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Version finale

31e législature, 4e session
(6 mars 1979 au 18 juin 1980)

Le jeudi 15 mars 1979 - Vol. 21 N° 13

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Auditions concernant le projet de loi no 107 - Loi instituant la Régie du logement et modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives


Journal des débats

 

Présentation de mémoires sur le projet de loi no 107

(Dix heures neuf minutes)

Le Président (M. Laplante): A l'ordre, s'il vous plaît!

Reprise des travaux de la commission élue permanente des Affaires municipales pour l'étude du projet de loi no 107, Loi instituant la régie du logement et modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives, pour réception des mémoires des organismes.

Les membres de cette commission sont: M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Caron (Verdun), M. Cordeau (Saint-Hyacinthe), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Gratton (Gatineau) remplacé par M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce), M. Guay (Taschereau), M. Mercier (Berthier), M. Ouellette (Beauce-Nord), M. Roy (Beauce-Sud), M. Shaw ! (Pointe-Claire), M. Tardif (Crémazie).

Les intervenants sont: M. Alfred (Papineau), M. Charbonneau (Verchères), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Goldbloom (D'Arcy McGee), M. Lacoste (Sainte-Anne), M. Léonard (Laurentides-Labelle), M. Samson (Rouyn-Noranda), M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce) remplacé par M. Lavoie (Laval), M. Vaugeois (Trois-Rivières).

Est-ce que vous avez des changements dans l'ordre des organismes qui seront entendus aujourd'hui? Nous n'avons aucun changement.

Organismes convoqués: L'Union des municipalités du Québec, merci monsieur; l'Office municipal d'habitation de Montréal, merci monsieur; l'Association des propriétaires d'immeubles de la communauté urbaine de Montréal Inc., merci; Mme Léone P. Gagnon; l'Association des commerçants de maisons mobiles et terrains du Québec, merci monsieur; Structures métropolitaines du Canada Ltée, merci.

J'appelle tout de suite l'Union des municipalités du Québec. Monsieur, si vous voulez, vous identifierez votre groupement, vous-même et les personnes qui vous accompagnent. Autant que possible, on vous demande de synthétiser votre rapport en dedans de 20 minutes. On sera assez rigide sur l'heure aujourd'hui; vous aurez une heure par organisme.

Union des municipalités du Québec

M. Pageau: D'accord M. le Président. Mon nom est Marcel Pageau, je suis en compagnie de Me Nicole Lafond de l'Union des municipalités.

M. le Président, MM. les députés, l'Union des municipalités du Québec est heureuse de pouvoir vous exposer aujourd'hui ses vues sur le projet de loi 107. Loin de nous cependant l'idée d'une déclaration de guerre au gouvernement du fait de notre opposition au projet de loi, comme le titrait l'un des quotidiens de Montréal. Nous apprécions la perception de ce journaliste et lui savons gré d'avoir transmis notre position avec autant de vigueur, mais nous savons qu'il ne s'agit encore que d'un projet de loi et que les commentaires que vous suscitez par les débats en commission parlementaire peuvent favoriser le retrait du projet sinon son remaniement.

Notre mémoire se divise en huit arguments dont voici l'essentiel. Ce projet de loi contient une atteinte préjudiciable au droit de propriété tel que nous le conservons encore aujourd'hui au Québec, mais là est moins la pierre d'assise de notre mémoire, puisque les arguments suivants s'adressent plus particulièrement aux compétences municipales qui sont davantages visées.

Nous nous opposons à la création d'une nouvelle instance administrative de contrôle, la Régie du logement, peut-être pas en soi, mais au sens où elle exerce un droit d'examen sur des décisions qui, somme toute, sont des prérogatives municipales par tradition. Au moment où le gouvernement parle de remettre aux élus municipaux la totalité des pouvoirs que 70 ans de pouvoir gouvernemental centralisateur ont lentement éro-dés, ce même gouvernement crée un nouveau tribunal administratif qui, à l'instar de la Commission municipale, de la Commission de police, de la Commission des transports et de la kyrielle d'autres, vient intervenir dans le champ municipal. Les discours ministériels sur la décentralisation seraient-ils de la réthorique?

Le projet de loi vient aussi trancher dans le pouvoir de construire et de zoner, traditionnellement de compétence municipale, en y détachant trois fonctions: la démolition d'un logement, sa subdivision ou son changement de destination. Ces fonctions sont remises à la régie à moins que la municipalité n'adopte un règlement — mais nous nous opposons à sa rédaction même — pour sauvegarder ses prérogatives traditionnelles. Le mal ne serait pas si grand si tout s'arrêtait là, car les municipalités apprécient que le gouvernement dont elles relèvent leur donne de nouveaux pouvoirs, tel le contrôle sur la démolition des immeubles, mais là où le bât blesse, c'est que l'exercice d'un tel contrôle par les municipalités soit soumis à l'examen de cette régie comme si les municipalités ne connaissaient pas leurs affaires.

Nous avons parlé dans notre mémoire de la spirale des pouvoirs en révision de cette décision municipale d'accorder ou de refuser un permis. Je les mentionne brièvement: le conseil peut réviser sa première décision; tout intéressé peut en appeler à la régie; la décision de cette dernière est appelable devant la Cour provinciale. Pour un pauvre petit permis, que de dépense d'énergie humaine, sans compter le retard dans les mises en chantier, que ce soit pour un petit propriétaire ou pour un gros. Par ailleurs, l'Union des municipalités du Québec se demande pourquoi le gouvernement ne donne pas complètement aux municipalités ces pouvoirs additionnels sur le zonage et la construction, dont elles ont tant besoin pour contrôler l'espace urbain. Pour qu'il le fasse complètement, il faudrait qu'ils s'appliquent autant au résidentiel qu'au commercial et à l'industriel.

Le projet de loi 107 est fondé sur une trop courte vue de problèmes municipaux. Pour finir sur ce point, disons que le projet de loi 107 se veut d'intérêt humanitaire sous des dehors proprement municipaux. Le pouvoir nouvellement identifié est torturé doublement. Il y a non seulement un chevauchement entre les prérogatives municipales, zonage, construction, salubrité, bien-être des locataires et un objectif social, mais encore double emploi avec les rôles joués par la régie et les municipalités qui se prévaudront du règlement prévu. Il faudrait que les champs de compétence soient mieux définis. La discrétion administrative des lois à toujours fait appel à une certaine discrétion de la part des juges. (10 h 15)

Le projet de loi 107 plutôt que d'inviter ce tribunal à fonctionner dans le respect le plus strict de la justice naturelle, institutionnalise la discrétion administrative la plus pure et l'ultra petita et l'ultra vires, puisque les jugements sont rendus en fonction d'éléments de preuve non produits par les parties.

Evidemment, ce pouvoir discrétionnaire est enchâssé dans une disposition même du projet de loi tout à fait légal, selon la lettre de la loi, mais probablement pas moral dans l'esprit du principe de la légalité qui régit notre droit.

Si l'on examine ce pouvoir discrétionnaire remis aux autorités municipales, non seulement le conseil peut agir avec la bénédiction de l'autorité législative sous l'impulsion du moment, mais la régie elle-même, en appel de la décision de cet organisme, agira ainsi tout autant, personne ne s'en portant plus mal puisqu'on ne peut retracer — c'est devenu difficile — le cheminement juridique normatif des décisions de l'un ou de l'autre. Ce n'est pas davantage le pourvoi en Cour provinciale qui redressera ces convulsions. Comment le pourrait-elle?

Pour les juristes, avec un semblable système, il est impossible de voir se former un bagage fiable et normalisé de jurisprudence. Il s'ensuit que l'insécurité du justiciable ne peut que s'accroître. Dans cet ordre d'idées, l'Union des municipalités mentionne en passant que refuser au citoyen l'exercice d'un droit, c'est l'exproprier de façon déguisée sans indemnité. Le conseil municipal se voit attribuer tout l'odieux de cette circonstance, bien qu'il tente de rendre une décision opportune.

Le projet prétend donner aux municipalités un pouvoir réglementaire. Tout ce qu'il fait, c'est de codifier la discrétion administrative. Un vrai pouvoir réglementaire n'est pas discrétionnaire mais normatif.

Entorses aux traditions municipales: Ce projet de loi fait du conseil un tribunal alors que l'essence de son autorité était de réglementer des compétences qui lui étaient attribuées par sa charte ou par la loi.

Ce projet de loi invite le conseil lui-même à désobéir à ses propres normes. Pourquoi alors vivre dans le respect des lois et des règlements? Pourquoi tout un appareil punitif judiciaire si les autorités elles-mêmes sont au-dessus des lois même si la discrétion de ce faire leur est attribuée?

Gérance difficile des requêtes: Ce projet de loi pourrait donner accès à la corruption puisqu'en définitive, les jugements, à cause du pouvoir discrétionnaire, sont peu contrôlables.

Ce projet de loi invite l'administrateur à la paresse intellectuelle car il juge approximativement, sans avoir à comparer le cas d'espèce à des normes définies ou à tenir compte de précédents.

Ce projet de loi favorise les goulots d'étranglement administratifs. Rendre justice à l'intérieur d'un cadre peut aller rapidement quand les normes sont prédéterminées. Ce qu'on peut vraisemblablement prévoir, c'est un embouteillage au niveau des appels en tout cas.

Marché de la construction. L'Union des municipalités du Québec laisse aux constructeurs et aux rénovateurs le soin d'exposer les risques que ce projet de loi encourage. Cependant, l'union note que ce projet de loi aura un effet dépressif sur le marché des logements, sans compter la réduction des activités économiques des communautés locales en général.

M. le Président, MM. les députés, nous avons repris l'essentiel de notre mémoire et nous demandons le retrait de ce projet de loi, tel qu'il est conçu. Nous faisons cette suggestion: Accorder plutôt aux municipalités, par un amendement à la Loi des cités et villes et au Code municipal, un véritable pouvoir, non partagé, de contrôler les démolitions en général sur leur territoire. Les élus municipaux sont de bonne foi et sauront s'en servir adéquatement.

Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le ministre.

M. Tardif: M. le Président, je remercie évidemment l'Union des municipalités pour sa présence, ici, ce matin et pour l'éclairage qu'elle pourra nous apporter au cours de la période de questions, si on met de côté le document qui, je pense, est un peu bâti sur une méprise. Je comprendrais l'indignation de l'Union des municipalités si, par le projet de loi 107, le législateur lui avait enlevé des pouvoirs, lui avait enlevé une compétence qu'elle avait pour dire: Maintenant ce sera exercé par un office gouvernemental, une commission, une régie. Mais ce n'est pas le cas, M. le Président; jusqu'à maintenant, les municipalités n'avaient pas le pouvoir de contrôler les démolitions sur leur territoire. N'est-ce pas exact, M. Pageau? Les municipalités n'avaient pas le pouvoir d'empêcher les subdivisions de logements. N'est-ce pas exact, M. Pageau?

M. Pageau: Elles pouvaient l'empêcher dans le cas où ça ne correspondait pas au règlement de zonage ou au règlement de construction, parce que chaque municipalité comme telle a un règlement de construction. C'est bien défini que, si vous avez, dans un arrondissement donné, la permission de faire une maison de deux loge-

merits, vous n'avez pas le droit d'en faire une de quatre logements à mi-chemin.

M. Tardif: Oui, d'accord. Mais je parle de la subdivision d'un logement de sept pièces, où on décidera de faire des deux et trois pièces. Si c'est conforme aux normes de construction ou au zonage résidentiel, vous ne pouvez interdire ce genre d'opération.

M. Pageau: C'est juste.

M. Tardif: Et vous n'avez pas non plus le pouvoir d'empêcher, à l'intérieur évidemment des règlements de zonage, les changements d'affectation de l'immeuble, pourvu que ce soit à l'intérieur du règlement de zonage. C'est cela?

M. Pageau: Oui.

M. Tardif: Donc, ce que la loi no 107 vous donne, c'est un nouveau pouvoir que vous n'avez pas. C'est exact?

M. Pageau: En partie.

M. Tardif: Bien, en partie, elle vous le donne ou elle ne vous le donne pas?

Mme Lafond: On peut dire que oui, effectivement, le pouvoir est donné. Sauf qu'on fait la réserve que les municipalités le veulent totalement.

M. Tardif: Bon, très bien, je vais y arriver, mais je voudrais juste dire que c'est de cette façon que j'ai compris le mémoire. Si ce n'est pas cela j'aimerais que M. Pageau corrige cette impression. Beaucoup de phrases dans le mémoire disent que c'est une immixtion dans les affaires locales, municipales, puis que cela va à l'encontre de la politique gouvernementale de la décentralisation, alors que, précisément, résistant aux demandes de beaucoup de gens qui sont venus devant cette commission qui ont dit: On ne fait pas confiance aux municipalités pour contrôler les démolitions, elles ont partie liée avec les promoteurs, les bâtisseurs, les développeurs, malgré ces représentations, dis-je, le gouvernement a dit: Bien, d'accord, nous on pense que cela devrait être sur le plan local.

Donc, c'est quand même assez différent comme optique. On n'enlève pas des pouvoirs aux municipalités, on leur en donne, qu'elles n'avaient pas avant. Là, vous dites qu'on n'en donne pas tout à fait assez. Là-dessus, j'aimerais entendre vos représentations. C'est pour cela que j'aurais plutôt tendance à mettre de côté le document, puis peut-être qu'on engage une conversation maintenant. Ou on laisse de côté un peu, disons, le formalisme de certaines... Enfin, quand on dit que le projet de loi peut entraîner la corruption, la paresse intellectuelle, des goulots d'étranglement administratifs, avoir un effet dépressif sur le marché, ce sont toutes des choses qui ne sont pas prouvées et qui restent à prouver évidemment. C'est pour cela que je préférerais laisser cela de côté et vous dire: M. le maire, premièrement, pensez-vous qu'il doit exister un contrôle des démolitions? Deuxièmement: Par qui et comment devrait-il être exercé?

Là-dessus j'aimerais cela entendre vos opinions.

M. Pageau: L'Union des municipalités, M. le ministre, s'oppose au fait qu'il y ait une Régie des démolitions, une autre régie, une autre autorité.

Les villes pourraient avoir cette juridiction au lieu de renvoyer la balle à la régie, avoir une enquête et tout un paquet de paperasse. Vous savez comment cela prend de temps quand on fait affaires avec une grosse machine.

M. Tardif: On va commencer sur des données aussi fondamentales que l'Union des municipalités croit-elle ou ne croit-elle pas qu'il devrait y avoir un contrôle des démolitions?

M. Pageau: Oui, il devrait y avoir un contrôle des démolitions.

M. Tardif: Très bien. Deuxièmement: Qui devrait exercer ce contrôle?

M. Pageau: Les municipalités.

M. Tardif: Les municipalités. Troisième question: A défaut pour les municipalités de l'exercer, pensez-vous que quelqu'un pourrait l'exercer? A défaut par elles de le faire, si elles ne le font pas, en d'autres termes.

M. Pageau: A défaut, si elles ne le font pas, oui.

M. Tardif: Bon. Alors, le projet de loi 107 dit quoi? Le projet de loi 107 dit: La régie pourra contrôler les démolitions, sauf si une municipalité a, en vertu des articles 102 et 103, selon qu'il s'agit d'une municipalité de cité ou ville d'après le Code municipal, adopté un règlement. D'accord? Cela veut dire que, dès qu'une municipalité adopte un règlement pour son territoire, c'est elle qui contrôle les démolitions. Vous êtes d'accord là-dessus? Ce que la loi 107 dit...

M. Pageau: Sauf les systèmes d'appel. M. Tardif: Oui, on va arriver à l'appel.

M. Pageau: II y a les systèmes d'appel, là aussi.

M. Tardif: On ne sautera pas les étapes; on en était aux données fondamentales: Doit-il y avoir ou pas un contrôle des démolitions? On dit: Oui, il devrait y en avoir un; oui, cela devrait rester sur le plan local. Je vous dis: La loi 107 permet de faire cela, elle permet à la municipalité d'adopter un règlement. Lorsqu'elle l'a fait, c'est elle qui est

compétente et non pas la régie. A défaut pour la municipalité d'adopter un tel règlement, c'est la régie qui entend les cas. C'est exactement le cheminement qui avait été suivi avec des normes minimales d'urbanisme, vous vous en souviendrez, alors que le monde municipal avait dit: Laissez-nous donc le pouvoir d'adopter de telles normes. Si on ne le fait pas, vous agirez à notre place.

Là, on arrive sur la question plus délicate, j'en conviens, de l'appel. Jusque-là, la municipalité joue le premier rôle et c'est uniquement si elle ne le fait pas que l'Etat pourra intervenir. La question de l'appel. Evidemment, si le conseil décide, en première instance, des cas de démolition et qu'on doive prévoir un appel quelque part, je vous pose la question, M. le maire: Qui, au-dessus du conseil ou à côté, ou de façon indépendante, pour respecter le principe d'une certaine neutralité, pourrait faire office d'instance d'appel? Avez-vous des suggestions à me faire?

M. Pageau: Cela peut être la commission municipale comme telle. Pourquoi créer un autre palier? C'est pourquoi on demande pourquoi il y aurait un autre palier, un tribunal ordinaire plutôt que d'avoir une régie.

M. Tardif: Bien non, la régie est là de toute façon, M. le maire. On ne la crée pas.

M. Pageau: Pas encore.

M. Tardif: Bien, c'est-à-dire, la commission est là; elle change de nom. Il ne faut pas dire que ce n'est pas...

M. Pageau: ...

M. Tardif: On ne crée pas un nouvel organisme. Un organisme est là, il existe, il s'appelle la Commission des loyers, ou la régie, présentement. Ce n'est pas quelque chose que la loi 107 va inventer, de toutes pièces, et qui a une compétence en matière de logement. Entre nous, sur ce plan, du point de vue des municipalités, strictement, avoir comme instance d'appel la commission municipale ou la Régie des loyers, c'est peut-être même plus décentralisateur que d'avoir la Régie des loyers puisqu'elle siège dans au-delà de 47 municipalités et elle a des bureaux un peu partout, au Québec; tandis que la commission municipale, bien, il n'y en a qu'une, son siège social est ici; elle peut évidemment se déplacer. Mais on est d'accord; on dit: II en faut une. Vous dites: Cela devrait être... Mine La fond: Alors, pour répondre à la question, on pourrait dire qu'on s'en remet aux tribunaux, au système judiciaire que l'on connaît, par l'intermédiaire de notre Code de procédure que l'on connaît, soit l'article 33 ou les autres articles en évocation, mais par contre, une facette importante du mémoire, c'est tout ce qui concerne la discrétion administrative. On demande un droit, un pouvoir normatif, un poids réglementaire nor- mal qui fasse en sorte qu'il n'y ait pas de système discrétionnaire et que si des normes sont enfreintes par l'agent qui émet le permis, que les gens passent par le système judiciaire traditionnel.

M. Tardif: C'est une tout autre question, Me Lafond.

C'est une tout autre question que vous soulevez là, on en était sur l'appel. Vous me parlez du fait que la décision de démolir ou non pourrait être prise à la lumière de critères qui ne seraient pas clairement définis dans un texte de loi et qui pourrait amener un tribunal, un organisme, à statuer à partir de critères d'opportunité, plutôt que de lire le droit et d'appliquer une règle de droit. J'en conviens, c'est un fait, c'est voulu ainsi. (10 h 30)

La décision de démolir ou non sera toujours un acte politique, une décision qu'un conseil devra prendre quant à l'opportunité de faire une chose ou non. Je ne pense pas qu'on réussira jamais, si vous avez des suggestions à me faire de ce côté, à libeller dans un texte à quel moment précis on pourra, en raison du fait que telle corniche n'est pas conforme, démolir ou non un immeuble. Cela m'apparaît impossible à faire.

Donc, c'est vrai qu'on va statuer sur des questions d'opportunité mais cela, c'est une question différente de l'appel. J'aimerais là-dessus revenir à M. Pageau et qu'on ne se perde pas dans ces dédales juridiques; c'est de la plomberie qu'il faut évidemment mettre en oeuvre pour parvenir à des fins mais les fins sont de contrôler les démolitions, le faire avec le minimum de problèmes pour les municipalités et avec le maximum d'autonomie locale, j'en conviens.

A part une commission gouvernementale, est-ce que vous voyez d'autres mécanismes possibles, à supposer qu'on veuille prévoir deux paliers sur la scène locale? Je vais vous donner un exemple: Est-ce qu'il serait concevable qu'une commission du conseil — je vous pose la question comme maire aussi — formée de citoyens ou non, statue sur la question et que le conseil siège en appel de ses décisions? Est-ce que c'est aussi concevable?

M. Pageau: Cela peut être concevable parce que chaque conseil a une commission d'urbanisme avec des citoyens qui siègent à l'intérieur de cela; alors, cela peut être la première instance; après cela, que le conseil municipal complète cette chose-là. Cela peut être concevable; j'abonde dans le sens que vous dites dans le moment. Normalement, les municipalités font siéger des gens en dehors du conseil municipal aux commissions d'urbanisme qui font respecter la loi comme telle. De plus en plus, il y a moins d'élus, ce sont des gens nommés dans le milieu pour discuter de ces choses.

M. Tardif: Serait-il possible, M. le maire, que l'UMQ essaie de me faire des suggestions ou les faire à cette commission, à un moment donné, sur des mécanismes possibles?

M. Pageau: J'en prends note, M. le ministre. Je sais qu'on veut avoir un mécanisme qui ne soit pas trop lourd, qui ne soit pas coûteux pour le contribuable; c'est cela qu'on veut avoir au juste.

M. Tardif: D'accord.

M. Pageau: On ne veut pas que le type se ramasse avec une pléiade de procédures pour ne plus en finir avec cette chose et que la ville aussi ne soit pas appelée à entériner des dépenses excessives là-dedans.

M. Tardif: Je vais laisser à d'autres le soin et la chance de poser des questions, quoiqu'en conclusion j'aimerais peut-être revenir sur des plaintes entendues de la part de propriétaires de terrains de maisons mobiles et de la part de locataires de tels terrains qui prétendent que les municipalités les enferment un peu dans des ghettos, les ignorent, les négligent, etc.; j'aimerais entendre vos commentaires sur cet aspect du problème des parcs de maisons mobiles. Merci.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Merci, M. le Président.

Si je parle moitié au ministre et moitié à vous, M. Pageau, c'est parce que le ministre, ce matin, est vitaminisé, il est très intéressant, il y a des points qu'il a soulevés pendant sa période de questions avec vous qui, je pense, doivent être élaborés un peu. Je veux surtout parler de cette question du droit des municipalités sur la décentralisation. Vous avez suggéré, M. le ministre, que certaines personnes sont venues ici avec la suggestion que les municipalités ne sont pas capables de gérer leurs propres affaires. J'avais l'impression que vous étiez un peu d'accord. Ce n'est pas moi qui l'ai dit, mais, en effet, vous avez laissé tomber cette idée. Je pense que...

M. Tardif: Un instant, voulez-vous répéter ce que vous dites, monsieur? Que j'étais d'accord avec quoi?

M. Scowen: Vous avez suggéré, ce matin, que les municipalités ne sont pas capables de diriger leurs affaires.

M. Tardif: C'est archi-faux, je n'ai jamais dit cela.

M. Scowen: Ah! J'avais l'impression que...

M. Tardif: Peut-être votre compréhension de la langue française n'est pas ce qu'elle devrait être. Je n'ai jamais rien prétendu de tel. Au contraire, le projet de loi 107...

M. Scowen: Vous avez dit...

M. Tardif: ... reconnaît aux municipalités ce contrôle.

M. Scowen: Vous avez suggéré, je pense...

M. Tardif: Des gens sont venus, hier, devant cette commission — ce n'est pas moi qui l'ai dit, ce sont ces gens — qui ont dit: II ne faut pas se fier aux municipalités. Le dernier groupe que l'on a entendu, le groupe des locataires de Québec, a dit: II ne faut pas faire confiance aux municipalités. Vous étiez là, à ce moment...

M. Scowen: Vous êtes d'accord avec cette idée ou non?

M. Tardif: Absolument pas, je ne suis pas d'accord.

M. Scowen: Bon, parfait. Alors, si vous n'êtes pas d'accord, il me semble que l'idée de décentralisation envers les municipalités est bonne.

M. Tardif: Excellente. C'est pour cela que c'est dans la loi aussi.

M. Scowen: Parfait. Mais je suis rendu au moment où vous avez dit: Quoi faire à défaut, si elles ne le font pas? Alors, pour moi, le droit de fatre quelque chose implique le droit de le faire mal ou de ne pas le faire du tout. Ceci est en effet le problème qu'on a vécu au Canada, depuis 100 ans. Un gouvernement fédéral voyait un droit du gouvernement provincial et disait: Vous avez le droit, si vous le faites. Mais si vous ne le faites pas ou si vous ne le faites pas bien, à défaut, nous allons le faire. Ce manque de respect pour les juridictions des autres organismes du gouvernement a causé, d'après moi, une grande partie des problèmes qui existent au plan constitutionnel. Je crois que le manque de respect du droit d'une municipalité de faire mal tout ce qu'elle a le droit de faire, ou de ne pas faire ce qu'elle a le droit de faire, cette attitude de patron, de père envers ces organismes gouvernementaux a causé énormément de problèmes. On le voit dans l'attitude des municipalités aujourd'hui.

M. Tardif: C'est une question que vous me posez ou si c'est un discours que vous faites?

M. Scowen: Je fais à peu près la même chose qu'a faite le ministre ce matin.

M. Tardif: D'accord.

M. Scowen: J'essaie, à chaque mémoire, de suivre l'ambiance qu'il crée.

M. Tardif: D'accord.

M. Scowen: Pour les mémoires auxquels vous posez des questions, je pose des questions.

M. Tardif: D'accord.

M. Scowen: Quand vous faites des discours politiques, j'essaie de vous suivre comme maître.

Cette fois c'est très clair que c'est un mémoire politique.

M. Tardif: C'est vrai que c'en est un.

M. Scowen: Alors, je vous suggère que si vous respectez vraiment les municipalités vous devez respecter leur droit de faire mal des choses de temps en temps ou de prendre la décision de ne pas les faire du tout. Parce que c'est cela qui est impliqué dans un droit.

M. Tardif: Je peux vous poser une question, M. Scowen? A mon tour, je peux vous en poser une?

M. Scowen: Oui, oui.

M. Tardif: Etes-vous pour ou contre le contrôle des démolitions?

M. Scowen: Je pense...

M. Tardif: Le front commun des locataires de Notre-Dame-de-Grâce n'est pas ici, M. Blisma n'est pas ici...

M. Scowen: J'ai suivi cette ligne de pensée.

M. Tardif: Vous êtes favorable au contrôle des démolitions, je pense?

M. Scowen: Oui.

M. Tardif: Cela m'apparaît normal. Très bien. Je reviens à la question. La loi 107 permet aux municipalités de faire un règlement. On ne les oblige pas. La loi ne les oblige pas à faire un tel règlement, elle le leur permet. Si elles en font un, très bien. Si elles n'en font pas, qu'est-ce qui se passe?

M. Scowen: II n'y en aura pas.

M. Tardif: II n'y en aura pas. Donc on démolira allègrement. Vous êtes prêt à défendre cela devant le front commun des locataires de Notre-Dame-de-Grâce?

M. Scowen: On va respecter le droit des municipalités de décider. C'est tout!

Le Président (M. Laplante): II ne faudrait pas oublier qu'il y a des invités ici.

M. Scowen: Tout ce que je vous disais, c'est que cette ligne de pensée que vous suivez avec moi, c'est exactement la même que vous avez suivie avec M. Pageau. Je l'ai bien suivie jusqu'au moment où vous avez dit: A défaut... Je veux simplement le souligner.

Le Président (M. Laplante): II ne faudrait pas oublier qu'on a des gens en avant qui ont un mémoire et qui doivent être questionnés. Cela fait un bon moment que vous vous parlez l'un à l'autre. S'il vous plaît!

M. Scowen: Je vais terminer en vous disant simplement qu'il ne va pas de soi, comme la nuit suit le jour, que si une municipalité ne fait pas quelque chose d'une façon convenable pour le gouvernement provincial, le gouvernement provincial doit intervenir chaque fois. C'est cette ligne de pensée que vous avez suivie ce matin, avec laquelle je suis complètement en désaccord.

M. Caron: M. le Président...

Le Président (M. Laplante): M. le député de Verdun, je voudrais respecter la rotation avec le député de Saint-Hyacinthe et je reviendrai ensuite. D'accord?

M. Cordeau: Merci, M. le Président.

M. Tardif: On a deux experts municipaux ici, ce matin.

M. Caron: Ce sont les conseillers qui contrôlent, ce n'est pas moi.

M. Cordeau: Je veux revenir à la question du droit d'appel dont on a discuté un peu tantôt, parce que je crois que, dans les commissions d'urbanisme — je crois que c'est comme cela dans toutes les municipalités — le nombre de citoyens est plus fort que le nombre de conseillers sur une commission d'urbanisme. Vous êtes d'accord avec cela. Bon!

M. Pageau: Oui. Il y a même des commissions d'urbanisme qui n'ont pas de conseillers comme tels pour exempter le plus possible la politique à l'intérieur de cela.

M. Cordeau: Bon!

M. Pageau: Pour prendre des décisions...

M. Cordeau: Ensuite, je crois que...

M. Pageau: Comme le dit M. Guay, la chambre de commerce est exclue de cela.

M. Cordeau: La commission d'urbanisme doit faire parvenir au conseil des décisions prises et ensuite le conseil les entérine ou les refuse. Par contre, à ce moment-là, pour qu'il y ait refus ou acceptation, ce doit être une décision publique qui peut aller jusque devant le conseil et devant le public.

M. Pageau: Cela vient devant le conseil. Les procès-verbaux des commissions d'urbanisme sont soumis au conseil pour approbation.

M. Cordeau: C'est ça! Alors, ça devient public. Je crois que le citoyen serait bien protégé si la commission d'urbanisme se prononce concernant

les démolitions et, ensuite, si la décision est entérinée par le conseil comme appel.

M. Pageau: M. le député, anciennement on n'avait pas ce pouvoir d'exiger des démolitions, etc. Le seul pouvoir qu'on avait dans les cas de démolition était quand un édifice avait un certain pourcentage de détruit par un incendie ou ainsi de suite. C'est un pouvoir qui nous est donné aujourd'hui, mais on veut l'exercer tout seuls.

M. Cordeau: C'est cela!

M. Pageau: C'est le principal argument de l'Union des municipalités.

M. Cordeau: Que j'endosse tout à fait aussi.

M. Pageau: Si on peut endosser le zonage, si on est capable de voir à la construction dans les limites de nos municipalités, je crois qu'on est aussi capable de voir à la démolition et qu'elle se fasse d'une manière acceptable pour la population que nous représentons.

M. Cordeau: II peut y avoir un contrôle, car le citoyen doit demander un permis de démolition à la ville.

M. Pageau: Oui.

M. Cordeau: II y a contrôle indirect en partant parce que le gars ne peut pas démolir sans permis.

M. Pageau: Cela prend un permis de démolition.

M. Cordeau: Cela prend un permis de démolition. On a parlé aussi, tantôt, de transformations de logis. Je crois que, là aussi, si la désignation est changée, soit d'un magasin qu'un type veut transformer en immeuble à logements, etc. Il doit encore faire appel à la Commission d'urbanisme. Est-ce que...

M. Pageau: Toute modification doit faire appel à la Commission d'urbanisme.

M. Cordeau: A ce moment, c'est encore le même mécanisme.

M. Pageau: Le même processus.

M. Cordeau: Croyez-vous que le citoyen est protégé? Les droits du citoyen sont-ils protégés par l'administration municipale?

M. Pageau: Le citoyen va devant la Commission d'urbanisme pour expliquer son cas. Le cas est discuté et il y a un rapport qui est fait d'après le procès-verbal, au conseil, et le procès-verbal est entériné par le conseil où tel article est accepté ou rejeté, si le conseil municipal veut avoir des explications supplémentaires, il rencontre la Com- mission d'urbanisme et, ensemble, les deux organismes discutent du cas.

M. Cordeau: D'après ce que vous nous dites, il y a encore là un contrôle par les municipalités concernant les transformations, les démolitions et ça protège les citoyens en général.

Aussi, à la page 4 de votre mémoire, vous mentionnez, au quatrième paragraphe: "L'Union des municipalités du Québec mentionne, en passant, que refuser au citoyen l'exercice d'un droit, c'est l'exproprier de façon déguisée, sans indemnité". Voulez-vous développer un peu ce sujet?

Le Président (M. Laplante): Je vais demander à Me Lafond de répondre.

Mme Lafond: Avant de répondre à cette question, j'aimerais dire qu'un changement de destination d'un logement est aussi un attribut du zonage. Les droits acquis, qui ont été étudiés depuis plusieurs années, font en sorte que, quand un usage d'un immeuble ou d'un sol est prévu dans le règlement de zonage et qu'il est changé, évidemment, c'est une infraction au règlement de zonage et il peut être interdit, en vertu de la Loi des cités et villes ou des chartes qui en font partie. Alors, déjà le changement de destination, qui est proposé dans le projet de loi 107, est une forme de chevauchement avec un exercice de compétence qui est déjà donné aux municipalités. Alors, il y aurait déjà un appel sur des droits qui sont effectivement exercés, qui sont actuellement exercés par des municipalités. Ce que la loi fait, c'est qu'elle stigmatise un édifice qui est le logement, plutôt que de parler de l'immeuble en général, comme notre droit civil ou notre droit municipal en parlent. (10 h 45)

En ce qui concerne la question que vous venez de poser, je crois qu'il faut faire la réserve suivante. C'est au titre 4: "Institutionnalisation de la discrétion administrative". La raison pour laquelle l'union a fait des remarques sur ce point de droit, c'est qu'il y a énormément de conditions qui doivent être étudiées avant l'émission d'un permis. Ces conditions sont multiples, elles traitent à la fois de bien-être du locataire et de conditions strictes, physiques, d'édifices ou de constructions.

Alors, il y a une imbrication très complète. On se demande sur quel véritable motif une décision du conseil ou d'une régie ou d'une cour provinciale peut se fonder s'il y a un éventail immense de conditions qui peuvent être examinées avant que le permis soit émis ou non.

Alors, c'est pour cette raison qu'on en arrive à une déduction qui est logique. Disons qu'elle n'est peut-être pas en fait véritable mais on peut penser cela. C'est que, si on refuse pour une mauvaise raison ou si on refuse pour une raison qui n'est pas applicable au cas, l'émission du permis, ou on le lui attribue pour une raison autre, cela veut dire qu'on lui enlève son droit, on lui refuse son droit. Si on ne peut pas exercer un droit puis qu'on ne le compense pas — c'est notre système juridique —

cela s'appelle dans notre système, dans la jurisprudence une expropriation déguisée, sans indemnité. On fait comme si on expropriait la personne, mais on ne lui paie pas une indemnité.

M. Cordeau: Oui, j'ai une autre observation. Tantôt, M. le ministre, vous avez mentionné qu'un groupe de Québec a dit qu'il n'avait pas confiance aux municipalités. Il faut dire aussi qu'ils ont dit qu'ils n'avaient pas confiance au gouvernement actuel, parce qu'ils disaient que c'était le statu quo.

Alors, il ne faut pas prendre ces affirmations tout à fait pour l'évangile.

M. Tardif: Puis-je corriger ce que vous avez dit? C'est vrai, mais ils ont ajouté: A n'importe quel gouvernement, puis à l'entreprise privée, etc. On a affaire à des groupes extrêmes, n'est-ce pas?

M. Cordeau: Oui, oui, c'est pour cela que...

M. Tardif: Alors, peu importe le gouvernement...

M. Cordeau: Oui, tout à fait d'accord avec vous.

M. Tardif: C'est exact. M. Cordeau: Oui, oui.

M. Tardif: Ils ont confiance en eux, point, c'est tout.

M. Cordeau: Oui, ils refusaient même le droit à la propriété.

Le Président (M. Laplante): Le député de Taschereau.

M. Tardif: Voyez-vous cela.

M. Guay: M. le Président, je suis fort heureux de voir notre excellent ami, M. Pageau, ici ce matin, parce qu'il est non seulement représentant de l'Union des municipalités, mais il est peut-être surtout président de la Communauté urbaine de Québec. C'est donc, pour nous tous de la région de Québec, un interlocuteur de premier plan. Je voudrais, si vous le permettez, reprendre un peu la démarche de votre mémoire, parce que j'avoue que je la trouve un peu curieuse. Vous commencez par dire, dans l'argumentation: Le droit de propriété est affecté. Vous dites même que cela va constituer une atteinte importante au droit de propriété de tous et une brimade à la liberté des propriétaires d'immeubles, gros comme petits.

Dois-je comprendre, de cette argumentation, que vous vous opposez à toute restriction du droit absolu de propriété, ce qui inclurait le droit de détruire la propriété ou de la laisser aller à l'abandon?

Mme Lafond: Alors, c'est sûr qu'on a pris la loi, quand on l'a étudiée, dans tous ses aspects pour commencer comme cela. On tient compte à la fois des pouvoirs qui sont attribués, la manière dont les pouvoirs sont attribués dans le projet de loi no 107 et des conclusions qui s'ensuivent.

Or, c'est pour cela qu'on dit qu'il y a une brimade, quand on dit: Nul ne peut sans permis ou nul ne peut sans autorisation, en ce qui concerne les immeubles, les ensembles immobiliers de douze logements et plus. Il faut regarder cela, je veux dire...

M. Guay: Vous êtes d'accord, à supposer qu'on utilise même le terme "brimade".

Mme Lafond: C'est un mot.

M. Guay: Oui, c'est le mot que vous utilisez. Est-ce que, quant au principe de la chose — je ne parle pas quant aux modalités — vous êtes d'accord avec ce que vous appelez une brimade au droit de propriété, en ce qui a trait aux démolitions, subdivisions, changements de destination?

Mme Lafond: Je ne veux pas scinder ma réponse en deux, dans le sens que je suis d'accord. Si vous dites que vous attribuez de nouveaux pouvoirs à la municipalité, s'est-à-dire des pouvoirs qui n'existaient pas, vous lui accordez le pouvoir de contrôler les démolitions, bravo! On le prend. Mais, disons que...

M. Guay: Tout en étant conscient que cela constitue une brimade.

Mme Lafond: Zoner, c'est déjà une brimade. Si je ne peux pas...

M. Guay: De la façon dont c'est présenté, on dirait que l'Union des municipalités s'oppose à la brimade que subiraient les pauvres propriétaires d'immeubles alors que là, vous me dites que, de toute façon, il en existe déjà.

Mme Lafond: On analyse le projet de loi 107 en entier.

M. Guay: II y a une façon de présenter l'argumentation. Votre premier principe est que le droit de propriété est affecté. C'est une brimade pour les propriétaires. Est-ce que je comprends que c'est une brimade avec laquelle vous êtes quand même d'accord, sous réserve des modalités?

Mme Lafond: C'est une brimade... Si on regarde le droit municipal, le zonage est une brimade. Si je ne peux pas construire ma discothèque à côté d'un hôpital, c'est une brimade. Si je peux la mettre dans un espace qui est prévu pour cela, évidemment, c'est une brimade, mais améliorée, où il y a des compensations.

M. Guay: Soyons bien clairs.

M. Scowen: Est-ce que vous pensez que vous devez permettre au gouvernement de faire le procès des personnes qui présentent les mémoires ici?

M. Guay: Quel procès? M. le Président, j'essaie de clarifier...

Le Président (M. Laplante): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, je suis très attentivement les questions et les réponses. Les questions sont pertinentes au mémoire...

M. Scowen: J'ai l'impression qu'ils font un peu le procès de ces personnes.

Le Président (M. Laplante): Je n'ai pas encore cette impression.

M. Guay: M. le Président, est-ce que M. Pageau a l'impression que je fais son procès? Avez-vous l'impression que je fais votre procès en vous posant ces questions?

M. Pageau: Non. Je suis bien calme, ce matin.

M. Guay: Le député de Notre-Dame-de-Grâce semble être bien...

M. Pageau: Je viens répondre aux questions et donner le plus d'informations possible.

Le Président (M. Laplante): Pour la discussion, M. le député de Taschereau, c'est une question honnête que m'a posée le député de Not re-Dame-de-Grâce...

M. Pageau: Concernant la brimade, M. Guay, je peux peut-être m'expliquer clairement. Le type qui a une propriété à l'intérieur d'un ensemble de maisons de douze logements ne peut pas la vendre sans demander la permission de la vendre. C'est ce qui est dans le projet de loi. Je crois que c'est une brimade envers cet individu. Si vous avez une maison et que vous voulez déménager à l'extérieur, cela vous prend tout un processus pour avoir la permission de vendre cet immeuble.

M. Guay: Sur le principe, est-ce que vous êtes d'accord qu'il est normal, bon, sain, de réglementer — encore une fois, on pourra revenir aux modalités — les démolitions, subdivisions et changements de destination?

M. Pageau: On est d'accord pour la démolition. C'est une chose qu'on n'avait pas antérieurement. Mais on vous dit qu'on est capable de l'exercer seul, sans avoir une tierce personne là-dedans.

M. Guay: Là, on parle des modalités, à savoir qui va le faire. Mais on est d'accord sur le principe que cela doit se faire.

M. Pageau: Oui, parce que présentement on n'a pas la permission. On a des bâtisses qui sont vétustes, dans le moment, et on ne peut pas exiger la démolition. J'en ai dans ma municipalité, c'est la même chose, on n'a pas la permission. On ne veut pas avoir tout un processus à engager pour la démolition de la bâtisse, pour qu'elle demeure là encore cinq ans.

M. Guay: Vous revenez souvent avec l'idée que cela porte atteinte au droit de propriété. Vous y revenez au haut de la page 4. En même temps, si je comprends bien, vous êtes d'accord avec l'idée qu'il faut y porter atteinte.

M. Pageau: Je pense qu'on mêle les choux et les raves, là-dedans. Un type qui est propriétaire d'une maison à l'intérieur d'un pâté de maisons et qui ne peut pas la vendre, c'est une atteinte à sa liberté s'il ne peut pas vendre. C'est cela, le droit de liberté dont vous venez de faire mention. Ce n'est pas dans l'ensemble. On vous dit qu'on a étudié la loi dans son ensemble et on a sorti...

M. Guay: Vous vous attaquez plus particulièrement... Le contrôle des loyers, vous en parlez peu. Ce que vous visez, essentiellement, c'est la question des démolitions, subdivisions, changements de destination. C'est cela?

M. Pageau: Pour la division, supposons que vous avez tout un secteur, dans une municipalité, qui est construit de maisons unifamiliales et que, du jour au lendemain, un type décide de faire des logements à l'intérieur de cela, qui peut l'en empêcher?

M. Guay: Là...

M. Pageau: C'est le zonage qui l'en empêche, dans le moment.

M. Guay: Vous êtes d'accord que quelqu'un, quelque part, l'autorité municipale ou l'autorité municipale avec un droit d'appel à un tribunal administratif, doit avoir le pouvoir de dire: Non, la municipalité ne se développpera pas comme cela.

M. Pageau: Oui, on l'a présentement. Pour toute modification à l'intérieur d'une propriété, il faut qu'il ait un permis de la commission d'urbanisme de la municipalité où les rénovations se font.

M. Guay: Maintenant, reste à savoir qui doit le faire. Vous dites: "Le projet prétend donner aux municipalités un pouvoir réglementaire. Tout ce qu'il fait, c'est codifier la discrétion administrative". En d'autres mots, si je comprends bien, ce que vous reprochez au projet de loi 107 quant à cet aspect, c'est de ne pas préciser. Tout ce qu'il dit, au fond, c'est: La municipalité peut réglementer, mais il ne dit pas ce qui doit être dans ce règlement. Vous voudriez que le projet 107 aille plus loin et ne laisse pas de discrétion à la municipalité, si je lis bien ce que vous dites: "Un

vrai pouvoir réglementaire n'est pas discrétionnaire, mais normatif". Ensuite, vous dites: "La municipalité, sous le couvert d'un apparent pouvoir réglementaire, ne réglemente pas vraiment. Elle décide selon son bon vouloir. Ce projet de loi change donc les fondements de notre droit." Vous voudriez que la municipalité ne puisse pas décider selon son bon vouloir, si je comprends bien.

M. Pageau: On veut que la municipalité décide selon son bon vouloir.

M. Guay: Alors, pourquoi nous faites-vous ce reproche que le pouvoir réglementaire devient discrétionnaire? Tout ce qu'on fait, c'est codifier la discrétion administrative, dites-vous, et vous nous le reprochez.

Mme Lafond: La seule référence que l'on fait, c'est qu'on demande que les pouvoirs réglementaires soient du même type que les autres qui sont attribués dans la Loi des cités et villes, alors que les motifs sont immédiats à la décision et non pas de toutes sortes de couleurs ou de variétés pour finalement arriver à émettre ou refuser un permis. On dit, à un moment donné, qu'on a double compétence; on a deux champs de compétence et deux agents intervenants. Quand on dit double champ de compétence, c'est qu'il y a à la fois un contrôle humanitaire quand on parle de contrôle de logements pour éviter qu'il n'y ait des brimades aux droits des locataires. C'est le bien-être des locataires, mais c'est à travers des attributs qui sont physiques, de construction, c'est-à-dire d'architecture physique, etc., comme on peut le lire dans un des articles de la loi qui est repris dans le règlement qu'une municipalité pourrait adopter aux articles 102 et 103. C'est tout ce qu'on dit. On dit que le pouvoir est donné, mais de façon mixte. En voulant favoriser le bien-être du locataire, on pourrait le faire pour raisons d'architecture. Si on trouve que le projet n'est pas conforme à l'architecture, on pourrait dire que les locataires seraient brimés ou que le locataire en question serait brimé.

M. Guay: En tout cas, pour ce qui est de l'aspect esthétique, je rappelle toujours cet exemple que, je pense, M. Pageau connaît sûrement, puisqu'il s'agit d'un exemple ici à Québec. On a démoli d'excellents logements le long de la Grande-Allée pour construire le calorifère qui abrite aujourd'hui certains bureaux du gouvernement. On n'a sûrement pas amélioré la qualité des logements dans le coin, puisqu'on en démoli pour mettre des bureaux et on n'a sûrement pas amélioré la qualité esthétique de l'environnement. Enfin, c'est un exemple. Ma dernière question...

M. Pageau: Je pense qu'il y a eu des approbations dans le temps. Les approbations ont été données par ceux qui étaient en place. Alors, il ne faudrait pas blâmer les municipalités qui voient à leurs affaires.

M. Guay: Ah, non, non, non! Excusez-moi. Si vous aviez l'impression que, ce disant, je blâmais la municipalité, pas du tout. C'est le gouvernement de l'époque qui a pris cette décision.

M. Pageau: Vous savez, M. Guay, ceux qui ne font pas d'erreurs ne font rien. Ce sont ceux qui font de quoi qui font des erreurs.

M. Guay: C'est cela et, comme nous faisons beaucoup de choses, on doit, dans le lot, faire quelques erreurs, mais on essaie d'en faire le moins possible.

M. Cordeau: Péché avoué est à moitié pardonné.

M. Guay: Ma dernière question porte donc sur qui devrait le faire. On dit: Bien sûr, les municipalités, dans un premier temps, du moins celles qui le veulent, et cela devrait s'arrêter là. Est-ce que, à ce moment, vous ne trouvez pas cela un peu dangereux? Prenons, par exemple, un cas qu'on connaît également bien, le cas de la ville de Québec. Voilà une ville qui est dirigée démocratiquement depuis dix à quinze ans par la même formation politique, qui a une commission d'urbanisme. La commission d'urbanisme est censée statuer sur toutes les questions de démolition et ainsi de suite, en vertu des règlements municipaux. Si ma mémoire est bonne, il n'y a pas de conseillers municipaux qui siègent à la commission d'urbanisme. Je peux me tromper, mais...

M. Pageau: Vous faites erreur, il y en a. (11 heures)

M. Guay: II y en a, je m'excuse. Je fais erreur. Donc, il y a des conseils municipaux qui y siègent et il y a des gens qui sont nommés par le pouvoir en place qui est le même depuis dix ou quinze ans; forcément, cela fait à un moment donné des gens qui se connaissent bien. Ce n'est pas un reproche, c'est dans la nature des choses, je pense qu'on reconnaîtra cela; cela vaut pour tous les gouvernements à Québec, à Ottawa et ailleurs dans le monde aussi; quand cela fait un certain nombre d'années qu'on est au pouvoir, forcément, il se crée ce que j'appellerais une faune autour de ce pouvoir.

M. Pageau: Parce que le pouvoir, M. Guay, nomme les personnes qu'il connaît.

M. Guay: C'est juste.

M. Pageau: Aussi, je crois que n'importe quel gouvernement, qu'il soit local, municipal ou provincial...

M. Guay: C'est exactement ce que je dis. M. Pageau: II n'y a pas de problème là-dessus.

M. Guay: II nomme les gens qu'il connaît. Est-ce que vous ne trouvez pas dangereux qu'une commission, formée de gens que le pouvoir connaît et qui sont donc à peu près les mêmes gens

ou des gens aux mêmes orientations quant à la nature du développement d'une municipalité depuis dix ou quinze ans, siège à huis clos, parce que les demandes de démolition sont entendues par la commission d'urbanisme, mais elle siège à huis clos? Donc, est-ce que les citoyens ou des citoyens qui sont préoccupés par la question n'ont pas raison de se demander s'il ne devrait pas y avoir une instance d'appel à la régie des logements quand l'organisme décisionnel au niveau municipal siège à huis clos?

M. Pageau: M. Guay, l'Union des municipalités a présenté un mémoire demandant que les commissions d'urbanisme soient ouvertes aux citoyens. Je pourrais peut-être vous faire parvenir une copie de ce mémoire, c'est un des mémoires qu'on vous a adressés concernant cette chose. Je pense que l'Union des municipalités est ouverte dans ce sens. C'est pour dire que s'il y a des erreurs qui se commettent quelque part, ce n'est pas général dans la province de Québec.

M. Tardif: Seulement, je dois corroborer les dires de M. le maire Pageau là-dessus, mais ledit mémoire va plus loin et suggère qu'il soit formé d'une majorité de citoyens; donc, c'est un pas...

M. Pageau: Je pense que c'est une demande qu'on a déjà faite, M. Guay, là-dessus et vous rentrez à peu près...

M. Guay: Je suis d'accord avec vous, M. Pageau...

Le Président (M. Laplante): M. le député de Verdun.

M. Guay: Si vous me le permettez, seulement 30 secondes.

Le Président (M. Laplante): Excusez, je ne veux pas brimer l'Opposition.

M. Guay: D'accord, M. le Président, je voulais simplement rassurer M. Pageau.

Le Président (M. Laplante): II y a déjà 15 minutes que vous avez la parole.

M. Caron: Je laisse mon collègue finir sa question.

Le Président (M. Laplante): D'accord.

M. Guay: Je voulais simplement rassurer M. Pageau; mon propos n'avait pas pour but de blâmer l'union. Je connaissais la position de l'union, mais je constate par contre que des municipalités membres de l'union n'ont pas pour autant appliqué les recommandations de l'union elle-même.

M. Pageau: C'est une règle générale. Est-ce qu'il y en a plus qui font bien ou est-ce qu'il y en a plus qui font mal?

M. Guay: C'est vous qui le savez.

M. Pageau: Ce sera à juger; je vous laisse le soin de le juger, M. Guay.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Verdun.

M. Caron: Merci, M. le Président. M. Pageau, quelle que soit la façon dont le gouvernement va procéder à la suite du projet de loi 107, vous savez que les groupements, comme le dernier qu'on a eu hier après-midi, ne seront jamais satisfaits. Vous savez que c'est impopulaire de démolir. Qu'on ait des besoins ou non, c'est impopulaire. Je pense bien que la majorité des municipalités n'est pas intéressée non plus à démolir. Elles le font en dernier ressort. Il a été question d'amélioration de quartiers chez nous et, naturellement, au début, on avait une recommandation pour démolir 66 logements. Or, après étude approfondie, on va en démolir seulement deux, mais je peux vous dire que cela sautait au tout début et cela "bulldozait". Je vous jure que même le ministre a eu de la visite. J'ai toujours dit au tout début qu'on va regarder le dossier; qu'on va l'approfondir et, en fin de compte, les gens sont heureux qu'il n'y ait seulement que deux logements qui vont être démolis. Alors, je pense bien que les municipalités, comme le gouvernement, essaient toujours de se faire réélire et s'ils sont durs envers leur population, ils n'auront pas de chance. C'est pour cette raison que je suis bien d'accord qu'on laisse aux municipalités un groupe de citoyens pour pouvoir surveiller le fait de démolir ou non. Mais, ce n'est pas populaire. Personne de ces groupes... Naturellement, quand on paye $55 ou $60 un logement qu'on voit démolir, c'est entendu que les locataires vont quitter, ils vont s'en aller ailleurs à $100 et $110.

M. Pageau: Je ne crois pas, M. Caron, que ceux qui veulent démolir le fassent pour le plaisir de la chose. Je pense que quand on administre une municipalité et qu'on a un changement de zonage, même aujourd'hui, on est rendu à adresser une lettre aux citoyens; on ne fait pas seulement passer par les journaux pour dire qu'il va y avoir un tel changement de zonage à telle place mais, dans ma municipalité, j'adresse une lettre aux citoyens concernés, à ceux de toutes les zones continguës. C'est une chose qui peut être faite pareillement dans les cas de démolition, sensibiliser les gens dans le secteur.

Pourquoi aller chercher des gens qui resteraient dans une autre ville pour venir légiférer à l'intérieur d'une municipalité. Je pense que cela peut se faire, puis la municipalité a plein droit de faire cela. Je pense qu'elle devrait avoir des pouvoirs qu'elle n'avait pas avant, des pouvoirs de démolition, et il y aurait consultation du secteur pour la démolition de la partie concernée.

M. Caron: Le secteur est consulté mais la majorité des villes — il y a peut-être des cas qui

passent — la majorité des municipalités collabore avec les groupes de citoyens.

M. Pageau: C'est ce dont nous parlions, hier, avec un ministre concerné, c'est que le développement du Québec n'est pas si mal fait que cela. Quand on regarde à vol d'oiseau, c'est peut-être à l'extérieur, mais dans les grands centres le déve-1 loppement n'est pas si mal fait que cela.

Le Président (M. Laplante): D'autres questions, M. le ministre.

M. Tardif: M. le Président, je tiens, encore une fois, à remercier l'Union des municipalités de l'éclairage qu'elle a apporté à cette commission. C'est vrai que ce n'est pas un problème facile, que l'on taille peut-être un petit peu dans du droit nouveau. Je dis un petit peu, parce que ce n'est pas entièrement nouveau. Quand même, l'Angleterre, qui est le berceau du "rule of law", reconnaît que certaines lois soient fondées sur des pouvoirs discrétionnaires, que des instances se prononcent sur des questions d'opportunité. Evidemment, à la lumière de critères définis objectivement dans la loi. Ce n'est pas entièrement subjectif, cette histoire. On doit tenir compte des critères énoncés. Mais c'est une question d'opportunité, et cela peut — je suis d'accord — être exceptionnel par rapport à tout le corpus légal que l'on connaît. Mais il reste qu'on ne peut pas faire autrement, surtout dans des questions comme celles de la conservation du stock de logement, des subdivisions, des changements d'affectation ou d'opportunité. C'est véritablement des choix politiques qui doivent être faits par une municipalité, à savoir raser un quartier pour permettre à des gratte-ciel de s'ériger ou de redonner une vie à un quartier, de permettre à un centre commercial de s'installer en banlieue ou de permettre à son centre-ville de revivre. Ce sont des questions politiques. Qu'il y ait des débats localement, cela m'apparaît normal. La loi 107 vise à permettre cela.

La question du député de Notre-Dame-de-Grâce: Si la municipalité ne le fait pas, est-ce que c'est à l'Etat d'intervenir? Je vous avouerai que là-dessus il nous apparaît, compte tenu du très grand nombre de démolitions qui s'est produit, sans compter le fardeau énorme que cela impose aux gens qui sont ainsi déplacés, que l'Etat, effectivement, se sent une responsabilité dans ce domaine. Mais je suis bien conscient que maintenant l'Union — enfin, je pense — des municipalités reconnaît le principe. Je vous rappellerai aussi — tantôt je disais que ce n'est pas le seul endroit où cela existe — qu'en Angleterre de telles dispositions existent déjà, que les législations de l'Ontario et de l'Alberta contiennent des dispositions similaires basées beaucoup plus sur des questions d'opportunité qu'autre chose. Ici au Québec, on va, pour les prochaines années, innover dans ce domaine. Il y avait deux villes au Québec qui avaient ces pouvoirs, Québec et Montréal, dans leur charte; Montréal depuis très peu, depuis un an seulement. Maintenant on l'étend à l'ensemble des villes. Que l'on doive, ensemble, fixer un peu mieux ces règles, préciser les modalités, je ne demande pas mieux que d'avoir l'éclairage d'expériences, d'expertises des municipalités. Je fais l'acte de foi suivant, contrairement à tout ce qu'ont pu dire certains groupes de gauche qui sont surtout venus devant cette commission, et même des groupes de droite, parce que nous avons eu les deux: La liberté contractuelle absolue à un extrême et le dirigisme étatique absolu à un autre. Face à ces deux absolutistes, je fais confiance aux instances locales pour prendre des décisions, mais à la lumière de certains critères. Là-dessus, il me fera toujours plaisir de recevoir de l'UMQ ses recommandations, ses suggestions quant à la façon d'atteindre cet objectif que l'on vise, qui est de préserver notre stock de logements au Québec. Merci.

Le Président (M. Laplante): Mme Lafond, M. Pageau, les membres de cette commission vous remercient.

M. Pageau: M. le Président, M. le ministre voulait me parler, tout à l'heure, je me demande s'il l'a oublié; si le temps est terminé, je lui en parlerai personnellement.

M. Tardif: On va se voir en fin de semaine sur des questions d'aménagement. Ce sera peut-être l'occasion.

M. Pageau: Oui, alors demain, on sera en place. Merci beaucoup.

Le Président (M. Laplante): J'invite maintenant l'Office municipal d'habitation de Montréal. Je vous demanderais d'identifier votre groupe, de vous identifier ainsi que les personnes qui vous accompagnent. Je crois que vous connaissez la règle du jeu. Vous avez une heure, dont vingt minutes pour faire un résumé de votre mémoire.

Office municipal d'habitation de Montréal

M. Legault (Guy): M. le Président, M. le ministre, MM. les députés. A ma gauche, M. Normand Daoust, directeur du service financier administratif de l'Office municipal d'habitation de Montréal; à ma droite M. Gilles Lemaire, qui est responsable de la location à l'Office municipal d'habitation de Montréal. Mon nom est Guy Legault, je suis président de l'office.

Ces commentaires ont été préparés par l'Office municipal d'habitation de Montréal et ont trait à l'administration des logements à loyer modique. L'ensemble des commentaires s'appuie sur l'expérience d'administration de dix ans dans ce domaine.

L'article 69 traite de l'appel à la Cour provinciale. Il semblerait qu'un appel à la Cour provinciale représente une procédure très compliquée et coûteuse qui n'est certainement pas à la portée des locataires et des locateurs qui ont des revenus modestes.

De plus, le temps requis pour un tel appel peut largement dépasser en importance l'objet même de l'appel.

L'article 86 traite des règlements que peut adopter le gouvernement. A la ville de Montréal, il existe déjà des règlements concernant les exigences minimales relatives à l'habitation et à l'entretien des logements ainsi que la définition d'un logement impropre à l'habitation. C'est le règlement 3122.

Il faudrait donc soustraire de l'application des dispositions 4 et 5 de l'article 86 les villes qui ont des règlements qui s'appliquent en l'occurrence, comme on l'a fait d'ailleurs à l'article 27 du projet de loi 107.

On doit, par surcroît, rappeler qu'il existe aussi, à l'annexe A du règlement de la Société d'habitation du Québec concernant les rénovations urbaines, des normes d'occupation et d'entretien pour les fins de subventions.

Il peut donc y avoir source de conflits entre deux règlements, soit celui de la Société d'habitation du Québec et celui que le gouvernement pourrait faire selon l'article 86.

Enfin, on peut se demander s'il est de bonne pratique administrative que le gouvernement qui confie à une régie des responsabilités puisse intervenir de façon directe dans la conduite des affaires qui sont la responsabilité de cette régie.

Article 1650.1: Définition d'une chambre dans un logement. Il y aurait lieu de vérifier si les dispositions de cet article n'entrent pas en conflit avec "les principes directeurs applicables à la location dans les projets de logements municipaux subventionnés" qui font l'objet d'un règlement de la Société d'habitation du Québec concernant l'habitation.

En effet, au paragraphe 3 du tableau décrivant l'échelle des loyers, on indique: "Pour les enfants indépendants de 21 à 25 ans, sont chargés, à titre de loyer, 25% du taux mensuel d'une chambre dans le district, tel que reconnu par la Société d'habitation du Québec; pour les enfants indépendants de 25 ans et plus et pour les autres membres indépendants du ménage, sont chargés, à titre de loyer, 50% du taux moyen mensuel d'une chambre dans le district, tel que reconnu par la Société d'habitation du Québec."

On doit se rendre compte que la notion de chambre dans le secteur privé est bien différente de la notion de chambre des logements à loyer modique.

L'article 1651.2: Loyer payé par le locataire précédent. Il n'y a certainement pas lieu, dans le cas de l'Office municipal d'habitation de Montréal, de remettre à un nouveau locataire un écrit lui indiquant le loyer antécédent, étant donné que le loyer est fixé en fonction du revenu de l'occupant. Au contraire, il serait non indiqué d'être tenu à une telle pratique.

L'article 1652.3: Le locataire peut déguerpir si le logement est inhabitable. Dans cet article, on ne dit pas comment un logement devient inhabitable. A notre avis, pour que le locataire soit autorisé à déguerpir ou à ne pas payer son loyer, il est nécessaire que le logement soit "déclaré" impropre à l'habitation par l'autorité compétente. Cette autorité peut être la ville, quand celle-ci a un code du logement et des inspecteurs pour l'appliquer. C'est le cas de Montréal.

D'ailleurs, si le gouvernement veut maintenir une telle disposition, il faudra que la régie institue un tel service. (11 h 15)

L'article 1657.2: Succéder aux obligations du locataire dans le cas de la cohabitation. Une disposition qui permettrait à un conjoint, un parent, un allié ou son concubin de succéder au locataire quand celui-ci a laissé les lieux ne devrait pas s'appliquer dans le cas des logements à loyer modique. En effet, la cohabitation pourrait à ce moment devenir un moyen détourné pour des personnes autrement non admissibles d'obtenir un logement à loyer modique.

Il faudrait que les offices municipaux, dans les cas visés par l'article 1657.2, puissent mettre fin au bail dans un avis de trois mois ou ne pas le renouveler si, selon l'application des règles d'attribution des logements, les personnes visées ne sont pas admissibles à un logement à loyer modique. On peut se référer, dans ce cas, au rapport Roger, à la page 35, qui traite de ce problème de la définition des ménages.

Article 1657.3: Succéder aux obligations du bail dans le cas du décès du locataire. Les mêmes objections que précédemment peuvent s'appliquer dans le cas de cet article. On pourrait donner comme exemple ce qui suit. Il arrive très souvent que, dans les bâtiments pour retraités, on accorde à un locataire un logement de deux chambres à coucher afin de permettre à une personne plus jeune — un enfant, un parent, etc. — de vivre avec ce locataire pour l'aider à prolonger son autonomie. Cette personne qui cohabite ne serait pas normalement admissible à un tel logement parce que, d'abord, elle n'est pas retraitée et parce que dans bien des cas elle aurait le moyen de se trouver un logement sur le marché privé.

Les dispositions de l'article 1657.3 et aussi de l'article 1657.2 obligeraient l'Office municipal d'habitation à maintenir sur les lieux ou à offrir un logement d'une chambre à coucher à une personne qui autrement ne serait pas admissible. Dans ce cas encore, ces deux articles ne devraient pas s'appliquer aux logements à loyer modique et les offices municipaux devraient avoir le droit de résilier le bail.

Article 1657.4: Résiliation du bail par la succession. Si un logement à loyer modique ne peut être transmis par succession ou héritage, il serait équitable que la succession puisse être relevée de l'obligation du bail lorsque le locataire décède. Il faudrait, de plus, préciser que le bail d'un logement à loyer modique n'est pas testable.

Si, par contre, l'Office municipal d'habitation a transféré le droit à quelqu'un qui cohabitait, conformément aux directives administratives, la personne pourrait, dans les trois mois, résilier le bail, comme il est suggéré à l'article 1661.10.

Article 1660: L'inexécution d'une obligation des locataires. Cet article aurait pour effet de rendre inopérantes les prérogatives accordées à l'article 1651.3 qui stipule qu'un règlement qui concerne l'immeuble peut faire partie du bail.

En effet, dans bien des cas, il n'est pas possible de démontrer un préjudice sérieux causé aux locataires ou autres occupants d'un immeuble en faisant l'analyse d'un phénomène pris isolément. Ainsi, en est-il de la garde des animaux domestiques, comme on en fait une explication plus élaborée dans le texte de l'annexe 1.

Il n'est pas possible, par exemple, dans un bâtiment qui contient 100 logements et qui est situé sur un terrain de 30 000 pieds carrés de garder plus de quatre chiens. Le préjudice ne vient pas du fait de la garde de chacun des chiens individuellement, mais de la présence d'un nombre trop grand d'animaux.

Si le règlement de l'immeuble défend la présence d'animaux domestiques, c'est en vue de prévenir une situation où l'accumulation de ceux-ci causerait préjudice soit aux gens de l'immeuble, soit au voisinage. Il s'agit là d'une mesure de prévention qui peut se vérifier aussi bien sur le plan de l'hygiène que sur celui de la sécurité. En obligeant le locateur à faire une démonstration pour un animal pris individuellement, on nie, à toutes fins utiles, la possibilité d'agir de façon préventive.

On peut à ce sujet soumettre un extrait du jugement prononcé par l'honorable juge André Forget, le 2 février 1976: "Le tribunal accepte facilement que, dans sa mission de construire et d'administrer des immeubles à logements multiples pour des personnes à faibles revenus, la demanderesse puisse considérer une clause du genre essentielle à une saine et bonne administration de ses immeubles et de ses baux. D'exiger que des animaux domestiques ne soient pas gardés dans les lieux loués ne représente en soi rien d'abusif, d'excessif ou d'exorbitant."

On doit ménager la possibilité de permettre la garde d'animaux domestiques dans les cas où c'est nécessaire, par exemple, dans le cas des aveugles.

On peut ajouter à cela d'autres situations comme celle, par exemple, de locataires indésirables qui, par intimidation, empêchent des témoignages qui pourraient faire état de leurs méfaits. Là encore, le non-respect de règlements de l'immeuble pourrait être le seul moyen à prendre pour évincer un locataire indésirable sans que, pour autant, il soit possible d'établir de préjudice puisque les témoins n'oseraient parler.

Il faut instituer un mécanisme suivant lequel celui qui déroge aux règlements doit être avisé. Il est nécessaire que le locataire, pour sa part, puisse avoir un recours si le locateur fait abus du règlement. Il ne serait pas pratique non plus qu'équitable de demander au locateur de faire la preuve du préjudice, comme le démontre le texte de l'annexe 2.

L'article 1660.1: Avis de résiliation pour non-paiement de loyer. Une telle disposition oblige, à toutes fins utiles, à faire autant d'auditions qu'il y a d'avis de résiliation. Ainsi, un locataire qui le 22 février n'a pas acquitté son loyer dû le 1er, reçoit un avis de résiliation de bail. La régie fixe l'audition de la cause, par exemple, le 25 mars. Si, entre-temps, le locataire paie son loyer de février, mais ne paie pas celui de mars, il faut que l'Office municipal d'habitation recommence la procédure. Il y aurait lieu d'examiner la possibilité que la loi permette à la régie d'entendre simultanément la cause de tous les avis qui ont été envoyés.

L'article 1660. Il y aurait lieu d'ajouter un article qui, dans le cas de fausses déclarations ou de fraude, permettrait aux offices municipaux de résilier le bail. En effet, si quelqu'un ayant, par exemple, déclaré un faux revenu a obtenu un logement à loyer modique qu'il n'aurait pas obtenu autrement, il importe que l'Office municipal d'habitation soit en mesure de mettre fin au bail. De la même façon, celui qui l'aurait obtenu par fraude en soudoyant un employé de l'office, en truquant les documents ou autrement devrait être susceptible de voir son bail annulé.

A cet effet, la Société d'habitation du Québec, dans sa directive no 11 du 27 février 1974, recommande d'inclure au bail, entre autres, la clause suivante: "Toute déclaration fausse ou incomplète ayant pour effet l'établissement d'un taux de loyer non conforme aux règlements de la société entraîne la résiliation du bail à toutes fins que de droit sur avis du locateur ou du locataire.

L'article 1661. Les logements à loyer modique, à qui ils appartiennent. Il y aurait lieu d'ajouter les mots: "qui appartiennent à un office municipal d'habitation."

L'article 1661.1 à 1661.10: Dispositions particulières au bail d'un logement à loyer modique.

L'ensemble de ces articles a pour effet des dispositions, qui à notre avis, sont de nature plutôt administrative.

La surveillance de ces mesures administratives devrait normalement s'exercer par l'application de l'article 63 de la Loi de la Société d'habitation du Québec qui permet à celle-ci de constituer des bureaux d'examen de griefs.

On émet ici l'opinion, que les dispositions de la loi sont un mauvais instrument pour traiter des cas d'insatisfaction concernant l'administration des logements. En effet, lorsque des personnes se croient lésées, il est plus important d'examiner le cas en espèce et de tenter dans la mesure du possible, d'expliquer le défaut de la situation ou d'y trouver une solution en espèce. L'application de la loi dans ces circonstances ne peut que trancher une situation sans nuance et bien souvent sans apporter de solution au problème.

Est-il un fait courant que les offices municipaux privent les citoyens de l'accessibilité aux logements à loyer modique? Nous ne le croyons pas.

En conséquence, on peut se demander pourquoi faire un article de loi qui a pour objet de prévenir une situation qui ne se produit pas ou n'a pas tendance à se produire.

L'attribution des logements à loyer modique est certainement une matière très complexe dont l'exercice est constamment en évolution d'une

part et, d'autre part, varie d'un endroit à l'autre dans la province.

A notre avis, les règles d'attribution des logements à loyer modique devraient être des mesures administratives conformes à la Loi de la Société d'habitation du Québec et à ses règlements, lesquelles règles, une fois formulées par les offices municipaux en conformité avec les besoins locaux, devraient être approuvées par la Société d'habitation et la municipalité.

La surveillance de l'application de ces règles devrait se faire par un bureau d'examen de griefs, comme le prévoit d'ailleurs, la Loi de la Société d'habitation du Québec.

On trouvera à l'annexe 3, un texte qui décrit comment se fait l'attribution des logements à Montréal et si toutefois le gouvernement croit qu'il est nécessaire de faire des dispositions particulières au bail des logements à loyer modique, il pourrait s'inspirer de cette réalité.

Dans l'ensemble donc, les articles 1661.1 à 1661.10 ne devraient pas se trouver dans la loi.

Nous allons maintenant commenter néanmoins chacun des articles afin de faire voir les difficultés que certains d'entre eux causent.

L'article 1661.1, liste des personnes admissibles. Dans cet article, on mentionne une liste de personnes admissibles à la location d'un logement. Une telle liste n'est nulle part mentionnée dans les règlements de la Société d'habitation du Québec. A notre avis, le mot "liste" est certainement un terme incorrect. On devrait plutôt parler d'un "registre des demandes de logements". Il est important, aussi, de fixer un terme à la validité d'une demande dans un registre. Ce terme peut être d'un an. Le guide administratif de la Société d'habitation du Québec parle de six mois. Une chose paraît certaine, c'est que la demande ne peut pas avoir une durée indéfinie. C'est à l'article 3.2.3, à la page 70 du guide administratif de la Société d'habitation du Québec qu'on peut référer pour avoir d'autres renseignements à ce sujet. Ce guide n'est pas un règlement au sens de la loi. Aux articles 1661.2 et 1661.3, on mentionne aussi cette liste d'admissibilité.

L'article 1661.2, attribution de logements vacants. Cet article, tel que rédigé, ne tient pas compte du phénomène de première location, non plus que de la distinction qu'on fait dans l'attribution de logements aux personnes retraitées par rapport à l'attribution de logements de type familial. Voir l'annexe 3 à ce sujet.

L'article 1661.3, refus d'attribuer. Dans cet article, on oblige le locateur, c'est-à-dire les offices municipaux, à inscrire toute personne et à attribuer un logement sans autre distinction. Dans le cas de Montréal, à chaque année, on enregistre 9000 demandes de logements. Ce chiffre est très conservateur, nous avons maintenant dépassé le nombre de 10 000 depuis le 1er février 1979.

On a, jusqu'à présent, refusé de prendre les demandes qui parviennent des autres villes, étant déjà dans l'impossibilité de satisfaire à la demande montréalaise. Prendre les demandes en provenance des autres villes augmenterait inutilement le registre sans pour autant pouvoir offrir un service. D'ailleurs, rien n'est plus naturel que de donner priorité aux requérants qui habitent la ville de Montréal sur les requérants qui habitent les autres villes puisque, par ailleurs, chaque ville a aussi accès au programme de logements à loyer modique. On peut encore se référer au guide administratif de la Société d'habitation du Québec, qui soulève cet aspect à la page 79.

L'article 1661.4, obligation du locateur à payer un supplément de loyer. L'application de cet article par un tribunal apparaît bien difficile puisque celui-ci aura, à toutes fins utiles, à réviser le dossier de l'attribution des logements. C'est une tâche laborieuse puisqu'un bon nombre de jugements de valeur doivent être posés quant aux besoins relatifs des personnes les unes par rapport aux autres et quant, aussi, aux objectifs concernant l'ensemble social: nombre d'assistés sociaux versus nombre de travailleurs, personnes seules versus couples, etc. Par surcroît, la sanction proposée dans cet article a une allure revancharde et abusive. Ne suffirait-il pas que le tribunal ordonne à l'Office municipal d'habitation de loger une personne dans le logement de la catégorie à laquelle elle a droit aussitôt qu'il y en aura un de vacant?

D'ailleurs, il serait prudent, ici, d'aviser le gouvernement de faire une évaluation d'une telle disposition en termes d'argent.

L'article 1661.5, changement de logements, initiative du locataire. Dans cet article, on parle à nouveau de la liste d'admissibilité et du droit du locataire à s'y réinscrire s'il veut changer de logement. Encore une fois, il est de la nature des choses, dans les offices municipaux, d'accorder un logement plus grand à ceux qui en ont besoin afin d'éviter le surpeuplement. De la même façon, on cherche à attribuer les logements plus petits à ceux dont les besoins ont diminué. Cet article de loi semble tout à fait inutile puisque, encore une fois, cela relève de mesures administratives.

L'article 1661.6, changement de logements, initiative du locateur. Cet article donne aux offices municipaux le droit de faire des changements de logements. Il s'agit là, encore, d'une mesure administrative qui n'aurait pas à être dans la loi si on avait nuancé le droit au maintien dans les lieux.

L'article 1661.8, ajustement après diminution de revenus. Cet article ne tient pas compte de deux phénomènes. Il faudrait d'abord établir quel est le pourcentage de diminution du revenu que commande un tel changement. On ne doit pas faire de changement au bail pour des diminutions de revenus de $5 ou $10 par mois. De plus, il faudrait également établir une période minimale de temps de réduction de revenus avant que ne s'effectue la réduction du loyer. Enfin, on devrait obliger, dans cette optique, le locataire à déclarer le moment où son revenu est rétabli. Ces dispositions, encore une fois, apparaissent de type strictement administratif.

L'article 1661.10, avis de résiliation d'un mois. L'Office municipal d'habitation de Montréal avait déjà inscrit dans son bail une disposition à l'effet

que le locataire de logement à loyer modique soit habilité à donner un avis d'un mois seulement avant de quitter son logement. L'expérience a démontré que cette mesure n'est pas souhaitable. (11 h 30)

En effet, on a constaté qu'un délai d'un mois est trop court pour pouvoir remettre le logement en location. Il faut d'abord examiner les demandes aux registres, en faire une sélection, faire les visites des locataires potentiels, afin de compléter les formulaires de demandes et, par la suite, faire visiter les logements. Toutes ces démarches ne peuvent pas s'exécuter à l'intérieur d'un mois, d'autant plus que les gens demanderont quelques jours de réflexion avant d'accepter ou de refuser les logements et, bien souvent, ils refusent et le processus est à reprendre. La conséquence d'un avis aussi court, c'est que les logements restent vacants inutilement.

En conclusion, je voudrais ajouter ceci: Premièrement, il y a lieu dans cette loi de donner au locateur des moyens pour assumer la responsabilité qu'il a dans le domaine de la jouissance paisible des lieux. Deuxièmement, il y a lieu que soit approfondi le dossier du logement public, surtout celui de l'expérience de Montréal, par une consultation directe afin d'éviter les pièges des ouï-dire. Troisièmement, il y a lieu d'éviter que la Loi de la régie du logement fasse double emploi et couvre des domaines déjà couverts par la Loi de la société d'habitation du Québec, par la Loi des cités et villes, par la Charte de Montréal, etc., merci.

Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le ministre.

M. Tardif: M. le Président, je remercie M. Legault, président de l'Office d'habitation de Montréal, de sa présentation et je profite de l'occasion pour souligner le rôle tout à fait particulier que joue l'Office municipal d'habitation de la ville de Montréal, puisque contrairement à ce qui se passe avec les autres municipalités du Québec, l'Office municipal d'habitation de Montréal, non seulement gère le parc de logements sociaux mais encore, les réalise comme mandataire du gouvernement. C'est un cas unique au Québec. Nous voudrions qu'il puisse s'étendre ailleurs, mais il le fait, je pense, de façon très compétente et au point que nous aimerions que ce modèle, ce type de protocole d'entente que nous avons avec la ville, s'étende ailleurs.

J'ai lu ce mémoire avec énormément d'attention, tant en raison du très grand nombre de HLM que la ville de Montréal gère, par rapport à l'ensemble du parc immobilier de HLM au Québec et j'ai pris bonne note des recommandations qui y sont contenues. Certaines recoupent les représentations formulées par l'Association des offices municipaux d'habitation qui sont venus plus tôt devant cette commission. Je suis tout à fait d'accord, par exemple, que les dispositions de la loi, concernant l'obligation de divulguer le loyer antérieur, ne doivent s'appliquer dans le cas des locataires d'offices municipaux d'habitation, puis-qu'alors — eh bien, ce serait en quelque sorte à cause de la relation entre le loyer payé et le revenu — ce serait dévoiler le revenu. Donc, en un sens, je suis tout à fait d'accord avec cette recommandation.

Il y a d'autres questions qui ont été soulevées dans votre mémoire et qu'on retrouve aussi dans celui de l'Association des offices municipaux d'habitation que je suis prêt à étudier; par exemple, cette question de la "transférabilité des baux" en quelque sorte, si le conjoint meurt, si une personne qui cohabite avec ce conjoint peut continuer, etc. Je vous avouerai que, là-dedans, nous aimerions avoir des suggestions concrètes de votre part pour bonifier cet article. Imaginons un couple de personnes âgées vivant dans un HLM, n'ayant comme seule source de revenu que leur pension de vieillesse et le supplément de revenu garanti. Imaginons que l'une d'elle meurt. Leur condition financière ne s'est pas améliorée, loin de là; elle s'est même gravement détériorée, de sorte qu'il n'y a rien d'incompatible à assurer une certaine pérennité des droits de l'occupant dans ce nouveau contexte. J'aimerais qu'on puisse fouiller des cas semblables. Je suis sensible aussi aux arguments que vous évoquez concernant les fausses déclarations pour avoir accès à un HLM en disant: Ceci devrait être un motif de résiliation de bail.

On peut, d'une part, dire: Ecoutez, la loi 107 n'élimine pas tout le reste du Code civil du Québec et le Code civil du Québec prévoit que tout contrat — un bail est un contrat — qui aurait été signé sous de fausses représentations, à partir de fausses déclarations, pourrait être déclaré nul. Donc, à ce moment-là, on peut penser que ces dispositions générales du Code civil pourraient s'appliquer. Mais si de l'avis des offices municipaux — là, il faudrait que je consulte les experts du ministère de la Justice, je ne suis pas avocat — il semble préférable de préciser cela dans la loi, d'accord, je suis prêt à demander aux gens de la Justice de regarder cela. Des fois, je serais peut-être tenté aussi de leur demander de regarder si on ne devrait pas introduire quelque chose dans la loi pour les administrateurs d'offices municipaux ou pour les conseillers municipaux. Ils ne font pas de fausses déclarations eux, mais parfois ils permettent l'accès aux HLM à des gens à qui ce n'est pas destiné. C'est un autre problème, j'en conviens.

M. Caron: Si ce ne sont pas des conseillers, ce sont peut-être des administrateurs.

M. Tardif: D'accord, mais je veux seulement souligner que le mémoire parle d'un problème de locataires qui feraient une fausse déclaration pour avoir accès à... Je vous dis que, des fois, cela se fait presque avec la connivence ou la complicité de... d'accord?

J'ai quand même un certain nombre de questions en plus de celles évoquées tantôt qui ont trait, par exemple, à certains passages de votre mémoire. Lorsque vous affirmez la juridiction

municipale sur les normes d'habitabilité — et vous incluez évidemment dans votre mémoire cette question parmi les articles auxquels l'office municipal doit être soustrait — la question que je vous pose est la suivante: En quoi l'Office municipal d'habitation de Montréal est-il concerné par ce passage? Est-ce que ce n'est pas plutôt la ville de Montréal qui est concernée? Si c'est le cas, est-ce que l'Office municipal d'habitation de Montréal représente la ville de Montréal sur cette question?

M. Legault: M. le ministre, l'Office municipal d'habitation de Montréal est concerné dans ce cas puisque des usagers, des locataires de l'office municipal peuvent dire: Le logement n'est pas habitable. Dans ce sens-là...

M. Tardif: Vos propres logements?

M. Legault: Oui.

M. Tardif: C'est impossible.

M. Legault: Oui, cela se peut et c'est déjà arrivé. C'est cela. C'est dans ce sens que nous disons: Si le locataire peut déclarer le logement non habitable, il faudrait qu'il y ait quelqu'un qui dise: C'est vrai, ce n'est pas habitable et l'office municipal restaurerait le logement.

M. Tardif: Je m'excuse si j'ai un peu sursauté. Pour moi, un logement inhabitable, si c'est d'abord géré par un office municipal d'habitation, donc, un logement propriété du gouvernement du Québec, géré et bâti par l'Office municipal d'habitation de Montréal dont j'ai reconnu les mérites, cela me semble inconcevable et si cela existe, j'aimerais bien le savoir et où, surtout au prix qu'on les paie. Pour moi, un logement inhabitable qui pouvait permettre, peut-être toute cette notion — je suis d'accord que le code d'habitabilité n'est pas déposé — mais c'est vraiment ces normes minimales, plancher, qui font que si un logement n'a pas cela, il ne devrait pas être appelé un logement. Exemple: pas d'eau courante. Je ne pense pas qu'il y ait des logements à l'Office municipal d'habitation de Montréal qui ne soient pas dotés d'eau courante; un logement qui n'aurait ni baignoire, ni douche; un logement qui, en hiver, ne pourrait pas être chauffé à une température de...; un logement qui n'aurait aucune source d'éclairage, ni naturelle ni artificielle. C'est aussi fondamental que cela. Là, je me réfère à des statistiques publiées... Je ne sais pas dans lequel de mes dossiers j'ai cela, mais, effectivement, dans les logements... vous avez ces fiches sur les caractéristiques des logements à Montréal.

D'ailleurs, on retrouve cela dans ce qu'il est convenu d'appeler le rapport Legault, en partie également, sur l'état des logements — cela est tiré de Statistique Canada — pour l'ensemble du Québec en 1971. Alimentation en eau froide seulement, 78 185 logements. Je comprends bien que c'était en 1971 et que nous sommes en 1979, et il y a pu y avoir une évolution. Mais les logements sens eau chaude, il y en avait 78 000. Sans baignoire, ni douche: 103 000 au Québec, en 1971. Sans eau courante: 18 000. Toilette intérieure partagée par deux ménages ou plus: 14 600, et sans toilette intérieure avec chasse d'eau: 24 200. Pour moi, qu'un logement puisse être déclaré d'office inhabitable et qu'on puisse autoriser un locataire à déguerpir sans demander la permission à quiconque, cela entre dans ces catégories. D'accord? Sur des données aussi fondamentales que cela, et ce n'est pas du tout, évidemment, le genre de logements que produit l'Office municipal.

M. Scowen: Pardon, M. le ministre, je veux vous poser une question. Prenez donc le premier exemple sans éclairage, sans bain. Ce ne sont pas des choses qui arrivent normalement après que vous avez loué l'appartement ou la pièce. Normalement, ce sont des appartements qui existent.

M. Tardif: Oui.

M. Scowen: Vous acceptez de louer un appartement sans éclairage, je ne sais pas pourquoi, mais vous acceptez. Vous vous trouvez là-dedans...

M. Tardif: Oui, mais nous disons que cela ne devrait plus se louer.

M. Scowen: Ah bon! ce n'est pas la même question dont nous parlons ici.

M. Tardif: D'accord. On dit: Cela ne devrait plus être offert sur le marché.

M. Scowen: Si on parle du droit de déguerpir à cause de ces choses, normalement, en grande majorité, je ne peux pas imaginer que les 103 000 dont vous avez parlé, étaient tous devenus dans cet état...

M. Tardif: Non, non, non.

M. Scowen: ... pendant que quelqu'un y habitait.

M. Tardif: Non, absolument pas. Il faut préciser une chose. C'est que...

M. Scowen: Oui, mais vous avez dit que le droit de déguerpir, sans permission, si vous voulez, doit être donné dans les appartements qui confinent à ces cas.

M. Tardif: Ou d'exiger que ces services soient là, par exemple.

M. Scowen: Mais... mais...

M. Tardif: Même si les gens ont loué dans des conditions semblables, comme il est convenable qu'en 1940 des gens couchaient dans des garages, on dit: C'est inacceptable.

M. Scowen: Oui, mais si je loue un appartement sans bain et sans douche...

M. Tardif: Sans éclairage, ni rien.

M. Scowen: ... je l'accepte, je signe le bail...

M. Tardif: Oui.

M. Scowen: Le lendemain, je n'ai pas le droit de déguerpir du fait que cet appartement n'a de douche, ni de bain.

M. Guay: Vous ne devriez pas avoir a priori...

M. Tardif: Cela ne devrait pas être offert en location, ce genre de logements. Mais, de toute façon, nous anticipons sur ce que pourrait être le contenu du Code d'habitabilité, quant aux caractéristiques que devrait avoir un logement avant d'être offert en location. Je suis d'accord avec vous qu'il y a un stock de logements qui existe. Je ne sais pas si vous connaissez l'existence de ces données, mais notre objectif est de corriger ces situations.

M. Scowen: Mon bureau à l'Assemblée nationale ressemble beaucoup à un logement de cette espèce.

M. Tardif: Ce n'est pas un logement. M. Scowen: Je n'ai pas le droit de déguerpir. M. Legault: M. le Président, je voudrais... Le Président (M. Laplante): M. Legault.

M. Legault: Je voudrais expliquer une chose ici. C'est que, pour un logement, il peut s'agir du cas d'un locataire qui, par exemple, à la suite d'un incendie chez le voisin, a eu des dégâts d'eau, il y a aussi le cas du locataire qui a pu abîmer son logement, cela nous est déjà arrivé, à un point tel que le logement était en très mauvais état. Ce que nous disons, c'est que, pour que le logement soit déclaré inhabitable, même s'il a une douche, même s'il a tous les appareils et tout ce qui est le strict minimum, il peut être inhabitable à la suite d'un incendie ou des dommages causés par le voisin, ou des choses comme celles-là. Ce que nous disons, c'est que nous croyons qu'il doit y avoir un jugement posé par un arbitre, quelqu'un qui connaît ce qu'est un logement habitable et qui en a l'expérience. Dans le cas de Montréal, nous disons: II existe des inspecteurs du Code du logement. La définition d'un logement inhabitable est donnée dans le Code du logement. Ce que nous disons, c'est que le locataire peut se prévaloir de son droit de déguerpir. Il va dire: Mon logement n'est pas habitable. Ce n'est pas simplement une question de caprice de ma part, c'est vrai. On peut le faire constater dans les 24 heures. C'est ce que nous disons. Mes propos ont pour but de rattacher la raison pour laquelle l'office municipal a souligné cette question. (11 h 45)

M. Tardif: D'accord. Je pense qu'on partait tous les deux, et le député de Notre-Dame-de-Grâce également, de motifs différents d'inhabitabi-lité. Dans mon cas, je parlais d'inhabitabilité congénitale dans le logement et vous parliez d'inhabitabilité provoquée par des événements fortuits: sinistre, hasard, etc.

Je reviens néanmoins à ces questions. Vous disiez tantôt: A la ville de Montréal, on a un code du bâtiment, un code du logement et on peut envoyer des inspecteurs en dedans de 24 heures qui pourront dire si, oui ou non, le logement est inhabitable. C'est un fait, je pense, que la ville a un tel service et un tel code, c'est vrai, mais avez-vous l'impression — cela touche peut-être plus M. Legault, ex-président du comité sur l'habitation — que ce code est appliqué vraiment? Est-ce que cela peut être considéré vraiment comme un code minimal, en ce sens que, si toutes les prescriptions de ce code étaient appliquées, combien de ces logements devraient être déclarés inhabitables à Montréal? En d'autres termes, est-ce que ce code qu'on propose comme devant rendre inutile ou inopérant d'avoir un code d'habitabilité s'appli-quant à Montréal, est-ce que ce le serait à ce point-là vraiment, puisque le code actuel comporte des seuils qui sont plus que des seuils planchers, si vous voulez, et que, par conséquent, il y aurait peut-être une place quelque part pour un code minimal d'habitabilité?

M. Legault: Ecoutez, M. le ministre, répondre à votre question, c'est déborder déjà dans un domaine... Je ne suis pas venu ici, comme vous me l'avez fait remarquer, pour parler de la ville de Montréal...

M. Tardif: D'accord.

M. Legault: Votre question s'adresserait, à ce moment-là... C'est le problème qui est soulevé par le chevauchement des juridictions. Quand on a deux ensembles de règles qui s'appliquent sur le même territoire pour les mêmes individus, cela complique singulièrement la situation. Si la ville de Montréal a eu, de par sa charte, le pouvoir de faire un code du logement et qu'en plus, le conseil municipal a adopté un code du logement, qu'on a monté des équipes et que des gens mettent ce règlement en application, je ne vois pas l'utilité de parachuter sur Montréal un autre ensemble de règles.

M. Tardif: On voudrait aussi essayer d'éviter tout chevauchement. Je vous ai averti avant de partir que je posais ma question à l'expert qui a présidé un comité sur l'habitation au Québec. Je suis conscient que ce n'est pas à titre de directeur de l'Office municipal d'habitation de Montréal, mais, dans votre mémoire, vous dites: II nous apparaît superflu d'adopter un autre code que

celui qui existe à Montréal. Je vous pose la question: Est-ce que ce code, à Montréal, est appliqué? Est-il applicable obligatoirement ou si le fait de l'appliquer à la lettre n'amènerait pas la fermeture de la moitié des logements à Montréal? C'est cette question que je veux vous poser.

Et si tel était le cas, n'y aurait-il donc pas place pour quelque chose de moins "chromé"? Je m'excuse de l'expression.

M. Legault: Le code du logement est en application depuis dix ans. Il permet à des personnes qui croient que le logement n'est pas correct de faire une plainte. On envoie un inspecteur sur les lieux et celui-ci commande au propriétaire de faire les réparations qui s'imposent. Dans certains cas, on a défendu à des propriétaires de louer des logements qui étaient rendus vacants, parce qu'on les a déclarés non habitables et on a dit au propriétaire: Réparez avant de relouer. On fait ce travail préventif.

Dans d'autres cas, on a demandé que les gens laissent le logement parce que le logement était dangereux, il n'était pas habitable. C'est arrivé dans certains cas. Au-delà de cela, je dois vous dire que l'exercice ou l'application de ce règlement-là depuis dix ans ne nous a pas amenés — parce qu'on l'a vraiment appliqué et il y a maintenant 40 000 logements à Montréal qui ont été visités, et parmi les plus anciens, donc présumément les moins bien entretenus — on n'a pas eu ce phénomène de mettre la moitié ou le quart des gens à la porte de leur logement. Je pense que, dans la pratique, il est démontré que même dans son application ce règlement — d'après l'expérience que nous en avons — peut avoir un effet préventif quant à la relocation d'un logement qui doit être mis en ordre. Il peut aussi avoir comme effet, à certains moments, qu'on dise: Non, on ne peut pas laisser des gens dans de telles conditions ou, dans d'autres cas: C'est sûr que le logement n'est pas habitable au sens du code, mais, si le propriétaire fait telle réparation, ça le rendra habitable; en tout cas, il est préférable d'habiter dans de telles conditions que dans la rue.

Je pense que c'est cette pratique qui fait la différence.

M. Tardif: Avant de passer la parole au député de Notre-Dame-de-Grâce, je vais essayer de formuler ma question autrement. Si les locataires de Montréal décidaient de s'appuyer sur le Code du logement pour exiger devant la régie — puisqu'on est dans le cadre du projet de loi 107 — tout ce qui y est inscrit et disaient: A défaut que ces exigences soient remplies, on retire nos loyers, on refuse de les payer; faites les rénovations et ensuite on paiera, j'ai l'impression que ce genre de demande serait applicable de cette façon à ce niveau de normes. Est-ce que ça peut fonder un droit, pour un locataire, d'exiger que telle chose soit faite dans les logements?

M. Legault: Absolument. Selon le Code du logement, lorsque le locataire loge une plainte, l'inspecteur y va et, s'il y a des travaux à faire, le propriétaire est tenu de les faire. S'il ne les fait pas, il se fait traîner en Cour municipale. Il y a $100 000 d'amendes qui sont payés par les propriétaires qui ne veulent pas exécuter les travaux qui sont commandés.

Ce que je peux vous dire, c'est qu'il y a des gens qui ont logé des plaintes et ma réponse à votre question c'est que, même si les gens disaient: Venez voir notre logement et dites qu'il est inhabitable, je ne pense pas qu'on pourrait mettre la moitié de la ville de Montréal dehors, non plus que le quart ou qu'une proportion importante des gens. Ce qu'on pourrait faire, cependant, c'est faire améliorer les lieux. Bien sûr que si le plafond ou les murs sont défoncés, le logement peut bien ne pas être habitable; on va le déclarer non habitable, mais je ne pense pas que ce soit le fait de tous les logements ou d'une quantité appréciable des logements de Montréal.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: M. Legault, je me demande si je puis vous demander de répondre aux questions qui vont un peu plus loin que la question des loyers modiques. Je sais que votre mémoire touchait uniquement cette question, mais ce n'est pas tous les jours qu'on a l'occasion de vous voir ici.

J'aimerais savoir...

M. Legault: Vous me permettrez de répondre.

M. Scowen: Premièrement, nous sommes en train de créer un nouvel organisme ici. C'est sûr qu'un des buts principaux, c'est le contrôle des loyers. Vous avez vécu quelques années d'expérience avec la Régie des loyers et son système de contrôle; un nouveau système est prévu. Nous avons entendu beaucoup de personnes depuis deux semaines dire que le Québec était bien logé ou mal logé; il y a des perspectives très différentes là-dessus. J'aimerais que vous fassiez un tour d'horizon des deux points de vue. Est-ce que vous pensez qu'aujourd'hui les citoyens de Montréal sont bien logés en général? Est-ce que la régie et son système de fixation des loyers sur appel a aidé à la qualité des logements disponibles pour les locataires et est-ce que vous pensez que la régie qui est proposée sera, dans ce sens, une initiative dans la bonne voie pour améliorer la situation globale des logements au Québec? Voilà! En quelques mots.

M. Legault: M. le député, vous me posez une question à laquelle je ne m'étais vraiment pas préparé et je craindrais que si je risquais une réponse ou des réponses, étant donné que je ne suis pas préparé vraiment, ces réponses pourraient être incomplètes, voire injustes. Si vous me posez la question, je préférerais y réfléchir et soumettre, si vous voulez, après, un texte ou quelque chose de plus appuyé. Vraiment, à brûle-pourpoint comme cela, je me sens mal à l'aise d'avancer une opinion.

M. Scowen: D'accord.

M. Legault: Maintenant, je ne me refuse pas, remarquez bien, à répondre à la question, mais j'aimerais pouvoir y réfléchir.

M. Scowen: Oui, je comprends bien. C'est une question peut-être un peu trop large. A moins qu'on ne règle ces questions à ce niveau, c'est très difficile de préciser les solutions des articles l'un après l'autre, mais je retiens votre promesse de préparer quelque chose. Je pense que cela sera de valeur.

Quand j'ai lu votre document, surtout en ce qui concerne l'article 1661, c'est clair que d'après l'expérience vécue, il faut des changements importants à cet article parce que j'imagine que votre expérience est semblable à celles d'autres villes qui vont essayer de faire les mêmes choses.

Une chose que je veux préciser, c'est la question de la fameuse liste. Si je comprends bien à Montréal vous avez une seule liste pour toute la ville?

M. Legault: Oui.

M. Scowen: Si une personne veut s'inscrire, c'est sur la liste pour tous les HLM et tous les appartements, les logements de la ville. Vous ne pouvez pas vous inscrire sur une liste pour tel ou tel...

Est-ce qu'il existe à Montréal d'autres listes que celle de la ville de Montréal sur lesquelles vous pouvez vous inscrire?

M. Legault: Non, je dois dire que — on l'appelle, nous, le registre plutôt qu'une liste — lorsqu'une personne fait une demande, sa demande est placée au registre et est classée selon différents critères, par rapport au quartier, par rapport aux besoins de la personne, la grandeur du logement, s'il s'agit d'un logement pour une personne âgée, ou s'il s'agit d'un logement familial, etc.. Il y a six critères au total qui font qu'on peut, lorsqu'un logement devient vacant, par exemple si un logement devient vacant dans un quartier, faire sortir des demandes qui proviennent de ce quartier. Il y a des gens qui ont dit qu'ils voulaient aller habiter à tel endroit, alors, on a déjà... s'il n'y a pas de demande à cet effet, on va aller voir ailleurs.

Je dois dire que, de façon générale, avec le nombre que nous avons déjà, quand on réfère au critère quartier, on a déjà des réponses.

Alors, par la suite, il y a les autres critères qui vont s'appliquer et trois ou quatre cas vont être choisis, puis on va envoyer quelqu'un vérifier.

M. Scowen: Si je comprend bien, même s'il existe une seule liste pour Montréal, vous êtes en effet sur la liste pour les logements qui sont les plus proches de votre habitation actuelle parce que l'ordinateur va sortir votre nom seulement pour ceux qui sont très proches.

Alors, si vous habitez l'est de la ville et qu'il y a une vacance dans l'ouest de la ville, c'est très peu probable que votre nom va sortir. Est-ce que...

M. Legault: On va d'abord demander à l'ordinateur de nous donner la liste des gens qui habitent le quartier où le logement est devenu vacant.

M. Scowen: II n'y a rien dans le projet de loi ici qui permette à une personne de l'est de la ville dont le nom n'est jamais sorti par l'ordinateur pour les appartements dans l'ouest de la ville de faire une plainte à la régie?

M. Legault: C'est-à-dire que c'est l'inverse. La loi est rédigée de telle façon que cela ne permette pas qu'on fasse des distinctions de ce type. C'est-à-dire que quelqu'un qui reste dans l'est de la ville de Montréal pourrait dire: II y a un logement qui est devenu vacant dans l'ouest puis moi, j'ai le droit de l'avoir.

M. Scowen: Oui. (12 heures)

M. Legault: La personne qui demeure dans l'est dirait: II y a un logement qui est devenu vacant dans l'ouest, j'ai le droit de l'avoir.

M. Scowen: C'est cela.

M. Legault: C'est ce que dit la loi. Nous disons qu'il faut nuancer cette chose-là. L'appartenance au quartier est une réalité sociologique qu'on peut vérifier de la façon suivante. Il est arrivé, à quelques reprises, que des gens aient dit: On veut aller rester dans un autre quartier. On leur a accordé un logement, parce qu'il arrivait, à cause de la typologie ou pour d'autres raisons, qu'on pouvait accorder le logement. Dès que les personnes étaient installées dans un autre quartier, la première chose qu'elles faisaient, au bout de six mois, au bout d'un an, elles disaient: Je veux retourner dans le quartier d'où je viens. Cette appartenance au quartier est un phénomène qui se vérifie dans la réalité.

M. Scowen: Si je comprends bien, vous êtes d'accord avec moi que les articles tels que rédigés actuellement donnent peut-être la possibilité aux personnes de faire appel à la régie et de loger n'importe où aux frais des contribuables sans que les normes qui vont régler ces causes, par le régisseur, soient bien définies. C'est un problème. Merci.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: M. le Président, vous avez tantôt fait mention que les propriétaires qui n'acceptent pas de faire les réparations paient jusqu'à $100 000 d'amende.

M. Legault: A Montréal?

M. Cordeau: Oui, à Montréal. Quel est le pourcentage de propriétaires qui font les réparations demandées après la visite de vos employés?

M. Legault: 90% des propriétaires font les réparations à la suite de l'ordre d'effectuer ces réparations; 9% après la commission d'arbitrage et 1% après la Cour municipale.

M. Cordeau: Le système est assez efficace. M. Legault: Semble-t-il.

M. Cordeau: Très efficace, parce que 99%, on ne peut certainement pas demander mieux. On pourrait exiger plus, c'est très bien, mais les autres paient l'amende.

J'aimerais poser une question au ministre concernant le déguerpissement, si vous voulez. Lorsque les règlements concernant le Code d'habitabilité vont être en vigueur, est-ce que cela va être rétroactif à tous les baux qui ont été signés antérieurement? Si c'est cela, vous allez peut-être voir une multitude de personnes qui vont déguerpir, parce qu'elles vont dire: On peut déguerpir, parce qu'on est libéré par la nouvelle réglementation.

M. Tardif: M. le Président, c'est bien évident que si on fait un Code d'habitabilité qui contient les normes minimales qui disent qu'un logement qui n'a pas, par exemple, les sources d'éclairage ou d'alimentation en eau ne devrait jamais être offert en location sur le marché, effectivement, cela va couvrir ce type de logements. Ce qu'il faudra peut-être prévoir, ce sont des délais dans la loi ou dans l'entrée en vigueur du règlement pour permettre qu'on rende ces logements habitables, qu'un programme de restauration soit publié de façon parallèle ou concomitante à la publication du Code d'habitabilité lui-même et qu'on facilite — et c'est une question que j'avais l'intention de poser à M. Legault tantôt — la création ou l'existence possible de banques de logements, soit dans les HLM existants, soit par le programme de supplément de loyers qui pourrait permettre aux municipalités de louer des logements pour fins de relogement de ces personnes, le cas échéant.

C'est bien évident que ce sont des questions auxquelles il faudra répondre en temps et lieu.

M. Cordeau: M. le ministre, vous nous avez informés que la ville de Montréal avait la responsabilité de construire les HLM selon un protocole d'entente qui existe et que, même, vous auriez peut-être souhaité que d'autres municipalités signent un protocole d'entente similaire. Est-il dans vos intentions d'offrir ce nouveau pouvoir aux municipalités dans un délai plus ou moins rapproché?

M. Tardif: M. le Président, certainement pas ouvrir les vannes toutes grandes pour l'ensemble du monde municipal. Quand on sait que des municipalités au Québec ont deux habitants et qu'il y en a d'autres qui en ont un million, il y a une très grande diversité d'expérience, d'expertise. Un bon nombre n'ont même pas de secrétaire de la municipalité à temps plein. Alors, passe encore avoir des architectes, des ingénieurs, des urbanistes pour faire des projets d'habitation. Alors, je pense qu'il y a des seuils et que chaque cas sera étudié à son mérite. Nous sommes en négociation avec la ville de Québec pour un tel projet, de sorte que nous pourrions l'étendre, mais pas de façon universelle.

M. Cordeau: Messieurs, je tiens à vous féliciter de votre mémoire, de votre participation, surtout de la clarté et des précisions que vous apportez aux amendements dont vous aimeriez que le ministre tienne compte lors de la rédaction ou l'étude article par article de ce projet de loi. Je vous remercie.

M. Tardif: M. le Président, je veux à nouveau remercier l'Office municipal d'habitation de Montréal de sa présentation et de ses commentaires. Je ne crois pas que l'Office municipal d'habitation avait l'intention, en nous présentant certaines modalités particulières, disons, devant s'appliquer aux locataires de HLM, je ne crois pas que c'était son intention de marginaliser encore plus cette clientèle. J'ai bien l'impression que l'Office municipal d'habitation de Montréal est tout à fait d'accord pour que les locataires de HLM aient les mêmes droits, les mêmes recours et la même liberté d'action, dans toute la mesure du possible, que ceux de tout locataire au Québec. C'est peut-être une des raisons, par exemple, qui nous ferait dire qu'un bureau de griefs qui serait dirigé par la Société d'habitation du Québec, comme le lui permet sa loi, d'ailleurs, ne nous paraît pas souhaitable, puisque la Société d'habitation serait à la fois juge et partie. C'est elle qui émet les directives concernant la sélection des locataires et c'est elle qui également aurait à se prononcer sur l'application desdites directives.

Il me semble qu'il y a déjà un organisme compétent pour juger de cela, qui est la régie, enfin la commission actuelle ou celle qui deviendra la régie. C'est dans ce sens qu'il nous apparaît souhaitable... Bien que je conçoive qu'en matière, par exemple, de divulgation du loyer antérieurement payé, comme je l'ai mentionné, on puisse déroger à cette règle générale, puisque la confidentialité du revenu est en cause, puisque le loyer est fondé sur le revenu et non pas sur les charges afférentes à l'immeuble.

Mais j'aimerais, en terminant, poser une brève question à M. Legault sur cette idée d'une banque de logements, si on pense à de la restauration, par exemple, à effectuer, surtout dans des logements vraiment inhabitables qu'il faut évacuer pendant la restauration. Est-ce que vous croyez, M. Legault, qu'il est possible de réserver, à l'intérieur du parc immobilier de quelques milliers de logements, que vous offrirez un certain nombre de logements pour ces fins ou est-ce que cela devrait se faire par un programme de supplément de loyers par

lequel la ville de Montréal ou l'office municipal pourrait être autorisé à louer, le cas échéant, un certain nombre d'immeubles pour ces fins? J'aimerais avoir votre avis là-dessus.

M. Legault: Ma réponse, c'est que la question d'une banque de logements peut être envisagée d'une façon dynamique et non pas d'une façon statique. C'est-à-dire qu'il serait faux, d'imaginer de prendre 10, 15, 20, 50 logements et de dire: Bien, ces logements, c'est de l'habitation temporaire. Ce ne serait pas possible d'administrer dans ces conditions. Quand des gens sont déplacés pour la restauration, qu'on leur laisse le choix de revenir dans le logement original. Je pense qu'on doit laisser ce choix aux gens. Mais, dans la pratique, les gens, s'ils ont trouvé ailleurs un logement qui a du bon sens, vont dire: Je ne suis pas pour passer encore par un autre déménagement. Je suis installé ici; je veux rester ici. Dans ce sens, la banque de logements ne fonctionne pas, parce que les gens diraient: Je veux rester là. Quand j'ai dit une banque de logements dynamique, il s'agit de créer un premier vide, si vous voulez, qui serait des logements restaurés. Il y a 20 ou 30 logements restaurés. On institue un système dans lequel on dit, par exemple: Les 30 logements qui sont restaurés présentement, qui reçoivent des subventions suivant le Code du logement, sont à louer. On sait qu'il y a tant d'autres logements qui devraient être restaurés et là, les gens se cherchent un logement pour changer. C'est faire la communication entre des logements qui sont restaurés et qui viennent sur le marché et les logements qu'on devrait libérer, qu'on devrait faire libérer pour être restaurés.

On doit penser la banque de logements dans ce sens, d'une façon dynamique, selon un mécanisme qui informe les gens qui se cherchent un logement que dans telle rue, dans le même quartier, il va y avoir des logements qui vont se libérer dans un mois, deux mois ou trois mois. On n'est pas équipé actuellement pour donner ce type d'information; on le fait mais de façon assez incomplète. L'autre chose qui est bien importante, c'est que, lorsque nous louons des logements à loyer modique dans des quartiers, dès qu'un logement est attribué à une famille, on envoie immédiatement l'inspecteur du Code du logement. L'inspecteur fait la liste des travaux à faire; si c'est vraiment quelque chose de sérieux, on défend au propriétaire de louer immédiatement; il doit d'abord restaurer. Cela veut dire que le logement à loyer modique qu'on a produit permet de faire restaurer un logement et, lorsque ce logement est restauré, on peut prendre quelqu'un habitant un autre logement qui l'habitera.

M. Tardif: La jonction est faite à ce point entre...

M. Legault: On commence à la faire. Pour répondre à votre question, il faut envisager cela d'une façon dynamique et non pas d'une façon statique. Ce n'est pas possible de faire habiter une banque de logements par des gens. Les logements vont se détériorer ou les gens vont dire: Nous sommes bien ici, nous ne voulons pas partir. Ils vont bien avoir raison parce que ce n'est pas drôle de déménager. Il faut vraiment voir cela selon une optique de changement.

Dans le cas des personnes qui veulent revenir dans leur logement, il y aura moyen de le faire.

M. Tardif: Je veux m'assurer que j'ai bien compris. On sait que le critère d'admission dans les HLM est le ratio loyer/revenu. Il y a la qualité du logement et d'autres caractéristiques comme le surpeuplement, mais, lorsque le critère de la qualité du logement est celui qui pèse le plus dans la sélection des personnes, automatiquement, vous envoyez un inspecteur voir le logement que va évacuer cette personne qui va entrer dans le HLM et, avant que ce logement ne soit offert en location, des rénovations devront être faites. La liaison est faite entre ce programme de HLM et celui du PAREL, par exemple, pour la remise en état. C'est cela?

M. Legault: Oui.

M. Tardif: Alors, bravo! J'enverrai très certainement des gens de la Société d'habitation voir comment cela fonctionne pour proposer cela comme modèle ailleurs. Merci, monsieur.

Le Président (M. Laplante): Avant de clore, je sais qu'il y en a d'autres qui veulent poser d'autres questions. Il reste 15 minutes avant l'ajournement du débat. Ces 15 minutes donnent-elles le temps à M. Laflamme qui se trouve ici et qui représente l'Association des propriétaires d'immeubles de présenter son mémoire? Si vous n'en avez pas assez de 15 minutes, il faut que vous soyez très à l'aise parce que je ne voudrais pas couper cela en deux.

M. Laflamme: C'est justement le danger auquel on fait face et on préférerait, afin d'assurer la continuité de la présentation de notre mémoire et des questions qui pourraient être posées par les membres de cette commission, reporter le tout à cet après-midi.

Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. Est-ce que vous accorderiez encore quelques questions à M. Legault pour le temps qui reste et ensuite on ajournera?

M. Scowen: Pouquoi pas?

Le Président (M. Laplante): D'accord. M. le député de Rosemont.

M. Paquette: J'en ai une très courte, M. Legault, concernant les habitations à loyer modique. Bien sûr, le fait de les soumettre à la Régie des loyers ne concerne pas la fixation du loyer mais il y a les autres aspects qui peuvent impliquer les relations entre les locataires des HLM et

l'Office municipal d'habitation comme, en particulier, la salubrité des lieux, le bon entretien des lieux, etc. Est-ce que vous seriez d'accord avec une négociation collective de ces aspects?

J'ai rencontré, à plusieurs reprises, des résidents de HLM qui me disent: Devant l'administrateur — vous avez dû l'entendre aussi — de l'Office municipal d'habitation nous sommes un petit peu démunis; on fait des demandes et, parfois, les logements ne sont pas en bon état. On n'arrive pas à obtenir une amélioration de la situation. Je pense que d'autres ont réclamé le principe de la négociation collective dans les grands immeubles détenus par des entrepreneurs privés. Je me demande si le même principe, sauf en ce qui concerne la fixation du loyer, ne devrait pas s'appliquer dans des HLM. (12 h 15)

M. Legault: Ecoutez, actuellement, ce que l'on fait c'est que le champ d'activité de ces réclamations collectives viendrait pour un bâtiment, j'imagine; il y a présentement des comités de locataires dans les bâtiments et ces comités de locataires sont reconnus par l'Office municipal d'habitation. Dans la question que vous avez soulevée ou ce qu'on vous a rapporté, concernant les logements à loyers modiques — je ne sais pas si ce sont ceux de Montréal...

M. Paquette: De Montréal.

M. Legault: J'aimerais connaître le cas, parce que, de façon générale, on voit à ce que l'entretien des bâtiments soit fait correctement.

M. Paquette: Je ne voudrais pas laisser l'impression que les bâtiments sont mal entretenus, du tout. J'ai dit simplement que cela arrive, comme c'est normal dans tous les bâtiments, parce que cela se passe aussi dans l'entreprise privée, peut-être plus, mais n'empêche qu'il y a des problèmes à certains endroits. Pas nécessairement à un seul endroit. Ce n'est pas nécessairement un problème qui est vécu par tout le monde, mais cela arrive.

M. Legault: De toute façon, je pense que par le truchement, soit du comité de locataires ou ... je ne verrais pas comment on pourrait, dans le cas de l'entretien, faciliter les choses en mettant cela dans la loi. Je ne vois pas par quel bout de la loi on peut entrer cela. Ce qui m'apparaît important c'est que le locateur, qui est l'Office municipal d'habitation respecte des normes. Si les normes ne sont pas respectées, — là, je réfère au cas de Montréal — si vraiment il y a négligence de la part de l'office, les locataires, comme tous les locataires ailleurs, peuvent faire une plainte auprès du service de l'habitation qui est distinct de l'Office municipal d'habitation. Les inspecteurs du service de l'habitation ont pour tâche d'aller voir et, si les locataires ont raison, d'en faire part à l'office municipal. Je pense qu'il y a déjà des mesures.

M. Paquette: En fait, ma question se rattache à une autre... je termine là-dessus M. le Président, je ne veux pas m'éterniser. Une fois que les locataires sont dans une habitation de loyers modiques, est-ce que vous ne pensez pas que l'on devrait favoriser un peu plus leur responsabilité? Parce que l'on a beaucoup parlé, dans cette commission, des obligations du propriétaire, mais on a aussi mentionné, à plusieurs reprises, que l'on souhaitait une augmentation du sens des responsabilités des locataires. Je pense que le comité des locataires, effectivement, peut être un bon moyen pour faire cela. Cela éviterait, s'il y a des problèmes, que l'office municipal soit toujours pris devant la régie avec un locataire isolé. Cela pourrait se négocier plus collectivement. Je me demande aussi ce qui empêche la ville de Montréal de verser la subvention au comité des locataires pour lui permettre justement de s'organiser.

M. Legault: Bon, dans votre question il y a deux aspects. Le premier aspect... Pour ma part, je reviendrais à ce que le ministre Tardif disait tout à l'heure, à savoir que les locataires des logements à loyer modique devraient être, partout ou cela est applicable, considérés comme des locataires partout ailleurs. Ce sont des gens qui signent un contrat, qui sont responsables du contrat qu'ils ont signé. Je ne verrais pas qu'on traite différemment les locataires des logements à loyer modique de tout autre locataire.

Je pense que la relation qui existe entre le locateur et le locataire, c'en est une de personne à une autre personne. Quant à la question des subventions au comité de locataires, l'office municipal a toujours pris position dans ce sens-là, de ne pas intervenir. L'office municipal offre un service logement et l'avis que nous avons émis à ce sujet, c'est-à-dire que si les locataires veulent s'organiser, s'il y a des subventions qui sont disponibles, tant mieux, mais que pour nous, offrir en même temps le service logement et donner en surcroît la subvention, cela nous oblige à faire un contrôle de plus sur les locataires, ce qui peut compliquer des relations qui le sont suffisamment entre locateur et locataire.

Ce que nous pensons, c'est que c'est bon que des comités de locataires aient des subventions. Si le gouvernement veut leur en donner, qu'il leur en donne, mais nous pensons que nous ne devons pas être mêlés à cette question, cette question de contrôler comment ces subventions sont dépensées, parce qu'il est bien sûr que, si on donne des subventions, on va demander des comptes.

Nous avons eu des expériences de gens qui ont demandé des subventions des comités de locataires, en partie, et ce qu'on a découvert, c'est qu'ils faisaient du double emploi avec des services qu'offrait déjà la municipalité, que des comités de locataires, par exemple, bien intentionnés se trouvaient à faire des organisations, dans le fond, pour amener les gens à se retrancher de l'ensemble de la collectivité pour se refermer dans leurs habitations, alors que nous croyons que des logements à loyer modique, que ce soit pour des personnes

âgées ou pour les familles, cela doit faire partie de la trame urbaine et cela doit aller dans la nature des choses. Par exemple, chez les personnes âgées, qu'elles aient encore des activités à l'extérieur, que toutes les activités ne se trouvent pas à l'intérieur du bâtiment.

Chez les familles, actuellement le programme dans le placement multiple que l'on fait à Montréal, c'est qu'on essaie de situer sur des lots vacants des logements à loyer modique qui soient le plus anonyme possible, c'est-à-dire qu'on ne veut pas qu'ils apparaissent comme étant des ensembles de logements à loyer modique, mais qu'ils soient des logements dans la continuité de la rue de manière que les gens qui y habitent soient des gens qui appartiennent au quartier.

Cette question des comités de locataires et des subventions aux comités de locataires... Nous ne voulons pas à la fois être juge et partie. Ce que nous disons: Si des associations ou des comités de locataires... Je prends par exemple les subventions données par Horizon Nouveau aux personnes âgées. Cela n'a rien à voir avec nous heureusement, parce que quand surgissent des difficultés quant à l'attribution des fonds, les gens viennent nous voir et nous disent: Madame Unetelle a fait ça, M. Untel a fait ça. On dit: Ecoutez, ce n'est pas notre problème. Vous êtes responsable de ça.

M. Paquette: Si je comprends bien, vous ne vous opposeriez pas à ce que les comités de locataires puissent disposer de certains fonds, mais vous souhaiteriez que ce soit quelqu'un d'autre qui leur fournisse.

M. Legault: Bien sûr.

M. Paquette: Je comprends votre position.

M. Tardif: Je voudrais quand même apporter une précision là-dessus. Cette subvention prévue aux associations de locataires de HLM de $10 par logement par année peut être comptabilisée dans le déficit d'exploitation qui est partagé à raison de 50%, 40% et 10%: 50%, Société centrale d'hypothèques; 40%, Société d'habitation, et 10% à l'Office municipal de Montréal concerné. De sorte que, déjà, c'est assumé à 90% par quelqu'un d'autre au point de vue du coût.

M. Paquette: En termes de coût, mais, si je comprends bien, c'est l'attribution que vous aimeriez voir faite par quelqu'un d'autre.

M. Legault: Oui, on ne veut pas avoir affaire à l'attribution de ça; on ne veut pas se mêler de ça.

M. Tardif: Donc, ce n'est pas une remise en question du principe même de l'attribution d'un montant, mais qui ferait l'attribution et à qui. C'est ça?

M. Legault: L'office municipal dit que les subventions aux comités de locataires, nous, on ne veut pas être mêlé à ça. Quant aux principes et aux autres histoires que vous voulez, ça regarde le gouvernement; vous ferez ce que vous voudrez, mais, quant à nous, on ne veut pas y être mêlé.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, dernière question.

M. Scowen: D'abord, un court commentaire sur les subventions. On a constaté, ces derniers jours, le manque d'organisation des propriétaires; je ne parle pas nécessairement des grandes compagnies d'immeubles, mais je parle des petits propriétaires qui ont des duplex, des triplex et qui, semble-t-il, n'ont aucun organisme pour les représenter, qui sont souvent, d'après les témoins que nous avons entendus, la cause des problèmes vécus par les locataires. Je pense que ce ne serait pas une mauvaise idée d'essayer au moins de stimuler le développement d'un organisme représentant les petits et moyens propriétaires, pour que nous puissions avoir quelqu'un avec qui on puisse discuter des normes de conduite et du comportement général qu'ils doivent adopter pour éviter, en partie, les problèmes que l'on constate.

M. Paquette: Ce raisonnement s'applique aux locataires également.

M. Scowen: Oui, je poursuis votre raisonnement.

M. Paquette: D'accord.

M. Scowen: Tout ce que je vous dis... Si le gouvernement doit s'occuper de ces choses, c'est une question, mais, s'il s'en occupe, et d'après moi c'est équitable, le plus important, c'est que ça pourrait être efficace pour nous donner quelqu'un à qui nous puissions parler.

M. Guay: Si je puis me permettre. Si on se souvient, l'autre jour, quand la Ligue des propriétaires de Montréal est venue, la question lui a été posée, parce qu'elle se plaignait qu'elle n'avait pas de permanent, que ça coûtait très cher, etc. En fait, avec la cotisation qu'elle avait et le nombre de membres qu'elle avait, elle avait un budget de $90 000 par année; alors, à moins qu'une très grande partie de cela n'aille en frais juridiques pour l'avocat qui les représentait, ce qui est possible, je ne sais pas, à $90 000 par année, vous avouerez qu'ils ont quand même des moyens financiers non négligeables et cela, c'est une cotisation de $18 par année seulement par propriétaire. Quand on sait, d'autre part, que les propriétaires peuvent déduire de l'impôt une bonne partie des frais d'habitation locative, ils ne sont pas si à plaindre que cela, il faut quand même faire une nuance.

M. Scowen: Je vous laisse le dernier mot parce que je ne voulais pas susciter un débat.

M. Guay: Moi non plus.

M. Scowen: Les concubins, vous en avez parlé, l'article 1657.2, à savoir que le droit d'un parent, d'un allié ne doit pas exister dans le cas des HLM et les raisons sont claires. On peut aussi soulever le problème des concubins dans le secteur privé, parce que cet article s'applique, le maintien dans les lieux, à tous les appartements.

Le concubin, est-ce une expression qui a un statut juridique, est-ce défini, c'est quoi? Est-ce qu'il y a une définition de... Ce que je veux savoir en fait, M. Legault, c'est si l'addition de cette catégorie de personnes dans la loi globale pourrait créer quelque peu des problèmes de définition en ce qui concerne le maintien dans les lieux, dans le secteur privé. Je vous pose la question parce que j'ai l'impression que vous avez probablement eu beaucoup d'expérience avec des concubins vous-même.

Le Président (M. Laplante): Vous avez une minute pour répondre à cela.

M. Legault: Quelle réputation me faites-vous! Ecoutez je ne sais pas, je ne connais pas la définition juridique du concubin. Les expériences que nous avons eues — moi, je n'ai rien contre cela, cela regarde les gens — ce que l'on dit au sujet des logements à coût modique c'est qu'il peut arriver que deux personnes vivent ensemble puis que la personne au nom de qui était le bail s'en aille. Son concubin dit: Moi, je le veux ce logement. Normalement, si on avait suivi les règles ordinaires, cette personne n'aurait pas été admissible à un tel logement. Ce que nous disons c'est qu'il faut faire attention et que la loi, telle qu'elle est faite, donnerait le droit à une personne qui est non admissible autrement à un logement à coût modique.

M. Scowen: Est-ce que, sur le plan juridique, il y a une définition, une façon de distinguer un concubin, c'est quelque chose de très clair?

M. Tardif: II y a présentement une commission parlementaire qui siège pour étudier la question du droit de la famille où on semble s'acheminer vers une reconnaissance des unions de fait. Là, la commission siège présentement.

M. Scowen: A l'heure actuelle, cela n'existe pas.

Le Président (M. Laplante): Sur ce, M. Legault...

M. Tardif: Le droit...

Le Président (M. Laplante): Les membres de cette commission vous remercient de votre participation. Vous auriez un dernier mot à ajouter?

M. Legault: Si vous permettez, je répéterais une chose. En conclusion, j'aimerais dire quelque chose. Il y a lieu que soit approfondi le dossier du logement public, surtout celui de l'expérience de

Montréal, par une consultation directe afin d'éviter des pièges de ouï-dire.

Le Président (M. Laplante): Merci, messieurs. Sur ce, la commission ajourne ses travaux sine die. Sur l'ordre de la Chambre, nous reviendrons probablement ici, dans la même salle, cet après-midi.

Suspension de la séance à 12 h 29

Reprise de la séance à 15 h 51

Le Président (M. Laplante): A l'ordre, s'il vous plaît, si vous voulez prendre vos sièges.

La commission des affaires municipales se réunit pour l'étude du projet de loi 107, Loi instituant la Régie du logement et modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives, afin de recevoir les mémoires. Les membres de cette commission sont: M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Caron (Verdun), M. Cordeau (Saint-Hyacinthe), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Gratton (Gatineau) remplacé par M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce); M. Guay (Taschereau), M. Mercier (Berthier), M. Ouellette (Beauce-Nord), M. Roy (Beauce-Sud), M. Shaw (Pointe-Claire), M. Tardif (Crémazie). Les intervenants sont: M. Alfred (Papineau), M. Charbonneau (Verchères), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska); M. Goldbloom (D'Arcy McGee) remplacé par M. Forget (Saint-Laurent); M. Lacoste (Sainte-Anne), M. Léonard (Laurentides-Labelle), M. Samson (Rouyn-Noranda); M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce) remplacé par M. Lavoie (Laval); M. Vaugeois (Trois-Rivières) remplacé par M. Paquette (Rosemont).

Le prochain groupe sera l'Association des propriétaires d'immeubles de la Communauté urbaine de Montréal Inc.

Je voudrais savoir si les autres groupes sont encore ici. Mme Léone P. Gagnon. Elle n'a pas répondu ce matin.

Une Voix: Oui, elle est là, Mme Gagnon.

Le Président (M. Laplante): Ah! elle est là, Mme Gagnon? D'accord.

L'Association des commerçants d'automobiles est ici et les Structures métropolitaines du Canada Ltée.

Une Voix: Ils vont venir...

Le Président (M. Laplante): Ils vont venir probablement. Monsieur, vous connaissez les règles?

M. Laflamme (Serge): Non.

Le Président (M. Laplante): C'est d'essayer de faire une présentation en dedans de 20 minutes pour que les 40 dernières minutes puissent être des questions des membres de cette commission. C'est commencé.

M. Laflamme: Au niveau de la procédure, est-ce que le ministre ou les autres participants ont un droit de réponse ou simplement le droit de poser des questions?

Le Président (M. Laplante): Non, les questions vont provenir des membres de cette commission et vous avez les réponses.

M. Laflamme: Très bien.

Le Président (M. Laplante): Cela dépend du genre de question que vous avez à poser. On vous arrêtera si ce n'est pas conforme.

Association des propriétaires de la CUQ

M. Laflamme: Si vous permettez qu'on continue, ici Serge Laflamme, procureur de l'Association des propriétaires de la CUM.

M. Lemelin (Michel): Michel Lemelin, président de l'association des propriétaires.

M. Laflamme: M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, dans son livre blanc sur les relations entre locateurs et locataires publié en décembre 1977, le gouvernement actuel rendait publics les grands objectifs de sa réforme en matière d'habitation qui devait s'effectuer en deux étapes, soit enlever de la Loi pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires son caractère temporaire et la rendre permanente, tout en élargissant son champ d'application; deuxièmement, permettre l'unification des dispositions du Code civil et de la loi de conciliation.

La première de ces étapes a déjà été remplie lors de l'entrée en vigueur du projet de loi no 96, sanctionné le 22 décembre 1977. Il faut donc bien noter que la première partie de la réforme, soit rendre permanente la loi de la conciliation qu'on nous annonçait dans le livre blanc publié en décembre 1977 et dans lequel on demandait à tous les intéressés de faire connaître leurs opinions, a été réalisée dans un projet de loi déposé le lendemain et sanctionné deux jours plus tard.

Alors, cette première étape ne peut être logiquement perçue que comme étant l'adoption de dispositions temporaires, même si on les annonce comme permanentes, dans l'attente d'une réforme plus globale qui nous a été annoncée dans le livre blanc. Sinon, nous ne voyons pas l'utilité de publier un tel livre blanc pour demander aux gens de faire connaître leurs opinions. C'est pourquoi notre association considère le projet de loi 107 comme une occasion qui nous est donnée de remettre en question la permanence du contrôle des loyers qui a été adoptée par le projet de loi no 96.

S'il est étonnant de voir le gouvernement présenter à l'Assemblée nationale un projet de loi qui modifie en profondeur les règles du jeu sur le marché et y renforce encore le pouvoir tutélaire de l'Etat, il est encore plus étonnant de constater l'absence de débats, exception faite de quelques mémoires soumis à la suite de la publication du livre blanc, sur des sujets qui remettent en question nos institutions. On a en effet négligé, tel qu'il appert de la présentation du projet de loi 107, les grandes questions juridiques et économiques que soulèvent les intentions du gouvernement.

Le gouvernement du Québec et l'opinion publique avec lui ont négligé l'aspect économique et social de la question. Le projet avorté du Code des loyers en 1972, la loi pour empêcher les hausses abusives de loyer en 1973, toutes les lois adoptées subséquemment par le législateur sur le louage de choses, le récent livre blanc de décembre 1977 et le projet de loi 107 témoignent, en effet, de cette absence de débats sur des questions fondamentales.

Les conclusions d'études économiques réalisées par des experts de divers pays montrent que le contrôle des loyers par l'Etat n'a que des effets économiques et sociaux néfastes. Il semble d'ailleurs y avoir une rare unanimité d'opinion parmi les économistes à propos des effets des contrôles des loyers.

Notre motivation première, à nous de cette association comme aux autres groupements qui ont fait des représentations auprès du gouvernement à ce sujet, est bien sûr de défendre les intérêts et idéaux du groupe que nous représentons mais la théorie juridique, l'analyse économique et l'expérience prouvent amplement que nos intérêts en cette affaire coïncident avec l'intérêt général et le bien commun de tous les citoyens. Alors, nous avons divisé la présentation de notre mémoire en deux parties: une partie qui traite des aspects juridiques du projet de loi 107 et une deuxième partie qui traite des aspects économiques. Je me permettrai de résumer les aspects juridiques d'abord.

En mars 1977, le Barreau du Québec soumettait au ministre des Affaires municipales, qui est ici présent aujourd'hui, un mémoire dénonçant la loi numéro 78 qui est désormais célèbre, sanctionnée le 23 décembre 1976. Entre autres, le Barreau mettait le législateur en garde contre toute réforme qui aurait une portée d'exception en ne visant qu'un groupe particulier de citoyens et constituerait une atteinte au principe de la séparation des pouvoirs. Or, en lisant le projet de loi 107, on s'aperçoit que cette mise en garde a été complètement ignorée. A la lecture de l'article 3, nous pouvons facilement comprendre et réaliser l'intervention du gouvernement dans le système juridi-ciaire ou dans l'organisme judiciaire que l'on entend créer. Alors il suffit de citer que l'article 3 prévoit que la régie sera chargée "d'analyser les effets de l'application de la présente loi et de faire au ministre des Affaires municipales les recommandations qu'elle juge utiles; donner au ministre son avis sur toute question que celui-ci lui soumet; renseigner le public sur ses droits et obligations résultant du bail d'un logement et sur toute matière visée dans la présente loi." De plus, l'article 21 stipule que "le président doit fournir au ministre tout renseignement et tout rapport que celui-ci requiert sur les activités de la régie."

Alors, ce sont là des exemples de l'Intervention que l'on qualifie d'inadmissible de l'exécutif dans le pouvoir judiciaire et des exemples patents d'entorse au principe fondamental de la séparation des pouvoirs.

Egalement, il y a un principe que pour pouvoir rendre justice, les tribunaux doivent faire preuve de neutralité. Or, le projet de loi 107 est encore éloquent à cet effet, puisque, de par le texte même du projet de loi, la nouvelle régie qu'on entend créer sera partie et juge à la fois, et plutôt partie en faveur des locataires que des propriétaires.

Il est à noter que la loi prévoit et que les membres du personnel de la régie doivent prêter leur assistance, pour la rédaction d'une demande, à une personne qui la requiert. Il faut également noter l'article 3 qui prévoit les interprétations que l'on va donner publiquement de la loi. Alors, comment un plaideur pourra-t-il se présenter devant la régie pour soutenir que tel article de la loi signifie telle chose alors que les régisseurs seront d'avance liés par l'interprétation qu'on en aura donnée. (16 heures)

II faut également souligner les pouvoirs arbitraires qui sont accordés aux régisseurs. Ce matin, j'entendais le ministre qui disait: On ne peut pas faire autrement que de le permettre, où c'est nécessaire que des décisions soient prises quand on remet en question l'opportunité de certaines choses. C'est justement ce que la loi fait de façon évidente. On donne aux régisseurs des pouvoirs vraiment arbitraires.

On peut citer, par exemple, les dispositions prévues à la section II du chapitre 3, où on énumère une série de critères pour ce qui est des demandes de démolition, de subdivision ou de changement de destination d'un logement, des critères sur lesquels les régisseurs doivent se baser avant de refuser ou d'adopter une demande et, par la suite, on dit qu'ils peuvent prendre eux-mêmes en considération tout autre critère pertinent.

Or, cela veut dire que des régisseurs auront toute la discrétion nécessaire pour fixer eux-mêmes des critères. Les justiciables seront encore une fois à la merci de certains juges de cet organisme quasi judiciaire.

Il faut également noter les pouvoirs de réglementation très grands qui sont accordés à ce nouvel organisme qu'on entend créer. Selon notre association et selon l'étude qui en a été faite, nous soutenons que ces pouvoirs de réglementation équivalent à des pouvoirs de législations déguisés. En somme, ce qu'on dit, c'est que par le truchement de pouvoirs de réglementation, on permet à la régie et au gouvernement de changer le droit substantif. Alors, on marque une chose dans la loi et, par des pouvoirs de réglementation, on va permettre de modifier d'une certaine façon ce qui est écrit dans la loi.

A titre d'exemple, nous savons que la pierre angulaire du projet de loi est le contrôle des loyers. Nous comprendrons donc l'intérêt de tous à connaître les critères et la méthode de fixation du loyer. Or, c'est un exemple où, encore là, ces critères seront établis par règlement du gouvernement. On sait toutes les dispositions — il en a été fait mention ce matin — qui ont trait à la question d'habitabilité. Les critères d'habitabilité... Le ministre parlait d'un code d'habitabilité.

Or, ce sont encore des dispositions qui seront adoptées par règlement. La loi prévoit dans plusieurs cas que les locataires pour cette question de normes d'habitabilité pourront soit déguerpir, déposer leur loyer devant la régie, etc.

Alors, il serait crucialement important pour tous de savoir exactement où on se situe au niveau de ces fameux critères d'habitabilité et cette question de normes minimales d'habitabilité.

Alors, nous terminons cette partie juridique en disant qu'il y a un vieux principe de droit qui dit que nul n'est censé ignorer la loi.

Or, avec l'adoption d'un projet de loi tel que celui qui nous est présenté, nous soutenons que ce principe très bientôt ne pourra plus s'appliquer devant nos tribunaux, à cause justement de la complexité de la loi et également à cause des très nombreux pouvoirs de réglementation qui sont accordés et qui disons-le encore équivalent à des pouvoirs de législation. C'est d'ailleurs probablement bien conscient de ce fait qu'on prend la peine de stipuler dans la loi que le personnel de la régie devra prêter assistance à ceux qui en font la demande pour la rédaction des applications à faire devant cet organisme.

Alors, on a soutenu que l'objectif de la réforme était l'unification des lois, la simplification des recours par la création de la Régie du logement.

Or, lorsqu'on regarde de près cette loi, on s'aperçoit qu'avant la réforme, nous avions trois tribunaux d'impliqués, après la réforme nous aurons encore trois tribunaux, trois juridictions, d'impliqués. Contrairement à ce que prétend le livre blanc, soit la simplification des recours qui est recherchée, il y aura une multiplication des recours et, si vous voulez, lors de la période des questions je pourrai vous en donner des exemples.

Quelle a été la justification du contrôle des loyers depuis 1973?

En 1973, lorsqu'on a adopté la loi pour empêcher les hausses abusives des loyers cela avait été présenté comme une mesure anti-inflation visant à protéger les locataires dans une période de pénurie de logement.

Or, lorsqu'on considère le livre blanc et le projet de loi no 107, on s'aperçoit que les justifications qui sont à la base de ce projet de loi sont plutôt d'ordre politique et légal. Politique, parce qu'il ressort nettement du livre blanc et du projet de loi, qu'on veut donner l'impression aux locataires qu'on s'occupe d'eux en les protégeant contre les abus des propriétaires.

J'aimerais noter que toute la publicité du gouvernement est toujours faite de façon biaisée relativement à cette notion de propriétaire. On parle toujours, dans tous les textes, dans le livre blanc, dans la publicité, d'abus de propriétaire. Or,

c'est complètement inadmissible de la part du gouvernement de parler constamment d'abus du propriétaire. Or, il faut essayer de démystifier cette image que le gouvernement actuel est en train de faire des propriétaires, des "abuseurs" publics des pauvres locataires.

Si c'était le cas, il n'y aurait pas cinq pour cent des demandes devant la Régie des loyers, cinq pour cent des locataires qui se prévalent des recours devant la Régie des loyers actuelle. Si c'était le cas, il n'y aurait pas eu en 1978, dix pour cent de moins de demandes devant la Régie des loyers par rapport à 1977. J'aimerais bien que le ministre prenne bonne note pour la publicité future qu'il entend faire, puisque cela semble être une autre pierre angulaire de son projet, la très grande publicité que l'on va faire sur les droits des parties.

Il faut noter également que le projet de loi 107 érige le droit au maintien dans les lieux en principe absolu. Il est également intéressant de noter que ce principe est élaboré au Québec depuis l'instauration du contrôle des loyers en 1973. On s'en est servi en 1975 pour enlever le droit de conversion en copropriété et, en 1976, pour décréter un gel des évictions. Alors, par une espèce de fiction de la loi et en érigeant ce principe en principe absolu, on transfère effectivement le droit de propriété du propriétaire en faveur du locataire. C'est ce que de nombreux autres groupes sont venus vous dire de façon différente.

Dans notre mémoire, nous soutenons que les vrais motifs d'une réforme qui sont basés sur le contrôle des loyers sont justement d'assurer cette espèce de maintien d'une technocratie qui a déjà été mise en place à la suite de l'adoption du contrôle des loyers depuis 1973 et, encore, d'assurer le contrôle tutélaire de l'Etat sur le marché de l'habitation. C'est sur une Régie du logement qui est d'abord là pour contrôler les loyers et ensuite pour empêcher les évictions que vient se greffer la réforme au niveau des juridictions. Or, si on remet en question la légalité et l'opportunité du conrôle des loyers comme nous le faisons dans notre étude, nous remettons en question toute la façon dont la réforme doit s'opérer.

En ce qui concerne les aspects sociaux et économiques du projet de loi 107, nous aimerions résumer les principaux arguments concernant les conséquences du contrôle permanent des loyers. Il est admis, il est même reconnu par les études qui ont été publiées par le gouvernement antérieurement que les contrôles des loyers ont des conséquences néfastes et que ces conrôles occasionnent une rareté de logements, une détérioration sérieuse des logements actuellement disponibles, l'élimination du secteur privé dans la construction de nouveaux logements. L'entreprise privée, qui a la possibilité de construire partout en Amérique du Nord et spécialement là où la libre entreprise est encore florissante, n'investira certainement pas dans un pays, province ou ville où elle doit faire face à des contrôles de loyers très stricts.

En conséquence, toute nouvelle construction dans ce secteur devra être entreprise directement ou indirectement par le gouvernement, en utilisant naturellement des fonds publics à cette fin. D'ailleurs, selon le rapport Legault, c'était l'une des conséquences du contrôle des loyers. La rareté du logement et l'absence de toute construction de nouveaux logements d'habitation font inévitablement grimper les prix des maisons privées qui deviennent rapidement hors d'atteinte pour le citoyen moyen. Le contrôle des loyers peut, peut-être, temporairement permettre à certaines personnes de payer des loyers plus bas. Mais l'impossibilité pour ces mêmes personnes de trouver d'autres logements qui leur conviennent affecte sérieusement leur mobilité. Ceux qui en souffrent le plus sont les familles nombreuses, les jeunes ménages et, de façon générale, tous ceux qui recherchent de nouveaux logements et qui sont dans l'impossibilité de choisir selon leur convenance et préférence, se contentant de ce qu'ils peuvent trouver, s'ils réussissent à trouver un logement.

A la suite de la détérioration constante des logements actuels, dans la ville de New York, 30 000 logements par année sont abandonnés. C'est un exemple que l'on doit prendre en considération. La base fiscale des municipalités se trouve lentement affectée, ce qui occasionne des augmentations de taxes, des coupures dans les dépenses des services municipaux et engendre finalement le chaos financier. C'est ce qui s'est produit à New York, l'une des sept villes aux Etats-Unis, où l'on a adopté le contrôle permanent des loyers.

Alors, après avoir décrit ces conséquences économiques du contrôle des loyers, l'expérience qui a été vécue dans les autres pays — notamment à New York — en Suède, en Angleterre et en France, il est intéressant de noter, comme on le fait dans le mémoire, qu'en France, durant une période de dix ans, 119 lois ont été adoptées relativement à ces questions de loyers.

Nous reprenons également, dans notre document, les conclusions du rapport Castonguay, sur le contrôle des loyers. Enfin, nous analysons les conséquences économiques prévisibles du projet de loi 107, qui sont celles que nous venons de vous décrire.

Je me permettrai, puisqu'il me reste deux minutes, de vous lire notre conclusion. En résumé, les contrôles de loyers qui existent présentement au Québec sont déjà tellement discutables qu'il faudrait songer à les abolir. Et il est certes téméraire, c'est le moins qu'on puisse dire, de présenter un projet de loi qui vise plutôt à renforcer les contrôles existants au mépris du droit et des réalités économiques.

Quel argument reste-t-il en faveur du projet de loi 107? L'argument "social"? Rien n'est moins sûr, comme nous l'avons démontré, si les contrôles de loyers nuisent à ceux-là même qu'on prétend aider: les défavorisés, les familles nombreuses, les gens âgés. Comme on s'en est finalement aperçu en Suède — ce sont les locataires eux-mêmes qui ont demandé le décontrôle — les locataires se trompent quand ils croient que leurs intérêts sont bien servis par de telles politiques.

Nous recommandons donc que toute la question soit réévaluée, à la lumière, entre autres choses, des observations du rapport Castonguay, et que soient étudiées les différentes méthodes de décontrôle, attendu qu'il est urgent d'amorcer un tel décontrôle.

En ce qui concerne le projet de loi 107, nous recommandons qu'il soit retiré, pour les motifs exposés dans notre étude. Nous recommandons que le gouvernement, avant d'entreprendre quelque réforme que ce soit dans ce domaine, obtienne d'organismes spécialisés et d'experts indépendants, de nouveaux avis sur le contrôle des loyers et que les fonctionnaires responsables de ce dossier se rendent sur place pour évaluer l'expérience des autres pays dans ce domaine. Ce n'est qu'à la lumière de ces nouvelles données et de nouvelles études comparatives, que nous pourrons prétendre entreprendre une réforme dans le domaine de l'habitation dans le meilleur intérêt de tous les Québécois.

D'autre part, toute réforme envisagée ne devrait pas tenir pour acquis la nécessité de la création d'une nouvelle juridiction en matière de baux d'habitation. Nous considérons que les tribunaux de droit commun offrent des garanties de droit de justice, d'égalité et de liberté que les juridictions d'exception n'offrent pas.

Alors, voilà résumés, M. le Président, les principaux arguments de l'association face au projet de loi 107.

Le Président (M. Laplante): Merci monsieur. M. le ministre.

M. Tardif: Oui, M. le Président. J'ai lu attentivement le mémoire de l'Association des propriétaires d'immeubles de la Communauté urbaine de Montréal et j'ai écouté le résumé qu'en a fait son porte-parole. Avant de commencer l'étude sur le fond du mémoire, j'aimerais savoir qui est l'Association des propriétaires d'immeubles de la Communauté urbaine de Montréal, depuis combien de temps elle existe, combien de membres elle regroupe et ce qu'elle représente.

M. Laflamme: M. le ministre, à la suite de la publication de votre projet de loi, certains propriétaires ont décidé de se réunir, puisque les mémoires qui avaient été soumis à la suite du livre blanc on été complètement ignorés. Alors, comme le projet de loi reproduisait presque intégralement le livre blanc, les propriétaires, au mois de janvier, le 25 janvier, se sont réunis. Une corporation sans but lucratif a été créée au mois de décembre et l'association regroupe... Actuellement, avec des moyens limités nous avons réussi à regrouper près de 300 membres et nous représentons 70 000 logements. (16 h 15)

M. Tardif: Si je comprends bien, c'est un organisme qui a été formé de façon spontanée depuis la publication du livre blanc, soi-disant parce que des mémoires soumis par votre organisme lors de la publication du livre blanc n'auraient pas reçu d'attention.

M. Laflamme: Non...

M. Tardif: Avez-vous effectivement soumis un mémoire à mon ministère sur le livre blanc?

M. Laflamme: Non, M. le ministre. M. Tardif: Bon!

M. Laflamme: Vous m'avez mal compris. Ce que je vous dis...

M. Tardif: Oui.

M. Laflamme: Je vous citerai en exemple l'Association des constructeurs d'habitations du Québec qui avait soumis un mémoire à la suite de la publication du livre blanc. Or, les grands aspects de ce mémoire-là ont complètement été ignorés dans le projet de loi.

M. Tardif: D'accord, mais...

M. Laflamme: A la suite de cela, lorsqu'on a vu le projet de loi 107, on a dit: On ne peut plus rester silencieux, il faut absolument se regrouper pour représenter les intérêts des propriétaires...

M. Tardif: D'accord.

M. Laflamme: ... en ce qui concerne la législation spécifique en matière de loyers.

M. Tardif: Très bien. C'est donc un organisme qui vient d'être créé.

M. Laflamme: C'est cela.

M. Tardif: Un organisme sur lequel, d'ailleurs, on publiait régulièrement dans les journaux des annonces: Propriétaires d'immeubles à logements, défendez-vous, défendez vos droits, joignez les rangs de... etc.

M. Laflamme: Exactement, puisque ces organismes-là n'ont pas de génération spontanée, ils se forment et les membres s'obtiennent à la suite de publicité. Malheureusement...

M. Tardif: C'est cela. On les suscite...

M. Laflamme:... nous n'avons pas les subventions du gouvernement pour pouvoir nous organiser.

M. Tardif: Bon! Voilà pour ce qui est de l'association dite des Propriétaires d'immeubles de la Communauté urbaine de Montréal. Maintenant, vous, Me Laflamme, qui êtes-vous?

M. Laflamme: Je suis avocat chez Geoffrion et Prud'homme et je suis procureur de l'association des propriétaires.

M. Tardif: Vous avez été aussi administrateur à la Régie des loyers du 9 avril 1973 au 10 octobre 1974. Est-ce exact?

M. Laflamme: Je suis bien prêt à répondre à cette question-là et à vous dire oui, ce qui me permet de discuter du sujet, qui est devant cette commission aujourd'hui, avec connaissance de cause, oserais-je prétendre. Je demanderais même à M. le Président d'intervenir si le ministre veut continuer dans cette idée et en savoir plus long sur ma vie privée; je me demande jusqu'à quel point c'est pertinent.

M. Tardif: On laissera à la commission...

M. Laflamme: On a un mémoire de 70 pages, on a une heure pour le présenter et je pense qu'il devrait s'en tenir aux arguments qui sont dans ce mémoire.

M. Tardif: La commission sera juge de la pertinence des interventions, Me Laflamme.

M. Laflamme: Ecoutez!

M. Tardif: Dans votre mémoire, vous faites allusion au conflit d'intérêts possible dont pourraient faire preuve les administrateurs du fait que la commission, de par les fonctions, à l'article 7 de la loi, serait appelée à jouer un rôle de conseil auprès du ministre sur l'application de la loi et dire que, finalement, ceci pourrait poser des problèmes lorsque, évidemment, le ministre serait appelé ultérieurement à entendre des affaires venant devant la régie. Je vous ferai remarquer que cette fonction de la régie a toujours été et voici la question que je voulais vous poser de façon plus spécifique, c'est peut-être la raison de ce préambule. Lorsque vous étiez administrateur de la Régie des loyers, est-ce que vous vous sentiez lié par les informations que les employés de bureau donnaient aux personnes qui s'adressaient au comptoir? Vous sentiez-vous lié, à ce moment-là, par les recommandations que le président de la commission pouvait faire au ministre sur l'application de la loi?

M. Laflamme: Non, parce qu'à cette époque-là, il n'y en avait pas.

M. Tardif: Ah bon!

M. Laflamme: D'ailleurs, il faut bien noter qu'en 1973, lorsqu'on a instauré le contrôle des loyers, premièrement, il n'y avait pas de bureau technique, c'est par la suite que cela a commencé à prendre forme, ce bureau technique et cette bureaucratie. A l'époque où j'étais administrateur, il n'y en avait pas. Deuxièmement, je dois vous avouer qu'il n'y avait personne du Parti libéral qui s'intéressait à cette loi-là. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, en 1973, le ministre de la Justice s'est débarrassé de cela pour le donner au ministre des Affaires municipales, et c'est vous qui en avez hérité.

M. Tardif: Ce n'est pas en 1973 que le transfert s'est fait...

M. Laflamme: Pardon, en 1971. M. Tardif: Non, non plus.

M. Laflamme: Je parle de l'institution du contrôle des loyers.

M. Tardif: Oui, mais, alors, ne confondons pas les choses.

M. Laflamme: Le transfert s'est fait avant les élections en 1975.

M. Tardif: C'est au mois de septembre 1976 qu'officiellement le transfert s'est fait du ministère de la Justice au ministère des Affaires municipales.

M. Laflamme: C'est cela, un mois avant les élections.

M. Tardif: Un mois avant les élections, quelque part par là.

M. Laflamme: Un mois ou deux mois avant les élections.

M. Tardif: En effet et les services techniques de la régie ont été institués au mois de mai 1973 de sorte qu'à ce moment-là, lorsque vous étiez administrateur, on donnait effectivement des renseignements qui, je pense bien, ne liaient, ne vous liaient pas, ne liaient pas les administrateurs. Donc, ceci dit, cette espèce d'idée qu'on fait naître, qu'il pourrait y exister des conflits, n'existe pas.

M. Laflamme: Moi j'aimerais vous le demander, pouvez-vous me donner dans la loi actuelle les dispositions qui sont à peu près identiques à celles que vous avez dans l'article 3 du projet de loi no 107, où on dit que la régie doit donner au ministre toutes les informations que ce dernier lui demande, etc.? Est-ce qu'il y a des dispositions semblables dans la loi actuelle?

M. Tardif: C'est un fait que cela se produisait et que cela se produit d'ailleurs dans une foule d'autres organismes.

La Commission des affaires sociales, dont le député de Saint-Laurent, évidemment, connaît très bien le fonctionnement — c'est dit à l'article 41 de sa loi — peut faire des recommandations. La Loi des transports permet au conseil consultatif de faire des recommandations au gouvernement. Le bureau de révision d'évaluation foncière a un pouvoir de recommandation, la Commission de la fonction publique et un paquet d'autres organismes aussi, et j'en passe.

M. Laflamme: Cela me fait penser un peu à la personne qui brûle un stop puis dit: Votre seigneurie, je ne suis pas coupable parce que mon ami a brûlé le stop lui aussi. Cela ne justifie pas l'intervention du gouvernement comme c'est fait actuellement.

M. Tardif: Ecoutez, c'est votre opinion qu'un organisme chargé de faire l'application d'une loi fasse des recommandations au gouvernement visant à bonifier cette loi; cela m'apparaît tout à fait normal.

Je suis d'accord avec vous qu'il y a une chose qu'il faut cependant surveiller, lorsque la régie fait de l'information, c'est de s'assurer que toutes les parties aient une information égale ou équitable et, là-dessus, évidemment, puisqu'on est en période de renouvellement des baux, ce qui est publié présentement dans les journaux, passer le texte de la bonne entente entre propriétaires et locataires, contient un certain nombre de questions, qui s'adressent aux deux parties également.

De la sorte, je pense que des efforts sont faits, puis doivent continuer d'être faits pour équilibrer, pour calibrer l'information entre les parties.

Maintenant, dans le mémoire on trouve également dangereux que des employés de la régie aident les gens à remplir les formulaires.

M. Laflamme: Oui, M. le ministre.

M. Tardif: Est-ce que cela n'existe pas présentement à la cour des petites créances, Me Laflamme que le greffier aide aux gens à remplir des déclarations?

M. Laflamme: Non, M. le ministre. Vous savez certainement que les avocats n'ont pas le droit d'aller devant la cour des petites créances. Je ne saurais pas vous parler...

M. Tardif: Ah bon, d'accord!

M. Laflamme: ... de ce qui se passe devant la cour des petites créances, mais je peux vous dire ce qui se passe devant la régie, par exemple.

M. Tardif: Malheureusement.

M. Laflamme: Les employés de la régie se permettent de jouer aux avocats et de donner des informations aux justiciables, que ce soit des locataires ou des propriétaires et ces informations...

M. Tardif: Cela, c'est votre privilège de faire valoir cela devant votre organisme professionnel.

M. Laflamme: Non, mais c'est ce que je vous dis.

M. Tardif: C'est cela.

M. Laflamme: Je vous dis que, très souvent, il y a des locataires qui sont pénalisés par cela. L'expérience que j'ai vécue, ce ne sont pas des propriétaires qui sont pénalisés par cette pratique inadmissible, ce sont les locataires qui sont pénalisés.

M. Tardif: En fait, tout cela, j'ai l'impression, pour en venir finalement au fond de la question, parce que cela c'étaient finalement toutes sortes, je pense, de prétextes, dans le fond, on dit bien qu'on ne veut pas de contrôle des loyers. C'est cela?

M. Laflamme: On dit qu'on ne veut pas de contrôle des loyers, mais on va plus loin que cela, on vous donne les raisons pour lesquels on ne veut pas de contrôle des loyers. On vous demande de remettre en question...

M. Tardif: On dit.

M. Laflamme: ... ce contrôle des loyers.

M. Tardif: C'est cela. On dit: Et le gouvernement et la population — et cela c'est votre exposé de tantôt — négligent les aspects économiques et sociaux.

Evidemment, le gouvernement et la population, cela représente pas mal de monde, tandis que l'Association des propriétaires d'immeubles de la Communauté urbaine de Montréal, on l'a vu, peut représenter quand même des intérêts particuliers, c'est son droit, de les représenter et de les faire valoir, j'en conviens.

Plusieurs fois devant cette commission j'ai eu à faire état de nuances que l'on devrait faire lorsqu'on parle de contrôle des loyers. On nous sert régulièrement des arguments de ce qui s'est passé en France, en Angleterre, en Autriche et en Suède pour dire: Vous voyez, dans ces pays-là, le contrôle des loyers a amené une détérioration, une diminution du stock de logements. A ce moment, pour être précis, pour être complet, il faudrait dire que, dans ces pays, contrôle des loyers égalait, à toutes fins utiles, un gel de loyers et cela n'est pas le cas ici.

M. Laflamme: Est-ce que vous me permettez de citer le rapport Legault? Vous avez qualifié M. Legault, qui était ici ce matin, d'expert. Vous avez, derrière vous, M. Claude Chapdeleine, qui semble agir comme conseiller. Or, dans le rapport que ces gens ont préparé à la page 10 du rapport Habiter au Québec qui a été soumis au ministre de la Justice à l'époque, on disait: "Si on en croit les expériences étrangères, les diverses formes de contrôle de loyers, tant en Europe qu'en Amérique, ont toujours produit à moyen et à long terme des effets négatifs semblables, à savoir: l'absence d'entretien, ce qui favorise d'une manière indirecte la détérioration du stock existant; le désintéressement à faire des réparations majeures ou à restaurer des habitations anciennes; la diminution de la construction de logements neufs du fait du désintéressement d'investisseurs aux logements locatifs; l'accroissement d'immobilité des locataires avec pour corollaire le transfert de la valeur de l'immeuble du propriétaire au locataire; une plus grande rareté des logements que le gouvernement veut protéger, ce qui le place dans une situatior l'obligeant à se substituer à l'entreprise privée Bien qu'il ne s'agisse pas, au Québec, d'un gel des loyers comme on parle généralement du gel des

prix, il n'en reste pets moins que certains effets se développent actuellement et viennent confirmer la justesse des observations faites ailleurs, puisque toute mesure de contrôle ou de fixation de hausses de loyers, dans un système où les autres prix ne sont pas contrôlés, entraîne nécessairement des tensions en contexte de libre marché."

Un peu plus loin, on disait: "Par ailleurs, il faut aussi penser à stimuler la construction nouvelle qui seule permettra de trouver des solutions à long terme à la situation actuelle. En effet, ce n'est qu'en recréant une situation de marché où les logements seront abondants que la nécessité de la loi sera limitée, ainsi ses conséquences néfastes seront réduites." Le rapport Castonguay qui a été publié en 1975 ou 1976 était au même effet. Or, si nous citons l'expérience vécue dans les autres pays, c'est simplement pour dire qu'il n'y a pas un économiste sérieux, il n'y a personne qui va tenir prétendre que le contrôle des loyers a des effets bénéfiques. Au contraire, et c'est reconnu dans toutes les études, et même au Canada, que le contrôle des loyers a des conséquences néfastes.

Or, nous disons: Pourquoi le gouvernement vient-il resserrer les contrôles des loyers puisqu'il est lui-même conscient des conséquences néfastes? Alors, c'est la question que nous posons. Quand nous citons l'expérience des autres pays, nous la citons à titre d'exemple pour confirmer la justesse des observations qui ont été faites.

M. Tardif: Ce ne sont pas de bons exemples, dans la mesure où on compare des situations de gels de loyers, alors qu'ici, on parle d'un contrôle souple qui permet de tenir compte des coûts de fonctionnement. Quant à citer le rapport Legault que j'ai ici devant moi, Habiter au Québec, évidemment, à la page 99, il faudrait quand même voir au bas de la page, en guise de conclusion en quelque sorte, qu'en période inflationniste et lorsque les logements sont rares, il faut également assurer aux locataires une protection efficace contre les abus dans les hausses de loyers. Cela aussi, c'était quand même dans le rapport Legault...

M. Laflamme: Ah oui... Est-ce qu'il y a abus actuellement, est-ce qu'il y a crise de logement à Québec?

M. Tardif: ... Egalement, M. le Président, je pense bien que je suis prêt à faire une concession. Dire que c'est vrai...

M. Laflamme: Vous n'en faites pas souvent, alors, on la reçoit avec...

M. Tardif: D'accord.

Le Président (M. Laplante): M. Laflamme, depuis le début, je n'ai pas osé intervenir. Mais si vous voulez que les travaux se continuent d'une façon paisible, il faudrait diminuer un petit peu l'arrogance que vous avez depuis le début.

M. Laflamme: Ecoutez, M...

Le Président (M. Laplante): Je vous demande d'attendre les questions du ministre...

M. Laflamme: M. le Président...

Le Président (M. Laplante): ... s'il vous plaît!

M. Laflamme: M. le Président...

Le Président (M. Laplante): ... s'il vous plaît! D'accord?

M. Laflamme: Très bien.

M. Tardif: Je suis prêt à faire une concession pour dire qu'effectivement, le contrôle, tout contrôle comporte des effets négatifs. Mais je pense que les bénéfices à retirer d'une situation de contrôle juste sont infiniment supérieurs aux désavantages et à la situation chaotique qui résulterait si, demain matin, tous les contrôles étaient levés. Je pense qu'entre deux maux, il faut choisir le moindre et que celui-là est le moindre de deux maux. La solution idéale serait peut-être ce que certains groupes ont présenté devant nous, des programmes visant à permettre l'appropriation du stock de logements par les gens. (16 h 30)

Vous me citez et le mémoire cite abondamment le cas de la Suède. C'est vrai que les locataires ont demandé l'abolition du contrôle des loyers en Suède, mais ils l'ont fait dans le contexte très précis de ce pays où 50% des logements locatifs appartiennent à des associations ouvrières, à des coopératives ou à l'Etat et non pas comme ici où 98% du stock de logements locatifs appartiennent à l'entreprise privée. Ils l'ont fait dans un contexte où de puissantes associations de locataires ont un pouvoir de négociation collective avec les associations mentionnées.

Si vous me dites que votre organisme serait prêt à adopter et à étudier sérieusement le modèle suédois avec tout ce qu'il comporte quant aux changements, quant au mode de tenure du logement, je serais prêt à regarder cela sérieusement, moi aussi.

M. Laflamme: Bon, très bien. Je vous dis que nous sommes prêts à le faire si vous êtes prêt à suspendre votre projet de loi, à le retirer et à réviser votre réforme.

M. Tardif: Non, il n'est pas question de cela.

M. Laflamme: Ah, voilà!

M. Tardif: II n'en est pas question.

M. Laflamme: Si M. le Président me permet de poser une question, vous disiez tantôt M. le ministre: Entre deux maux, on choisit le moindre. Je préfère un contrôle des loyers souple à une situation chaotique qui serait créée par une absence de contrôle des loyers. Etes-vous capable de me dire si vous avez étudié des possibilités ou

des solutions de décontrôle et analysé les conséquences? Etes-vous capable de me dire si vous avez étudié cela à votre ministère?

M. Tardif: Oui, des études ont été faites par des économistes, qui démontrent que, sur une période relativement courte de dix ans, le simple fait de permettre, par exemple, des hausses de loyers de l'ordre de 8% plutôt que de 6% — on s'est situé à l'intérieur de marges relativement restreintes — amènerait un transfert de richesses — selon qu'on parle de dollars actualisés — d'au-delà de $600 millions sur une période relativement courte, sans aucun accroissement de la qualité des services rendus aux usagers.

Alors, si socialement, on est prêt à faire cela, quand vous parliez tantôt des aspects économiques et sociaux, je dis que c'est un aspect important de ce que provoquerait cette situation.

M. Brunet: M. le ministre, est-ce que je peux intervenir là-dessus?

Le Président (M. Laplante): Vous avez une réponse?

M. Brunet (Michel): Lorsqu'on parle d'une augmentation de 8% où on dit que cela amènerait un accroissement de $600 millions, il ne faudrait pas oublier qu'il y a des éléments que, comme propriétaires, on ne contrôle point ou on contrôle très peu. Entre autres, il y a le taux d'intérêt et, à un moment donné, ces 8% sont là pour combler. Il y a l'augmentation du prix de l'huile dont on a besoin pour chauffer nos immeubles qui est contrôlée par l'OPEP ou à peu près. Il y a l'augmentation des taxes municipales sur lesquelles nous n'avons absolument aucun contrôle. Ces augmentations que vous accordez, c'est tout simplement pour permettre aux propriétaires d'être capables de budgétiser. Pour notre part, on ne peut pas augmenter nos taxes et aller voir le public et dire: D'accord. Il faut aller voir le gérant de banque et, lorsqu'on y va trop souvent pour dire: Je n'arrive pas, mes déboursés sont plus hauts que mes recettes... On va le voir une fois et il comprend, deux fois il comprend beaucoup moins et trois fois, il ne veut plus nous voir. C'est un de nos problèmes comme propriétaires. Cela arrive assez systématiquement.

M. Tardif: M. le Président, je suis tout à fait d'accord qu'on doive tenir compte de cela. La méthode de fixation du loyer, qui est annoncée dans le livre blanc et qui fera l'objet d'une réglementation, prévoit précisément que l'on tiendra compte de l'augmentation des taxes, des assurances, de l'électricité, du chauffage, des dépenses courantes d'entretien et de services et des réparations. On dit que le contrôle va amener une détérioration du stock de logements. Or, on sait que la méthode de fixation déjà couramment utilisée donne un rendement de 11% à vie sur l'investissement, c'est-à-dire à peu près 1% de plus que le taux courant des obligations. Un propriétaire qui investit $1000 de rénovations dans son immeuble se voit accorder un pourcentage pour la durée complète, à vie en quelque sorte, et qui est équivalent au taux courant. Alors, c'est véritablement un investissement qui est fait.

Evidemment, il y a également la formule qui permet une indexation du revenu net. Que cette formule ait besoin d'être bonifiée, je suis d'accord et qu'elle ait aussi besoin de tenir compte peut-être de certaines autres composantes, je veux bien mais cette formule vise précisément à éviter le genre de situation que vous avez mentionnée, sur laquelle les propriétaires n'ont aucun contrôle. Je suis d'accord que d'autres mesures, telles des mesures fiscales, par exemple, de dégrèvements fiscaux devraient être mises de l'avant pour soulager le fardeau des propriétaires. Là-dessus, comme ministre des Affaires municipales, je m'attaque aux problèmes d'une réforme de la fiscalité municipale. Il ne faut pas demander au projet de loi 107 de régler tous les maux de l'habitation et de la fiscalité au Québec.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Verdun.

M. Caron: Me Laflamme, à la page 4, vous dites qu'une enquête Gallup récente révèle que 95% des Québécois sont satisfaits de leur logement. Par quelle firme cette enquête a-t-elle été faite?

M. Laflamme: Je n'ai pas les résultats de l'enquête ici, puisqu'il s'agit de la partie du mémoire qui a été faite par notre économiste; malheureusement, je n'ai que les documents qui traitent de la partie juridique. Mais c'est un chiffre qui a été cité par nous et qui a été également cité dans d'autres mémoires; malheureusement, je n'ai pas les...

M. Caron: Par une firme spécialisée? M. Laflamme: J'imagine.

M. Caron: Aussi à la page 65, au dernier paragraphe, vous donnez des explications: Nous considérons que les tribunaux de droit commun offrent des garanties de droit, de justice, d'égalité et de liberté que les juridictions d'exception n'offrent pas. Pourriez-vous éclaircir?

M. Laflamme: M. le député, ce qu'on dit, c'est la chose suivante: Ce que le gouvernement, semble-t-il, vise à créer — ou en voit la nécessité — c'est une juridiction d'exception. Si on analyse le projet de loi 107, on s'aperçoit que cette juridiction d'exception fait également exception à de nombreux principes de droit et à des principes qui sont à la base de notre système judiciaire. D'autre part, je l'ai mentionné dans mon exposé, il permet une intervention directe du gouvernement dans le système judiciaire. Or, ce qu'on est en train de créer par cet organisme, c'est en réalité une sorte de tribunal populaire, sous prétexte de

vouloir rendre une justice moins coûteuse, plus humaine, plus expéditive; c'est exactement ce qu'on fait dans ce projet de loi 107. Nous, nous disons. C'est extrêmement dangereux de créer ces organismes et d'avoir des gens qui seront là, non plus pour juger suivant le droit, suivant la loi, pour interpréter la loi et juger selon la loi, mais qui vont être là pour rendre des décisions d'opportunité, comme le ministre l'a dit ce matin, pour rendre des jugements de Salomon, pour finalement juger en équité et se foutre, ni plus ni moins, des règles de droit, puisqu'on leur donne leur droit, dans le texte même de la loi, de s'en dispenser. Lorsqu'on dit que les règles du Code civil sur la preuve ne s'appliquent plus et qu'on peut contredire les termes d'un écrit de façon verbale, etc., ce sont là tous des accrocs aux principes fondamentaux de notre système judiciaire. Ce qu'on dit, c'est qu'on crée cette sorte de tribunal populaire où, finalement, les justiciables iront et les juges qui seront là seront là non pour appliquer la loi et le droit, mais pour finalement rendre une justice pour satisfaire les électeurs du gouvernement.

Le Président (M. Laplante): Y a-t-il d'autres questions, messieurs?

M. Tardif: Qu'est-ce que j'ai entendu? Une justice pour satisfaire les électeurs du gouvernement?

M. Laflamme: Exactement, c'est ce que j'ai dit.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Hyacinthe. D'autres questions, M. le député de Verdun?

M. Caron: Je cède la parole à...

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Hyacinthe, vous avez la parole.

M. Cordeau: Merci, M. le Président. Tantôt, darvs votre exposé, vous avez parlé des périodes de recours; est-ce que vous aimeriez détailler un peu?

M. Laflamme: Des périodes de? M. Cordeau: De recours.

M. Laflamme: Des nombreux recours; oui, c'est une...

M. Cordeau: Des nombreux recours que vous avez mentionnés.

M. Laflamme: C'est un autre bel exemple de ce qu'on nous dit; on dit: On veut simplifier les recours. Je vous ai mentionné qu'avant, il y avait trois juridictions et qu'après l'adoption du projet de loi, il y aura encore trois juridictions. La juridiction de la Régie des loyers comprendra la juridiction de la Cour provinciale, la juridiction actuelle de la Cour provinciale incluant la juridiction de la Cour des petites créances. On ne touche pas la juridiction de la Cour supérieure puisque ce serait anticonstitutionnel.

Lorsque, par exemple, on dit "l'inexécution des obligations du locataire", lorsqu'un locataire n'exécute pas une obligation, par exemple, s'il ne se comporte pas normalement dans les locaux, s'il importune, s'il crée des problèmes et fait du bruit, etc., qu'est-ce que le locateur doit faire? Il doit s'en aller devant la Régie des loyers, faire une demande pour obtenir une ordonnance afin que le régisseur ordonne au locataire de respecter la jouissance paisible des autres locataires. Inutile de vous dire qu'il y a toutes les juridictions d'appel, on peut aller en appel de cette décision et cela peut traîner pendant des mois. On revient chez nous et si le locataire continue de perturber la jouissance paisible des autres locataires, le propriétaire doit retourner devant la Régie des loyers, faire la preuve que le locataire ne s'est pas conformé à l'ordonnance qui a été rendue par l'administrateur, confirmée par la Cour provinciale, et ce n'est qu'à ce moment qu'on va ordonner l'éviction de ce locataire qui est fauteur de trouble. Encore là, il y a toutes les étapes à franchir.

Finalement, c'est un dédoublement de recours plutôt qu'une simplification et cela s'applique également dans le cas de non-paiement du loyer, cela s'applique dans tous les cas d'inexécution des obligations qui sont prévue au bail. On ne simplifie pas les recours, on les multiplie, c'est cela qu'on fait.

M. Tardif: M. le Président, il faudrait quand même qu'on soit correct dans la présentation des faits. Actuellement, un propriétaire qui veut demander l'éviction d'un locataire pour les motifs prévus dans la loi, effectivement, s'adresse à la régie. D'accord?

M. Laflamme: Non, je ne suis pas d'accord. Il peut s'adresser à la régie ou à la Cour provinciale.

M. Tardif: Très bien. En règle générale, il le fait. Deuxièmement, si ce propriétaire, en plus de cela, constate que des dommages ont été faits à son logement, il doit s'adresser à la Cour provinciale pour ce faire.

M. Laflamme: II peut s'adresser à la Cour provinciale, demander l'éviction du locataire, la résiliation du bail, etc. Cela va prendre à peu près six mois pour obtenir l'éviction du locataire, ou trois mois, dépendant si c'est contesté ou non.

M. Tardif: Alors qu'avec le projet de loi, tout pourra se faire devant la régie, sans avocat et sans représentation.

M. Laflamme: Pas nécessairement sans avocat puisque vous n'avez pas encore, jusqu'à maintenant, enlevé le droit des avocats d'aller devant la régie.

M. Tardif: Sauf que pour les matières relatives au chapitre 8, pour des montants inférieurs à $500, la règle sera celle appliquée à la Cour des petites créances. C'est donc dire qu'un propriétaire qui, actuellement, pourrait dire: Un locataire a déguerpi avec deux mois de loyer en souffrance et laisser tomber en disant: Je n'irai pas à la cour, cela va me coûter $300 de frais d'avocat, avec la nouvelle loi, il pourrait obtenir justice sans frais. Est-ce que vous convenez de cela, Me Laflamme?

M. Laflamme: Non, je ne conviens pas de cela.

M. Tardif: C'est pourtant ce qui est dans le projet de loi.

M. Laflamme: C'est une question d'interprétation. Vous avez dit tantôt que vous n'étiez pas avocat; je le suis et je l'interprète différemment.

M. Tardif: Je fais partie des législateurs et c'est là l'intention et la lettre de la loi.

M. Laflamme: Je suis d'accord avec vous, mais je vais vous donner un autre exemple. Le locataire peut déguerpir des locaux. Vous avez dans cette loi des cas où le locataire peut se faire justice à lui-même, il décide lui-même de l'interprétation de la loi et prend en main la justice.

M. Cordeau: Peut-être que si c'est pour éclair-cir, oui.

M. Brunet: Pour éclaircir un peu le mémoire, pour nous, propriétaires, lorsqu'on regarde le nouveau projet de loi, on réalise que cela représente pour nous un fardeau administratif extraordinaire, ce qui se traduit nécessairement par des dépenses additionnelles, du temps additionnel qu'on doit consacrer. Il ne faut pas oublier que même si c'est possible — je suis prêt à l'admettre — qu'il y ait des propriétaires qui abusent des locataires, l'inverse se produit également. (16 h 45)

Que l'on ait tort ou que l'on ait raison de dire que le projet de loi aurait des conséquences néfastes sur l'habitation au Québec, il faut quand même admettre que ceux qui conçoivent le processus de développement, de construction, d'accès à la propriété c'est nous, l'entreprise privée. On a 98% des logements au Québec, vous le dites. Si, à tort ou à raison, on a foncièrement, à l'intérieur de nous, l'impression que c'est un domaine que l'on devrait éviter à l'avenir, parce que cela représente un domaine qui, à cause de la réglementation, devient beaucoup trop risqué en termes d'investissement, il ne faut pas oublier que l'on assume une hypothèque, que l'on signe en bas du contrat hypothécaire et que l'on a la responsabilité pour $1 million, $2 millions, et puis que, comme tout le monde, nous aussi, on a une famille en arrière. On peut être lavé complètement. On peut peut-être, à un moment donné, être réticents à prendre les risques nécessaires pour aller de l'avant, au niveau du développement immobilier au Québec. Moi, comme jeune propriétaire d'immeubles, j'entrevois difficilement les années à venir, lorsque je regarde la complexité qui existe dans la loi actuelle, et puis cela me fait mal. Parmi ceux qui ont déjà réussi, il y en a plusieurs qui se débarrassent de leurs propriétés. Je le vois difficilement, c'est cela qui, à un moment donné, pourrait apporter des conséquences néfastes à l'habitation au Québec.

M. Tardif: Evidemment, vous tenez compte du fait que les immeubles neufs de moins de cinq ans sont exemptés de la loi.

M. Brunet: La majorité des immeubles neufs, il faudrait dire qu'ils sont dans un département immobilier à part. Disons qu'ils sont subventionnés par la Société centrale d'hypothèques et de logement, généralement. Si l'on regarde présentement ce qui arrive dans la région métropolitaine, c'est là où on a le plus haut taux de vacances. Tous les malheureux propriétaires qui ont décidé d'investir là-dedans, en pensant qu'avec la classe 31,32 ils étaient pour profiter de bénéfices d'impôts extraordinares, ils sont en train de manger leur chemise, parce qu'ils ont oublié qu'en plus de l'amortissement qu'ils pouvaient prendre contre leurs revenus personnels, ils sont obligés de débourser de l'argent pour venir à bout d'arriver. Ils ne sont pas capables de faire face à leurs paiements hypothécaires, leurs paiements d'exploitation, leurs paiements de taxes etc.

M. Tardif: Dites-moi une chose. Vous semblez au courant de la question de l'immeuble. Vous êtes au courant, sans doute, que l'année 1976 a été une année record de la construction au Québec, avec 68 000 unités de logements.

M. Brunet: Je ne suis pas assez familier avec l'immeuble pour vous dire que... C'est possible.

M. Tardif: La moyenne actuelle des dix dernières années était de l'ordre de 50 000 et il y en a eu 68 000 en 1976, alors que précisément il y avait un contrôle des loyers. La question, je pense — vous venez d'y toucher par le biais, c'est pour cela que je vous posais la question — c'est que, finalement, les abris fiscaux qui ont été rétablis en 1974 ont changé du tout au tout la situation, et cela a eu beaucoup plus d'impact que le contrôle des loyers qui, lui, était là. C'est un facteur constant, alors on peut l'ignorer dans la mesure où il éfait présent et en 1976 et maintenant. Alors c'est beaucoup plus ces mesures fiscales que vous mentionnez qui doivent être regardées, j'en conviens, qui ont eu un impact.

M. Brunet: D'accord, mais ces mesures fiscales, si vous regardez, présentemet, je ne pense pas qu'il y ait encore des professionnels qui se fassent prendre à investir dans ces projets. Mais...

M. Cordeau: Je crois, par exemple, que le stock de logements en 1977 a baissé et aussi en 1978. 1976 a été une année maximale...

M. Brunet: Sans me présenter comme un... M. Cordeau: ... si je me souviens bien.

M. Tardif: C'est exact. De la même manière qu'aux Etats-Unis présentement dans toutes les grandes villes, les constructions sont en baisse de 50% par rapport aux années antérieures.

M. Cordeau: Maintenant, concernant le projet de loi dans son ensemble, croyez-vous que le projet de 107, tel que rédigé — parce qu'il faut tenir compte que le ministre a dit qu'il apporterait des amendements, c'est pour cela que nous avons une commission parlementaire — est un moyen incitatif pour celui qui a un capital à placer dans la propriété.

M. Brunet: C'est évident que, pour nous, ce projet de loi n'incite pas à réinvestir à l'intérieur de ce type, à moins que ce soit réglé d'une certaine façon, qu'on modifie un peu la loi. Mais la loi, avec de bons objectifs de protéger l'abus de certains propriétaires vis-à-vis des locataires, c'est vrai cela, prend des moyens qui font que c'est très difficile, par la suite, pour le propriétaire de se défendre, surtout en termes de temps. Je peux vous dire que moi, même si, dans mon groupe, on peut contrôler plusieurs milliers de logements, à un moment donné, lorsque les avocats nous parlent de ce qu'il y a dans ce projet de loi, quelquefois je m'y perds. Imaginez donc le pauvre petit propriétaire d'un duplex ou d'un triplex qui est obligé de vivre avec cela. Ce doit être quasiment impensable. Ce sont tous ces effets sur l'ensemble du stock immobilier et les conséquences devraient être assez difficiles par la suite.

Le Président (M. Laplante): Dernière question.

M. Cordeau: Vous avez mentionné tantôt que votre association groupait environ 300 membres, lesquels détiennent environ 70 000 logements. Est-ce que vous pouvez nous informer du taux d'inoccupation des logements dans vos immeubles?

M. Brunet: Je peux vous dire que présentement, dans Montréal, je vais parler plus particulièrement des propriétés qui me concernent. Mais je sais que ma concurrence, c'est à peu près la même chose. On essaie de trouver toutes sortes de moyens pour donner des mois de loyer gratuit, tant de mois à X dollars, pour venir à bout de louer nos propriétés, parce qu'on a de la difficulté tellement il y a des logements inoccupés. La majorité de mes propriétés ne sont pas du stock nouveau et se situent entre dix et trente ans. On a de la difficulté présentement à le faire. On a donné les trois premiers mois gratuitement. On s'est aperçu qu'on s'est fait jouer des tours terribles par les locataires. Ils restaient trois mois, ils levaient l'ancre, ils s'en allaient ailleurs et prenaient trois autres mois gratuits. On a dit: D'accord, vous allez avoir trois mois gratuitement, on va les mettre à la fin du bail, pour éviter de se faire jouer des tours. Parce qu'il ne faut pas oublier une chose, même si certains propriétaires abusent, il y a une multitude de locataires qui sont très fins et qui savent comment utiliser la loi et utiliser le contrat, etc.

Le Président (M. Laplante): M. le ministre.

M. Tardif: M. le Président, je voudrais simplement répéter devant ces interventions que si, d'une part, certains groupements sont venus devant cette commission revendiquer rien de moins qu'un contrôle total, absolu, universel des loyers, pour ne pas dire un gel, dans certains cas, et que si, d'un autre côté, nous avons eu des représentations un peu comme celles-ci qui réclamaient la liberté contractuelle absolue, il nous apparaît important d'essayer de trouver une formule — c'est ce que la loi 107 vise à faire — qui permette d'atteindre un certain équilibre, qui permette d'éviter les abus, qui permette au propriétaire de gérer son immeuble et de ne pas tomber en faillite, en raison de l'exploitation de cet immeuble, du fonctionnement de cet immeuble. C'est la raison pour laquelle la méthode de fixation tient compte de ces facteurs que j'ai mentionnés tantôt. D'autres provinces au Canada ont adopté d'autres formules, on l'a mentionné au cours des travaux de cette commission, comme celle de l'introduction d'un taux fixe. Nous, nous pensons qu'il faut y regarder à deux fois, puisque ceci pourrait avoir des effets inflationnistes non souhaitables, d'une part, et peut-être être jugé par certains propriétaires qui auraient fait des rénovations importantes comme étant insuffisant. C'est donc quelque chose qu'il faut regarder attentivement.

Mais, entre ces deux positions extrêmes, ces deux absolutismes, il nous semble qu'il y a une position de juste milieu que tente d'atteindre la loi 107.

Le Président (M. Laplante): Merci, M. Leblanc, M. Laflamme.

M. Brunet: Est-ce que je pourrais faire un commentaire?

Le Président (M. Laplante): Très bref, s'il vous plaît.

M. Brunet: Je vais essayer d'être bref. Il est possible que vous ayez l'impression, et que vous ayez raison même, en définissant le projet de loi 107 comme un juste milieu. A tort ou à raison, on a l'impression — je me sens un fardeau très lourd de le dire, parce qu'ici, je représente, par défaut, 98% de ceux qui sont propriétaires ici au Québec — pour nous, que ce n'est pas un juste milieu, que cela semble être un peu biaisé du côté des locataires et que les effets pourraient être néfastes sur l'habitation en général au Québec. Ce que je demanderais, personnellement, s'il vous plaît, c'est de regarder attentivement votre loi, d'essayer de voir quelles seraient les conséquences qui

pourraient être nocives au niveau de l'habitation du Québec, parce que les résultats, vous ne les aurez pas demain matin et non plus l'an prochain. Mais il est possible, car ailleurs, dans tous les autres pays qu'on a donnés en exemple, ce n'est pas le lendemain matin qu'on a eu des problèmes, c'est cinq ans, dix ans, quinze ans après. D'accord, j'aimerais que vous regardiez attentivement ce qui pourrait arriver par la suite. Peut-être que vous allez découvrir que la façon dont nous, on pense, lorsqu'on sent qu'on n'a pas la possibilité de... On n'investit pas dans ce domaine. Je ne dis pas qu'on a raison ou qu'on a tort puisqu'on ne le fait pas. Il faudrait nous laisser quand même cette fameuse carotte qu'il y a en avant de nous autres, de telle sorte qu'on prenne les initiatives nécessaires pour garder l'habitation au Québec dans l'état... ou peut-être l'améliorer au Québec s'il le faut. Mais on est quand même très bien logé ici. Il faudrait que cela continue.

Le Président (M. Laplante): MM. Leblanc, Lafamme, les membres de cette commission vous remercient.

M. Brunet: Ce n'est pas tout à fait de la bonne couleur; mon nom c'est Brunet, et non pas Leblanc.

Le Président (M. Laplante): J'ai compris Leblanc. M. Brunet, on vous remercie.

J'appelle maintenant Mme Leone Gagnon.

Mme Léone Gagnon

Mme Gagnon (Léone): M. le Président, M. le ministre, messieurs, je me sens très gênée après avoir entendu des mémoires aussi savants, parce que moi je parle à titre personnel. Je me trouve très courageuse d'ailleurs. Il me semble qu'il faut de temps en temps vous dire ce qu'on pense. Le monsieur qui vient de parler a parlé des pauvres petits propriétaires. Moi, je parle comme pauvre petit propriétaire.

Je voudrais attirer l'attention du ministre Tardif sur le fait qu'il existe différentes catégories — il le sait — les moyens, les grands et les tout petits. Les petits propriétaires, moi, je les considère comme des travailleurs à part entière. Ils n'ont pas le monopole de la vertu, c'est bien sûr, mais quand on a acheté des propriétés il y a 40 ans, ne sachant pas que les gouvernements seraient si libéraux, c'était pour assurer la sécurité de notre vieillesse. On les a tenues en ordre, on les a réparées, on les a gardées, on a eu, durant les années cinquante, des logements à louer, on courait après les locataires. Enfin, je ne crois pas qu'on puisse nous considérer comme des requins de la finance, des méchants capitalistes et utiliser des épithètes du même ordre. J'ai lu quelques mémoires qui m'ont vraiment effrayée.

Ceci dit, le pouvoir d'achat des petits propriétaires, il n'existe pas. Quand on achète un réfrigérateur, on est obligé de l'acheter à plein prix, parce qu'on ne les achète pas à la centaine.

Evidemment, les poêles, les réfrigérateurs, les réservoirs, tout cela, on l'achète au prix du détaillant. L'huile à chauffage, c'est la même chose. On n'a pas les escomptes que les gros propriétaires ont, mais on doit chauffer nos locataires de la même façon.

Si on a des maisons situées dans le centre-ville, si on a l'infortune d'avoir des maisons au centre-ville, on est pénalisé par les compagnies d'assurance parce qu'il y a beaucoup d'incendies. Cela n'est pas votre faute, c'est la faute de la ville de Montréal, je pense. Enfin, il y a beaucoup d'incendies et il arrive qu'après avoir payé des primes pendant 25 ans on nous refuse d'assurer nos maisons. Donc, on paie des prix prohibitifs pour nos assurances. Je vous parle des petits propriétaires. Nos maisons anciennes coûtent très cher, parce qu'on a des corniches, on a des pignons, on a des balcons en bas et elles ne sont pas faites en béton. Cela coûte cher pour l'entretien. On a des tracasseries. Le petit propriétaire fait face à ses locataires lui-même. On va faire toutes les concessions pour garder des bonnes relations avec eux, parce qu'on n'a pas de surintendant, on n'a pas d'administrateur. Ils nous connaissent. Il me semble qu'il y a des différences fondamentales parce que les grands propriétaires ont des employés à longueur d'année. Moi, je suis locataire et je ne sais même pas qui sont mes propriétaires; je ne connais qu'un administrateur. Il me semble qu'il y a des nuances à établir et que vous devriez... Je sais bien que vous ne pouvez pas faire des lois pour les petits, mais ceux qui ont de trois à douze logements, j'appelle cela des petits propriétaires. On n'a pas le moyen de se payer des administrateurs, parce qu'on a besoin de cela pour vivre. Il faut être sur le front constamment. Les catastrophes, quand une fournaise manque, c'est le vendredi soir, le samedi matin ou le dimanche matin. Nous, nous n'allons pas en Floride l'hiver parce qu'on est toujours aux aguets, on a toujours peur qu'il arrive quelque chose. On a eu des coups de téléphone du locataire, il y a quelque chose qui ne va pas et on court, parce que si le locataire du troisième a laissé déborder sa baignoire et que le plafond tombe au deuxième, il faut aller mettre de l'ordre là-dedans. Et j'en passe. (17 heures)

Ce sont des aspects réels de la vie d'un petit propriétaire. J'en parle avec expérience parce que cela fait 40 ans que je vis cela. Je pense qu'il conviendrait de les traiter avec équité.

Dans certains cas, vos lois ne sont pas applicables. Je vous fais sourire, mais je crois que vous trouvez que j'ai raison. M. le ministre ne sourit pas, je crois que vous trouvez que j'ai raison. M. le ministre ne sourit pas du tout.

M. Tardif: On m'a fait souvent ce reproche-là, madame.

Mme Gagnon: Je ne viens pas ici pour vous faire sourire, de toute façon, parce que, quand je suis partie de Montréal, j'étais indignée. C'est la

première fois que j'ose me présenter devant une commission et j'espère que c'est la dernière fois.

Le Président (M. Laplante): Cela va bien, continuez.

Mme Gagnon: Vous êtes gentil, M. le Président.

M. Cordeau: Soyez à l'aise.

Mme Gagnon: En page 3, je parle du bail. Le bail que le gouvernement a concocté — excusez-moi pour le mot, je ne veux pas être impertinente — ce n'est pas un bail, c'est incompréhensible. Il est basé sur un tas d'articles du Code civil tellement désuet que cela en est ridicule. Prenons l'article 9 couvrant les obligations du locataire avec la mention de "bon père de famille". De nos jours, allons! Les gens qui ont des cheveux blancs me comprennent. La notion de bon père de famille, qu'est-ce que cela veut dire de nos jours? Pour ma part, j'ai un locataire qui est marié et qui a deux enfants. Je le mets sous un globe de verre et je ne l'augmente pas. Ce n'est pas une plaisanterie, cela existe et c'est un fait.

Donc, le bail type n'est pas satisfaisant et il y aurait place pour plus de précisions et de clarté. J'ai donné des exemples. Que le locataire s'engage à vider au complet son logement; qu'il ne nous laisse pas ses matelas éventrés, ses blocs de ciment, ses fauteuils bancals quand il habite au troisième et qu'on est obligé de les descendre. Le bail demande d'être modifié et que les obligations des locataires soient mieux déterminées, que cela ne soit pas laissé à "bon père de famille". C'est trop ridicule en 1979. Je passe là-dessus. Je ne veux pas dépasser le temps, ni prendre trop de votre temps, mais je crois que le locataire devrait s'engager par écrit, au bout de dix jours, à dire qu'il est satisfait du logement, si on l'a mis en ordre et si on a fait toutes les réparations qui s'imposent.

Si le locataire pose de la tapisserie, malgré qu'on lui ait demandé en grâce de ne pas en poser, il devrait s'engager à l'enlever lui-même. Il faut qu'on lui dise: il y a des choses qui doivent être dites pour être comprises et non pas lui demander d'agir en "bon père de famille". Donc, j'en ai contre votre bail. Votre bail est mal fait, il est imprécis et, à part cela, on lit entre les lignes: Méfiez-vous des propriétaires parce que ce sont des méchants. Tout semble être à l'avantage du locataire dans le bail. Méfiez-vous des propriétaires, ils n'ont pas le droit de faire cela. Même s'ils écrivent telle chose, si c'est abusif, n'en tenez pas compte.

Je comprends que c'est très rentable de faire cela: les locataires sont plus nombreux. Je le comprends, mais il y a une question d'équité dont parle le ministre Tardif. Dans sa lettre, il trouvait très équitable ce projet. Dans sa lettre du 26 janvier, le ministre Tardif nous parle, au sujet des petites créances, d'un montant ne dépassant pas $500. Je suis convaincue de la bonne foi du ministre. J'en suis convaincue.

Mais le paragraphe ci-haut, quand le locataire quitte les lieux sans prévenir, il ne laisse pas son adresse! Bon! Donc, il est en position de force. C'est une chose à considérer. Le locataire qui a décidé, par exemple, de partir se construire quelque part dans la brume, à la campagne, et qui apporte quelques-unes de vos portes de logement, de sept pièces, avec les vasistas et les fenêtres, il ne laisse pas son adresse. Alors, est-ce qu'on va dépenser pour retrouver ces gens-là? Non. Ce sont des choses de petits propriétaires.

Maintenant, M. le ministre Tardif parle beaucoup de la Cour des petites créances. Il y a tellement de preuves impossibles à fournir dans ces cas-là que cela ne vaut pas la peine. La Cour des petites créances ne peut pas s'appliquer à ce genre de choses, parce que cela demande des preuves, si un locataire fait des dégâts très importants. Elle ne viendra pas constater les dégâts, alors c'est tout à fait impossible de penser à la Cour des petites créances pour cela. Ce paragraphe est à ignorer complètement parce que cela n'est pas pratique. Même les avocats que nous consultons prennent des airs dégoûtés parce que ce sont des problèmes ennuyeux; ce n'est pas intéressant comme un bon crime ou une histoire passionnelle! Ce n'est pas intéressant. Je ne veux pas être comique, mais ce que je vous dis est vrai. Les avocats prennent des airs absolument écoeu-rés, parce qu'ils aiment autant renoncer au petit montant de $25 qu'on leur donnerait, s'ils voulaient nous aider. Ils renoncent à leur commission de 15% parce qu'on ne veut pas aller à la Cour des petites créances, car cela ne sert à rien. Ils disent: Ouf! Prenez donc quelqu'un d'autre, c'est tellement de tracas. Et puis on en est quitte pour leur donner $15 ou $20 pour cinq minutes. Mais ils n'y tiennent pas. Cela ne les intéresse pas. Non.

J'allais dire que j'étais bien consciente que le ministre est sincère quand il dit qu'il se rend compte qu'il y a des lacunes dans la loi de conciliation.

Article 16.56. C'est cet article qui démontre parfaitement l'incompréhension des législateurs face à ce problème. Cet article est abusif et vexatoire pour le locateur ou pour le propriétaire, qui devient une quantité négligeable dans ses propres affaires, à cause de la mainmise du gouvernement. Le gouvernement a la main trop lourde. Non satisfait d'imposer au locateur des locataires qu'il n'a pas choisis, le gouvernement facilite toutes les demandes de sous-location à n'importe quel temps, pour n'importe quel motif, n'importe quelle manie, les plus puériles et enfantines. Je vais citer seulement un ou deux exemples. Après trois semaines d'occupation pour un bail d'un an, un locataire demande de sous-louer. Pourquoi? Parce que ses sinus ne s'adaptent pas à ce quartier! Je considère que c'est un motif puéril. C'est vécu, ce n'est pas inventé. Un autre exemple. Une femme de 35 ou 38 ans, qui se croit convoitée par tous les mâles du quartier, décide de sous-louer parce qu'elle se sent en danger! Vers le 20 du deuxième mois — parce qu'elle a toujours 21 jours pour payer — au lieu de sous-louer, elle quitte tout simplement, mais elle restera

introuvable parce qu'elle est partie avec un allié, un concubin. Elle restera introuvable. C'est le sort du petit propriétaire. Je ne crois pas que vous pensiez assez à cela. On n'a pas les moyens des gros. Quand on a de trois à onze logements, on n'est pas très fort. On a besoin de ce loyer. Il faut se contenter de loyers modestes pour ne pas créer de contestation. On rencontre ces gens-là, on n'est pas inaccessible. Ils nous téléphonent pour nous dire: "Tata..., il y a quelque chose." On leur en impose moins qu'un administrateur de grandes bâtisses, vous savez!

Nous sommes de petits propriétaires — c'est cela — et vous aidez les locataires à nous considérer comme des quantités négligeables par des articles de la loi qui ne sont pas raisonnables et qui ne sont pas équitables. Vous donnez quinze jours au petit propriétaire pour se résigner aux demandes de sous-location à n'importe quel temps de l'année. Là, vous réduisez cela à dix jours. Y a-t-il une raison? Vous trouviez que c'était trop, quinze jours? Si le petit propriétaire est malade ou hospitalisé durant ce temps, eh bien, il va se trouver en face d'un locataire qu'il n'a jamais connu et s'il a eu un locataire indésirable, on a bien des chances que ce soient des locataires indésirables qu'il nous a refilés également. On est pris avec cela.

Je crois qu'on doit choisir nos locataires nous-mêmes. Je pense que ce serait simplement juste. Ce ne serait vraiment pas exagéré que de vous demander le privilège de choisir nos locataires quand on est un petit propriétaire. C'est évident que ces demandes de sous-location, pour une raison sérieuse et valable, ne sauraient être refusées en aucun temps. Motif valable, j'entends des transferts d'emploi, des divorces — j'espère que je ne dépasse pas mon temps — le décès du conjoint, etc. Avant, pour demander une sous-location, le locataire devait donner un mois de loyer. A ce moment-là, il n'y avait pas de demande de sous-location. On pouvait être tranquille. On pouvait respirer de mai à mai. On pouvait respirer, avoir un peu de répit et faire peindre. Je dis que cela contribue à la hausse des loyers, ces demandes de sous-location incessantes parce que — je suis obligée de vous le dire — les compagnies de transport demandent trop cher pour les déménagements. Nos locataires déménagent entre amis. Il se déménagent les uns les autres et ils transportent leurs meubles. Ils ont toujours une armoire antique québécoise à part cela qui est toujours trop haute pour nos petits escaliers. Et il faut la palanter par dehors. On a des rampes d'escalier en bois et ils arrachent nos rampes. Mais ils n'admettront pas qu'ils les ont arrachées. Ce n'est pas leur faute. Nos maisons sont anciennes. On les garde en bon état, mais si on nous impose trois déménagements et trois emménagements supplémentaires en dehors des périodes régulières, je trouve que ce n'est pas raisonnable. Vous, monsieur, vous m'approuvez.

Une Voix: Ah! oui.

Mme Gagnon: Oui, n'est-ce pas? Eh bien, il faudrait peut-être bien le dire au ministre.

M. Cordeau: M. le ministre comprend vite.

Le Président (M. Laplante): II vous reste trois minutes.

Mme Gagnon: Trois minutes? Ecoutez, rien qu'une chose. Les abus de locataires à qui on fournit des logements de sept pièces, on loue à deux et nous en avons dix dedans. Que faites-vous pour cela et que pouvons-nous y faire? C'est un abus et il se pratique sur une grande échelle. Nous louons à deux, mais nous voyons des gens entrer avec leur clé, que nous ne connaissons pas et à qui nous n'avons pas loué. Comment voulez-vous faire? Des professeurs de l'Université du Québec qui nous disent: On est deux. Et on trouve cinq matelas par terre et les deux professeurs sont partis quelque part dans la brume et on a cinq étrangers là-dedans. Est-ce que ce ne sont pas des abus? Je pense que j'ai à peu près... L'article 151.2 n'est pas acceptable parce que cela porte atteinte à la dignité du locateur. Ce n'est pas acceptable, l'article 1653 ne l'est pas, l'article 1657 ne l'est pas. Forcer un propriétaire à montrer le bail du locataire précédent, cela ne s'est jamais fait et c'est une mesure humiliante, vexatoire et, si j'osais, je dirais très démagogique de la part du gouvernement. Si j'osais. ((17 h 15)

M. Guay: Mais vous n'osez pas.

Mme Gagnon: Mais je n'ose pas dire que c'est démagogique. Je n'ose pas le dire.

M. Cordeau: On a bien entendu. Mme Gagnon: Oui, mais disons que... Une Voix: ...

Mme Gagnon: Je pense que j'ai dépassé mon temps.

Le Président (M. Laplante): Non, vous êtes juste...

M. Cordeau: Non, soyez...

Mme Gagnon: L'article 1652, pour ma part, je le trouve terrible et je demanderais au ministre Tardif de le revoir. Cela n'a aucun sens pour les petits propriétaires; tous se rappellent le cas des petits propriétaires qui n'est pas le même. Nous ne sommes pas des capitalistes, les petits propriétaires, et nous sommes misérables. Nous entretenons nos vieilles propriétés et nous aimerions les garder pour nos enfants. Nous travaillons sept jours par semaine au service des petits locataires.

L'article 1653.3. Ce n'est pas au locataire à faire les réparations parce que c'est une porte ouverte pour des fraudes, des factures fictives. Si

le locataire fait partie des mouvements contestataires, il peut faire n'importe quoi pour embêter le propriétaire. Alors, cet article est inéquitable dans sa forme actuelle.

L'article 1657.2 est également inéquitable. Je vous remercie. Si vous en tenez compte, j'en serais fort heureuse.

Le Président (M. Laplante): Merci, madame. M. le ministre.

M. Tardif: M. le Président, je désire remercier Mme Gagnon de sa présentation qui, je pense, prend beaucoup plus la forme d'un témoignage vécu et, à ce titre, qui peut-être nous touche beaucoup plus que certaines autres représentations qui. nous ont été faites. Ce témoignage, basé sur cette expérience de petit propriétaire et de locataire également, si j'ai bien compris...

Mme Gagnon: Six locataires.

M. Tardif: ... Mme Gagnon, rejoint un certain nombre des préoccupations que nous avons, que nous avons tenté d'atteindre dans le projet de loi 107. Je suis bien d'accord avec l'intervenante, avec Mme Gagnon, lorsqu'elle s'érige contre cette tendance qu'on peut avoir, que d'aucuns peuvent avoir, de partager le monde en bons et en méchants, en propriétaires et en locataires, en gros propriétaires et en petits propriétaires, en propriétaires étrangers et en propriétaires autochtones. On a entendu toutes sortes de nuances de cette nature. Parfois pour dire: Ce sont les propriétaires qui ont tous les torts. D'autres nous ont dit que ce sont les locataires. Je pense que cette vision manichéenne du monde est, finalement, à rejeter. C'est bien évident...

Mme Gagnon: Je m'excuse, mais je ne saisis pas très bien le sens de "manichéenne". Qu'est-ce que cela veut dire exactement?

M. Tardif: Cette manie qu'ont certaines personnes de trancher le monde ou l'univers en blanc et noir...

Mme Gagnon: Ah! oui.

M. Tardif: ... en deux groupes...

Mme Gagnon: En bons et en méchants, en purs et en impurs. D'accord.

M. Tardif: ... comme s'il n'y avait pas tout un continuum et toutes sortes de nuances du noir au blanc en passant par le gris.

Mme Gagnon: Vous savez, j'utilise le langage de tous les jours de la semaine. Alors, "manichéenne ", je ne savais pas trop.

Le Président (M. Laplante): C'est du latin! M. Tardif: A partir de là, Mme Gagnon, c'est évident qu'il y a des choses qui sont éminemment perfectibles dans ce projet de loi. Il y a des choses qui relèvent d'une tradition. Je vais vous donner un exemple. Vous disiez, à l'article 1617 et dans la formule même du bail type, qu'on parle d'agir en bon père de famille. Ecoutez! Je ne suis pas avocat, ce n'est pas moi qui ai inventé cette formulation qu'on retrouve à l'article 1617 du Code civil et que, vraisemblablement, de plus en plus aujourd'hui, on a tendance à remplacer par l'expression "en personne raisonnable".

C'est quoi quelqu'un qui entretient un lieu, un local en bon père de famille? C'était l'attitude peut-être paternaliste des législateurs des années antérieures; aujourd'hui, on tend vers l'utilisation d'une autre formule. Mais c'est bien évident que ce n'est ni la formulation du Code civil ni celle du projet de loi no 107 qui va donner à des personnes qui n'auraient pas de respect pour les biens d'autrui, la propriété d'autrui des manières, qui va leur donner ce sens des responsabilités qui leur manque.

Vous avez dit aussi: Ce n'est pas possible d'aller à la Cour des petites créances parce que, finalement, cela n'intéresse pas, les gens ont l'air ennuyé de nos problèmes, ce ne sont pas de beaux cas juteux, bon!

Mme Gagnon: C'est très vrai.

M. Tardif: Bon. C'est en partie pour cela et aussi, cela ne fait pas partie de leur expertise régulière. C'est en partie pour cela que le projet de loi no 107 propose de donner à la régie compétence sur toute matière découlant du bail d'un logement, y compris la loi 107, et toute matière civile découlant du bail d'un logement, de sorte que des dommages à la propriété ou encore un défaut de paiement de loyer, au lieu d'être amenés devant la Cour des petites créances ou les tribunaux réguliers, pourront être entendus devant la régie qui sera, en quelque sorte, une instance spécialisée ne s'occupant que de cela et n'étant pas, justement, dérangée par des problèmes, de façon très incidente, de cette nature. Et surtout par une régie dont le personnel sera qualifié et à temps plein là-dessus.

Actuellement, même à la régie — et c'était la formule traditionnelle au Québec — c'étaient des avocats qui agissaient sur une base ad hoc, donc qui une journée par semaine laissaient leur bureau pour aller entendre quelques causes à la régie. Ce n'étaient pas nécessairement des gens qui avaient pris fait et cause pour l'application d'une loi visant à régir les relations entre locataires et propriétaires.

Je suis sensible à votre remarque sur l'article 1656 concernant le pouvoir de sous-location. Je vous avouerai que j'aimerais peut-être voir dans quelle mesure, est-ce que c'est la formulation actuelle de l'article qui pose des problèmes?

Mme Gagnon: Premièrement, le locataire peut choisir lui-même son sous-locataire. Que devient le propriétaire là-dedans? Il faut motiver son refus.

Et vous donnez dix jours au lieu de quinze jours. On vous remercie de tant de générosité; cinq jours de moins pour se résigner au fait qu'on va encore avoir à subir un déménagement et un emménagement. Cela veut dire encore un autre ménage, parce que — je vous le répète — la sous-location ne devrait pas être permise à ce point. Il devrait y avoir certains cas valables mais pas, comme vous le dites dans votre loi, ce n'est pas moi qui le dis, si un concubin se réconcilie avec sa concubine ou s'en prend une autre, au bout de trois semaines, alors qu'il a loué pour un an. Ce n'est pas une raison sérieuse. Il va nous en imposer un, je veux dire, ces gens seraient mieux de louer au mois. Cela complique notre vie, cela nous fait mourir tranquillement, il faut le dire enfin.

M. Tardif: Mme Gagnon, écoutez, renseignements pris sur la raison de la modification du délai, quant au libellé, il est à peu près le même que la loi actuelle, l'article en question sur la sous-location. La réduction du délai de quinze à dix jours ne visait qu'une chose, qui était une certaine uniformisation des divers délais prévus dans la loi de sorte que le propriétaire n'ait pas à se poser la question: Est-ce que c'est dix jours, est-ce que c'est quinze jours, etc.? Mais je pourrais...

Mme Gagnon: C'est aussi triste dans un cas que dans l'autre.

M. Tardif: Je pourrais très bien...

Mme Gagnon: C'est triste dans les deux cas.

M. Tardif: ... essayer de revoir cette question des délais. Mais j'aimerais attirer votre attention sur l'article 1658.3 qui, lui, est nouveau et qui permet... je lis: "Le locateur peut éviter la prolongation du bail si le locataire a sous-loué le logement pendant plus de douze mois consécutifs et s'il en avise le locataire". En d'autres termes, à l'heure actuelle, ce privilège n'existe pas, au terme de douze mois, de mettre fin à la sous-location.

Mme Gagnon: Je n'ai pas protesté contre cet article, non plus, je n'ai protesté que contre les mauvais. Je n'allais pas vous faire des félicitations sur quelques articles qui étaient un petit peu mieux. Je proteste contre les mauvais articles qui nous font la vie misérable...

M. Tardif: D'accord.

Mme Gagnon: ... et qui nous tiennent en haleine tout le temps.

M. Tardif: Je suis heureux de voir que vous avez remarqué que cet article nouveau existait.

Mme Gagnon: Oui, mais je ne l'ai pas critiqué non plus.

M. Tardif: C'est bien, mais cela vise à atteindre un des objectifs que vous avez mentionnés, c'est-à-dire de ne pas être pris ad vitam aeternam avec un locataire que vous n'auriez pas choisi. D'accord? C'est-à-dire que la sous-location pourrait s'effectuer pour une période donnée, et après cela, il serait possible d'y mettre un terme au sens de 1658.3. Donc, ce n'est pas un engagement d'être pris avec un sous-locataire indésirable indéfiniment.

J'aurais certainement d'autres questions, mais je vais peut-être laisser d'autres membres de ia commission poser leurs questions, quitte à revenir tantôt, avec votre permission.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Verdun.

M. Caron: Mme Gagnon, je vous félicite, au nom de notre parti, de venir...

Mme Gagnon: Je vous remercie beaucoup. D'avoir eu le courage?

M. Caron: Oui, d'avoir eu le courage, parce qu'il y en a beaucoup...

Mme Gagnon: Oui, c'est surtout le courage que cela m'a demandé, monsieur.

M. Caron: On vous félicite et on espère qu'il y en aura d'autres qui viendront, comme vous. Quand vous dites le petit propriétaire, je suis d'accord avec vous. Souvent, le petit propriétaire porte le nom seulement. Il achète et il emprunte quasiment le montant total de la propriété. Il engage, en plus de donner la propriété en garantie, son salaire et le salaire de sa femme. Naturellement, les taxes sont chères, j'en suis conscient. Etant maire de ma ville, je vous juge qu'à certains moments, ce n'est pas facile. Les hausses abusives...

Mme Gagnon: C'est la hausse, c'est le coût de la main-d'oeuvre aussi.

M. Caron: Oui, un peu de tout. Je pense bien, même si vous trouvez des fois que le ministre ne rit pas, c'est naturel, avec tous les problèmes qu'il a, de ne pas toujours être capable d'avoir le grand sourire. Ce n'est pas facile d'être le ministre des Affaires municipales.

M. Tardif: C'est un député-maire qui le dit.

M. Caron: C'est vrai. Je suis bien mieux que vous qui êtes ministre des Affaires municipales, dans le contexte actuel, mais je suis convaincu qu'il va prendre en bonne considération...

Le projet de loi n'est pas en deuxième lecture. Quant aux commentaires que vous faites, le projet de loi peut être réimprimé. J'espère que le ministre essaiera de faire tout son possible, surtout pour les petits propriétaires.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: Merci, M. le Président. Moi aussi, madame, je tiens à vous féliciter pour votre partici-partion à cette commission, pour votre franchise surtout et le réalisme de vos remarques.

Mme Gagnon: Le réalisme, je suis très contente de vous l'entendre dire. Cela me réconcilie avec les politiciens.

M. Cordeau: Vous avez dit que vous étiez locataire. Etes-vous propriétaire aussi?

Mme Gagnon: Je suis propriétaire de deux maisons anciennes...

M. Cordeau: C'est parce que je voulais vous dire quelque chose.

Mme Gagnon: ... que nous avons gardées, mais je suis locataire. Je connais les deux côtés de la médaille.

M. Cordeau: Si j'étais à la recherche d'un logement à Montréal, j'irais chez vous pour avoir un logement. Je pense qu'il y aurait facilité de nous entendre, parce que vous semblez assez compréhensive.

Mme Gagnon: Je vous dirai tout de suite que je serais bien heureuse.

Le Président (M. Laplante): Là, on reconnaît le député de Saint-Hyacinthe.

M. Guay: Le député de Saint-Hyacinthe, c'est l'incarnation assez vivante d'un bon père de famille.

M. Cordeau: Merci. On va revenir au terme "bon père de famille". La porte est ouverte. Pourquoi ne pas y entrer! En ce qui regarde le propriétaire, auparavant peut-être devait-il maintenir l'état de son logement à peu près au même... (17 h 30)

Mme Gagnon: C'était énuméré dans les baux autrefois et c'était pris plus au sérieux, quand même, que dans une seule phrase. Là, ce sont les obligations du propriétaire. Il y en a et il en pleut.

M. Cordeau: Oui, mais...

Mme Gagnon: Le locataire n'en a pas, lui.

M. Cordeau: C'est justement cette question que je voulais vous poser. Aujourd'hui, on veut qu'il y ait un code d'habitabilité. Croyez-vous qu'il serait à propos aussi que l'expression "bon père de famille" soit mieux définie parce qu'aujourd'hui, c'est de trouver le père de famille?

Mme Gagnon: C'est justement.

M. Cordeau: A ce moment-là, c'est de savoir trouver qui est responsable de quoi. Croyez-vous que le gouvernement devrait définir plus clairement les obligations des locataires...

Mme Gagnon: Oui, monsieur.

M. Cordeau: ... concernant leurs responsabilités?

Mme Gagnon: Oui, monsieur.

M. Cordeau: Si le propriétaire a des responsabilités pour maintenir son loyer en bon état, croyez-vous qu'il devrait y avoir aussi, à l'intérieur de ce projet de loi, ou surtout de la réglementation, des règles bien définies concernant les obligations des locataires?

Mme Gagnon: C'est très bien; oui, des règles bien définies.

M. Cordeau: Je vais vous poser une autre question. Croyez-vous que ce projet de loi a une petite saveur socialisante?

Mme Gagnon: Oui, monsieur. Mais là, je vais faire de la peine de l'autre côté de la table si je dis ça.

M. Cordeau: Vous savez, ici, il faut entendre toutes les cloches et toutes les cloches n'ont pas le même son.

Mme Gagnon: Je voudrais bien qu'on garde un juste milieu. Moi, je croyais qu'on était encore dans un pays démocratique et je m'aperçois que, enfin... Quand on oblige un propriétaire à montrer son bail, le bail précédent, au locataire qui vient, c'est qu'on dit au locataire: Méfie-toi d'un propriétaire. On classe les propriétaires comme les méchants; les locataires, ce sont des moutons et il faut les protéger parce qu'ils sont faibles et plus nombreux à part ça. Enfin, je me comprends; je n'en dirai pas plus.

Mais je m'oppose à ça, de montrer... Parce que je trouve que c'est une mesure vexatoire et humiliante que de montrer l'ancien bail au nouveau locataire, parce que le locataire n'est pas un imbécile. Il sait bien ce que ça vaut un logement, parce qu'il fait le tour des logements et il le sait bien. Quand on est raisonnable, on en vient à une entente satisfaisante pour les deux, quand on est raisonnable.

M. Cordeau: Est-ce que, comme propriétaire, si vous avez un très bon locataire qui ne vous cause pas d'ennuis...

Mme Gagnon: Je ne l'augmente pas.

M. Cordeau: ... vous avez tendance à moins l'augmenter, celui-là, que l'autre qui est tapageur...

Mme Gagnon: Si je veux garder mes bons...

M. Cordeau: Alors, ça démontre peut-être que vous pourriez avoir, parmi vos locataires, des gens qui, selon leurs moyens financiers, ou qui sont chez vous depuis longtemps, par considération

humanitaire, vous n'augmenterez pas tellement leur loyer. Vous allez dire: ça va. Par contre, à un moment donné, si le logis se libère, là, vous allez peut-être faire un équilibre. A ce moment-là, peut-être, ce serait pénaliser le propriétaire que de toujours montrer l'ancien bail, parce que, pour toutes les considérations que j'ai énumérées tantôt, peut-être qu'à un moment donné, vous avez laissé le loyer à $100 et, en réalité, c'est trois chambres à coucher et il vaudrait $120 ou $125.

Mme Gagnon: Oui, j'ai des logements de sept pièces qui sont loués avec système de chauffage et tout pour $160, où on s'empile à huit ou dix là-dedans et on fait de l'argent à même ce logement. Il y a quelqu'un qui fait de l'argent là-dedans.

M. Cordeau: C'est peut-être le locataire qui change la désignation du loyer. Au lieu d'un loyer, il en fait une maison de chambres.

Mme Gagnon: Ah oui! Mais ce n'est pas marqué "maison de chambres". C'est comme un centre d'hébergement, si vous voulez, mais qu'est-ce que vous voulez faire dans ces cas? Ce sont des cas d'abus, ce sont des empiétements. Je le dis dans mon mémoire: Est-ce que le ministre et ses conseillers ne pourraient pas trouver quelque chose pour empêcher les gens d'empiéter comme cela sur nos beaux grands logements anciens. Ils en raffolent, évidemment.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Taschereau.

Mme Gagnon: Pardon?

Le Président: C'est un autre député.

M. Guay: J'espère, M. le Président, quand le député de Saint-Hyacinthe, en espérant un oui à sa question, demandait si le projet de loi n'avait pas une saveur socialisante, qu'il ne voulait pas dire par là qu'il s'opposait au contrôle des loyers pour que l'habitation devienne une pure valeur capitalisante.

M. Cordeau: Non, pas du tout.

M. Guay: Je suis heureux d'entendre que l'Union Nationale va appuyer le principe du projet de loi.

M. Cordeau: On va voir cela tantôt.

M. Guay: D'abord, je dois dire que je connais Mme Gagnon depuis un certain nombre d'années et c'est avec grand plaisir que je la revois aujourd'hui ici à Québec. Je veux la féliciter d'avoir fait la démarche foncièrement démocratique de s'être présentée seule devant la commission parlementaire. Ce n'est certainement pas une expérience facile comme démarche a priori; quand on est à l'extérieur de l'Assemblée, l'Assemblée nationale a toujours une allure, une espèce d'auréole mystérieuse qu'elle n'a pas nécessairement.

Mme Gagnon: Et assez austère.

M. Guay: Et assez austère qu'elle n'a pas nécessairement, comme vous le voyez, quand on est rendu en dedans.

Mme Gagnon: Dans ce salon-ci, c'est moins impressionnant.

M. Guay: Si plus de citoyens prenaient le soin, comme le fait Mme Gagnon, de venir eux-mêmes nous faire part de leurs expériences plutôt que de s'en remettre à des porte-parole souvent autodésignés, comme on en a entendu énormément au cours de ces audiences, je pense que la qualité de ce qu'on entend au cours de telles audiences s'en trouverait d'autant meilleure.

Il y a un certain nombre de choses, dans votre mémoire, que je voudrais relever. Je vais vous dire d'abord ce qui a été dit à d'autres participants à la commission, le projet de loi 107, tel qu'il est, n'est pas dans sa version définitive. D'une part, s'il l'était, ces audiences seraient inutiles. C'est justement dans le but d'entendre la population et préférablement les citoyens eux-mêmes qu'ont lieu ces audiences pour chercher à améliorer ce projet de loi et le bonifier. Il y a plusieurs modifications auxquelles on peut spontanément songer à la suite de ce qu'on a entendu jusqu'à maintenant et de ce qu'on va entendre ce soir et mardi, si bien que, dans sa version en deuxième lecture, le projet de loi subira vraisemblablement des modifications. Ces modifications peuvent aller dans deux sens. Il peut y avoir des modifications au niveau des obligations du propriétaire. On a évoqué, par exemple, au cours des audiences jusqu'à maintenant, quelle serait la meilleure démarche à suivre en ce qui a trait à qui, au fond, a le fardeau de la démarche auprès de la régie. Est-ce le locataire, comme c'est à l'heure actuelle et comme c'est le cas dans le projet de loi 107 tel qu'il est, ou est-ce qu'on devrait plutôt regarder du côté de l'Ontario, qui n'a rien de socialiste pour autant et qui impose le fardeau aux propriétaires à partir d'un certain pourcentage qui est fixé annuellement par le gouvernement?

Les autres modifications qu'on peut songer à apporter concernent l'équilibre entre les parties. Je trouve personnellement que le projet de loi 107 est un peu bref en ce qui a trait aux obligations des locataires. Bien sûr, il y en a qui vont nous dire — comme un groupe hier, ceux qui divisent le monde en noir et en blanc, en bons et en méchants, en locataires et propriétaires — que les travailleurs-locataires, comme j'ai vu l'expression dans un document — on se l'est fait proposer hier d'ailleurs — que les locataires ne devraient sous aucune considération être évincés. C'est une opinion. Je ne la partage pas. Les locataires ne sont pas nécessairement tous des anges du fait qu'ils sont locataires et les propriétaires ne sont pas tous des méchants du fait qu'ils sont propriétaires.

Mme Gagnon: On ne peut jamais les évincer de toute façon, cela prendrait des motifs très graves.

M. Guay: Que cela prenne des motifs graves, j'en suis, mais que sous aucune considération on ne puisse le faire comme on nous le proposait hier, c'est aller loin.

Donc, il y a moyen d'améliorer le projet de loi, nous comptons l'améliorer. Je pense qu'au niveau de la responsabilité des locataires, des obligations des locataires il y a là matière à revoir le projet de loi. Il y a un certain nombre d'énumérations de fait que vous faites qui peuvent toutefois, à l'heure actuelle, faire l'objet du bail, parce que dans le bail tel qu'il est, on peut ajouter des clauses.

Mme Gagnon: Le bail est imprécis. M. Guay: Oui?

Mme Gagnon: II donne l'impression que les propriétaires n'ont que des obligations et on avertit, entre les lignes, les locataires de bien se méfier des propriétaires. Il y a quelque chose qui n'est pas bien, la rédaction est mal... ce n'est pas juste. C'est un mauvais bail, si vous voulez que je vous le dise franchement.

M. Guay: Je vois une chose que vous avez mentionnée, l'histoire de la tapisserie. Il n'y a rien qui empêche le propriétaire de le mettre dans le bail à l'heure actuelle.

Mme Gagnon: Oui, on le met, mais ils la posent quand même.

M. Guay: Le problème vient plutôt non pas de ce que contient le bail, mais de la façon dont le locataire remet le logement au terme de son bail.

Mme Gagnon: Oui, mais si vous imposiez, par exemple, au locataire... Si vous permettiez au propriétaire d'aller inspecter le logement avant que le locataire quitte les lieux et que le propriétaire aurait la chance de voir s'il a enlevé une armoire, s'il a posé un paquet de tablettes sur les murs, des choses qui sont absolument impossibles... Mais on se trouve en face d'un logement qui est vidé, où on n'a pas eu la permission d'aller. Un logement vidé, c'est-à-dire non, ils nous laissent tout ce qu'ils veulent, les fauteuils à trois pattes, les matelas éventrés, et on a un autre déménagement à faire nous-mêmes.

M. Guay: Justement, c'est sur le moyen que vous réclamez que je m'interroge, non pas que je m'oppose à l'idée. Au fond, pourquoi pas? Mais est-ce que pour autant, si vous allez dans le logement...

Mme Gagnon: Le jour même.

M. Guay: Le jour même, il n'y a rien qui vous empêche d'y aller. En d'autres mots, si les effets...

Mme Gagnon: II faut que le locataire soit là. M. Guay: ... mobiliers, si les meubles du loca- taire ne sont pas tous partis, vous ne pouvez pas constater, jusqu'au moment où ils le seront tous, ce qu'il a laissé sur place.

Mme Gagnon: Non, c'est justement, on est toujours du mauvais côté. A ce moment-là, on a toujours des surprises désagréables. Il n'y a pas beaucoup de gens qui laissent leur logement en ordre. On ne peut pas dire que c'est la grande majorité, parce qu'ils n'ont pas le goût de faire du ménage avant de partir. Alors que dans certains pays, en Belgique, je crois, ils sont tenus de le remettre en ordre, ils ont peur du propriétaire, tandis que nous, vous nous traitez tellement comme quantité négligeable que les locataires n'ont pas peur du propriétaire, ils s'en moquent.

M. Guay: Je suis d'accord, enfin avec nuance, mais je me demande quel est le remède à tout ça. Vous me dites...

Mme Gagnon: C'est à vous à le trouver. Mme Guay: Oui. D'accord.

Mme Gagnon: J'en aurais à suggérer, mais je ne suis rien, alors...

M. Guay: Justement, c'est pour ça que vous êtes ici.

M. Cordeau: Cela ne tombera pas dans des oreilles de sourds.

M. Guay: Vous nous parlez de la visite des lieux, à un certain moment, avant le départ. Sauf que vous n'êtes pas pour autant en mesure de constater, à ce moment, si par exemple, le locataire avait des blocs de ciment s'il les a laissés là, parce qu'il n'a pas encore déménagé.

Mme Gagnon: Oui, il va nous dire qu'il va les emporter, bien sûr, mais il ne les déménagera, sans doute pas.

M. Guay: Donc, on se retrouve dans la même situation.

Mme Gagnon: Je ne sais pas par quel mécanisme on pourrait obtenir... je ne le sais pas.

M. Guay: On va essayer d'y songer. Vous vous opposez farouchement à l'article 1651.2 en disant que l'article oblige le locateur à montrer au locataire l'ancien bail. Ce n'est pas exactement ça que dit l'article, il dit: "Le locateur doit... remettre à tout nouveau locataire un écrit indiquant le loyer payé par le locataire précédent..." Vous n'êtes pas obligé de lui montrer le bail, vous êtes obligé de lui dire, en d'autres mots, quel était le loyer payé.

Mme Gagnon: Justement, est-ce qu'on a à se soumettre à une affaire pareille?

M. Guay: Dans la mesure où on cherche à contrôler les loyers, il est évident que si, entre

deux locataires, il n'y a pas de suite, c'est l'occasion rêvée pour provoquer une hausse du loyer.

Mme Gagnon: On est toujours obligé de rénover en entier le logement. Si on veut garder nos logements en ordre, il faut les rénover à nos frais, il faut faire remplacer le poêle, le réfrigérateur, parce que la porte a été brisée, parce que les locataires ne dégèlent pas leur réfrigérateur, vous voyez quel genre de détail...

M. Guay: Attention, le fait de devoir indiquer l'ancien loyer n'indique pas que vous êtes obligée de le louer au même prix.

Mme Gagnon: Mais le locataire va vouloir payer $2 de plus.

M. Guay: Vous n'êtes pas obligée de lui louer. L'idée, c'est d'avoir une idée du prix qui était payé pour le logement.

Mme Gagnon: Vous nous dites dans le bail qu'on ne doit refuser aucun locataire. On a cette prohibition, aucune discrimination. On doit louer à ceux qui s'adressent à nous.

M. Guay: Non, mais, Mme Gagnon, si vous avez un logement qui se libère, s'il est à louer, disons, à $150, ce n'est pas parce qu'un locataire potentiel arrive et dit: Je vais vous payer $140, donc $10 de moins, que vous devez le lui louer.

Mme Gagnon: Non, pas cela, non quand même.

M. Guay: Donc, les raisons pour lesquelles vous ne pouvez pas refuser de le louer n'ont rien à voir avec la somme monétaire ou la valeur locative du logement. Que le locataire sache combien valait le logement auparavant, ce n'est pas nécessairement une mauvaise mesure; cela permet d'assurer une certaine continuité dans la valeur locative des logements.

Mme Gagnon: Vous ne comprenez pas ce que je veux dire; c'est que c'est vexant, vexatoire et humiliant pour le propriétaire.

M. Guay: En quoi?

Mme Gagnon: En quoi? Cela jette un doute sur l'honnêteté du propriétaire. Cela crée un doute dans l'esprit du locataire et c'est cela qui est inadmissible, parce que les relations commencent sur une vilaine base.

M. Guay: Oui, mais, si nous sommes d'accord que tous les locataires ne sont pas des anges et tous les propriétaires ne sont pas des bandits, l'inverse est également vrai; tous les propriétaires ne sont pas des anges.

Mme Gagnon: Ah non, j'en suis sûre.

M. Guay: Si vous me disiez: Le loyer était de tant auparavant, je vous croirais sur parole, parce que je vous sais — de toute façon, c'est évident — une personne honnête, mais on ne peut pas en dire autant nécessairement de tous les propriétaires. Donc, le fait de connaître, de manière publique, quelle était la valeur locative du logement auparavant n'est pas pour les propriétaires qui, effectivement, sont honnêtes, ne cherchent pas à exploiter le locataire et tout cela. Ils le diraient de toute façon. C'est pour ceux qui ne voudraient pas le dire ou qui ne diraient pas la vérité qu'il est important de pouvoir le vérifier.

Mme Gagnon: Mais vous n'avez pas besoin de mettre cela dans votre projet de loi. C'est absolument inutile. Je ne vois pas pourquoi vous le faites.

M. Guay: Parce que, si on ne le fait pas, certains propriétaires, ceux qui ne sont pas des anges, peuvent profiter de la rupture dans la continuité, du fait qu'ils changent de locataires, pour obtenir une hausse de la valeur locative qui est démesurée par rapport à ce que vaut vraiment le logement, surtout en période de rareté de logements.

Mme Gagnon: De toute façon, là-dessus, je ne suis pas de votre avis. Enfin, je m'excuse, mais je ne suis pas de votre avis.

Le Président (M. Laplante): M. le ministre, le mot de la fin. Vous aviez une courte question, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: Merci, M. le Président. Quel pourcentage de vos locataires a eu recours à la régie depuis un certain temps?

Mme Gagnon: Ah! mon Dieu, un seul pendant vingt ans.

M. Cordeau: Félicitations, madame.

Mme Gagnon: C'est parce que j'ai été une bonne propriétaire.

Le Président (M. Laplante): M. le ministre.

Mme Gagnon: Je ne me suis pas enrichie. Donc, je n'ai pas été en Floride et je suis obligée d'être aux aguets tout le temps. Je ne m'absente pas l'été, non plus. Je suis une petite propriétaire. Comme cela, on garde de bonnes relations avec nos locataires. Ils ne vont pas à la Régie des loyers, parce qu'on est des anges à côté de... C'est cela. Je crois que je ne suis pas la seule petite propriétaire. Je suis peut-être la seule qui a eu le courage de venir, mais il y a beaucoup de bons petits propriétaires qui sont mal pris. Je trouve que vous n'y pensez pas suffisamment.

M. Tardif: M. le Président, je désire, encore une fois, remercier Mme Gagnon pour son témoignage devant cette commission. Vraiment, ainsi que l'a dit le député de Taschereau, il faut faire

une démarche semblable pour se rendre compte de ce que cela peut représenter à titre individuel de venir ainsi exposer devant une commission les problèmes rencontrés dans, par exemple, l'exploitation d'un immeuble à logements. Je voudrais, en terminant, dire que, si, d'une part, la loi 107, encore une fois, vise essentiellement à reprendre un certain nombre de dispositions qui existaient, à faciliter les recours de part et d'autre, elle ne représente pas, loin de là, l'ensemble des éléments qu'une politique d'habitation devrait comprendre, particulièrement à l'endroit des propriétaires.

Notre collègue, Mme Payette, devra bientôt présenter un projet de loi sur la protection des consommateurs dans le secteur immobilier. Cela est aussi important que tous les autres secteurs que d'assurer aux propriétaires un minimum de protection en vertu de la loi.

Encore une fois, nous vous remercions, en vous assurant, madame, que nous tenterons, dans la révision de la loi, lors de l'étude en deuxième lecture, de tenir compte des diverses opinions entendues ici, devant cette commission, de répondre aux besoins que vous avez, aux problèmes que vous avez exposés. Merci, madame.

Le Président (M. Laplante): Madame, au nom des membres de cette commission, je vous remercie et j'espère que d'autres citoyens braveront les commissions, tel que vous l'avez fait.

Mme Gagnon: Si on savait comme c'est agréable, on viendrait plus souvent.

Le Président (M. Laplante): Merci, madame. Les travaux sont suspendus jusqu'à vingt heures.

Suspension de la séance à 17 h 52

Reprise de la séance à 20 h 11

Le Président (M. Laplante): A l'ordre, s'il vous plaît! Que chacun prenne sa place. Reprise des travaux de la commission des affaires municipales sur l'étude du projet de loi no 107, réception des mémoires. J'appelle maintenant les représentants du groupe l'Association des commerçants de maisons mobiles et terrains du Québec Inc. Je vois qu'ils sont à leur place.

M. Gobeil (Bertrand): Nous sommes présents.

Le Président (M. Laplante): Vous avez vingt minutes pour faire la présentation de votre mémoire et, si vous voulez identifier votre organisme, vous identifier et identifier les personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît!

Association des commerçants de maisons mobiles et terrains du Québec

M. Gobeil: Je vous remercie infiniment, M. le Président, et j'aimerais d'abord remercier tous les membres de cette commission de nous donner l'occasion d'exprimer verbalement ce qu'on a déjà fait par écrit. J'aimerais d'abord me présenter. Mon nom est Bertrand Gobeil, je suis secrétaire de l'association qui est ici ce soir ainsi que conseiller juridique. Je vais commencer à ma gauche. M. André Sévigny, de la compagnie Armand Rémillard Ltée, qui est directeur, commerçant et exploitants de parc de maisons mobiles; M. Réal Piché, qui est président de l'association, qui est également commerçant de maisons mobiles; M. Alain Saint-Hilaire, Domaine Nouvelle Vague, Lac-Saint-Charles, qui est commerçant, locateur d'emplacements de maisons mobiles; Me Claude Sauvageau, qui est conseiller juridique, à ma droite, et M. Paul-Eugène Robitaille, qui est exploitant de parc pour maisons mobiles.

J'aimerais d'abord situer, pour les membres de cette commission, notre association. Nous ne sommes pas une grosse association. Nous représentons environ 70 personnes, dont la plupart sont commerçants de maisons mobiles, roulottes de voyage et tentes-roulottes. Parmi ces membres commerçants, nous en avons une partie qui sont exploitants de parcs pour maisons mobiles et une partie qui sont uniquement exploitants de parcs pour maisons mobiles. Il y a également, dans notre association, certains membres manufacturiers d'habitations et de véhicules récréatifs, ce qui comprend la maison mobile. J'aimerais expliquer que tout ce que nous allons dire ce soir intéresse plus particulièrement les commerçants de maisons mobiles qui sont exploitants de parcs, ainsi que les exploitants de parcs qui ne sont pas nécessairement commerçants de maisons mobiles. Je pense que, pour qu'on comprenne l'esprit de notre mémoire, une bonne partie de nos membres sont à la fois commerçants et exploitants de parcs.

Notre mémoire, en fin de compte, comprend deux volets; le premier est d'exprimer notre opinion sur le projet de loi 107. Je pense qu'en ce sens-là, nous allons probablement rejoindre ce qui a été dit de différentes façons par le groupe des propriétaires. Nous ne voulons pas faire de différences ou créer deux groupes. Nous exprimons notre opinion à partir de la situation que nous connaissons qui est celle des propriétaires de terrains et locateurs d'emplacements de maisons mobiles.

Deuxièmement, nous aimerions, tout en exprimant cette opinion, faire part au législateur, en tenant compte de son projet de loi 107, des modifications ou des précisions que nous aimerions exprimer sur son projet de loi. Dans un premier temps, nous sommes un peu contre le projet de loi 107. J'aimerais, sous cet aspect, me référer au texte et je me situe à la page 3 du texte pour vous exprimer — probablement que cela a déjà été dit antérieurement, mais de la façon que nous le vivons — ce que nous croyons de cet aspect. Je me réfère à la page 3 de mon texte, le deuxième paragraphe. "Tout en respectant l'opinion contraire, l'ACMT Inc. du Québec est tout à fait contre l'esprit et la lettre du projet de loi 107 qui, à son avis, tient pour acquis que tous les locataires sont

ignorants et exploités, tandis que les propriétaires sont peu soucieux d'honnêteté et exploitants. Je vous avoue qu'à ce niveau-là, c'est une impression et c'est notre opinion, avec tout le respect qu'on porte à l'opinion de cette commission et au droit que le législateur a de tenir compte des différents aspects de la collectivité. Tout en constatant malheureusement que certains abus mènent à l'élaboration de telles lois, l'ACMT ne croit pas justifié que la liberté de commerce soit limitée et que l'entreprise privée soit ainsi contrôlée.

A titre d'exemple, nous vous référons aux dispositions des articles 27, 42 et 89 du projet de loi et, à l'intérieur de l'article 89, des articles 1651.2, 1662.1 et 1662.4 du projet de loi. L'équilibre des forces doit sans doute se faire, nous en convenons. Mais il faut se demander si un autre déséquilibre n'est pas en train de se créer.

L'ACMT Inc. croit que l'adoption d'un tel projet de loi restreindra considérablement les investissements privés dans le domaine de la location d'emplacements pour maisons mobiles. En d'autres termes, on ne vous le cache pas, c'est un peu l'objet de notre démarche, je pense que c'est à la connaissance de tous qu'on a toujours eu un problème majeur pour installer des maisons mobiles. Il y a différentes raisons, je pense qu'on peut en nommer deux, tout au moins l'aménagement des parcs, qui n'a peut-être pas toujours été suivant le désir du législateur provincial et municipal; il y a également la question du financement.

Nous croyons que l'assujettissement de la location de terrains pour emplacements de maisons mobiles à cette loi ne viendra pas aider, si vous voulez, à la possibilité d'installer nos maisons mobiles sur des terrains. Comme la plupart des membres de cette commission parlementaire le savent sans doute, M. le Président, le propriétaire privé d'un terrain de location a dû investir de fortes sommes pour l'acquisition d'un fonds de terre. Très souvent rejeté par les municipalités et placé dans des endroits éloignés des centres urbains, il a dû lui-même construire l'infrastructure de base, soit aqueduc, puits, protection contre l'incendie, égout sanitaire, égout pluvial, fosses septiques, rues et pourvoir à l'éclairage du terrain. Il entretient lui-même les rues durant la période de l'été et fait l'enlèvement de la neige durant l'hiver.

Dans bien des cas, il assure à ses locataires la cueillette des vidanges et les services de loisirs, tels piscines, terrains de jeux, patinoires. En résumé, il donne lui-même, la plupart du temps, les services généralement offerts par la municipalité dans un développement résidentiel conventionnel.

Il s'agit donc d'une petite municipalité à l'intérieur d'une plus grande. A cause de la pénurie de terrains disponibles pour ce genre d'habitations, beaucoup de vendeurs de maisons mobiles au Québec ont ouvert de tels terrains de location pour écouler leurs produits et permettre aux gens d'acheter une telle maison. Il est donc compréhensible et admissible, à notre avis, qu'après avoir investi des sommes importantes ce propriétaire de terrain de location veuille favoriser ses acheteurs plutôt que ceux d'un éventuel concurrent. Cette situation se justifie davantage à cause de la pénurie de terrains disponibles pour ce genre d'habitation.

Par ailleurs, ce droit est cependant nié aux propriétaires d'un terrain de location par l'article 1662.1 du projet de loi no 107, soit l'article 89.

Je dois vous avouer que ce qu'on exprime, c'est véritablement ce qui se passe, quant à nous, et nous vous le soumettons avec le plus profond respect. Qu'il soit commerçant et exploitant d'un terrain de location ou simplement exploitant d'un tel terrain, le projet de loi no 107 nie également le droit à ce propriétaire de refuser un locataire parce que sa maison mobile est usagée, si celle-ci ne cadre pas avec l'ensemble de son terrain de location. De plus, si le propriétaire fait l'installation ou le déplacement d'une maison mobile, le projet de loi 107 ne lui accorde que le remboursement des dépenses raisonnables. Ne doit-on pas envisager qu'il s'agit là d'un commerce? Sur les mesures particulières, je reviendrai à ce point.

A cela, il faut ajouter les contraintes administratives et les déboursés entraînés par la préparation des dossiers pour la Régie des loyers afin de justifier l'augmentation, le fait que souvent le seuil de rentabilité ne peut être atteint par les critères d'augmentation de loyer qui sont retenus par cette Régie des loyers et les limites à disposer de sa propriété comme il l'entend par le contrôle du droit de subdiviser, d'en changer la destination ou d'en faire une copropriété.

Vous comprendrez que l'ensemble de cette situation n'est certes pas propice à susciter l'investissement privé, créant ainsi une rareté de terrains disponibles et nuisant considérablement à la vente et à l'utilisation, par les contribuables québécois, d'un mode d'habitation accessible par son coût à la grande majorité de la population. L'industrie de la maison mobile en général en sera donc grandement pénalisée, d'autant plus qu'un de ses problèmes majeurs a toujours été le manque de terrains disponibles.

C'est pourquoi l'ACMT présente des suggestions. A ce niveau, M. le Président et MM. les membres de la commission parlementaire, je tiens à vous dire que c'est vraiment une opinion qu'on vous soumet dans le plus profond respect des opinions de chacun et je pense qu'on se doit, à titre de l'occupation qu'on fait, de vous l'exprimer.

Maintenant, quelle que soit la décision du législateur québécois, nous croyons que si le projet de loi 107 doit être appliqué, il y a peut-être certaines modifications qui pourraient être faites. Il y a certaines modifications qui, à notre sens, sont à l'avantage et du propriétaire de terrains et du locataire, il y a certaines demandes qu'on fait, sans se le cacher, très ouvertement, qui tiennent compte, bien entendu, de notre situation particulière.

J'aimerais d'abord indiquer qu'à notre avis, l'article 1 du projet de loi no 107 peut poser un problème. L'article 1 dit: "Pour l'application du présent titre, on entend par "logement" un logement visé dans les articles 1650 à 1650.3 du Code

civil, qui est loué, offert en location ou qui est devenu vacant après une location."

Cela pose le problème suivant, c'est que, dans les notes explicatives, on dit du chapitre I: "Le chapitre I prévoit que la loi s'applique au bail d'un logement utilisé à des fins résidentielles, avec ses services accessoires et dépendances, qu'il soit loué, offert en location ou devenu vacant après une location, ainsi qu'au bail d'une chambre, d'une maison mobile et d'un terrain destiné à l'installation d'une maison mobile."

Cela nous semble poser un problème, parce qu'il ne nous apparaît pas clairement, si on se réfère à l'article 1650.3, que le terrain destiné à l'installation d'une maison mobile soit un logement. Ce qu'on demande au législateur, c'est que si, effectivement, c'est l'esprit de la loi, ce qu'on croit, même si on ne partage pas son opinion, ce soit dit clairement.

En d'autres termes, si le terrain est visé par la loi, il y aurait peut-être lieu de se référer directement, dans la loi, aux articles qu'on demande d'appliquer. Je pense que c'est à l'avantage de tous et chacun, du propriétaire et du locataire, parce que cela va éviter des ambiguïtés et des contestations devant les tribunaux.

Si c'est ce qu'on veut faire, je pense qu'on a intérêt à le faire, d'autant plus qu'à l'article 27, on limite quand même le droit du propriétaire d'un tel terrain de disposer de sa propriété. Nous, on croit que cela ne vise pas nos terrains, mais on n'en est pas certains.

Il y a également l'article 42, quant au droit de copropriété, et, quant au droit de réglementation prévu à l'article 86, les paragraphes 4 et 5. En d'autres termes, nous croyons qu'il y aurait avantage à ce que la situation soit clarifiée.

Dans un deuxième temps, nous aimerions qu'il soit établi clairement que l'article 42, quant au droit de copropriété, ne s'applique pas à de tels terrains. Là-dessus, je vais laisser mon collègue faire les représentations tout à l'heure. Nous prétendons que c'est à l'avantage du locataire et du propriétaire d'un terrain de pouvoir faire de la copropriété d'un parc de maisons mobiles, pour prendre une expression populaire.

Nous demandons également la disparition de l'article 89, 1662.1, relativement aux représentations que nous avons faites. Nous ne voulons leurrer personne. Il y a plusieurs commerçants de maisons mobiles, étant donné la difficulté qu'on avait d'installer nos maisons, qui ont ouvert des parcs de maisons mobiles. Cela implique nécessairement des investissements considérables. Il y a des gens ici qui pourront vous donner les informations nécessaires dans la pratique. Je pense qu'on peut parler d'un montant de $4000 à $5000 par terrain, pour aménager les rues, les infrastructures. Nous ne voyons pas pourquoi le législateur nous empêcherait de favoriser les acheteurs qui viennent chez nous plutôt que chez un concurrent. C'est un des motifs qu'on invoque.

Egalement, je pense qu'on devrait laisser à l'exploitant de parc, qui n'est pas nécessairement vendeur, le droit de considérer le locataire qui vient chez lui et l'apparence de sa maison, qui ne correspond pas toujours à l'ensemble du parc. Je comprends qu'il y a peut-être des exagérations de l'autre côté, mais je pense qu'il y a aussi des gens qui administrent leurs terrains de façon sérieuse.

Nous aimerions également qu'on modifie l'article 89, 1662.4, afin de laisser place à un profit raisonnable sur l'installation des maisons mobiles. Il faut bien comprendre qu'on ne peut pas obliger — on est d'accord là-dessus — un locataire à venir voir le propriétaire du terrain pour se faire installer. Mais s'il a le libre choix, on aimerait que soit donné au propriétaire du terrain, comme à tout commerçant, le pouvoir de prendre, dans les frais d'installation, un profit raisonnable, parce qu'on est en matière de commerce. C'est un commerce.

Nous aimerions également que soit précisé l'article 89, 1663.7. Tout en étant d'accord avec l'énoncé de cet article, nous croyons qu'il devrait être précisé pour permettre une telle clause, et la rémunération équivalente, lorsque celle-ci est consentie librement, n'est pas une condition de la location ou de la sous-location.

Je pense que ce que le projet de loi a voulu viser, c'est de ne pas obliger un locataire qui vend d'aller voir le propriétaire du terrain et de lui payer un pourcentage sur la vente. Mais si le locataire, en ayant le libre choix de le faire, décide de choisir le propriétaire du terrain, nous demandons que le législateur reconnaisse qu'on puisse, par convention, convenir d'un taux, comme en matière immobilière, et prendre, si vous voulez, le profit raisonnable sur la vente d'un tel bien.

Nous demandons également la modification de l'article 89 1658.13. Cet article devrait être modifié pour tenir compte de la réalité concernant le bail d'un terrain destiné à l'installation d'une maison mobile. Ainsi, le législateur devrait permettre l'augmentation des coûts au locataire lorsque ceux-ci augmentent pour le propriétaire. En d'autres termes, pour me résumer, dans la loi, ce qui est peut-être embêtant, c'est qu'on nous considère un peu comme louant des logements conventionnels de résidence, alors que ce sont des terrains qu'on loue; ce n'est pas tout à fait pareil. Je pense qu'il serait bon de considérer, si vous voulez, cette façon particulière de louer qui est la nôtre. C'est pour cela qu'on demande qu'on tienne compte de l'augmentation des coûts, dans un tel cas, d'enlèvement de la neige, d'entretien et de réparation des rues, d'enlèvement des vidanges, de bris et d'entretien des équipements de loisirs, du réseau d'aqueduc et d'égout, des frais de publicité et des dépenses de fonctionnement; en d'autres termes, de tous les frais d'exploitation.

En terminant et avant de laisser mon confrère parler de la question de la copropriété, nous aimerions demander à M. le ministre l'opportunité de pouvoir être consultés sur la réglementation qui pourra être adoptée sur les normes d'habitabilité. En d'autres termes, je pense que, par notre expérience et par la connaissance qu'on a de notre commerce, il serait bon qu'on puisse discuter avec le législateur ou les gens qui doivent

établir ces normes-là pour leur faire part, si vous voulez, des critères particuliers de notre commerce.

Il y a également une dernière remarque sur l'article 1662.5 qui dit que, lorsqu'un locataire chez nous vend sa maison mobile, on se doit d'accepter son acheteur. Je pense qu'on devrait réserver, si vous voulez, nos droits de sous-location comme en matière dé logement de façon générale. On devrait nous laisser les mêmes droits que ceux prévus à l'article 1656, c'est-à-dire que, si on veut refuser le locataire, on pourrait le faire suivant les critères qui sont déterminés dans la loi. En d'autres termes, nous croyons que cet article nous enlève cette possibilité et nous disons: Pourquoi est-ce qu'on nous l'enlèverait, si on la donne aux propriétaires de logements en général? C'est, en substance, les quelques modifications d'ordre général qu'on proposait. Je me permets de vous référer à ces articles. Avant de terminer, M. le Président, j'aimerais laisser la parole à mon confrère sur la question de la copropriété et, bien entendu, par les questions, il me fera plaisir de préciser davantage les points que j'ai énoncés. Avec votre permission, M. le Président, M. Sauva-geau.

Le Président (M. Laplante): M. Sauvageau.

M. Sauvageau (Claude): M. le Président, M. le ministre, messieurs les membres de cette commission, comme l'a dit mon confrère, Me Gobeil, je vais vous parler quelque peu — là-dessus, je vous réfère à la page 5 du mémoire — de l'article 42 du projet de loi no 107. Tout d'abord, en guise d'introduction, je voudrais peut-être dire une chose, c'est que le projet de loi 107 frappe beaucoup plus durement les commerçants de parcs de maisons mobiles et également les propriétaires de parcs pour la raison que cela ne s'inscrit pas dans une période de temps longue. Si on fait un bref aperçu historique de l'affaire, on va s'apercevoir que les immeubles à appartements sont couverts par la loi de conciliation depuis, sauf erreur, 1952. Or, ce n'est que depuis 1977 que, par deux petits articles, les propriétaires de parcs sont touchés. C'était par la loi 96 et la loi 113. Ils n'étaient touchés que très peu, c'est-à-dire au niveau de la fixation de loyers et de la prolongation des baux.

Ce que je veux souligner là-dessus en introduction, c'est que la transition est très dure, parce qu'on part d'un asujettissement à peu près nul et on demande d'appliquer à peu près la totalité de la loi 107 aux commerçants. Là-dessus, j'arrive à l'article 42.

D'abord, on vous souligne que nos remarques sont constructives. On croit qu'en ce qui concerne l'article 42, il y a vraiment ambiguïté dans la loi et on se demande même si le législateur a vraiment voulu, comme il semble que c'est le cas, prohiber ce qu'on va appeler un condominium de maisons mobiles.

L'article 441b du Code civil permet, tout le monde le sait, de diviser des immeubles en condominium ou copropriété, depuis environ 1969. Jusqu'à maintenant, l'utilisation qu'on a faite de ces articles-là se restreint à l'immeuble à appartements et on a commencé à faire des condominiums d'édifices à bureaux récemment. Cependant, je souligne aux membres de cette commission qu'il existe actuellement, tout au moins à ma connaissance, au moins un cas; en Colombie-Britannique, il y a un village qui a appliqué le principe de la copropriété aux maisons mobiles, c'est Tantalus Village. Cette idée, actuellement, va faire son chemin aussi au Québec à l'avantage des locataires et des propriétaires. De là l'importance de mes propos. C'est qu'on n'est pas certain que cette loi-là nous prohibe de le faire. (20 h 30)

En considérant un terrain comme un logement et en disant qu'on ne peut pas enregistrer une déclaration de copropriété sur un logement, on viendrait prohiber la division d'un parc de maisons mobiles en condominiums de maisons mobiles. Là, on prive les parties d'avantages vraiment importants. En 1969, on fait une loi qui élargit le cadre de la propriété. Maintenant, on voudrait restreindre complètement ce droit. Bref, la loi est là mais on ne pourrait pas l'appliquer. Quand j'ai dit que je ne suis pas certain que le législateur ait voulu prohiber les condominiums de maisons mobiles, je me réfère au livre blanc sur les relations entre locataires et propriétaires. Je remarque un endroit, dans les notes explicatives, où on dit: La transformation d'immeuble de rapport en copropriété. Je me suis dit que ce qu'on a voulu viser, à ce moment, ce sont vraiment les immeubles d'appartements. Je me demande si ce n'est pas par un accident de parcours qu'on vise les condominiums. Il n'y a pas pu y avoir d'abus, il n'y en a pas eu encore. Je me demande si le législateur ne devance pas certains besoins, et empêche du même coup un développement rationnel de certains parcs de maisons mobiles.

Les condominiums de maisons mobiles sont un besoin. Je vous souligne qu'actuellement, dans le cas d'un parc à Sainte-Foy d'environ 200 appartements, beaucoup de démarches ont été faites à la ville de Sainte-Foy et, déjà, on a des demandes pour 60% des occupants de ce parc qui veulent acheter leur terrain. En quoi cela consisterait-il, en gros? Le parc lui-même est un seul immeuble actuellement. Il y aurait possibilité — les locataires le veulent et on le veut — de répartir ce parc en 200 fractions. Les locataires vont pouvoir acheter une de ces fractions et la propriété de chaque fraction donne droit à une part indivise dans les parties communes, qui peuvent être les rues, les infrastructures, les centres communautaires, etc. Bref, la formule — je voudrais vraiment attirer l'attention de la commission là-dessus — de condominiums de maisons mobiles peut être une formule d'avenir qui peut se rapprocher un petit peu de la coopérative, mais qui n'en est quand même pas, parce que le droit de propriété est réel. Or, actuellement, l'impression qu'on a, c'est que c'est vraiment prohibé dans le texte de loi. Je ne suis pas certain si on l'a voulu, je le répète.

Maintenant, quels seraient les avantages de cette nouvelle forme de tenure, si je peux dire? D'abord, au point de vue du financement, cela va aider les deux parties. Je n'entrerai pas dans les détails. C'est très complexe, à savoir si c'est un meuble ou un immeuble. Alors, très souvent, les banquiers sont réticents pour le financement, parce qu'ils prennent un lien, et qu'ils ne savent pas s'ils devraient prendre une hypothèque. On n'a pas d'hypothèque mobilière au Québec. Déjà, il pourrait y avoir cet avantage.

Egalement, au niveau des services communs, lorsque les propriétaires seraient également copropriétaires, pour les services communs, ils vont avoir les services qu'ils vont se donner. Ils vont payer ce que cela coûte, en réalité, au prix coûtant. Il n'y a absolument aucun profit là-dessus, c'est vraiment ce que cela coûte. Il n'y a aucun but spéculatif là-dedans.

Le propriétaire d'une maison mobile, très souvent, investit de $20 000 à $25 000 pour sa maison parce qu'il veut être un peu plus chez lui dans sa maison. Pourquoi lui refuserait-on le droit d'être propriétaire de son terrain pour $5000 ou $6000, alors que c'est un besoin de propriété? Il a acheté sa maison pour cela, il veut être chez lui. Egalement, le propriétaire d'une maison mobile pourrait être plus intéressé à apporter des améliorations sur son terrain, etc. C'est à lui, cette chose; c'est à lui, ce parc. J'ai dit que c'était un besoin, et je ne veux pas du tout par là régler un problème ad hoc. On y croit. Egalement, on se réfère à l'exemple qui existe en Colombie-Britannique. On pense que c'est une formule qui n'a pas été essayée ici, mais qui va être essayée, je crois, avec succès.

En pratique, tous les locataires qui pourraient devenir propriétaires, parce qu'ils se prévaudraient de leur droit d'achat, vont devenir non pas actionnaires, mais vont avoir un droit de vote. Ce sont eux qui vont s'élire un conseil d'administration. Cela va ressembler un petit peu à une espèce de compagnie. Ils se contrôlent, ils sont chez eux. Ce ne serait pas du tout préjudiciable aux locataires, et on est d'accord là-dessus.

Dans un parc existant, par exemple, on est tout à fait consentant, s'il y avait une déclaration de copropriété, qu'il pourrait y avoir de la location aussi. Bref, la copropriété n'aurait pas comme but d'évincer un locataire, pas du tout. Lorsqu'un locataire désirerait continuer à louer, la fraction serait enregistrée au nom du propriétaire actuel et il continuerait à louer. S'il veut acheter, il achète. Si le terrain devient vacant, on peut le vendre à quelqu'un qui veut l'acheter. Il n'y a aucun préjudice là-dessus.

Je vais terminer, parce que je vois que le temps est épuisé. Il me ferait plaisir de répondre aux questions. Je dis que défendre ça actuellement... On a visé les immeubles d'habitation, je le crois, au départ, d'après le livre blanc. D'après le projet de loi no 107, on nous vise aussi, peut-être sans le vouloir, mais, vraiment, on hypothèque notre droit de propriété et on fait en sorte que des terrrains qui ont coûté des centaines de mil-tiers de dollars très souvent, la valeur marchande, pour l'un et pour l'autre, je me demande ce qu'elle sera. C'est un droit de propriété très morcelé qu'on aura si on ne peut plus vendre, parce qu'on sait que dans la majorité des municipalités, les locataires sont obligés d'aller dans des parcs. Il existe le lotissement municipal également, mais c'est quand même différent au niveau des services municipaux qui sont contrôlés par la ville ou le propriétaire, mais la copropriété actuellement est possible juridiquement, au moment où on se parle, en vertu de l'article 441b, mais, avec le nouveau texte de loi, à l'article 42, je dis qu'on hypothèque notre droit de propriété. Je pense que c'est assez dangereux.

Le Président (M. Laplante): Merci. M. le ministre.

M. Tardif: M. le Président, je désire remercier l'Association des commerçants de maisons mobiles et terrains du Québec pour son mémoire qui nous a été présenté de façon, je pense, très objective et surtout au terme maintenant de presque deux semaines d'audition, il nous a été donné quand même d'entendre des mémoires qui allaient tous dans la même direction et qui, parfois, soulignaient davantage les problèmes plutôt que de tenter de nous apporter les éléments de solution.

C'est vrai qu'on est dans du droit nouveau ici. C'est vrai que cela a été la première fois en 1977 que le législateur a introduit les terrains pour maisons mobiles dans la loi, de même que les chambres et les HLM, et on l'a fait par le biais de deux petits articles pour la raison très simple qu'une fois annoncée dans le livre blanc, ne pas introduire immédiatement cette mesure aurait pu provoquer des effets secondaires indésirables.

Aujourd'hui, dans le projet de loi no 107, on tente de compléter cet éventail de mesures par d'autres dispositions et, ces problèmes que vous nous soulignez et les éléments de solution méritent très certainement qu'on s'y arrête.

J'avais d'ailleurs une note ici justement dans le but de vous demander si vous saviez s'il existait au Québec une copropriété ou, enfin, des terrains de maisons mobiles en copropriété. Vous avez déjà répondu à cela en me citant un exemple de la Colombie-Britannique où un tel régime existe. De prime abord, il ne nous avait pas semblé, en préparant ce projet de loi, qu'il pouvait y avoir un intérêt à procéder par cette forme de propriété puisqu'on se disait: Puisqu'il s'agit de terrains, il suffit de les lotir et de les vendre comme tout autre terrain.

Vous dites: Bien non, quand même, il y a des parties communes qui pourraient être vendues avec une entente pour l'exploitation et l'entretien de ces parties communes et je pense que... En tout cas, j'ai l'intention de demander aux représentants de mon ministère et de la régie de vous rencontrer pour essayer de mieux cerner cette réalité qu'on connaît fort mal, je dois l'admettre.

A tout événement, il y a évidemment l'article 1650.3, qui dit que les articles 1650 à 1665 s'appliquent également en faisant les adaptations

requises au bail d'un terrain destiné à l'installation d'une maison mobile. Déjà, par l'article 27, par exemple, on a fait une certaine adaptation en disant: non, écoutez, si le terrain devient vacant, on permettra le changement d'affectation, par exemple. On avait déjà prévu une exception à la règle générale.

Vous nous dites: il faudrait en prévoir d'autres et il semble, d'après les explications entendues, qu'il y a très certainement un fondement à cela. Moi, je suis tout disposé à revoir cette partie pour la copropriété.

Oui, excusez-moi...

M. Sauvageau: Merci, M. le ministre. On apprécie beaucoup votre ouverture d'esprit et vous êtes assuré à l'avance de toute notre collaboration à ce niveau, parce qu'il est évident que dans les quelques minutes qui nous étaient allouées, nous n'avons pas pu motiver vraiment en profondeur notre argumentation et, comme je l'ai dit, cela nous fera extrêmement plaisir de discuter avec les gens de votre ministère toutes les implications.

Vous avez dit tout à l'heure qu'il n'y en avait pas actuellement au Québec, c'est peut-être vrai mais je peux vous dire qu'on était rendu très loin par exemple, à la ville de Sainte-Foy, dans l'adaptation de cette formule-là et lorsque le projet de loi 107 a été déposé, on s'est dit: II va falloir s'en occuper sérieusement.

M. Tardif: Je note, parmi vos objections au projet de loi 107, qu'il y en a une qui porte sur l'article 1658.13 concernant les baux de plus de douze mois. Est-ce que, à votre connaissance, c'est fréquent cette situation de baux de location de plus de douze mois dans le cas des terrains pour maisons mobiles.

M. Gobeil: Je pense qu'on peut répondre... Mes confrères qui sont ici, qui sont dans la pratique, pourraient probablement confirmer que c'est peu fréquent.

M. Tardif: De sorte que, à toutes fins utiles, 1658.13 ne s'appliquerait à peu près pas pour les terrains de maisons mobiles.

M. Gobeil: Ne s'appliquerait à peu près pas pour les terrains de maisons mobiles sauf que nous nous sommes demandé s'il ne devenait pas un certain critère d'appréciation pour les membres de la régie du logement quant aux augmentations ou aux critères d'augmentation pour les loyers. C'est à ce niveau-là que notre intervention est faite. Nous nous sommes dit: Si, effectivement, dans la loi on prévoit, sur des baux de plus de douze mois, certaines données dont on devra tenir compte, est-ce que la régie du logement n'aura pas tendance à appliquer ces critères dans nos baux à nous et comme on a un type particulier de logements, il y a peut-être certains éléments dont on devrait tenir compte.

M. Tardif: Je peux vous dire une chose, c'est qu'il n'y a aucun rapport entre cet article et la méthode de fixation.

M. Gobeil: On vous remercie, M. le ministre.

M. Tardif: Un autre point également. Dans votre mémoire — et là évidemment c'est non seulement le ministre du tutelle de la régie du logement qui parle, le ministre de tutelle en ce sens que c'est moi qui en répond à l'Assemblée nationale, mais comme ministre des Affaires municipales — je n'ai pu m'empêcher de relever un certain nombre de références aux restrictions qu'imposent ou qu'imposeraient les municipalités à l'endroit des parcs pour maisons mobiles. Vous comprendrez qu'à ce titre de ministre des Affaires municipales, cette question m'intéresse, que déjà nous avons amendé la Loi des cités et villes et le Code municipal pour permettre à ces dernières d'émettre, de faire des règlements sur la question. Est-ce que vous pouvez nous donner des indications quant à ces restrictions excessives que les municipalités imposeraient? Est-ce que cela existe des parcs municipaux modèles de maisons mobiles au Québec, d'où on pourrait voir comment cela se passe et comment sont régis ces parcs?

M. Gobeil: Je pense, M. le ministre, qu'on peut dire qu'il y a certainement des parcs municipaux modèles, parce qu'il y a eu une enquête fédérale — vous êtes probablement au courant — qui a été faite en 1977 et qui cite, je pense, le cas de Port-Cartier, qui est, je pense, un parc municipal. Lorsqu'on parle de l'attitude des municipalités, je pense que la situation, si on veut être objectif, doit être envisagée de deux façons. Il reste que la maison mobile au Québec est relativement jeune comme mode d'habitation. Il est certain que, dans les premiers temps où l'aménagement s'est fait, cela ne s'est peut-être pas toujours fait comme l'ensemble des gens auraient aimé que cela se fasse et il s'est peut-être développé une attitude des municipalités un peu à l'encontre des maisons mobiles. Il y a eu l'aspect esthétique, il y a eu également l'aspect ou les problèmes que pouvait poser le mode d'évaluation des maisons mobiles, mais on sait fort bien que le projet de loi 112, qui a été sanctionné en décembre, je pense, va changer cette situation. Quant à nous, pour répondre à votre question, dans notre mémoire, c'est plutôt à cet état d'esprit qu'on faisait référence.

M. Tardif: Evidemment, vous avez tout à fait raison de dire que les maisons mobiles, ce secteur ou ce mode d'habitat est en pleine mutation puisque de moins en moins ils seront considérés comme des biens meubles et de plus en plus comme des immeubles à toutes fins utiles. A ce sujet, en ce qui concerne ce qu'on appelle, dans votre mémoire, cette liberté de commerce, cette liberté contractuelle et disons cette certaine prétendue surprotection que la loi 107 viserait à imposer aux locataires, j'aurais tendance à vous

poser une question d'ordre général. Précisément en raison de la proportion importante des locataires de certains terrains qui se sont prévalus de nouveaux recours depuis un an, c'est à peu près un millier de locataires qui ont eu recours à la régie. C'est donc la preuve qu'il y a un besoin.

Par ailleurs, vous nous dites que la loi va restreindre considérablement les investissements privés dans ce secteur des maisons mobiles. Est-ce qu'on ne pourrait pas présumer ou penser que le contraire pourrait se produire, c'est-à-dire que plus d'acheteurs s'intéresseraient à la formule de maisons mobiles s'ils se savaient mieux protégés au niveau de la location d'un terrain? En d'autres termes, il y a peut-être une clientèle potentielle, pour vous qui êtes en affaires dans ce domaine, qui serait prête à s'acheter une maison mobile et qui ne le fera peut-être pas quand elle verra les conditions d'achat d'un terrain, la difficulté de se déplacer, de se déménager. Si on sait que ceci est réglementé, cela pourrait peut-être attirer une clientèle qui peut, à l'heure actuelle, avoir l'impression d'être un peu marginalisée au niveau des lois, des mesures fiscales de location des terrains, et tout.

En d'autres termes, dans la mesure où vous réussissez à convaincre cette clientèle potentielle que la maison mobile n'est pas uniquement bonne pour des gens qui seraient plus ou moins nomades, un mode de vie spécial, que c'est vraiment une formule qui offre des avantages et qui, sur le plan de la sécurité matérielle, est une solution de rechange qui peut être valable, vous n'avez pas l'impression que ça pourrait, au contraire, être intéressant pour votre industrie, puisqu'il y a des représentants de l'industrie qui sont là?

M. Saint-Hilaire (Alain): Cela pourrait peut-être, comme vous dites, être un peu intéressant mais il y a quand même que si certaines lois demandent d'accepter presque toutes les maisons mobiles, il est bien entendu que plusieurs de nos membres vont refuser de continuer de faire des aménagements de parcs de maisons mobiles qui coûtent au-delà de $5000 l'emplacement. La meilleure solution à ce problème serait peut-être de regarder un autre côté de la loi, c'est-à-dire qu'actuellement, il y a certains vendeurs de maisons mobiles qui n'ont pas de parcs alors que nous, si nous faisons un investissement pour un terrain, nous aimons bien profiter de l'occasion de pouvoir vendre cette maison mobile et de l'installer sur notre terrain qui a été aménagé par nous.

Vous demandiez tout à l'heure s'il y avait des endroits. On peut même vous suggérer tout près d'ici, c'est-à-dire à l'Ancienne-Lorette qui est tout près de Québec ou chez nous, au Lac-Saint-Charles, où on a procédé avec un bel aménagement, avec des ingénieurs-conseils de la municipalité, on a fait tout ce qu'on nous a demandé. On croit bien que les prochains propriétaires qui veulent ouvrir un parc de maisons mobiles devraient agir de cette façon. Par contre, je pense, d'après ma petite expérience personnelle, que souvent l'acheteur d'une maison mobile n'est pas informé de la pénurie. Alors il me semble aussi que la protection du consommateur a peut-être joué un petit rôle dans ce projet de loi, parce que souvent des gens ont acheté une maison mobile et se sont vus pris sans terrain, parce qu'il n'y a pas de terrains; les gens ne peuvent pas faire de terrains parce que ça coûte trop cher maintenant.

Il y a certaines personnes qui en font actuellement encore, mais s'ils ne vendent pas de maisons mobiles, ils ne pourront jamais arriver à faire un bénéfice avec un parc de maisons mobiles seulement en location. Je peux me permettre de vous souligner cette proposition: une loi pouvant protéger le consommateur, à l'achat d'une maison mobile, à savoir que si le vendeur ne peut pas lui trouver un terrain, il pourra annuler son contrat; ce qui n'existe pas actuellement. Je pense que c'est à peu près le litige qui nous fait mal dans le moment et qui nous fait regarder par le consommateur comme des vendeurs à pression.

J'aimerais aussi, si vous avez besoin d'information de ce côté-là, que vos représentants puissent venir voir cela au Lac-Saint-Charles — c'est tout près d'ici — pour qu'on explique la situation qui semble un peu inconnue de votre groupe. Il y a un manque de ce côté actuellement. Le consommateur qui achète une maison mobile chez un vendeur de maisons mobiles qui ne fait que vendre, un peu avec pression parce qu'il n'a pas de terrains, il sait que, s'il ne fait pas de pression, il ne pourra pas vendre la maison...

On a fait une publicité, on s'est même débattu avec l'Office de la protection du consommateur en disant: Avertissez donc les gens qu'avant d'acheter une maison mobile ils doivent se trouver un terrain pour leur maison. C'est là qu'est le gros litige. Si on est obligé d'accepter tous les gens qui vont acheter un peu partout, on ne pourra jamais, avec une petite location de terrain de $50, $60 ou $70 par mois — c'est à peu près cela dans l'ensemble de la province de Québec — de rejoindre le placement qu'on a fait de $5000; il n'y a pas de bout à cela. Par contre, en vendant une maison mobile, si on fait un profit de l'ordre de $3000, cela commence à avoir un peu de bon sens. Notre investissement semble bon, notre commerce semble bien aller. Si on s'aperçoit qu'on va vers un déficit, on va bloquer, on va dire: II n'y en a plus.

Il est bien sûr que, nous, comme on vend des maisons mobiles, si on est obligé d'accepter cette loi... si je vends dix maisons mobiles, je vais ouvrir dix terrains de maisons mobiles; je n'en ouvrirai pas plus parce que je vais avoir peur que l'autre arrive en arrière avec sa maison un peu croche et qu'il vienne briser l'ensemble de mon parc.

M. Tardif: En fait, c'est un peu un cercle vicieux.

M. Saint-Hilaire: Oui.

M. Tardif: C'est parce qu'il n'y avait pas suffisamment de terrains que les vendeurs de maisons mobiles se sont transformés en spécialistes, entre guillemets, d'aménagement de parcs.

M. Saint-Hilaire: Et de vendeurs.

M. Gobeil: M. le ministre, je pense que, quand vous avez dit cercle vicieux, c'est tout à fait exact. A un moment donné, on est pris parce qu'on n'a pas d'emplacement pour installer nos maisons mobiles. Par ailleurs, pour reprendre un peu ce qui a été dit, c'est bien certain que, comme il y a un manque, plus on va légiférer et plus on va restreindre la liberté de commerce dans ce domaine, moins on aura de chances de développer ce domaine. Par ailleurs, il y aurait peut-être un effort à faire au niveau des lois parce que tout évolue. Nous aussi on doit s'adapter à l'évolution des lois et du contexte social. Il y aura probablement avantage, dans un autre temps — ce n'est peut-être pas à notre avantage de le dire — à ce que la vente d'une maison mobile soit plus reliée à son installation. A un moment donné, quand on achète une maison mobile, il faut l'installer quelque part.

Une Voix: C'est cela.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Verdun.

M. Caron: M. le Président, moi aussi je voudrais remercier l'Association des commerçants de maisons mobiles et de terrains du Québec pour le mémoire très constructif qu'il a présenté. Vous voyez, par la façon dont il est perçu par le ministre, qu'il est bien perçu parce qu'il est constructif. Comme c'est une nouvelle industrie au Québec, c'est une expérience pour vous comme pour nous. Je voudrais seulement vous demander de préciser davantage l'article 89 (1663.7). Il semblerait que, si le propriétaire et le locataire s'entendent, vous aimeriez qu'on l'enlève.

M. Gobeil: De quel article parlez-vous?

M. Caron: A la page 6 de votre mémoire, le dernier paragraphe.

M. Gobeil: Est inopposable au locataire une clause limitant... Il nous semble que le projet de loi — encore là ce n'est qu'une remarque — lorsqu'il dit: "Est inopposable au locataire une clause limitant au profit du locateur le droit du locataire d'un terrain servant à l'installation d'une maison mobile d'aliéner la maison mobile ou une clause par laquelle le locataire s'engage à verser au locateur quelque montant d'argent en raison de l'aliénation de sa maison mobile"...

On croit comprendre que si on fait une convention en dehors du bail, en toute liberté, c'est-à-dire que le locataire vient chez nous et nous dit: Je suis d'accord pour que tu vendes ma maison mobile, je suis d'accord pour te donner un pourcentage de la vente, on croit comprendre, selon notre interprétation, que c'est prohibé par l'article 1663.7.

Il est possible que notre interprétation soit mauvaise, mais nous demandons que ce soit clarifié. C'est dans cette optique. Je pense que ce qu'on a voulu viser — je ne sais pas si je me trompe, M. le ministre — c'est de ne pas faire de relation entre la location et la vente. En dehors de cela, si quelqu'un veut aller voir le propriétaire et lui confier la vente, je ne vois pas pourquoi on ne lui permettrait pas de faire un profit, comme n'importe quelle personne, tant que cela reste dans les normes, bien entendu.

M. Caron: L'industrie de la maison mobile qui se fait ici au Québec fait travailler combien de personnes à peu près?

M. Sévigny (André): Dans l'industrie, dans la province de Québec, au point de vue manufacturier, cela représente actuellement dix manufacturiers dans la province de Québec — on parle des principaux, on ne parle pas des petites compagnies — et engage en moyenne de 100 à 125 employés par compagnie. A partir de là, vous allez au point de vue du détaillant; on représente à peu près 70 à 75 détaillants, avec, en moyenne, de douze à treize employés par compagnie. En plus de cela, vous allez à l'exploitant de parcs de maisons mobiles. C'est assez difficile d'estimer le nombre. On va parler encore là de 400 à 500 personnes facilement, avec le nombre des employés, c'est-à-dire le propriétaire, ceux qui font l'entretien du parc et ainsi de suite. Ce n'est peut-être pas l'industrie la plus importante dans la province de Québec, mais on parle quand même d'un nombre appréciable de quelques milliers de personnes qui travaillent dans le domaine. Ceci, en plus de tous les facteurs que cela peut occasionner, c'est-à-dire les compagnies, les sous-entrepreneurs, les fabricants de bois, d'aluminium, de métal, de pneus, les compagnies qui font le transport de la maison mobile, facteurs qui sont tous reliés à notre industrie.

M. Caron: Même si, comme vous dites, cela n'engage pas beaucoup, cela fait travailler peut-être "une couple" de mille personnes.

M. Sévigny: Quelques mille personnes.

M. Caron: Quelques, oui... Alors, c'est bien important. Merci, pour ma part.

M. Sauvageau: Voici, pour donner encore une fois l'importance — pour répondre à votre question — de l'industrie de la maison mobile; ce matin, je parlais encore à quelqu'un de la Banque Provinciale qui s'occupe du financement. L'importance économique de la maison mobile est énorme. Il me disait qu'à la Banque Provinciale, actuellement, il y avait $100 millions prêtés pour des maisons mobiles. Cela vous donne une idée de l'ampleur, quand même, de cette industrie.

M. Caron: C'est une grosse industrie. Merci beaucoup, monsieur.

Le Président (M. Laplante): Le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: Merci, M. le Président. Est-ce que les membres de votre association sont tous commerçants et propriétaires de terrains?

M. Gobeil: Pas nécessairement.

M. Cordeau: Non, bon. D'accord. Tantôt, pour situer un peu ma prochaine question, vous avez dit qu'il y avait une pénurie de terrains pour maisons mobiles.

Vous savez qu'actuellement les municipalités n'ont pas le pouvoir d'acquérir des terrains et de s'en servir pour vendre ces terrains pour des maisons mobiles. Alors, croyez-vous qu'il serait bon, bien sûr, pour les commerçants — parce qu'à ce moment, c'est peut-être au détriment des propriétaires de terrains — pour les commerçants de maisons mobiles, d'accorder aux municipalités le pouvoir d'acquérir des terrains, afin de les aménager et de les vendre pour l'installation de maisons mobiles?

M. Gobeil: M. le député, avec votre permission, je pense qu'il y aurait une petite rectification à faire. Je pense que les municipalités de ville et les municipalités rurales ont le pouvoir non pas d'acquérir des terrains pour fins de parcs et de les vendre, mais elles ont le pouvoir d'acquérir des terrains et d'en faire des parcs de location. Je pense que c'est prévu à la Loi des cités et villes. Malheureusement, je n'ai pas les numéros d'articles par coeur, mais c'est un pouvoir qui est actuellement donné aux municipalités de ville et aux municipalités rurales...

M. Cordeau: ... et d'acquérir des terrains dans...

M. Gobeil:... c'est-à-dire de faire des parcs de location.

M. Cordeau: Non, on n'a pas le droit. M. Gobeil: Absolument, absolument. M. Cordeau: Les villes? M. Gobeil: C'est absolument permis.

M. Tardif: C'est permis, effectivement, même si très peu de municipalités s'en sont prévalues. Justement, je vais faire sortir la Loi des cités et villes et...

M. Gobeil: C'est cela... M. le ministre, je pense que c'est l'article 429, paragraphe 31, de la Loi des cités et villes.

M. Cordeau: A un moment donné, j'avais posé la question et...

M. Tardif: D'accord, si c'est moi qui, involontairement, vous ai induit en erreur à ce moment... Ce qui n'est pas permis dans la Loi des cités et villes, c'est un pouvoir général de constituer une réserve foncière. Comme municipalités, elles pourraient acquérir des immeubles à toutes fins. Il faut que ce soit pour des fins municipales, mais l'installation de parcs de maisons mobiles est expressément mentionnée dans la loi, à part ce pouvoir de réserve foncière.

M. Gobeil: D'ailleurs, avec votre permission, M. le Président, on a donné aux municipalités de ville et, tout récemment je pense que c'est en 1977 aux municipalités rurales d'abord, le pouvoir de contrôler, sur leurs territoires, en dehors des pouvoirs de zonage, le pouvoir de réglementer, sur leurs territoires, pour prévoir que les maisons mobiles soient installées dans des parcs, c'est-à-dire dans des terrains spécialement aménagés à cet fin qu'on appelle des parcs et, en même temps, on a donné à ces mêmes municipalités de ville et rurales le pouvoir d'acquérir des terrains pour faire des parcs de location. D'ailleurs, on donnait l'exemple de la ville de Port-Cartier; je pense qu'il y a un parc municipal à Hauterive, comme à d'autres endroits aussi. (21 heures)

M. Cordeau: Je crois que ces municipalités ont créé leurs parcs parce que les terrains appartenaient aux compagnies et celles-ci ont créé ces parcs-là et, par la suite, c'est devenu des municipalités.

M. Tardif: Ce sont des parcs carrément municipaux.

M. Cordeau: Oui, tant mieux. Le temps avance... Concernant les condominiums ou les terrains que vous aimeriez que le propriétaire d'une roulotte achète dans un parc, est-ce que vous suggéreriez... Qu'adviendrait-il si un individu voulait acheter un terrain dans un parc sur lequel il y a déjà un locataire? Parce que le terrain est bien situé, il aimerait... Le locataire ne voudrait pas l'acheter, il n'en est pas prêt. Par contre, un autre individu voudrait l'acheter.

M. Sauvageau: Si j'ai bien compris votre question, s'il pouvait y avoir enregistrement d'une déclaration de co-propriété sur un parc où il y aurait, comme je le disais tantôt, par exemple, 200 fractions, si une fraction est déjà occupée par un locataire et qu'il y avait co-propriété, on ne l'évincerait pas. D'accord?

M. Cordeau: D'accord.

M. Sauvageau: On ne l'évincerait pas dans notre proposition. Par contre, si ce lot devenait vacant, d'accord. Parce que la maison mobile s'en va, est déménagée, à ce moment-là, on veut que le propriétaire de cette fraction puisse avoir le droit de la vendre à d'autres. Bref, on ne voudrait pas, à ce moment-là, être pris avec le jeu de la sous-location. On respecterait le droit de l'occupant qui est déjà en place. On ne voudrait pas autrement dit... parce que je sais que cela a été le problème dans les immeubles à appartements. C'est pour cela

que le législateur, après l'adoption en 1969 de la loi sur la co-propriété, a prohibé la transformation d'immeubles à appartements, parce qu'il y a eu des abus. Il n'y a pas eu d'abus de notre part parce qu'on ne l'a pas fait encore. Ce n'est pas la même chose non plus.

Nous sommes prêts à respecter l'occupant qui est là actuellement, on est prêts à respecter celui qui est là au moment où on la fait, s'il s'en va, on veut pouvoir vendre notre affaire. Sans cela, vous diminuez énormément notre droit de propriété. Est-ce que cela répond à votre question?

M. Cordeau: Oui ça répond à ma question.

Le Président (M. Laplante): Avez-vous d'autres questions, M. le député de Saint-Hyacinthe?

M. Cordeau: Oui. Il est 21 h 5.

Le Président (M. Laplante): Vous pouvez en poser une autre.

M. Cordeau: Vous avez posé une question à savoir que vous aimeriez avoir des précisions sur l'article 42. Tantôt, vous demandiez si vous étiez touché par l'article 42 ou pas?

M. Sauvageau: Voici! C'est le problème du condominium de maisons mobiles.

M. Cordeau: C'est cela.

M. Sauvageau: II me semble, à lire et à faire l'historique, qu'on n'ait pas voulu nous toucher parce que j'ai revu le livre blanc, j'ai revu les projets de loi 96, 97 et 113 et j'en arrive à la conclusion qu'on nous touche. Je me dis qu'on n'a peut-être pas voulu nous toucher. On n'a peut-être pas raison de faire cet exposé, mais c'est ambigu. Alors, dans le libellé définitif de la loi, on aimerait que ce soit précisé.

M. Tardif: Et même si la loi telle que libellée comme par hasard semblait vous toucher, cela ne toucherait pas grand-chose parce que cela n'existe pas présentement, la co-propriété.

M. Sauvageau: Une minute! Là-dessus, je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous M. le ministre, cela ne toucherait pas des parcs actuellement, mais même là, si le droit a été acquis, il n'y a pas de problème.

Ce que je veux dire, cela touche énormément le droit de propriété de celui qui a la possibilité actuellement de le faire en vertu de l'article 441b. C'est énorme vous savez. Si on ne peut pas le faire, la valeur marchande... C'est un droit de propriété morcelé...

Le Président (M. Laplante): ...

M. Sauvageau: ... le droit de propriété n'est pas absolu, mais, quand même, il ne faut pas trop le morceler.

M. Tardif: De toute façon, je l'ai mentionné tantôt, ce n'était pas ce qui était visé du tout. Les problèmes rencontrés par la transformation d'immeubles en co-propriété étaient d'une autre nature que ceux-là. Je donne, pour le bénéfice du député de Saint-Hyacinthe, l'article 429b de la Loi des cités et villes telle qu'amendée par le chapitre 52 des lois de 1977 et qui dit ceci: "Le conseil peut, par règlement — donc a, b, c, — réglementer l'emplacement et l'implantation des parcs de maisons mobiles et roulottes". C'est le pouvoir de réglementation, ce n'est pas le pouvoir d'en constituer. Mais il est quelque part ailleurs et on vous le trouvera. On vous donnera la référence, M. le député.

M. Cordeau: Merci.

M. Tardif: M. le Président, j'ai pris bonne note des représentations de l'Association des commerçants de maisons mobiles et terrains du Québec. Je vais sûrement transmettre à mon collègue, le ministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières, vos commentaires fort judicieux sur le fait qu'on ne devrait pas vendre une maison mobile et dire au gars: Débrouille-toi et trouve-toi un emplacement. Surtout ces maisons, vu la grandeur qu'elles ont aujourd'hui ne se déménagent pas facilement.

Je peux aussi vous assurer une chose, c'est que le sens de l'article 1663.7 qui dit: "Est inopposable au locataire une clause limitant au profit du locateur, le droit du locataire d'un terrain servant à l'installation d'une maison mobile, d'aliéner la maison mobile ou une clause par laquelle, etc.." ne visait pas à interdire à un locataire de demander au propriétaire du terrain: Ecoute, moi je déménage, je m'en vais ailleurs, si tu peux me vendre ma maison, vends-la, etc.. Ce n'est pas cela qui est visé. Ce qui est visé, c'est que cela soit une condition du bail, apparaissant dans le bail, au moment où il signe, qu'on dise: Je loue le terrain de telle compagnie et je m'engage à ne pas vendre ma maison autrement que par l'intermédiaire de M. X. Et lorsque cela vient une condition du bail, c'est cela qui est interdit, et non pas ce que vous demandiez. D'accord?

M. Sauvageau: Je voudrais qu'on pense la même chose, mais le texte ne dit pas cela, je crois.

M. Gobeil: Ne dit pas cela.

M. Tardif: Bon puisqu'on vise la même chose, alors je vous laisserai vous entendre, avec nos avocats pour qu'on essaie de trouver une formulation qui atteigne précisément l'objectif.

Encore une fois, je désire remercier l'association. J'aimerais effectivement avoir des chiffres plus précis sur les problèmes de constitution de parcs, d'exploitation. On dit: Finalement, cela coûte $5000 aménager un emplacement financé à 11% sur 25 ans, cela fait $50 par mois, les taxes, les services, les assurances, puisqu'on parle en termes de fixation. On aimerait avoir des données

pour permettre à la régie d'apprécier véritablement ce qui en est. Or, là-dessus tout ce que vous pourrez nous transmettre, on l'apprécierait. On vous remercie, messieurs.

M. Gobeil: Cela nous fera plaisir, on vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Laplante): Les membres de cette commission vous remercient pour la qualité de votre mémoire.

J'appelle maintenant Structures métropolitaines du Canada Limitée.

M. Cordeau: Vous aviez des sources de renseignement concernant les statistiques et vous nous avez fait part que peut-être vous extrairiez du volume certains renseignements.

M. Tardif: ... sur le pourcentage demandé, selon...

Le Président (M. Laplante): Madame, messieurs, vous connaissez les règles. Il vous reste jusqu'à 22 heures. Essayez de synthétiser le plus possible votre mémoire pour qu'on puisse vous poser le plus grand nombre de questions possible.

M. Tardif: ... objection.

M. Caron: M. le Président, je vais être obligé de quitter, je dois intervenir sur le discours inaugural dans quelques minutes. Je m'excuse pour les gens qui sont ici, il y a des gens que je connais très bien. Cela adonne comme cela, je dois intervenir, il ne reste plus grand temps sur le discours inaugural. Si je peux finir avant 22 heures, je redescendrai. Je sais que cela va être bien fait.

M. Tardif: Moi, je n'aurais pas objection personnellement, pour donner l'heure complète, s'il y a lieu, de terminer à 22 h 10, ce qui donnera le temps au député, maire de Verdun, de revenir...

Le Président (M. Laplante): S'il vous plaît, voulez-vous identifier votre organisme et les personnes qui vous accompagnent.

Structures métropolitaines du Canada Ltée

Mme Trotz (Aline): Mon nom est Aline Trotz, à ma droite Pierre-André Themens qui va présenter notre mémoire et M. Garnet Oulton à l'autre bout, qui est vice-président de la compagnie.

J'aimerais brièvement situer l'entreprise. Nous possédons et nous gérons un ensemble immobilier qui fait partie de la municipalité de Verdun et qui est connu sous le nom de l'île des Soeurs. Il s'agit d'une communauté distincte en soi et qui est située sur une île au milieu du fleuve Saint-Laurent à cinq minutes du centre-ville de Montréal. Le projet de l'île des Soeurs a connu le jour en 1968 et actuellement, le tiers de l'île est développé, il s'agit jusqu'à présent d'un investissement de $100 millions dans la province de Québec.

L'île est constituée d'un secteur commercial et d'un secteur industriel ainsi que d'un secteur résidentiel qui est constitué de 3100 logements de toutes sortes, des studios, une, deux, trois chambres à coucher et puis des maisons de ville. Nous offrons des services divers aussi bien récréatifs que communautaires à la population. Nous sommes un des clients de la Régie des loyers actuelle, et c'est ce qui explique notre présence ici.

Je vais passer la parole à Pierre-André Themens qui va vous en parler plus longuement.

M. Themens (Pierre-André): Dans notre mémoire, on a soulevé des questions de principe au niveau de la loi. Ce soir, étant donné le temps, la période de la journée, on aimerait surtout insister sur des problèmes d'application actuelle non pas tout simplement pour faire la liste des problèmes, mais pour essayer d'apporter notre expérience comme gros propriétaires de Montréal. Cela m'a un peu amusé quand Mme Gagnon a parlé cet après-midi parce que les problèmes qu'elle a décrits comme étant ceux d'un propriétaire de 2, 3 ou 4 logements sont finalement les mêmes problèmes qu'on a avec 3100 unités à Montréal.

Si on regarde des points particuliers — je pense que c'est à ce niveau qu'on veut surtout intervenir, tant au niveau de la loi que de la réglementation à venir — les problèmes principaux auxquels les usagers de la Régie des loyers font face, ce sont des problèmes qu'on espère que la nouvelle loi et la nouvelle réglementation vont corriger. Ce sont des problèmes, d'abord, d'administration du contrôle des loyers, que ce soit en matière de délais ou autres. Pour vous donner un exemple précis, il y a deux jours, une décision a été rendue pour des baux de la période de 1977-1978. Depuis, les baux de 1978-1979 sont encore pendants devant la régie, on n'a pas eu de décision, et les baux de 1979-1980 s'en viennnent devant la régie.

Si on regarde le groupe de locataires type qu'on prend pour notre exemple de la période 1977-1978, on parle d'un nombre de 104 locataires. De ce groupe, en fait, il y en a à peu près 36% qui sont partis. De ceux qui sont partis, le tiers sont des gens partis sans laisser d'adresse et ils ont des arrérages chez nous. Cela illustre la façon dont la loi actuelle est administrée, qui cause des problèmes. Indépendamment de cet aspect du délai, prenons l'exemple des preuves d'augmentation qui sont acceptées devant la régie. Sans entrer dans le bien-fondé ou le "malfondé" du principe même du contrôle des loyers, notre position est qu'on a à vivre avec le contrôle des loyers et autant vivre le plus facilement possible.

M. Oulton, tout à l'heure, va vous présenter un peu l'historique de nos relations avec la régie, mais, d'un point de vue pratique, je ne vois pas pourquoi la loi, par exemple... La loi reconnaît que les grands complexes immobiliers ont un statut un peu différent de celui du propriétaire de duplex. Pourquoi, par exemple, un propriétaire, comme le nôtre, de 3000 logements, ne pourrait-il pas s'adresser à l'avance à la Régie des loyers et

soumettre ses augmentations pour éviter d'envoyer ses augmentations à tous ses locataires et de faire face à une multitude de litiges? Même si cela représente un faible pourcentage, mentionné dans notre mémoire, c'est quand même une série d'apparitions annuelles à la Régie des loyers.

Si tous les propriétaires de duplex de Montréal devaient s'adresser à la Régie des loyers à l'avance pour faire adopter leurs augmentations de 8%, 9% et 10%, ce serait impossible, mais si, moi, j'arrive avec mes 3000 logements à la fois, je pense qu'on faciliterait l'administration. Il ne s'agit pas d'interpréter cette position comme une approbation du principe du contrôle des loyers; d'autre part, on vit avec et autant le vivre le plus facilement possible.

Il y a d'autres problèmes. Par exemple, il y a un problème que Mme Gagnon a soulevé. Elle disait: Quand j'ai un bon locataire, je ne veux pas trop l'augmenter parce que je veux le garder longtemps. Le problème de l'île des Soeurs est le même, parce que le propriétaire veut encourager une certaine stabilité dans l'île. Un locataire qui demeure là depuis quatre ou cinq ans, pour l'inciter à y rester, on va certainement augmenter moins ce logement que celui qui change de locataire chaque année. Par contre, où cela devient négatif, c'est quand ce locataire va décider de s'en aller, vous allez vous ramasser avec des situations comme il y en a actuellement à l'île des Soeurs: vous avez des logements absolument identiques — non pas des logements similaires — qui ont des différences de prix de 40%.

Dans le livre blanc produit par le ministre, on parlait de prendre un des facteurs, la valeur du marché du logement. Peut-être que la réglementation à venir va le faire, mais la loi semble ignorer complètement cette chose-là. Je comprends que c'est bien difficile d'envoyer un évaluateur des logements parce que la raison pour laquelle vous vous installez à un endroit X ou Y peut être subjective; d'un autre côté, il n'y a pas de raison que des locataires paient des loyers différents de 40%. (21 h 15)

Le propriétaire qui a voulu assurer une stabilité de sa population dans l'île se retrouve pénalisé, parce qu'il n'est plus question de faire de rattrapage. Les montants qu'il a perdus dans le passé et qu'il a pris la décision de perdre dans le passé, pour une raison subjective, garder un bon locataire, il ne peut plus les mettre dans l'avenir. Ce qui est perdu est perdu. Si un facteur à prendre en considération était la valeur réelle du marché, ce serait un facteur positif. Il faut rappeler qu'à l'île des Soeurs, ce ne sont pas des taudis, on parle de gens qui paient $450, $500 et plus de loyer par mois. Je pense que nous sommes dans une situation différente de celle des cas de logements insalubres où il n'y a ni eau chaude ni eau froide qui était discutée ce matin.

D'autre part, au niveau des dépenses admissibles au niveau du contrôle des loyers, si un propriétaire de duplex unique reçoit un chèque chaque mois pour le loyer de son gars d'en haut, c'est différent du propriétaire de l'île des Soeurs qui en reçoit 3100 ou qui espérerait en recevoir 3100 chaque mois. Il y a eu des augmentations réelles à ce niveau-là dans les coûts qui ne sont pas prises en considération actuellement. C'est la même chose, par exemple, pour les frais de publicité, l'environnement. La publicité qu'on fait pour attirer une certaine clientèle, c'est finalement cela qui va motiver les gens à s'installer dans un complexe comme cela plutôt que d'aller s'installer ailleurs. Ce sont des cas particuliers qui devraient être pris en considération. Que le propriétaire d'un duplex demande 20% de frais d'administration, c'est anormal. Mais, d'un autre côté, sans parler de 20% ou d'un chiffre arbitraire, cela devrait être pris en considération pour les plus grands ensembles immobiliers, puisque le projet de loi actuel les traite différemment en matière de vente, en matière de subdivision.

Finalement, pour en revenir un peu à la question des procédures, il y aurait un autre point qu'on aimerait soulever. La façon de procéder actuelle, et là encore, on ne peut pas dire qu'avec le nouveau système, cela va être la même chose parce qu'on n'a pas vu la réglementation, mais il n'y a rien qui laisse supposer le contraire, ce serait peut-être une possibilité, par exemple, que des frais soient exigés pour s'adresser à la Régie des loyers. Je ne parle pas de frais d'avocats pour les faire vivre, je ne parle pas d'une centaine de dollars, mais je parle de montants comme à la cour des petites créances: $5, $10. Cela fait déjà un montant, une démarche qui va faire qu'on n'ira pas à la Régie des loyers pour rien, parce que cela ne coûte rien et parce que cela se fait bien. Un autre choix serait que, pendant la durée de l'instance à la Régie des loyers, on dépose auprès de la commission la différence entre le loyer qu'on payait et le loyer demandé. Cela éviterait les situations comme celles que j'ai mentionnées plus tôt. Il y a un certain nombre de locataires — j'en ai onze pour l'année 1976 — qui sont disparus et qui nous doivent un montant total de $60 000, éventuellement, quand la décision sera rendue... Cela éviterait, finalement, que la Régie des loyers, ou la commission — appelez-la comme vous voudrez — devienne une forme de financement gratuit. Je sais que le temps passe vite et j'aimerais laisser la parole à M. Oulton, qui va expliquer un peu les approches différentes qu'ont prises les Structures métropolitaines vis-à-vis du contrôle des loyers, depuis que le projet existe et surtout à partir du moment où les loyers ont été contrôlés comme tels.

M. Oulton (Garnet): Je pense que ce serait mieux de commencer avec un bref historique de l'île des Soeurs, plus particulièrement notre politique de renouvellement. Le projet a commencé en 1968 avec une première étape de 805 unités de logement. A présent, c'est agrandi à 3100 unités de logements. Jusqu'à 1973, nous avons eu une politique de renouvellement qui existe jusqu'à présent. Chaque fois qu'un ancien locataire de l'île renouvelle son bail, l'affaire est faite à un taux

d'augmentation moindre — nous pouvons en faire la preuve auprès de la régie ou de n'importe qui — que le taux d'augmentation de nos dépenses de l'année antérieure. C'est-à-dire que si un locataire reste dans l'île pendant quelques années, comme plus d'une centaine de locataires en ce moment qui sont là depuis le début du projet, cela arrive qu'à un moment, son loyer est à peu près 45% à 50% plus bas que le loyer du même genre ailleurs.

Tout marchait très bien de cette façon jusqu'à l'année 1973, alors que trois choses sont arrivées en même temps. Il y a l'application des pouvoirs de la Régie des loyers aux projets ou à toutes les bâtisses de Montréal, universellement. Deuxièmement, c'est l'année où fut créée la Communauté urbaine de Montréal avec les pouvoirs d'établir l'évaluation des immeubles à Verdun. Troisièmement, la surtaxe de l'école, au 1er juillet 1973, fut établie. C'est une surtaxe pour tous les immeubles de plus de $100 000. Cela représentait pour nous à l'île des Soeurs, avec les 2500 unités qui existaient à ce moment-là, une augmentation du coût avec un changement d'évaluation de 55% entre 1972 et 1973, un changement de taux de taxe de 70%. En plus, considérant la nouvelle taxe — cette taxe scolaire — cela faisait un changement de dépenses pour nous, dans une année, de $900 000. Si on prend l'année 1972 comme année de base, nous avons perdu $72 000 en 1972, un chiffre très facile à rappeler. L'année suivante, les augmentations étaient de l'ordre de $900 000, et c'était la première année de la Régie des loyers pour nous. Nous avons, selon les renseignements dans le temps, soumis toute la documentation à la régie, les comptes de taxes, toutes les factures d'essence, l'huile à chauffage et tous ces renseignements. La décision de l'administrateur du temps — et c'est deux ans après que nous l'avons eue — était une augmentation de 5,3%, ce qui, pour nous, était un changement de revenu de $200 000, c'est-à-dire une perte certaine de $700 000, selon des dépenses de $900 000. Ce n'est pas une perte qu'on peut récupérer une autre année parce que c'est garanti que nous allons perdre ces $700 000 continuellement jusqu'à ce que la régie soit terminée. Sa méthode de fixation de loyer est basée sur une présomption fausse, c'est-à-dire que, l'année antérieure, le propriétaire avait tout ce qu'il fallait pour payer ses dépenses, pour payer tous les coûts d'entretien, d'exploitation, pour payer son hypothèque et, en plus, pour faire un profit raisonnable. C'est le principe de base. Dans notre cas, nous avons perdu $700 000 en 1972. Les chiffres montrent — et ce sont tous les chiffres qui sont déjà déposés à la régie — que pour l'année 1978 nous allons perdre $1 500 000 pour ces mêmes raisons parce que c'est impossible de récupérer les dépenses de l'année antérieure si vous n'avez pas le droit.

A partir de l'année 1973, nous avons toujours négocié les augmentations et la politique de renouvellement avec l'Association des résidents de l'île des Soeurs. Chaque année, nous avons eu l'approbation de l'Association des résidents pour notre politique de renouvellement qui variait entre 8% et 10% dans les sept dernières années dont je parle. Dans chacune de ces années, l'augmentation de nos coûts réels était de l'ordre de 11,25% à 13,2%. Ce sont les chiffres que nous avons signés à la régie, qui étaient vérifiés, qui étaient déterminés. Ce sont les chiffres réels et notre offre était beaucoup plus basse que les chiffres que nous pouvons trouver. Nous avons procédé de cette façon parce que, de notre côté, ce fut toujours notre politique de faire une offre plus convenable à un ancien locataire, mais ce n'est pas une offre gratuite parce qu'inclus dans cela il y a le fait que, le moment où l'ancien locataire quitte les lieux, nous avons l'appartement pour nous et nous pouvons le louer au loyer du marché d'aujourd'hui, c'est-à-dire avec une récupération de l'ordre de 20% à 40% nette, c'est-à-dire aussi une augmentation d'une année à l'autre, de 20% à 40% dans le loyer. Ces locataires vont toujours à la régie.

J'étais très heureux de voir dans le livre blanc l'idée de faire une moyenne et de rétablir un loyer de base. Ce que je veux dire par un loyer de base, c'est ceci: Si, à partir de 1972, nos augmentations étaient de l'ordre, disons, de 50% — je parle des augmentations des dépenses — et si les augmentations que nous avons faites comme offre de renouvellement aux anciens locataires étaient de l'ordre de 30%, nous devrions avoir l'avantage ou le pouvoir de récupérer ces autres 20% quand il y a un changement de locataire.

La dernière chose qui est arrivée, c'est que, à partir de 1973, à chacune des années négociées avec l'Association des résidents, nous avons soumis la même preuve, à chaque année, de la même façon, preuve qui était même établie avec les gens de la régie. C'était la même preuve qui était soumise année après année, mais avec les chiffres de l'année courante et, de plus, avec tous les autres chiffres de l'année de base.

En 1978, nous avons eu l'audition des cas devant la régie pour l'année 1977-1978. Ce qui est arrivé, c'est que 104 des locataires de l'île se plaignaient de l'augmentation. A la suite de l'audition du mois de juillet, l'administrateur a envoyé une offre à ces 104 locataires de l'île, avec une augmentation de 9%, 1% de plus que ce que nous avons offert aux mêmes locataires. De plus, il a dit...

M. Tardif: ... régie...

M. Oulton: Non, cela n'est pas bon du tout.

M. Tardif: Dans ce cas-là...

Une Voix: Attendez la suite.

M. Oulton: II a dit que la preuve que nous avons faite, ce n'était pas une preuve, ce n'était pas acceptable. C'était la même preuve, faite de la même façon pendant cinq années. C'est une preuve qui était établie avec les gens de la régie. Tous les locataires qui ont reçu cette offre s'y sont

opposés parce que la plupart d'entre eux avaient une augmentation plus élevée que la nôtre. Principalement, nous nous y sommes opposés parce qu'il disait que la preuve n'était pas bonne, qu'elle n'était pas bien faite, etc.. Ce qui est arrivé — nous avons eu la décision mardi avant de partir de Montréal, pas la décision finale, mais la décision de l'administrateur — c'est qu'il n'y aura pas d'augmentation du tout dans chacun des cas. C'est-à-dire que pour 3100 logements loués, sur l'île, où l'Association des résidents a négocié, de bonne foi, une augmentation, la régie a donné l'approbation de l'augmentation. A nous qui avons présenté tous nos chiffres, l'administrateur de la régie dit: Pas d'augmentation du tout. Dans le moment, vous avez environ 2300 unités sur l'île. On dit: C'est une "gang" de fous, cette Association des résidents, les gens qui se plaignaient n'ont pas d'augmentation. Quand je parle des problèmes pratiques ou de la façon dont la régie agit, ce sont des problèmes de ce genre dont je parle.

Le Président (M. Laplante): Je vous remercie.

M. Themens: M. le Président, il y a simplement un point que je voudrais préciser au sujet de la décision qui est commentée par M. Oulton. Ce qui s'est passé dans cette affaire, c'est que quand M. Oulton parle de preuve qui est soumise depuis cinq ans et qui, tout d'un coup, n'est pas acceptée, cela rejoint une de nos recommandations sur la preuve soumise. Je ne voudrais pas discuter de la cause au mérite, mais plutôt, du principe. Il s'agissait d'états financiers préparés par des vérificateurs, qui sont acceptés par les ministères du Revenu et qui avaient toujours été acceptéspar la Régie des loyers. Tout d'un coup, ce n'est pas cela que ça prend. Je pense qu'au niveau de la réglementation, on devrait préciser l'admissibilité ou la non-admissibilité de ces preuves, mais que ce soit décidé une fois pour toutes. Que le propriétaire qui, pendant cinq ans, a soumis une preuve qui a été acceptée pour une année en question, pour une raison peu motivée, se fasse dire tout d'un coup: Ce n'est pas admissible. Je pense que c'est au niveau de la réglementation que ces précisions devraient être apportées. (21 h 30)

Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le ministre.

M. Tardif: M. le Président, je remercie les intervenants, au nom des Structures métropolitaines du Canada Limitée qui exploitent cet ensemble à l'île des Soeurs, de nous avoir soumis leurs commentaires, j'allais dire presque qui démarquent un peu par rapport au mémoire puisque, finalement, dans les commentaires, la présentation verbale, on a dit: On n'est pas d'accord avec le contrôle, mais s'il doit y en avoir un, on va s'arranger pour vivre avec, pour peu qu'il y ait un certain nombre d'ajustements de faits. Et on nous propose des choses.

On nous dit, par exemple: Pourquoi n'inversez-vous pas le fardeau de la démarche, ce que certains locataires demandent d'ailleurs, et ne demandez-vous pas au propriétaire d'aller à la régie présenter ses bilans?

M. Oulton: S'il le veut.

M. Tardif: S'il le veut, oui, sur une base libre et volontaire, d'aller à la régie. Evidemment, je présume que cela implique pour vous, cette façon de procéder, que les locataires pourraient aller devant la régie faire valoir leur point de vue. S'ils n'y vont pas et que la régie reçoit vos bilans financiers et dit: Bien oui, cela nous semble raisonnable, envoyez cela, il y a une règle élémentaire de droit qui n'a pas été respectée qui consiste à entendre ce que l'autre partie a à dire.

M. Themens: Mais je pense, M. le ministre, pour être allé devant la Régie des loyers plusieurs fois, quand on est à ce niveau — et j'y suis allé autant comme locataire que comme représentant de locateurs — on n'a rien à dire. Je pense que la représentation se fait si vous faites une demande pour réduction de loyer, pour réduction de services, des voisins bruyants, des bibites à six pattes. Mais quand vous arrivez au niveau de l'admissibilité de dépenses, c'est fait par le service technique de la régie. J'ai entendu plusieurs fois, sinon tout le temps, des administrateurs qui remplissent la formule dire: L'augmentation c'est tant! C'est décidé en arrière, et je pense que c'est ce qui se passe souvent. Ce n'est pas pour vous dire que je n'aimerais pas voir des locataires venir avec le propriétaire parce que, finalement, ces chiffres, ils les ont puisque notre entreprise négocie avec eux. Mais ce que je veux dire, c'est que c'est une façon pour moi d'introduire le fait, qu'on soit là ou qu'on ne soit pas là, que ce ne sont pas des représentations qu'on fait si on produit des documents. Il s'agit de s'assurer que la régie a traité ces documents de façon informatique ou mathématique, de la façon prévue par les règlements, simplement.

M. Tardif: Donc, vous seriez d'accord pour une espèce d'inversion du fardeau de la démarche, mais qui implique beaucoup plus une espèce de consultation, plutôt qu'un jugement comme tel, des services techniques de la régie qui, à la lumière de tout cela, dirait: A l'intérieur de quel paramètre pourraient se situer les augmentations? C'est cela?

M. Oulton: De la même façon qu'ils font ces travaux après une plainte d'un locataire, mais le faire d'avance. Dans le moment, nous négocions avec l'Association des résidents de l'île et j'aimerais que quelqu'un de la régie assiste à ces négociations et que quelqu'un des services techniques fasse les calculs pour déterminer si ces chiffres...

M. Tardif: J'aimerais que vous me parliez de cette Association des locataires de l'île des Soeurs.

Vous dites que vous avez négocié collectivement — si j'ai bien compris — une augmentation avec cette association des locataires de l'île?

M. Oulton: II faut définir le mot collectivement, je pense. C'est une association des résidents qui sont au nombre, je pense, de 600 à 700, sur un groupement de 3100. Chaque année, vers la fin de l'année, on discute au fond toutes les dépenses de l'année, les augmentations, les critères de renouvellement et la politique de renouvellement pour l'année prochaine. Chaque année, à partir de l'année 1973, nous avons eu l'approbation de l'association. Cela venait d'une suggestion de Me Ouimet, de la régie, qui était l'administrateur du premier quart de 1973. Ce que j'aimerais, c'est que quelqu'un du service technique ou de la régie assiste et, finalement, dise: Une augmentation de cet ordre est acceptable selon les chiffres fournis.

M. Tardif: Cette association de 600 ou 700 locataires, sur les quelque 3000, a évidemment un exécutif, des représentants que vous rencontrez; vous leur présentez le bilan, ils négocient avec eux. Vous leur demandez dix ils vous offrent huit, on s'entend à neuf. Est-ce que cela se passe comme cela ou bien c'est quoi? Est-ce que c'est vraiment une négociation?

M. Oulton: Oui, c'est une négociation, de façon que, chaque année, je pense que je n'ai jamais eu ce que j'ai demandé au commencement. Ils n'ont jamais eu ce qu'ils ont demandé au commencement. C'est arrivé tout le temps à des chiffres acceptables pour les deux parties. Ils ont leur comptable, ils ont des membres qui sont comptables, des membres de l'association.

M. Tardif: Si je comprends bien — je m'excuse de vous interrompre, mais cela m'intéresse — vous devez être en pleine période de négociation, avec la période de renouvellement des baux, non?

M. Oulton: Non, parce que cela commence, pour nos autres, au commencement du mois de décembre.

M. Tardif: Est-ce que les avis sont déjà envoyés aux locataires, à ce moment-là?

M. Oulton: II faut que les avis sortent au mois de janvier au plus tard et, si on négocie quelque chose de bonne foi, cela prend quelques semaines.

M. Tardif: D'accord.

M. Oulton: Mais chacun des locataires lésés a toujours le droit d'aller à la régie malgré les négociations.

M. Tardif: D'accord. Tantôt, quand vous parliez de pertes appréciables pour les dernières années et pour l'année en cours, est-ce en raison d'un taux de vacance élevé dans vos logements?

M. Oulton: Non, le taux de vacance de l'année 1978 était le pire depuis le début du projet; c'est à peu près, si je me rappelle bien 12%. Mais, pour les autres années dont je parle, c'était de l'ordre de 6% ou 5,5%.

M. Tardif: Ce serait 350, 360 logements. M. Oulton: Oui.

M. Tardif: Oui. Evidemment, vous avez énuméré une série de facteurs qui sont arrivés à peu près en même temps pour expliquer la situation financière difficile. Vous dites: II y a eu la loi de 1973, il y a eu la création du service d'évaluation de la Communauté urbaine de Montréal qui est venue normaliser la situation sur l'île et puis vous nous dites...

M. Oulton: Normaliser...

M. Tardif: Normaliser, oui enfin... c'est un terme neutre.

M. Oulton: C'est encore en appel, ce n'est pas définitif.

M. Tardif: Bon, et il y a eu la création de la Communauté urbaine, qui datait de quelques années déjà, mais dont les coûts ont pris les proportions que l'on sait. Mettre tout le blâme de cela, finalement, sur le contrôle des loyers et dire: Evidemment, on ne peut pas faire les rattrapages qui nous permettraient d'arriver, c'est peut-être pour le moins un petit peu exagéré. Nous sommes à la veille d'une réforme sur la fiscalité ou les surtaxes que vous avez évoquées dans votre mémoire. Vous avez dit: On paie des surtaxes sur les immeubles de $100 000 et plus pour la Communauté urbaine, et vous en payez pour le scolaire. Evidemment, ceci pourrait amener un certain soulagement. Mais, finalement, ce que vous demandez, ce n'est pas tellement des mesures fiscales comme la possibilité de réviser le prix de base. C'est cela?

M. Oulton: En fonction du marché d'aujourd'hui.

M. Tardif: Bon. Il y a des groupes de locataires qui sont venus ici. Eux aussi ont demandé que le prix de base puisse être révisé par la régie, vous demandez une révision du prix de base à la hausse, et eux demandaient une révision du prix de base à la baisse.

M. Oulton: Je pense que notre demande tombe à l'intérieur de la philosophie de la régie, c'est-à-dire que quelqu'un qui a un investissement immobilier devrait avoir un retour sur l'investissement.

M. Tardif: Oui, mais le problème, lorsque l'on se met à réviser le prix de base, c'est quoi les critères qu'on doit utiliser?

M. Oulton: Pour nous, c'est le loyer du marché.

M. Tardif: Donc, il n'y a plus de contrôle.

M. Oulton: Oui, il y a du contrôle. Je vais vous donner un exemple. Peut-être ai-je mal compris, mais je pense que vous avez dit que nos problèmes commençaient avec le contrôle des loyers, mais ce n'est pas le début de nos problèmes. Le contrôle des loyers n'est qu'une des contraintes; la contrainte la plus sévère qui nous affecte serait le fait que le marché pour les logements est demeuré à peu près au même niveau pour les trois dernières années. C'est-à-dire que, quand nous pouvons faire la preuve d'augmentations de dépenses de 8%, 10% ou 11% pour ces trois ans, je peux dire aussi que les loyers sur l'île n'ont augmenté que de 5% dans ces trois ans. C'est une chose que nous avons déterminée en fonction du marché existant à Montréal. Cela est un autre genre de contrôle. Mais ce que je veux dire, c'est que si nous sommes susceptibles de subir ce contrôle, du moment que les choses changent et iront mieux à Montréal, nous devrons avoir le pouvoir de récupérer ces années, parce qu'à la façon dont la régie procède, en ne tenant compte que de l'année antérieure, c'est impossible de récupérer pour les trois dernières années.

Cette année, à l'île des Soeurs, il y a encore notre propre politique à l'île qui est une contrainte d'une certaine façon, c'est-à-dire que nous n'augmenterons jamais le loyer d'un locataire plus que la demande du marché aujourd'hui. Qu'est-ce que ça veut dire? Cela veut dire que, cette année, au mois de juin, nous aurons 515 locataires qui vont renouveler leur bail et l'augmentation totale en dollars, pour 515 unités, est de $320; il n'y a que huit locataires sur les 515 qui vont avoir une augmentation de loyer, avec des preuves justifiant des augmentations de plus de 8%. C'est là la contrainte du marché. Mais dans votre projet de loi, vous ne voyez pas du tout de manière de récupérer ce qu'on perd à cause des autres contraintes, parce qu'on souffre de plusieurs contraintes dont l'une est notre politique de ne pas augmenter les loyers.

Un autre exemple, l'an dernier, toutes les "maisons de ville" de l'île ont changé de 50% d'évaluation; exactement 50% pour 260 "maisons de ville". En m'adressant à la Régie des loyers, j'ai dit: Vraiment, cela représente une augmentation de loyer d'environ 25% pour chacune des "maisons de ville". On m'a dit: Allez le chercher, vous allez l'avoir; si vous pouvez le prouver, vous allez l'avoir. C'est très facile de le prouver, mais c'est impossible de l'avoir. Est-ce que les 260 locataires vont rester avec une augmentation de 25%? Ce qui, à la base, est faux dans tout cela, c'est que la maison ou le logement vaut exactement ce que quelqu'un est prêt à vous payer pour l'avoir, c'est tout, indépendamment des...

M. Tardif: Dernière question et je laisse la parole au député de D'Arcy McGee.

Si on a un taux de vacance variant entre 12% et 15%, est-ce que ça ne pourrait pas être, en partie, parce qu'on est un peu au-dessus du marché quant aux prix?

M. Oulton: Non, si le marché du même type de bâtisses, partout à Montréal, a le même taux de vacance, on ne peut pas dire ça. Cela veut dire le contraire, vraiment, que vous suivez le marché.

Le Président (M. Laplante): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: Merci, M. le Président. Mon collègue de Verdun — peut-être l'a-t-il dit avant de quitter la commission pour se rendre en Chambre — regrette beaucoup, notamment parce que vous représentez un élément important de son comté, de ne pas être en mesure, lui-même, de participer. (21 h 45)

J'ai lu votre mémoire avec intérêt, surtout parce que je crois que le débat que nous, les députés, devrons poursuivre en deuxième lecture et en commission parlementaire pour l'étude du projet de loi devra porter sur la justesse de l'équilibre entre locataires et locateurs. Dans votre mémoire, certains commentaires que vous avez faits en répondant aux questions du ministre jettent une lumière différente sur cette question d'équilibre entre les deux parties de celle d'autres opinants. Je trouve que c'est important que nous ayons le genre de contribution sobre, qui découle d'une expérience vécue, que vous nous avez offerte.

Je n'ai pas vraiment de questions à vous poser. Je vous suis reconnaissant d'avoir mis en relief certains aspects du problème. Ce qui m'a frappé dans votre mémoire, c'est l'allusion à la bonne foi. Vous dites: II y a une certaine présomption de bonne foi; si cette présomption est accordée à l'une des parties, il faudra, en toute justice, accorder à l'autre partie une présomption équivalente de bonne foi.

Il y a une certaine tendance — je termine là-dessus, M. le Président — à voir une partie comme étant toujours opprimée et l'autre partie comme étant toujours l'agresseur. C'est la recherche de l'équilibre, de la justice entre les deux qui me préoccupe plus que tout autre aspect de ce projet de loi.

Ce disant, je suis obligé — je le regrette beaucoup — de m'excuser à mon tour, parce que je suis responsable d'un mini-débat qui aura lieu en Chambre dans quelques instants et peut-être même quelques minutes avant 22 heures, si un opinant termine son intervention avant cela. Vous comprendrez donc, M. le Président — je m'en excuse encore une fois — que je doive vous quitter.

Le Président (M. Laplante): Merci. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: Merci, M. le Président. Je voudrais tout d'abord vous remercier pour votre participation à cette commission. Vous nous avez fait

voir un autre aspect des problèmes que vous avez comme propriétaires d'ensembles immobiliers, là où le prix de location est plus élevé que la moyenne, chez ceux qui sont venus à cette commission jusqu'à présent.

A quel facteur attribuez-vous un taux aussi élevé de vacance, soit de 12%. Je crois que vous avez mentionné qu'auparavant, ce taux était de 5% ou de 6%, c'est maintenant de 12%. Est-ce qu'il y a des facteurs spécifiques que vous pouvez nous expliquer?

M. Oulton: Oui. Je peux dire que, d'après les chiffres qu'on garde d'une année à l'autre, en 1976 et au cours des années précédentes, nous avons perdu à peu près 75 à 80 locataires sur l'île qui terminaient leurs baux avec une pénalité de terminaison, parce qu'ils quittaient Montréal pour aller travailler aux Etats-Unis ou n'importe où. En 1977, nous avons perdu 315 locataires. Cela représente une perte additionnelle de près de 10%. En 1978, j'espérais que cela redevienne normal, mais les chiffres étaient de 334 unités où le locataire avait terminé son bail pour aller ailleurs. J'espère qu'en 1979 cela va diminuer un peu.

M. Cordeau: Est-ce que la plupart de ces locataires qui ont quitté sont partis pour s'en aller résider en Ontario?

M. Oulton: La plupart sont allés en Ontario.

M. Cordeau: Parce que des compagnies ont fermé leurs bureaux de Montréal et ont déménagé.

M. Oulton: Si je peux faire une remarque subjective, la première année, cela a été des pertes pour la plupart des Anglais qui ne voulaient plus rester au Québec, mais, le pire, cela a été la deuxième année, les Canadiens-français et anglais ne voulaient pas quitter la province, mais, à cause d'un changement d'emploi, leur compagnie étant transférée, ils ont été forcés de quitter la province parce qu'ils n'avaient pas d'emploi du même genre ou au même niveau que ceux qu'ils avaient là-bas.

M. Cordeau: A votre avis, y a-t-il eu plusieurs constructions de loyers semblables aux vôtres en 1978 à Montréal?

Est-ce qu'il y a eu des constructions de loyers semblables aux vôtres à Montréal, en 1978?

M. Oulton: Non. Je me rappelle le chiffre que le ministre a donné ce matin en parlant de l'année 1976 qui a été la meilleure, mais je me demande si vous avez les chiffres en disant combien de ces projets sont les "assisted rental program" ou les AA, parce que c'est ce genre de projet qui nous a causé la plupart des problèmes quant au taux de vacances à Montréal. Ce sont des projets avec des subventions de loyers qui commencent avec un montant de $100 par mois qui ont été construits entre 1974 et 1976. Finalement, on a mis fin au projet parce que cela mettait trop d'unités de logement sur le marché à des prix beaucoup plus bas que les autres qui avaient été construits des années auparavant.

M. Cordeau: Vos loyers vacants, est-ce que ce sont vos loyers les plus dispendieux? Dans quelle catégorie se situent-ils?

M. Oulton: Non, c'est un peu partout. Quand vous parlez des loyers vacants aujourd'hui, le taux de vacances est à peu près de 170 unités, c'est-à-dire 5 1/2% ou quelque chose. Cela est monté à 13% en 1978, mais cela commence à...

M. Cordeau: Actuellement, c'est rendu à 5%.

M. Oulton: Grâce à de très grands efforts, très dispendieux, des loyers gratuits, des bénéfices aux locataires pour les attirer...

M. Cordeau: Vous avez dû faire une grosse campagne de publicité.

M. Oulton: Très, très grosse.

M. Tardif: Je m'excuse, juste en réponse à la question de monsieur. J'ai en effet les chiffres pour ce que vous avez appelé le programme AA de la Société centrale d'hypothèques et de logement, en français le programme PAL.

M. Oulton: Et de l'autre, I'"assisted rental program", je ne connais pas le nombre.

M. Tardif: C'est cela. Le PAL et le PAT... M. Oulton: Oui, c'est cela.

M. Tardif: Dans les faits, au Québec, en 1976, il y a eu 10 226 unités de logement mises en chantier en vertu du programme PAL contre 4 500 en Ontario. En 1977, cela a été 11 600 au Québec et 18 000 en Ontario et, en 1978, il y a eu une baisse significative au Québec, 4100 contre 15 000 en Ontario. C'est peut-être dans un an ou deux qu'on aura là-bas les problèmes que l'on connaît ici.

M. Oulton: Parce qu'on a annulé le projet en 1978, deux ans trop tard, malheureusement.

Le Président (M. Laplante): II n'y a plus de questions. M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Vous nous avez dit que votre ensemble compte maintenant 3100 logements environ. Vous avez encore dans vos plans des projets de construction pour l'avenir. Est-ce que vous pourriez nous donner quelques indications là-dessus?

M. Oulton: Pas dans un proche avenir, mais il est à remarquer que l'île n'est qu'au tiers développée dans le moment. Nos projets originaux étaient de 15 000 unités de logements dans l'île. D'après

nos études de marché, dans le secteur des bâtisses à location, des appartements et des maisons de ville, cela va prendre de trois à cinq ans avant que ce secteur redevienne normal. Dans ce délai, nous projetons de vendre des terrains dans l'île pour des maisons unifamiliales, ce qui est une demande constante des locataires de l'île, parce que les locataires de l'île, dont l'âge moyen est de 36 ans, installent leurs familles et ils cherchent leur première maison. Chaque année, nous perdons à peu près 120 à 150 familles pour cette raison. Dans les prochaines années, c'est dans ce secteur que nous allons concentrer nos efforts.

M. Tardif: Vous nous avez donné une appréciation dont vous avez dit vous-même qu'elle était subjective des facteurs qui ont expliqué, à un moment donné, le taux d'inoccupation. Là encore, je voudrais vous demander quelles sont vos prévisions. Est-ce que vous considérez toujours subjectivement... Pour ce genre de choses, on ne peut faire autrement que de refléter sa pensée, quoi, qui est subjective. Vous avez parlé de déplacement de population, de ce que d'autres appellent un exode. Quelles sont vos prévisions, dans la mesure où vous pouvez apprécier la situation, pour cette année, pour l'an prochain, pour l'avenir?

M. Oulton: Le taux d'occupation?

M. Tardif: Oui, en fonction d'exode, d'absence d'exode ou du retour des gens.

M. Oulton: J'espère que l'exode va se terminer d'ici bientôt. Le retour est prévu pour d'ici 3 à 5 ans. Il y a beaucoup de choses qui entrent en considération et c'est toujours subjectif. Il y a la question du référendum; du moment que ce sera décidé, que ce soit d'un côté ou de l'autre, ce n'est pas important, cela apportera une amélioration des affaires dans notre domaine à Montréal. De la même façon, ce sera plus attrayant pour les investisseurs de retourner à Montréal. Pour la construction à Montréal, cela va énormément aider à régler le problème...

M. Tardif: Merci.

M. Oulton: ... pour les années qui viennent.

Le Président (M. Laplante): Pas d'autres questions?

M. le ministre et le mot de la fin.

M. Tardif: J'aimerais avoir, si possible, pas nécessairement ce soir, plus de renseignements par écrit ou autrement sur cette association de locataires et sur cette formule de négociation. L'esprit du projet de loi no 107 en est un de moindre intervention, n'en déplaise aux intervenants qui ont défilé devant cette commission. On dit: Bon! Il y a un million de logements locatifs au Québec; on ne croit pas que faire régler par un organisme gouvernemental ce million de baux renouvelables annuellement soit souhaitable. On pense qu'il y a place pour des ententes entre les parties moyennant que les règles du jeu soient claires et connues de tous. C'est la raison pour laquelle, d'ailleurs, la méthode de fixation, par exemple, on a l'intention de la promulguer par règlement, et elle sera connue. Il n'est pas question d'avoir quelque formule magique inconnue de tout le monde.

Il nous semble qu'à l'instar de plusieurs groupes qui nous ont souligné le cas de la Suède comme étant le prototype — je vous vois hocher la tête, mais certains groupes nous en ont parlé — de la situation idéale et cela tant du côté du propriétaire que du côté du locataire parce que, disent-ils, regardez, même les locataires, en Suède, ont demandé l'abolition du contrôle des loyers. Evidemment, on n'a pas toujours ajouté qu'un des facteurs ou une des raisons est qu'il y a précisément en Suède de puissantes associations de locataires qui négocient collectivement les baux. Ceci, évidemment, modifie sensiblement le rapport de force, de même que le fait qu'à peu près la moitié du stock de logements locatifs appartient à des coopératives ou à l'Etat. Cela aussi influence drôlement le reste du marché. (22 heures)

J'aimerais avoir des renseignements sur cette négociation collective. Si vous connaissez d'autres cas qui se sont produits à Montréal, dans la région et ailleurs au Canada, on pourrait regarder ce genre d'expérience et voir dans quelle mesure l'existence même de ce mécanisme pourrait réduire d'autant la nécessité d'intervention d'un tiers comme arbitre. Je ne sais pas si vous voyez un peu ce à quoi je...

M. Oulton: Vraiment, il n'est pas nécessaire qu'il y ait un arbitre.

M. Tardif: Non, d'accord.

M. Oulton: Si c'est fait de bonne foi des deux côtés, ça ne prendra pas d'arbitre pour les négociations. Nous avons demandé — je pense que c'était l'an dernier — que quelqu'un de la régie assiste à nos rencontres avec l'association. L'association l'a aussi demandé, mais on nous a expliqué que ça n'avait jamais été fait et qu'on ne voulait pas donner une approbation à ce que nous faisions. J'ai toujours vu, dans les lois, qu'au fond c'était la base de la conciliation...

M. Tardif: C'est ça.

M. Oulton:... mais, en pratique, ça n'arrive pas comme ça, ça crée une situation d'adversité.

M. Tardif: Oui, c'est un peu une des conséquences de notre système d'approche judiciaire des problèmes, c'est-à-dire qu'on a un système adverse où chacune des parties s'en remet à un tiers pour arbitrer un litige ou un différend. Mais j'aimerais, si vous avez de la documentation à nous envoyer sur cette façon de procéder, la

recevoir. Je ne sais pas, M. le Président, si vous voulez mettre un terme maintenant aux travaux de cette commission...

Le Président (M. Laplante): Seulement une courte question.

M. Tardif: Nous avions dit au député de Verdun que nous pourrions aller jusqu'à 22 h 10 pour lui permettre de couvrir la Chambre aussi, s'il voulait lui-même...

M. Themens: M. le Président, j'aurais simplement une question à poser au ministre.

Avez-vous procédé par avant-projet de réglementation, comme ça a été fait dans le cas d'autres lois, par exemple la loi 101 où un certain délai avait été donné aux usagers, s'ils avaient des représentations à faire? Est-ce que vous pensez procéder ainsi?

M. Tardif: J'ai indiqué mon intention, plus tôt, à l'occasion des travaux de cette commission, de déposer devant la commission parlementaire, lors de l'étude article par article, c'est-à-dire entre la deuxième lecture et la troisième lecture, cette réglementation. Quant aux modalités d'adoption, est-ce que ce sera après les délais de publication dans la Gazette officielle? Ce n'est pas encore arrêté, mais il y aura suffisamment de temps qui s'écoulera entre le moment où ces règlements seront déposés devant la commission et où ils entreront en vigueur pour que les principaux intéressés puissent se manifester ou se faire entendre, d'une façon ou de l'autre. Je ne m'engage pas à la tenue d'audiences publiques comme telles, ce qui est un processus quand même assez long et qui comporte des exigences. Cependant, c'est très nettement mon intention d'obtenir, autant que possible, des avis sur ces règlements.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: Peut-être deux petites questions. Est-ce qu'il y a des bâtisses du type condominium à l'île des Soeurs?

M. Oulton: Oui, il y a un projet dans le moment qui...

M. Cordeau: Actuellement, y a-t-il des logements qui ont été vendus comme condominiums?

M. Oulton: Oui, il y a un projet de 164 unités qui est arrivé sur le marché il y a quelques mois et je pense qu'environ un quart de ces logements sont vendus.

Le Président (M. Laplante): C'est tout? Messieurs et mesdames...

M. Tardif: Je m'excuse, M. le Président, je viens de recevoir une note des gens de la régie qui me disent qu'ils n'ont jamais entendu parler comme tel — les deux vice-présidents de la régie: Me Robert, vice-présidente et Claude Chapdelaine, économiste — d'une demande faite à la régie pour désigner un conciliateur ou une personne qui pourrait assister... Est-ce que ça a été formulé par écrit? Y a-t-il un document qui a été envoyé ou cela a-t-il été une demande faite à un administrateur lors d'une audition?

M. Oulton: Cette demande a été faite à Mme Jocelyne Lacasse-Fontaine.

M. Tardif: II y a un document ou une lettre qui a été envoyée à la régie pour demander cela?

M. Oulton: Je pense... Mme Trotz: Une rencontre. M. Tardif: Bon! Le Président (M. Laplante): ...

M. Tardif: II me reste à vous remercier, madame et messieurs, de votre témoignage.

Le Président (M. Laplante): Merci. Avant d'ajourner les travaux, je voudrais vous faire part des groupes qui seront entendus mardi: La Confédération des syndicats nationaux, le no 1, Le Barreau du Québec, le no 8, l'Association des propriétaires domiciliaires italo-canadiens de Saint-Léonard, le no 30, Me Myriam Grassby, avocat, no 31, l'Association des étudiants en résidence de l'Université de Montréal, no 32, l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec, no 4.

Les travaux sont ajournés jusqu'à mardi...

M. Tardif: L'Association des constructeurs...

Le Président (M. Laplante): L'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec Inc.

M. Cordeau: Est-ce que cela terminerait nos travaux?

Le Président (M. Laplante): Pas que je sache. Une Voix: Est-ce que ce sont les derniers?

Le Président (M. Laplante): Cela terminera nos travaux mardi soir.

Une Voix: Les six derniers mardi prochain.

Le Président (M. Laplante): Les travaux sont ajournés jusqu'à mardi 10 heures.

Fin de la séance à 22 h 7

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