To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Committee Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the Committee on Planning and Infrastructures

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the Committee on Planning and Infrastructures

Version finale

33rd Legislature, 1st Session
(December 16, 1985 au March 8, 1988)

Friday, August 21, 1987 - Vol. 29 N° 84

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale portant sur la levée du moratoire sur la conversion des immeubles locatifs en copropriété divise


Journal des débats

 

(Dix heures douze minutes)

Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission de l'aménagement et des équipements arrive à Québec pour compléter son mandat de consultation générale portant sur la levée du moratoire sur la conversion des immeubles locatifs en copropriété divise. Il s'agit de notre dernière journée de consultation et, avant d'amorcer l'audition des groupes, j'aimerais demander au secrétaire de la commission s'il y a des modifications quant à la composition de la commission pour sa dernière séance.

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Pour cette séance, M. Gauvin (Montmagny-L'Iïslet) sera remplacé par M. Leclerc (Taschereau). Tous les autres remplacements temporaires se poursuivent.

Le Président (M. Rochefort): Ils sont maintenus?

Le Secrétaire: Oui.

Le Président (M. Rochefort): Cela va.

Je vois que le premier groupe invité, c'est-à-dire les représentants de la ville de Québec, est déjà installé à la table des témoins et, sans plus tarder, je veux vous souhaiter la bienvenue et je vous demanderais, pour l'information des membres de la commission de même que pour le Journal des débats, de vous présenter et, par la suite, de prendre une quinzaine de minutes pour nous faire la présentation de votre mémoire, en vous rappelant que les membres de la commission ont déjà reçu et lu votre mémoire et que nous souhaiterions conserver une part de temps pour permettre des discussions entre les membres de la commission et chacun d'entre vous.

Ville de Québec

M. Vézina (Yvon): Merci, M. le Président. Pour faire suite à votre demande, je me présente immédiatement. Je m'appelle Yvon Vézina. Je suis conseiller municipal à la ville de Québec et membre du comité exécutif. Il me fait plaisir également de vous présenter mes collègues qui m'accompagnent ce matin. À ma gauche, M. Gilles Gagnon qui est également conseiller municipal, membre du comité exécutif de la ville de Québec et membre de la Commission d'urbanisme de la ville de Québec. À mon extrême gauche, M. Jean-Paul Bourret, directeur général adjoint à notre ville et, à ma droite, M. Benoît Beaulieu, un expert du service d'urbanisme et plus spécifiquement affecté à la division de l'habitation.

Bonjour à vous, M. le ministre, ainsi qu'à vous tous, mesdames et messieurs, membres de la commission de l'aménagement et des équipements. Mes collègues et moi-même sommes heureux d'avoir été invités à vous faire part du point de vue de la ville de Québec concernant la levée du moratoire sur la conversion des immeubles locatifs en copropriété divise. Dans l'exposé qui va suivre, nous allons reprendre l'essentiel des commentaires formulés dans le mémoire que nous vous avons transmis dernièrement.

Examinons d'abord la situation de la ville de Québec. Comme la plupart des villes-centres, Québec possède un parc de logements locatifs assez élevé. En 1981, 71 % des 65 600 logements de Québec, soit 46 600, étaient occupés par un locataire. Dans l'ensemble de la région métropolitaine de Québec, ce pourcentage était de 49,5 %. Toutefois, dans un cas comme dans l'autre, ces taux étaient à la baisse.

À Québec, le parc de logements locatifs est concentré plus particulièrement dans les anciennes limites municipales, où l'on retrouve près de 88 % des logements de Québec occupés par un locataire, soit 41 000 logements.

D'autre part, le stock locatif de Québec comporte environ 7000 logements sociaux répartis de façon à peu près égale entre les logements coopératifs et sans but lucratif et les logements à loyer modique de type HLM. Cette partie des logements locatifs ne sera pas touchée par la levée du moratoire.

Ces quelques chiffres suffisent à démontrer toute l'importance que prend la levée du moratoire sur la conversion des immeubles locatifs en copropriété divise, pour les autorités de la ville, puisque cette levée pourrait toucher directement ou indirectement six ménages sur dix de la ville de Québec.

Cependant, ce ne sont pas tous les ménages locataires qui pourront avoir accès à la propriété de leur logement ou d'un autre logement converti.

Nous estimons que la clientèle potentielle susceptible de profiter de la conversion et ayant les moyens de le faire se situerait entre 3500 et 7700 ménages.

D'autre part, selon une étude citée en page 24 du document provincial, on estime à environ 5 % la proportion du stock locatif qui serait converti après cinq ans. Compte tenu du stock de logements locatifs de Québec en 1981 - les chiffres les plus récents que nous avons - auquel on soustrait le parc de logements sociaux, on estime, selon la même hypothèse, qu'environ 2000 logements pourraient être convertis dans les cinq années suivant la levée du moratoire.

Passons maintenant aux attentes municipales. Depuis plusieurs années, la ville de Québec a déployé de nombreux efforts en vue de revitaliser et revaloriser son centre-ville. Les résultats du recensement de 1986 sont venus valider ces efforts puisque, pour la première fois depuis 20 ans, la population du centre-ville de Québec a augmenté, passant de 20 913 en 1981 à 21 924 en 1986, soit une hausse de 4,8 %.

Si le gouvernement provincial perçoit avant tout la conversion comme une façon de faciliter l'accession à la propriété, nous, de la ville de Québec, y voyons aussi une mesure favorisant la régénérescence des quartiers, susceptible de venir appuyer les efforts déployés au cours des dernières années.

On peut relier à la conversion trois principaux avantages. Le premier est une diversification dans les modes de tenure, ce que la ville a toujours préconisé. Cette diversification augmente le choix des propriétés à prix abordable et, de ce fait, permet de retrouver, en milieu urbain, des conditions de vie et des coûts de logements concurrentiels avec ceux qu'offrent les logements de banlieue. Le deuxième avantage est une amélioration du climat général des quartiers. L'accession à la propriété favorise une plus grande implication des gens dans leurs conditions de logement, de même que dans leur milieu de vie, entraînant généralement une plus grande stabilité des ménages, laquelle se traduira souvent pas un meilleur équilibre socio-économique des quartiers. Finalement, le troisième avantage lié à la conversion est une augmentation de l'entretien et de la restauration des logements, lors de la prise en charge par les ménages de leurs conditions de logement. De plus, nous croyons que la conversion pourrait se révéler un moyen efficace d'effectuer la restauration de certains bâtiments qui, autrement, ne seraient pas rentables.

Face à ces considérations, la ville souhaite que la levée du moratoire permette à un nombre plus élevé de ménages de devenir propriétaires et ce, d'une manière beaucoup plus rapide qu'uniquement par la construction de condominiums neufs.

Elle souhaite également que la levée du moratoire entraîne une augmentation des travaux de restauration domiciliaire, principalement dans les cas où les formes actuelles de propriété ne permettent pas d'effectuer une restauration qui soit rentable.

Le dernier souhait municipal est que la levée du moratoire réduise les impacts négatifs de la conversion sur les locataires.

Nous allons vous faire part de nos commentaires sur les propositions gouvernementales. Bien que les attentes municipales énoncées précédemment aient été élaborées en considérant les avantages que peut apporter la conversion des immeubles locatifs en copropriété divise, la ville de Québec est consciente que la conversion comporte également son lot d'inconvénients. C'est pour les minimiser qu'elle est en accord avec les mesures restrictives énoncées dans le document gouvernemental. Entre autres, ces mesures devraient imprimer un rythme lent à la conversion et, ainsi, ne pas créer de pressions trop fortes sur le parc de logements locatifs.

Voyons d'abord les mesures visant à la protection des locataires. Au cours des derniers jours, plusieurs organismes se sont opposés à la levée du moratoire en invoquant le manque de protection accordé aux locataires. Toutefois, nous n'avons entendu ou lu, du moins dans les médias, au cours de la semaine, aucun commentaire de la part de ces organismes sur le droit au maintien dans les lieux pour une période illimitée, ou encore, aucun argument étoffé relativement à la contestation de cette importante mesure. Pour nous de la ville de Québec, dans les circonstances, face à la reconnaissance de ce principe fondamental en matière de relations locataires-locateurs, nous sommes de nature à rassurer les locataires contre les évictions. C'est principalement à cause de cela que la ville de Québec se prononce pour la levée du moratoire.

Je fais ici une parenthèse. C'est un point qui, tout au long des délibérations - je ne sais pas, nous n'étions pas à Montréal -ne nous a pas paru faire l'objet d'une attention soutenue de la part de tous les participants qui vous ont présenté les mémoires, du moins, en tout cas, dans ce qu'on a vu dans les médias. On y attache enfin une importance capitale parce que -nous allons y revenir - nous croyons que le Québec ce sera peut-être un des seuls endroits en Amérique du Nord où on propose d'avoir un droit illimité. Sur le continent nord-américain, ces droits ont été limités souvent pour des périodes de deux ans ou de cinq ans tout au plus. On croit que cette mesure est assez importante pour ne faire paniquer personne dans les circonstances. Ce droit au maintien dans les lieux pour une période illimitée, auquel s'ajouterait un

contrôle de la hausse des loyers par la Régie du logement, nous apparaît la meilleure façon d'éviter que les locataires soient délogés massivement. Il faudra toutefois, et nous insistons particulièrement sur ce point, donner à la Régie du logement toutes les ressources nécessaires afin d'appliquer ces mesures et, ainsi, faire en sorte qu'elles ne demeurent pas lettre morte.

Rappelons également que les locataires occupant un logement propriété d'une personne morale sont déjà prémunis contre les reprises de possession et bénéficient, par conséquent, d'un droit illimité au maintien dans les lieux.

Une autre mesure visant la protection des locataires est d'interdire les travaux de restauration majeurs autres qu'urgents, nécessitant l'évacuation du locataire, lorsque ces travaux sont exécutés dans le but d'évincer les locataires et, ainsi, de faciliter la conversion.

Si, du point de vue de la protection des locataires, cette mesure est des plus appropriées, nous croyons qu'elle ira à l'encontre d'une des attentes municipales, soit une augmentation des travaux de restauration et d'entretien. En effet, nous pensons que plusieurs propriétaires pourraient ne pas entreprendre de tels travaux afin de ne pas encourir les peines monétaires prévues dans le document ou encore se voir interdire l'autorisation de convertir plus tard leur immeuble. Toutefois, les pratiques actuelles relatives aux travaux de restauration majeurs - surtout dans certaines régions de la province et particulièrement dans la grande métropole - nous démontrent la nécessité d'une telle mesure. Elle aussi devrait permettre de sécuriser les locataires.

Notre dernier commentaire en regard de la protection des locataires a trait à l'instauration d'un guichet spécial à la Régie du logement afin de fournir toute l'aide nécessaire aux personnes âgées ou handicapées.

Nous sommes d'accord avec cette mesure et nous croyons, de plus, que tous les locataires devraient avoir accès à ce service. Nous croyons que l'achat d'une première propriété comporte une part d'inconnu pour toute personne. L'achat en copropriété divise en comporte davantage. Ce guichet spécial devrait donc, à notre avis, être accessible à tout ménage touché par la conversion et non uniquement aux personnes âgées ou handicapées.

Examinons maintenant les mesures visant la protection des acquéreurs. Si, au cours des derniers jours, la plupart des commentaires rapportés traitaient de la protection des locataires, nous croyons qu'il est tout aussi important d'accorder une protection adéquate aux futurs acquéreurs dont ce sera souvent la première propriété. Cette protection devrait être équivalente à celle qu'accorde la loi sur la protection du consommateur. Le logement doit être considéré comme un bien de consommation.

Nous sommes d'accord pour ne pas soumettre les immeubles convertis à des normes physiques particulières. Nous croyons qu'on ne doit pas tenter de modifier la qualité des bâtiments à convertir pour en faire des logements plus luxueux, mieux insonorisés, mieux isolés, etc.

Quant au rapport d'expert qui devrait être remis à tout acquéreur éventuel, nous croyons qu'il devrait porter sur l'ensemble de l'immeuble et non uniquement sur les parties communes. Ceci est bien important. Ce rapport devrait être équivalent à un rapport d'évaluateur, afin de pouvoir servir aux acquéreurs lors de leur demande de financement hypothécaire. Le contenu de ce rapport d'expert devrait être déterminé par voie législative et être aussi détaillé que possible.

Nous croyons que l'acquéreur éventuel, particulièrement celui pour qui c'est l'achat d'une première propriété, doit obtenir la meilleure information possible avant de prendre sa décision. On devrait également indiquer clairement, dans le rapport d'expert, la méthode ayant conduit à l'évaluation et son degré de précision.

Par ailleurs, le document du gouvernement demeure muet sur l'identification de l'expert accrédité pour faire ce rapport. Il y aurait donc lieu, dans la loi, de clarifier ce point. Ce rôle pourrait être confié à des professionnels dont c'est le rôle traditionnel, par exemple, les architectes, les ingénieurs, les évaluateurs agréés ou autres.

Pour ce qui de l'obligation de produire un prospectus, nous ne voyons pas pourquoi on devrait la restreindre aux immeubles de cinq unités ou plus. Une protection adéquate des acquéreurs commande un traitement égal pour tous. Le prospectus devrait donc être une mesure obligatoire dans tous les cas de conversion.

Nous croyons également que cette proposition ne sera efficace que dans les mesures où la loi déterminera le contenu obligatoire du prospectus, les catégories de personnes ou organismes autorisés à le rédiger et un organisme de surveillance gouvernemental qui devrait en approuver le contenu. Bien que ces mesures additionnelles alourdissent le processus de conversion, nous voyons que c'est là la seule façon de rendre opérationnelle l'exigence d'un prospectus.

Regardons, en troisième lieu, les mesures visant la protection du parc de logements locatifs. Le gouvernement énonce que, si le suivi du rythme de conversion au l'arrivée de problèmes liés à des conjonctures économiques et sociales devait révéler des tensions dans certains segments du marché, il serait possible d'intervenir rapidement afin de limiter ou d'interdire la conversion dans ce secteur.

Le seul énoncé de ce principe est, à notre avis, insuffisant. Afin que cette intervention soit rapide et efficace, nous croyons que la loi devra prévoir spécifiquement quelles pourraient être les mesures applicables. À notre avis, la seule interdiction de convertir ou l'imposition d'un moratoire partiel ne ferait qu'augmenter les risques de spéculation dans ces zones.

Vous avez eu également ce message à Montréal, entre autres, de la ville de Montréal. Il faudrait prévoir, dans ces cas, des programmes spéciaux d'intervention touchant la construction de logements destinés à des ménages à revenu modéré, la conversion ou le recyclage d'immeubles pour des coopératives ou des organismes sans but lucratif, ou encore des programmations spéciales de supplément au loyer ou d'allocation-logement applicables dans ces zones.

De plus, le gouvernement devrait nommer un organisme responsable du suivi de l'évolution du rythme de conversion et prévoir les fonds nécessaires pour ce faire. Étant donné notre accord avec la proposition du gouvernement de désigner la Régie du logement pour accorder ou refuser l'autorisation de convertir, nous croyons que cet organisme devrait aussi être chargé du suivi de l'évolution du rythme de conversion. À cette fin, on devra s'assurer que la Régie dispose des ressources nécessaires pour remplir adéquatement ce rôle. On devrait accorder ou refuser également aux municipalités le rôle d'interlocuteur privilégié dans les mesures avancées par la régie en vue d'éliminer ces tensions.

Par ailleurs, nous croyons que pour rencontrer les objectifs provinciaux et les attentes municipales, il faut que la levée du moratoire s'inscrive dans le cadre d'une éventuelle politique globale de l'habitation, attendue depuis longtemps. C'est pourquoi, nous proposons certaines mesures complémentaires.

Tel que mentionné précédemment, la ville de Québec voit dans la conversion, un moyen de régénérer les quartiers, alors que le gouvernement provincial la perçoit d'abord comme un moyen d'aide à l'accession à la propriété. Compte tenu du rythme lent de conversion anticipé pour les cinq prochaines années et de l'ensemble des mesures restrictives élaborées par le document gouvernemental, auxquelles la ville accorde son appui, nous croyons qu'il faudra instaurer des mesures additionnelles en vue d'appuyer l'accession à la propriété et la régénérescence des quartiers. (10 h 30)

Concernant l'accession à la propriété, il y a donc lieu de mettre sur pied des mesures permettant d'élargir le bassin de clientèles potentielles. À cette fin, nous suggérons de mettre en place un programme d'accession à la propriété permettant aux ménages ayant peu d'épargnes de pouvoir accéder au financement.

De plus, dans le but de favoriser l'acquisition de logements convertis par les locataires en place, il y a lieu de leur faciliter la tâche en leur permettant d'avoir accès à une assistance technique qui pourrait être dispensée par les groupes de ressources techniques, communément appelés GRT, qui ont acquis, dans le domaine de la conversion, une expertise de premier ordre.

Il y a lieu, d'autre part, de modifier le programme d'aide à la restauration Canada-Québec en élargissant les conditions d'admission et en le rendant plus généreux. Finalement, un programme d'allocation-logement devrait progressivement être instauré afin de limiter à un niveau acceptable le taux d'efforts des ménages pouvant habiter ces logements.

En conclusion, M. le Président, nous allons vous faire part de nos recommandations en vue de lever le moratoire. D'abord et encore une fois, nous précisons les principaux points qui font que nous nous prononçons en faveur de cette levée. Ces points sont le droit au maintien dans les lieux pour une période illimitée - je vous avoue que nous y apportons une attention tout à fait particulière - également, une protection adéquate des acquéreurs, en leur fournissant une information la plus complète possible et l'octroi à la Régie du logement de toutes les ressources nécessaires, en vue de mettre en oeuvre toutes les mesures préconisées dans le livre blanc du gouvernement et celles que nous vous proposons.

Nous proposons de lever le moratoire et de le remplacer par une loi adaptant la plupart des mesures d'encadrement proposées dans le livre blanc du gouvernement; d'instaurer un guichet spécial à la Régie du logement afin de fournir toute l'assistance nécessaire à toute personne touchée par la conversion; d'obliger le propriétaire convertisseur à fournir, à tout acquéreur éventuel, un rapport d'expert portant sur toutes les parties de l'immeuble et non pas seulement sur les parties communes; d'énoncer, dans la loi, le contenu obligatoire de ce rapport d'expert, la méthode ayant conduit à l'évaluation qu'il contient et à son degré de précision; de même que d'identifier les catégories de personnes ou organismes accrédités en vue de le rédiger; de rendre obligatoire la production d'un prospectus quelle que soit la taille de l'immeuble touché; de déterminer les contenus obligatoires de ce prospectus; de nommer un organisme gouvernemental chargé de vérifier la conformité du contenu du prospectus aux exigences légales et de l'approuver; de prévoir les mesures spécifiques applicables en vue de réduire les tensions qui pourraient

survenir dans certains segments du marché locatif; enfin, d'accorder à la Régie du logement - et c'est encore bien important - le mandat d'effectuer le suivi de l'évolution du rythme de conversion. Nous soulignons ici encore l'importance d'accorder à cet organisme les ressources nécessaires en vue de remplir adéquatement les nouvelles fonctions qui lui seront dévolues et, ainsi, d'assurer une protection réelle aux locataires touchés par la conversion. Nous proposons d'assurer aux municipalités l'accès aux analyses de la régie - c'est bien important -et de leur accorder le rôle d'interlocuteurs privilégiés dans l'élaboration de propositions en vue d'éliminer les tensions dans certains segments du marché. Je pense que les municipalités sont bien placées pour être capables de jouer ce rôle d'interlocuteur auprès de la Régie du logement et également avec elle.

Nous croyons utile de répéter ici qu'à notre avis, la conversion devrait s'inscrire dans une politique globale d'habitation et qu'à cette fin il y aurait lieu de mettre en place un programme d'accession à la propriété, de favoriser l'accès de ces locataires à une assistance technique dispensée par les groupes de ressources techniques, comme nous l'avons dit tout à l'heure, de modifier te programme d'aide à la restauration Canada-Québec - nous le souhaitons de tout coeur, on sait qu'il y a des pourparlers en cours - d'instaurer progressivement un programme d'allocation-logement afin de limiter à un niveau acceptable le taux d'efforts des ménages pouvant habiter ces logements.

En terminant, nous tenons à vous remercier, encore une fois, M. le Président et messieurs et mesdames de la commission, de nous avoir permis de venir nous exprimer sur ce sujet. Nous espérons que nos commentaires permettront de vous aider, face à la décision que vous aurez à prendre relativement à la levée du moratoire, afin de respecter les droits de tous ceux et celles qui seront touchés par la conversion. Nous demeurons à votre disposition pour toute question relative à notre position sur ce sujet. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Rochefort): Merci de votre présentation. M. le ministre.

M. Bourbeau: On a combien de temps?

Le Président (M. Rochefort): Treize minutes.

M. Bourbeau: Je remercie les représentants de la ville de Québec de leur présentation. Nous comprenons, à la lecture du mémoire de la ville de Québec, qu'elle est essentiellement favorable à la levée du moratoire. Est-ce bien cela?

M. Vézina: Oui, M. le ministre.

M. Bourbeau: Bon! Je vous fais répéter parce que vous pouvez vous attendre, lorsque l'Opposition va prendre la parole, que le député de Shefford va dire que j'ai mal saisi la lecture du rapport et qu'effectivement vous êtes contre, que c'est moi qui l'interprète mal! Alors, au moins, on va avoir cela au Journal des débats.

M. Vézina: M. le ministre, nous sommes favorables, mais toujours, bien sûr, avec certaines mesures...

Des voix: Ah! Ah!

M. Vézina: ...que nous avons ajoutées et dont vous avez pris connaissance dans notre mémoire.

M. Bourbeau: Et auxquelles je viens! Mais quand ce sont des mémoires qui sont contre, on ne fait jamais ces mêmes distinctions. On remarque une chose, il n'y a personne qui est vraiment totalement contre, ni personne qui est totalement pour. Les gens sont plutôt contre ou plutôt pour et avec des améliorations. Bien sûr, on nous suggère une panoplie d'améliorations et c'est justement l'avantage de ces consultations. Cela nous permet de voir encore davantage, si on avait besoin de le faire, quels sont les vrais problèmes sur le plancher des vaches. Également, cela nous permet d'entrevoir des avenues de solution à la lumière des expertises des gens qui se présentent devant nous.

Alors, vous y êtes favorables parce que vous affirmez que cela va permettre une meilleure accessibilité à la propriété pour les ménages locataires. Vous parlez de l'importance, également, de faire des travaux de restauration pour améliorer et conserver le stock locatif. Finalement, vous suggérez que le gouvernement mette sur pied des programmes d'aide pour améliorer le stock locatif et pour permettre l'accès à la propriété.

Dans son mémoire à la commission, dans les propositions qu'elle a faites, la ville de Montréal a laissé entendre qu'elle serait intéressée à avoir un mot à dire dans la possible conversion d'immeubles. Elle parlait de permettre la conversion dans des cas précis. Dans votre esprit, comment voyez-vous cette idée de la possibilité ou de l'opportunité que les municipalités aient un mot à dire dans les conversions en copropriété? Par exemple, croyez-vous que les municipalités devraient être en mesure d'imposer sur leur territoire des limites, soit géographiques ou autres, aux conversions d'immeubles en copropriété?

M. Vézina: M. le ministre, lors de

l'approbation de notre mémoire, nous avons considéré cette hypothèse. Nous en sommes venus à la conclusion... Remarquez bien qu'on dit toujours que Montréal est une grande ville; c'est une grande métropole. Les Montréalais nous disent toujours: lorsqu'on vient à Québec, on vient à la campagne. Mais, Québec est quand même une ville de taille moyenne; il y en a d'autres également en province. Ceci est dit sans méchanceté! On sait...

Le Président (M. Rochefort): On se croirait en plein coeur des séries éliminatoires de fin de saison au hockey.

M. Vézina: On dit que, bien sûr, Montréal est une ville un peu particulière, c'est une grande métropole. Elle peut, effectivement, vivre... Nous avons suivi les délibérations, d'un peu loin, cette semaine, par l'entremise des médias. Effectivement, nous avons discuté quelque peu, je dois vous dire, avec quelques représentants de la ville de Montréal. Eux voient le problème un peu différemment de nous. En fin de compte, on peut en arriver aux mêmes fins. Eux demandent, si je comprends bien, la levée du moratoire par voie de veto et dire: À notre demande, c'est nous qui...

Je vous avoue qu'à Québec, nous ne sommes pas tout à fait du même avis. On croit que cette levée du moratoire -d'ailleurs, on en fait part dans notre mémoire et également dans le texte que je viens de vous livrer - faite d'une façon partielle par chacune des municipalités, pourra entraîner tout aussi bien autant de problèmes, sinon plus, créer autant de spéculation, en fait, dans certains secteurs. Remarquez bien que je parle au plan provincial. Montréal peut vivre, surtout dans son centre-ville, certains problèmes particuliers, mais nous n'y croyons pas beaucoup.

Enfin, nous croyons que si le moratoire doit être levé, il devrait l'être d'une façon générale tout en étant bien encadré par des mesures législatives, c'est-à-dire de bien encadrer la position, la levée du moratoire afin qu'on laisse aussi agir les forces du marché et que, de cette façon, l'offre et la demande viennent naturellement s'équilibrer. C'est ça qu'on a écrit ici. On se dit: La municipalité pourrait établir des quotas. C'est bien beau, mais on n'est pas sûr de cela. Nous craignons également que, de cette façon, les municipalités se fassent accuser d'être à la solde des spéculateurs, comme je vous le faisais remarquer, et ce, peu importent les quotas fixés. Les quotas, également, entraîneraient peut-être les prix à la hausse, au profit des spéculateurs. Alors, pour ces diverses raisons, je vous avoue que nous ne sommes pas tellement favorables à cette proposition qui vous a été formulée. Nous vous donnons notre commentaire d'une façon franche et sincère.

M. Bourbeau: Je ne m'attendais pas à autre chose. Un problème qui subsiste avec la situation actuelle, c'est qu'on a un moratoire qui interdit la conversion en copropriété et que, pourtant, il se fait des conversions en copropriété. Il s'en fait essentiellement de deux façons. Premièrement, d'une façon que je qualifierais de légale, qui est la voie de l'indivision, en ce que des gens achètent à deux, trois ou quatre des duplex, triplex ou quadruplex et délogent tous les locataires en reprenant possession chacun d'un appartement. Après cela, on convertit en copropriété et on vend les appartements un par un. C'est une façon de convertir actuellement. Dans la proposition gouvernementale globale, on propose d'interdire justement la reprise de possession dans ces cas, dans les cas d'indivision des immeubles de moins de cinq logements. Comment réagissez-vous par rapport à cette proposition?

M. Vézina: Nous réagissons très bien parce que vous avez raison. Actuellement, il n'y a pas d'encadrement et, même à Québec, nous vivons cette situation. Nous ne la vivons peut-être pas d'une façon aussi grande que Montréal peut la vivre, mais nous la vivons dans certains quartiers, entre autres, dans le quartier Montcalm ou tes quartiers de la haute-ville, non pas à grande échelle, mais nous vivons cette situation. Alors, on se dit - et nous sommes d'accord avec vous également, M. le ministre - que si vous légiférez d'une façon bien correcte et bien encadrée avec des mesures très strictes, nous allons y arriver à cette levée du moratoire sans qu'il y ait une débandade, sans qu'il y ait une course folle. C'est parce qu'on s'est aperçu cette semaine, en écoutant tous les propos venant de Montréal, que, demain matin, si la levée du moratoire se fait, tout le monde se ramasse dans la rue, tous les locataires, parce que tout le monde va enregistrer une demande de conversion de la propriété.

M. le ministre, nous sommes d'accord avec ces propositions pour autant que vous légiférez parce que, présentement, en ayant une législation oui, mais qui laisse encore des trous, une passoire, on sait qu'il y aura peut-être... Vous savez, les Québécois - je ne veux pas être méchant - on est parfois des spécialistes à essayer de contourner toujours nos lois et règlements. Il ne faudrait quand même pas prendre tous les Québécois pour des gens du même acabit. Il y a quelques cas d'exception. En général, les Québécois sont capables de respecter les lois et de faire les choses d'une façon civilisée et ce, nous y croyons à savoir que nous pouvons respecter les lois, cela se fait partout en

Amérique du Nord. Quand vous nous donnez le droit illimité, on trouve cela important parce que, je vous le disais tout à l'heure, nous ne le trouvons pas en Amérique du Nord; je ne sais pas si cela s'est dit cette semaine. Sur le continent nord-américain, habituellement, cette levée de moratoire se fait pour une période de deux ans, le droit du maintien dans les lieux, pour le locataire, est très limité: deux ans ou cinq ans.

Partant de là, on se dit, M. le ministre, si vous nous donnez une loi qui est bien appropriée, bien juste, tout cela se fera dans les règles et sans que personne ne soit délogé, cela se fera ni au détriment des uns, ni au détriment des autres.

M. Bourbeau: Ce que vous me dites, c'est que le droit au maintien illimité dans les lieux, pour les locataires, que l'on propose, est supérieur à ce qu'on retrouve partout dans les autres juridictions en Amérique. (10 h 45)

L'autre façon de contourner le moratoire, qui est assez utilisée présentement à Montréal, dans certains secteurs, c'est le biais des réparations majeures - on parle de réparations majeures qui ne sont pas urgentes ou nécessaires, parce qu'on ne peut pas faire grand-chose si le toit coule et si l'eau entre dans la maison, il ne faut quand même pas commencer à faire des procès de trois ans pour savoir si on va réparer le toit - mais supposons qu'un propriétaire décide qu'il veut faire des réparations à sa propriété qui ne sont ni urgentes, ni nécessaires, mais qui sont utiles, le problème qui se propose, avec la législation actuelle, c'est qu'il peut envoyer un avis à un locataire et, dix jours après, lui demander de sortir. Si la sortie est pour plus d'une semaine, le préavis doit être d'un mois. Au bout d'un mois, le locataire doit être sorti avec armes et bagages pour une période de temps qui peut durer plusieurs mois, si les travaux sont importants. Au terme des travaux, bien sûr, il est très rare que le locataire revienne. D'abord, il ne veut pas encourir un deuxième déménagement et, ensuite, on tente de lui demander un loyer beaucoup plus cher - les locataires ne sont pas toujours au courant de tous leurs droits -en pratique, cela aura pour effet de vider la propriété de ses locataires. Dans ce cas, le propriétaire peut ou bien le relouer - et il le reloue souvent à des loyers beaucoup plus importants qu'il ne devrait, même en tenant compte du coût des réparations - ou bien s'adresser à la Cour supérieure et obtenir le droit de convertir en copropriété.

Plusieurs des intervenants nous ont demandé de regarder ce problème et de donner au locataire le droit de discuter, de mettre en doute et, peut-être même, de contester l'opportunité, pour un propriétaire, de faire des travaux majeurs autres qu'urgents. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Vézina; M. le ministre, du fait que j'ai une équipe avec moi et que nous avons travaillé ensemble, je suis heureux que vous me posiez la question. Je vous donne seulement un élément de réponse et je demande à mon collègue, M. Beaulieu, urbaniste, de vous donner également leur version des faits.

Je fais une parenthèse en réponse à votre interrogation, en disant: d'où l'importance pour le gouvernement de donner des pouvoirs et des ressources à la Régie du logement. Si on dit que la Régie du logement devra avoir un guichet unique et qu'elle devra exercer un contrôle, il faut que celle-ci ait des ressources lui permettant de vraiment contrôler toute cette question.

Maintenant, je vais demander à M. Beaulieu, du Service d'urbanisme, de répondre de façon un petit peu plus élaborée à votre question.

M. Beaulieu (Benoît): Effectivement, il est vrai que cela pourrait être une solution de permettre au locataire de contester l'opportunité des travaux. Encore là, il y aura peut-être des contestations et les locataires reviendront en disant: La régie est toujours du côté des propriétaires. Ou moment que la régie va accorder des travaux majeurs, on va juger que, oui, il y a lieu d'en faire. Est-ce qu'on peut, de cette façon, encore là, venir limiter le droit de propriété et dire au propriétaire: Ce n'est pas le temps de faire des travaux majeurs? Je ne vois pas tout à fait comment on pourrait le contester. Je suis en faveur que le locataire puisse contester l'opportunité des travaux, car il y a toujours la question de l'évincement du locataire, tel que c'est mentionné dans le livre blanc. Je pense que c'est peut-être le point le plus difficile d'application de prouver que les travaux sont faits dans le but d'évincer les locataires. Il ne faut pas oublier non plus qu'il n'y a jamais de restriction au retour possible du locataire. Le locataire est toujours libre de revenir. Je pense qu'à ce sujet, la question serait d'apporter une attention particulière, après les travaux, à la façon dont la régie comptabilise et permet à un propriétaire de transmettre les coûts au locataire. Actuellement, la régie a des formulaires. On peut calculer, on peut estimer combien le loyer peut coûter à la suite de certains travaux de restauration. Je pense que, dans la levée du moratoire, il va falloir apporter une intention particulière à cela. Il faut donner le droit au maintien dans les lieux pour une période illimitée et c'est toujours à l'intérieur de la capacité de payer du locataire. Si on permet au propriétaire de faire des travaux majeurs et que, par la suite, le locataire se trouve avec des augmentations de 100 $, 150 $ par

mois, ce ne sont pas tous les locataires comme cela, à l'intérieur d'une période de deux ou trois mois qui pourront payer. Je ne pense pas en tout cas. À mon avis, c'est un point à surveiller. Il va falloir réévaluer la façon de transmettre au locataire les augmentations de loyer à la suite de travaux de réparations.

Pour ce qui est de permettre au locataire de contester les travaux de réparation, je pense que cela pourrait être une solution.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le député de Shefford maintenant.

M. Paré: Oui, merci, M. le Président. Je vous souhaite la bienvenue. Je dois vous dire que vous avez un très bon mémoire qui mérite d'être considéré. Je ne ferai pas de différence entre Montréal et Québec. Je vais plutôt faire un rapprochement. S'il y a des municipalités qui seront touchées, ce seront spécialement Montréal et Québec. C'est évident. Vous allez m'excuser si j'ai un préambule un peu long, c'est que, malheureusement, on a douze minutes pour' discuter. Cela ne donne pas grand temps et vous avez touché tellement de sujets que je voudrais les toucher aussi avant qu'on passe directement à des questions.

Premier point, vous dites: Oui, on est d'accord avec la levée du moratoire, parce qu'il y a des objectifs et que cela pourrait aider, à condition que... Je pense que c'est bon de le dire. Il faut le mentionner. Dans une de vos dernières recommandations, vous avez parlé, entre autres, d'une politique globale d'habitation. Vous dites: Cela prend des programmes d'aide à l'accès à la propriété pour que cela puisse se concrétiser, et on sait que tous les programmes d'aide qui existaient ont été abolis depuis un an. Vous dites que cela prend l'appui des groupes de ressources techniques. C'est indispensable pour aider ceux qui sont déjà en place. Vous savez qu'on a annoncé la fin de l'aide aux groupes de ressources techniques d'ici à trois ans.

Cela prend des programmes de rénovation. Vous avez dit en même temps que PARCQ n'est presque pas applicable. Cela prendrait des mesures. Quand on parle de cela, on ne parle pas d'un cas isolé. On s'aperçoit que cela touche à tout. Nous, ce qu'on dit - quand je dis nous, je parle d'à peu près tous les intervenants sans exception - c'est que, puisqu'on sait qu'il y a des trous dans l'application du moratoire actuel, corrigez-les immédiatement - et le ministre a en pris l'engagement dès le mois d'octobre. Quand on aura corrigé cela, est-ce qu'on doit lever le moratoire ou emprunter une démarche plutôt logique, puisque que le ministre a dit qu'il déposerait un document, avant la fin de l'année, sur une politique globale? Est-ce qu'on ne doit pas avoir une politique globale avant de toucher au moratoire qui, lui, touche tous les autres programmes d'habitation? Vous l'avez spécifié vous-mêmes.

C'était le premier point. D'ailleurs, quand on dit que l'objectif, c'est l'accès à la propriété pour les plus démunis, je dois vous dire... Je vais citer le document de l'Association des propriétaires du Québec, deux phrases qui disent: "La levée du moratoire ne permettra l'accessibilité... qu'à un nombre restreint de locataires, ceux qui ont déjà probablement les moyens d'être propriétaires." Dans leur conclusion: "Le ministère, avec le projet de loi tel qu'exprimé présentement, atteindra exactement les résultats contraires à ceux visés." Là je ne sais pas. Je cite tout simplement, quand on va au fond du dossier comme tel avec des objectifs qui sont un peu contradictoires.

Quand vous avez dit, et je comprends, que vous ne pouviez pas être à Montréal, même ceux de Montréal n'ont pas pu suivre parce que ce furent des journées intensives. Les gens ont autre chose à faire. Nous, on est payés pour le faire. Quand vous dites: Est-ce qu'on est allé au fond du dossier sur le droit illimité du maintien dans les lieux? Je dois vous dire, tous en ont parlé, je pense, presque sans exception. Je ne pense pas qu'il y ait un groupe qui n'en ait pas parlé. Ce qui se dégage de cela - je pense que le ministre va le reconnaître, ce n'est peut-être pas son idée, mais c'est ce qui s'est dégagé - c'est que théoriquement, c'est de toute beauté; mais, en pratique, c'est autre chose.

Cela a été confirmé par des études, cela a été confirmé par toutes sortes d'analyses, mais surtout par le vécu des gens de tous les quartiers centraux de Montréal. Oui, c'est beau de dire qu'on a un droit illimité, mais à condition qu'on ait la capacité de payer. C'est évident que dès qu'on va transformer ou permettre la transformation et que, dans un immeuble, il y a déjà quelques appartements qui sont vendus - vous le savez, vous êtes du domaine municipal - il y a une augmentation considérable des taxes qui sera transposée sur le logement. Augmentation de taxes, frais communs, frais de conversion, ce sont des frais qui seront transposés. Et la rénovation est permise avant, mais elle le sera aussi dès qu'une majorité décidera d'entreprendre des travaux majeurs. Les prix vont tellement augmenter que ceux qui ont déjà de la misère à arriver n'auront pas d'autre choix que d'abandonner leur droit et de partir. En plus, il faut être logique. Pour des gens qui veulent devenir propriétaires ou qui veulent s'installer ici, en banlieue du Vieux-Québec ou du Parlement, qu'est-ce que ce sera de vouloir acheter ce droit pour

2000 $, 3000 $, 4000 $ et même 5000 $, pour avoir le logis qu'ils désirent. Donc, l'achat du droit de maintien.

Quant aux pressions; il y a de gens qui sont venus me dire qu'ils ont vécu cela et que c'est intenable, dans un même milieu, d'avoir des propriétaires, des copropriétaires, des locataires avec une protection et des locataires de deuxième niveau sans protection. Comment vivre cela à l'intérieur? La pression devient tellement forte que, finalement, les gens partent. J'ai un chiffre qui a été amené par Bell Canada - vous m'excuserez, je n'ai pas les chiffres de Québec mais ceux de Montréal: 100 000 déménagements en 1987. Donc, s'il y a 100 000 personnes, cette année, qui sont déménagées cela voudrait dire, si c'est ainsi chaque année, 100 000 personnes qui perdent leur droit illimité d'un seul coup par année.

M. Bourbeau: Quand même! M. Paré: Bien, je m'excuse.

M. Bourbeau: Ce ne sont pas tous des locataires, ceux qui déménagent, ce peut être des propriétaires aussi.

M. Paré: En tout cas, la plupart. De toute façon, 100 000 est un chiffre important en nombre de déménagements annuels. Il ne faut pas oublier cela. Ce sera quoi le rythme de perte de ce droit illimité? Donc, c'est très beau, théoriquement.

M. Bourbeau: Ils ne déménagement pas tous dans des condos. Ils peuvent déménager dans d'autres...

Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous plattl

M. Paré: J'ai douze minutes. Vous avez refusé qu'on ait le temps nécessaire pour discuter avec les gens. J'aimerais avoir mon temps pour avoir la chance de discuter avec les gens.

M. Bourbeau: II faut quand même dire des choses sensées.

M. Paré: Vous avez dit aussi, et je comprends, qu'il n'y aura probablement pas beaucoup de transformations, en tout cas, pas autant que certaines personnes le disent. Sauf que moi, je dois vous dire que 1 % de conversion, dans des quartiers centraux, je n'y crois pas. Ce qu'on dit sur cela, c'est que cela fera baisser les prix. Tout nous prouve, à l'heure actuelle, que c'est le contraire. Cela ne fait pas baisser le prix des appartements. La preuve, regardez tout ce qui se bâtit, ici, en logements neufs. Cela se bâtit comme jamais et les prix augmentent comme jamais. Ce sera la même chose; la preuve, pour ce qui a déjà été transformé, il y a des augmentations de prix. Donc, les gens ne peuvent pas. Il ne faut pas oublier quelque chose. L'accès à la propriété c'est bien beau, mais c'est prouvé par ce qui s'est fait ailleurs dans les grandes villes, on a eu des exemples à New York et à Paris, entre autres, que cela a fait en sorte que la majorité des appartements vendus en copropriété étaient reloués mais à un prix supérieur de beaucoup et que les gens qu'on a déplacés ont été déplacés dans des banlieues où, finalement, cela leur coûte plus cher.

J'aurais une première question. Étant donné que vous êtes du domaine municipal, j'aimerais savoir quel point de vue vous partagez finalement concernant la taxation. On retrouve dans le mémoire de l'Union des municipalités du Québec et je cite: "La fiscalité municipale. La conversion d'un immeuble en copropriété entraîne généralement une hausse significative d'évaluation.

Cette hausse n'est que le reflet de la valeur marchande de l'immeuble. En effet, l'évaluation municipale est basée sur cette valeur marchande. Il s'agit d'un élément fondamental de la fiscalité municipale.

Pour l'Union des municipalités du Québec, il est essentiel que les règles régissant l'évaluation des copropriétés ne remettent pas en cause ces principes." C'est le document de l'Union des municipalités du Québec.

Par contre, le document de la Chambre des notaires du Québec dit: "C'est une pratique courante pour les municipalités de réviser à la hausse l'évaluation municipale d'un immeuble converti. À notre avis, cette hausse de l'évaluation foncière résultant de la conversion est inacceptable."

Vous, du conseil municipal de Québec, à laquelle des deux versions vous adhérez? Le maintien de la fiscalité municipale telle qu'elle est, donc une augmentation considérable des taxes pour les locataires en place, pour les nouveaux acquéreurs, cela veut dire une augmentation généralisée pour tous les quartiers à ce moment-là, ou la version de la Chambre des notaires qui dit que c'est inacceptable et qui demande qu'on révise la fiscalité municipale?

M. Vézina: Bon, M. le député, vous nous avez dit également beaucoup de choses. Nous vous en avons dit beaucoup, mais vous nous en avez dit beaucoup. Bien sûr qu'au tout départ, suivant la position qu'on adopte, on peut seulement dire: Écoutez, la levée du moratoire est inacceptable dans les conditions actuelles, et il faut garder le statu quo. Cela fait douze ans que cela dure au Québec. Il faut penser également à toutes les classes de la société. Cela fait dix ans que je suis conseiller municipal dans un

district résidentiel ouvrier du bas de la ville et j'ai été directeur de caisse dans un endroit où il y avait des petits travailleurs. J'ai toujours conçu qu'il fallait que je travaille pour tout le monde et non pas seulement pour les plus démunis. Les plus démunis, on doit leur apporter une attention particulière, c'est notre devoir de le faire. Mais on ne doit pas le faire toujours au détriment de tous ceux dont on pense, dès qu'ils travaillent dans l'immobilier ou dans d'autres domaines, que ce sont des gros méchants, des spéculateurs ou des gens qui exploitent les autres d'une façon éhontée. Partant de là, cela dépend du point de vue où on se place. (11 heures)

Tout d'abord, je reprends quand vous nous dites: Vous ne trouvez pas que c'est prématuré? Si on pouvait le faire dans le cadre global d'une politique éventuelle de l'habitation, ce serait peut-être plus sécuritaire. L'un ne va pas sans l'autre. Je me dis: Pourquoi ne pourrions-nous pas également procéder à la levée du moratoire si M. le ministre - peut-être qu'il vous en a fait part cette semaine - a apparemment l'intention de procéder à des consultations dès l'automne? Je pense qu'il faut en venir là. Je pense que vous êtes d'accord; vous avez bien dit: Nous sommes d'accord avec toutes les mesures nécessaires pour pouvoir vraiment baliser tout ce domaine d'accession à la propriété si on veut vraiment qu'il n'y ait pas de déséquilibre entre les plus démunis et ceux qui ne le sont pas. Mais également, à quel titre est-ce qu'on pourrait ou qu'on devrait empêcher une certaine classe de la société qui pourrait... On dit toujours, comme je le faisais remarquer, qu'on est un peuple de locataires qui auraient la chance de devenir propriétaires. Sur quelles raisons devrait-on se baser pour empêcher les locataires de devenir propriétaires s'ils le désirent, à un coût qui pourrait être plus abordable que la construction de condominiums neufs? Je pense que nous y croyons également, M. le député.

Quand vous nous parlez de la taxation, bien sûr que, à cet effet, je vous avoue que nous acquiesçons dans le même sens que le document qui a été livré à Montréal par l'Union des municipalités. Nous ne pouvons pas faire autrement. Ne voyez pas là le fait que le maire de notre Ville est actuellement le président de l'UMQ. Il n'y a eu aucune collusion. Mais nous allons dans le même sens à cet effet. Je ne partage pas tout à fait les propos tenus par MM. les membres de la Chambre des notaires.

Tout cela pour vous dire, concernant l'assiette fiscale, bien sûr, que les municipalités sont généralement favorables. Pourquoi pas?

Maintenant, il faut, bien entendu, que tout cela soit pondéré, mesuré. Je vous donne seulement un exemple de ce qui peut arriver chez nous. Présentement, nous sommes, à Québec, à la veille du dépôt d'un nouveau rôle d'évaluation qui, je vous l'avoue, nous inquiète un peu, beaucoup. On attend cela avec beaucoup d'appréhension. Que la levée du moratoire se fasse ou non, indépendamment de cela, on est en face de hausses de taxes qui pourraient survenir inévitablement dans certains quartiers et cela nous fait peur. Alors, c'est le marché, en fait, c'est la question du libre-échange du marché qui va faire ce rapport de forces.

Tout cela pour vous dire que, si je prends vos arguments, considérant qu'on vit dans un marché de libre entreprise, il faut faire attention également, s'il y a des hausses tellement indues, qu'on ne trouve pas preneur, qu'il n'y ait pas d'intérêt pour les gens qui vont convertir ou qui vont... Vous nous dites: II est prouvé qu'il y a des hausses qui sont inacceptables. J'en conviens. Dans mon secteur, M. le député, il y a 25 ans, les logements se louaient entre 75 $ et 100 $ par mois et c'étaient des gros logements. Aujourd'hui, je dis à mes gens de Saint-Sauveur: Ne vous attendez pas d'avoir des logements qu'on va restaurer avec le programme qu'on avait antérieurement - sous votre administration, M. le député, qui a été très bien, comme sous l'administration actuelle - le programme de restauration Québec-municipalités, la SHQ-municipalités, PAREL et Loginove. Nous avons fait des choses extraordinaires.

On a dît: On a chassé les gens de leur milieu. Je vous avoue que je suis un parmi ceux qui se sont toujours élevés contre cela. Il y a sûrement eu des évictions, des gens qui n'ont pas été capables de suivre le courant, mais, en général, je regrette, selon moi qui vis depuis 50 ans dans un quartier ouvrier, qui équivaut à peu près au quartier Saint-Henri à Montréal et au quartier Saint-Charles, il n'y a pas eu d'évictions massives qui ont fait que les gens ont été expulsés. Jamais, on n'a pu me prouver... Je me suis toujours battu au conseil de ville de Québec en disant: Prouvez-moi, avec chiffres à l'appui... On me donnait des chiffres, mais je disais: Donnez-moi donc les vraies sources, les preuves, et je n'ai jamais eu de réponse.

C'est beau citer des chiffres et dire qu'on va chasser les gens les plus démunis. Nous sommes là également pour les protéger. On doit protéger et informer ces gens-là. On doit voir à leur transmettre l'information nécessaire. Est-ce qu'on doit les prendre par la main et les conduire à la Régie du logement pour prendre connaissance de leurs droits? C'est une autre affaire. M. le Président, je vois que je suis peut-être long dans ma réponse, mais je voulais vous faire part de mes...

Le Président (M. Rochefort): Je ne

porte pas de jugement sur la durée de votre réponse. C'est simplement que le temps alloué aux deux formations politiques est expiré. C'est ce que je voulais indiquer à tout le monde.

Maintenant, M. le ministre, un court mot de la fin?

M. Bourbeau: Oui, M. le Président. Tout en soulignant aux membres de cette commission et, plus particulièrement, au député de Shefford que nous n'avons pas mis fin au programme d'aide -aux ressources techniques. Nous avons annoncé le maintien du réseau de base des GRT, mais avec des modifications quant au financement pour l'avenir qui s'orienterait plutôt vers des formes différentes et autonomes de financement. Tout en spécifiant que j'ai annoncé une politique globale d'habitation pour les prochains mois, je rappelle au député de Shefford, pour la énième fois, qu'en neuf ans, l'ancien gouvernement n'a pas trouvé le temps d'en pondre une. Je souligne que, s'il y a 100 000 déménagements par année, de ce nombre, il y a des propriétaires qui déménagent et il y a des locataires qui s'en vont dans d'autres immeubles locatifs, donc qui n'ont pas droit au maintien illimité dans les lieux et qui trouveront toujours, dans les immeubles locatifs, la possibilité d'en avoir si ces immeubles sont convertis. Je souligne que ce sont seulement les locataires qui quitteraient un condo converti pour déménager dans d'autres logements convertis en condo qui ne retrouveraient pas leur droit au maintien illimité dans les lieux, soit à peu près 0,5 % du stock locatif à Montréal. On est donc loin des drames que vous évoquiez.

Je tiens à féliciter la ville de Montréal... la ville de Québec - je ne retournerai pas dans les problèmes Nordiques-Canadiens, je vais rester à la ville de Québec - pour son mémoire positif, réaliste, pragmatique et qui dénote une connaissance évidente de la problématique de l'habitation. On connaît l'expérience que vous avez dans ce domaine. Je vous répète, comme vous l'avez bien saisi, que notre intention est, comme la vôtre d'ailleurs, je pense, de favoriser autant que possible l'accès à la propriété à tous les ménages québécois, mais en reconnaissant que ce sont surtout les ménages les plus jeunes qui souhaitent accéder à la propriété; en rappelant que, si on avait levé le moratoire en 1978-1979 ou en 1981-1982, au moment où l'immobilier était effondré, on aurait permis à des dizaines de milliers de Québécois d'accéder à la propriété pour une chanson, en leur donnant la possibilité de réaliser des aubaines, car il y avait beaucoup d'aubaines sur le marché à ce moment-là et, aujourd'hui, ces couples seraient en mesure de contrôler leur propre milieu de vie.

Je vous réitère quand même que notre objectif est également, en plus de l'accession à la propriété, d'accroître la protection des locataires et c'est pour cela que j'ai annoncé que, dès cet automne, j'ai l'intention de suggérer au Conseil des ministres et à l'Assemblée nationale des modifications à la loi 107 pour accroître le rôle de la Régie du logement. Tous les gens de la Régie du logement, derrière moi, sont très heureux de vous entendre reconnaître l'importance de cette régie et suggérer d'accroître ses pouvoirs. Nous allons certainement augmenter et resserrer les droits des locataires, surtout contre l'éviction et la reprise de possession intempestive. De cette façon, je pense que nous pourrons atteindre les objectifs que nous avons annoncés et auxquels, je comprends, vous souscrivez dans une très large mesure. Je vous remercie.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le député de Shefford, de brèves remarques de conclusion.'

M. Paré: Merci, M. le Président. Je dois dire que le discours du ministre était un peu différent certains soirs à Montréal où, voyant finalement les conséquences de la loi actuelle dans des quartiers de cette ville, il a pris le ferme engagement de légiférer dès la reprise des travaux pour changer non pas nécessairement la levée du moratoire - ce n'est pas l'engagement qu'il a pris - mais au moins modifier les trous dans la loi actuelle. Je dois dire qu'il reconnaissait que plus de gens souffraient que ce qu'on semble dire ce matin.

Quant le ministre disait tantôt: Si le moratoire avait été levé au début des années quatre-vingt, il y aurait eu des "bargains" à faire, ceux qui auraient pu profiter de ces achats à taux réduit l'auraient fait sur le dos des plus démunis. Ce n'était pas le temps d'acheter, en 1981-1982, pour les petits propriétaires, alors que le taux d'intérêt était à 22 % et que les gens étaient obligés de vendre. Cela veut dire que ce ne sont que les riches qui auraient acheté, et cela, sur le dos des plus démunis.

Ceci dit, je dois vous dire que je vous remercie beaucoup. Cela me fait beaucoup de peine qu'on n'ait pas eu le temps de discuter davantage. J'aurais eu plusieurs autres questions. J'espère qu'on aura la chance d'en discuter autrement. Comme vous, dans votre mémoire, moi aussi j'ai une inquiétude sur le fameux suivi de la levée du moratoire. On n'a rien de précis là-dessus. On pourra toujours y revenir par correctifs. Sauf que quand le mal est fait, on est mieux d'y aller par la prévention, à mon avis. On peut présumer des choses, on peut penser que cela ne se fera pas tellement, sauf que je dois vous dire que, connaissant le cas des gens de mon coin et le cas de plusieurs

autres personnes... Des édifices qui étaient évalués globalement à 70 000 $, 75 000 $ sont maintenant évalués à peu près le même prix par logement parce qu'ils sont en copropriété. Vous savez comme moi que la "gentrification" se fait beaucoup dans les quartiers centraux. Cela ne se fait peut-être pas sur une base catastrophique mais, avec la levée du moratoire, avec la permission de le faire, ce sera une petite mine d'or, au tout début - vous le savez - pour certaines personnes dans des quartiers comme celui-ci. Là, il y a des gens qui risquent de souffrir. On corrigera par la suite, mais, quand quelqu'un a déménagé, quand quelqu'un a été expulsé de son logement - je vous ai énuméré les façons qu'on va utiliser - quand c'est fait... Il est bien plus facile de prévenir, surtout quand on est à quelques mois d'une consultation sur une politique de la famille et sur une politique de l'habitation. On est mieux de prévenir que de guérir.

Je vous remercie beaucoup. Effectivement, vous avez des recommandations qui méritent d'être étudiées avant qu'une loi... ou avant qu'on décide de lever le moratoire. Ou moins, il faudrait qu'on insère certaines de vos recommandations. Merci.

Le Président (M. Rochefort): Merci, M. le député. Pour le mot de la fin, M. Vézina.

M. Vézina: M. le Président, mes collègues et moi sommes heureux d'être venus vous rencontrer. Cela nous a permis de nous exprimer sur ce sujet. J'ai bien apprécié les commentaires de M. le ministre ainsi que ceux de M. Paré, porte-parole de l'Opposition. Je pense qu'il y a des points de vue qui peuvent être partagés. On ne doit . pas nécessairement être tout à fait d'accord, mais je pense qu'on doit les prendre en considération. Vous soulevez des inquiétudes, M. Paré et M. le ministre. Mais, M. le Président Rochefort, vous qui avez présidé, au tout début, l'étude du livre vert Se loger au Québec - je m'en souviens très bien, on vous avait adressé un mémoire en ce temps-là - on veut seulement vous dire que nous sommes cohérents avec notre position de 1985.

On vous disait, dans notre mémoire de la ville de Québec sur le livre vert Se loger au Québec, que nous étions en faveur de la levée du moratoire. Aujourd'hui, nous sommes venus vous dire dans quelles conditions cela doit se faire. Nous sommes heureux de l'avoir fait. Nous vous remercions encore une fois. Nous voulons vous dire que vous pouvez compter sur notre collaboration en tout temps. Si, toutefois, il survenait des choses, nous serons à votre disposition pour vraiment échanger nos points de vue avec les membres de la Législature.

Le Président (M. Rochefort): Je vous remercie infiniment de votre participation et de votre contribution à nos travaux.

J'aimerais maintenant inviter les représentants du Mouvement des caisses populaires et d'économie Desjardins à prendre place à la table des invités, s'il vous plaît.

Messieurs, je vous souhaite la bienvenue parmi nous. Je vous demanderais de vous présenter pour l'information de l'ensemble des membres de la commission et du Journal des débats. J'aimerais attirer votre attention sur les quinze minutes prévues pour vous permettre de faire votre présentation. Les membres de la commission ont reçu votre mémoire et ils ont eu l'occasion d'en prendre connaissance. Ils souhaitent conserver un certain nombre de minutes pour discuter avec vous. Bienvenue!,

Mouvement des caisses populaires et d'économie Deajardins

M. Bergeron (Jean-Eudes): Merci, M. le Président, on va essayer de répondre à vos exigences. Tout d'abord, mon nom est Jean-Eudes Bergeron. Je suis président du conseil d'administration de la la Société d'habitation Desjardins ainsi que du conseil d'administration de la Confédération des caisses populaires. Je représente la confédération à cette corporation spécialisée en habitation. M. Irénée Bonnier, président-directeur général de la Société d'habitation Desjardins et M. Gilles Fortin, responsable des programmes en habitation dans cette société-là aussi. (11 h 15)

Je dois vous dire que la Société d'habitation Desjardins est un organisme provincial appartenant au Mouvement Desjardins qui chapeaute six sociétés régionales en habitation, lesquelles sociétés chapeautent aussi environ 40 sociétés locales ou sectorielles au Québec. On s'est donné une structure spécialisée, spécialement pour le développement de l'habitation et essayer d'apporter une contribution sur le plan social dans chacun de nos milieux.

Je dois vous dire, aussi, que les recommandations sont le fruit d'études, mais aussi de consultations de gens impliqués dans les structures en habitation, soit régionales ou locales.

Je fais un bref rappel des recommandations pour passer rapidement aux questions, M. le Président.

Compte tenu de ces orientations sociales et économiques, et ayant en filigrane le contenu de notre mémoire d'avril dernier, le Mouvement Desjardins suggère que la levée du moratoire soit fermement appuyée sur les quatre principes directeurs suivants: Faciliter l'accessibilité à la propriété, s'assurer d'une qualité décente de conversion, respecter un processus

démocratique dans la conversion et favoriser la protection des plus démunis.

En tenant compte de ce qui précède et du contenu de notre mémoire du mois d'avril, nous vous soumettons les recommandations suivantes: Qualité physique de l'immeuble: l'absence de normes physiques particulières laisse place à toutes sortes d'abus qui occasionneront des contraintes et de l'anxiété chez les locataires à revenu modéré qui habitent des logements de qualité douteuse, même si ces logements rencontrent les normes de qualité et de sécurité existantes.

Nous recommandons, par rapport à ce phénomène-là, que l'obtention d'un certificat de convertibilité soit préalable au processus de conversion et avant la demande d'autorisation à la Régie pour enregistrer la déclaration de copropriété; que des critères précis soient établis pour qualifier l'immeuble à être converti; que cette démarche essentielle de qualification s'inscrive avant la remise au locataire de l'avis d'intention de convertir; que l'appréciation de la qualité physique de l'immeuble le rendant apte ou pas à la conversion, soit intégrée au rapport d'experts déjà exigé; que dans le cas d'une non-qualification physique de l'immeuble pour la conversion, la Régie du logement soit investie de pouvoirs additionnels pour refuser la mise en marche du processus légal de conversion; que l'on précise le type d'expert, de firme ou d'organisme qui serait autorisé, après accréditation, en vue de qualifier l'immeuble ainsi que l'état général de ces principales composantes; que les coûts reliés à la subdivision cadastrale et à la déclaration de copropriété soient contrôlés.

Maintenant, sur le chapitre de la protection du locataire occupant, le droit au maintien dans les lieux tel que proposé, nous apparaît être un extrême. Cette dimension assure très bien la protection du locataire occupant. Cependant, nous sommes préoccupés par son aspect démocratique. En conséquence, nous proposons: que les deux-tiers des locataires consentent à acheter leur logement avant qu'une demande soit faite à la régie, afin d'autoriser l'enregistrement d'une déclaration de copropriété; que le maintien dans les lieux soit garanti pour deux ans minimum ou pour une période correspondant au nombre d'années d'occupation du logement, à partir de la date d'autorisation de la régie; que le maintien dans les lieux pour une période illimitée soit garanti aux personnes âgées, handicapées et autres cas particuliers.

Maintenant, en ce qui regarde le droit de préemption, nous recommandons: qu'une clause de transférabilité du droit de préemption à un OSBL, à la demande du locataire occupant, soit incluse.

Incitation à l'accessibilité à la propriété. Nous favorisons l'achat de leur logement par les locataires déjà en place. Le Mouvement Desjardins expérimente présentement, dans son réseau, de nouvelles formules de financement qui permettraient de faciliter l'accessibilité à la copropriété.

Nous recommandons: que la réglementation favorise la conversion par la voie d'organismes sans but lucratif ou de coopératives; qu'un programme d'aide gouvernementale à la réfection des immeubles convertis soit élaboré pour le bénéfice des futurs acquéreurs afin de les aider à supporter les coûts inhérents à la conversion.

Le Mouvement Desjardins croit que l'orientation générale de la réglementation proposée en vue de la levée du moratoire sur la conversion de logements locatifs en copropriété est sur la bonne voie.

Nos recommandations contenues dans la présente pourront, nous l'espérons, permettre d'enrichir cette opération de conversion d'éléments positifs en vue de faciliter l'accessibilité à la propriété dans un processus des plus démocratiques pour tous.

Le réseau Desjardins, avec l'appui de ses structures régionales ou locales en habitation ainsi que les instruments financiers à sa disposition, pourra être un des éléments positifs dans l'atteinte des objectifs poursuivis par la levée du moratoire sur la conversion des logements locatifs en copropriété.

Si je fais un bref résumé, on est pour la levée du moratoire, on est pour le maintien illimité des personnes âgées et handicapées. Pour les autres qui sont un peu plus jeunes et peut-être moins défavorisées, on veut quand même une limite minimale de deux ans ou l'équivalent d'années d'occupation, mais assujetties, bien entendu, à des conditions qui vont faire que le contrôle sera beaucoup plus grand. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Rochefort): Je vous remercie de votre présentation et aussi de votre collaboration au respect de nos règles pour permettre aux membres d'avoir suffisamment de temp3 pour discuter avec vous. Sur ce, je reconnais le ministre responsable de l'Habitation.

M. Bourbeau: Oui, M. le Président, je vous saurais gré de reconnaître le député de Louis-Hébert qui aimerait questionner nos invités.

Le Président (M. Rochefort): Ce que je fais immédiatement. M. le député de Louis-Hébert, je vous cède la parole.

M. Doyon: Merci, M. le Président, je n'en attendais pas moins de vous.

Le Président (M. Rochefort): Vous avez

une capacité de déduction fort élevée.

M. Doyon: Ha! Ha! Quelques mots, M. le Président, pour souhaiter la bienvenue aux membres de la Société d'habitation Desjardins dont le représentant vient de nous faire un exposé extrêmement intéressant. Venant d'eux, avec l'expertise qu'ils ont, il va sans dire que nous avons tout intérêt, comme membres de la commission, à prêter une oreille très attentive à leurs propos. Il nous font un certain nombre de réflexions qui nous permettent de voir de quelle façon le projet ministériel pourrait être bonifié. C'est dans ce sens-là que cette commission parlementaire s'est tenue depuis quatre jours maintenant à Montréal et que, aujourd'hui, on est à Québec.

Inutile de dire que la Société d'habitation Desjardins sait ,de quoi elle parle et, particulièrement, son expertise dans le domaine financier peut nous être très utile. C'est un problème qui a été soulevé à plusieurs reprises, que les futurs acquéreurs n'auront pas le capital nécessaire pour devenir propriétaires, et la mise de fonds nécessaire va leur manquer.

Vous nous avez laissé entendre que vous étiez en train de fouiller cet aspect des choses. Votre étude est-elle suffisamment approfondie, suffisamment avancée, pour nous dire quels sont les éléments de solution que vous pouvez actuellement envisager, sans avoir rien de déterminé, pour permettre justement à des gens qui ont des revenus assez modestes finalement de devenir propriétaire du logement qu'ils occupent et qu'ils veulent acheter?

M. Bergeron: Je demanderais à M. Bonnier qu'il vous donne quelques exemples concrets d'expériences vécues.

M. Bonnier (Irénée): Merci, M. le Président. Je pense que, peut-être, deux types de ménages vont profiter de l'offre qui leur sera faite d'acquérir leur propriété. Il y a ceux qui ont peut-être de la difficulté à arriver et pour lesquels, supposons une norme de 25 % de leur revenu brut serait sensiblement dépassée. Dans ce cas, il faudrait peut-être songer - on le souligne dans le mémoire - à ce que le gouvernement pense à venir en aide d'une façon concrète et financière à un certain nombre de ménages. Quant aux autres, nous expérimentons actuellement dans une de nos régions une formule qu'on appelle option propriétaire. C'est une formule de travail et d'expertise seulement où les individus n'ont pas à déposer ou avoir dans leurs goussets une mise de fonds. En fait, c'est que le loyer, pendant une période X qui pourrait être de trois ans, plus ou moins, va servir à la mise de fonds par après, c'est-à-dire que des locataires qui n'auraient pas le capital suffisant pour faire leur mise de fonds pourraient l'acquérir sur une période X d'années. Entre-temps, évidemment, l'unité de logement peut appartenir à une habitation populaire régionale ou un organisme administratif quelconque. Nous faisons une expérience semblable, actuellement, dans une région du Québec. Elle semble être concluante. Au cours de l'automne, c'est l'intention du mouvement d'essayer de répartir cette expérience à travers la province. Donc, les caisses populaires seraient en mesure d'aviser les gens qui veulent devenir copropriétaires sur ces possibilités et même, de leur aider financièrement à résoudre leurs problèmes.

M. Doyon: Dans ce domaine, est-ce qu'il serait concevable que les caisses consentent un prêt pour la mise de fonds initiale nécessaire, ce qui permettrait au futur propriétaire d'emprunter la totalité du montant d'achat, étant entendu que le gouvernement pourrait - je lance tout simplement l'idée pour connaître votre réaction - garantir cette deuxième hypothèque, par exemple pour les 10 % qui manquent, le gouvernement prenant les arrangements qu'il faut pour que ces 10 % ou cette mise de fonds initiale puisse être remboursée lors de la vente ou de la disposition du logement par le nouveau propriétaire dans X nombre d'années, dans dix ans ou quinze ans? Est-ce que les caisses seraient prêtes à considérer de devenir deuxième créancier hypothécaire dans de telles circonstances? C'est une solution que vous pourriez regarder.

M. Bonnier: Oui, s'il y a une garantie gouvernementale en deuxième hypothèque, c'est sûr que c'est fort intéressant.

Une voix: ...

Des voix: Haî Ha! Ha!

M. Doyon: En plus de cela, c'est une très bonne garantie, surtout depuis le 2 décembre.

M. Bonnier: Jusqu'à nouvel ordre, nous avons confiance.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Doyon: Elle est meilleure depuis le 2 décembre, si vous me permettez de vous le dire.

M. Bonnier: Nous avons confiance que le gouvernement serait capable... Je pense que c'est une des formules intéressantes. Remarquez bien que dans la formule dont je parlais tout à l'heure, à toutes fins utiles, c'est que la caisse, au point de départ, prête pratiquement... Elle acquiert la propriété.

Donc, c'est 100 % du coût. Mais, par le fait que je paie un loyer pendant trois ans, cela peut être applicable sur ma mise de fonds. La formule que vous suggérez est une bonne formule. Nous avons d'autres formules qui s'appellent, supposons des fonds de développement et qui sont en opération aussi dans une région particulière du Québec et qui pourraient peut-être être utilisées pour aider les gens avec une garantie de deuxième hypothèque.

M. Doyon: Maintenant, il y a quelques points que j'aimerais tirer au clair avec vous autres. Vous parlez d'obtenir une expertise dans le domaine de la qualité de la bâtisse à être acquise. À ce moment-là, évidemment... Vous remarquerez que dans le document ministériel, il n'en est pas question. Le but de tout cela - cela a été étudié - c'est d'éviter d'augmenter les coûts pour le futur acquéreur parce que plus on demande d'expertises, plus on demande à des gens qui s'y connaissent, que ce soit des architectes, des ingénieurs ou tous ces gens-là, tous ces gens ont des frais qui doivent être refilés au nouvel acquéreur. Est-ce que vous avez fait une évaluation de ce que cela voulait dire comme coût, ces expertises ou si vous êtes... Est-ce que vous savez ce que cela représenterait comme augmentation des coûts pour le futur acquéreur?

M. Bonnier: Je vais demander à M. Fortin...

M. Doyon: Oui.

M. Bonnier: ...de répondre à cette question parce qu'il connaît très bien le côté technique.

M. Doyon; Oui. (11 h 30)

M. Fortin (Gilles): C'est bien sûr que cela peut hausser des coûts, mais cela peut éliminer des coûts par la suite. On a des lois au Québec qui protègent le consommateur. On se dît qu'au départ la plupart des problèmes peut-être que l'on soulève de part et d'autre face à la levée du moratoire pourraient être justement éliminés, contraints et cernés si, justement, ce rapport d'expert au préalable de tout l'engagement du processus de conversion était fait. Quant aux coûts on sait que c'est en relation avec les travaux qui se font. On sait aussi qu'au Québec le monde de l'habitation est surnormalisé, il y a beaucoup de règlements et de contraintes. Il ne s'agirait peut-être pas d'en venir à ajouter d'autres normes et d'autres contraintes, il s'agirait peut-être, comme on l'a fait pour des programmes comme Loginove et PARCQ, de s'assurer de la solidité de la bâtisse, de sa sécurité et de sa salubrité. On sait qu'il y a beaucoup de bâtisses en location qui ne sont absolument pas propres à être vendues à des gens qui veulent acquérir - je pense que c'est l'objet de l'accès à la propriété - un bien qui dans le futur leur apporterait une plus-value. Alors, au départ sur la question précise que vous avez posée c'est assez difficile d'en évaluer le coût exact. Je pense qu'il ne serait certainement pas plus élevé que le coût du rapport d'expert qui est déjà demandé dans le livre blanc. Il s'agirait tout simplement de le cerner un peu plus et le situer à un meilleur endroit dans le processus de conversion.

M. Bonnier: J'aimerais ajouter ceci. M. le Président. L'opération de la levée du moratoire pour permettre une accessibilité à la propriété beaucoup plus vaste est recommandable, mais à certaines conditions, comme on le disait, et en particulier ceci: II ne faudrait pas que des gens fassent de mauvaises expériences. Il y a des gens qui vont avoir foi en leur propriétaire et qui vont avoir foi peut-être au gouvernement et qui vont avoir foi à différents organismes mais c'est à eux, à partir d'un rapport, d'un certificat de convertibilité qui d'ailleurs va être payé par le propriétaire actuel et non pas par les futurs propriétaires, de faire un choix normal. Vous vous rappelez sans doute que l'INRS a fait une étude - c'était dans Laval, je crois - il y a quelques années, sur les faillites qui sont arrivées dans le domaine de la copropriété. Cela peut arriver. Des gens croyaient acheter une unité de logement de la même façon qu'ils achètent leur propre bungalow et étaient découragés d'entendre les bruits du voisin, étaient découragés de voir qu'ils avaient à partager des coûts communs qu'ils ne connaissaient pas au point de départ et étaient également découragés de voir que l'administration réelle de cette copropriété était mal faite. Quand on parle de certificat de convertibilité cela regarde les lieux physiques, c'est bien sûr, mais cela va regarder aussi les engagements que ces gens devront prendre en toute liberté et en connaissance de cause. C'est fondamental cela.

M. Doyon: Je comprends très bien les avantages qu'il y a là mais mon inquiétude c'était par rapport aux coûts. Le temps passe rapidement, M. le Président. Vous me permettrez une autre question. Il semble subsister une certaine ambiguïté quand on parle de moyens de procéder favorablement au transfert de propriété aux locataires. Vous avez mentionné que cela pourrait se faire par le biais des coopératives. Dans mon idée, les coopératives, c'est une forme de propriété collective et non individuelle. Je me demande quand vous parlez de cette formule si vous parlez des coopératives dans le sens de coopératives de capitalisation où

les gens mettraient en commun leurs fonds ou si vous pariez de coopératives au sens strict comme on l'entend, comme elles existent actuellement. Dans quel sens entendez-vous cette formule de coopératives que vous avez mentionnée dans le résumé de votre mémoire?

M. Bonnier: M. le Président, ce sont vraiment des formules de coopératives et de capitalisation. Les formules actuelles sont des coopératives dites locatives. Cela ne change pas grand-chose à mon avis. C'est un peu mieux, mais cela ne change pas, fondamentalement. Ce sont des coopératives de même que les OSBL; cela pourrait, par la formule des OSBL et des coopératives avec capitalisation être un moyen terme. Par exemple, si vous trouvez qu'à la longue, libérer totalement la levée du moratoire cela pourrait être dangereux, vous pourriez peut-être dire: On va avoir un moyen terme pendant deux ans. On va surtout essayer d'intéresser les gens à ce qu'ils se regroupent sous forme d'OSBL, organismes sans but lucratif, ou de coopératives avec capitalisation. C'est comme cela qu'on le suggère.

M. Doyon: M. le Président. Il me reste quelques minutes. Je sais que mon collègue de Taschereau a quelques questions à poser. Maintenant, si les gens de l'Opposition peuvent procéder maintenant ou après, c'est comme ils le voudront.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Louis-Hébert dans un respect de... Il y a consentement à M. le député de Taschereau.

M. Leclerc: Merci. Je voudrais d'abord saluer M. Bonnier qui fut mon prédécesseur... Est-ce qu'il y avait consentement? Oui, cela va. Je voudrais le saluer de façon particulière puisqu'il fut mon prédécesseur dans Taschereau et qu'il fut d'ailleurs le premier député du comté de Taschereau puisqu'il a été inscrit sur la carte électorale en 1973, l'année de son élection.

Un petit peu dans le même sens que mon collègue de Louis-Hébert, je voudrais poser une question, puisque votre premier principe est de faciliter l'accessibilité à la propriété. Avec le temps, je me suis rendu compte que dans mon comté notamment - et cela doit être vrai ailleurs - il y a des secteurs du comté, et je vais prendre l'exemple du Vieux-Québec, où les caisses populaires et les banques - ce n'est pas un reproche que je fais exclusivement aux caisses populaires - sont tellement exigeantes dans leurs garanties ou dans la mise de fonds initiale que, dans l'éventualité où le moratoire soit levé et où les gens voudront se porter acquéreur de condos dans le Vieux-

Québec, il m'apparatt, dans les circonstances actuelles, que ce seront exclusivement les gens qui feront de grosses mises de fonds, connaissant à l'avance les exigences des caisses populaires et des banques dans le Vieux-Québec...

Ma question est la suivante: y a-t-il des moyens à envisager pour qu'il n'y ait pas une si grande différence entre les secteurs? Vous avez sans doute des raisons pour lesquelles vous êtes beaucoup plus exigeants dans le Vieux-Québec qu'ailleurs. Mais, n'étant pas du système bancaire, je vous avoue que je ne connais pas ces raisons. Pour ma part, j'ai bien peur que, dans le Vieux-Québec en tout cas, si les banques et les caisses populaires gardent les exigences qu'elles ont actuellement, seulement les gens fortunés pourront s'y procurer des appartements.

M. Bergeron: C'est sûr que la tradition très conventionnelle voulant qu'il n'y ait qu'une seule hypothèque, on est obligé d'avoir des exigences beaucoup plus grandes. Dans des cas où on veut favoriser les moins-nantis, le risque est plus grand. C'est pour cela qu'on dit qu'on peut faire notre part de ce côté en tant qu'institution financière, à condition qu'il y ait un certain encadrement légal pour nous aider, qu'on parle de certificat ou des différentes conditions qu'on a posées.

Si on ajoutait ces conditions dans la loi, cela rendrait sûrement la tâche plus facile pour que la dimension financière soit dans des normes respectables. En fait, il reste quand même qu'il y a des risques considérables. Prenez la crise économique qu'on a connue durant laquelle des gens rapportaient leur clef sur le bureau du directeur de la caisse, n'étant plus intéressés à continuer à...

M. Leclerc: Pourquoi ces risques sont-ils plus considérables dans le Vieux-Québec qu'ailleurs? C'est ce que je ne comprends pas. Ce sont les différences entre un secteur particulier de mon comté par rapport à l'ensemble de la région. Ces différences, dans l'éventualité de la levée du moratoire, vont sûrement demeurer et je ne vois pas pourquoi vous changeriez vos critères. Un de vos principes est de dire: Facilitons l'accessibilité à la propriété. Dans les circonstances actuelles dans le Vieux-Québec, il est faux de prétendre que les gens aient l'accessibilité à la propriété, puisque les institutions financières dans leur ensemble, y compris les caisses populaires, sont beaucoup plus difficiles dans leurs critères d'acceptation.

M. Bergeron: Je me souviens du Lac-Saint-Jean - je ne connais pas tellement le Vieux-Québec - et, chez nous, c'est

différent. Le marché de la propriété est possiblement différent et peut-être aussi la stabilité de cette population. Mais, encore là, je ne connais pas assez le quartier auquel vous faites allusion. Une chose est certaine, les caisses populaires prennent de très grands risques et elles ont toujours tendance à aller dans ce sens, mais à des limites qui sont quand même respectables.

Si, par des mesures légales et par des programmes gouvernementaux, on vient nous appuyer quelque peu, on pourra sûrement aller plus loin quant aux risques.

M. Leclerc: Notre temps est écoulé. Je vous remercie.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le député de Taschereau. Je vais maintenant reconnaître M. le député de Shefford.

M. Paré: Merci, M. le Président. Je vous souhaite la bienvenue à la commission. Je dois vous dire que je n'en ai pas pour longtemps, parce que mon collègue de Dubuc veut aussi intervenir. Je vais quand même vous poser quelques questions. Je vous remercie pour l'intérêt que vous portez face à vos sociétaires pour un des sujets qui est fondamental pour eux: le logement. Dans votre mémoire, vous soulevez des points très importants et qui nous préoccupent. Je pense que cela est important. Vous montrez un souci pour la qualité de l'immeuble. Je dois vous dire, pour ce que j'ai entendu comme commentaire, qu'il y a beaucoup de gens qui s'inquiètent aussi de la qualité de l'immeuble et de l'effet de la levée du moratoire. Cela répondrait peut-être en partie à la question du député qui m'a précédé.

Des gens s'inquiètent de la qualité de l'immeuble, s'il y avait levée du moratoire tel que proposé parce que, premièrement, il y aurait des gens qui auraient tout avantage à laisser détériorer le stock de logements locatifs, pour que les gens quittent et qu'ensuite comme ils se libèrent, on puisse transformer. On ne paie même pas de droits d'achat de départ ou quoi que ce soit. Les gens s'en vont parce que, finalement, ce n'est plus vivable.

Quant à l'autre inquiétude, et ça répondrait à mon avis en partie à la question du député de Taschereau, c'est que si les gens à revenus modestes ou très moyens vraiment qui ont à peine le strict minimum disons pour accéder à la propriété dans le quartier où cela prend de la rénovation, achètent, ils vont réussir à faire leurs paiements et ils n'auront plus les moyens d'entretenir. C'est à ce moment-là que surviennent les problèmes de détérioration. Il est propriétaire, mais il n'a plus les moyens de rénover.

Je me rappelle avoir entendu - ça ne vient pas de moi, ça vient de quelqu'un qui, je pense, s'y connaît - M. Pépin, hier, de l'Association des propriétaires du Québec qui disait que sur 20 ans, ça coûte aussi cher en rénovation que l'achat de la maison. Donc, celui qui a à peine les moyens de payer, il fait quoi? Il laisse détériorer son logement. Je vous rejoins sur l'accès à la propriété. Je suis tout à fait d'accord. Si tous les Québécois pouvaient être propriétaires, je serais le gars le plus heureux du monde. Si ça prenait juste un coup de baguette on le ferait, sauf qu'il faut être réaliste. On sait très bien qu'il y a des gens qui ne peuvent pas et il y a des gens qui ne veulent pas, il y en a qui ne peuvent vraiment pas. Des chiffres nous ont été fournis. Je ne me souviens plus par quel groupe, je pense que c'était à Côte-des-Neiges. Même l'Association de l'immeuble du Québec a apporté des chiffres que vous pourrez confirmer ou infirmer ou contrecarrer, mais, elle a donné des chiffres éloquents. On peut bien vouloir rendre tout le monde propriétaire, sauf qu'ils ont donné des chiffres. Pour Côte-des-Neiges, en tout cas, ils disaient qu'un logis de 300 $, s'ils pouvaient l'acheter à 40 000 $, ça monterait des paiements d'à peu près 625 $ par mois. Imaginez-vous la personne qui n'a pas les moyens, qui a de la misère à arriver, à boucler les deux bouts, à 300 $ par mois elle arrive à peine. Si elle veut l'acquérir, c'est 625 $ au minimum.

Je pense que l'Association de l'immeuble du Québec nous dit les mêmes chiffres. C'est sûr que sur le tableau qui nous a été présenté ça monterait à 412 $ par mois, pour un immeuble de 40 000 $ avec un financement à 90 %, 10 % d'intérêts. C'est beau de donner des chiffres. Sauf qu'en discutant, on s'est aperçu que, concernant les chiffres, il manquait des choses importantes. Entre autres, on ne tenait pas compte du capital de départ qu'il fallait avoir et des intérêts à payer là-dessus. On ne tenait pas compte des rénovations. On ne tenait pas compte de l'entretien. On se retrouve probablement - je ne sais pas si vous pouvez nous dire si c'est vrai ou pas - au-dessus de 600 $ par mois. Pour quelqu'un qui a le strict minimum, on est obligé de se rendre compte que tout le monde malheureusement ne peut pas devenir propriétaire.

Là-dessus, je vais poser une question. Vous dites, à un moment donné - aux pages 2 et 3; à la page 2 - que finalement le droit d'occupation au maintien illimité pourrait être limité à deux ans ou en tout cas à l'équivalence. Un temps qui serait calculé en fonction du nombre d'années. Vous arrivez à la page 3 sur une mesure qui est très précise, celle-là. Nous favorisons l'achat de leurs logements par les locataires déjà en place. Je dois vous dire que c'est une

mesure qui a été amenée par l'Union des municipalités du Québec, par la Fédération des travailleurs du Québec, de façon très précise. Il faut que ce soit limité aux locataires en place. À la page 2, il est déjà limité. À la page 3, il est catégorique. Que favorisez-vous? Est-ce que c'est l'accession à la propriété du logement par le locataire qui est dans les lieux ou ouvert à tout le monde, comme la proposition du ministre à l'heure actuelle?

M. Bergeron: Bien, on dit, on parle des deux tiers aussi. Il peut arriver, dans une bâtisse où il y a plusieurs locataires, que certaines personnes n'ont pas les moyens du tout et qu'ils ne sont pas intéressés à devenir copropriétaires. Si on veut que ce soit la totalité qui devienne propriétaire, on vient de brimer qui? Ceux qui auraient les moyens et le désir. C'est pour cela qu'on dit que si les deux tiers des locataires sont intéressés à être propriétaires, on devrait, à cause du principe de l'accessibilité, leur donner une chance. Si, par exemple, il y en a un qui ne veut pas et que tout le projet tombe à l'eau, je ne pense pas qu'on favorise tellement la démocratisation des logements. (11 h 45)

Par rapport à vos coûts de tantôt, qu'une bâtisse soit administrée par un étranger ou par les gens du milieu, je pense qu'il y a un certain nombre de dépenses qui sont exactement les mêmes. On a prêché longtemps qu'on veut la prise en charge de l'économie par nos gens; on veut que les gens soient responsables. En tout cas, je crois énormément que la copropriété peut diminuer, à court et à moyen terme, les coûts de location, surtout si on n'exige pas en partant une mise de fonds considérable. S'il y a des structures de soutien...

On parle des OSBL. On vit une expérience dans Lanaudière. On a une société qui permet le financement temporaire d'une bâtisse pendant que les gens paient un loyer et, tranquillement, s'en vont vers la copropriété. Je pense qu'il faut des mesures transitoires. À partir du moment où cela ne demande pas, en partant, une mise de capital importante et que les gens qui sont locataires veulent devenir propriétaires et y mettent de l'énergie, leur intelligence et leur dévouement au service de leur bâtisse, à court et à moyen terme, il y a des économies à faire pour ces gens. Ils peuvent donner une plus-value à leur habitation. Ils peuvent se sentir pas mal plus chez eux.

Il y a tous les avantages à être copropriétaire. C'est une valeur fondamentale qui n'est pas facile, mais ce n'est pas en mettant des murs considérables qu'on va favoriser cela. Je pense qu'il y a des risques à prendre, qu'il y a des moyens à se donner. Il y a des programmes. Il faut une volonté gouvernementale et des sociétés comme

Desjardins et les autres. Il faut croire à cette valeur et prendre les moyens pour y arriver.

M. Paré: Je partage votre opinion là-dessus, sauf que, comme je vous l'ai dit, en tant que législateurs, nous devons tenir compte de la réalité des gens. C'est vrai qu'en fin de compte, par la responsabilisation et par l'accumulation d'actifs, il y a avantage à devenir propriétaire; personne ne conteste cela, mais pour ceux qui le peuvent. Le pire, c'est qu'il y aura des victimes qui ne seront pas seulement les gens déplacés, les gens maintenus dans les lieux. Dans un quartier comme celui-ci, si cela se fait sur une échelle le moindrement importante, cela veut dire une augmentation générale des loyers à cause de l'augmentation de l'évaluation, même pour les édifices qui ne seront pas concernés. Cela veut dire, pour Montréal et Québec, dans le centre-ville, une augmentation générale des loyers pour tout le monde; il faut bien le savoir.

Est-ce qu'on est d'accord, comme législateurs, pour imposer cela aux gens, juste parce qu'on ne fait pas d'investissement majeur? Tout ce qu'on fait, c'est que, par une décision, on amène une hausse de l'évaluation qui finira par toucher même des gens qui ne seront pas déménagés. Vous me parlez d'une majorité de locataires...

M. Bergeron: J'aimerais bien vous suivre. Par exemple, pourriez-vous me démontrer comment la décision d'une possibilité de développement en copropriété amènerait nécessairement une nouvelle évaluation des bâtisses non concernées?

M. Paré: Cela a été soulevé dans une discussion sur Montréal. Dans un quartier où il y aura plusieurs maisons de touchées... Je prendrais n'importe quelle rue. Une rue a 25 maisons - des bouts de rue, ici, qui ne sont pas très longs - et 8 à 10 maisons sont converties. Une hausse de l'évaluation se répercute sur l'ensemble du secteur immobilier. En plus, cela amène ce qu'on appelle la gentrification, donc, une transformation des commerces. Finalement, tout le reste amène une augmentation. Je ne me souviens plus si ce sont les représentants de Montréal, dans leur mémoire, qui reconnaissaient implicitement: Levée du moratoire, augmentation de taxes pour les gens directement concernés. Mais cela se répercute sur les bâtisses d'à côté parce que l'évaluation vient augmenter... Tantôt, je donnais l'exemple d'une maison évaluée à 80 000 $ qui, du jour au lendemain, aurait quatre logements. Elle passerait à quatre fois 80 000 $ parce que, selon l'évaluation, chaque logement deviendrait une propriété. Donc, l'évaluation vient d'être multipliée.

Si l'immeuble à côté de chez vous

passe de 80 000 $ à 320 000 $, c'est évident que votre propriété vient de prendre de la valeur. Il faut reconnaître cela, je ne dis pas qu'elle va augmenter considérablement la première année et autant que la maison voisine, mais il y a effectivement, il faut le reconnaître, une augmentation générale, donc, une augmentation générale des loyers. Et je dois vous dire oui pour la propriété - et je vous donne la parole tout de suite - sauf qu'il ne faut pas oublier que si c'est une forme d'aide avec laquelle nous sommes tout à fait d'accord, la copropriété, parce qu'il faut se partager cela, il y a d'autres façons de devenir propriétaires. Il y a le moyen de la copropriété dans des édifices qui sont bâtis à partir de maintenant, qui ne reviendront probablement pas plus cher que ceux dans des quartiers aussi en voie de spéculation que le Vieux-Québec et ce qui est vraiment périphérique. Vous voulez compléter...

M. Bergeron Oui, en fait, je pense que notre défi sera d'enrichir cette idée du certificat de convertibilité avec une expertise qui est posée et ce, le plus tôt possible. Je dis: Si on pouvait favoriser les locataires, les inviter à faire une demande rapidement, pour obtenir un certificat de convertibilité, peut-être que cela se situerait à une date donnée, à un bilan de l'immeuble et je pense que ce qu'il faut essayer d'enrichir, c'est tout le préalable pour éviter les spéculations ou les fluctuations de marché. Cela pourrait être à court terme. C'est-à-dire que toute personne qui est locataire et qui est intéressée à devenir propriétaire devrait s'inscrire à la Régie du logement le plus vite possible pour qu'il y ait un bilan, une expertise de faite de la propriété et si, par la suite, à cause de transformations, la valeur marchande veut jouer, au moins, il y aura eu une date, à un moment donné, où on pourra... Il faudrait avoir un rapport d'évaluation avant que ce phénomène d'augmentation ne se produise.

En tout cas, je m'exprime bien mal, mais je veux dire que c'est dans les prérequis, qu'il va falloir prévoir des dangers comme celui-là et ce n'est pas en se mettant la tête dans le sable qu'on va régler le problème. Je pense que c'est en essayant d'implanter le plus de mécanismes possible pour protéger le locataire. Et je pense qu'on devrait être assez intelligents pour en trouver quelques-uns.

M. Paré: Sauf que, vous savez, si on faisait un calcul, on se rendrait compte qu'il y a des propriétaires qui ne font pas beaucoup de revenus avec leurs logements en fin d'année, mais cela leur permet d'être propriétaires, d'être chez eux, d'être autonomes. Par exemple, un individu qui a un immeuble de trois ou quatre étages dans le coin ici et qui ne pense même pas à la conversion, parce qu'il est bien et qu'il n'a pas de difficulté avec ses locataires... Parce que, peu importe ce dont on parle, il n'y a pas de mauvais propriétaire et de mauvais locataire en général. Moi, je fais confiance aux gens, ce sont tous des gens qui veulent l'harmonie. Il y a des exceptions comme n'importe où, mais cela va bien. Alors, on lui dit du jour au lendemain: Tu as maintenant la possibilité de vendre et cela veut dire que tu peux aller chercher trois à quatre fois d'une "shot" quasiment 200 000 $.

Je dois vous dire: On va donner la tentation à beaucoup de gens, il faut le prévoir. Quand vous dites que les gens se dépêchent à aller s'enregistrer, je dois vous dire que si j'avais un ou deux immeubles dans les rues des environs, dès le lendemain de la levée du moratoire, j'irais m'enregistrer et j'enverrais un avis de conversion, même si je n'avais pas l'intention de le faire. Cela me permettrait d'enclencher déjà le processus et de savoir que, si j'ai une bonne occasion de vendre, je vais le faire. Déjà, on vient non seulement d'ouvrir la porte à plusieurs ventes, mais on vient de causer de l'insécurité. Imaginez-vous le nombre de gens qui sont dans leur logement ici, dans les environs, depuis 10, 20, 30 et 40 ans et à qui on va dire: À partir de maintenant, vous n'avez plus rien de sûr parce que, si je réussis à vendre demain, vous pourrez partir.

Une dernière préoccupation...

M. Bonnier: Je m'excuse, M. le Président, mais nous, on insiste beaucoup -je pense que vous êtes d'accord là-dessus aussi - pour que ce soit offert aux locataires et non pas à des gens de l'extérieur, ce qui est fort différent. Deuxièmement, si je prends une propriété normale, lorsque je suis propriétaire d'un immeuble locatif, mes revenus de loyers doivent correspondre à un certain ratio par rapport au coût réel de ma propriété. Si c'est de 300 $ à 600 $, je pense que cela n'arrivera pas, parce que mon ratio ne peut pas être si éloigné du montant de 600 $ prépondérant. Mais ce que vous dites est vrai, cependant: la copropriété entraîne des coûts additionnels. C'est ce que disait M. Bergeron. Il faut, au préalable, bien informer les locataires et si, par exemple, le gouvernement disait qu'il compterait sur les caisses populaires pour faire ce travail-là avec lui, on serait prêts à le faire parce, que c'est la condition fondamentale: il faut que personne ne se sente lésé et mal informé car, après cela, c'est grave.

M. Paré: Vous avez raison, là-dessus, on se rejoint. Sauf qu'entre la bonne information et la protection effective il y a une marge et, nous, on ne la retrouve pas là-dedans.

C'est cela qu'on essaie de dire, il faut qu'il y ait des protections. Mettons-les, sinon... Est-ce que j'ai encore...

Le Président (M. Saint-Roch): Malheureusement, M. le député de Shefford, le temps est écoulé.

M. Paré: Merci.

Le Président (M. Saint-Roch): Alors, nous en sommes aux brèves remarques de conclusion. Je vais reconnaître M. le ministre.

M. Bourbeau: Je suis heureux de constater que le mémoire de la Société d'habitation Desjardins est plutôt favorable à la levée du moratoire et qu'il propose des modalités susceptibles d'améliorer, d'une certaine façon, la proposition gouvernementale.

Votre position nous paraît cohérente et certainement très bien articulée. Je me suis inscrit dans les objectifs du Mouvement Desjardins qui, déjà, est quelque peu associé à la Société d'habitation du Québec et au gouvernement dans la réalisation de certains programmes d'habitation.

Le Mouvement Desjardins est un collaborateur précieux de la SHQ dans la livraison de certains programmes et je tiens à le souligner. Ce sont des relations d'affaires, avec tout ce que cela comporte évidemment de négociations à l'occasion, mais je pense qu'elles sont excellentes et sur une base d'affaires comme on les aime. Quant à nous, nous n'avons qu'à nous féliciter de cette collaboration du Mouvement Desjardins.

Je peux vous assurer que le point de vue que vous avez développé devant nous, nous l'avons entendu avec nos oreilles grandes ouvertes et que nous allons en tenir compte dans l'élaboration du projet final que j'ai l'intention de déposer à l'Assemblée nationale dès cet automne.

Je vous remercie.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Shefford.

M. Paré: Oui, à mon tour, je vous remercie. Comme je vous le disais, vous avez présenté des sujets qui sont très préoccupants. J'aurais aimé qu'on puisse discuter une recommandation qui me semble très intéressante, soit de permettre la transférabilité du droit de préemption à un organisme sans but lucratif, à une coopérative. Cela, nous en avons parlé aussi à Montréal, sauf que autant la FECHIM que les GRT que d'autres coopératives sont venus nous dire que, de façon technique, ce n'est même pas faisable, malheureusement, dans la proposition qu'il y a là, parce qu'on donne un mois d'avis. Les programmes existants sont à date fixe et le budget est tellement limité que... J'aimerais que cela soit retenu, sauf que de la façon qu'on diminue les budgets, y compris pour les GRT, ne rêvons pas en couleur, cela ne semble pas du tout être dans l'orientation. Mais à force de répéter, peut-être qu'on va finir par convaincre le ministre que les coopératives sont une forme d'accession à la propriété, pour les plus démunis, qui doit être retenue. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Rochefort): Le mot de la fin.

M. Bergeron: Je remercie tous les membres de la commission de leur écoute et nous sommes très heureux que notre dépôt soit bien considéré. Je pense qu'on est toujours prêts à collaborer. C'est sûr que, dans un mémoire, on ne peut pas tout écrire, mais on a un vécu quand même qui comporte plusieurs expériences, dans le Mouvement Desjardins, qui pourrait peut-être, pour ce qui est des gens qui auront à travailler à des modalités, leur fournir des informations précieuses, concrètement dans la préparation des modalités que vous prévoirez. Merci beaucoup.

Corporation des propriétaires immobiliers du Québec

Le Président (M. Rochefort): Merci, encore une fois, de votre présence parmi nous.

J'appellerais maintenant la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec à la table des témoins.

Donc, bienvenue à vous trois. Pour l'information des membres de la commission, je vous demanderais de vous présenter et, par la suite, d'utiliser la quinzaine de minutes à votre disposition pour nous présenter les points essentiels de votre mémoire, s'il vous plaît. (12 heures)

M. Riverin (Michel): M. le Président, M. le ministre, membres de cette commission, mon nom est Michel Riverin, directeur général de CORPIQ, la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec. À ma gauche m'accompagnent aujourd'hui M. Pierre Galipeau, président de la corporation, et Mme Martine Charbonneau, qui est adjointe au directeur général.

Dans notre présentation, M. le Président - vous avez tous pris connaissance de notre mémoire - nous procéderons avec une brève introduction et nous exposerons particulièrement les points saillants et les recommandations que CORPIQ a vus à l'intérieur du projet gouvernemental.

Alors, nous voulons signaler aux membres de cette commission que l'approche

de CORPIQ se veut essentiellement positive et s'inscrit, dans toute la mesure du possible, dans le respect du gouvernement, des lois, des locataires et de toute la société. Ainsi, CORPIQ souhaite un dialogue constructif et un échange véritable entre tous les intervenants qui recherchent un mieux-être collectif et qui désirent participer à la définition d'un véritable consensus social en regard des politiques qui président à l'établissement des règles régissant l'habitation au Québec.

Enfin, il nous apparaît important de préciser que CORPIQ est l'organisme le plus représentatif des propriétaires immobiliers, ayant son siège social à Québec, un bureau à Trois-Rivières et également à Montréal. Elle compte 3000 membres, lesquels proviennent autant de Québec, de Rimouski, de Montréal que du Saguenay—Lac-Saint-Jean et partout dans la province.

CORPIQ souscrit au principe énoncé et aux objectifs poursuivis, mais à des conditions autres que celles proposées et ce, afin que toute nouvelle législation ne vienne pas encore réduire l'exercice du droit de propriété.

Cependant, les différentes mesures proposées par le gouvernement ne permettent pas de concilier les différents objectifs visés et il y a lieu de proposer des modifications importantes afin d'atteindre le but ultime indiqué dans le document Lever le moratoire: une décision qui s'impose.

Nous continuons avec les points qui nous apparaissent les plus importants d'abord, le droit au maintien dans les lieux pour une période illimitée. CORPIQ propose une modification de la mesure en question qui, nous le croyons, respecte à la fois le droit de propriété de l'investisseur et le droit à l'habitation du locataire. Nous proposons que le droit au maintien dans les lieux soit limité dans le temps, que cette limite soit liée au nombre d'unités converties, pour éviter toute ambiguïté et divergence d'intérêts, dès que la majorité, soit les deux tiers des unités, sera convertie. Les mécanismes de reprise de possession pour les unités restantes s'appliqueront, tel que prévu dans les articles 1659 à 1659.8 du Code civil de la province de Québec, le législateur ayant prévu à cet effet des conditions de dédommagement justes et raisonnables, à titre de compensation pour toute relocalisation.

Deuxième remarque, en regard des réparations majeures. Quant au souci indiqué dans le document: Lever le moratoire: une décision qui s'impose, en regard des abus engendrés par les réparations majeures, nous devons souligner à cette commission que les plus récentes statistiques publiées à cet effet par la Régie du logement n'indiquent aucunement l'existence d'une telle situation dans le marché immobilier au Québec.

Relativement aux augmentations de loyer, CORPIQ propose que le législateur retienne plutôt les mécanismes déjà prévus à cet effet dans le Code civil, bien que cette méthode de fixation nous apparaisse incomplète et insuffisante.

Le droit de préemption. CORPIQ propose que le droit de préemption ne puisse être exercé qu'une seule fois par le locataire et que ce dernier dispose de 30 jours pour signifier son acceptation d'acheter son unité de logement. Si le locataire ne répond pas, qu'il soit présumé avoir refusé l'offre. Les mesures de reprise de possession prévues dans le Code civil redeviendraient effectives après le délai de 30 jours.

Quant au rapport d'expert, CORPIQ propose, dans un but de simplification et de compréhension de ce rapport, que la présentation du rapport soit normalisée et que ce dernier soit préparé en conformité avec le Code du bâtiment actuellement en vigueur.

Permettez-moi d'ouvrir ici une parenthèse. Tout, au Québec, n'est pas convertissable. Donc, la conversion devrait répondre à un critère minimal: celui de respecter le Code du bâtiment. Nous proposons également d'utiliser le service actuellement en vigueur, soit la direction générale de l'inspection du bâtiment, et que, par exemple, les experts autorisés à produire le rapport en question soient les inspecteurs de ladite direction générale.

L'indivision et le maintien dans les lieux. Nous proposons que les propriétaires indivis soient soumis aux mêmes règles que tous les propriétaires immobiliers pour convertir leurs immeubles en copropriété divise et également pour la reprise de possession de leurs logements. Nous nous permettons ici de rappeler que les dispositions relatives à la reprise de possession sont déjà prévues dans le Code civil de la province.

CORPIQ propose également de limiter aux éléments nécessaires les informations que doit contenir le prospectus. Nous proposons également, afin de diminuer les coûts afférents à ce prospectus, de remplacer, dans la liste des informations, le mot "plan" par le mot "esquisse".

En regard de la protection du parc de logements locatifs, CORPIQ propose que les organismes décisionnels actuellement en place, soit les municipalités, conservent leur champ de compétence en matière d'aménagement et ce, en conformité avec les plans directeurs de ces municipalités.

Enfin, quant à l'autorisation de convertir, CORPIQ propose que toute décision rendue par la Régie du logement soit sujette à un droit d'appel.

Enfin, la conclusion - qui va faire sourire l'honorable ministre - c'est tout simplement une sollicitation à participer à

l'ébauche des politiques de l'habitation au Québec que nous avons voulu signifier là, et nous l'avons dit en toute déférence envers le ministre. Nous vous remercions de votre bonne attention et nous sommes à votre disposition pour quelques questions.

Le Président (M. Rochefort): Je vous remercie pour votre présentation. M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, je vous saurais gré de reconnaître le député de Nicole t.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Nicolet.

M. Richard: Merci, M. le Président. Après avoir regardé attentivement votre document, on s'aperçoit que l'ensemble de votre mémoire porte sur de nouvelles propositions relatives au droit au maintien dans les lieux, aux réparations majeures, à l'augmentation du loyer, au droit de préemption, au rapport d'expert et autres mesures, à la protection du parc locatif et à l'autorisation de convertir.

Vos principaux points visent effectivement à limiter le droit au maintien dans les lieux dans le temps et que cette limite soit liée au nombre d'unités converties. Vous dites que, dès que les deux tiers le sont, le droit de reprise de possession avec compensation... Vous parlez aussi de normaliser le rapport d'expert et que cela soit fait par la Direction générale de l'inspection du ministère du Travail, que la protection du parc locatif soit laissée aux municipalités qui ont déjà compétence en matière d'aménagement et vous parlez de permettre aussi un appel des décisions de la régie en matière de conversion. J'ai une question toute simple: Quel serait le rôle des municipalités dans la protection du parc de logements?

M. Riverin: À l'heure actuelle, pour ce qui est des conversions - c'est actuellement permissible pour des unités de quatre logements et moins avec reprise de possession -on voit mieux les municipalités déterminer ce qui peut être convertissable dans certains secteurs ou non que le gouvernement dans l'ensemble du Québec. C'est l'objectif visé par notre remarque, c'est-à-dire que, comme les municipalités ont des pians d'aménagement et des organismes qui les regroupent habituellement sous forme de communautés urbaines de façon régionale, elles sont plus près de la réalité quotidienne que le législateur provincial.

M. Richard: Cela va. Votre document était relativement clair. On vous remercie à l'avance de l'offre que votre corporation nous a faite d'utiliser éventuellement vos expertises. Merci, monsieur, d'avoir présenté votre mémoire.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Shefford.

M. Paré: Oui, merci. C'est vrai que c'était clair. Moi aussi, je vous remercie de la présentation de votre mémoire qui fait voir des points de façon claire et précise. Je partage l'idée de votre dernier paragraphe, à savoir que la consultation a toujours sa place et qu'elle exempte la confrontation et, souvent, la correction de documents. J'espère qu'elle sera passablement importante d'ici au mois d'octobre.

Une première petite question. Vous dites que vous voulez limiter - je le retrouve quelque part - le droit de préemption à seulement une fois à l'intérieur des 30 jours. Je vais vous poser la question aussi directement que votre mémoire présente ces propositions. Ne trouvez-vous pas qu'il s'agit là d'une très bonne façon de pouvoir tout simplement expulser les gens en faisant le plus d'argent possible? On peut bien, comme propriétaire, négocier un prix très élevé afin d'être sûr que le locataire ne pourra pas l'accepter. Au bout de 30 jours, son délai est expiré et cette "seule fois" est passée. À ce moment-là, pour s'en débarrasser, on peut très bien vouloir négocier à 60 000 $ et revendre à quelqu'un, à qui on veut bien le céder à 40 000 $, le 32e jour de l'avis d'intention.

M. Galipeau (Pierre): C'est assez difficile d'encadrer cela arbitrairement. Tantôt, on disait: Le but de la levée du moratoire est tout simplement de donner accès à la propriété. On écoute depuis tantôt et on lit ce qui est écrit depuis le commencement et, au fond, on se demande pourquoi les gens seraient intéressés à devenir propriétaires, alors que les propriétaires sont en train de perdre de plus en plus de droits. Ils ont investi de l'argent dans l'immobilier, que ce soit pour un, deux ou dix logements, et on est en train de leur dire: Vous voulez améliorer l'investissement que vous avez fait pour avoir un retour plus potable sur votre investissement; non, le locataire a une priorité sur vous et il ne vous permettra pas d'améliorer l'investissement que vous avez fait. Force nous est de constater: Pourquoi serait-on propriétaire? On est mieux d'être locataire et garder le choix.

Dans le parc immobilier de la province de Québec, on dit: Si on a les moyens de se payer un logement à 150 $ ou à 500 $ par mois, on sera certain qu'en fin de compte on ne pourra plus jouer dans ce domaine. On va dire: C'est gelé, le propriétaire ne peut plus augmenter par d'autres mécanismes que ceux prévus par la Régie du logement. Il ne

pourra plus faire des travaux d'amélioration pour l'ensemble de son immeuble dans le but d'augmenter sa rentabilité ou la valeur de son immeuble. On ne lui permettra plus de faire cela. Donc, quelle est l'utilité ou le besoin pour une personne de devenir propriétaire?

On parle du droit de préemption. Peut-être qu'il est limité à 30 jours, mais il va falloir qu'à un moment donné cela arrête quelque part et qu'on dise: On veut augmenter et améliorer le parc locatif, où arrête-t-on? Est-ce qu'on laisse une portion des locataires dans les immeubles et une portion des propriétaires qui auront un intérêt pour leur logement, pour leur situation et qui veulent améliorer leurs conditions de vie? À côté d'eux, il y aura un locataire qui n'aura pas d'intérêt pour son logement ou pour la communauté. À long et à moyen terme, mais plutôt à long terme, on verra le parc immobilier commencer à se détériorer.

On parle de prix. Comme vous le disiez tantôt, un immeuble de trois logements qui vaut 80 000 $ qu'on convertira demain matin et qui vaudra trois fois 80 000 $... Permettez-moi de vous corriger. Si cela coûte aujourd'hui 80 000 $, cela veut dire que l'on parle de la valeur de remplacement de l'immeuble. On sera toujours sur la même base. Un immeuble que voua pouvez vendre aujourd'hui 80 000 $, ce n'est pas parce qu'il sera converti en copropriété qu'il vaudra 360 000 $. Je regrette, mais si cela coûte cela... On pense toujours à prendre de vieux immeubles ou des immeubles existants pour les convertir. Si on monte le prix à 360 000 $, c'est donc qu'on a réinvesti de l'argent dans l'immeuble. Il y aura une certaine spéculation, je vous le concède, à l'exception qu'on ne fera pas tripler la valeur d'un immeuble. Quand on regarde la valeur marchande actuelle... L'offre et la demande de logements demeure toujours la même.

M. Paré: Je ne me souviens pas du cas précis, mais je pourrais vous rappeler un cas, à Montréal, qui nous a été amené. La valeur d'un immeuble est passée de 600 000 $ ou 700 000 $ à 900 000 $ pour être revendu immédiatement ou presque 1 200 000 $ ou 1 300 000 $. Je dois vous dire qu'on n'en a peut-être pas toujours conscience parce que ce n'est pas dans les journaux, mais, vente, revente et spéculation, dans certains quartiers, c'est une réalité au moment où on se parle. Dans une de vos propositions, vous dites aussi - attendez un peu: La CORPIQ propose que ce droit soit limité dans le temps. Dès que la majorité des deux tiers des unités sera convertie, des mécanismes de reprise de possession pour les unités restantes s'appliqueront. Vous savez très bien que c'est une mesure qui va complètement à l'encontre d'un des objectifs qui est spécifié, le maintien du stock de logements locatifs ou, en tout cas, une certaine conservation. À ce moment-là, on n'en a plus. Le stock de logements locatifs va aller, dans certains quartiers, en diminuant continuellement, sans mesure de protection quelconque, si je comprends bien. (12 h 15)

M. Galipeau: C'est exactement ce qu'on peut voir au point de vue gestion, si vous regardez l'ensemble. Je ne vois pas de crainte à long terme que de penser que les immeubles peuvent valoir trois fois la valeur. Ce à quoi vous faisiez allusion tantôt, ce n'est pas dans la région de Montréal. C'était dans la région de Toronto. C'est chez Cadillac Fairview où cela s'est fait en l'espace d'un an et demi, des valeurs astronomiques. Mats c'était par un mécanisme de contrôle des loyers, ou de contrôle des coûts qui est différent en Ontario comparé au Québec. Je veux dire en plus qu'un cas d'exception ne vient pas confirmer une règle du jeu.

M. Paré: Les gens qui sont venus, qui formaient toute une délégation à Montréal -Côte-des-Neiges, Notre-Dame-de-Grâce, Mont-Royal et tout cela - c'est chez nous. C'est à Montréal au Québec - les cas étaient précis avec des annonces dans les journaux -ce n'est pas à Toronto, le cas de 1 400 000 $ dont je vous parle. C'est un des cas. Pour celui-là, il y avait des chiffres. Mais il y en avait un paquet d'autres où on nous montrait copie dans le mémoire de l'appartement à vendre en condominium à des prix qui, je dois vous le dire, ne sont pas accessibles à beaucoup de gens. Vous allez me dire que ce sont des cas précis. Peut-être. Sauf qu'il faut être conscient que cela existe.

M. Riverin: On peut souligner que ce n'est pas une règle générale qui s'applique à l'ensemble du parc immobilier du Québec. Certains secteurs peuvent être plus touchés que d'autres, mais ce n'est pas une règle qu'on pourra appliquer, je ne sais pas, dans le West-Island, ou encore dans certaines parties de la région de Québec, ici. Je vois mal comment Sainte-Foy, avec le parc immobilier qu'il y a là dans le moment, qui est principalement composé d'immeubles à logements locatifs de 12, 16, 28 et 50 unités, où les valeurs pourraient tripier, quadrupler, du fait d'une possibilité de transformation en copropriété...

M. Paré: J'aurais une dernière question. Vous dites à la page 7: CORPIQ propose que des organismes décisionnels actuellement en place (les municipalités) conservent leur champ de compétence en matière d'aménagement et ce, en conformité avec le plan

directeur de ces municipalités. Cela étant dit, ne reconnaissez-vous pas que la proposition de Montréal serait plus applicable en fonction de ce principe que la proposition du ministre qu'on a ici sur la table aujourd'hui?

M. Galipeau: II faudrait connaître la proposition de Montréal.

M. Paré: En fait, la proposition de Montréal, c'était qu'il n'y ait pas de levée de moratoire et que la possibilité de convertir en copropriété demeure exceptionnelle et, à ce moment, les municipalités pourraient intervenir dans les cas d'exception, les autoriser ou, en tout cas, participer à la décision.

M. Galipeau: Cela revient un peu à ce qu'on disait au début. On préférerait que les municipalités s'en occupent, étant donné que le gouvernement voit l'ensemble de la province de Québec et chaque municipalité peut être différente. La situation à Montréal n'est pas la situation qui prévaut à Québec. Nous sommes d'accord, à ce moment, en disant: Les municipalités auraient peut-être des règles du jeu différentes de celles que le gouvernement peut avoir.

M. Paré: Oui. Avez-vous autre chose à ajouter?

M. Riverin: Non, monsieur.

M. Paré: Votre document est très clair, comme je vous le disais tantôt. J'avais quelques petites choses à faire préciser. Vous l'avez très bien fait. Cela répond à mes questions. Je reviendrai après, si le ministre veut faire quelques commentaires.

Le Président (M. Rochefort): Merci, M. le député de Shefford. M. le ministre.

M. Bourbeau: Sommes-nous rendus aux remarques finales?

Le Président (M. Rochefort): II reste du temps aux deux formations politiques, sauf que c'est à vous de décider de l'utilisation que vous en ferez.

M. Bourbeau: Si le député de Shefford est prêt à faire ses remarques finales, je serais prêt.

M. Paré: On a répondu à mes questions.

M. Bourbeau: M. le Président, je veux souligner simplement que le rapport de la CORPIQ est un rapport intéressant. C'est un autre mémoire qui appuie d'une façon générale la levée du moratoire. Je conçois que le député de Shefford va sûrement dire que son interprétation à lui ne va pas dans le même sens. C'est de bonne guerre quand on est dans l'Opposition. Vous avez une expérience pertinente de l'immobilier. Vous faites des recommandations aussi qui sont intéressantes. Nous en tiendrons sûrement compte lorsque nous rédigerons le document final que j'entends déposer à l'automne à l'Assemblée nationale. Merci.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le député de Shefford.

M. Paré: Vous avez raison, M. le ministre. Les gens en face sont d'accord avec la levée du moratoire. Je ne dirai pas le contraire. Sauf que je vous ferai remarquer que les gens disent quand même, que dans votre proposition - à la lecture du mémoire, si je me rappelle bien - il y a trop de réglementation, qui vient compliquer les choses.

Deuxièmement - je pense que c'est important - on peut dire que oui, le mémoire est favorable, sauf que, comme les gens l'ont dit tantôt, si on applique ce qu'il y a dans le mémoire qui nous est présenté, on n'obtiendra pas satisfaction.

Un des objectifs qu'on veut atteindre c'est, entre autres, une certaine protection en ce qui concerne le stock de logements locatifs. À mon avis, on peut avoir des mémoires qui soient favorables sauf qu'il faut toujours garder en tête, quand on veut légiférer, les objectifs fondamentaux qu'on s'est fixés au départ. Lorsqu'ils ne sont plus respectés, il faut se demander si on change les objectifs ou bien, finalement, si on tient compte plus ou moins des recommandations.

En tout cas, je dois vous dire que votre mémoire est clair, très très clair; tous l'ont compris très rapidement. On sait finalement... Votre position, je la respecte beaucoup. Je dois vous dire que j'analyse toujours en fonction des objectifs qui ont été établis au début et j'essaie de voir si, oui ou non, on y répond. C'est à la suite des discussions, comme on vient de le faire, qu'on réussit à voir si cela répond ou non. C'est encore une question d'interprétation, mais cela m'a fait plaisir de discuter avec vous.

Le Président (M. Rochefort): Merci. Pour le mot de la fin.

M. Galipeau: La corporation vous remercie de lui avoir donné la chance d'exposer son point de vue ici à la commission. Non seulement on demeure à votre disposition s'il y avait d'autres informations, mais nous désirerions participer beaucoup plus activement soit à l'élaboration, soit à la consultation, comme on l'a fait dans le passé. Je vous remercie.

Mouvement des consommateurs handicapés du Québec

Le Président (M. Rochefort): Je vous remercie de votre participation à nos travaux et j'inviterais maintenant à prendre place à la table nos invités, les représentants du Mouvement des consommateurs handicapés du Québec. Bienvenue parmi nous.

Pour l'information des membres de la commission, je vous demanderais de vous présenter et de prendre la quinzaine de minutes à votre disposition pour nous présenter les points essentiels de votre mémoire puisque, comme j'ai eu l'occasion de le répéter, votre mémoire a été reçu et lu par l'ensemble des membres de la commission avant aujourd'hui.

M. Gagnon (François): Merci, M. le Président. Bonjour à tout le monde. Mon nom est François Gagnon. Je suis vice-président du Mouvement des consommateurs handicapés du Québec, qui est une association provinciale, et Monique Couillard est la présidente du mouvement. Pour la présentation, on avait pensé procéder à une lecture assez rapide en apportant des commentaires sur des points spécifiques et, s'il y avait des éclaircissements par la suite, on...

Le Président (M. Rochefort): Écoutez, en ce qui nous concerne, la forme de votre présentation est la vôtre, sauf qu'on souhaiterait que vous réussissiez à le faire dans la quinzaine de minutes qui est à votre disposition.

M. Gagnon: D'accord. Le Mouvement des consommateurs handicapés du Québec, fondé en 1979, est présentement le seul regroupement d'associations locales de personnes handicapées qui existe au Québec.

Notre but est d'assurer la protection du consommateur handicapé face au marché des biens et des services et de faire entendre la voix des personnes handicapées partout où des décisions sont prises concernant leur mieux-être individuel et collectif.

Nous sommes affiliés à la Coalition des organismes provinciaux ombudsman des handicapés (COPOH), qui est un organisme pancanadien, et nous nous faisons l'ardent défenseur du modèle de vie autonome, lequel s'oppose au modèle médical, omniprésent dans l'industrie de la réadaptation. Le modèle de vie autonome se caractérise par l'abandon du rôle de patient au profit de celui de consommateur à part entière.

Tous les membres du MCHQ sont des associations locales, ouvertes à tous les types de déficiences physiques ou sensorielles, dont les actions portent sur différents aspects de la vie en société, comme le transport, l'habitation, l'éducation et l'accessibilité.

Pour ce qui est du dossier qui nous touche particulièrement, en ce qui concerne la levée du moratoire sur les condominiums, on ne prétend pas avoir une expertise comme celle d'autres groupes d'associations de locataires, sauf qu'en ce qui touche les besoins essentiels des personnes handicapées on pense être en mesure de donner l'expertise qui est la plus complète sur cela.

Le mouvement est donc ce lieu privilégié où les consommateurs handicapés ont choisi d'agir dans le but d'améliorer leurs conditions de vie, ce qui inclut, entre autres, leurs conditions de logement et les obstacles de toutes sortes qu'ils doivent surmonter pour pouvoir s'en procurer un ou pouvoir le conserver.

Depuis quelques années, on a vu l'apparition en grand nombre - cela a poussé comme des champignons - de la formule des condominiums, qui est quand même assez populaire.

Le retour vers les quartiers centraux des villes d'une partie de la population plus aisée financièrement fit en sorte que ces quartiers devinrent des lieux privilégiés pour le développement de cette formule d'habitation dont l'objectif premier était de permettre à plus de ménages d'accéder à la propriété. nous trouvons que l'objectif de l'accession à la propriété est quand même un objectif louable, sauf que, comme on le verra plus tard, on se dit, en ce qui nous concerne, que ce n'est pas évident qu'il y a une forte proportion de la population handicapée qui est en mesure d'accéder à la propriété.

Nous croyons qu'à court terme cette pratique aura pour effet d'éliminer des quartiers centraux les populations moins bien nanties qui y trouvent actuellement des services qu'elles ne pourront que très difficilement retrouver ailleurs.

À maintes reprises, la construction ou la conversion des immeubles s'est faîte au détriment de l'accessibilité. Une telle façon de procéder va à l'encontre des objectifs du gouvernement qui visent à rendre la société accessible aux personnes handicapées. Les immeubles convertis jusqu'ici furent souvent des bâtiments assez récents, présentant déjà un minimum d'accessibilité. La conversion de ces immeubles et leur vente à des prix faramineux obligèrent bon nombre de personnes handicapées à quitter leur logement et à s'éloigner des services dont elles avaient besoin.

Le phénomène des incapacités significatives et persistantes n'est pas le lot d'une petite minorité sociale, comme on a souvent tendance à le croire. C'est une réalité susceptible de rejoindre la majorité de la population à un moment ou l'autre de son existence. Son incidence augmente de façon considérable avec le vieillissement.

Les principaux obstacles que l'on doive

surmonter pour pouvoir se procurer un logement lorsqu'on est une personne handicapée sont, outre les barrières architecturales qui sont toujours présentes, les réglementations et les normes qui ne tiennent pas compte des phénomènes reliés aux incapacités ou qui ne sont carrément pas mises en application, ainsi que les attitudes et les comportements de rejet ou de discrimination dont les personnes handicapées sont l'objet. Il faut savoir que, lorsqu'on est à la recherche d'un logement, aussitôt qu'on vérifie l'accessibilité de la bâtisse et qu'on mentionne qu'on est une personne en fauteuil roulant, souvent, l'établissement passe d'aucune marche à quatre marches parce que le propriétaire n'est pas intéressé à avoir un locataire handicapé dans son immeuble.

Un logement habitable c'est un logement... On parle, nous, d'accessibilité, mais on parle aussi d'un concept d'habitabilité qui fait que la personne peut vaquer à toutes ses occupations à l'intérieur d'un logement comme tout le monde. Ce qu'on dit, c'est qu'une porte plus large à une chambre de bains avec des barres d'appui, cela ne constitue pas nécessairement un logement habitable pour autant. Pourquoi la personne handicapée n'aurait-elle pas le droit d'ouvrir et de fermer elle-même ses fenêtres, de pouvoir utiliser les armoires de la cuisine? Pourquoi, aussi, devrait-elle payer sans cesse plus cher pour pouvoir circuler dans son logement dont les couloirs et les pièces se doivent d'être plus grands.

À voir la façon dont se développe l'architecture des condos, on risque de voir les personnes habitant ces lieux se retrouver en perte d'autonomie dans des logements devenus non accessibles»

Après avoir été forcées de vivre pendant de nombreuses années en marge de la société, les personnes handicapées en vinrent à considérer le logement social comme un tremplin pouvant leur permettre de s'intégrer au courant sociétal pour ainsi devenir des contribuables par l'emploi, la consommation des biens et des services, le paiement des impôts directs et indirects.

Pour de nombreuses personnes handicapées, le logement constitue le principal obstacle environnemental à leur participation active à la vie de société. Des conditions d'habitation ne répondant pas aux besoins réels des personnes handicapées peuvent dramatiquement saper leurs efforts d'intégration tout en les maintenant dans un style de vie sans cesse dépendant. Grâce à des logements accessibles et à des caractéristiques d'habitation utilisables, les personnes handicapées pourront s'épanouir en menant une vie autonome. il incombe donc aux décideurs des différents paliers de gouvernement de veiller à ce que les normes minimales d'habitabilité deviennent des prérequis obligatoires dans toutes les initiatives de logement.

Là, on ne parlera pas de l'inefficacité du moratoire parce que je pense que cela a dû vous être présenté à maintes reprises. Nous passons au contexte politique. L'objectif premier visé par les différents paliers de gouvernement, dans les années en cours, est de faire en sorte de mettre fin à l'Etat-providence. Le prétexte utilisé est de faire valoir le besoin de rationaliser les services offerts par l'État. On assiste de plus en plus au désengagement de l'État, pour se retrouver entre les mains du pouvoir, de la richesse et du secteur privé.

Le secteur de l'habitation n'échappe pas à cette règle. L'orientation proposée par le gouvernement, consistant à favoriser l'accession à la propriété, réinstaure un marché de libre concurrence auquel n'échappe pas le parc des logements à prix abordable. La situation actuelle, même avec un moratoire sur la conversion en condominium, affecte dramatiquement les personnes à faible revenu. Les perspectives d'emploi demeurent très minces pour les personnes handicapées. L'inefficacité des plans d'embauche et l'inaccessibilité architecturale des entreprises font que celles-ci se retrouvent, dans une forte proportion, sans emploi - on parle d'environ 90 % - et, dans plusieurs cas, les personnes handicapées qui se sont trouvé un emploi sur le marché régulier du travail sont souvent des personnes ayant des handicaps très légers.

Comme toutes les personnes à faible revenu, les personnes handicapées sont souvent victimes de harcèlement et de discrimination. Conséquemmeht, elles perdent souvent, ainsi, toute chance de pouvoir continuer à vivre dans leur logement. Comme elles ne peuvent, la plupart du temps, se reloger aux mêmes conditions, elles quittent leur quartier ou cohabitent à plusieurs dans un même appartement. Curieusement, le phénomène de la cohabitation semble coïncider avec les nouvelles lignes directrices des plans de services de l'Office des personnes handicapées du Québec concernant l'adaptation de domiciles. En effet, depuis octobre 1986, l'aide matérielle et financière est accordée seulement dans le cas de logements ou propriétés habités par un minimum de deux personnes handicapées. (12 h 30)

Les impacts de la conversion. On parle comme tout le monde de la spéculation, ce qui fait que la recherche d'un logement, les coûts de location ont augmenté de façon assez considérable. Il y a une diminution du stock de logements locatifs. C'est très difficile pour une personne handicapée présentement, surtout dans les centres urbains comme Montréal et Québec, de trouver un logement qui corresponde aux moyens financiers et à des conditions

d'habitabilité qui soient conformes aux normes d'accessibilité préétablies. Ce qu'on dit, entre autres, c'est que l'accession à la propriété n'est pas évidente pour la population qu'on dessert.

Pour terminer, voici nos recommandations. Dans le but de permettre aux personnes handicapées de se procurer un logement à prix abordable et de leur garantir le droit au maintien dans le milieu qu'elles ont choisi, nous recommandons que la conversion des immeubles ne se fasse pas au détriment de l'accessibilité, ce qui irait directement à l'encontre des objectifs du gouvernement; que, dans le cas de rénovations majeures d'un logement habité par une personne handicapée, celui-ci soit rendu complètement accessible et habitable -on parle des armoires, des couloirs et non pas nécessairement seulement de la chambre de bains et de la porte d'entrée - que, dans les cas où des rénovations majeures sont faites, les dépenses occasionnées par la relocalisation temporaire du locataire handicapé soient assumées par le propriétaire; que les mesures envisagées dans le but d'assurer une protection additionnelle aux personnes handicapées, contenues dans le document: Lever le moratoire: une décision qui s'impose, soient implantées de concert et en consultation avec le MCHQ.

Ce qu'on offre aux instances décisionnelles, c'est justement de participer, par le biais d'une consultation, à la mise sur pied de mesures qui vont assurer à la personne handicapée de pouvoir conserver ou acquérir un logement habitable. On veut le faire de concert avec les gens de la SHQ ou les instances décisionnelles. En gros, on pense que cela devient essentiel et que même les formules d'habitation, comme les coopératives d'habitation, devraient être encouragées en ce sens, parce que cela devient une formule palliative au manque de logements qui est réel ces temps-ci.

En terminant, on veut remercier la commission de nous avoir entendus. Je pense qu'on est le seul regroupement de personnes handicapées à s'être prononcé sur la question. On croyait cela essentiel parce que la conversion en copropriété va vraiment à l'encontre de l'autonomie de la personne. C'est très difficile de se loger, aujourd'hui, pour une personne qui sort d'une institution. On craint que les mesures et la façon dont cela se développe présentement soient un peu une espèce de retour à l'institution pour certaines personnes dont le handicap est assez lourd. On vous remercie.

Le Président (M. Rochefort): Je vous remercie de votre présentation. M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, M. le député de Nicolet aimerait poser quelques questions.

Le Président (M. Rochefort): Oui. M. le député de Nicolet, vous avez la parole.

M. Richard: M. le Président, M. Gagnon, Mme Couillard, sincères mercis pour votre mémoire.

La vue d'ensemble de votre mémoire, si on en a bien perçu les orientations, était relativement claire. On voit que, sans vous opposer formellement à la levée du moratoire, votre organisme ne voit pas les bénéfices que les personnes handicapées peuvent retirer de la conversion en copropriété. Vous soutenez aussi qu'environ 90 % des personnes handicapées sont évidemment sans emploi, malheureusement, et doivent vivre dans des conditions économiques peu enviables.

Vous soulignez aussi dans votre document que, sauvent victime de harcèlement et de discrimination, le groupe que vous représentez craint que le stock locatif ne soit réduit par l'effet de la conversion, accentuant ainsi les problèmes de logement pour les personnes handicapées, dans tout le Québec. Donc, vous recommandez des mesures qui visent à procurer des logements à prix abordable et permettant une plus grande accessibilité physique, ce que vous souteniez tout à l'heure, c'est-à-dire les rampes d'accès, les portes, les lavabos, etc., de façon que les personnes handicapées puissent avoir de plus en plus accès à un logement décent.

Ma question est: Est-ce que vous pensez que des normes d'accessibilité devraient être imposées aux convertisseurs afin de permettre le plus largement possible aux gens de votre groupe, aux personnes handicapées, de vivre dans des logements tout à fait adaptés à leurs besoins?

M. Gagnon: Ce qu'on peut dire là-dessus, c'est qu'il y a des études qui ont été faites et qui démontrent que dans le cas d'un logement adapté aux personnes handicapées, principalement aux personnes se véhiculant en fauteuil roulant, les personnes non handicapées réussissent à y vivre et trouvent que la formule architecturale de ce qu'on propose est quand même assez facilitante. Ce qu'on dit là-dessus, c'est que la façon dont les condominiums sont développés en "split-levels" - on voit souvent des marches - si la personne qui en fait l'achat, du jour au lendemain, à la suite d'un accident ou d'une maladie quelconque, se retrouve handicapée, comment fonctionne-t-elle dans ce logement? Cela implique des coûts supplémentaires. On serait peut-être mieux de prévenir que de se retrouver dans une situation où les gens ne pourront plus vivre dans les logements qui n'auront pas été conçus en fonction de cette éventualité.

M. Richard: M. le Président, mon collègue, le député de Taschereau, aurait une question à poser au groupe, si vous n'avez pas d'objection, sans faire l'alternance.

Le Président (M. Rochefort): Vous n'avez pas d'objection? Parfait. M. le député de Taschereau.

M. Leclerc: Merci. Je voudrais, à mon tour, souligner la présence de M. Gagnon et de Mme Couillard, des gens de mon comté, qui, malgré le fait qu'ils aient été aux prises avec un problème assez sérieux la dernière semaine - il sont passés au feu, M. le ministre - ont quand même pu venir nous rencontrer pour nous présenter leur mémoire.

Je profite de l'occasion, M. le ministre, pour vous faire savoir que ces gens ont présenté un projet de coop - et je sais que M. Arseneault écoute attentivement - de 18 unités pour personnes handicapées dans mon comté, et je suis sûr que ce projet sera étudié avec beaucoup d'attention. Ceci dit, puisque vous semblez demander des normes d'accessibilité physique, est-ce qu'on peut vraiment exiger cela du secteur privé, alors que, même dans mon comté, il y a des centres Travail-Québec qui ne sont même pas accessibles aux personnes handicapées? Je vous avoue que, dans mes souliers de parlementaire, je me verrais mal d'imposer cela au secteur privé alors que nous, du public, n'avons même pas réussi, au cours des ans, à faire en sorte que nos... Est-ce que j'ai la parole, M. le Président?

Le Président (M. Rochefort): Oui, M. le député.

M. Leclerc: Merci. C'est, en gros, ma question. Branchez-vous sur la margarine, M. le député de Lévis. On parlera des biscuits ensuite.

M. Garon: Mettez-vous de la margarine dans vos biscuits ou du beurre?

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Lévis, s'il vous plaît!

Une voix? M. le député de Lévis s'est récemment converti à la margarine.

Le Président (M. Rochefort): Oui, mais je voudrais être certain que tout le monde ne s'en mêle pas. Vous avez la parole.

M. Gagnons On trouve dommage que, dans certaines institutions du gouvernement, on n'aient pas les services adéquats auxquels on aurait droit. Je pourrais citer en exemple lorsqu'on on a rencontré M. Sirros, responsable de l'Office des personnes handicapées du Québec. Pour entrer dans les bureaux de M. Sirros, c'est très accessible, sauf qu'à un moment donné, si le besoin se fait sentir d'aller à la salle de bains, ce n'est plus possible. Ce qu'on demande à ce sujet, puisque la réglementation qui devait faire suite à la mise en application de la loi 9 n'a pas suivi, ce qui fait que les services ne sont pas tenus d'être...

Quand on parle d'accessibilité dans la loi, cela se limite à une rampe d'accès à la porte d'entrée; une fois rendu à l'intérieur, on voit parfois des immeubles publics avec trois marches et l'ascenseur un peu plus loin. C'est parce que la réglementation n'a pas été appliquée et c'est ce qu'on demande au gouvernement. Je pense que ce serait peut-être une bonne initiative du gouvernement de donner l'exemple au secteur privé parce que, tant que cela ne sera pas fait du côté des institutions gouvernementales, comment voulez-vous exiger que l'entreprise privée mette en application des réglementations et des normes d'accessibilité qui correspondent aux besoins réels des personnes handicapées?

M. Garon: ...de Québec ou de Montréal? M. Gagnon: Pardon?

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Lévis, vous n'avez pas la parole.

M. Garon: Je pose seulement une question.

Le Président (M. Rochefort): Non. M. le député de Lévis, je vous reconnaîtrai avec plaisir en temps et lieu.

Une voix: ...consentement.

Mme Couillard (Monique): M. le Président, me permettez-vous d'ajouter quelque chose?

Le Président (M. Rochefort): Oui, madame.

Mme Couillard: Ce matin, on n'a pas, en venant ici, la réponse à toutes les questions non plus. Ce n'est pas une opposition systématique au moratoire qu'on est venu faire non plus. Ce qu'on est venu dire à nos gouvernants, dans le fond, c'est qu'il y a un problème dans le milieu des personnes handicapées à qui, depuis dix ans, on a fait subir tout un processus d'intégration et de normalisation et, aujourd'hui, ces travailleurs, des pères et des mères de famille, des contribuables, se retrouvent confrontés et intégrés dans une société qui, elle, ne s'est pas normalisée. Bien sûr, la levée du moratoire est, pour nous, un problème en perspective, car la majorité des personnes handicapées, il faut quand même le dire, vit sous le seuil de la pauvreté. Si on leur dit demain matin: Vous allez acheter un loge-

ment - c'est bien beau - de 40 000 $, je ne suis pas sûre que beaucoup puissent se permettre cela.

C'est un côté du problème. Il reste encore le problème de l'accessibilité et aussi, comme François Gagnon le mentionnait tout à l'heure, celui de l'habitabilité. Il faut comprendre que l'accessibilité ne signifie pas toujours une porte de chambre de bains assez large pour pouvoir y entrer et une barre d'appui qu'on met ici et là. Ce sont tous des problèmes qui sont vécus par les personnes hadicapées et la crainte de notre mouvement consiste à dire: Demain matin, s'il y a levée du moratoire, qu'est-ce que cela va amener comme conséquences dans le milieu des personnes handicapées? Il faut penser aussi qu'aujourd'hui on est une minorité, mais vous savez comme moi que la population est vieillissante et que, demain, il y aura beaucoup plus de personnes en perte d'autonomie qui auront besoin elles aussi de logements adaptés, de logements accessibles tant physiquement que financièrement.

Maintenant, peut-être que, comme le disait M. le député de Taschereau, M. Leclerc, une des solutions qui pourrait être facilement envisageable pour nous pour le moment serait que le gouvernement favorise des projets, par exemple, de coopératives, où se retrouveront non pas seulement des personnes handicapées, parce qu'on trouve que c'est une formule ghetto, mais des familles - parce qu'aujourd'hui les personnes handicapées sont mariées, elles ont des enfants - des familles où il y aura une personne handicapée, que ce soit le père, la mère ou encore un enfant. Cela peut être une solution envisagée pour le moment mais, évidemment, on n'a pas la réponse. C'est plutôt un cri d'alarme qu'on est venu lancer ce matin en vous disant: Bon, si le moratoire est levé et que, demain, c'est appliqué, nous, qu'est-ce qu'on devient là-dedans? C'est ce que je voulais ajouter.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Shefford.

M. Paré: Merci, M. le Président.

Je vous remercie du témoignage que vous apportez ce matin. Vous dites que vous êtes le seul groupe, finalement, à s'être présenté pour représenter les personnes handicapées du Québec. Je trouve important qu'on ne vous oublie pas.

Il y a d'autres groupes qui sont venus. Entre autres, vous parliez d'une population vieillissante, plusieurs groupes représentant les aînés du Québec sont venus à Montréal, parce qu'effectivement, c'est une population importante qui a des préoccupations et des besoins spécifiques et qui méritent qu'on les considère dans les décisions qu'on prendra. Parce que, peu importe la décision qu'on prendra, il y a des gens qui vont écoper.

Il faudrait que tout le monde puisse se faire entendre de façon qu'on soit sensibilisé aux conséquences des gestes qu'on va poser et vous êtes justement une clientèle qui risque d'être la plus touchée, je vous le dis tel que je le pense, et ce serait dommage. J'espère qu'on va tenir compte de vos demandes et, surtout, de vos inquiétudes. Quand le député de Taschereau disait qu'il espère une réponse pour un projet dans son comté; moi aussi, j'en attend une, sauf que cela fait deux ans. J'espère avoir une réponse positive cette année, sinon, cela va aller à l'année prochaine.

On peut bien vouloir faire vivre d'espoir les gens, mais l'espoir qui traîne trop longtemps peut devenir du désespoir. À ce moment-là, c'est très malheureux et il ne faudrait pas que ce soit ainsi.

Vous avez présenté une argumentation qui est importante et que je vais reprendre avant de poser des questions.

C'est vrai qu'il y a un processus. Quand on lit votre mémoire - vous en avez sauté des bouts, c'est correct - on s'aperçoit qu'il y a une philosophie que le gouvernement a amenée au cours des dernières années qui est la désinstitutionnalisation et le maintien de plus en plus à domicile. Donc, le gouvernement d'une main, finalement, avec l'idée d'un ministère, favorise une politique.

Vous disiez tantôt dans la présentation, M. Gagnon, qu'on retrouve dans les milieux centraux, finalement, tous les services. Ils sont à proximité, ils sont plus proches, donc, la politique du ministère de la Santé et des Services sociaux doit faire en sorte qu'on intègre les gens non pas en les envoyant en banlieue, mais en les gardant dans les centres de façon qu'ils puissent s'intégrer de façon effective dans leur milieu de vie, là où il y a de l'activité et des services.

La politique du ministère va vraiment dans le sens qu'on vient de discuter. Mais la politique qu'on propose maintenant fait en sorte de changer les populations. En tout cas, le risque qu'on y voit, c'est de changer les populations déjà en place dans les milieux centraux. Ceux qui vont être appelés à partir, c'est sûr, si l'un des objectifs établis est l'accès à la propriété, ce sont ceux qui ne peuvent accéder à la propriété.

Vous avez donné le chiffre de 90 % des personnes handicapées qui n'ont pas d'emploi régulier, donc, qui vivent de prestations et les prestations sont très peu indexées. Alors qu'au cours des discussions -vous étiez ici ce matin - vous avez vu qu'il y a la certitude que les loyers vont augmenter. Cela veut dire que, pour les classes les plus démunies qui vivent de prestations, le projet de loi n'apporte aucune possibilité d'accès à la propriété, parce que cela ne donne pas plus d'argent à personne, cela amène seulement une augmentation des coûts de logement. Donc, ou on sort moins, on se

prive et on ne se paie même pas le nécessaire, ou on s'en va en banlieue où on espère qu'on va payer moins cher pour garder le même montant de dépenses, mais les dépenses vont nous coûter mauditement plus cher parce qu'il va falloir se déplacer maintenant pour venir chercher dans les centres-villes ce dont on a besoin.

À la lecture du document, est-ce que votre organisme a trouvé au moins un avantage à la levée du moratoire tel que proposé? Et, si oui, lequel ou lesquels?

Tantôt, vous avez dit: On vient parce qu'il peut y avoir des inconvénients - je pense que c'est le mot que vous avez utilisé - à la levée du moratoire. Vous êtes soucieux et inquiets de cela. Donc, vous vous préoccupez des inconvénients, mais est-ce que vous avez au moins trouvé des avantages? (12 h 45)

M. Gagnon: Un avantage que je mentionnais au début, c'est que le principe d'accession à la propriété est un principe louable pour des gens qui peuvent accéder à la propriété. Mais, compte tenu de la population qu'on vise, on dit au gouvernement que cela va prendre des mesures d'encadrement. C'est un appel à la prudence qu'on fait, en réalité. On dit: L'accession à la propriété n'est pas pensable - comme vous l'avez dit tout à l'heure - pour presque la totalité de la population handicapée du Québec. Mais le fait d'accéder à la propriété, le fait d'acquérir quelque chose, c'est positif. Ce qu'on fait, c'est un appel à la prudence.

Tantôt, on disait qu'en éloignant les personnes à faible revenu des quartiers centraux on les éloignait automatiquement des services. On peut donner un exemple. Dans les centres-villes des deux principales villes, Québec et Montréal, les trottoirs ont été aménagés. En banlieue, aussitôt qu'on s'éloigne des centres-villes, il est très difficile de circuler sur le trottoir pour une personne qui se déplace en fauteuil roulant. Il y a toutes sortes de services qui ont été concentrés dans les centres urbains et dans les centres-villes.

À un moment donné, on parlait de la crainte de la difficulté de trouver un logement locatif. On pourrait aller plus loin que de dire que c'est une crainte. C'est une constatation qu'on a faîte. Au cours des derniers mois, cela s'est développé de façon incroyable. Moi-même, je suis à la recherche d'un logement et je n'ai encore rien trouvé dans le centre-ville de Montréal parce que je veux rester dans le quartier. Les prix ont monté de façon incroyable. C'est la réalité, c'est une constatation qu'on a faite. Et c'est un appel à la prudence que l'on fait dans ce sens.

M. Paré: Est-ce que votre appel à la prudence ne serait pas justement, étant donné que le ministre a déjà annoncé son intention de déposer un document sur une politique d'habitation, de demander au gouvernement d'élaborer d'abord une politique d'habitation? Le premier ministre a parlé, au cours des derniers jours, d'amener une politique ou, en tout cas, une discussion sur la possibilité d'une politique de la famille. Parmi les problèmes que vous vivez, vous avez soulevé la cohabitation. Je dois vous dire que je ne suis pas sûr que maintenant il y ait beaucoup de gens qui soient sensibles à ce problème. Au contraire, on semble même vouloir l'imposer. Ce n'est plus drôle quand on dit qu'on impose à des citoyens à part entière de vivre avec d'autres pour faire des économies. Je trouve cela inquiétant.

On se rend compte que la levée du moratoire aura des effets sociaux terribles. Cela touche beaucoup de gens. Cela ne peut pas être traité comme si cela ne dérangeait personne. À ce moment-là, est-ce que l'appel à la prudence ne serait pas justement de dire au gouvernement: Amenez-nous une véritable politique d'habitation qui tienne compte du volet de la famille et qu'à l'intérieur de cela on tienne compte de la possibilité de lever le moratoire ou non. On a le droit, comme gouvernement, • de préserver des quartiers pour la location et cela n'empêche pas la copropriété dans des édifices neufs, même dans ces quartiers et dans des quartiers qui sont proches. Ce n'est pas un rejet de la copropriété, il faut être bien clair. On s'oppose à la levée du moratoire pour la conversion des immeubles déjà locatifs. Il ne s'agit pas d'empêcher la copropriété dans des immeubles qui sont déjà vides. Cela peut se faire. On le fait à Montréal. Vous le savez, vous dites que vous y cherchez un logement, donc vous connaissez bien Montréal. Cela se fait dans des entrepôts vides, cela se fait dans d'anciennes usines. Il y a moyen de favoriser la copropriété sans déloger des gens.

Je pense que votre appel à la prudence est bien parce que les gestes qu'on va poser auront des effets, comme je vous le disais tantôt, sur toute la population. Je ne suis pas sûr que les gens sont sensibilisés au fait que tout le monde sera touché ou presque, tous les locataires, peu importe, qu'ils déménagent ou non. Pour les gens qui seront déplacés, ce sera pire, surtout dans votre cas. Je dois vous dire que cela m'a sensibilisé, le fait que vous parliez des trottoirs. On n'y pense pas assez souvent parce qu'on n'en a pas besoin. C'est vrai, dans les centres-villes on retrouve des aménagements qui ont peut-être été imposés, mais qui sont faits alors qu'on ne les retrouve pas ailleurs. Finalement, on aura fait des aménagements qui ne seront plus utilisés si on vous déplace; cela n'a pas de bon sens.

Qu'est-ce que vous pensez de la proposition qu'on retrouve dans le document sur le guichet spécial de la Régie du logement? Est-ce que, pour vous, c'est une sécurité?

M. Gagnon: On a étudié le document sommairement. La recommandation qu'on fait au gouvernement et à M. le ministre est la suivante. Avant de parler de mesures - on parlait de mesures protectrices et d'instaurer un guichet - on aimerait que ce soit fait en consultation et de concert avec nous. Nous sommes prêts à collaborer et à mettre en place des mécanismes qui permettront de s'assurer d'une certaine protection et de mesures qui n'iront pas à l'encontre des objectifs du gouvernement qui visent l'intégration sociale. Ce qu'on demande, l'objectif premier de nos recommandations justement, c'est de participer avec le gouvernement à mettre sur pied des mécanismes, des mesures favorisant les personnes handicapées.

M. Paré: Vous dites que vous vous cherchez un appartement à Montréal et que vous avez beaucoup de difficultés à en trouver. Premièrement, ou ils ne sont pas adaptés, ou ils ne sont pas disponibles, ou les coûts ont augmenté considérablement. Est-ce que, depuis l'annonce de la levée du moratoire, c'est plus difficile à trouver? Cela fait déjà un certain temps que vous cherchez? Est-ce que, dans des quartiers maintenant... Parce que vous dites que vous ne voulez pas changer de quartier. Est-ce que c'est plus difficile maintenant que ce ne l'était il y a quelques années?

M. Gagnon: Cela n'a jamais été facile, sauf qu'on se rend compte que cela devient de plus en plus difficile, principalement si on parle de la région de Montréal, entre autres, dans les quartiers de Saint-Jacques et du centre-sud, où il y a un fort bassin de population handicapée. On sent des augmentations de loyer qui commencent à être assez considérables et les gens sont plus ou moins en mesure de payer. Ce qu'on craint aussi, c'est ceci: il y a des politiques qui ont été mises sur pied au cours des dernières années comme, par exemple, le supplément au loyer de la SHQ. On se dit: II y aurait un besoin supplémentaire et il y a des gens présentement qui sont en attente, en institution, pour pouvoir intégrer un logement. Premièrement, il manque de logements. Deuxièmement, il manque d'argent pour ce qui est du supplément au loyer. On se dit: Est-ce qu'il s'agit du retrait progressif des mesures qui ont été mises en application dans le passé, des programmes spéciaux qui avaient été mis en application pour favoriser la désinstitutionnalisation et amener les gens à vivre dans des logements?

Ce sont des craintes qu'on a.

M. Paré: Je vous remercie beaucoup et j'espère qu'on va en tenir compte lorsqu'on prendra des décisions, effectivement, afin que des clientèles qui ne sont déjà pas les plus choyées ne soient pas pénalisées davantage.

Le Président (M. Rochefort): Merci, M. le député. Y a-t-il quelqu'un du côté ministériel? M. le ministre.

M. Bourbeau: Oui. Simplement pour remercier les représentants du Mouvement des consommateurs handicapés du Québec de l'intérêt qu'ils portent à la question. Nous nous intéressons déjà, à la SHQ, au problème du logement des personnes handicapées puisque nous avons un volet du programme PARCQ qui s'adresse à cette clientèle. Nous avons l'intention de continuer et même d'accentuer nos efforts, dans le but non seulement de faciliter l'accès, mais également de faciliter l'évolution, à l'intérieur des HLM, des personnes handicapées. Je peux vous assurer que les propositions que vous faites, on en tiendra compte lorsque nous aurons à prendre des décisions relativement au projet qui est devant nous. Merci.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Shefford, avez-vous des remarques finales?

M. Paré: En vous remerciant d'être venus nous faire part de vos préoccupations et de vos inquiétudes, je conclus en disant: M. le ministre, vous savez combien le programme PARCQ est dénoncé, combien c'est un recul pour tes personnes handicapées, comparativement à ce qui existait lorsque les services étaient fournis par l'Office des personnes handicapées, avant que l'on décide de faire le transfert.

M. Bourbeau: II n'y a pas de transfert.

M. Paré: Je ne veux pas revenir là-dessus, on a eu des discussions. Mais on sait à quel point c'est plus difficile et qu'il y a moins d'aide maintenant, parce que j'ai des dossiers précis dans mon comté que je pourrais vous détailler, mais je pense que ce n'est ni la place et ni le temps.

Je vous remercie. Vous amenez une préoccupation qui touche beaucoup de gens et c'est notre devoir d'en tenir compte. Merci beaucoup.

Le Président (M. Rochefort): Pour le mot de la fin, à votre tour.

M. Gagnon: Tout ce qu'on veut dire, c'est qu'on remercie les gens de la commission de nous avoir permis de nous

faire entendre. Je pense que ce qui est à considérer, c'est que notre groupement est contrôlé, dirigé essentiellement par des personnes handicapées, ce qui est assez unique au Québec. On se dit: Si, avant d'établir des politiques face à l'habitation ou à tout autre secteur, cela faisait partie de l'idée des décideurs de consulter réellement ceux qui vivent les problèmes et non pas, comme l'a déjà dit un certain ministre, de consulter des gens qui travaillent dans des bureaux, des fonctionnaires, ce serait déjà un plus pour nous.

Le Président (M. Rochefort): Merci de votre présence parmi nous. Sur ce, la commission ajourne ses travaux jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 55)

(Reprise à 14 h 7)

Le Président (M. Richard): À l'ordre, s'il vous plaît! J'aimerais vous rappeler le mandat de la commission qui est une consultation générale portant sur la levée du moratoire en ce qui concerne la conversion des immeubles locatifs en copropriété divise.

J'inviterais, s'il vous plaît, les gens du Rassemblement populaire de Québec à prendre place.

Rassemblement populaire de Québec

Mme Viger (Françoise): M. le Président, je suis Françoise Viger, conseillère à la ville, du Rassemblement populaire dans Limoilou. Je vous présente mon collègue, M. Jacques Fiset, qui est responsable et spécialiste du dossier de l'habitation pour le Rassemblement populaire.

Le Président (M. Richard): Je m'excuse, madame. Avant que vous commenciez, j'aimerais seulement vous rappeler que vous avez quinze minutes pour présenter votre exposé. Quand il restera seulement quelques minutes, je vous ferai signe et vous devrez, si vous n'êtes pas rendue à votre conclusion, conlure.

Mme Viger: D'accord.

Le Président (M. Richard): À vous, madame.

Mme Viger: Merci. M. le Président de la commission, M. le ministre responsable de l'Habitation, messieurs les membres de cette commission, je vous remercie de permettre au Rassemblement populaire, qui est le parti de l'opposition officielle à la ville de Québec, de vous présenter son mémoire sur la levée du moratoire sur la conversion des immeubles locatifs en copropriété divise.

Nous entendons faire valoir, par ce mémoire, les principes qui sous-tendent les mesures qui touchent la majorité des citoyens et citoyennes de la ville de Québec, c'est-à-dire les locataires car ce sont évidemment eux qui seront touchés par ce projet de loi.

En gros, le Rassemblement populaire préférerait que le gouvernement opte pour une porte close qui s'ouvre seulement pour qui a les clés, au lieu d'opter, comme c'est le cas présentement, pour une porte ouverte difficile à refermer parce que trop de gens auront le pied dans la porte.

La ville de Québec compte 71 % de locataires concentrés majoritairement dans les anciennes limites de la haute ville, dans la basse ville et Limoilou. La commission Lapointe a clairement fait ressortir que le pourcentage élevé de locataires à Québec était attribuable au niveau de revenu moyen des ménages, qui est le plus bas des villes de la communauté urbaine après la ville de Vanier.

À l'occasion de la présentation de notre mémoire sur l'habitation, dans le cadre de la consultation sur le plan directeur d'urbanisme de la ville de Québec, c'est cette prédominance des locataires dans notre ville qui, dès mai dernier, avait amené notre parti à presser l'administration Pelletier de s'opposer à la levée du moratoire.

Aujourd'hui, après avoir étudié en détail les mesures prévues pour protéger les locataires, nous croyons toujours, comme la grande majorité des organismes qui se sont exprimés à Montréal, depuis le début de la semaine, que la levée du moratoire risque d'être une passoire. Parce que le logement au Québec devrait d'abord être vu comme un droit et non comme un bien de consommation, comme l'affirme le mémoire de la ville de Québec, et surtout parce que la levée du moratoire ne rendra pas plus riches les locataires qui coupent sur l'épicerie pour se loger. Il ne faut pas être dupes des promesses de relance économique et d'accès facilité à la propriété que véhiculent les partisans de la levée du moratoire. À ce moment-ci, j'aimerais passer la parole à Jacques Fiset qui va commenter les mesures d'encadrement de cette levée du moratoire.

M. Fiset (Jacques): Les commentaires que je vais faire sur les mesures proposées sont tous basés sur un constat premier qui est que tant et aussi longtemps que la défense des locataires reposera sur leurs propres épaules, tel que le principe de la loi 107 le fait actuellement, on ne peut pas accepter une levée du moratoire. C'est dans ce sens que les commentaires qu'on va faire sur les mesures seront plus ou moins acceptables.

Par exemple, en ce qui concerne la question des réparations majeures, on trouve intéressants les éléments de cette proposition parce que, effectivement, depuis des années, les associations de locataires demandaient une modification des délais pour ce qui est des réparations majeures. On considère que cette mesure devrait être adoptée non pas seulement pour la transformation en condas, mais précisément pour l'ensemble des logements. Donc, que les délais possibles soient plus adaptés à la situation.

En ce qui concerne le droit au maintien dans les lieux, comme cela a déjà été dit, je pense, par plusieurs groupes qui se sont présentés ici, on trouve que si ce qui a été dit théoriquement est vrai, ce serait intéressant. On sait très bien qu'en pratique, il n'y a personne qui va acheter un logement s'il n'a pas déjà un truc dans la tête pour réussir à mettre la personne dehors. Donc, on pense que si on était acculés à cette situation, il y aurait minimalement trois mesures qui devraient accompagner cette chose. Premièrement, que l'information ne soit pas transmise par le propriétaire, mais qu'elle soit transmise par un tiers, et on pensait à la Régie du logement à ce moment, parce que le propriétaire va dire ce qu'il veut bien dire concernant les droits du locataire. Deuxièmement, à partir du moment où l'avis serait acquis, que toute transaction doive passer devant la Régie du logement, sans cela il va se passer un tas de trucs au désavantage du locataire. Troisièmement, il faudrait qu'en même temps que des avis seraient permis aux propriétaires pour transformer leur logement, les associations locales de locataires soient avisées de tous ces dossiers et qu'elles servent de défense aux locataires.

Concernant le maintien dans les lieux dans les cas d'indivision, on trouve effectivement qu'il faudrait que la mesure proposée soit adoptée mais pour permettre de bloquer complètement cette échappatoire actuelle du moratoire.

Concernant la jouissance paisible des lieux, évidemment, pour nous, c'est surtout là que le bât blesse, c'est-à-dire que tout va se passer au chapitre du harcèlement. On pense que les mesures proposées partent de la prémisse que les locataires vont se défendre. On sait déjà, d'après une enquête qu'on a citée ici, que 35 % des femmes -l'enquête avait été faite spécialement auprès des femmes - ont réagi par une attitude de passivité totale vis-à-vis du harcèlement. Ce n'est pas demain que cela va changer. Donc, tant et aussi longtemps que la défense des locataires reposera uniquement sur leurs épaules, ce n'est pas acceptable.

Concernant maintenant la protection additionnelle aux personnes âgées et handicapées, on trouve qu'il y a des catégories de personnes qui sont oubliées, parmi celles discriminées, dans la question du logement. On pense aux minorités visibles. Elles ont beaucoup de difficultés à se trouver un logement. On pense aussi aux femmes seules et particulièrement aux femmes seules avec des enfants, qui sont parmi celles qui ont le plus de difficulté à se trouver un logement adéquat.

Concernant les augmentations de loyer, dans le fond, on revient à la question du harcèlement. C'est par le biais du harcèlement qu'on obtient les augmentations de loyer. On souligne que même_si actuellement, les statistiques démontrent que peu de locataires se prévalent de la Régie du logement pour contester les hausses de loyer, c'est se mettre la tête dans le sable que d'affirmer, à la suite de cela, que les locataires sont satisfaits des hausses de loyer qui leur sont données. En réalité, une majorité de locataires ont tellement peur des conséquences de la contestation de leur augmentation de loyer qu'ils aiment mieux acheter la paix en payant leur augmentation.

Concernant le droit de préemption, on considère que c'est un droit qui n'est pas réel pour une grande partie des locataires. D'ailleurs, on le voit très bien défini dans le mémoire de la ville de Québec, il y a une grande majorité des locataires qui ne peuvent pas penser acheter le logement dans lequel ils sont. Donc, c'est évident que si on en arrivait à cette situation, il faudrait, pour permettre un véritable droit de préemption, qu'il y ait, accompagnant ce droit, un programme d'accès à la propriété pour les familles à faible revenu, sinon ce n'est pas un véritable droit de préemption.

Concernant la protection du parc locatif, on considérait que le document présenté par le ministère ne donnait pas de véritables mesures en ce sens. Dans le fond, ce qu'on disait, c'est: Ouvrons les portes toutes grandes et s'il y a trop de monde qui se pile sur les pieds dans la porte, on va essayer de la refermer par la suite. J'ai l'impression que c'est un non-sens. Il faudrait plutôt, si on en arrivait à cette situation, donc, procéder dans le sens inverse, ouvrir la petite porte et tranquillement, si on ne se pile pas trop sur les pieds dans la petite porte, on pourra peut-être ouvrir la grande porte. Je procéderais dans le sens inverse. Voilà1. Donc, en conclusion, Françoise va terminer.

Mme Viger: Donc, compte tenu de ce qui vient d'être exposé, il est plutôt triste de voir que la ville de Québec s'aligne avec la minorité favorable à la levée du moratoire. Cette minorité, on le sait, se compose surtout des organismes qui représentent des intérêts très intéressés dans la levée du moratoire. Je pense, entre autres, à l'Association de l'immeuble du Québec, à la CORPIQ, etc. Ces organismes

ne font rien d'autre - je le concède, c'est tout à fait leur droit - que de défendre les intérêts de leurs membres. Là où il y a quelque chose qui ne tourne pas rond, c'est lorsque la ville de Québec, contrairement à la ville de Montréal, semble plus sensible au lobbying des convertisseurs en condominiums qu'au droit de la majorité des payeurs de taxes, qui sont les locataires actuellement. L'administration du Progrès civique du maire Pelletier aura des comptes à rendre sur ce point.

En conclusion, je dirais que tout le monde s'entend pour dire qu'onze ans, c'est un peu long pour un moratoire et qu'il est temps pour le gouvernement de faire son nid par une véritable politique de l'habitation axée sur le droit au logement et la capacité de payer des gens. Nous espérons donc que le gouvernement du Québec sera sensible à l'opinion majoritaire qui se dégage des mémoires soumis à cette commission parlementaire. Ce dont les locataires des quartiers centraux des grandes villes, comme Québec et Montréal, ont besoin, ce n'est pas un feu jaune où tout le monde, pressé de faire une piastre vite, est tenté de passer. Ce qui va dans le sens du bien commun, c'est un feu rouge amélioré. Merci, messieurs.

Le Président (M. Richard): Merci, madame. J'ai l'impression que vous ne faites pas partie du "fan club" du maire de Québec, M. Jean Pelletier.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

Le Président (M. Richard): Excusez, ce n'était pas une question. Je transfère la parole à M. le ministre, qui a un commentaire.

M. Bourbeau: Oui. Je crois que le député de Sainte-Anne aimerait poser des questions aux représentants du parti du Rassemblement populaire de Québec.

Le Président (M. Richard): Alors, vous avez la parole M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Merci M. le Président. D'abord, je voudrais remercier les représentants du Rassemblement populaire d'être venus ici pour présenter leur mémoire. Je note une énorme différence entre les auditions de Montréal et de Québec. Nous siégeons, vous savez, depuis lundi et peut-être que vous êtes plus polis à Québec qu'on ne l'est à Montréal. J'ai noté avec plaisir que, dans votre mémoire, vous félicitez le ministre pour les mesures positives. Tout de même, si on n'est pas d'accord de temps en temps ou souvent avec quelques principes, j'ai noté qu'il n'y avait pas assez de félicitations pour les mesures très posititives, mais vous le faites et je l'apprécie beaucoup. J'ai quelques questions. À Montréal, un élément important qui est apparu pendant les auditions, c'est qu'il y a à Montréal, sans doute à Québec aussi, un nombre de personnes qui vivent, disons, en indivision. On m'a même dit que M. Fiset demeure dans un tel état au point de vue de l'habitation, mais je ne sais pas, parce que je ne le connais pas, c'est seulement une rumeur. Si on a, dans un même édifice, trois ou quatre familles ensemble en indivision, que pensez-vous de donner à ces personnes la chance d'aller en divis? Quant à moi, de la manière dont j'ai compris cela à Montréal, cela ne crée pas de problème pour le locataire parce qu'il n'y en a pas de locataire, ils sont déjà ensemble en indivis. Comme cela, on pourrait éviter la complication du grand problème d'être en indivis avec la responsabilité conjointe, etc. Peut-être que M. Fiset pourrait commenter cela.

M. Fiset: Le parti n'a pas de position particulière là-dessus sauf que, puisque vous parlez de mon cas personnel, je vais vous dire que nous avons choisi de poursuivre en indivis. Cela peut vous dire que, personnellement, je ne me pose pas la question de la même façon. Si, effectivement, il n'y a aucun inconvénient, s'il n'y a pas de conséquences pour des gens à faible revenu, je ne vois pas pourquoi des mesures ne seraient pas adoptées. C'est un peu dans ce sens-là que la ville de Montréal proposait des exceptions. Ce qui nous préoccupe, c'est que des gens soient victimes du fait que d'autres tirent des profits d'une marchandise - parce qu'ils la considèrent comme une marchandise - qui est le logement. Nous ne voulons pas que le logement continue à être considéré comme une marchandise, on veut qu'il soit considéré comme un droit essentiel.

M. Polak: Vous dites "à condition que cela ne touche pas le droit d'une autre personne"...

M. Fiset: Exactement.

M. Polak: ...si c'est pour régulariser une situation interne dont les membres peuvent bénéficier, ni plus ni moins, tant mieux pour tout le monde.

M. Fiset: Voilà.

M. Polak: D'accord. J'ai noté qu'à Montréal, énormément de groupements, d'associations de locataires de quartiers sont venus avec des mémoires bien structurés et qu'il n'y en a pas à Québec. Est-ce que vous jouez un peu ce rôle-là? Est-ce que le sujet est moins chaud à Québec qu'à Montréal, indépendamment de la grandeur de la ville?

M. Fiset: Indépendamment de la grandeur... Ha! Ha! Ha! Non, tout simplement, je connais beaucoup d'associations qui travaillent à la défense des locataires ici, à Québec et qui font partie de regroupements provinciaux lesquels ont choisi de faire la présentation de Leur mémoire à Montréal. Je pense, par exemple," au Front d'action populaire en réaménagement urbain et le Regroupement des comités-logements associations des locataires qui ont présenté leur mémoire. Je connais des groupes qui en font partie ici, à Québec. Je pense qu'il avait été dit, à un moment donné, que la commission accepterait des mémoires des associations provinciales et non pas de leurs membres, s'il y avait déjà eu une présentation provinciale. Donc, dans ce sens-là, je pense qu'il a été choisi par plusieurs groupes de présenter leur vision des choses par le biais de leur association provinciale et de le faire à Montréal.

M. Polak: À la page 4 de votre document, vous faites référence aux mesures spéciales pour les personnes âgées ou handicapées. Oisons que c'est le guichet spécial de la Régie du logement ou un service spécial pour certaines catégories de personnes. On en a discuté à Montréal à plusieurs occasions. J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus. Certains ont dit qu'ils y voyaient un problème, à savoir que le personnel qui est là maintenant n'a pas assez d'expertise. Croyez-vous que si des gens venaient du milieu - et je parle du milieu des locataires - cela renforcerait ce système d'aide à ces personnes?

M. Fiset: Effectivement, je trouve l'idée intéressante parce que, dans notre mémoire, on souligne, à un moment donné, que, justement, si on en arrivait à lever le moratoire, on trouverait nécessaire que tous les dossiers de chaque immeuble où le droit à la conversion est acquis soient transmis à l'association de locataires locale. On pense que, précisément, les mieux placés pour défendre les locataires, ce sont encore ceux des associations qui ont une expertise très élaborée à ce sujet. Même actuellement, je pense que, à la régie, un représentant d'une association de locataires ne peut même pas se présenter pour aider un locataire à se défendre et parler à sa place, si le locataire n'a pas les moyens d'avoir un avocat ou ne veut pas en avoir un. Si on était capable d'aller dans ce sens, je pense que ce serait intéressant, ce serait un gain pour les locataires que leurs propres associations puissent servir à leur propre défense, à l'intérieur même de la démarche.

M. Polak: D'accord. Il y a un autre problème concernant le service spécial qui a été mentionné à Montréal. C'est que souvent, les personnes qu'on veut aider le plus ne sont peut-être pas en mesure de se rendre à la régie. Prenons, par exemple, les personnes handicapées. Je ne sais pas quelle est la situation à Québec au point de vue de leur transport, pour se déplacer de chez elles à la régie. Par exemple, pour les personnes âgées qui voyagent difficilement, disons, s'il y a une mauvaise température, etc., cela pourrait créer un problème. Avez-vous des idées, des commentaires à ce sujet?

M. Fiset: Je comprends mal votre question. Vous voulez savoir si...

M. Polak: À Montréal, on disait justement que le problème, pour les personnes que le gouvernement voulait aider - comme les personnes âgées et les personnes handicapées - par un service spécial à la Régie du logement était le transport, que la distance entre leur demeure et la régie était grande, qu'elles avaient un problème pour se rendre à la régie.

M. Fiset: Effectivement, je pense que le problème est le même à Québec parce que, d'abord, la situation des bureaux de la régie est assez excentrique par rapport au centre-ville, alors qu'on sait que la clientèle la plus touchée par ce besoin, ce sont les gens du centre-ville. Je pense qu'effectivement, la régie, comme tout service gouvernemental, de toute façon, qui veut être adapté et proche de ceux qu'il a à desservir, devrait être proche de ceux qui ont besoin de ces services. Si on calcule que c'est dans le centre-ville de Québec que les besoins sont les plus élevés, il devrait y avoir au moins des guichets, si les services ne sont pas là.

M. Polak: Merci. Avez-vous eu, à Québec, des cas de ces harcèlements dont on a fait grand état? À Montréal, il y en a beaucoup. Dans toutes sortes de quartiers, il y a des gens qui tentent de prendre possession de l'immeuble, de mettre le locataire dehors par tous les moyens légaux ou illégaux et ensuite, de convertir cela illégalement en condo. Est-ce que la situation existe ou non à Québec?

M. Fiset: Je pense que la situation n'existe peut-être pas au même taux qu'à Montréal parce que, de toute façon, il y a aussi que la concentration est moins grande. Mais je pense que déjà, dans les associations de locataires, il y a beaucoup de cas qui ont été rapportés, dans des quartiers en particulier où, effectivement, cela s'est fait. Mais ce n'est pas évident non plus que tous les cas de harcèlement vont forcément être rapportés à une association de locataires ou qu'on va en entendre parler. D'autant plus, je pense, que si, dans un quartier, le mouve-

ment démarre seulement, on en entend moins parler, parce qu'avant qu'il se crée un mouvement de réaction, il faut qu'il y ait un certain volume de harcèlement dans un quartier donné pour qu'une réaction apparaisse au public. Je pense qu'à Québec, dans beaucoup de quartiers, on est encore à la phase de démarrage, si je puis dire, de sorte qu'il n'y a peut-être pas encore eu de mouvement de réaction, mais que déjà, je pense, on pourrait trouver des cas comme cela dans les associations de locataires.

M. Polak: Je vous remercie beaucoup. M. le Président, je voudrais réserver les quelques minutes qui restent pour le député de Taschereau.

Le Président (M. Richard): À cause du principe d'alternance, est-ce que M. le député de Shefford est d'accord?

M. Paré: Oui, oui.

Le Président (M. Richard): Vous n'avez pas d'objection? Alors, M. le député de Taschereau, allez-y pour une courte question.

M. Leclerc: Je remercie l'Opposition. J'ai quelques brèves questions. Je pense que vous convenez que la situation actuelle ne peut plus durer, avec un moratoire facilement contournable comme il l'est actuellement. On est d'accord pour dire que cela ne peut plus durer. Je voudrais vérifier tout de même, surtout avec M. Fiset, puisqu'on est du même comté, la lecture que j'essaie de faire de la situation. Est-ce que j'ai raison de penser que les quartiers de la basse ville de Québec devraient être moins touchés par la levée du moratoire que ceux, par exemple, du comté de Jean-Talon?

M. Fiset: On sait qu'actuellement, le mouvement est plus répandu dans Montcalm. D'ailleurs, les études qui ont été faites par le Département de sociologie de l'Université Laval l'ont été dans le secteur Montcalm, en particulier sur la rue Aberdeen, et ont démontré que la transformation de logements, dans cette rue, avait créé une augmentation de 800 % du coût des logements. C'est une étude qui date de 1983 ou 1984. C'est vrai que le mouvement est plus apparent, plus large dans un quartier comme te quartier Montcalm à Québec, mais, connaissant la situation dans la basse ville, ce mouvement n'y est pas complètement absent non plus. Je pense que, un peu comme j'ai entendu des réactions ce matin, c'est évident que quelqu'un qui n'y a pas pensé, dans la perspective de la levée du moratoire, va peut-être y penser. Là, ce n'est pas évident que le mouvement ne se répandrait pas dans la basse ville, alors que, je me dis, déjà en basse ville, il y a des choses qui ont commencé à se faire et qui devraient être encouragées à la place, c'est-à-dire la transformation en coopérative, qui est une autre forme de propriété, mais c'est une propriété collective qui est très intéressante et accessible en même temps aux gens à faible revenu.

M. Leclerc: On attend, d'ailleurs, des nouvelles de cela très bientôt.

M. Fiset: En effet.

M. Leclerc: Je pense qu'on se connaît, je sais que vous êtes très collé au milieu et que vous savez très bien ce qui se passe. Est-ce que je pourrais savoir si vous avez trouvé, dans les citoyens que vous avez consultés, des gens qui vous auraient dit: De mon côté, cela m'intéresserait peut-être d'acquérir mon loyer? Quelle est la lecture que vous faites de la situation? J'en ai rencontré quelques-uns qui étaient contre la levée du moratoire, j'ai rencontré des gens qui étaient pour aussi. Je pense qu'il ne faut pas oublier ceux qui se disent: Cela fait 20 ans que je paie à mon propriétaire tant par mois et, dans le fond, c'est moi qui fait ses paiements à la banque. Il faut quand même se le dire. Je pense qu'il est bien que vous portiez l'essentiel de votre mémoire sur les gens qui pourraient être lésés par la levée du moratoire. Je vous en félicite, sauf que je pense qu'il ne faut pas oublier non plus ceux qui pourraient avoir l'intention de se prévaloir de cela, si cela pouvait se faire au détriment de personne. (14 h 30)

M. Fiset: Effectivement, je pense que plusieurs personnes pourraient être intéressées, mais ce n'est pas forcément le mode de tenure qui les intéresse en premier lieu; c'est d'avoir un logement qu'ils sont capables de payer et dont ils peuvent être responsables eux-mêmes. Je reprends mon cas personnel, vu qu'on en a parlé tantôt. Si je suis en copropriété indivise, c'est que j'ai voulu, à la suite d'une longue histoire qui s'est passée dans la maison, avec l'ensemble des locataires, transformer notre maison en coopérative. Les démarches étant trop longues et le propriétaire nous obligeant à une réponse trop courte, on a préféré, à ce moment-là, vu que nous étions tous là - on n'a mis personne dehors - acheter notre maison en indivision. Que ce soit en indivision ou en coopérative, de toute façon, on fonctionne en coopérative. Ce n'est pas le mode de tenure qui nous intéresse, ce sont les résultats. Je réagis à cela en disant: Ce qui m'intéresse, par rapport à la levée du moratoire, c'est surtout, d'abord et avant tout, la protection du fait que les gens ont des logements, qu'ils vivent dans un quartier et qu'ils ont droit à cela autant que n'importe qui. C'est cela que je veux

protéger. Si on ne lève pas le moratoire, si on garde le feu rouge, comme Françoise l'a demandé tantôt, et qu'on ne permet pas de reprise de possession, il reste que l'achat en copropriété indivise par une série de locataires présents dans une maison et que la transformation en coopérative vont quand même rester possibles. Sauf qu'il n'y aura pas de crainte chez les locataires d'être évincés et qu'il n'y aura pas d'angoisse générale de ce côté. C'est cela qu'il faut éviter. Je pense que, s'il y avait une levée du moratoire demain matin, il y en aurait une "gang" qui dormirait mal.

Le Président (M. Richard): Merci, M. le député de Taschereau. M. le député de Shefford.

M. Paré: Merci, M. le Président. Bienvenue à cette commission pour nous faire valoir les points de vue du Rassemblement populaire de Québec. Au départ, je vous félicite pour les images que vous avez trouvées. C'est souvent par les choses les plus simples qu'on finit par voir les choses les plus graves. J'espère que la lumière jaune et la lumière rouge vont éclairer certaines personnes, spécialement du côté rouge. L'image est très bonne. Le seul fait d'avoir eu une annonce prématurée, cela a justement fait accélérer les choses. On en a eu des preuves au cours des dernières journées et je suis sûr que Québec n'a pas fait exception à cela. L'image est très bonne.

Il y en a aussi une autre que vous avez utilisée et qu'il est bon de rappeler. Il s'agit de la porte ouverte qu'on ferme ou de la porte fermée qu'on entrouve et vice versa. En fait, c'est tout à fait contraire et cela n'a absolument pas les mêmes résultats. Si je comprends l'explication que vous avez donnée, vous adhérez à la proposition de la ville de Montréal et vous êtes pour une implication de la ville dans les exceptions qui pourraient être données. J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus.

M. Fiset: Pas tout à fait, justement. C'est-à-dire qu'on accepterait l'implication de la municipalité à une condition: que, dans la ville de Québec, on ait droit au référendum. Dans la situation actuelle, étant donné que ceux qui sont au pouvoir sont pour la levée du moratoire, si on les laisse intervenir pour choisir où on va le lever et où on ne le lèvera pas, ils vont le lever partout. Nous accepterions la possibilité de l'intervention de la municipalité à la condition qu'il y ait un droit au référendum et que les gens des quartiers aient un mot à dire là-dedans.

M. Paré: Au lieu d'un référendum, est-ce que cela pourrait être une espèce de réglementation très claire, très simple, connue de tout le monde? À savoir, si un propriétaire est prêt à vendre et que la totalité - 100 % - des locataires sont prêts à acheter de façon individuelle ou collective, s'il y a une coopérative et que cela ne dérange pas les plans d'aménagement de la municipalité, qu'à ce moment-là, cela pourrait être accordé. Ce seraient des exceptions connues d'avance, réglementées d'avance, où, finalement, il n'y aurait pas de problème et où on ne délogerait personne.

M. Fiset: Oui, dans cette situation... C'est pour cela que je trouve que l'intervention de la municipalité est possible, à la condition que ce soit une municipalité qui fonctionne dans l'intérêt de ses citoyens. Si, à un moment donné, la pression de certains promoteurs pouvait faire que, dans un coin donné, on donne la permission et que, ailleurs, on ne la donne pas et que ce soit... Il s'agit de savoir qui aura du poids vis-à-vis de la municipalité pour qu'elle intervienne. Il ne nous apparaît pas encore évident, à Québec, que le poids soit du côté des citoyens.

M. Paré: Justement, en revenant sur ce point, qui aura le poids, les pressions, etc., en fait, il faut aussi se poser la question présentement, à savoir qui va acheter? C'est important, dans les loyers déjà habités, de savoir qui va acheter. Si c'est un locataire qui veut devenir propriétaire, normalement, il n'aura pas les moyens de payer à deux places. Cela voudrait dire que s'il achète un logement et que ce n'est pas le sien, parce que le projet de loi ne dit pas que ce doit être son logement, ce peut être n'importe quel logement de n'importe qui, s'il veut en acheter un autre et qu'il l'a choisi, c'est qu'il veut aller y habiter. Si ce n'est pas quelqu'un qui veut aller y habiter, c'est quelqu'un qui veut acheter le loyer d'un autre parce qu'il est bien situé et qu'il veut faire de l'argent avec. Donc, d'une façon ou d'une autre, le locataire en place devient -je n'ai pas trouvé le mot, il vient de discussions qu'on a eues cette semaine - un obstacle. Vous avez mentionné tantôt, dans votre document, le harcèlement. Est-ce que vous pensez que, s'il y avait levée du moratoire, le harcèlement serait diminué avec les mesures qu'on a apportées ou, au contraire, risquerait d'augmenter?

M. Fiset: En tout cas, dans la réflexion qu'on a faite autour de la levée du moratoire c'est la pierre d'achoppement de tout. C'est que s'il y a levée du moratoire, c'est évident, il n'y a personne qui va tenter de vendre un logement, dans lequel il y a un locataire qui ne veut pas l'acheter, sans donner, au moins, à l'acheteur un petit truc pour réussir à mettre le locataire dehors et vice versa, c'est-à-dire qu'il n'y a personne

qui va acheter un logement pour l'habiter sans, déjà, avoir en tête un truc pour le mettre dehors et, le moindre de ces trucs, comme on dit dans le mémoire, ce serait d'acheter le locataire, d'acheter son départ. Comme on sait que les gens à faible revenu sont ceux qui n'achèteront pas leur logement, n'étant pas capables, une offre de quelques milliers de dollars, pour quelqu'un qui est sur le bien-être, c'est très alléchant, mais très en bas de ce que vaut son droit d'être là et la jouissance qu'il a du logement qui le satisfait pour le moment, mais il va se laisser acheter parce qu'à court terme, il a un bénéfice et, probablement, qu'il est mal situé pour savoir quel est le profit qu'il perd à long terme, donc, il va se laisser acheter. Je pense que la faille concernant le harcèlement est surtout là, cela concerne le droit au maintien dans les lieux pour une période illimitée.

M. Paré: Je dois vous dire, par exemple, qu'il a été longuement question du harcèlement. Vous êtes l'avant-dernier groupe, mais sur les 48 groupes qu'on a entendus jusqu'à maintenant, c'est revenu régulièrement. Et je dois vous dire que sur le harcèlement, il a été question largement de la formule ou de la possibilité d'achat du départ. Même M. le ministre avait dit, à un moment donné, que cela pouvait être possible, donc acceptable. Cela a été dénoncé par tous les groupes, et il y en a qui ont aussi demandé de définir et d'inclure dans la loi le harcèlement, pour que cela devienne une mesure qui puisse être contestée et qui puisse amener des pénalités.

On a demandé que le harcèlement soit défini. Les groupes ont demandé que l'achat soit inclus dans la description de harcèlement, mais là où on a eu surtout quelque chose d'important - cela ne veut pas dire que le reste de l'était pas - et qui est une vision juridique ou, en tout cas, qui va dans ce sens-là et qui mérite d'être connu, c'est lorsque le président de la Commission des droits de la personne est venu déclarer que, pour lui, cette forme de harcèlement était inacceptable. Donc, il faudrait savoir, si jamais le ministre décide d'aller de l'avant, qu'il faut aviser ceux qui veulent acheter un logement que cette façon de faire, pour mettre à l'extérieur du loyer un locataire, cette forme d'offre d'achat est inacceptable selon la Commission des droits de la personne.

Ce matin, il y a des gens de Québec qui sont venus nous dire - je fais des comparaisons entre Montréal et Québec - que le problème se vivait très intensément à Montréal, et on en a eu la preuve, mais que cela touchait bien plus Montréal et qu'à Québec, ce n'était probablement pas un mouvement très fort. Pensez-vous la même chose?

M. Fiset: Je pense que la comparaison se fait simplement en termes de population des deux villes. Pour mai, le mouvement a la même importance si on travaille par tête de pipe, et, de toute façon, dans la perspective d'une levée de moratoire, c'est évident qu'il va y avoir un mouvement de publicisation de ce mode de transformation qui va faire que même si, dans une municipalité, il y a peu de gens de touchés, cette quantité de gens va augmenter à court terme et on pense que c'est inacceptable dans la situation actuelle.

M. Paré: Et, de toute façon, simplement pour continuer un peu la discussion que vous aviez entreprise tantôt avec le député de Taschereau, est-ce que les gens de la basse ville vont être aussi touchés? À Montréal, on a entendu dire que cela aura une espèce d'effet de vague comme une pierre qu'on lance. C'est sûr que les gens d'ici, du quartier Saint-Roch ou du quartier Montcalm sont touchés. On déplace des gens qui s'en vont un peu plus loin et, finalement, on déplace du monde partout. Ceux qui se déplacent, ce sont ceux qui n'ont pas les moyens de rester. Donc, on étend la misère où s'en vont les plus démunis. L'exemple était donné, entre autres, des gens du Plateau-Mont-Royal, du quartier Centre-Sud à Montréal, de Maisonneuve qu'on déplace et qui s'en vont à Villeray ou à Montréal-Nord et, quand il n'y a plus de place, s'en vont à ville de Laval. À un moment donné, c'est toute une population qu'on déplace. Autant, pendant des années, les gens ayant de l'argent s'en allaient en banlieue dans de beaux bungalows avec du gazon à n'en plus finir qu'ils passaient leurs samedis à tondre et les gens du centre-ville restaient dans des logis plus ou moins acceptables autant, maintenant que la mode est à l'inverse, on veut renvoyer ceux de la ville, non pas dans des bungalows gazonnés, mais là où ils peuvent trouver un logement économique. C'est un danger qu'il faut prévoir, je pense.

Vous souhaitez, dans votre mémoire, que chaque avis de transformation soit transmis à l'association locale de locataires afin que cette dernière puisse informer adéquatement les locataires de leurs droits et leur apporter de l'aide si nécessaire. Je dois dire, pour répondre à la question de tantôt de mon collègue de Sainte-Anne, qu'il y a, à Québec, et j'en connais plusieurs, des associations de locataires très actives qui, d'ailleurs, depuis plusieurs mois, ont fait valoir leur point de vue sur la levée du moratoire, entre autres, sur l'Année internationale des sans-abri et sur les problèmes vécus par les itinérants de la basse ville de Québec. Du fait que vous indiquez cela dans votre mémoire, est-ce que vous adhérez à une proposition qui nous a été faite par différents groupes, dont les

centrales syndicales, je pense, demandant qu'il y ait une reconnaissance officielle avec une aide possible aux associations de locataires?

M. Fiset: Oui, exactement. Si on reconnaît ce rôle aux associations de locataires, on leur donne un mandat qui ne s'exerce pas toujours bénévolement, c'est bien évident. Pour moi, il y a une conséquence immédiate à cela.

M. Paré: C'est donc implicite. M. Fiset: Oui.

M. Paré: Une dernière question, car il ne doit pas me rester grand temps de toute façon.

Le Président (M. Richard): Effectivement, vous êtes à la lumière jaune, pour aller dans le même sens que le début de votre intervention. "

M. Paré: Je vais me dépêcher. Vous avez dit que, quand les gens sont déplacés, il y a une augmentation des loyers. Dans votre idée, est-ce que des quartiers vont connaître une augmentation généralisée des loyers si plusieurs - je ne dis pas la totalité ou la majorité - conversions s'effectuent sur une rue ou dans un quartier?

M. Fiset: Je suis d'accord avec le phénomène dont vous avez parlé plusieurs fois, d'autant plus que des études ont été faites. Je vous parlais de l'étude réalisée sur la rue Aberdeen où la valeur marchande des maisons non transformées, mais intercalées dans une série de maisons transformées qui devenaient majoritaires, a évidemment subi la même hausse que les autres maisons. C'est ce qui nous inquiète particulièrement.

S'il y avait levée du moratoire ici, à Québec, le dépôt du nouveau rôle d'évaluation qui sera fait dans quelque temps aurait un effet de bombe dans certains quartiers qui seront plus touchés que d'autres, compte tenu déjà des effets des transformations sporadiques qui se sont produites par le biais du trou qu'il y avait dans le moratoire. Donc, ces quartiers sont déjà affectés par le dépôt du nouveau rôle d'évaluation. S'il y avait levée du moratoire, ce serait la folie furieuse, ce serait une bombe dans ces quartiers. Je comprends mal que la ville de Québec s'inquiète justement des hausses de taxes mais, avec le groupement des municipalités, qu'elle accepte qu'il doive y avoir des hausses selon la valeur marchande et, même si ces hausses seront absolument incroyables dans certains quartiers de Québec, qu'elle veuille bien qu'il y en ait, en même temps qu'elle s'inquiète. Je comprends mal sa situation.

Le Président (M. Richard): Merci. M. le ministre, est-ce que vous avez un commentaire pour terminer?

M. Bourbeau: Oui. Je veux simplement remercier les intervenants de leur mémoire. Je reconnais qu'ils ont su allier les arguments techniques et politiques dans un heureux mariage qu'on a su bien décoder et je leur affirme que la prise de position qu'ils ont défendue sera considérée, comme toutes les autres, Iors de la décision que prendra éventuellement le gouvernement sur cette question. Merci. (14 h 45)

Le Président (M. Richard): Merci, M. le ministre. M. le député de 5hefford.

M. Paré: Oui, merci beaucoup. Moi aussi je vous remercie. Pour un parti politique, s'occuper de problèmes fondamentaux, ce n'est pas faire de la politique, c'est faire son devoir. Je trouve bien correct que vous veniez prendre la défense de ceux que vous avez choisi de défendre. Je dois vous dire que vous êtes loin d'être le seul parti politique à avoir pris une position dans le sens que vous la prenez, il y a même, de l'autre côté, des députés qui, je l'espère, vont réussir à convaincre leur caucus qu'il y a des dangers imminents qui auront des conséquences désastreuses si ce projet de loi passe tel quel. Je vous remercie beaucoup et j'espère qu'on va tenir compte de vos commentaires dans les politiques amenées à l'automne.

Le Président (M. Richard): Merci. Vous avez quelques secondes pour vos meilleurs voeux.

Mme Viger: Moi aussi, je vous remercie. Je vous remercie du temps que vous nous avez donné pour exposer notre point de vue sur la levée du moratoire. J'espère aussi que la décision que vous allez prendre sera dans l'intérêt de la majorité des citoyens d'une grande ville comme Québec.

Le Président (M. Richard): Merci de votre présence. J'appellerais, s'il vous plaît, immédiatement, les représentants de la Chambre des notaires. Messieurs, nous vous laissons la parole. Je présume que vous êtes des notaires. Maintenant, vous et vos collègues allez vous identifier sûrement. Même si vous êtes notaires, vous avez quinze minutes. Si jamais vous osiez les dépasser, on osera sûrement vous le spécifier. Alors, vous avez la parole.

Chambre des notaires

M. Lambert (Jean): Merci, M. le Président. Rapidement, je vais vous présenter les deux notaires - effectivement, vous avez

bien présumé « qui m'accompagnent. Tout d'abord, à ma droite, le notaire Laurence Charest, recherchiste et juriste au service de la recherche et de l'information de la Chambre des notaires. il fut responsable de ce dossier non seulement pour la présentation de ce mémoire, mais également lorsque, du temps du ministre Rochefort, nous avions travaillé au document Se loger au Québec et aussi lors des rencontres qui ont eu lieu depuis avec les représentants du gouvernement- À ma gauche, le directeur du service de la recherche et de l'information de la Chambre des notaires, le notaire Julien MacKay.

M. le Président, notre présentation comportera deux volets. On va essayer de procéder rapidement, quitte à compléter au moment des questions. Le premier volet est plutôt politique, dans un sens large, et l'autre volet, ce sont des considérations d'ordre un peu plus technique. Si on a bien écouté les mémoires qui ont été présentés au cours de la semaine, on peut conclure que tout le monde est contre la levée du moratoire "à moins que". Moi, je serais tenté de dire que les gens sont pour "pourvu que", c'est-à-dire que je considère que le verre est à moitié plein plutôt qu'à moitié vide. Je souligne également que le débat intéresse tout le Québec et non pas seulement Montréal. En effet, plusieurs villes du Québec comptent des immeubles susceptibles d'être convertis.

M. le Président, rapidement pour vous dire que le droit de propriété est un droit fondamental. D'ailleurs, on travaille à l'insérer dans la charte canadienne. C'est d'ailleurs le meilleur moyen connu de contrer les désavantages du fait de ne pas contrôler et ne pas maîtriser son lieu d'habitation et l'environnement qui lui est immédiat. C'est pourquoi nous posons la question: Faut-il conserver un Québec de locataires? Une question intéressante: Pourquoi, par exemple, à Terre-Neuve qui, à plusieurs égards, est considérée comme une province pas trop favorisée et dont le revenu moyen du citoyen est inférieur de beaucoup au nôtre, 82 % des citoyens sont propriétaires de leur lieu d'habitation? Pourquoi y en a-t-il 65 % à Toronto? Pourquoi y en a-t-il une proportion plus élevée dans les autres villes canadiennes? Pourquoi en Australie, par exemple, un pays semblable au nôtre, au revenu moyen semblable au nôtre, à Sydney et à Melbourne, les ménages sont propriétaires à 72 % de leur lieu d'habitation, alors qu'à Montréal cela force pour qu'il y en ait 25 %? Serait-ce que les Québécois ont une espèce d'infériorité congénitale? Je pense qu'il faut faire attention de revenir à un style qu'on a déjà connu.

Je regarde, par exemple, l'une des merveilleuses réalisations des dernières années concernant la propriété, par actions, des Québécois de l'infrastructure industrielle et commerciale du Québec. Je me rappelle d'une période où on mettait les citoyens en garde de peur qu'ils ne perdent leur argent à la Bourse! Mon Dieu, que c'était dangereux! Pourtant, M. Parizeau - et il faut lui en être très reconnaissant - avec un programme gouvernemental approprié, a donné le goût aux Québécois d'être propriétaires de leurs entreprises et, aujourd'hui, on est en train d'excéder toutes les autres régions du Canada en termes de propriété de nos entreprises, avec tous les effets que cela a entraînés.

Je ne vois pas en vertu de quelle idéologie, M. le Président, on priverait les Québécois de l'accès à la propriété, dans le respect de tous. Il y a des avantages collectifs qui vous ont été dits. Je reprends, par exemple, un terme qui a été lancé par un certain Dr Camille Laurin: La responsabilisation du citoyen. Il me semble que cela veut dire quelque chose. La stabilité sociale, les avantages en termes de création d'emplois, d'amélioration du parc résidentiel, je pense que ce sont des avantages qui sont concrets. Ils sont réels. Les études du livre vert du ministre Rochefort le stipulaient clairement. Au plan individuel, le meilleur moyen de contrer l'inflation des loyers, c'est bien de contrôler, d'être propriétaire. Moi, je n'ai jamais entendu parler de propriétaires qui s'insurgeaient contre la hausse des loyers de leur maison. Au plan personnel, l'accumulation de la valeur du capital net de la maison constitue, pour la grande majorité des citoyens canadiens, l'actif le plus précieux de leur patrimoine. En vertu de quelle idéologie priverait-on les Québécois de pouvoir accumuler cette valeur de capital? On conçoit que, lorsqu'on change tes règles du jeu, c'est-à-dire en levant le moratoire, il risque d'y avoir une situation dangereuse et préjudiciable aux droits des locataires. C'est pourquoi la Chambre, en appuyant l'objectif du ministre, a dit qu'il fallait respecter, et rigoureusement, le droit des locataires.

C'est pourquoi, même si la notion du droit au maintien pour une période illimitée, à première vue, paraît excessive - cela a donné lieu chez nous à des débats passionnés - on s'est quand même rangé et on a appuyé le ministre sur cette position parce qu'on pense qu'il faut, dans une action aussi importante que celle que le gouvernement s'apprête à faire, avoir des compromis et, probablement, mettre un frein à des ardeurs qui pourraient porter préjudice.

On avait suggéré, lors d'une rencontre avec un groupe de travail ministériel, il y a plus d'un an, la création de ce fameux guichet et cela a été retenu. On a mentionné toutefois, à l'époque, qu'on voulait que tous les locataires y aient accès et non

pas uniquement les personnes âgées ou les personnes handicapées. On parlait vraiment de tous les locataires qui peuvent être touchés par un projet de conversion ou par des réparations majeures qui, dans le fond, servent de prétexte. Ce qu'on a dit, dans notre mémoire - dont j'ai donné copie, malheureusement, M. Paré, à M. Garon, je ne sais pas s'il vous l'a remis - c'est: II faut effectivement que la protection ne soit pas seulement un droit théorique. C'est pourquoi, on dit: II faut que ce guichet soit pourvu et bien pourvu de ressources. II faut, par exemple, qu'il y ait un numéro de téléphone distinct de celui de la Régie du logement pour les autres cas. Quand vous êtes locataire et que vous recevez un avis, vous cherchez à avoir une information impartiale et, lorsque vous avez continuellement une ligne occupée, cela ne vous aide pas beaucoup. C'est pourquoi, on dit qu'il faut qu'il y ait des gens, il faut qu'il y ait des ressources qui soient là. Il faut que la protection soit significative. Même si on perçoit qu'il y aura abus au moment de la levée du moratoire, il faudrait peut-être avoir du personnel 24 heures par jour pour protéger les gens contre le harcèlement.

On s'aperçoit, finalement, M. le Président, lorsqu'on regarde cela, que le besoin d'une politique intégrée en matière d'habitation devient crucial. C'est pourquoi nous avons suggéré que le gouvernement prenne carrément le parti de l'accès à la propriété et le favorise; qu'il favorise les centres bâtis au détriment des banlieues qui ont commencé encore à se propager sur les meilleures terres agricoles du Québec; qu'il y ait une formule arrêtée avec les institutions financières du Québec - le Mouvement Desjardins y est favorable - car cela représente 80 % des hypothèques résidentielles au Québec. Alors, ce n'est pas n'importe qui.

Pourquoi ne mettrait-on pas une formule originale, comme cela s'est fait par exemple dans les milieux agricoles, pour permettre l'accès à la propriété agricole ou pour protéger les agriculteurs contre des situations adverses? Pourquoi, à ce moment, n'assoirait-on pas les intervenants du crédit avec le gouvernement pour mettre au point des formules originales pour justement permettre que les locataires bénéficient concrètement de cette levée du moratoire? On propose même que, pour les 55 ans et plus et les personnes handicapées, il y ait un programme précis et audacieux d'aide quitte à ce que le gouvernement se rembourse, lors de la revente, des deniers qu'il aura avancés à ces gens pour leur permettre d'avoir accès.

En conclusion sur ce volet, on peut dire qu'en 1971, 35 % des ménages locataires du Québec, soit à peu près 300 000, pouvaient accéder à la propriété de leur résidence. En 1983 - ce sont les chiffres du livre vert - c'était 15 % seulement, soit 167 000. Faut-il attendre encore? En 1983, le prix moyen d'une habitation était de 50 000 $ pour une unifamiliale. Si le prix de l'habitation avait été réduit à 30 000 $ - on voit qu'il faut chercher autre chose que l'unifamiliale - la proportion de 15 % aurait grimpé à 42 % de locataires pouvant accéder à la propriété. Si on baissait le coût à 15 000 $, 64 % des locataires pourraient exercer un choix et devenir propriétaires, s'ils le désiraient. Si on regarde comment cela peut s'exprimer concrètement - ce sont toujours des statistiques tirées du livre vert Se loger au Québec - pour un duplex c'est 31 280 $; pour un triplex, 22 000 $. Alors, on voit déjà que la tendance est à quatre et plus: 13 000 $. De 1976 à 1983, 10 000 unités ont été transformées, si on peut dire, par la technique de la copropriété indivise. C'est donc qu'il y a un besoin sur le marché qui, freiné par le moratoire, a trouvé une autre façon de s'exprimer, mais on sait tous les dangers que cela comporte. 90 %, d'ailleurs, de ces unités se retrouvent dans des immeubles de quatre logements et moins, toujours selon les chiffres du livre vert.

Je pense, M. le Président, qu'il faut cesser de chercher la compagnie aérienne qui garantira que ses avions ne tomberont pas, cela n'existe pas. C'est sûr qu'il y aura toujours un risque, quelle que soit l'action sociale. Je pense que, si on attend, on va priver les Québécois qui veulent devenir propriétaires. Je suis certain que, dans les 50 % de Québécois qui ne sont pas propriétaires, il y en a un bon nombre qui, si on leur offre la possibilité avec un programme intelligent d'accès pour les aider, vont vouloir le devenir. Pourquoi serait-on différent des autres dans le monde? Je pense que la population du Québec s'attend, M. le Président, qu'on cesse de la sous-estimer et de la considérer continuellement comme incapable. Qu'on lui fasse confiance! Évidemment, on reconnaît que, dans cette population, il y aura des secteurs qui, eux, auront besoin d'être protégés, cela est vrai.

Si on analyse rapidement les aspects plus techniques, M. le Président...

Le Président (M. Richard): Je vous mentionnerais qu'il vous reste quelques minutes.

M. Lambert: Parfait. On va essayer d'y revenir. Alors, j'ai déjà parlé...

Le Président (M. Richard): J'admets que vous êtes habitué à des contrats notariés, vous.

M. Lambert: Eh oui!

Le Président (M. Richard): Allez! Allez!

M. Lambert: Nous croyons, M. le Président, que le droit au maintien dans les lieux pour une période illimitée, avec un support actif et concret de la Régie du logement, sera une mesure susceptible d'enrayer les abus qu'on a connus avec un moratoire, finalement, qui ne les a pas empêchés. Il faut comprendre que le moratoire... D'ailleurs, tous les gens qui sont intervenus devant cette commission, tout le monde réfléchit en termes de la situation actuelle. Mais on oublie que la situation actuelle est une situation anormale, d'une rareté créée par un moratoire où, évidemment, ceux qui réussissent à passer à travers ont une denrée qui est tellement rare qu'elle s'offre qu'aux riches ou à ceux qui ont de l'argent. (15 heures)

Dès l'instant où les 400 000 ou les 500 000 unités de logement au Québec peuvent être vendues demain matin, vous ne me ferez pas accroire que ce seront seulement des riches, ce sera tout le monde, ce seront ceux qui les occupent. Ce ne sont pas les Martiens qui vont venir les acheter, ce sont les locataires, les gens qui vivent au Québec.

Il faut faire attention de ne pas s'imaginer que la situation que nous vivons actuellement et que le gouvernement du Québec... Peu importe que ce soit celui en place ou l'autre qui a ouvert le débat sur Se loger au Québec, on s'aperçoit qu'il faut la régler, cette situation; il faut l'envisager en faisant appel à l'intelligence et, je dis aussi, à la confiance qu'on peut avoir dans notre population. Le droit d'occuper son lieu d'habitation pour une période illimitée, concrètement appuyé par l'effectif de la Régie du logement, est la meilleure police d'assurance.

L'encadrement pour les réparations majeures. Ici, techniquement, on vous demanderait de préciser où commence le délai de trois ans... des travaux ou du premier refus d'une demande qui pourrait être présentée deux, trois ou quatre ans après les travaux. À ce moment-là, cela nous reporte à cinq, six, huit ans. Là-dessus, il y a une précision à faire. Mais, encore là, nous, on trouve que trois ans, c'est peut-être long, mais si l'ensemble des locataires est d'accord avec ces travaux et cette conversion... Là, le projet ne permet pas cela.

On avait un exemple tantôt des gens qui nous ont précédés où les locataires ont décidé, dans l'ensemble de l'immeuble, de devenir propriétaires. Pourquoi ce principe-là ne s'appliquerait-il pas? Si les locataires ne veulent pas, parfait, on bloque, mais s'ils veulent, pourquoi les surprotéger contre eux finalement, contre leur volonté?

Le Président (M. Richard): Pour conclure, s'il vous plaît!

M. Lambert: Disons que, sur les aspects techniques, le mémoire a été présenté, j'espère qu'il a été lu. Nous pensons aussi avoir recours à l'arbitrage pour régler. Nous croyons également - on en a parlé - à l'intervention d'une personne impartiale pour informer et prendre la volonté. Alors, si un propriétaire veut convertir, il ne faudrait pas que ce soit lui qui ait mission de tordre les bras pour obtenir les consentements, il faudrait confier à une personne autre de constater ce consentement-là, peut-être même avec une assemblée d'information obligatoire lorsque l'immeuble comptera plus que cinq unités, etc.

Alors, je pense que c'est cela. S'il y a des questions à cette étape, je pense qu'on pourrait y répondre. Merci.

Le Président (M. Richard): Merci, monsieur.

Avant de céder la parole à M. le ministre des Affaires municipales et responsable de l'Habitation du Québec, je souhaite la bienvenue au groupe de visiteurs que nous avons ici dans le cadre, je crois, du sommet de la francophonie qui doit se tenir très prochainement à Québec. Alors, je vous souhaite la bienvenue au nom des membres de la commission et j'aimerais, pour votre gouverne, vous informer que la commission qui siège est une consultation générale portant sur la levée du moratoire sur la conversion des immeubles locatifs en copropriété divise au Québec.

Alors, M. le ministre des Affaires municipales et responsable de l'Habitation, vous avez la parole.

M. Bourbeau: M. le Président, il me fait plaisir de saluer les représentants de la Chambre des notaires qui, je dois le dire, sont les derniers à venir s'exprimer devant la commission sur ce sujet. Cela peut avoir des avantages et des inconvénients. Les inconvénients, c'est peut-être que les membres de la commission sont un peu épuisés après cinq jours de travaux qui se sont poursuivis jusqu'à minuit, tous les jours de la semaine, sauf hier. Par contre, cela peut avoir l'avantage de permettre à celui qui présente le dernier mémoire de laisser une impression qui va peut-être durer plus longtemps, puisqu'on n'en aura pas d'autres après pour venir en ternir la mémoire.

La Chambre des notaires est certainement éminemment compétente pour venir parler de conversion d'immeubles locatifs en copropriété. Sa science et sa compétence sont reconnues, c'est une corporation professionnelle qui a, je pense, auprès du peuple québécois, beaucoup de crédibilité. Pour avoir lu le mémoire, je dois reconnaître qu'il s'agit, encore là, d'un travail extrêmement bien fait et bien pensé.

La chambre se pose carrément en

faveur du droit à l'accès à la propriété et plaide d'une façon éloquente, d'ailleurs, pour permettre au plus grand nombre de Québécois possible d'accéder à la propriété de leur logement. C'est un objectif que nous partageons et que nous avons, je crois, bien décrit dans le document gouvernemental.

Le problème qui se pose entre l'objectif recherché et la réalité, c'est que, tout le monde le reconnaît, même dans la meilleure des hypothèses, il n'est pas possible que tous les Québécois accèdent à la propriété: soit qu'ils ne le puissent pas ou même qu'ils ne le veuillent pas. Dans ces conditions, on se doit de s'assurer que ceux, parmi les locataires, qui ne pourraient pas ou ne voudraient pas accéder à la propriété puissent continuer à vivre dans leur logement sans être perturbés par le changement de statut juridique de l'immeuble et sans subir non plus des hausses de loyer qui ne seraient pas acceptables. Pour parer à ces difficultés, on nous dit: II n'y a pas de problème, si le gouvernement veut favoriser l'accès à la propriété, amenez-nous des programmes d'aide.

Nous pensions, lorsque nous avons écrit le document - nous le pensons toujours - que la situation telle qu'elle existe présentement devrait permettre à un certain nombre de locataires d'accéder à la propriété avec les mesures que nous proposons, sans qu'il y ait besoin d'une intervention gouvernementale. Il y a donc une quantité de locataires au Québec... Les sondages et enquêtes qu'a fait faire la Régie du logement indiquent qu'il existe un pourcentage de Québécois qui peuvent et qui veulent accéder à la propriété, même par l'intermédiaire de la conversion en copropriété, sans qu'ils aient besoin pour ce faire d'un programme gouvernemental. Évidemment, comme gouvernement, nous voulons, au départ en tout cas, tenter de les aider, tout en reconnaissant qu'il y en a d'autres qui auraient besoin d'une subvention gouvernementale et d'une aide gouvernementale pour pouvoir accéder à la propriété et d'autres qui, probablement, ne pourraient ou ne voudraient pas y accéder de toute façon.

C'est cela qu'on doit constater quand on est chargé de diriger cette barque, car, il y a les objectifs, il y a ce qui est souhaité par tout le monde; même l'Opposition, à l'occasion, se déclare en faveur de l'accès a la propriété. Mais la réalité des faits nous oblige à tenir compte des problèmes appréhendés à l'égard d'un groupe de locataires qui est quand même très important au Québec et surtout, on doit le dire, dans la ville de Montréal.

J'aimerais peut-être commencer par une réponse à la question qui a été posée par la Chambre des notaires. Dans l'optique de la proposition gouvernementale, le délai de trois ans court à partir de la date du refus de l'autorisation de la Régie du logement et non pas à partir de la date de l'exécution des travaux. La raison est qu'il serait difficile d'abord, si on parle de travaux, de savoir si on parle du début ou de la fin des travaux. On sait comment cela peut être difficile d'établir la fin des travaux dans un autre contexte.

D'autre part, cela pourrait permettre des abus, si on parlait des travaux. On pourrait penser, par exemple, à un promoteur qui ferait des travaux importants en évinçant les locataires et qui mettrait ses logements en vente en disant à des gens: On va vous consentir une promesse de vente, venez signer un bail de trois ans et, dans trois ans, on aura la conversion automatique à la régie et, là, vous pourrez acheter les unités que vous aurez louées en attendant. Cela aurait évidemment le désavantage d'être un contournement déguisé de l'objectif que nous recherchons qui est d'éviter, à l'occasion des travaux majeurs, qu'on puisse évincer des locataires dans le but de préparer l'immeuble pour la conversion. Nous avons donc décidé de choisir la date du refus de la régie comme date à partir de laquelle comptera la pénalité pour avoir cherché à évincer des locataires en vue de convertir l'immeuble. Cette réponse vous satisfait-elle ou si vous voulez commenter?

M. Lambert: Enfin, il faudrait savoir de quel refus il s'agit. S'agirait-îl du refus d'une demande de conversion?

M. Bourbeau: C'est cela.

M. Lambert: Mais je croyais que, dans la proposition ministérielle que nous avons vue, la régie avait peu de discrétion à refuser pour autant qu'elle constate que les locataires ont été avisés et qu'il y a eu un certain déroulement. À ce moment-là, il n'y a pas de discrétion. Je comprends qu'on veuille situer la protection d'une façon claire, mais je pense qu'on devrait stipuler un délai à partir de la date où on demande au locataire d'évacuer. C'est une date qui devient précise.

En d'autres termes, on dit à quelqu'un: Si vous faites des réparations majeures, dites-vous qu'à compter de la date où vous avez demandé à des locataires de sortir pour faire ces améliorations, vous en aurez pour trois ans où cela ne sert à rien, ne venez pas nous demander une autorisation de conversion, an vous la refuse. Sinon, si c'est trois ans d'un refus, c'est qu'il peut y avoir des travaux majeurs qui ont été faits. Après deux ou trois ans, si le propriétaire, même de concert avec les locataires, demande et se voit refuser, à ce moment-là, il est gelé pour un autre trois ans. Alors, on n'a plus de fin dans le temps avec cela. Il me semble

qu'il y a une espèce d'imprécision qu'il y aurait avantage à clarifier. Je pense qu'il y a moyen de concilier l'objectif de protection qu'on veut. À un moment donné, il y a sûrement une date, soit la date où le promoteur ou le propriétaire dit: Vous devez quitter pour fins de réparations et, à compter de cette date, il y a trois ans où il ne peut pas être autorisé à convertir.

M. Bourbeau: Oui, mais les travaux de réparations peuvent durer un an. Le propriétaire peut offrir ses logements en vente au bout d'un an, pendant les travaux, et dire aux locataires: Voici, je vous vends les logements, vous me signez une promesse d'achat. Entre-temps, vous signez un bail de deux ans. Il pourrait même ajouter comme "kicker": 10 % du loyer que vous paierez pendant deux ans sera appliqué au prix de vente et, au bout de deux ans, on aura automatiquement l'autorisation de la régie. Effectivement, on aura contourné l'objectif gouvernemental qui est d'éviter qu'on se serve de réparations majeures pour évincer les locataires et, ainsi, préparer l'immeuble à la conversion. C'est l'objectif.

Cela n'empêche absolument pas un propriétaire de faire toutes les réparations majeures qu'il veut et, même, d'évincer les locataires pour fins de réparations majeures. Cependant, s'il le fait dans le but de préparer l'immeuble à la conversion, la régie fera enquête pour interroger les locataires; elle fera venir des témoins. Si elle en vient à la conclusion que c'est cela qui a été fait, elle refusera l'autorisation pour trois ans. Évidemment, c'est une question de fait. II n'y a pas deux faits pareils. Vous connaissez l'ingéniosité des promoteurs et des propriétaires. Il s'agira d'apprécier chaque cause au mérite.

M. Lambert: Je souligne quand même qu'il devrait y avoir la possibilité que cette autorisation soit donnée si les locataires sont d'accord avec le projet. Cet accord, toutefois, ne doit pas être laissé, ne doit pas être recueilli par le propriétaire; il faut qu'il y ait vraiment un tiers impartial pour le recueillir, pour éviter les pressions.

M. Bourbeau: Je viens de le dire. La régie va traiter chaque cas particulièrement. Si, par exemple, vous dites que les locataires sont tous d'accord et que ce sont tous des locataires qui ont signé une promesse d'achat, que ce sont des propriétaires en puissance, qu'ils n'attendent que le délai de trois ans pour acheter, on n'est plus en présence de locataires de bonne foi, si je puis dire. Ce sont des locataires qui n'attendent que le délai pour convertir. C'est ce genre de situation que nous avons voulu tenter d'éviter. Je pense que vous comprenez un peu notre point de vue. Maintenant, il est possible qu'on puisse regarder le vôtre pour voir s'il y a des améliorations qu'on peut apporter à la proposition.

Je ne voudrais pas prendre tout le temps. Combien de temps reste-t-il, M. le Président?

Le Président (M. Rochefort): ...minutes, M. le ministre.

M. Bourbeau: Je ne voudrais pas qu'on passe tout le temps là-dessus. J'ai une courte question. Nous avons tenté dans le document de corriger certains abus qui existent présentement. Je ne parle plus de conversion, je parle plutôt des relations locataire-locateur, soit des mesures pour contrer le harcèlement. Tout à l'heure, vous avez fait allusion à cela, soit le guichet unique à la Régie du logement, possibilité de recours à la Commission des droits de la personne. Nous avons tenté de corriger aussi un état de fait qui existe, où la reprise de possession est utilisée systématiquement dans l'indivision pour fins de spéculation et de revente à des tiers et non pas pour les fins de l'acheteur. La proposition gouvernementale vise à appliquer à tous les immeubles la prohibition de reprise de possession dans les cas d'habitations de moins de cinq unités. Que pensez-vous de ces mesures? (15 h 15)

M. Lambert: On avait suggéré le guichet unique pour le harcèlement. On vous suggère même de l'élargir à tous les locataires qui peuvent être touchés soit par un projet de conversion, soit par des réparations majeures. Je disais tantôt qu'il faut non seulement laisser un accès théorique, mais il faut que cela rime à du concret, c'est-à-dire qu'il faut qu'il y ait des ressources, il faut que ce soit facilement accessible. Il faut aussi que des pouvoirs soient donnés pour permettre des sanctions. Que ce soit par la Régie du logement ou par la Cour provinciale, je pense qu'on pourra trouver le moyen.

Il faut qu'il y ait de la rapidité, de la célérité. C'est là, dans le fond, le gros du problème. Les locataires avaient un droit théorique mais, quand arrivait le temps de s'informer, il n'y avait jamais moyen d'avoir quelqu'un et quand le temps arrivait de faire protéger leurs droits ils étaient dans un dédale de procédures à n'en plus finir, ils se décourageaient et ils partaient. C'est cela qu'il faut éviter. C'est clair. C'est cela qui s'est passé. Or, dès l'instant où les gens savent qu'ils peuvent avoir recours rapidement et efficacement à de l'information et qu'il y aura aussi une intervention s'il y a du harcèlement, des abus, avec des dommages ou même des pénalités presque d'ordre criminel pour celui qui sera responsable, je crois qu'on aura réglé le gros du problème.

Maintenant, faut-il aller jusqu'à

l'interdiction d'offrir à un locataire d'acheter son départ? Moi, je trouve que cela commence à aller loin! Si on adoptait cette philosophie, on interdirait à bien des gens d'emprunter sous prétexte qu'ils pourraient se faire avoir. Il y a des limites! Je pense qu'il s'agit de mettre en place un système raisonnable de protection et d'information. Mais si, après cela, un individu veut quitter moyennant tel montant, il est libre. Il a le choix entre rester là d'une façon illimitée et partir. Là, c'est son choix. Il va falloir cesser, à un moment donné, d'intervenir continuellement en disant au citoyen: Tu sais, tu n'as pas fait un choix éclairé. Nous pensons que tu n'aurais pas dû accepter. Je pense que ce n'est pas correct, cela.

M. Bourbeau: En ce qui concerne le processus de conversion, vous suggérez, plutôt que d'utiliser la Régie du logement pour surveiller le processus de conversion, que cette tâche soit confiée aux notaires. Evidemment, l'une des tâches qu'aurait à effectuer la Régie du logement lors de cette décision ou de ce travail, ce serait de s'assurer justement qu'il n'y ait pas eu de réparations majeures faites précédemment évinçant des locataires dans le but de convertir l'immeuble en copropriété. Le notaire, je présume, serait chargé de faire l'enquête et demanderait un affidavit du vendeur etc.

M. Lambert: II faudrait vérifier s'il y a lieu. Si vous me le permettez, M. le ministre, juste pour éclairer cette partie...

M. Bourbeau: Est-ce qu'il reste du temps, M. le Président? Si j'arrête de vous parler...

M. Lambert: D'accord, parfait! Allez-y!

M. Bourbeaut ...le président ne me laissera pas finir ma question.

Le Président (M. Rochefort): Cela n'arrive jamais mais...

M. Bourbeau: J'aime autant terminer ma question, sans cela...

Le Président (M. Rochefort): II ne faut pas s'exposer inutilement.

M. Bourbeau: Ce que je vous demande, c'est ceci: Qu'est-ce qui arriverait, par exemple, si un litige survenait entre le propriétaire et le locataire devant le notaire ou s'ils ne s'entendaient pas et que le notaire devenait un peu arbitre ou juge? Est-ce qu'à ce moment on devrait demander à la Régie du logement d'intervenir pour surveiller le travail du notaire? Ce serait un peu compliqué. Le notaire n'a pas le même caractère, si je puis dire, de tribunal administratif que peut avoir la Régie du logement. Est-ce que vous ne pensez pas que cela pourrait créer des problèmes au notaire d'avoir à jouer ce rôle?

M. Lambert: Non. D'abord, permettez-moi de situer la raison fondamentale pour laquelle on a suggéré cela. Dans la vérification purement de faits on a un officier public - c'est une particularité de notre système de lois - qui est le notaire. On pense qu'il est capable de s'acquitter de cette tâche. Cela veut dire qu'on ne noie pas la Régie du logement dans un paquet de papiers. Pendant que la Régie du logement n'est pas noyée, on concentre les ressources de la Régie du logement de sorte que le guichet fonctionne afin qu'on puisse intervenir. C'est cette raison. Le fardeau financier des vérifications, etc., reviendra au propriétaire convertisseur quand il paiera les honoraires du notaire. C'est la raison pour laquelle on a suggéré cela.

Le problème survient - le notaire doit vérifier avant de procéder dans ces étapes -à un moment donné, s'il y a eu plainte des locataires ou dénoncement auprès de la Régie du logement qu'il y a eu des réparations. Deuxièmement, il y a une demande au propriétaire de faire une déclaration assermentée comme quoi il n'a pas procédé à des réparations majeures. D'ailleurs, le notaire envoie obligatoirement un avis à chacun des locataires demandant une réponse à son bureau et non pas au propriétaire: Y a-t-il eu des réparations? Je pense qu'à ce moment il y a un ensemble de moyens qui vont finir par faire dire: Oui, effectivement, il y en a eu. C'est un peu comme quand survient un problème dans une transaction et que les parties, dans notre bureau, ne sont pas d'accord. Cela ne fonctionne pas, on arrête toute l'affaire et on dit: Allez devant les tribunaux. Ou on dira: Écoutez, allez trancher votre différend à la régie. Mais ce qui arrive, c'est que n'aboutiront à la régie que les cas que la régie aura à régler. Elle pourra concentrer vraiment ses énergies là où il y a des problèmes. Là où il n'y en aura pas, c'est le secteur privé qui s'en acquittera.

Moi, je pense que c'est tout à fait raisonnable de concevoir que cela puisse se faire ainsi. Le notaire a te statut d'officier public, a une responsabilité. Je pense que, si on regarde la fiche professionnelle du notaire, on peut lui faire confiance.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le député de Shefford, s'il vous plaît.

M. Paré: Merci, M. le Président. À mon tour aussi, je vous souhaite la bienvenue. Vous êtes le dernier, mais le dernier n'est pas le moindre pour autant. Je dois vous dire

que j'ai lu votre mémoire, même si je ne l'ai eu que ce matin, et je l'ai beaucoup annoté. Il contient des choses très intéressantes. La preuve, c'est que je vous ai déjà cité dans la première présentation de ce matin. Mais je vais quand même, si vous me le permettez, reprendre en très grande partie ce que vous avez cité au début, parce que je pense que cela en vaut la peine. La décision qu'on va prendre, c'est une décision politique. Cela touche de grandes orientations qu'on peut prendre comme législateurs. Je dois vous dire que si tous les Québécois pouvaient être propriétaires - je l'ai dit et je vais le répéter, c'était dans mon discours d'introduction - je serais le gars le plus heureux du monde. Il faut faire en sorte, comme gouvernement, de permettre cela au maximum.

Là-dessus, je dois dire qu'on est content d'une certaine façon qu'au moins, maintenant, au Québec, on soit propriétaires à 53 % de nos logements. Disons qu'on a fait un grand pas grâce à des programmes qui existaient, qui avaient été mis sur pied. Malheureusement, ils viennent d'être abolis. Le ministre peut les dénoncer, ces programmes, y compris Corvée-habitation. Il dit que ce sont des gens qui avaient les moyens. J'ai deux choses à dire là-dessus. Ce sont des gens qui avaient les moyens, Corvée-habitation, mais ils ne se seraient pas bâtis à cette période, avec le taux d'intérêt du moment, sans la garantie gouvernementale. Donc, il était à point. Qu'on l'ait abandonné dans le temps, c'est correct, mais il ne faut pas dénoncer des programmes qui étaient ponctuels au moment où ils devaient arriver.

Que le ministre dise: Cela aidait des gens qui étaient en moyens, c'est reconnu que cela aide des gens qui sont en moyens à devenir propriétaires.

M. Bourbeau: Oui, mais c'est vous qui l'avez aboli.

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.

M. Bourbeau: Oui, mais il dit qu'on a aboli Corvée-habitation. C'est vous autres qui l'avez aboli.

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre, vous allez avoir du temps tantôt pour dire tout ce que vous voulez, y compris pour exprimer vos désaccords et divergences de points de vue avec M. le député de Shefford.

M. Bourbeau: M. le Président...

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.

M. Paré: Bon, je vais poursuivre là-dessus. C'est dommage parce que c'est très sérieux, ce qu'on est en train de discuter. Il faut permettre aux gens de devenir propriétaires et c'est une formule pour aider les gens. C'est reconnu, on permet à des gens à revenus moyens de - devenir propriétaires. Là-dessus, s'il n'y avait pas d'autre façon, ce serait impensable de vouloir bloquer ou retarder cette formule. Il y en a d'autres. La preuve, c'est que ça se bâtit énormément et qu'il y a des gens qui continuent à acquérir, sinon on arrêterait de construire.

Cela ne veut pas dire non plus qu'on est contre la copropriété. Je dois vous dire qu'au contraire je serais mal placé pour être contre. J'ai un condominium. Oui, c'est une formule intéressante et qu'il faut favoriser. Là où on a un problème... Ce n'est pas une question d'idéologie de vouloir parler contre la levée du moratoire. Ce n'est pas une question d'idéologie. Vous demandiez: C'est quelle idéologie? Ce n'est pas l'idéologie de la défense de la location, du locataire. Si on en parle ici, c'est en fonction d'individus qui sont locataires et qui sont menacés. C'est là toute la différence du monde. Quand vous avez comparé cela à un avion, je dois vous dire que les chances de tomber en avion, les malchances, les risques de tomber en avion sont très limités, et heureusement. Sauf que dans le choix de lever le moratoire les risques de pénaliser des gens sont connus, ils sont évalués par bien du monde et on sait qu'on va déplacer du monde. Est-ce que, comme législateurs, on a le droit de laisser faire cela? Ne doit-on pas prendre des mesures plutôt? Parce que, si on ne prend pas des mesures pour empêcher le mal qu'on va faire à certaines personnes - je ne dis pas globalement et à tout le monde - c'est nous, comme société, qui allons devoir le payer très cher.

D'ailleurs, on est dans l'Année internationale du logement des sans-abri. On voit qu'à Montréal il y a 10 000 itinérants. C'est effrayant, dans une société moderne nord-américaine, qu'il y ait cela à Montréal. Je ne suis pas content de voir cela. Je ne voudrais pas qu'il y en ait plus. Dans ce temps-là, il faut que des mesures soient apportées. Vous avez dit quelque chose que je partage à 100 %: il y a urgence d'avoir une politique globale le plus rapidement possible. Nous, ce qu'on dit - quand je parle de nous, je parle de l'ensemble des intervenants, car je pense que "politique globale", c'est venu à la bouche de tous les intervenants, sans exception - c'est qu'il faut avoir une politique globale de l'habitation -et cela comprend le logement.

Le ministre nous dit qu'on va nous consulter à l'automne. Est-ce qu'on peut prendre le risque de lever le moratoire en sachant que cela aura des conséquences

néfastes pour des gens? N'est-il pas préférable d'attendre un peu, quelques mois? C'est le message qu'on passe au ministre. À l'intérieur de cette politique, les gens seront consultés et on sera en mesure, dans une politique globale du logement et de l'habitation, de dire que, si des gens sont pénalisés, on aura d'autres formules, d'autres programmes et d'autres moyens de les aider d'une façon quelconque, alors que présentement, il n'y a pas de programme pour ce faire. Cela aussi, vous l'aviez spécifié. Oui, il faut des programmes d'aide si l'on veut que les gens accèdent plus à la propriété. En tout cas, il y a un certain nombre de personnes qu'il faut aider. Cela prend des programmes d'aide. Un programme d'aide pour aider quelqu'un à accéder à la propriété coûte moins cher que de déplacer des gens et être, par la suite, obligé de payer pour leur donner des services essentiels, car on parle de désinstitutionnalisation et de maintien à domicile. Si, comme le disaient les personnes handicapées ce matin, on les déplace ailleurs, on risque de payer plus cher comme société.

J'ai été long un peu là-dessus, mais je trouvais cela important. Quant à moi, c'est oui à la propriété et oui à la copropriété. Vous avez cité l'exemple des REA pour permettre à des Québécois d'aller sur le marché boursier. Je dois vous dire que je trouve cela extraordinaire parce que je me réjouis aussi que, comme société ou comme individu, locataire ou propriétaire - même des locataires - on ait choisi d'investir plutôt dans un REA. En tant que collectivité, on doit devenir propriétaire de son économie. Je ne fais pas de politique mais, d'un autre côté, on veut même aller encore plus loin que cela quant à la possession de nos pouvoirs, de nos droits et notre propriété collective.

Oui à la propriété, au maximum, mais jamais sur le dos des plus démunis. On le sait, les gens sont venus nous le dire et on connaît la réalité des choses. Si on laisse aller, des gens vont en souffrir.

Je vais vous montrer à quel point c'est complexe et difficile. Vous avez cité l'exemple des caisses populaires. Oui, il faut s'asseoir. Corvée-habitation est la preuve qu'on est capable de s'asseoir pour se parler. Il n'y a malheureusement pas eu beaucoup de consultation.

Votre mémoire contient une recommandation que j'ai volontairement citée ce matin et qui concerne la fiscalité municipale. Vous l'avez mise là avec de bonnes intentions, dans le sens qu'on a la conviction, presque de façon unanime, que si on n'y touche pas les locataires même les plus démunis ne seront pas les seuls à être pénalisés par des augmentations de loyers; cela affectera même les gens qui ne seront pas concernés par la copropriété, ceux des immeubles voisins. Donc, ce que vous demandez là est important. Mais vous avez vu la réaction de l'Union des municipalités du Québec. Il n'est pas question d'y toucher. On est coincé là-dedans et, sachant très bien qu'il faut que des mesures soient implantées pour protéger, on sait d'avance que des intervenants ne peuvent ou ne veulent pas embarquer, pour toutes sortes de raisons. Je ne dis pas qu'ils ont tort ou raison. Je vous parle de la complexité de toucher un dossier aussi fondamental.

Je vous écoutais tantôt et je voudrais vous poser une première question là-dessus. Vous avez dit: On a été consulté et on a retenu. Si je comprends bien, vous avez été parmi ceux qui ont été consultés quant à la levée du moratoire.

M. Lambert: Je vais répondre rapidement. Au moment de la consultation sur le livre vert par le ministre du temps, M. Rochefort, nous avions fait des propositions. Par la suite, lorsque le ministère a continué son travail, nous avons été invités à répondre à des questions d'ordre plus technique, à préciser des choses que nous avions mises là-dedans. Nous n'avons fait que cela.

À ce moment-là, on avait suggéré le guichet parce que les gens... Notre groupe de travail a continué sa réflexion et s'est demandé comment répondre au problème de la protection concrète des droits et c'est là qu'on a pensé au guichet spécialisé. J'ai terminé.

M. Paré: À la page 8, vous avez souligné un titre: Privilégier les locataires occupants intéressés à accéder à la propriété. Seriez-vous prêts, dans une première étape, à aller dans le sens d'autres mémoires soumis par l'Union des municipalités du Québec, la Fédération des travailleurs du Québec et d'autres, soit que ce soit limité à l'accession à son logement plutôt qu'à un logement? Si c'est à un logement, cela implique le déplacement d'un autre individu qui lui n'a pas...

M. Lambert: Non, non. On se comprend très bien, c'est le logement occupé par le locataire. C'est clair.

M. Paré: Oui, oui.

M. Lambert: C'est sûr que c'est clair.

M. Paré: Votre idée, c'est d'abord son logement...

M. Lambert: Mais oui!

M. Paré: ...auquel il peut accéder.

M. Lambert: Oui.

M. Paré: D'accord. Sauf...

(15 h 30)

M. Lambert: C'est clair, sans cela, cela perd beaucoup de sa signification. La personne qui vit dans un milieu... Effectivement, on dit: S'il y a une transformation de l'immeuble dans lequel cette personne occupe une unité, il faut qu'elle ait le droit de dire: Non, moi, je continue à demeurer dans cette unité comme locataire. C'est clair que c'est cela.

M. Paré: Oui, mais...

M. Lambert: Par contre, si la personne... Je m'exuse. Mais par contre, si on offre à cette personne le droit de devenir propriétaire, c'est propriétaire de son logement. Donc, on doit, à ce moment-là, favoriser l'accès à la propriété du logement qu'elle occupe, si c'est ce qu'elle veut. Elle dit: Moi, j'aime vivre ici mais on m'offre une nouvelle formule. Au lieu de continuer à payer un loyer qui augmentera tout le temps dans l'avenir, on m'offre une formule où, là, je vais peut-être avoir un meilleur contrôle. Cela va me permettre d'investir, peut-être de transformer cela plus à mon goût, etc., mais c'est là où je veux continuer à demeurer. Certainement que c'est cela qu'il faut protéger.

M. Paré: D'accord. Donc, privilégier les locataires occupants dans leur logement, sauf qu'on sait très bien que la levée du moratoire, cela le prémunit ou cela... Là, cela a été contesté. Cela lui donne un droit de préemption, de premier refus, c'est évident, et un maintien illimité contestable mais, en tout cas, un droit sauf que, si lui ne veut pas, s'il y a là une majorité, là on va déplacer du monde.

M. Lambert: Non, cela n'est pas ce qu'on a dit.

M. Paré: Non?

M. Lambert: Non, ce n'est pas cela du tout.

M. Paré: Vous ne parlez pas, à un moment donné... Je dois vous dire...

M. Lambert: Non, non, quand on parle de la majorité, c'est uniquement le cas où, par exemple, vous avez un ensemble de locataires dans un immeuble, une majorité qui dit: Oui, nous, on voudrait devenir propriétaires de notre unité, mais vous en avez...

M. Paré: Oui.

M. Lambert: Je vais vous donner un exemple: un immeuble où il y a huit unités de logement. Il y en a cinq qui disent: Nous, nous voulons devenir propriétaires, on est prêt à faire des travaux et admettre cela. Les trois autres disent: Nous, on veut juste continuer d'être locataires. Ce qu'on veut, c'est autoriser la conversion parce que les locataires le veulent, il y a une majorité qui le veut, mais cela ne veut pas dire de mettre les trois autres dehors. Non, les autres ont le droit de continuer leur possession illimitée, ils ont le droit de demeurer locataires tant qu'ils le voudront, dans cet endroit-là.

M. Paré: Mais c'est là où, finalement, par contre, le droit de maintien illimité prend une signification beaucoup moins forte quand on sait - parce que vous allez certainement le reconnaître - que cela veut dire une augmentation du loyer. Un autre argument a été apporté par des gens qui le vivent ou qui l'ont vécu, c'est la pression. Il y a même des groupes qui demandent d'évaluer sérieusement la faisabilité de ce covoisinage de différents types à l'intérieur d'un même immeuble. Je ne pense pas qu'on l'ait beaucoup exploré. Il y a des craintes et cela mérite vraiment d'être regardé plus à fond. Me reste-t-il passablement de temps? Deux minutes?

Un dernier point et vous pourrez commenter le tout. Vous avez parlé de harcèlement. Vous dites que vous trouvez inacceptable de reconnaître l'achat du droit de départ comme du harcèlement. Je dois vous dire toute l'importance qu'on en parle, qu'on en discute, qu'il y ait consultation et politique connue de tout le monde; sinon, on se ramasse avec des interprétations, comme on en entend depuis le début, où des gens en parlent comme quelque chose de tout à fait acceptable, d'autres de tout à fait inacceptable. Il va vraiment falloir finir par s'entendre sur une description, un contenu de ce qu'on entend par harcèlement qui sait clair et précis. C'est pour tout le monde, ce qui n'est pas le cas présentement.

Vous avez le droit à votre point de vue, que je respecte tout à fait, de dire que cela fait partie du marchandage, de la négociation. Je ne dis pas que je le partage, je dis que je le respecte. Par contre, d'autres gens trouvent, et non les moindres -le président de la Commission des droits de la personne - que cela est tout à fait inacceptable. Il est temps que les gens s'assoient à la même table. Là, on s'est assis à la même table, mais non en même temps, donc, on a reçu... Nous, on a eu la chance de discuter, mais les groupes qui avaient d'autres versions ne sont pas ici. Il est temps, je pense, que tous les gens soient assis à la même table pour discuter et qu'on sorte avec une véritable politique du logement; sinon, on ne s'en sortira jamais.

M. Lambert: Alors, rapidement. Premièrement, quant aux programmes, ce n'est pas seulement ceux du gouvernement actuel, de celui qui l'a précédé, on peut remonter même à M. Duplessis avec son programme de 1948. Vous avez parlé de Corvée-habitation, on avait été impliqué là-dedans. Il faut comprendre - c'est ce qui est arrivé sauvent dans les programmes - que, dans le fond, ce n'était pas pour aider à l'accession, c'était pour repartir la construction. Ce qu'on dit, c'est que tous ces programmes ont été faits à la pièce tout le temps et, dans le fond, avec un objectif principal qui était autre que l'habitation.

Cela avait des conséquences favorables, je vous l'accorde, mais ce qu'on dit, nous, c'est ceci: Regardons finalement l'habitation et voyons les programmes existants qui auront comme objectif principal de favoriser l'accès. C'est ce qu'on a dit. Je pense qu'on se comprend là-dessus. Quand je vous parlais de l'avion, même s'il n'en tombe pas souvent, placez-vous au pied de l'avion et demandez aux gens s'ils ont peur? Je pense que vous allez avoir huit personnes sur dix qui vont vous dire qu'elles ont peur de rentrer dans l'avion sachant très bien que l'avion ne tombera pas. Alors, c'est ce que je dis, il faut faire attention entre la peur et la réalité. Il en tombera tout le temps, des avions. Par contre, il reste qu'il est impensable aujourd'hui de concevoir notre monde sans l'aviation. Je ferme la parenthèse.

Attendre? C'est vrai, je pense qu'il est question de quelques mois. M. le député, cela fait déjà dix, onze, douze ans - je m'excuse - le moratoire. Je pense que c'est l'affaire de quelques mois. Oui, mais si on est encore pour attendre des années... Vous avez vu les chiffres publiés dans la région de Montréal. Il y a un moratoire. Une spéculation foncière s'est faite. Les prix ont augmenté de 27 % et on sait que, dans certains cas, c'est pas mal plus que cela, c'est de 100 %. Cela va se répercuter. Peu importe que le citoyen occupe son unité comme propriétaire ou qu'il continue comme locataire, cela va se répercuter. Ceux qui ont acheté, il va falloir qu'ils refilent ce prix-là ou bien ils vont craquer, ils vont faire faillite et, socialement, ce sont les mécanismes, les institutions bancaires, la caisse populaire qui perdra sa créance. Donc, comme sociétaire, j'aurai moins d'argent. Il y a quelqu'un qui paie. Arrangez cela de la manière que vous voulez, si ce n'est pas d'une façon, c'est de l'autre. Mais, socialement, on va payer et, en fin de compte, le consommateur paie.

Je pense qu'il est temps qu'on soit clair là-dessus. L'ambiguïté qui a régné au cours des dernières années au sujet d'une prise de position directe sur l'accès à la propriété a peut-être favorisé cela, mais pas juste cela. Il y a tout un contexte nord- américain de spéculation foncière qu'il faut regarder. On ne vit pas en vase clos. C'est cela qu'on dit. Il ne faut pas attendre que cela devienne... Les chiffres le prouvent: en 1971, 300 000 ménages...

Le Président (M. Richard): Je m'excuse, maître. Je vous demanderais de conclure, s'il vous plaît.

M. Lambert: ...35 000 pouvaient y accéder; en 1983, il n'y en avait plus que 15 %. Combien y en aura-t-il demain?

Le Président (M. Richard): Merci, maître. M. le ministre, vous avez un commentaire pour terminer?

M. Bourbeau: C'est simplement pour remercier les représentants de la Chambre des notaires pour leur importante contribution au débat. Nous n'avons malheureusement pas eu le temps de passer en revue toutes et chacune des propositions de la Chambre des notaires. Je peux vous dire que nous avons lu votre mémoire avec attention, nos fonctionnaires aussi. Nous sommes en train d'analyser l'ensemble de toutes les propositions qui nous ont été faites par tous les intervenants sur chaque sujet de façon à dégager un tableau d'ensemble de la question. Comme je l'ai dit à quelques reprises, dans les prochaines semaines, j'ai l'intention de soumettre un projet de loi à l'Assemblée nationale. L'Opposition m'a assuré qu'on pourrait l'adopter un, deux, trois le même jour. J'ai hâte de voir cela. Ce serait une première, en tout cas, une première fois pour moi, au cours de mes sept années à l'Assemblée nationale, de voir cela.

M. Paré: Un bon programme.

M. Dufour: Cela dépendait de vous autres, avant.

M. Bourbeau: L'expérience aidant, je ne pense pas qu'il en sera ainsi. On trouvera certainement le moyen de critiquer le projet de loi. Mais je peux vous assurer que nous avons la ferme intention de légiférer à l'automne sur cette affaire pour tenter de mieux protéger les locataires et d'aider autant que possible ceux qui voudraient accéder à la propriété. Merci.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Shefford, vos conclusions.

M. Paré: Oui. Merci, M. le Président.

Comme je vous l'ai dit tantôt, vous êtes le dernier groupe, mais on a eu le temps de lire votre mémoire. On va certainement aussi s'y référer à plusieurs occasions, spécialement si on a à légiférer à

l'automne. Je vous remercie beaucoup, en espérant que le ministre va effectivement légiférer à l'automne dans le bon sens.

Le Président (M. Rochefort); Le mot de la fin?

M. Lambert: M. Rochefort, du temps qu'il était ministre, avait dit: II faut faire appel à l'imagination. Moi, je complète en disant: Faisons appel à la confiance qu'on peut avoir en nous, dans le peuple québécois. Je conclus en disant que la Chambre des notaires offre sa collaboration, au-delà de toute ligne partisane, aux travaux du législateur dans ce domaine. Merci.

Le Président (M. Rochefort): Merci infiniment de votre présence parmi nous.

Donc, ceci met fin à la participation de l'ensemble des groupes et des individus qui avaient demandé à se faire entendre par notre commission dans le cadre de sa consultation générale.

Avant d'accorder la période prévue de quinze minutes aux deux formations politiques pour conclure nos travaux, à la suite d'un consentement intervenu, je voudrais déposer formellement dans les documents de la commission le mémoire de l'Ordre des arpenteurs-géomètres du Québec - identifié 24M - qui nous avait été envoyé par cet ordre professionnel. Compte tenu de circonstances et de raisons qui leur sont propres, ils n'ont pas pu se présenter parmi nous. Mais ils nous ont demandé que leur mémoire soit déposé formellement et contenu dans les documents officiels de la commission pour le mandat que nous achevons cet après-midi.

Je demanderais donc aux deux formations politiques, tel que prévu par le mandat que nous nous étions donné, d'utiliser chacune successivement une période de quinze minutes pour clôturer les travaux de notre commission.

M. le ministre.

Conclusions

M. Bourbeau: M. le Président, chers amis, nous arrivons maintenant à la fin de nos travaux, après avoir passé cinq longues journées...

Le Président (M. Rochefort): Je m'excuse, M. le ministre, mais on m'informe qu'il y avait une entente et que d'après celle-ci, la conclusion serait amorcée par l'Opposition pour être vraiment conclue par vous mais...

M. Bourbeau: Je m'excuse, M. le Président, mais je...

Le Président (M. Rochefort): ...je suis ouvert à toute modification de cette entente...

M. Bourbeau: Oui.

Le Président (M. Rochefort): ...si tel est le cas.

M. Bourbeau: Puisque nous sommes à la fin de nos travaux, M. le Président, il me fait plaisir de céder la parole au député de Shefford.

M. Garon: D'après moi, le ministre a peur qu'on s'en aille.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Shefford.

M. Bourbeau: C'est ce que j'allais dire.

M. Garon: M. le Président, je pense que le ministre doit avoir peur qu'on s'en aille quand il va parler.

Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Shefford, pour vos remarques finales.

M. Roger Paré

M. Paré: Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Mes premiers mots vont certainement aller en remerciements à tous ceux -ils sont moins nombreux, c'est sûr, parce qu'on a dû se déplacer et cela dure depuis cinq jours maintenant - qui ont pris le temps et les énergies pour effectivement nous produire des mémoires, venir nous les présenter et discuter avec nous souvent à des heures tardives.

Je remercie aussi le personnel de la commission qui, ici mais spécialement à Montréal, a fait des heures très longues en soirée. Donc, très souvent, dans leur cas, à cause des fins de travaux, c'était en pleine nuit.

Je dois dire maintenant, sur le fond, que mes préoccupations et mes inquiétudes du début se sont confirmées davantage et que ma conclusion, lors de mon discours d'ouverture, qui disait qu'il y a une décision qui s'impose, c'est de maintenir le moratoire et de le rendre efficace, cela se confirme davantage en fonction de tout ce que j'ai entendu au cours de la semaine. Il y a des choses qui sont ressorties clairement et quand ce n'était pas de façon unanime, c'était de façon, en tout cas, où il y avait un consensus qui était très large. Les problèmes maintenant sont très connus et sont bien identifiés en ce qui concerne l'expression qu'on utilise et selon laquelle le moratoire est une "passoire".

Une autre chose aussi est ressortie clairement, c'est qu'il y a des solutions qui

sont réalisables à très court terme pour corriger cette situation. D'ailleurs, on peut même les identifier en termes de chiffres en parlant d'articles et de loi. Le ministre nous a dit qu'il était prêt à intervenir rapidement au mois d'octobre et si c'est sur cela, un, deux, trois à l'Assemblée nationale, on sera d'accord.

Ce qui est sorti de bien clair aussi, c'est qu'il y a une demande - et celle-là est unanime - c'est celle d'une politique globale de l'habitation. Sur cela, beaucoup de gens nous ont dit qu'ils n'avaient jamais eu la chance, malheureusement, d'être consultés. M. le ministre, il faut prouver maintenant que ces gens ne sont pas venus pour rien. Comment pourrait-on convoquer des gens en commission si on ne tient pas compte de Ieurs demandes à l'avenir? Alors, cette fois-ci, dans cette commission, il y a quelque chose qui est unanime chez tous les intervenants, c'est le besoin d'une politique globale de l'habitation. Donc, il faut prouver à ces gens que ce qu'ils viennent dire en commission, c'est retenu. Et quand il y a unanimité, il faut y répondre, sinon les gens ne se déplaceront plus.

Ce que nous avons aussi entendu de la part des intervenants, c'est que les personnes du troisième âge, de façon unanime, sont contre la levée du moratoire et sont inquiètes. Les personnes handicapées qui étaient représentées ici cet avant-midi par leur groupe sont venues nous dire aussi qu'elles étaient contre parce qu'elles étaient craintives et qu'elles voyaient plus de risques que de chances de vie meilleure pour elles. Les locataires aussi se sont fait entendre en disant qu'ils s'y opposaient, pour la défense de leurs membres. La ville de Montréal est contre la proposition telle qu'elle est sur la table et nous propose une formule qui, à mon avis, va permettre aussi l'accès à la propriété dans certains cas, mais en pénalisant beaucoup moins de gens et en laissant des possibilités quand même non pas de contourner la loi mais d'accepter des exceptions.

Il y a là les représentants de l'Association des propriétaires du Québec et la Ligue des propriétaires du Québec qui disent - cela est bon, je vais les citer parce que ce n'est pas long - et c'est clair: "La levée du moratoire ne permettra l'accessibilité à un logement qu'à un nombre restreint de locataires, ceux qui ont déjà probablement les moyens d'être propriétaires." Dans la conclusion, le ministre, avec le projet de loi tel qu'exprimé présentement, atteindra exactement les résultats contraires à ceux visés. Donc, il faut faire attention, et ce sont des gens de la construction qui viennent affirmer des choses semblables en commission. (15 h 45)

II y a l'Union des municipalités du

Québec, la Fédération des travailleurs du Québec et la Chambre d'immeuble qui, elles, demandent que l'accès à la propriété soit limité aux locataires en place.

Il y en a quelques-uns qui adhèrent individuellement à la proposition ou pour régler des cas particuliers, entre autres, celui du manoir Barrington. Je l'ai dit et je le répète, ce serait impensable d'amener une politique globale ou des changements en habitation pour régler un ou quelques cas qui sont tout à fait spécifiques et qui peuvent se régler par bill privé.

D'autres y adhèrent tout simplement en demandant des changements majeurs ou en souhaitant à quelques occasions des objectifs qui, finalement, vont tout à fait à l'opposé des objectifs qu'on s'était fixés au tout début du livre sur la proposition gouvernementale. Donc, on peut dire qu'on est pour, 3auf que quand on lit le mémoire on s'aperçoit qu'en y allant et en amenant certains changements, on n'atteindra absolument pas les objectifs qu'on s'est fixés, soit la protection du stock de logements locatifs et l'accessibilité à la propriété pour un plus grand nombre.

Il y a donc des consensus et au moins un se dégage, soit une politique globale en matière d'habitation. Il fut aussi généralement reconnu qu'une pareille décision provoquera une augmentation généralisée des loyers dans les secteurs centraux spécialement de Montréal et de Québec. C'est important, je pense, d'insister là-dessus. C'est vrai que les gens ne courent pas dans le métro présentement à propos de la levée du moratoire et de la commission qui se tient présentement. Je pense que la population en générai n'est pas consciente du danger qui la menace. Il faut le dire. Cela a été reconnu par les intervenants, les gens du milieu financier ce matin. Et même les gens dans les quartiers où l'on pense qu'on ne sera pas touché, même les gens dans les immeubles qui ne seront pas convertis vont voir leur loyer augmenter par une décision qu'on peut prendre ici, soit la levée du moratoire, pour les raisons qu'on a exprimées tout au cours de la semaine.

L'augmentation des taxes sur les immeubles convertis va générer, dans certains coins, une augmentation de l'évaluation foncière et ce, pas seulement pour l'édifice touché. Cela, on l'a vu dam des quartiers centraux spécialement à Montréal.

On amène une évaluation généralisée et cela, c'est sûr que c'est payant collectivement pour une municipalité. Les municipalités, d'ailleurs, ne veulent pas changer le mode de facturation des taxes ou de calcul de l'évaluation. C'est payant, collectivement, pour une municipalité, mais cela veut dire que cela coûte plus cher individuellement pour les propriétaires. Donc,

il y a une menace pour les gens de Montréal et de Québec, globalement: l'augmentation généralisée de taxes, ce qui veut dire augmentation de loyer. Une levée du moratoire voudrait dire à très très court terme une augmentation généralisée des loyers, spécialement pour les deux grandes régions métropolitaines de Montréal et Québec.

Il faut aussi reconnaître - et cela a été amené par plusieurs gens - que l'accès à la propriété désirée sera très très limité à cause des coûts mensuels que cela amènera, sauf pour ceux qui ont déjà les moyens, à moins qu'il n'y ait des programmes d'aide. Et cela aussi, c'est impartant. J'ai cité des chiffres aujourd'hui qui venaient d'associations et qui n'ont pas été contredits par les gens qui viennent du milieu de l'habitation et par les gens qui viennent de l'Association de l'immeuble du Québec. Ces chiffres nous ont prouvé que c'est évident que les gens qui pourraient accéder à la propriété dans ces logements auraient une augmentation passablement importante du coût du loyer mensuel, c'est-à-dire du paiement mensuel.

La Chambre d'immeuble nous parlait d'une augmentation plus ou moins importante, sauf qu'elle a reconnu qu'il y avait des coûts importants qui avaient été omis dans cette étude. On les retrouve dans les journaux, ces chiffres-là, et cela donne à entendre qu'au bout de sept ou huit ans, on va avoir une diminution si on est propriétaire et le contraire si on demeure locataire. Mais quand on tient compte des coûts qui ont été ignorés - et c'est bon de les rappeler - entre autres le capital de départ que cela prend, l'intérêt sur ce capital de départ, l'entretien, la rénovation et les frais de transformation en copropriété, cela veut dire que les chiffres à ce moment-là sont complètement changés. Il ne faudrait pas donner des illusions à des gens quand les chiffres, finalement, ne sont pas complets.

Tous les groupes, M. le ministre, vous ont parlé de programmes d'aide. C'est important des programmes d'aide, sinon on risque de mettre des gens dans la misère en voulant les aider. Et on risque aussi - cela a été amené par plusieurs personnes - d'amener une détérioration du bâti dans les centres-villes. Détérioration parce que les propriétaires actuels auront tout avantage à laisser se détériorer leurs logements de façon que les locataires s'en aillent. Donc, on évite un paquet de procédures.

Détérioration aussi parce que les gens qui voudront accéder à la propriété en n'en ayant pas les moyens vont à peine réussir à s'acquitter de leurs nouveaux paiements et n'auront pas les moyens de faire, spécialement s'ils sont dans des édifices qui en demandent, des rénovations. On sait très bien que les municipalités - même Québec qui est d'accord avec la levée du moratoire - ce matin, sont venues dire que, pour ce qui est du programme PARCQ, cela prend des améliorations. Ce ne serait pas possible à quelqu'un qui réussit à peine à arriver de pouvoir profiter du programme PARCQ en ayant des dépenses de plus à payer.

Cela prend absolument des programmes d'aide. Comme je le disais tantôt au dernier intervenant, un programme d'aide à l'accès à la propriété, c'est plutôt un placement pour le gouvernement. C'est plutôt un investissement parce que cela va se traduire par une économie en mesures sociales pour d'autres ministères, que ce soit celui de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu ou celui de la Santé et des Services sociaux. Il a été reconnu aussi que l'annonce prématurée a fait en sorte d'empirer la situation dans plusieurs coins de Montréal et de Québec, spécialement à Montréal où vous avez été témoins de scènes qui n'étaient pas du cinéma, mais qui étaient vécues par des gens, des situations de désespoir.

Les mesures proposées ne sont pas suffisantes et sont facilement contournables -on l'a vu par des exemples qui sont même vécus présentement - que ce soit le maintien dans les lieux ou la protection du stock de logements locatifs, qui, finalement, dans des secteurs où on ne peut plus bâtir, va diminuer. Il y a déplacement de la clientèle la plus démunie au profit d'une clientèle qui est plus en moyens. À mon avis, à ce moment-ci, on doit conclure que le ministre n'a pas d'autre choix que de retirer son projet, s'il veut répondre au consensus qui se dégage de cette semaine de commission parlementaire et passer à l'action.

On ne demande pas de retirer tout simplement le projet qui est sur la table. On demande de passer à l'action. C'est faisable. Il y a des consensus en ce sens aussi, auxquelles on adhère. Je suis convaincu, M. le ministre, que c'est dans l'intérêt de toute la population du Québec. La meilleure façon de passer à l'action, c'est de légiférer, tel que promis, durant le mois d'octobre; c'est aussi un engagement, avec une date bien précise, pour corriger la situation actuelle et rendre le moratoire effectif.

Maintenant qu'on a identifié les lacunes, qu'on sait que c'est une passoire et que les gens sont venus nous faire des recommandations pour qu'on arrête la passoire, qu'on corrige immédiatement cette situation pour préserver le stock de logements locatifs et permettre aux plus démunis de vivre en sécurité et non pas en état d'inquiétude comme on l'a vu, ce qui est vécu surtout par des groupes particuliers, par les personnes de l'âge d'or, entre autres, il y a moyen de passer à Faction en corrigeant cela. Ce qui ne met pas en cause l'accessibilité à la propriété sous d'autres formes.

II faut présenter, tel que promis, un document d'orientation sur une politique globale en matière d'habitation. Si on fait cela à l'automne et si le premier ministre tient parole et nous amène, à l'automne aussi, une discussion sur une politique de la famille, il serait totalement impensable et inacceptable qu'on lève le moratoire, ce qui va créer des problèmes sociaux qu'il faudra ensuite essayer de corriger par des politiques globales. Comme il s'agit d'une question de temps limité, il vaut mieux avoir une politique globale de la famille, avoir une politique globale, ou au moins, des discussions, des consultations, une orientation en matière de logements et d'habitation avant d'aller de l'avant avec la levée du moratoire parce que - et cela, tout le monde l'a dit, je pense, sans exception - la levée du moratoire, l'accès à la propriété par la copropriété, c'est un facteur, c'est une facette d'une politique de l'habitation et du logement.

C'est un moyen, donc, on ne peut pas le traiter maintenant, isolément et surtout, on ne peut pas le traiter en priorité. Ce serait impensable. Je pense que socialement, économiquement, on ferait une erreur. Économiquement pour les plus démunis et économiquement comme société, parce qu'on serait obligés de payer d'une autre façon les conséquences de ce geste qui serait posé.

En conclusion - vous me dites que mon temps est écoulé, malheureusement - je dis, comme je l'ai dit au tout début: Qui, nous sommes d'accord avec l'accession à la propriété pour le plus grand nombre. Oui, nous sommes d'accord avec cette forme qu'est la copropriété. Ce qu'on ne peut pas accepter, par exemple, c'est que ce soit amené de la façon proposée par le document du ministre. On ne peut pas accepter que cela se fasse sur le dos des plus démunis. Cela devra se faire après une véritable consultation, ce qui voudra dire l'aboutissement d'une véritable politique de l'habitation au Québec. Merci, beaucoup.

Le Président (M. Rochefort): Merci, M. le député de Shefford. Maintenant, M. le ministre, pour votre conclusion. Vous avez quinze minutes.

M. André Bourbeau

M. Bourbeau: Ainsi, dit le renard, et les flatteurs d'applaudir. M. le Président, vous me permettrez, au terme de no3 travaux, de remercier tous ceux qui ont contribué au succès, dois-je dire, de cette commission parlementaire, tous les groupes et les organismes qui se sont déplacés pour venir nous soumettre leurs propositions et leurs points de vue sur la question. Je peux les assurer que nous tiendrons compte de toutes les recommandations qui nous ont été faites.

Je tiens à féliciter les membres de la commission, des deux côtés de cette table, pour leur intérêt et je dirais même pour leur endurance, étant donné que nous avons dû travailler jusqu'à tard dans la soirée et au début de la nuit et même, souvent, après minuit, quelques soirs, pour entendre les intervenants qui se sont présentés devant nous.

J'aimerais remercier et féliciter M. le président de la commission pour son objectivité, ainsi que ses nombreux assistants qui se sont succédé sur le fauteuil présidentiel au cours de ces jours. J'aimerais également féliciter les membres du secrétariat et le secrétaire de la commission qui ont vu à ce que l'intendance soit assurée sans faille.

Je tiens particulièrement à remercier mes collègues, les députés de la partie gouvernementale, qui ont travaillé fort, qui ont écouté et qui ont étudié et qui ont démontré une étonnante solidarité au cours des jours que nous avons traversés.

Finalement, je tiens à remercier les fonctionnaires qui m'accompagnent depuis le début, les représentants de la Société d'habitation du Québec, dont le président qui n'a pas quitté son fauteuil pendant ces cinq jours pour montrer l'intérêt qu'il porte à la question, tous les représentants de la Régie du logement, la présidente, la vice-présidente et tous les autres qui les accompagnent, eux aussi témoignant, par leur présence assidue, de l'intérêt qu'ils portent à cette question. Je remercie également les membres de mon cabinet qui ont aussi assisté à tous les travaux.

Certains refrains sont revenus plus souvent que d'autres au cours de ces jours. Le député de Shefford, tout à l'heure, est venu encore une fois parler du problème d'une politique de l'habitation. C'est évident que c'est un point de vue que nous avons entendu fréquemment au cours de ces jours, qu'il est temps que le gouvernement accouche d'une politique générale en matière d'habitation.

M. le Président, tout en soulignant pour la nième fois que le précédent gouvernement, pendant neuf ans, n'a pas trouvé le temps d'accoucher d'un seul document d'orientation ou d'une seule politique de l'habitation et qu'il est très mal placé pour nous le reprocher après quelques mois de pouvoir, je tiens à dire que nous travaillons présentement sur un tel document que j'ai l'intention de déposer au cours des prochains mois.

On doit reconnaître qu'avant de présenter un tel document il faut procéder à des consultations. Nous avons utilisé, bien sûr, ce qui était déjà sur la table, les renseignements compris dans le livre vert Se loger au Québec. Nous avons procédé à nos propres consultations. Nous avons procédé à

une période de réflexion. Nous sommes présentement en train de rédiger des documents. (16 heures)

La consultation que nous terminons aujourd'hui nous aura permis également de confronter nos idées avec celles de ceux qui se sont présentés devant nous. Je pense qu'on peut dire qu'au cours des prochains mois on pourra finalement présenter à la population des éléments d'une politique gouvernementale.

Pendant ce temps, la terre ne peut pas arrêter de tourner. C'est la raison pour laquelle nous avons déjà déposé, il y a quelques mois, le document que nous avons devant nous qui s'intitule Lever le moratoire, une décision qui s'impose. On nous l'a reproché. On aurait voulu que le gouvernement cesse complètement toute activité dans le secteur de l'habitation au cours des derniers mois et des prochains mois pour attendre que, finalement, une politique de l'habitation ou un document d'orientation soit déposé sur la table, M. le Président, si l'ancien gouvernement avait fait cela, il n'aurait strictement rien fait pendant neuf ans dans l'habitation au Québec, parce qu'il n'a jamais déposé de document. Alors, nous avons travaillé au document d'orientation et, en même temps, nous avons pris des décisions qui, justement, se placent dans la ligne de pensée que nous avons.

Le député de Shefford dit que nous avons aboli des programmes d'habitation. Tout en lui rappelant amicalement que le programme Corvée-habitation n'a pas été aboli par le présent gouvernement mais par le précédent et tout en reconnaissant que Corvée-habitation en son temps a fait, oeuvre utile, je lui soulignerai que, dans la même ligne de pensée qui a conduit l'ancien gouvernement à abolir Corvée-habitation, nous avons aboli, au début de 1986, les programmes PAAPR et Êquerre qui, comme Corvée-habitation, étaient des programmes conjoncturels qui avaient été mis en place pour tenter de faire redémarrer l'économie durant la période de crise que le Québec a connue au cours des années 1981-1982.

Ces programmes n'ont pas tous atteint leur objectif et, lors de leur abolition, j'ai bien indiqué que, par exemple, le programme PAAPR, avec les quelque 120 000 000 $ que nous lui avons consacrés, n'aura pas vraiment atteint ses objectifs qui étaient multiples. L'évaluation qu'en a faite la SHQ au moment de son abolition était à savoir qu'il était grandement temps d'y mettre fin. Ne citons, par exemple, que le volet nataliste du programme qui a coûté plusieurs dizaines de millions de dollars et qui n'a absolument pas atteint son objectif, puisqu'on n'a constaté, dans ce programme, aucune espèce d'augmentation du rythme des naissances par rapport à la situation qui existe ailleurs au Québec.

Le programme Équerre, quant à lui, lorsque nous l'avons aboli, 88 % des récipiendaires des subventions ont dit que, même sans subvention, ils auraient fait les mêmes travaux. C'est donc dire que les quelque 60 000 000 $ qui ont été consacrés auraient probablement été mieux utilisés ailleurs. L'abolition de ces programmes n'a pas empêché le Québec de connaître, au cours de 1986, la meilleure année en ce qui concerne les mises en chantier au Québec depuis 1976. Jamais depuis 1976 le Québec n'avait connu 60 000 mises en chantier. C'est assez étonnant de constater que les deux meilleures années de la dernière décennie ont été les années 1976 et 1986: la dernière année du premier mandat de M. Bourassa et la première année de son deuxième mandat, M. le Président.

M. le Président, le gouvernement n'a pas fait qu'abolir des programmes d'habitation. Il a également implanté de nouveaux programmes. À la suite de la décision politique que nous avons prise d'effectuer un virage en matière d'habitation vers les plus démunis, de cesser de subventionner les gens qui ont les moyens financiers plus élevés pour se concentrer sur ceux qui ont les moyens les moins élevés, nous avons mis sur pied de nouveaux programmes. Nous avons, par exemple, mis sur pied le programme de supplément au loyer dans le secteur locatif privé. On nous l'a reproché. Cependant, avec cela, nous réussissons à loger deux fois plus de démunis, des gens qui sont sur les listes d'attente, des familles sur liste d'attente, dans nos HLM, dans nos offices municipaux d'habitation, deux fois plus avec cette formule que nous ne pouvons le faire dans les HLM que nous construisons nous-mêmes. Mais nous n'abolissons pas pour autant le programme de construction des HLM, nous ajoutons ce programme à ceux qui existent présentement.

Nous avons augmenté le nombre de HLM que nous construisons pour les personnes âgées et les familles. Nous en faisons plus que sous l'ancien gouvernement. Nous avons continué le programme d'aide au logement sans but lucratif privé pour les coops et les OSBL. Nous venons justement d'annoncer 930 unités pour ces groupes. Nous avons mis sur pied pour l'année des sans-abri le programme pour les sans-abris 13 000 000 $ d'investissements en capital et 2 500 000 $ pour les organismes qui s'occupent des sans-abri. Le programme PARCQ, un nouveau programme de restauration qu'on a critiqué de l'autre côté, mais qui avait... C'est sûr qu'au début, il y a eu des problèmes pour mettre ce programme en vigueur. Mais, quand on considère que le programme Loginove avait pris quatre années pour démarrer, je pense qu'après quelques mois déjà, le programme PARCQ est en train de prendre son envol

avec les correctifs que nous lui avons apportés.

M. le Président, je pourrais continuer dans la nomenclature des programmes. Je pourrais parler des programmes des Inuit, des autochtones. Finalement, le nouveau gouvernement n'a pas de leçon à recevoir de l'ancien; nous faisons 37 % de plus d'unités en 1987 pour les ménages les plus démunis que ce qu'on faisait avec les anciennes ententes.

M. le Président, je constate à la fin de nos travaux que, finalement, aucun groupe ne s'est déclaré complètement en faveur de la position gouvernementale et aucun groupe, non plus, ne l'a complètement rejetée. Il ne fallait pas s'attendre à autre chose puisque nous sommes justement ici pour demander des suggestions et on nous a suggéré une foule d'améliorations dont nous tiendrons compte.

M. le Président, ce qui est important, ce n'est pas que la proposition du gouvernement reçoive des éloges unanimes ou que le ministre ait eu ou non raison de déposer sa proposition. Ce qui compte, c'est qu'on ait le courage d'exposer publiquement le problème, d'entendre les points de vue de tous les intéressés: locataires, professionnels, groupes de citoyens âgés, etc. Le livre blanc du gouvernement a eu au moins le mérite de provoquer la réflexion et la discussion publique sur des sujets aussi brûlants d'actualité que les limites et les contraintes du droit de propriété et du droit au logement. Une chose est devenue évidente. La situation actuelle est devenue inacceptable et ce sont les mots mêmes qu'a prononcés la ville de Montréal par la bouche de ses représentants. Or, la situation actuelle, qui est inacceptable, est celle vécue sous l'empire du moratoire. La question à poser est donc la suivante: Doit-on conserver le moratoire et continuer à vivre la situation actuelle ou bien ne devrait-on pas plutôt changer complètement le régime et le remplacer par une formule plus susceptible de mieux protéger les locataires tout en permettant l'accès à la propriété là où un consensus pourrait favoriser cette formule?

Ce qui est évident, c'est que la problématique n'est pas la même à Montréal qu'en province, dans les villes qu'à la campagne, que l'accès à la propriété n'a pas la même importance pour les personnes âgées qu'il ne l'a pour les jeunes couples. S'il convient de favoriser l'accès à la propriété pour les locataires qui le désirent, il est tout aussi important d'assurer aux locataires qui souhaitent le demeurer la meilleure protection possible contre les abus dont ils sont, hélas, trop souvent victimes, soit le harcèlement, l'intimidation et les évictions sauvages.

Personne ne me croirait si j'osais affirmer que j'avais, en entrant dans cette galère, la prétention de croire que le document de propositions ferait l'unanimité. Je connais trop bien ce dossier pour avoir prévu que même les propriétaires et autres groupes naturellement portés à favoriser la mesure trouveraient quand même le moyen de la critiquer. Si j'avais eu le moindre doute à ce sujet, l'expérience vécue par d'autres, lors de la consultation sur le livre vert Se loger au Québec, ne me laissait aucune illusion à ce sujet. La solution la plus facile aurait été de ne rien faire, de me fermer les yeux, de m'enfouir la tête dans le sable et d'abandonner les locataires à leur sort, tout en condamnant de nombreux locataires à ne jamais pouvoir accéder à la propriété.

Cela ne convient ni à ma façon de voir les choses ni à mon tempérament. On ne m'a pas confié la responsabilité du dossier de l'habitation au Québec pour en devenir le fossoyeur. Je refuse de fermer les yeux et de laisser dégrader une situation, un état de fait qui devient de plus en plus intolérable. La proposition gouvernementale ne rallie peut-être pas l'approbation générale. Elle peut même faire l'objet d'une forte opposition dans certains quartiers de la ville de Montréal. Elle aura eu, au moins, le mérite de provoquer chez tous une profonde réflexion, de permettre à tous les points de vue de se faire entendre afin de nous permettre d'améliorer, de bonifier et même peut-être de modifier la proposition originale.

Qu'on se rassure. Le gouvernement du Québec n'a pas été élu pour brimer les citoyens du Québec mais, au contraire, pour les aider à améliorer leurs conditions de vie. Nous n'avons pas l'intention, par inaction, de contribuer à intensifier le phénomène d'éviction ou de harcèlement des locataires. Au contraire, la proposition gouvernementale contient toute une série de mesures visant à augmenter la protection des locataires. Je répète mon intention ferme de déposer dans quelques semaines, à l'Assemblée nationale, un projet de loi dont l'adoption permettra d'atteindre les objectifs que nous recherchons.

Je termine, M. le Président, en disant que nous verrons, dans les prochaines semaines, comment nous pourrons, tout en respectant la diversité de la réalité québécoise et également de la réalité montréalaise, concilier cet objectif majeur de mieux protéger les locataires avec notre volonté de permettre à des Québécois à revenus modestes, des jeunes couples en particulier, d'accéder à la propriété de leur logement. Je ne doute pas que nous pourrons réussir à trouver une solution satisfaisante pour les uns comme pour les autres. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Rochefort): Je vous remercie, M. le ministre. En terminant, vous

me permettrez à mon tour de remercier tous les gens de leur participation active à nos travaux. Je voudrais remercier tous les groupes et les individus qui se sont présentés devant nous. Vous me permettrez sûrement, messieurs et mesdames de la commission, de remercier particulièrement ceux qui ont travaillé a bout de bras, tout au cours des dernières semaines, pour nous permettre de siéger pendant quatre jours à Montréal.

Je vous rappelle que c'est la première fois qu'une commission siège pendant une aussi longue période à l'extérieur du parlement et que cela a impliqué beaucoup de temps supplémentaire, notamment pour le secrétaire de la commission, M. Chouinard, et ses collaborateurs. Je pense qu'il faut souligner le travail absolument extraordinaire du secrétaire de la commission et de son personnel, du personnel du Journal des débats et de l'ensemble des services de l'Assemblée nationale. Ils nous ont permis de siéger confortablement, dans un cadre satisfaisant et de remplir tous notre mandat dans un lieu très différent de nos lieux habituels de travail.

Avant d'ajourner nos travaux sine die, je me permets de rappeler à tous ceux qui sont membres de la commission à caractère un peu plus permanent que nous nous retrouverons mardi prochain, è 10 heures, à Montréal aussi, dans le cadre de la consultation que nous devons mener sur le document gouvernemental relatif au financement du transport en commun dans la grande région de Montréal.

J'ajourne donc nos travaux sine die. Je vous rappelle toutefois que nous nous reverrons dans un autre cadre, mardi, à Montréal. Merci.

(Fin de la séance à 16 h 12)

Document(s) related to the sitting