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Présentation de mémoires sur le projet
de loi no 107
(Dix heures neuf minutes)
Le Président (M. Laplante): A l'ordre, s'il vous
plaît!
Reprise des travaux de la commission élue permanente des Affaires
municipales pour l'étude du projet de loi no 107, Loi instituant la
régie du logement et modifiant le Code civil et d'autres dispositions
législatives, pour réception des mémoires des
organismes.
Les membres de cette commission sont: M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M.
Caron (Verdun), M. Cordeau (Saint-Hyacinthe), M. de Bellefeuille
(Deux-Montagnes), M. Gratton (Gatineau) remplacé par M. Scowen
(Notre-Dame-de-Grâce), M. Guay (Taschereau), M. Mercier (Berthier), M.
Ouellette (Beauce-Nord), M. Roy (Beauce-Sud), M. Shaw ! (Pointe-Claire), M.
Tardif (Crémazie).
Les intervenants sont: M. Alfred (Papineau), M. Charbonneau
(Verchères), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Goldbloom (D'Arcy McGee),
M. Lacoste (Sainte-Anne), M. Léonard (Laurentides-Labelle), M. Samson
(Rouyn-Noranda), M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce) remplacé par M.
Lavoie (Laval), M. Vaugeois (Trois-Rivières).
Est-ce que vous avez des changements dans l'ordre des organismes qui
seront entendus aujourd'hui? Nous n'avons aucun changement.
Organismes convoqués: L'Union des municipalités du
Québec, merci monsieur; l'Office municipal d'habitation de
Montréal, merci monsieur; l'Association des propriétaires
d'immeubles de la communauté urbaine de Montréal Inc., merci; Mme
Léone P. Gagnon; l'Association des commerçants de maisons mobiles
et terrains du Québec, merci monsieur; Structures métropolitaines
du Canada Ltée, merci.
J'appelle tout de suite l'Union des municipalités du
Québec. Monsieur, si vous voulez, vous identifierez votre groupement,
vous-même et les personnes qui vous accompagnent. Autant que possible, on
vous demande de synthétiser votre rapport en dedans de 20 minutes. On
sera assez rigide sur l'heure aujourd'hui; vous aurez une heure par
organisme.
Union des municipalités du
Québec
M. Pageau: D'accord M. le Président. Mon nom est Marcel
Pageau, je suis en compagnie de Me Nicole Lafond de l'Union des
municipalités.
M. le Président, MM. les députés, l'Union des
municipalités du Québec est heureuse de pouvoir vous exposer
aujourd'hui ses vues sur le projet de loi 107. Loin de nous cependant
l'idée d'une déclaration de guerre au gouvernement du fait de
notre opposition au projet de loi, comme le titrait l'un des quotidiens de
Montréal. Nous apprécions la perception de ce journaliste et lui
savons gré d'avoir transmis notre position avec autant de vigueur, mais
nous savons qu'il ne s'agit encore que d'un projet de loi et que les
commentaires que vous suscitez par les débats en commission
parlementaire peuvent favoriser le retrait du projet sinon son remaniement.
Notre mémoire se divise en huit arguments dont voici l'essentiel.
Ce projet de loi contient une atteinte préjudiciable au droit de
propriété tel que nous le conservons encore aujourd'hui au
Québec, mais là est moins la pierre d'assise de notre
mémoire, puisque les arguments suivants s'adressent plus
particulièrement aux compétences municipales qui sont davantages
visées.
Nous nous opposons à la création d'une nouvelle instance
administrative de contrôle, la Régie du logement, peut-être
pas en soi, mais au sens où elle exerce un droit d'examen sur des
décisions qui, somme toute, sont des prérogatives municipales par
tradition. Au moment où le gouvernement parle de remettre aux
élus municipaux la totalité des pouvoirs que 70 ans de pouvoir
gouvernemental centralisateur ont lentement éro-dés, ce
même gouvernement crée un nouveau tribunal administratif qui,
à l'instar de la Commission municipale, de la Commission de police, de
la Commission des transports et de la kyrielle d'autres, vient intervenir dans
le champ municipal. Les discours ministériels sur la
décentralisation seraient-ils de la réthorique?
Le projet de loi vient aussi trancher dans le pouvoir de construire et
de zoner, traditionnellement de compétence municipale, en y
détachant trois fonctions: la démolition d'un logement, sa
subdivision ou son changement de destination. Ces fonctions sont remises
à la régie à moins que la municipalité n'adopte un
règlement mais nous nous opposons à sa rédaction
même pour sauvegarder ses prérogatives traditionnelles. Le
mal ne serait pas si grand si tout s'arrêtait là, car les
municipalités apprécient que le gouvernement dont elles
relèvent leur donne de nouveaux pouvoirs, tel le contrôle sur la
démolition des immeubles, mais là où le bât blesse,
c'est que l'exercice d'un tel contrôle par les municipalités soit
soumis à l'examen de cette régie comme si les
municipalités ne connaissaient pas leurs affaires.
Nous avons parlé dans notre mémoire de la spirale des
pouvoirs en révision de cette décision municipale d'accorder ou
de refuser un permis. Je les mentionne brièvement: le conseil peut
réviser sa première décision; tout intéressé
peut en appeler à la régie; la décision de cette
dernière est appelable devant la Cour provinciale. Pour un pauvre petit
permis, que de dépense d'énergie humaine, sans compter le retard
dans les mises en chantier, que ce soit pour un petit propriétaire ou
pour un gros. Par ailleurs, l'Union des municipalités du Québec
se demande pourquoi le gouvernement ne donne pas complètement aux
municipalités ces pouvoirs additionnels sur le zonage et la
construction, dont elles ont tant besoin pour contrôler l'espace urbain.
Pour qu'il le fasse complètement, il faudrait qu'ils s'appliquent autant
au résidentiel qu'au commercial et à l'industriel.
Le projet de loi 107 est fondé sur une trop courte vue de
problèmes municipaux. Pour finir sur ce point, disons que le projet de
loi 107 se veut d'intérêt humanitaire sous des dehors proprement
municipaux. Le pouvoir nouvellement identifié est torturé
doublement. Il y a non seulement un chevauchement entre les prérogatives
municipales, zonage, construction, salubrité, bien-être des
locataires et un objectif social, mais encore double emploi avec les
rôles joués par la régie et les municipalités qui se
prévaudront du règlement prévu. Il faudrait que les champs
de compétence soient mieux définis. La discrétion
administrative des lois à toujours fait appel à une certaine
discrétion de la part des juges. (10 h 15)
Le projet de loi 107 plutôt que d'inviter ce tribunal à
fonctionner dans le respect le plus strict de la justice naturelle,
institutionnalise la discrétion administrative la plus pure et l'ultra
petita et l'ultra vires, puisque les jugements sont rendus en fonction
d'éléments de preuve non produits par les parties.
Evidemment, ce pouvoir discrétionnaire est enchâssé
dans une disposition même du projet de loi tout à fait
légal, selon la lettre de la loi, mais probablement pas moral dans
l'esprit du principe de la légalité qui régit notre
droit.
Si l'on examine ce pouvoir discrétionnaire remis aux
autorités municipales, non seulement le conseil peut agir avec la
bénédiction de l'autorité législative sous
l'impulsion du moment, mais la régie elle-même, en appel de la
décision de cet organisme, agira ainsi tout autant, personne ne s'en
portant plus mal puisqu'on ne peut retracer c'est devenu difficile
le cheminement juridique normatif des décisions de l'un ou de
l'autre. Ce n'est pas davantage le pourvoi en Cour provinciale qui redressera
ces convulsions. Comment le pourrait-elle?
Pour les juristes, avec un semblable système, il est impossible
de voir se former un bagage fiable et normalisé de jurisprudence. Il
s'ensuit que l'insécurité du justiciable ne peut que
s'accroître. Dans cet ordre d'idées, l'Union des
municipalités mentionne en passant que refuser au citoyen l'exercice
d'un droit, c'est l'exproprier de façon déguisée sans
indemnité. Le conseil municipal se voit attribuer tout l'odieux de cette
circonstance, bien qu'il tente de rendre une décision opportune.
Le projet prétend donner aux municipalités un pouvoir
réglementaire. Tout ce qu'il fait, c'est de codifier la
discrétion administrative. Un vrai pouvoir réglementaire n'est
pas discrétionnaire mais normatif.
Entorses aux traditions municipales: Ce projet de loi fait du conseil un
tribunal alors que l'essence de son autorité était de
réglementer des compétences qui lui étaient
attribuées par sa charte ou par la loi.
Ce projet de loi invite le conseil lui-même à
désobéir à ses propres normes. Pourquoi alors vivre dans
le respect des lois et des règlements? Pourquoi tout un appareil punitif
judiciaire si les autorités elles-mêmes sont au-dessus des lois
même si la discrétion de ce faire leur est attribuée?
Gérance difficile des requêtes: Ce projet de loi pourrait
donner accès à la corruption puisqu'en définitive, les
jugements, à cause du pouvoir discrétionnaire, sont peu
contrôlables.
Ce projet de loi invite l'administrateur à la paresse
intellectuelle car il juge approximativement, sans avoir à comparer le
cas d'espèce à des normes définies ou à tenir
compte de précédents.
Ce projet de loi favorise les goulots d'étranglement
administratifs. Rendre justice à l'intérieur d'un cadre peut
aller rapidement quand les normes sont prédéterminées. Ce
qu'on peut vraisemblablement prévoir, c'est un embouteillage au niveau
des appels en tout cas.
Marché de la construction. L'Union des municipalités du
Québec laisse aux constructeurs et aux rénovateurs le soin
d'exposer les risques que ce projet de loi encourage. Cependant, l'union note
que ce projet de loi aura un effet dépressif sur le marché des
logements, sans compter la réduction des activités
économiques des communautés locales en général.
M. le Président, MM. les députés, nous avons repris
l'essentiel de notre mémoire et nous demandons le retrait de ce projet
de loi, tel qu'il est conçu. Nous faisons cette suggestion: Accorder
plutôt aux municipalités, par un amendement à la Loi des
cités et villes et au Code municipal, un véritable pouvoir, non
partagé, de contrôler les démolitions en
général sur leur territoire. Les élus municipaux sont de
bonne foi et sauront s'en servir adéquatement.
Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le
ministre.
M. Tardif: M. le Président, je remercie évidemment
l'Union des municipalités pour sa présence, ici, ce matin et pour
l'éclairage qu'elle pourra nous apporter au cours de la période
de questions, si on met de côté le document qui, je pense, est un
peu bâti sur une méprise. Je comprendrais l'indignation de l'Union
des municipalités si, par le projet de loi 107, le législateur
lui avait enlevé des pouvoirs, lui avait enlevé une
compétence qu'elle avait pour dire: Maintenant ce sera exercé par
un office gouvernemental, une commission, une régie. Mais ce n'est pas
le cas, M. le Président; jusqu'à maintenant, les
municipalités n'avaient pas le pouvoir de contrôler les
démolitions sur leur territoire. N'est-ce pas exact, M. Pageau? Les
municipalités n'avaient pas le pouvoir d'empêcher les subdivisions
de logements. N'est-ce pas exact, M. Pageau?
M. Pageau: Elles pouvaient l'empêcher dans le cas où
ça ne correspondait pas au règlement de zonage ou au
règlement de construction, parce que chaque municipalité comme
telle a un règlement de construction. C'est bien défini que, si
vous avez, dans un arrondissement donné, la permission de faire une
maison de deux loge-
merits, vous n'avez pas le droit d'en faire une de quatre logements
à mi-chemin.
M. Tardif: Oui, d'accord. Mais je parle de la subdivision d'un
logement de sept pièces, où on décidera de faire des deux
et trois pièces. Si c'est conforme aux normes de construction ou au
zonage résidentiel, vous ne pouvez interdire ce genre
d'opération.
M. Pageau: C'est juste.
M. Tardif: Et vous n'avez pas non plus le pouvoir
d'empêcher, à l'intérieur évidemment des
règlements de zonage, les changements d'affectation de l'immeuble,
pourvu que ce soit à l'intérieur du règlement de zonage.
C'est cela?
M. Pageau: Oui.
M. Tardif: Donc, ce que la loi no 107 vous donne, c'est un
nouveau pouvoir que vous n'avez pas. C'est exact?
M. Pageau: En partie.
M. Tardif: Bien, en partie, elle vous le donne ou elle ne vous le
donne pas?
Mme Lafond: On peut dire que oui, effectivement, le pouvoir est
donné. Sauf qu'on fait la réserve que les municipalités le
veulent totalement.
M. Tardif: Bon, très bien, je vais y arriver, mais je
voudrais juste dire que c'est de cette façon que j'ai compris le
mémoire. Si ce n'est pas cela j'aimerais que M. Pageau corrige cette
impression. Beaucoup de phrases dans le mémoire disent que c'est une
immixtion dans les affaires locales, municipales, puis que cela va à
l'encontre de la politique gouvernementale de la décentralisation, alors
que, précisément, résistant aux demandes de beaucoup de
gens qui sont venus devant cette commission qui ont dit: On ne fait pas
confiance aux municipalités pour contrôler les démolitions,
elles ont partie liée avec les promoteurs, les bâtisseurs, les
développeurs, malgré ces représentations, dis-je, le
gouvernement a dit: Bien, d'accord, nous on pense que cela devrait être
sur le plan local.
Donc, c'est quand même assez différent comme optique. On
n'enlève pas des pouvoirs aux municipalités, on leur en donne,
qu'elles n'avaient pas avant. Là, vous dites qu'on n'en donne pas tout
à fait assez. Là-dessus, j'aimerais entendre vos
représentations. C'est pour cela que j'aurais plutôt tendance
à mettre de côté le document, puis peut-être qu'on
engage une conversation maintenant. Ou on laisse de côté un peu,
disons, le formalisme de certaines... Enfin, quand on dit que le projet de loi
peut entraîner la corruption, la paresse intellectuelle, des goulots
d'étranglement administratifs, avoir un effet dépressif sur le
marché, ce sont toutes des choses qui ne sont pas prouvées et qui
restent à prouver évidemment. C'est pour cela que je
préférerais laisser cela de côté et vous dire: M. le
maire, premièrement, pensez-vous qu'il doit exister un contrôle
des démolitions? Deuxièmement: Par qui et comment devrait-il
être exercé?
Là-dessus j'aimerais cela entendre vos opinions.
M. Pageau: L'Union des municipalités, M. le ministre,
s'oppose au fait qu'il y ait une Régie des démolitions, une autre
régie, une autre autorité.
Les villes pourraient avoir cette juridiction au lieu de renvoyer la
balle à la régie, avoir une enquête et tout un paquet de
paperasse. Vous savez comment cela prend de temps quand on fait affaires avec
une grosse machine.
M. Tardif: On va commencer sur des données aussi
fondamentales que l'Union des municipalités croit-elle ou ne croit-elle
pas qu'il devrait y avoir un contrôle des démolitions?
M. Pageau: Oui, il devrait y avoir un contrôle des
démolitions.
M. Tardif: Très bien. Deuxièmement: Qui devrait
exercer ce contrôle?
M. Pageau: Les municipalités.
M. Tardif: Les municipalités. Troisième question: A
défaut pour les municipalités de l'exercer, pensez-vous que
quelqu'un pourrait l'exercer? A défaut par elles de le faire, si elles
ne le font pas, en d'autres termes.
M. Pageau: A défaut, si elles ne le font pas, oui.
M. Tardif: Bon. Alors, le projet de loi 107 dit quoi? Le projet
de loi 107 dit: La régie pourra contrôler les démolitions,
sauf si une municipalité a, en vertu des articles 102 et 103, selon
qu'il s'agit d'une municipalité de cité ou ville d'après
le Code municipal, adopté un règlement. D'accord? Cela veut dire
que, dès qu'une municipalité adopte un règlement pour son
territoire, c'est elle qui contrôle les démolitions. Vous
êtes d'accord là-dessus? Ce que la loi 107 dit...
M. Pageau: Sauf les systèmes d'appel. M. Tardif:
Oui, on va arriver à l'appel.
M. Pageau: II y a les systèmes d'appel, là
aussi.
M. Tardif: On ne sautera pas les étapes; on en
était aux données fondamentales: Doit-il y avoir ou pas un
contrôle des démolitions? On dit: Oui, il devrait y en avoir un;
oui, cela devrait rester sur le plan local. Je vous dis: La loi 107 permet de
faire cela, elle permet à la municipalité d'adopter un
règlement. Lorsqu'elle l'a fait, c'est elle qui est
compétente et non pas la régie. A défaut pour la
municipalité d'adopter un tel règlement, c'est la régie
qui entend les cas. C'est exactement le cheminement qui avait été
suivi avec des normes minimales d'urbanisme, vous vous en souviendrez, alors
que le monde municipal avait dit: Laissez-nous donc le pouvoir d'adopter de
telles normes. Si on ne le fait pas, vous agirez à notre place.
Là, on arrive sur la question plus délicate, j'en
conviens, de l'appel. Jusque-là, la municipalité joue le premier
rôle et c'est uniquement si elle ne le fait pas que l'Etat pourra
intervenir. La question de l'appel. Evidemment, si le conseil décide, en
première instance, des cas de démolition et qu'on doive
prévoir un appel quelque part, je vous pose la question, M. le maire:
Qui, au-dessus du conseil ou à côté, ou de façon
indépendante, pour respecter le principe d'une certaine
neutralité, pourrait faire office d'instance d'appel? Avez-vous des
suggestions à me faire?
M. Pageau: Cela peut être la commission municipale comme
telle. Pourquoi créer un autre palier? C'est pourquoi on demande
pourquoi il y aurait un autre palier, un tribunal ordinaire plutôt que
d'avoir une régie.
M. Tardif: Bien non, la régie est là de toute
façon, M. le maire. On ne la crée pas.
M. Pageau: Pas encore.
M. Tardif: Bien, c'est-à-dire, la commission est
là; elle change de nom. Il ne faut pas dire que ce n'est pas...
M. Pageau: ...
M. Tardif: On ne crée pas un nouvel organisme. Un
organisme est là, il existe, il s'appelle la Commission des loyers, ou
la régie, présentement. Ce n'est pas quelque chose que la loi 107
va inventer, de toutes pièces, et qui a une compétence en
matière de logement. Entre nous, sur ce plan, du point de vue des
municipalités, strictement, avoir comme instance d'appel la commission
municipale ou la Régie des loyers, c'est peut-être même plus
décentralisateur que d'avoir la Régie des loyers puisqu'elle
siège dans au-delà de 47 municipalités et elle a des
bureaux un peu partout, au Québec; tandis que la commission municipale,
bien, il n'y en a qu'une, son siège social est ici; elle peut
évidemment se déplacer. Mais on est d'accord; on dit: II en faut
une. Vous dites: Cela devrait être... Mine La fond: Alors, pour
répondre à la question, on pourrait dire qu'on s'en remet aux
tribunaux, au système judiciaire que l'on connaît, par
l'intermédiaire de notre Code de procédure que l'on
connaît, soit l'article 33 ou les autres articles en évocation,
mais par contre, une facette importante du mémoire, c'est tout ce qui
concerne la discrétion administrative. On demande un droit, un pouvoir
normatif, un poids réglementaire nor- mal qui fasse en sorte qu'il n'y
ait pas de système discrétionnaire et que si des normes sont
enfreintes par l'agent qui émet le permis, que les gens passent par le
système judiciaire traditionnel.
M. Tardif: C'est une tout autre question, Me Lafond.
C'est une tout autre question que vous soulevez là, on en
était sur l'appel. Vous me parlez du fait que la décision de
démolir ou non pourrait être prise à la lumière de
critères qui ne seraient pas clairement définis dans un texte de
loi et qui pourrait amener un tribunal, un organisme, à statuer à
partir de critères d'opportunité, plutôt que de lire le
droit et d'appliquer une règle de droit. J'en conviens, c'est un fait,
c'est voulu ainsi. (10 h 30)
La décision de démolir ou non sera toujours un acte
politique, une décision qu'un conseil devra prendre quant à
l'opportunité de faire une chose ou non. Je ne pense pas qu'on
réussira jamais, si vous avez des suggestions à me faire de ce
côté, à libeller dans un texte à quel moment
précis on pourra, en raison du fait que telle corniche n'est pas
conforme, démolir ou non un immeuble. Cela m'apparaît impossible
à faire.
Donc, c'est vrai qu'on va statuer sur des questions d'opportunité
mais cela, c'est une question différente de l'appel. J'aimerais
là-dessus revenir à M. Pageau et qu'on ne se perde pas dans ces
dédales juridiques; c'est de la plomberie qu'il faut évidemment
mettre en oeuvre pour parvenir à des fins mais les fins sont de
contrôler les démolitions, le faire avec le minimum de
problèmes pour les municipalités et avec le maximum d'autonomie
locale, j'en conviens.
A part une commission gouvernementale, est-ce que vous voyez d'autres
mécanismes possibles, à supposer qu'on veuille prévoir
deux paliers sur la scène locale? Je vais vous donner un exemple: Est-ce
qu'il serait concevable qu'une commission du conseil je vous pose la
question comme maire aussi formée de citoyens ou non, statue sur
la question et que le conseil siège en appel de ses décisions?
Est-ce que c'est aussi concevable?
M. Pageau: Cela peut être concevable parce que chaque
conseil a une commission d'urbanisme avec des citoyens qui siègent
à l'intérieur de cela; alors, cela peut être la
première instance; après cela, que le conseil municipal
complète cette chose-là. Cela peut être concevable;
j'abonde dans le sens que vous dites dans le moment. Normalement, les
municipalités font siéger des gens en dehors du conseil municipal
aux commissions d'urbanisme qui font respecter la loi comme telle. De plus en
plus, il y a moins d'élus, ce sont des gens nommés dans le milieu
pour discuter de ces choses.
M. Tardif: Serait-il possible, M. le maire, que l'UMQ essaie de
me faire des suggestions ou les faire à cette commission, à un
moment donné, sur des mécanismes possibles?
M. Pageau: J'en prends note, M. le ministre. Je sais qu'on veut
avoir un mécanisme qui ne soit pas trop lourd, qui ne soit pas
coûteux pour le contribuable; c'est cela qu'on veut avoir au juste.
M. Tardif: D'accord.
M. Pageau: On ne veut pas que le type se ramasse avec une
pléiade de procédures pour ne plus en finir avec cette chose et
que la ville aussi ne soit pas appelée à entériner des
dépenses excessives là-dedans.
M. Tardif: Je vais laisser à d'autres le soin et la chance
de poser des questions, quoiqu'en conclusion j'aimerais peut-être revenir
sur des plaintes entendues de la part de propriétaires de terrains de
maisons mobiles et de la part de locataires de tels terrains qui
prétendent que les municipalités les enferment un peu dans des
ghettos, les ignorent, les négligent, etc.; j'aimerais entendre vos
commentaires sur cet aspect du problème des parcs de maisons mobiles.
Merci.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Merci, M. le Président.
Si je parle moitié au ministre et moitié à vous, M.
Pageau, c'est parce que le ministre, ce matin, est vitaminisé, il est
très intéressant, il y a des points qu'il a soulevés
pendant sa période de questions avec vous qui, je pense, doivent
être élaborés un peu. Je veux surtout parler de cette
question du droit des municipalités sur la décentralisation. Vous
avez suggéré, M. le ministre, que certaines personnes sont venues
ici avec la suggestion que les municipalités ne sont pas capables de
gérer leurs propres affaires. J'avais l'impression que vous étiez
un peu d'accord. Ce n'est pas moi qui l'ai dit, mais, en effet, vous avez
laissé tomber cette idée. Je pense que...
M. Tardif: Un instant, voulez-vous répéter ce que
vous dites, monsieur? Que j'étais d'accord avec quoi?
M. Scowen: Vous avez suggéré, ce matin, que les
municipalités ne sont pas capables de diriger leurs affaires.
M. Tardif: C'est archi-faux, je n'ai jamais dit cela.
M. Scowen: Ah! J'avais l'impression que...
M. Tardif: Peut-être votre compréhension de la
langue française n'est pas ce qu'elle devrait être. Je n'ai jamais
rien prétendu de tel. Au contraire, le projet de loi 107...
M. Scowen: Vous avez dit...
M. Tardif: ... reconnaît aux municipalités ce
contrôle.
M. Scowen: Vous avez suggéré, je pense...
M. Tardif: Des gens sont venus, hier, devant cette commission
ce n'est pas moi qui l'ai dit, ce sont ces gens qui ont dit: II
ne faut pas se fier aux municipalités. Le dernier groupe que l'on a
entendu, le groupe des locataires de Québec, a dit: II ne faut pas faire
confiance aux municipalités. Vous étiez là, à ce
moment...
M. Scowen: Vous êtes d'accord avec cette idée ou
non?
M. Tardif: Absolument pas, je ne suis pas d'accord.
M. Scowen: Bon, parfait. Alors, si vous n'êtes pas
d'accord, il me semble que l'idée de décentralisation envers les
municipalités est bonne.
M. Tardif: Excellente. C'est pour cela que c'est dans la loi
aussi.
M. Scowen: Parfait. Mais je suis rendu au moment où vous
avez dit: Quoi faire à défaut, si elles ne le font pas? Alors,
pour moi, le droit de fatre quelque chose implique le droit de le faire mal ou
de ne pas le faire du tout. Ceci est en effet le problème qu'on a
vécu au Canada, depuis 100 ans. Un gouvernement fédéral
voyait un droit du gouvernement provincial et disait: Vous avez le droit, si
vous le faites. Mais si vous ne le faites pas ou si vous ne le faites pas bien,
à défaut, nous allons le faire. Ce manque de respect pour les
juridictions des autres organismes du gouvernement a causé,
d'après moi, une grande partie des problèmes qui existent au plan
constitutionnel. Je crois que le manque de respect du droit d'une
municipalité de faire mal tout ce qu'elle a le droit de faire, ou de ne
pas faire ce qu'elle a le droit de faire, cette attitude de patron, de
père envers ces organismes gouvernementaux a causé
énormément de problèmes. On le voit dans l'attitude des
municipalités aujourd'hui.
M. Tardif: C'est une question que vous me posez ou si c'est un
discours que vous faites?
M. Scowen: Je fais à peu près la même chose
qu'a faite le ministre ce matin.
M. Tardif: D'accord.
M. Scowen: J'essaie, à chaque mémoire, de suivre
l'ambiance qu'il crée.
M. Tardif: D'accord.
M. Scowen: Pour les mémoires auxquels vous posez des
questions, je pose des questions.
M. Tardif: D'accord.
M. Scowen: Quand vous faites des discours politiques, j'essaie de
vous suivre comme maître.
Cette fois c'est très clair que c'est un mémoire
politique.
M. Tardif: C'est vrai que c'en est un.
M. Scowen: Alors, je vous suggère que si vous respectez
vraiment les municipalités vous devez respecter leur droit de faire mal
des choses de temps en temps ou de prendre la décision de ne pas les
faire du tout. Parce que c'est cela qui est impliqué dans un droit.
M. Tardif: Je peux vous poser une question, M. Scowen? A mon
tour, je peux vous en poser une?
M. Scowen: Oui, oui.
M. Tardif: Etes-vous pour ou contre le contrôle des
démolitions?
M. Scowen: Je pense...
M. Tardif: Le front commun des locataires de
Notre-Dame-de-Grâce n'est pas ici, M. Blisma n'est pas ici...
M. Scowen: J'ai suivi cette ligne de pensée.
M. Tardif: Vous êtes favorable au contrôle des
démolitions, je pense?
M. Scowen: Oui.
M. Tardif: Cela m'apparaît normal. Très bien. Je
reviens à la question. La loi 107 permet aux municipalités de
faire un règlement. On ne les oblige pas. La loi ne les oblige pas
à faire un tel règlement, elle le leur permet. Si elles en font
un, très bien. Si elles n'en font pas, qu'est-ce qui se passe?
M. Scowen: II n'y en aura pas.
M. Tardif: II n'y en aura pas. Donc on démolira
allègrement. Vous êtes prêt à défendre cela
devant le front commun des locataires de Notre-Dame-de-Grâce?
M. Scowen: On va respecter le droit des municipalités de
décider. C'est tout!
Le Président (M. Laplante): II ne faudrait pas oublier
qu'il y a des invités ici.
M. Scowen: Tout ce que je vous disais, c'est que cette ligne de
pensée que vous suivez avec moi, c'est exactement la même que vous
avez suivie avec M. Pageau. Je l'ai bien suivie jusqu'au moment où vous
avez dit: A défaut... Je veux simplement le souligner.
Le Président (M. Laplante): II ne faudrait pas oublier
qu'on a des gens en avant qui ont un mémoire et qui doivent être
questionnés. Cela fait un bon moment que vous vous parlez l'un à
l'autre. S'il vous plaît!
M. Scowen: Je vais terminer en vous disant simplement qu'il ne va
pas de soi, comme la nuit suit le jour, que si une municipalité ne fait
pas quelque chose d'une façon convenable pour le gouvernement
provincial, le gouvernement provincial doit intervenir chaque fois. C'est cette
ligne de pensée que vous avez suivie ce matin, avec laquelle je suis
complètement en désaccord.
M. Caron: M. le Président...
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Verdun, je voudrais respecter la rotation avec le député de
Saint-Hyacinthe et je reviendrai ensuite. D'accord?
M. Cordeau: Merci, M. le Président.
M. Tardif: On a deux experts municipaux ici, ce matin.
M. Caron: Ce sont les conseillers qui contrôlent, ce n'est
pas moi.
M. Cordeau: Je veux revenir à la question du droit d'appel
dont on a discuté un peu tantôt, parce que je crois que, dans les
commissions d'urbanisme je crois que c'est comme cela dans toutes les
municipalités le nombre de citoyens est plus fort que le nombre
de conseillers sur une commission d'urbanisme. Vous êtes d'accord avec
cela. Bon!
M. Pageau: Oui. Il y a même des commissions d'urbanisme qui
n'ont pas de conseillers comme tels pour exempter le plus possible la politique
à l'intérieur de cela.
M. Cordeau: Bon!
M. Pageau: Pour prendre des décisions...
M. Cordeau: Ensuite, je crois que...
M. Pageau: Comme le dit M. Guay, la chambre de commerce est
exclue de cela.
M. Cordeau: La commission d'urbanisme doit faire parvenir au
conseil des décisions prises et ensuite le conseil les entérine
ou les refuse. Par contre, à ce moment-là, pour qu'il y ait refus
ou acceptation, ce doit être une décision publique qui peut aller
jusque devant le conseil et devant le public.
M. Pageau: Cela vient devant le conseil. Les
procès-verbaux des commissions d'urbanisme sont soumis au conseil pour
approbation.
M. Cordeau: C'est ça! Alors, ça devient public. Je
crois que le citoyen serait bien protégé si la commission
d'urbanisme se prononce concernant
les démolitions et, ensuite, si la décision est
entérinée par le conseil comme appel.
M. Pageau: M. le député, anciennement on n'avait
pas ce pouvoir d'exiger des démolitions, etc. Le seul pouvoir qu'on
avait dans les cas de démolition était quand un édifice
avait un certain pourcentage de détruit par un incendie ou ainsi de
suite. C'est un pouvoir qui nous est donné aujourd'hui, mais on veut
l'exercer tout seuls.
M. Cordeau: C'est cela!
M. Pageau: C'est le principal argument de l'Union des
municipalités.
M. Cordeau: Que j'endosse tout à fait aussi.
M. Pageau: Si on peut endosser le zonage, si on est capable de
voir à la construction dans les limites de nos municipalités, je
crois qu'on est aussi capable de voir à la démolition et qu'elle
se fasse d'une manière acceptable pour la population que nous
représentons.
M. Cordeau: II peut y avoir un contrôle, car le citoyen
doit demander un permis de démolition à la ville.
M. Pageau: Oui.
M. Cordeau: II y a contrôle indirect en partant parce que
le gars ne peut pas démolir sans permis.
M. Pageau: Cela prend un permis de démolition.
M. Cordeau: Cela prend un permis de démolition. On a
parlé aussi, tantôt, de transformations de logis. Je crois que,
là aussi, si la désignation est changée, soit d'un magasin
qu'un type veut transformer en immeuble à logements, etc. Il doit encore
faire appel à la Commission d'urbanisme. Est-ce que...
M. Pageau: Toute modification doit faire appel à la
Commission d'urbanisme.
M. Cordeau: A ce moment, c'est encore le même
mécanisme.
M. Pageau: Le même processus.
M. Cordeau: Croyez-vous que le citoyen est protégé?
Les droits du citoyen sont-ils protégés par l'administration
municipale?
M. Pageau: Le citoyen va devant la Commission d'urbanisme pour
expliquer son cas. Le cas est discuté et il y a un rapport qui est fait
d'après le procès-verbal, au conseil, et le procès-verbal
est entériné par le conseil où tel article est
accepté ou rejeté, si le conseil municipal veut avoir des
explications supplémentaires, il rencontre la Com- mission d'urbanisme
et, ensemble, les deux organismes discutent du cas.
M. Cordeau: D'après ce que vous nous dites, il y a encore
là un contrôle par les municipalités concernant les
transformations, les démolitions et ça protège les
citoyens en général.
Aussi, à la page 4 de votre mémoire, vous mentionnez, au
quatrième paragraphe: "L'Union des municipalités du Québec
mentionne, en passant, que refuser au citoyen l'exercice d'un droit, c'est
l'exproprier de façon déguisée, sans indemnité".
Voulez-vous développer un peu ce sujet?
Le Président (M. Laplante): Je vais demander à Me
Lafond de répondre.
Mme Lafond: Avant de répondre à cette question,
j'aimerais dire qu'un changement de destination d'un logement est aussi un
attribut du zonage. Les droits acquis, qui ont été
étudiés depuis plusieurs années, font en sorte que, quand
un usage d'un immeuble ou d'un sol est prévu dans le règlement de
zonage et qu'il est changé, évidemment, c'est une infraction au
règlement de zonage et il peut être interdit, en vertu de la Loi
des cités et villes ou des chartes qui en font partie. Alors,
déjà le changement de destination, qui est proposé dans le
projet de loi 107, est une forme de chevauchement avec un exercice de
compétence qui est déjà donné aux
municipalités. Alors, il y aurait déjà un appel sur des
droits qui sont effectivement exercés, qui sont actuellement
exercés par des municipalités. Ce que la loi fait, c'est qu'elle
stigmatise un édifice qui est le logement, plutôt que de parler de
l'immeuble en général, comme notre droit civil ou notre droit
municipal en parlent. (10 h 45)
En ce qui concerne la question que vous venez de poser, je crois qu'il
faut faire la réserve suivante. C'est au titre 4: "Institutionnalisation
de la discrétion administrative". La raison pour laquelle l'union a fait
des remarques sur ce point de droit, c'est qu'il y a énormément
de conditions qui doivent être étudiées avant
l'émission d'un permis. Ces conditions sont multiples, elles traitent
à la fois de bien-être du locataire et de conditions strictes,
physiques, d'édifices ou de constructions.
Alors, il y a une imbrication très complète. On se demande
sur quel véritable motif une décision du conseil ou d'une
régie ou d'une cour provinciale peut se fonder s'il y a un
éventail immense de conditions qui peuvent être examinées
avant que le permis soit émis ou non.
Alors, c'est pour cette raison qu'on en arrive à une
déduction qui est logique. Disons qu'elle n'est peut-être pas en
fait véritable mais on peut penser cela. C'est que, si on refuse pour
une mauvaise raison ou si on refuse pour une raison qui n'est pas applicable au
cas, l'émission du permis, ou on le lui attribue pour une raison autre,
cela veut dire qu'on lui enlève son droit, on lui refuse son droit. Si
on ne peut pas exercer un droit puis qu'on ne le compense pas c'est
notre système juridique
cela s'appelle dans notre système, dans la jurisprudence une
expropriation déguisée, sans indemnité. On fait comme si
on expropriait la personne, mais on ne lui paie pas une indemnité.
M. Cordeau: Oui, j'ai une autre observation. Tantôt, M. le
ministre, vous avez mentionné qu'un groupe de Québec a dit qu'il
n'avait pas confiance aux municipalités. Il faut dire aussi qu'ils ont
dit qu'ils n'avaient pas confiance au gouvernement actuel, parce qu'ils
disaient que c'était le statu quo.
Alors, il ne faut pas prendre ces affirmations tout à fait pour
l'évangile.
M. Tardif: Puis-je corriger ce que vous avez dit? C'est vrai,
mais ils ont ajouté: A n'importe quel gouvernement, puis à
l'entreprise privée, etc. On a affaire à des groupes
extrêmes, n'est-ce pas?
M. Cordeau: Oui, oui, c'est pour cela que...
M. Tardif: Alors, peu importe le gouvernement...
M. Cordeau: Oui, tout à fait d'accord avec vous.
M. Tardif: C'est exact. M. Cordeau: Oui, oui.
M. Tardif: Ils ont confiance en eux, point, c'est tout.
M. Cordeau: Oui, ils refusaient même le droit à la
propriété.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Taschereau.
M. Tardif: Voyez-vous cela.
M. Guay: M. le Président, je suis fort heureux de voir
notre excellent ami, M. Pageau, ici ce matin, parce qu'il est non seulement
représentant de l'Union des municipalités, mais il est
peut-être surtout président de la Communauté urbaine de
Québec. C'est donc, pour nous tous de la région de Québec,
un interlocuteur de premier plan. Je voudrais, si vous le permettez, reprendre
un peu la démarche de votre mémoire, parce que j'avoue que je la
trouve un peu curieuse. Vous commencez par dire, dans l'argumentation: Le droit
de propriété est affecté. Vous dites même que cela
va constituer une atteinte importante au droit de propriété de
tous et une brimade à la liberté des propriétaires
d'immeubles, gros comme petits.
Dois-je comprendre, de cette argumentation, que vous vous opposez
à toute restriction du droit absolu de propriété, ce qui
inclurait le droit de détruire la propriété ou de la
laisser aller à l'abandon?
Mme Lafond: Alors, c'est sûr qu'on a pris la loi, quand on
l'a étudiée, dans tous ses aspects pour commencer comme cela. On
tient compte à la fois des pouvoirs qui sont attribués, la
manière dont les pouvoirs sont attribués dans le projet de loi no
107 et des conclusions qui s'ensuivent.
Or, c'est pour cela qu'on dit qu'il y a une brimade, quand on dit: Nul
ne peut sans permis ou nul ne peut sans autorisation, en ce qui concerne les
immeubles, les ensembles immobiliers de douze logements et plus. Il faut
regarder cela, je veux dire...
M. Guay: Vous êtes d'accord, à supposer qu'on
utilise même le terme "brimade".
Mme Lafond: C'est un mot.
M. Guay: Oui, c'est le mot que vous utilisez. Est-ce que, quant
au principe de la chose je ne parle pas quant aux modalités
vous êtes d'accord avec ce que vous appelez une brimade au droit
de propriété, en ce qui a trait aux démolitions,
subdivisions, changements de destination?
Mme Lafond: Je ne veux pas scinder ma réponse en deux,
dans le sens que je suis d'accord. Si vous dites que vous attribuez de nouveaux
pouvoirs à la municipalité, s'est-à-dire des pouvoirs qui
n'existaient pas, vous lui accordez le pouvoir de contrôler les
démolitions, bravo! On le prend. Mais, disons que...
M. Guay: Tout en étant conscient que cela constitue une
brimade.
Mme Lafond: Zoner, c'est déjà une brimade. Si je ne
peux pas...
M. Guay: De la façon dont c'est présenté, on
dirait que l'Union des municipalités s'oppose à la brimade que
subiraient les pauvres propriétaires d'immeubles alors que là,
vous me dites que, de toute façon, il en existe déjà.
Mme Lafond: On analyse le projet de loi 107 en entier.
M. Guay: II y a une façon de présenter
l'argumentation. Votre premier principe est que le droit de
propriété est affecté. C'est une brimade pour les
propriétaires. Est-ce que je comprends que c'est une brimade avec
laquelle vous êtes quand même d'accord, sous réserve des
modalités?
Mme Lafond: C'est une brimade... Si on regarde le droit
municipal, le zonage est une brimade. Si je ne peux pas construire ma
discothèque à côté d'un hôpital, c'est une
brimade. Si je peux la mettre dans un espace qui est prévu pour cela,
évidemment, c'est une brimade, mais améliorée, où
il y a des compensations.
M. Guay: Soyons bien clairs.
M. Scowen: Est-ce que vous pensez que vous devez permettre au
gouvernement de faire le procès des personnes qui présentent les
mémoires ici?
M. Guay: Quel procès? M. le Président, j'essaie de
clarifier...
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce, je suis très attentivement les questions et
les réponses. Les questions sont pertinentes au mémoire...
M. Scowen: J'ai l'impression qu'ils font un peu le procès
de ces personnes.
Le Président (M. Laplante): Je n'ai pas encore cette
impression.
M. Guay: M. le Président, est-ce que M. Pageau a
l'impression que je fais son procès? Avez-vous l'impression que je fais
votre procès en vous posant ces questions?
M. Pageau: Non. Je suis bien calme, ce matin.
M. Guay: Le député de Notre-Dame-de-Grâce
semble être bien...
M. Pageau: Je viens répondre aux questions et donner le
plus d'informations possible.
Le Président (M. Laplante): Pour la discussion, M. le
député de Taschereau, c'est une question honnête que m'a
posée le député de Not re-Dame-de-Grâce...
M. Pageau: Concernant la brimade, M. Guay, je peux
peut-être m'expliquer clairement. Le type qui a une
propriété à l'intérieur d'un ensemble de maisons de
douze logements ne peut pas la vendre sans demander la permission de la vendre.
C'est ce qui est dans le projet de loi. Je crois que c'est une brimade envers
cet individu. Si vous avez une maison et que vous voulez
déménager à l'extérieur, cela vous prend tout un
processus pour avoir la permission de vendre cet immeuble.
M. Guay: Sur le principe, est-ce que vous êtes d'accord
qu'il est normal, bon, sain, de réglementer encore une fois, on
pourra revenir aux modalités les démolitions, subdivisions
et changements de destination?
M. Pageau: On est d'accord pour la démolition. C'est une
chose qu'on n'avait pas antérieurement. Mais on vous dit qu'on est
capable de l'exercer seul, sans avoir une tierce personne là-dedans.
M. Guay: Là, on parle des modalités, à
savoir qui va le faire. Mais on est d'accord sur le principe que cela doit se
faire.
M. Pageau: Oui, parce que présentement on n'a pas la
permission. On a des bâtisses qui sont vétustes, dans le moment,
et on ne peut pas exiger la démolition. J'en ai dans ma
municipalité, c'est la même chose, on n'a pas la permission. On ne
veut pas avoir tout un processus à engager pour la démolition de
la bâtisse, pour qu'elle demeure là encore cinq ans.
M. Guay: Vous revenez souvent avec l'idée que cela porte
atteinte au droit de propriété. Vous y revenez au haut de la page
4. En même temps, si je comprends bien, vous êtes d'accord avec
l'idée qu'il faut y porter atteinte.
M. Pageau: Je pense qu'on mêle les choux et les raves,
là-dedans. Un type qui est propriétaire d'une maison à
l'intérieur d'un pâté de maisons et qui ne peut pas la
vendre, c'est une atteinte à sa liberté s'il ne peut pas vendre.
C'est cela, le droit de liberté dont vous venez de faire mention. Ce
n'est pas dans l'ensemble. On vous dit qu'on a étudié la loi dans
son ensemble et on a sorti...
M. Guay: Vous vous attaquez plus particulièrement... Le
contrôle des loyers, vous en parlez peu. Ce que vous visez,
essentiellement, c'est la question des démolitions, subdivisions,
changements de destination. C'est cela?
M. Pageau: Pour la division, supposons que vous avez tout un
secteur, dans une municipalité, qui est construit de maisons
unifamiliales et que, du jour au lendemain, un type décide de faire des
logements à l'intérieur de cela, qui peut l'en
empêcher?
M. Guay: Là...
M. Pageau: C'est le zonage qui l'en empêche, dans le
moment.
M. Guay: Vous êtes d'accord que quelqu'un, quelque part,
l'autorité municipale ou l'autorité municipale avec un droit
d'appel à un tribunal administratif, doit avoir le pouvoir de dire: Non,
la municipalité ne se développpera pas comme cela.
M. Pageau: Oui, on l'a présentement. Pour toute
modification à l'intérieur d'une propriété, il faut
qu'il ait un permis de la commission d'urbanisme de la municipalité
où les rénovations se font.
M. Guay: Maintenant, reste à savoir qui doit le faire.
Vous dites: "Le projet prétend donner aux municipalités un
pouvoir réglementaire. Tout ce qu'il fait, c'est codifier la
discrétion administrative". En d'autres mots, si je comprends bien, ce
que vous reprochez au projet de loi 107 quant à cet aspect, c'est de ne
pas préciser. Tout ce qu'il dit, au fond, c'est: La municipalité
peut réglementer, mais il ne dit pas ce qui doit être dans ce
règlement. Vous voudriez que le projet 107 aille plus loin et ne laisse
pas de discrétion à la municipalité, si je lis bien ce que
vous dites: "Un
vrai pouvoir réglementaire n'est pas discrétionnaire, mais
normatif". Ensuite, vous dites: "La municipalité, sous le couvert d'un
apparent pouvoir réglementaire, ne réglemente pas vraiment. Elle
décide selon son bon vouloir. Ce projet de loi change donc les
fondements de notre droit." Vous voudriez que la municipalité ne puisse
pas décider selon son bon vouloir, si je comprends bien.
M. Pageau: On veut que la municipalité décide selon
son bon vouloir.
M. Guay: Alors, pourquoi nous faites-vous ce reproche que le
pouvoir réglementaire devient discrétionnaire? Tout ce qu'on
fait, c'est codifier la discrétion administrative, dites-vous, et vous
nous le reprochez.
Mme Lafond: La seule référence que l'on fait, c'est
qu'on demande que les pouvoirs réglementaires soient du même type
que les autres qui sont attribués dans la Loi des cités et
villes, alors que les motifs sont immédiats à la décision
et non pas de toutes sortes de couleurs ou de variétés pour
finalement arriver à émettre ou refuser un permis. On dit,
à un moment donné, qu'on a double compétence; on a deux
champs de compétence et deux agents intervenants. Quand on dit double
champ de compétence, c'est qu'il y a à la fois un contrôle
humanitaire quand on parle de contrôle de logements pour éviter
qu'il n'y ait des brimades aux droits des locataires. C'est le bien-être
des locataires, mais c'est à travers des attributs qui sont physiques,
de construction, c'est-à-dire d'architecture physique, etc., comme on
peut le lire dans un des articles de la loi qui est repris dans le
règlement qu'une municipalité pourrait adopter aux articles 102
et 103. C'est tout ce qu'on dit. On dit que le pouvoir est donné, mais
de façon mixte. En voulant favoriser le bien-être du locataire, on
pourrait le faire pour raisons d'architecture. Si on trouve que le projet n'est
pas conforme à l'architecture, on pourrait dire que les locataires
seraient brimés ou que le locataire en question serait brimé.
M. Guay: En tout cas, pour ce qui est de l'aspect
esthétique, je rappelle toujours cet exemple que, je pense, M. Pageau
connaît sûrement, puisqu'il s'agit d'un exemple ici à
Québec. On a démoli d'excellents logements le long de la
Grande-Allée pour construire le calorifère qui abrite aujourd'hui
certains bureaux du gouvernement. On n'a sûrement pas
amélioré la qualité des logements dans le coin, puisqu'on
en démoli pour mettre des bureaux et on n'a sûrement pas
amélioré la qualité esthétique de l'environnement.
Enfin, c'est un exemple. Ma dernière question...
M. Pageau: Je pense qu'il y a eu des approbations dans le temps.
Les approbations ont été données par ceux qui
étaient en place. Alors, il ne faudrait pas blâmer les
municipalités qui voient à leurs affaires.
M. Guay: Ah, non, non, non! Excusez-moi. Si vous aviez
l'impression que, ce disant, je blâmais la municipalité, pas du
tout. C'est le gouvernement de l'époque qui a pris cette
décision.
M. Pageau: Vous savez, M. Guay, ceux qui ne font pas d'erreurs ne
font rien. Ce sont ceux qui font de quoi qui font des erreurs.
M. Guay: C'est cela et, comme nous faisons beaucoup de choses, on
doit, dans le lot, faire quelques erreurs, mais on essaie d'en faire le moins
possible.
M. Cordeau: Péché avoué est à
moitié pardonné.
M. Guay: Ma dernière question porte donc sur qui devrait
le faire. On dit: Bien sûr, les municipalités, dans un premier
temps, du moins celles qui le veulent, et cela devrait s'arrêter
là. Est-ce que, à ce moment, vous ne trouvez pas cela un peu
dangereux? Prenons, par exemple, un cas qu'on connaît également
bien, le cas de la ville de Québec. Voilà une ville qui est
dirigée démocratiquement depuis dix à quinze ans par la
même formation politique, qui a une commission d'urbanisme. La commission
d'urbanisme est censée statuer sur toutes les questions de
démolition et ainsi de suite, en vertu des règlements municipaux.
Si ma mémoire est bonne, il n'y a pas de conseillers municipaux qui
siègent à la commission d'urbanisme. Je peux me tromper,
mais...
M. Pageau: Vous faites erreur, il y en a. (11 heures)
M. Guay: II y en a, je m'excuse. Je fais erreur. Donc, il y a des
conseils municipaux qui y siègent et il y a des gens qui sont
nommés par le pouvoir en place qui est le même depuis dix ou
quinze ans; forcément, cela fait à un moment donné des
gens qui se connaissent bien. Ce n'est pas un reproche, c'est dans la nature
des choses, je pense qu'on reconnaîtra cela; cela vaut pour tous les
gouvernements à Québec, à Ottawa et ailleurs dans le monde
aussi; quand cela fait un certain nombre d'années qu'on est au pouvoir,
forcément, il se crée ce que j'appellerais une faune autour de ce
pouvoir.
M. Pageau: Parce que le pouvoir, M. Guay, nomme les personnes
qu'il connaît.
M. Guay: C'est juste.
M. Pageau: Aussi, je crois que n'importe quel gouvernement, qu'il
soit local, municipal ou provincial...
M. Guay: C'est exactement ce que je dis. M. Pageau: II n'y
a pas de problème là-dessus.
M. Guay: II nomme les gens qu'il connaît. Est-ce que vous
ne trouvez pas dangereux qu'une commission, formée de gens que le
pouvoir connaît et qui sont donc à peu près les mêmes
gens
ou des gens aux mêmes orientations quant à la nature du
développement d'une municipalité depuis dix ou quinze ans,
siège à huis clos, parce que les demandes de démolition
sont entendues par la commission d'urbanisme, mais elle siège à
huis clos? Donc, est-ce que les citoyens ou des citoyens qui sont
préoccupés par la question n'ont pas raison de se demander s'il
ne devrait pas y avoir une instance d'appel à la régie des
logements quand l'organisme décisionnel au niveau municipal siège
à huis clos?
M. Pageau: M. Guay, l'Union des municipalités a
présenté un mémoire demandant que les commissions
d'urbanisme soient ouvertes aux citoyens. Je pourrais peut-être vous
faire parvenir une copie de ce mémoire, c'est un des mémoires
qu'on vous a adressés concernant cette chose. Je pense que l'Union des
municipalités est ouverte dans ce sens. C'est pour dire que s'il y a des
erreurs qui se commettent quelque part, ce n'est pas général dans
la province de Québec.
M. Tardif: Seulement, je dois corroborer les dires de M. le maire
Pageau là-dessus, mais ledit mémoire va plus loin et
suggère qu'il soit formé d'une majorité de citoyens; donc,
c'est un pas...
M. Pageau: Je pense que c'est une demande qu'on a
déjà faite, M. Guay, là-dessus et vous rentrez à
peu près...
M. Guay: Je suis d'accord avec vous, M. Pageau...
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Verdun.
M. Guay: Si vous me le permettez, seulement 30 secondes.
Le Président (M. Laplante): Excusez, je ne veux pas brimer
l'Opposition.
M. Guay: D'accord, M. le Président, je voulais simplement
rassurer M. Pageau.
Le Président (M. Laplante): II y a déjà 15
minutes que vous avez la parole.
M. Caron: Je laisse mon collègue finir sa question.
Le Président (M. Laplante): D'accord.
M. Guay: Je voulais simplement rassurer M. Pageau; mon propos
n'avait pas pour but de blâmer l'union. Je connaissais la position de
l'union, mais je constate par contre que des municipalités membres de
l'union n'ont pas pour autant appliqué les recommandations de l'union
elle-même.
M. Pageau: C'est une règle générale. Est-ce
qu'il y en a plus qui font bien ou est-ce qu'il y en a plus qui font mal?
M. Guay: C'est vous qui le savez.
M. Pageau: Ce sera à juger; je vous laisse le soin de le
juger, M. Guay.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Verdun.
M. Caron: Merci, M. le Président. M. Pageau, quelle que
soit la façon dont le gouvernement va procéder à la suite
du projet de loi 107, vous savez que les groupements, comme le dernier qu'on a
eu hier après-midi, ne seront jamais satisfaits. Vous savez que c'est
impopulaire de démolir. Qu'on ait des besoins ou non, c'est impopulaire.
Je pense bien que la majorité des municipalités n'est pas
intéressée non plus à démolir. Elles le font en
dernier ressort. Il a été question d'amélioration de
quartiers chez nous et, naturellement, au début, on avait une
recommandation pour démolir 66 logements. Or, après étude
approfondie, on va en démolir seulement deux, mais je peux vous dire que
cela sautait au tout début et cela "bulldozait". Je vous jure que
même le ministre a eu de la visite. J'ai toujours dit au tout
début qu'on va regarder le dossier; qu'on va l'approfondir et, en fin de
compte, les gens sont heureux qu'il n'y ait seulement que deux logements qui
vont être démolis. Alors, je pense bien que les
municipalités, comme le gouvernement, essaient toujours de se faire
réélire et s'ils sont durs envers leur population, ils n'auront
pas de chance. C'est pour cette raison que je suis bien d'accord qu'on laisse
aux municipalités un groupe de citoyens pour pouvoir surveiller le fait
de démolir ou non. Mais, ce n'est pas populaire. Personne de ces
groupes... Naturellement, quand on paye $55 ou $60 un logement qu'on voit
démolir, c'est entendu que les locataires vont quitter, ils vont s'en
aller ailleurs à $100 et $110.
M. Pageau: Je ne crois pas, M. Caron, que ceux qui veulent
démolir le fassent pour le plaisir de la chose. Je pense que quand on
administre une municipalité et qu'on a un changement de zonage,
même aujourd'hui, on est rendu à adresser une lettre aux citoyens;
on ne fait pas seulement passer par les journaux pour dire qu'il va y avoir un
tel changement de zonage à telle place mais, dans ma
municipalité, j'adresse une lettre aux citoyens concernés,
à ceux de toutes les zones continguës. C'est une chose qui peut
être faite pareillement dans les cas de démolition, sensibiliser
les gens dans le secteur.
Pourquoi aller chercher des gens qui resteraient dans une autre ville
pour venir légiférer à l'intérieur d'une
municipalité. Je pense que cela peut se faire, puis la
municipalité a plein droit de faire cela. Je pense qu'elle devrait avoir
des pouvoirs qu'elle n'avait pas avant, des pouvoirs de démolition, et
il y aurait consultation du secteur pour la démolition de la partie
concernée.
M. Caron: Le secteur est consulté mais la majorité
des villes il y a peut-être des cas qui
passent la majorité des municipalités collabore
avec les groupes de citoyens.
M. Pageau: C'est ce dont nous parlions, hier, avec un ministre
concerné, c'est que le développement du Québec n'est pas
si mal fait que cela. Quand on regarde à vol d'oiseau, c'est
peut-être à l'extérieur, mais dans les grands centres le
déve-1 loppement n'est pas si mal fait que cela.
Le Président (M. Laplante): D'autres questions, M. le
ministre.
M. Tardif: M. le Président, je tiens, encore une fois,
à remercier l'Union des municipalités de l'éclairage
qu'elle a apporté à cette commission. C'est vrai que ce n'est pas
un problème facile, que l'on taille peut-être un petit peu dans du
droit nouveau. Je dis un petit peu, parce que ce n'est pas entièrement
nouveau. Quand même, l'Angleterre, qui est le berceau du "rule of law",
reconnaît que certaines lois soient fondées sur des pouvoirs
discrétionnaires, que des instances se prononcent sur des questions
d'opportunité. Evidemment, à la lumière de critères
définis objectivement dans la loi. Ce n'est pas entièrement
subjectif, cette histoire. On doit tenir compte des critères
énoncés. Mais c'est une question d'opportunité, et cela
peut je suis d'accord être exceptionnel par rapport
à tout le corpus légal que l'on connaît. Mais il reste
qu'on ne peut pas faire autrement, surtout dans des questions comme celles de
la conservation du stock de logement, des subdivisions, des changements
d'affectation ou d'opportunité. C'est véritablement des choix
politiques qui doivent être faits par une municipalité, à
savoir raser un quartier pour permettre à des gratte-ciel de
s'ériger ou de redonner une vie à un quartier, de permettre
à un centre commercial de s'installer en banlieue ou de permettre
à son centre-ville de revivre. Ce sont des questions politiques. Qu'il y
ait des débats localement, cela m'apparaît normal. La loi 107 vise
à permettre cela.
La question du député de Notre-Dame-de-Grâce: Si la
municipalité ne le fait pas, est-ce que c'est à l'Etat
d'intervenir? Je vous avouerai que là-dessus il nous apparaît,
compte tenu du très grand nombre de démolitions qui s'est
produit, sans compter le fardeau énorme que cela impose aux gens qui
sont ainsi déplacés, que l'Etat, effectivement, se sent une
responsabilité dans ce domaine. Mais je suis bien conscient que
maintenant l'Union enfin, je pense des municipalités
reconnaît le principe. Je vous rappellerai aussi tantôt je
disais que ce n'est pas le seul endroit où cela existe qu'en
Angleterre de telles dispositions existent déjà, que les
législations de l'Ontario et de l'Alberta contiennent des dispositions
similaires basées beaucoup plus sur des questions d'opportunité
qu'autre chose. Ici au Québec, on va, pour les prochaines années,
innover dans ce domaine. Il y avait deux villes au Québec qui avaient
ces pouvoirs, Québec et Montréal, dans leur charte;
Montréal depuis très peu, depuis un an seulement. Maintenant on
l'étend à l'ensemble des villes. Que l'on doive, ensemble, fixer
un peu mieux ces règles, préciser les modalités, je ne
demande pas mieux que d'avoir l'éclairage d'expériences,
d'expertises des municipalités. Je fais l'acte de foi suivant,
contrairement à tout ce qu'ont pu dire certains groupes de gauche qui
sont surtout venus devant cette commission, et même des groupes de
droite, parce que nous avons eu les deux: La liberté contractuelle
absolue à un extrême et le dirigisme étatique absolu
à un autre. Face à ces deux absolutistes, je fais confiance aux
instances locales pour prendre des décisions, mais à la
lumière de certains critères. Là-dessus, il me fera
toujours plaisir de recevoir de l'UMQ ses recommandations, ses suggestions
quant à la façon d'atteindre cet objectif que l'on vise, qui est
de préserver notre stock de logements au Québec. Merci.
Le Président (M. Laplante): Mme Lafond, M. Pageau, les
membres de cette commission vous remercient.
M. Pageau: M. le Président, M. le ministre voulait me
parler, tout à l'heure, je me demande s'il l'a oublié; si le
temps est terminé, je lui en parlerai personnellement.
M. Tardif: On va se voir en fin de semaine sur des questions
d'aménagement. Ce sera peut-être l'occasion.
M. Pageau: Oui, alors demain, on sera en place. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Laplante): J'invite maintenant l'Office
municipal d'habitation de Montréal. Je vous demanderais d'identifier
votre groupe, de vous identifier ainsi que les personnes qui vous accompagnent.
Je crois que vous connaissez la règle du jeu. Vous avez une heure, dont
vingt minutes pour faire un résumé de votre mémoire.
Office municipal d'habitation de
Montréal
M. Legault (Guy): M. le Président, M. le ministre, MM. les
députés. A ma gauche, M. Normand Daoust, directeur du service
financier administratif de l'Office municipal d'habitation de Montréal;
à ma droite M. Gilles Lemaire, qui est responsable de la location
à l'Office municipal d'habitation de Montréal. Mon nom est Guy
Legault, je suis président de l'office.
Ces commentaires ont été préparés par
l'Office municipal d'habitation de Montréal et ont trait à
l'administration des logements à loyer modique. L'ensemble des
commentaires s'appuie sur l'expérience d'administration de dix ans dans
ce domaine.
L'article 69 traite de l'appel à la Cour provinciale. Il
semblerait qu'un appel à la Cour provinciale représente une
procédure très compliquée et coûteuse qui n'est
certainement pas à la portée des locataires et des locateurs qui
ont des revenus modestes.
De plus, le temps requis pour un tel appel peut largement
dépasser en importance l'objet même de l'appel.
L'article 86 traite des règlements que peut adopter le
gouvernement. A la ville de Montréal, il existe déjà des
règlements concernant les exigences minimales relatives à
l'habitation et à l'entretien des logements ainsi que la
définition d'un logement impropre à l'habitation. C'est le
règlement 3122.
Il faudrait donc soustraire de l'application des dispositions 4 et 5 de
l'article 86 les villes qui ont des règlements qui s'appliquent en
l'occurrence, comme on l'a fait d'ailleurs à l'article 27 du projet de
loi 107.
On doit, par surcroît, rappeler qu'il existe aussi, à
l'annexe A du règlement de la Société d'habitation du
Québec concernant les rénovations urbaines, des normes
d'occupation et d'entretien pour les fins de subventions.
Il peut donc y avoir source de conflits entre deux règlements,
soit celui de la Société d'habitation du Québec et celui
que le gouvernement pourrait faire selon l'article 86.
Enfin, on peut se demander s'il est de bonne pratique administrative que
le gouvernement qui confie à une régie des responsabilités
puisse intervenir de façon directe dans la conduite des affaires qui
sont la responsabilité de cette régie.
Article 1650.1: Définition d'une chambre dans un logement. Il y
aurait lieu de vérifier si les dispositions de cet article n'entrent pas
en conflit avec "les principes directeurs applicables à la location dans
les projets de logements municipaux subventionnés" qui font l'objet d'un
règlement de la Société d'habitation du Québec
concernant l'habitation.
En effet, au paragraphe 3 du tableau décrivant l'échelle
des loyers, on indique: "Pour les enfants indépendants de 21 à 25
ans, sont chargés, à titre de loyer, 25% du taux mensuel d'une
chambre dans le district, tel que reconnu par la Société
d'habitation du Québec; pour les enfants indépendants de 25 ans
et plus et pour les autres membres indépendants du ménage, sont
chargés, à titre de loyer, 50% du taux moyen mensuel d'une
chambre dans le district, tel que reconnu par la Société
d'habitation du Québec."
On doit se rendre compte que la notion de chambre dans le secteur
privé est bien différente de la notion de chambre des logements
à loyer modique.
L'article 1651.2: Loyer payé par le locataire
précédent. Il n'y a certainement pas lieu, dans le cas de
l'Office municipal d'habitation de Montréal, de remettre à un
nouveau locataire un écrit lui indiquant le loyer
antécédent, étant donné que le loyer est
fixé en fonction du revenu de l'occupant. Au contraire, il serait non
indiqué d'être tenu à une telle pratique.
L'article 1652.3: Le locataire peut déguerpir si le logement est
inhabitable. Dans cet article, on ne dit pas comment un logement devient
inhabitable. A notre avis, pour que le locataire soit autorisé à
déguerpir ou à ne pas payer son loyer, il est nécessaire
que le logement soit "déclaré" impropre à l'habitation par
l'autorité compétente. Cette autorité peut être la
ville, quand celle-ci a un code du logement et des inspecteurs pour
l'appliquer. C'est le cas de Montréal.
D'ailleurs, si le gouvernement veut maintenir une telle disposition, il
faudra que la régie institue un tel service. (11 h 15)
L'article 1657.2: Succéder aux obligations du locataire dans le
cas de la cohabitation. Une disposition qui permettrait à un conjoint,
un parent, un allié ou son concubin de succéder au locataire
quand celui-ci a laissé les lieux ne devrait pas s'appliquer dans le cas
des logements à loyer modique. En effet, la cohabitation pourrait
à ce moment devenir un moyen détourné pour des personnes
autrement non admissibles d'obtenir un logement à loyer modique.
Il faudrait que les offices municipaux, dans les cas visés par
l'article 1657.2, puissent mettre fin au bail dans un avis de trois mois ou ne
pas le renouveler si, selon l'application des règles d'attribution des
logements, les personnes visées ne sont pas admissibles à un
logement à loyer modique. On peut se référer, dans ce cas,
au rapport Roger, à la page 35, qui traite de ce problème de la
définition des ménages.
Article 1657.3: Succéder aux obligations du bail dans le cas du
décès du locataire. Les mêmes objections que
précédemment peuvent s'appliquer dans le cas de cet article. On
pourrait donner comme exemple ce qui suit. Il arrive très souvent que,
dans les bâtiments pour retraités, on accorde à un
locataire un logement de deux chambres à coucher afin de permettre
à une personne plus jeune un enfant, un parent, etc. de
vivre avec ce locataire pour l'aider à prolonger son autonomie. Cette
personne qui cohabite ne serait pas normalement admissible à un tel
logement parce que, d'abord, elle n'est pas retraitée et parce que dans
bien des cas elle aurait le moyen de se trouver un logement sur le
marché privé.
Les dispositions de l'article 1657.3 et aussi de l'article 1657.2
obligeraient l'Office municipal d'habitation à maintenir sur les lieux
ou à offrir un logement d'une chambre à coucher à une
personne qui autrement ne serait pas admissible. Dans ce cas encore, ces deux
articles ne devraient pas s'appliquer aux logements à loyer modique et
les offices municipaux devraient avoir le droit de résilier le bail.
Article 1657.4: Résiliation du bail par la succession. Si un
logement à loyer modique ne peut être transmis par succession ou
héritage, il serait équitable que la succession puisse être
relevée de l'obligation du bail lorsque le locataire
décède. Il faudrait, de plus, préciser que le bail d'un
logement à loyer modique n'est pas testable.
Si, par contre, l'Office municipal d'habitation a
transféré le droit à quelqu'un qui cohabitait,
conformément aux directives administratives, la personne pourrait, dans
les trois mois, résilier le bail, comme il est suggéré
à l'article 1661.10.
Article 1660: L'inexécution d'une obligation des locataires. Cet
article aurait pour effet de rendre inopérantes les prérogatives
accordées à l'article 1651.3 qui stipule qu'un règlement
qui concerne l'immeuble peut faire partie du bail.
En effet, dans bien des cas, il n'est pas possible de démontrer
un préjudice sérieux causé aux locataires ou autres
occupants d'un immeuble en faisant l'analyse d'un phénomène pris
isolément. Ainsi, en est-il de la garde des animaux domestiques, comme
on en fait une explication plus élaborée dans le texte de
l'annexe 1.
Il n'est pas possible, par exemple, dans un bâtiment qui contient
100 logements et qui est situé sur un terrain de 30 000 pieds
carrés de garder plus de quatre chiens. Le préjudice ne vient pas
du fait de la garde de chacun des chiens individuellement, mais de la
présence d'un nombre trop grand d'animaux.
Si le règlement de l'immeuble défend la présence
d'animaux domestiques, c'est en vue de prévenir une situation où
l'accumulation de ceux-ci causerait préjudice soit aux gens de
l'immeuble, soit au voisinage. Il s'agit là d'une mesure de
prévention qui peut se vérifier aussi bien sur le plan de
l'hygiène que sur celui de la sécurité. En obligeant le
locateur à faire une démonstration pour un animal pris
individuellement, on nie, à toutes fins utiles, la possibilité
d'agir de façon préventive.
On peut à ce sujet soumettre un extrait du jugement
prononcé par l'honorable juge André Forget, le 2 février
1976: "Le tribunal accepte facilement que, dans sa mission de construire et
d'administrer des immeubles à logements multiples pour des personnes
à faibles revenus, la demanderesse puisse considérer une clause
du genre essentielle à une saine et bonne administration de ses
immeubles et de ses baux. D'exiger que des animaux domestiques ne soient pas
gardés dans les lieux loués ne représente en soi rien
d'abusif, d'excessif ou d'exorbitant."
On doit ménager la possibilité de permettre la garde
d'animaux domestiques dans les cas où c'est nécessaire, par
exemple, dans le cas des aveugles.
On peut ajouter à cela d'autres situations comme celle, par
exemple, de locataires indésirables qui, par intimidation,
empêchent des témoignages qui pourraient faire état de
leurs méfaits. Là encore, le non-respect de règlements de
l'immeuble pourrait être le seul moyen à prendre pour
évincer un locataire indésirable sans que, pour autant, il soit
possible d'établir de préjudice puisque les témoins
n'oseraient parler.
Il faut instituer un mécanisme suivant lequel celui qui
déroge aux règlements doit être avisé. Il est
nécessaire que le locataire, pour sa part, puisse avoir un recours si le
locateur fait abus du règlement. Il ne serait pas pratique non plus
qu'équitable de demander au locateur de faire la preuve du
préjudice, comme le démontre le texte de l'annexe 2.
L'article 1660.1: Avis de résiliation pour non-paiement de loyer.
Une telle disposition oblige, à toutes fins utiles, à faire
autant d'auditions qu'il y a d'avis de résiliation. Ainsi, un locataire
qui le 22 février n'a pas acquitté son loyer dû le 1er,
reçoit un avis de résiliation de bail. La régie fixe
l'audition de la cause, par exemple, le 25 mars. Si, entre-temps, le locataire
paie son loyer de février, mais ne paie pas celui de mars, il faut que
l'Office municipal d'habitation recommence la procédure. Il y aurait
lieu d'examiner la possibilité que la loi permette à la
régie d'entendre simultanément la cause de tous les avis qui ont
été envoyés.
L'article 1660. Il y aurait lieu d'ajouter un article qui, dans le cas
de fausses déclarations ou de fraude, permettrait aux offices municipaux
de résilier le bail. En effet, si quelqu'un ayant, par exemple,
déclaré un faux revenu a obtenu un logement à loyer
modique qu'il n'aurait pas obtenu autrement, il importe que l'Office municipal
d'habitation soit en mesure de mettre fin au bail. De la même
façon, celui qui l'aurait obtenu par fraude en soudoyant un
employé de l'office, en truquant les documents ou autrement devrait
être susceptible de voir son bail annulé.
A cet effet, la Société d'habitation du Québec,
dans sa directive no 11 du 27 février 1974, recommande d'inclure au
bail, entre autres, la clause suivante: "Toute déclaration fausse ou
incomplète ayant pour effet l'établissement d'un taux de loyer
non conforme aux règlements de la société entraîne
la résiliation du bail à toutes fins que de droit sur avis du
locateur ou du locataire.
L'article 1661. Les logements à loyer modique, à qui ils
appartiennent. Il y aurait lieu d'ajouter les mots: "qui appartiennent à
un office municipal d'habitation."
L'article 1661.1 à 1661.10: Dispositions particulières au
bail d'un logement à loyer modique.
L'ensemble de ces articles a pour effet des dispositions, qui à
notre avis, sont de nature plutôt administrative.
La surveillance de ces mesures administratives devrait normalement
s'exercer par l'application de l'article 63 de la Loi de la
Société d'habitation du Québec qui permet à
celle-ci de constituer des bureaux d'examen de griefs.
On émet ici l'opinion, que les dispositions de la loi sont un
mauvais instrument pour traiter des cas d'insatisfaction concernant
l'administration des logements. En effet, lorsque des personnes se croient
lésées, il est plus important d'examiner le cas en espèce
et de tenter dans la mesure du possible, d'expliquer le défaut de la
situation ou d'y trouver une solution en espèce. L'application de la loi
dans ces circonstances ne peut que trancher une situation sans nuance et bien
souvent sans apporter de solution au problème.
Est-il un fait courant que les offices municipaux privent les citoyens
de l'accessibilité aux logements à loyer modique? Nous ne le
croyons pas.
En conséquence, on peut se demander pourquoi faire un article de
loi qui a pour objet de prévenir une situation qui ne se produit pas ou
n'a pas tendance à se produire.
L'attribution des logements à loyer modique est certainement une
matière très complexe dont l'exercice est constamment en
évolution d'une
part et, d'autre part, varie d'un endroit à l'autre dans la
province.
A notre avis, les règles d'attribution des logements à
loyer modique devraient être des mesures administratives conformes
à la Loi de la Société d'habitation du Québec et
à ses règlements, lesquelles règles, une fois
formulées par les offices municipaux en conformité avec les
besoins locaux, devraient être approuvées par la
Société d'habitation et la municipalité.
La surveillance de l'application de ces règles devrait se faire
par un bureau d'examen de griefs, comme le prévoit d'ailleurs, la Loi de
la Société d'habitation du Québec.
On trouvera à l'annexe 3, un texte qui décrit comment se
fait l'attribution des logements à Montréal et si toutefois le
gouvernement croit qu'il est nécessaire de faire des dispositions
particulières au bail des logements à loyer modique, il pourrait
s'inspirer de cette réalité.
Dans l'ensemble donc, les articles 1661.1 à 1661.10 ne devraient
pas se trouver dans la loi.
Nous allons maintenant commenter néanmoins chacun des articles
afin de faire voir les difficultés que certains d'entre eux causent.
L'article 1661.1, liste des personnes admissibles. Dans cet article, on
mentionne une liste de personnes admissibles à la location d'un
logement. Une telle liste n'est nulle part mentionnée dans les
règlements de la Société d'habitation du Québec. A
notre avis, le mot "liste" est certainement un terme incorrect. On devrait
plutôt parler d'un "registre des demandes de logements". Il est
important, aussi, de fixer un terme à la validité d'une demande
dans un registre. Ce terme peut être d'un an. Le guide administratif de
la Société d'habitation du Québec parle de six mois. Une
chose paraît certaine, c'est que la demande ne peut pas avoir une
durée indéfinie. C'est à l'article 3.2.3, à la page
70 du guide administratif de la Société d'habitation du
Québec qu'on peut référer pour avoir d'autres
renseignements à ce sujet. Ce guide n'est pas un règlement au
sens de la loi. Aux articles 1661.2 et 1661.3, on mentionne aussi cette liste
d'admissibilité.
L'article 1661.2, attribution de logements vacants. Cet article, tel que
rédigé, ne tient pas compte du phénomène de
première location, non plus que de la distinction qu'on fait dans
l'attribution de logements aux personnes retraitées par rapport à
l'attribution de logements de type familial. Voir l'annexe 3 à ce
sujet.
L'article 1661.3, refus d'attribuer. Dans cet article, on oblige le
locateur, c'est-à-dire les offices municipaux, à inscrire toute
personne et à attribuer un logement sans autre distinction. Dans le cas
de Montréal, à chaque année, on enregistre 9000 demandes
de logements. Ce chiffre est très conservateur, nous avons maintenant
dépassé le nombre de 10 000 depuis le 1er février
1979.
On a, jusqu'à présent, refusé de prendre les
demandes qui parviennent des autres villes, étant déjà
dans l'impossibilité de satisfaire à la demande
montréalaise. Prendre les demandes en provenance des autres villes
augmenterait inutilement le registre sans pour autant pouvoir offrir un
service. D'ailleurs, rien n'est plus naturel que de donner priorité aux
requérants qui habitent la ville de Montréal sur les
requérants qui habitent les autres villes puisque, par ailleurs, chaque
ville a aussi accès au programme de logements à loyer modique. On
peut encore se référer au guide administratif de la
Société d'habitation du Québec, qui soulève cet
aspect à la page 79.
L'article 1661.4, obligation du locateur à payer un
supplément de loyer. L'application de cet article par un tribunal
apparaît bien difficile puisque celui-ci aura, à toutes fins
utiles, à réviser le dossier de l'attribution des logements.
C'est une tâche laborieuse puisqu'un bon nombre de jugements de valeur
doivent être posés quant aux besoins relatifs des personnes les
unes par rapport aux autres et quant, aussi, aux objectifs concernant
l'ensemble social: nombre d'assistés sociaux versus nombre de
travailleurs, personnes seules versus couples, etc. Par surcroît, la
sanction proposée dans cet article a une allure revancharde et abusive.
Ne suffirait-il pas que le tribunal ordonne à l'Office municipal
d'habitation de loger une personne dans le logement de la catégorie
à laquelle elle a droit aussitôt qu'il y en aura un de vacant?
D'ailleurs, il serait prudent, ici, d'aviser le gouvernement de faire
une évaluation d'une telle disposition en termes d'argent.
L'article 1661.5, changement de logements, initiative du locataire. Dans
cet article, on parle à nouveau de la liste d'admissibilité et du
droit du locataire à s'y réinscrire s'il veut changer de
logement. Encore une fois, il est de la nature des choses, dans les offices
municipaux, d'accorder un logement plus grand à ceux qui en ont besoin
afin d'éviter le surpeuplement. De la même façon, on
cherche à attribuer les logements plus petits à ceux dont les
besoins ont diminué. Cet article de loi semble tout à fait
inutile puisque, encore une fois, cela relève de mesures
administratives.
L'article 1661.6, changement de logements, initiative du locateur. Cet
article donne aux offices municipaux le droit de faire des changements de
logements. Il s'agit là, encore, d'une mesure administrative qui
n'aurait pas à être dans la loi si on avait nuancé le droit
au maintien dans les lieux.
L'article 1661.8, ajustement après diminution de revenus. Cet
article ne tient pas compte de deux phénomènes. Il faudrait
d'abord établir quel est le pourcentage de diminution du revenu que
commande un tel changement. On ne doit pas faire de changement au bail pour des
diminutions de revenus de $5 ou $10 par mois. De plus, il faudrait
également établir une période minimale de temps de
réduction de revenus avant que ne s'effectue la réduction du
loyer. Enfin, on devrait obliger, dans cette optique, le locataire à
déclarer le moment où son revenu est rétabli. Ces
dispositions, encore une fois, apparaissent de type strictement
administratif.
L'article 1661.10, avis de résiliation d'un mois. L'Office
municipal d'habitation de Montréal avait déjà inscrit dans
son bail une disposition à l'effet
que le locataire de logement à loyer modique soit habilité
à donner un avis d'un mois seulement avant de quitter son logement.
L'expérience a démontré que cette mesure n'est pas
souhaitable. (11 h 30)
En effet, on a constaté qu'un délai d'un mois est trop
court pour pouvoir remettre le logement en location. Il faut d'abord examiner
les demandes aux registres, en faire une sélection, faire les visites
des locataires potentiels, afin de compléter les formulaires de demandes
et, par la suite, faire visiter les logements. Toutes ces démarches ne
peuvent pas s'exécuter à l'intérieur d'un mois, d'autant
plus que les gens demanderont quelques jours de réflexion avant
d'accepter ou de refuser les logements et, bien souvent, ils refusent et le
processus est à reprendre. La conséquence d'un avis aussi court,
c'est que les logements restent vacants inutilement.
En conclusion, je voudrais ajouter ceci: Premièrement, il y a
lieu dans cette loi de donner au locateur des moyens pour assumer la
responsabilité qu'il a dans le domaine de la jouissance paisible des
lieux. Deuxièmement, il y a lieu que soit approfondi le dossier du
logement public, surtout celui de l'expérience de Montréal, par
une consultation directe afin d'éviter les pièges des
ouï-dire. Troisièmement, il y a lieu d'éviter que la Loi de
la régie du logement fasse double emploi et couvre des domaines
déjà couverts par la Loi de la société d'habitation
du Québec, par la Loi des cités et villes, par la Charte de
Montréal, etc., merci.
Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le
ministre.
M. Tardif: M. le Président, je remercie M. Legault,
président de l'Office d'habitation de Montréal, de sa
présentation et je profite de l'occasion pour souligner le rôle
tout à fait particulier que joue l'Office municipal d'habitation de la
ville de Montréal, puisque contrairement à ce qui se passe avec
les autres municipalités du Québec, l'Office municipal
d'habitation de Montréal, non seulement gère le parc de logements
sociaux mais encore, les réalise comme mandataire du gouvernement. C'est
un cas unique au Québec. Nous voudrions qu'il puisse s'étendre
ailleurs, mais il le fait, je pense, de façon très
compétente et au point que nous aimerions que ce modèle, ce type
de protocole d'entente que nous avons avec la ville, s'étende
ailleurs.
J'ai lu ce mémoire avec énormément d'attention,
tant en raison du très grand nombre de HLM que la ville de
Montréal gère, par rapport à l'ensemble du parc immobilier
de HLM au Québec et j'ai pris bonne note des recommandations qui y sont
contenues. Certaines recoupent les représentations formulées par
l'Association des offices municipaux d'habitation qui sont venus plus tôt
devant cette commission. Je suis tout à fait d'accord, par exemple, que
les dispositions de la loi, concernant l'obligation de divulguer le loyer
antérieur, ne doivent s'appliquer dans le cas des locataires d'offices
municipaux d'habitation, puis-qu'alors eh bien, ce serait en quelque
sorte à cause de la relation entre le loyer payé et le revenu
ce serait dévoiler le revenu. Donc, en un sens, je suis tout
à fait d'accord avec cette recommandation.
Il y a d'autres questions qui ont été soulevées
dans votre mémoire et qu'on retrouve aussi dans celui de l'Association
des offices municipaux d'habitation que je suis prêt à
étudier; par exemple, cette question de la
"transférabilité des baux" en quelque sorte, si le conjoint
meurt, si une personne qui cohabite avec ce conjoint peut continuer, etc. Je
vous avouerai que, là-dedans, nous aimerions avoir des suggestions
concrètes de votre part pour bonifier cet article. Imaginons un couple
de personnes âgées vivant dans un HLM, n'ayant comme seule source
de revenu que leur pension de vieillesse et le supplément de revenu
garanti. Imaginons que l'une d'elle meurt. Leur condition financière ne
s'est pas améliorée, loin de là; elle s'est même
gravement détériorée, de sorte qu'il n'y a rien
d'incompatible à assurer une certaine pérennité des droits
de l'occupant dans ce nouveau contexte. J'aimerais qu'on puisse fouiller des
cas semblables. Je suis sensible aussi aux arguments que vous évoquez
concernant les fausses déclarations pour avoir accès à un
HLM en disant: Ceci devrait être un motif de résiliation de
bail.
On peut, d'une part, dire: Ecoutez, la loi 107 n'élimine pas tout
le reste du Code civil du Québec et le Code civil du Québec
prévoit que tout contrat un bail est un contrat qui aurait
été signé sous de fausses représentations, à
partir de fausses déclarations, pourrait être
déclaré nul. Donc, à ce moment-là, on peut penser
que ces dispositions générales du Code civil pourraient
s'appliquer. Mais si de l'avis des offices municipaux là, il
faudrait que je consulte les experts du ministère de la Justice, je ne
suis pas avocat il semble préférable de préciser
cela dans la loi, d'accord, je suis prêt à demander aux gens de la
Justice de regarder cela. Des fois, je serais peut-être tenté
aussi de leur demander de regarder si on ne devrait pas introduire quelque
chose dans la loi pour les administrateurs d'offices municipaux ou pour les
conseillers municipaux. Ils ne font pas de fausses déclarations eux,
mais parfois ils permettent l'accès aux HLM à des gens à
qui ce n'est pas destiné. C'est un autre problème, j'en
conviens.
M. Caron: Si ce ne sont pas des conseillers, ce sont
peut-être des administrateurs.
M. Tardif: D'accord, mais je veux seulement souligner que le
mémoire parle d'un problème de locataires qui feraient une fausse
déclaration pour avoir accès à... Je vous dis que, des
fois, cela se fait presque avec la connivence ou la complicité de...
d'accord?
J'ai quand même un certain nombre de questions en plus de celles
évoquées tantôt qui ont trait, par exemple, à
certains passages de votre mémoire. Lorsque vous affirmez la
juridiction
municipale sur les normes d'habitabilité et vous incluez
évidemment dans votre mémoire cette question parmi les articles
auxquels l'office municipal doit être soustrait la question que je
vous pose est la suivante: En quoi l'Office municipal d'habitation de
Montréal est-il concerné par ce passage? Est-ce que ce n'est pas
plutôt la ville de Montréal qui est concernée? Si c'est le
cas, est-ce que l'Office municipal d'habitation de Montréal
représente la ville de Montréal sur cette question?
M. Legault: M. le ministre, l'Office municipal d'habitation de
Montréal est concerné dans ce cas puisque des usagers, des
locataires de l'office municipal peuvent dire: Le logement n'est pas habitable.
Dans ce sens-là...
M. Tardif: Vos propres logements?
M. Legault: Oui.
M. Tardif: C'est impossible.
M. Legault: Oui, cela se peut et c'est déjà
arrivé. C'est cela. C'est dans ce sens que nous disons: Si le locataire
peut déclarer le logement non habitable, il faudrait qu'il y ait
quelqu'un qui dise: C'est vrai, ce n'est pas habitable et l'office municipal
restaurerait le logement.
M. Tardif: Je m'excuse si j'ai un peu sursauté. Pour moi,
un logement inhabitable, si c'est d'abord géré par un office
municipal d'habitation, donc, un logement propriété du
gouvernement du Québec, géré et bâti par l'Office
municipal d'habitation de Montréal dont j'ai reconnu les mérites,
cela me semble inconcevable et si cela existe, j'aimerais bien le savoir et
où, surtout au prix qu'on les paie. Pour moi, un logement inhabitable
qui pouvait permettre, peut-être toute cette notion je suis
d'accord que le code d'habitabilité n'est pas déposé
mais c'est vraiment ces normes minimales, plancher, qui font que si un
logement n'a pas cela, il ne devrait pas être appelé un logement.
Exemple: pas d'eau courante. Je ne pense pas qu'il y ait des logements à
l'Office municipal d'habitation de Montréal qui ne soient pas
dotés d'eau courante; un logement qui n'aurait ni baignoire, ni douche;
un logement qui, en hiver, ne pourrait pas être chauffé à
une température de...; un logement qui n'aurait aucune source
d'éclairage, ni naturelle ni artificielle. C'est aussi fondamental que
cela. Là, je me réfère à des statistiques
publiées... Je ne sais pas dans lequel de mes dossiers j'ai cela, mais,
effectivement, dans les logements... vous avez ces fiches sur les
caractéristiques des logements à Montréal.
D'ailleurs, on retrouve cela dans ce qu'il est convenu d'appeler le
rapport Legault, en partie également, sur l'état des logements
cela est tiré de Statistique Canada pour l'ensemble du
Québec en 1971. Alimentation en eau froide seulement, 78 185 logements.
Je comprends bien que c'était en 1971 et que nous sommes en 1979, et il
y a pu y avoir une évolution. Mais les logements sens eau chaude, il y
en avait 78 000. Sans baignoire, ni douche: 103 000 au Québec, en 1971.
Sans eau courante: 18 000. Toilette intérieure partagée par deux
ménages ou plus: 14 600, et sans toilette intérieure avec chasse
d'eau: 24 200. Pour moi, qu'un logement puisse être déclaré
d'office inhabitable et qu'on puisse autoriser un locataire à
déguerpir sans demander la permission à quiconque, cela entre
dans ces catégories. D'accord? Sur des données aussi
fondamentales que cela, et ce n'est pas du tout, évidemment, le genre de
logements que produit l'Office municipal.
M. Scowen: Pardon, M. le ministre, je veux vous poser une
question. Prenez donc le premier exemple sans éclairage, sans bain. Ce
ne sont pas des choses qui arrivent normalement après que vous avez
loué l'appartement ou la pièce. Normalement, ce sont des
appartements qui existent.
M. Tardif: Oui.
M. Scowen: Vous acceptez de louer un appartement sans
éclairage, je ne sais pas pourquoi, mais vous acceptez. Vous vous
trouvez là-dedans...
M. Tardif: Oui, mais nous disons que cela ne devrait plus se
louer.
M. Scowen: Ah bon! ce n'est pas la même question dont nous
parlons ici.
M. Tardif: D'accord. On dit: Cela ne devrait plus être
offert sur le marché.
M. Scowen: Si on parle du droit de déguerpir à
cause de ces choses, normalement, en grande majorité, je ne peux pas
imaginer que les 103 000 dont vous avez parlé, étaient tous
devenus dans cet état...
M. Tardif: Non, non, non.
M. Scowen: ... pendant que quelqu'un y habitait.
M. Tardif: Non, absolument pas. Il faut préciser une
chose. C'est que...
M. Scowen: Oui, mais vous avez dit que le droit de
déguerpir, sans permission, si vous voulez, doit être donné
dans les appartements qui confinent à ces cas.
M. Tardif: Ou d'exiger que ces services soient là, par
exemple.
M. Scowen: Mais... mais...
M. Tardif: Même si les gens ont loué dans des
conditions semblables, comme il est convenable qu'en 1940 des gens couchaient
dans des garages, on dit: C'est inacceptable.
M. Scowen: Oui, mais si je loue un appartement sans bain et sans
douche...
M. Tardif: Sans éclairage, ni rien.
M. Scowen: ... je l'accepte, je signe le bail...
M. Tardif: Oui.
M. Scowen: Le lendemain, je n'ai pas le droit de déguerpir
du fait que cet appartement n'a de douche, ni de bain.
M. Guay: Vous ne devriez pas avoir a priori...
M. Tardif: Cela ne devrait pas être offert en location, ce
genre de logements. Mais, de toute façon, nous anticipons sur ce que
pourrait être le contenu du Code d'habitabilité, quant aux
caractéristiques que devrait avoir un logement avant d'être offert
en location. Je suis d'accord avec vous qu'il y a un stock de logements qui
existe. Je ne sais pas si vous connaissez l'existence de ces données,
mais notre objectif est de corriger ces situations.
M. Scowen: Mon bureau à l'Assemblée nationale
ressemble beaucoup à un logement de cette espèce.
M. Tardif: Ce n'est pas un logement. M. Scowen: Je n'ai
pas le droit de déguerpir. M. Legault: M. le Président, je
voudrais... Le Président (M. Laplante): M. Legault.
M. Legault: Je voudrais expliquer une chose ici. C'est que, pour
un logement, il peut s'agir du cas d'un locataire qui, par exemple, à la
suite d'un incendie chez le voisin, a eu des dégâts d'eau, il y a
aussi le cas du locataire qui a pu abîmer son logement, cela nous est
déjà arrivé, à un point tel que le logement
était en très mauvais état. Ce que nous disons, c'est que,
pour que le logement soit déclaré inhabitable, même s'il a
une douche, même s'il a tous les appareils et tout ce qui est le strict
minimum, il peut être inhabitable à la suite d'un incendie ou des
dommages causés par le voisin, ou des choses comme celles-là. Ce
que nous disons, c'est que nous croyons qu'il doit y avoir un jugement
posé par un arbitre, quelqu'un qui connaît ce qu'est un logement
habitable et qui en a l'expérience. Dans le cas de Montréal, nous
disons: II existe des inspecteurs du Code du logement. La définition
d'un logement inhabitable est donnée dans le Code du logement. Ce que
nous disons, c'est que le locataire peut se prévaloir de son droit de
déguerpir. Il va dire: Mon logement n'est pas habitable. Ce n'est pas
simplement une question de caprice de ma part, c'est vrai. On peut le faire
constater dans les 24 heures. C'est ce que nous disons. Mes propos ont pour but
de rattacher la raison pour laquelle l'office municipal a souligné cette
question. (11 h 45)
M. Tardif: D'accord. Je pense qu'on partait tous les deux, et le
député de Notre-Dame-de-Grâce également, de motifs
différents d'inhabitabi-lité. Dans mon cas, je parlais
d'inhabitabilité congénitale dans le logement et vous parliez
d'inhabitabilité provoquée par des événements
fortuits: sinistre, hasard, etc.
Je reviens néanmoins à ces questions. Vous disiez
tantôt: A la ville de Montréal, on a un code du bâtiment, un
code du logement et on peut envoyer des inspecteurs en dedans de 24 heures qui
pourront dire si, oui ou non, le logement est inhabitable. C'est un fait, je
pense, que la ville a un tel service et un tel code, c'est vrai, mais avez-vous
l'impression cela touche peut-être plus M. Legault,
ex-président du comité sur l'habitation que ce code est
appliqué vraiment? Est-ce que cela peut être
considéré vraiment comme un code minimal, en ce sens que, si
toutes les prescriptions de ce code étaient appliquées, combien
de ces logements devraient être déclarés inhabitables
à Montréal? En d'autres termes, est-ce que ce code qu'on propose
comme devant rendre inutile ou inopérant d'avoir un code
d'habitabilité s'appli-quant à Montréal, est-ce que ce le
serait à ce point-là vraiment, puisque le code actuel comporte
des seuils qui sont plus que des seuils planchers, si vous voulez, et que, par
conséquent, il y aurait peut-être une place quelque part pour un
code minimal d'habitabilité?
M. Legault: Ecoutez, M. le ministre, répondre à
votre question, c'est déborder déjà dans un domaine... Je
ne suis pas venu ici, comme vous me l'avez fait remarquer, pour parler de la
ville de Montréal...
M. Tardif: D'accord.
M. Legault: Votre question s'adresserait, à ce
moment-là... C'est le problème qui est soulevé par le
chevauchement des juridictions. Quand on a deux ensembles de règles qui
s'appliquent sur le même territoire pour les mêmes individus, cela
complique singulièrement la situation. Si la ville de Montréal a
eu, de par sa charte, le pouvoir de faire un code du logement et qu'en plus, le
conseil municipal a adopté un code du logement, qu'on a monté des
équipes et que des gens mettent ce règlement en application, je
ne vois pas l'utilité de parachuter sur Montréal un autre
ensemble de règles.
M. Tardif: On voudrait aussi essayer d'éviter tout
chevauchement. Je vous ai averti avant de partir que je posais ma question
à l'expert qui a présidé un comité sur l'habitation
au Québec. Je suis conscient que ce n'est pas à titre de
directeur de l'Office municipal d'habitation de Montréal, mais, dans
votre mémoire, vous dites: II nous apparaît superflu d'adopter un
autre code que
celui qui existe à Montréal. Je vous pose la question:
Est-ce que ce code, à Montréal, est appliqué? Est-il
applicable obligatoirement ou si le fait de l'appliquer à la lettre
n'amènerait pas la fermeture de la moitié des logements à
Montréal? C'est cette question que je veux vous poser.
Et si tel était le cas, n'y aurait-il donc pas place pour quelque
chose de moins "chromé"? Je m'excuse de l'expression.
M. Legault: Le code du logement est en application depuis dix
ans. Il permet à des personnes qui croient que le logement n'est pas
correct de faire une plainte. On envoie un inspecteur sur les lieux et celui-ci
commande au propriétaire de faire les réparations qui s'imposent.
Dans certains cas, on a défendu à des propriétaires de
louer des logements qui étaient rendus vacants, parce qu'on les a
déclarés non habitables et on a dit au propriétaire:
Réparez avant de relouer. On fait ce travail préventif.
Dans d'autres cas, on a demandé que les gens laissent le logement
parce que le logement était dangereux, il n'était pas habitable.
C'est arrivé dans certains cas. Au-delà de cela, je dois vous
dire que l'exercice ou l'application de ce règlement-là depuis
dix ans ne nous a pas amenés parce qu'on l'a vraiment
appliqué et il y a maintenant 40 000 logements à Montréal
qui ont été visités, et parmi les plus anciens, donc
présumément les moins bien entretenus on n'a pas eu ce
phénomène de mettre la moitié ou le quart des gens
à la porte de leur logement. Je pense que, dans la pratique, il est
démontré que même dans son application ce règlement
d'après l'expérience que nous en avons peut avoir
un effet préventif quant à la relocation d'un logement qui doit
être mis en ordre. Il peut aussi avoir comme effet, à certains
moments, qu'on dise: Non, on ne peut pas laisser des gens dans de telles
conditions ou, dans d'autres cas: C'est sûr que le logement n'est pas
habitable au sens du code, mais, si le propriétaire fait telle
réparation, ça le rendra habitable; en tout cas, il est
préférable d'habiter dans de telles conditions que dans la
rue.
Je pense que c'est cette pratique qui fait la différence.
M. Tardif: Avant de passer la parole au député de
Notre-Dame-de-Grâce, je vais essayer de formuler ma question autrement.
Si les locataires de Montréal décidaient de s'appuyer sur le Code
du logement pour exiger devant la régie puisqu'on est dans le
cadre du projet de loi 107 tout ce qui y est inscrit et disaient: A
défaut que ces exigences soient remplies, on retire nos loyers, on
refuse de les payer; faites les rénovations et ensuite on paiera, j'ai
l'impression que ce genre de demande serait applicable de cette façon
à ce niveau de normes. Est-ce que ça peut fonder un droit, pour
un locataire, d'exiger que telle chose soit faite dans les logements?
M. Legault: Absolument. Selon le Code du logement, lorsque le
locataire loge une plainte, l'inspecteur y va et, s'il y a des travaux à
faire, le propriétaire est tenu de les faire. S'il ne les fait pas, il
se fait traîner en Cour municipale. Il y a $100 000 d'amendes qui sont
payés par les propriétaires qui ne veulent pas exécuter
les travaux qui sont commandés.
Ce que je peux vous dire, c'est qu'il y a des gens qui ont logé
des plaintes et ma réponse à votre question c'est que, même
si les gens disaient: Venez voir notre logement et dites qu'il est inhabitable,
je ne pense pas qu'on pourrait mettre la moitié de la ville de
Montréal dehors, non plus que le quart ou qu'une proportion importante
des gens. Ce qu'on pourrait faire, cependant, c'est faire améliorer les
lieux. Bien sûr que si le plafond ou les murs sont
défoncés, le logement peut bien ne pas être habitable; on
va le déclarer non habitable, mais je ne pense pas que ce soit le fait
de tous les logements ou d'une quantité appréciable des logements
de Montréal.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: M. Legault, je me demande si je puis vous demander de
répondre aux questions qui vont un peu plus loin que la question des
loyers modiques. Je sais que votre mémoire touchait uniquement cette
question, mais ce n'est pas tous les jours qu'on a l'occasion de vous voir
ici.
J'aimerais savoir...
M. Legault: Vous me permettrez de répondre.
M. Scowen: Premièrement, nous sommes en train de
créer un nouvel organisme ici. C'est sûr qu'un des buts
principaux, c'est le contrôle des loyers. Vous avez vécu quelques
années d'expérience avec la Régie des loyers et son
système de contrôle; un nouveau système est prévu.
Nous avons entendu beaucoup de personnes depuis deux semaines dire que le
Québec était bien logé ou mal logé; il y a des
perspectives très différentes là-dessus. J'aimerais que
vous fassiez un tour d'horizon des deux points de vue. Est-ce que vous pensez
qu'aujourd'hui les citoyens de Montréal sont bien logés en
général? Est-ce que la régie et son système de
fixation des loyers sur appel a aidé à la qualité des
logements disponibles pour les locataires et est-ce que vous pensez que la
régie qui est proposée sera, dans ce sens, une initiative dans la
bonne voie pour améliorer la situation globale des logements au
Québec? Voilà! En quelques mots.
M. Legault: M. le député, vous me posez une
question à laquelle je ne m'étais vraiment pas
préparé et je craindrais que si je risquais une réponse ou
des réponses, étant donné que je ne suis pas
préparé vraiment, ces réponses pourraient être
incomplètes, voire injustes. Si vous me posez la question, je
préférerais y réfléchir et soumettre, si vous
voulez, après, un texte ou quelque chose de plus appuyé.
Vraiment, à brûle-pourpoint comme cela, je me sens mal à
l'aise d'avancer une opinion.
M. Scowen: D'accord.
M. Legault: Maintenant, je ne me refuse pas, remarquez bien,
à répondre à la question, mais j'aimerais pouvoir y
réfléchir.
M. Scowen: Oui, je comprends bien. C'est une question
peut-être un peu trop large. A moins qu'on ne règle ces questions
à ce niveau, c'est très difficile de préciser les
solutions des articles l'un après l'autre, mais je retiens votre
promesse de préparer quelque chose. Je pense que cela sera de
valeur.
Quand j'ai lu votre document, surtout en ce qui concerne l'article 1661,
c'est clair que d'après l'expérience vécue, il faut des
changements importants à cet article parce que j'imagine que votre
expérience est semblable à celles d'autres villes qui vont
essayer de faire les mêmes choses.
Une chose que je veux préciser, c'est la question de la fameuse
liste. Si je comprends bien à Montréal vous avez une seule liste
pour toute la ville?
M. Legault: Oui.
M. Scowen: Si une personne veut s'inscrire, c'est sur la liste
pour tous les HLM et tous les appartements, les logements de la ville. Vous ne
pouvez pas vous inscrire sur une liste pour tel ou tel...
Est-ce qu'il existe à Montréal d'autres listes que celle
de la ville de Montréal sur lesquelles vous pouvez vous inscrire?
M. Legault: Non, je dois dire que on l'appelle, nous, le
registre plutôt qu'une liste lorsqu'une personne fait une demande,
sa demande est placée au registre et est classée selon
différents critères, par rapport au quartier, par rapport aux
besoins de la personne, la grandeur du logement, s'il s'agit d'un logement pour
une personne âgée, ou s'il s'agit d'un logement familial, etc.. Il
y a six critères au total qui font qu'on peut, lorsqu'un logement
devient vacant, par exemple si un logement devient vacant dans un quartier,
faire sortir des demandes qui proviennent de ce quartier. Il y a des gens qui
ont dit qu'ils voulaient aller habiter à tel endroit, alors, on a
déjà... s'il n'y a pas de demande à cet effet, on va aller
voir ailleurs.
Je dois dire que, de façon générale, avec le nombre
que nous avons déjà, quand on réfère au
critère quartier, on a déjà des réponses.
Alors, par la suite, il y a les autres critères qui vont
s'appliquer et trois ou quatre cas vont être choisis, puis on va envoyer
quelqu'un vérifier.
M. Scowen: Si je comprend bien, même s'il existe une seule
liste pour Montréal, vous êtes en effet sur la liste pour les
logements qui sont les plus proches de votre habitation actuelle parce que
l'ordinateur va sortir votre nom seulement pour ceux qui sont très
proches.
Alors, si vous habitez l'est de la ville et qu'il y a une vacance dans
l'ouest de la ville, c'est très peu probable que votre nom va sortir.
Est-ce que...
M. Legault: On va d'abord demander à l'ordinateur de nous
donner la liste des gens qui habitent le quartier où le logement est
devenu vacant.
M. Scowen: II n'y a rien dans le projet de loi ici qui permette
à une personne de l'est de la ville dont le nom n'est jamais sorti par
l'ordinateur pour les appartements dans l'ouest de la ville de faire une
plainte à la régie?
M. Legault: C'est-à-dire que c'est l'inverse. La loi est
rédigée de telle façon que cela ne permette pas qu'on
fasse des distinctions de ce type. C'est-à-dire que quelqu'un qui reste
dans l'est de la ville de Montréal pourrait dire: II y a un logement qui
est devenu vacant dans l'ouest puis moi, j'ai le droit de l'avoir.
M. Scowen: Oui. (12 heures)
M. Legault: La personne qui demeure dans l'est dirait: II y a un
logement qui est devenu vacant dans l'ouest, j'ai le droit de l'avoir.
M. Scowen: C'est cela.
M. Legault: C'est ce que dit la loi. Nous disons qu'il faut
nuancer cette chose-là. L'appartenance au quartier est une
réalité sociologique qu'on peut vérifier de la
façon suivante. Il est arrivé, à quelques reprises, que
des gens aient dit: On veut aller rester dans un autre quartier. On leur a
accordé un logement, parce qu'il arrivait, à cause de la
typologie ou pour d'autres raisons, qu'on pouvait accorder le logement.
Dès que les personnes étaient installées dans un autre
quartier, la première chose qu'elles faisaient, au bout de six mois, au
bout d'un an, elles disaient: Je veux retourner dans le quartier d'où je
viens. Cette appartenance au quartier est un phénomène qui se
vérifie dans la réalité.
M. Scowen: Si je comprends bien, vous êtes d'accord avec
moi que les articles tels que rédigés actuellement donnent
peut-être la possibilité aux personnes de faire appel à la
régie et de loger n'importe où aux frais des contribuables sans
que les normes qui vont régler ces causes, par le régisseur,
soient bien définies. C'est un problème. Merci.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Cordeau: M. le Président, vous avez tantôt fait
mention que les propriétaires qui n'acceptent pas de faire les
réparations paient jusqu'à $100 000 d'amende.
M. Legault: A Montréal?
M. Cordeau: Oui, à Montréal. Quel est le
pourcentage de propriétaires qui font les réparations
demandées après la visite de vos employés?
M. Legault: 90% des propriétaires font les
réparations à la suite de l'ordre d'effectuer ces
réparations; 9% après la commission d'arbitrage et 1%
après la Cour municipale.
M. Cordeau: Le système est assez efficace. M. Legault:
Semble-t-il.
M. Cordeau: Très efficace, parce que 99%, on ne peut
certainement pas demander mieux. On pourrait exiger plus, c'est très
bien, mais les autres paient l'amende.
J'aimerais poser une question au ministre concernant le
déguerpissement, si vous voulez. Lorsque les règlements
concernant le Code d'habitabilité vont être en vigueur, est-ce que
cela va être rétroactif à tous les baux qui ont
été signés antérieurement? Si c'est cela, vous
allez peut-être voir une multitude de personnes qui vont
déguerpir, parce qu'elles vont dire: On peut déguerpir, parce
qu'on est libéré par la nouvelle réglementation.
M. Tardif: M. le Président, c'est bien évident que
si on fait un Code d'habitabilité qui contient les normes minimales qui
disent qu'un logement qui n'a pas, par exemple, les sources d'éclairage
ou d'alimentation en eau ne devrait jamais être offert en location sur le
marché, effectivement, cela va couvrir ce type de logements. Ce qu'il
faudra peut-être prévoir, ce sont des délais dans la loi ou
dans l'entrée en vigueur du règlement pour permettre qu'on rende
ces logements habitables, qu'un programme de restauration soit publié de
façon parallèle ou concomitante à la publication du Code
d'habitabilité lui-même et qu'on facilite et c'est une
question que j'avais l'intention de poser à M. Legault tantôt
la création ou l'existence possible de banques de logements, soit
dans les HLM existants, soit par le programme de supplément de loyers
qui pourrait permettre aux municipalités de louer des logements pour
fins de relogement de ces personnes, le cas échéant.
C'est bien évident que ce sont des questions auxquelles il faudra
répondre en temps et lieu.
M. Cordeau: M. le ministre, vous nous avez informés que la
ville de Montréal avait la responsabilité de construire les HLM
selon un protocole d'entente qui existe et que, même, vous auriez
peut-être souhaité que d'autres municipalités signent un
protocole d'entente similaire. Est-il dans vos intentions d'offrir ce nouveau
pouvoir aux municipalités dans un délai plus ou moins
rapproché?
M. Tardif: M. le Président, certainement pas ouvrir les
vannes toutes grandes pour l'ensemble du monde municipal. Quand on sait que des
municipalités au Québec ont deux habitants et qu'il y en a
d'autres qui en ont un million, il y a une très grande diversité
d'expérience, d'expertise. Un bon nombre n'ont même pas de
secrétaire de la municipalité à temps plein. Alors, passe
encore avoir des architectes, des ingénieurs, des urbanistes pour faire
des projets d'habitation. Alors, je pense qu'il y a des seuils et que chaque
cas sera étudié à son mérite. Nous sommes en
négociation avec la ville de Québec pour un tel projet, de sorte
que nous pourrions l'étendre, mais pas de façon universelle.
M. Cordeau: Messieurs, je tiens à vous féliciter de
votre mémoire, de votre participation, surtout de la clarté et
des précisions que vous apportez aux amendements dont vous aimeriez que
le ministre tienne compte lors de la rédaction ou l'étude article
par article de ce projet de loi. Je vous remercie.
M. Tardif: M. le Président, je veux à nouveau
remercier l'Office municipal d'habitation de Montréal de sa
présentation et de ses commentaires. Je ne crois pas que l'Office
municipal d'habitation avait l'intention, en nous présentant certaines
modalités particulières, disons, devant s'appliquer aux
locataires de HLM, je ne crois pas que c'était son intention de
marginaliser encore plus cette clientèle. J'ai bien l'impression que
l'Office municipal d'habitation de Montréal est tout à fait
d'accord pour que les locataires de HLM aient les mêmes droits, les
mêmes recours et la même liberté d'action, dans toute la
mesure du possible, que ceux de tout locataire au Québec. C'est
peut-être une des raisons, par exemple, qui nous ferait dire qu'un bureau
de griefs qui serait dirigé par la Société d'habitation du
Québec, comme le lui permet sa loi, d'ailleurs, ne nous paraît pas
souhaitable, puisque la Société d'habitation serait à la
fois juge et partie. C'est elle qui émet les directives concernant la
sélection des locataires et c'est elle qui également aurait
à se prononcer sur l'application desdites directives.
Il me semble qu'il y a déjà un organisme compétent
pour juger de cela, qui est la régie, enfin la commission actuelle ou
celle qui deviendra la régie. C'est dans ce sens qu'il nous
apparaît souhaitable... Bien que je conçoive qu'en matière,
par exemple, de divulgation du loyer antérieurement payé, comme
je l'ai mentionné, on puisse déroger à cette règle
générale, puisque la confidentialité du revenu est en
cause, puisque le loyer est fondé sur le revenu et non pas sur les
charges afférentes à l'immeuble.
Mais j'aimerais, en terminant, poser une brève question à
M. Legault sur cette idée d'une banque de logements, si on pense
à de la restauration, par exemple, à effectuer, surtout dans des
logements vraiment inhabitables qu'il faut évacuer pendant la
restauration. Est-ce que vous croyez, M. Legault, qu'il est possible de
réserver, à l'intérieur du parc immobilier de quelques
milliers de logements, que vous offrirez un certain nombre de logements pour
ces fins ou est-ce que cela devrait se faire par un programme de
supplément de loyers par
lequel la ville de Montréal ou l'office municipal pourrait
être autorisé à louer, le cas échéant, un
certain nombre d'immeubles pour ces fins? J'aimerais avoir votre avis
là-dessus.
M. Legault: Ma réponse, c'est que la question d'une banque
de logements peut être envisagée d'une façon dynamique et
non pas d'une façon statique. C'est-à-dire qu'il serait faux,
d'imaginer de prendre 10, 15, 20, 50 logements et de dire: Bien, ces logements,
c'est de l'habitation temporaire. Ce ne serait pas possible d'administrer dans
ces conditions. Quand des gens sont déplacés pour la
restauration, qu'on leur laisse le choix de revenir dans le logement original.
Je pense qu'on doit laisser ce choix aux gens. Mais, dans la pratique, les
gens, s'ils ont trouvé ailleurs un logement qui a du bon sens, vont
dire: Je ne suis pas pour passer encore par un autre
déménagement. Je suis installé ici; je veux rester ici.
Dans ce sens, la banque de logements ne fonctionne pas, parce que les gens
diraient: Je veux rester là. Quand j'ai dit une banque de logements
dynamique, il s'agit de créer un premier vide, si vous voulez, qui
serait des logements restaurés. Il y a 20 ou 30 logements
restaurés. On institue un système dans lequel on dit, par
exemple: Les 30 logements qui sont restaurés présentement, qui
reçoivent des subventions suivant le Code du logement, sont à
louer. On sait qu'il y a tant d'autres logements qui devraient être
restaurés et là, les gens se cherchent un logement pour changer.
C'est faire la communication entre des logements qui sont restaurés et
qui viennent sur le marché et les logements qu'on devrait
libérer, qu'on devrait faire libérer pour être
restaurés.
On doit penser la banque de logements dans ce sens, d'une façon
dynamique, selon un mécanisme qui informe les gens qui se cherchent un
logement que dans telle rue, dans le même quartier, il va y avoir des
logements qui vont se libérer dans un mois, deux mois ou trois mois. On
n'est pas équipé actuellement pour donner ce type d'information;
on le fait mais de façon assez incomplète. L'autre chose qui est
bien importante, c'est que, lorsque nous louons des logements à loyer
modique dans des quartiers, dès qu'un logement est attribué
à une famille, on envoie immédiatement l'inspecteur du Code du
logement. L'inspecteur fait la liste des travaux à faire; si c'est
vraiment quelque chose de sérieux, on défend au
propriétaire de louer immédiatement; il doit d'abord restaurer.
Cela veut dire que le logement à loyer modique qu'on a produit permet de
faire restaurer un logement et, lorsque ce logement est restauré, on
peut prendre quelqu'un habitant un autre logement qui l'habitera.
M. Tardif: La jonction est faite à ce point entre...
M. Legault: On commence à la faire. Pour répondre
à votre question, il faut envisager cela d'une façon dynamique et
non pas d'une façon statique. Ce n'est pas possible de faire habiter une
banque de logements par des gens. Les logements vont se
détériorer ou les gens vont dire: Nous sommes bien ici, nous ne
voulons pas partir. Ils vont bien avoir raison parce que ce n'est pas
drôle de déménager. Il faut vraiment voir cela selon une
optique de changement.
Dans le cas des personnes qui veulent revenir dans leur logement, il y
aura moyen de le faire.
M. Tardif: Je veux m'assurer que j'ai bien compris. On sait que
le critère d'admission dans les HLM est le ratio loyer/revenu. Il y a la
qualité du logement et d'autres caractéristiques comme le
surpeuplement, mais, lorsque le critère de la qualité du logement
est celui qui pèse le plus dans la sélection des personnes,
automatiquement, vous envoyez un inspecteur voir le logement que va
évacuer cette personne qui va entrer dans le HLM et, avant que ce
logement ne soit offert en location, des rénovations devront être
faites. La liaison est faite entre ce programme de HLM et celui du PAREL, par
exemple, pour la remise en état. C'est cela?
M. Legault: Oui.
M. Tardif: Alors, bravo! J'enverrai très certainement des
gens de la Société d'habitation voir comment cela fonctionne pour
proposer cela comme modèle ailleurs. Merci, monsieur.
Le Président (M. Laplante): Avant de clore, je sais qu'il
y en a d'autres qui veulent poser d'autres questions. Il reste 15 minutes avant
l'ajournement du débat. Ces 15 minutes donnent-elles le temps à
M. Laflamme qui se trouve ici et qui représente l'Association des
propriétaires d'immeubles de présenter son mémoire? Si
vous n'en avez pas assez de 15 minutes, il faut que vous soyez très
à l'aise parce que je ne voudrais pas couper cela en deux.
M. Laflamme: C'est justement le danger auquel on fait face et on
préférerait, afin d'assurer la continuité de la
présentation de notre mémoire et des questions qui pourraient
être posées par les membres de cette commission, reporter le tout
à cet après-midi.
Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. Est-ce que
vous accorderiez encore quelques questions à M. Legault pour le temps
qui reste et ensuite on ajournera?
M. Scowen: Pouquoi pas?
Le Président (M. Laplante): D'accord. M. le
député de Rosemont.
M. Paquette: J'en ai une très courte, M. Legault,
concernant les habitations à loyer modique. Bien sûr, le fait de
les soumettre à la Régie des loyers ne concerne pas la fixation
du loyer mais il y a les autres aspects qui peuvent impliquer les relations
entre les locataires des HLM et
l'Office municipal d'habitation comme, en particulier, la
salubrité des lieux, le bon entretien des lieux, etc. Est-ce que vous
seriez d'accord avec une négociation collective de ces aspects?
J'ai rencontré, à plusieurs reprises, des résidents
de HLM qui me disent: Devant l'administrateur vous avez dû
l'entendre aussi de l'Office municipal d'habitation nous sommes un petit
peu démunis; on fait des demandes et, parfois, les logements ne sont pas
en bon état. On n'arrive pas à obtenir une amélioration de
la situation. Je pense que d'autres ont réclamé le principe de la
négociation collective dans les grands immeubles détenus par des
entrepreneurs privés. Je me demande si le même principe, sauf en
ce qui concerne la fixation du loyer, ne devrait pas s'appliquer dans des HLM.
(12 h 15)
M. Legault: Ecoutez, actuellement, ce que l'on fait c'est que le
champ d'activité de ces réclamations collectives viendrait pour
un bâtiment, j'imagine; il y a présentement des comités de
locataires dans les bâtiments et ces comités de locataires sont
reconnus par l'Office municipal d'habitation. Dans la question que vous avez
soulevée ou ce qu'on vous a rapporté, concernant les logements
à loyers modiques je ne sais pas si ce sont ceux de
Montréal...
M. Paquette: De Montréal.
M. Legault: J'aimerais connaître le cas, parce que, de
façon générale, on voit à ce que l'entretien des
bâtiments soit fait correctement.
M. Paquette: Je ne voudrais pas laisser l'impression que les
bâtiments sont mal entretenus, du tout. J'ai dit simplement que cela
arrive, comme c'est normal dans tous les bâtiments, parce que cela se
passe aussi dans l'entreprise privée, peut-être plus, mais
n'empêche qu'il y a des problèmes à certains endroits. Pas
nécessairement à un seul endroit. Ce n'est pas
nécessairement un problème qui est vécu par tout le monde,
mais cela arrive.
M. Legault: De toute façon, je pense que par le
truchement, soit du comité de locataires ou ... je ne verrais pas
comment on pourrait, dans le cas de l'entretien, faciliter les choses en
mettant cela dans la loi. Je ne vois pas par quel bout de la loi on peut entrer
cela. Ce qui m'apparaît important c'est que le locateur, qui est l'Office
municipal d'habitation respecte des normes. Si les normes ne sont pas
respectées, là, je réfère au cas de
Montréal si vraiment il y a négligence de la part de
l'office, les locataires, comme tous les locataires ailleurs, peuvent faire une
plainte auprès du service de l'habitation qui est distinct de l'Office
municipal d'habitation. Les inspecteurs du service de l'habitation ont pour
tâche d'aller voir et, si les locataires ont raison, d'en faire part
à l'office municipal. Je pense qu'il y a déjà des
mesures.
M. Paquette: En fait, ma question se rattache à une
autre... je termine là-dessus M. le Président, je ne veux pas
m'éterniser. Une fois que les locataires sont dans une habitation de
loyers modiques, est-ce que vous ne pensez pas que l'on devrait favoriser un
peu plus leur responsabilité? Parce que l'on a beaucoup parlé,
dans cette commission, des obligations du propriétaire, mais on a aussi
mentionné, à plusieurs reprises, que l'on souhaitait une
augmentation du sens des responsabilités des locataires. Je pense que le
comité des locataires, effectivement, peut être un bon moyen pour
faire cela. Cela éviterait, s'il y a des problèmes, que l'office
municipal soit toujours pris devant la régie avec un locataire
isolé. Cela pourrait se négocier plus collectivement. Je me
demande aussi ce qui empêche la ville de Montréal de verser la
subvention au comité des locataires pour lui permettre justement de
s'organiser.
M. Legault: Bon, dans votre question il y a deux aspects. Le
premier aspect... Pour ma part, je reviendrais à ce que le ministre
Tardif disait tout à l'heure, à savoir que les locataires des
logements à loyer modique devraient être, partout ou cela est
applicable, considérés comme des locataires partout ailleurs. Ce
sont des gens qui signent un contrat, qui sont responsables du contrat qu'ils
ont signé. Je ne verrais pas qu'on traite différemment les
locataires des logements à loyer modique de tout autre locataire.
Je pense que la relation qui existe entre le locateur et le locataire,
c'en est une de personne à une autre personne. Quant à la
question des subventions au comité de locataires, l'office municipal a
toujours pris position dans ce sens-là, de ne pas intervenir. L'office
municipal offre un service logement et l'avis que nous avons émis
à ce sujet, c'est-à-dire que si les locataires veulent
s'organiser, s'il y a des subventions qui sont disponibles, tant mieux, mais
que pour nous, offrir en même temps le service logement et donner en
surcroît la subvention, cela nous oblige à faire un contrôle
de plus sur les locataires, ce qui peut compliquer des relations qui le sont
suffisamment entre locateur et locataire.
Ce que nous pensons, c'est que c'est bon que des comités de
locataires aient des subventions. Si le gouvernement veut leur en donner, qu'il
leur en donne, mais nous pensons que nous ne devons pas être
mêlés à cette question, cette question de contrôler
comment ces subventions sont dépensées, parce qu'il est bien
sûr que, si on donne des subventions, on va demander des comptes.
Nous avons eu des expériences de gens qui ont demandé des
subventions des comités de locataires, en partie, et ce qu'on a
découvert, c'est qu'ils faisaient du double emploi avec des services
qu'offrait déjà la municipalité, que des comités de
locataires, par exemple, bien intentionnés se trouvaient à faire
des organisations, dans le fond, pour amener les gens à se retrancher de
l'ensemble de la collectivité pour se refermer dans leurs habitations,
alors que nous croyons que des logements à loyer modique, que ce soit
pour des personnes
âgées ou pour les familles, cela doit faire partie de la
trame urbaine et cela doit aller dans la nature des choses. Par exemple, chez
les personnes âgées, qu'elles aient encore des activités
à l'extérieur, que toutes les activités ne se trouvent pas
à l'intérieur du bâtiment.
Chez les familles, actuellement le programme dans le placement multiple
que l'on fait à Montréal, c'est qu'on essaie de situer sur des
lots vacants des logements à loyer modique qui soient le plus anonyme
possible, c'est-à-dire qu'on ne veut pas qu'ils apparaissent comme
étant des ensembles de logements à loyer modique, mais qu'ils
soient des logements dans la continuité de la rue de manière que
les gens qui y habitent soient des gens qui appartiennent au quartier.
Cette question des comités de locataires et des subventions aux
comités de locataires... Nous ne voulons pas à la fois être
juge et partie. Ce que nous disons: Si des associations ou des comités
de locataires... Je prends par exemple les subventions données par
Horizon Nouveau aux personnes âgées. Cela n'a rien à voir
avec nous heureusement, parce que quand surgissent des difficultés quant
à l'attribution des fonds, les gens viennent nous voir et nous disent:
Madame Unetelle a fait ça, M. Untel a fait ça. On dit: Ecoutez,
ce n'est pas notre problème. Vous êtes responsable de
ça.
M. Paquette: Si je comprends bien, vous ne vous opposeriez pas
à ce que les comités de locataires puissent disposer de certains
fonds, mais vous souhaiteriez que ce soit quelqu'un d'autre qui leur
fournisse.
M. Legault: Bien sûr.
M. Paquette: Je comprends votre position.
M. Tardif: Je voudrais quand même apporter une
précision là-dessus. Cette subvention prévue aux
associations de locataires de HLM de $10 par logement par année peut
être comptabilisée dans le déficit d'exploitation qui est
partagé à raison de 50%, 40% et 10%: 50%, Société
centrale d'hypothèques; 40%, Société d'habitation, et 10%
à l'Office municipal de Montréal concerné. De sorte que,
déjà, c'est assumé à 90% par quelqu'un d'autre au
point de vue du coût.
M. Paquette: En termes de coût, mais, si je comprends bien,
c'est l'attribution que vous aimeriez voir faite par quelqu'un d'autre.
M. Legault: Oui, on ne veut pas avoir affaire à
l'attribution de ça; on ne veut pas se mêler de ça.
M. Tardif: Donc, ce n'est pas une remise en question du principe
même de l'attribution d'un montant, mais qui ferait l'attribution et
à qui. C'est ça?
M. Legault: L'office municipal dit que les subventions aux
comités de locataires, nous, on ne veut pas être mêlé
à ça. Quant aux principes et aux autres histoires que vous
voulez, ça regarde le gouvernement; vous ferez ce que vous voudrez,
mais, quant à nous, on ne veut pas y être mêlé.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce, dernière question.
M. Scowen: D'abord, un court commentaire sur les subventions. On
a constaté, ces derniers jours, le manque d'organisation des
propriétaires; je ne parle pas nécessairement des grandes
compagnies d'immeubles, mais je parle des petits propriétaires qui ont
des duplex, des triplex et qui, semble-t-il, n'ont aucun organisme pour les
représenter, qui sont souvent, d'après les témoins que
nous avons entendus, la cause des problèmes vécus par les
locataires. Je pense que ce ne serait pas une mauvaise idée d'essayer au
moins de stimuler le développement d'un organisme représentant
les petits et moyens propriétaires, pour que nous puissions avoir
quelqu'un avec qui on puisse discuter des normes de conduite et du comportement
général qu'ils doivent adopter pour éviter, en partie, les
problèmes que l'on constate.
M. Paquette: Ce raisonnement s'applique aux locataires
également.
M. Scowen: Oui, je poursuis votre raisonnement.
M. Paquette: D'accord.
M. Scowen: Tout ce que je vous dis... Si le gouvernement doit
s'occuper de ces choses, c'est une question, mais, s'il s'en occupe, et
d'après moi c'est équitable, le plus important, c'est que
ça pourrait être efficace pour nous donner quelqu'un à qui
nous puissions parler.
M. Guay: Si je puis me permettre. Si on se souvient, l'autre
jour, quand la Ligue des propriétaires de Montréal est venue, la
question lui a été posée, parce qu'elle se plaignait
qu'elle n'avait pas de permanent, que ça coûtait très cher,
etc. En fait, avec la cotisation qu'elle avait et le nombre de membres qu'elle
avait, elle avait un budget de $90 000 par année; alors, à moins
qu'une très grande partie de cela n'aille en frais juridiques pour
l'avocat qui les représentait, ce qui est possible, je ne sais pas,
à $90 000 par année, vous avouerez qu'ils ont quand même
des moyens financiers non négligeables et cela, c'est une cotisation de
$18 par année seulement par propriétaire. Quand on sait, d'autre
part, que les propriétaires peuvent déduire de l'impôt une
bonne partie des frais d'habitation locative, ils ne sont pas si à
plaindre que cela, il faut quand même faire une nuance.
M. Scowen: Je vous laisse le dernier mot parce que je ne voulais
pas susciter un débat.
M. Guay: Moi non plus.
M. Scowen: Les concubins, vous en avez parlé, l'article
1657.2, à savoir que le droit d'un parent, d'un allié ne doit pas
exister dans le cas des HLM et les raisons sont claires. On peut aussi soulever
le problème des concubins dans le secteur privé, parce que cet
article s'applique, le maintien dans les lieux, à tous les
appartements.
Le concubin, est-ce une expression qui a un statut juridique, est-ce
défini, c'est quoi? Est-ce qu'il y a une définition de... Ce que
je veux savoir en fait, M. Legault, c'est si l'addition de cette
catégorie de personnes dans la loi globale pourrait créer quelque
peu des problèmes de définition en ce qui concerne le maintien
dans les lieux, dans le secteur privé. Je vous pose la question parce
que j'ai l'impression que vous avez probablement eu beaucoup
d'expérience avec des concubins vous-même.
Le Président (M. Laplante): Vous avez une minute pour
répondre à cela.
M. Legault: Quelle réputation me faites-vous! Ecoutez je
ne sais pas, je ne connais pas la définition juridique du concubin. Les
expériences que nous avons eues moi, je n'ai rien contre cela,
cela regarde les gens ce que l'on dit au sujet des logements à
coût modique c'est qu'il peut arriver que deux personnes vivent ensemble
puis que la personne au nom de qui était le bail s'en aille. Son
concubin dit: Moi, je le veux ce logement. Normalement, si on avait suivi les
règles ordinaires, cette personne n'aurait pas été
admissible à un tel logement. Ce que nous disons c'est qu'il faut faire
attention et que la loi, telle qu'elle est faite, donnerait le droit à
une personne qui est non admissible autrement à un logement à
coût modique.
M. Scowen: Est-ce que, sur le plan juridique, il y a une
définition, une façon de distinguer un concubin, c'est quelque
chose de très clair?
M. Tardif: II y a présentement une commission
parlementaire qui siège pour étudier la question du droit de la
famille où on semble s'acheminer vers une reconnaissance des unions de
fait. Là, la commission siège présentement.
M. Scowen: A l'heure actuelle, cela n'existe pas.
Le Président (M. Laplante): Sur ce, M. Legault...
M. Tardif: Le droit...
Le Président (M. Laplante): Les membres de cette
commission vous remercient de votre participation. Vous auriez un dernier mot
à ajouter?
M. Legault: Si vous permettez, je répéterais une
chose. En conclusion, j'aimerais dire quelque chose. Il y a lieu que soit
approfondi le dossier du logement public, surtout celui de l'expérience
de
Montréal, par une consultation directe afin d'éviter des
pièges de ouï-dire.
Le Président (M. Laplante): Merci, messieurs. Sur ce, la
commission ajourne ses travaux sine die. Sur l'ordre de la Chambre, nous
reviendrons probablement ici, dans la même salle, cet
après-midi.
Suspension de la séance à 12 h 29
Reprise de la séance à 15 h 51
Le Président (M. Laplante): A l'ordre, s'il vous
plaît, si vous voulez prendre vos sièges.
La commission des affaires municipales se réunit pour
l'étude du projet de loi 107, Loi instituant la Régie du logement
et modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives, afin
de recevoir les mémoires. Les membres de cette commission sont: M.
Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Caron (Verdun), M. Cordeau (Saint-Hyacinthe), M.
de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Gratton (Gatineau) remplacé par M.
Scowen (Notre-Dame-de-Grâce); M. Guay (Taschereau), M. Mercier
(Berthier), M. Ouellette (Beauce-Nord), M. Roy (Beauce-Sud), M. Shaw
(Pointe-Claire), M. Tardif (Crémazie). Les intervenants sont: M. Alfred
(Papineau), M. Charbonneau (Verchères), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska);
M. Goldbloom (D'Arcy McGee) remplacé par M. Forget (Saint-Laurent); M.
Lacoste (Sainte-Anne), M. Léonard (Laurentides-Labelle), M. Samson
(Rouyn-Noranda); M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce) remplacé par M.
Lavoie (Laval); M. Vaugeois (Trois-Rivières) remplacé par M.
Paquette (Rosemont).
Le prochain groupe sera l'Association des propriétaires
d'immeubles de la Communauté urbaine de Montréal Inc.
Je voudrais savoir si les autres groupes sont encore ici. Mme
Léone P. Gagnon. Elle n'a pas répondu ce matin.
Une Voix: Oui, elle est là, Mme Gagnon.
Le Président (M. Laplante): Ah! elle est là, Mme
Gagnon? D'accord.
L'Association des commerçants d'automobiles est ici et les
Structures métropolitaines du Canada Ltée.
Une Voix: Ils vont venir...
Le Président (M. Laplante): Ils vont venir probablement.
Monsieur, vous connaissez les règles?
M. Laflamme (Serge): Non.
Le Président (M. Laplante): C'est d'essayer de faire une
présentation en dedans de 20 minutes pour que les 40 dernières
minutes puissent être des questions des membres de cette commission.
C'est commencé.
M. Laflamme: Au niveau de la procédure, est-ce que le
ministre ou les autres participants ont un droit de réponse ou
simplement le droit de poser des questions?
Le Président (M. Laplante): Non, les questions vont
provenir des membres de cette commission et vous avez les réponses.
M. Laflamme: Très bien.
Le Président (M. Laplante): Cela dépend du genre de
question que vous avez à poser. On vous arrêtera si ce n'est pas
conforme.
Association des propriétaires de la CUQ
M. Laflamme: Si vous permettez qu'on continue, ici Serge
Laflamme, procureur de l'Association des propriétaires de la CUM.
M. Lemelin (Michel): Michel Lemelin, président de
l'association des propriétaires.
M. Laflamme: M. le Président, M. le ministre, MM. les
députés, dans son livre blanc sur les relations entre locateurs
et locataires publié en décembre 1977, le gouvernement actuel
rendait publics les grands objectifs de sa réforme en matière
d'habitation qui devait s'effectuer en deux étapes, soit enlever de la
Loi pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires son
caractère temporaire et la rendre permanente, tout en élargissant
son champ d'application; deuxièmement, permettre l'unification des
dispositions du Code civil et de la loi de conciliation.
La première de ces étapes a déjà
été remplie lors de l'entrée en vigueur du projet de loi
no 96, sanctionné le 22 décembre 1977. Il faut donc bien noter
que la première partie de la réforme, soit rendre permanente la
loi de la conciliation qu'on nous annonçait dans le livre blanc
publié en décembre 1977 et dans lequel on demandait à tous
les intéressés de faire connaître leurs opinions, a
été réalisée dans un projet de loi
déposé le lendemain et sanctionné deux jours plus
tard.
Alors, cette première étape ne peut être logiquement
perçue que comme étant l'adoption de dispositions temporaires,
même si on les annonce comme permanentes, dans l'attente d'une
réforme plus globale qui nous a été annoncée dans
le livre blanc. Sinon, nous ne voyons pas l'utilité de publier un tel
livre blanc pour demander aux gens de faire connaître leurs opinions.
C'est pourquoi notre association considère le projet de loi 107 comme
une occasion qui nous est donnée de remettre en question la permanence
du contrôle des loyers qui a été adoptée par le
projet de loi no 96.
S'il est étonnant de voir le gouvernement présenter
à l'Assemblée nationale un projet de loi qui modifie en
profondeur les règles du jeu sur le marché et y renforce encore
le pouvoir tutélaire de l'Etat, il est encore plus étonnant de
constater l'absence de débats, exception faite de quelques
mémoires soumis à la suite de la publication du livre blanc, sur
des sujets qui remettent en question nos institutions. On a en effet
négligé, tel qu'il appert de la présentation du projet de
loi 107, les grandes questions juridiques et économiques que
soulèvent les intentions du gouvernement.
Le gouvernement du Québec et l'opinion publique avec lui ont
négligé l'aspect économique et social de la question. Le
projet avorté du Code des loyers en 1972, la loi pour empêcher les
hausses abusives de loyer en 1973, toutes les lois adoptées
subséquemment par le législateur sur le louage de choses, le
récent livre blanc de décembre 1977 et le projet de loi 107
témoignent, en effet, de cette absence de débats sur des
questions fondamentales.
Les conclusions d'études économiques
réalisées par des experts de divers pays montrent que le
contrôle des loyers par l'Etat n'a que des effets économiques et
sociaux néfastes. Il semble d'ailleurs y avoir une rare unanimité
d'opinion parmi les économistes à propos des effets des
contrôles des loyers.
Notre motivation première, à nous de cette association
comme aux autres groupements qui ont fait des représentations
auprès du gouvernement à ce sujet, est bien sûr de
défendre les intérêts et idéaux du groupe que nous
représentons mais la théorie juridique, l'analyse
économique et l'expérience prouvent amplement que nos
intérêts en cette affaire coïncident avec
l'intérêt général et le bien commun de tous les
citoyens. Alors, nous avons divisé la présentation de notre
mémoire en deux parties: une partie qui traite des aspects juridiques du
projet de loi 107 et une deuxième partie qui traite des aspects
économiques. Je me permettrai de résumer les aspects juridiques
d'abord.
En mars 1977, le Barreau du Québec soumettait au ministre des
Affaires municipales, qui est ici présent aujourd'hui, un mémoire
dénonçant la loi numéro 78 qui est désormais
célèbre, sanctionnée le 23 décembre 1976. Entre
autres, le Barreau mettait le législateur en garde contre toute
réforme qui aurait une portée d'exception en ne visant qu'un
groupe particulier de citoyens et constituerait une atteinte au principe de la
séparation des pouvoirs. Or, en lisant le projet de loi 107, on
s'aperçoit que cette mise en garde a été
complètement ignorée. A la lecture de l'article 3, nous pouvons
facilement comprendre et réaliser l'intervention du gouvernement dans le
système juridi-ciaire ou dans l'organisme judiciaire que l'on entend
créer. Alors il suffit de citer que l'article 3 prévoit que la
régie sera chargée "d'analyser les effets de l'application de la
présente loi et de faire au ministre des Affaires municipales les
recommandations qu'elle juge utiles; donner au ministre son avis sur toute
question que celui-ci lui soumet; renseigner le public sur ses droits et
obligations résultant du bail d'un logement et sur toute matière
visée dans la présente loi." De plus, l'article 21 stipule que
"le président doit fournir au ministre tout renseignement et tout
rapport que celui-ci requiert sur les activités de la régie."
Alors, ce sont là des exemples de l'Intervention que l'on
qualifie d'inadmissible de l'exécutif dans le pouvoir judiciaire et des
exemples patents d'entorse au principe fondamental de la séparation des
pouvoirs.
Egalement, il y a un principe que pour pouvoir rendre justice, les
tribunaux doivent faire preuve de neutralité. Or, le projet de loi 107
est encore éloquent à cet effet, puisque, de par le texte
même du projet de loi, la nouvelle régie qu'on entend créer
sera partie et juge à la fois, et plutôt partie en faveur des
locataires que des propriétaires.
Il est à noter que la loi prévoit et que les membres du
personnel de la régie doivent prêter leur assistance, pour la
rédaction d'une demande, à une personne qui la requiert. Il faut
également noter l'article 3 qui prévoit les
interprétations que l'on va donner publiquement de la loi. Alors,
comment un plaideur pourra-t-il se présenter devant la régie pour
soutenir que tel article de la loi signifie telle chose alors que les
régisseurs seront d'avance liés par l'interprétation qu'on
en aura donnée. (16 heures)
II faut également souligner les pouvoirs arbitraires qui sont
accordés aux régisseurs. Ce matin, j'entendais le ministre qui
disait: On ne peut pas faire autrement que de le permettre, où c'est
nécessaire que des décisions soient prises quand on remet en
question l'opportunité de certaines choses. C'est justement ce que la
loi fait de façon évidente. On donne aux régisseurs des
pouvoirs vraiment arbitraires.
On peut citer, par exemple, les dispositions prévues à la
section II du chapitre 3, où on énumère une série
de critères pour ce qui est des demandes de démolition, de
subdivision ou de changement de destination d'un logement, des critères
sur lesquels les régisseurs doivent se baser avant de refuser ou
d'adopter une demande et, par la suite, on dit qu'ils peuvent prendre
eux-mêmes en considération tout autre critère
pertinent.
Or, cela veut dire que des régisseurs auront toute la
discrétion nécessaire pour fixer eux-mêmes des
critères. Les justiciables seront encore une fois à la merci de
certains juges de cet organisme quasi judiciaire.
Il faut également noter les pouvoirs de réglementation
très grands qui sont accordés à ce nouvel organisme qu'on
entend créer. Selon notre association et selon l'étude qui en a
été faite, nous soutenons que ces pouvoirs de
réglementation équivalent à des pouvoirs de
législations déguisés. En somme, ce qu'on dit, c'est que
par le truchement de pouvoirs de réglementation, on permet à la
régie et au gouvernement de changer le droit substantif. Alors, on
marque une chose dans la loi et, par des pouvoirs de réglementation, on
va permettre de modifier d'une certaine façon ce qui est écrit
dans la loi.
A titre d'exemple, nous savons que la pierre angulaire du projet de loi
est le contrôle des loyers. Nous comprendrons donc l'intérêt
de tous à connaître les critères et la méthode de
fixation du loyer. Or, c'est un exemple où, encore là, ces
critères seront établis par règlement du gouvernement. On
sait toutes les dispositions il en a été fait mention ce
matin qui ont trait à la question d'habitabilité. Les
critères d'habitabilité... Le ministre parlait d'un code
d'habitabilité.
Or, ce sont encore des dispositions qui seront adoptées par
règlement. La loi prévoit dans plusieurs cas que les locataires
pour cette question de normes d'habitabilité pourront soit
déguerpir, déposer leur loyer devant la régie, etc.
Alors, il serait crucialement important pour tous de savoir exactement
où on se situe au niveau de ces fameux critères
d'habitabilité et cette question de normes minimales
d'habitabilité.
Alors, nous terminons cette partie juridique en disant qu'il y a un
vieux principe de droit qui dit que nul n'est censé ignorer la loi.
Or, avec l'adoption d'un projet de loi tel que celui qui nous est
présenté, nous soutenons que ce principe très
bientôt ne pourra plus s'appliquer devant nos tribunaux, à cause
justement de la complexité de la loi et également à cause
des très nombreux pouvoirs de réglementation qui sont
accordés et qui disons-le encore équivalent à des pouvoirs
de législation. C'est d'ailleurs probablement bien conscient de ce fait
qu'on prend la peine de stipuler dans la loi que le personnel de la
régie devra prêter assistance à ceux qui en font la demande
pour la rédaction des applications à faire devant cet
organisme.
Alors, on a soutenu que l'objectif de la réforme était
l'unification des lois, la simplification des recours par la création de
la Régie du logement.
Or, lorsqu'on regarde de près cette loi, on s'aperçoit
qu'avant la réforme, nous avions trois tribunaux d'impliqués,
après la réforme nous aurons encore trois tribunaux, trois
juridictions, d'impliqués. Contrairement à ce que prétend
le livre blanc, soit la simplification des recours qui est recherchée,
il y aura une multiplication des recours et, si vous voulez, lors de la
période des questions je pourrai vous en donner des exemples.
Quelle a été la justification du contrôle des loyers
depuis 1973?
En 1973, lorsqu'on a adopté la loi pour empêcher les
hausses abusives des loyers cela avait été présenté
comme une mesure anti-inflation visant à protéger les locataires
dans une période de pénurie de logement.
Or, lorsqu'on considère le livre blanc et le projet de loi no
107, on s'aperçoit que les justifications qui sont à la base de
ce projet de loi sont plutôt d'ordre politique et légal.
Politique, parce qu'il ressort nettement du livre blanc et du projet de loi,
qu'on veut donner l'impression aux locataires qu'on s'occupe d'eux en les
protégeant contre les abus des propriétaires.
J'aimerais noter que toute la publicité du gouvernement est
toujours faite de façon biaisée relativement à cette
notion de propriétaire. On parle toujours, dans tous les textes, dans le
livre blanc, dans la publicité, d'abus de propriétaire. Or,
c'est complètement inadmissible de la part du gouvernement de
parler constamment d'abus du propriétaire. Or, il faut essayer de
démystifier cette image que le gouvernement actuel est en train de faire
des propriétaires, des "abuseurs" publics des pauvres locataires.
Si c'était le cas, il n'y aurait pas cinq pour cent des demandes
devant la Régie des loyers, cinq pour cent des locataires qui se
prévalent des recours devant la Régie des loyers actuelle. Si
c'était le cas, il n'y aurait pas eu en 1978, dix pour cent de moins de
demandes devant la Régie des loyers par rapport à 1977.
J'aimerais bien que le ministre prenne bonne note pour la publicité
future qu'il entend faire, puisque cela semble être une autre pierre
angulaire de son projet, la très grande publicité que l'on va
faire sur les droits des parties.
Il faut noter également que le projet de loi 107 érige le
droit au maintien dans les lieux en principe absolu. Il est également
intéressant de noter que ce principe est élaboré au
Québec depuis l'instauration du contrôle des loyers en 1973. On
s'en est servi en 1975 pour enlever le droit de conversion en
copropriété et, en 1976, pour décréter un gel des
évictions. Alors, par une espèce de fiction de la loi et en
érigeant ce principe en principe absolu, on transfère
effectivement le droit de propriété du propriétaire en
faveur du locataire. C'est ce que de nombreux autres groupes sont venus vous
dire de façon différente.
Dans notre mémoire, nous soutenons que les vrais motifs d'une
réforme qui sont basés sur le contrôle des loyers sont
justement d'assurer cette espèce de maintien d'une technocratie qui a
déjà été mise en place à la suite de
l'adoption du contrôle des loyers depuis 1973 et, encore, d'assurer le
contrôle tutélaire de l'Etat sur le marché de l'habitation.
C'est sur une Régie du logement qui est d'abord là pour
contrôler les loyers et ensuite pour empêcher les évictions
que vient se greffer la réforme au niveau des juridictions. Or, si on
remet en question la légalité et l'opportunité du
conrôle des loyers comme nous le faisons dans notre étude, nous
remettons en question toute la façon dont la réforme doit
s'opérer.
En ce qui concerne les aspects sociaux et économiques du projet
de loi 107, nous aimerions résumer les principaux arguments concernant
les conséquences du contrôle permanent des loyers. Il est admis,
il est même reconnu par les études qui ont été
publiées par le gouvernement antérieurement que les
contrôles des loyers ont des conséquences néfastes et que
ces conrôles occasionnent une rareté de logements, une
détérioration sérieuse des logements actuellement
disponibles, l'élimination du secteur privé dans la construction
de nouveaux logements. L'entreprise privée, qui a la possibilité
de construire partout en Amérique du Nord et spécialement
là où la libre entreprise est encore florissante, n'investira
certainement pas dans un pays, province ou ville où elle doit faire face
à des contrôles de loyers très stricts.
En conséquence, toute nouvelle construction dans ce secteur devra
être entreprise directement ou indirectement par le gouvernement, en
utilisant naturellement des fonds publics à cette fin. D'ailleurs, selon
le rapport Legault, c'était l'une des conséquences du
contrôle des loyers. La rareté du logement et l'absence de toute
construction de nouveaux logements d'habitation font inévitablement
grimper les prix des maisons privées qui deviennent rapidement hors
d'atteinte pour le citoyen moyen. Le contrôle des loyers peut,
peut-être, temporairement permettre à certaines personnes de payer
des loyers plus bas. Mais l'impossibilité pour ces mêmes personnes
de trouver d'autres logements qui leur conviennent affecte sérieusement
leur mobilité. Ceux qui en souffrent le plus sont les familles
nombreuses, les jeunes ménages et, de façon
générale, tous ceux qui recherchent de nouveaux logements et qui
sont dans l'impossibilité de choisir selon leur convenance et
préférence, se contentant de ce qu'ils peuvent trouver, s'ils
réussissent à trouver un logement.
A la suite de la détérioration constante des logements
actuels, dans la ville de New York, 30 000 logements par année sont
abandonnés. C'est un exemple que l'on doit prendre en
considération. La base fiscale des municipalités se trouve
lentement affectée, ce qui occasionne des augmentations de taxes, des
coupures dans les dépenses des services municipaux et engendre
finalement le chaos financier. C'est ce qui s'est produit à New York,
l'une des sept villes aux Etats-Unis, où l'on a adopté le
contrôle permanent des loyers.
Alors, après avoir décrit ces conséquences
économiques du contrôle des loyers, l'expérience qui a
été vécue dans les autres pays notamment à
New York en Suède, en Angleterre et en France, il est
intéressant de noter, comme on le fait dans le mémoire, qu'en
France, durant une période de dix ans, 119 lois ont été
adoptées relativement à ces questions de loyers.
Nous reprenons également, dans notre document, les conclusions du
rapport Castonguay, sur le contrôle des loyers. Enfin, nous analysons les
conséquences économiques prévisibles du projet de loi 107,
qui sont celles que nous venons de vous décrire.
Je me permettrai, puisqu'il me reste deux minutes, de vous lire notre
conclusion. En résumé, les contrôles de loyers qui existent
présentement au Québec sont déjà tellement
discutables qu'il faudrait songer à les abolir. Et il est certes
téméraire, c'est le moins qu'on puisse dire, de présenter
un projet de loi qui vise plutôt à renforcer les contrôles
existants au mépris du droit et des réalités
économiques.
Quel argument reste-t-il en faveur du projet de loi 107? L'argument
"social"? Rien n'est moins sûr, comme nous l'avons
démontré, si les contrôles de loyers nuisent à
ceux-là même qu'on prétend aider: les
défavorisés, les familles nombreuses, les gens âgés.
Comme on s'en est finalement aperçu en Suède ce sont les
locataires eux-mêmes qui ont demandé le décontrôle
les locataires se trompent quand ils croient que leurs
intérêts sont bien servis par de telles politiques.
Nous recommandons donc que toute la question soit
réévaluée, à la lumière, entre autres
choses, des observations du rapport Castonguay, et que soient
étudiées les différentes méthodes de
décontrôle, attendu qu'il est urgent d'amorcer un tel
décontrôle.
En ce qui concerne le projet de loi 107, nous recommandons qu'il soit
retiré, pour les motifs exposés dans notre étude. Nous
recommandons que le gouvernement, avant d'entreprendre quelque réforme
que ce soit dans ce domaine, obtienne d'organismes spécialisés et
d'experts indépendants, de nouveaux avis sur le contrôle des
loyers et que les fonctionnaires responsables de ce dossier se rendent sur
place pour évaluer l'expérience des autres pays dans ce domaine.
Ce n'est qu'à la lumière de ces nouvelles données et de
nouvelles études comparatives, que nous pourrons prétendre
entreprendre une réforme dans le domaine de l'habitation dans le
meilleur intérêt de tous les Québécois.
D'autre part, toute réforme envisagée ne devrait pas tenir
pour acquis la nécessité de la création d'une nouvelle
juridiction en matière de baux d'habitation. Nous considérons que
les tribunaux de droit commun offrent des garanties de droit de justice,
d'égalité et de liberté que les juridictions d'exception
n'offrent pas.
Alors, voilà résumés, M. le Président, les
principaux arguments de l'association face au projet de loi 107.
Le Président (M. Laplante): Merci monsieur. M. le
ministre.
M. Tardif: Oui, M. le Président. J'ai lu attentivement le
mémoire de l'Association des propriétaires d'immeubles de la
Communauté urbaine de Montréal et j'ai écouté le
résumé qu'en a fait son porte-parole. Avant de commencer
l'étude sur le fond du mémoire, j'aimerais savoir qui est
l'Association des propriétaires d'immeubles de la Communauté
urbaine de Montréal, depuis combien de temps elle existe, combien de
membres elle regroupe et ce qu'elle représente.
M. Laflamme: M. le ministre, à la suite de la publication
de votre projet de loi, certains propriétaires ont décidé
de se réunir, puisque les mémoires qui avaient été
soumis à la suite du livre blanc on été
complètement ignorés. Alors, comme le projet de loi reproduisait
presque intégralement le livre blanc, les propriétaires, au mois
de janvier, le 25 janvier, se sont réunis. Une corporation sans but
lucratif a été créée au mois de décembre et
l'association regroupe... Actuellement, avec des moyens limités nous
avons réussi à regrouper près de 300 membres et nous
représentons 70 000 logements. (16 h 15)
M. Tardif: Si je comprends bien, c'est un organisme qui a
été formé de façon spontanée depuis la
publication du livre blanc, soi-disant parce que des mémoires soumis par
votre organisme lors de la publication du livre blanc n'auraient pas
reçu d'attention.
M. Laflamme: Non...
M. Tardif: Avez-vous effectivement soumis un mémoire
à mon ministère sur le livre blanc?
M. Laflamme: Non, M. le ministre. M. Tardif: Bon!
M. Laflamme: Vous m'avez mal compris. Ce que je vous dis...
M. Tardif: Oui.
M. Laflamme: Je vous citerai en exemple l'Association des
constructeurs d'habitations du Québec qui avait soumis un mémoire
à la suite de la publication du livre blanc. Or, les grands aspects de
ce mémoire-là ont complètement été
ignorés dans le projet de loi.
M. Tardif: D'accord, mais...
M. Laflamme: A la suite de cela, lorsqu'on a vu le projet de loi
107, on a dit: On ne peut plus rester silencieux, il faut absolument se
regrouper pour représenter les intérêts des
propriétaires...
M. Tardif: D'accord.
M. Laflamme: ... en ce qui concerne la législation
spécifique en matière de loyers.
M. Tardif: Très bien. C'est donc un organisme qui vient
d'être créé.
M. Laflamme: C'est cela.
M. Tardif: Un organisme sur lequel, d'ailleurs, on publiait
régulièrement dans les journaux des annonces:
Propriétaires d'immeubles à logements, défendez-vous,
défendez vos droits, joignez les rangs de... etc.
M. Laflamme: Exactement, puisque ces organismes-là n'ont
pas de génération spontanée, ils se forment et les membres
s'obtiennent à la suite de publicité. Malheureusement...
M. Tardif: C'est cela. On les suscite...
M. Laflamme:... nous n'avons pas les subventions du gouvernement
pour pouvoir nous organiser.
M. Tardif: Bon! Voilà pour ce qui est de l'association
dite des Propriétaires d'immeubles de la Communauté urbaine de
Montréal. Maintenant, vous, Me Laflamme, qui êtes-vous?
M. Laflamme: Je suis avocat chez Geoffrion et Prud'homme et je
suis procureur de l'association des propriétaires.
M. Tardif: Vous avez été aussi administrateur
à la Régie des loyers du 9 avril 1973 au 10 octobre 1974. Est-ce
exact?
M. Laflamme: Je suis bien prêt à répondre
à cette question-là et à vous dire oui, ce qui me permet
de discuter du sujet, qui est devant cette commission aujourd'hui, avec
connaissance de cause, oserais-je prétendre. Je demanderais même
à M. le Président d'intervenir si le ministre veut continuer dans
cette idée et en savoir plus long sur ma vie privée; je me
demande jusqu'à quel point c'est pertinent.
M. Tardif: On laissera à la commission...
M. Laflamme: On a un mémoire de 70 pages, on a une heure
pour le présenter et je pense qu'il devrait s'en tenir aux arguments qui
sont dans ce mémoire.
M. Tardif: La commission sera juge de la pertinence des
interventions, Me Laflamme.
M. Laflamme: Ecoutez!
M. Tardif: Dans votre mémoire, vous faites allusion au
conflit d'intérêts possible dont pourraient faire preuve les
administrateurs du fait que la commission, de par les fonctions, à
l'article 7 de la loi, serait appelée à jouer un rôle de
conseil auprès du ministre sur l'application de la loi et dire que,
finalement, ceci pourrait poser des problèmes lorsque,
évidemment, le ministre serait appelé ultérieurement
à entendre des affaires venant devant la régie. Je vous ferai
remarquer que cette fonction de la régie a toujours été et
voici la question que je voulais vous poser de façon plus
spécifique, c'est peut-être la raison de ce préambule.
Lorsque vous étiez administrateur de la Régie des loyers, est-ce
que vous vous sentiez lié par les informations que les employés
de bureau donnaient aux personnes qui s'adressaient au comptoir? Vous
sentiez-vous lié, à ce moment-là, par les recommandations
que le président de la commission pouvait faire au ministre sur
l'application de la loi?
M. Laflamme: Non, parce qu'à cette
époque-là, il n'y en avait pas.
M. Tardif: Ah bon!
M. Laflamme: D'ailleurs, il faut bien noter qu'en 1973, lorsqu'on
a instauré le contrôle des loyers, premièrement, il n'y
avait pas de bureau technique, c'est par la suite que cela a commencé
à prendre forme, ce bureau technique et cette bureaucratie. A
l'époque où j'étais administrateur, il n'y en avait pas.
Deuxièmement, je dois vous avouer qu'il n'y avait personne du Parti
libéral qui s'intéressait à cette loi-là. C'est
d'ailleurs la raison pour laquelle, en 1973, le ministre de la Justice s'est
débarrassé de cela pour le donner au ministre des Affaires
municipales, et c'est vous qui en avez hérité.
M. Tardif: Ce n'est pas en 1973 que le transfert s'est
fait...
M. Laflamme: Pardon, en 1971. M. Tardif: Non, non
plus.
M. Laflamme: Je parle de l'institution du contrôle des
loyers.
M. Tardif: Oui, mais, alors, ne confondons pas les choses.
M. Laflamme: Le transfert s'est fait avant les élections
en 1975.
M. Tardif: C'est au mois de septembre 1976 qu'officiellement le
transfert s'est fait du ministère de la Justice au ministère des
Affaires municipales.
M. Laflamme: C'est cela, un mois avant les élections.
M. Tardif: Un mois avant les élections, quelque part par
là.
M. Laflamme: Un mois ou deux mois avant les élections.
M. Tardif: En effet et les services techniques de la régie
ont été institués au mois de mai 1973 de sorte qu'à
ce moment-là, lorsque vous étiez administrateur, on donnait
effectivement des renseignements qui, je pense bien, ne liaient, ne vous
liaient pas, ne liaient pas les administrateurs. Donc, ceci dit, cette
espèce d'idée qu'on fait naître, qu'il pourrait y exister
des conflits, n'existe pas.
M. Laflamme: Moi j'aimerais vous le demander, pouvez-vous me
donner dans la loi actuelle les dispositions qui sont à peu près
identiques à celles que vous avez dans l'article 3 du projet de loi no
107, où on dit que la régie doit donner au ministre toutes les
informations que ce dernier lui demande, etc.? Est-ce qu'il y a des
dispositions semblables dans la loi actuelle?
M. Tardif: C'est un fait que cela se produisait et que cela se
produit d'ailleurs dans une foule d'autres organismes.
La Commission des affaires sociales, dont le député de
Saint-Laurent, évidemment, connaît très bien le
fonctionnement c'est dit à l'article 41 de sa loi peut
faire des recommandations. La Loi des transports permet au conseil consultatif
de faire des recommandations au gouvernement. Le bureau de révision
d'évaluation foncière a un pouvoir de recommandation, la
Commission de la fonction publique et un paquet d'autres organismes aussi, et
j'en passe.
M. Laflamme: Cela me fait penser un peu à la personne qui
brûle un stop puis dit: Votre seigneurie, je ne suis pas coupable parce
que mon ami a brûlé le stop lui aussi. Cela ne justifie pas
l'intervention du gouvernement comme c'est fait actuellement.
M. Tardif: Ecoutez, c'est votre opinion qu'un organisme
chargé de faire l'application d'une loi fasse des recommandations au
gouvernement visant à bonifier cette loi; cela m'apparaît tout
à fait normal.
Je suis d'accord avec vous qu'il y a une chose qu'il faut cependant
surveiller, lorsque la régie fait de l'information, c'est de s'assurer
que toutes les parties aient une information égale ou équitable
et, là-dessus, évidemment, puisqu'on est en période de
renouvellement des baux, ce qui est publié présentement dans les
journaux, passer le texte de la bonne entente entre propriétaires et
locataires, contient un certain nombre de questions, qui s'adressent aux deux
parties également.
De la sorte, je pense que des efforts sont faits, puis doivent continuer
d'être faits pour équilibrer, pour calibrer l'information entre
les parties.
Maintenant, dans le mémoire on trouve également dangereux
que des employés de la régie aident les gens à remplir les
formulaires.
M. Laflamme: Oui, M. le ministre.
M. Tardif: Est-ce que cela n'existe pas présentement
à la cour des petites créances, Me Laflamme que le greffier aide
aux gens à remplir des déclarations?
M. Laflamme: Non, M. le ministre. Vous savez certainement que les
avocats n'ont pas le droit d'aller devant la cour des petites créances.
Je ne saurais pas vous parler...
M. Tardif: Ah bon, d'accord!
M. Laflamme: ... de ce qui se passe devant la cour des petites
créances, mais je peux vous dire ce qui se passe devant la régie,
par exemple.
M. Tardif: Malheureusement.
M. Laflamme: Les employés de la régie se permettent
de jouer aux avocats et de donner des informations aux justiciables, que ce
soit des locataires ou des propriétaires et ces informations...
M. Tardif: Cela, c'est votre privilège de faire valoir
cela devant votre organisme professionnel.
M. Laflamme: Non, mais c'est ce que je vous dis.
M. Tardif: C'est cela.
M. Laflamme: Je vous dis que, très souvent, il y a des
locataires qui sont pénalisés par cela. L'expérience que
j'ai vécue, ce ne sont pas des propriétaires qui sont
pénalisés par cette pratique inadmissible, ce sont les locataires
qui sont pénalisés.
M. Tardif: En fait, tout cela, j'ai l'impression, pour en venir
finalement au fond de la question, parce que cela c'étaient finalement
toutes sortes, je pense, de prétextes, dans le fond, on dit bien qu'on
ne veut pas de contrôle des loyers. C'est cela?
M. Laflamme: On dit qu'on ne veut pas de contrôle des
loyers, mais on va plus loin que cela, on vous donne les raisons pour lesquels
on ne veut pas de contrôle des loyers. On vous demande de remettre en
question...
M. Tardif: On dit.
M. Laflamme: ... ce contrôle des loyers.
M. Tardif: C'est cela. On dit: Et le gouvernement et la
population et cela c'est votre exposé de tantôt
négligent les aspects économiques et sociaux.
Evidemment, le gouvernement et la population, cela représente pas
mal de monde, tandis que l'Association des propriétaires d'immeubles de
la Communauté urbaine de Montréal, on l'a vu, peut
représenter quand même des intérêts particuliers,
c'est son droit, de les représenter et de les faire valoir, j'en
conviens.
Plusieurs fois devant cette commission j'ai eu à faire
état de nuances que l'on devrait faire lorsqu'on parle de contrôle
des loyers. On nous sert régulièrement des arguments de ce qui
s'est passé en France, en Angleterre, en Autriche et en Suède
pour dire: Vous voyez, dans ces pays-là, le contrôle des loyers a
amené une détérioration, une diminution du stock de
logements. A ce moment, pour être précis, pour être complet,
il faudrait dire que, dans ces pays, contrôle des loyers égalait,
à toutes fins utiles, un gel de loyers et cela n'est pas le cas ici.
M. Laflamme: Est-ce que vous me permettez de citer le rapport
Legault? Vous avez qualifié M. Legault, qui était ici ce matin,
d'expert. Vous avez, derrière vous, M. Claude Chapdeleine, qui semble
agir comme conseiller. Or, dans le rapport que ces gens ont
préparé à la page 10 du rapport Habiter au Québec
qui a été soumis au ministre de la Justice à
l'époque, on disait: "Si on en croit les expériences
étrangères, les diverses formes de contrôle de loyers, tant
en Europe qu'en Amérique, ont toujours produit à moyen et
à long terme des effets négatifs semblables, à savoir:
l'absence d'entretien, ce qui favorise d'une manière indirecte la
détérioration du stock existant; le
désintéressement à faire des réparations majeures
ou à restaurer des habitations anciennes; la diminution de la
construction de logements neufs du fait du désintéressement
d'investisseurs aux logements locatifs; l'accroissement d'immobilité des
locataires avec pour corollaire le transfert de la valeur de l'immeuble du
propriétaire au locataire; une plus grande rareté des logements
que le gouvernement veut protéger, ce qui le place dans une situatior
l'obligeant à se substituer à l'entreprise privée Bien
qu'il ne s'agisse pas, au Québec, d'un gel des loyers comme on parle
généralement du gel des
prix, il n'en reste pets moins que certains effets se développent
actuellement et viennent confirmer la justesse des observations faites
ailleurs, puisque toute mesure de contrôle ou de fixation de hausses de
loyers, dans un système où les autres prix ne sont pas
contrôlés, entraîne nécessairement des tensions en
contexte de libre marché."
Un peu plus loin, on disait: "Par ailleurs, il faut aussi penser
à stimuler la construction nouvelle qui seule permettra de trouver des
solutions à long terme à la situation actuelle. En effet, ce
n'est qu'en recréant une situation de marché où les
logements seront abondants que la nécessité de la loi sera
limitée, ainsi ses conséquences néfastes seront
réduites." Le rapport Castonguay qui a été publié
en 1975 ou 1976 était au même effet. Or, si nous citons
l'expérience vécue dans les autres pays, c'est simplement pour
dire qu'il n'y a pas un économiste sérieux, il n'y a personne qui
va tenir prétendre que le contrôle des loyers a des effets
bénéfiques. Au contraire, et c'est reconnu dans toutes les
études, et même au Canada, que le contrôle des loyers a des
conséquences néfastes.
Or, nous disons: Pourquoi le gouvernement vient-il resserrer les
contrôles des loyers puisqu'il est lui-même conscient des
conséquences néfastes? Alors, c'est la question que nous posons.
Quand nous citons l'expérience des autres pays, nous la citons à
titre d'exemple pour confirmer la justesse des observations qui ont
été faites.
M. Tardif: Ce ne sont pas de bons exemples, dans la mesure
où on compare des situations de gels de loyers, alors qu'ici, on parle
d'un contrôle souple qui permet de tenir compte des coûts de
fonctionnement. Quant à citer le rapport Legault que j'ai ici devant
moi, Habiter au Québec, évidemment, à la page 99, il
faudrait quand même voir au bas de la page, en guise de conclusion en
quelque sorte, qu'en période inflationniste et lorsque les logements
sont rares, il faut également assurer aux locataires une protection
efficace contre les abus dans les hausses de loyers. Cela aussi, c'était
quand même dans le rapport Legault...
M. Laflamme: Ah oui... Est-ce qu'il y a abus actuellement, est-ce
qu'il y a crise de logement à Québec?
M. Tardif: ... Egalement, M. le Président, je pense bien
que je suis prêt à faire une concession. Dire que c'est
vrai...
M. Laflamme: Vous n'en faites pas souvent, alors, on la
reçoit avec...
M. Tardif: D'accord.
Le Président (M. Laplante): M. Laflamme, depuis le
début, je n'ai pas osé intervenir. Mais si vous voulez que les
travaux se continuent d'une façon paisible, il faudrait diminuer un
petit peu l'arrogance que vous avez depuis le début.
M. Laflamme: Ecoutez, M...
Le Président (M. Laplante): Je vous demande d'attendre les
questions du ministre...
M. Laflamme: M. le Président...
Le Président (M. Laplante): ... s'il vous plaît!
M. Laflamme: M. le Président...
Le Président (M. Laplante): ... s'il vous plaît!
D'accord?
M. Laflamme: Très bien.
M. Tardif: Je suis prêt à faire une concession pour
dire qu'effectivement, le contrôle, tout contrôle comporte des
effets négatifs. Mais je pense que les bénéfices à
retirer d'une situation de contrôle juste sont infiniment
supérieurs aux désavantages et à la situation chaotique
qui résulterait si, demain matin, tous les contrôles
étaient levés. Je pense qu'entre deux maux, il faut choisir le
moindre et que celui-là est le moindre de deux maux. La solution
idéale serait peut-être ce que certains groupes ont
présenté devant nous, des programmes visant à permettre
l'appropriation du stock de logements par les gens. (16 h 30)
Vous me citez et le mémoire cite abondamment le cas de la
Suède. C'est vrai que les locataires ont demandé l'abolition du
contrôle des loyers en Suède, mais ils l'ont fait dans le contexte
très précis de ce pays où 50% des logements locatifs
appartiennent à des associations ouvrières, à des
coopératives ou à l'Etat et non pas comme ici où 98% du
stock de logements locatifs appartiennent à l'entreprise privée.
Ils l'ont fait dans un contexte où de puissantes associations de
locataires ont un pouvoir de négociation collective avec les
associations mentionnées.
Si vous me dites que votre organisme serait prêt à adopter
et à étudier sérieusement le modèle suédois
avec tout ce qu'il comporte quant aux changements, quant au mode de tenure du
logement, je serais prêt à regarder cela sérieusement, moi
aussi.
M. Laflamme: Bon, très bien. Je vous dis que nous sommes
prêts à le faire si vous êtes prêt à suspendre
votre projet de loi, à le retirer et à réviser votre
réforme.
M. Tardif: Non, il n'est pas question de cela.
M. Laflamme: Ah, voilà!
M. Tardif: II n'en est pas question.
M. Laflamme: Si M. le Président me permet de poser une
question, vous disiez tantôt M. le ministre: Entre deux maux, on choisit
le moindre. Je préfère un contrôle des loyers souple
à une situation chaotique qui serait créée par une absence
de contrôle des loyers. Etes-vous capable de me dire si vous avez
étudié des possibilités ou
des solutions de décontrôle et analysé les
conséquences? Etes-vous capable de me dire si vous avez
étudié cela à votre ministère?
M. Tardif: Oui, des études ont été faites
par des économistes, qui démontrent que, sur une période
relativement courte de dix ans, le simple fait de permettre, par exemple, des
hausses de loyers de l'ordre de 8% plutôt que de 6% on s'est
situé à l'intérieur de marges relativement restreintes
amènerait un transfert de richesses selon qu'on parle de
dollars actualisés d'au-delà de $600 millions sur une
période relativement courte, sans aucun accroissement de la
qualité des services rendus aux usagers.
Alors, si socialement, on est prêt à faire cela, quand vous
parliez tantôt des aspects économiques et sociaux, je dis que
c'est un aspect important de ce que provoquerait cette situation.
M. Brunet: M. le ministre, est-ce que je peux intervenir
là-dessus?
Le Président (M. Laplante): Vous avez une
réponse?
M. Brunet (Michel): Lorsqu'on parle d'une augmentation de 8%
où on dit que cela amènerait un accroissement de $600 millions,
il ne faudrait pas oublier qu'il y a des éléments que, comme
propriétaires, on ne contrôle point ou on contrôle
très peu. Entre autres, il y a le taux d'intérêt et,
à un moment donné, ces 8% sont là pour combler. Il y a
l'augmentation du prix de l'huile dont on a besoin pour chauffer nos immeubles
qui est contrôlée par l'OPEP ou à peu près. Il y a
l'augmentation des taxes municipales sur lesquelles nous n'avons absolument
aucun contrôle. Ces augmentations que vous accordez, c'est tout
simplement pour permettre aux propriétaires d'être capables de
budgétiser. Pour notre part, on ne peut pas augmenter nos taxes et aller
voir le public et dire: D'accord. Il faut aller voir le gérant de banque
et, lorsqu'on y va trop souvent pour dire: Je n'arrive pas, mes
déboursés sont plus hauts que mes recettes... On va le voir une
fois et il comprend, deux fois il comprend beaucoup moins et trois fois, il ne
veut plus nous voir. C'est un de nos problèmes comme
propriétaires. Cela arrive assez systématiquement.
M. Tardif: M. le Président, je suis tout à fait
d'accord qu'on doive tenir compte de cela. La méthode de fixation du
loyer, qui est annoncée dans le livre blanc et qui fera l'objet d'une
réglementation, prévoit précisément que l'on
tiendra compte de l'augmentation des taxes, des assurances, de
l'électricité, du chauffage, des dépenses courantes
d'entretien et de services et des réparations. On dit que le
contrôle va amener une détérioration du stock de logements.
Or, on sait que la méthode de fixation déjà couramment
utilisée donne un rendement de 11% à vie sur l'investissement,
c'est-à-dire à peu près 1% de plus que le taux courant des
obligations. Un propriétaire qui investit $1000 de rénovations
dans son immeuble se voit accorder un pourcentage pour la durée
complète, à vie en quelque sorte, et qui est équivalent au
taux courant. Alors, c'est véritablement un investissement qui est
fait.
Evidemment, il y a également la formule qui permet une indexation
du revenu net. Que cette formule ait besoin d'être bonifiée, je
suis d'accord et qu'elle ait aussi besoin de tenir compte peut-être de
certaines autres composantes, je veux bien mais cette formule vise
précisément à éviter le genre de situation que vous
avez mentionnée, sur laquelle les propriétaires n'ont aucun
contrôle. Je suis d'accord que d'autres mesures, telles des mesures
fiscales, par exemple, de dégrèvements fiscaux devraient
être mises de l'avant pour soulager le fardeau des propriétaires.
Là-dessus, comme ministre des Affaires municipales, je m'attaque aux
problèmes d'une réforme de la fiscalité municipale. Il ne
faut pas demander au projet de loi 107 de régler tous les maux de
l'habitation et de la fiscalité au Québec.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Verdun.
M. Caron: Me Laflamme, à la page 4, vous dites qu'une
enquête Gallup récente révèle que 95% des
Québécois sont satisfaits de leur logement. Par quelle firme
cette enquête a-t-elle été faite?
M. Laflamme: Je n'ai pas les résultats de l'enquête
ici, puisqu'il s'agit de la partie du mémoire qui a été
faite par notre économiste; malheureusement, je n'ai que les documents
qui traitent de la partie juridique. Mais c'est un chiffre qui a
été cité par nous et qui a été
également cité dans d'autres mémoires; malheureusement, je
n'ai pas les...
M. Caron: Par une firme spécialisée? M.
Laflamme: J'imagine.
M. Caron: Aussi à la page 65, au dernier paragraphe, vous
donnez des explications: Nous considérons que les tribunaux de droit
commun offrent des garanties de droit, de justice, d'égalité et
de liberté que les juridictions d'exception n'offrent pas. Pourriez-vous
éclaircir?
M. Laflamme: M. le député, ce qu'on dit, c'est la
chose suivante: Ce que le gouvernement, semble-t-il, vise à créer
ou en voit la nécessité c'est une juridiction
d'exception. Si on analyse le projet de loi 107, on s'aperçoit que cette
juridiction d'exception fait également exception à de nombreux
principes de droit et à des principes qui sont à la base de notre
système judiciaire. D'autre part, je l'ai mentionné dans mon
exposé, il permet une intervention directe du gouvernement dans le
système judiciaire. Or, ce qu'on est en train de créer par cet
organisme, c'est en réalité une sorte de tribunal populaire, sous
prétexte de
vouloir rendre une justice moins coûteuse, plus humaine, plus
expéditive; c'est exactement ce qu'on fait dans ce projet de loi 107.
Nous, nous disons. C'est extrêmement dangereux de créer ces
organismes et d'avoir des gens qui seront là, non plus pour juger
suivant le droit, suivant la loi, pour interpréter la loi et juger selon
la loi, mais qui vont être là pour rendre des décisions
d'opportunité, comme le ministre l'a dit ce matin, pour rendre des
jugements de Salomon, pour finalement juger en équité et se
foutre, ni plus ni moins, des règles de droit, puisqu'on leur donne leur
droit, dans le texte même de la loi, de s'en dispenser. Lorsqu'on dit que
les règles du Code civil sur la preuve ne s'appliquent plus et qu'on
peut contredire les termes d'un écrit de façon verbale, etc., ce
sont là tous des accrocs aux principes fondamentaux de notre
système judiciaire. Ce qu'on dit, c'est qu'on crée cette sorte de
tribunal populaire où, finalement, les justiciables iront et les juges
qui seront là seront là non pour appliquer la loi et le droit,
mais pour finalement rendre une justice pour satisfaire les électeurs du
gouvernement.
Le Président (M. Laplante): Y a-t-il d'autres questions,
messieurs?
M. Tardif: Qu'est-ce que j'ai entendu? Une justice pour
satisfaire les électeurs du gouvernement?
M. Laflamme: Exactement, c'est ce que j'ai dit.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Saint-Hyacinthe. D'autres questions, M. le député de Verdun?
M. Caron: Je cède la parole à...
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Saint-Hyacinthe, vous avez la parole.
M. Cordeau: Merci, M. le Président. Tantôt, darvs
votre exposé, vous avez parlé des périodes de recours;
est-ce que vous aimeriez détailler un peu?
M. Laflamme: Des périodes de? M. Cordeau: De
recours.
M. Laflamme: Des nombreux recours; oui, c'est une...
M. Cordeau: Des nombreux recours que vous avez
mentionnés.
M. Laflamme: C'est un autre bel exemple de ce qu'on nous dit; on
dit: On veut simplifier les recours. Je vous ai mentionné qu'avant, il y
avait trois juridictions et qu'après l'adoption du projet de loi, il y
aura encore trois juridictions. La juridiction de la Régie des loyers
comprendra la juridiction de la Cour provinciale, la juridiction actuelle de la
Cour provinciale incluant la juridiction de la Cour des petites
créances. On ne touche pas la juridiction de la Cour supérieure
puisque ce serait anticonstitutionnel.
Lorsque, par exemple, on dit "l'inexécution des obligations du
locataire", lorsqu'un locataire n'exécute pas une obligation, par
exemple, s'il ne se comporte pas normalement dans les locaux, s'il importune,
s'il crée des problèmes et fait du bruit, etc., qu'est-ce que le
locateur doit faire? Il doit s'en aller devant la Régie des loyers,
faire une demande pour obtenir une ordonnance afin que le régisseur
ordonne au locataire de respecter la jouissance paisible des autres locataires.
Inutile de vous dire qu'il y a toutes les juridictions d'appel, on peut aller
en appel de cette décision et cela peut traîner pendant des mois.
On revient chez nous et si le locataire continue de perturber la jouissance
paisible des autres locataires, le propriétaire doit retourner devant la
Régie des loyers, faire la preuve que le locataire ne s'est pas
conformé à l'ordonnance qui a été rendue par
l'administrateur, confirmée par la Cour provinciale, et ce n'est
qu'à ce moment qu'on va ordonner l'éviction de ce locataire qui
est fauteur de trouble. Encore là, il y a toutes les étapes
à franchir.
Finalement, c'est un dédoublement de recours plutôt qu'une
simplification et cela s'applique également dans le cas de non-paiement
du loyer, cela s'applique dans tous les cas d'inexécution des
obligations qui sont prévue au bail. On ne simplifie pas les recours, on
les multiplie, c'est cela qu'on fait.
M. Tardif: M. le Président, il faudrait quand même
qu'on soit correct dans la présentation des faits. Actuellement, un
propriétaire qui veut demander l'éviction d'un locataire pour les
motifs prévus dans la loi, effectivement, s'adresse à la
régie. D'accord?
M. Laflamme: Non, je ne suis pas d'accord. Il peut s'adresser
à la régie ou à la Cour provinciale.
M. Tardif: Très bien. En règle
générale, il le fait. Deuxièmement, si ce
propriétaire, en plus de cela, constate que des dommages ont
été faits à son logement, il doit s'adresser à la
Cour provinciale pour ce faire.
M. Laflamme: II peut s'adresser à la Cour provinciale,
demander l'éviction du locataire, la résiliation du bail, etc.
Cela va prendre à peu près six mois pour obtenir
l'éviction du locataire, ou trois mois, dépendant si c'est
contesté ou non.
M. Tardif: Alors qu'avec le projet de loi, tout pourra se faire
devant la régie, sans avocat et sans représentation.
M. Laflamme: Pas nécessairement sans avocat puisque vous
n'avez pas encore, jusqu'à maintenant, enlevé le droit des
avocats d'aller devant la régie.
M. Tardif: Sauf que pour les matières relatives au
chapitre 8, pour des montants inférieurs à $500, la règle
sera celle appliquée à la Cour des petites créances. C'est
donc dire qu'un propriétaire qui, actuellement, pourrait dire: Un
locataire a déguerpi avec deux mois de loyer en souffrance et laisser
tomber en disant: Je n'irai pas à la cour, cela va me coûter $300
de frais d'avocat, avec la nouvelle loi, il pourrait obtenir justice sans
frais. Est-ce que vous convenez de cela, Me Laflamme?
M. Laflamme: Non, je ne conviens pas de cela.
M. Tardif: C'est pourtant ce qui est dans le projet de loi.
M. Laflamme: C'est une question d'interprétation. Vous
avez dit tantôt que vous n'étiez pas avocat; je le suis et je
l'interprète différemment.
M. Tardif: Je fais partie des législateurs et c'est
là l'intention et la lettre de la loi.
M. Laflamme: Je suis d'accord avec vous, mais je vais vous donner
un autre exemple. Le locataire peut déguerpir des locaux. Vous avez dans
cette loi des cas où le locataire peut se faire justice à
lui-même, il décide lui-même de l'interprétation de
la loi et prend en main la justice.
M. Cordeau: Peut-être que si c'est pour éclair-cir,
oui.
M. Brunet: Pour éclaircir un peu le mémoire, pour
nous, propriétaires, lorsqu'on regarde le nouveau projet de loi, on
réalise que cela représente pour nous un fardeau administratif
extraordinaire, ce qui se traduit nécessairement par des dépenses
additionnelles, du temps additionnel qu'on doit consacrer. Il ne faut pas
oublier que même si c'est possible je suis prêt à
l'admettre qu'il y ait des propriétaires qui abusent des
locataires, l'inverse se produit également. (16 h 45)
Que l'on ait tort ou que l'on ait raison de dire que le projet de loi
aurait des conséquences néfastes sur l'habitation au
Québec, il faut quand même admettre que ceux qui conçoivent
le processus de développement, de construction, d'accès à
la propriété c'est nous, l'entreprise privée. On a 98% des
logements au Québec, vous le dites. Si, à tort ou à
raison, on a foncièrement, à l'intérieur de nous,
l'impression que c'est un domaine que l'on devrait éviter à
l'avenir, parce que cela représente un domaine qui, à cause de la
réglementation, devient beaucoup trop risqué en termes
d'investissement, il ne faut pas oublier que l'on assume une hypothèque,
que l'on signe en bas du contrat hypothécaire et que l'on a la
responsabilité pour $1 million, $2 millions, et puis que, comme tout le
monde, nous aussi, on a une famille en arrière. On peut être
lavé complètement. On peut peut-être, à un moment
donné, être réticents à prendre les risques
nécessaires pour aller de l'avant, au niveau du développement
immobilier au Québec. Moi, comme jeune propriétaire d'immeubles,
j'entrevois difficilement les années à venir, lorsque je regarde
la complexité qui existe dans la loi actuelle, et puis cela me fait mal.
Parmi ceux qui ont déjà réussi, il y en a plusieurs qui se
débarrassent de leurs propriétés. Je le vois
difficilement, c'est cela qui, à un moment donné, pourrait
apporter des conséquences néfastes à l'habitation au
Québec.
M. Tardif: Evidemment, vous tenez compte du fait que les
immeubles neufs de moins de cinq ans sont exemptés de la loi.
M. Brunet: La majorité des immeubles neufs, il faudrait
dire qu'ils sont dans un département immobilier à part. Disons
qu'ils sont subventionnés par la Société centrale
d'hypothèques et de logement, généralement. Si l'on
regarde présentement ce qui arrive dans la région
métropolitaine, c'est là où on a le plus haut taux de
vacances. Tous les malheureux propriétaires qui ont décidé
d'investir là-dedans, en pensant qu'avec la classe 31,32 ils
étaient pour profiter de bénéfices d'impôts
extraordinares, ils sont en train de manger leur chemise, parce qu'ils ont
oublié qu'en plus de l'amortissement qu'ils pouvaient prendre contre
leurs revenus personnels, ils sont obligés de débourser de
l'argent pour venir à bout d'arriver. Ils ne sont pas capables de faire
face à leurs paiements hypothécaires, leurs paiements
d'exploitation, leurs paiements de taxes etc.
M. Tardif: Dites-moi une chose. Vous semblez au courant de la
question de l'immeuble. Vous êtes au courant, sans doute, que
l'année 1976 a été une année record de la
construction au Québec, avec 68 000 unités de logements.
M. Brunet: Je ne suis pas assez familier avec l'immeuble pour
vous dire que... C'est possible.
M. Tardif: La moyenne actuelle des dix dernières
années était de l'ordre de 50 000 et il y en a eu 68 000 en 1976,
alors que précisément il y avait un contrôle des loyers. La
question, je pense vous venez d'y toucher par le biais, c'est pour cela
que je vous posais la question c'est que, finalement, les abris fiscaux
qui ont été rétablis en 1974 ont changé du tout au
tout la situation, et cela a eu beaucoup plus d'impact que le contrôle
des loyers qui, lui, était là. C'est un facteur constant, alors
on peut l'ignorer dans la mesure où il éfait présent et en
1976 et maintenant. Alors c'est beaucoup plus ces mesures fiscales que vous
mentionnez qui doivent être regardées, j'en conviens, qui ont eu
un impact.
M. Brunet: D'accord, mais ces mesures fiscales, si vous regardez,
présentemet, je ne pense pas qu'il y ait encore des professionnels qui
se fassent prendre à investir dans ces projets. Mais...
M. Cordeau: Je crois, par exemple, que le stock de logements en
1977 a baissé et aussi en 1978. 1976 a été une
année maximale...
M. Brunet: Sans me présenter comme un... M. Cordeau:
... si je me souviens bien.
M. Tardif: C'est exact. De la même manière qu'aux
Etats-Unis présentement dans toutes les grandes villes, les
constructions sont en baisse de 50% par rapport aux années
antérieures.
M. Cordeau: Maintenant, concernant le projet de loi dans son
ensemble, croyez-vous que le projet de 107, tel que rédigé
parce qu'il faut tenir compte que le ministre a dit qu'il apporterait des
amendements, c'est pour cela que nous avons une commission parlementaire
est un moyen incitatif pour celui qui a un capital à placer dans la
propriété.
M. Brunet: C'est évident que, pour nous, ce projet de loi
n'incite pas à réinvestir à l'intérieur de ce type,
à moins que ce soit réglé d'une certaine façon,
qu'on modifie un peu la loi. Mais la loi, avec de bons objectifs de
protéger l'abus de certains propriétaires vis-à-vis des
locataires, c'est vrai cela, prend des moyens qui font que c'est très
difficile, par la suite, pour le propriétaire de se défendre,
surtout en termes de temps. Je peux vous dire que moi, même si, dans mon
groupe, on peut contrôler plusieurs milliers de logements, à un
moment donné, lorsque les avocats nous parlent de ce qu'il y a dans ce
projet de loi, quelquefois je m'y perds. Imaginez donc le pauvre petit
propriétaire d'un duplex ou d'un triplex qui est obligé de vivre
avec cela. Ce doit être quasiment impensable. Ce sont tous ces effets sur
l'ensemble du stock immobilier et les conséquences devraient être
assez difficiles par la suite.
Le Président (M. Laplante): Dernière question.
M. Cordeau: Vous avez mentionné tantôt que votre
association groupait environ 300 membres, lesquels détiennent environ 70
000 logements. Est-ce que vous pouvez nous informer du taux d'inoccupation des
logements dans vos immeubles?
M. Brunet: Je peux vous dire que présentement, dans
Montréal, je vais parler plus particulièrement des
propriétés qui me concernent. Mais je sais que ma concurrence,
c'est à peu près la même chose. On essaie de trouver toutes
sortes de moyens pour donner des mois de loyer gratuit, tant de mois à X
dollars, pour venir à bout de louer nos propriétés, parce
qu'on a de la difficulté tellement il y a des logements
inoccupés. La majorité de mes propriétés ne sont
pas du stock nouveau et se situent entre dix et trente ans. On a de la
difficulté présentement à le faire. On a donné les
trois premiers mois gratuitement. On s'est aperçu qu'on s'est fait jouer
des tours terribles par les locataires. Ils restaient trois mois, ils levaient
l'ancre, ils s'en allaient ailleurs et prenaient trois autres mois gratuits. On
a dit: D'accord, vous allez avoir trois mois gratuitement, on va les mettre
à la fin du bail, pour éviter de se faire jouer des tours. Parce
qu'il ne faut pas oublier une chose, même si certains
propriétaires abusent, il y a une multitude de locataires qui sont
très fins et qui savent comment utiliser la loi et utiliser le contrat,
etc.
Le Président (M. Laplante): M. le ministre.
M. Tardif: M. le Président, je voudrais simplement
répéter devant ces interventions que si, d'une part, certains
groupements sont venus devant cette commission revendiquer rien de moins qu'un
contrôle total, absolu, universel des loyers, pour ne pas dire un gel,
dans certains cas, et que si, d'un autre côté, nous avons eu des
représentations un peu comme celles-ci qui réclamaient la
liberté contractuelle absolue, il nous apparaît important
d'essayer de trouver une formule c'est ce que la loi 107 vise à
faire qui permette d'atteindre un certain équilibre, qui permette
d'éviter les abus, qui permette au propriétaire de gérer
son immeuble et de ne pas tomber en faillite, en raison de l'exploitation de
cet immeuble, du fonctionnement de cet immeuble. C'est la raison pour laquelle
la méthode de fixation tient compte de ces facteurs que j'ai
mentionnés tantôt. D'autres provinces au Canada ont adopté
d'autres formules, on l'a mentionné au cours des travaux de cette
commission, comme celle de l'introduction d'un taux fixe. Nous, nous pensons
qu'il faut y regarder à deux fois, puisque ceci pourrait avoir des
effets inflationnistes non souhaitables, d'une part, et peut-être
être jugé par certains propriétaires qui auraient fait des
rénovations importantes comme étant insuffisant. C'est donc
quelque chose qu'il faut regarder attentivement.
Mais, entre ces deux positions extrêmes, ces deux absolutismes, il
nous semble qu'il y a une position de juste milieu que tente d'atteindre la loi
107.
Le Président (M. Laplante): Merci, M. Leblanc, M.
Laflamme.
M. Brunet: Est-ce que je pourrais faire un commentaire?
Le Président (M. Laplante): Très bref, s'il vous
plaît.
M. Brunet: Je vais essayer d'être bref. Il est possible que
vous ayez l'impression, et que vous ayez raison même, en
définissant le projet de loi 107 comme un juste milieu. A tort ou
à raison, on a l'impression je me sens un fardeau très
lourd de le dire, parce qu'ici, je représente, par défaut, 98% de
ceux qui sont propriétaires ici au Québec pour nous, que
ce n'est pas un juste milieu, que cela semble être un peu biaisé
du côté des locataires et que les effets pourraient être
néfastes sur l'habitation en général au Québec. Ce
que je demanderais, personnellement, s'il vous plaît, c'est de regarder
attentivement votre loi, d'essayer de voir quelles seraient les
conséquences qui
pourraient être nocives au niveau de l'habitation du
Québec, parce que les résultats, vous ne les aurez pas demain
matin et non plus l'an prochain. Mais il est possible, car ailleurs, dans tous
les autres pays qu'on a donnés en exemple, ce n'est pas le lendemain
matin qu'on a eu des problèmes, c'est cinq ans, dix ans, quinze ans
après. D'accord, j'aimerais que vous regardiez attentivement ce qui
pourrait arriver par la suite. Peut-être que vous allez découvrir
que la façon dont nous, on pense, lorsqu'on sent qu'on n'a pas la
possibilité de... On n'investit pas dans ce domaine. Je ne dis pas qu'on
a raison ou qu'on a tort puisqu'on ne le fait pas. Il faudrait nous laisser
quand même cette fameuse carotte qu'il y a en avant de nous autres, de
telle sorte qu'on prenne les initiatives nécessaires pour garder
l'habitation au Québec dans l'état... ou peut-être
l'améliorer au Québec s'il le faut. Mais on est quand même
très bien logé ici. Il faudrait que cela continue.
Le Président (M. Laplante): MM. Leblanc, Lafamme, les
membres de cette commission vous remercient.
M. Brunet: Ce n'est pas tout à fait de la bonne couleur;
mon nom c'est Brunet, et non pas Leblanc.
Le Président (M. Laplante): J'ai compris Leblanc. M.
Brunet, on vous remercie.
J'appelle maintenant Mme Leone Gagnon.
Mme Léone Gagnon
Mme Gagnon (Léone): M. le Président, M. le
ministre, messieurs, je me sens très gênée après
avoir entendu des mémoires aussi savants, parce que moi je parle
à titre personnel. Je me trouve très courageuse d'ailleurs. Il me
semble qu'il faut de temps en temps vous dire ce qu'on pense. Le monsieur qui
vient de parler a parlé des pauvres petits propriétaires. Moi, je
parle comme pauvre petit propriétaire.
Je voudrais attirer l'attention du ministre Tardif sur le fait qu'il
existe différentes catégories il le sait les
moyens, les grands et les tout petits. Les petits propriétaires, moi, je
les considère comme des travailleurs à part entière. Ils
n'ont pas le monopole de la vertu, c'est bien sûr, mais quand on a
acheté des propriétés il y a 40 ans, ne sachant pas que
les gouvernements seraient si libéraux, c'était pour assurer la
sécurité de notre vieillesse. On les a tenues en ordre, on les a
réparées, on les a gardées, on a eu, durant les
années cinquante, des logements à louer, on courait après
les locataires. Enfin, je ne crois pas qu'on puisse nous considérer
comme des requins de la finance, des méchants capitalistes et utiliser
des épithètes du même ordre. J'ai lu quelques
mémoires qui m'ont vraiment effrayée.
Ceci dit, le pouvoir d'achat des petits propriétaires, il
n'existe pas. Quand on achète un réfrigérateur, on est
obligé de l'acheter à plein prix, parce qu'on ne les
achète pas à la centaine.
Evidemment, les poêles, les réfrigérateurs, les
réservoirs, tout cela, on l'achète au prix du détaillant.
L'huile à chauffage, c'est la même chose. On n'a pas les escomptes
que les gros propriétaires ont, mais on doit chauffer nos locataires de
la même façon.
Si on a des maisons situées dans le centre-ville, si on a
l'infortune d'avoir des maisons au centre-ville, on est pénalisé
par les compagnies d'assurance parce qu'il y a beaucoup d'incendies. Cela n'est
pas votre faute, c'est la faute de la ville de Montréal, je pense.
Enfin, il y a beaucoup d'incendies et il arrive qu'après avoir
payé des primes pendant 25 ans on nous refuse d'assurer nos maisons.
Donc, on paie des prix prohibitifs pour nos assurances. Je vous parle des
petits propriétaires. Nos maisons anciennes coûtent très
cher, parce qu'on a des corniches, on a des pignons, on a des balcons en bas et
elles ne sont pas faites en béton. Cela coûte cher pour
l'entretien. On a des tracasseries. Le petit propriétaire fait face
à ses locataires lui-même. On va faire toutes les concessions pour
garder des bonnes relations avec eux, parce qu'on n'a pas de surintendant, on
n'a pas d'administrateur. Ils nous connaissent. Il me semble qu'il y a des
différences fondamentales parce que les grands propriétaires ont
des employés à longueur d'année. Moi, je suis locataire et
je ne sais même pas qui sont mes propriétaires; je ne connais
qu'un administrateur. Il me semble qu'il y a des nuances à
établir et que vous devriez... Je sais bien que vous ne pouvez pas faire
des lois pour les petits, mais ceux qui ont de trois à douze logements,
j'appelle cela des petits propriétaires. On n'a pas le moyen de se payer
des administrateurs, parce qu'on a besoin de cela pour vivre. Il faut
être sur le front constamment. Les catastrophes, quand une fournaise
manque, c'est le vendredi soir, le samedi matin ou le dimanche matin. Nous,
nous n'allons pas en Floride l'hiver parce qu'on est toujours aux aguets, on a
toujours peur qu'il arrive quelque chose. On a eu des coups de
téléphone du locataire, il y a quelque chose qui ne va pas et on
court, parce que si le locataire du troisième a laissé
déborder sa baignoire et que le plafond tombe au deuxième, il
faut aller mettre de l'ordre là-dedans. Et j'en passe. (17 heures)
Ce sont des aspects réels de la vie d'un petit
propriétaire. J'en parle avec expérience parce que cela fait 40
ans que je vis cela. Je pense qu'il conviendrait de les traiter avec
équité.
Dans certains cas, vos lois ne sont pas applicables. Je vous fais
sourire, mais je crois que vous trouvez que j'ai raison. M. le ministre ne
sourit pas, je crois que vous trouvez que j'ai raison. M. le ministre ne sourit
pas du tout.
M. Tardif: On m'a fait souvent ce reproche-là, madame.
Mme Gagnon: Je ne viens pas ici pour vous faire sourire, de toute
façon, parce que, quand je suis partie de Montréal,
j'étais indignée. C'est la
première fois que j'ose me présenter devant une commission
et j'espère que c'est la dernière fois.
Le Président (M. Laplante): Cela va bien, continuez.
Mme Gagnon: Vous êtes gentil, M. le Président.
M. Cordeau: Soyez à l'aise.
Mme Gagnon: En page 3, je parle du bail. Le bail que le
gouvernement a concocté excusez-moi pour le mot, je ne veux pas
être impertinente ce n'est pas un bail, c'est
incompréhensible. Il est basé sur un tas d'articles du Code civil
tellement désuet que cela en est ridicule. Prenons l'article 9 couvrant
les obligations du locataire avec la mention de "bon père de famille".
De nos jours, allons! Les gens qui ont des cheveux blancs me comprennent. La
notion de bon père de famille, qu'est-ce que cela veut dire de nos
jours? Pour ma part, j'ai un locataire qui est marié et qui a deux
enfants. Je le mets sous un globe de verre et je ne l'augmente pas. Ce n'est
pas une plaisanterie, cela existe et c'est un fait.
Donc, le bail type n'est pas satisfaisant et il y aurait place pour plus
de précisions et de clarté. J'ai donné des exemples. Que
le locataire s'engage à vider au complet son logement; qu'il ne nous
laisse pas ses matelas éventrés, ses blocs de ciment, ses
fauteuils bancals quand il habite au troisième et qu'on est
obligé de les descendre. Le bail demande d'être modifié et
que les obligations des locataires soient mieux déterminées, que
cela ne soit pas laissé à "bon père de famille". C'est
trop ridicule en 1979. Je passe là-dessus. Je ne veux pas
dépasser le temps, ni prendre trop de votre temps, mais je crois que le
locataire devrait s'engager par écrit, au bout de dix jours, à
dire qu'il est satisfait du logement, si on l'a mis en ordre et si on a fait
toutes les réparations qui s'imposent.
Si le locataire pose de la tapisserie, malgré qu'on lui ait
demandé en grâce de ne pas en poser, il devrait s'engager à
l'enlever lui-même. Il faut qu'on lui dise: il y a des choses qui doivent
être dites pour être comprises et non pas lui demander d'agir en
"bon père de famille". Donc, j'en ai contre votre bail. Votre bail est
mal fait, il est imprécis et, à part cela, on lit entre les
lignes: Méfiez-vous des propriétaires parce que ce sont des
méchants. Tout semble être à l'avantage du locataire dans
le bail. Méfiez-vous des propriétaires, ils n'ont pas le droit de
faire cela. Même s'ils écrivent telle chose, si c'est abusif, n'en
tenez pas compte.
Je comprends que c'est très rentable de faire cela: les
locataires sont plus nombreux. Je le comprends, mais il y a une question
d'équité dont parle le ministre Tardif. Dans sa lettre, il
trouvait très équitable ce projet. Dans sa lettre du 26 janvier,
le ministre Tardif nous parle, au sujet des petites créances, d'un
montant ne dépassant pas $500. Je suis convaincue de la bonne foi du
ministre. J'en suis convaincue.
Mais le paragraphe ci-haut, quand le locataire quitte les lieux sans
prévenir, il ne laisse pas son adresse! Bon! Donc, il est en position de
force. C'est une chose à considérer. Le locataire qui a
décidé, par exemple, de partir se construire quelque part dans la
brume, à la campagne, et qui apporte quelques-unes de vos portes de
logement, de sept pièces, avec les vasistas et les fenêtres, il ne
laisse pas son adresse. Alors, est-ce qu'on va dépenser pour retrouver
ces gens-là? Non. Ce sont des choses de petits propriétaires.
Maintenant, M. le ministre Tardif parle beaucoup de la Cour des petites
créances. Il y a tellement de preuves impossibles à fournir dans
ces cas-là que cela ne vaut pas la peine. La Cour des petites
créances ne peut pas s'appliquer à ce genre de choses, parce que
cela demande des preuves, si un locataire fait des dégâts
très importants. Elle ne viendra pas constater les dégâts,
alors c'est tout à fait impossible de penser à la Cour des
petites créances pour cela. Ce paragraphe est à ignorer
complètement parce que cela n'est pas pratique. Même les avocats
que nous consultons prennent des airs dégoûtés parce que ce
sont des problèmes ennuyeux; ce n'est pas intéressant comme un
bon crime ou une histoire passionnelle! Ce n'est pas intéressant. Je ne
veux pas être comique, mais ce que je vous dis est vrai. Les avocats
prennent des airs absolument écoeu-rés, parce qu'ils aiment
autant renoncer au petit montant de $25 qu'on leur donnerait, s'ils voulaient
nous aider. Ils renoncent à leur commission de 15% parce qu'on ne veut
pas aller à la Cour des petites créances, car cela ne sert
à rien. Ils disent: Ouf! Prenez donc quelqu'un d'autre, c'est tellement
de tracas. Et puis on en est quitte pour leur donner $15 ou $20 pour cinq
minutes. Mais ils n'y tiennent pas. Cela ne les intéresse pas. Non.
J'allais dire que j'étais bien consciente que le ministre est
sincère quand il dit qu'il se rend compte qu'il y a des lacunes dans la
loi de conciliation.
Article 16.56. C'est cet article qui démontre parfaitement
l'incompréhension des législateurs face à ce
problème. Cet article est abusif et vexatoire pour le locateur ou pour
le propriétaire, qui devient une quantité négligeable dans
ses propres affaires, à cause de la mainmise du gouvernement. Le
gouvernement a la main trop lourde. Non satisfait d'imposer au locateur des
locataires qu'il n'a pas choisis, le gouvernement facilite toutes les demandes
de sous-location à n'importe quel temps, pour n'importe quel motif,
n'importe quelle manie, les plus puériles et enfantines. Je vais citer
seulement un ou deux exemples. Après trois semaines d'occupation pour un
bail d'un an, un locataire demande de sous-louer. Pourquoi? Parce que ses sinus
ne s'adaptent pas à ce quartier! Je considère que c'est un motif
puéril. C'est vécu, ce n'est pas inventé. Un autre
exemple. Une femme de 35 ou 38 ans, qui se croit convoitée par tous les
mâles du quartier, décide de sous-louer parce qu'elle se sent en
danger! Vers le 20 du deuxième mois parce qu'elle a toujours 21
jours pour payer au lieu de sous-louer, elle quitte tout simplement,
mais elle restera
introuvable parce qu'elle est partie avec un allié, un concubin.
Elle restera introuvable. C'est le sort du petit propriétaire. Je ne
crois pas que vous pensiez assez à cela. On n'a pas les moyens des gros.
Quand on a de trois à onze logements, on n'est pas très fort. On
a besoin de ce loyer. Il faut se contenter de loyers modestes pour ne pas
créer de contestation. On rencontre ces gens-là, on n'est pas
inaccessible. Ils nous téléphonent pour nous dire: "Tata..., il y
a quelque chose." On leur en impose moins qu'un administrateur de grandes
bâtisses, vous savez!
Nous sommes de petits propriétaires c'est cela et
vous aidez les locataires à nous considérer comme des
quantités négligeables par des articles de la loi qui ne sont pas
raisonnables et qui ne sont pas équitables. Vous donnez quinze jours au
petit propriétaire pour se résigner aux demandes de sous-location
à n'importe quel temps de l'année. Là, vous
réduisez cela à dix jours. Y a-t-il une raison? Vous trouviez que
c'était trop, quinze jours? Si le petit propriétaire est malade
ou hospitalisé durant ce temps, eh bien, il va se trouver en face d'un
locataire qu'il n'a jamais connu et s'il a eu un locataire indésirable,
on a bien des chances que ce soient des locataires indésirables qu'il
nous a refilés également. On est pris avec cela.
Je crois qu'on doit choisir nos locataires nous-mêmes. Je pense
que ce serait simplement juste. Ce ne serait vraiment pas exagéré
que de vous demander le privilège de choisir nos locataires quand on est
un petit propriétaire. C'est évident que ces demandes de
sous-location, pour une raison sérieuse et valable, ne sauraient
être refusées en aucun temps. Motif valable, j'entends des
transferts d'emploi, des divorces j'espère que je ne
dépasse pas mon temps le décès du conjoint, etc.
Avant, pour demander une sous-location, le locataire devait donner un mois de
loyer. A ce moment-là, il n'y avait pas de demande de sous-location. On
pouvait être tranquille. On pouvait respirer de mai à mai. On
pouvait respirer, avoir un peu de répit et faire peindre. Je dis que
cela contribue à la hausse des loyers, ces demandes de sous-location
incessantes parce que je suis obligée de vous le dire les
compagnies de transport demandent trop cher pour les
déménagements. Nos locataires déménagent entre
amis. Il se déménagent les uns les autres et ils transportent
leurs meubles. Ils ont toujours une armoire antique québécoise
à part cela qui est toujours trop haute pour nos petits escaliers. Et il
faut la palanter par dehors. On a des rampes d'escalier en bois et ils
arrachent nos rampes. Mais ils n'admettront pas qu'ils les ont
arrachées. Ce n'est pas leur faute. Nos maisons sont anciennes. On les
garde en bon état, mais si on nous impose trois
déménagements et trois emménagements
supplémentaires en dehors des périodes régulières,
je trouve que ce n'est pas raisonnable. Vous, monsieur, vous m'approuvez.
Une Voix: Ah! oui.
Mme Gagnon: Oui, n'est-ce pas? Eh bien, il faudrait
peut-être bien le dire au ministre.
M. Cordeau: M. le ministre comprend vite.
Le Président (M. Laplante): II vous reste trois
minutes.
Mme Gagnon: Trois minutes? Ecoutez, rien qu'une chose. Les abus
de locataires à qui on fournit des logements de sept pièces, on
loue à deux et nous en avons dix dedans. Que faites-vous pour cela et
que pouvons-nous y faire? C'est un abus et il se pratique sur une grande
échelle. Nous louons à deux, mais nous voyons des gens entrer
avec leur clé, que nous ne connaissons pas et à qui nous n'avons
pas loué. Comment voulez-vous faire? Des professeurs de
l'Université du Québec qui nous disent: On est deux. Et on trouve
cinq matelas par terre et les deux professeurs sont partis quelque part dans la
brume et on a cinq étrangers là-dedans. Est-ce que ce ne sont pas
des abus? Je pense que j'ai à peu près... L'article 151.2 n'est
pas acceptable parce que cela porte atteinte à la dignité du
locateur. Ce n'est pas acceptable, l'article 1653 ne l'est pas, l'article 1657
ne l'est pas. Forcer un propriétaire à montrer le bail du
locataire précédent, cela ne s'est jamais fait et c'est une
mesure humiliante, vexatoire et, si j'osais, je dirais très
démagogique de la part du gouvernement. Si j'osais. ((17 h 15)
M. Guay: Mais vous n'osez pas.
Mme Gagnon: Mais je n'ose pas dire que c'est démagogique.
Je n'ose pas le dire.
M. Cordeau: On a bien entendu. Mme Gagnon: Oui, mais
disons que... Une Voix: ...
Mme Gagnon: Je pense que j'ai dépassé mon
temps.
Le Président (M. Laplante): Non, vous êtes
juste...
M. Cordeau: Non, soyez...
Mme Gagnon: L'article 1652, pour ma part, je le trouve terrible
et je demanderais au ministre Tardif de le revoir. Cela n'a aucun sens pour les
petits propriétaires; tous se rappellent le cas des petits
propriétaires qui n'est pas le même. Nous ne sommes pas des
capitalistes, les petits propriétaires, et nous sommes
misérables. Nous entretenons nos vieilles propriétés et
nous aimerions les garder pour nos enfants. Nous travaillons sept jours par
semaine au service des petits locataires.
L'article 1653.3. Ce n'est pas au locataire à faire les
réparations parce que c'est une porte ouverte pour des fraudes, des
factures fictives. Si
le locataire fait partie des mouvements contestataires, il peut faire
n'importe quoi pour embêter le propriétaire. Alors, cet article
est inéquitable dans sa forme actuelle.
L'article 1657.2 est également inéquitable. Je vous
remercie. Si vous en tenez compte, j'en serais fort heureuse.
Le Président (M. Laplante): Merci, madame. M. le
ministre.
M. Tardif: M. le Président, je désire remercier Mme
Gagnon de sa présentation qui, je pense, prend beaucoup plus la forme
d'un témoignage vécu et, à ce titre, qui peut-être
nous touche beaucoup plus que certaines autres représentations qui. nous
ont été faites. Ce témoignage, basé sur cette
expérience de petit propriétaire et de locataire
également, si j'ai bien compris...
Mme Gagnon: Six locataires.
M. Tardif: ... Mme Gagnon, rejoint un certain nombre des
préoccupations que nous avons, que nous avons tenté d'atteindre
dans le projet de loi 107. Je suis bien d'accord avec l'intervenante, avec Mme
Gagnon, lorsqu'elle s'érige contre cette tendance qu'on peut avoir, que
d'aucuns peuvent avoir, de partager le monde en bons et en méchants, en
propriétaires et en locataires, en gros propriétaires et en
petits propriétaires, en propriétaires étrangers et en
propriétaires autochtones. On a entendu toutes sortes de nuances de
cette nature. Parfois pour dire: Ce sont les propriétaires qui ont tous
les torts. D'autres nous ont dit que ce sont les locataires. Je pense que cette
vision manichéenne du monde est, finalement, à rejeter. C'est
bien évident...
Mme Gagnon: Je m'excuse, mais je ne saisis pas très bien
le sens de "manichéenne". Qu'est-ce que cela veut dire exactement?
M. Tardif: Cette manie qu'ont certaines personnes de trancher le
monde ou l'univers en blanc et noir...
Mme Gagnon: Ah! oui.
M. Tardif: ... en deux groupes...
Mme Gagnon: En bons et en méchants, en purs et en impurs.
D'accord.
M. Tardif: ... comme s'il n'y avait pas tout un continuum et
toutes sortes de nuances du noir au blanc en passant par le gris.
Mme Gagnon: Vous savez, j'utilise le langage de tous les jours de
la semaine. Alors, "manichéenne ", je ne savais pas trop.
Le Président (M. Laplante): C'est du latin! M. Tardif:
A partir de là, Mme Gagnon, c'est évident qu'il y a des
choses qui sont éminemment perfectibles dans ce projet de loi. Il y a
des choses qui relèvent d'une tradition. Je vais vous donner un exemple.
Vous disiez, à l'article 1617 et dans la formule même du bail
type, qu'on parle d'agir en bon père de famille. Ecoutez! Je ne suis pas
avocat, ce n'est pas moi qui ai inventé cette formulation qu'on retrouve
à l'article 1617 du Code civil et que, vraisemblablement, de plus en
plus aujourd'hui, on a tendance à remplacer par l'expression "en
personne raisonnable".
C'est quoi quelqu'un qui entretient un lieu, un local en bon père
de famille? C'était l'attitude peut-être paternaliste des
législateurs des années antérieures; aujourd'hui, on tend
vers l'utilisation d'une autre formule. Mais c'est bien évident que ce
n'est ni la formulation du Code civil ni celle du projet de loi no 107 qui va
donner à des personnes qui n'auraient pas de respect pour les biens
d'autrui, la propriété d'autrui des manières, qui va leur
donner ce sens des responsabilités qui leur manque.
Vous avez dit aussi: Ce n'est pas possible d'aller à la Cour des
petites créances parce que, finalement, cela n'intéresse pas, les
gens ont l'air ennuyé de nos problèmes, ce ne sont pas de beaux
cas juteux, bon!
Mme Gagnon: C'est très vrai.
M. Tardif: Bon. C'est en partie pour cela et aussi, cela ne fait
pas partie de leur expertise régulière. C'est en partie pour cela
que le projet de loi no 107 propose de donner à la régie
compétence sur toute matière découlant du bail d'un
logement, y compris la loi 107, et toute matière civile découlant
du bail d'un logement, de sorte que des dommages à la
propriété ou encore un défaut de paiement de loyer, au
lieu d'être amenés devant la Cour des petites créances ou
les tribunaux réguliers, pourront être entendus devant la
régie qui sera, en quelque sorte, une instance spécialisée
ne s'occupant que de cela et n'étant pas, justement,
dérangée par des problèmes, de façon très
incidente, de cette nature. Et surtout par une régie dont le personnel
sera qualifié et à temps plein là-dessus.
Actuellement, même à la régie et
c'était la formule traditionnelle au Québec
c'étaient des avocats qui agissaient sur une base ad hoc, donc qui une
journée par semaine laissaient leur bureau pour aller entendre quelques
causes à la régie. Ce n'étaient pas nécessairement
des gens qui avaient pris fait et cause pour l'application d'une loi visant
à régir les relations entre locataires et
propriétaires.
Je suis sensible à votre remarque sur l'article 1656 concernant
le pouvoir de sous-location. Je vous avouerai que j'aimerais peut-être
voir dans quelle mesure, est-ce que c'est la formulation actuelle de l'article
qui pose des problèmes?
Mme Gagnon: Premièrement, le locataire peut choisir
lui-même son sous-locataire. Que devient le propriétaire
là-dedans? Il faut motiver son refus.
Et vous donnez dix jours au lieu de quinze jours. On vous remercie de
tant de générosité; cinq jours de moins pour se
résigner au fait qu'on va encore avoir à subir un
déménagement et un emménagement. Cela veut dire encore un
autre ménage, parce que je vous le répète la
sous-location ne devrait pas être permise à ce point. Il devrait y
avoir certains cas valables mais pas, comme vous le dites dans votre loi, ce
n'est pas moi qui le dis, si un concubin se réconcilie avec sa concubine
ou s'en prend une autre, au bout de trois semaines, alors qu'il a loué
pour un an. Ce n'est pas une raison sérieuse. Il va nous en imposer un,
je veux dire, ces gens seraient mieux de louer au mois. Cela complique notre
vie, cela nous fait mourir tranquillement, il faut le dire enfin.
M. Tardif: Mme Gagnon, écoutez, renseignements pris sur la
raison de la modification du délai, quant au libellé, il est
à peu près le même que la loi actuelle, l'article en
question sur la sous-location. La réduction du délai de quinze
à dix jours ne visait qu'une chose, qui était une certaine
uniformisation des divers délais prévus dans la loi de sorte que
le propriétaire n'ait pas à se poser la question: Est-ce que
c'est dix jours, est-ce que c'est quinze jours, etc.? Mais je pourrais...
Mme Gagnon: C'est aussi triste dans un cas que dans l'autre.
M. Tardif: Je pourrais très bien...
Mme Gagnon: C'est triste dans les deux cas.
M. Tardif: ... essayer de revoir cette question des
délais. Mais j'aimerais attirer votre attention sur l'article 1658.3
qui, lui, est nouveau et qui permet... je lis: "Le locateur peut éviter
la prolongation du bail si le locataire a sous-loué le logement pendant
plus de douze mois consécutifs et s'il en avise le locataire". En
d'autres termes, à l'heure actuelle, ce privilège n'existe pas,
au terme de douze mois, de mettre fin à la sous-location.
Mme Gagnon: Je n'ai pas protesté contre cet article, non
plus, je n'ai protesté que contre les mauvais. Je n'allais pas vous
faire des félicitations sur quelques articles qui étaient un
petit peu mieux. Je proteste contre les mauvais articles qui nous font la vie
misérable...
M. Tardif: D'accord.
Mme Gagnon: ... et qui nous tiennent en haleine tout le
temps.
M. Tardif: Je suis heureux de voir que vous avez remarqué
que cet article nouveau existait.
Mme Gagnon: Oui, mais je ne l'ai pas critiqué non
plus.
M. Tardif: C'est bien, mais cela vise à atteindre un des
objectifs que vous avez mentionnés, c'est-à-dire de ne pas
être pris ad vitam aeternam avec un locataire que vous n'auriez pas
choisi. D'accord? C'est-à-dire que la sous-location pourrait s'effectuer
pour une période donnée, et après cela, il serait possible
d'y mettre un terme au sens de 1658.3. Donc, ce n'est pas un engagement
d'être pris avec un sous-locataire indésirable
indéfiniment.
J'aurais certainement d'autres questions, mais je vais peut-être
laisser d'autres membres de ia commission poser leurs questions, quitte
à revenir tantôt, avec votre permission.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Verdun.
M. Caron: Mme Gagnon, je vous félicite, au nom de notre
parti, de venir...
Mme Gagnon: Je vous remercie beaucoup. D'avoir eu le courage?
M. Caron: Oui, d'avoir eu le courage, parce qu'il y en a
beaucoup...
Mme Gagnon: Oui, c'est surtout le courage que cela m'a
demandé, monsieur.
M. Caron: On vous félicite et on espère qu'il y en
aura d'autres qui viendront, comme vous. Quand vous dites le petit
propriétaire, je suis d'accord avec vous. Souvent, le petit
propriétaire porte le nom seulement. Il achète et il emprunte
quasiment le montant total de la propriété. Il engage, en plus de
donner la propriété en garantie, son salaire et le salaire de sa
femme. Naturellement, les taxes sont chères, j'en suis conscient. Etant
maire de ma ville, je vous juge qu'à certains moments, ce n'est pas
facile. Les hausses abusives...
Mme Gagnon: C'est la hausse, c'est le coût de la
main-d'oeuvre aussi.
M. Caron: Oui, un peu de tout. Je pense bien, même si vous
trouvez des fois que le ministre ne rit pas, c'est naturel, avec tous les
problèmes qu'il a, de ne pas toujours être capable d'avoir le
grand sourire. Ce n'est pas facile d'être le ministre des Affaires
municipales.
M. Tardif: C'est un député-maire qui le dit.
M. Caron: C'est vrai. Je suis bien mieux que vous qui êtes
ministre des Affaires municipales, dans le contexte actuel, mais je suis
convaincu qu'il va prendre en bonne considération...
Le projet de loi n'est pas en deuxième lecture. Quant aux
commentaires que vous faites, le projet de loi peut être
réimprimé. J'espère que le ministre essaiera de faire tout
son possible, surtout pour les petits propriétaires.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Cordeau: Merci, M. le Président. Moi aussi, madame, je
tiens à vous féliciter pour votre partici-partion à cette
commission, pour votre franchise surtout et le réalisme de vos
remarques.
Mme Gagnon: Le réalisme, je suis très contente de
vous l'entendre dire. Cela me réconcilie avec les politiciens.
M. Cordeau: Vous avez dit que vous étiez locataire.
Etes-vous propriétaire aussi?
Mme Gagnon: Je suis propriétaire de deux maisons
anciennes...
M. Cordeau: C'est parce que je voulais vous dire quelque
chose.
Mme Gagnon: ... que nous avons gardées, mais je suis
locataire. Je connais les deux côtés de la médaille.
M. Cordeau: Si j'étais à la recherche d'un logement
à Montréal, j'irais chez vous pour avoir un logement. Je pense
qu'il y aurait facilité de nous entendre, parce que vous semblez assez
compréhensive.
Mme Gagnon: Je vous dirai tout de suite que je serais bien
heureuse.
Le Président (M. Laplante): Là, on reconnaît
le député de Saint-Hyacinthe.
M. Guay: Le député de Saint-Hyacinthe, c'est
l'incarnation assez vivante d'un bon père de famille.
M. Cordeau: Merci. On va revenir au terme "bon père de
famille". La porte est ouverte. Pourquoi ne pas y entrer! En ce qui regarde le
propriétaire, auparavant peut-être devait-il maintenir
l'état de son logement à peu près au même... (17 h
30)
Mme Gagnon: C'était énuméré dans les
baux autrefois et c'était pris plus au sérieux, quand même,
que dans une seule phrase. Là, ce sont les obligations du
propriétaire. Il y en a et il en pleut.
M. Cordeau: Oui, mais...
Mme Gagnon: Le locataire n'en a pas, lui.
M. Cordeau: C'est justement cette question que je voulais vous
poser. Aujourd'hui, on veut qu'il y ait un code d'habitabilité.
Croyez-vous qu'il serait à propos aussi que l'expression "bon
père de famille" soit mieux définie parce qu'aujourd'hui, c'est
de trouver le père de famille?
Mme Gagnon: C'est justement.
M. Cordeau: A ce moment-là, c'est de savoir trouver qui
est responsable de quoi. Croyez-vous que le gouvernement devrait définir
plus clairement les obligations des locataires...
Mme Gagnon: Oui, monsieur.
M. Cordeau: ... concernant leurs responsabilités?
Mme Gagnon: Oui, monsieur.
M. Cordeau: Si le propriétaire a des
responsabilités pour maintenir son loyer en bon état, croyez-vous
qu'il devrait y avoir aussi, à l'intérieur de ce projet de loi,
ou surtout de la réglementation, des règles bien définies
concernant les obligations des locataires?
Mme Gagnon: C'est très bien; oui, des règles bien
définies.
M. Cordeau: Je vais vous poser une autre question. Croyez-vous
que ce projet de loi a une petite saveur socialisante?
Mme Gagnon: Oui, monsieur. Mais là, je vais faire de la
peine de l'autre côté de la table si je dis ça.
M. Cordeau: Vous savez, ici, il faut entendre toutes les cloches
et toutes les cloches n'ont pas le même son.
Mme Gagnon: Je voudrais bien qu'on garde un juste milieu. Moi, je
croyais qu'on était encore dans un pays démocratique et je
m'aperçois que, enfin... Quand on oblige un propriétaire à
montrer son bail, le bail précédent, au locataire qui vient,
c'est qu'on dit au locataire: Méfie-toi d'un propriétaire. On
classe les propriétaires comme les méchants; les locataires, ce
sont des moutons et il faut les protéger parce qu'ils sont faibles et
plus nombreux à part ça. Enfin, je me comprends; je n'en dirai
pas plus.
Mais je m'oppose à ça, de montrer... Parce que je trouve
que c'est une mesure vexatoire et humiliante que de montrer l'ancien bail au
nouveau locataire, parce que le locataire n'est pas un imbécile. Il sait
bien ce que ça vaut un logement, parce qu'il fait le tour des logements
et il le sait bien. Quand on est raisonnable, on en vient à une entente
satisfaisante pour les deux, quand on est raisonnable.
M. Cordeau: Est-ce que, comme propriétaire, si vous avez
un très bon locataire qui ne vous cause pas d'ennuis...
Mme Gagnon: Je ne l'augmente pas.
M. Cordeau: ... vous avez tendance à moins l'augmenter,
celui-là, que l'autre qui est tapageur...
Mme Gagnon: Si je veux garder mes bons...
M. Cordeau: Alors, ça démontre peut-être que
vous pourriez avoir, parmi vos locataires, des gens qui, selon leurs moyens
financiers, ou qui sont chez vous depuis longtemps, par
considération
humanitaire, vous n'augmenterez pas tellement leur loyer. Vous allez
dire: ça va. Par contre, à un moment donné, si le logis se
libère, là, vous allez peut-être faire un équilibre.
A ce moment-là, peut-être, ce serait pénaliser le
propriétaire que de toujours montrer l'ancien bail, parce que, pour
toutes les considérations que j'ai énumérées
tantôt, peut-être qu'à un moment donné, vous avez
laissé le loyer à $100 et, en réalité, c'est trois
chambres à coucher et il vaudrait $120 ou $125.
Mme Gagnon: Oui, j'ai des logements de sept pièces qui
sont loués avec système de chauffage et tout pour $160, où
on s'empile à huit ou dix là-dedans et on fait de l'argent
à même ce logement. Il y a quelqu'un qui fait de l'argent
là-dedans.
M. Cordeau: C'est peut-être le locataire qui change la
désignation du loyer. Au lieu d'un loyer, il en fait une maison de
chambres.
Mme Gagnon: Ah oui! Mais ce n'est pas marqué "maison de
chambres". C'est comme un centre d'hébergement, si vous voulez, mais
qu'est-ce que vous voulez faire dans ces cas? Ce sont des cas d'abus, ce sont
des empiétements. Je le dis dans mon mémoire: Est-ce que le
ministre et ses conseillers ne pourraient pas trouver quelque chose pour
empêcher les gens d'empiéter comme cela sur nos beaux grands
logements anciens. Ils en raffolent, évidemment.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Taschereau.
Mme Gagnon: Pardon?
Le Président: C'est un autre député.
M. Guay: J'espère, M. le Président, quand le
député de Saint-Hyacinthe, en espérant un oui à sa
question, demandait si le projet de loi n'avait pas une saveur socialisante,
qu'il ne voulait pas dire par là qu'il s'opposait au contrôle des
loyers pour que l'habitation devienne une pure valeur capitalisante.
M. Cordeau: Non, pas du tout.
M. Guay: Je suis heureux d'entendre que l'Union Nationale va
appuyer le principe du projet de loi.
M. Cordeau: On va voir cela tantôt.
M. Guay: D'abord, je dois dire que je connais Mme Gagnon depuis
un certain nombre d'années et c'est avec grand plaisir que je la revois
aujourd'hui ici à Québec. Je veux la féliciter d'avoir
fait la démarche foncièrement démocratique de s'être
présentée seule devant la commission parlementaire. Ce n'est
certainement pas une expérience facile comme démarche a priori;
quand on est à l'extérieur de l'Assemblée,
l'Assemblée nationale a toujours une allure, une espèce
d'auréole mystérieuse qu'elle n'a pas nécessairement.
Mme Gagnon: Et assez austère.
M. Guay: Et assez austère qu'elle n'a pas
nécessairement, comme vous le voyez, quand on est rendu en dedans.
Mme Gagnon: Dans ce salon-ci, c'est moins impressionnant.
M. Guay: Si plus de citoyens prenaient le soin, comme le fait Mme
Gagnon, de venir eux-mêmes nous faire part de leurs expériences
plutôt que de s'en remettre à des porte-parole souvent
autodésignés, comme on en a entendu énormément au
cours de ces audiences, je pense que la qualité de ce qu'on entend au
cours de telles audiences s'en trouverait d'autant meilleure.
Il y a un certain nombre de choses, dans votre mémoire, que je
voudrais relever. Je vais vous dire d'abord ce qui a été dit
à d'autres participants à la commission, le projet de loi 107,
tel qu'il est, n'est pas dans sa version définitive. D'une part, s'il
l'était, ces audiences seraient inutiles. C'est justement dans le but
d'entendre la population et préférablement les citoyens
eux-mêmes qu'ont lieu ces audiences pour chercher à
améliorer ce projet de loi et le bonifier. Il y a plusieurs
modifications auxquelles on peut spontanément songer à la suite
de ce qu'on a entendu jusqu'à maintenant et de ce qu'on va entendre ce
soir et mardi, si bien que, dans sa version en deuxième lecture, le
projet de loi subira vraisemblablement des modifications. Ces modifications
peuvent aller dans deux sens. Il peut y avoir des modifications au niveau des
obligations du propriétaire. On a évoqué, par exemple, au
cours des audiences jusqu'à maintenant, quelle serait la meilleure
démarche à suivre en ce qui a trait à qui, au fond, a le
fardeau de la démarche auprès de la régie. Est-ce le
locataire, comme c'est à l'heure actuelle et comme c'est le cas dans le
projet de loi 107 tel qu'il est, ou est-ce qu'on devrait plutôt regarder
du côté de l'Ontario, qui n'a rien de socialiste pour autant et
qui impose le fardeau aux propriétaires à partir d'un certain
pourcentage qui est fixé annuellement par le gouvernement?
Les autres modifications qu'on peut songer à apporter concernent
l'équilibre entre les parties. Je trouve personnellement que le projet
de loi 107 est un peu bref en ce qui a trait aux obligations des locataires.
Bien sûr, il y en a qui vont nous dire comme un groupe hier, ceux
qui divisent le monde en noir et en blanc, en bons et en méchants, en
locataires et propriétaires que les travailleurs-locataires,
comme j'ai vu l'expression dans un document on se l'est fait proposer
hier d'ailleurs que les locataires ne devraient sous aucune
considération être évincés. C'est une opinion. Je ne
la partage pas. Les locataires ne sont pas nécessairement tous des anges
du fait qu'ils sont locataires et les propriétaires ne sont pas tous des
méchants du fait qu'ils sont propriétaires.
Mme Gagnon: On ne peut jamais les évincer de toute
façon, cela prendrait des motifs très graves.
M. Guay: Que cela prenne des motifs graves, j'en suis, mais que
sous aucune considération on ne puisse le faire comme on nous le
proposait hier, c'est aller loin.
Donc, il y a moyen d'améliorer le projet de loi, nous comptons
l'améliorer. Je pense qu'au niveau de la responsabilité des
locataires, des obligations des locataires il y a là matière
à revoir le projet de loi. Il y a un certain nombre
d'énumérations de fait que vous faites qui peuvent toutefois,
à l'heure actuelle, faire l'objet du bail, parce que dans le bail tel
qu'il est, on peut ajouter des clauses.
Mme Gagnon: Le bail est imprécis. M. Guay: Oui?
Mme Gagnon: II donne l'impression que les propriétaires
n'ont que des obligations et on avertit, entre les lignes, les locataires de
bien se méfier des propriétaires. Il y a quelque chose qui n'est
pas bien, la rédaction est mal... ce n'est pas juste. C'est un mauvais
bail, si vous voulez que je vous le dise franchement.
M. Guay: Je vois une chose que vous avez mentionnée,
l'histoire de la tapisserie. Il n'y a rien qui empêche le
propriétaire de le mettre dans le bail à l'heure actuelle.
Mme Gagnon: Oui, on le met, mais ils la posent quand
même.
M. Guay: Le problème vient plutôt non pas de ce que
contient le bail, mais de la façon dont le locataire remet le logement
au terme de son bail.
Mme Gagnon: Oui, mais si vous imposiez, par exemple, au
locataire... Si vous permettiez au propriétaire d'aller inspecter le
logement avant que le locataire quitte les lieux et que le propriétaire
aurait la chance de voir s'il a enlevé une armoire, s'il a posé
un paquet de tablettes sur les murs, des choses qui sont absolument
impossibles... Mais on se trouve en face d'un logement qui est vidé,
où on n'a pas eu la permission d'aller. Un logement vidé,
c'est-à-dire non, ils nous laissent tout ce qu'ils veulent, les
fauteuils à trois pattes, les matelas éventrés, et on a un
autre déménagement à faire nous-mêmes.
M. Guay: Justement, c'est sur le moyen que vous réclamez
que je m'interroge, non pas que je m'oppose à l'idée. Au fond,
pourquoi pas? Mais est-ce que pour autant, si vous allez dans le
logement...
Mme Gagnon: Le jour même.
M. Guay: Le jour même, il n'y a rien qui vous empêche
d'y aller. En d'autres mots, si les effets...
Mme Gagnon: II faut que le locataire soit là. M. Guay:
... mobiliers, si les meubles du loca- taire ne sont pas tous partis, vous
ne pouvez pas constater, jusqu'au moment où ils le seront tous, ce qu'il
a laissé sur place.
Mme Gagnon: Non, c'est justement, on est toujours du mauvais
côté. A ce moment-là, on a toujours des surprises
désagréables. Il n'y a pas beaucoup de gens qui laissent leur
logement en ordre. On ne peut pas dire que c'est la grande majorité,
parce qu'ils n'ont pas le goût de faire du ménage avant de partir.
Alors que dans certains pays, en Belgique, je crois, ils sont tenus de le
remettre en ordre, ils ont peur du propriétaire, tandis que nous, vous
nous traitez tellement comme quantité négligeable que les
locataires n'ont pas peur du propriétaire, ils s'en moquent.
M. Guay: Je suis d'accord, enfin avec nuance, mais je me demande
quel est le remède à tout ça. Vous me dites...
Mme Gagnon: C'est à vous à le trouver. Mme Guay:
Oui. D'accord.
Mme Gagnon: J'en aurais à suggérer, mais je ne suis
rien, alors...
M. Guay: Justement, c'est pour ça que vous êtes
ici.
M. Cordeau: Cela ne tombera pas dans des oreilles de sourds.
M. Guay: Vous nous parlez de la visite des lieux, à un
certain moment, avant le départ. Sauf que vous n'êtes pas pour
autant en mesure de constater, à ce moment, si par exemple, le locataire
avait des blocs de ciment s'il les a laissés là, parce qu'il n'a
pas encore déménagé.
Mme Gagnon: Oui, il va nous dire qu'il va les emporter, bien
sûr, mais il ne les déménagera, sans doute pas.
M. Guay: Donc, on se retrouve dans la même situation.
Mme Gagnon: Je ne sais pas par quel mécanisme on pourrait
obtenir... je ne le sais pas.
M. Guay: On va essayer d'y songer. Vous vous opposez farouchement
à l'article 1651.2 en disant que l'article oblige le locateur à
montrer au locataire l'ancien bail. Ce n'est pas exactement ça que dit
l'article, il dit: "Le locateur doit... remettre à tout nouveau
locataire un écrit indiquant le loyer payé par le locataire
précédent..." Vous n'êtes pas obligé de lui montrer
le bail, vous êtes obligé de lui dire, en d'autres mots, quel
était le loyer payé.
Mme Gagnon: Justement, est-ce qu'on a à se soumettre
à une affaire pareille?
M. Guay: Dans la mesure où on cherche à
contrôler les loyers, il est évident que si, entre
deux locataires, il n'y a pas de suite, c'est l'occasion
rêvée pour provoquer une hausse du loyer.
Mme Gagnon: On est toujours obligé de rénover en
entier le logement. Si on veut garder nos logements en ordre, il faut les
rénover à nos frais, il faut faire remplacer le poêle, le
réfrigérateur, parce que la porte a été
brisée, parce que les locataires ne dégèlent pas leur
réfrigérateur, vous voyez quel genre de détail...
M. Guay: Attention, le fait de devoir indiquer l'ancien loyer
n'indique pas que vous êtes obligée de le louer au même
prix.
Mme Gagnon: Mais le locataire va vouloir payer $2 de plus.
M. Guay: Vous n'êtes pas obligée de lui louer.
L'idée, c'est d'avoir une idée du prix qui était
payé pour le logement.
Mme Gagnon: Vous nous dites dans le bail qu'on ne doit refuser
aucun locataire. On a cette prohibition, aucune discrimination. On doit louer
à ceux qui s'adressent à nous.
M. Guay: Non, mais, Mme Gagnon, si vous avez un logement qui se
libère, s'il est à louer, disons, à $150, ce n'est pas
parce qu'un locataire potentiel arrive et dit: Je vais vous payer $140, donc
$10 de moins, que vous devez le lui louer.
Mme Gagnon: Non, pas cela, non quand même.
M. Guay: Donc, les raisons pour lesquelles vous ne pouvez pas
refuser de le louer n'ont rien à voir avec la somme monétaire ou
la valeur locative du logement. Que le locataire sache combien valait le
logement auparavant, ce n'est pas nécessairement une mauvaise mesure;
cela permet d'assurer une certaine continuité dans la valeur locative
des logements.
Mme Gagnon: Vous ne comprenez pas ce que je veux dire; c'est que
c'est vexant, vexatoire et humiliant pour le propriétaire.
M. Guay: En quoi?
Mme Gagnon: En quoi? Cela jette un doute sur
l'honnêteté du propriétaire. Cela crée un doute dans
l'esprit du locataire et c'est cela qui est inadmissible, parce que les
relations commencent sur une vilaine base.
M. Guay: Oui, mais, si nous sommes d'accord que tous les
locataires ne sont pas des anges et tous les propriétaires ne sont pas
des bandits, l'inverse est également vrai; tous les propriétaires
ne sont pas des anges.
Mme Gagnon: Ah non, j'en suis sûre.
M. Guay: Si vous me disiez: Le loyer était de tant
auparavant, je vous croirais sur parole, parce que je vous sais de toute
façon, c'est évident une personne honnête, mais on
ne peut pas en dire autant nécessairement de tous les
propriétaires. Donc, le fait de connaître, de manière
publique, quelle était la valeur locative du logement auparavant n'est
pas pour les propriétaires qui, effectivement, sont honnêtes, ne
cherchent pas à exploiter le locataire et tout cela. Ils le diraient de
toute façon. C'est pour ceux qui ne voudraient pas le dire ou qui ne
diraient pas la vérité qu'il est important de pouvoir le
vérifier.
Mme Gagnon: Mais vous n'avez pas besoin de mettre cela dans votre
projet de loi. C'est absolument inutile. Je ne vois pas pourquoi vous le
faites.
M. Guay: Parce que, si on ne le fait pas, certains
propriétaires, ceux qui ne sont pas des anges, peuvent profiter de la
rupture dans la continuité, du fait qu'ils changent de locataires, pour
obtenir une hausse de la valeur locative qui est démesurée par
rapport à ce que vaut vraiment le logement, surtout en période de
rareté de logements.
Mme Gagnon: De toute façon, là-dessus, je ne suis
pas de votre avis. Enfin, je m'excuse, mais je ne suis pas de votre avis.
Le Président (M. Laplante): M. le ministre, le mot de la
fin. Vous aviez une courte question, M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Cordeau: Merci, M. le Président. Quel pourcentage de
vos locataires a eu recours à la régie depuis un certain
temps?
Mme Gagnon: Ah! mon Dieu, un seul pendant vingt ans.
M. Cordeau: Félicitations, madame.
Mme Gagnon: C'est parce que j'ai été une bonne
propriétaire.
Le Président (M. Laplante): M. le ministre.
Mme Gagnon: Je ne me suis pas enrichie. Donc, je n'ai pas
été en Floride et je suis obligée d'être aux aguets
tout le temps. Je ne m'absente pas l'été, non plus. Je suis une
petite propriétaire. Comme cela, on garde de bonnes relations avec nos
locataires. Ils ne vont pas à la Régie des loyers, parce qu'on
est des anges à côté de... C'est cela. Je crois que je ne
suis pas la seule petite propriétaire. Je suis peut-être la seule
qui a eu le courage de venir, mais il y a beaucoup de bons petits
propriétaires qui sont mal pris. Je trouve que vous n'y pensez pas
suffisamment.
M. Tardif: M. le Président, je désire, encore une
fois, remercier Mme Gagnon pour son témoignage devant cette commission.
Vraiment, ainsi que l'a dit le député de Taschereau, il faut
faire
une démarche semblable pour se rendre compte de ce que cela peut
représenter à titre individuel de venir ainsi exposer devant une
commission les problèmes rencontrés dans, par exemple,
l'exploitation d'un immeuble à logements. Je voudrais, en terminant,
dire que, si, d'une part, la loi 107, encore une fois, vise essentiellement
à reprendre un certain nombre de dispositions qui existaient, à
faciliter les recours de part et d'autre, elle ne représente pas, loin
de là, l'ensemble des éléments qu'une politique
d'habitation devrait comprendre, particulièrement à l'endroit des
propriétaires.
Notre collègue, Mme Payette, devra bientôt présenter
un projet de loi sur la protection des consommateurs dans le secteur
immobilier. Cela est aussi important que tous les autres secteurs que d'assurer
aux propriétaires un minimum de protection en vertu de la loi.
Encore une fois, nous vous remercions, en vous assurant, madame, que
nous tenterons, dans la révision de la loi, lors de l'étude en
deuxième lecture, de tenir compte des diverses opinions entendues ici,
devant cette commission, de répondre aux besoins que vous avez, aux
problèmes que vous avez exposés. Merci, madame.
Le Président (M. Laplante): Madame, au nom des membres de
cette commission, je vous remercie et j'espère que d'autres citoyens
braveront les commissions, tel que vous l'avez fait.
Mme Gagnon: Si on savait comme c'est agréable, on
viendrait plus souvent.
Le Président (M. Laplante): Merci, madame. Les travaux
sont suspendus jusqu'à vingt heures.
Suspension de la séance à 17 h 52
Reprise de la séance à 20 h 11
Le Président (M. Laplante): A l'ordre, s'il vous
plaît! Que chacun prenne sa place. Reprise des travaux de la commission
des affaires municipales sur l'étude du projet de loi no 107,
réception des mémoires. J'appelle maintenant les
représentants du groupe l'Association des commerçants de maisons
mobiles et terrains du Québec Inc. Je vois qu'ils sont à leur
place.
M. Gobeil (Bertrand): Nous sommes présents.
Le Président (M. Laplante): Vous avez vingt minutes pour
faire la présentation de votre mémoire et, si vous voulez
identifier votre organisme, vous identifier et identifier les personnes qui
vous accompagnent, s'il vous plaît!
Association des commerçants de maisons mobiles
et terrains du Québec
M. Gobeil: Je vous remercie infiniment, M. le Président,
et j'aimerais d'abord remercier tous les membres de cette commission de nous
donner l'occasion d'exprimer verbalement ce qu'on a déjà fait par
écrit. J'aimerais d'abord me présenter. Mon nom est Bertrand
Gobeil, je suis secrétaire de l'association qui est ici ce soir ainsi
que conseiller juridique. Je vais commencer à ma gauche. M. André
Sévigny, de la compagnie Armand Rémillard Ltée, qui est
directeur, commerçant et exploitants de parc de maisons mobiles; M.
Réal Piché, qui est président de l'association, qui est
également commerçant de maisons mobiles; M. Alain Saint-Hilaire,
Domaine Nouvelle Vague, Lac-Saint-Charles, qui est commerçant, locateur
d'emplacements de maisons mobiles; Me Claude Sauvageau, qui est conseiller
juridique, à ma droite, et M. Paul-Eugène Robitaille, qui est
exploitant de parc pour maisons mobiles.
J'aimerais d'abord situer, pour les membres de cette commission, notre
association. Nous ne sommes pas une grosse association. Nous
représentons environ 70 personnes, dont la plupart sont
commerçants de maisons mobiles, roulottes de voyage et tentes-roulottes.
Parmi ces membres commerçants, nous en avons une partie qui sont
exploitants de parcs pour maisons mobiles et une partie qui sont uniquement
exploitants de parcs pour maisons mobiles. Il y a également, dans notre
association, certains membres manufacturiers d'habitations et de
véhicules récréatifs, ce qui comprend la maison mobile.
J'aimerais expliquer que tout ce que nous allons dire ce soir intéresse
plus particulièrement les commerçants de maisons mobiles qui sont
exploitants de parcs, ainsi que les exploitants de parcs qui ne sont pas
nécessairement commerçants de maisons mobiles. Je pense que, pour
qu'on comprenne l'esprit de notre mémoire, une bonne partie de nos
membres sont à la fois commerçants et exploitants de parcs.
Notre mémoire, en fin de compte, comprend deux volets; le premier
est d'exprimer notre opinion sur le projet de loi 107. Je pense qu'en ce
sens-là, nous allons probablement rejoindre ce qui a été
dit de différentes façons par le groupe des propriétaires.
Nous ne voulons pas faire de différences ou créer deux groupes.
Nous exprimons notre opinion à partir de la situation que nous
connaissons qui est celle des propriétaires de terrains et locateurs
d'emplacements de maisons mobiles.
Deuxièmement, nous aimerions, tout en exprimant cette opinion,
faire part au législateur, en tenant compte de son projet de loi 107,
des modifications ou des précisions que nous aimerions exprimer sur son
projet de loi. Dans un premier temps, nous sommes un peu contre le projet de
loi 107. J'aimerais, sous cet aspect, me référer au texte et je
me situe à la page 3 du texte pour vous exprimer probablement que
cela a déjà été dit antérieurement, mais de
la façon que nous le vivons ce que nous croyons de cet aspect. Je
me réfère à la page 3 de mon texte, le deuxième
paragraphe. "Tout en respectant l'opinion contraire, l'ACMT Inc. du
Québec est tout à fait contre l'esprit et la lettre du projet de
loi 107 qui, à son avis, tient pour acquis que tous les locataires
sont
ignorants et exploités, tandis que les propriétaires sont
peu soucieux d'honnêteté et exploitants. Je vous avoue qu'à
ce niveau-là, c'est une impression et c'est notre opinion, avec tout le
respect qu'on porte à l'opinion de cette commission et au droit que le
législateur a de tenir compte des différents aspects de la
collectivité. Tout en constatant malheureusement que certains abus
mènent à l'élaboration de telles lois, l'ACMT ne croit pas
justifié que la liberté de commerce soit limitée et que
l'entreprise privée soit ainsi contrôlée.
A titre d'exemple, nous vous référons aux dispositions des
articles 27, 42 et 89 du projet de loi et, à l'intérieur de
l'article 89, des articles 1651.2, 1662.1 et 1662.4 du projet de loi.
L'équilibre des forces doit sans doute se faire, nous en convenons. Mais
il faut se demander si un autre déséquilibre n'est pas en train
de se créer.
L'ACMT Inc. croit que l'adoption d'un tel projet de loi restreindra
considérablement les investissements privés dans le domaine de la
location d'emplacements pour maisons mobiles. En d'autres termes, on ne vous le
cache pas, c'est un peu l'objet de notre démarche, je pense que c'est
à la connaissance de tous qu'on a toujours eu un problème majeur
pour installer des maisons mobiles. Il y a différentes raisons, je pense
qu'on peut en nommer deux, tout au moins l'aménagement des parcs, qui
n'a peut-être pas toujours été suivant le désir du
législateur provincial et municipal; il y a également la question
du financement.
Nous croyons que l'assujettissement de la location de terrains pour
emplacements de maisons mobiles à cette loi ne viendra pas aider, si
vous voulez, à la possibilité d'installer nos maisons mobiles sur
des terrains. Comme la plupart des membres de cette commission parlementaire le
savent sans doute, M. le Président, le propriétaire privé
d'un terrain de location a dû investir de fortes sommes pour
l'acquisition d'un fonds de terre. Très souvent rejeté par les
municipalités et placé dans des endroits éloignés
des centres urbains, il a dû lui-même construire l'infrastructure
de base, soit aqueduc, puits, protection contre l'incendie, égout
sanitaire, égout pluvial, fosses septiques, rues et pourvoir à
l'éclairage du terrain. Il entretient lui-même les rues durant la
période de l'été et fait l'enlèvement de la neige
durant l'hiver.
Dans bien des cas, il assure à ses locataires la cueillette des
vidanges et les services de loisirs, tels piscines, terrains de jeux,
patinoires. En résumé, il donne lui-même, la plupart du
temps, les services généralement offerts par la
municipalité dans un développement résidentiel
conventionnel.
Il s'agit donc d'une petite municipalité à
l'intérieur d'une plus grande. A cause de la pénurie de terrains
disponibles pour ce genre d'habitations, beaucoup de vendeurs de maisons
mobiles au Québec ont ouvert de tels terrains de location pour
écouler leurs produits et permettre aux gens d'acheter une telle maison.
Il est donc compréhensible et admissible, à notre avis,
qu'après avoir investi des sommes importantes ce propriétaire de
terrain de location veuille favoriser ses acheteurs plutôt que ceux d'un
éventuel concurrent. Cette situation se justifie davantage à
cause de la pénurie de terrains disponibles pour ce genre
d'habitation.
Par ailleurs, ce droit est cependant nié aux propriétaires
d'un terrain de location par l'article 1662.1 du projet de loi no 107, soit
l'article 89.
Je dois vous avouer que ce qu'on exprime, c'est véritablement ce
qui se passe, quant à nous, et nous vous le soumettons avec le plus
profond respect. Qu'il soit commerçant et exploitant d'un terrain de
location ou simplement exploitant d'un tel terrain, le projet de loi no 107 nie
également le droit à ce propriétaire de refuser un
locataire parce que sa maison mobile est usagée, si celle-ci ne cadre
pas avec l'ensemble de son terrain de location. De plus, si le
propriétaire fait l'installation ou le déplacement d'une maison
mobile, le projet de loi 107 ne lui accorde que le remboursement des
dépenses raisonnables. Ne doit-on pas envisager qu'il s'agit là
d'un commerce? Sur les mesures particulières, je reviendrai à ce
point.
A cela, il faut ajouter les contraintes administratives et les
déboursés entraînés par la préparation des
dossiers pour la Régie des loyers afin de justifier l'augmentation, le
fait que souvent le seuil de rentabilité ne peut être atteint par
les critères d'augmentation de loyer qui sont retenus par cette
Régie des loyers et les limites à disposer de sa
propriété comme il l'entend par le contrôle du droit de
subdiviser, d'en changer la destination ou d'en faire une
copropriété.
Vous comprendrez que l'ensemble de cette situation n'est certes pas
propice à susciter l'investissement privé, créant ainsi
une rareté de terrains disponibles et nuisant considérablement
à la vente et à l'utilisation, par les contribuables
québécois, d'un mode d'habitation accessible par son coût
à la grande majorité de la population. L'industrie de la maison
mobile en général en sera donc grandement
pénalisée, d'autant plus qu'un de ses problèmes majeurs a
toujours été le manque de terrains disponibles.
C'est pourquoi l'ACMT présente des suggestions. A ce niveau, M.
le Président et MM. les membres de la commission parlementaire, je tiens
à vous dire que c'est vraiment une opinion qu'on vous soumet dans le
plus profond respect des opinions de chacun et je pense qu'on se doit, à
titre de l'occupation qu'on fait, de vous l'exprimer.
Maintenant, quelle que soit la décision du législateur
québécois, nous croyons que si le projet de loi 107 doit
être appliqué, il y a peut-être certaines modifications qui
pourraient être faites. Il y a certaines modifications qui, à
notre sens, sont à l'avantage et du propriétaire de terrains et
du locataire, il y a certaines demandes qu'on fait, sans se le cacher,
très ouvertement, qui tiennent compte, bien entendu, de notre situation
particulière.
J'aimerais d'abord indiquer qu'à notre avis, l'article 1 du
projet de loi no 107 peut poser un problème. L'article 1 dit: "Pour
l'application du présent titre, on entend par "logement" un logement
visé dans les articles 1650 à 1650.3 du Code
civil, qui est loué, offert en location ou qui est devenu vacant
après une location."
Cela pose le problème suivant, c'est que, dans les notes
explicatives, on dit du chapitre I: "Le chapitre I prévoit que la loi
s'applique au bail d'un logement utilisé à des fins
résidentielles, avec ses services accessoires et dépendances,
qu'il soit loué, offert en location ou devenu vacant après une
location, ainsi qu'au bail d'une chambre, d'une maison mobile et d'un terrain
destiné à l'installation d'une maison mobile."
Cela nous semble poser un problème, parce qu'il ne nous
apparaît pas clairement, si on se réfère à l'article
1650.3, que le terrain destiné à l'installation d'une maison
mobile soit un logement. Ce qu'on demande au législateur, c'est que si,
effectivement, c'est l'esprit de la loi, ce qu'on croit, même si on ne
partage pas son opinion, ce soit dit clairement.
En d'autres termes, si le terrain est visé par la loi, il y
aurait peut-être lieu de se référer directement, dans la
loi, aux articles qu'on demande d'appliquer. Je pense que c'est à
l'avantage de tous et chacun, du propriétaire et du locataire, parce que
cela va éviter des ambiguïtés et des contestations devant
les tribunaux.
Si c'est ce qu'on veut faire, je pense qu'on a intérêt
à le faire, d'autant plus qu'à l'article 27, on limite quand
même le droit du propriétaire d'un tel terrain de disposer de sa
propriété. Nous, on croit que cela ne vise pas nos terrains, mais
on n'en est pas certains.
Il y a également l'article 42, quant au droit de
copropriété, et, quant au droit de réglementation
prévu à l'article 86, les paragraphes 4 et 5. En d'autres termes,
nous croyons qu'il y aurait avantage à ce que la situation soit
clarifiée.
Dans un deuxième temps, nous aimerions qu'il soit établi
clairement que l'article 42, quant au droit de copropriété, ne
s'applique pas à de tels terrains. Là-dessus, je vais laisser mon
collègue faire les représentations tout à l'heure. Nous
prétendons que c'est à l'avantage du locataire et du
propriétaire d'un terrain de pouvoir faire de la
copropriété d'un parc de maisons mobiles, pour prendre une
expression populaire.
Nous demandons également la disparition de l'article 89, 1662.1,
relativement aux représentations que nous avons faites. Nous ne voulons
leurrer personne. Il y a plusieurs commerçants de maisons mobiles,
étant donné la difficulté qu'on avait d'installer nos
maisons, qui ont ouvert des parcs de maisons mobiles. Cela implique
nécessairement des investissements considérables. Il y a des gens
ici qui pourront vous donner les informations nécessaires dans la
pratique. Je pense qu'on peut parler d'un montant de $4000 à $5000 par
terrain, pour aménager les rues, les infrastructures. Nous ne voyons pas
pourquoi le législateur nous empêcherait de favoriser les
acheteurs qui viennent chez nous plutôt que chez un concurrent. C'est un
des motifs qu'on invoque.
Egalement, je pense qu'on devrait laisser à l'exploitant de parc,
qui n'est pas nécessairement vendeur, le droit de considérer le
locataire qui vient chez lui et l'apparence de sa maison, qui ne correspond pas
toujours à l'ensemble du parc. Je comprends qu'il y a peut-être
des exagérations de l'autre côté, mais je pense qu'il y a
aussi des gens qui administrent leurs terrains de façon
sérieuse.
Nous aimerions également qu'on modifie l'article 89, 1662.4, afin
de laisser place à un profit raisonnable sur l'installation des maisons
mobiles. Il faut bien comprendre qu'on ne peut pas obliger on est
d'accord là-dessus un locataire à venir voir le
propriétaire du terrain pour se faire installer. Mais s'il a le libre
choix, on aimerait que soit donné au propriétaire du terrain,
comme à tout commerçant, le pouvoir de prendre, dans les frais
d'installation, un profit raisonnable, parce qu'on est en matière de
commerce. C'est un commerce.
Nous aimerions également que soit précisé l'article
89, 1663.7. Tout en étant d'accord avec l'énoncé de cet
article, nous croyons qu'il devrait être précisé pour
permettre une telle clause, et la rémunération
équivalente, lorsque celle-ci est consentie librement, n'est pas une
condition de la location ou de la sous-location.
Je pense que ce que le projet de loi a voulu viser, c'est de ne pas
obliger un locataire qui vend d'aller voir le propriétaire du terrain et
de lui payer un pourcentage sur la vente. Mais si le locataire, en ayant le
libre choix de le faire, décide de choisir le propriétaire du
terrain, nous demandons que le législateur reconnaisse qu'on puisse, par
convention, convenir d'un taux, comme en matière immobilière, et
prendre, si vous voulez, le profit raisonnable sur la vente d'un tel bien.
Nous demandons également la modification de l'article 89 1658.13.
Cet article devrait être modifié pour tenir compte de la
réalité concernant le bail d'un terrain destiné à
l'installation d'une maison mobile. Ainsi, le législateur devrait
permettre l'augmentation des coûts au locataire lorsque ceux-ci
augmentent pour le propriétaire. En d'autres termes, pour me
résumer, dans la loi, ce qui est peut-être embêtant, c'est
qu'on nous considère un peu comme louant des logements conventionnels de
résidence, alors que ce sont des terrains qu'on loue; ce n'est pas tout
à fait pareil. Je pense qu'il serait bon de considérer, si vous
voulez, cette façon particulière de louer qui est la nôtre.
C'est pour cela qu'on demande qu'on tienne compte de l'augmentation des
coûts, dans un tel cas, d'enlèvement de la neige, d'entretien et
de réparation des rues, d'enlèvement des vidanges, de bris et
d'entretien des équipements de loisirs, du réseau d'aqueduc et
d'égout, des frais de publicité et des dépenses de
fonctionnement; en d'autres termes, de tous les frais d'exploitation.
En terminant et avant de laisser mon confrère parler de la
question de la copropriété, nous aimerions demander à M.
le ministre l'opportunité de pouvoir être consultés sur la
réglementation qui pourra être adoptée sur les normes
d'habitabilité. En d'autres termes, je pense que, par notre
expérience et par la connaissance qu'on a de notre commerce, il serait
bon qu'on puisse discuter avec le législateur ou les gens qui
doivent
établir ces normes-là pour leur faire part, si vous
voulez, des critères particuliers de notre commerce.
Il y a également une dernière remarque sur l'article
1662.5 qui dit que, lorsqu'un locataire chez nous vend sa maison mobile, on se
doit d'accepter son acheteur. Je pense qu'on devrait réserver, si vous
voulez, nos droits de sous-location comme en matière dé logement
de façon générale. On devrait nous laisser les mêmes
droits que ceux prévus à l'article 1656, c'est-à-dire que,
si on veut refuser le locataire, on pourrait le faire suivant les
critères qui sont déterminés dans la loi. En d'autres
termes, nous croyons que cet article nous enlève cette
possibilité et nous disons: Pourquoi est-ce qu'on nous
l'enlèverait, si on la donne aux propriétaires de logements en
général? C'est, en substance, les quelques modifications d'ordre
général qu'on proposait. Je me permets de vous
référer à ces articles. Avant de terminer, M. le
Président, j'aimerais laisser la parole à mon confrère sur
la question de la copropriété et, bien entendu, par les
questions, il me fera plaisir de préciser davantage les points que j'ai
énoncés. Avec votre permission, M. le Président, M.
Sauva-geau.
Le Président (M. Laplante): M. Sauvageau.
M. Sauvageau (Claude): M. le Président, M. le ministre,
messieurs les membres de cette commission, comme l'a dit mon confrère,
Me Gobeil, je vais vous parler quelque peu là-dessus, je vous
réfère à la page 5 du mémoire de l'article
42 du projet de loi no 107. Tout d'abord, en guise d'introduction, je voudrais
peut-être dire une chose, c'est que le projet de loi 107 frappe beaucoup
plus durement les commerçants de parcs de maisons mobiles et
également les propriétaires de parcs pour la raison que cela ne
s'inscrit pas dans une période de temps longue. Si on fait un bref
aperçu historique de l'affaire, on va s'apercevoir que les immeubles
à appartements sont couverts par la loi de conciliation depuis, sauf
erreur, 1952. Or, ce n'est que depuis 1977 que, par deux petits articles, les
propriétaires de parcs sont touchés. C'était par la loi 96
et la loi 113. Ils n'étaient touchés que très peu,
c'est-à-dire au niveau de la fixation de loyers et de la prolongation
des baux.
Ce que je veux souligner là-dessus en introduction, c'est que la
transition est très dure, parce qu'on part d'un asujettissement à
peu près nul et on demande d'appliquer à peu près la
totalité de la loi 107 aux commerçants. Là-dessus,
j'arrive à l'article 42.
D'abord, on vous souligne que nos remarques sont constructives. On croit
qu'en ce qui concerne l'article 42, il y a vraiment ambiguïté dans
la loi et on se demande même si le législateur a vraiment voulu,
comme il semble que c'est le cas, prohiber ce qu'on va appeler un condominium
de maisons mobiles.
L'article 441b du Code civil permet, tout le monde le sait, de diviser
des immeubles en condominium ou copropriété, depuis environ 1969.
Jusqu'à maintenant, l'utilisation qu'on a faite de ces
articles-là se restreint à l'immeuble à appartements et on
a commencé à faire des condominiums d'édifices à
bureaux récemment. Cependant, je souligne aux membres de cette
commission qu'il existe actuellement, tout au moins à ma connaissance,
au moins un cas; en Colombie-Britannique, il y a un village qui a
appliqué le principe de la copropriété aux maisons
mobiles, c'est Tantalus Village. Cette idée, actuellement, va faire son
chemin aussi au Québec à l'avantage des locataires et des
propriétaires. De là l'importance de mes propos. C'est qu'on
n'est pas certain que cette loi-là nous prohibe de le faire. (20 h
30)
En considérant un terrain comme un logement et en disant qu'on ne
peut pas enregistrer une déclaration de copropriété sur un
logement, on viendrait prohiber la division d'un parc de maisons mobiles en
condominiums de maisons mobiles. Là, on prive les parties d'avantages
vraiment importants. En 1969, on fait une loi qui élargit le cadre de la
propriété. Maintenant, on voudrait restreindre
complètement ce droit. Bref, la loi est là mais on ne pourrait
pas l'appliquer. Quand j'ai dit que je ne suis pas certain que le
législateur ait voulu prohiber les condominiums de maisons mobiles, je
me réfère au livre blanc sur les relations entre locataires et
propriétaires. Je remarque un endroit, dans les notes explicatives,
où on dit: La transformation d'immeuble de rapport en
copropriété. Je me suis dit que ce qu'on a voulu viser, à
ce moment, ce sont vraiment les immeubles d'appartements. Je me demande si ce
n'est pas par un accident de parcours qu'on vise les condominiums. Il n'y a pas
pu y avoir d'abus, il n'y en a pas eu encore. Je me demande si le
législateur ne devance pas certains besoins, et empêche du
même coup un développement rationnel de certains parcs de maisons
mobiles.
Les condominiums de maisons mobiles sont un besoin. Je vous souligne
qu'actuellement, dans le cas d'un parc à Sainte-Foy d'environ 200
appartements, beaucoup de démarches ont été faites
à la ville de Sainte-Foy et, déjà, on a des demandes pour
60% des occupants de ce parc qui veulent acheter leur terrain. En quoi cela
consisterait-il, en gros? Le parc lui-même est un seul immeuble
actuellement. Il y aurait possibilité les locataires le veulent
et on le veut de répartir ce parc en 200 fractions. Les
locataires vont pouvoir acheter une de ces fractions et la
propriété de chaque fraction donne droit à une part
indivise dans les parties communes, qui peuvent être les rues, les
infrastructures, les centres communautaires, etc. Bref, la formule je
voudrais vraiment attirer l'attention de la commission là-dessus
de condominiums de maisons mobiles peut être une formule d'avenir qui
peut se rapprocher un petit peu de la coopérative, mais qui n'en est
quand même pas, parce que le droit de propriété est
réel. Or, actuellement, l'impression qu'on a, c'est que c'est vraiment
prohibé dans le texte de loi. Je ne suis pas certain si on l'a voulu, je
le répète.
Maintenant, quels seraient les avantages de cette nouvelle forme de
tenure, si je peux dire? D'abord, au point de vue du financement, cela va aider
les deux parties. Je n'entrerai pas dans les détails. C'est très
complexe, à savoir si c'est un meuble ou un immeuble. Alors, très
souvent, les banquiers sont réticents pour le financement, parce qu'ils
prennent un lien, et qu'ils ne savent pas s'ils devraient prendre une
hypothèque. On n'a pas d'hypothèque mobilière au
Québec. Déjà, il pourrait y avoir cet avantage.
Egalement, au niveau des services communs, lorsque les
propriétaires seraient également copropriétaires, pour les
services communs, ils vont avoir les services qu'ils vont se donner. Ils vont
payer ce que cela coûte, en réalité, au prix coûtant.
Il n'y a absolument aucun profit là-dessus, c'est vraiment ce que cela
coûte. Il n'y a aucun but spéculatif là-dedans.
Le propriétaire d'une maison mobile, très souvent,
investit de $20 000 à $25 000 pour sa maison parce qu'il veut être
un peu plus chez lui dans sa maison. Pourquoi lui refuserait-on le droit
d'être propriétaire de son terrain pour $5000 ou $6000, alors que
c'est un besoin de propriété? Il a acheté sa maison pour
cela, il veut être chez lui. Egalement, le propriétaire d'une
maison mobile pourrait être plus intéressé à
apporter des améliorations sur son terrain, etc. C'est à lui,
cette chose; c'est à lui, ce parc. J'ai dit que c'était un
besoin, et je ne veux pas du tout par là régler un
problème ad hoc. On y croit. Egalement, on se réfère
à l'exemple qui existe en Colombie-Britannique. On pense que c'est une
formule qui n'a pas été essayée ici, mais qui va
être essayée, je crois, avec succès.
En pratique, tous les locataires qui pourraient devenir
propriétaires, parce qu'ils se prévaudraient de leur droit
d'achat, vont devenir non pas actionnaires, mais vont avoir un droit de vote.
Ce sont eux qui vont s'élire un conseil d'administration. Cela va
ressembler un petit peu à une espèce de compagnie. Ils se
contrôlent, ils sont chez eux. Ce ne serait pas du tout
préjudiciable aux locataires, et on est d'accord là-dessus.
Dans un parc existant, par exemple, on est tout à fait
consentant, s'il y avait une déclaration de copropriété,
qu'il pourrait y avoir de la location aussi. Bref, la copropriété
n'aurait pas comme but d'évincer un locataire, pas du tout. Lorsqu'un
locataire désirerait continuer à louer, la fraction serait
enregistrée au nom du propriétaire actuel et il continuerait
à louer. S'il veut acheter, il achète. Si le terrain devient
vacant, on peut le vendre à quelqu'un qui veut l'acheter. Il n'y a aucun
préjudice là-dessus.
Je vais terminer, parce que je vois que le temps est
épuisé. Il me ferait plaisir de répondre aux questions. Je
dis que défendre ça actuellement... On a visé les
immeubles d'habitation, je le crois, au départ, d'après le livre
blanc. D'après le projet de loi no 107, on nous vise aussi,
peut-être sans le vouloir, mais, vraiment, on hypothèque notre
droit de propriété et on fait en sorte que des terrrains qui ont
coûté des centaines de mil-tiers de dollars très souvent,
la valeur marchande, pour l'un et pour l'autre, je me demande ce qu'elle sera.
C'est un droit de propriété très morcelé qu'on aura
si on ne peut plus vendre, parce qu'on sait que dans la majorité des
municipalités, les locataires sont obligés d'aller dans des
parcs. Il existe le lotissement municipal également, mais c'est quand
même différent au niveau des services municipaux qui sont
contrôlés par la ville ou le propriétaire, mais la
copropriété actuellement est possible juridiquement, au moment
où on se parle, en vertu de l'article 441b, mais, avec le nouveau texte
de loi, à l'article 42, je dis qu'on hypothèque notre droit de
propriété. Je pense que c'est assez dangereux.
Le Président (M. Laplante): Merci. M. le ministre.
M. Tardif: M. le Président, je désire remercier
l'Association des commerçants de maisons mobiles et terrains du
Québec pour son mémoire qui nous a été
présenté de façon, je pense, très objective et
surtout au terme maintenant de presque deux semaines d'audition, il nous a
été donné quand même d'entendre des mémoires
qui allaient tous dans la même direction et qui, parfois, soulignaient
davantage les problèmes plutôt que de tenter de nous apporter les
éléments de solution.
C'est vrai qu'on est dans du droit nouveau ici. C'est vrai que cela a
été la première fois en 1977 que le législateur a
introduit les terrains pour maisons mobiles dans la loi, de même que les
chambres et les HLM, et on l'a fait par le biais de deux petits articles pour
la raison très simple qu'une fois annoncée dans le livre blanc,
ne pas introduire immédiatement cette mesure aurait pu provoquer des
effets secondaires indésirables.
Aujourd'hui, dans le projet de loi no 107, on tente de compléter
cet éventail de mesures par d'autres dispositions et, ces
problèmes que vous nous soulignez et les éléments de
solution méritent très certainement qu'on s'y arrête.
J'avais d'ailleurs une note ici justement dans le but de vous demander
si vous saviez s'il existait au Québec une copropriété ou,
enfin, des terrains de maisons mobiles en copropriété. Vous avez
déjà répondu à cela en me citant un exemple de la
Colombie-Britannique où un tel régime existe. De prime abord, il
ne nous avait pas semblé, en préparant ce projet de loi, qu'il
pouvait y avoir un intérêt à procéder par cette
forme de propriété puisqu'on se disait: Puisqu'il s'agit de
terrains, il suffit de les lotir et de les vendre comme tout autre terrain.
Vous dites: Bien non, quand même, il y a des parties communes qui
pourraient être vendues avec une entente pour l'exploitation et
l'entretien de ces parties communes et je pense que... En tout cas, j'ai
l'intention de demander aux représentants de mon ministère et de
la régie de vous rencontrer pour essayer de mieux cerner cette
réalité qu'on connaît fort mal, je dois l'admettre.
A tout événement, il y a évidemment l'article
1650.3, qui dit que les articles 1650 à 1665 s'appliquent
également en faisant les adaptations
requises au bail d'un terrain destiné à l'installation
d'une maison mobile. Déjà, par l'article 27, par exemple, on a
fait une certaine adaptation en disant: non, écoutez, si le terrain
devient vacant, on permettra le changement d'affectation, par exemple. On avait
déjà prévu une exception à la règle
générale.
Vous nous dites: il faudrait en prévoir d'autres et il semble,
d'après les explications entendues, qu'il y a très certainement
un fondement à cela. Moi, je suis tout disposé à revoir
cette partie pour la copropriété.
Oui, excusez-moi...
M. Sauvageau: Merci, M. le ministre. On apprécie beaucoup
votre ouverture d'esprit et vous êtes assuré à l'avance de
toute notre collaboration à ce niveau, parce qu'il est évident
que dans les quelques minutes qui nous étaient allouées, nous
n'avons pas pu motiver vraiment en profondeur notre argumentation et, comme je
l'ai dit, cela nous fera extrêmement plaisir de discuter avec les gens de
votre ministère toutes les implications.
Vous avez dit tout à l'heure qu'il n'y en avait pas actuellement
au Québec, c'est peut-être vrai mais je peux vous dire qu'on
était rendu très loin par exemple, à la ville de
Sainte-Foy, dans l'adaptation de cette formule-là et lorsque le projet
de loi 107 a été déposé, on s'est dit: II va
falloir s'en occuper sérieusement.
M. Tardif: Je note, parmi vos objections au projet de loi 107,
qu'il y en a une qui porte sur l'article 1658.13 concernant les baux de plus de
douze mois. Est-ce que, à votre connaissance, c'est fréquent
cette situation de baux de location de plus de douze mois dans le cas des
terrains pour maisons mobiles.
M. Gobeil: Je pense qu'on peut répondre... Mes
confrères qui sont ici, qui sont dans la pratique, pourraient
probablement confirmer que c'est peu fréquent.
M. Tardif: De sorte que, à toutes fins utiles, 1658.13 ne
s'appliquerait à peu près pas pour les terrains de maisons
mobiles.
M. Gobeil: Ne s'appliquerait à peu près pas pour
les terrains de maisons mobiles sauf que nous nous sommes demandé s'il
ne devenait pas un certain critère d'appréciation pour les
membres de la régie du logement quant aux augmentations ou aux
critères d'augmentation pour les loyers. C'est à ce
niveau-là que notre intervention est faite. Nous nous sommes dit: Si,
effectivement, dans la loi on prévoit, sur des baux de plus de douze
mois, certaines données dont on devra tenir compte, est-ce que la
régie du logement n'aura pas tendance à appliquer ces
critères dans nos baux à nous et comme on a un type particulier
de logements, il y a peut-être certains éléments dont on
devrait tenir compte.
M. Tardif: Je peux vous dire une chose, c'est qu'il n'y a aucun
rapport entre cet article et la méthode de fixation.
M. Gobeil: On vous remercie, M. le ministre.
M. Tardif: Un autre point également. Dans votre
mémoire et là évidemment c'est non seulement le
ministre du tutelle de la régie du logement qui parle, le ministre de
tutelle en ce sens que c'est moi qui en répond à
l'Assemblée nationale, mais comme ministre des Affaires municipales
je n'ai pu m'empêcher de relever un certain nombre de
références aux restrictions qu'imposent ou qu'imposeraient les
municipalités à l'endroit des parcs pour maisons mobiles. Vous
comprendrez qu'à ce titre de ministre des Affaires municipales, cette
question m'intéresse, que déjà nous avons amendé la
Loi des cités et villes et le Code municipal pour permettre à ces
dernières d'émettre, de faire des règlements sur la
question. Est-ce que vous pouvez nous donner des indications quant à ces
restrictions excessives que les municipalités imposeraient? Est-ce que
cela existe des parcs municipaux modèles de maisons mobiles au
Québec, d'où on pourrait voir comment cela se passe et comment
sont régis ces parcs?
M. Gobeil: Je pense, M. le ministre, qu'on peut dire qu'il y a
certainement des parcs municipaux modèles, parce qu'il y a eu une
enquête fédérale vous êtes probablement au
courant qui a été faite en 1977 et qui cite, je pense, le
cas de Port-Cartier, qui est, je pense, un parc municipal. Lorsqu'on parle de
l'attitude des municipalités, je pense que la situation, si on veut
être objectif, doit être envisagée de deux façons. Il
reste que la maison mobile au Québec est relativement jeune comme mode
d'habitation. Il est certain que, dans les premiers temps où
l'aménagement s'est fait, cela ne s'est peut-être pas toujours
fait comme l'ensemble des gens auraient aimé que cela se fasse et il
s'est peut-être développé une attitude des
municipalités un peu à l'encontre des maisons mobiles. Il y a eu
l'aspect esthétique, il y a eu également l'aspect ou les
problèmes que pouvait poser le mode d'évaluation des maisons
mobiles, mais on sait fort bien que le projet de loi 112, qui a
été sanctionné en décembre, je pense, va changer
cette situation. Quant à nous, pour répondre à votre
question, dans notre mémoire, c'est plutôt à cet
état d'esprit qu'on faisait référence.
M. Tardif: Evidemment, vous avez tout à fait raison de
dire que les maisons mobiles, ce secteur ou ce mode d'habitat est en pleine
mutation puisque de moins en moins ils seront considérés comme
des biens meubles et de plus en plus comme des immeubles à toutes fins
utiles. A ce sujet, en ce qui concerne ce qu'on appelle, dans votre
mémoire, cette liberté de commerce, cette liberté
contractuelle et disons cette certaine prétendue surprotection que la
loi 107 viserait à imposer aux locataires, j'aurais tendance à
vous
poser une question d'ordre général.
Précisément en raison de la proportion importante des locataires
de certains terrains qui se sont prévalus de nouveaux recours depuis un
an, c'est à peu près un millier de locataires qui ont eu recours
à la régie. C'est donc la preuve qu'il y a un besoin.
Par ailleurs, vous nous dites que la loi va restreindre
considérablement les investissements privés dans ce secteur des
maisons mobiles. Est-ce qu'on ne pourrait pas présumer ou penser que le
contraire pourrait se produire, c'est-à-dire que plus d'acheteurs
s'intéresseraient à la formule de maisons mobiles s'ils se
savaient mieux protégés au niveau de la location d'un terrain? En
d'autres termes, il y a peut-être une clientèle potentielle, pour
vous qui êtes en affaires dans ce domaine, qui serait prête
à s'acheter une maison mobile et qui ne le fera peut-être pas
quand elle verra les conditions d'achat d'un terrain, la difficulté de
se déplacer, de se déménager. Si on sait que ceci est
réglementé, cela pourrait peut-être attirer une
clientèle qui peut, à l'heure actuelle, avoir l'impression
d'être un peu marginalisée au niveau des lois, des mesures
fiscales de location des terrains, et tout.
En d'autres termes, dans la mesure où vous réussissez
à convaincre cette clientèle potentielle que la maison mobile
n'est pas uniquement bonne pour des gens qui seraient plus ou moins nomades, un
mode de vie spécial, que c'est vraiment une formule qui offre des
avantages et qui, sur le plan de la sécurité matérielle,
est une solution de rechange qui peut être valable, vous n'avez pas
l'impression que ça pourrait, au contraire, être
intéressant pour votre industrie, puisqu'il y a des représentants
de l'industrie qui sont là?
M. Saint-Hilaire (Alain): Cela pourrait peut-être, comme
vous dites, être un peu intéressant mais il y a quand même
que si certaines lois demandent d'accepter presque toutes les maisons mobiles,
il est bien entendu que plusieurs de nos membres vont refuser de continuer de
faire des aménagements de parcs de maisons mobiles qui coûtent
au-delà de $5000 l'emplacement. La meilleure solution à ce
problème serait peut-être de regarder un autre côté
de la loi, c'est-à-dire qu'actuellement, il y a certains vendeurs de
maisons mobiles qui n'ont pas de parcs alors que nous, si nous faisons un
investissement pour un terrain, nous aimons bien profiter de l'occasion de
pouvoir vendre cette maison mobile et de l'installer sur notre terrain qui a
été aménagé par nous.
Vous demandiez tout à l'heure s'il y avait des endroits. On peut
même vous suggérer tout près d'ici, c'est-à-dire
à l'Ancienne-Lorette qui est tout près de Québec ou chez
nous, au Lac-Saint-Charles, où on a procédé avec un bel
aménagement, avec des ingénieurs-conseils de la
municipalité, on a fait tout ce qu'on nous a demandé. On croit
bien que les prochains propriétaires qui veulent ouvrir un parc de
maisons mobiles devraient agir de cette façon. Par contre, je pense,
d'après ma petite expérience personnelle, que souvent l'acheteur
d'une maison mobile n'est pas informé de la pénurie. Alors il me
semble aussi que la protection du consommateur a peut-être joué un
petit rôle dans ce projet de loi, parce que souvent des gens ont
acheté une maison mobile et se sont vus pris sans terrain, parce qu'il
n'y a pas de terrains; les gens ne peuvent pas faire de terrains parce que
ça coûte trop cher maintenant.
Il y a certaines personnes qui en font actuellement encore, mais s'ils
ne vendent pas de maisons mobiles, ils ne pourront jamais arriver à
faire un bénéfice avec un parc de maisons mobiles seulement en
location. Je peux me permettre de vous souligner cette proposition: une loi
pouvant protéger le consommateur, à l'achat d'une maison mobile,
à savoir que si le vendeur ne peut pas lui trouver un terrain, il pourra
annuler son contrat; ce qui n'existe pas actuellement. Je pense que c'est
à peu près le litige qui nous fait mal dans le moment et qui nous
fait regarder par le consommateur comme des vendeurs à pression.
J'aimerais aussi, si vous avez besoin d'information de ce
côté-là, que vos représentants puissent venir voir
cela au Lac-Saint-Charles c'est tout près d'ici pour qu'on
explique la situation qui semble un peu inconnue de votre groupe. Il y a un
manque de ce côté actuellement. Le consommateur qui achète
une maison mobile chez un vendeur de maisons mobiles qui ne fait que vendre, un
peu avec pression parce qu'il n'a pas de terrains, il sait que, s'il ne fait
pas de pression, il ne pourra pas vendre la maison...
On a fait une publicité, on s'est même débattu avec
l'Office de la protection du consommateur en disant: Avertissez donc les gens
qu'avant d'acheter une maison mobile ils doivent se trouver un terrain pour
leur maison. C'est là qu'est le gros litige. Si on est obligé
d'accepter tous les gens qui vont acheter un peu partout, on ne pourra jamais,
avec une petite location de terrain de $50, $60 ou $70 par mois c'est
à peu près cela dans l'ensemble de la province de Québec
de rejoindre le placement qu'on a fait de $5000; il n'y a pas de bout
à cela. Par contre, en vendant une maison mobile, si on fait un profit
de l'ordre de $3000, cela commence à avoir un peu de bon sens. Notre
investissement semble bon, notre commerce semble bien aller. Si on
s'aperçoit qu'on va vers un déficit, on va bloquer, on va dire:
II n'y en a plus.
Il est bien sûr que, nous, comme on vend des maisons mobiles, si
on est obligé d'accepter cette loi... si je vends dix maisons mobiles,
je vais ouvrir dix terrains de maisons mobiles; je n'en ouvrirai pas plus parce
que je vais avoir peur que l'autre arrive en arrière avec sa maison un
peu croche et qu'il vienne briser l'ensemble de mon parc.
M. Tardif: En fait, c'est un peu un cercle vicieux.
M. Saint-Hilaire: Oui.
M. Tardif: C'est parce qu'il n'y avait pas suffisamment de
terrains que les vendeurs de maisons mobiles se sont transformés en
spécialistes, entre guillemets, d'aménagement de parcs.
M. Saint-Hilaire: Et de vendeurs.
M. Gobeil: M. le ministre, je pense que, quand vous avez dit
cercle vicieux, c'est tout à fait exact. A un moment donné, on
est pris parce qu'on n'a pas d'emplacement pour installer nos maisons mobiles.
Par ailleurs, pour reprendre un peu ce qui a été dit, c'est bien
certain que, comme il y a un manque, plus on va légiférer et plus
on va restreindre la liberté de commerce dans ce domaine, moins on aura
de chances de développer ce domaine. Par ailleurs, il y aurait
peut-être un effort à faire au niveau des lois parce que tout
évolue. Nous aussi on doit s'adapter à l'évolution des
lois et du contexte social. Il y aura probablement avantage, dans un autre
temps ce n'est peut-être pas à notre avantage de le dire
à ce que la vente d'une maison mobile soit plus reliée
à son installation. A un moment donné, quand on achète une
maison mobile, il faut l'installer quelque part.
Une Voix: C'est cela.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Verdun.
M. Caron: M. le Président, moi aussi je voudrais remercier
l'Association des commerçants de maisons mobiles et de terrains du
Québec pour le mémoire très constructif qu'il a
présenté. Vous voyez, par la façon dont il est
perçu par le ministre, qu'il est bien perçu parce qu'il est
constructif. Comme c'est une nouvelle industrie au Québec, c'est une
expérience pour vous comme pour nous. Je voudrais seulement vous
demander de préciser davantage l'article 89 (1663.7). Il semblerait que,
si le propriétaire et le locataire s'entendent, vous aimeriez qu'on
l'enlève.
M. Gobeil: De quel article parlez-vous?
M. Caron: A la page 6 de votre mémoire, le dernier
paragraphe.
M. Gobeil: Est inopposable au locataire une clause limitant... Il
nous semble que le projet de loi encore là ce n'est qu'une
remarque lorsqu'il dit: "Est inopposable au locataire une clause
limitant au profit du locateur le droit du locataire d'un terrain servant
à l'installation d'une maison mobile d'aliéner la maison mobile
ou une clause par laquelle le locataire s'engage à verser au locateur
quelque montant d'argent en raison de l'aliénation de sa maison
mobile"...
On croit comprendre que si on fait une convention en dehors du bail, en
toute liberté, c'est-à-dire que le locataire vient chez nous et
nous dit: Je suis d'accord pour que tu vendes ma maison mobile, je suis
d'accord pour te donner un pourcentage de la vente, on croit comprendre, selon
notre interprétation, que c'est prohibé par l'article 1663.7.
Il est possible que notre interprétation soit mauvaise, mais nous
demandons que ce soit clarifié. C'est dans cette optique. Je pense que
ce qu'on a voulu viser je ne sais pas si je me trompe, M. le ministre
c'est de ne pas faire de relation entre la location et la vente. En
dehors de cela, si quelqu'un veut aller voir le propriétaire et lui
confier la vente, je ne vois pas pourquoi on ne lui permettrait pas de faire un
profit, comme n'importe quelle personne, tant que cela reste dans les normes,
bien entendu.
M. Caron: L'industrie de la maison mobile qui se fait ici au
Québec fait travailler combien de personnes à peu
près?
M. Sévigny (André): Dans l'industrie, dans la
province de Québec, au point de vue manufacturier, cela
représente actuellement dix manufacturiers dans la province de
Québec on parle des principaux, on ne parle pas des petites
compagnies et engage en moyenne de 100 à 125 employés par
compagnie. A partir de là, vous allez au point de vue du
détaillant; on représente à peu près 70 à 75
détaillants, avec, en moyenne, de douze à treize employés
par compagnie. En plus de cela, vous allez à l'exploitant de parcs de
maisons mobiles. C'est assez difficile d'estimer le nombre. On va parler encore
là de 400 à 500 personnes facilement, avec le nombre des
employés, c'est-à-dire le propriétaire, ceux qui font
l'entretien du parc et ainsi de suite. Ce n'est peut-être pas l'industrie
la plus importante dans la province de Québec, mais on parle quand
même d'un nombre appréciable de quelques milliers de personnes qui
travaillent dans le domaine. Ceci, en plus de tous les facteurs que cela peut
occasionner, c'est-à-dire les compagnies, les sous-entrepreneurs, les
fabricants de bois, d'aluminium, de métal, de pneus, les compagnies qui
font le transport de la maison mobile, facteurs qui sont tous reliés
à notre industrie.
M. Caron: Même si, comme vous dites, cela n'engage pas
beaucoup, cela fait travailler peut-être "une couple" de mille
personnes.
M. Sévigny: Quelques mille personnes.
M. Caron: Quelques, oui... Alors, c'est bien important. Merci,
pour ma part.
M. Sauvageau: Voici, pour donner encore une fois l'importance
pour répondre à votre question de l'industrie de la
maison mobile; ce matin, je parlais encore à quelqu'un de la Banque
Provinciale qui s'occupe du financement. L'importance économique de la
maison mobile est énorme. Il me disait qu'à la Banque
Provinciale, actuellement, il y avait $100 millions prêtés pour
des maisons mobiles. Cela vous donne une idée de l'ampleur, quand
même, de cette industrie.
M. Caron: C'est une grosse industrie. Merci beaucoup,
monsieur.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Cordeau: Merci, M. le Président. Est-ce que les membres
de votre association sont tous commerçants et propriétaires de
terrains?
M. Gobeil: Pas nécessairement.
M. Cordeau: Non, bon. D'accord. Tantôt, pour situer un peu
ma prochaine question, vous avez dit qu'il y avait une pénurie de
terrains pour maisons mobiles.
Vous savez qu'actuellement les municipalités n'ont pas le pouvoir
d'acquérir des terrains et de s'en servir pour vendre ces terrains pour
des maisons mobiles. Alors, croyez-vous qu'il serait bon, bien sûr, pour
les commerçants parce qu'à ce moment, c'est
peut-être au détriment des propriétaires de terrains
pour les commerçants de maisons mobiles, d'accorder aux
municipalités le pouvoir d'acquérir des terrains, afin de les
aménager et de les vendre pour l'installation de maisons mobiles?
M. Gobeil: M. le député, avec votre permission, je
pense qu'il y aurait une petite rectification à faire. Je pense que les
municipalités de ville et les municipalités rurales ont le
pouvoir non pas d'acquérir des terrains pour fins de parcs et de les
vendre, mais elles ont le pouvoir d'acquérir des terrains et d'en faire
des parcs de location. Je pense que c'est prévu à la Loi des
cités et villes. Malheureusement, je n'ai pas les numéros
d'articles par coeur, mais c'est un pouvoir qui est actuellement donné
aux municipalités de ville et aux municipalités rurales...
M. Cordeau: ... et d'acquérir des terrains dans...
M. Gobeil:... c'est-à-dire de faire des parcs de
location.
M. Cordeau: Non, on n'a pas le droit. M. Gobeil:
Absolument, absolument. M. Cordeau: Les villes? M. Gobeil:
C'est absolument permis.
M. Tardif: C'est permis, effectivement, même si très
peu de municipalités s'en sont prévalues. Justement, je vais
faire sortir la Loi des cités et villes et...
M. Gobeil: C'est cela... M. le ministre, je pense que c'est
l'article 429, paragraphe 31, de la Loi des cités et villes.
M. Cordeau: A un moment donné, j'avais posé la
question et...
M. Tardif: D'accord, si c'est moi qui, involontairement, vous ai
induit en erreur à ce moment... Ce qui n'est pas permis dans la Loi des
cités et villes, c'est un pouvoir général de constituer
une réserve foncière. Comme municipalités, elles
pourraient acquérir des immeubles à toutes fins. Il faut que ce
soit pour des fins municipales, mais l'installation de parcs de maisons mobiles
est expressément mentionnée dans la loi, à part ce pouvoir
de réserve foncière.
M. Gobeil: D'ailleurs, avec votre permission, M. le
Président, on a donné aux municipalités de ville et, tout
récemment je pense que c'est en 1977 aux municipalités rurales
d'abord, le pouvoir de contrôler, sur leurs territoires, en dehors des
pouvoirs de zonage, le pouvoir de réglementer, sur leurs territoires,
pour prévoir que les maisons mobiles soient installées dans des
parcs, c'est-à-dire dans des terrains spécialement
aménagés à cet fin qu'on appelle des parcs et, en
même temps, on a donné à ces mêmes
municipalités de ville et rurales le pouvoir d'acquérir des
terrains pour faire des parcs de location. D'ailleurs, on donnait l'exemple de
la ville de Port-Cartier; je pense qu'il y a un parc municipal à
Hauterive, comme à d'autres endroits aussi. (21 heures)
M. Cordeau: Je crois que ces municipalités ont
créé leurs parcs parce que les terrains appartenaient aux
compagnies et celles-ci ont créé ces parcs-là et, par la
suite, c'est devenu des municipalités.
M. Tardif: Ce sont des parcs carrément municipaux.
M. Cordeau: Oui, tant mieux. Le temps avance... Concernant les
condominiums ou les terrains que vous aimeriez que le propriétaire d'une
roulotte achète dans un parc, est-ce que vous suggéreriez...
Qu'adviendrait-il si un individu voulait acheter un terrain dans un parc sur
lequel il y a déjà un locataire? Parce que le terrain est bien
situé, il aimerait... Le locataire ne voudrait pas l'acheter, il n'en
est pas prêt. Par contre, un autre individu voudrait l'acheter.
M. Sauvageau: Si j'ai bien compris votre question, s'il pouvait y
avoir enregistrement d'une déclaration de co-propriété sur
un parc où il y aurait, comme je le disais tantôt, par exemple,
200 fractions, si une fraction est déjà occupée par un
locataire et qu'il y avait co-propriété, on ne
l'évincerait pas. D'accord?
M. Cordeau: D'accord.
M. Sauvageau: On ne l'évincerait pas dans notre
proposition. Par contre, si ce lot devenait vacant, d'accord. Parce que la
maison mobile s'en va, est déménagée, à ce
moment-là, on veut que le propriétaire de cette fraction puisse
avoir le droit de la vendre à d'autres. Bref, on ne voudrait pas,
à ce moment-là, être pris avec le jeu de la sous-location.
On respecterait le droit de l'occupant qui est déjà en place. On
ne voudrait pas autrement dit... parce que je sais que cela a été
le problème dans les immeubles à appartements. C'est pour
cela
que le législateur, après l'adoption en 1969 de la loi sur
la co-propriété, a prohibé la transformation d'immeubles
à appartements, parce qu'il y a eu des abus. Il n'y a pas eu d'abus de
notre part parce qu'on ne l'a pas fait encore. Ce n'est pas la même chose
non plus.
Nous sommes prêts à respecter l'occupant qui est là
actuellement, on est prêts à respecter celui qui est là au
moment où on la fait, s'il s'en va, on veut pouvoir vendre notre
affaire. Sans cela, vous diminuez énormément notre droit de
propriété. Est-ce que cela répond à votre
question?
M. Cordeau: Oui ça répond à ma question.
Le Président (M. Laplante): Avez-vous d'autres questions,
M. le député de Saint-Hyacinthe?
M. Cordeau: Oui. Il est 21 h 5.
Le Président (M. Laplante): Vous pouvez en poser une
autre.
M. Cordeau: Vous avez posé une question à savoir
que vous aimeriez avoir des précisions sur l'article 42. Tantôt,
vous demandiez si vous étiez touché par l'article 42 ou pas?
M. Sauvageau: Voici! C'est le problème du condominium de
maisons mobiles.
M. Cordeau: C'est cela.
M. Sauvageau: II me semble, à lire et à faire
l'historique, qu'on n'ait pas voulu nous toucher parce que j'ai revu le livre
blanc, j'ai revu les projets de loi 96, 97 et 113 et j'en arrive à la
conclusion qu'on nous touche. Je me dis qu'on n'a peut-être pas voulu
nous toucher. On n'a peut-être pas raison de faire cet exposé,
mais c'est ambigu. Alors, dans le libellé définitif de la loi, on
aimerait que ce soit précisé.
M. Tardif: Et même si la loi telle que libellée
comme par hasard semblait vous toucher, cela ne toucherait pas grand-chose
parce que cela n'existe pas présentement, la
co-propriété.
M. Sauvageau: Une minute! Là-dessus, je ne suis pas tout
à fait d'accord avec vous M. le ministre, cela ne toucherait pas des
parcs actuellement, mais même là, si le droit a été
acquis, il n'y a pas de problème.
Ce que je veux dire, cela touche énormément le droit de
propriété de celui qui a la possibilité actuellement de le
faire en vertu de l'article 441b. C'est énorme vous savez. Si on ne peut
pas le faire, la valeur marchande... C'est un droit de propriété
morcelé...
Le Président (M. Laplante): ...
M. Sauvageau: ... le droit de propriété n'est pas
absolu, mais, quand même, il ne faut pas trop le morceler.
M. Tardif: De toute façon, je l'ai mentionné
tantôt, ce n'était pas ce qui était visé du tout.
Les problèmes rencontrés par la transformation d'immeubles en
co-propriété étaient d'une autre nature que
ceux-là. Je donne, pour le bénéfice du
député de Saint-Hyacinthe, l'article 429b de la Loi des
cités et villes telle qu'amendée par le chapitre 52 des lois de
1977 et qui dit ceci: "Le conseil peut, par règlement donc a, b,
c, réglementer l'emplacement et l'implantation des parcs de
maisons mobiles et roulottes". C'est le pouvoir de réglementation, ce
n'est pas le pouvoir d'en constituer. Mais il est quelque part ailleurs et on
vous le trouvera. On vous donnera la référence, M. le
député.
M. Cordeau: Merci.
M. Tardif: M. le Président, j'ai pris bonne note des
représentations de l'Association des commerçants de maisons
mobiles et terrains du Québec. Je vais sûrement transmettre
à mon collègue, le ministre des Consommateurs,
Coopératives et Institutions financières, vos commentaires fort
judicieux sur le fait qu'on ne devrait pas vendre une maison mobile et dire au
gars: Débrouille-toi et trouve-toi un emplacement. Surtout ces maisons,
vu la grandeur qu'elles ont aujourd'hui ne se déménagent pas
facilement.
Je peux aussi vous assurer une chose, c'est que le sens de l'article
1663.7 qui dit: "Est inopposable au locataire une clause limitant au profit du
locateur, le droit du locataire d'un terrain servant à l'installation
d'une maison mobile, d'aliéner la maison mobile ou une clause par
laquelle, etc.." ne visait pas à interdire à un locataire de
demander au propriétaire du terrain: Ecoute, moi je
déménage, je m'en vais ailleurs, si tu peux me vendre ma maison,
vends-la, etc.. Ce n'est pas cela qui est visé. Ce qui est visé,
c'est que cela soit une condition du bail, apparaissant dans le bail, au moment
où il signe, qu'on dise: Je loue le terrain de telle compagnie et je
m'engage à ne pas vendre ma maison autrement que par
l'intermédiaire de M. X. Et lorsque cela vient une condition du bail,
c'est cela qui est interdit, et non pas ce que vous demandiez. D'accord?
M. Sauvageau: Je voudrais qu'on pense la même chose, mais
le texte ne dit pas cela, je crois.
M. Gobeil: Ne dit pas cela.
M. Tardif: Bon puisqu'on vise la même chose, alors je vous
laisserai vous entendre, avec nos avocats pour qu'on essaie de trouver une
formulation qui atteigne précisément l'objectif.
Encore une fois, je désire remercier l'association. J'aimerais
effectivement avoir des chiffres plus précis sur les problèmes de
constitution de parcs, d'exploitation. On dit: Finalement, cela coûte
$5000 aménager un emplacement financé à 11% sur 25 ans,
cela fait $50 par mois, les taxes, les services, les assurances, puisqu'on
parle en termes de fixation. On aimerait avoir des données
pour permettre à la régie d'apprécier
véritablement ce qui en est. Or, là-dessus tout ce que vous
pourrez nous transmettre, on l'apprécierait. On vous remercie,
messieurs.
M. Gobeil: Cela nous fera plaisir, on vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Laplante): Les membres de cette
commission vous remercient pour la qualité de votre mémoire.
J'appelle maintenant Structures métropolitaines du Canada
Limitée.
M. Cordeau: Vous aviez des sources de renseignement concernant
les statistiques et vous nous avez fait part que peut-être vous
extrairiez du volume certains renseignements.
M. Tardif: ... sur le pourcentage demandé, selon...
Le Président (M. Laplante): Madame, messieurs, vous
connaissez les règles. Il vous reste jusqu'à 22 heures. Essayez
de synthétiser le plus possible votre mémoire pour qu'on puisse
vous poser le plus grand nombre de questions possible.
M. Tardif: ... objection.
M. Caron: M. le Président, je vais être
obligé de quitter, je dois intervenir sur le discours inaugural dans
quelques minutes. Je m'excuse pour les gens qui sont ici, il y a des gens que
je connais très bien. Cela adonne comme cela, je dois intervenir, il ne
reste plus grand temps sur le discours inaugural. Si je peux finir avant 22
heures, je redescendrai. Je sais que cela va être bien fait.
M. Tardif: Moi, je n'aurais pas objection personnellement, pour
donner l'heure complète, s'il y a lieu, de terminer à 22 h 10, ce
qui donnera le temps au député, maire de Verdun, de
revenir...
Le Président (M. Laplante): S'il vous plaît,
voulez-vous identifier votre organisme et les personnes qui vous
accompagnent.
Structures métropolitaines du Canada
Ltée
Mme Trotz (Aline): Mon nom est Aline Trotz, à ma droite
Pierre-André Themens qui va présenter notre mémoire et M.
Garnet Oulton à l'autre bout, qui est vice-président de la
compagnie.
J'aimerais brièvement situer l'entreprise. Nous possédons
et nous gérons un ensemble immobilier qui fait partie de la
municipalité de Verdun et qui est connu sous le nom de l'île des
Soeurs. Il s'agit d'une communauté distincte en soi et qui est
située sur une île au milieu du fleuve Saint-Laurent à cinq
minutes du centre-ville de Montréal. Le projet de l'île des Soeurs
a connu le jour en 1968 et actuellement, le tiers de l'île est
développé, il s'agit jusqu'à présent d'un
investissement de $100 millions dans la province de Québec.
L'île est constituée d'un secteur commercial et d'un
secteur industriel ainsi que d'un secteur résidentiel qui est
constitué de 3100 logements de toutes sortes, des studios, une, deux,
trois chambres à coucher et puis des maisons de ville. Nous offrons des
services divers aussi bien récréatifs que communautaires à
la population. Nous sommes un des clients de la Régie des loyers
actuelle, et c'est ce qui explique notre présence ici.
Je vais passer la parole à Pierre-André Themens qui va
vous en parler plus longuement.
M. Themens (Pierre-André): Dans notre mémoire, on a
soulevé des questions de principe au niveau de la loi. Ce soir,
étant donné le temps, la période de la journée, on
aimerait surtout insister sur des problèmes d'application actuelle non
pas tout simplement pour faire la liste des problèmes, mais pour essayer
d'apporter notre expérience comme gros propriétaires de
Montréal. Cela m'a un peu amusé quand Mme Gagnon a parlé
cet après-midi parce que les problèmes qu'elle a décrits
comme étant ceux d'un propriétaire de 2, 3 ou 4 logements sont
finalement les mêmes problèmes qu'on a avec 3100 unités
à Montréal.
Si on regarde des points particuliers je pense que c'est à
ce niveau qu'on veut surtout intervenir, tant au niveau de la loi que de la
réglementation à venir les problèmes principaux
auxquels les usagers de la Régie des loyers font face, ce sont des
problèmes qu'on espère que la nouvelle loi et la nouvelle
réglementation vont corriger. Ce sont des problèmes, d'abord,
d'administration du contrôle des loyers, que ce soit en matière de
délais ou autres. Pour vous donner un exemple précis, il y a deux
jours, une décision a été rendue pour des baux de la
période de 1977-1978. Depuis, les baux de 1978-1979 sont encore pendants
devant la régie, on n'a pas eu de décision, et les baux de
1979-1980 s'en viennnent devant la régie.
Si on regarde le groupe de locataires type qu'on prend pour notre
exemple de la période 1977-1978, on parle d'un nombre de 104 locataires.
De ce groupe, en fait, il y en a à peu près 36% qui sont partis.
De ceux qui sont partis, le tiers sont des gens partis sans laisser d'adresse
et ils ont des arrérages chez nous. Cela illustre la façon dont
la loi actuelle est administrée, qui cause des problèmes.
Indépendamment de cet aspect du délai, prenons l'exemple des
preuves d'augmentation qui sont acceptées devant la régie. Sans
entrer dans le bien-fondé ou le "malfondé" du principe même
du contrôle des loyers, notre position est qu'on a à vivre avec le
contrôle des loyers et autant vivre le plus facilement possible.
M. Oulton, tout à l'heure, va vous présenter un peu
l'historique de nos relations avec la régie, mais, d'un point de vue
pratique, je ne vois pas pourquoi la loi, par exemple... La loi reconnaît
que les grands complexes immobiliers ont un statut un peu différent de
celui du propriétaire de duplex. Pourquoi, par exemple, un
propriétaire, comme le nôtre, de 3000 logements, ne pourrait-il
pas s'adresser à l'avance à la Régie des loyers et
soumettre ses augmentations pour éviter d'envoyer ses
augmentations à tous ses locataires et de faire face à une
multitude de litiges? Même si cela représente un faible
pourcentage, mentionné dans notre mémoire, c'est quand même
une série d'apparitions annuelles à la Régie des
loyers.
Si tous les propriétaires de duplex de Montréal devaient
s'adresser à la Régie des loyers à l'avance pour faire
adopter leurs augmentations de 8%, 9% et 10%, ce serait impossible, mais si,
moi, j'arrive avec mes 3000 logements à la fois, je pense qu'on
faciliterait l'administration. Il ne s'agit pas d'interpréter cette
position comme une approbation du principe du contrôle des loyers;
d'autre part, on vit avec et autant le vivre le plus facilement possible.
Il y a d'autres problèmes. Par exemple, il y a un problème
que Mme Gagnon a soulevé. Elle disait: Quand j'ai un bon locataire, je
ne veux pas trop l'augmenter parce que je veux le garder longtemps. Le
problème de l'île des Soeurs est le même, parce que le
propriétaire veut encourager une certaine stabilité dans
l'île. Un locataire qui demeure là depuis quatre ou cinq ans, pour
l'inciter à y rester, on va certainement augmenter moins ce logement que
celui qui change de locataire chaque année. Par contre, où cela
devient négatif, c'est quand ce locataire va décider de s'en
aller, vous allez vous ramasser avec des situations comme il y en a
actuellement à l'île des Soeurs: vous avez des logements
absolument identiques non pas des logements similaires qui ont
des différences de prix de 40%.
Dans le livre blanc produit par le ministre, on parlait de prendre un
des facteurs, la valeur du marché du logement. Peut-être que la
réglementation à venir va le faire, mais la loi semble ignorer
complètement cette chose-là. Je comprends que c'est bien
difficile d'envoyer un évaluateur des logements parce que la raison pour
laquelle vous vous installez à un endroit X ou Y peut être
subjective; d'un autre côté, il n'y a pas de raison que des
locataires paient des loyers différents de 40%. (21 h 15)
Le propriétaire qui a voulu assurer une stabilité de sa
population dans l'île se retrouve pénalisé, parce qu'il
n'est plus question de faire de rattrapage. Les montants qu'il a perdus dans le
passé et qu'il a pris la décision de perdre dans le passé,
pour une raison subjective, garder un bon locataire, il ne peut plus les mettre
dans l'avenir. Ce qui est perdu est perdu. Si un facteur à prendre en
considération était la valeur réelle du marché, ce
serait un facteur positif. Il faut rappeler qu'à l'île des Soeurs,
ce ne sont pas des taudis, on parle de gens qui paient $450, $500 et plus de
loyer par mois. Je pense que nous sommes dans une situation différente
de celle des cas de logements insalubres où il n'y a ni eau chaude ni
eau froide qui était discutée ce matin.
D'autre part, au niveau des dépenses admissibles au niveau du
contrôle des loyers, si un propriétaire de duplex unique
reçoit un chèque chaque mois pour le loyer de son gars d'en haut,
c'est différent du propriétaire de l'île des Soeurs qui en
reçoit 3100 ou qui espérerait en recevoir 3100 chaque mois. Il y
a eu des augmentations réelles à ce niveau-là dans les
coûts qui ne sont pas prises en considération actuellement. C'est
la même chose, par exemple, pour les frais de publicité,
l'environnement. La publicité qu'on fait pour attirer une certaine
clientèle, c'est finalement cela qui va motiver les gens à
s'installer dans un complexe comme cela plutôt que d'aller s'installer
ailleurs. Ce sont des cas particuliers qui devraient être pris en
considération. Que le propriétaire d'un duplex demande 20% de
frais d'administration, c'est anormal. Mais, d'un autre côté, sans
parler de 20% ou d'un chiffre arbitraire, cela devrait être pris en
considération pour les plus grands ensembles immobiliers, puisque le
projet de loi actuel les traite différemment en matière de vente,
en matière de subdivision.
Finalement, pour en revenir un peu à la question des
procédures, il y aurait un autre point qu'on aimerait soulever. La
façon de procéder actuelle, et là encore, on ne peut pas
dire qu'avec le nouveau système, cela va être la même chose
parce qu'on n'a pas vu la réglementation, mais il n'y a rien qui laisse
supposer le contraire, ce serait peut-être une possibilité, par
exemple, que des frais soient exigés pour s'adresser à la
Régie des loyers. Je ne parle pas de frais d'avocats pour les faire
vivre, je ne parle pas d'une centaine de dollars, mais je parle de montants
comme à la cour des petites créances: $5, $10. Cela fait
déjà un montant, une démarche qui va faire qu'on n'ira pas
à la Régie des loyers pour rien, parce que cela ne coûte
rien et parce que cela se fait bien. Un autre choix serait que, pendant la
durée de l'instance à la Régie des loyers, on
dépose auprès de la commission la différence entre le
loyer qu'on payait et le loyer demandé. Cela éviterait les
situations comme celles que j'ai mentionnées plus tôt. Il y a un
certain nombre de locataires j'en ai onze pour l'année 1976
qui sont disparus et qui nous doivent un montant total de $60 000,
éventuellement, quand la décision sera rendue... Cela
éviterait, finalement, que la Régie des loyers, ou la commission
appelez-la comme vous voudrez devienne une forme de financement
gratuit. Je sais que le temps passe vite et j'aimerais laisser la parole
à M. Oulton, qui va expliquer un peu les approches différentes
qu'ont prises les Structures métropolitaines vis-à-vis du
contrôle des loyers, depuis que le projet existe et surtout à
partir du moment où les loyers ont été
contrôlés comme tels.
M. Oulton (Garnet): Je pense que ce serait mieux de commencer
avec un bref historique de l'île des Soeurs, plus particulièrement
notre politique de renouvellement. Le projet a commencé en 1968 avec une
première étape de 805 unités de logement. A
présent, c'est agrandi à 3100 unités de logements.
Jusqu'à 1973, nous avons eu une politique de renouvellement qui existe
jusqu'à présent. Chaque fois qu'un ancien locataire de
l'île renouvelle son bail, l'affaire est faite à un taux
d'augmentation moindre nous pouvons en faire la preuve
auprès de la régie ou de n'importe qui que le taux
d'augmentation de nos dépenses de l'année antérieure.
C'est-à-dire que si un locataire reste dans l'île pendant quelques
années, comme plus d'une centaine de locataires en ce moment qui sont
là depuis le début du projet, cela arrive qu'à un moment,
son loyer est à peu près 45% à 50% plus bas que le loyer
du même genre ailleurs.
Tout marchait très bien de cette façon jusqu'à
l'année 1973, alors que trois choses sont arrivées en même
temps. Il y a l'application des pouvoirs de la Régie des loyers aux
projets ou à toutes les bâtisses de Montréal,
universellement. Deuxièmement, c'est l'année où fut
créée la Communauté urbaine de Montréal avec les
pouvoirs d'établir l'évaluation des immeubles à Verdun.
Troisièmement, la surtaxe de l'école, au 1er juillet 1973, fut
établie. C'est une surtaxe pour tous les immeubles de plus de $100 000.
Cela représentait pour nous à l'île des Soeurs, avec les
2500 unités qui existaient à ce moment-là, une
augmentation du coût avec un changement d'évaluation de 55% entre
1972 et 1973, un changement de taux de taxe de 70%. En plus, considérant
la nouvelle taxe cette taxe scolaire cela faisait un changement
de dépenses pour nous, dans une année, de $900 000. Si on prend
l'année 1972 comme année de base, nous avons perdu $72 000 en
1972, un chiffre très facile à rappeler. L'année suivante,
les augmentations étaient de l'ordre de $900 000, et c'était la
première année de la Régie des loyers pour nous. Nous
avons, selon les renseignements dans le temps, soumis toute la documentation
à la régie, les comptes de taxes, toutes les factures d'essence,
l'huile à chauffage et tous ces renseignements. La décision de
l'administrateur du temps et c'est deux ans après que nous
l'avons eue était une augmentation de 5,3%, ce qui, pour nous,
était un changement de revenu de $200 000, c'est-à-dire une perte
certaine de $700 000, selon des dépenses de $900 000. Ce n'est pas une
perte qu'on peut récupérer une autre année parce que c'est
garanti que nous allons perdre ces $700 000 continuellement jusqu'à ce
que la régie soit terminée. Sa méthode de fixation de
loyer est basée sur une présomption fausse, c'est-à-dire
que, l'année antérieure, le propriétaire avait tout ce
qu'il fallait pour payer ses dépenses, pour payer tous les coûts
d'entretien, d'exploitation, pour payer son hypothèque et, en plus, pour
faire un profit raisonnable. C'est le principe de base. Dans notre cas, nous
avons perdu $700 000 en 1972. Les chiffres montrent et ce sont tous les
chiffres qui sont déjà déposés à la
régie que pour l'année 1978 nous allons perdre $1 500 000
pour ces mêmes raisons parce que c'est impossible de
récupérer les dépenses de l'année antérieure
si vous n'avez pas le droit.
A partir de l'année 1973, nous avons toujours
négocié les augmentations et la politique de renouvellement avec
l'Association des résidents de l'île des Soeurs. Chaque
année, nous avons eu l'approbation de l'Association des résidents
pour notre politique de renouvellement qui variait entre 8% et 10% dans les
sept dernières années dont je parle. Dans chacune de ces
années, l'augmentation de nos coûts réels était de
l'ordre de 11,25% à 13,2%. Ce sont les chiffres que nous avons
signés à la régie, qui étaient
vérifiés, qui étaient déterminés. Ce sont
les chiffres réels et notre offre était beaucoup plus basse que
les chiffres que nous pouvons trouver. Nous avons procédé de
cette façon parce que, de notre côté, ce fut toujours notre
politique de faire une offre plus convenable à un ancien locataire, mais
ce n'est pas une offre gratuite parce qu'inclus dans cela il y a le fait que,
le moment où l'ancien locataire quitte les lieux, nous avons
l'appartement pour nous et nous pouvons le louer au loyer du marché
d'aujourd'hui, c'est-à-dire avec une récupération de
l'ordre de 20% à 40% nette, c'est-à-dire aussi une augmentation
d'une année à l'autre, de 20% à 40% dans le loyer. Ces
locataires vont toujours à la régie.
J'étais très heureux de voir dans le livre blanc
l'idée de faire une moyenne et de rétablir un loyer de base. Ce
que je veux dire par un loyer de base, c'est ceci: Si, à partir de 1972,
nos augmentations étaient de l'ordre, disons, de 50% je parle des
augmentations des dépenses et si les augmentations que nous avons
faites comme offre de renouvellement aux anciens locataires étaient de
l'ordre de 30%, nous devrions avoir l'avantage ou le pouvoir de
récupérer ces autres 20% quand il y a un changement de
locataire.
La dernière chose qui est arrivée, c'est que, à
partir de 1973, à chacune des années négociées avec
l'Association des résidents, nous avons soumis la même preuve,
à chaque année, de la même façon, preuve qui
était même établie avec les gens de la régie.
C'était la même preuve qui était soumise année
après année, mais avec les chiffres de l'année courante
et, de plus, avec tous les autres chiffres de l'année de base.
En 1978, nous avons eu l'audition des cas devant la régie pour
l'année 1977-1978. Ce qui est arrivé, c'est que 104 des
locataires de l'île se plaignaient de l'augmentation. A la suite de
l'audition du mois de juillet, l'administrateur a envoyé une offre
à ces 104 locataires de l'île, avec une augmentation de 9%, 1% de
plus que ce que nous avons offert aux mêmes locataires. De plus, il a
dit...
M. Tardif: ... régie...
M. Oulton: Non, cela n'est pas bon du tout.
M. Tardif: Dans ce cas-là...
Une Voix: Attendez la suite.
M. Oulton: II a dit que la preuve que nous avons faite, ce
n'était pas une preuve, ce n'était pas acceptable. C'était
la même preuve, faite de la même façon pendant cinq
années. C'est une preuve qui était établie avec les gens
de la régie. Tous les locataires qui ont reçu cette offre s'y
sont
opposés parce que la plupart d'entre eux avaient une augmentation
plus élevée que la nôtre. Principalement, nous nous y
sommes opposés parce qu'il disait que la preuve n'était pas
bonne, qu'elle n'était pas bien faite, etc.. Ce qui est arrivé
nous avons eu la décision mardi avant de partir de
Montréal, pas la décision finale, mais la décision de
l'administrateur c'est qu'il n'y aura pas d'augmentation du tout dans
chacun des cas. C'est-à-dire que pour 3100 logements loués, sur
l'île, où l'Association des résidents a
négocié, de bonne foi, une augmentation, la régie a
donné l'approbation de l'augmentation. A nous qui avons
présenté tous nos chiffres, l'administrateur de la régie
dit: Pas d'augmentation du tout. Dans le moment, vous avez environ 2300
unités sur l'île. On dit: C'est une "gang" de fous, cette
Association des résidents, les gens qui se plaignaient n'ont pas
d'augmentation. Quand je parle des problèmes pratiques ou de la
façon dont la régie agit, ce sont des problèmes de ce
genre dont je parle.
Le Président (M. Laplante): Je vous remercie.
M. Themens: M. le Président, il y a simplement un point
que je voudrais préciser au sujet de la décision qui est
commentée par M. Oulton. Ce qui s'est passé dans cette affaire,
c'est que quand M. Oulton parle de preuve qui est soumise depuis cinq ans et
qui, tout d'un coup, n'est pas acceptée, cela rejoint une de nos
recommandations sur la preuve soumise. Je ne voudrais pas discuter de la cause
au mérite, mais plutôt, du principe. Il s'agissait d'états
financiers préparés par des vérificateurs, qui sont
acceptés par les ministères du Revenu et qui avaient toujours
été acceptéspar la Régie des loyers. Tout d'un
coup, ce n'est pas cela que ça prend. Je pense qu'au niveau de la
réglementation, on devrait préciser l'admissibilité ou la
non-admissibilité de ces preuves, mais que ce soit décidé
une fois pour toutes. Que le propriétaire qui, pendant cinq ans, a
soumis une preuve qui a été acceptée pour une année
en question, pour une raison peu motivée, se fasse dire tout d'un coup:
Ce n'est pas admissible. Je pense que c'est au niveau de la
réglementation que ces précisions devraient être
apportées. (21 h 30)
Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le
ministre.
M. Tardif: M. le Président, je remercie les intervenants,
au nom des Structures métropolitaines du Canada Limitée qui
exploitent cet ensemble à l'île des Soeurs, de nous avoir soumis
leurs commentaires, j'allais dire presque qui démarquent un peu par
rapport au mémoire puisque, finalement, dans les commentaires, la
présentation verbale, on a dit: On n'est pas d'accord avec le
contrôle, mais s'il doit y en avoir un, on va s'arranger pour vivre avec,
pour peu qu'il y ait un certain nombre d'ajustements de faits. Et on nous
propose des choses.
On nous dit, par exemple: Pourquoi n'inversez-vous pas le fardeau de la
démarche, ce que certains locataires demandent d'ailleurs, et ne
demandez-vous pas au propriétaire d'aller à la régie
présenter ses bilans?
M. Oulton: S'il le veut.
M. Tardif: S'il le veut, oui, sur une base libre et volontaire,
d'aller à la régie. Evidemment, je présume que cela
implique pour vous, cette façon de procéder, que les locataires
pourraient aller devant la régie faire valoir leur point de vue. S'ils
n'y vont pas et que la régie reçoit vos bilans financiers et dit:
Bien oui, cela nous semble raisonnable, envoyez cela, il y a une règle
élémentaire de droit qui n'a pas été
respectée qui consiste à entendre ce que l'autre partie a
à dire.
M. Themens: Mais je pense, M. le ministre, pour être
allé devant la Régie des loyers plusieurs fois, quand on est
à ce niveau et j'y suis allé autant comme locataire que
comme représentant de locateurs on n'a rien à dire. Je
pense que la représentation se fait si vous faites une demande pour
réduction de loyer, pour réduction de services, des voisins
bruyants, des bibites à six pattes. Mais quand vous arrivez au niveau de
l'admissibilité de dépenses, c'est fait par le service technique
de la régie. J'ai entendu plusieurs fois, sinon tout le temps, des
administrateurs qui remplissent la formule dire: L'augmentation c'est tant!
C'est décidé en arrière, et je pense que c'est ce qui se
passe souvent. Ce n'est pas pour vous dire que je n'aimerais pas voir des
locataires venir avec le propriétaire parce que, finalement, ces
chiffres, ils les ont puisque notre entreprise négocie avec eux. Mais ce
que je veux dire, c'est que c'est une façon pour moi d'introduire le
fait, qu'on soit là ou qu'on ne soit pas là, que ce ne sont pas
des représentations qu'on fait si on produit des documents. Il s'agit de
s'assurer que la régie a traité ces documents de façon
informatique ou mathématique, de la façon prévue par les
règlements, simplement.
M. Tardif: Donc, vous seriez d'accord pour une espèce
d'inversion du fardeau de la démarche, mais qui implique beaucoup plus
une espèce de consultation, plutôt qu'un jugement comme tel, des
services techniques de la régie qui, à la lumière de tout
cela, dirait: A l'intérieur de quel paramètre pourraient se
situer les augmentations? C'est cela?
M. Oulton: De la même façon qu'ils font ces travaux
après une plainte d'un locataire, mais le faire d'avance. Dans le
moment, nous négocions avec l'Association des résidents de
l'île et j'aimerais que quelqu'un de la régie assiste à ces
négociations et que quelqu'un des services techniques fasse les calculs
pour déterminer si ces chiffres...
M. Tardif: J'aimerais que vous me parliez de cette Association
des locataires de l'île des Soeurs.
Vous dites que vous avez négocié collectivement si
j'ai bien compris une augmentation avec cette association des locataires
de l'île?
M. Oulton: II faut définir le mot collectivement, je
pense. C'est une association des résidents qui sont au nombre, je pense,
de 600 à 700, sur un groupement de 3100. Chaque année, vers la
fin de l'année, on discute au fond toutes les dépenses de
l'année, les augmentations, les critères de renouvellement et la
politique de renouvellement pour l'année prochaine. Chaque année,
à partir de l'année 1973, nous avons eu l'approbation de
l'association. Cela venait d'une suggestion de Me Ouimet, de la régie,
qui était l'administrateur du premier quart de 1973. Ce que j'aimerais,
c'est que quelqu'un du service technique ou de la régie assiste et,
finalement, dise: Une augmentation de cet ordre est acceptable selon les
chiffres fournis.
M. Tardif: Cette association de 600 ou 700 locataires, sur les
quelque 3000, a évidemment un exécutif, des représentants
que vous rencontrez; vous leur présentez le bilan, ils négocient
avec eux. Vous leur demandez dix ils vous offrent huit, on s'entend à
neuf. Est-ce que cela se passe comme cela ou bien c'est quoi? Est-ce que c'est
vraiment une négociation?
M. Oulton: Oui, c'est une négociation, de façon
que, chaque année, je pense que je n'ai jamais eu ce que j'ai
demandé au commencement. Ils n'ont jamais eu ce qu'ils ont
demandé au commencement. C'est arrivé tout le temps à des
chiffres acceptables pour les deux parties. Ils ont leur comptable, ils ont des
membres qui sont comptables, des membres de l'association.
M. Tardif: Si je comprends bien je m'excuse de vous
interrompre, mais cela m'intéresse vous devez être en
pleine période de négociation, avec la période de
renouvellement des baux, non?
M. Oulton: Non, parce que cela commence, pour nos autres, au
commencement du mois de décembre.
M. Tardif: Est-ce que les avis sont déjà
envoyés aux locataires, à ce moment-là?
M. Oulton: II faut que les avis sortent au mois de janvier au
plus tard et, si on négocie quelque chose de bonne foi, cela prend
quelques semaines.
M. Tardif: D'accord.
M. Oulton: Mais chacun des locataires lésés a
toujours le droit d'aller à la régie malgré les
négociations.
M. Tardif: D'accord. Tantôt, quand vous parliez de pertes
appréciables pour les dernières années et pour
l'année en cours, est-ce en raison d'un taux de vacance
élevé dans vos logements?
M. Oulton: Non, le taux de vacance de l'année 1978
était le pire depuis le début du projet; c'est à peu
près, si je me rappelle bien 12%. Mais, pour les autres années
dont je parle, c'était de l'ordre de 6% ou 5,5%.
M. Tardif: Ce serait 350, 360 logements. M. Oulton:
Oui.
M. Tardif: Oui. Evidemment, vous avez
énuméré une série de facteurs qui sont
arrivés à peu près en même temps pour expliquer la
situation financière difficile. Vous dites: II y a eu la loi de 1973, il
y a eu la création du service d'évaluation de la
Communauté urbaine de Montréal qui est venue normaliser la
situation sur l'île et puis vous nous dites...
M. Oulton: Normaliser...
M. Tardif: Normaliser, oui enfin... c'est un terme neutre.
M. Oulton: C'est encore en appel, ce n'est pas
définitif.
M. Tardif: Bon, et il y a eu la création de la
Communauté urbaine, qui datait de quelques années
déjà, mais dont les coûts ont pris les proportions que l'on
sait. Mettre tout le blâme de cela, finalement, sur le contrôle des
loyers et dire: Evidemment, on ne peut pas faire les rattrapages qui nous
permettraient d'arriver, c'est peut-être pour le moins un petit peu
exagéré. Nous sommes à la veille d'une réforme sur
la fiscalité ou les surtaxes que vous avez évoquées dans
votre mémoire. Vous avez dit: On paie des surtaxes sur les immeubles de
$100 000 et plus pour la Communauté urbaine, et vous en payez pour le
scolaire. Evidemment, ceci pourrait amener un certain soulagement. Mais,
finalement, ce que vous demandez, ce n'est pas tellement des mesures fiscales
comme la possibilité de réviser le prix de base. C'est cela?
M. Oulton: En fonction du marché d'aujourd'hui.
M. Tardif: Bon. Il y a des groupes de locataires qui sont venus
ici. Eux aussi ont demandé que le prix de base puisse être
révisé par la régie, vous demandez une révision du
prix de base à la hausse, et eux demandaient une révision du prix
de base à la baisse.
M. Oulton: Je pense que notre demande tombe à
l'intérieur de la philosophie de la régie, c'est-à-dire
que quelqu'un qui a un investissement immobilier devrait avoir un retour sur
l'investissement.
M. Tardif: Oui, mais le problème, lorsque l'on se met
à réviser le prix de base, c'est quoi les critères qu'on
doit utiliser?
M. Oulton: Pour nous, c'est le loyer du marché.
M. Tardif: Donc, il n'y a plus de contrôle.
M. Oulton: Oui, il y a du contrôle. Je vais vous donner un
exemple. Peut-être ai-je mal compris, mais je pense que vous avez dit que
nos problèmes commençaient avec le contrôle des loyers,
mais ce n'est pas le début de nos problèmes. Le contrôle
des loyers n'est qu'une des contraintes; la contrainte la plus
sévère qui nous affecte serait le fait que le marché pour
les logements est demeuré à peu près au même niveau
pour les trois dernières années. C'est-à-dire que, quand
nous pouvons faire la preuve d'augmentations de dépenses de 8%, 10% ou
11% pour ces trois ans, je peux dire aussi que les loyers sur l'île n'ont
augmenté que de 5% dans ces trois ans. C'est une chose que nous avons
déterminée en fonction du marché existant à
Montréal. Cela est un autre genre de contrôle. Mais ce que je veux
dire, c'est que si nous sommes susceptibles de subir ce contrôle, du
moment que les choses changent et iront mieux à Montréal, nous
devrons avoir le pouvoir de récupérer ces années, parce
qu'à la façon dont la régie procède, en ne tenant
compte que de l'année antérieure, c'est impossible de
récupérer pour les trois dernières années.
Cette année, à l'île des Soeurs, il y a encore notre
propre politique à l'île qui est une contrainte d'une certaine
façon, c'est-à-dire que nous n'augmenterons jamais le loyer d'un
locataire plus que la demande du marché aujourd'hui. Qu'est-ce que
ça veut dire? Cela veut dire que, cette année, au mois de juin,
nous aurons 515 locataires qui vont renouveler leur bail et l'augmentation
totale en dollars, pour 515 unités, est de $320; il n'y a que huit
locataires sur les 515 qui vont avoir une augmentation de loyer, avec des
preuves justifiant des augmentations de plus de 8%. C'est là la
contrainte du marché. Mais dans votre projet de loi, vous ne voyez pas
du tout de manière de récupérer ce qu'on perd à
cause des autres contraintes, parce qu'on souffre de plusieurs contraintes dont
l'une est notre politique de ne pas augmenter les loyers.
Un autre exemple, l'an dernier, toutes les "maisons de ville" de
l'île ont changé de 50% d'évaluation; exactement 50% pour
260 "maisons de ville". En m'adressant à la Régie des loyers,
j'ai dit: Vraiment, cela représente une augmentation de loyer d'environ
25% pour chacune des "maisons de ville". On m'a dit: Allez le chercher, vous
allez l'avoir; si vous pouvez le prouver, vous allez l'avoir. C'est très
facile de le prouver, mais c'est impossible de l'avoir. Est-ce que les 260
locataires vont rester avec une augmentation de 25%? Ce qui, à la base,
est faux dans tout cela, c'est que la maison ou le logement vaut exactement ce
que quelqu'un est prêt à vous payer pour l'avoir, c'est tout,
indépendamment des...
M. Tardif: Dernière question et je laisse la parole au
député de D'Arcy McGee.
Si on a un taux de vacance variant entre 12% et 15%, est-ce que
ça ne pourrait pas être, en partie, parce qu'on est un peu
au-dessus du marché quant aux prix?
M. Oulton: Non, si le marché du même type de
bâtisses, partout à Montréal, a le même taux de
vacance, on ne peut pas dire ça. Cela veut dire le contraire, vraiment,
que vous suivez le marché.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Goldbloom: Merci, M. le Président. Mon collègue
de Verdun peut-être l'a-t-il dit avant de quitter la commission
pour se rendre en Chambre regrette beaucoup, notamment parce que vous
représentez un élément important de son comté, de
ne pas être en mesure, lui-même, de participer. (21 h 45)
J'ai lu votre mémoire avec intérêt, surtout parce
que je crois que le débat que nous, les députés, devrons
poursuivre en deuxième lecture et en commission parlementaire pour
l'étude du projet de loi devra porter sur la justesse de
l'équilibre entre locataires et locateurs. Dans votre mémoire,
certains commentaires que vous avez faits en répondant aux questions du
ministre jettent une lumière différente sur cette question
d'équilibre entre les deux parties de celle d'autres opinants. Je trouve
que c'est important que nous ayons le genre de contribution sobre, qui
découle d'une expérience vécue, que vous nous avez
offerte.
Je n'ai pas vraiment de questions à vous poser. Je vous suis
reconnaissant d'avoir mis en relief certains aspects du problème. Ce qui
m'a frappé dans votre mémoire, c'est l'allusion à la bonne
foi. Vous dites: II y a une certaine présomption de bonne foi; si cette
présomption est accordée à l'une des parties, il faudra,
en toute justice, accorder à l'autre partie une présomption
équivalente de bonne foi.
Il y a une certaine tendance je termine là-dessus, M. le
Président à voir une partie comme étant toujours
opprimée et l'autre partie comme étant toujours l'agresseur.
C'est la recherche de l'équilibre, de la justice entre les deux qui me
préoccupe plus que tout autre aspect de ce projet de loi.
Ce disant, je suis obligé je le regrette beaucoup
de m'excuser à mon tour, parce que je suis responsable d'un
mini-débat qui aura lieu en Chambre dans quelques instants et
peut-être même quelques minutes avant 22 heures, si un opinant
termine son intervention avant cela. Vous comprendrez donc, M. le
Président je m'en excuse encore une fois que je doive vous
quitter.
Le Président (M. Laplante): Merci. M. le
député de Saint-Hyacinthe.
M. Cordeau: Merci, M. le Président. Je voudrais tout
d'abord vous remercier pour votre participation à cette commission. Vous
nous avez fait
voir un autre aspect des problèmes que vous avez comme
propriétaires d'ensembles immobiliers, là où le prix de
location est plus élevé que la moyenne, chez ceux qui sont venus
à cette commission jusqu'à présent.
A quel facteur attribuez-vous un taux aussi élevé de
vacance, soit de 12%. Je crois que vous avez mentionné qu'auparavant, ce
taux était de 5% ou de 6%, c'est maintenant de 12%. Est-ce qu'il y a des
facteurs spécifiques que vous pouvez nous expliquer?
M. Oulton: Oui. Je peux dire que, d'après les chiffres
qu'on garde d'une année à l'autre, en 1976 et au cours des
années précédentes, nous avons perdu à peu
près 75 à 80 locataires sur l'île qui terminaient leurs
baux avec une pénalité de terminaison, parce qu'ils quittaient
Montréal pour aller travailler aux Etats-Unis ou n'importe où. En
1977, nous avons perdu 315 locataires. Cela représente une perte
additionnelle de près de 10%. En 1978, j'espérais que cela
redevienne normal, mais les chiffres étaient de 334 unités
où le locataire avait terminé son bail pour aller ailleurs.
J'espère qu'en 1979 cela va diminuer un peu.
M. Cordeau: Est-ce que la plupart de ces locataires qui ont
quitté sont partis pour s'en aller résider en Ontario?
M. Oulton: La plupart sont allés en Ontario.
M. Cordeau: Parce que des compagnies ont fermé leurs
bureaux de Montréal et ont déménagé.
M. Oulton: Si je peux faire une remarque subjective, la
première année, cela a été des pertes pour la
plupart des Anglais qui ne voulaient plus rester au Québec, mais, le
pire, cela a été la deuxième année, les
Canadiens-français et anglais ne voulaient pas quitter la province,
mais, à cause d'un changement d'emploi, leur compagnie étant
transférée, ils ont été forcés de quitter la
province parce qu'ils n'avaient pas d'emploi du même genre ou au
même niveau que ceux qu'ils avaient là-bas.
M. Cordeau: A votre avis, y a-t-il eu plusieurs constructions de
loyers semblables aux vôtres en 1978 à Montréal?
Est-ce qu'il y a eu des constructions de loyers semblables aux
vôtres à Montréal, en 1978?
M. Oulton: Non. Je me rappelle le chiffre que le ministre a
donné ce matin en parlant de l'année 1976 qui a été
la meilleure, mais je me demande si vous avez les chiffres en disant combien de
ces projets sont les "assisted rental program" ou les AA, parce que c'est ce
genre de projet qui nous a causé la plupart des problèmes quant
au taux de vacances à Montréal. Ce sont des projets avec des
subventions de loyers qui commencent avec un montant de $100 par mois qui ont
été construits entre 1974 et 1976. Finalement, on a mis fin au
projet parce que cela mettait trop d'unités de logement sur le
marché à des prix beaucoup plus bas que les autres qui avaient
été construits des années auparavant.
M. Cordeau: Vos loyers vacants, est-ce que ce sont vos loyers les
plus dispendieux? Dans quelle catégorie se situent-ils?
M. Oulton: Non, c'est un peu partout. Quand vous parlez des
loyers vacants aujourd'hui, le taux de vacances est à peu près de
170 unités, c'est-à-dire 5 1/2% ou quelque chose. Cela est
monté à 13% en 1978, mais cela commence à...
M. Cordeau: Actuellement, c'est rendu à 5%.
M. Oulton: Grâce à de très grands efforts,
très dispendieux, des loyers gratuits, des bénéfices aux
locataires pour les attirer...
M. Cordeau: Vous avez dû faire une grosse campagne de
publicité.
M. Oulton: Très, très grosse.
M. Tardif: Je m'excuse, juste en réponse à la
question de monsieur. J'ai en effet les chiffres pour ce que vous avez
appelé le programme AA de la Société centrale
d'hypothèques et de logement, en français le programme PAL.
M. Oulton: Et de l'autre, I'"assisted rental program", je ne
connais pas le nombre.
M. Tardif: C'est cela. Le PAL et le PAT... M. Oulton: Oui,
c'est cela.
M. Tardif: Dans les faits, au Québec, en 1976, il y a eu
10 226 unités de logement mises en chantier en vertu du programme PAL
contre 4 500 en Ontario. En 1977, cela a été 11 600 au
Québec et 18 000 en Ontario et, en 1978, il y a eu une baisse
significative au Québec, 4100 contre 15 000 en Ontario. C'est
peut-être dans un an ou deux qu'on aura là-bas les
problèmes que l'on connaît ici.
M. Oulton: Parce qu'on a annulé le projet en 1978, deux
ans trop tard, malheureusement.
Le Président (M. Laplante): II n'y a plus de questions. M.
le député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Vous nous avez dit que votre ensemble compte
maintenant 3100 logements environ. Vous avez encore dans vos plans des projets
de construction pour l'avenir. Est-ce que vous pourriez nous donner quelques
indications là-dessus?
M. Oulton: Pas dans un proche avenir, mais il est à
remarquer que l'île n'est qu'au tiers développée dans le
moment. Nos projets originaux étaient de 15 000 unités de
logements dans l'île. D'après
nos études de marché, dans le secteur des bâtisses
à location, des appartements et des maisons de ville, cela va prendre de
trois à cinq ans avant que ce secteur redevienne normal. Dans ce
délai, nous projetons de vendre des terrains dans l'île pour des
maisons unifamiliales, ce qui est une demande constante des locataires de
l'île, parce que les locataires de l'île, dont l'âge moyen
est de 36 ans, installent leurs familles et ils cherchent leur première
maison. Chaque année, nous perdons à peu près 120 à
150 familles pour cette raison. Dans les prochaines années, c'est dans
ce secteur que nous allons concentrer nos efforts.
M. Tardif: Vous nous avez donné une appréciation
dont vous avez dit vous-même qu'elle était subjective des facteurs
qui ont expliqué, à un moment donné, le taux
d'inoccupation. Là encore, je voudrais vous demander quelles sont vos
prévisions. Est-ce que vous considérez toujours subjectivement...
Pour ce genre de choses, on ne peut faire autrement que de refléter sa
pensée, quoi, qui est subjective. Vous avez parlé de
déplacement de population, de ce que d'autres appellent un exode.
Quelles sont vos prévisions, dans la mesure où vous pouvez
apprécier la situation, pour cette année, pour l'an prochain,
pour l'avenir?
M. Oulton: Le taux d'occupation?
M. Tardif: Oui, en fonction d'exode, d'absence d'exode ou du
retour des gens.
M. Oulton: J'espère que l'exode va se terminer d'ici
bientôt. Le retour est prévu pour d'ici 3 à 5 ans. Il y a
beaucoup de choses qui entrent en considération et c'est toujours
subjectif. Il y a la question du référendum; du moment que ce
sera décidé, que ce soit d'un côté ou de l'autre, ce
n'est pas important, cela apportera une amélioration des affaires dans
notre domaine à Montréal. De la même façon, ce sera
plus attrayant pour les investisseurs de retourner à Montréal.
Pour la construction à Montréal, cela va énormément
aider à régler le problème...
M. Tardif: Merci.
M. Oulton: ... pour les années qui viennent.
Le Président (M. Laplante): Pas d'autres questions?
M. le ministre et le mot de la fin.
M. Tardif: J'aimerais avoir, si possible, pas
nécessairement ce soir, plus de renseignements par écrit ou
autrement sur cette association de locataires et sur cette formule de
négociation. L'esprit du projet de loi no 107 en est un de moindre
intervention, n'en déplaise aux intervenants qui ont
défilé devant cette commission. On dit: Bon! Il y a un million de
logements locatifs au Québec; on ne croit pas que faire régler
par un organisme gouvernemental ce million de baux renouvelables annuellement
soit souhaitable. On pense qu'il y a place pour des ententes entre les parties
moyennant que les règles du jeu soient claires et connues de tous. C'est
la raison pour laquelle, d'ailleurs, la méthode de fixation, par
exemple, on a l'intention de la promulguer par règlement, et elle sera
connue. Il n'est pas question d'avoir quelque formule magique inconnue de tout
le monde.
Il nous semble qu'à l'instar de plusieurs groupes qui nous ont
souligné le cas de la Suède comme étant le prototype
je vous vois hocher la tête, mais certains groupes nous en ont
parlé de la situation idéale et cela tant du
côté du propriétaire que du côté du locataire
parce que, disent-ils, regardez, même les locataires, en Suède,
ont demandé l'abolition du contrôle des loyers. Evidemment, on n'a
pas toujours ajouté qu'un des facteurs ou une des raisons est qu'il y a
précisément en Suède de puissantes associations de
locataires qui négocient collectivement les baux. Ceci,
évidemment, modifie sensiblement le rapport de force, de même que
le fait qu'à peu près la moitié du stock de logements
locatifs appartient à des coopératives ou à l'Etat. Cela
aussi influence drôlement le reste du marché. (22 heures)
J'aimerais avoir des renseignements sur cette négociation
collective. Si vous connaissez d'autres cas qui se sont produits à
Montréal, dans la région et ailleurs au Canada, on pourrait
regarder ce genre d'expérience et voir dans quelle mesure l'existence
même de ce mécanisme pourrait réduire d'autant la
nécessité d'intervention d'un tiers comme arbitre. Je ne sais pas
si vous voyez un peu ce à quoi je...
M. Oulton: Vraiment, il n'est pas nécessaire qu'il y ait
un arbitre.
M. Tardif: Non, d'accord.
M. Oulton: Si c'est fait de bonne foi des deux
côtés, ça ne prendra pas d'arbitre pour les
négociations. Nous avons demandé je pense que
c'était l'an dernier que quelqu'un de la régie assiste
à nos rencontres avec l'association. L'association l'a aussi
demandé, mais on nous a expliqué que ça n'avait jamais
été fait et qu'on ne voulait pas donner une approbation à
ce que nous faisions. J'ai toujours vu, dans les lois, qu'au fond
c'était la base de la conciliation...
M. Tardif: C'est ça.
M. Oulton:... mais, en pratique, ça n'arrive pas comme
ça, ça crée une situation d'adversité.
M. Tardif: Oui, c'est un peu une des conséquences de notre
système d'approche judiciaire des problèmes, c'est-à-dire
qu'on a un système adverse où chacune des parties s'en remet
à un tiers pour arbitrer un litige ou un différend. Mais
j'aimerais, si vous avez de la documentation à nous envoyer sur cette
façon de procéder, la
recevoir. Je ne sais pas, M. le Président, si vous voulez mettre
un terme maintenant aux travaux de cette commission...
Le Président (M. Laplante): Seulement une courte
question.
M. Tardif: Nous avions dit au député de Verdun que
nous pourrions aller jusqu'à 22 h 10 pour lui permettre de couvrir la
Chambre aussi, s'il voulait lui-même...
M. Themens: M. le Président, j'aurais simplement une
question à poser au ministre.
Avez-vous procédé par avant-projet de
réglementation, comme ça a été fait dans le cas
d'autres lois, par exemple la loi 101 où un certain délai avait
été donné aux usagers, s'ils avaient des
représentations à faire? Est-ce que vous pensez procéder
ainsi?
M. Tardif: J'ai indiqué mon intention, plus tôt,
à l'occasion des travaux de cette commission, de déposer devant
la commission parlementaire, lors de l'étude article par article,
c'est-à-dire entre la deuxième lecture et la troisième
lecture, cette réglementation. Quant aux modalités d'adoption,
est-ce que ce sera après les délais de publication dans la
Gazette officielle? Ce n'est pas encore arrêté, mais il y aura
suffisamment de temps qui s'écoulera entre le moment où ces
règlements seront déposés devant la commission et
où ils entreront en vigueur pour que les principaux
intéressés puissent se manifester ou se faire entendre, d'une
façon ou de l'autre. Je ne m'engage pas à la tenue d'audiences
publiques comme telles, ce qui est un processus quand même assez long et
qui comporte des exigences. Cependant, c'est très nettement mon
intention d'obtenir, autant que possible, des avis sur ces
règlements.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Cordeau: Peut-être deux petites questions. Est-ce qu'il
y a des bâtisses du type condominium à l'île des Soeurs?
M. Oulton: Oui, il y a un projet dans le moment qui...
M. Cordeau: Actuellement, y a-t-il des logements qui ont
été vendus comme condominiums?
M. Oulton: Oui, il y a un projet de 164 unités qui est
arrivé sur le marché il y a quelques mois et je pense qu'environ
un quart de ces logements sont vendus.
Le Président (M. Laplante): C'est tout? Messieurs et
mesdames...
M. Tardif: Je m'excuse, M. le Président, je viens de
recevoir une note des gens de la régie qui me disent qu'ils n'ont jamais
entendu parler comme tel les deux vice-présidents de la
régie: Me Robert, vice-présidente et Claude Chapdelaine,
économiste d'une demande faite à la régie pour
désigner un conciliateur ou une personne qui pourrait assister... Est-ce
que ça a été formulé par écrit? Y a-t-il un
document qui a été envoyé ou cela a-t-il été
une demande faite à un administrateur lors d'une audition?
M. Oulton: Cette demande a été faite à Mme
Jocelyne Lacasse-Fontaine.
M. Tardif: II y a un document ou une lettre qui a
été envoyée à la régie pour demander
cela?
M. Oulton: Je pense... Mme Trotz: Une rencontre. M.
Tardif: Bon! Le Président (M. Laplante): ...
M. Tardif: II me reste à vous remercier, madame et
messieurs, de votre témoignage.
Le Président (M. Laplante): Merci. Avant d'ajourner les
travaux, je voudrais vous faire part des groupes qui seront entendus mardi: La
Confédération des syndicats nationaux, le no 1, Le Barreau du
Québec, le no 8, l'Association des propriétaires domiciliaires
italo-canadiens de Saint-Léonard, le no 30, Me Myriam Grassby, avocat,
no 31, l'Association des étudiants en résidence de
l'Université de Montréal, no 32, l'Association provinciale des
constructeurs d'habitations du Québec, no 4.
Les travaux sont ajournés jusqu'à mardi...
M. Tardif: L'Association des constructeurs...
Le Président (M. Laplante): L'Association provinciale des
constructeurs d'habitations du Québec Inc.
M. Cordeau: Est-ce que cela terminerait nos travaux?
Le Président (M. Laplante): Pas que je sache. Une Voix:
Est-ce que ce sont les derniers?
Le Président (M. Laplante): Cela terminera nos travaux
mardi soir.
Une Voix: Les six derniers mardi prochain.
Le Président (M. Laplante): Les travaux sont
ajournés jusqu'à mardi 10 heures.
Fin de la séance à 22 h 7