenants, but collects the mail himself and holds
back envelopes coming from the ministère de l'Immigration, from the
Government departments, can certainly instil a lot of fear in newly arrived
immigrants.
We are very concerned that allowing the conversion of apartments to
condominiums will particularly affect these recent immigrants who will not
fight, who will not necessarily even know that they have the right to
unlimitated tenancy even if it is not enshrined in the law. And those harassed
will certainly leave. We are very concerned about that.
M. Boulerice: That is going to be the kind of problem for those
who are already in. But do you agree that we will be luring the new ones we
want if we go with the Minister's proposal and do not correct the actual
situation?
Mme Herscovitch: We believe that there will be a reduced amount
of rental housing in Côte-des-Neiges, reduced by a considerable amount,
more than the .1 % to 2,5 % quoted in the document, and that immigrants will
certainly not be able to find housing in Côte-des-Neiges. We also believe
the gentrification process will occur in Côte-des-Neiges as it has in
other places, and, because we are centrally located and we have bus and metro
lines and that the whole makeup of the neighbourhood will change, we will lose
our special multicultural character. Businesses serving the multiethnic
communities will also leave the community because this community will be
dispersed. We are very concerned about the lack of housing for both immigrants
and people who are Quebeckers and here, presently.
M. Boulerice: As a former Queen Mary Street resident, I could say
that you are right.
At the Immigration Commission, we agreed on an immigration policy.
Stating that we need housing to build that...
M. Bourbeau: ...
M. Boulerice: Pardon?
Une voix: II trouve que vous sortez de la pertinence un peu
là.
Le Président (M. Rochefort: Vous pouvez poursuivre, M. le
député de Saint-
Jacques.
M. Boulerice: Je vous remercie, M. le ministre. We will not
bother with that small talk. What is important is our exchange.
I was saying that we have decided in Quebec City to have an immigration
policy which should be different from the previous one in terms of number, the
quality of welcoming and all that stuff.
Do you think that the Minister's proposal is "précoce" - I do not
know how we say that in English - premature, that we should go... We have a
population problem. We need a family and children policy. We have started a new
immigration policy. Do you believe that, instead of going with the Minister's
premature position, we should go first on a global housing policy or global
population policy and then make the right choice, and not go piece by piece,
bit by bit like he is doing right now. (15 heures)
M. Garner: I do agree that housing is a problem and that there
should be more concern for families. As I stated before, we have over 1 000
individuals, most of them consisting of families, who are waiting on a list now
for public housing from the Government. So, unless we can do more for the
citizens who are already there or for the community people who are already
there to respond to their housing needs, then those new incoming people are
going to be further behind than the present individuals in the community
because they will be the ones who will have to wait for other improvements
after that fact. So, we still do need our total public housing program,
particularly instituted in our community in order to respond to their already
present needs and also to respond to any further demands because
Côte-des-Neiges is usually one of the first communities where immigrants
come into, when they enter Montreal and they enter Canada.
M. Boulerice: Thank you. You are telling me that I still have
some time? I still have time.
Le Président (M. Rochefort): M. le
député...
M. Boulerice: Oui.
Le Président (M. Rochefort): Je vous ai indiqué
tantôt qu'il vous restait cinq minutes. Maintenant, je vous indique qu'il
en reste un peu moins.
M. Boulerice: Okay. Time is running short. Time is also running
short for you, Mr. Minister, and it is not the PBS series "Yes Minister"; it is
no Minister. Could you give me an example of harassment in your district? Some
even mentioned that there was physical harassment. It makes the Minister laugh
but I think it is too serious to laugh at.
M. Saxe: I can give you an example of one elderly woman whom we
came across with in the last few months. She was just getting out of the
hospital after recovering from her second stroke which followed her second
heart attack, earlier. She returned back to her studio apartment, a one and a
half, and she was told by the concierge that he did not recognize her lease and
that if she had not moved by the end of the month, which I believe was April,
he would change the locks on her door and throw her furniture out. Myself and
Mrs. Herscovitch, our director, went over to the building and got into a
basically yelling match with the concierge who insisted that he knew the law
and he had done it before. Mr. President, we do not doubt that he did that
before. Cases like that one, of harassment, are not that uncommon in our
area.
M. Boulerice: Have there been fires in your district, suspicious
fires as the ones we are having in east downtown ridings?
M. Garner: From time to time certainly there have been what you
would call suspicious fires, in a way, but we certainly cannot necessarily link
them, I think. Some of the more physical or more tangible aspects are people
who, after having gone to the Régie du logement to complain, upon coming
back to their apartment find out that their stuff is out on the street, because
he and the landlord were having a dispute. People find, when they come back to
their apartment, that their doors have been kicked down and their stuff thrown
out the window or deposited somewhere else in the care of the landlord or a
concierge because they are also having some kind of dispute, or the landlord
wants to do some renovation. It is more those kinds of tangible things which we
see that affect the life of the individuals every day, particularly in the
smaller, I would say, rooming house types of places which are not rooming
houses but a one-room kind of apartment for people,
M. Boulerice: Thank you.
Le Président (M. Rochefort): Merci, M. le
député. Il reste une minute au parti ministériel. M. le
ministre.
M. Bourbeau: I wish to say that we have taken good note of your
brief. We note that you recommend the status quo on the moratorium. You want
improvements in the landlord-tenants relationship. You would like us to adopt
measures to stop the
repossession of units by owners, protection against harassment for all
tenants, automatic indemnity and three-months prior notices in case of major
repairs. Also, you would like the landlords to have to justify before the
Rental Board major repairs. All these are very interesting measures. We are
going to take that into consideration when we come up with some legislation in
the fall. Thank you.
Le Président (M. Rochefort): Je vous remercie. Alors, sur
ce, j'inviterais maintenant M. lé ministre à faire des remarques
finales.
M. Bourbeau: In closing, I will just say that you also showed a
lot of interest for housing and low-cost housing. I know that our friends
across there are saying that we are doing a terrible job, an awful job. By
looking at the statistics, I found out that the only area in the Montreal area
where the former Government did not find the time to allocate any housing units
was in Côte-des-Neiges and NDG. Zero, for the last ten years. So, I say
it in advance, because they are going to speak after me.
You know that we have already come up with one hundred units. It is
difficult to find land in Côte-des-Neiges. We are working hard at it.
Your MNA, Pierre-C. Fortier, has been constantly harassing me - I think we
should put something in the law about that too - to try to plug that hole, if I
could say, you know, this error, 1 would say, that was made in the past. So, we
are trying to come up with solutions to that. I can assure you that we will
keep on trying to level up your area with the other areas in Montreal, because
you do have needs. It is our firm intention to try to bring you to the
standards of the other wards of the City of Montreal.
Le Président (M. Rochefort): Merci. Pour le mot de la fin,
M. le député de Saint-Jacques.
M. Boulerice: Yes, Social housing is lower since December 2nd.
You have to know that. I will not make cheap politics on your back on so
serious a subject as someone might be tempted to do. The only thing I would say
is that you have been too many and too precise in your argumentation to be all
wrong. I hope those who listen to you as they listen to the others, and I will
take the word from him, I hope you all plugged the right message to the
Minister. Thank you.
Le Président (M. Rochefort): Merci, le mot de la fin.
Mme Herscovitch: Alors, nous voulons vous remercier, M. le
Président, M. le ministre responsable de l'Habitation, MM. les membres
de la commission et MM. les membres qui sont là aujourd'hui, devant
l'Assemblée nationale, pour l'attention que vous avez portée
à notre mémoire et à notre présentation. Nous vous
remercions également pour les questions que vous nous avez posées
et le temps que vous nous avez accordé. Merci beaucoup.
Organisation d'éducation et d'information
logement de Côte-des-Neiges
Le Président (M. Rochefort): Merci de votre
présence parmi nous. J'inviterais maintenant le groupe suivant:
l'Organisation d'éducation et d'information logement de
Côte-des-Neiges, à prendre place devant nous. Bienvenue parmi
nous. Je vous demanderais, pour l'information des membres de la commission, de
vous identifier. Par la suite, je vous demanderais de prendre tout au plus
quinze minutes pour nous faire la présentation de votre mémoire.
Dois-je vous rappeler que nous l'avons déjà reçu et que
les membres de la commission ont eu l'occasion d'en prendre connaissance, pour
permettre justement de garder du temps pour les discussions avec les
parlementaires.
M. Daigneau (Claude): Claude Daigneau. Je suis l'organisateur
communautaire de l'Organisation d'éducation et d'information logement de
Côte-des-Neiges qui s'appelait autrefois l'Association des locataires de
Côte-des-Neiges.
Mme Malka (Hélène): Hélène Malka,
membre du conseil d'administration et secrétaire de l'organisation.
Mme Nouen (Nowal): Nowal Nouen, membre de l'organisation.
M. Raymond (Jean-Gabriel): Jean-Gabriel Raymond. J'anime des
réunions d'information pour l'association.
M. Freignac (Jean-Pierre): Jean-Pierre Freignac, membre du
conseil.
M. Perez (Joseph): Joseph Perez, membre du conseil.
M. Daigneau: Est-ce que c'est assez fort ou trop fort?
Le Président (M. Rochefort): Ah oui! il n'y a pas de
problème. Si c'est nécessaire, le service approprié posera
les gestes qu'il faut.
M. Daigneau: Bonjour. Pour ceux qui connaissent moins notre
organisme, je vais prendre quelques minutes pour le présenter. Le
ministre délégué aux Finances et à la Privatisation
le connaît bien; on fait souvent
affaire avec M. Fortier. L'organisation s'appelait autrefois
l'Association des locataires de Côte-des-Neiges. C'est un organisme dont
l'objectif est l'amélioration des conditions de logement des locataires
de Côte-des-Neiges. C'est un organisme qui existe depuis 16 ans et qui a
des membres. Nous ne limitons pas nos services aux seuls membres inscrits sur
notre liste. Nous faisons des réunions d'information, par exemple, tous
les mercredis, durant toute l'année. Cela fonctionne ainsi depuis de
très nombreuses années. Les services sont gratuits et disponibles
à tous les locataires du quartier.
Il s'agit d'un quartier qui a une population de 85 000 habitants dont
près de 90 % sont locataires. C'est, je pense, un quartier qui est de la
taille de la ville de Trois-Rivières, peut-être un peu plus. En
imaginant Trois-Rivières avec une population à 90 % de
locataires, cela vous donne une idée du genre de quartier. Il n'y a pas
d'associations de locataires dans les quartiers et les villes environnant
Côte-des-Neiges. Donc, nous recevons des gens de ces quartiers:
Outremont, Ville Mont-Royal, Ville Saint-Laurent, Côte-Saint-Luc,
Westmount, le centre-ville et Notre-Dame-de-Grâce. Nous sommes donc
passablement occupés et notre association est ouverte à tous les
locataires qui viennent utiliser nos services. Nous avons bien l'impression de
représenter un assez grand nombre de locataires de ce quartier. Nous
nous limitons strictement aux activités dans le domaine de
l'habitation.
Je ne vous décrirai pas le quartier, car Project Genesis vous l'a
présenté précédemment. Si jamais il y a des
questions, par la suite, je le ferai. Je préférerais qu'on entre
dans le vif du sujet. La présentation qu'on fait maintenant ne suit
pas... Il y a des éléments dans notre mémoire dont nous
allons parler maintenant, mais il y a un certain nombre de choses qui ne sont
pas nécessairement directement écrites dans le document.
Nous avons pensé, cet après-midi, aborder le sujet en ne
répétant pas trop, autant que possible, tout ce qui a
été dit depuis lundi, car cela finit par être un peu
assommant. Les chiffres que nous allons citer, nous allons essayer surtout de
nous concentrer sur ceux qui concernent Côte-des-Neiges. Vous avez eu
beaucoup de chiffres des autres quartiers.
Le projet, qui est sur la table, de la levée du moratoire du
gouvernement, du ministre M. Bourbeau est un projet qui a pour objectif de
lever le moratoire tout en essayant de faire en sorte que les locataires qui
habitent les logements ne les perdent pas. Donc, c'est un document qui comporte
des mesures juridiques pour protéger les locataires et leur garantir un
droit à une occupation illimitée. Le problème que nous
voyons au départ dans ce projet-là, c'est qu'il ne comporte que
des mesures juridiques et non des mesures économiques. Je précise
ce que je veux dire par des mesures économiques. Supposons que, dans le
projet, il y avait la possibilité pour les propriétaires... En
tout cas, si des gens voulaient acheter leur logement ou si des
propriétaires voulaient vendre leur logement s'il y avait l'obligation
de s'adresser au gouvernement pour demander qu'on fixe le prix de vente, on
pourrait imaginer deux scénarios, par exemple. Les parties s'adressent
au gouvernement. Le gouvernement évalue l'immeuble en se basant
essentiellement sur la dernière vente. (15 h 15)
Imaginons un immeuble vendu, il y a quatre ou six mois, à 25 000
$ le logement. Le gouvernement envoie ses experts qui font une
évaluation. Ils disent: Cela pourrait se vendre un peu plus cher, 26 000
$; on tient compte de l'état de l'immeuble, de la valeur de ce
bâtiment, des loyers qui sont payés. Le gouvernement fixe le prix,
exproprie le bâtiment et le vend aux locataires. Ce serait une mesure de
protection, une mesure économique. Ou bien, pour être moins raide,
le gouvernement dirait: Voici le prix que nous fixons; M. le
propriétaire, si vous voulez vendre, vous vendez à ce
prix-là et si cela ne fait pas votre affaire, cela continue à
être un immeuble de logements locatifs.
Le projet que nous avons devant nous ne comporte pas ces
mesures-là. Il ne comporte que des mesures juridiques. Nous aimerions
bien, comme le gouvernement, que tout le monde soit propriétaire de son
logement. Nous aimerions bien qu'il n'y ait pas de locataire, pour être
bien francs, parce que nous ne sommes pas tellement de chauds partisans du
logement privé. Mais il faut regarder la réalité telle
qu'elle est. Tout le problème qu'il y a dans la conversion des logements
locatifs en copropriété divise ou indivise réside dans le
passage de l'état de locataire à celui de propriétaire. Si
on avait une baguette magique et qu'on pouvait dire: Ping! tout le monde
devient propriétaire, ce serait parfait; on serait pour le moratoire. Le
problème, c'est que ce n'est pas ainsi que les choses se passent. Avec
le projet que nous avons devant nous, on ne contrôle pas le prix de vente
des immeubles et on laisse s'exercer le jeu du libre marché. Les prix
des logements vont nécessairement augmenter, les prix des logements qui
ont été payés 25 000 $. C'est à peu près le
prix moyen, dans Côte-des-Neiges à l'heure actuelle, pour un
logement qui est acheté par un propriétaire.
Essayons de regarder certains scénarios. Nous savons que, en ce
moment, des logements qui ont été rénovés
illégalement ou légalement dans Côte-des-Neiges se vendent
85 000 $. Les logements de la place Decelles, par exemple, se vendent, cet
été,
85 000 $. Supposons qu'on lève le moratoire et que des
propriétaires vendent des logements rénovés à ces
prix-là. En supposant un comptant de 10 % - sur 85 000 $, on donne un
comptant de 8500 $ - cela prendrait un revenu de 44 000 $ pour acheter un
logement de 85 000 $ et en consacrant 30 % de 3on revenu. Donc, il faudrait
avoir un revenu familial de 44 000 $, consacrer 30 % de son revenu pour acheter
un logement de 85 000 $ en donnant un comptant de 10 %. Cela fait un loyer de
1100 $ par mois.
Ce sont des chiffres approximatifs, mais qui sont assez proches, nous
pensons, de la réalité. Si les logements sont vendus tels quels,
nous avons imaginé l'hypothèse de 60 000 $. Vous allez nous dire
que c'est un chiffre arbitraire. C'est vrai, c'est un peu un chiffre
arbitraire, mais nous avons essayé de mettre un chiffre qui se rapproche
- en tout cas, selon nous - de ce qui se produirait si le moratoire
était levé. Nous pensons que les gens qui rénovent des
logements et qui les vendent, en ce moment - en tout cas, c'est notre
impression - font un profit d'environ 30 000 $ sur un logement. Donc, pour un
logement qui aurait été payé 25 000 $ ou 30 000 $ et qui
serait revendu tel quel, le propriétaire aurait tendance à
chercher à peu près le même taux de profit. Donc, il serait
vendu autour de 60 000 $.
Si un logement se vendait 60 000 $, cela voudrait dire un loyer de 870 $
par mois. Cela prend des revenus familiaux -toujours en supposant un comptant
de 10 % - de 35 000 $ par année et, dans ce cas-là, on consacre
30 % de son revenu pour payer ce loyer. Si on veut consacrer seulement 25 % de
son revenu pour acheter ce logement de 60 000 $, on doit avoir un revenu de 42
000 $.
Quant aux chiffres que nous avons pour Côte-des-Neiges, nous
n'avons malheureusement pas réussi à en obtenir de très
détaillés pour tout le quartier, mais ceux que nous avons pu
obtenir nous viennent de la clientèle du CLSC, lequel couvre une partie
du territoire de Côte-des-Neiges. Ils nous disent que, en 1980, il y
avait 7,5 % des résidents de cette partie de Côte-des-Neiges qui
avaient des revenus supérieurs à 25 000 $. Donc, ce qui est clair
par cette démonstration que nous essayons de faire, c'est que pour cette
minorité de personnes, qui ont d'assez hauts revenus dans
Côte-des-Neiges et qui paient des loyers qui doivent se situer, en
général, entre 300 $ et 500 $ par mois, les loyers vont plus que
doubler, simplement pour qu'ils se mettent le chapeau de propriétaire
sur la tête.
Les maisons uni familiales, à cause du jeu du libre
marché, sont devenues inabordables. Tout le monde le sait. Nous ne
voyons pas de raisons pour que cela se passe de façon différente
dans le cas des condominiums. Supposons que vous décidez de lever le
moratoire malgré tout, en vous disant qu'il y a quand même une
minorité de locataires qui seront capables d'acheter, les
conséquences que nous voyons, pour la majorité des locataires -
nous les avons mentionnées dans notre mémoire - c'est que cela
créera une situation conflictuelle dans les immeubles parce qu'il y aura
deux catégories de personnes; c'est-à-dire qu'il y aura des
copropriétaires et des locataires qui auront des intérêts
radicalement opposés et ce sera la guerre à plus ou moins
brève échéance. Il y aura des hausses de loyer pour les
locataires qui seront dues à la hausse d'évaluation des
immeubles; il y aura perte de jouissance de la vie des locataires dans leur
logement avec tous ces travaux qui se feront, car nous nous attendons à
ce que beaucoup de rénovations se fassent.
Qu'est-ce que vaudront les mesures juridiques de protection contenues
dans le document du ministre? Il y a un certain nombre de trous qui ont
été mentionnés, tel que le fait que le seul locataire
protégé soit celui qui habite le logement au moment où il
y a déclaration en copropriété et que le locataire qui
vient subséquemment ne soit pas protégé; le fait que le
fardeau de la preuve repose sur les épaules du locataire dans le cas
où le propriétaire a fait des rénovations dans le but de
convertir plus tard et de se débarrasser de ses locataires.
Il y a une faille qui, à notre connaissance, n'a pas
été mentionnée et nous nous basons sur un cas auquel nous
faisons face présentement dans Côte-des-Neiges. Il y a une
méthode qui est utilisée par deux spécialistes de la
conversion illégale à Côte-des-Neiges et qui permet de
passer complètement à côté des mesures juridiques
contenues dans le mémoire du gouvernement. Alors, MM. Bertrand et
Langiais, qui ont converti des logements sur la place Decelles et ailleurs dans
le quartier, n'ont pas besoin d'envoyer d'avis d'intention de convertir, comme
cela serait prévu dans le document; ils n'ont pas besoin d'enregistrer
de déclaration de copropriété. Ils ne vendent pas des
logements, ils vendent des parts. Ceux qui achètent, ce sont des
actionnaires, ce ne sont pas des copropriétaires, ni divis, ni indivis.
Dans le contrat que Bertrand et Langiais signent avec les acheteurs, il y a une
clause qui donne, à ces acheteurs, le droit d'occupation d'un logement.
Donc, cela permet de passer complètement à côté des
mesures qui ont été prévues dans le mémoire et je
peux vous assurer que cela semble fonctionner très bien. Nous nous
attendons, donc, à ce que, si le moratoire est levé et que les
mesures contenues dans le document sont mises en place, ce système ae
généralise.
Est-ce que de vraies mesures de protection juridique sont possibles? Ce
que nous pensons, c'est que les spécialistes de la
conversion illégale vont certainement trouver le moyen de les
contourner. Nous n'avons pas essayé de toutes les imaginer, mais il y a
une chose qui nous semble claire, c'est que, si le moratoire est levé,
il faut, pour protéger les locataires, des mesures juridiques nombreuses
et complexes, et des mesures qui n'ont pas encore été
testées, dont l'efficacité est inconnue. Si le moratoire n'est
pas levé, les mesures de protection sont moins nombreuses. Comme nous
avons l'expérience du moratoire, comme celui-ci a été
testé, comme les expériences malheureuses pour vérifier sa
solidité ont été faites, nous connaissons les mesures
qu'il faut pour consolider ce moratoire. Les drames nécessaires à
la vérification de l'efficacité du moratoire ont
déjà été vécus. Les drames liés
à la levée du moratoire n'ont pas encore été
vécus. Lever le moratoire, c'est créer de nouveaux drames pour
vérifier. Maintenir le moratoire et le consolider, c'est, nous
l'espérons bien, mettre fin aux drames. Lever le moratoire, cela nous
semble bien plonger dans l'inconnu. Il nous semble bien aussi que ceux qui
feront les frais de cette nouvelle expérience malheureusement, ce ne
seront pas les députés de l'Assemblée nationale qui,
à moins que je ne me trompe, ne sont pas des locataires de quartiers
populaires.
Ce que nous demandons donc, c'est de maintenir et de consolider le
moratoire. Nous demandons aussi, comme nous l'avons expliqué dans notre
mémoire, plus d'argent pour les programmes de logements sociaux. Nous
vous faisons un appel. Nous profitons de cette occasion, de la commission
parlementaire, pour lancer un appel au gouvernement et aux élus pour
qu'ils attachent plus d'importance à l'habitation.
M. le ministre, vous nous avez dit hier que 90 000 000 $ sont
consacrés au logement social, cette année. Vous avez dit qu'il y
avait une limite à ce qu'on pouvait accorder pour le logement social,
mais je vous rappelle que le budget 1987-1988 pour la province de Québec
est de 30 000 000 000 $ et que les 90 000 000 $ représentent 0,3 %. Si
le gouvernement et tous les élus ici présents d'ailleurs
considéraient - et je termine - que l'habitation est une
priorité, je pense qu'ils feraient les efforts nécessaires pour
trouver l'argent qu'il faut. Il n'y a pas que les groupes-logements qui, par
les temps qui courent, disent que l'habitation est un secteur important et que
cela devient de plus en plus un problème. De plus en plus de groupes
sociaux de tous genres viennent dire qu'énormément de
problèmes sociaux sont liés au problème de l'habitation.
Merci.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, tout en répondant
à nos intervenants que le montant d'argent que le Québec
dépense annuellement dans l'habitation sociale, l'habitation pour les
personnes... est de 200 000 000 $ par année présentement, dont
environ 90 000 000 $ pour les HLM, mais il y a aussi tous les programmes
d'aide, Logirente et les programmes d'aide aux coopératives, etc., 200
000 000 $, c'est quand même plus que le montant que vous avez
cité...
M. Daigneau: Ce qui voudrait dire que nous sommes à peu
près, je dirais, à plus de 0,3 %, nous sommes peut-être
à 0,7 % environ.
M. Bourbeau: II faut tout de même penser que le service de
la dette prend une bonne partie du budget du Québec et il y a d'autres
dépenses comme cela, absolument incompressibles. La marge de manoeuvre
du gouvernement est quand même assez limitée.
M. Daigneau: Nous pensons que des points ont été
soulevés depuis lundi et ils nécessiteraient peut-être un
peu d'examen. Le problème de la spéculation que nous n'avons pas
abordé est un problème important. S'il y avait moyen
d'établir une sorte d'impôt sur la spéculation, il y aurait
moyen d'aller chercher des sommes d'argent qui aideraient peut-être
à construire du logement social. Je ne pense pas seulement aux HLM, je
pense aux coopératives aussi. Si on coupait un peu dans les subventions
à l'entreprise privée, si on revoyait la fiscalité des
entreprises, je ne sais pas, si on allait peut-être chercher de l'argent
dans des programmes qui sont peut-être moins prioritaires que
l'habitation... Si on accorde de l'importance à l'habitation, on va la
mettre plus haut dans l'échelle des priorités. Vous êtes
les élus qui devez examiner tout cela. (15 h 30)
M. Bourbeau: Concernant ce sujet, d'abord l'habitation sociale,
le budget de la SHQ est de 350 000 000 $ par année au Québec. Il
y a 150 000 000 $ qui viennent du fédéral; c'est
dépensé par le Québec mais ce sont des fonds
fédéraux et 200 000 000 $ des fonds québécois.
Donc, 350 000 000 $ par année, c'est le montant global
dépensé en habitation: HLM et tous les autres programmes.
Pour ce qui est de ce dont vous parlez, les abris fiscaux etc., vous
savez que la réforme fiscale du gouvernement fédéral
annoncée met un sérieux frein aux abris fiscaux. Le gouvernement
du Québec a annoncé son intention de s'aligner un peu sur la
réforme du gouvernement fédéral. Je ne peux pas
préjuger des décisions du ministre des Finances. Je pense qu'on
s'oriente dans la direction dont vous parlez. M. le
Président, je n'avais pas l'intention d'être
l'interlocuteur. C'est le député de Nicolet qui devait poser des
questions. Je ne sais pas si vous voulez respecter l'alternance. Je laisse cela
à votre convenance.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Nicolet.
M. Richard: Merci, M. le Président. M. Daigneau, à
la lecture de votre mémoire, j'aurais le goût de vous demander
pourquoi on devrait amender la Loi sur la Régie du logement pour les
travaux majeurs. On s'aperçoit qu'à la suite de vos commentaires
on acquiert presque la certitude qu'aucune mesure ne peut vraiment être
efficace. On sous-tend dans le document que le locataire, de toute
façon, ne se défendra pas et à l'instant où on lui
annoncera des travaux majeurs, il va tout simplement sacrer son camp, par
intimidation ou volontairement un peu, à l'instant où on va lui
indiquer la porte. Avec ce que vous appeliez tout à l'heure votre
baguette magique qui fait "ping", de quelle façon vous
suggéreriez au gouvernement, au législateur de remplir les trous
qui existent actuellement dans la loi.
M. Daigneau: II y a trois points dans notre document. À la
page 9, nous proposons, premièrement, de modifier l'article 1 de la loi,
de l'amender pour empêcher que les propriétaires obtiennent un
jugement déclaratoire qui leur permettra de soustraire leur logement
à la loi 107. Mais si j'ai bien compris, M. Bourbeau a l'intention de
remédier à ce problème. Il y a une provision à cet
effet. Elle n'est pas tout à fait claire dans le document, mais ce
problème va être couvert. Le deuxième problème est
relativement facile à couvrir. Il s'agit d'étendre la protection
qui existe pour les cinq logements et plus, qui est dans l'article 136.1. Cet
article a été voté au mois de juin 1981, si je me souviens
bien, à la suite de pressions des locataires d'Outremont, sur la rue
Bernard, qui étaient en train de perdre leur logement parce que des
copropriétaires s'apprêtaient à utiliser la voie de
l'indivision pour mettre tout le monde dehors.
M. Fortier: II y a eu des représentations du
député de Mont-Royal et du député d'Outremont.
M. Daigneau: Cela me fait bien plaisir. Alors, évidemment
c'est une chose que nous avons appréciée beaucoup dans
Côte-des-Neiges, car Côte-des-Neiges est un quartier de logements
multiples et d'immeubles qui ont plus que cinq logements. Le malheur, c'est que
les immeubles de quatre logements et moins n'ont pas
bénéficié de cette protection. C'est le Parti
québécois qui était au gouvernement dans ce
temps-là, ils n'ont pas jugé bon... Alors, ce qui arrive dans le
Plateau-Mont-Royal et dans le centre-sud, c'est dû au fait que l'article
136.1 se limite aux immeubles de cinq logements et plus. Le troisième
point, selon nous, est le plus important parce que c'est le plus litigieux et
le plus difficile à circonscrire. Ce qui est ici est basé sur
l'expérience que nous avons eue. Si la plupart des locataires, à
l'heure actuelle, partent quand ils reçoivent un avis en vertu de
l'article 1653 et, quand ils savent pertinemment qu'ils font face à des
convertisseurs, c'est qu'ils voient ce qui va s'en venir la plupart du temps.
Ils pensent qu'ils n'ont pas de chance de gagner leur point. Je pense qu'ils
ont même raison, malheureusement, de le penser. Si je prends le cas de
Bertrand et Langlais, de façon plus particulière, ils ont
envoyé leurs avis au mois de décembre aux locataires, quelques
jours avant Noël. Alors, évidemment ils ont pu ronger cela pendant
le temps des fêtes et l'audition avait lieu, tout de suite après
les fêtes le 8 janvier. Le 8 janvier, sur quinze logements, si ma
mémoire est bonne, huit ou neuf ont signé une résiliation
de leurs baux. À cette époque, cinq locataires avaient
décidé de tenir bon et de se battre. Alors, nous avons
essayé de faire un certain nombre de choses. Entre autres, la
première chose que nous avons faite, nous sommes allés rencontrer
M. Fortier à son bureau avec les locataires qui avaient
décidé de rester dans l'immeuble; il y avait aussi un autre
locataire d'un autre immeuble et deux conseillers municipaux du quartier. Nous
avons demandé à M. Fortier de parler à ces deux
propriétaires pour leur dire que ce qu'ils faisaient allait contre le
sens de la loi et que ce n'était pas acceptable. M. Fortier a
accepté, il a convoqué l'un de ces messieurs à son bureau
et lui a dit qu'il n'était pas d'accord avec ce qu'ils faisaient. Ces
messieurs en question ont invité M. Fortier et son adjoint politique,
Marc Saint-Pierre, à aller visiter les immeubles. Ils ont
expliqué à M. Fortier tout leur système, comment ils
fonctionnaient. M. Fortier leur a répété que ce qu'ils
faisaient était dans le sens contraire de la loi. Cela ne les a
absolument pas dérangés. Alors, on a continué.
Évidemment, les locataires qui restaient ont éventuellement eu
droit à une audition devant la Régie du logement; nous avons
essayé de mettre sur le dossier l'un des meilleurs avocats à
Montréal, spécialisés dans le domaine du logement; nous
avons réussi à gagner du temps dans une première
démarche. L'avocat a attaqué l'avis des propriétaires sur
des technicités. Finalement, après un certain nombre de mois, les
propriétaires ont jugé qu'ils allaient perdre leur cause, ils ont
envoyé un nouvel avis. De nouveau il y a eu audition au mois de juillet
et la décision rendue la semaine dernière accorde aux
propriétaires le droit d'évincer
les locataires pour faire les rénovations même s'ils sont
en train de faire des condos. Cela ne les a pas empêchés tout
l'été de vendre leurs condominiums, de les annoncer dans les
journaux et de faire des "open houses" les dimanches et peut-être
même les samedis après-midi aussi, d'ailleurs.
Face à cela, dans le contexte actuel, comment voulez-vous que les
locataires... parce que ceux qui sont restés, les trois qui restent, ce
sont les trois coriaces, et ils ont subi des travaux de rénovations, du
"bing-bang" depuis le 1er mai. Nous avons dû y aller à un moment
donné, j'ai dû appeler le responsable des inspecteurs des
bâtiments de la ville et me rendre dans le bâtiment avec les
inspecteurs de la ville pour essayer un peu de ralentir, à la suite de
certaines choses qui se passaient. Que voulez-vous? C'est impossible. C'est un
bulldozer, cet article-là. Comment voulez-vous que les locataires moins
résistants que ces trois locataires-là puissent résister
à une pareille affaire?
Il faut modifier l'article 1653, c'est l'article le plus
dévastateur qu'il y a dans la loi. Nous, nous proposons qu'il ne
s'applique qu'aux seuls cas où c'est vraiment nécessaire, aux
seuls cas extrêmes, de la même façon que le recours du
déguerpissement et le recours de l'ordonnance. Par exemple l'article
1656.3, ne s'applique que dans les cas extrêmes, c'est-à-dire dans
les cas où il y a un danger pour la santé et la
sécurité du locataire. Ce n'est pas possible d'aller chercher une
ordonnance à la Régie du logement quand il n'y a pas un danger
pour la santé et la sécurité du locataire, ni de
déguerpir quand il n'y a pas un danger pour la santé et la
sécurité du locataire. Pourquoi n'en serait-il pas ainsi pour les
travaux majeurs?
Quand le locataire loue un logement de 400 $, il le fait parce qu'il a
un certain revenu. Compte tenu de son revenu, c'est ce qu'il peut se payer. Il
ne veut pas se retrouver avec un logement qui va lui coûter le double en
cours de bail. Il ne demande pas un logement rénové, il demande
un logement en assez bon état, un logement réparé, mais il
ne demande pas un logement rénové. Alors, il nous semble injuste
qu'on rénove des logements tout à coup, en plein milieu des baux,
sans qu'il n'y ait une véritable nécessité. Qu'est-ce qui
va être le véritable critère de nécessité,
sinon la protection de la santé et de la sécurité des
locataires? Cela prend un principe directeur pour choisir, pour décider
si les travaux de réparation sont nécessaires. Ce pourrait
être la beauté du logement, ce pourrait être
l'ancienneté du logement, préserver le caractère
historique, préserver la beauté. Nous pensons que le
véritable principe directeur à retenir quand on décide si,
oui ou non, des travaux majeurs doivent se faire, c'est la
nécessité de protéger la santé et la
sécurité des locataires. Il faudrait évidemment le faire
de façon plus sérieuse et plus stricte que ce ne l'est
maintenant.
M. Richard: M. Daigneau, j'aurais une autre question. Avez-vous
pensé à l'impact sur la qualité des logements de
l'ensemble du bloc locatif si les propriétaires n'étaient
autorisés qu'à faire des travaux reliés, comme vous le
dites, à une situation de santé ou de sécurité des
occupants.
M. Daigneau: Nous aurions à peu près la même
situation qu'actuellement. Il faut bien se dire que, lorsque les
propriétaires font des rénovations, à l'heure actuelle,
ils ne choisissent pas nécessairement, ni même la plupart du
temps, (es logements qui sont dans le plus mauvais état. Les logements
de la place Decelles sont parmi ceux qui sont dans le meilleur état dans
le quartier. Ils ne vont pas aller faire des rénovations sur la rue
Barclay. Ils savent bien que ce n'est pas intéressant, qu'ils
n'attireront pas la clientèle qu'ils veulent avoir sur la rue Barclay,
ni sur la rue Mountain Sights; ils vont aller les faire dans les logements qui
sont en meilleur état. Donc, si le reste de la loi 107 n'est pas
changé, nous allons avoir exactement la même situation
qu'actuellement. Je ne dis pas qu'en modifiant l'article 1653, on règle
tous les problèmes de logement, certainement pas. Il faut aussi modifier
d'autres choses dans la loi.
Vous savez, il faudrait un code du logement dans la province. Il devait
y en avoir un. Le ministre Tardif l'avait promis. Il a
répété, à plusieurs reprises, qu'il allait venir.
Il n'est jamais venu. On l'attend toujours. Il y a un Code du logement à
Montréal; malheureusement, il est encore très mal appliqué
et nous espérons que la ville, éventuellement, se mettra à
l'appliquer d'une façon plus sévère que cela ne l'est
à l'heure actuelle. Mais il n'y en a pas au plan provincial. Cela
prendrait un code du logement.
Le fait qu'on limite les rénovations aux cas de protection de
santé et de sécurité des locataires n'empêche pas
les autres articles de s'appliquer, c'est-à-dire les articles où
il est prévu de déposer son loyer; l'ordonnance, par exemple,
continuerait à s'appliquer. Le locataire pourrait lui-même faire
les démarches qui s'imposent. Il est possible que, dans certains cas,
des logements nécessitent des rénovations majeures sur certains
points et que le propriétaire ne veuille pas les faire; il y a l'article
1656.3 qui permet de les faire, mais il faudrait, encore là, y apporter
des modifications. On ne s'embarquera pas là-dedans, maintenant; on y
passerait l'après-midi.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M.
le député de Shefford.
M. Paré: Merci, M. le Président. Eh bien! moi
aussi, je vous souhaite la bienvenue. Tantôt, vous avez commencé
votre intervention en disant que vous alliez répéter des choses
qui ont été dites par plusieurs groupes. Vous en avez
ajouté, je dois vous le dire, mais je trouve important que vous soyez
ici, tout comme le groupe Genesis qui vous a précédés,
afin que tous les députés, sans exception, se sentent
concernés par le dossier qui est présentement en discussion
à l'Assemblée nationale.
Au début, il semblait toujours qu'on avait un seul exemple ou un
seul quartier qui était touché et on pariait toujours de
Plateau-Mont-Royal. Là, on se rend compte, avec les deux derniers
groupes qui viennent de faire des présentations, que c'est toute
l'agglomération de Montréal qui est touchée par cela et
qui risque d'être pénalisée. Cela est parti de
Rivière-des-Prairies et on a passé partout, tout autour de chez
vous; hier soir, on était dans Notre-Dame-de-Grâce, Westmount,
Mont-Royal et, aujourd'hui, Côte-des-Neiges. Effectivement, je pense
qu'il n'y a personne qui puisse dire qu'il n'est pas concerné par ce qui
se passe dans son coin, en tout cas dans la grande région de
Montréal. C'est la première des choses que je voulais vous
dire.
Ce qui est important, ce sont les chiffres que vous donnez. Vous faites
des calculs qu'on ne retrouve pas dans la proposition gouvernementale. C'est
beau d'avoir un objectif, qui est l'accès à la
propriété pour les gens à revenus moyens. Vous êtes
très conservateur, je dois dire, et je suis content que vous ayez pris
un montant de 40 000 $ comme montant d'achat d'une maison; cela me permet de
relier votre intervention à celle de deux autres qui vous ont
précédés et de vous montrer à quel point, tout
comme le disait l'Association des propriétaires du Québec, avec
le projet de loi tel qu'exprimé présentement, on atteindra
exactement les résultats contraires de ceux visés, justement
parce que ce n'est pas faisable d'accéder nécessairement à
la propriété avec les montants que vous nous avez
présentés: en parlant de 40 000 $, combien cela pourrait
coûter d'augmentation à un citoyen locataire pour devenir
propriétaire? (15 h 45)
Très rapidement, juste pour vous dire que l'Association des
propriétaires du Québec a fait le calcul suivant, par exemple,
pour un locataire, qui voudrait acheter son appartement à 40 000 $, sans
tenir compte d'un prix spéculatif. Avec un immeuble qui vaut 40 000 $,
cela voudrait dire 645 20 $ par mois pour qu'il soit capable de rembourser les
mensualités. Je ne suis pas sûr que la majorité des gens de
Montréal soient capables de payer cela. Il y avait aussi l'Association
de l'immeuble du Québec qui avait fait un calcul pas mal extraordinaire
pour nous dire, aussi, que ce serait plus payant de devenir
propriétaire. Je pense que personne ne doute des effets
bénéfiques de la propriété. Par contre, dans les
calculs, on se rend compte d'une augmentation passablement considérable.
On parle de plus de 410 $ par mois. Sauf que, dans les débats, on s'est
aperçu qu'on n'avait pas inclus dans cela la spéculation, on
n'avait pas inclus les montants de rénovation. On s'est fait dire ce
matin par l'Association des propriétaires du Québec que la
rénovation, dans les coins centraux de Montréal, c'est
l'équivalent en 20 ans de l'achat de la maison. Cela vient grossir
passablement. Cela ne tient pas compte du capital de 10 % qu'on investit, plus
les intérêts sur cela. Cela ne tient pas compte de l'entretien.
À mon avis, on revient à peu près à 645 $ ou 650 $
par mois. Donc, en ce qui concerne l'accès à la
propriété par la levée du moratoire, les chiffres des deux
associations, que je viens de vous énumérer, plus ce que vous
êtes en train de dire par les calculs que vous avez faits, sont en train
de prouver qu'on passe à côté de l'objectif qu'on s'est
fixé. Il faut trouver d'autres façons, à mon avis.
J'aurais une première question. Vous dites que votre association
existe depuis seize ans et que vous avez des membres, mais que vous vous
adressez à la population en général par des
réunions que vous faites les mercredis. Est-ce que vous avez tenu des
réunions dernièrement concernant justement la proposition qui est
sur la table aujourd'hui et qu'est-ce que la population en
général en pense?
M. Daigneau: Nous n'avons pas tenu des réunions de la
population en général. Nous avons fait une assemblée
générale, si je me souviens bien, le 29 juin. Donc, cela ne fait
pas tellement longtemps. C'était une assemblée
générale de nos membres qui se sont tous - ceux qui
étaient présents -prononcés contre la levée du
moratoire. Je peux vous dire que c'est un sujet dont nous avons discuté
depuis longtemps avec les résidents de Côte-des-Neiges. Je n'ai
jamais rencontré un seul locataire qui était d'accord avec cette
idée.
M. Paré: D'autres arguments ont été
apportés par plusieurs groupes, peu importe qu'on soit pour ou contre la
levée du moratoire. Il y a une crainte: Comment cela peut-il être
vivable? Avez-vous imaginé le mode de cohabitation à
l'intérieur d'un édifice de 5, 10, 15 ou 20 appartements
où il y aurait des gens propriétaires, copropriétaires,
locataires du copropriétaire ou du propriétaire, locataires avec
un droit
de maintien dans les lieux ou non? Comment voyez-vous cela?
M. Daigneau: J'ai envie de laisser la parole à Mme Nouen
qui justement est une locataire sur la rue Édouard-Montpetit dans un
immeuble qui a été converti en copropriété indivise
et donc, les cinq autres personnes sont copropriétaires. Si vous voulez
un peu raconter.
Mme Nouen: Oui, je suis locataire depuis six ans d'un immeuble de
3ix appartements qui a été converti en copropriété
indivise. Je suis la seule locataire présentement. Bon, c'est difficile.
Par exemple, ils font des réparations de toiture, etc. Je passe
régulièrement à la Régie du logement pour
l'augmentation de loyer qui est pas mal importante. Comme cette année,
mon propriétaire voudrait passer de 413 $ à 433 $. Alors, on va
aller à la Régie du logement. Je lui ai dit: Vous n'aurez pas ce
prix. Il me dit: Ah! vous savez, je ne serai pas loin. Et, c'est vrai, parce
que l'année dernière il demandait 25 $ d'augmentation, il en a eu
23 $. Alors! En tout cas, moi, je garde mon optimisme, toujours.
M. Daigneau: Je peux vous mentionner, en plus de cela, que Mme
Nouen s'est fait offrir d'acheter le logement. À combien?
Mme Nouen: À 85 000 $.
M. Daigneau: À 85 000 $.
Mme Nouen: Ce qui est cher.
M. Daigneau: Non rénové.
Mme Nouen: Non rénové. Pas du tout.
M. Daigneau: Je peux vous dire que dans les immeubles qui ont
été convertis par Bertrand et Langlais il y a un immeuble,
semble-t-il, où il reste encore trois locataires. Il semble bien que
c'est la guerre ou presque, c'est-à-dire que tous les
copropriétaires se sont ligués contre les trois locataires qui
restent pour essayer de les faire partir. D'ailleurs, ce n'est pas
intéressant de conserver des locataires dans l'immeuble. C'est pour cela
que la pression est si forte sur les locataires qui restent, par exemple, sur
la place Decelles. C'est qu'évidemment les propriétaires, avec
les trois locataires qui restent, s'ils demeurent locataires... même
s'ils rénovent leur logement, ils ne feront pas autant d'argent que
s'ils vendent le logement. Les copropriétaires ne sont habituellement
pas intéressés à avoir les locataires dans l'immeuble
parce qu'ils savent qu'ils ne partageront pas les dépenses avec eux.
Une voix: ...
M. Daigneau: Ah bon! Vous me dites qu'il a proposé 65 000
$ et il a refusé.
Mme Nouen: II m'a proposé 85 000 $, j'ai proposé 65
000 $ et il a refusé, bien sûr.
M. Daigneau: Nous pensons que cela va créer une situation
conflictuelle, c'est certain; cela va être invivable dans ces immeubles,
la plupart du temps.
M. Paré: Donc, par votre exemple, vous êtes en train
de confirmer deux choses qui ont été soulignées par
plusieurs groupes: La première, c'est que même si une personne
demeure locataire, elle va devoir absorber une partie importante des
coûts reliés aux transformations, aux rénovations
votées, acceptées par une majorité des nouveaux
copropriétaires, même si cela ne touche pas votre appartement.
Deuxième constatation par l'expérience vécue, c'est
qu'effectivement cela va faire augmenter considérablement les prix
puisque l'appartement, pour un loyer de quelque 400 $ par mois - près de
400 $ - cela va être l'équivalent d'un achat de 80 000 $ dans
votre secteur.
M. Daigneau: Cela a des chances, oui. Nous, le chiffre de 60 000
$, nous l'avons mis arbitrairement en nous disant que, peut-être, ils
offrent 85 000 $. Dans son cas, cela va bien, le moratoire n'est pas encore
levé. Si on lève le moratoire, peut-être que les prix vont
baisser un peu, mais je ne pense pas qu'ils baissent beaucoup plus bas que 60
000 $.
M. Paré: Vous avez dit, tantôt, dans votre
présentation, que vous constatez que, dans la proposition
gouvernementale, des mesures juridiques sont apportées, mais qu'il n'y a
pas de programme de mesures financières. La mesure financière
dont vous avez parlé tantôt...
M. Daigneau: Je parlais d'un contrôle des prix.
M. Paré: Oui, un contrôle des prix, qui est une
mesure financière si on veut.
M. Daigneau: Des prix de vente.
M. Paré: Que le gouvernement ou la régie ou une
autre instance que le propriétaire et le libre marché fixent des
prix, je dois vous dire que c'est une mesure, à mon avis, qui n'est pas
applicable - je vous le dis, je réfléchis tout haut - en tout cas
difficilement. Tout en étant pour la libre entreprise, mais avec des
contrôles, des
mesures sociales et des programmes d'aide, d'accord; mais laisser une
instance, une tierce partie fixer des prix entre acheteur et vendeur... Est-ce
qu'il n'est pas plus facilement applicable et acceptable pour les locataires de
maintenir le moratoire et de l'appliquer effectivement, plutôt qu'une
proposition semblable, laquelle, à mon avis, est plus une
ingérence directe du gouvernement dans la propriété
privée?
M. Daigneau: Cet exemple-là avait été
apporté uniquement pour démontrer que le projet, tel qu'il est
présenté, n'est pas viable. Nous savons que ce n'est pas
l'intention du gouvernement de proposer une mesure de contrôle des prix
de vente, mais nous en avons parlé pour essayer de faire comprendre que
c'est ce que cela prendrait si on voulait lever le moratoire, sans causer des
problèmes sociaux et économiques importants.
M. Paré: Malheureusement, je ne pourrai pas vous poser
d'autres questions. On me dit qu'il me reste moins de deux minutes. Je vais
juste vous dire que je considère comme vous que, tel que proposé
là, cela va être intenable et on en a une preuve vivante ici.
C'est qu'effectivement, si le programme concernant la fixation du prix de vente
n'est pas applicable, les mesures juridiques proposées sont très
facilement contournables - vous en êtes très certainement
conscients - par l'augmentation des prix du loyer, par les taxes, les
rénovations, les frais de transformation, par le harcèlement qui
va certainement se faire en offrant aux gens d'acheter le droit de
départ, par les pressions - je dois dire que je viens d'ajouter cela
parce qu'on n'avait pas discuté de cela et vous êtes les derniers
à être entendus à Montréal - exercées chez
les gens qui vont essayer de demeurer dans les lieux. Selon les derniers
chiffres publiés par Bell Canada, il y a eu 100 000
déménagements à Montréal cette année. 100
000 déménagements, cela veut dires Qu'est-ce qui arrive avec
cette protection du maintien dans les lieux quand on va perdre 100 000
protections par année. Finalement, c'est tout simplement une
théorie, une illusion, quelque chose qui n'est pas applicable et qui ne
donne pas de protection. Je vous remercie.
Le Président (M. Rochefort): Merci, M. le
député de Shefford. Brièvement, M. le ministre, le mot de
la fin.
M. Bourbeau: Oui. Les intervenants dans le présent dossier
nous ont fait une description éloquente des aberrations qui peuvent se
produire sur le terrain avec la loi telle qu'elle existe présentement.
Nous savons que la loi est contournée, que le moratoire est
contourné et que des évictions sauvages ont lieu. Tout -cela se
fait dans le régime actuel avec la loi 107 telle qu'elle existe depuis
plusieurs années, et elle n'a pas été corrigée, je
dois dire, pendant plusieurs années. J'espère que le
député de Shefford va profiter de son dernier tour de piste pour
faire amende honorable au nom de sa formation politique de ne pas avoir pris le
temps, au cours des neuf années qu'ils ont été là,
d'apporter des corrections à cela. Je le dis parce qu'on tente de donner
l'impression que le gouvernement libéral est responsable de cette
situation. Nous sommes là depuis quelques mois. Nous faisons Le tour du
jardin et nous prenons connaissance des problèmes. C'est le but de cette
commission-ci. Nous atteignons notre but, je dois le dire. J'ai
déjà annoncé mon intention de soumettre, au Conseil des
ministres et à l'Assemblée nationale, des modifications à
l'automne pour tenter de pallier le problème que vous avez
décrit.
En ce qui concerne l'autre aspect de la levée du moratoire et de
la possible accession à la propriété, je constate que les
problèmes ne sont pas les mêmes partout. Les personnes
âgées n'ont pas les mêmes problèmes que les jeunes;
les personnes à revenu moyen et élevé n'ont pas les
mêmes problèmes que les personnes à revenu modeste; la
Ville de Montréal n'a pas les mêmes problèmes que les
régions du Québec. Bref, le Québec est diversifié
dans ce dossier comme toujours d'ailleurs. Il est bien évident que les
solutions que nous devrons apporter à ce problème ne pourront pas
être la solution rnur-à-mur, qui serait la même partout.
Nous allons tenir compte des disparités, devrais-je dire, des
sociétés distinctes que l'on rencontre un peu partout dans le
Québec. Nous aurons certainement des mesures qui feront en sorte
d'affronter les problèmes tels qu'ils existent et où ils sont. Je
peux vous assurer que c'est notre intention d'apporter des correctifs à
ces problèmes dès l'automne qui vient. Je vous remercie.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Shefford, brièvement.
M. Paré: Oui, très brièvement pour vous
remercier de la présentation de votre mémoire. Il est
évident qu'on va en tenir compte parce qu'il y a des
éléments très importants dans cela. Juste pour vous dire,
M. le ministre, qu'une consultation sur le livre vert Se loger au Québec
demandait une table de concertation qui aurait dû être mise sur
pied avant une proposition comme celle-là. Elle aurait certainement
été de meilleure qualité. Ce que nous
dénonçons, c'est l'effet que vous ayez créé par une
annonce prématurée, il y a plus d'une année, qui a fait en
3orte d'accentuer les problèmes. Nous avons des recommandations. Nous
vous l'avons dit au début de la commission, et, à
mon avis, cela se confirme. Ce qui est important, c'est une politique
globale d'habitation parce que cela est trop fondamental pour être
traité à la pièce. En attendant, qu'on corrige
immédiatement les lacunes qui nous ont été bien
identifiées par les gens du milieu qui sont venus. Ils nous ont fait des
recommandations. Au mois d'octobre, on est prêt à régler
cela. Un, deux, trois, la même journée en ce qui concerne les
correctifs, une politique globale et, la levée du moratoire, ce sera
seulement un argument parmi les autres.
Une voix: ...un filibuster. M. Paré: Ça
dépend...
Le Président (M. Rochefort): Merci. Vous me permettez
messieurs. Nous allons permettre au groupe devant nous de conclure à son
tour. M. Daigneau.
M. Daigneau: Oui. Je voudrais simplement préciser...
Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous
plaît! M. Daigneau.
M. Daigneau: ...qu'à la suite de ce que M. Bourbeau vient
de dire qu'il y a longtemps que nous travaillons dans le domaine du logement.
Nous n'avons pas perdu la mémoire. Nous savons fort bien qui a
voté la loi 107. Nous nous souvenons très bien, parce que nous
sommes allés à la commission parlementaire en 1979, qui a
précédé l'adoption de la loi 107. Depuis ce temps, nous
avons fait de très nombreuses demandes au gouvernement du Parti
québécois pour modifier la loi. Nous sommes conscients que le
gouvernement du Parti québécois n'a jamais voulu modifier la loi
107. Alors, nous savons très bien qui est responsable de quoi. Nous ne
blâmons pas le gouvernement libéral de tous les maux qui se
produisent présentement. Dans le livre vert à la page 105, qui a
été rendu public au mois de novembre 1984, si je me souviens
bien, par M. Tardif, il était question d'un projet de levée du
moratoire, qui ressemblait beaucoup au projet présenté par M.
Bourbeau. Ce que nous pensons, c'est que si vous étiez toujours au
pouvoir vous auriez probablement présenté à peu
près le même projet que celui qui est mis sur la table. Le dossier
serait venu sur la table pour fins de discussion.
Ce que nous vouions dire par là, c'est que nous ne pensons pas
que les libéraux ou le parti québécois sont des
méchants ou des bons. Nous disons que ce projet-là n'est pas bon
et nous ne croyons pas qu'il y a seulement le gouvernement libéral qui a
pensé à présenter ce projet-là. Le parti
québécois y avait pensé aussi. Nous demandons à
tous d'y réfléchir et de tirer des conclusions, à la suite
des auditions qui ont été tenues ici.
Je ne veux pas être ennuyeux avec l'opposition qui se trouve, en
ce moment nos alliés objectifs, mais nous ne sommes pas devenus
amnésiques.
Le Président (M. Rochefort): Je vous remercie de votre
participation à nos travaux. Sur ce, je voudrais rappeler aux membres de
la commission que nos travaux se transportent à Québec demain.
Nous nous retrouvons à 10 h 00 demain matin à la salle du Conseil
législatif pour cette dernière journée de consultation
générale. Avant de mettre fin à nos travaux, j'aimerais
rappeler aux membres permanents de la commission de l'aménagement et des
équipements, que nous devons nous retrouver immédiatement
à la salle qui est tout juste derrière nous, au Salon des Pins 2,
pour une séance de travail d'organisation d'une prochaine consultation
que nous devrons mener sur le livre 2 de la réforme des lois
municipales.
Sur ce, je suspends nos travaux à demain matin, 10 heures,
à Québec.
(Fin de la séance à 16 h 2)