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(Dix heures dix-neuf minutes)
Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission de l'aménagement et des équipements reprend
maintenant ses travaux pour poursuivre sa consultation générale
portant sur l'avant-projet de loi modifiant la Loi sur l'assurance automobile
et d'autres dispositions législatives.
Est-ce qu'il y a des remplacements, ce matin, M. le
secrétaire?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M.
Vaillancourt (Orford) sera remplacé par M. Assad (Papineau).
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le
secrétaire.
Je demanderais, à ce moment-ci, au Regroupement des ligues de
taxi de Québec de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.
Permettez-moi, dans un premier temps, de vous souhaiter la bienvenue
à la commission de l'aménagement et des équipements. Je
demanderais maintenant au porte-parole de bien vouloir s'identifier ainsi que
les membres qui l'accompagnent, pour le bénéfice des
parlementaires et du Journal des débats.
M. Gagnon (Carlo): Bonjour, je m'appelle Carlo Gagnon, je suis
président du Regroupement des ligues de taxi de Québec. J'ai avec
moi M. André Boulanger, vice-président de la Ligue de taxi de
Montréal A:ll; M. Gilles Léveillée, président de la
Ligue de taxi de Montréal A:ll; M. Raymond Martel, président de
la Ligue de taxi de Québec A:36; M. Roger Morin, vice-président
de la Ligue de Québec A:36; M. Joscelyn Thibault, président de la
Ligue de Sainte-Foy A:38.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le
président. À partir de ce moment-ci, vous avez 20 minutes
à votre disposition pour présenter votre mémoire aux
membres de la commission.
Regroupement des ligues de taxi de
Québec
M. Gagnon: Mémoire sur l'avant-projet de loi modifiant la
Loi sur l'assurance automobile et d'autres dispositions légis- latives.
Les participants à ce mémoire représentent plus de 63 % de
tous les détenteurs de permis de la province. La justification du "no
fault", l'accessibilité aux compagnies d'assurances, l'importance de la
régionalité et la RAAQ sont des problèmes des plus
pressants pour l'industrie du taxi à l'échelle provinciale.
Les solutions proposées par les membres de notre industrie sont
l'accessibilité, qui créera une juste concurrence et permettra
une valorisation de notre industrie, un meilleur contrôle en ce qui a
trait aux augmentations que nous subissons régulièrement et une
étude sérieuse de la RAAQ sur la justification de sa
tarification, enfin, la création d'un fonds d'amortissement pour les
assureurs.
Le Regroupement des ligues de taxi de Québec a vu le jour le 18
février 1986 sous le numéro 200-15-001187-867. Il regroupe cinq
ligues de la région de Québec qui sont: La Ligue de taxi de
Charlesbourg Orsainville inc. (A:25) - plutôt que (A:15), c'est une
petite erreur - la Ligue de taxi de Lévis inc. (A:35), la Ligue de taxi
de l'est de Québec inc. (A:38), la Ligue de taxi de Sainte-Foy-Sillery
inc. (A:38) et la Ligue de taxi de Québec inc. (A-36).
Se sont jointes au Regroupement des ligues de taxi de Québec,
pour la préparation de ce mémoire sur l'avant-projet de loi
modifiant la Loi sur l'assurance automobile et d'autres dispositions
législatives, la Ligue de taxi de Montréal inc. (A:ll), la Ligue
de taxi de l'est de Montréal inc. (A:5) et la Ligue de taxi de l'ouest
de Montréal inc. (A:12).
Ces huit ligues se sont réunies pour une seule et unique raison:
l'avancement et le développement de l'industrie du taxi, et ce, dans
l'ensemble de la province. Ces huit ligues regroupent 5750 permis de la
province. Nos rencontres pour la rédaction de ce mémoire se sont
déroulées dans une attitude qui nous a permis de dégager
plusieurs solutions à nos problèmes d'assurances qui, nous
l'espérons, trouveront une oreille attentive auprès de cette
commission.
Le "no fault", indemnisation directe sans subrogation. Pour plusieurs de
nos membres, l'entrée en vigueur de ce nouveau système en
matière d'assurances nuit considérablement à notre
industrie. Vu le temps limité que nous avons pour la présentation
de ce mémoire, nous préférons
nous prononcer qu'après une étude sérieuse sur cet
épineux sujet.
Le point qui semble nous désavantager est le suivant: la
non-importance d'être ou de ne pas être responsable d'un
accident.
En effet, maintenant, à notre dossier, figure une, deux ou trois
réclamations sans tenir compte de la responsabilité puisque, de
toute manière, notre compagnie défraie tous les coûts de
nos réclamations et nous cotise selon les montants
déboursés et non selon notre responsabilité, ce qui nous
apparaît extrêmement injuste et rend la tâche à
obtenir un dossier plus étincelant des plus difficiles.
L'accessibilité. Le problème de l'accessibilité est
certes le plus grave et le plus incompréhensible. En effet, comment
peut-on imaginer qu'en 1987 il n'existe que deux compagnies d'assurances
à Québec et trois à Montréal qui acceptent de
couvrir les risques des chauffeurs de taxi de la province, et ce, peu importent
les dossiers que détiennent ces chauffeurs.
En effet, même un conducteur de taxi qui possède un dossier
de trois ans et plus sans accident - il y en a beaucoup plus que vous ne le
croyez - se voit refuser l'entrée à plus de 98 % des compagnies
d'assurances au Québec. Nous croyons que le manque de
rentabilité, souvent évoqué en ce qui a trait au taxi,
trouve sa réponse dans cette situation qui est pour le moins
invraisemblable. Le nombre d'accidents de l'industrie divisé en deux
compagnies plutôt qu'en 50 ou 100 provoque la difficulté d'avoir
une rentabilité convenable.
Ce manque de concurrence crée un monopole dans la tarification,
et ce, au désavantage des chauffeurs de taxi. En effet, durant les dix
dernières années, nous avons remarqué qu'une baisse
intéressante se faisait sentir à chaque fois qu'une autre
compagnie manifestait une ouverture dans notre industrie, mais
qu'aussitôt retirée, la tendance à la hausse reprenait de
plus belle.
L'importance de la régionalité. L'industrie du taxi
souffre énormément de son titre d'"industrie". Lorsque arrive le
moment de renouveler notre permis d'assurances, nous sommes à la merci
de l'industrie.
Cependant, cette fameuse industrie se compose de plus de 85 % d'artisans
qui sont propriétaires d'une voiture qu'ils conservent dans un
état des plus acceptables et pour qui leur record d'assurances a une
importance capitale sur la rentabilité de leur commerce.
L'importance énorme qu'a la régionalité dans notre
industrie est facile à identifier. En effet, un chauffeur de taxi qui
exploite son commerce au centre-ville de Québec et au centre-ville de
Val-d'Or n'a évidemment pas le même risque et il nous semble que
cet aspect de notre industrie n'a que très peu d'importance sur la
facture à payer.
La RAAQ. Au chapitre de la RAAQ, les propriétaires de taxi de la
province subissent un préjudice encore plus grand.
Le particulier - ordinaire - paie 99 $ par année tandis que le
propriétaire de taxi paie 335 $ par année, ce qui
représente un pourcentage de plus de 330 %.
Malgré plusieurs demandes au cours des dernières
années, il nous a été impossible d'avoir une étude
sérieuse sur la justification d'une telle différence dans la
tarification.
Les solutions. L'attitude de notre groupe pour la préparation de
ce mémoire nous a permis de faire ressortir plusieurs solutions que nous
vous soumettons dans ce chapitre. La principale solution, d'après nous,
est d'ouvrir le marché pour ainsi créer une saine concurrence qui
permettrait aux propriétaires de taxi de la province, en plus
d'acquérir un meilleur seuil de rentabilité, de revaloriser le
métier de chauffeur de taxi en gratifiant une bonne conduite en
automobile.
Vu le caractère obligatoire des assurances au Québec, il
nous apparaît extrêmement important que ces mêmes compagnies
soient obligées de justifier les augmentations demandées par un
contrôle beaucoup plus serré des compagnies d'assurances au
Québec.
Que la RAAQ procède à une étude sérieuse
pour justifier la tarification qu'elle nous impose.
La politique actuelle des compagnies d'assurances à
l'égard de l'industrie du taxi est d'impliquer tous nos membres,
assurés qu'ils sont tous, dans la même galère: coupables ou
non coupables de dommages causés ou de dommages subis. Cette politique a
un effet négatif sur l'ensemble des membres que nous représentons
en causant un préjudice important pour le bon chauffeur, celui qui n'a
pas d'accident, responsable par rapport à celui qui représente un
haut taux de risque à la suite de son insouciance ou de son
incompétence.
Oui, nous l'avons dit précédemment, ce ne sont pas tous
les chauffeurs de taxi qui représentent un risque élevé.
Nous aimerions que les assureurs soient beaucoup plus ouverts envers notre
industrie en établissant des classes ou catégories de chauffeurs
tout en tenant compte des différents niveaux de risque qu'ils
représentent de façon individuelle et non de groupe. Aussi, ne
pourraient-ils pas y inclure les régions en relation avec les taux de
risque encourus pour chacune d'elles? Il serait souhaitable qu'ils tiennent
compte de ces deux facteurs à l'établissement de ces
catégories ou classes.
Il est bien évident qu'un chauffeur de taxi travaillant dans la
région de Montréal est beaucoup plus enclin à avoir des
accidents qu'un autre travaillant dans la région de Gaspé, par
exemple, pour les raisons que vous connaissez tous sans aucun
doute. Par contre, nous voyons d'un très mauvais oeil le
chauffeur de la région de Montréal payer plus cher pour la
même prime que celui de Gaspé s'il n'a pas été
responsable d'un accident au cours de l'année, car ce chauffeur est
d'autant plus méritant ayant travaillé dans une région
à haut taux de risque.
De plus, nous ne trouvons aucun encouragement, ou même aucune
motivation, à nous retrouver tous dans cette galère, que nous
ayons ou pas d'accident, que nous soyons responsables ou non, nos primes
resteront très élevées.
En proposant une formation de catégorie ou de classe basée
sur l'individu et la région, nous sommes persuadés que nous
pourrions en arriver à une solution équitable pour l'ensemble des
composantes de notre industrie. Il serait bon aussi de vous dire qu'avec ces
catégories il ne saurait être question pour un chauffeur qui a eu
un accident non responsable de changer de catégorie et de voir ses
primes augmenter. À titre d'exemple, prenons Montréal, comme la
région qui possède le plus fort taux de risque, et Québec,
qui se classerait au deuxième rang.
Donc, un chauffeur de Montréal aurait à conduire sans
avoir eu d'accident responsable pour une période d'un an ou plus avant
de pouvoir se retrouver dans la première catégorie et
bénéficier d'une réduction sensible de ses primes
d'assurances tandis que le chauffeur de Québec, lui, verrait cette
période sans avoir eu d'accident prolongée quelque peu avant de
pouvoir accéder, lui aussi, à cette catégorie parce qu'il
travaille dans une région à plus faible niveau de risque et ainsi
de suite pour les autres régions. Nous croyons pouvoir nous retrouver
ainsi avec un système plus adéquat pour l'ensemble de
l'industrie.
Il serait bon de noter que nous parlons uniquement d'accidents avec
responsabilité, c'est-à-dire qui ne relèvent que de la
faute du chauffeur de taxi et non pas de la fréquence d'accidents avec
ou sans responsabilité, comme ont tendance à prendre en
référence les compagnies d'assurances.
Nous nous le sommes demandé hier, aujourd'hui et nous vous le
demanderons demain si rien n'est fait: pourquoi aurions-nous, gens de
l'industrie du taxi, à défrayer les coûts des primes
élevées pour des accidents dont nous ne sommes pas responsables?
Surtout lorsqu'on nous insère tous dans une catégorie à
part. Nous y voyons deux poids, deux mesures.
Si l'on continue à nous faire subir cette situation,
c'est-à-dire si on applique, dans le domaine des assurances, le
phénomène des statistiques de fréquence d'accidents, il
deviendrait impératif que tous les assureurs soient obligés de
nous assurer et sans aucune distinction entre nous et le particulier aux
mêmes conditions. En appliquant cette politique de statistiques de
fréquence d'accidents, les assureurs nous causent un préjudice
flagrant vu notre petit nombre face aux particuliers.
Il est évident que, pour nous, qui sommes
considérés comme un groupe à part par les assureurs, les
statistiques de fréquence sont plus apparentes que si nous étions
noyés dans la mer des particuliers. Dites-vous bien que le public en
général est aussi une cause de nos accidents. Figurez-vous que,
si nous avons un accident non responsable, les chances sont très minces
pour que ce soit un autre taxi. Alors, pourquoi nous faire vivre une telle
situation si nous ne sommes pas inclus dans la catégorie des
particuliers? Par ricochet, nous vivons une situation similaire dans l'art de
l'augmentation annuelle des primes de ces compagnies. Lorsqu'on pense aux
particuliers qui paient, en moyenne, de 400 $ à 500 $ de primes
annuellement, et nous, qui payons en moyenne 1800 $, nous nous retrouvons
encore plus touchés. Faites le calcul à 10 % d'augmentation, vous
verrez bien.
Il n'y a aucune exception de la part des assureurs. Nous pouvons
même nous rendre jusqu'à la RAAQ, qui nous impose une surprime.
C'est à se demander si nous sommes des citoyens à part
entière. Mais qui possède donc les preuves, les statistiques, les
données pour traiter l'industrie du taxi de la sorte? À qui
avons-nous affaire? N'avons-nous à croire qu'un groupe de
commerçants ayant comme but principal de faire de plus en plus de
profits pour plaire à leurs actionnaires? Avons-nous à prendre
leur parole pour la parole divine? Sont-ils les seuls à avoir raison?
Existe-t-il d'autres sources sur lesquelles nous pourrions nous fier pour avoir
des données exactes?
Partons du fait que tous les assureurs sont dans l'obligation d'assurer
le taxi. Nous souhaiterions voir la création, dans la mesure du
possible, d'un fonds d'amortissement propre à tous les assureurs. Un
certain pourcentage pourrait être prélevé à
même les primes payées pour la formation d'un tel fonds. Le but
visé ici, dans un premier temps, est de garantir aux assureurs une perte
maximale ou, si vous préférez, minimiser leurs pertes sur les
règlements d'accidents en dommages matériels.
Ceci aurait probablement pour effet d'acquérir une protection
contre toute hausse abusive de primes payées par l'industrie du taxi.
Dans un deuxième temps, cela permettrait aux assureurs une protection
contre toute réclamation qui dépasserait un montant fixé
comme le montant maximal de pertes encourues par chacune des compagnies
d'assurances. La différence de la somme entre le montant maximal
payé par les assureurs et le coût total de la réparation
pourrait être prélevée du fonds d'amortisse-
ment auquel tous les assureurs participeraient. Nous pourrions
peut-être en retirer une bénéfique baisse des primes pour
toute notre industrie.
À titre d'exemple, nous prenons une voiture ayant
été endommagée à la suite d'un accident et dont les
coûts de réparation s'élèveraient à 2000 $.
Prenons ainsi le montant maximal de perte fixé à 1500 $. Pour les
assureurs, nous aurions le tableau suivant: coût de réparation des
dommages: 2000 $; perte maximale des assureurs, 1500 $; déductible de
l'assuré: 300 $; solde de différence: 200 $. Le solde de
différence de 200 $ serait prélevé par l'assureur
impliqué au règlement de ce dossier à même le fonds
d'amortissement pour le règlement total et final des
réparations.
De plus, en obligeant tous les assureurs à assurer notre
industrie et à participer au fonds d'amortissement, nous pourrions
éviter toute tentative ou envie de création d'un cartel. Nous
vous avons souligné, précédemment, que, dans cette
présentation, il n'y avait que deux ou trois compagnies qui assurent le
taxi présentement, et ce, dans toute la province. La création
d'une telle structure nous permettrait une liberté fondamentale de choix
d'assureurs tout en amoindrissant les risques pour les assureurs de nous
assurer.
Nous profitons de l'occasion qui nous est offerte pour demander qu'un
organisme gouvernemental soit mis en place dans le but de superviser et de
recevoir les demandes des assureurs. En référence à
certains secteurs de l'économie où des compagnies doivent
s'adresser à de tels organismes pour en arriver à augmenter leurs
tarifs - nous pensons, ici, au CRTC - ceci aurait sûrement un effet
positif, non seulement pour nos membres, mais pour l'ensemble de la population,
si les assureurs étaient soumis à un organisme semblable.
Présentement, nous sommes tous à leur merci. Nous vous
demandons si vous allez permettre que cette situation puisse subsister encore
longtemps sans aucune réforme profonde et juste pour tous.
Conclusion. L'attitude positive que les signataires de ce mémoire
ont présenté, lors de sa préparation, prouve,
au-delà de tout doute, que nous croyons qu'une entente serait facilement
négociable dans le domaine de l'assurance. Nous espérons que la
tenue de cette commission permettra d'enrayer définitivement la
discrimination à laquelle les membres de notre industrie font face
depuis plusieurs années dans le domaine des assurances au Québec
et qu'elle permettra une ouverture débouchant sur un dialogue qui sera,
nous n'en doutons pas, à l'avantage de chacune des parties.
Ont signé, à Montréal, ce dix-septième jour
d'août 1987, le président du Regroupement des ligues de taxi de
Québec, Carlo
Gagnon, le président des ligues de taxi de Montréal
(A:ll); Gilles Léveillé, le président de la Ligue de l'est
de Montréal inc.; Fernand Levasseur, et le- président de la Ligue
de l'ouest de Montréal inc., Jacques Thibault. Je vous remercie
beaucoup.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le
président. M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, je
voudrais saluer d'une manière particulière les intervenants du
monde du taxi de tout le Québec, que l'on connaît bien puisqu'on a
à travailler assez régulièrement ensemble pour tenter de
résoudre un certain nombre de problèmes de l'industrie du taxi.
Je veux aussi les remercier, en tout premier lieu, de s'être
déplacés et de soumettre à la commission certaines
interrogations et certaines propositions qui, à tout le moins pour une
bonne partie, relèvent davantage de celui qui a la responsabilité
des inspecteurs d'assurances, mais qui, pour certains points effectivement,
tels que spécifié dans le mémoire, relèvent de la
Régie de l'assurance automobile. C'est d'abord à cela que nous
allons tenter de nous attaquer présentement, pour avoir certains
éclaircissements souhaités de part et d'autre et faire en sorte
qu'on puisse effectivement régler un certain nombre de problèmes.
On va attaquer cela de front tout de go. On n'a pas l'habitude d'éviter
les problèmes.
Vous dites très nettement que l'assurance privée est
difficilement accessible et qu'elle l'est à un taux très
élevé. J'ai eu l'occasion d'effleurer le sujet avec le Bureau des
assurances du Canada, le BAC, hier, en fin de journée, sachant
qu'aujourd'hui, on aurait l'occasion de s'en reparler. Je pense que la
démonstration est très claire et elle n'est contestée par
personne. Très peu de compagnies d'assurances vous assurent et du fait
qu'il y en a très peu, cela vous coûte très cher. En
contrepartie, il y a la régie qui, elle aussi, a une tarification
spéciale pour les taxis, une préoccupation spéciale pour
les taxis, comme vous le mentionnez là-dedans.
D'après ce que j'ai toujours su, dans les discussions avec la
Régie de l'assurance automobile, il y a les catégories moto,
promenade, taxi, camion et autobus. On se devait, à la Régie de
l'assurance automobile, de tenir compte de la catégorie des taxis
étant donné le nombre d'accidents qui est beaucoup plus
élevé que la moyenne, mais ce sont des accidents qui - je pense
qu'on peut le dire - causent moins de dommages que d'autres accidents. Ils sont
plus élevés en nombre mais moins dommageables et la moyenne est,
M. Vézina me corrigera si ma mémoire ne m'est pas fidèle,
d'environ les deux tiers du coût d'un accident normal. Il y a donc des
avantages de ce côté. Mais la
tarification actuelle des taxis, à la Régie de l'assurance
automobile, d'après ce qu'on m'en a toujours dit, est inférieure
à ce que la Régie de l'assurance automobile devrait demander, de
10 % à 15 %, semble-t-il. C'est pour cela que j'aimerais qu'on discute
là-dessus parce que vous, vous trouvez que c'est trop
élevé, alors qu'en ce qui a trait à la régie, selon
les analyses actuarielles faites, on ne vous demande pas ce qu'on devrait vous
demander. Compte tenu de l'importance du taxi, je me suis opposé
à ce qu'on puisse exiger exactement ce que cela coûte, compte tenu
de votre situation et du fait que c'est votre gagne-pain.
Alors, peut-être que M. Vézina pourrait faire une courte
présentation de la tarification à ce chapitre et tenter de
discuter et voir ce qu'on peut faire.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Vézina.
M. Vézina (Jean-P.): M. le Président, merci.
Rapidement, M. le Président, je vais tenter de vous dresser la
façon dont la tarification des contributions d'assurance à la
régie est établie. Contrairement, peut-être, à ce
qui a été dit ici dans cette même salle hier, la
régie tarifie en fonction des risques que représentent les
catégories de véhicules. Alors, donc, on n'a pas la même
tarification pour tous les véhicules automobiles, mais on a une
tarification en fonction des risques que représentent des
catégories de véhicules. Comme le ministre l'a dit, on a une
grande catégorie qui s'appelle véhicules de promenade, on en a
une autre qui s'appelle véhicules de taxi. On a aussi les autobus, les
camions, les motos et les véhicules qui sont moins souvent sur la route,
comme, par exemple, des véhicules outils ou des choses comme cela.
La tarification est faite de la façon suivante. On cumule -
maintenant, on a neuf ans, en fait, de connus 1978-1987 - les coûts pour
chacun des accidentés qui se sont présentés à la
régie, les coûts qu'on dépense pour une victime. Ensuite,
on les attribue à un accident donné. Cette victime-là a
été blessée dans un accident précis, alors on
l'attribue à un accident donné et on sépare les
coûts en fonction du nombre de véhicules impliqués. S'il y
a une moto, un camion et une auto, bien, c'est un tiers, un tiers, un tiers,
avec un dégrèvement possible - on le verra avec les camionneurs
cet après-midi -pour tenir compte que les camionneurs paient la CSST.
Alors, donc, on attribue effectivement un accident donné - comme c'est
le système "no-fault" pour ce qui est des dommages corporels - en
fonction du nombre de véhicules impliqués.
Cela nous permet, à ce moment-là, de voir effectivement
chacune des catégories de véhicules, son implication dans les
coûts réels des accidentés, que ce soient des morts ou des
blessés graves ou légers. Comme ce sont d'abord les
véhicules de promenade qui sont les plus nombreux - 2 000 000 de
véhicules sur environ 4 000 000 - on établit que le
véhicule de promenade, par exemple, a un critère de
relativité qui est égal à 100 et on établit le
risque que représentent, par rapport aux véhicules de promenade,
toutes les autres catégories de véhicules.
On vient de refaire la catégorie des taxis. On refait cela,
chaque année, aussitôt qu'on a une année additionnelle de
connue, on l'ajoute justement aux années précédentes pour
voir si, effectivement, cela change ou non. On s'aperçoit, par exemple,
que, pour les véhicules de promenade, à cause du port de la
ceinture notamment, les accidentés sont moins gravement atteints. On
peut vous montrer qu'effectivement, on a payé moins cher pour des
accidentés de véhicules de promenade depuis 1978. C'est le
contraire dans le cas de la moto. En moto, les gens sont de plus en plus
accidentés parce que, effectivement, il y a un glissage qui se fait du
parc vers la grosse moto et la grosse moto fait que les gens circulent plus
vite et que les accidentés sont plus graves.
Bon, on vient de refaire, avec les dernières données, ce
que cela pouvait donner pour chacune des catégories de véhicules,
ce qui nous a permis, d'ailleurs, de faire une recommandation au gouvernement,
qui a été entérinée, de réduire les
véhicules de promenade dernièrement. Et ce que cela nous donne
pour les véhicules de taxi, c'est en dents de scie. Une année, il
y a plus d'accidents, plus de victimes et, une autre année, il y en a
moins. Mais, depuis 1978, les accidentés dans les véhicules taxis
représentent des coûts pour la régie qui sont à peu
près aux deux tiers, comme l'a dit le ministre il y a un instant, de ce
que représentent les coûts pour les véhicules de promenade.
On se comprend bien? Bien sûr, un mort, dans les deux cas, c'est le
même prix, mais les blessures d'une personne, dans les
véhicules-taxis, seront souvent moins graves, de façon
générale. Pour la période de 1978 jusqu'à
maintenant, en moyenne, c'est à peu près les deux tiers.
Par ailleurs, la fréquence des accidents de voitures-taxis est de
cinq à six fois plus élevée que celle des véhicules
de promenade. Cela varie aussi d'une année à l'autre, mais en
moyenne, sur toute la période, c'est cinq fois.
Si bien que - je reviens à mes taux relatifs - lorsqu'on impose
l'indice 100 aux véhicules de promenade, compte tenu de ce que je viens
de dire, on devrait demander 3,5 % fois plus pour les véhicules-taxis.
Le résultat de tout cela... On peut déposer les données,
je l'ai déjà fait pour les véhicules-taxis de
Québec, on peut aussi déposer l'étude faite par Martineau,
Provencher &
Associés, qui sont les actuaires-conseils. J'ai une lettre
signée par M. Provencher qui dit, en conclusion: "La tarification
actuelle des véhicules-taxis par rapport aux véhicules de
promenade sous-estime légèrement - environ 15 % - le coût
des accidents des taxis. Cette catégorie de véhicules se
distingue par une fréquence très élevée d'accidents
-environ cinq fois plus élevée - mais avec un coût moindre,
environ deux tiers, par rapport aux véhicules de promenade."
Ce qu'on a comme résultat, c'est que, effectivement, les
véhicules-taxis, à ce moment-ci - je ne dis pas que ce ne sera
pas amélioré, l'an prochain - depuis 1978, sont
subventionnés par l'ensemble des véhicules de promenade pour
à peu près 15 %.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M.
Vézina. M. le ministre. (10 h 45)
M. Côté (Charlesbourg): Cela donne une explication
sur la manière dont la régie s'y prend. Ce que je comprends des
discussions qu'on a déjà eues dans le passé et qui
reviennent, c'est que, concernant la fréquence des accidents, qui est de
cinq à six fois plus élevée, votre point important, c'est
de dire: Nous ne sommes pas responsables de l'accident et, avec ce
système, c'est nous qui sommes pénalisés sur le plan des
assurances parce que, si on avait à prouver la responsabilité,
dans 85 % ou 90 % des cas, la preuve serait faite que nous ne sommes pas
responsables et, donc, ce serait l'autre accidenté qui aurait à
payer les coûts.
C'est clair que le système actuel semble causer un certain nombre
de préjudices aux gens du taxi, à ce moment-ci, mais il faut
quand même faire la distinction. Vos principales revendications
concernent davantage la réparation des véhicules que les
blessures corporelles, alors que la réparation des véhicules est
assurée par des assureurs privés qui se sont prévalus d'un
régime de "no fault" dans ce cas. Il y a des réajustements de par
votre volonté qui doivent intervenir, si j'ai bien compris le sens de
votre intervention, mais qui impliquent davantage le secteur privé pour
la couverture des dommages matériels et non pas les blessures
corporelles. Je ne sais pas si cela traduit bien votre...
M. Gagnon: C'est exactement cela. On se pose une question dans le
sens que M. Vézina vient de l'expliquer. Je vais prendre un cas type: je
circule sur une voie publique, une voiture m'emboutit, il y a trois personnes
dans cette voiture de promenade; les personnes dans la voiture-taxi, à
l'exemple de ce que M. Vézina vient de donner, sont moins
blessées, et les trois personnes dans la voiture de promenade sont assez
gravement blessées. Vous prenez les coûts pour les trois personnes
qui sont blessées et vous les divisez entre le taxi et le particulier.
C'est bien cela?
M. Vézina: Écoutez! C'est la même chose que
vous laissez entendre dans les véhicules de promenade, où il y
aurait beaucoup de monde, et, dans les voitures-taxis, il n'y aurait pas
beaucoup de monde.
M. Gagnon: On recommence. C'est vous qui venez de nous dire que,
les personnes qui prennent place dans une voiture-taxi sont moins souvent
blessées. C'est ce que vous venez de me dire? Dans les
voitures-taxis.
M. Vézina: C'est-à-dire moins souvent
blessées... On dit qu'elles sont aussi souvent blessées, mais aux
deux tiers des coûts à peu près; elles sont moins gravement
blessées.
M. Gagnon: Elles sont moins gravement blessées. Par
contre, si je suis seul dans ma voiture et que M. le ministre est seul dans la
sienne et que sa voiture emboutit la mienne il a la responsabilité de M.
le ministre. M. le ministre est blessé plus gravement que moi.
Vous prenez le total de nos deux réclamations et vous le divisez en
deux. Ce n'est pas comme cela?
M. Vézina: Écoutez! Encore une fois...
M. Garon: Vous avez oublié le chauffeur du ministre.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Gagnon: Mais je présume qu'il doit être comme un
chauffeur de taxi, c'est-à-dire qu'il ne se blesse pas.
Une voix: Le chauffeur n'était pas là, c'est pour
cela qu'il a eu un accident.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Vézina: Ce que vous dites est tout à fait exact.
Donc, lors d'un accident, cela peut arriver qu'il y ait une répartition
sur une voiture plutôt que sur l'autre parce qu'il y avait plus de
passagers dans une voiture. Sur l'ensemble, cela se répartit de
façon à peu près équitable. Le tarif est un tarif
d'ensemble. On ne fait pas le risque d'un individu, d'une auto de particulier.
Dans ce sens-là, je me permets de vous signaler que, normalement, dans
une voiture-taxi, il y a plus de monde que dans un véhicule de
promenade, de façon générale, si bien que, même si
c'est aux deux tiers, la gravité, il y a plus de monde.
M. Gagnon: Je mets en doute le fait qu'il y a peut-être
plus de monde. Vous
savez que la majorité des voitures-taxis circulent avec, au
maximum, une personne ou deux.
M. Vézina: Mais il y a une autre chose que vous devez
considérer, monsieur. Quand il y a un accident impliquant une
voiture-taxi et un autre véhicule, les passagers de l'autre
véhicule sont aux deux tiers aussi affectés par rapport à
un accident normal. Ce n'est pas la voiture-taxi qui fait qu'elle est plus
sécuritaire, c'est qu'elle circule moins vite. Donc,
nécessairement elle circule moins vite avec un autre véhicule
aussi. Les deux tiers des coûts, c'est deux tiers pour les passagers,
là aussi.
M. Gagnon: Vous comprenez que les deux tiers des coûts
divisés par la masse de propriétaires, de particuliers dans votre
grande catégorie, et les deux tiers des coûts divisés par
les membres de notre pauvre petite industrie, ce n'est pas exactement la
même répartition.
Une voix: C'est la même chose pour les motos.
M. Côté (Charlesbourg): D'accord, sauf qu'on ne
gagne pas sa vie avec sa moto et qu'on gagne sa vie avec le taxi. Il me
paraît y avoir une distinction très nette pour ce qui est des
catégories. Le fait que ce soit 10 % ou peut-être 15 % moins
élevé que cela devrait l'être, il y a quand même une
prise en considération de ce phénomène par la
régie.
Cependant, votre revendication s'adresse à deux niveaux de
responsabilité, d'après moi: aux assureurs privés,
où il y a une incapacité d'avoir une assurance à un
coût raisonnable et vous en faites les frais vu que votre principe
à vous est de prouver qu'à 80 %, 85 % ou 90% vous n'êtes
pas responsable de l'accident et que les dommages matériels vous
retombent finalement sur le dos par la suite et que, s'il y avait un
système de responsabilité pour les dommages matériels,
vous seriez probablement moins pénalisés quant au coût des
assurances.
Je vais y aller avec une question bien précise. Je pense qu'on a
assez bien cerné le problème à la fois sur le corporel et
sur les dommages matériels. Est-ce que votre mémoire souhaite que
le gouvernement intervienne dans l'assurance privée?
M. Gagnon: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): C'est votre volonté.
En définissant nécessairement ce que cela pourrait être
autrement que par le fonds d'amortissement dont vous faites la proposition,
dans votre esprit, qui serait responsable du fonds d'amortissement? Cela me
paraît un élément important à déterminer.
M. Léveillée (Gilles): Au sujet du fonds
d'amortissement, on prévoit que le ministère des Institutions
financières serait l'organisme pour gérer et administrer ce
fonds-là. Il y a peut-être d'autres organismes gouvernementaux
qu'on ne connaît pas et qui pourraient gérer ce fonds, mais,
à ce moment-là, le fonds créé fournirait aux
assureurs une garantie que cela ne coûterait pas plus qu'un montant X
à l'assuré. On veut donc que ce soit le gouvernement parce qu'on
ne peut pas mettre cela entre les mains des assureurs parce que la
gérance de ce fonds doit être faite par une personne
impartiale.
M. Côté (Charlesbourg): D'accord. Cela ne pourrait
pas être le ministère des Institutions financières parce
que ce ministère est maintenant disparu et les responsabilités
sont sous un autre chapeau. Je pense que c'est davantage le message...
M. Léveillée: Sous un autre chapeau, mais au
gouvernement. C'est pour cela que j'en parle comme cela.
M. Côté (Charlesbourg): Dans vos recherches de
solution, est-ce que vous avez examiné la possibilité d'une
mutuelle?
M. Léveillée: On a examiné la
possibilité d'une mutuelle. Par contre, on sait que l'industrie du taxi
est très autonome et fonder une mutuelle serait très
onéreux. Je ne pense pas que l'industrie du taxi pourrait fonctionner
par une mutuelle parce qu'on a 3000 permis de taxi, mais on n'est pas 8000
membres. Cela deviendrait donc onéreux au départ.
M. Côté (Charlesbourg): D'accord. Je pense qu'il y a
du travail à faire à ce niveau-là.
M. Gagnon: J'aurais peut-être une autre solution. Dans
trois, quatre ou peut-être même cinq provinces au Canada il y a un
groupement qui s'appelle Facility Insurance. Dans la majorité des
provinces, les assurances sont obligatoires comme au Québec. À
cause du caractère obligatoire, nous croyons que ces mêmes
assureurs ont une certaine dette envers la société. On ne
comprend pas pourquoi ils ne nous assurent pas. Les raisons invoquées
sont souvent la taille de la compagnie qui fait qu'elle ne peut vraiment pas
prendre de risques. Certaines compagnies, en égard au caractère
obligatoire des assurances, se sont réunies. Toutes les compagnies qui
n'assuraient pas le taxi ou différents risques se sont réunies,
ont formé une autre division qu'on nomme la
Facility Insurance. Cette compagnie établit des coûts,
permet de créer une espèce de concurrence entre les principaux
assureurs de taxi et les autres, rembourse un peu en même temps le
privilège que nos élus leur ont donné en mettant cela
obligatoire. On ne comprend pas pourquoi le gouvernement peut rendre
obligatoires certaines choses et, d'un autre côté, ne peut pas
obliger ces mêmes assureurs à nous assurer.
Si je me présente à un bureau d'assurances, on ne me
demande même pas mon nom, on me demande si j'ai un taxi. On me dit:
Merci, monsieur, vous reviendrez ou allez frapper à une autre porte.
Nous croyons que c'est complètement aberrant. Peu importe le dossier. Le
dossier n'a aucune espèce d'importance. La région où vous
faites le transport n'a pas d'importance non plus. L'utilité et le
kilométrage que vous faites... Il y a des gens de notre industrie qui,
pour certaines raisons, ne font pas beaucoup de kilométrage. Il n'y a
aucune espèce de comparaison. Cela n'a aucune espèce
d'importance. Voilà un manque de concurrence flagrant. Nous pensons que
les assureurs pourraient, par un moyen qui pourrait être
déterminé, trouver une solution pour rendre un peu la monnaie de
la pièce à toutes les couches de la population au
Québec.
M. Côté (Charlesbourg): D'accord. Une
dernière question, avec votre permission, M. le Président, avant
ma petite conclusion. J'ai été un peu surpris d'une
recommandation selon laquelle on parle de régionalisation. On a pris
l'exemple du conducteur de taxi de la Gaspésie par rapport à
celui de Québec ou de Montréal. Est-ce qu'une proposition comme
celle-là, si elle était appliquée, ne
défavoriserait pas justement le conducteur de taxi de Montréal ou
de Québec, ceux-ci étant plus exposés?
M. Léveillée: Non. Pour répondre à
cette question, prenons l'exemple d'un chauffeur de taxi dans la région
de Montréal, dont le risque d'accident est plus élevé
qu'à Québec. Si un chauffeur de taxi conduit pendant un an sans
accident dans un trafic lourd comme Montréal, c'est parce qu'il est un
bon chauffeur à comparer à un chauffeur de Gaspé, qui peut
conduire pendant un an sans accident. La différence à ce niveau,
c'est que si un chauffeur de taxi à Montréal y va par l'incidence
du nombre d'accidents, la prime est toujours calculée en fonction du
nombre d'accidents non responsables ou responsables. À partir de ce
moment, les chances d'un chauffeur de taxi à Montréal sont
beaucoup plus élevées qu'un chauffeur de taxi à
Gaspé, par exemple.
Dans notre mémoire, nous disons que le chauffeur de taxi de
Montréal, après un an sans accident, par exemple, devrait
être considéré au même titre que le chauffeur de
Gaspé, après trois ans sans accident, dans ce cas. C'est
là la différence, où le risque d'accident entre en ligne
de compte.
Les compagnies d'assurances n'en tiennent pas compte. Pour elles, c'est
seulement par accident qu'elles calculent les primes. Les barèmes seront
les mêmes pour un chauffeur de taxi de Gaspé que pour un chauffeur
de taxi de Montréal. Elles y vont par le nombre d'accidents et non pas
par la période pour un nombre donné d'accidents. Si on a un
accident, à Montréal dans un an, pour être dans la
même catégorie, on calcule que le chauffeur de taxi de la
Gaspésie devrait avoir trois ans.
L'effet de cela, c'est que, si le chauffeur de Gaspé a un
accident après seulement un an, il doit être
considéré au même titre que le chauffeur de
Montréal, ce qui est beaucoup plus différent. C'est cela qu'on
dit dans le mémoire. Le chauffeur de taxi de Montréal devrait,
lui, être considéré au même titre qu'un chauffeur de
taxi de Gaspé ou de Baie-Comeau ou ainsi de suite.
M. Côté (Charlesbourg): D'accord. M. le
Président, juste en terminant, c'est un problème assez complexe
et irréel, je pense, pour chacun des chauffeurs de taxi qui a à
s'assurer. Pourtant, hier, certains intervenants du domaine de l'assurance sont
venus nous dire qu'il n'y avait pas tellement de problèmes dans
l'assurance privée. On se rend compte qu'il y en a quand même un
peu chez les chauffeurs de taxi et que cela peut aussi concerner la
Régie de l'assurance automobile.
Dans ces circonstances, seriez-vous disposé à participer
à un comité qui pourrait être présidé par le
député de Jeanne-Mance, qui connaît bien le taxi?
M. Gagnon: On est plus que disposé. Nous espérons
la venue d'un tel comité. (11 heures)
M. Côté (Charlesbourg): Mais ce comité ne
traiterait que du problème des assurances et on pourrait tenter
d'amorcer des solutions, où la régie serait présente et
mon collègue, M. Fortier, responsable des assurances, pourrait aussi
être associé à cette démarche.
M. Gagnon: C'est d'ailleurs ce qu'on souhaite. Il faut comprendre
que notre problème, même dans la préparation du
mémoire, est un problème de statistiques, n'ayant pas les moyens
financiers d'engager des actuaires pour résoudre ces problèmes.
Partout où l'on cogne pour avoir des statistiques, la porte est toujours
fermée. On n'est jamais capables d'avoir des statistiques qui
reflètent vraiment la réalité. Les dernières
statistiques de la RAAQ étaient assez populaires, excepté qu'il
manquait seulement 2000 voitures. Ils nous donnaient
des statistiques à quelque 7400 permis, tandis qu'à cette
date, il y en avait presque 9000.
M. Côté (Charlesbourg): Ce sont peut-être des
gars qui ne sont pas inscrits.
M. Gagnon: Peut-être. On est prêt à prendre
notre part.
M. Côté (Charlesbourg): II y a toutes sortes de
trucs, à un moment donné, dans la vie. Mais, finalement, avec un
comité comme celui-là, je pense qu'on donne accès à
toutes les statistiques, tout ce qu'il y a de plus récent, finalement,
pour être capable d'avoir un vrai portrait de la situation pour des
vraies solutions aussi.
M. Gagnon: Je pense que ce serait très souhaitable.
M. Martel (Raymond): On a un problème qui revient souvent
aussi et cela a été remarqué souvent. On a des gens qui
travaillent dans le domaine du taxi et qui ont la même expérience,
la même automobile. Ils vont arriver tous les deux pour s'assurer
à une compagnie d'assurances. À l'un, on va demander 1300 $ et,
à l'autre, 1800 $. Mais pourquoi? La même expérience, la
même valeur d'automobile, et il y en a un qui a une différence de
500 $ à 600 $ pour s'assurer. C'est quoi? Ce sont des choses qu'on ne
comprend pas.
M. Côté (Charlesbourg): Ce n'est pas seulement dans
le cas du taxi. Dans mon propre cas, lorsque j'étais en Gaspésie,
cela me coûtait 465 $; rendu à Québec, cela m'en
coûte 265 $. Ce, dans la même année.
Une voix: C'est la concurrence probablement.
M. Côté (Charlesbourg): Oui. En tout cas, ce
n'est pas particulier au taxi. Il y a des gens qui s'assurent dans le
privé aussi, pour leur véhicule de promenade, et on voit les
mêmes différences là aussi.
Je suis heureux que vous acceptiez de participer à un
comité comme celui-là. On va le mettre sur pied très
rapidement. M. le député de Lévis arrive et dit: Un membre
de l'Opposition? N'importe quand!
Le Président (M. Saint-Roch): Sur ces paroles, je vous
remercie, M. le ministre. Je vais maintenant reconnaître M. le
député de Lévis.
M. Garon: M. le Président, le ministre n'a peut-être
pas dit qu'il avait un mauvais dossier comme conducteur en Gaspésie.
Mais, on ne le sait pas.
Je voudrais saluer les gens du domaine du taxi. Cela me fait plaisir de
vous voir ici, de vous rencontrer. Nous avons lu attentivement votre
mémoire. Au cours des dernières années, vous avez fait
l'objet d'une préoccupation constante, en tout cas, de la part des
députés du parti qua je représente, pour essayer
d'améliorer le fonctionnement du taxi au Québec, sur plusieurs
aspects, sur l'ensemble des aspects. De la même façon qu'on dit
que le transport en commun doit être la priorité, le taxi fait
partie d'une forme de transport en commun et nous considérons que cette
industrie doit bien fonctionner. D'autant plus que, lorsqu'on considère
l'évolution de la pyramide d'âge au Québec, on aura deux
fois plus de personnes âgées de plus de 60 ou 65 ans dans une
dizaine d'années, on aura autour de 25 % des gens qui auront plus de 60
ans, et on sait que ces gens sont de grands utilisateurs de taxis, parce que,
souvent, ils ne veulent pas conduire eux-mêmes parce que cela les rend
nerveux ou pour d'autres raisons.
Nous estimons que, comme je le disais, le transport en commun doit
être une priorité et, immédiatement après,
l'industrie du taxi doit être aussi une priorité pour mieux
desservir l'ensemble de la population. Maintenant, en fonction de ce que vous
avez dit, M. Léveillé, tout à l'heure, quand vous avez
parlé d'un conducteur, avec un an, deux ans, trois ans, sans accident,
avez-vous déjà fait l'analyse du nombre de kilomètres que
parcourt un chauffeur de taxi moyen à Montréal et du nombre de
kilomètres que parcourt un chauffeur de taxi moyen en Gaspésie?
Vous avez nommé Gaspé, donc, prenons l'exemple de
Gaspé.
M. Léveillée: Oui. Le nombre de kilomètres
est peut-être de peu d'importance. Le nombre de kilomètres est
peut-être même plus élevé à Gaspé, si
on prend cet exemple. Par contre, par rapport au taux de la circulation, le
risque est complètement différent. C'est que le chauffeur de taxi
à Gaspé ne fait pas du taxi parmi une population de 1 500 000 ou
2 000 000, soit la population flottante qui voyage dans les rues de
Montréal. On dit qu'à partir de ce moment, les risques sont
beaucoup plus élevés et les primes d'assurance reflètent
les risques. La prime d'assurance, pour le même kilométrage
parcouru, disons à Gaspé va être la même à
Gaspé qu'à Montréal. Par contre, là où on se
fait avoir, c'est qu'en ayant le "no fault", on est sujet à avoir plus
d'accidents que la personne de Gaspé, parce qu'elle ne conduit pas dans
la même circulation. En ayant le "no fault", ce qui nous cause
préjudice, c'est que les compagnies d'assurances ne prennent pas en
considération, que vous ayez eu un ou deux accidents durant
l'année, si vous êtes responsable ou non. Si vous n'êtes pas
responsable, elle va vous augmenter votre prime d'assurance quand même.
Je prends un
exemple, une lettre de la Wawanesa - je ne donnerai pas le nom de la
personne impliquée indique que des montants de 640 $, 5000 $, 1000 $,
4000 $ et 700 $ ont été payés. Ces accidents sont survenus
au moment où le véhicule était en stationnement. C'est dur
à dire, mais c'est exactement cela. La compagnie d'assurances a
payé un total de 14 000 $ pour cet assuré et elle a un autre
accident de 700 $ qui est en suspens.
Dans tous ces cas, le propriétaire de taxi n'est pas responsable,
mais, en étant dans une circulation dense, il est sujet à avoir
plus d'accidents que le chauffeur de taxi de Gaspé, même s'ils
parcourent tous les deux le même kilométrage à la fin d'une
année.
M. Garon: Est-ce que vous avez des chiffres concernant le taux de
risque que représente la circulation pour un chauffeur de Gaspé
et pour un autre de Montréal?
M. Léveillée: Quand arrive le temps d'obtenir des
statistiques ou des données de la part des assureurs, c'est une chasse
gardée, on ne peut obtenir aucun renseignement. Aussitôt qu'on
fait une demande pour avoir des données d'un assureur en particulier,
concernant l'industrie particulière qu'est le taxi, c'est relatif
à leur administration et on ne peut avoir aucune donnée. À
la suite de cela, c'est pour cela qu'on a profité de la commission
parlementaire pour vous soumettre ce problème. On ne peut pas exactement
dire à quel taux devrait être la prime d'un assuré parce
qu'on n'a pas de donnée de risque, ni de fréquence, ni de
coûts des accidents.
À partir de ce moment-là, on est obligés de se fier
à leur parole.
M. Garon: Avez-vous des données concernant le coût
de l'assurance pour le taxi avant l'actuel régime de l'assurance
automobile...
M. Léveillée: Oui.
M. Garon: ...par la régie...
M. Léveillée: Si on prend...
M. Garon: ...par rapport au citoyen ordinaire...
M. Léveillée: Oui.
M. Garon: ...et au gars du taxi, dans le régime actuel de
l'assurance automobile?
M. Léveillée: Si on prend l'exemple des coûts
qui existaient avant le régime d'assurance automobile, les assurances
étaient d'environ 800 $ selon la qualité de voiture que vous
aviez. Le coût pour un particulier était d'environ de 200 $
à 250 $ par année, toujours lorsqu'il n'y avait pas eu
d'accident. On n'en a pas au "no fault", on ne dit pas qu'on veut l'abolir.
C'est pour cela que M. le ministre a constaté aussi que le "no fault",
pour ce qui est des blessures corporelles, a ses avantages, c'est sûr, on
n'en nie pas l'existence.
Par contre, ce qu'on dit, c'est qu'on a été
pénalisé là où se situent les plus grosses
réclamations, c'est-à-dire pour les dommages corporels. Un
accident d'automobile où vous n'avez que des dommages matériels,
cela peut représenter de 4000 $ à 5000 $, tandis que si vous avez
des dommages corporels qui auraient pu entraîner des poursuites, si on
prend des exemples ailleurs, cela aurait pu représenter des millions de
dollars. Cela peut entraîner des poursuites de 200 000 $ ou de 300 000 $,
sans calculer les frais d'avocats qui peuvent y être rattachés.
À partir de ce moment-là, on ne peut pas établir le
pourcentage des chiffres qu'il y avait en 1976 - si on prend cette année
comme référence, puisqu'on me posait la question -et les
transposer en 1987 parce qu'on n'a aucune donnée. On ne peut pas faire
de comparaison valable.
M. Garon: Ah bon!
M. Léveillée: C'est cela, le problème.
M. Garon: C'est parce que je voulais voir, par rapport aux
blessures corporelles, s'il y avait eu une baisse significative. Est-ce qu'il
n'y aurait pas, par rapport au matériel, un écart qui est
resté large ou par rapport à ce que cela pourrait être?
M. Léveillée: Si on prend un exemple par rapport au
matériel, c'est qu'en 1982, il y a une compagnie qui est arrivée
sur le marché; elle n'avait pas comme pratique d'assurer les chauffeurs
du taxi; elle est entrée dans le marché du taxi. Les primes,
lorsque ce nouveau concurrent est arrivé sur le marché des
assurés du taxi, ont dramatiquement baissé d'environ 35 %,
seulement parce qu'un nouveau concurrent arrivait sur le marché. Si je
prends, par exemple, ma prime d'assurances personnelle qui se situait, dans ce
temps-là, à 1778 $, en 1982, et, du jour au lendemain, j'ai eu un
avis de ma compagnie d'assurances disant qu'elle me donnait une ristourne de
600 $, seulement parce qu'un nouveau concurrent arrivait sur le marché.
Alors, c'est à partir de là qu'on s'est aperçu que la
prime de la police d'assurance était élevée. C'est pour
cela qu'on dit qu'on ne peut pas savoir ce qui en est. C'est lorsqu'il arrive
un fait comme cela qu'on peut en déduire qu'il y a effectivement une
surcharge des primes. Si, dans l'espace de trois ou quatre semaines, ils
sont capable de baisser une prime de 600 $, c'est donc parce qu'ils me
demandaient, pendant les trois ou quatre semaines précédentes,
600 $ de trop. À partir de là, c'est pour cela qu'on dit qu'on a
seulement ces... Comme déduction de primes d'assurance, on ne peut pas
justement établir quelle devrait être la juste part de nos risques
parce qu'on est à la merci de ces compagnies.
M. Gagnon: Ce qu'on voudrait, dans le fond, ce n'est
peut-être pas changé, mais on voudrait qu'ils soient capables de
nous donner la justification de leur prime. Par exemple, en Ontario, on est
obligé de justifier les augmentations devant une commission
spéciale, à toutes les années; s'il y a des augmentations,
on est obligé de les justifier. Donc, pour cela, il faut qu'on sorte des
chiffres, des statistiques et, à ce moment-là, on peut les
étudier ou les faire étudier. Il faut comprendre aussi
l'impossibilité, quant à nous, de le faire. On peut seulement
prendre des chiffres qui nous sont personnels qui ne reflètent
peut-être pas toujours la moyenne générale de l'industrie.
Dans le fond, le plus gros problème qu'on a, c'est justement qu'on est
un peu comme Don Quichotte, on se bat contre des moulins à vent;
on émet des idées, des solutions et peut-être
qu'après étude, on va s'apercevoir qu'ils nous donnent exactement
la bonne tarification. À ce moment-là, on sera satisfaits.
M. Garon: Avez-vous cherché à savoir, des gens qui
sont dans le domaine du taxi en Ontario ou aux États-Unis, dans des
territoires qui ressemblent au Québec, quels étaient les prix
payés par les chauffeurs?
M. Gagnon: Les primes en Ontario sont extrêmement plus
élevées; on dit même qu'elles peuvent être de sept,
huit ou même dix fois plus élevées. On en a discuté
d'ailleurs avec le représentant des assurances de Toronto et le
problème, ce n'est pas le matériel. Quand on comparait le
matériel, on arrivait aux mêmes choses. La seule
différence, c'est que maintenant, l'évaluation de la personne est
rendue une chose qui se calcule terriblement facilement. C'est-à-dire
que, si on a un accident et qu'on tue un enfant, les valeurs et le coût
de la vie ne sont plus les mêmes. Grâce au système
d'actuaires et tout cela, ils sont capables d'évaluer... On peut arriver
à payer des compensations de 1 000 000 $ ou 2 000 000 $ selon la
personne victime de l'accident. D'après leur tarification, si on prenait
seulement le point de vue matériel, on arrivait presque sensiblement
à la même chose ou à quelque chose d'un peu moins cher que
chez nous. On pouvait arriver, chez eux, à 1000 $ ou 1100 $, tandis
qu'on avait une moyenne de 1700 $ à 1800 $ chez nous, sans compter la
RAAQ de 300 $ ou 335 $ par année qui est ajoutée. Cela veut dire
qu'on monte à une moyenne d'environ 2000 $ tandis qu'eux paient environ
1000 $ à 1200 $ seulement pour... Pour le reste, ce sont vraiment les
dommages corporels qui coûtent extrêmement cher.
M. Côté (Charlesbourg): D'après ce que je
peux voir, la régie ne demande pas cher pour le corporel.
M. Léveillée: Non, ce n'est pas ce que cela veut
dire. C'est que la régie paie moins qu'eux, là-bas. Ha! Ha!
M. Gagnon: Elle nous demande plus cher qu'aux autres citoyens;
c'est tout ce qu'on peut dire parce qu'on n'a pas autre chose.
M. Léveillée: On sait qu'au Québec, pour un
bout de doigt, la régie va donner 50 $, tandis que là-bas, on va
donner 50 000 $; c'est là qu'est la différence. Ha!
Ha!
M. Gagnon: C'est la différence, peut-être que les
doigts des Ontariens valent plus cher que les nôtres, je ne sais pas,
c'est peut-être cela.
M. Martel: II y a aussi un balancement des assurances. Prenons
deux personnes qui travaillent comme chauffeur de taxi depuis cinq ans et qui
n'ont fait aucun accident; l'une possède une voiture de 25 000 $ et
l'autre, une voiture de 3000 $. Je ne comprends pas pour la même
expérience, c'est pareil pour les deux. En réalité, la
compagnie d'assurances risque de se faire "scraper" une voiture de 3000 $
tandis que l'autre risque une assurance pour une voiture de 25 000 $ et les
personnes paient 1800 $ toutes les deux. Il me semble qu'un gars qui paie 1800
$ pour assurer 3000 $ et l'autre qui paie 1800 $ pour assurer 25 000 $... Il me
semble que le gars qui n'a que 3000 $ en main est lésé dans ses
droits et qu'il devrait payer moins cher. Il risque moins.
M. Gagnon: II y a des déséquilibres qu'on ne peut
pas s'expliquer. De toute façon, tout ce qu'on veut, nous, c'est
comprendre.
M. Garon: Par rapport à l'Ontario...
M. Gagnon: Par rapport à l'Ontario et par rapport à
chez nous aussi. Je ne pense pas que ce soit normal si je paie 1600 $ par
année à Québec et que celui qui a un taxi à
Val-d'Or paie 1500 $, je ne trouve pas cela normal.
M. Garon: Non, mais ce que le
monsieur dit, c'est par rapport à...
M. Gagnon: Non, ce n'est pas par rapport à l'Ontario,
c'est ici.
M. Garon: Non, c'est par rapport à deux voitures
complètement différentes. Une auto de 25 000 $ et une autre de
3000 $...
Une voix: Ce n'est pas pareil.
M. Garon: ...pour les dommages matériels, ce n'est pas la
même chose du tout. (11 h 15)
M. Gagnon: Mais, par contre, ils ne tiennent pas compte d'un tas
de facteurs ou, s'ils en tiennent compte, nous, on ne voit pas vraiment la
différence.
M. Garon: Là, ce que je constate, c'est qu'il n'est pas
normal que l'industrie du taxi ait autant d'inquiétudes par rapport au
prix qu'elle paye. Est-ce que vous avez déjà rencontré la
Régie de l'assurance automobile ou, surtout, l'Inspecteur
général des institutions financières pour pouvoir
établir une sorte de justification des tarifs? Vous n'êtes pas les
seuls. On a vu récemment les municipalités - elles ont
peut-être plus de poids que l'industrie du taxi - dire qu'elles avaient
l'impression de se faire manger tout rond, pour ne pas employer un autre mot.
Alors, par rapport à leurs primes, les municipalités trouvaient
cela épouvantable, assez qu'elles veulent former leur propre compagnie
d'assurances. Alors, c'est vrai ou ce n'est pas vrai? C'est justifié ou
ce n'est pas justifié? C'est évident que nous, on ne peut pas
tirer cela au 12 comme cela, même si c'est le temps de la chasse, mais il
y a des gens qui devraient être capables de nous dire: Ils payent trop
cher ou ils ne payent pas trop cher, en fonction de ce qui se passe. Les
municipalités viennent de le dire. Vous dites la même chose.
Avez-vous déjà rencontré l'Inspecteur
général des institutions financières pour lui dire: Nous,
on veut savoir ce qui se passe? Est-ce que la tarification qui nous est
demandée est valable ou non? Est-ce qu'il est anormal qu'il n'y ait pas
plus d'assurance que cela? Est-ce qu'on ne devrait pas -comme vous l'avez dit -
créer un genre de "pool" ou de mutuelle entre les compagnies
d'assurance, un "pool" spécial pour le taxi pour établir une
meilleure péréquation ou mutualisation entre les compagnies
d'assurances?
M. Gagnon: La seule chose que je peux répondre à
cela, c'est que, premièrement, le regroupement existe depuis deux ans.
Depuis deux ans, M. le ministre peut vous le confirmer, on a accompli une somme
de travail assez extraordinaire dans différents dossiers, où on a
essayé de s'impliquer, d'impliquer nos membres. Le problème,
c'est un problème réel, un problème de moyens financiers,
un problème aussi justement de temps. Nous fondons beaucoup d'espoirs
dans la commission présentement pour que, justement, grâce
à la formation d'un comité qui pourrait vraiment ouvrir les
portes... Vous pouvez être certain que si jamais cela ne débouche
pas où on veut aller, on va aller chercher ce qu'il nous faut. Mais
là, c'est seulement un problème d'organisation. Cela fait
seulement deux ans que le regroupement a été fondé. En
deux ans, on a eu différentes augmentations de tarifs, la ceinture de
sécurité. On a eu de gros dossiers à débattre.
Là, on est rendu aux assurances et l'objectif qu'on s'est donné
cette année, c'est d'avoir au moins des éclaircissements sur les
primes qu'on paye, autant à la RAAQ qu'au point de vue des assurances
personnelles privées.
Mais là, présentement, on fonde des espoirs justement dans
le futur comité. Espérons qu'on va répondre à nos
questions.
M. Léveillée: Pour répondre à M.
Garon aussi, je pourrais émettre un commentaire. C'est que, comme M.
Gagnon dit, il y a eu un travail énorme de fait en ce qui concerne les
ligues de taxi de la province de Québec. On a travaillé, de
concert avec M. Bissonnet, à l'élaboration du rapport Bissonnet
où on a fait mention qu'il y avait un problème en ce qui concerne
l'industrie du taxi face aux assureurs. À la suite des discussions qu'il
y a eues avec le rapport Bissonnet, on s'est assis ensemble. Quand on a su que
la commission voulait avoir la présentation de mémoire, on s'est
assis ensemble, les ligues de Montréal et de Québec, des environs
de Québec, pour préparer un mémoire. On dit aussi, dans le
mémoire, qu'on n'a pas toutes les données. On a fait une remarque
aussi à ce chapitre. On ne peut pas vous donner toutes les
données vu le court laps de temps qu'on a travaillé à
cela. Il y avait beaucoup de choses. Il a fallu passer aux choses prioritaires.
Il a fallu faire un ordre de priorité sur certains articles. À
partir de ce moment-là, quand vient le dossier des assurances, on
travaille dessus. C'est pour cela que, dans le moment, au préalable, il
n'y a pas eu de rencontre avec d'autres personnes concernant les assurances de
taxi. Si cela peut répondre à votre question.
M. Garon: Concernant la régie...
M. Léveillée: La régie, ainsi de suite.
M. Garon: ...en ce qui concerne les dommages corporels,
les...
M. Léveillée: On avait fait des
représentations...
M. Garon: ...dommaqes matériels, c'est l'Inspecteur
général des institutions financières.
M. Léveillée: Oui.
M. Garon: Les compagnies d'assurances sont dans ce
domaine-là.
M. Léveillée: On avait fait des
représentations, lors du rapport Bissonnet, justement en ce sens qu'on
voulait avoir des rencontres avec ces gens-là, préparer des
rencontres. C'est ce que le rapport aussi mentionnait. À partir de ce
moment-là, on pourrait avoir des rencontres avec les assureurs pour en
venir à quelque chose. Je remercie le ministre, dans le moment, de voir
que le problème existe et de former un comité pour pouvoir
justement y travailler avec ces gens-là. On voit l'intérêt
que le ministre des Transports peut avoir face à l'industrie. Je pense
que c'est de mise de le remercier pour la formation de ce
comité-là.
M. Garon: Vu votre formation, le 18 février 1986, j'ai
pensé que vous sentiez le besoin de vous protéger devant le
nouveau gouvernement.
M. Léveillée: Pas tant que cela. Des voix:
Ha! Ha! Ha!
M. Léveillée: Ce sont des gens avec qui on peut
discuter, je pense.
M. Gagnon: C'est peut-être le gouvernement qui aura besoin
de se protéger, je pense.
M. Garon: Contre quoi?
M. Gagnon: Contre nous, contre notre demande, une protection
mutuelle, peut-être.
M. Léveillée: II y a beaucoup de questions que je
pourrais poser étant donné les négligences qui ont
été faites dans le passé.
M. Gagnon: Nos problèmes se situent là. Dans le
fond, ce qu'on demande, c'est d'être assis à une table et de
pouvoir discuter ouvertement de nos problèmes, vécus chaque jour
par les membres de notre industrie, et d'avoir les réponses des divers
intervenants.
M. Garon: Comme association qui représente maintenant
quelque 5000 membres, est-ce que vous avez des gens qui travaillent avec vous?
Souvent, les associations qui regroupe des milliers de membres, comme vous, ont
des avocats, des comptables, des actuaires qui travaillent pour défendre
leurs intérêts.
M. Léveillée: II faut comprendre que les moyens
financiers d'un organisme comme une ligue de taxi sont assez restreints
à certains moments. L'engagement d'actuaires et d'avocats, aux tarifs
qu'ils exigent, cela nous fait faire, en bon québécois, des
culbutes. C'est sûr qu'on est obligé, assez souvent, de se
rabattre sur le gouvernement pour essayer d'obtenir de l'aide, des personnes
compétentes dans le domaine, pour en discuter, pour en arriver à
des ententes. C'est pourquoi, dans les ligues de la province de Québec,
si on prend une ligue comme celle que M. Gagnon représente, qui comprend
seulement une trentaine de voitures, le travail de M. Gagnon est très
valable. Par contre, ses moyens financiers sont extrêmement restreints.
Une ligue ne peut pas fixer des cotisations élevées à un
point où on est obligé de faire faire toutes les expertises et de
détenir toutes les données.
C'est pourquoi, bien souvent, on va se rabattre sur le gouvernement pour
lui demander une aide technique ou autre pour en arriver à
résoudre un problème. C'est une situation, à certains
moments, qui peut sembler pénible pour nous. C'est sûr qu'on
aimerait faire faire notre travail nous-mêmes, mais, par contre, comme on
a des moyens assez restreints, on est obligé de procéder de cette
façon.
M. Garon: Vous représentez, avec les huit ligues, 5750
permis.
M. Léveillée: II faut comprendre que les 5750
permis sont répartis partout dans la province de Québec, incluant
Montréal. À Montréal seulement, on retrouve 4400 permis,
ce qui ne donne pas grand-chose pour le reste de la province. C'est sûr
qu'on a des dépenses plus fortes, plus on a de demandes, plus on a de
dépenses. C'est normal, c'est le vécu de tous les jours. C'est
pourquoi on s'est justement regroupés pour arriver à être
une force, en travaillant ensemble, en garantissant le nombre de permis qu'on
peut représenter. Ce n'est pas parce qu'une personne travaille dans une
région donnée où il y a seulement 30 ou 40 permis qu'elle
n'est pas intelligente. C'est le problème que ces ligues ont à
vivre.
C'est la raison pour laquelle, sur le plan des assurances, on s'est
regroupé pour produire un tel document. C'est sûr que, comme vous
nous dites, des actuaires, des professionnels d'assurances, ainsi de suite, on
n'a pas les moyens d'en payer, à moins que le gouvernement veuille nous
donner une subvention. On n'en a pas les moyens.
M. Gagnon: C'est un autre problème.
M. Léveillée: On n'a pas les moyens de le faire, on
n'a pas la capacité de le faire. C'est pourquoi, financièrement,
on n'est pas capable de l'absorber et on ne peut pas passer la note à
nos membres non plus. C'est la situation qu'on a à vivre.
M. Boulanger (André): Sur ce plan, on vit dans un
cul-de-sac.
M. Garon: Pardon?
M. Boulanger: On se retrouve dans un cul-de-sac parce que les
honoraires de ces gens compétents, qui pourraient nous éclairer
sur différents aspects des assurances provinciales pour les taxis, sont
exorbitants. Par contre, dans le mémoire qu'on vous a
présenté ce matin, on soulève les points principaux sur
lesquels on doit se débattre tous les jours, sur le plan des
assurances, depuis bien des années. Il y a des lacunes à
différents niveaux et on a soulevé celles qui sont majeures dans
le mémoire présenté. C'est un peu pourquoi on parle des
données statistiques des compagnies d'assurances qui sont inaccessibles
à l'industrie du taxi. C'est un peu la raison pour laquelle on propose
la création d'un organisme gouvernemental qui, autrement dit,
superviserait les augmentations ou les hausses de primes par les assureurs, un
organisme à qui les assureurs auraient à fournir des statistiques
qui sont, pour nous, présentement inaccessibles. À ce sujet, on
est complètement dans le noir et on semble se plaire à nous
laisser dans le noir aussi.
M. Garon: Merci.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le
député de Lévis.
M. le ministre, de brèves remarques de conclusion.
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, je
veux remercier les ligues de taxi d'avoir bien voulu nous présenter leur
point de vue ce matin. On n'a jamais manqué une occasion pour les
féliciter et les remercier de leur collaboration, parce qu'il y a
vraiment un changement dans l'industrie du taxi, depuis un an et demi, deux
ans, qui n'est pas relié à un phénomène politique,
mais qui est davantage relié à des personnes qui assument leurs
responsabilités à tous les niveaux. On a amendé deux fois,
en deux ans, la Loi sur le transport par taxi pour être capable d'ajuster
un certain nombre de choses en faveur de cette industrie, plus une certaine
réglementation, au grand bénéfice du député
de Jeanne-Mance, qui a présidé le comité. Effectivement,
pour ce qui est du comité, il restait le problème des assurances
à régler.
C'est peut-être le problème majeur qui reste à
examiner sous toutes ses facettes et pour lequel on va tenter de trouver des
solutions. C'est pour cela que le comité, dont on parle ce matin, va se
mettre en branle très rapidement. Je veux vous assurer qu'il y aura
quelqu'un de chez nous, de la Régie de l'assurance automobile, quelqu'un
des Transports. On va s'organiser pour avoir quelqu'un de chez mon
collègue, Pierre Fortier. Toutes les données à la
disposition du gouvernement seront accessibles au comité pour qu'on soit
capable d'avoir un véritable portrait et de tenter de trouver des
solutions qui soient applicables dans le contexte actuel et ce, finalement,
dans les plus brefs délais. Le gouvernement agira par la suite, s'il
peut agir ou s'il y a d'autres solutions ailleurs, tant mieux, elles seront
appliquées. Je pense que cela demande la collaboration de tout le monde
et je suis très à l'aise d'inviter quelqu'un de l'Opposition, que
ce soient les recherchistes, parce que c'est un problème qui concerne
tout le monde et qui dépasse la politique. Je pense qu'il faut tenter de
régler plutôt le problème des chauffeurs de taxi qui sont
poignés avec cela. Merci.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le
ministre.
M. le député de Lévis, de brèves remarques
de conclusion.
M. Garon: Je veux conclure en disant que je me souviens que mon
collègue, l'ex-député de Crémazie et ex-ministre
des Transports, M. Guy Tardif, avait beaucoup travaillé avec les gens de
l'industrie du taxi pour régler un certain nombre de problèmes
qui existaient depuis, me disait-on, 30 ou 40 ans. Aujourd'hui, des questions
additionnelles doivent être réglées de la même
façon qu'un certain nombre de problèmes l'avaient
été par Guy Tardif. Je pense qu'aujourd'hui, il serait
peut-être bon de faire le point sur la question des assurances parce
qu'il n'est pas normal que des gens n'aient pas du tout d'information et
n'aient pas les données statistiques.
On a adopté une loi concernant l'accès à
l'information pour que les gens puissent avoir accès aux informations
qui sont publiques. Les gens devraient avoir accès aux données
statistiques qui, normalement, doivent se retrouver chez l'Inspecteur
général des institutions financières qui, lui, a
précisément pour mandat - il a remplacé l'ancien
Surintendant des assurances - de s'occuper de toutes les institutions
financières, notamment des compagnies d'assurances. Les données
dont il dispose de même que les données de la Régie de
l'assurance automobile, pour le secteur qu'elle couvre, devraient être
disponibles afin que les gens de votre industrie sachent ce qui se passe dans
le secteur des assurances.
Je pense qu'il n'y a rien de plus mauvais, pour des gens, que d'avoir
des inquiétudes et de ne pas avoir accès aux données.
C'est pour pallier cela que la loi concernant l'accès à
l'information a été adoptée, pour que les gens puissent
avoir les données et qu'à partir des données, le
débat puisse s'amorcer en connaissance de cause, par tous les gens qui
composent notre société. (11 h 30)
Là-dessus, je peux vous dire que vous pourrez compter sur notre
collaboration la plus entière pour aider l'industrie du taxi puisque,
comme je le disais tout à l'heure, le transport en commun, en premier
et, deuxièmement, le taxi immédiatement après, parce que
c'est une forme de transport en commun.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le
député de Lévis.
M. le président, une brève remarque en conclusion?
M. Gagnon: En conclusion, je voudrais remercier la commission
parlementaire pour l'oreille attentive qu'elle nous a prêtée. Au
nom de mes amis présidents et vice-présidents de chacune des
ligues ici présentes, je vous remercie beaucoup. On attend impatiemment
la formation du futur comité. On espère que le mémoire
qu'on vous a fourni aura peut-être réussi à mieux vous
faire comprendre les problèmes réels qu'on vit chaque jour de
l'année. Merci beaucoup.
M. Côté (Charlesbourg): D'ici deux semaines, M. le
président.
Le Président (M. Saint-Roch): Je tiens à remercier
le Regroupement des ligues de taxi de Québec pour sa participation aux
travaux de la commission parlementaire.
J'inviterais maintenant le Groupement des carrossiers du Québec
à prendre place, s'il vous plaît.
À l'ordre, s'il vous plaît; Dans un premier temps,
j'aimerais souhaiter la bienvenue au Groupement des carrossiers du
Québec. Je demanderais maintenant à son porte-parole de bien
vouloir s'identifier ainsi que la personne qui l'accompagne.
Groupement des carrossiers du Québec
M. Roy (Guy): Guy Roy, avocat; je suis conseiller juridique pour
le Groupement des carrossiers du Québec. Je suis accompagné du
président du groupement, M. Conrad Daneau, au cas où il y aurait
des questions d'ordre technique.
M. le ministre, MM. les membres de la commission, nous vous
suggérons d'amender l'article 171 de la Loi sur l'assurance automobile
afin de forcer les centres d'évaluation à utiliser le
système Mitchell au lieu du système Audatex.
En 1985, notre corporation a intenté contre la Corporation des
assureurs agréés et tous les centres d'évaluation une
poursuite dont un des buts était de forcer lesdits centres
d'évaluation à changer de système pour évaluer les
dommages, d'utiliser Mitchell au lieu d'Audatex. J'ai annexé à
mon mémoire une copie de ce jugement-là.
À la page 15 de ce jugement, je vous cite ce que le juge dit. Il
résume la preuve qui a été faite devant lui au sujet du
système Audatex: "En ce qui concerne la méthode
d'évaluation selon le système Audatex, tous les témoins
entendus par les requérantes sont unanimes pour affirmer que ce
système est en application depuis déjà 1979, qu'ils en
sont très déçus, que ce système n'a pas
évolué, qu'ils le connaissent plus ou moins bien, qu'il est
inefficace et incomplet en ce qu'il ne fait pas justice à l'ouvrage
exécuté par les carrossiers. "Par contre, la preuve
démontre que ce système en application dans plusieurs Etats des
États-Unis et en Europe depuis plusieurs années est des plus
perfectionnés et peu connu de la part des carrossiers."
La situation en 1987 est encore la même. On continue toujours
d'utiliser ce système Audatex dans les centres d'évaluation. Cela
nuit considérablement aux carrossiers qui oeuvrent dans les
régions où existent ces centres d'évaluation. D'ailleurs,
lorsque les évaluateurs vont faire des estimations dans des garages, ils
utilisent tous le système Mitchell. C'est le système reconnu au
Québec.
La grosse différence entre le système Audatex et le
système Mitchell se trouve dans le temps alloué pour effectuer
les réparations. Je peux vous donner quelques exemples. Le
système Audatex n'accorde aucun montant pour le matériel
d'atelier, le "shop supply", alors que Mitchell l'accorde. Ce sont des montants
assez appréciables, selon évidemment le montant de l'estimation
et des travaux à effectuer sur le véhicule.
Une autre différence: Audatex n'alloue rien pour le polissage de
la peinture ou "lacquer" - est-ce cela en français? - sur tous les
produits General Motors alors que Mitchell l'alloue. Ils allouent huit heures
parce que, ensuite, il faut polir ce genre de peinture. Vous avez tout de suite
une différence de huit heures sur ce point.
Le système Audatex n'accorde aucun temps supplémentaire
pour défaire des pièces sur des vieilles automobiles, des
automobiles de plus de trois ans, alors qu'on sait très bien que cela
prend plus de temps de défaire un pare-chocs sur une vieille automobile
que sur une automobile neuve à cause de la rouille et ainsi de
suite.
Autre différence...
M. Daneau (Conrad): C'est parce que ce qui arrive avec le
système Mitchell et le système Audatex, si on prend une
réparation de plusieurs heures, à la fin de l'estimation, le
système Mitchell est plus conforme que le système Audatex parce
que vous allez gagner .5 là, .2 là, .1 là. Maintenant, sur
le système Mitchel, on a bien des couleurs partielles aujourd'hui, ce
que nous appelons, nous les carrossiers, des couleurs "no match".
Avec Audatex, ils ne nous accordent rien comme "Blend to match" tandis
qu'avec le système Mitchell, on l'a. Ils pourraient nous accorder une
heure et demie de chaque côté tandis que là, on ne l'a
pas.
M. Roy: Le gros problème que cela cause, c'est que le
consommateur se présente chez le carrossier qu'il a choisi avec
l'estimation préparée par le centre d'évaluation. Il pense
que sa compagnie d'assurances ne paiera pas plus que cela. Évidemment,
si tous les consommateurs étaient parfaitement au courant de leurs
droits, en fait il n'y aurait pas de problème parce que, comme le juge
l'a dit dans le jugement, les centres d'évaluation ont été
créés uniquement pour le bénéfice des assureurs.
L'assuré et le carrossier ne sont pas liés par l'estimation faite
par le centre d'évaluation.
L'assuré s'en va chez son carrossier et le carrossier lui dit:
Ils allouent 20 heures pour faire cela mais moi, cela m'en prend 30, 40 ou 35,
selon l'importance de l'ouvrage. Il va avoir énormément de
difficultés à faire signer par son client, son assuré, une
estimation qu'il a préparée. L'assuré va dire:
Écoute, c'est le montant que ma compagnie d'assurances va me payer. Je
ne suis pas pour vous payer 500 $ de plus. Même si vous expliquez au
consommateur, au client, qu'il peut poursuivre sa compagnie après parce
qu'elle est obligée de payer le coût réel des dommages, les
assurés ne veulent pas entreprendre de procédures judiciaires
dans chaque cas.
Alors, ce sont les carrossiers où il y a des centres
d'évaluation qui en subissent le préjudice. S'ils veulent garder
leurs clients, ils sont obligés de faire les travaux au prix de
l'estimation du centre d'évaluation.
Audatex, c'est un système, un ordinateur. Les compagnies
d'assurances entrent ce qu'elles veulent là-dedans. Si elles
décident d'enlever tels articles, elles les enlèvent; si elles
décident d'en donner un peu plus, elles vont en donner. Elles donnent
cela par miettes. Les carrossiers n'ont aucun accès à cela.
Audatex n'est pas un volume. C'est un ordinateur, une banque de données.
Les carrossiers n'ont aucun accès à ce système.
C'est là le premier amendement que nous vous suggérons
à l'article 171, soit qu'on utilise partout le système Mitchell.
À ce moment, tout le monde va parler le même langage.
Voici le deuxième amendement que nous suggérons.
Actuellement, dans ces estimations faites par les centres d'évaluation,
on stipule que c'est une estimation faite conformément à la Loi
sur la protection du consommateur, ce qui est faux. D'ailleurs, le juge en
parle également dans son jugement. Cette estimation
préparée par le centre d'évaluation ne dispense pas le
carrossier de faire sa propre évaluation et de la faire pour un montant
total, incluant le coût de la main-d'oeuvre, parce que les estimations
préparées par les centres d'évaluation donnent simplement
un nombre d'heures. Elles ne donnent pas le coût de la réparation,
le coût de la main-d'oeuvre. Cela induit le public en erreur. Les gens se
disent que si c'est conforme à la Loi sur la protection du consommateur,
cela doit être bien correct. Et le carrossier, lui, souvent aussi, s'il
n'est pas tellement instruit, va oublier; il ne fera pas son estimation comme
la Loi sur la protection du consommateur l'y oblige. Autrement, il perd son
lien sur le véhicule s'il n'a pas procédé
légalement. C'est la deuxième partie de l'amendement que nous
vous suggérons.
Si vous avez des questions d'ordre technique ou autres, c'est
l'exposé que j'avais à vous soumettre. Je vous remercie de nous
avoir accordé cette audition. Je dois vous dire que je ne m'y attendais
pas parce que je croyais comprendre que votre avant-projet d'amendement
à la loi ne touchait que les blessures corporelles. De toute
façon, nous avons cru bon de vous envoyer ce mémoire pour que
vous l'ayez en mémoire.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, Me Roy. M.
le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Je pense que votre
conclusion est bonne. Nous aussi, je pense qu'on a un peu de difficultés
à relier l'objet du mémoire avec l'avant-projet de loi.
M. Garon: Si on estime que l'avant-projet de loi n'est pas
complet...
M. Côté (Charlesbourg): Oui. On a le train
d'atterrissage pas mal large. Dans ce sens, je pense que c'est un débat
où l'on parle de deux formules. Vous voulez privilégier la
formule Mitchell qui a son origine à San Diego, pour ce qu'on en sait,
par rapport à Audatex. Ce qu'on nous dit, c'est que la formule Mitchell
n'est pas très répandue. Ce n'est pas tout le monde qui a ce
qu'il faut en termes d'équipement ou très peu de personnes l'ont
pour être capables de faire cette évaluation actuellement. Cela
crée un certain nombre de problèmes. Bon.
Vous avez tenté, semble-t-il, auprès des
tribunaux, de faire valoir votre point de vue sans succès.
M. Roy: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): Ce que vous souhaitez, c'est
sensibiliser le pouvoir public pour que lui impose cette solution.
M. Roy: C'est ça. C'est la seule façon. Le juge
s'est d'ailleurs prononcé sur cela. Le juge ne pouvait pas forcer les
assureurs; avec la loi qui existe actuellement, il ne le pouvait pas. Je suis
parfaitement d'accord avec son jugement.
M. Côté (Charlesbourg): D'accord. Cela
m'amènerait à une première question. Avez-vous
sensibilisé le ministre des Finances à cela?
M. Roy: Non.
M. Côté (Charlesbourg): D'accord. Je pense que, dans
les circonstances, ce que nous pouvons faire, c'est transmettre au ministre des
Finances - parce que c'est sa responsabilité maintenant - le
mémoire en lui indiquant que cela a fait l'objet d'une demande en
commission parlementaire et qu'il l'analyse pour qu'on puisse
éventuellement faire en sorte qu'il y ait des rencontres avec le
ministère des Finances. Cela relève davantage de lui que de
nous.
Une voix: II y a les assureurs aussi.
M. Côté (Charlesbourg): Oui, aussi.
Forcément, parce que du point de vue du regroupement des assureurs, j'ai
compris que la solution n'était pas là.
Une voix: Non.
Le Président (M. Saint-Roch): Ce n'est pas eux autres qui
vont dire oui demain matin. À cet égard, je pense qu'il y a
peut-être des choses à faire. L'engagement que je prends, c'est de
transmettre à mon collègue des Finances le mémoire pour
qu'il... Il y a peut-être même...
M. Roy: La création d'un comité peut-être,
convoquer les deux parties pour qu'elles s'expliquent parce que ça cause
réellement des préjudices considérables.
M. Côté (Charlesbourg): Je retiens la suggestion et
je la transmettrai intégralement. Je pourrais peut-être même
vous organiser une rencontre dans les plus brefs délais avec lui de
façon que vous puissiez faire valoir votre point de vue. Je pense que
c'est peut-être l'idéal dans les circonstances.
M. Roy: Parfait.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le
ministre. M. le député de Lévis.
M. Garon: M. le Président, je voudrais remercier les gens
du Groupement des carrossiers du Québec d'être venus nous
présenter un mémoire sur un sujet qui m'apparaît
très important. Je l'ai pris un peu dans le sens que les carrossiers
considéraient que le projet de loi n'était pas complet. À
l'occasion d'un projet de loi qui touche à l'assurance automobile, ce
serait le temps de corriger des choses additionnelles qui seraient meilleures
pour les consommateurs du Québec. N'étant pas un expert en
réparations, sauf pour avoir... Ça fait tellement longtemps que
j'ai fait un accident. Mais ma femme m'a permis d'être au courant, ayant
eu un accident récemment dont elle n'est pas responsable; c'est un objet
qui a heurté son automobile en stationnement. J'ai pu voir comment la
méthode moderne fonctionnait. J'ai vu le prix que le garage qui
réparait demandait. Il avait mis son taux horaire sur la facture. Il a
mis le nombre d'heures par point. J'aimerais savoir d'où vient le
système Audatex. (11 h 45)
M. Roy: C'est un système qui a été
créé en Europe. C'est un système - c'est ce qu'on m'a dit
- qui appartenait à la compagnie d'assurances Allstate. Eux, ils
avaient, à l'intérieur de leur compagnie d'assurances, ce
système Audatex. Et c'est le système qu'on a décidé
d'installer dans les centres d'évaluation. C'est un ordinateur, c'est
une banque de données, c'est une moyenne qu'on établit. Si,
disons, on répare une aile, alors, pour telle sorte d'automobile, on
pèse sur un bouton et cela vous donne le coût de la pièce
et le temps alloué en moyenne pour faire cette réparation.
Maintenant, on ne parle pas de tarif horaire. Vous avez mentionné, M.
Garon, un tarif horaire; l'estimation des centres d'évaluation ne parle
pas d'un tarif horaire; elle ne le donne pas, elle donne seulement le nombre
d'heures.
M. Garon: Oui, mais j'imagine... M.Roy: Vous allez
voir...
M. Garon: ...que le taux horaire varie d'un garage à
l'autre, ce n'est pas nécessairement un seul taux.
M. Roy: Non, cela varie d'un garage à l'autre, mais disons
que les membres de notre groupement, le Groupement des carrossiers du
Québec, ont convenu d'établir un tarif de 28 $ l'heure.
M. Garon: Pour les réparations, les
dommages matériels.
M. Roy: C'est un autre problème.
M. Garon: Vous avez deux tarifs dans les garages. Il y a le tarif
pour...
M. Roy: Pour la mécanique et pour la carrosserie. Un tarif
horaire pour la mécanique et un tarif horaire pour la carrosserie.
M. Garon: Maintenant, j'aimerais savoir comment un centre
d'évaluation pourrait indiquer un taux alors que celui-ci varie d'un
garage à l'autre.
M. Roy: II n'en indique pas non plus.
M. Garon: Pardon?
M. Roy: II n'indique pas de tarif.
M. Garon: Là, vous voudriez qu'il en indique un.
M. Roy: Non, non, non. M. Garon: Non?
M. Roy: Non. On veut que ce soit le système Mitchell qui
soit adopté parce qu'il est plus conforme au temps que cela prend, au
temps alloué pour effectuer une réparation. Cela peut être
une différence -je vous ai donné un exemple - de huit heures;
Audatex n'alloue pas cela. On parle du nombre d'heures, on ne parle pas du
tarif horaire.
M. Garon: Après cela, il s'agit de multiplier par le tarif
horaire que demande le garage.
M. Roy: C'est cela, oui, oui.
M. Daneau: Le tarif horaire, lorsque vient le temps de le fixer,
il faut appeler le centre d'estimation pour lui donner notre taux horaire.
C'est cela qu'il faut faire. Depuis le jugement, il n'y a aucun centre
d'estimation qui indique le tarif horaire sur l'estimation.
M. Garon: Ah bon!
M. Daneau: Ce qui arrive, c'est que pour chaque pièce
qu'on change, qu'on remplace sur une voiture, le Mitchell et l'Audatex
n'accordent pas le même temps. C'est sur une grosse réparation
qu'on perd beaucoup. Si on prend le Mitchell, on arrive plus juste dans notre
estimation que si on prend l'autre. Et 99 fois sur 100, il faut les rappeler,
ils n'ont pas mis la moitié des pièces. C'est le Mitchell qui est
le plus juste et c'est celui-ci que, en règle générale,
les carrossiers connaissent.
M. Garon: Par qui le système Audatex a-t-il
été choisi?
M. Roy: Par la corporation des assureurs.
M. Daneau: Les assureurs.
M. Roy: C'était un système qui était connu
aux États-Unis et en Europe et ils ont décidé d'implanter
cela ici. C'est une banque de données, c'est un ordinateur.
M. Garon: Avez-vous fait des représentations auprès
de la Corporation des assureurs agréés pour lui dire que le
système Mitchell serait plus correct pour les consommateurs?
M. Roy: Cela a déjà été dit.
D'ailleurs, cela a fait l'objet de la poursuite. Depuis le procès, il
n'y a pas eu d'autres rencontres pour discuter de cela. On attendait une
occasion, disons, comme un projet d'amendement à la Loi sur l'assurance
automobile, pour faire des représentations dans ce sens. C'est seulement
le gouvernement qui peut intervenir pour rétablir cela. Les juges... On
ne peut pas demander cela par le pouvoir judiciaire, c'est le pouvoir
législatif qui peut régler notre problème.
M. Garon: Qu'est-ce que vous voulez dire au juste quand vous
dites - je vous le demande parce que je ne suis familier avec aucun des deux
systèmes - que c'est une banque dans l'ordinateur?
M. Roy: C'est un ordinateur, ce sont des données qui sont
entrées dans une machine; on sort un prix avec cela.
M. Garon: Pour chacune des opérations. M. Roy:
C'est cela.
M. Garon: Combien y a-t-il d'opérations dans le
système Audatex?
M. Roy: Ahl Je ne peux malheureusement pas répondre
à cette question.
M. Garon: Et dans le Mitchell, vous ne le savez pas?
M. Roy: On n'a pas accès...
M. Daneau: Aucun carrossier n'a accès...
M. Roy: Les carrossiers ne peuvent pas le dire parce qu'ils n'y
ont aucun accès. Il n'y a pas de volume qui se publie; ce n'est
pas un volume comme Mitchell. Mitchell, ce sont plusieurs volumes.
M. Garon: Ah oui!
M. Roy: Vous avez un volume Mitchell pour le Ford, un autre pour
General Motors, pour Chrysler, etc. Les carrossiers y ont accès, ils
peuvent vérifier cela. Mais pour Audatex, il n'y a personne qui peut
vérifier, ce n'est pas un livre. Aucun carrossier n'a accès
à cela. On va dans un centre d'évaluation, ils prennent telle
automobile, ils énumèrent les pièces et cela sort de la
machine, cela finit là.
M. Garon: Que dit l'Association pour la protection des
automobilistes? Est-ce qu'elle est d'accord avec vous?
M. Roy: On ne lui en a pas parlé. Je ne connais pas sa
position là-dessus, mais cela la touche moins que le Groupement des
carrossiers.
M. Garon: Pourquoi? Si le consommateur est mieux
protégé par le système Mitchell pour ce qui est des
réparations...
M. Roy: Ce n'est pas tellement le consommateur. Le consommateur,
quant à lui, du moment qu'il fait réparer son automobile... Le
consommateur est toujours protégé. C'est le carrossier qui subit
un préjudice.
M. Daneau: C'est le carrossier qui est obligé de se
défendre tout le temps auprès du centre d'évaluation,
d'appeler et de faire des pressions,' si cela ne marche pas quant au tarif
horaire, enfin, tout. On est obligé de passer notre temps à
l'appeler.
M. Garon: Vous avez dit tout à l'heure que le
système Audatex ne reconnaissait pas le nombre d'heures
nécessaires pour faire les réparations.
M. Roy: C'est cela.
M. Daneau: Oui, mais on a une évaluation.
M. Garon: Alors, le consommateur ne peut pas y trouver
entièrement son compte si, pour la réparation, le nombre d'heures
nécessaires pour faire l'ouvrage est escamoté, réduit ou
limité, il me semble.
M. Roy: Oui, mais le consommateur arrive avec son estimation du
centre d'évaluation chez le garagiste de son choix. C'est le garagiste
qui est obligé de plier parce que le consommateur, lui, a l'impression
que sa compagnie d'assurances ne paiera pas plus que ce qui est marqué
sur l'évaluation du centre d'évaluation. C'est le carrossier qui,
pour garder son client ou le satisfaire, n'est pas capable quelquefois
d'augmenter le nombre d'heures que l'ouvrage va prendre, mais ce n'est pas
toujours; c'est le carrossier qui est obligé de plier et il perd de
l'argent. Là où il y a des centres d'évaluation, on peut
dire que ce sont les carrossiers qui en subissent le préjudice. Je suis
sûr que dans les municipalités où il n'y en a pas, ils sont
mieux protégés. Le consommateur n'est pas affecté par
cela. C'est pour cela qu'on n'a pas contacté l'APA à ce
sujet-là.
M. Daneau: Ce que veut le consommateur, c'est de voir sa voiture
réparée, ce sont les troubles du carrossier s'il y a quelque
chose. Il s'adresse au carrossier et c'est à nous de se
débrouiller.
M. Roy: Si on parlait le même langage, si tout le monde
utilisait le système Mitchell, cela irait bien, tout le monde se
comprendrait. Les centres d'évaluation parlent du système Audatex
qui n'est pas connu et qui est loin d'être aussi juste et aussi conforme
à la réalité que le système Mitchell qui est
réellement une méthode d'évaluation. L'autre est
simplement une banque de données, un ordinateur.
M. Garon: Une banque de données basée sur les
réparations passées?
M. Roy: C'est cela. C'est une moyenne, je présume, qu'on a
établie. Quant à nous, on ne peut pas en parler tellement du
système Audatex; tout ce qu'on sait, nous, ce sont ses effets. On sait
qu'il n'est pas juste quant au temps alloué pour réparer un
véhicule. Mais comment il a été monté, on l'ignore.
On n'a pas accès du tout à cela.
M. Garon: Aux États-Unis, quel est le système
reconnu? Audatex existe-t-il aussi ou si c'est Mitchell?
M. Roy: Oui, oui, c'est Audatex. C'est un système...
D'ailleurs, le juge l'a dit dans son jugement, la preuve a
démontré que ce système en application dans plusieurs
États des États-Unis et en Europe depuis plusieurs années
est des plus perfectionnés mais peu connu de la part des carrossiers,
enfin ceux d'ici. Peut-être qu'il est connu là-bas, en Europe ou
dans certains États des États-Unis, je ne le sais pas; ici, ce
n'est pas connu. Et il n'y a pas moyen de le connaître non plus. C'est un
ordinateur, il n'y a pas de publication Audatex.
M. Garon: C'est curieux, n'est-ce pas? M. Roy: Cela
n'existe pas.
M. Garon: Je vous remercie. M. Roy: Merci.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le
député de Lévis. M. le ministre, avez-vous de
brèves remarques en conclusion?
M. Côté (Charlesbourg): Oui. Je veux vous remercier
et vous assurer que, tel que je l'ai dit tantôt, quelqu'un pourra vous
recevoir et on aura le mémoire entre les mains à ce
moment-là.
M. Roy: Merci infiniment.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre. M. le
député de Lévis.
M. Garon: Merci. Je suis très content que vous soyez venus
même si le projet de loi ne traite pas spécifiquement de la
question des dommages matériels parce que, personnellement, cela m'a
permis d'être au courant du problème que vous soulevez et que je
ne connaissais pas. Je pense qu'il est important que les parlementaires ou le
ministre puissent être au courant pour que, quand on fait les lois, ils
puissent soulever les questions qui préoccupent les gens de l'industrie
ou du secteur de l'automobile. Je vous remercie.
Le Président (M. Saint-Roch): Me Roy.
M. Roy: Merci de nous avoir entendus.
Le Président (M. Saint-Roch): Je remercie le Groupement
des carrossiers du Québec pour sa participation aux travaux de la
commission.
Sur ce, je demanderais à l'Association du camionnage du
Québec inc. de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît. Je
demanderais au porte-parole de l'Association du camionnage du Québec
inc., de bien vouloir s'identifier pour le bénéfice des
parlementaires et de notre Journal des débats.
Association du camionnage du Québec
M. Alary (Jacques): Bonjour. Je suis Jacques Alary,
vice-président exécutif de l'Association du camionnage du
Québec inc. D'abord, je salue la digne assemblée.
J'aimerais vous faire part de deux problèmes qui ont
été soulevés par les membres de notre association au sujet
de la Loi sur l'assurance automobile. Le premier, c'est ce qu'on a
qualifié de double taxation et, le deuxième, la couverture
minimale.
La double taxation, c'est un problème dont on a fait part
à la Régie de l'assurance automobile et à
différents intervenants depuis l'avènement de la Loi sur
l'assurance automobile. Dans l'industrie du camionnage, ce que cette prime ou
cette charge d'assurance appliquée aux plaques commerciales
amène, c'est que tous les chauffeurs commerciaux ou les employés
d'entreprises de transport qui conduisent un véhicule sont couverts en
priorité par la Commission de la santé et de la
sécurité du travail. Lorsqu'il arrive un acccident, ces
gens-là doivent réclamer, s'ils sont blessés,
auprès de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail. Et chaque année, même si la
Régie de l'assurance automobile du Québec ne paie pas de
réclamations à l'industrie du camionnage, on se voit imposer ce
qu'on peut qualifier de taxe variant entre 132 $ et 300 $.
Ce qu'on demande comme modification, c'est soit d'éliminer
complètement la tarification en ce qui a trait aux plaques commerciales,
étant donné que déjà tout ce qui est
réclamation est payé par la CSST, ou faire ce qui a
déjà failli être fait, c'est-à-dire qu'on avait
réclamé... la Commission de la santé et de la
sécurité du travail avait réclamé auprès de
la Régie de l'assurance automobile toutes les sommes
dépensées pour les blessures corporelles dans l'industrie du
camionnage, ce qui nous avait apporté une réduction de taux de la
CSST. Mais à la suite d'une mésentente, nous avons
été obligés de payer à nouveau une surcharge. Ce
qui veut dire, en résumé, que pour ce qui est de la tarification,
nous payons à la Commission de la santé et de la
sécurité du travail, et nous avons une protection, et nous payons
à la Régie de l'assurance automobile du Québec, mais nous
n'avons pas de protection.
Le deuxième point est le minimum d'assurance.
Présentement, au Québec, la loi exige un minimum de couverture de
50 000 $ et en tant qu'industrie, nous considérons ce minimum pas assez
élevé. On demanderait qu'il y ait une modification à la
loi pour y voir apparaître un montant minimal de 1 000 000 $. La raison
est bien simple: d'abord, il n'y a pas une entreprise responsable qui va se
promener avec des véhicules commerciaux avec 50 000 $ d'assurance. On
voit aussi que chez nos voisins du Sud, on a un minimum - pour tout ce qui est
le fret général - de 750 000 $ en dollars américains, ce
qui fait plus que 1 000 000 $ canadiens et ça peut aller jusqu'à
5 000 000 $ pour le transport des matières dangereuses. Lorsque l'on
regarde l'implication en ce qui concerne notre industrie qui est en
concurrence avec différentes personnes, avec un minimum de 50 000 $
d'assurance ou de couverture, on a une prime en fonction de 50 000 $. Avec une
couverture de 3 000 000 $ ou de 5 000 000 $ ou de 1 000 000 $, on a une prime
aussi en fonction de cette couverture-
là. Ce qui fait une iniquité entre ceux qui offrent le
même service ou qui oeuvrent dans le même commerce et qui sont
réellement en concurrence, soit entre un groupe qui veut être
responsable, qui assume ses responsabilités et un autre groupe qui, lui,
ne les assume pas.
En résumé, ce qu'on demande à la commission, c'est
d'apporter un amendement à la Loi sur l'assurance automobile pour,
premièrement, régler le problème de la double taxation et
aussi un amendement pour que le minimum de 50 000 $ pour la couverture soit
porté à 1 000 000 $ pour ce qui est des véhicules
commerciaux. C'est en gros ce dont nous avions à vous faire part.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie. M. le
ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. Je remercie M. Alary pour le mémoire
déposé et j'aimerais souligner le travail très constructif
qu'a fait l'ACQ au cours des dernières années quant à tout
l'aspect de la sécurité routière et la collaboration qu'on
a eue quant au changement de certaines méthodes et de certaines
attitudes aussi. Je pense que leur collaboration a été, à
ce chapitre, très appréciée et précieuse. (12
heures)
II y a deux éléments dans le mémoire, dont un qu'on
peut régler assez rapidement: les couvertures. Dans les amendements qui
seront déposés au Code de la sécurité
routière, on va en profiter pour effectivement régler ces
problèmes-là et nous allons porter la couverture minimale
à 1 000 000 $ et à 2 000 000 $ dans le cas de transport de
matières dangereuses. Je pense que cela donne pas mal satisfaction aux
revendications de l'ACQ depuis de nombreuses années. C'est donc, pour
nous, un problème réglé dans notre esprit, ce sera inclus
dans les amendements au Code de la sécurité routière.
Quant au deuxième problème soulevé, il est un peu
plus difficile, un peu plus complexe. Vous le savez, ce n'est pas la
première fois que vous intervenez pour tenter de faire triompher votre
point de vue. Vous avez en partie raison et, forcément, en partie tort.
Lorsque vous faites état que le conducteur du camion peut être
touché par d'autres programmes gouvernementaux, là-dessus, vous
avez raison. Par contre, il ne faut pas faire abstraction du fait qu'un camion
étant impliqué dans un accident peut créer des blessures
corporelles à d'autres personnes dans d'autres véhicules et que
cette responsabilité demeure. C'est sur ce plan que la Régie de
l'assurance automobile du Québec dit: Votre responsabilité
demeure et il doit y avoir un tarif en conséquence. Comme je ne connais
pas tous les dédales de l'application de tout cela, je demanderais
à
M. Vézina de faire un portrait pour qu'on puisse en discuter par
la suite.
M. Vézina: Oui, merci, M. le ministre. En fait, M. le
Président, c'est un vieux problème, comme l'a souligné M.
Alary, dont j'entends parler depuis mon arrivée à la régie
en 1983 et que nous avons tenté de régler avec la CSST à
plusieurs reprises. Je pense que, en ce qui nous concerne maintenant, sur le
plan de la double taxation, nous avons toutes les données pour
démontrer qu'il n'y a pas double taxation. De fait, la tarification,
à l'heure actuelle, n'est pas basée sur les dommages subis d'un
véhicule en particulier, mais sur l'ensemble des accidents qui se
produisent. Autrement dit, on n'a pas une tarification, par exemple, qui a pour
effet d'imposer au chauffeur de camion ce que cela coûte pour un
camionneur. On facture au camionneur ce que cela coûte pour les accidents
dans lesquels il est impliqué, soit avec une moto, soit avec des autos,
etc.
Comme je l'ai expliqué tantôt, la méthodologie
consiste, encore une fois, à prendre le coût pour chacune des
victimes et à le répartir par les accidents. S'il y a un camion
impliqué, il doit supposer, par exemple, s'il y a trois véhicules
impliqués, le tiers des coûts pour l'ensemble des victimes.
Dans la tarification, compte tenu qu'effectivement les camionneurs
paient à la CSST et que la CSST indemnise elle-même les victimes
de la route, on déduit ces montants parce qu'ils sont payés dans
les contributions à la CSST. Si bien que, quand vous parlez de double
taxation, je pourrais vous fournir, encore une fois, M. Alary, toutes les
données et tous les commentaires, entre autres, d'un bureau d'actuariat
auquel on a demandé, justement, de regarder une fois de plus le
système, et on arrive à la conclusion qu'à l'heure
actuelle, les camions, donc, grosso modo, les plaques F,L,Z, L,V,Q, paient
à peu près 85 % du tarif que, normalement, ils devraient payer
même en prenant en considération qu'ils paient à la CSST.
Donc, nous nous inscrivons en faux contre cette prétention de double
taxation.
Par ailleurs, encore faut-il savoir qui paie la CSST et qui ne paie pas
la CSST. Le problème qu'on avait soulevé dès 1985 avec la
CSST - j'ai le mémoire que j'ai envoyé à la CSST en mars
1985 - c'est de lui dire: On est prêt à s'asseoir à la
table pour savoir, effectivement, dans quelle catégorie où il y a
des gens qui paient - par exemple les plaques F, il y a des gens qui paient
à la CSST et il y a des gens qui ne paient pas -comment on peut
départager ces gens. On est prêt à s'asseoir avec vous,
cela n'a jamais été fait. De fait, peut-être qu'il y a
certaines catégories d'individus qui paient une double taxation, mais je
dois vous dire aussi qu'à l'heure actuelle, la régie paie
pour
des victimes qui, normalement, paient à la CSST. Par exemple,
quelqu'un qui emploie son véhicule de promenade pour le travail, prenons
le cas d'un employé de la fonction publique du Québec qui se rend
à Montréal, ce dernier aura le réflexe, s'il a un
accident, non pas de s'adresser à la CSST, mais à la Régie
de l'assurance automobile. Il va considérer cela non pas comme un
accident de travail, mais comme un accident de promenade.
Dans plusieurs cas, on paie effectivement des victimes qui, normalement,
devraient être payées par la CSST, si bien que ce j'ai dit
auparavant pour certaines catégories, c'est comblé par d'autres.
C'est pour cela que la CSST ne s'est jamais assise à la table avec nous
pour déterminer les quelques parties ombragées.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M.
Vézina. M. Alary.
M. Alary: Si vous me permettez un simple commentaire. D'abord, je
suis content d'apprendre que, dans les modifications au Code de la
sécurité routière, on aura un minimum d'assurance. Cela
règle un problème. Pour ce qui est de l'autre problème, la
double taxation, j'apprécierais avoir les chiffres et qu'on en fasse la
démonstration. Tantôt, vous nous avez dit que, lorsqu'un
véhicule est impliqué dans un accident, on divise le coût
de cet incident par trois. Dans notre tarification, on ne paie pas le
même prix que paient les automobilistes et, en plus, comme vous l'avez si
bien dit tantôt, on n'assume pas ou vous n'assumez pas la majorité
des blessures corporelles causées à nos employés.
Même si on peut se fier à vos actuaires, j'aimerais, si possible,
qu'on puisse se pencher sur ce problème pour obtenir une
équité.
Il y a quand même un autre problème qui se pose à
nous. Nous sommes en concurrence avec des entreprises qui, de plus en plus,
vont venir du Sud. On sait que le vent du sud pousse vers le nord et va amener
une concurrence qu'on ne voulait pas nécessairement voir ici. Ces
mêmes personnes, vous le savez comme moi, ne paient pas d'assurance
automobile, ne sont pas inscrites au fichier de la Régie de l'assurance
automobile et vont être en concurrence directe avec nous. Nous allons
payer 300 $ tandis qu'elles n'auront pas à payer 300 $, en plus de
toutes les obligations - je ne vous ferai pas la liste -qui seront
différentes, mais cela a quand même des implications majeures.
S'il y avait possibilité de regarder cela non seulement en tant que
double taxation, mais aussi en tant qu'équité en fonction de ceux
qui viennent faire ou qui viendront faire du commerce au Québec et qui
n'auront pas ces mêmes obligations.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Alary.
M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Simplement pour
préciser dans le sens de votre intervention. Vu qu'il y aura une
libéralisation du camionnage impliquant le transport des marchandises,
des camions immatriculés aux États-Unis pouvant donc circuler sur
les routes du Québec, ils n'auront pas à payer, s'ils n'ont pas
de plaque d'immatriculation du Québec, la partie de l'assurance, mais
ils peuvent quand même être impliqués dans des accidents qui
vont causer des lésions corporelles qui devront être
compensées par la Régie de l'assurance automobile du
Québec. Le coût, forcément, sera réparti entre des
camionneurs qui, au Québec, paient des assurances, d'où la
possibilité que les camionneurs du Québec aient l'obligation de
payer les coûts globalement. Je pense que la régie - M.
Vézina pourra préciser - doit certainement avoir des recours
contre les compagnies d'assurances de ces gens-là afin de pouvoir
rapatrier les coûts.
M. Alary: Je sais que la régie a des recours, mais quand
nous faisons du commerce aux États-Unis, notre prime d'assurance est
exactement la même qu'un Américain, peu importe où on fait
notre commerce. Donc, on doit l'ajouter à ce qu'on paie à la
Régie de l'assurance automobile même si la régie a les
pouvoirs d'aller, comme on dit, recouvrer le montant des dommages causés
par un camion de l'extérieur. Quand on reçoit notre tarification
de nos compagnies de transport ou des compagnies d'assurances
spécialisées dans le transport, aussitôt qu'on parle de
transport international et qu'on touche les frontières, notre
tarification est exactement la même que si on était
Américains, d'où le fait qu'on paie, qu'on ramasse une facture un
peu plus élevée. Ce n'est pas la question d'aller chercher un
droit. Quand on additionne tous nos coûts, il faut quand même
être concurrentiels si on veut être les camionneurs qui
transportent nos produits québécois, si on ne veut pas que ce
soient les Américains qui transportent nos produits
québécois.
M. Côté (Charlesbourg): Cela me rappelle certains
échanges qu'on a eus. Peut-être que beaucoup de camionneurs au
Québec paient bien cher d'assurances pour aller aux États-Unis,
mais cela correspondait aussi à un comportement qui n'était pas
toujours exemplaire. Avec le travail qui s'est fait depuis un certain temps,
cela devrait avoir des effets bénéfiques, entre autres,
grâce à
votre collaboration. Le problème est là; c'est clair.
M. Alary: C'est le problème dont on veut vous faire
part.
M. Côté (Charlesbourg): Je ne sais pas si M.
Vézina a autre chose à ajouter.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Vézina.
M. Vézina: La seule façon de jouer, c'est d'avoir
une entente avec les Américains concernant cette partie ou encore
d'imposer aux Américains une tarification s'ils viennent sur notre
territoire.
M. Alary: C'est peut-être une solution.
M. Vézina: Autrement dit, la réciprocité
avec les États-Unis.
M. Alary: Quand on lit l'entente du libre-échange, je
pense qu'on peut abandonner tout espoir.
M. Côté (Charlesbourg): Quel espoir?
M. Alary: D'aller faire des ententes pour imposer des choses aux
Américains.
M. Côté (Charlesbourg): À ce
moment-là, il reste la possibilité d'exiger des frais.
M. Alary: Ils ne se gênent pas quand on va aux
États-Unis, je peux vous le dire.
M. Côté (Charlesbourg): Oui. Je pense que le
problème est bien posé. Quant aux coûts au Québec
chauffeurs par rapport aux autres blessés, je pense que la situation est
sur table. Quant aux chiffres, il n'y a pas de raison pour que vous n'y ayez
pas accès. Il reste le problème des Américains dont il
faudra tenir compte dans l'ensemble de la problématique de la
déréglementation et de la libéralisation.
M. Alary: L'ANCAI est peut-être plus sur le territoire du
Québec.
Le Président (M. Saint-Roch): M. le député
de Matapédia.
M. Paradis (Matapédia): Je sais, mais la
tarification...
M. Alary: Selon la majorité des chauffeurs
propriétaires artisans, ils sont soit couverts par l'entrepreneur pour
lequel ils travaillent ou à même le poste d'affectation
auprès de la CSST. Ce sont des travailleurs, à moins qu'ils
soient incorporés et qu'ils décident de ne pas se couvrir, mais
ils sont quand même sujets à la Loi sur la santé et sur la
sécurité du travail.
Le Président (M. Saint-Roch): Est-ce qu'il y a d'autres
interventions? Je vous remercie, M. le ministre.
M. le député de Lévis.
M. Garon: J'ai lu votre mémoire avec beaucoup d'attention,
notamment à la page V - en chiffres romains - quand vous dites: "Par
contre, quand, par une décision politique arbitraire et discriminatoire,
on oblige de plus les compagnies de transport à payer annuellement entre
132 $ et 252 $ par véhicule pour une pseudo assurance, nous ne pouvons
que nous opposer avec vigueur à cette injustice." Vous ajoutez: "Si un
pareil procédé était employé par une entreprise
privée, elle ne tarderait pas à être condamnée pour
fraude ou vol." Vous n'y allez pas avec le dos de la cuillère.
"Dès lors, nous demandons avec insistance à la commission
parlementaire de corriger cette injustice en amendant le projet de loi de telle
sorte qu'il n'y ait plus désormais de double taxation pour les
entreprises de transport." Je pense qu'au fond le problème -et le
ministre a donné son opinion ainsi que la régie - il s'agit de
rendre clair ce qui est double taxation et ce qui ne l'est pas. Je comprends
que, quand on dit dans l'assurance qu'on s'assure soi-même et qu'on
assure les autres qui vont nous frapper mais, par ailleurs, il faut
établir ce qui est couvert par la CSST et ce qui est couvert par la
Régie de l'assurance automobile et il devrait y avoir, à mon
avis, un protocole d'entente couvrant cette question pour qu'il n'y ait pas
double taxation, pour que les gens paient d'une façon...
J'ai appris une chose en droit, c'est qu'il y avait le droit et
l'apparence de droit. L'apparence de droit est aussi importante que le droit
parce que, trop souvent, les gens ont l'impression qu'ils se font "fourrer" -
pour employer un terme populaire - et ce n'est pas bon dans notre
société. C'est bon que les gens sachent ce qui se passe, comment
cela se passe et que cela se passe correctement. Si les camionneurs ont
l'impression qu'ils se vont voler, c'est ce qu'ils disent dans leur
mémoire, je pense qu'il serait normal que la CSST, que la Régie
de l'assurance automobile du Québec et que l'Association du camionnage
se rencontrent pour mettre cartes sur table, pour qu'elles sachent exactement
les données. Chez les gens qui sont venus nous rencontrer à cette
commission, le principal blâme que j'ai constaté, c'est qu'ils
constatent qu'ils n'ont pas les données et qu'ils devraient les avoir
pour avoir une opinion entière. Je trouve cela légitime. On s'en
va vers l'an 2000 et on dit qu'on est un peu dans une vitrine. Autrefois, il y
avait ceux qui savaient et ceux qui ne savaient pas et ceux
qui savaient n'étaient pas nombreux par rapport à ceux qui
ne savaient pas. Habituellement, ceux qui savaient menaient et les autres
suivaient de gré ou de force. Aujourd'hui, dans le système d'une
société démocratique, le principal fondement d'une
société démocratique est l'information. Que les gens aient
accès aux informations et qu'ils puissent savoir comment cela se passe
correctement. J'appuie entièrement cette partie de votre mémoire
où vous ne voulez pas avoir double taxation. La régie dit qu'il
n'y a pas double taxation et il faudrait une rencontre pour que les gens
mettent cartes sur table par rapport à... et que la démonstration
soit faite qu'il n'y a pas double taxation. Il y a un fardeau de la preuve
à faire puisque vous payez à deux endroits et à un endroit
vous ne recevez rien en retour. (12 h 15)
Deuxièmement, dans un cadre où cela a été la
volonté du gouvernement et où le premier ministre du
Québec est un des principaux promoteurs du libre-échange, nous
divergeons d'opinions. On estime que l'association un cheval, un lapin n'est
pas toujours la meilleure. Je voyais les chiffres sur le camionnage. On dit
que la plus grosse entreprise dans le camionnage aux États-Unis fait
un chiffre d'affaires de 8 000 000 000 $. Plusieurs en font pour 2 000 000 000
$ ou 3 000 000 000 $. Quelques-unes en font pour 4 000 000 000 $ ou 5 000 000
000 $. Le camionnage total au Québec représente un montant de 1
200 000 000 $.
Il peut y avoir des économies d'échelle. On n'est pas dans
la même situation. C'est un peu comme si on disait: Vous avez dix ans, il
y a un boxeur qui a 25 ans, on vous met dans l'arène, battez-vous
ensemble. Vous avez des chances de battre le gars de 25 ans et vous allez
être d'autant plus glorieux si vous l'avez battu.
On peut toujours penser comme cela, mais il n'est pas si évident
que ce soit nécessaire. Le premier ministre nous parle de l'Europe. En
Europe, il y a des équilibres qu'il n'y a pas ici. Quand on regarde
l'Italie, la France, l'Allemagne, il y a des contrepoids. Ici, il y a
simplement en balance un pays de 250 000 000 et un autre de 25 000 000 qui sont
répartis dans des provinces comme la Saskatchewan, 900 000, la
même chose au Manitoba. Je vous dis que cela ne fait pas de gros pays si
on regarde cela en termes d'équilibre. Cela ne fait pas de gros
contrepoids.
C'est pourquoi je pense que dans ce que vient de nous dire l'Association
du camionnage et dans le libre-échange qui s'en vient, c'est qu'ils
doivent avoir la capacité de concurencer. Les gens n'auront pas la
capacité de concurrencer si le gouvernement leur demande plus par
véhicule - c'est toujours par véhicule - d'un montant que les
gens doivent payer aux États-Unis.
À mon avis, le mémoire qui a été
présenté me paraît d'une clarté fulgurante. Il ne
peut pas être plus clair que cela. Je pourrais demander au
président de répéter ce qu'il a dit, mais il
m'apparaît d'une clarté totale. Quant aux deux points qu'il a
soulevés, la couverture minimale à laquelle le ministre dit qu'il
va répondre... il n'a pas dit quand, mais j'imagine que ce sera avant
Noël.
M. Côté (Charlesbourg): Dès la reprise de la
session.
M. Garon: Dès la reprise de la session. La question de la
double taxation devrait faire l'objet d'une concertation de l'Association du
camionnage de la Régie de l'assurance automobile et de la CSST afin
qu'elles soient du même avis qu'il n'y ait pas double taxation. Le but
n'est pas de s'enfarger les uns les autres. C'est de démontrer par un
protocole d'entente ce qui est payé là et ce que cela couvre sans
qu'il y ait double taxation.
Il ne serait pas normal que les gens paient pour des services qu'ils ne
reçoivent pas dans l'Association du camionnage, qui est en concurrence
avec l'association américaine, qui est beaucoup plus considérable
que l'Association du camionnage du Québec.
Maintenant, vous dites dans votre mémoire, quand la CSST a
présenté sa facture à la Régie de l'assurance
automobile du Québec, que celle-ci a refusé de payer. Sur quelle
base était formulée la facture que la CSST a
présentée à la Régie de l'assurance automobile du
Québec pour que vous en veniez à la conclusion qu'il y avait une
double taxation?
M. Alary: Je ne sais pas si vous vous rappelez l'avènement
de la loi 42. Il y avait un article de la loi qui devait apparaître qui
disait que la Commission de la santé et de la sécurité du
travail pouvait présenter toutes les réclamations qu'elle payait
dans le cas d'un accident de la route à la Régie de l'assurance
automobile. Cette modification devait passer et la CSST avait
décidé, étant donné qu'elle devait faire sa
tarification et préparer toutes les données pour pouvoir imposer
sa nouvelle tarification à l'industrie, de tenir pour acquis que cette
modification à la loi serait adoptée.
On a vu notre facture à la CSST baisser d'un ordre qui pouvait
aller de 1 $ à 1,25 $ les 100 $ de prime. Aussitôt qu'il y a eu
des débats, cet article de loi a été abandonné. La
CSST n'a pas eu le pouvoir légal d'aller réclamer auprès
de la régie tout ce qui avait été payé dans le cas
des accidents de la route. L'année suivante, on s'est vu imposer une
augmentation d'environ
15 % pour combler ce vide ou ce non-transfert d'argent qui n'a pas
été fait à cause de cet article de la loi qui n'a pas
été adopté par l'Assemblée nationale. C'est
là qu'on a amplifié un peu, et qu'on a dit: Écoutez, c'est
la preuve selon laquelle on paie à une place et qu'on paie là.
Finalement, on voit notre facture augmentée parce que la CSST n'a pas
été capable d'aller chercher les sommes. Ce n'est pas
nécessairement toujours nos chauffeurs qui sont en tort quand il y a un
accident de la route. À ce moment, même si c'est la faute de
quelqu'un d'autre, on assume le coût à la CSST pour notre
employé, même si ce n'est pas sa faute. Ce n'est pas le même
régime. C'est cela qui nous fait penser qu'il y a peut-être une
injustice quelque part.
M. Garon: Avez-vous fait des comparaisons entre les taux
payés par véhicule dans les mêmes conditions aux
États-Unis ou en Ontario et au Québec par les camionneurs
du Québec, pour voir si nous sommes concurrents sur le plan de
l'assurance?
M. Alary: Écoutez, sur le plan de l'assurance, c'est
difficile. Avec tous les jugements qui sont rendus, avec la guerre, nous, dans
certaines de nos entreprises, avec les réclamations et les jugements
américains qui ont été rendus, on a vu des augmentations
au niveau des tiers, d'environ 100 % à 200 % et même à 300
% de prime d'assurance. Je vais vous donner un exemple. Pour aller aux
États-Unis, un chauffeur propriétaire de son propre
véhicule payait peut-être il y a trois ans, 2500 $ à 3000
$. Aujourd'hui, cela lui en coûte 15 000 $. La raison de
l'augmentation...
M. Garon: Pour aller aux États-Unis. M. Alary: Pour
aller aux États-Unis. M. Garon: Par véhicule.
M. Alary: Par véhicule, pour celui qui est tout seul. La
raison de l'augmentation, c'est toute la crainte en fonction des
réclamations, en fonction des jugements rendus par les juges
américains qui peuvent décider pour quelqu'un de lui octroyer un
jugement de 100 000 000 $. Un exemple: Quelqu'un m'a raconté qu'une
madame a décidé, après avoir lavé son chien, de le
faire sécher dans le four à micro-ondes. Elle a
réclamé à l'assurance 1 000 000 $ et le juge a dit: Oui,
vous avez raison parce que ce n'est pas marqué de ne pas faire
sécher de chien dans le four à micro-ondes. Tout cela a
amené une augmentation de primes, cela a changé toute l'image des
assureurs. Aussi dans un autre secteur, on est captifs envers certaines
compagnies d'assurances.
C'est vraiment spécialisé. Quand on va aux
États-Unis, il faut déposer, dans chacun des États, des
preuves d'assurabilité, et notre marché est pas mal
restreint.
M. Garon: Cela est exigé de quelle façon? Comment
cela se passe-t-il?
M. Alary: On n'est pas capables d'aller dans un État si on
n'a pas une compagnie d'assurances qui nous garantit que, en cas d'accident, le
citoyen ou la personne qui vit dans cet État va être
compensée.
M. Garon: Comment allez-vous faire la preuve?
M. Alary: C'est fait par nos compagnies d'assurances. C'est pour
cela que, dans l'industrie du camionnage, au niveau des assureurs on en a
peut-être cinq, six au maximum où on peut frapper aux portes pour
pouvoir avoir de l'assurance. Le système est complexe et ce n'est pas
comme pour l'automobile. Après cela, il y a toute la partie cargo, il y
a la partie responsabilité.
M. Garon: Tantôt, je vous ai demandé si vous avez
comparé les primes à payer pour l'assurabilité, une
assurance qui est à peu près du même genre.
M. Alary: Réellement, je ne peux pas vous donner de
chiffres certifiant que, dans telle province ou dans tel État, on paie
en fonction de ce qu'on paie ici au Québec. Je ne peux pas vous donner
les chiffres.
M. Garon: Des études ont-elles été faites
là-dessus?
M. Alary: Nous, au chapitre des études, c'est
peut-être un peu le même problème... Tantôt
j'écoutais les gens de la ligue de taxis, à la suite de ce que je
vous ai dit tantôt, où on a vu nos primes d'assurances grimper
d'une façon astronomique, on a engagé une firme d'actuaires et on
a démontré aux compagnies d'assurances qu'elles ambitionnaient
peut-être durant l'année qui passait. Cela a amené la
concurrence ou l'arrivée d'un nouvel offrant de services au plan de
l'assurance commerciale pour le camion et les autres ont peut-être
été conservateurs dans les augmentations subséquentes.
C'est peut-être la seule étude où on s'est aperçu
que les compagnies d'assurances allaient chercher 15 000 000 $ rapidement dans
un an auprès des camionneurs et qui n'étaient pas
justifiés par les réclamations, mais seulement en se basant sur
l'expérience américaine.
Vous savez comment fonctionne l'assurance. On a le primaire, on a la
réassurance. La réassurance est achetée sur les
marchés de Londres et quand ils
regardent le marché de la réassurance, ils ne regardent
pas le Québec. Ils regardent l'Amérique du Nord. À ce
moment, les primes sont faites en fonction du risque qu'il peut y avoir
à San Francisco. C'est sur tout cela qu'on a essayé de mettre de
la pression pour dire: Écoutez, le risque au Québec n'est pas le
même qu'ailleurs. Ce ne sont que des pressions économiques, il n'y
a pas de pression autre que celles-là qui ont été
faites.
M. Garon: Est-ce que les primes qui sont demandées aux
États-Unis, aux camionneurs américains qui sont assurés
à l'année et à ceux qui n'ont pas nécessairement
une assurance permanente sont de même nature...
M. Alary: À peu près.
M. Garon: Sont-elles comparables ou si vous pensez qu'il y a de
la discrimination dans les primes?
M. Alary: Elles sont à peu près les mêmes
parce que c'est à peu près la même chose qu'on peut faire
pour les camionneurs des autres provinces qui viennent au Québec,
où on leur demande la pleine prime en ce qui concerne la Régie de
l'assurance automobile. Quand l'accident va arriver, la réclamation ne
sera pas au prorata du millage que j'ai parcouru dans l'État ou dans la
province; le coût va être là. Nos primes, lorsqu'on traverse
la frontière, aussitôt qu'on passe la frontière
américaine, elles sont là, les mêmes que celles que les
Américains ont sur leur territoire parce que la réclamation va
être la même lorsqu'il va nous arriver un accident aux
États-Unis.
M. Garon: Quand les Américains viennent ici, est-ce qu'ils
doivent s'assurer?
M. Alary: Us sont assurés par la même compagnie
d'assurances américaine, laquelle les couvre partout en Amérique
du Nord. C'est là que je disais que nous, en plus, on paie la prime
à la Régie de l'assurance automobile.
M. Garon: Je vous remercie.
M. Côté (Charlesbourg): C'est comme dans le cas du
taxi, si elle était au privé, elle coûterait beaucoup plus
cher que ce qu'elle coûte à la régie; cela a
été admis par les gens du taxi, tantôt, et la
démonstration aux États-Unis a été faite -en tout
cas, selon leur propre aveu... J'imagine que cela pourrait être la
même situation dans le cas des camions.
Ce que je comprends, M. le Président, c'est que, là aussi,
il y a un problème. Je pense qu'on a quand même clarifié un
certain nombre de choses: la volonté de la l'ACQ d'avoir accès
aux chiffres le plus possible afin de juger un certain nombre de choses, je
pense qu'il n'y a pas de problème de ce côté; les gens de
la régie vont organiser une rencontre avec vous pour mettre sur la table
tous les chiffres disponibles.
Quant à - pas l'ambivalence - la supposée double taxation,
ce que je comprends, c'est qu'il y avait eu avec la CSST une entente, qui n'a
pas trouvé écho dans le projet de loi 42, à
l'époque; cela s'est traduit par un retour de cette taxation. Sauf que,
de ce que je sais, pour ma part, la Régie de l'assurance automobile,
quant à elle, contestait l'estimation des coûts faite par la CSST;
c'est facile, là-dedans, de pouvoir passer le coût à
l'autre. On comprend cela et il y en a qui avaient une certaine habilité
à ce chapitre. Je pense qu'il est clair qu'il y avait un imbroglio sur
le plan du coût entre la régie... C'est probablement cela qui a
fait que les législateurs, nos prédécesseurs à
l'époque, n'ont pas tranché le débat, mais il reste
là. Merci.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le
ministre. M. le député de Lévis, de brèves
remarques de conclusion.
M. Garon: M. le Président, je veux dire à
l'Association du camionnage du Québec, sur la question de passer le
coût à d'autres, que le ministre est un expert là-dedans.
Le ministre des Finances vient de lui siphonner, pour une immobilisation dans
l'entretien des routes, 200 000 000 $, dans le dernier discours sur le budget.
Il semble qu'à ce moment-là, le ministre des Finances aura les
200 000 000 $ de la Régie de l'assurance automobile. Là où
la CSST n'aura pas réussi, le ministre des Finances réussira
à aller chercher 200 000 000 $, de l'argent des assurés pour
l'entretien des routes. Alors, vous voyez qu'il y a encore du mou dans la
solution.
L'Association du camionnage du Québec ne doit pas
désespérer et elle doit, à mon avis, continuer à
faire en sorte de réclamer... Je ne prends pas position, je ne serais
pas correct si je prenais position dans un débat où je ne sais
pas s'il y a double taxation ou non. Mais le fait que vous pensiez qu'il y a
double taxation, le fait que la CSST ait réclamé à la
Régie de l'assurance automobile, il y a sûrement place pour faire
un genre de protocole d'entente qui établirait quelles seraient les
responsabilités de chacun et comment s'établirait la
répartition des coûts entre les deux et, s'il y a une contribution
de la Régie de l'assurance automobile pour les dépenses
assumées par la CSST concernant les accidents du travail des
camionneurs.
Cela m'apparaît clair.
Deuxièmement, il me paraît clair aussi que, dans le cadre
d'un libre-échange, s'il y a un domaine où il y a discrimination
au Canada, c'est dans le domaine du transport. Il n'y a pas d'endroit où
il y a plus de discrimination au Canada - je l'affirme, je suis un gars qui
regarde cela depuis au moins 25 ans - que dans le domaine du transport. Que les
gens revoient les ententes du Nid-de-Corbeau. J'ai vu, dans l'entente sur le
libre-échange, que les Américains se sont organisés pour
ne pas qu'il y ait de subventions pour le transport vers les États-Unis
comme il y en a à l'intérieur du Canada, parce qu'ils se sont
rendu compte à quel point les subventions pouvaient être
discriminatoires, quand les chemins de fer paient des centaines de millions de
dollars en subventions dans le transport. Les Américains, eux, ont
décidé de ne pas être assujettis à cela, mais nous
continuons d'être assujettis à ces subventions pour transporter
toujours des produits de l'Ouest vers l'Est, mais jamais de l'Est ou du
Québec vers l'Ouest.
On se rend compte que s'il y a un domaine... On aura l'occasion de s'en
rendre compte parce qu'il y a plusieurs secteurs où il y a des
subventions pour des produits qui entrent au Québec, mais, quant
à moi, je n'en connais aucun, au gouvernement fédéral,
où il y a des subventions pour les produits qui sortent du Québec
et vont ailleurs. Je ne connais pas un seul domaine où il y a des
subventions. Alors si les Américains se sont aperçus...
Le premier ministre du Québec a décidé d'être
le plus grand promoteur du libre-échange, je pense bien qu'il devrait
commencer par être le plus grand promoteur des intérêts du
Québec dans les lacunes de l'entente où on n'a pas prévu,
justement, qu'il y ait ce même équilibre dans les coûts pour
le transport, notamment au Canada. Nous aurons l'occasion de revenir
là-dessus, mais simplement, je ne veux pas prendre le ministre par
surprise, c'est pour cela que je vous en dis un mot, j'en ai l'occasion
aujourd'hui.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Garon: Vous pouvez être certain, j'ai déjà
eu à combattre dans l'affaire du Nid-de-Corbeau, on a fait reculer,
à ce moment-là, le gouvernement fédéral de
moitié, non pas entièrement mais de moitié. Je pense que,
dans l'entente qui vient d'être signée, on aurait dû le
faire reculer sur le reste parce qu'il est anormal que ces montants soient
versés pour subventionner le transport à notre
détriment.
J'ai été très content de lire votre mémoire.
Le camionnage est un secteur québécois qui a été
très bien développé depuis plusieurs années,
depuis, je dirais, une quarantaine d'années. Le système qui a
été mis en place au Québec en est un qui a beaucoup
d'efficacité mais qui, souvent, doit lutter avec une concurrence qui
n'est pas toujours loyale. C'est pourquoi, je pense que, dans les moyens de
transport qui sont mis en place, on ne peut pas regarder le camionnage
seulement d'un côté, il faut regarder le camionnage, les
transports ferroviaire, maritime et aérien comme des systèmes qui
sont en concurrence et qui remplissent les mêmes fonctions et où
il peut y avoir des effets de substitution s'il y a des iniquités dans
les prix et dans le coût.
Surtout si nous nous retrouvons dans un système de
libre-échange, où on se rend compte que les négociateurs
américains savaient négocier et les nôtres savaient donner.
On se rend compte que les vrais négociateurs avaient quitté la
table et ce sont, apparemment, les politiciens qui sont venus régler,
dans les derniers jours, des ententes que les négociateurs, qui
étaient là depuis deux ans, n'ont pas voulu entériner.
Là, il est temps de vérifier parce qu'il ne reste pas grand
temps, il reste jusqu'à Noël pour que ces ententes, si elles ne
doivent pas être signées, ne le soient pas. Dans le passé,
il y a eu des élections là-dessus, il y a eu des tentatives, cela
a échoué à chaque fois, sauf entre 1855 et 1865 dans le
traité de réciprocité avec les États-Unis qui n'a
pas été renouvelé aux termes de 1865.
C'est pourquoi, je pense que l'Association du camionnage doit être
vigilante et doit se dépêcher, à mon avis, de faire ses
représentations, parce que le temps est très court, face à
cette entente, car plus on la lit, plus on se rend compte qu'on s'est fait
avoir. Je vous remercie. Je vous remercie d'être venus nous rencontrer et
de nous alerter par toutes les questions que vous avez soulevées tant
par écrit que verbalement.
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président.
Le Président (M. Saint-Roch): M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): II y a un certain nombre de
choses que je ne peux pas me permettre de laisser passer actuellement. Je peux
être bon garçon, mais il y a quand même des limites à
l'élasticité.
Le député de Lévis a fait allusion en disant: Je ne
prends pas position - et je le comprends de ne pas prendre position parce que
cela pourrait être embêtant - à la supposée double
taxation. Il dit: J'ai appris en droit que s'il y a apparence de droit, il faut
quand même regarder cela de très près. S'il y a apparence
de double taxation, ce n'est pas dû à nous, mais à vous;
c'est vous
qui l'avez adoptée. Alors, on va regarder cela et, à la
lumière des échanges qu'on aura, on verra ce qu'on peut faire,
livre ouvert, sans trop de problèmes.
Ce n'est pas là-dessus que je veux intervenir parce que
là, finalement, on mêle bien des choses: le libre-échange,
le transport dans tout le Canada, la déréglementation du
transport, ce sont des débats, soyez-en sûrs, qu'on aura
très prochainement. Pour ce qui est du libre-échange, il y
a eu une commission parlementaire. Il va y avoir des débats. Je suis
très heureux de voir qu'au moins sur un point, le député
de Lévis est d'accord avec son chef. Il l'est au moins sur ce
point-là, contrairement aux autres qui sont dans le champ actuellement,
ses excollègues, M. Parizeau, M. Landry, qui eux, prônent d'autres
choses. On verra, au bout de la ligne, ce qui démarque ce qui est bien
de ce qui est mal. On le verra. Ce n'est pas aussi simple que le
député de Lévis voudrait bien le laisser croire.
Quant aux transports, vous aurez tout le loisir, effectivement, de
parler de déréglementation du transport puisque, le 25
février 1985, mon prédécesseur, M. Tardif, à
Vancouver, lors d'une réunion des ministres des Transports, avait
signé un document qui engageait le Québec sur la voie de la
déréglementation en matière de transport. Alors, nous
allons très prochainement déposer un projet de loi qui a
été largement discuté avec l'ACQ. On va à nouveau
en discuter avec elle, quant aux impacts de la déréglementation
dans le domaine du transport. Et pour cela, je pense qu'on aura certainement
des tribunes pour être capables de discuter autrement que cinq minutes
à la fin d'une commission parlementaire.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie M. le
ministre. M. Alary. M. le député de Lévis.
M. Garon: Seulement pour dire deux mots, d'autant plus qu'on est
encore à 25 minutes de la fin de la commission. Simplement pour dire au
ministre que moi, je ne vis pas dans le passé, je vis dans l'avenir. Et
quand les gens me disent: Bonjour, M. l'ex-ministre, je réponds: Vous
devriez dire: Bonjour, M. le futur ministre.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
Le Président (M. Saint-Roch): Sur ce,
M. le député de Lévis...
M. Garon: Parce que ce que des gens ont signé, il y a deux
ans, il y a trois ans... Vous savez en 1920 ou 1930, c'était interdit
aux chevaux de courir sur les ponts de peur que les ponts ne tombent. Alors,
vous savez qu'aujourd'hui, nous sommes peu préoccupés de ces
questions-là. Il faut regarder vers l'avenir et, comme critique de
l'Opposition en matière de transport, je suis solidaire de l'avenir,
point. Je vous remercie.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le
député de Lévis. M. Alary, de brèves remarques de
conclusion?
M. Alary: Je voudrais simplement remercier la digne
assemblée d'avoir permis à notre association d'émettre son
point de vue. Merci à tout le monde.
Le Président (M. Saint-Roch): Je remercie l'Association du
camionnage du Québec et son porte-parole, M. Alary, pour sa contribution
aux travaux de la commission de l'aménagement et des équipements.
Sur ce, la commission suspend ses travaux jusqu'à quinze heures.
(Suspension de la séance à 12 h 38)
(Reprise à 15 h 10)
Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission de l'aménagement et des équipements reprend
maintenant ses travaux pour poursuivre sa consultation générale
portant sur l'avant-projet de loi modifiant la Loi sur l'assurance automobile
et d'autres dispositions législatives. Je remarque que les
représentantes du Réseau d'action et d'information pour les
femmes ont maintenant pris place. Je demanderais à la porte-parole de
bien vouloir s'identifier, pour le bénéfice des parlementaires et
du Journal des débats, ainsi que la personne qui l'accompagne,
s'il vous plaît.
Mme Dolment (Marcelle): Marcelle Dolment du Réseau
d'action et d'information pour les femmes, plus connu sous le sigle RAIF, et
Claudette Beaulieu.
Le Président (M. Saint-Roch): Permettez-moi de vous
souhaiter la bienvenue aux travaux de la commission. Je vous rappelle que vous
avez 20 minutes pour faire la présentation de votre mémoire.
Réseau d'action et d'information pour les
femmes
Mme Dolment: Je vous remercie beaucoup. J'aimerais
vérifier auparavant si tout le monde a le nouveau mémoire. On a
refait le mémoire, on l'a aménagé autrement; le fond n'a
pas été changé, mais c'est parce qu'il y avait plusieurs
erreurs, puisqu'il avait été fait rapidement pour être
remis à temps. Entre autres, à la page 11, il y avait une erreur.
Le bon mémoire est celui auquel est attaché un
résumé. J'en ai déposé
plusieurs copies auprès de la personne responsable du
secrétariat.
Point n'est besoin de réfléchir bien longtemps pour voir
l'incroyable injustice du régime de l'assurance automobile tel que
conçu originellement et actuellement, surtout quand on le compare
à l'assurance-maladie -qui a été mise en place par le
Parti libéral, c'est un bon exemple à suivre - véritable
chef-d'oeuvre de justice sociale, malgré ses abus et ses carences, dont
les cotisations sont basées sur le revenu.
Avec l'assurance-maladie, plus on est aisé, plus on paie pour ce
régime basé sur l'impôt sur le revenu. Mais à la
sortie, tous et toutes ont droit aux mêmes services et à la
même considération. Voilà de la véritable
social-démocratie, contrairement à l'assurance automobile
où tous et toutes paient la même cotisation, mais à la
sortie, les riches sont gavés et les pauvres compensés au
compte-gouttes. Les montants forfaitaires lors d'un décès sont
basés sur le revenu de même que les rentes de remplacement du
revenu jusqu'à un maximum de 35 500 $ brut, deux fois le revenu moyen,
et, sans doute, quatre fois le revenu médian. Quoi de plus
antisocial-démocrate?
Ce régime est une tare dans notre système comme l'est le
droit de la famille, favorisant tous deux de façon très
poussée les hommes, puisque les riches et ceux qui possèdent sont
généralement des hommes. Par contre, les pauvres et ceux qui sont
sans bien sont généralement les femmes, surtout les femmes qui
ont eu des enfants. On tient à le souligner, dans un contexte de
dénatalité.
Pourtant, malgré la dénatalité, signal que lui
lancent les femmes, le gouvernement continue à ignorer le sort que le
système qu'il révise périodiquement leur fait. Il le
maintient et l'aggrave. Son avant-projet de loi en est un bel exemple.
Nous avions espéré que les modifications en profondeur
annoncées à la Loi sur l'assurance automobile auraient
corrigé les grandes injustices et les multiples discriminations de ses
composantes, d'autant plus que nous les avions déjà
soulignées à maintes reprises. Il n'en est rien. C'est le
quatrième mémoire sur l'assurance automobile que nous
présentons depuis son instauration. Nous en avions proposé trois
quand Mme Lise Payette était ministre. En lisant le projet, nous
nourrissons les plus vives inquiétudes, car on y démolit presque
les éléments les plus importants socialement. On y met des
contraintes indues, on tourne les coins ronds, on diminue les
bénéfices radicalement, mais sans corriger le vice fondamental du
régime, et on maintient les attitudes discriminatoires. On y ajoute
même l'insulte envers les femmes au foyer en ravalant leur apport et
leurs activités au rang de domestique dont on dissèque les
tâches: ménage ou cuisine? Voir l'article 35. Demandera-t-on au
mari de venir témoigner sur le nombre d'heures passées à
frotter ou à popoter, ou à la voisine pour voir s'il y avait une
femme de ménage qui allait chez elle?
La gaffe de Lise Payette envers les "Yvette", de longue mémoire,
était valorisante comparée à la bourde de l'avant-projet
de loi sur les ménagères. Et discrimination additionnelle, on
refuse même de pouvoir combiner la compensation à la
ménagère avec le remplacement de revenu pour travail à
temps partiel, alors qu'on permet le cumul pour toutes les autres
catégories. C'est vraiment remarquable.
Enfin, bref, le régime amélioré est pire que le
régime original quant à l'équité du système,
au respect des droits, à la dignité des femmes et à
l'approche sociale.
Pourtant, il serait simple et bien plus économique d'asseoir le
régime sur les bases proposées plus haut, respectant l'esprit du
régime d'accidents de la route: perte d'autonomie et cessation des
activités habituelles et normales à compenser, sans valoriser
certaines au détriment d'autres dans le montant de compensation.
Mme Beaulieu (Claudette): Les assises de l'assurance automobile.
Droits de la personne. Tout régime que le gouvernement instaure doit
respecter les droits de la personne dans son élaboration. Or,
l'assurance automobile a plus d'une fois contrevenu à ces droits. Il a
redressé certains de ses torts, mais il est encore coupable à
plus d'un chef.
Les droits les plus menacés sont l'égalité des
sexes, particulièrement sur le plan systémique,
c'est-à-dire les femmes prises comme catégorie, le respect du
statut d'adulte de la femme, même si, pour différentes raisons,
elle doit dépendre économiquement de son conjoint. Le genre
d'activités qu'exerce une personne ne doit pas la dévaloriser ou
la discriminer.
La justice sociale. Soulignons aussi que tout régime doit, dans
ses modalités, respecter les principes de justice
élémentaire. Or, l'article qui permet à la régie de
refuser une indemnité si la victime fournit un renseignement inexact,
même sans que ce ne soit sa faute, est un accroc à cette justice.
Voir l'analyse du texte plus loin, article 83.
Soulignons aussi que les prescriptions de sa législation doivent
être honnêtes intellectuellement, qu'elles doivent être
transparentes. Elles ne doivent pas tenter de jouer sur les mots et les
définitions pour défavoriser certains groupes de la population
sans qu'il n'y paraisse ou pour éviter de payer certains
bénéfices par des exigences non justifiées. Par exemple,
la définition tordue de ce qu'est un enfant à charge dans
l'avant-projet de loi: "à qui la victime tient lieu de
mère ou de père et dont la victime subvient à plus de 50 %
des besoins vitaux et des frais d'entretien lors de l'accident." Ce "plus de 50
%" n'était pas dans la loi courante. Quel croc-en-jambe aux famillesl
C'est dans le même esprit que les allocations familiales qu'il faut
remettre au gouvernement via le fisc. Article 5.
Le respect de la nature même du régime. Le régime de
l'assurance automobile a comme rôle évident de compenser les
pertes subies à la suite d'un accident d'automobile. Ces pertes
liées à la personne peuvent être de différentes
natures. On peut les classer en deux grandes catégories: dommages
physiques et perte d'activités et d'autonomie, pour lesquelles les
automobilistes paient toutes et tous la même prime, soit 149 $ quels que
soient les revenus de l'automobiliste. Le régime n'est donc pas une
assurance-salaire, puisque la prime n'a aucun rapport avec le revenu et que,
par ailleurs, l'automobiliste n'a pas le choix de différents plans
d'assurance comme ce l'était quand l'assurance privée couvrait ce
genre de risques.
La conséquence évidente, logique, juste de cet état
de fait est que l'on ne peut, sous peine d'exploitation, pour ne pas dire
d'extorsion, verser des indemnités basées sur le revenu à
des gens qui n'ont pas payé proportionnellement à leurs
bénéfices. Si une victime fonctionnait normalement avant son
accident, que ce soit dans des activités non
rémunérées, de bénévolat, du domaine de
l'art ou des activités familiales, elle doit être compensée
pour cette perte, peu importe son genre d'activité, ce qui ne regarde
strictement qu'elle. On ne doit pas discriminer selon le genre
d'activités, dont certaines non rémunérées peuvent
être plus valables que certaines qui sont
rémunérées, et ouvrent la porte à d'autres
perspectives ou sont essentielles à la société.
Par ailleurs, si cette personne était le soutien d'une famille,
soutien économique ou autre, c'est-à-dire qu'elle avait des
responsabilités familiales, cette perte de soutien pour la famille doit
être compensée, en plus de la perte pour activité
personnelle. C'est une perte additionnelle, en somme. À noter qu'une
famille implique nécessairement des enfants, des parents plus
âgés ou des handicapés, qui vivent ensemble ou
séparément - genre famille éclatée. Une famille, ce
n'est pas un couple seul.
Il ressort de cette approche logique et équitable du
régime qu'il ne pourra y avoir que deux sortes de compensation
concernant la perte d'activités. Premièrement une rente
compensant la perte d'activités personnelles, la perte d'autonomie;
deuxièmement, une rente compensant la perte de disponibilité ou
de moyens financiers pour remplir les obligations familiales.
À ces pertes, viennent se greffer les services nécessaires
pour remplacer la personne dans ses obligations familiales, matérielles
et immédiates, c'est-à-dire, des services de garde à
domicile.
Il ne faut donc pas mélanger les genres - assurance-salaire,
assurance auto - comme on l'a fait avec le régime des rentes et
l'allocation de conjoint survivant, sorte d'aide sociale, ou
l'assurance-chômage, qui est devenue aide sociale dans certains cas.
En attendant un régime de revenu minimum garanti, qui mettrait de
l'ordre dans un système socio-fiscal devenu une sorte de pieuvre qui
nous glisse coûteusement entre les doigts, il faut éviter de
travestir les divers régimes, créant de profondes
iniquités et un fouillis inextricable.
Mme Dolment: II y a deux options qu'on peut avoir. Soit l'option
remplacememt du revenu, qui est basée uniquement sur la valeur de
l'argent, alors que nous, comme vous l'avez vu, on veut la baser sur la valeur
des activités, point. Si on prend cette option, voici ce qu'il faudra
faire pour que ce soit équitable.
Cependant, si on veut à tout prix transformer l'assurance
automobile en une forme d'assurance-salaire, il faudrait, à tout le
moins, graduer la prime à payer en se servant, comme on le fait pour
l'assurance-maladie, de l'impôt sur le revenu. Il faudrait alors
calculer, par exemple, avec beaucoup de soin les équivalences, pour que
ce ne soit pas seulement symbolique, mais qu'il y ait vraiment une
équivalence entre ce qu'on paye comme prime et ce qu'on ramasse au bout
du compte en fait de remplacement du revenu. C'est cela une assurance
automobile, ce n'est pas une assurance-salaire. On trouve qu'il s'agit
plutôt de la perte d'activités, c'est un accident. On perd nos
activités. C'est cela qui doit être compensé. Alors,
l'option basée sur la perte d'activités et non sur les montants
de revenus, c'est notre option. On demande instamment à tous les
législateurs de faire disparaître l'expression "personne au
foyer". On a beaucoup lutté, nous, depuis quatorze ans, pour la personne
au foyer. On s'aperçoit que le monde a évolué. La personne
au foyer, c'est du passé.
Maintenant, ce sont des parents qui doivent rester au foyer ou ce sont
des travailleurs ou des travailleuses qui sont soit en chômage, ou en
attente de quelque chose; mais la personne au foyer, ça disparaît;
sauf pour les personnes d'une certaine génération qui ont un
statut particulier, parce que dans ce temps-là, on était
obligé de rester au foyer. Dans un tel contexte, on voudrait que cela
disparaisse. Les activités de ces personnes ont autant de valeur que
celles de n'importe qui sur le marché du travail et
rémunérées. Essayer de décortiquer ce qu'elle fait
au foyer pour évaluer, c'est une
intrusion dans la vie privée et cela va contre la Charte des
droits et libertés de la personne.
Quand on lit les articles, je vous le dis; les cheveux vous dressent sur
la tête. On dit que la femme au foyer, ce qu'elle fait, c'est
l'alimentation de sa maisonnée ou qu'elle s'adonne au ménage de
sa demeure; c'est à l'article 34. Et un peu plus loin, on dit: Les
indemnités prévues à l'article 34 s'élèvent
à 70 $ pour la personne incapable d'accomplir la majorité des
tâches reliées à la garde de personnes qui vivent avec
elle, les enfants -bon, une femme au foyer, c'est une gardienne - ou bien 50 $
pour la victime incapable d'accomplir la majorité des tâches
reliées à l'alimentation. Est-ce qu'elle fait le déjeuner
ou si c'est son mari qui fait le déjeuner ou le dîner?
Achète-t-elle des "TV Dinners"? C'est 50 $ pour la victime incapable
d'accomplir la majorité des tâches reliées au
ménage. Madame, vous avez une femme de ménage, vous faites de
l'époussetage ou c'est votre mari qui le fait, vous n'avez droit
à rien. C'est aberrant. En tout cas, jamais on a été aussi
insultées de notre vie.
En outre, je ne sais pas qui a rédigé cet article, mais
j'aimerais beaucoup le savoir parce qu'on aurait quelque chose à lui
dire.
M. Côté (Charlesbourg): II faudrait qu'il
lève la main, s'il vous plaît.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
Mme Dolment: L'accès à l'information, si on a le
droit de l'avoir...
Mme Beaulieu: Ce sont tous des hommes, il doit y avoir un homme,
c'est certain.
Mme Dolment: Ce sont peut-être des femmes au travail qui en
veulent beaucoup aux femmes au foyer. On a déjà remarqué
cela aussi. Oui, c'est souvent vrai. Ce sont parfois des femmes qui sont au
travail qui méprisent les autres. C'est malheureux à dire, mais
c'est un peu ça. Cela arrive parfois.
M. Garon: Vous ne savez pas à quel point vous avez
raison.
Mme Dolment: En tout cas, des gens évolués, ce
n'est pas nécessairement d'un sexe. Les gens évolués, il y
en a partout.
Une voix: ...pas de sexe.
Mme Dolment: C'est ça. Bon. Maintenant, il y a aussi
l'article 36 qui ne permet pas de cumuler, une autre discrimination. Pourquoi
a-t-on permis de cumuler quand des gens avaient deux ou trois emplois? On
pouvait les cumuler et évaluer le revenu par rapport au cumul. Pourquoi
une personne... Cela arrive souvent qu'une mère au foyer travaille
à temps partiel et en plus reste à la maison pour prendre soin
des enfants ou fasse du bénévolat, peu importe. Pourquoi cette
personne ne peut-eile pas cumuler son travail à temps partiel et ce
qu'on prévoit lui remettre comme perte d'activités? Alors, une
dicrimination contre la charte.
En outre, comme nous l'avons mentionné plus haut, les personnes
au foyer peuvent être bien autre chose que ménagères ou
gardiennes d'enfants; elles peuvent être bénévoles,
artistes, administratrices, collaboratrices. Les artistes sont des personnes au
foyer, les écrivains ou les écrivaines aussi; comment va-t-on
évaluer leur activité qui ne rapportera peut-être que dans
dix ou vingt ans ou après leur mort? Ces gens-là n'auront droit
à aucune compensation pour leur perte d'activités?
On ne peut que constater des pièges d'une telle
catégorisation fort coûteuse administrativement. Imaginez,
commencer à évaluer tout cela! Quand on lit votre projet de loi,
combien cela va coûter et combien de fonctionnaires cela va prendre? Sans
compter que lorsque l'on veut l'appliquer aux personnes à la maison
stéréotypées, il devient tout simplement farfelu et
insultant en plus d'aller contre la Charte des droits et libertés de la
personne quant au respect de la vie privée: ménage ou
cuisine?
Autres personnes. L'âge des victimes est cependant un
élément déterminant pour évaluer la compensation
à verser de même que l'est la perte de scolarité. Il est
entendu qu'un adulte a plus de responsabilités, c'est normal qu'il ait
un peu plus de revenus qu'un enfant. Nous recommandons que l'enfant ait droit
à une rente; on l'a fait sauter avec le nouveau projet de loi. L'enfant
ne va avoir qu'une compensation parce qu'il a perdu son année
d'école ou sa session, mais nous, nous recommandons que l'enfant qui
perd ses activités normales et sa qualité de vie ait droit
à une compensation. En plus, il recevrait une compensation pour sa perte
scolaire, qui est une perte de plus. Alors, vous voyez qu'on n'a pas du tout la
même approche pour la compensation relativement aux pertes.
C'est une amélioration que d'avoir mis la perte d'une
année scolaire, mais d'avoir fait sauter la rente, non, parce qu'il ne
faut pas oublier que la mère va probablement prendre soin de l'enfant.
Ce que l'on a recommandé, ce qui n'est pas le cas actuellement, c'est
que la mère, parce qu'en général c'est la mère...
Souvent, elle va laisser son travail pour prendre soin d'un enfant invalide,
supposons qu'il a eu un gros accident. Elle ne peut pas actuellement, du
moins c'est ce qu'on nous avait dit, avoir un montant de l'argent qui
est versé à l'enfant pour compenser; souvent, elle va
peut-être avoir besoin de plus de vacances ou enfin plus d'aide. Elle ne
peut pas prendre ce montant d'argent pour elle-même, il faut que ce soit
versé dans une espèce de fiducie. C'est ce qu'on nous avait dit.
Peut-être que ce n'est pas cela d'après les règlements
qu'on ne connaît pas, mais d'après la loi.
Alors, nous demandons que l'enfant continue à avoir une rente,
mais qu'une partie de la rente puisse être donnée à la
mère comme compensation pour le travail qu'elle fait et qui lui
coûte très cher et que le montant qui est pour l'année
perdue soit déposé en fiducie et, plus tard, il pourra l'avoir.
Alors, il y a deux éléments là-dedans.
Aussi, ce que nous demandons, c'est que les services d'aide à la
famille soient accessibles et remboursés adéquatement. Le montant
qui a été prévu, 100 $ par semaine avec des reçus,
comme on dit, je pense qu'il n'y a pas beaucoup de gens qui ont des enfants
parmi ceux qui ont rédigé cela parce qu'il n'y a personne qui
peut avoir une gardienne pour 100 $ avec des reçus, c'est absolument
impossible. On a fait le calcul, cela revient à environ dix heures,
c'est le moins; de 8 heures à 18 heures au salaire minimum, cela fait
environ 40 $ par jour, sept jours par semaine, cela fait 280 $ par semaine. Je
pense qu'il faudrait les ajuster, donner moins aux gens riches qui vont avoir
de gros revenus et plus à des gens qui ont des responsabilités
familiales.
Nous recommandons une rente compensatoire d'un montant minimum
comparable au minimum actuel pour les enfants. Alors, pour les enfants, cela va
être ce qu'ils ont actuellement, le revenu minimum pour un enfant
invalide, avec ce qu'on a dit pour la mère et le montant forfaitaire;
une rente un peu plus élevée pour l'enfant de 16 ans et plus qui
est aux études avec compensation pour la personne qui en prend soin, -
c'est toujours la même chose - et un montant forfaitaire pour
l'année perdue.
Pour les autres victimes de 16 ans et plus qui ne sont pas aux
études, une rente équivalente à 50 % du salaire moyen
hebdomadaire parce qu'ils n'ont pas encore 18 ans, donc entre 16 et 18 ans,
seulement 50 %. S'ils étaient sur le marché du travail, ils
auraient moins d'argent de toute façon.
Pour les adultes, on veut que ce soit un montant uniforme pour tout le
monde. Toute personne, seule, avec ou sans travail, peu importe ce qu'elle
fait, on n'a pas à se mêler de ce qu'elle fait, qui perd sa
mobilité, ses activités, a droit, si elle est fonctionnelle,
à 75 % du salaire moyen hebdomadaire. Si cette personne désire
plus de protection pour son revenu, elle n'a qu'à prendre une assurance
de remplacement de revenus, cela existe, une assurance-salaire.
Pour les adultes qui ont une perte d'activité normale avec
conséquences sur les obligations familiales et sans faire de distinction
encore une fois entre celui qui rapporte l'argent à la maison et la
personne qui prend soin des enfants à la maison, ils ont droit à
100 % du salaire moyen hebdomadaire. Cela fait sauter l'article qui parle de la
femme qui fait de la popote ou du ménage. (15 h 30)
Pour chaque enfant, ce qu'on a fait sauter et ce qu'on déplore
actuellement dans le projet de loi, c'est qu'il n'y a plus un montant
supplémentaire par enfant, ce qui existait auparavant. Avant,
c'était, si j'ai bien lu, 5 % ou 10 % de plus pour les personnes
à charge. Cela a sauté. Nous, nous restons avec le nombre
d'enfants, c'est plus lourd et il y a plus de charges familiales, 5 % par
enfant, ce qui pourrait faire 105 %, 110 % ou 120 % du salaire moyen.
Les services d'aide aux parents - c'est ce qu'on a dit tout à
l'heure - pendant sept jours à 40 $ par jour, cela fait un minimum
habituellement de 280 $ si la femme est tout à fait invalide et,
évidemment, si elle est moins invalide et qu'elle a un peu de
mobilité, c'est 200 $ par semaine, on pense que c'est raisonnable. Si
les enfants sont un peu plus âgés et donc qu'ils peuvent prendre
soin d'eux, c'est 175 $, de 12 à 16 ans, on pense que c'est raisonnable
parce qu'ils ne vont quand même pas faire leur repas s'ils vont à
l'école, il doit quand même y avoir quelqu'un à la
maison.
On insiste sur le fait qu'il est important d'avoir ces montants pour les
frais de garde, parce que prendre une petite fille de 12 ou 13 ans pour venir
aider, ce n'est pas ce qu'il faut. Une mère qui est très malade,
qui est invalide, a besoin d'une garde de qualité. Est-ce que ça
compte, pour vous, les enfants, la famille? Est-ce que vous voulez mettre le
"motton" là-dessus ou si vous voulez le mettre sur les gens qui sont
riches? C'est ça votre choix de société? Que voulez-vous
comme société? Et c'est très important.
Un autre élément qui était très dangereux,
on ne l'a pas mis là-dedans. Mais c'étaient les articles 22 et 28
je crois où l'on disait que la personne qui était invalide, qui
restait à la maison et qui prenait une gardienne d'enfants, ne pouvait
pas l'avoir si l'autre conjoint n'était pas au travail, n'était
pas malade ou invalide. Prenons, par exemple, une famille où la
mère travaille à l'extérieur et le mari est alcoolique -
peu importe ce qu'il est, il reste à la maison, il ne travaille pas ou
il est temporairement en chômage, on sait qu'il y a beaucoup d'inceste,
on sait qu'il y en a énormément d'inceste et qu'il y a des hommes
aussi qui
ne savent pas prendre soin des enfants, qui sont violents, enfin peu
importe, il y en a qui battent leurs enfants - elle, elle sait qu'elle a besoin
d'une gardienne. Mais elle ne pourra pas l'avoir parce que l'homme est à
la maison en chômage et elle ne peut pas aller dire: Bien vous savez, mon
mari, il y a l'inceste et toutes sortes d'affaires... Je ne peux pas lui
confier mon jeune enfant. Je pense que s'il y a un accident et qu'elle avait
une gardienne avant, on doit lui payer sa gardienne. C'est normal et c'est
nécessaire. On n'a pas à évaluer si oui ou non il y avait
des raisons, que le mari était invalide, l'autre conjoint ou la
conjointe. On compense pour ce qu'il y a eu de perdu à cause de
l'accident. C'est ça le fond du problème. Il faut absolument
tenir compte de la qualité de vie de la société. Cela a
été dit d'ailleurs quand cela a été mis en place:
l'approche était sociale. Alors, il faut garder l'approche sociale.
Maintenant, les indemnités lors d'un décès. Nous,
on est logique avec notre position féministe. On fait sauter -
peut-être que les gens vont être surpris - les indemnités
qui sont versées à la conjointe ou au conjoint lorsqu'il y a un
décès et qu'il n'y a pas d'enfant. Alors, votre annexe où
l'homme de 45 ans peut avoir son revenu quasiment multiplié par cinq,
soit 150 000 $ versés à sa femme, cela saute si elle n'a pas
d'enfant. Chacun pour soi. Sauf si la femme est née avant 1944 parce que
ces femmes-là on les forçait quasiment à rester... Ce sont
des femmes qui ont à peu près 45 ans maintenant. Alors, les
femmes qui sont nées avant 1944, c'est une génération
à qui, pour la plupart, le mari disait: Tu restes à la maison, je
suis capable de te faire vivre. Ces femmes-là, même si elles
retournent sur le marché du travail, sauf exception, elles n'ont pas
beaucoup. Donc, c'est normal, on les met dans le même bateau que les
conjointes qui ont des enfants. Ces personnes-là ont droit à la
même affaire parce que c'est la société qui les a
discriminées. C'est comme l'action positive, il faut compenser.
Mais les conjointes et les conjoints n'ont aucun droit à avoir
une compensation parce qu'il y a la perte d'un être cher. Autrement, vous
allez avoir le même problème qu'on a déjà eu en
commission parlementaire avec les gens qui sont des homosexuels ou des
lesbiennes et qui ont demandé que le conjoint - en s'appuyant sur la
charte, il ne doit pas y avoir de discrimination par rapport au choix sexuel
-ait droit à la rente de conjoint survivant. Ils l'ont demandé
pour le régime des rentes. Et le ministre, dans le temps, était
très mal pris parce qu'il disait: Bon, c'est vrai que la charte est
là. Alors, si vous le faites pour la conjointe simplement parce qu'elle
est mariée, vous êtes obligés de le donner aux gens qui ne
sont pas mariés. Vous êtes obligés de le donner aux
homosexuels ou même aux gens qui vivent avec un frère, une soeur.
Ils ont perdu un être cher. Pourquoi est-ce qu'ils n'auraient pas une
compensation? Ils vivent ensemble, bon. Alors nous, nous faisons sauter
ça. La seule raison pour donner une compensation, une indemnité
lors d'un décès, c'est lorsque la mère, il y a un parent
gardien... Nous ne voulons pas d'indemnité, nous voulons une rente qui
continue jusqu'à ce que l'enfant, le dernier enfant ait 18 ans ou 25 ans
s'il est aux études.
Alors le parent gardien lors d'un décès, que ce soit
l'homme ou la femme - parce que si c'est l'homme, il va être
obligé de prendre quelqu'un pour l'aider - qu'il ait droit, lui,
à une rente et non pas un montant forfaitaire, une rente; et là
on donne un petit peu le détail. Et si ce sont des couples
divorcés - on sait très bien maintenant qu'il y a beaucoup de
couples divorcés - les enfants auront droit à une pension
alimentaire si le juge l'a octroyée, si les enfants ont
été reconnus, parce que cela peut être des conjoints de
fait. Le parent conjoint de fait aura la même chose. Il n'y aura pas de
différence entre un parent conjoint de fait ou un parent marié.
Ils pourront continuer à voir leur pension alimentaire établie
par le juge et la mère pourra l'avoir, avec certains détails que
vous avez probablement lus.
Ce qui nous a scandalisées, ce qu'on trouve inacceptable, c'est
le fait d'avoir défini l'enfant - surtout dans les cas d'enfants de
famille monoparentale - comme étant l'enfant dont la victime prenait
soin pour plus de 50 % au point de vue des besoins vitaux et des frais
d'entretien, ce qui exclut à peu près toutes les familles
monoparentales où c'est la mère - c'est souvent la mère -
qui garde l'enfant. Ce qui veut dire qu'avec votre projet de loi, vous
éliminez ce qui sera versé à l'enfant d'une famille
monoparentale, à supposer que la mère... Admettons que le
père ne payait pas, on le sait, la plupart des pensions alimentaires ne
sont pas payées, 85 % ne le sont pas, et les pensions sont ridiculement
basses. Cela veut dire qu'à peu près tous les enfants de famille
monoparentale ne sont pas couverts. C'est un scandale. En fait, c'est
antifamilial et antisocial de A à Z.
Je ne veux pas trop m'attarder parce que je sais que vous avez
probablement des questions à poser. Je pense qu'il n'y a pas autre
chose. On a pris cela article par article. Il y aussi, évidemment, le
fait qu'on trouvait que les exigences, quand un renseignement faux et inexact
avait été donné, étaient très dangereuses
parce que vous n'avez pas spécifié si c'était de mauvaise
volonté. Admettons qu'une personne a donné un renseignement faux
et inexact
sans le vouloir, on peut lui couper ses allocations, et on ne mentionne
pas que ce doit être de mauvaise foi. C'est très important parce
que cela fait un gros trou, on peut l'invoquer comme on veut.
L'autre élément, c'était le déductible de
100 $. Si vous avez un accident, que vous avez des vêtements qui ont
été brisés, que vous devez subir des traitements à
l'extérieur, il faut que vous payiez les premiers 100 $. C'est
inadmissible. Si une personne des îles-de-la-Madeleine n'est pas riche,
qu'elle a un accident et qu'elle est obligée d'aller à
l'extérieur, elle est obligée de payer les premiers 100 $. Cela
ne tient pas debout.
Je pense qu'on a couvert les principales choses, parce que je vois le
temps passer. Cela me paraît être les principaux points. On
pourrait juste lire la conclusion, si vous voulez.
Il nous apparaît que les modifications proposées au
régime de l'assurance automobile sont une attaque presque sauvage contre
la protection raisonnable qu'accordait avant cette couverture sociale. Les abus
et les injustices ont très peu été corrigés: les
riches reçoivent deux, trois ou cinq fois plus que les pauvres dans
certaines situations, comme avant, même si tout le monde paie
également sa part. Proportionnellement, pour les moins fortunés,
cette part prend de plus... En plus, cela leur coûte encore plus cher
dans leur budget. Ce n'est même pas égal, les pauvres paient plus,
d'une certaine façon, puisque la part qu'ils paient en prime, cela coupe
leur budget plus que les personnes riches. Les personnes à la maison
sont traitées toujours aussi injustement avec, en plus,
l'indignité de se voir traitées en ménagères dont
les activités sont scrutées à la loupe - on l'a dit tout
à l'heure - pour dégager combien de temps elles consacrent au
ménage.
Par contre, on enlève une sécurité combien
nécessaire aux survivants avec enfant qui n'auront droit qu'à des
montants forfaitaires plutôt qu'à une rente, formule
inadéquate financièrement puisque, selon la table, un enfant d'un
an n'aura que 25 000 $ de protection de son parent décédé
- c'est le maximum qu'il peut avoir - quand on sait qu'un enfant a
coûté plus de 100 000 $ rendu à 18 ans. Des calculs ont
été faits, cela coûte 100 000 $ rendu à 18 ans, et
le maximum qu'il peut avoir, à un an, s'il a un an lorsque le
père meurt, c'est 25 000 $ au maximum. On perd 75 000 $, n'est-ce pas?
Alors, la dénatalité...
Ces 25 000 $ ne seront pas nécessairement investis par le parent
survivant. Et il y a aussi un danger, quand on reçoit 25 000 $;
peut-être que la personne va l'investir et que ce sera mal investi, elle
dira peut-être: J'ai 25 000 $, je peux dépenser cela. C'est
préférable d'avoir une rente. Ce montant peut disparaître
assez rapidement surtout après un décès qui entraîne
bien des perturbations et des dépenses. Il serait plus
sécuritaire pour l'enfant d'avoir une rente régulière
indexée, une compensation pour cette famille monoparentale qui verra ses
coûts de gardiennage et autres coûts accrus en même temps
qu'un manque à gagner important.
Les recommandations qu'on fait, si vous remarquez, vont compenser
largement pour les coûts qu'on demande. Avec ce qu'on fait couper et ce
qu'on demande, vous allez même être gagnants. Or, le colmatage des
larges trous percés dans le tissu du régime avec la
possibilité de ne pas verser les indemnités s'il y avait eu la
moindre information inexacte et celui encore plus grand et antisocial de la
définition d'un enfant liée à la preuve du plus de 50 %
d'entretien et de prise en charge des besoins vitaux évitera de rendre
cette loi un exemple d'administration injuste et de social-démocratie
à rebours. Il serait dommage qu'au lieu de bonifier l'assurance
automobile, ce qui est votre but, on la rende encore plus inique qu'elle ne
l'était, et c'est beaucoup dire.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, Madame. M.
le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): C'est clair, M. le
Président, qu'à la lecture du mémoire, à la fois du
texte ancien et du texte nouveau, il y a des choix de société qui
sont, de part et d'autre, différents. À la base de l'action que
nous avons menée, il faut bien le préciser, c'est un avant-projet
de loi. Ce n'est pas un projet de loi qu'on dépose à
l'Assemblée et qu'on veut voir adopté. C'est une démarche
qui verra par la suite le dépôt d'un projet de loi modifié
à la lumière des conversations qu'on a eues pendant deux jours et
des suggestions de part et d'autre.
L'objectif était de tenter d'apporter des améliorations au
régime à la lumière du vécu de neuf années
de la Régie de l'assurance automobile. Peut-être que des
suggestions contenues dans le projet de loi ou des idées ne rejoignent
pas, sur le plan fondamental, la philosophie des vôtres. A tout le moins,
il tentait de donner réponse non pas à une solution globale de
régime car on l'a bien dit, dans ce cas-ci, c'est un ajustement de
parcours, ce n'est pas une remise en cause du régime de manière
fondamentale.
Vous employez dans votre mémoire des termes qui sont
extrêmement durs à l'égard du régime lui-même
et que nous ne croyons pas justifiés. Je vais en prendre un seul, sinon
on passerait probablement toute la journée à discuter sans jamais
en arriver à se comprendre ou, finalement, à s'entendre. Vous
dites que c'est une tare. Je pense que
c'est un mot qui est assez chargé d'expression avec ce qu'il veut
dire. Je suis d'autant plus à l'aise que ce n'est pas nous qui avons
instauré le régime. Je me sens toujours très à
l'aise dans ces situations. On était contre à l'époque et
on l'a dit. Depuis ce temps-là, on est pour. Il a fait ses preuves. Il a
quand même réglé un certain nombre de problèmes.
Quand vous qualifiez de tare un régime qui, aujourd'hui, indemnise
toutes les victimes alors que sous le régime antérieur, 28 % des
victimes blessées n'avaient droit à aucune indemnité, je
trouve que vous employez des mots... Si c'est pour choquer ou, comme on dit
dans certains cas, pour brasser la cage, je pense que vous avez peut-être
raison d'employer ces mots-là, mais je ne crois pas que ces
mots-là, à ce moment-ci, employés aussi durement soient
justifiés à l'égard du régime parce que 28 % des
gens qui ne recevaient rien auparavant et qui reçoivent quelque chose
aujourd'hui, c'est quand même quelque chose d'assez substantiel.
C'était l'entrée en matière que je voulais faire
parce qu'il y a, sur le plan fondamental, des divergences d'opinions quant
à la philosophie. On l'a dit, pour nous, c'est davantage un
régime d'assurance qu'un régime d'aide sociale.
Votre mémoire, globalement, a au moins le mérite - vous
avez conclu avec cela - de dire: On vous propose des choses, des ajustements,
mais on vous dit aussi qu'il y a des places où vous pouvez aller en
récupérer. Selon vos évaluations, cela s'équilibre.
Le mémoire a au moins ce mérite-là et ce n'est pas souvent
que les gens arrivent avec des solutions sur le plan financier. Ils arrivent
toujours avec des charges additionnelles sur le plan financier. Il a ce
mérite-là.
Il y a un certain nombre de questions et de dossiers qu'on pourrait
régler immédiatement. Il y a quelques éléments
qu'on a déjà réglés en commission. On va en
profiter pour en régler un autre parce qu'il nous apparaît
à ce moment-ci, compte tenu des informations que nous avons, qu'on peut
déjà dire: On va régler ces dossiers.
À la page 3 de votre mémoire...
Une voix: Quelle page?
(15 h 45)
M. Câté (Charlesbourg): Page 3 - on fait état
de l'article 83.35; vous avez très bien campé la situation. Je ne
sais pas si vous étiez ici à ce moment-là, mais on a
accepté d'ajouter "sciemment". Je pense que cela répond à
l'interrogation que vous avez évoquée, à ce
moment-là, et cela en demande davantage à la régie dans
les preuves à apporter, et cela m'apparaît important.
Un autre élément où vous parlez de 50 % des besoins
vitaux et des frais d'entretien lors de l'accident. Vous dites que c'est un
recul par rapport à la situation actuelle, que c'est plus odieux. Ce
n'est pas dans la loi actuelle, mais dans le règlement.
Mme Dolment: C'est cela, on n'a pas les règlements.
M. Côté (Charlesbourg): D'accord. On a au moins la
clarté de l'inscrire dans la loi au lieu de l'avoir seulement dans les
règlements.
Mme Dolment: Oui, mais ce n'est pas mieux.
M. Côté (Charlesbourg): Non, mais ce n'est pas du
droit nouveau.
Mme Dolment: On ne le savait pas quand on lisait la loi.
M. Côté (Charlesbourg): Parfait. Je voulais vous le
dire parce que ce n'est pas une donnée nouvelle. On l'inscrit dans la
loi maintenant.
Mme Dolment: D'accord.
M. Côté (Charlesbourg): II y a un autre
élément sur lequel on peut...
Mme Dolment: Mais quelle est votre position par rapport à
cela, M. le ministre?
M. Côté (Charlesbourg): J'ai écouté
vos propos. Il y a toute une série de choses que nous allons
décanter au lendemain de la commission parlementaire sur les
recommandations de chacun. Si on prenait chacun des points, je pense qu'on
serait encore ici à minuit ce soir. Je pense que vous avez
exprimé des points de vue. Il y aura des situations...
M. Garon: Je ne suis pas pressé. M.Côté (Charlesbourg): Pardon? M. Garon: Je ne suis
pas pressé.
M. Côté (Charlesbourg): Je comprends le
député de Lévis. Je comprends qu'il est aussi à
même, à cause de son expérience passée, de
comprendre ma situation. Non pas sur le plan politique, parce que je suis
capable de faire mes choix et de vivre avec. Ils viendront à
partir du moment où l'éclairage sera fait. Là où
cela peut me paraître clair et où je peux décider
maintenant, je n'ai pas de cachette, je le dis, ce sera le cas dans ce qui s'en
vient.
M. Garon: II y a de l'ouvrage au bureau.
M. Côté (Charlesbourg): Pardon?
M. Garon: II y a de l'ouvrage au bureau.
M. Côté (Charlesbourg): Un peu, oui.
À la page 6, à l'article 36, vous dites: "La victime qui a
droit - parce que c'est le libellé de l'article -...
Mme Dolment: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): ... à la fois
à l'une des indemnités prévues à l'article 34 et
à l'indemnité du remplacement du revenu accordée en vertu
de l'article 24 à une victime exerçant un emploi temporaire ou un
emploi à temps partiel ne peut les cumuler." Vous vous opposez à
cet article.
Mme Dolment: À tout l'article.
M. Côté (Charlesbourg): Oui. Je veux bien qu'on
regarde davantage la possibilité du cumul qui tiendra compte davantage
d'une vraie situation.
Mme Dolment: Mais pas juste le cumul, c'est la façon de
repartir: 70 $ pour la garde, 50 $ pour faire la popote et 50 $ pour
épousseter.
M. Côté (Charlesbourg): En tout cas, il faut partir
quelque part. Si on n'était pas parti de là, vous n'auriez pas pu
critiquer. Au moins, cela vous a permis de critiquer et de nous donner votre
opinion.
Mme Dolment: II y aurait eu d'autres façons de partir.
M. Côté (Charlesbourg): Non, mais, finalement, vous
aviez raison, tantôt, quand vous avez dit qu'il y avait peut-être
une femme là-dessous parce que le texte initiai a été
rédigé par une femme. C'est pour cela qu'on est assez à
l'aise.
Mme Dolment: C'est pour cela que je dis que ce n'est pas la
question de sexe. Des gens évolués, ce sont des gens
évolués et des gens pas évolués, ce sont des gens
pas évolués.
M. Côté (Charlesbourg): II y aura de l'ouverture
chez nous quant à revoir la portée de cet article-là en
tenant compte en particulier du cumul. Dans le texte qui sera
déposé à l'Assemblée, qui deviendra un texte que
nous voudrons voir adopté, cela tiendra compte de ce
phénomène-là.
Finalement, je vous dirais qu'à la lumière de tout cela on
a tenté de dire: On met l'article 34... Comme l'a dit le
député de Lévis, ce n'est pas un cadeau, c'est de l'argent
des citoyens qu'on remet dans le régime. On a tenté de favoriser
davantage les blessés graves parce que l'expérience de neuf
années du régime nous démontre que les principales
plaintes ayant trait à l'insatisfaction à l'égard du
régime proviennent en particulier des blessés graves. C'est un
choix que nous avons fait et j'aimerais avoir votre opinion là-dessus.
Croyez-vous que nous avons raison de considérer davantage ceux qui sont
les blessés graves et qui ont à subir des séquelles des
accidents d'automobile?
Mme Dolment: J'aimerais répondre à cette
question-là, mais je vais revenir un peu à votre préambule
parce que je voudrais juste préciser certaines choses. Par rapport
à cela, oui les blessés graves c'est sûr. On trouve que ce
n'était pas suffisant; quand ils allaient en cour, ils pouvaient obtenir
plus, mais l'un n'empêche pas l'autre. Ce n'est pas parce que vous donnez
plus à des blessés graves - ce avec quoi on est d'accord - que
vous devez traiter les gens qui ont des enfants et surtout les personnes qui
ont mis de côté leur travail pour rester avec leurs enfants,
quelle que soit la raison, qu'on leur enlève leur droit parce qu'il y a
une perte d'activités...
On est d'accord, mais cela ne veut pas dire que cela implique que vous
ne devez pas donner aux autres ce qui leur revient. D'accord?
M. Côté (Charlesbourg): Je suis d'accord, mais on va
y arriver. Je veux y aller par étapes. Quant à moi, je suis la
logique de ce qu'on a dans l'avant-projet de loi.
Mme Dolment: On est entièrement d'accord. Mais là,
j'aimerais souligner un point. Vous avez fait un préambule qui m'a un
peu blessée, en ce sens que, quand on parle de tare, ce n'est pas
d'avoir un régime d'assurance automobile. On est 100 % d'accord avec le
fait d'avoir un régime d'assurance automobile, plutôt que
l'assurance privée. Le 28 %, on est 100 % d'accord, comme on demande
qu'il y ait un régime public pour la perception des pensions
alimentaires, pour la même raison. Ce n'est pas cela, la tare. C'est la
façon dont il est fait et non pas le fait d'avoir implanté un
régime d'assurance automobile. Quant aux mots un peu durs, je ne veux
pas vous envoyer une pointe, je vous assure que nous sommes d'une politesse,
d'une courtoisie absolument raffinée, comparé à ce qu'on
entend à l'Assemblée nationale.
M. Côté (Charlesbourg): Je suis surpris.
Mme Dolment: On écoute vos débats, quelquefois, et
je vous assure que...
M. Côté (Charlesbourg): Je suis surpris parce que le
président est quand même le maître de jeu et n'accepte pas
qu'il y ait...
Une voix: Si peu.
M. Côté (Charlesbourg): Et même beaucoup. Il
peut y avoir des choix. À partir du moment où il y a un
système, il peut y avoir des choix à l'intérieur, qu'on
peut partager ou pas. Chacun travaille par la suite pour tenter de les rendre
selon ses volontés. C'est la règle de la démocratie. Tout
le monde vit avec cela et je suis très à l'aise là-dedans.
Il n'y a pas de problème.
Ce que nous avons davantage voulu faire, d'entrée de jeu, quant
aux amendements à la loi, c'est de compenser davantage les
blessés graves. Si j'ai bien compris, vous nous dites: Oui, on est
d'accord avec cela, mais pas de manière égale à tout le
monde.
Mme Dolment: Non. Cela dépend. Les blessés graves,
qui va jusqu'à 125 000 $, c'est pour une perte - comme on a mis dans un
des chapitres - cela peut être psychique, cela peut être
physiologique, cela peut être esthétique. Oui, c'est une chose et
le remplacement du revenu, c'est une autre histoire. Nous ne basons pas du tout
les indemnités qui sont versées de cette forme sur l'argent,
c'est sur la perte d'activité. Cela nous paraît fondamental. Un
accident d'automobile, c'est quoi? C'est illogique, autrement. L'approche est
tout à fait illogique. Vous mêlez assurance-salaire avec assurance
automobile.
M. Côté (Charlesbourg): D'accord. On va prendre un
exemple. Lorsque vous assurez une maison à sa valeur de
remplacement...
Mme Dolment: Tant les 1000 $.
M. Côté (Charlesbourg): Disons que j'ai une
propriété qui vaut 100 000 $. La valeur de remplacement, c'est
100 000 $. Je l'assure pour 100 000 $. Est-ce qu'on doit s'attendre que
l'assurance va nous donner 110 000 $ ou 115 000 $? Ou est-ce qu'elle va nous
compenser, pas pour activités relatives à la maison? Elle va nous
compenser pour la maison elle-même, qui est la perte.
Mme Dolment: C'est un bien stable, c'est un objet. L'objet vaut
tant, cela ne va pas plus loin. Les activités d'une personne, c'est
comme les souffrances endurées, vous l'avez monté à 125
000 $, justement, parce que cela fluctue. Vous me parlez d'une maison. Je vous
ferai remarquer qu'avec l'assurance - tout le monde en a pris - si vous voulez
être assuré pour 100 000 $, vous payez plus que si vous êtes
assuré pour 10 000 $. Là, tout le monde paie le même
montant. Donc, vous avez fait de cela un régime social. Tout le monde
paie le même montant. Alors, il va falloir s'attendre que tout le monde
ait droit à la même justice. Mais, là, non. Tout d'un coup
vous changez de registre et vous tombez dans l'assurance-salaire.
M. Côté (Charlesbourg): Vous venez de
répéter une fausseté qui est dans votre mémoire. Ce
n'est pas vrai que tout le monde paie le même prix. Vous l'avez à
la page 4, j'ai inscrit à côté: C'est faux.
Mme Dolment: La prime est sur le permis de conduire et sur
l'immatriculation.
M. Côté (Charlesbourg): Un taxi paie plus, un camion
paie plus, une moto paie plus.
Mme Dolment: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): 11 y a des
différences.
Mme Dolment: Ce n'est pas cela. Je parle des automobilistes. Il y
a des classifications. Ce n'est pas par rapport au revenu, c'est parce que les
taxis, les camions sont plus souvent sur la route. Cela n'a rien à voir
avec le revenu. Nous parlons de revenus, nous. Cela n'a rien à voir avec
le revenu.
M. Côté (Charlesbourg): Vous pourriez être
propriétaire d'un taxi qui resterait dans votre cour, qui ne serait pas
dans la rue, vous allez payer plus cher pareil.
Mme Dolment: Oui, parce que votre voiture circule plus. Ce n'est
pas cela. Nous parlons du revenu. Vous basez ce que vous versez sur le revenu,
alors que tout le monde, peu importe le revenu, a payé le même
montant d'argent. Ce n'est pas comme l'assurance-maladie, quand je vous dis
où, là, plus on a de revenu, plus on paie. Si vous aviez
échelonné vos primes par rapport au revenu ou différents
plans, cela pourrait se justifier. Là, vous mêlez des carottes et
des zèbres, c'est encore pire que des carottes et des épinards,
ce sont des carottes et des zèbres, c'est complètement
différent.
M. Côté (Charlesbourg): II y a des niveaux
d'incompréhension qui nécessiteraient bien des heures pour les
faire comprendre.
Mme Dolment: On n'est pas les seuls à le dire.
M. Côté (Charlesbourg): Vous avez pris tantôt
la RAMQ, en disant que le régime était, lui, plus juste, plus
égalitaire. Peu importe...
Mme Dolment: Social-démocrate, oui.
M. Côté (Charlesbourg): Oui, mais peu importe votre
revenu, en fin de compte, à la RAMQ, il y a des limites dans le
paiement.
Mme Dolment: Non, mais ce n'est pas cela. Tout le monde a droit
aux mêmes services, on ne tient pas compte du revenu, mais, pour payer,
on en tient compte. C'est même l'inverse. Alors, on ne donne pas les
services par rapport au revenu. On dit: Tout le monde y a droit. Qu'il y ait
des limites, c'est normal. Comme dans cela aussi, il y a des limites.
M. Côté (Charlesbourg): Non, mais là c'est
parce qu'on parle de primes.
Mme Dolment: Ce n'est pas par rapport au revenu. Là, vous
sautez d'un Régime d'assurance automobile, pour perte
d'activités, c'est cela, un accident, et vous tombez dans
l'assurance-salaire. Vous faites payer les pauvres pour les riches. Je suis
surprise qu'un gouvernement libéral fasse cela. Je dois le
dire.
M. Côté (Charlesbourg): Lorsqu'on part de 39 000 $
qu'on monte à 125 000 $, cela doit englober quelque chose.
Mme Dolment: Ce n'est pas la même affaire. C'est pour la
perte d'un bras, vous évaluez un bras. Là, ce n'est pas le
revenu. Là, c'est normal parce que c'est un accident. C'est dans la
logique de l'accident. Votre accident vous a fait quoi? Vous avez perdu un
bras, vous avez perdu une jambe, de l'esthétique.
M. Côté (Charlesbourg): C'est une perte
d'activités. C'est comme cela que c'est entendu.
Mme Dolment: Oui. C'est aussi la perte d'un membre. Il n'y a pas
seulement cela. Il y a la souffrance à endurer parce que c'est
écrit, comme vous l'avez dit. On dit: Cela a été plus
douloureux ou moins douloureux. Mais enfin, on n'est pas les seuls à le
dire aussi. Le BAC dit la même chose. On n'est pas les seuls à
faire la remarque. Je pense que, fondamentalement, la philosophie du
régime est tordue à la base. Elle n'est vraiment pas
correcte.
M. Côté (Charlesbourg): Oui, sauf que,
d'après ce que je peux comprendre, vous pouvez peut-être dire la
même chose et vous entendre tous les deux, vous et le BAC, mais
après, vous prenez deux tangentes à l'opposé.
Mme Dolment: Pardon?
M. Côté (Charlesbourg): Vous prenez deux tangentes
à l'opposé.
Mme Dolment: Cela se peut, oui.
M. Côté (Charlesbourg): Oui. Il faut dire
cela aussi parce que c'est important. Dans le cas du BAC, ces gens n'en ont pas
assez et ils veulent que cela retourne au privé, alors que vous, vous
voulez qu'on en mette.
Mme Dolment: Non, je parle fondamentalement. C'est pour vous dire
que même l'assurance privée est plus sociale-démocrate que
les libéraux.
M. Côté (Charlesbourg): Jamais. Je pense que si vous
avez entendu les intervenants, ce matin, cela ne parait pas en tout cas. Je
comprends le rôle du BAC, s'il joue son rôle et défend son
point de vue. Quant à nous, dans la mesure où on se place dans le
contexte où la loi veut apporter des changements qui tiennent compte de
sa clientèle...
Mme Dolment: Oui, c'est ça.
M. Côté (Charlesbourg): Ce qu'il y a à
l'intérieur de l'avant-projet de loi tient compte des
représentations faites par les personnes qui étaient
insatisfaites du régime.
Mme Dolment: Oh, mais là, je vous arrête, M. le
ministre. Vous savez très bien, et c'est connu, pour les allocations
familiales et pour tout, que les femmes qui sont lésées, les gens
qui sont lésés, les pauvres, les femmes et tout, surtout les
femmes qui sont prises avec des enfants, n'ont pas le temps de se plaindre. Les
gens qui se plaignent, ce n'est pas nécessairement parce que vous avez
eu des plaintes de telles catégories de personnes, que cela veut dire
que les autres ne sont pas lésées. Il faut que vous teniez compte
de cela et c'est très important.
M. Côté (Charlesbourg): Non, je comprends.
Mme Dolment: Les personnes âgées à Ottawa se
sont plaintes pour la question... C'est toujours les personnes
âgées qui se plaignent, mais les gens qui ont de jeunes
enfants n'ont pas le temps.
M. Côté (Charlesbourg): Mme Dolment, la Commission
des services juridiques a déposé un mémoire assez
important qui représente 33 % des cas devant la CAS et 40 % des cas en
révision. J'ai l'impression qu'il représente passablement les
personnes -écoutez, je m'excuse - dont vous venez de faire allusion
tantôt.
Mme Dolment: Pas les femmes
nécessairement. Les femmes n'ont pas le temps. Elles sont
habituées de tout accepter. On le sait nous, on travaille avec les
femmes. On les voit les femmes. Regardez les femmes battues, elles n'osent
même pas se plaindre. Je vous le dis on travaille avec les femmes et
nous, cela nous décourage. On dit: Protestez, faites quelque chose. Ah,
je suis trop écrasée. Je n'ai pas le temps. J'ai des enfants.
Nous, on travaille avec les femmes. Les services juridiques ne travaillent pas
seulement avec les femmes. Ils travaillent aussi beaucoup avec des hommes qui
ont le temps de se plaindre plus, mais pas les femmes, je vous assure.
M. Côté (Charlesbourg): Je veux revenir à un
point spécifique, puisque vous évoquez celui des femmes. On a
parlé de femmes au foyer et je pense que c'est un des
éléments importants de votre intervention. En quoi l'avant-projet
de loi est-il un recul par rapport à la situation actuelle,
vis-à-vis de la situation de la femme au foyer?
Mme Dolment: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): Si vous dites: On en veut
davantage, c'est une autre histoire. Mais, je commencerais d'abord par dire:
Nous avons une loi actuellement qui est en application. Vous avez devant vous
un avant-projet de loi. En quoi, sur des points spécifiques,
l'avant-projet de loi est-il un recul par rapport au projet de loi qui est en
application actuellement?
Mme Dolment: Sous deux chefs. D'abord, la définition et,
deuxièmement, ce qui y est prévu. Alors, il y a une petite
amélioration, je dirais, accessoire. Dans la formulation, la
façon dont c'était écrit avant, c'était mis de
façon globale. On n'évaluait pas. On n'allait pas voir si la
femme avait fait la cuisine ou le ménage. Là, il va falloir
demander au mari ou à la voisine - je ne sais pas comment vous allez
l'évaluer, cela ne tient pas debout de toute façon, c'est d'un
ridicule complet - pour dire: Est-ce qu'elle a fait la cuisine ou si elle a
fait le ménage ou si elle a gardé les enfants? Dans l'autre,
c'était global, d'accord? Il y avait 150 $ global. On n'évaluait
pas. On n'allait pas mettre le nez dans la famille pour voir. Vous dites que
vous ne voulez pas faire cela. J'ai entendu le président, tout à
l'heure, dire qu'on ne voulait pas se mêler de la vie privée, eh
bien là, on s'en mêle drôlement. (16 heures)
La formulation est effrayante, c'est à faire dresser les cheveux
sur la tête. Cela, on le mentionne. On est femmes. Moi, j'ai
été femme au foyer et je peux vous dire que c'est
extrêmement blessant. Les femmes font d'autres choses que la cuisine et
la popote, de toute façon. La catégorisation, vous nous
"ghetto?sez". Alors, la catégorie de femmes au foyer, nous vous
demandons de la faire sauter parce que ce sont presque toutes des femmes; c'est
de la discrimination quasiment systémique. Prenez une autre formulation
où tout le monde va pouvoir embarquer là-dedans. Comme je vous le
dis, même les artistes ne pourront pas être là-dedans ou
être compensés, ou les gens qui font... Dieu sait que cela compte,
le bénévolat, vous comptez beaucoup là-dessus. La
formulationl
Deuxièmement, l'approche au point de vue argent. Dans la
première loi, l'actuelle loi - comme je vous le dis, je n'ai pas les
règlements - on pouvait évaluer ce que la femme valait. On
disait: La femme est au foyer, mais avec sa formation, son intelligence, le
travail qu'elle a fait, bon, elle était enseignante, elle a
laissé cela pour élever ses enfants, en tout cas,
théoriquement, parce que je sais que ce n'est pas l'application, des
gens qui ont travaillé à l'intérieur, je ne parle pas qui
sont ici, cela fait une couple d'années, les gens m'ont dit:
Tâchez de faire quelque chose, c'est effrayant comment les femmes au
foyer sont dévalorisées... Ils ont dit: On est
scandalisés.
Alors, comment cela est appliqué? C'est une autre histoire. Mais,
dans la loi qui existait, c'était inscrit qu'on pouvait évaluer
le travail qu'elle aurait pu faire. On était censé la compenser,
lui donner une indemnité par rapport à sa valeur.
Évidemment, si elle n'avait jamais travaillé à
l'extérieur, que c'était une femme qui avait aidé sa
mère et qu'à seize ans elle s'était mariée, elle
avait 150 $, mais on pouvait au moins évaluer.
Maintenant, la seule affaire qu'on a mise, c'est: jusqu'à six
mois. Là, on le lui donne; si elle a le maximum, c'est une bonne petite
maîtresse de maison, une bonne petite ménagère qui
époussetait et qui faisait sa popote, elle aura 170 $ par mois. Si elle
est obligée parce qu'elle est sur le dos complètement et que le
mari, je ne sais pas où il est, en tout cas, peu importe... elle va
pouvoir avoir, en supplémentaire, jusqu'à 100 $ par semaine, ce
qui fait 270 $ par semaine pour avoir quelqu'un pour la remplacer. Mais, ses
activités qu'elle a perdues, sa mobilité, on ne compense pas
cela, cela vaut zéro. C'est simplement comme si elle était une
espèce de vacuum. Alors, l'aspirateur est brisé, on remplace
l'aspirateur, cela vient de finir. On l'"objective", quasiment comme la
porno.
M. Côté (Charlesbourg): D'accord. Je sais que mon
temps est déjà dépassé, mais, d'abord, votre
première intervention dit: C'est sur la définition où cela
accroche...
Mme Dolment: L'humiliation de la définition...
M. Côté (Charlesbourg): ...par rapport... Mme
Dolment: ...et le non-réalisme.
M. Coté (Charlesbourg): ...à personne seule. Je
pense qu'on se comprend là-dessus, cela cadre bien votre
inquiétude là-dessus. On va regarder cela.
Mme Dolment: Faire sauter "personne au foyer", c'est
dépassé; on est rendu en 1988 quasiment.
M. Côté (Charlesbourg): En tout cas, je vais
regarder la définition parce que vous m'avez d'abord parlé de la
définition; je vais regarder cela avec toutes les implications. Vous
dites que "personne seule", cela peut être discriminatoire. En termes de
définition...
Mme Dolment: Pour personne seule, non, je n'ai pas dit cela. Si
elle est seule, c'est une personne seule; s'il y a une famille qui
dépend d'elle, elle est une personne avec des responsabilités
familiales.
M. Côté (Charlesbourg): Mais dans le sens que,
finalement, on va revoir la définition et on va tenter de
répondre à l'interrogation que vous avez. On va tenter de le
voir.
Quant à certaines allégations à propos du
barème, je vais laisser M. Clark vous répondre là-dessus;
évidemment, comme je vous l'ai dit tantôt, on pourrait en avoir
pour une partie de la soirée.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Clark.
M. Clark (Ronald): Vous avez parlé des fonctionnaires
tantôt et des coûts d'administration du régime.
Actuellement, je peux vous dire que les coûts d'administration du
régime sont autour de 12 000 000 $. Cela implique 264 permanents et 60
personnes-année occasionnelles. Donc, environ 325 personnes font
fonctionner le régime. On considère que, compte tenu de la
simplification qu'on apporte au régime actuel -parce qu'on simplifie
vraiment un certain nombre de choses - on va diminuer nos coûts
administratifs et on ne les augmentera pas.
Une deuxième chose, il faut distinguer les coûts
administratifs des coûts du régime. Quant aux coûts du
régime, vous mentionnez dans votre mémoire un peu partout qu'on
semble défavoriser le monde; on diminue la couverture. Ce n'est vraiment
pas le cas parce qu'on passe d'un régime qui coûte, actuellement,
576 000 000 $ et en 1988, il va coûter, selon les calculs de nos
actuaires, 610 000 000 $; c'est-à-dire qu'on augmente la couverture
totale de 34 000 000 $, c'est-à-dire de 6 %. C'est exactement cela, M.
Garon.
M. Garon: Est-ce que cela comprend les 200 000 000 $ que le
ministre des Finances est venu chercher?
Mme Dolment: Mais, M. Clark, je peux vous dire que même si
vous augmentez la couverture, cela ne veut pas dire que c'est équitable.
Vous l'augmentez pour certaines personnes qui ne méritent pas de
l'avoir...
M. Clark: Non, c'est parce que je n'ai fait que
répondre...
Mme Dolment: ...et vous l'enlevez à des personnes qui
devraient continuer à l'avoir.
M. Clark: Mme Dolment...
M. Côté (Charlesbourg): Sauf que vous nous avez dit
que, quant au choix fondamental, soit de compenser davantage les blessés
graves, vous étiez d'accord.
Mme Dolment: Oui, bien oui. Bien sûr, mais ce n'est pas
cela, notre gros point, c'est que vous payez des gens jusqu'à 35 500 $
alors que tout le monde a payé le même montant et que la personne
qui va seulement avoir 10 000 $ de retour...
M. Clark: Mme Dolment, c'est parce que vous frappez partout en
même temps; il faut prendre les cas l'un après l'autre. Mme
Dolment, excusez-moi. Quant à la couverture de la personne au foyer, je
peux vous montrer statistiquement parlant que, dans sa couverture actuelle -
encore là je vous parle financièrement parlant - la
majorité des femmes au foyer a une indemnité de remplacement du
revenu de 8203 $; c'est cela dans la majorité des cas. Dans la
couverture proposée, on se retrouve avec une indemnité de 8864 $
au minimum ou une indemnité de 14 000 $, selon qu'on ajoute les 100 $
supplémentaires. De sorte que, dans les deux situations, je prends les
8203 $ qui est la situation de la majorité des femmes actuellement, on
grimpe à 8864 $, c'est-à-dire que vous avez une augmentation de
661 $ par année.
Mme Dolment: ...10 $ par semaine.
M. Clark: Je m'excuse, je continue. Si je continue avec la pleine
indemnité plus les 100 $, cela vous donne une indemnité de 14 079
$ par année; si vous comparez cela au salaire minimum au
Québec maintenant -là, je ne calcule pas au taux de 4,55 $
l'heure qui vient de changer - cela vous donne un revenu net au salaire minimum
de 7485 $. La femme au foyer a soit 8864 $ ou 14 079 $, oui madamel
Comparé aux 14 079 $, le revenu moyen était de 14 754 $, la
couverture de la personne au foyer se rapproche sensiblement et est
égale
au revenu moyen de l'ensemble de la population. En quoi discrimine-t-on
les femmes quand on fait cela?
Mme Dolment: Parce que ce n'est pas versé à elle,
il faut qu'elle ait des factures; ce n'est pas elle qui va l'avoir, cela va
être la femme de ménage.
M. Clark: Madame... On l'a prévu dans le nouveau projet de
loi justement...
Mme Dolment: Mais non!
M. Clark: ...d'enlever les factures.
Mme Dolment: Écoutez...
M. Clark: Présentement, on exige des factures...
Mme Dolment: Elle va être obligée de la prendre,
elle n'est pas...
M. Clark: ...et on a prévu de les enlever.
Mme Dolment: Elle n'est pas compensée du tout pour sa
perte d'activité. Nous disons que, si elle a des enfants, elle va
pouvoir avoir, en plus de ce qu'on demande, des frais de gardiennes, c'est bien
évident. On veut qu'elle soit compensée pour sa perte
d'activité et sa perte de qualité de vie.
M. Clark: Madame, elle l'est compensée...
Mme Dolment: Là, elle est obligée de le donner
à une personne qui va venir l'aider au foyer et la remplacer; elle
n'aura pas le salaire moyen ni l'équivalent, pas du tout! Elle est
obligée de le donner à une gardienne, elle n'a rien du tout,
strictement rien!
M. Clark: II est prévu que la perte d'activité est
compensée via le DAP, c'est-à-dire le déficit
anatomo-physiologique qui comprend justement trois choses: le montant des
séquelles permanentes comme la perte d'un oeil, comme vous l'avez dit
tantôt...
Mme Dolment: Oui, mais cela est une autre histoire.
M. Clark: ...le préjudice esthétique majeur, les
douleurs et la perte de jouissance de la vie. C'est là qu'elles sont,
les pertes d'activité.
Mme Dolment: Bien voyons donc! Cela n'a rien à voir. Si je
vais devant une cour, je vais réclamer en fonction de la perte pour mon
oeil et de la perte de mon revenu; je vais demander deux affaires
différentes. Vous ne pouvez pas mêler les deux. Si elle a perdu
son oeil, c'est une perte fondamentale...
M. Clark: Madame, les jugements mêlent les deux...
Mme Dolment: ...c'est comme perdre la voiture et perdre son
revenu. C'est comme si elle avait un accident de voiture... Si vous perdez
votre voiture et votre salaire, vous allez en cour pour vous faire rembourser
votre salaire et votre voiture. Il ne faut pas mêler les deux affaires
comme cela, voyons donc! Si vous êtes un homme et que vous perdez votre
salaire, votre salaire sera remboursé et, en plus, vous allez avoir une
gardienne.
Le Président (M. Saint-Roch): Mme Dolment, je m'excuse, le
président se doit maintenant d'intervenir pour mentionner que le temps
alloué au côté ministériel est écoulé.
Je vais maintenant reconnaître M. le député de
Lévis.
M. Garon: J'aimerais savoir quel a été le temps
pris par le parti ministériel.
Le Président (M. Saint-Roch): 28 minutes, M. le
député de Lévis.
M. Garon: Alors, cela me donne 28 minutes.
Le Président (M. Saint-Roch): On pourrait entamer un
débat, si on regarde depuis le début, M. le député
de Lévis... Vous pouvez commencer et on essaiera d'être aussi
équitable qu'on l'a été depuis le début de la
session.
M. Garon: M. le Président, je voudrais remercier Mme
Dolment... De quel endroit?
Mme Dolment: De Québec. M. Garon: De
Québec.
Mme Beaulieu: II veut savoir tes origines.
M. Garon: Et votre collègue...
Mme Dolment: Mme Beaulieu.
M. Garon: De Québec aussi?
Mme Dolment: Oui. Tout près de Lévis.
M. Garon: Tout près de Lévis.
Mme Beaulieu: En banlieue de Lévis.
M. Garon: Je vais vous dire une chose: après vous avoir
écouté, je me disais: si elles sont de Lévis, je m'en vais
- j'ai mon
carnet de recrutement - parce que vous avez l'air assez enthousiastes,
convaincantes et convaincues que vous suscitez sûrement l'adhésion
de plusieurs personnes à votre cause. J'ai trouvé très
intéressant ce que vous avez fait valoir. J'ai dit que, dans
l'Opposition, nous voulons regarder les choses avec un regard neuf en vue de
l'avenir et non pas essayer de justifier ce qui a pu se faire en telle ou telle
année. On pense que le régime devait commencer quelque part,
être le meilleur possible et on s'est rendu compte que même le
ministre a trouvé qu'il avait été pas mal et que ceux qui
l'avaient analysé avaient pensé qu'il était pas mal. Sauf,
qu'après un certain nombre d'années, les gens vous renvoient dans
l'Opposition pour commencer à regarder plus dans l'avenir que dans le
passé et on constate que ça ne prend pas beaucoup de temps
à un nouveau gouvernement pour se retrouver dans le passé
plutôt que dans l'avenir. Alors moi, je pense qu'il faut regarder les
choses avec un regard neuf en envisageant - les gens regardent plus facilement,
disons, l'an 2000 que 1975 ou 1976, qui sont des pages historiques, mais qui
sont dépassées maintenant - l'avenir.
Je pense qu'un des points importants que vous mentionnez porte sur
toutes sortes de tracasseries qui sont faites aux femmes. À mon avis, je
le dis comme... Je ne suis pas un féministe de naissance, mais je vous
dirai, étant le père de trois filles et d'aucun garçon -
je dis souvent que je n'ai jamais manqué mon coup - que j'en suis venu
un peu à penser qu'il y a des considérations qui posent des
handicaps aux femmes parce qu'on essaie de faire toutes sortes de
stéréotypes, quels qu'ils soient, Yvette ou non Yvette, par des
définitions qui encadrent l'activité d'une certaine façon.
Et c'est pourquoi j'ai trouvé intéressant ce que vous avez dit
à propos de l'article 35, qui n'a pas de bon sens. Je pense aussi que
l'article 35 n'a pas de bon sens. Autrefois, je pense bien, quand nos
mères ou nos grand-mères avaient 15 enfants, une grande partie de
leur journée se passait à faire la popote, à
épousseter, à repriser, à repasser. Mais c'est une
époque qui, je pense, était admirable. Mais on n'est plus dans
cette époque-là. Il ne faut pas regarder les choses d'aujourd'hui
avec les yeux d'hier. Il faut plutôt regarder les choses d'aujourd'hui
avec les yeux de demain.
C'est pourquoi, la première question que je voudrais vous poser
c'est: Vous avez donné, tantôt, la définition d'une femme
seule, à savoir que ça devrait être une personne seule,
point. Comme un homme seul, c'est une personne seule. Vous avez parlé,
dans les termes, d'une personne à responsabilités familiales. En
fait, il y a trois hypothèses au fond. L'hypothèse où la
personne est seule, l'hypothèse où elle est seule avec son
conjoint et l'hypothèse où elle est seule, j'imagine, avec son
conjoint avec des enfants ou encore des parents âgés, qui que ce
soit qui est une personne qu'on appelle une personne à charge.
J'aimerais savoir, dans votre esprit, quelle devrait être la
définition qui engloberait ou qui différencierait ces trois
situations?
Mme Dolment: Pour nous, des conjoints où ce n'est pas une
femme qui est née avant 1944 - parce qu'on met cette
génération-là à part, ce n'est rien de plus que
deux amis qui vivent ensemble, point. Ils n'ont droit à rien de plus.
Pour nous, un couple, c'est un couple. Qu'il y ait un bout de papier qui
s'appelle "contrat de mariage" ou qu'il n'y ait pas de bout de papier, ce sont
deux personnes qui vivent ensemble. La charte interdit de discriminer ou de
leur donner plus davantage qu'à d'autres, ces gens-là, c'est
tout. Même le Code civil a été changé. Avant,
l'homme devait faire vivre la femme. Le Code civil a été
changé et, maintenant, chacun doit se faire vivre sauf qu'il y a un
devoir d'assistance. C'est juste ça, la différence. Alors seuls
ou avec d'autres, ils n'ont pas droit plus que les autres.
La seule différence, ce sont les personnes qui ont des charges
familiales. Alors, nous, ce qu'on a mis, c'est tellement simple. Monsieur a
parlé du nombre de ses fonctionnaires, 325; avec notre proposition -on
peut les recycler ailleurs ces fonctionnaires-là - ça va
être 225 à peu près. Parce qu'on a deux régimes.
C'est-à-dire les personnes seules ont toutes 75 % du salaire moyen.
Qu'elles vivent ensemble, qu'elles ne vivent pas ensemble, peu importe, c'est
75 %. Peu importent leurs activités, qu'elles gagnent, qu'elles ne
gagnent pas. Elles peuvent faire du travail bien plus valable si elles ne
travaillent pas que si elles travaillent. Parce qu'elles peuvent faire du
bénévolat. On ne sait pas ce qu'elles font. (16 h 15)
Deuxièmement, les autres sortes de personnes qui ont des charges
familiales, parents âgés ou enfants, elles vont avoir 100 % du
salaire moyen. Et nous, nous maintenons ce qui est actuellement dans la loi, 5
% de plus par entant ou peut-être par personne à charge. Alors, on
appellera ces personnes-là des personnes avec responsabilités
familiales sans faire de distinction. On insiste beaucoup là-dessus
parce que c'est de la discrimination par rapport à l'activité. On
sait très bien que, dans une compagnie, la personne qui va chercher des
contrats et l'autre qui produit se séparent, elles ont droit à la
moitié des biens, à la même considération, d'autant
plus que celle qui va chercher les contrats a un compte de dépenses, et
c'est très agréable. Je pense que la personne qui a la
responsabilité familiale du soin ou celle d'apporter de l'argent doit
avoir le même montant si elle est invalide ou si elle est immobile pour
un
certain temps, c'est-à-dire 100 % du salaire moyen plus 5 % et en
plus, si elle a de jeunes enfants, si c'est nécessaire - peut-être
que ce n'est pas nécessaire - avoir un service de gardiennage.
Pour nous, la définition, c'est personne seule ou personne avec
responsabilités familiales. Personne au foyer, c'est un ghetto, cela
n'existe plus. C'est aussi simple que cela. Une personne née avant 1944,
statut particulier, comme pour le Québec. Spécificité.
C'est tout.
M. Garon: Je trouve intéressant...
Mme Dolment: Ce n'est pas mêlant, ce sont deux types de
personnes: avec responsabilités familiales et sans
responsabilités familiales. Et une catégorie va
disparaître, parce qu'on n'a pas mis, comme dans la loi, que
c'était 35 ans, que cela restait 35 ans même en l'an 2000. Nous,
on a mis "née avant 1944", ce qui veut dire que dans 30 ans, il n'y en
aura plus. Il y a juste cette catégorie, c'est comme l'action positive,
on compense parce que ces femmes, on les empêchait quasiment de
travailler. Leur mari disait: C'est bien de valeur, tu restes à la
maison. Elles avaient des enfants et, en général, elles ne
pouvaient pas avoir de bons postes. C'est une catégorie qui va
disparaître. Il y a cette petite catégorie qui fait en sorte que
notre édifice n'est pas tout à fait parfait, mais cela va
disparaître.
Mais il reste deux sortes de personnes: personnes seules et personnes
avec responabilités familiales, qui ont des activités. Les
activités des personnes seules, c'est 75 % du salaire moyen et les
autres, parce qu'elles ont besoin de plus d'argent, elles ont des
responabilités familiales, c'est plus lourd, cela aura plus d'impact,
c'est 100 %. Et les enfants, évidemment, ont un peu moins, on l'a mis,
c'est le minimum, entre 13 et 18 ans, c'est 50 % du salaire moyen.
Évidemment, il y a les créancières de mesures
compensatoires; on n'appelle pas cela "pension alimentaire" parce que c'est
infantiliser des femmes, ce sont des mesures compensatoires familiales et pour
les enfants, ce sont des pensions alimentaires. C'est bien différent.
Les créancières de famille monoparentale, si l'ex-conjoint ou le
père des enfants meurt, à ce moment-là, elles auront
droit, jusqu'à ce que l'enfant ait 18 ans ou 25 ans, soit à un
montant forfaitaire au bout de deux ans ou à un montant de pension
alimentaire, ce qui est très peu, et le montant de mesure compensatoire
pour la femme, qui est encore minime, qui est quasiment ridicule. Elle pourra
continuer à l'avoir tant qu'elle aura la responsabilité des
enfants, à moins de préférer avoir un montant forfaitaire.
On pourra s'entendre. Je ne veux pas aller dans le détail
là-dessus, on l'a mis.
C'est pour dire que la créancière de pension alimentaire
pour l'enfant ou la créancière de mesure compensatoire va obtenir
quelque chose, mais je reviens sur la définition de l'enfant. Je ne sais
pas si vous êtes d'accord avec cela, M. Garon, mais définir un
enfant qui est à la charge de la victime comme devant être
débiteur de 50 % de l'entretien de la victime - il faut que la victime
ait payé plus que 50 % de l'entretien de l'enfant et vu aux besoins
vitaux; si elle n'était pas le gardien, elle ne voyait pas aux besoins
vitaux - cela élimine à peu près toutes les familles
monoparentales. C'est effrayant.
M. Garon: Je voudrais parler des définitions pour
démarquer les termes employés.
Mme Dolment: II y en a trois: créancière, personne
seule et personne avec responsabilités familiales.
M. Garon: L'autre question que je voulais vous poser, c'est:
Comment voyez-vous - vous l'avez dit d'une certaine façon -le traitement
de personnes qui, au moment de l'accident, étaient sur le marché
du travail, à l'extérieur du foyer, et les personnes qui
n'étaient pas sur le marché du travail, à
l'extérieur du foyer, et qui, à ce moment-là,
étaient à la maison, quelle que soit la définition?
Mme Dolment: Pour nous, c'est une assurance automobile, ce n'est
pas une assurance-salaire. On l'a dit tout à l'heure, toutes les
activités sont valables pour nous. Un écrivain ne gagne
peut-être pas... On le sait, les artistes ne gagnent pas, c'est souvent
après leur mort. On ne peut pas l'évaluer. Les gens qui font du
bénévolat -et Dieu sait qu'il y en a - auront le
même...
M. Garon: Ce n'est pas de cela que je veux parler.
Mme Dolment: Non, non, mais ils auront le même montant.
Vous dites: Quelqu'un qui travaille à l'extérieur et quelqu'un
qui n'a pas d'argent, en somme, qui ne gagne pas, pour nous, il aura le
même montant. La seule différence, c'est les
responsabilités familiales ou l'âge, soit moins de 18 ans. Mais il
aura le même montant. Pourquoi est-ce qu'il aurait plus? On ne peut pas
évaluer les activités que la personne fait. Sa valeur... La
personne qui vient d'avoir un accident perd sa qualité de vie -c'est
cela, elle a perdu sa qualité de vie, ses activités. C'est la
même chose pour tout le monde, sauf que les conséquences pour
celle qui a des responsabilités familiales doivent être
compensées par plus d'argent, comme
l'enfant aura moins parce qu'il a moins de responsabilité. C'est
uniquement cela. C'est une assurance automobile. On a tellement
été habitué à la voir comme assurance-salaire qu'on
a de la misère à raisonner autrement, mais c'est une perte
d'activités.
C'est comme pour un bras. On ne demandera pas à une personne qui
a perdu son bras, quand on va évaluer le bras: qu'est-ce que vous
faisiez avec votre bras avant, vous? Ah! Vous ne travailliez pas, bien votre
bras vaut moins que la personne qui travaillait avec son bras. Vous faisiez un
travail qui vous rapportait 50 000 $ et vous, vous faisiez un travail qui vous
rapportait seulement 10 000 $, c'est bien de valeur, monsieur, mais je vous
donne moins pour vous et plus pour l'autre. C'est cela.
M. Garon: C'est parce que la régie considère
qu'après un certain nombre d'années, vous pouvez devenir gardien
d'un terrain de stationnement.
Mme Dolment: Puis? Vous méprisez les gardiens de
stationnement? Pas moi.
M. Garon: Non, ce n'est pas dans ce sens-là...
Mme Dolment: Pas moi.
M. Garon: Dans le sens que...
Mme Dolment: Je connais des gens qui...
M. Garon: Si vous avez une capacité de travailler...
Mme Dolment: Ah oui.
M. Garon: ...comme gardien de stationnement et qu'un gardien de
stationnement gagne tant, on vous donne la différence et on dit:
Trouvez-vous une "job" comme gardien de stationnement.
Mme Dolment: Ce n'est pas cela du tout.
M. Garon: C'est le raisonnement qui est là-dedans.
Mme Dolment: Pour nous, ce n'est pas basé du tout sur le
fait qu'elle puisse être active ou non. Les financiers ne foutent rien,
ils sont assis et ils parlent au téléphone pour dire: vends-moi
ci et vends-moi cela. Ils ont tant de revenus et ils vont se faire rembourser,
voyons donc! Ils ne font rien, ils sont assis comme le gardien de
stationnement. Le gardien de stationnement fait plus, ce n'est pas de sa faute
s'il n'a pas d'argent. C'est de la discrimination que d'évaluer les
activités des gens. Ce qu'il faut, par exemple...
M. Garon: Ne le faites pas évaluer comme un financier
à la place d'un gardien de stationnement parce que là, il n'aura
plus droit à rien. C'est parce que la régie dit qu'elle doit
payer... On dit que le système...
Mme Dolment: Elle n'a pas le droit de le faire...
M. Garon: ...paierait la différence seulement.
Mme Dolment: ...c'est même illégal ce qu'elle fait
actuellement, parce que tout le monde paie le même montant. Vous, si vous
payez pour un même service, vous n'avez pas le droit de recevoir un plus
gros service sous prétexte que vous êtes mieux habillé,
parce que c'est ce qu'elle fait. Si vous payez le même montant
d'argent, vous allez avoir le même repas au restaurant. Ce n'est pas
parce que vous êtes bien habillé, avec un manteau de 2000 $, qu'on
va vous donner mieux; en tout cas, ce n'est pas correct, si c'est fait.
M. Garon: Vous êtes mieux de ne pas vous adresser à
moi parce que je porte un trench l'hiver.
Mme Dolment: Non, mais je donne un exemple, en fait.
M. Garon: C'est parce que je ne suis pas frileux.
Mme Dolment: Mais vous comprenez l'idée,
c'est-à-dire que c'est la perte d'activités qui doit compter.
Maintenant, s'il y a des obligations familiales, parce que cela a
été dit quand cela a été mis sur pied, et je peux
reprendre les déclarations de la ministre - parce que c'était une
ministre -qui a dit que, de la façon dont c'était fait,
c'était justement un peu une approche sociale parce que, autrement, ce
n'est pas une approche sociale, mais ce ne serait pas du "no fault". Même
cela, c'est quasiment un peu antisocial parce que, enfin, pour 50 % des gens,
c'est arrivé par leur faute, parce qu'ils ont trop bu. Je pense qu'au
moins, on devrait bien traiter les gens qui ont des responsabilités
familiales, c'est cela qui compte. La seule différence qu'on fait, c'est
pour la responsabilité familiale; ceux-là doivent avoir plus.
M. Garon: Vous avez dit qu'entre un montant forfaitaire et une
rente, vous privilégiez nettement la rente.
Mme Dolment: Oui, pour plusieurs raisons. D'abord, quand on a
fait le calcul, s'ils le prennent globalement, peut-être qu'ils
vont dire qu'ils investissent plus d'argent dans cela, mais, comme je le
dis, c'est parce qu'il y a des gens qui sont plus riches et qui vont avoir
plus. Mais au point de vue de l'équité, ce n'est pas vrai. Si
vous regardez l'annexe ici, vous allez voir que c'est à 45 ans que
l'homme vaut le plus cher: il vaut 150 000 $ et c'est multiplié par cinq
s'il meurt, d'accord? À 45 ans. C'est sûr que là, il va
peut-être y avoir plus d'argent qui aura été mis. Mais cela
ne veut pas dire que pour la personne qui faisait seulement 9000 $ ou 10 000 $
et dont l'enfant reste sans aucune rente, parce que l'enfant n'aura pas de
rente, c'est seulement un montant forfaitaire qui sera versé. L'enfant
d'un an n'aura que 25 000 $ jusqu'à 18 ans, alors qu'on sait que cela
coûte 100 000 $.
La rente actuelle qui est versée - mais là, nous, ce n'est
pas tout à fait notre philosophie - c'est 40 %, quand ce sont des
personnes à charge, plus tel pourcentage, mais on pense que les familles
pauvres vont y perdre avec cela. De la façon que c'est fait, avec le
montant forfaitaire, ce n'est pas vrai qu'ils vont gagner plus, les gens
riches vont peut-être gagner plus, mais pas les gens pauvres.
De toute façon, il y a un danger aussi, parce qu'on l'a
dit: Supposons que la personne reçoit 25 000 $ d'un coup sec et qu'elle
ne sait peut-être pas comment l'investir ou s'il n'y a pas de conjoint,
de père, on sait comment la Curatelle administre les biens publics, on a
vu les scandales. Si les 25 000 $ étaient déposés et mal
placés et qu'après cela, il n'y ait plus d'argent pour l'enfant,
on préfère qu'il y ait une rente régulière pour
aider l'enfant jusqu'à l'âge de 18 ou de 25 ans, s'il est aux
études, et qu'il y ait un montant évidemment pour la personne qui
en prend soin. Avoir un enfant, ce n'est pas comme être
célibataire. On sait la différence. On sait combien cela
coûte de garderie et de gardienne. Les vêtements d'enfants, on sait
combien cela coûte. La rente n'arrivera pas à payer tout cela,
même la rente pour l'enfant. Ce n'est pas sage, c'est imprudent et c'est
injuste. C'est inéquitable. D'ailleurs, si vous le remarquez, les
montants forfaitaires sont encore basés sur le revenu.
M. Garon: Je suis plutôt de votre avis là-dessus. Je
l'ai dit hier. Même dans le cas de la CSST, où il faut demander
l'autorisation de verser un montant forfaitaire plutôt qu'une rente et
justifier pourquoi on veut avoir un montant forfaitaire plutôt qu'une
rente. Des gens viennent nous voir à nos bureaux de comté pour
différents cas. Souvent, j'ai même tenté de dissuader des
gens de prendre un montant forfaitaire. Je leur ai dit: La nature humaine
étant ce qu'elle est, parfois on peut se retrouver avec un montant qui
n'est plus là. Parfois, il y a de bonnes raisons.
Mme Dolment: Oui.
M. Garon: Je vous le dis à l'avance, je suis plutôt
de votre avis, non pas plutôt, je suis de votre avis. Il y a les
arguments de ceux qui sont contre, ceux qui disent: En quoi un organisme
gouvernemental... Je voudrais vous demander, plutôt que de fournir votre
argumentation là-dessus, pour avoir plus d'arguments... Ils disent: On
est en face de personnes adultes; pourquoi choisirait-on de leur donner une
rente plutôt qu'un montant forfaitaire? Remarquez bien que c'est un peu
théorique; c'est un peu comme le libre-échange. Dans les livres
d'économie, le libre-échange, c'est ce qu'il y a de mieux, mais,
en pratique, on se rend compte que ce n'est pas toujours ce qu'il y avait dans
les livres. C'est un peu la même chose pour le montant forfaitaire par
rapport à la rente. Ceux qui sont contre, qui disent: On devrait verser
un montant forfaitaire, vont vous dire: La Régie de l'assurance
automobile n'est pas le gardien de la population. Si la personne a droit
à tel montant, pourquoi décideraient-ils de lui donner telle
chose, une rente plutôt qu'un montant forfaitaire, alors qu'elle
préférerait avoir un montant forfaitaire?
Mme Dolment: Parce que ce ne sont pas des adultes. Dans notre
approche, ce ne sont pas des adultes. Les adultes ont simplement à
prendre soin d'eux-mêmes.
M. Garon: II n'y a pas seulement dans le cas des adultes.
Mme Dolment: Non, mais nous...
M. Garon: L'avant-projet de loi parle également pour
les...
Mme Dolment: C'est ce que je dis. Notre approche vise les
enfants. Si l'adulte a quelque chose, c'est dans le cas de décès.
On parle toujours dans le cas de décès. On ne parle pas dans le
cas de remplacement du revenu. On parle seulement, dans le cas de
décès, des seules personnes qui ont droit à un montant
d'argent. Le conjoint n'a pas droit à de l'argent. On a fait sauter
cela. Il n'a pas d'affaire à avoir de l'argent. La perte d'un être
cher, cela ne se paie pas. Nous l'avons fait sauter. C'est simplement s'il y a
des enfants.
Oui, l'État a une responsabilité. La
responsabilité, c'est précisément de voir à ce que
cet enfant ait le montant nécessaire qui remplace le père, ni
plus ni moins, ou la mère. Il faut que le montant vienne
régulièrement. C'est une espèce de responsabilité
de l'État. C'est pourquoi, aux assistés sociaux, il va donner un
montant
tous les mois. Même dans le cas d'un remplacement du revenu,
pourquoi ne donnerait-on pas un montant forfaitaire à la personne qui
vient d'avoir un accident en lui disant: Arrangez-vous avec cela? Non, on
remplace le revenu parce qu'il faut que cela vienne
régulièrement. Il y a une responsabilité sociale de
l'État. C'est la seule raison.
L'assurance automobile, c'est une responsabilité sociale, sans
cela, il n'y aurait pas de "no fault". Ceux qui ont mis ce régime en
place ont dit: Les gens, cela leur prend tellement de temps, même s'ils
étaient coupables, à avoir de l'argent - ils nous citaient des
cas à faire pleurer - qu'ils ont été obligés
d'aller - cinq ou six ans -jusqu'en Cour suprême avant d'avoir un montant
d'argent. Ces pauvres gens, on va les aider. C'est une approche sociale.
Là, il faut aider les enfants. Nous, ce sont les enfants et les parents
n'ont de l'argent que parce qu'ils sont parents gardiens. C'est uniquement
cela. On a fait sauter le reste. Les adultes, je suis bien d'accord avec vous,
feront bien ce qu'ils voudront, mais nous, on ne leur donne rien. C'est
seulement parce qu'ils ont des responsabilités familiales qu'on leur
donne quelque chose. Je parle toujours dans le cas de décès parce
que s'il n'y a pas décès, la Régie de l'assurance
automobile ne donne pas de montant forfaitaire. Elle donne un remplacement de
revenu. Elle ne l'a même pas fait pour le présent. Quand il n'y a
pas de décès, elle ne donne pas un montant forfaitaire en disant:
Vous êtes un adulte; arrangez-vous avec cela. Elle remplace le revenu
tous les mois, à tous les quatorze jours. Elle ne le fait pas.
M. Garon: Vous dites, à la page 1: "Pourtant,
malgré la dénatalité, signal que lui lancent les femmes,
le gouvernement continue à ignorer le sort que le système qu'il
révise périodiquement leur fait. Il le maintient et l'aggrave.
Son avant-projet de loi en est un bel exemple." Pourriez-vous indiquer en quoi
vous considérez qu'il l'aggrave, en plus de ce que vous avez
déjà dit en réponse aux questions qu'on vous a
posées? (16 h 30)
Mme Dolment: Oui. Le fait de dire qu'il n'y aura plus, selon la
famille... Avant, c'était 5 % de plus par enfant à charge. Ils
ont fait sauter cela. Donc, cela aggrave énormément la
situation. La famille ne compte plus. On se lamente qu'il n'y a plus d'enfants
et ils font pire. Si on a trois ou quatre enfants, cela coûte plus cher
et ils n'en tiennent pas compte. Avec cela, c'est comme si tout le monde
était célibataire. La seule valeur, c'est l'argent. On trouve
qu'actuellement, ils ont mis l'importance uniquement sur l'argent. On ne tient
pas compte des enfants, on méprise les enfants.
Un enfant qui perd ses activités, c'est une perte de
qualité de vie. La qualité de vie n'existe pas, c'est le signe de
piastre qui compte dans cela. L'enfant ne peut plus jouer. C'est écrit
que les activités normales d'un enfant, la perte de jeux, on compensait
cela et là, ce n'est que l'année perdue. Il y a donc un
recul.
On me dit que la définition d'un enfant est la même
définition, c'est 50 %. Ce n'est pas une excuse, mais on pensait que
c'était pire, alors que c'est la même affaire. Pour les femmes, on
a dit pourquoi c'était très insultant ce qu'ils faisaient en se
mettant le nez dans la définition des tâches
ménagères. C'est un recul, c'est arriéré, ce n'est
pas possible par rapport à la définition.
Les personnes sans emploi avaient droit à un minimum, elles n'ont
plus droit à rien du tout. Avant on pouvait évaluer et dire cette
personne-là était enseignante, on va lui donner tel montant
d'argent. Si on veut maintenir la question du remplacement du revenu, on n'a
pas cette approche-là, mais à supposer qu'on la garde pour
pouvoir discuter, ils pouvaient évaluer - même s'ils le faisaient
mal - que la femme aurait pu avoir tel poste sur le marché du travail.
Ce n'est plus cela. Si elle est au foyer, ils vont le faire seulement
après six mois, soit 180 jours. En attendant, on dit: Faisais-tu le
ménage ou autre chose? C'est seulement ce qui va compter et non pas ce
qu'elle aurait pu faire, pas du tout. C'est un recul sur toute la ligne. La
seule amélioration avec laquelle je suis d'accord à 100 %, c'est
quelqu'un qui perd jusqu'à 125 000 $. J'aimerais beaucoup voir les
règlements aussi. On ne les a pas, c'est un peu difficile de parler.
Une autre affaire, c'est l'indexation. C'est la même chose, on a
indexé tous les montants. Pourquoi n'a-t-on pas - on s'était
plaint à Lise Payette, d'ailleurs - indexé les 150 $? Quand ils
l'ont mis en application, c'était à 150 $ et c'est encore
à 150 $. C'est bizarre, on a indexé tous les autres montants,
mais dès que cela concerne la femme, comme les pensions alimentaires, ce
n'est pas indexé automatiquement. On voudrait que ce soit indexé.
Le montant pour les gardiennes et même le montant pour quelqu'un qui
meurt, ils n'ont même pas indexé le montant pour les
funérailles. Pourquoi ne le font-ils pas?
M. Côté (Charlesbourg): On me dit que c'est rendu
à 294 $. Donc, c'est indexé.
Mme Dolment: Ils ont changé les approches, c'est
différent, mais ce n'est pas indexé et cela va rester tel quel.
C'est comme dans la fiscalité, si on n'indexe rien, cela veut dire qu'on
perd. Chaque année, cela va perdre de sa valeur.
M. Garon: J'aimerais poser une question. Elle s'adresse autant au
ministre. Jusqu'à maintenant, le ministre a indiqué qu'il donnera
l'occasion à des groupes de rencontrer la Régie de l'assurance
automobile et les gens de son ministère dans la confection d'un projet
de loi, c'est-à-dire la Commission des services juridiques, le Barreau
du Québec, le Bureau d'assurance du Canada, les camionneurs. Je me
demande si le ministre accepterait de rencontrer le Réseau d'action et
d'information pour les femmes, dans ce cadre-là, et si vous seriez
disponibles si vous étiez convoquées?
Mme Dolment: C'est une excellente idée. D'ailleurs, quand
on entendait les camionneurs qui étaient convoqués à des
réunions, les chauffeurs de taxi, on a vu aussi, dans les journaux, que
le Barreau était convoqué. On s'est dit: Peut-être qu'on a
une chance. Je vous remercie, M. le député. À moins que le
ministre ne veuille pas nous voir...
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Dufour: Au contraire! Au contraire!
M. Garon: J'ai pensé qu'il l'avait simplement
oublié.
M. Côté (Charlesbourg): J'ai toujours...
Mme Dolment: Mais à cause des vives discussions que nous
avons eues...
M. Côté (Charlesbourg): Absolument pas. Je pense
qu'il ne faudrait tirer aucune espèce de...
Mme Beaulieu: À cause de notre tort d'être une
femme.
Mme Dolment: À cause de notre tort d'être une
femme.
M. Côté (Charlesbourg): Non, il ne faudrait tirer
aucune espèce de conclusion. On a pris, d'ailleurs, plus de temps pour
discuter avec vous qu'avec nul autre.
Mme Dolment: On l'apprécie.
M. Côté (Charlesbourg): Je pense que c'est
peut-être une indication de notre bonne volonté, mais il y a quand
même des distinctions à faire. La Commission des services
juridiques et le Barreau sont intervenus avec des points juridiques importants
et il y avait des questions de libellé qui pouvaient parfois porter
à -confusion. J'ai invité, en effet, la Commission des services
juridiques et le Barreau à une rencontre très prochaine, pour
être capables de vérifier si le sens qu'on donne à un
libellé est bien celui qu'ils donnent. Il faut au moins se donner la
chance de dire qu'on a telle visée, si notre libellé ne traduit
pas cela, on va tenter de le changer, de le vérifier avec des juristes,
premièrement. Je pense que c'est important. Deuxièmement, pour la
catégorie des camionneurs et des taxis. Ce qu'ils ont demandé,
c'est davantage une rencontre pour avoir accès à de
l'information. Dans le cas des taxis...
Mme Dolment: Nous aussi, nous aimerions cela.
M. Côté (Charlesbourg): ...pour régler une
partie des problèmes inhérents à l'assurance; dans le cas
du camionnage, pour vérifier un certain nombre de données. Les
données de la Régie de l'assurance automobile, ce sont des
données, quant à moi, qui sont publiques. Je n'ai pas d'objection
à ce qu'on puisse aller vérifier des données à la
régie pour vérifier un certain nombre de choses. C'est
payé à même l'argent des citoyens. De mon vécu, je
n'ai pas compris que la régie avait caché ou refusé de
donner des choses. Là-dessus, il n'y a pas de problèmes majeurs.
Je ne suis pas fermé à avoir une rencontre avec vous
ultérieurement.
Mme Dolment: Nous aimerions beaucoup cela, justement, pour la
définition de personne au foyer, je pense que nous sommes
spécialistes des personnes au foyer et que nous pouvons...
M. Côté (Charlesbourg): Voici ce que je vais faire.
Cela va nécessiter une séance de travail ou deux avec la
régie pour décanter ce qu'on a fait jusqu'à maintenant,
pour voir le sens à donner à certains propos. Faire le bilan de
ce qu'on peut aménager, là où on ne peut pas aller et
là où on ne veut pas aller. Il ne faut pas se faire d'illusions.
Je ne sortirai pas par la porte d'en arrière. Je vais sortir par la
porte d'en avant et vous allez savoir où je vais. Je peux avoir une
rencontre avec vous, très certainement, et avec plaisir. On refera le
tour d'une partie du dossier. Il n'est pas cinq heures, on se comprend bien. On
refera le tour du dossier. C'est avec plaisir que je vais vous recevoir chez
nous. Vous allez voir, on n'en sortira certainement pas avec la conclusion que
l'un ou l'autre est une tare.
Mme Dolment: J'espère.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vais faire diligence pour
une dernière question, M. le député de Lévis.
M. Garon: Ce n'est pas une question. Je vais vous dire pourquoi,
je trouve cela
important. Vous allez peut-être dire que j'ai des
préjugés ou non. Dans le passé, j'ai toujours eu le
sentiment que les organismes féministes défendaient beaucoup plus
la femme sur le marché du travail que la femme à la maison, la
femme qui n'est pas sur le marché du travail, quelle que soit la
définition. Ce qui m'a frappé aujourd'hui, je dois dire, avec
beaucoup de satisfaction... Tous ceux qui ont été
député pendant plusieurs années se sont rendu compte
facilement que les femmes sur le marché du travail sont souvent beaucoup
mieux organisées, mieux structurées, et que les femmes qui ne
sont pas sur le marché du travail sont habituellement sans voix et ne
sont pas organisées.
Les femmes à la maison ou les femmes qui ne sont pas sur le
marché du travail ou qui vont y être plus tard, mais n'y sont pas
actuellement sont très touchées par cet avant-projet de loi. Il
n'y a pas souvent de gens qui parlent pour elles.
Ce qui m'a frappé dans votre intervention, et cela m'a fait
grandement plaisir de le voir, c'est que vous avez pris une grande partie de
votre temps, aujourd'hui, pour parler des femmes à la maison, qui ne
sont pas sur le marché du travail et qui ne sont absolument jamais
représentées, qui sont presque toujours oubliées ou
encore, en faveur de qui, il n'y a pas de pression, en aucune façon.
Comme vous avez dit à la page 1, cela m'a frappé, dans une
époque où on a un des taux de natalité les plus bas au
monde, il va falloir commencer à penser aussi - non pas seulement
à elles, mais aussi - aux femmes qui sont à la maison, dans le
même cadre que vous le dites, quand vous dites que c'est un signal que
lancent les femmes.
C'est pourquoi je trouve cela important, de la même façon -
il n'y a aucune honte à cela - que les chauffeurs de taxis s'occupent de
leurs intérêts. Au contraire, il n'y a pas de honte à ce
que les camionneurs s'occupent de leurs intérêts. Il n'y a pas de
honte à ce que les gens du Barreau tiennent compte de leurs clients,
dont font partie différentes catégories de femmes, ou encore la
Commission des services juridiques, mais il n'y a surtout pas de honte à
ce que les femmes qui représentent les femmes puissent être
entendues au même titre que ceux qui représentent leurs
intérêts. Je trouve cela très important que vous ayez voix
au chapitre.
Mme Dolment: Je dois vous dire, M. le député, que
justement, si vous aviez assisté aux commissions parlementaires sur la
justice - cela fait quatorze ans que nous les suivons - vous auriez vu que cela
fait très longtemps qu'on défend toutes les femmes et plus
peut-être les femmes au foyer, parce que, justement, on s'est
aperçu que les femmes au travail avaient leurs syndicats pour les
défendre et que les femmes au foyer, très souvent, parce qu'elles
sont prises par leurs problèmes, n'en avaient pas. C'est pour cela que
nous insistons. Nous sommes contentes de voir qu'on a votre appui et on vous
remercie de la suggestion. On remercie aussi M. le ministre de vouloir recevoir
le RAIF. Je pense qu'on peut bonifier, comme vous dites si bien dans vos
débats parlementaires, le projet de loi pour qu'il soit acceptable pour
tout le monde.
M. Côté (Charlesbourg): Comme vous avez vu, il y a
de la bonté dans mon attitude et dans la vôtre.
Des voix: Ha! Ha!
M. Côté (Charlesbourg): C'est avec plaisir qu'on va
vous recevoir. D'ici le début de la semaine prochaine, je vous donnerai
la date.
Mme Dolment: Eh bien, je vous remercie beaucoup. Oui.
Mme Beaulieu: Merci au nom des femmes.
Mme Dolment: Oui, veux-tu ajouter quelque chose?
M. Garon: Au cas où vous accepteriez qu'un membre de
l'Opposition assiste à la rencontre.
M. Côté (Charlesbourg): Cela a été ma
ligne de conduite jusqu'à maintenant...
M. Garon: Non...
M. Côté (Charlesbourg): ...et Mme Harel vous l'avait
très bien signifié. Je ne vois aucune espèce de
problème de ce côté.
M. Garon: Je vous remercie.
Mme Dolment: Ah! On tient à vous remercier vraiment.
Justement, cela nous fait plaisir quand les gens posent des questions, des
objections, même si c'est un peu vif, comme je vous le dis, et je pense
que vous êtes un peu aguerri par rapport à cela. Claudette a
peut-être...
Mme Beaulieu: Non, moi je vous remercie au nom de toutes les
femmes, qu'elles soient au foyer ou à l'extérieur, je pense que
c'est important qu'il y ait des oreilles masculines qui les
écoutent.
Mme Dolment: Oui, parce que ce n'est pas comme,
évidemment, en Norvège, comme on a vu à la
télévision hier soir. Ce n'est pas encore la moitié du
cabinet qui est
formée de femmes, mais on compte quand même sur
l'évolution des mentalités.
M. Côté (Charlesbourg): De ce que j'ai compris,
peut-être que vous...
M. Garon: En Norvège? Mme Dolment: En Norvège.
M. Côté (Charlesbourg): De ce que j'ai
compris...
M. Garon: En Norvège? Si vous remarquez, la
Norvège, c'est un pays qui est devenu indépendant par
référendum autour de 1905.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
Mme Dolment: Et la première ministre, c'est une femme.
M. Côté (Charlesbourg): De ce que j'ai compris, il
faut aussi se méfier des femmes.
Mme Dolment: Il faut se méfier, c'est-à-dire que
vous n'avez pas la conscience en paix.
M. Côté (Charlesbourg): Non, ce n'est pas cela. Je
reprends vos propos.
Mme Dolment: Vous voulez dire, c'est par rapport... Non.
C'est-à-dire qu'il faut se méfier des gens qui ne sont pas
évolués. Non pas des femmes.
Le Président (M. Saint-Roch): Je m'excuse. J'aimerais
remercier le Réseau d'action et d'information pour les femmes pour
certains éclairages nouveaux apportés, dans ce dossier, à
la commission de l'aménagement et des équipements.
M. Garon: Je voudrais vous remercier. Je peux vous dire que vous
défendez avec beaucoup de conviction la cause que vous venez nous
présenter.
Mme Dolment: Merci. Venant de vous, M. le député,
c'est un beau compliment.
Le Président (M. Saint-Roch): Je demanderais maintenant
à Me Marc Bellemare de bien vouloir prendre place, s'il vous
plaît.
Me Bellemare, bienvenue à la commission de l'aménagement
et des équipements. À ce moment-ci, je vous céderai la
parole en vous rappelant que vous avez maintenant 20 minutes pour
déposer votre mémoire. (16 h 45)
M. Marc Bellemarre
M. Bellemare (Marc): Cela fonctionne? Merci, M. le ministre,
messieurs, mesdames les parlementaires d'avoir accepté de me permettre
d'être entendu devant cette commission. Je pense que quelques-uns d'entre
vous ont sûrement pris quelques minutes pour lire le mémoire. Je
vais quand même m'attarder, si vous le permettez, à vous en faire
une lecture de certains passages principaux qui m'apparaissent pertinents.
Depuis plus de huit ans que je pratique le droit, donc depuis 1979, j'ai
eu l'occasion de représenter plus de 400 victimes de la route.
Dès 1978, année d'entrée en vigueur du régime
public d'indemnisation, je complétais ma formation professionnelle au
Barreau. Je suis donc de cette génération d'avocats qui n'a pas
vraiment connu l'ancien régime de responsabilité avec faute qui a
permis à tant de collègues de s'illustrer devant les tribunaux
civils, à la recherche désespérée d'un conducteur
fautif.
Les avantages du régime actuel sont bien connus: indemnisation
assurée, règlement rapide, coûts modestes de financement,
etc. L'avant-projet de loi vise, semble-t-il, à réaménager
certaines indemnités en privilégiant une hausse des
indemnités pour incapacité permanente et en limitant la
durée et le quantum de l'indemnité de remplacement de revenu dans
la plupart des classes de victime.
Il permet donc de favoriser les grands blessés, ceux qui, toute
leur vie, auront à supporter un handicap permanent. Il est
évident que l'écart demeure souvent immense entre les
indemnités consenties par les tribunaux civils et celles prévues
même à l'avant-projet de loi. Mais il faudrait probablement
modifier en profondeur tout le régime de financement pour corriger ces
injustices et indemniser une victime pour le préjudice entier qu'elle
vit.
Quant à l'objet du présent mémoire, il se limitera
à quelques propositions concrètes visant à
améliorer le sort des victimes.
La première proposition: dans le cas où un accident
résulte d'un acte criminel au volant, la victime devrait pouvoir exercer
son recours civil en responsabilité contre le conducteur fautif.
Explication: la loi actuelle abolit tous les recours civils contre les
automobilistes responsables. C'est le régime de responsabilité
sans faute, le "no fault". Plusieurs croient qu'on encourage ainsi les
automobilistes insouciants à conduire délibérément
de façon à compromettre sérieusement la
sécurité d'autrui.
En fait, tous les conducteurs d'automobile sont, peu importe leur
conduite, à l'abri de tout recours civil. Seuls les recours criminels
devant les tribunaux criminels, pénaux, bien sûr, menacent les
fous du volant. La victime, elle, sera indemnisée par la
régie, soit par la société en somme.
Je propose qu'on crée une exception à la règle du
"no fault" pour ces cas précis. La victime aurait le droit de choisir,
à la suite d'un accident causé par un conducteur reconnu coupable
d'un acte criminel au volant. La victime pourrait donc réclamer
directement à la régie; ou, deuxième choix, poursuivre le
conducteur coupable directement en responsabilité civile, ou
réclamer à la régie et poursuivre au civil pour
l'indemnité additionnelle que le recours civil pourrait lui procurer.
Dans ces cas, la régie serait subrogée dans les droits de la
victime jusqu'à concurrence du montant qu'elle a versé.
Dans un autre régime de responsabilité sans faute en
vigueur au Québec, le deuxième, soit dans la Loi sur les
accidents du travail et la Loi sur les accidents du travail et les maladies
professionnelles, cette mécanique existe déjà. En
principe, un travailleur accidenté ne peut pas poursuivre en
responsabilité civile un employeur, autre que le sien, assujetti
à cette loi. Mais si l'accident est le résultat d'un acte
criminel, il y aura recours civil possible.
J'ai reproduit, en annexe A, les dispositions pertinentes de la Loi sur
les accidents du travail et les maladies professionnelles qui introduisent le
recours civil du travailleur accidenté dans les cas d'actes
criminels.
Cette première proposition comporte les avantages suivants.
Premièrement, répression et prévention accrue des
accidents résultant d'actes criminels, par exemple, facultés
affaiblies, alcool au volant, délit de fuite, tentative de meurtre.
Deuxièmement, justice pour les automobilistes cotisant au régime
et qui n'ont pas à financer les fautes lourdes et les criminels de la
route. Troisièmement, respect des droits d'une victime innocente en
diversifiant ses recours et ses possibilités d'obtenir la meilleure
indemnité possible. Quatrièmement, indemnité
assurée pour les victimes et, cinquièmement, économie pour
la régie et les cotisants.
Maintenant, la deuxième recommandation: le remboursement des
frais d'expertise encourus par la victime. Je propose que la victime qui
conteste son indemnité devant la régie, en révision ou en
appel, et qui obtient gain de cause devrait se voir rembourser
intégralement les frais d'expertise encourus dans le cadre du
litige.
Explication. L'avant-projet de loi augmente la discrétion de la
Régie de l'assurance automobile du Québec. C'est la régie
qui décide de tout. À l'intérieur du dossier d'une
victime, on peut souvent retrouver une dizaine de décisions, même
plus, dans certains cas. Le gouvernement ne décide pas beaucoup à
l'intérieur de cet avant-projet de loi. Il trace de grands principes
dont il confie l'application intégrale aux fonctionnaires de la
régie, si bien que la qualité des services, l'étendue des
indemnités, leur quantum, l'admissibilité en réadaptation
relèvent de leur entière discrétion. De plus, une foule de
décisions administratives concernant, par exemple, le remboursement des
frais de déplacement, la transmission du dossier médical, la
transmission d'informations diverses seront rendues
régulièrement. Selon le tempérament de l'agent
d'indemnisation, le dossier sera traité de façon adéquate
ou d'une manière irrégulière et préjudiciable
à la victime.
Que le gouvernement augmente le pouvoir discrétionnaire des
fonctionnaires n'a rien en soi de scandalisant. C'est là une
caractéristique des législations modernes en matière
d'indemnisation. Mais, il faudrait donner aux victimes tous les moyens pour
faire rétablir leurs droits lorsque la décision rendue est
douteuse ou préjudiciable. Il faut en somme instaurer des
mécanismes faciles d'accès et susceptibles de faciliter la
défense de leurs droits. Dans son état actuel, l'avant-projet de
loi ne prévoit aucune mesure susceptible d'assurer la primauté
des droits de la victime.
Par exemple, le régime actuel ne prévoit rien concernant
le remboursement des frais d'expertise lorsqu'une victime a gain de cause
devant la régie en révision ou en appel devant la Commission des
affaires sociales. La victime doit nécessairement assumer à
même ses propres deniers des frais d'expertise considérables
nécessaires au rétablissement de ses droits. Voilà qui est
au départ difficile à supporter pour une victime qui doit
déjà surmonter un handicap physique ou psychique.
Les victimes de la route ont une caractéristique
particulière. Elles sont rarement porteuses d'une lésion unique
comme c'est le cas, par exemple, chez les accidentés du travail. Elles
sont généralement polytraumatisées, c'est-à-dire
qu'elles doivent être traitées dans plusieurs disciplines
médicales. Avant de décider de la fin de l'indemnité de
remplacement du revenu, par exemple, ou du taux de déficit
anatomo-physiologique, la régie doit nécessairement faire
évaluer la victime par un de ses experts médicaux dans la
discipline dans laquelle la victime a reçu des traitements. La
régie demandera donc plusieurs expertises compte tenu que les blessures
sont souvent multiples et font appel à l'orthopédie, la
neurologie, la chirurgie esthétique, la psychiatrie, la physiatrie,
l'ophtalmologie, l'oto-rhino-laryngologie et j'en passe.
Si la victime est insatisfaite de la décision rendue par l'agent
de réclamation, elle pourra certes en demander la révision. Mais
avec quelle preuve? Les contre-expertises coûtent au minimum 250 $ sur
le
marché privé. Mais il n'est pas rare de voir des frais de
400 $ ou 500 $ pour certaines catégories, comme par exemple la
psychiatrie où les examens sont généralement plus longs et
plus coûteux. Je pense à ce client de la Beauce qui a reçu
en mai dernier une décision de la Régie de l'assurance automobile
lui accordant 6,5 % d'incapacité pour: 2 % en neurologie; 2 % en
orthopédie; 2,5 % en oto-rhino-laryngologie et 0 % en psychiatrie.
Évidemment, le dossier de la régie contient quatre
expertises différentes pour justifier son taux. La victime, elle, n'en
revient pas de voir qu'on ne lui accordera qu'une indemnité de 1889,01 $
- j'insiste sur le sou - pour les traitements, toutes les douleurs qu'elle doit
supporter et pour lesquelles on lui accorde 6,5 % d'incapacité.
Elle décide donc de contester devant le Bureau de
révision. Mais pour faire contrôler la justesse des conclusions
des experts de la régie, la victime doit obtenir quatre
contre-expertises ce qui lui coûtera, au bas mot, 1150 $. Sinon, les
évaluations de la régie seront maintenues par défaut. Pour
chaque pourcentage d'incapacité que les contre-expertises lui
permettraient d'obtenir en sus de ce que la régie lui accorde, la
victime se verrait verser à peu près 300 $ pour chaque
pourcentage. Voilà qui est particulièrement dissuasif surtout
lorsqu'on sait que tous ces frais seront entièrement à la charge
de la victime même si la régie est déboutée en
révision ou en appel.
Autre exemple courant. La victime subit un "whiplash", la blessure
probablement la plus courante chez les victimes de la route,
c'est-à-dire un traumatisme en hyper-extension du rachis cervical.
À la suite de la convalescence où la victime a reçu une
indemnité de remplacement de revenu pendant quelques mois, la
régie évalue son DAP (incapacité permanente). Si elle
reconnaît que les douleurs sont permanentes, elle accordera 2 %, à
peu près 600 $. Mais si elle refuse, elle n'accorde aucun DAP. La
victime insatisfaite devra contester en révision. Mais souvent il y aura
renonciation. Elle y renoncera à cause des coûts non remboursables
des expertises. Le dossier officiel de la régie révèlera
donc que cette victime n'est porteuse d'aucune incapacité permanente, ce
qui est faux. C'est plutôt que la victime s'est butée à un
système injuste et pour le reste de ses jours on considérera
qu'elle n'a plus mal au cou, qu'elle est guérie. En cas de rechute ou
d'aggravation future, la régie aura d'excellents motifs pour refuser la
nouvelle réclamation de la victime puisqu'en se référant
à l'expertise non contestée on concluera que la victime
n'était porteuse d'aucune séquelle permanente lors de
l'évaluation initiale.
Je recommande donc que la loi prévoie expressément que
lorsque la victime a gain de cause devant la régie, en révision
ou en appel, les frais d'expertise soient remboursés par la régie
sur présentation des factures. En terminant sur ce point, j'ajouterais
que les accidentés du travail ont droit, dans le même contexte,
à un remboursement jusqu'à concurrence de 150 $ par
expertise.
En outre, dans les rapports annuels de la Commission des affaires
sociales 1980-1981, on voit que cette commission avait déjà
recommandé que la Loi sur l'assurance automobile soit modifiée
dans le sens que nous proposons. Aucune suite n'a été
donnée à cette recommandation.
Troisième proposition: amendement à la Loi sur le Barreau
pour permettre à la victime d'être représentée par
la personne de son choix. J'ai reproduit en annexe C l'extrait pertinent de la
Loi sur le Barreau. Il prévoit que seuls les avocats ont le
privilège de conseiller ou de représenter une victime
relativement à ses droits d'accidenté de la route devant la
Régie de l'assurance automobile, en révision ou en appel.
La victime n'a donc pas le libre choix de son représentant,
contrairement aux accidentés du travail devant la CSST ou la Commission
des affaires sociales, aux locataires ou aux travailleurs face à
l'arbitrage. Pourtant, tous les gens qui oeuvrent en santé au travail
peuvent reconnaître que l'intervention de représentants divers
autres qu'avocats devant les tribunaux administratifs de ce secteur a
contribué grandement à promouvoir les droits des victimes du
travail. On a assisté alors à l'émergence de
spécialistes en la matière -pas nécessairement avocats -
de regroupements et d'associations voués à la promotion des
intérêts de leurs membres.
L'accidenté du travail peut donc se faire représenter par
son conseiller syndical, son agent d'assurances, son médecin de famille,
son association d'accidentés du travail ou encore son beau-frère
qui connaît ça. Les locataires, eux, bénéficient
également d'un amendement à la Loi sur le Barreau qui leur permet
d'être représentés devant la Régie du logement
à peu de frais par leur association, par leur comptable ou encore la
personne qu'ils croient assez compétente pour défendre leurs
intérêts.
Loin d'être pénalisés, les avocats ont soudainement
vu ce champ de pratique se développer considérablement. Ils ont
pu y jouer un rôle plus actif sur le plan professionnel. Leur
clientèle a généralement augmenté compte tenu
qu'une meilleure connaissance de leurs droits amenait les accidentés
à revendiquer une meilleure indemnité.
Selon moi, le libre choix du représentant est encore plus
nécessaire pour les victimes de la route que pour les accidentés
du travail, par exemple, qui
bénéficient déjà de ce droit.
L'accidenté du travail verra souvent un représentant syndical
intervenir pour soutenir ses démarches face à la CSST. Par sa
position sur le marché du travail, il a accès à une
série de ressources qui sont susceptibles de l'aider: le médecin
sur les lieux du travail, l'infirmière, le syndicat, le compagnon de
travail, l'agent de grief. Par définition, l'accidenté du travail
avait un emploi lors de l'accident.
La victime de la route, elle, peut être une femme au foyer, un
étudiant, un assisté social, une personne âgée. Elle
est totalement démunie lorsque l'accident survient. Elle n'a aucune
ressource. Un amendement à la Loi sur le Barreau permettrait la
formation de regroupements des victimes à qui elle pourrait s'adresser.
Avec la loi actuelle, aucun tel regroupement ne peut conseiller ou
représenter la victime sans commettre une infraction à la Loi sur
le Barreau.
Si je peux ouvrir une parenthèse là-dessus, c'est
probablement ce qui explique le fait qu'aucune association de victimes de la
route ne s'est adressée à vous depuis mardi.
Chez les accidentés du travail et les locataires, de nombreuses
associations existent actuellement et rendent des services innombrables aux
bénéficiaires. Et ceci n'a jamais empêché les
avocats vraiment intéressés d'y recruter une clientèle
appréciable.
Actuellement, à peine 19,9 % des victimes insatisfaites sont
représentées par avocats. Les autres ne sont pas
représentées et se retrouvent seules face à la
régie. Ce système est lourd et complexe. Il est impossible, dans
ce contexte, de soutenir que les victimes sont en position d'équilibre
face à la régie. La victime seule sera généralement
déboutée par le Bureau de révision présidé
par des avocats embauchés par la régie ou par des fonctionnaires
formés et spécialisés dans ce secteur
médico-légal.
Qui plus est, si la victime toujours seule se prévaut de son
droit d'appel devant la Commission des affaires sociales, elle aura à
faire face à un avocat permanent de la régie
superspécialisé. Contrairement à la victime, la
régie n'a aucune contrainte financière et peut retenir les
services d'avocats et d'experts pour faire sa preuve. Le rapport annuel
1984-1985 de la Commission des affaires sociales indique que seulement 30,7 %
des victimes qui en appellent devant la Commission des affaires sociales ont
gain de cause contre la régie. Devant la division des accidents du
travail, le taux est de 49,4 %.
Par le passé, en 1982 et 1983, un organisme nommé
Mouvement d'aide aux accidentés du travail inc., représentant
quelque 2000 accidentés du travail dans la province, a tenté de
représenter certaines victimes de la route. En quelques mois seulement,
cet organisme a obtenu plus de 200 mandats de représentation de la part
des victimes. Il veillait à conseiller les victimes, formuler des
contestations, référer à des médecins
qualifiés et commander des expertises. Le service juridique de la
régie a tôt fait de les mettre en demeure de cesser de contrevenir
ainsi à la Loi sur le Barreau. Cette attitude m'apparaît
inacceptable.
Actuellement, la victime qui répond aux critères
d'admissibilité à l'aide juridique se verra
régulièrement refusée par ce service sous prétexte
que le recours qu'elle entend exercer avec l'aide d'un avocat est susceptible
de lui procurer une somme d'argent. Le refus sera alors basé sur
l'article 68 de la Loi sur l'aide juridique, une véritable plaie. Je
reproduis en annexe E un document qui expliquera à tout le monde ce que
je veux dire exactement. La victime aura alors à trouver un avocat
intéressé et compétent dans ce secteur complexe, mais elle
devra chercher. (17 heures)
Le règlement sur la publicité des avocats récemment
modifié permet maintenant aux avocats d'afficher leur
spécialité. On y retrouve 38 champs de pratique, allant du droit
des accidentés du travail au droit aérien. Rien cependant
concernant les accidents d'automobile. Je vois couramment dans ma pratique des
victimes qui abandonnent tout lorsqu'elles réalisent les coûts
d'expertise qu'elles devront engager sans espoir de remboursement et les
honoraires d'avocat, même réduits au minimum, 300 $ par exemple.
J'aimerais bien, dans ces cas, pouvoir les référer à des
organismes compétents qui pourraient les aider gratuitement, ou à
un moindre coût. C'est ce que je fais pour les accidentés du
travail, mais pour les victimes de la route, c'est impossible. Elles devront se
résigner, la régie gagnera par défaut. Et la
crédibilité de la régie dans tout cela? Une grosse machine
contre laquelle on n'a pas les moyens de se battre, dit-on. Un service de
réclamation qui n'a pas grand respect pour la victime démunie qui
cherche à comprendre seule pourquoi on lui verse si peu. Les appels
téléphoniques demeurent sans retour. Une bataille, somme toute,
pour laquelle on a besoin de l'assistance de gens compétents. On
respecte un homme debout, disait Félix Leclerc. Donnons aux victimes les
moyens pour qu'elles puissent faire triompher la justice.
Cette proposition d'amendement à la Loi sur le Barreau comporte
donc les avantages suivants: premièrement, plus de victimes seront
représentées; deuxièmement, la victime pourra toujours
avoir recours aux services d'un avocat; troisièmement, plus de victimes
seront mieux conseillées; quatrièmement, les victimes seront plus
satisfaites d'avoir eu l'occasion de faire valoir tous
leurs moyens; cinquièmement, les victimes pourront se regrouper
en associations représentatives, comme c'est le cas pour d'autres
groupes de citoyens qui bénéficient déjà d'un
amendement à la Loi sur le Barreau et sixièmement, la
crédibilité de la régie n'en sera que haussée.
Je n'ai pas l'intention d'élaborer longtemps sur les
quatrième et cinquième points. Le quatrième point, c'est
que je demande à cette commission d'écarter le deuxième
alinéa de l'article 83.49 qui prévoit qu'avec une demande de
révision, la victime devra joindre un chèque de 20 $. J'explique
brièvement qu'au Québec, devant les tribunaux de cette nature, on
a deux exemples de ce qu'on peut appeler un ticket modérateur, c'est
devant la division des petites créances à la Cour provinciale et
devant la Régie du logement. J'explique que devant ces deux tribunaux,
on règle généralement les litiges entre individus: les
locataires qui poursuivent les propriétaires, une personne qui poursuit
devant la division des petites créances une personne de qui elle
prétend pouvoir réclamer des sous. Ce sont des litiges entre
individus et on veut éviter que les tribunaux ne deviennent des outils
de combat. On a alors prévu un ticket modérateur, un montant
d'argent qu'une personne doit verser à la division des petites
créances ou à la Régie du logement.
En matière d'assurance' automobile, je pense qu'on est dans un
contexte tout à fait différent. On est devant un cas où
une victime demande la révision de son dossier, simplement pour avoir
plus d'information, pour avoir une meilleure indemnité. Je ne vois pas
en quoi l'obligation de payer un montant de 20 $ peut aider la régie ou
encourager les gens de mauvaise foi à ne pas contester. Dans la
pratique, je ne vois vraiment pas pourquoi on va introduire un ticket comme
celui-là ou 20 $ à payer, d'autant plus que devant toutes les
commissions et toutes les régies qu'on connaît actuellement au
Québec, la CSST pour les accidentés du travail, la Régie
des rentes pour les invalides, les veuves, les orphelins et les personnes
âgées, la commission fédérale des pensions pour les
vétérans de l'armée, la plupart du temps, il n'y a pas de
ticket modérateur. C'est une première au Québec, une
première loi d'indemnisation dans laquelle on essaie d'introduire ce
montant. Je m'y oppose et je demande à la commission de
l'écarter.
Cinquième point: les directives et les politiques
d'indemnisation. Je fais encore une fois un parallèle avec la CSST parce
que je représente aussi plusieurs accidentés du travail. Je suis
donc familier avec les deux régimes. Je vis quotidiennement dans ces
deux régimes: la RAAQ, pour l'assurance automobile, et la CSST, pour la
santé au travail. La CSST serait sûrement fière de prendre
connaissance du mémoire, parce pour les cinq recommandations, je vous
dis qu'à la CSST cela fonctionne déjà comme cela. J'ai un
précédent à vous soumettre, c'est celui de la CSST. Dans
le cas de la cinquième proposition, je demande qu'on introduise dans la
loi une disposition qui prévoit qu'une victime aurait accès
à toutes les politiques d'indemnisation en vigueur à la
régie. À la CSST, on a un volume qui s'appelle le "manuel de la
réparation, qui a à peu près deux pouces d'épais et
qu'on peut obtenir pour une somme d'environ 50 $. On obtient un volume complet
où on a toutes les politiques, pas juste la loi, la façon de
l'appliquer, les politiques et les directives internes. C'est très
important parce qu'en réalité, la loi, c'est souvent cela. C'est
cela que les fonctionnaires suivent.
Pour un accident d'automobile, mon expérience est plutôt
l'inverse. C'est très difficile d'obtenir les fameuses directives au
Bureau de révision. J'ai même fait un essai il n'y a pas plus de
deux semaines. J'ai essayé d'obtenir les politiques internes de la
régie et on m'a dit que c'était secret. Je demande qu'on
introduise dans la loi une disposition qui prévoit que c'est accessible,
qu'une victime a accès non seulement à son dossier médical
mais également à toutes les politiques internes en vigueur
à la régie. Je vous remercie.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, Me
Bellemare. M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Je ne commencerai pas par la
fin parce que j'ai sursauté. Merci, M. Bellemare, je pense que c'est une
contribution très intéressante qui s'inspire d'un vécu et
qui soulève des points très importants que je voudrais aborder
immédiatement.
Commençons par la première proposition où vous
revendiquez un peu ce qui se passe à la CSST, la possibilité
d'avoir un recours pour des actes criminels qui sont définis dans le
Code de la sécurité routière, si ma mémoire est
fidèle. Je n'ai pas d'objection fondamentale à cela parce que
c'est quand même un acte criminel. On a eu des exemples précis au
cours de l'été qui pourraient s'appliquer dans ces cas-ci et qui
mériteraient effectivement d'avoir un recours additionnel pour
être capable d'atteindre ceux qui sont irresponsables et qui commettent
de ces actes.
Ma question est la suivante. Est-ce que vous ne croyez pas que,
finalement, cela ne donnera pratiquement rien? Plaçons-nous dans la
situation où quelqu'un est en boisson, cause un accident par rapport
à son état, un délit de fuite ou prenons les 11 ou 14
points dans la définition d'acte criminel. Il est arrêté et
on le poursuit par la suite devant
les tribunaux mais il n'a rien. Cela ne nous mène pas plus loin.
Est-ce qu'il n'y a pas ce danger de l'insolvabilité de la personne qu'on
voudrait poursuivre?
M. Bellemare: Assurément. Dans la plupart des cas, on peut
peut-être s'attendre à avoir des victimes insolvables de l'autre
côté. Mais quand je dis qu'on devrait permettre à la
victime d'exercer le recours, c'est qu'il existe dans la réalité
des cas où il y a une condamnation pour acte criminel chez un conducteur
automobile solvable. Dans ce cas particulier, on ne choisit pas le conducteur
qui va nous écraser délibérément mais dans les cas
où il est solvable, la victime pourra exercer son recours. Dans les cas
où il est insolvable, la victime n'exercera pas son recours. Mais
strictement au niveau de la loi, je pense qu'il devrait être possible
pour une victime de poursuivre et elle jugera. On conseille nos clients
quotidiennement. Il me doit 15 000 $, qu'est-ce que je fais? Il n'est pas
solvable, ferme ton dossier et laisse tomber. Il y aura à ce
moment-là un conseiller qui dira à la victime: Cette
personne-là a des biens, elle est condamnée pour un acte
criminel, allons- y!
En accident du travail, je peux vous dire personnellement que cela se
fait. Il y a des victimes du travail qui sont blessées à
l'occasion d'un acte criminel commis par un employeur autre que le leur. Les
victimes exercent le recours civil. Cela existe à l'article 7 de
l'ancienne loi. J'ai reproduit dans l'annexe A, je pense, la mécanique
qu'on a en accident du travail. À l'annexe A, c'est un projet de loi qui
a été adopté en 1985; de mémoire, l'entrée
en vigueur est le 19 août 1985; c'est l'expression récente de la
volonté du législateur. On prévoit à l'article 441
ce recours. Je dis: introduisez-le dans la loi, ce seront des économies
pour la régie et pour les cotisants lorsque le conducteur fautif est
solvable. C'est tout.
M. Côté (Charlesbourg): C'est une idée que
j'aime. Je peux vous garantir qu'on va l'examiner de très près
avant même de déposer le projet de loi à
l'Assemblée. Il y a quand même un principe extrêmement
important, c'est une ouverture assez importante et je veux en mesurer toute
l'importance.
Dans la pratique, est-ce qu'il y a effectivement beaucoup de cas qui ont
été inscrits à la CSST?
M. Bellemare: Pas beaucoup.
M. Côté (Charlesbourg): À l'inverse, la
distinction est qu'il y a peut-être de fortes chances qu'il y ait plus de
personnes solvables dans la situation de la CSST que cela pourrait être
le cas pour l'automobile.
M. Bellemare: D'accord. Je sais qu'il y a quand même de
nombreux cas - je ne peux pas vous donner de chiffres là-dessus -
où la victime, l'accidenté du travail pourrait poursuivre, mais
ne l'a pas fait par ignorance. Il y a très peu de gens qui savent,
même chez les avocats, qu'un accidenté du travail a un recours
possible contre un employeur. Il peut aussi arriver que l'employeur ne soit pas
poursuivi au criminel, même quand c'est un acte criminel. Il y a tout un
scénario. Dans le cas où tous les éléments sont en
place, on peut prendre action dans l'année suivant l'accident, parce que
c'est une action civile qui est prescrite pour un an. Il y a des cas où
cela existe. Je trouve que c'est un principe, au point de vue de la population,
qui est reconnu. Souvent, on entend les gens dire: Oui, c'est le "no fault", on
peut faire tout ce qu'on veut sur la route, on peut écraser tout le
monde. Il n'y a pas de problème. On ne sera pas poursuivi, on n'a pas
à payer. C'est un peu vrai. Là, il y aurait au moins une
exception réaliste.
M. Côté (Charlesbourg): C'est une idée qui
est intéressante et qui va dans la logique que nous avons imposée
au Code de la sécurité routière en faisant une distinction
quant à l'acte criminel et au reste. Cela m'apparaît dans la
même lignée. Je veux au moins me donner une bonne semaine ou deux
de recul pour être capable d'en évaluer les impacts et de revenir
là-dessus. Il y a lieu de faire preuve d'ouverture pour voir s'il y a
une possibilité, compte tenu de ce qui se passe ailleurs. La
deuxième proposition était celle de faire en sorte que les gens
qui vont en appel, qui gagnent, puissent être dédommagés
pour les frais encourus. Pour ma part, c'est oui. Cela m'apparaît
élémentaire sur le plan de la justice. Si les gens vont en appel
et qu'ils gagnent, ils ont démontré que la régie avait
tort. Ce n'est pas à eux d'assumer les frais et cela me paraît
très élémentaire comme décision de la part de la
régie. Cela va être corrigé dans ce cas-là. C'est
clair.
Si on continue dans la même veine, cela ne sera pas
nécessairement cela partout...
M. Bellemare: Continuez, continuez.
M. Côté (Charlesbourg): Par contre, ce qu'il faut
dire avec l'exemple que vous avez illustré, avec ce que nous proposons
maintenant, les 6,5 % correspondraient davantage à 8125 $ qu'aux 1889 $.
Dans l'exemple que vous avez soulevé, il y aurait...
M. Bellemare: Vous avez raison.
M. Côté (Charlesbourg): ...un gain
appréciable pour l'individu.
Représentation des victimes. D'abord, il y a deux choses. Je ne
veux pas m'immiscer dans les affaires du Barreau et de la justice, c'est son
problème. Quant à moi - et, je pense, la régie aussi - je
l'ai vécu dans mon bureau de comté. Vous avez raison de dire que
ce n'est pas dans tous les cas. Il faut quand même faire attention.
Mettons cela entre guillemets. Il y a probablement, dans bien des cas, des
personnes qui seraient plus compétentes que des avocats pour
défendre des individus. Il y a des avocats qui sont meilleurs que
d'autres aussi. Mais ce n'est pas unique. Il y a tellement de
spécialités, aujourd'hui, que, en effet, pouvoir permettre
à un individu de se faire représenter par une autre personne
qu'un avocat, cela m'apparaît aussi, chez nous, pas très
contestable quant à la régie. Il y a une affirmation à
l'intérieur de cela qui m'a fait un petit peu sursauter aussi et je suis
allé aux informations. Surtout à la page 10 ou 9, lorsque vous
parlez des accidentés qui ont voulu se faire représenter et qui
ont été informés par la régie qu'il n'y avait pas
de possibilité, l'information est simple: Cela va à l'encontre de
la loi. La régie se devait de faire respecter la loi. C'est uniquement
cela qui s'est produit quant à la régie. Dans la mesure où
cela est changé, il n'y a pas d'objection. Ce n'est pas la régie
qui va s'opposer à ce qu'un individu puisse être
représenté par un autre qu'un avocat. Cela dépend
davantage de la justice et du Barreau, quant aux décisions à
prendre à cet effet. Quant à nous, nous n'avons pas d'objection,
nous sommes même favorables à cela. Jusque-là, cela va
bien.
M. Bellemare: Je m'excuse. Ce que j'ai tenu à dire dans
cet exposé, à la page 9, concernant la question de la
représentation, c'est que les mises en demeure ne sont pas venues du
Barreau, elles sont venues de la régie.
M. Côté (Charlesbourg): Oui, mais c'est à
nous à faire respecter la loi.
M. Bellemare: Elle était bien contente.
M. Côté (Charlesbourg): On n'était quand
même pas dans une situation facile.
M. Bellemare: Cela faisait son affaire.
M. Côté (Charlesbourg): Oui, cela faisait l'affaire
de la régie, bien sûr. Je comprends, mais l'expression actuelle,
c'est que, finalement, on n'a pas d'autre choix que de faire respecter la loi.
À partir du moment où elle est changée, on n'a pas
d'objection à ce qu'elle soit changée. On est même
prêt à prêter notre concours pour la changer. Mais cela
dépend d'un autre niveau de responsabilité qui n'est pas le
nôtre. C'est davantage là qu'il faut que la demande soit
adressée. Loin de nous l'idée de s'opposer à cela. Il y a
une référence à un mouvement que je connais bien, à
l'intérieur du paragraphe, où j'ai vu, moi aussi, ce
côté, des. injustices parce qu'il y avait des
références à des spécialistes qui coûtaient
aussi cher et ça ne donnait pas grand-chose. Alors, chacune des formules
a ses vices, mais c'est à l'individu de choisir. Je pense que c'est cela
davantage le droit fondamental de l'individu de pouvoir choisir.
Là-dessus, j'accroche. Si on peut apporter un appui quelconque à
ce niveau, il n'y a pas de problème. (17 h 15)
Juste une petite correction relativement à vos chiffres. Les
victimes qui sont représentées sont de 19,9 % et je pense que
c'est plutôt 40 %.
M. Bellemarre: C'est 19,7 %.
M. Côté (Charlesbourg): La Commission des services
juridiques, hier, nous a dit que c'était 40 %.
M. Bellemarre: C'est 40 % des gens qui étaient
représentés par des avocats qui appartenaient à
l'aide juridique. Moi, je vous dis qu'il y a 19,7 %. Mon erreur doit être
ajustée à la baisse, 19,7 %. Je vais vous donner les chiffres.
Les statistiques, M. le ministre, ne sont pas meilleures que celles de la
régie. Vu que, dans le rapport annuel 1986 que j'ai sous les yeux, on
dit, à la page 32, qu'en 1986, 6780 décisions ont
été rendues par l'instance de révision, ce qui fait 1337
victimes qui étaient représentées par avocats, ce qui fait
19,7 %.
Mais, le jeu des statistiques, j'y fais attention. J'ai
téléphoné au service de la recherche de la régie et
on m'a sorti un chiffre; j'en ai parlé avec plusieurs personnes depuis
et le chiffre est toujours différent. On n'en parle pas dans les
rapports annuels parce qu'il y a des statistiques pour les gens qui sont
représentés par un avocat. J'étais intéressé
à savoir dans quelle proportion les gens insatisfaits étaient
représentés par un avocat, et le chiffre était
inférieur à 20 %. Mais qu'il y ait des avocats de l'aide
juridique qui interviennent dans une proportion de 30 % à 40 % -
remarquez que je trouve ces chiffres, quant à moi, très
élevés - je ne suis pas en mesure de les contester.
Je sais qu'il y a sous-représentation des victimes de
façon marquée en rapport avec d'autres groupes de citoyens comme
les accidentés du travail et les locataires. Cela est clair.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Clark.
M. Clark: Selon nos données de gestion à nous, sur
100 dossiers qui viennent en révision, il y en a 35 % où l'aide
juridique intervient. Il y en a 10 % où ce sont des avocats
privés. Finalement, 55 % où il n'y a pas de
représentation. Ce sont les données qu'on a.
M. Bellemarre: D'accord. Je peux vous répondre...
M. Clark: Donc, vos 19 % se comparent à mes 45 %. C'est 45
% en fait.
M. Bellemarre: D'accord. C'est parce que, malheureusement, vous
ne tenez compte que des cas où il y a eu des auditions pour calculer le
pourcentage d'avocats. Mais moi, je vous dis qu'il y a eu des cas où il
y a eu des auditions. Il y a des auditions dans 41 % des cas. Il y a quand
même 59 % des cas où il n'y a pas d'audition. Il y a une
proportion d'à peu près 15 % des dossiers où il y a
désistement, rèqlement, retour à l'indemnisation. Ce sont
des victimes insatisfaites.
M. Clark: À cet égard, c'est possible que vous ayez
raison.
M. Côté (Charlesbourg): En tout cas, ce que je
comprends, c'est qu'on a les mêmes chiffres sauf qu'il y en a un pris sur
le total...
M. Bellemarre: C'est faible. Il n'y a pas beaucoup d'avocats.
C'est faible.
M. Côté (Charlesbourg): D'accord. Je pense que cela
a permis au moins de distinguer. On a les mêmes chiffres, en fin de
compte. Il y en a qui sont plus conservateurs que d'autres.
M. Bellemarre: C'est plus facile de s'entendre là-dessus
que sur un pourcentage d'incapacité.
M. Côté (Charlesbourg): Sûrement. Si on
continue sur des points, on en arrive à la recommandation 4 qui est le
ticket modérateur de 20 $. Je prends bonne note de vos avis. Ils sauront
certainement inspirer les décisions à venir. Quant aux directives
et politiques d'indemnisation, je ne vois pas les cachettes qu'on pourrait
faire là; je suis un peu étonné qu'on vous ait
répondu que cela était secret. Je pense que ce sont des choses
qui ont affaire au public. Selon ce qu'a dit M. Vézina tantôt, il
m'apprenait qu'un manuel, qui est en préparation, va être
disponible à ceux qui représentent les individus, mais vous allez
devoir payer pour l'obtenir.
M. Bellemarre: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): Parfait. Le but...
M. Bellemarre: Payer là ou payer ailleurs.
M. Côté (Charlesbourg): ...n'étant pas
l'argent, ce que j'ai compris c'était l'avantage d'avoir l'information;
ça répondrait, je pense, à vos appréhensions.
Voilà, cela fait le tour passablement de ce que vous aviez à
l'intérieur du mémoire. Il s'agira en homme averti de surveiller
ce que sera le projet de loi une fois déposé.
M. Bellemarre: Cela m'intéresse.
M. Côté (Charlesbourg): II aura probablement
beaucoup changé.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le
ministre. M. le député de Lévis.
M. Garon: Alors, est-ce qu'il y a des points sur lesquels vous
aimeriez revenir, étant donné la discussion que vous venez
d'avoir avec le ministre des Transports?
M. Bellemare: Moi, en tout cas, dans l'ensemble des
recommandations qui sont faites, celle qui m'apparaît la plus importante,
si vraiment on vise à permettre aux victimes de se défendre et
d'obtenir justice, c'est la troisième, la représentation. Peu
importe ce qu'on met dans le projet de loi... Le contenu du projet de loi dit
60 % ou 90 % qu'on paie pendant 180 jours ou pendant un an; pour moi, c'est
secondaire, parce que la loi n'est pas nécessairement le reflet
fidèle de ce qui se passe en pratique.
Une façon de s'assurer que cette loi va être
respectée, c'est de permettre aux victimes de se défendre quand
il y a des injustices, tout simplement. Actuellement, il y a un nombre
considérable de victimes qui ne contestent pas, parce qu'il faut payer
l'avocat, les experts; cela va changer, à ce qu'on me dit, mais
une personne qui croit qu'elle a été victime d'une injustice et
qui engage des frais pour une expertise, cela coûte des sous: tu ne sais
pas si tu vas gagner, au départ. Des fois, tu as une bonne cause et tu
perds quand même. Le libre choix va permettre l'émergence de
l'association. Un des seuls secteurs au Québec où il n'y en a pas
actuellement, c'est pour les victimes de la route; on parle de 35 000 à
50 000 victimes par année.
Est-ce qu'on trouve cela normal qu'après neuf ans d'existence de
ce régime au Québec, d'un régime universel, il n'y ait pas
d'association, il n'y ait pas de regroupement, il n'y ait personne qui soit le
porte-parole de ceux et celles qui, aujourd'hui, ne peuvent pas retourner
travailler, parce qu'ils
ont été des victimes de la route? Cela peut être
vous, cela peut être moi, demain. On ne choisit pas. Comment se fait-il
que, devant cette commission, on fasse intervenir des regroupements d'avocats
et d'administrateurs, des regroupements de carrossiers, des regroupements de
taxi et des regroupements de femmes? Cela est bien, mais comment se fait-il
qu'on ne retrouve pas aujourd'hui, neuf ans plus tard, d'association de
victimes de la route? Comment se fait-il qu'il n'en existe pas? C'est simple,
c'est parce que seuls les avocats peuvent conseiller. Je me dis, si on amende
la Loi sur le Barreau et si on permet aux avocats de demeurer les conseillers
probablement les mieux formés pour aider les victimes de la route, eh
bien, qu'on permette à ceux qui ont peut-être moins de moyens ou
qui sont moins organisés de se faire représenter par des
associations.
Quand on a modifié la Loi sur le Barreau pour permettre à
des associations et aux conseillers syndicaux de représenter les
accidentés du travail devant la Commission des affaires sociales et
devant le Bureau de révision, on se demandait qui allait bien assumer
cette responsabilité. Je dois vous dire que, aujourd'hui, il y a des
conseillers syndicaux qui excellent dans ce secteur, qui rendent des services
innombrables aux victimes et qui contribuent à rétablir la
justice. C'est ce qu'on cherche. Qu'est-ce que cela donne de faire une loi avec
des pouvoirs, genre "la victime pourra obtenir une indemnité tant
qu'elle sera inapte au travail", par exemple, si, au bout de quatre mois, on
dit à la victime: Tu dois retourner travailler, alors qu'elle n'est pas
rétablie? À ce moment-là, il faut qu'il y ait un
mécanisme de révision et d'appel qui soit accessible à
tout le monde, le plus possible. Dans le domaine des accidents du travail, on a
dit: On va permettre à des gens qui ne sont pas avocats d'y aller aussi,
parce qu'il y avait des pressions des milieux syndicaux. Les milieux syndicaux
ne sont pas présents dans cette réforme, parce que cela ne touche
pas le monde du travail. Alors, cette recommandation doit venir d'ailleurs,
cela doit venir de gens qui s'intéressent au sort des victimes, cela
doit venir des députés et de l'Assemblée nationale pour
qu'on permette aux victimes de la route d'avoir les mêmes droits, rien de
plus, rien de moins que les victimes du travail qui, aujourd'hui, sont
grandement favorisées. Cela n'a pas enlevé d'ouvrage aux
avocats.
Si vous regardez le règlement sur la publicité qui vient
d'être adopté il a quelques mois à peine et que j'ai
reproduit intégralement en annexe, parce que je trouvais que
c'était une belle démonstration... Alors, regardez à
l'annexe F de mon mémoire, j'y ai reproduit in extenso le
règlement sur la publicité des avocats: 38 champs de
compétence. À l'article 2.05, on retrouve, dans la colonne de
droite, en haut, droit social, aide sociale, accidents du travail... Accidents
du travail, cela fait des années que les avocats ont perdu le
privilège exclusif de représenter les victimes et pourtant cela
fait partie des champs de spécialisation. J'en fais une
spécialité et plusieurs confrères et consoeurs en font une
spécialité, ce n'est pas réservé exclusivement aux
avocats. À gauche, je pense que c'est à gauche, le droit du
logement, locateurs et locataires; je m'excuse, c'est encore à droite,
le cinquième avant la fin: relations locateurs-locataires. Cela fait des
années que les avocats ont perdu le privilège de
représenter en exclusivité les locataires et les locateurs.
Pourtant, il y a des avocats qui se spécialisent là-dedans et
cela a augmenté au contraire le volume.
Mais il faut permettre cela à une majorité de gens. En
matière d'accidents de la route, 81 % des victimes sont insatisfaites et
sont seules. Ou tu choisis l'avocat ou tu es seule. N'arrive pas avec ton
comptable ou - je ne sais pas - un représentant quelconque qui
connaît cela ou ton agent d'assurances, non! C'est un avocat ou ce n'est
rien alors. Les avocats, c'est 19 % des cas de représentations et 81 %
sont tout seul. Qu'est-ce que tu veux faire tout seul, dans un domaine aussi
complexe, quand tu veux faire rétablir tes droits et que tu veux prouver
que, non, tu n'étais pas capable de retourner travailler après
quatre mois, il a fallu un an. Qu'est-ce que vous pensez qui arrive en
pratique? Les gens sont désabusés et ils n'y vont pas. Alors,
après 60 jours, le délai de révision est fini et
là, ils laissent tomber et ils végètent. En fin de compte,
on dit: C'était à toi de te prendre un avocat. Mais en pratique,
ce n'est pas si simple que cela. Il y a l'aide juridique. Oui, mais elle a ses
caprices aussi. Ce n'est pas tout le monde. Tu n'entres pas à l'aide
juridique comme tu veux, même si tu es bénéficiaire de
l'aide sociale. Le régime n'est pas administré de la même
façon selon les régions. Mais il y a aussi ceux qui ont une
maison, dont l'époux ou l'épouse travaille et qui ne sont pas
admissibles à l'aide juridique. L'immense majorité des
Québécois qui n'est pas admissible à l'aide juridique, que
fait-elle? C'est l'avocat. Et, comme avocats, nous ne pouvons même pas
afficher notre champ de spécialité en accidents d'auto; il faut
dire que ce n'est peut-être pas ce qui fait l'objet de la pratique la
plus intense. Je vous le dis et c'est ce que je pense. Je ne suis pas
bâtonnier, mais c'est ce que je pense.
M. Garon: Celui qui a été député
pendant un certain temps sait que vous manifestez là un point
sérieux. Celui qui vient vous voir à votre bureau, il a des
problèmes et, s'il a été à la Régie de
l'assurance automobile, il s'est rendu compte qu'on lui demande des
expertises et qu'il y a une grosse machine en face de lui. Alors, la
première chose qu'un député demande, c'est:
êtes-vous dans les conditions pour avoir accès à l'aide
juridique? S'il vous dit non, vous vous rendez compte que le gars a un
problème, qu'il a des droits à faire valoir. Combien cela va-t-il
lui coûter pour les faire valoir?
Quand il y a une expertise contre lui et que le gars est tout seul avec
vous ou en tout cas - je dis le gars ou la femme -parfois, ils sont les deux
ensemble parce qu'ils sont un peu désemparés, surtout quand ils
vous montrent le rapport de l'expert, vous le lisez et vous avez de la
misère à le comprendre, vous vous dites que le pauvre diable qui
est devant vous ne doit pas le comprendre beaucoup plus que vous, parce que
c'est rédigé entièrement dans un langage technique. Le
gars vous dit: En tout cas, je ne sais pas ce que cela veut dire
complètement ce qui est écrit là, mais moi je sais que je
ne suis pas capable de fonctionner. On est un peu désemparé
là-dedans. Parfois, je les envoie faire un tour chez le Protecteur du
citoyen pour voir si tous leurs droits ont été
respectés...
Il y a certainement un point là. Je pense à un type
d'associations qui rendent beaucoup de services, les ACEF. Les gens qui ont des
problèmes comme consommateurs peuvent aller là. Il y a des
experts en endettement et en consommation. Quand quelqu'un a un certain niveau
de revenus ou encore un certain niveau de connaissances, il peut se
démêler plus facilement, mais beaucoup de citoyens sont mal pris.
Dans ce cas, les ACEF peuvent leur donner un coup de main concernant leurs
droits comme consommateurs. Mais, concernant les accidentés de la route,
ceux qui ont entrepris des démarches avec la régie, ce qui me
frappe, c'est qu'ils se sentent seuls en démon. Ils se retrouvent devant
une grosse machine. Je ne dis pas cela méchamment: la machine. Qu'est-ce
que vous voulez? Quand quelqu'un est pris face au gouvernement, il se dit: eux
autres peuvent me traîner longtemps et moi, je ne peux pas les
traîner longtemps. Il y a un déséquilibre dans les
rapports. Je ne sais pas de quelle façon il doit être
rétabli, je n'ai pas la recette, mais je trouve que vous vous êtes
donnés beaucoup de peine pour faire un mémoire. Ceux qui
écrivent des papiers savent que cela ne s'écrit pas tout seul.
(17 h 30)
M. Bellemarre: Cela n'a pas été long pour
l'écrire.
M. Garon: Non, mais vous vous êtes donné la peine en
tout cas de faire une synthèse des questions. Je trouve que vous
soulevez un point important. Vous indiquez des avenues.
Le problème du gars... Moi, je me rappelle toujours une histoire
que mon père m'avait contée quand j'étais petit. Il y
avait un gars qui avait poursuivi parce qu'une corde de bois était
déboulée sur lui. Ça se passait il y a plusieurs
années, il a pris un avocat et il a poursuivi, et il avait gagné
parce que la corde avait été mal empilée. Il a eu 300 $.
Il a dit à l'avocat: Comment vous dois-je? L'avocat a dit: 200 $. Il a
dit: Écoute donc! La corde bois, est-ce que c'est sur toi ou sur moi
qu'elle est déboulée?
L'autre problème qu'il y a, ce sont les frais. Je sais comme vous
que, quand vous allez faire des démarches, ça coûte cher.
On sait que la moitié des frais d'un avocat, c'est son bureau qui les
prend et tout ça. Le problème, c'est de donner
l'accessibilité à des gens qui n'ont pas droit à l'aide
juridique, qui ne sont pas sur l'aide juridique, mais qui sans avoir droit
à l'aide juridique ne sont pas des millionnaires. C'est
l'équilibre entre les deux: donner accès à un service sans
que ça coûte une fortune. Je pense que c'est dans cette
voie-là qu'il faudrait trouver quelque chose. Vous faites des
propositions, mais, vous, votre réaction à ce point de
vue-là, pour que quelqu'un puisse aller... quand même que
ça serait juste aller voir quelqu'un pour lui demander un renseignement.
Les gens ont peur, parce qu'ils disent: Est-ce qu'il va m'arracher les yeux?
Est-ce que ça va me coûter tellement cher? Les gens ne savent pas
combien ça coûte. Il y a des gens qui me demandent, mais je ne
veux pas donner de référence: Si je vais voir un avocat, comment
est-ce que ça va me coûter? Les gens ont peur. Ils disent: J'ai
peur que ça me coûte trop cher. Alors, quelle réponse
avez-vous à ça?
M. Bellemare: Moi, ce que je peux vous dire, c'est que, dans le
secteur de l'assurance automobile, pour le secteur de l'indemnisation, la
révision et l'appel devant la Commission des affaires sociales, la
régie, elle, de son côté est très bien
équipée. Quand on va en révision, on parle avec des gens
qui connaissent ça. Et je m'imagine -parce que je n'ai jamais
assisté à des auditions sauf quand j'étais moi-même
un acteur important comme avocat de la victime - je ne m'assois pas là
pour voir comment ça se passe avec les victimes, mais je m'imagine ce
qui doit se passer quand la pauvre personne de 64 ans se présente
là. Elle vient d'avoir un accident et elle n'est pas satisfaite. Elle ne
comprend rien aux rapports médicaux et la loi pour elle, c'est mer et
monde. Elle n'a jamais fait affaire avec le gouvernement plus que pour la
peine. J'imagine ce que ça doit être.
Après la révision, il y a possibilité d'aller en
appel à la Commission des affaires sociales. La Commission des affaires
sociales
joue un rôle un peu de juridiction d'appel. Elle peut renverser
les décisions du Bureau de révision de la régie. Elle joue
un rôle impartial, un rôle important, comme elle le joue d'ailleurs
en matière d'accidents du travail et d'aide sociale. Sauf que, devant la
Commission des affaires sociales, la victime qui est encore seule - les 81 % -
a devant elle la régie qui est représentée par avocat.
Moi, en tant qu'avocat, quand je vais à la Commission des affaires
sociales et qu'il y a un confrère de l'autre côté,
ça ne me dérange pas. Je trouve ça un peu normal. La
régie vient justifier ses décisions comme l'aide sociale le fait,
comme la Régie des rentes le fait aussi. Sauf que je m'interroge sur les
80 % de gens qui se présentent là seuls. Qu'est-ce qu'ils font?
Cela ne doit pas être long. Cela ne doit pas être long, parce que
les gens ne savent pas comment s'organiser pour se défendre.
Alors que, lorsque vous regardez les statistiques de la Commission des
affaires sociales, ce sont des lois qui sont différentes, certes, mais
on est quand même au Québec dans les deux cas. Ce sont des lois
sociales dans les deux cas et devant la Commission des affaires sociales qui a
une division d'appel en accidents du travail et une division d'appel en
accidents d'auto, le taux de réussite des appelants, des victimes
insatisfaites des décisions de la CSST est de 20 % supérieur
à ce qu'il est en accidents d'auto. Je ne vous dis pas
nécessairement qu'il faut qu'il soit le même dans les deux
divisions. Mais je me dis, ce sont deux régimes d'indemnisation; dans
les deux cas, on fait affaire avec des papiers médicaux complexes; dans
les deux cas, on est en matière de remplacement de revenu ou
d'incapacité totale temporaire. Il y a aussi de l'incapacité
permanente, ce sont généralement des experts en orthopédie
qui font les rapports. Mais il reste que le taux de représentation des
victimes du travail est beaucoup plus élevé devant la Commission
des affaires sociales qu'il ne l'est devant la division assurance auto. Dans le
domaine des accidents du travail, il y a beaucoup d'avocats qui y vont pour
représenter des victimes ou des employeurs, mais il y a, à
côté des avocats, des représentants syndicaux qui ne font
pas toujours un bon travail. Certes, il y en a qui font un excellent travail et
le libre choix implique qu'on ait le choix de son représentant. Cela
implique aussi que, si on trouve que notre avocat ne semble pas savoir trop
trop ce qu'il fait là-dedans, on peut se faire représenter par
une association en qui on a confiance. Peut-être a-t-on tort d'avoir
confiance en elle, mais on peut avoir confiance en elle et obtenir un
résultat. On a le choix.
Dans ce secteur, on apprend sur le tas, on apprend à force d'en
faire. On n'apprend pas cela dans les écoles, comment défendre
une victime de la route. Moi, en 1979, dans ma formation professionnelle au
Barreau, j'étais dans la foulée de la réforme et on a eu
un cours sur l'assurance automobile; cela a duré une semaine, on a
peut-être eu une quinzaine d'heures de cours. Dans la pratique, on en
fait, on rencontre des victimes, on lit des expertises et on sait ce qu'est une
entorse lombaire et ce qu'est une bursite, parce qu'on rencontre des gens.
Quand on va devant le tribunal, on dit: Mon client est porteur d'une
entorse lombaire et on en fait la preuve, parce qu'on sait comment lire les
rapports. On a un réseau d'experts, on connaît les experts, on y a
accès et on réussit à faire une preuve de qualité
équivalente à celle de la régie et on réussit
à obtenir justice pour nos clients. On apprend cela à force
d'expérience. En accidents du travail, c'est comme ça que des
gens en sont venus par dizaines, au Québec, à apprendre le
fonctionnement de la CSST, à représenter des victimes du travail
devant la Commission des affaires sociales et à faire un excellent
travail.
J'aimerais bien qu'on me démontre que cela va enlever du travail
aux avocats. Je pense que c'est tout à fait l'inverse, parce que cela a
permis une prolifération du nombre de cas et, si c'est cela qu'on
recherche, si on veut que la loi soit bien appliquée, on n'est pas
obligé de faire des modifications de virgule et de bout de phrase pour
que la loi soit plus juste. On peut le faire simplement en donnant aux
principaux acteurs, aux victimes entre autres, les outils - juste cela - pour
leur permettre de se défendre. On aura beau faire la loi qu'on voudra,
changer les délais - j'ai lu le projet de loi avec beaucoup
d'intérêt, 180 jours, c'est sûr que pour les personnes
âgées ça va arrêter à 68 ans comme pour les
accidentés du travail, c'est sûr que ce sera différent pour
les étudiants, pour les personnes qui ont un emploi temporaire, je
trouve que ce n'est pas correct, mais ce n'est pas là-dessus que j'ai
fait mon mémoire - peu importe que ce soit 180 jours, 30 jours ou 50
jours, si, quelque part, un fonctionnaire se trompe et dit: C'est 40 jours,
alors que tu as droit à 180, ce n'est pas une loi qui va changer cela.
C'est le droit de se défendre et de prouver que c'est 180 jours et non
pas 40.
Ce n'est pas dans une loi qu'on va le spécifier, c'est en
permettant l'augmentation des représentants de qualité. C'est un
marché. Le marché de l'indemnisation au Québec est
énorme. Les expertises, les frais d'avocat... C'est une industrie, les
dommages corporels au Québec. Si on regarde à la Régie des
rentes, à la CSST, à la Régie de l'assurance automobile,
les frais d'expertise sont astronomiques. C'est une industrie. Je ne vois pas
pourquoi on ne le permettrait pas comme c'est le cas ailleurs; cela s'est fait
en accidents du travail et cela a donné
de très bons résultats, je pense que tout le monde en
convient.
M. Garon: Le secrétaire vient de me dire que mon temps est
écoulé. Je vous remercie de vous être donné la peine
de venir nous rencontrer, d'avoir présenté ce mémoire pour
faire en sorte que le système d'assurance automobile au Québec
fonctionne mieux et d'avoir apporté vos commentaires par rapport
à l'avant-projet de loi présenté par le ministre.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le
député de Lévis. M. le ministre, pour de brèves
remarques de conclusion.
M. Côté (Charlesbourg): Je voudrais remercier M.
Bellemare. Je pense que c'est un mémoire qui a une logique du
début à la fin et qui fait état de certaines situations
qu'on va tenter de corriger. Il y a juste un élément dont je
voudrais parler à ce moment-ci. Je pense qu'on ne peut pas
présumer, au départ, que les fonctionnaires de la régie
appliquent mal le régime en matière d'indemnités. Ce n'est
pas cela que vous avez voulu dire, sauf que les gens pourraient en tirer
certains avantages malgré leur ignorance de la loi elle-même, en
étant appuyés par des gens qui pourraient les accompagner.
Il est clair qu'il y a toutes sortes de situations. On me signalait
qu'il y a certaines causes supportées par l'aide juridique où on
va en révision, alors que les gens ont même eu le maximum. C'est
peut-être malhonnête de prendre des causes comme celle-là,
de continuer et de faire accroire aux gens qu'on peut en avoir plus, alors que
les barèmes ont été accordés au maximum à
l'individu. Il y a toutes sortes de situations comme celle-là de part et
d'autre.
Je suis très intéressé au fait - je l'ai dit
tantôt - que les gens puissent être éventuellement
représentés par d'autres que des avocats. C'est comme les
politiciens, les avocats, ce n'est pas une fin en soi. Ils n'ont pas
nécessairement la solution à tous les maux non plus. En ce
sens-là, je suis ouvert pour appuyer les démarches et même
en entreprendre auprès de mes collègues pour tenter de
régulariser cette situation. Merci de votre collaboration. Vous
retrouverez probablement beaucoup de choses dans les changements qui seront
apportés.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre.
M. le député de Lévis, de brèves remarques
en conclusion.
M. Garon: M. le Président, voulez-vous dire les
conclusions générales?
Le Président (M. Saint-Roch): Non, les conclusions pour ce
mémoire-ci.
M. Garon: D'accord. Je voudrais remercier M. Bellemare du travail
qu'il a fait et lui indiquer que nous sommes très heureux qu'il ait pris
le temps de venir nous rencontrer, nous faire une analyse, comme il l'a
indiqué, à partir des 400 cas et plus qu'il a eus depuis qu'il
pratique et nous faire état des propositions qu'il envisage pour
améliorer la pratique dans le domaine de l'assurance automobile, et
également de ses réactions face à l'avant-projet de loi
présenté par le ministre pour que des erreurs additionnelles ne
soient pas commises concernant l'administration de l'assurance automobile.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le
député de Lévis.
M. Bellemare, de brèves remarques en conclusion.
M. Bellemare: Non, c'est tout. Tout a été dit.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M.
Bellemare, de votre contribution aux travaux de la commission de
l'aménagement et des équipements.
J'aurais besoin à ce moment-ci du consentement des membres de la
commission pour déposer le mémoire du Conseil du statut de la
.femme qui nous a été envoyé ainsi que celui
présenté par Serge P. Forest.
Une voix: Consentement.
Le Président (M. Saint-Roch): Est-ce qu'il y a
consentement?
M. Garon: Consentement.
Le Président (M. Saint-Roch): Dans un deuxième
temps, je constate qu'il est presque 17 h 45, M. le député de
Lévis. Tout en respectant les droits des deux formations politiques,
soit un temps de parole d'un maximum de 20 minutes, nous allons dépasser
18 heures et nous aurons aiors besoin d'un consentement pour ce faire. Est-ce
qu'il y a consentement pour respecter les droits de parole et ainsi
dépasser 18 heures? Dans le cas contraire, on pourra diviser le temps
qui reste entre les deux formations politiques?
Une voix: ...
Le Président (M. Saint-Roch): II y a consentement pour
dépasser légèrement 18 heures.
Cela dit, M. le député de Lévis, je vais vous
reconnaître pour vos remarques en conclusion finale.
Remarques finales M. Jean Garon
M. Garon: M. le Président, je voudrais dire que j'ai
été impressionné par la qualité, par le temps qui y
a été consacré et par le sérieux des textes qui
nous ont été présentés. Je voudrais relever, en
même temps, les nombreuses réserves qui ont été
émises par tous les groupes dans le cadre de cette commission
parlementaire concernant l'avant-projet de loi qui a été
déposé le 22 juin dernier devant l'Assemblée nationale.
Qu'il s'agisse de la Commission des services juridiques, du Barreau du
Québec, du Réseau d'action et d'information pour les femmes ou
encore de la part de Me Bellemare par les remarques qu'il vient de faire
à titre personnel concernant sa pratique dans ce domaine. Je pense que
ces nombreuses réserves qui ont été
indiquées sont le signe qu'il reste encore beaucoup de travail à
faire face à une modification éventuelle de la Loi sur
l'assurance automobile. Qu'on veuille améliorer un régime, le
meilleur soit-il, qui a été adopté il y a un certain
nombre d'années, qu'on veuille faire des amendements pour le corriger,
pour qu'il corresponde davantage aux besoins du jour, il n'y a rien d'anormal
là-dedans, je pense. Il faut avoir été un certain nombre
d'années en politique pour voir que la réalité change,
elle est mouvante et les besoins d'hier ne sont pas nécessairement
exactement ceux d'aujourd'hui ou de demain.
Cependant, si on se rend compte qu'il y a des choses à
améliorer dans le régime actuel il faut faire attention de ne pas
apporter des remèdes qui créeront plus de problèmes qu'ils
n'apporteront de solutions. C'est pourquoi je pense que les objectifs
visés par les amendements doivent être très clairs pour
qu'ils soient bien compris, pour que la solution à apporter corresponde
a un besoin. On a parlé, par exemple, du ticket modérateur de 20
$. La personne qui a eu un accident, elle a eu ou n'a pas eu d'accident.
Qu'est-ce qu'on veut modérer avec 20 $, alors qu'elle veut simplement
faire valoir ses droits auprès de la régie? Comme on l'a
indiqué cet après-midi, au fond, il ne s'agit pas de deux
personnes qui se combattent l'une l'autre et qui vont devant un tribunal
d'arbitrage pour qu'il arbitre entre elles. Au fond, la personne n'a pas le
choix d'aller devant la régie quand elle est victime d'un accident
d'automobile. Il faut qu'elle y aille. Ce n'est pas une question de vouloir ou
de ne pas vouloir, mais elle doit y aller. Dans ce cas-là - je donne
cela comme exemple parce que je ne veux pas passer tout le projet de loi - quel
était le besoin? Je ne sens pas le besoin, je ne le vois pas. Quand on
veut changer une loi, il faut savoir ce qu'on vise.
Je pense aussi que, par rapport au délai de trois ans pour la
prescription, le ministre a réagi rapidement. Il s'est rendu compte
qu'il faisait fausse route et il a dit tout de suite: D'accord, on va laisser
tomber. Encore là, quel était le besoin de raccourcir le
délai de prescription? Je ne sens pas qu'il y ait eu un besoin
là-dedans.
Il est intéressant de voir, par exemple, l'acceptation du
ministre concernant la couverture minimale d'assurance responsabilité de
50 000 $ pour les camionneurs qui serait haussée à 1 000 000 $
lors d'une modification prochaine du Code de la sécurité
routière pour correspondre aux besoins de l'association. On voit tout de
suite qu'il y avait un besoin exprimé, une demande des gens du milieu
qui correspond, selon ce qu'ils ont mentionné, à un besoin. (17 h
45)
II y a aussi une ouverture qui a été
présentée par le ministre concernant la rencontre avec les
différents groupes. Je me serais attendu qu'il le fasse avant de
présenter son projet de loi, mais mieux vaut tard que jamais.
L'avant-projet de loi aurait-il eu comme principal résultat de faire en
sorte que, dans les modifications apportées à la Régie de
l'assurance automobile, le ministre rencontre les différents groupes
comme il l'a dit, il a parlé de la Commission des services juridiques,
du Barreau du Québec, des associations du taxi, du Regroupement des
lignes de taxi, de l'Association du camionnage du Québec, de même
que du Réseau d'action et d'information pour les femmes... Je suis
d'accord avec cette façon de faire les choses. Je pense que la
consultation est importante, la concertation est importante. Je me rappelle,
même si les libéraux nous en faisaient grief dans l'Opposition, je
ne leur ferai pas grief d'adopter ces formules que nous avons mises au point au
cours des dernières années pour qu'il y ait davantage de
concertation et davantage de consensus dans l'administration
gouvernementale.
Je ne connaissais pas le ministre, je n'avais pas eu l'occasion de
travailler avec lui jusqu'à maintenant. J'ai commencé à
travailler avec lui au mois d'août dernier à Montréal
à la commission où je venais d'être affecté, dans le
secteur des transports. J'avais considéré qu'il avait une
attitude d'ouverture quand il a dit: Je vais rencontrer les différents
groupes concernés par le transport en commun. Je me rends compte que
cela fait deux mois et qu'il n'a rencontré personne. S'il est pour la
concertation régionale dans le domaine du transport en commun, qu'il
assume le rôle de leadership que tout le monde lui demandait de jouer en
rencontrant les différents groupes ensemble pour trouver une solution au
transport. Je rencontre les gens à Montréal
régulièrement et je leur demande:
Quand vont avoir lieu les réunions? Ils disent: On ne le sait
pas. On ne sait pas si cela va être bientôt, mais on n'a pas eu de
nouvelles. Je ne dis pas qu'il n'a pas rencontré les groupes
individuellement, mais ce n'est pas cela qu'ils ont demandé, ils ont
demandé une concertation régionale. Dans le sens de ce qu'il a
répondu à la commission parlementaire au mois d'août, ce
n'est pas encore en marche. Aujourd'hui, je ne peux pas lui faire de reproches,
je pense qu'il a accepté de rencontrer les groupes, mais j'espère
que cela va être fait le plus rapidement possible et que cela va avoir
lieu.
J'ai été très heureux de constater dans les
mémoires, les propositions intéressantes qui ont
été présentées par les intervenants. Il y a
beaucoup de propositions qui font preuve d'originalité et qui valent la
peine d'être examinées, non pas seulement par les fonctionnaires -
et pas parce que j'ai quelque chose contre les fonctionnaires - mais aussi par
les clients. Les fonctionnaires vont tenir compte de l'aspect administratif,
les clients, les usagers vont s'attendre qu'on tienne un peu compte de leur
bien-être. Il est toujours mieux que les deux parties soient
présentes. Je pense au mémoire des femmes, par exemple, qui
contient plusieurs propositions. Je vais le relire, parce qu'il
m'apparaît présenter une approche intéressante qui est
différente de ce qui a été envisagé jusqu'à
maintenant. Elles ont manifesté qu'elles n'étaient pas d'accord
avec le système antérieur, qu'il y avait de bons points, mais
qu'il y avait aussi de mauvais points, et elles considèrent que
l'avant-projet de loi a pour effet d'empirer la situation. Ce qui est
intéressant, c'est qu'elles proposent une façon différente
de voir les choses. Je pense que ces propositions sont intéressantes et
qu'on devrait les analyser avec ouverture d'esprit, pas en disant: On va dire
non avant de commencer. À deux ans, un enfant dit non pour montrer qu'il
existe. Il s'est rendu compte qu'en disant non, il commençait à
démontrer son existence par rapport au milieu qui l'environne. Ayant
dépassés cet âge, je pense qu'on peut s'affirmer davantage
en ayant une attitude de réceptivité pour étudier les
différentes propositions. Ces propositions sont très
intéressantes. Comme la population a décidé le 2
décembre 1985 de nous placer dans l'Opposition pour
réétudier nos positions, je vais vous dire que j'ai l'intention
de revoir ce rapport que le Réseau d'action et d'information pour les
femmes a présenté et lui demander de le rencontrer pour mieux
voir la dimension des propositions qu'il a faites dans son mémoire. Je
pense qu'il y a une bonne base de discussion pour améliorer le
système actuel.
Enfin, concernant le projet de loi, je voudrais dire qu'on a de
nombreuses réserves. Je n'ai pas voulu, au début de la
commission, passer beaucoup de temps à exprimer les réserves. Je
pense qu'il était important d'écouter les gens qui voulaient nous
parler. À la lecture des mémoires, j'avais constaté que
plusieurs de ces mémoires présentaient des réserves par
rapport au projet de loi, des réserves très importantes. Je pense
que, dans toute cette question, il y a l'aspect de faciliter l'administration
du système actuel, mais il ne faut pas oublier que, derrière tout
cela, il y a des victimes qui ont de l'importance. L'administration, c'est une
chose, mais il ne faut pas privilégier l'administration du
système au détriment des besoins des usagers.
Je ne veux pas dire que c'est ce qui se passe. On a
démontré que, dans l'administration actuelle, c'était
rapide, qu'il y avait une amélioration considérable par rapport
à ce qui se faisait antérieurement. Mais l'amélioration du
système, à mon avis, doit privilégier en premier lieu les
besoins des victimes, parce que les gens qui ont eu un accident d'automobile,
dans certains cas il s'agit d'accidents légers, dans certains cas il
s'agit d'accidents graves, mais dans tous les cas il y a des traumatismes, il y
a des gens qui sont inquiets, qui ont vécu une période difficile
et qui sont nerveux devant le système avec lequel ils doivent faire
affaire.
Enfin, je terminerai en disant - j'ai eu l'occasion de le mentionner
à quelques reprises - qu'il y avait 200 000 000 $ dans le pot, dans le
fonds des assurés et que le ministre des Finances a senti le besoin de
venir chercher 200 000 000 $ sur deux ans. J'estime que c'est une mauvaise
décision. On se rend compte qu'il y a des besoins. Les assurés
ont payé. L'argent était rendu dans la caisse des assurés.
Le ministre des Finances n'avait pas le droit d'aller chercher la caisse des
assurés pour quelque fin que ce soit, puisque les gens ont payé
ces montants pour s'assurer. S'il y avait 200 000 000 $ de trop dans le fonds
des assurés et qu'on pensait pouvoir les donner au ministre des
Finances... Je pense - puisque le ministre des Finances dit
régulièrement, maintenant, qu'il considère que la
situation financière du Québec ne pose pas de problème -
que les 200 000 000 $ devraient rester dans le fonds d'assurance et servir soit
à baisser davantage les primes, soit à mieux compenser ou
à couvrir certains aspects qui n'ont pas déjà
été couverts, notamment les femmes qui ne sont pas sur le
marché du travail et pour lesquelles tous, sans exception, ont fait des
réprésentations pour indiquer qu'elles étaient mal
compensées.
Je ne voudrais pas être plus long, puisque j'ai dit que je ne
serais pas trop long. Voilà, dans ces quelques minutes, les remarques
que je voulais faire. En terminant, même s'ils ne sont pas tous ici, je
voudrais remercier tous les groupes qui sont venus
nous rencontrer pour exposer leur point de vue. C'est de cette
façon qu'on peut le mieux travailler . pour l'avancement des citoyens,
en faisant valoir les points de vue qu'on veut exprimer, d'avoir le courage de
venir les défendre et d'avoir pris le temps pour le faire. Je les
remercie de l'avoir fait.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le
député de Lévis. M. le ministre.
M. Marc-Yvan Côté
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. Ce qui est à l'origine de notre commission
parlementaire aujourd'hui, c'est une analyse qu'a faite la Régie de
l'assurance automobile de sa clientèle et de son degré de
satisfaction. Je pense que ceux qui partiraient d'ici, aujourd'hui, et qui
diraient, tout de go, que les gens ne sont pas satisfaits du régime
actuel auraient une mauvaise interprétation de-la réalité.
Il y a des instruments qui permettent de le savoir et de mesurer, des
instruments reconnus par des scientifiques. Si on prend, au pire, le sondage du
BAC, fait par M. Gilles Bernier, et qui portait la signature de GRIP, qui n'est
quand même pas ce qu'il y a de plus connu dans le domaine des sondages,
on en arriverait à la conclusion que 66 % des gens étaient
satisfaits du régime et du traitement reçu par la Régie de
l'assurance automobile.
Si on prend des sondages qui, en règle générale,
sont un petit peu plus crédibles, 79 % des gens sont satisfaits. Cela se
traduit comment dans le quotidien? 66 % de satisfaction à l'égard
d'un gouvernement qui irait en élection, ça veut dire une
élection pour tout le monde. C'est un niveau très
élevé et très peu souvent atteint. Est-ce que, maintenant,
la Régie de l'assurance automobile peut satisfaire à toutes les
demandes? C'est non. C'est clair. Ce n'est pas l'objectif. L'objectif de ce que
nous visons depuis déjà un certain temps, c'est, après
neuf années d'entrée en vigueur, de voir ce qui peut être
corrigé compte tenu des gens qui sont insatisfaits du régime. Et
c'est à partir de ces données-là que des gens de la
régie, pas d'hier, pas d'il y a deux ans, pas depuis le 2
décembre 1985, bien avant ça, ont commencé à
travailler sur ce que pourraient être les amendements à partir
d'un certain nombre de principes, ces principes étant issus
d'enquêtes menées auprès de la clientèle qui se
disait insatisfaite du régime. Je pense que c'est véritablement
placé dans cette perspective-là qu'on devrait comprendre la
démarche d'aujourd'hui et des jours qui viennent.
Je suis heureux qu'on ait finalement dit: Bon, parfait, on comprend
qu'il n'est pas question de revenir sur l'indemnisation sans égard
à la faute en faisant l'ouverture qu'on a faite en ce qui a trait aux
actes criminels.
On verra ultérieurement ce que ça donne. L'indemnisation
de la perte économique, il faudra la limiter à la perte
réelle. Il y a des gens qui peuvent être en désaccord avec
ça et c'est leur plein droit. Mais, ça, je pense que ce sont des
principes extrêmement importants qu'on a tenté de camper
dès le départ et qui n'ont pas nécessairement trop
été remis en cause, en cours de route, vu que ce sont des
ajustements de régime que nous voulons faire. Au-delà de cela, il
est extrêmement important de se dire que ce n'est pas apparu du jour au
lendemain, mais que c'est à la suite de rencontres, donc à des
consultations que la régie à elle-même menées de son
côté. M. le député de Lévis a dit
tantôt: II aurait peut-être été
préférable de rencontrer des gens avant l'avant-projet de loi
plutôt qu'après ou pendant. On a au moins le mérite de les
avoir consultés, livre ouvert, micro ouvert, Journal des
débats présent, pour être capable de colliger les
interventions de chacun, à la fois dans leurs qualités et dans
leurs défauts, à la fois pour les parlementaires et pour ceux qui
sont intervenus devant la commission. Je pense qu'il y a au moins ce
mérite. On n'a pas consulté à partir d'un projet de loi.
On a consulté à partir d'un avant-projet de loi qui voulait bien
mesurer un certain nombre de choses avec les clientèles visées.
Cela m'apparaît extrêmement important, et cela ne se terminera pas
là, puisqu'en cours de route j'ai pris l'engagement de rencontrer un
certain nombre de personnes des deux groupes pour être capable de
parfaire ou de continuer la discussion, pas dans le but d'en arracher, dans le
but de bonifier, plutôt dans l'esprit de bonifier le régime que
nous avons actuellement. C'est en cela que je crois.
Le principe suivant sera le dépôt à
l'Assemblée nationale d'un texte législatif, qui, lui, sera
soumis à l'approbation des parlementaires, à la fois dans ses
principes, à la fois dans son libellé, article par article,
où on aura des discussions ici pour savoir si c'est fidèle aux
propos qui ont été échangés ici et si cela
correspond à la philosophie qui s'est dégagée. Chacun aura
à faire des choix, je ferai les miens, je les supporterai jusqu'au bout.
Cela ne veut pas dire que, en deuxième lecture, à l'étude
article par article, il n'y aura pas lieu de faire certaines modifications. La
démonstration a été faite au moment de l'étude du
Code de la sécurité routière, l'automne dernier. Ce n'est
pas immuable. Celui qui viendrait avec l'idée que c'est immuable ferait
fausse route et n'atteindrait pas les buts qu'il s'est fixés. Donc, par
la suite, adoption en troisième lecture et application de ce que
deviendrait le projet de loi, mais qui sera fondamentalement différent
de ce qu'il était au départ. Sinon, à quoi servirait la
concertation, la consultation, sinon un maquillage d'intentions très
bien campées au départ, qu'on a tenté
de maquiller en cours de route et qu'on tiendra jusqu'au bout.
La démonstration a été faite que nous avons
écouté. Ce n'est pas tout d'écouter, il faut entendre.
Dans certains cas, nous avons entendu et nous avons déjà
donné des réponses quant à des changements à
intervenir, en cours de route. Si ce n'est pas là la
démonstration d'une bonne foi et d'une concertation efficace et valable,
en respectant les points de vue de chacun des intervenants et les
expériences de chacun, je pense que c'est là une
démonstration très évidente d'un vécu. C'est clair
que, lorsque le député de Lévis a ouvert une porte, je ne
pouvais pas laisser un dossier de tout près de 800 000 000 $
s'évaporer à partir d'une affirmation qu'il a faite, concernant
le transport en commun. Encore là, nous avons senti, après sept
réunions de travail avec les représentants de l'ATUQ, donc, des
gens d'organismes de transport en commun dans tout le Québec, pendant un
an et demi... Cela a mené à une commission parlementaire pour
consulter les gens, dont vingt-sept mémoires sur l'avenir du transport
en commun, tant pour ce qui concerne son exploitation que ce qui concerne ses
immobilisations futures, nécessaires à un service de
qualité aux citoyens. Pendant trois jours, on a donc, avec la
collaboration de l'Opposition, entendu des mémoires.
Les engagements que j'ai pris à la fin de la commission,
c'était tout d'abord d'adopter une politique pour cinq ans ferme, qui ne
serait pas changée, campée dans un décret. Le
décret est devant les instances gouvernementales, deux mois après
pour adoption, et il sera adopté la semaine prochaine. Si ce ne sont pas
des choses concrètes et qui ne tiennent pas compte de la commission
parlementaire, dites-moi ce que c'est. J'ai posé cela dans la logique de
la continuité des événements qui doivent survenir: d'abord
le décret; ensuite, réunion des intervenants, tant des
commissions que des sociétés de transport, pour enclencher le
mécanisme de concertation, qui, lui, va mener à une
intégration du transport en commun, à un interface, au plus qrand
bénéfice, pas de ceux qui organisent et dispensent le transport
en commun, mais au bénéfice de celui qui a à prendre le
transport commun. Il y a une distinction très nette. Il n'y a pas eu de
concertation. La semaine dernière, j'ai recommencé à la
base, la base étant les CIT qui sont tout autour de la grande
agglomération de Montréal; celles-ci ont une interconnexion avec
la Société de transport de la rive sud de Montréal, avec
la Société de transport de Laval et, par la suite, de la
Société de transport de Laval et la Société de
transport de la rive sud de Montréal avec la Société de
transport de la Communauté urbaine de Montréal. Du temps
où des gens tiraient des coups de canon en l'air sur le transport en
commun, je rencontrais des gens qui avaient interfaces à faire. Cette
rencontre a eu lieu et on va d'abord faire l'interface sur la rive sud et dans
le nord de Montréal et on fera l'interface du nord et du sud avec
l'île de Montréal. Je pense que c'est cela, finalement, le respect
de la concertation.
Je ne pouvais pas laisser passer cette occasion puisque, effectivement,
il y a eu trop d'efforts d'investis là-dedans pour tenter d'en arriver
à une solution, pas pour la gloriole de qui que ce soit sur le plan
politique, mais pour le plus grand bénéfice des usagers du
transport en commun et de ceux qui, quotidiennement, attendent très
longuement avant de pouvoir utiliser le transport en commun et paient des prix
fort différents. On aura certainement l'occasion d'en rediscuter
éventuellement. La Chambre commençant la semaine prochaine,
certainement qu'on aura beaucoup de plaisir à en discuter et à
s'échanger des propos mielleux, virils et tout ce que vous voulez.
Pour en revenir à notre processus, nous avions finalement
campé, à l'intérieur de l'avant-projet de loi, un certain
nombre de choses qui avaient comme principe premier de compenser davantage les
blessés graves par rapport aux blessés légers. Cela est
une ligne de conduite, je vous le dis maintenant, qui ne changera pas. C'est la
base majeure de la critique envers l'actuel régime et des cas qui, de
temps à autre, font l'objet d'articles de journaux quant à des
gens qui se sentent lésés à ce chapitre. C'était la
base du régime et cela ne changera pas.
Je comprends que, dans ce que nous avons fait ou tenté de faire
dans l'avant-projet de loi, en ce qui concerne continuons avec ces expressions
tant et aussi longtemps qu'il n'y en aura pas de plus neutres - les femmes au
foyer ou les personnes âgées, il y a des problèmes avec ce
qu'on a mis sur la table. Alors, il y a eu de l'ouverture tout au long de la
commission quant à revoir un certain nombre de choses à ce
chapitre, y apporter les modifications nécessaires pour que ce soit
beaucoup plus conforme à des ajustements au bénéfice des
usagers et non pas contre les usagers.
L'esprit de l'intervention était de bonifier la loi et non pas
d'emmerder les citoyens. Dans ce sens-là - je terminerai
là-dessus parce qu'on aura certainement l'occasion d'y revenir avec
encore beaucoup plus d'emphase au moment de la deuxième lecture et au
moment de l'étude article par article - la contribution de tous ceux qui
sont venus a été, en tout cas pour moi, au-delà de mes
espérances. Même si je m'étais attendu, au départ,
à un plus grand nombre de mémoires, il reste que les neuf
mémoires qui ont été déposés sont de
qualité et, sur le plan philosophique, peuvent aller à l'encontre
de notre propre philosophie. C'est le droit de
chaque individu et de chaque regroupement d'exprimer sa philosophie et
de la faire valoir. Dans ce sens-là, ce que j'ai compris, c'est que,
dans chaque mémoire déposé, il y a du bon. Quant à
moi - bien, du bon, selon mon évaluation, bien sûr - je vais
tenter de tirer tout ce qu'il y a de bon et qui peut être
intégré dans le projet de loi avec les gens de la Régie de
l'assurance automobile et faire en sorte que, dans les plus brefs
délais, nous ayons les rencontres portant spécifiquement sur le
projet de loi, quant aux autres, ultérieurement, que nous puissions
déposer très rapidement à l'Assemblée nationale le
projet de loi et cheminer, par la suite, pour que ceux qui auront à
bénéficier des modifications, puissent le faire le plus
rapidement possible.
Alors, je veux remercier tous ceux qui ont mis du temps et des- efforts
pour préparer les mémoires, les déposer et venir les
défendre. C'est quand même une expression démocratique
extraordinaire qu'on a la chance de vivre et, même si on échange,
à l'occasion, de manière un petit peu plus virile, je pense que
c'est peut-être la conviction qui fait lever le ton, mais c'est,
néanmoins, le bénéfice de l'usager qui est
recherché à la fin.
Je veux aussi remercier les gens de la Régie de l'assurance
automobile, qui ont raison d'être fiers du degré de satisfaction
que les accidentés de la route leur reconnaissent, et de leur ouverture
aussi à vouloir régler les problèmes qui blessent le plus
les citoyens qui font affaire avec eux. Et l'ouverture d'esprit que j'ai
toujours constatée, depuis les deux ans que j'ai la
responsabilité de la part de la Régie de l'assurance automobile,
que ce soit dans la sécurité routière ou dans le
traitement des cas au chapitre de la Régie de l'assurance automobile, a
toujours été manifeste et ça nous apparaît clair
d'une administration saine sur le plan du régime. Nous voulons faire en
sorte que, finalement, les citoyens puissent avoir accès à un
certain nombre de choses. Je comprends qu'on peut être bien servi par des
avocats, mais, dit par un avocat, ça vaut la peine de retenir qu'on peut
être encore aussi bien servi par d'autres individus lorsqu'on a à
défendre des cas. Je trouve ça tout à fait exceptionnel.
J'ai hâte de voir ce qu'en pense le Barreau. Mais une chose est certaine,
ça méritera de s'y attarder.
Au secrétariat, merci de votre bonne collaboration
coutumière. On commence à en avoir l'habitude. À mes
collègues de la majorité comme aux collègues de
l'Opposition, qui sont des familiers aussi puisqu'ils ont vécu notre
commission parlementaire à Montréal comme la commission
parlementaire portant sur la Régie de l'assurance automobile, j'imagine
que tout ce que nous avons entendu, aujourd'hui, est de nature à
alimenter nos débats futurs et à faire en sorte que les arguments
des uns se confondent aux arguments des autres, et que dans la mesure où
on réussira à le faire, ce sera pour le plus grand
bien-être de ceux qui auront à bénéficier de la loi.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le
ministre. Permettez à la présidence de vous remercier, M. le
ministre, ainsi que vos collaborateurs, de même que M. le critique de
l'Opposition, ainsi que tous les membres de la commission d'avoir
facilité la tâche de la présidence, au cours de ces deux
journées.
Sur ce, la commission de l'aménagement et des équipememts
ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 18 h 10)