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Version finale

32nd Legislature, 5th Session
(October 16, 1984 au October 10, 1985)

Wednesday, March 6, 1985 - Vol. 28 N° 5

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur la relève, le financement et l'endettement agricoles au Québec


Journal des débats

 

(Dix heures une minute)

Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation reprend ses travaux. Je voudrais, à ce moment-ci, vous indiquer en ce début de séance que la commission doit procéder à des auditions publiques dans le cadre de sa consultation générale sur les aspects de la relève, du financement et de l'endettement agricoles.

Les membres de la commission pour cette séance sont: MM. Baril (Arthabaska), Beaumier (Nicolet), Beauséjour (Iberville), Dubois (Huntingdon), Dupré (5aint-Hyacinthe): Mme Juneau (Johnson) qui remplace M. Gagnon (Champlain): MM. Houde (Berthier), Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), Maltais (Saguenay): M. Mathieu (Beauce-Sud) serait remplacé en cours de séance; MM. Picotte (Maskinongé), Proulx (Saint-Jean) et Vallières (Richmond).

J'inviterais maintenant tes représentants de la Fédération de la relève agricole du Québec à identifier leurs principaux porte-parole et à nous faire part de leur mémoire. Vous disposez d'environ une quarantaine de minutes pour la présentation de votre mémoire et nous aurons, par la suite, un partage équitable du temps entre les deux groupes politiques pour vous poser des questions sur votre mémoire.

Fédération de la relève agricole du Québec

M. Marcil (Normand): Bonjour tout le monde! On est content de venir à la commission parlementaire de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation. Je suis Normand Marcil, président de la Fédération de la relève agricole du Québec, et je viens de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, J'ai un confrère ici: le secrétaire de la fédération, M. André Drapeau. On représente 1300 jeunes, officiellement, qui sont membres de notre organisme. C'est sûr qu'il y en a plusieurs qui s'y rattachent de tous les coins, sans en être officiellement membres; ils suivent le mouvement de près ou de loin. Je souhaite un bon avant-midi à tout le monde et on va y aller avec la lecture de notre mémoire.

M. Drapeau (André): La relève agricole est heureuse de l'occasion qui est fournie aujourd'hui à sa fédération, la Fédération de la relève agricole du Québec, de faire le point sur la situation que vivent les jeunes qui veulent s'établir en agriculture aujourd'hui.

Nous avons jugé opportun, dans un premier temps, de donner notre vision sur les apprentissages que doivent faire les jeunes pour pouvoir faire face à leur futur métier d'agriculteur.

La deuxième partie de notre intervention sera particulièrement consacrée à l'établissement. Nous y tracerons d'abord un rapide portrait de la ferme sur laquelle les jeunes visent à s'établir et la suite est consacrée à un ensemble de propositions relatives au crédit agricole, à l'aide à l'établissement, à la fiscalité, au transfert, à la banque de terres et à l'agriculture à temps partiel.

Nous n'avons pas jugé opportun de faire, dans notre mémoire, de longues analyses économiques sur l'établissement, tenant pour acquis que les intervenants reconnaissent les difficultés rencontrées par les jeunes au moment de l'établissement.

Depuis les trois dernières années, des colloques, journées d'étude ou autres, avec comme thème la relève agricole sous l'un ou l'autre de ses aspects, ne cessent de se répéter. Pensons, entre autres, au Conseil de la coopération laitière, au mouvement Chrétien en milieu rural, à l'Ordre des agronomes, au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et à cette commission parlementaire. Nous croyons très certainement qu'autant d'énergies n'auraient pas été consacrées à discuter d'un secteur où tout va parfaitement bien.

Nous souhaitons, enfin, que notre contribution devant cette commission, ainsi que celle des autres intervenants qui ont soumis des mémoires, sera prise en considération très sérieusement par l'État et que l'ensemble de cette consultation aura des suites concrètes pour améliorer l'agriculture et la vie des agriculteurs.

La relève agricole. À la vitesse où vont les choses aujourd'hui, les jeunes sont très certainement la clé du développement de l'agriculture. La capacité d'innovation, la facilité d'adaptation et le dynamisme sont les principales qualités des jeunes. Ces caractéristiques de la relève vont sûrement être nécessaires pour conserver une

agriculture viable et à l'échelle humaine.

Les jeunes ne deviendront cependant les moteurs de ce développement que si l'ensemble du monde agricole leur reconnaît effectivement ce rôle. Cela suppose aussi que leur formation les équipe pour en faire des interlocuteurs valables en tant que techniciens et en tant que responsables professionnels.

Tous ont intérêt à pouvoir compter sur des jeunes agriculteurs compétents et organisés. Les pouvoirs publics y trouveront des interlocuteurs responsables et les agriculteurs aînés, une relève dynamique assurée.

Au cours de la dernière décennie, les jeunes ont fait de grands pas pour prendre leur place dans le monde agricole, mais, pour qu'ils puissent vraiment occuper un rôle prépondérant dans l'avenir de l'agriculture et que l'ensemble du monde agricole le leur reconnaisse, certaines conditions sont encore en devenir et à respecter.

L'apprentissage du métier de producteur. Tous les intervenants du milieu sont d'accord sur l'importance de plus en plus grande d'avoir des jeunes très bien formés pour prendre la relève.

L'Université Laval faisait une étude, dans les années soixante-dix, qui indiquait que seulement 12% des jeunes qui s'établissaient avaient une formation agricole terminale. De récents sondages menés par l'UPA et le MAPAQ portent à croire que ce pourcentage pourrait être aujourd'hui d'environ 20%.

Les principaux obstacles qui font que la relève se donne peu de formation agricole par l'enseignement régulier sont connus. D'ailleurs, tous les intervenants s'entendent sur ceux-ci. La mentalité des parents, les difficultés de remplacement, l'éloignement, les contenus de formation, la distorsion théorie versus pratique des cours et le manque de souplesse des périodes de formation apparaissent comme les problèmes les mieux définis à l'heure actuelle.

Cependant, un élément des plus importants que faisait ressortir le sondage de l'UPA est le fait que 85% des jeunes se donnent une formation par l'éducation des adultes entre le moment où ils quittent l'enseignement régulier et celui de leur établissement. La très grande majorité de ces cours n'est pas comptabilisée aux fins de l'obtention d'un diplôme. Si elle l'était, nous ne parlerions sûrement pas de 12% ou 20% des jeunes qui ont complété une formation agricole lors de leur établissement. Dans le monde rural, le diplôme n'a pas la valeur et le prestige social qu'il peut avoir dans le monde urbain. Si tous les cours suivis par la relève à l'éducation des adultes avaient été accrédités par les maisons d'enseignement, quel serait le niveau d'instruction des jeunes aujourd'hui?

Cette réflexion conduit aussi à une autre question que s'est posée la relève: Pourquoi un si grand nombre de jeunes se donnent une formation continue et si peu une formation initiale en agriculture?

La relève croit fermement que l'adaptation de la cédule de cours à la réalité agricole pourrait largement contribuer à augmenter le nombre de jeunes qui termineraient un enseignement initial agricole. Pourquoi ne serait-il pas possible à un jeune de s'inscrire à l'ITA ou au cégep du début de novembre à la fin de mars, quitte à ce que son cours dure cinq ans au lieu de trois?

À une telle proposition, on nous répond que les cadres imposés par le ministère de l'Éducation ne le permettent pas ou encore que dans certaines options agricoles les jeunes du milieu urbain forment la majorité de la clientèle.

Les données fournies par l'Office du crédit agricole et nos propres constatations sur le terrain nous indiquent que ce sont encore les enfants de producteurs agricoles qui, à au-delà de 90%, s'établissent en agriculture.

Si l'objectif visé est de faire en sorte que la relève bénéficie d'une solide formation de base en agriculture, qu'on s'en donne les moyens. Que les maisons d'enseignement s'adaptent à la réalité de leurs clientèles en offrant la possibilité de faire le cours sur trois ans ou sur cinq ans. Les jeunes feront leur choix.

Il nous apparaît aussi que la reconnaissance des acquis pratiques du jeune contribuerait à sa motivation et éviterait ainsi des situations démobilisantes qui contribuent souvent à l'arrêt des études régulières.

Enfin, une autre modification importante devrait, à notre point de vue, être apportée à la situation existante. Un jeune qui termine un cours agro-technique au niveau secondaire devrait pouvoir s'inscrire dans une option agricole au cégep ou à l'ITA; de même, celui ou celle qui termine un cours collégial agricole devrait-il avoir la possibilité de poursuivre au niveau universitaire en agronomie, sans qu'on exige une propédeutique. Un tel cheminement est possible à l'intérieur du réseau d'enseignement anglophone, notamment entre le cégep et l'université, mais les institutions francophones n'offrent pas cette possibilité.

L'apprentissage de la responsabilité professionnelle. Particulièrement depuis 1979, nous avons pris conscience que nos problèmes individuels sont partagés par ceux qui se trouvent dans la même situation que nous. Nous avons aussi pris conscience qu'il existe des intérêts communs et solidaires entre nous, jeunes de la relève, intérêts dont l'expression aura d'autant plus de résonance auprès des agriculteurs aînés et des pouvoirs

publics qu'elle sera collective.

Quelque 1300 jeunes de dix régions du Québec ont choisi la formule des syndicats de la relève comme regroupement et mode d'expression et de défense de leurs intérêts. Ils se sont aussi donné une fédération provinciale, la Fédération de la relève agricole.

Les objectifs généraux des syndicats de la relève agricole et de la fédération sont d'améliorer les conditions d'établissement en agriculture et de travailler à une meilleure préparation des jeunes.

Ces jeunes, ce sont des gars et des filles intéressés par l'agriculture, âgés de 16 à 35 ans, qui se préparent à devenir producteurs agricoles ou qui se sont récemment établis en agriculture.

Le jeune qui s'engage à l'intérieur d'un syndicat de la relève franchit différentes étapes de formation, selon son âge ou l'évolution de son établissement. Ces étapes sont généralement les suivantes: interrogation sur l'avenir, recherche de techniques et d'information, prise en charge, processus d'établissement et établissement.

Bien sûr, chaque syndicat de la relève regroupe des jeunes qui sont à chacune de ces étapes et c'est, d'ailleurs, ce qui en fait tout le dynanisme. Cette structure n'a peut-être pas encore l'ampleur, ni la reconnaissance de la JAC d'autrefois, mais elle sert très certainement aux jeunes à s'exprimer collectivement et à faire un apprentissage de leurs responsabilités professionnelles.

Les différents intervenants auprès de la relève. La majorité de ceux qui ont travaillé auprès de la relève agricole ces dernières années aura sûrement, à un moment ou l'autre, entendu dire: II y a les groupes de l'UPA et ceux du ministère. Ce petit bout de phrase est à la fois significatif et aussi le reflet d'une situation des plus déplorables.

Pour les jeunes, la structure qu'ils ont choisi de se donner n'est ni celle de l'UPA, ni celle du ministère. Elle leur appartient. Bien sûr, la Fédération de la relève agricole et ses dix syndicats sont affiliés à l'UPA. Mais quand les jeunes ont choisi de prendre une place à l'intérieur du syndicalisme agricole, c'est parce que l'UPA leur apparaissait comme l'organisme qui offrait le plus de possibilités à la relève de faire un apprentissage de leurs responsabilités professionnelles futures.

De plus, l'UPA rend disponible à la relève un minimum de ressources humaines, techniques et financières qui permettent de faire réellement cet apprentissage. La structure n'en demeure pas moins autonome et nous permet de formuler des solutions aux problèmes qui nous sont propres et de nous préparer au rôle que nous devrons jouer plus tard dans le milieu agricole.

La naissance de la très grande majorité des syndicats de la relève et, conséquemment, de la fédération est attribuable, en grande partie, à l'important travail de conscientisation que les responsables de la relève du ministère de l'Agriculture ont réalisé à la fin des années soixante-dix.

En 1975, le ministère de l'Agriculture décidait de mettre un terme à son action auprès des jeunes ruraux pour concentrer ses énergies auprès de la relève agricole. Ce fut la naissance des groupes locaux de la relève agricole dans toutes les régions du Québec. Les jeunes de ces groupes ont rapidement mis en commun leurs problèmes et, de là, ils ont pris conscience de la nécessité de se regrouper régionalement. Ils ont, par la suite, élaboré des solutions aux problèmes qui avaient été identifiés. La nécessité d'une concertation entre les régions et d'un regroupement provincial est alors apparue.

Les groupes locaux, les syndicats régionaux et la fédération provinciale sont et doivent toujours être le reflet de ce que la relève agricole elle-même veut qu'ils soient.

Beaucoup d'intervenants ont un rôle à jouer auprès de la relève agricole. Nous allons, dans les lignes qui suivent, vous faire le portrait de notre perception du rôle de certains d'entre eux et, par la suite, vous communiquer nos attentes quant aux ressources que le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation devrait consacrer à la relève.

En ce qui a trait aux répondants régionaux en formation agricole des maisons d'enseignement, nous percevons leur mandat comme étant de répondre aux différents besoins en formation agricole exprimés par le milieu. Ils sont le lien entre le milieu et les maisons d'enseignement. Ils nous apparaissent comme jouant un rôle des plus importants dans le monde de la formation agricole, mais, leur clientèle ne se limitant pas uniquement à la relève, ils ne sont pas en mesure de jouer un rôle aussi prépondérant que les autres intervenants auprès des jeunes. (10 h 15)

Quant aux responsables de la relève des fédérations régionales de l'UPA, ils ont, pour leur part, un rôle de soutien technique auprès des structures de fonctionnement à caractère syndical que se sont données les jeunes. Ils ont aussi, toujours selon notre perception, un travail important à faire au niveau de l'identification, avec les jeunes, des problèmes reliés à l'établissement et des solutions à y apporter. C'est très souvent par ce biais que les permanents de l'UPA se retrouvent impliqués au niveau de la formation. Leur champ d'action se situe au niveau des besoins collectifs de la relève.

Pour sa part, le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, par son service de la relève agricole et ses conseillers locaux et

régionaux en relève, est un intervenant majeur et indispensable.

Nous considérons qu'il est essentiel que le ministère maintienne les services d'un conseiller régional en relève dans chacun de ses douze bureaux régionaux. Nous percevons le rôle du conseiller régional comme celui d'un agent déclencheur, d'un agent de changement, d'un animateur auprès de la relève et des autres intervenants de son milieu. Il a aussi un rôle de conception et de promotion au plan de la formation de la relève. Enfin, une autre de ses tâches très importantes est sûrement la coordination de l'action des conseillers locaux du ministère auprès de la relève agricole. Il est le lien entre le service de la relève et les conseillers locaux.

Du côté des conseillers locaux, nous croyons qu'ils ont un rôle de soutien et d'animation à jouer auprès des groupes de la relève. Ils doivent aussi avoir pour tâche d'aider les jeunes individuellement à préparer leur projet d'établissement. Ils sont, de plus, très bien placés pour connaître les attentes et les besoins des jeunes au plan de la formation. En ce sens, ils sont, quant à nous, des interlocuteurs fort valables.

Enfin, pour ce qui est du Service des organismes et de la relève agricoles du ministère, l'équipe qui y travaille au niveau de la relève a un rôle important de soutien aux conseillers locaux et régionaux. Le personnel de ce service se doit aussi de collaborer avec les institutions d'enseignement à la formation de la relève.

Au niveau de la formation, le service a aussi comme mandat d'élaborer des contenus de formation qui répondent aux besoins de la relève en rapport avec l'établissement. Pensons au Bloc relève, à la session de leadership, à la session parents-enfants, etc. Tous ces intervenants poursuivent le même objectif qui est de travailler à préparer une relève qui sera capable de relever les défis que posera l'agriculture de demain. Il est, à notre point de vue, des plus importants que les différents intervenants travaillent en étroite collaboration les uns avec les autres, ce qui n'est malheureusement pas toujours le cas actuellement.

La relève agricole demande au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation: que dans chacune des douze régions agronomiques du ministère les bureaux régionaux rendent disponible un conseiller régional à au moins 50% de son temps et que, dans chacun des bureaux locaux, un conseiller local en relève soit disponible à au moins 30% de son temps; qu'au Service des organismes et de la relève agricoles du ministère un directeur et au moins trois professionnels soient affectés à la relève agricole à temps plein.

En guise de conclusion à cette partie de notre mémoire, il nous apparaît important de souligner l'implication de la Fédération de la relève agricole au plan de la promotion de la formation. À la suite du colloque sur la formation de la relève agricole tenu en mars 1983, la Fédération de la relève agricole a fait des pressions auprès du ministre Garon pour que soit mis en place le comité de promotion de la formation agricole. Le comité, dont la fédération fait partie, a tenu sa première rencontre en février 1984. Il a élaboré une campagne de promotion qui a commencé en novembre dernier. La fédération a été impliquée activement dans l'élaboration de cette campagne et ses syndicats affiliés y ont joué un rôle important sur le plan régional.

La fédération croit que le travail de ce comité ne doit pas s'arrêter là. Les moyens mis en place sont excellents pour sensibiliser le monde agricole à l'importance de la formation, mais, une fois ce travail accompli, le comité se doit d'aller plus loin et d'élaborer des hypothèses qui rendront la formation correspondante aux besoins et à la réalité de ceux à qui elle est destinée.

Permettez-nous ici d'insister à nouveau sur le fait que tous les intervenants auprès de la relève poursuivent les mêmes objectifs et qu'ils devraient travailler en étroite collaboration. C'est, à notre point de vue, la seule façon d'atteindre leurs buts et ce, au grand bénéfice de la relève et de l'agriculture en entier.

L'établissement. Les efforts faits au cours des dernières décennies pour améliorer la qualité de la formation, pour revalorier le métier d'agriculteur et pour assurer une meilleure qualité de vie et de revenus ont porté leurs fruits. Le métier d'agriculteur est suffisamment attrayant pour qu'un bon nombre de jeunes désirent y faire leur vie.

Le jeune qui veut s'établir en agriculture aujourd'hui a un long cheminement à faire et un bon nombre d'obstacles è surmonter. Faire face et surmonter ces problèmes et obstacles demande d'être décidé et passer au travers est déjà un gage certain d'une volonté ferme de réussir.

Certains nous diront: Mais avec 1200 établissements par année, les problèmes ne doivent pas être si énormes. Ce chiffre ne révèle rien des conditions économiques, sociales et familiales que doivent vivre les jeunes au cours des premières années de leur vie de producteurs. Il ne mentionne pas non plus le nombre de jeunes qui ressortent de l'agriculture, ni les concessions faites par les parents lors de l'établissement de leurs enfants.

Nous allons vous soumettre, dans les pages qui suivent, les solutions élaborées par les jeunes qui vivent ces problèmes.

La ferme de demain. Deux éléments qui ressortent constamment dans les discussions des jeunes de la relève sur leur vision de la

ferme de l'avenir sont l'importance de la qualité de la vie et la dimension de la ferme qu'ils désirent acquérir.

La relève attache une très grande importance à la qualité de la vie. Les jeunes sont conscients des exigences que pose le métier d'agriculteur. Dans le choix du type de ferme qu'ils visent, il y a, bien sûr, des considérations économiques, mais aussi et surtout des préoccupations rattachées à l'importance d'avoir une qualité de vie acceptable.

Pour ce faire, la volonté de la très grande majorité de la relève agricole est de s'établir sur des fermes dont l'unité de production est à l'échelle humaine.

C'est ce que nous avons constaté auprès de nos membres et c'est aussi ce qu'a confirmé un sondage effectué auprès de 1200 jeunes des régions de Lanaudière, Nicolet et de la Mauricie par le mouvement Chrétien en milieu rural, en décembre 1983. Il ressort de ce sondage qu'au-delà de 85% des répondants signifiaient que le modèle d'agriculture qu'ils visaient était la ferme familiale.

Malheureusement, la tendance actuelle est plutôt vers la concentration. Si l'on veut sauvegarder la ferme familiale, nous croyons que cela demandera des mesures fiscales et de crédit agricole conséquent. Cela va aussi demander un effort collectif et individuel de l'ensemble des producteurs agricoles. Il va enfin falloir que l'État, dans toutes les mesures d'aide qu'il met en place pour les producteurs, ait toujours comme souci premier le développement de la ferme familiale.

Les propositions qui suivent visent donc à assurer une qualité de vie acceptable à la relève, tout en respectant le concept d'une entreprise familiale.

Le crédit agricole. La diminution progressive du nombre de fermes au Québec est un phénomène connu. Selon les données fournies par le dernier recensement, plus de 23 000 entreprises auraient disparu de la scène agricole québécoise entre 1971 et 1981. Le corollaire de cette inquiétante tendance est, bien sûr, la concentration et la spécialisation, qui ont conduit à l'agriculture fortement capitalisée que nous connaissons aujourd'hui. Au cours de la décennie soixante-dix particulièrement, le capital agricole a considérablement augmenté au Québec pour s'établir, en 1984, à 252 000 $ par entreprise, comparativement à 36 000 $ par entreprise en 1971. Ces chiffres ne prennent pas en compte la valeur des quotas de production établis pour l'entreprise moyenne à près de 50 000 $, selon les données du sondage récemment publié par la SCA. On parle donc d'un capital total équivalant à 300 000 $ par ferme aujourd'hui, près de dix fois plus qu'en 1971.

Cette situation n'est pas sans entraîner de sérieux problèmes, notamment au moment du transfert de l'entreprise, mais aussi au cours des quatre ou cinq années subséquentes à l'établissement. Il est normal que le vendeur d'une entreprise agricole réalise, au moment de la vente, l'ensemble des sommes qu'il a investies tout au long de sa vie. Par ailleurs, le transfert d'une entreprise entraîne souvent le besoin d'investir des sommes importantes en capital productif, attendu que la valeur marchande reflète rarement la capacité réelle de l'entreprise à générer des revenus.

L'important problème de liquidité qui résulte de ce qu'on vient de décrire atteint les jeunes de la relève de façon toute particulière. La marge de manoeuvre est si mince au départ que, très souvent, l'évolution nécessaire de l'entreprise se trouve gravement compromise,

Conséquemment, nous croyons que l'important levier de développement économique agricole dont dispose l'État québécois par l'entremise des lois régissant le crédit agricole pourrait et devrait favoriser davantage l'établissement des jeunes agriculteurs et agricultrices, parce que nous représentons le potentiel humain de cette agriculture compétitive et rentable dont le Québec de demain aura tant besoin.

Les propositions ci-après soumises ont pour objectif de favoriser la relève par des mesures concrètes, dont l'incidence est concentrée sur les premières années d'opération, période où une trop grande vulnérabilité peut représener un sérieux handicap pour l'avenir à moyen et long termes.

Nous demandons donc pour les jeunes au moment de leur établissement: que les maximums subventionnables de crédit agricole à long terme soient haussés de 150 000 $ à 200 000 $ pour un individu et de 200 000 $ à 250 000 $ pour un groupe; que les maximums garantis soient haussés de 250 000 $ à 300 000 $ pour un individu et de 450 000 $ à 500 000 $ pour un groupe; qu'un plafond de 8% soit fixé au taux d'intérêt sur les prêts à long terme; que tes officiers du crédit agricole soient tenus de rendre une décision dans l'étude d'un dossier dans un délai de trente jours suivant la réception de la demande de prêt et que les prêts soient consentis dans un délai d'au plus quatre-vingt-dix jours du dépôt de la demande lors d'une décision favorable; que soit constituée une commission d'appel composée majoritairement d'agriculteurs, à laquelle tout agriculteur insatisfait d'une décision de l'office concernant une demande d'emprunt pourrait en appeler de la décision. Cette commission serait consultative, mais aurait quand même un pouvoir moral considérable; que l'office ne prenne en garantie que ce qui est nécessaire pour garantir le prêt et n'exige pas de façon

automatique l'endossement personnel des actionnaires de compagnies agricoles; que le jeune qui demande un prêt à l'office soit avisé de tout changement qui pourrait être apporté à sa demande et ce, avant que le prêt soit consenti.

En plus de ces demandes, la relève agricole, par sa fédération, désire apporter deux propositions nouvelles qui sont - nous le croyons - devenues des plus urgentes à appliquer vu le contexte économique actuel.

La première, le taux croissant. Un des éléments qui contribuent très certainement aux énormes difficultés du jeune au cours de sa première année d'établissement est le fait qu'il ne peut être concurrentiel face aux producteurs déjà en production depuis un certain temps. Le jeune qui commence en production n'a acquis aucune ou très peu d'équité sur sa ferme. De ce fait, ses coûts de production sont plus élevés à cause du montant à rembourser qui est supérieur. Cette situation se doit d'être en partie surmontée par une gestion et une productivité supérieures de la part du jeune. C'est, d'ailleurs, souvent le cas, comme en témoignent les sondages 1981 et 1984 de la Société du crédit agricole. "La société y a établi que le groupe à faible avoir net était le plus productif lorsqu'on mesure le rapport entre les ventes et l'actif. En fait, le tiers des fermes qui se trouvent dans le groupe à faible avoir net sont responsables d'environ la moitié de la production alimentaire du Canada. C'est également le même groupe qui utilise la plus grande partie du crédit. Le pourcentage de l'endettement agricole provincial qui est détenu par le groupe à faible avoir net varie en 1973 et en 1985. Les agriculteurs à faible avoir net ont moins d'années d'expérience et investissent davantage dans leur ferme. "

Mais cela ne suffit pas et c'est pourquoi nous demandons: que lors de son établissement un jeune, dans le cadre des programmes de crédit agricole à long terme, ait un taux d'intérêt croissant, partant de 2% et augmentant de 1% par année et ce, jusqu'au moment où le taux croissant rejoindra le taux subventionnable en vigueur; que ce prêt à taux croissant s'applique sur un montant de 200 000 $ lorsqu'il y a un jeune d'admissible et sur un montant de 250 000 $ lorsqu'il y a deux jeunes ou plus d'admissibles; que ce prêt consenti à taux croissant ne soit pas transférable.

La deuxième proposition: participation du vendeur. Au-delà de 1000 fermes sont vendues annuellement au Québec. Les montants touchés par les vendeurs sortent de l'agriculture. Il n'existe aujourd'hui que très peu de moyens qui favorisent que le vendeur réinvestisse ou laisse les montants profiter au secteur agricole. Ajoutez à cela que selon les statistiques, plus de 90% des transferts de fermes se font de parents à enfants. Nous croyons que des mécanismes doivent être mis en place pour permettre la participation du vendeur dans le financement de la ferme.

La Fédération de la relève agricole demande que l'Office du crédit agricole favorise le financement par le vendeur, en appliquant aux prêts faits par les vendeurs de fermes aux acheteurs les mêmes avantages de garanties et de subventions d'intérêt que sur les prêts consentis par les institutions financières. Donc, on demande que ces prêts soient traités comme tout autre prêt tandem et que des mesures fiscales soient mises en place afin d'inciter le vendeur à se prévaloir de cette politique; que des modifications soient apportées à la Loi sur les impôts afin que l'individu qui investit de telles sommes dans l'économie agricole puisse bénéficier de politiques de crédit à l'impôt, pour les sommes investies, qui soient comparables aux politiques de dégrèvement d'impôt d'un REER dans le but d'inviter le vendeur à se prévaloir de ces politiques.

L'aide à l'établissement. En plus des possibilités d'obtenir un prêt à long terme, le jeune qui s'établit peut obtenir une subvention de 8000 $ en vertu de la Loi favorisant la mise en valeur des exploitations agricoles ou encore un rabais. d'intérêt sur les premiers 50 000 $ de son prêt pour un période de cinq ans et ce, en vertu cette fois de la Loi favorisant l'établissement de jeunes agriculteurs.

En 1982-1983, 954 jeunes ont opté pour la subvention de 8000 $ et 239 jeunes pour le rabais d'intérêt. La possibilité d'obtenir le rabais d'intérêt commença cependant en septembre 1982. (10 h 30)

Pour 1983-84, 587 jeunes ont choisi les 8000 $ et 579 le rabais d'intérêt sur les premiers 50 000 $ du prêt.

Face à ces données et aux demandes nombreuses exprimées par nos membres qui sont les principaux concernés par ces mesures, la Fédération de la relève demande que les modifications suivantes soient apportées auxdites lois et à leurs réglementations respectives; que le choix entre les deux types de subventions, choix qui doit prendre fin le 31 décembre 1985, soit rendu permanent; au sujet des 50 000 $, que dans le cas où un jeune choisit le rabais d'intérêt, ce rabais s'applique sur les derniers 50 000 $ de la partie subventionnable du prêt; que les 50 000 $ soient indexés à tous les trois ans.

En ce qui concerne les 8000 $, que le montant accordé en subvention en vertu de la Loi favorisant la mise en valeur des exploitations agricoles, soit porté de 8000 $ à 15 000 $ et par la suite indexé à tous les trois ans; que les normes d'affectation de ladite subvention à l'établissement soient assouplies de façon que ces sommes puissent

être affectées dans tout secteur qui augmentera la productivité et l'efficacité de la ferme; que deux époux qui sont en société au moment de leur établissement en agriculture aient droit à deux subventions à l'établissement comme c'est le cas pour deux jeunes qui ne sont pas mari et femme.

Au niveau de la fiscalité, nous avons dit précédemment que plus de 90% des transferts de fermes se font de parents à enfants. La transmission d'une ferme d'une génération à l'autre se fait nécessairement à un prix inférieur à la valeur marchande de l'entreprise, donc il y a don. Au cours des deux dernières années, le gouvernement du Québec a fait passer le montant de l'exemption entre vifs au niveau de l'impôt sur les dons de 75 000 $ à 300 000 $. Il apparaît que ce montant correspond à la réalité d'aujourd'hui. La relève agricole fut l'une des parties qui ont exercé des pressions auprès de l'État pour obtenir cette modification à l'impôt sur les dons. Notre demande était d'abolir cet impôt compte tenu que le Québec est la seule province au Canada où il existe. Notre demande aujourd'hui serait qu'au minimum ce montant soit indexé à tous les trois ans si le gouvernement refuse toujours d'abolir complètement cet impôt.

Il y a aussi eu modification au taux d'intérêt prescrit, c'est-à-dire le taux d'intérêt au-dessous duquel l'agriculteur qui prête à son enfant est réputé lui faire un don. C'est aussi une amélioration à la situation antérieure, mais là encore ce n'est qu'une demi-mesure. Nous demandions et demandons toujours l'abolition du taux d'intérêt prescrit.

Enfin, nous croyons qu'étant donné le nombre grandissant d'établissements sous forme de compagnies, l'État québécois doit exempter les compagnies agricoles de la taxe sur le capical des compagnies.

Les méthodes graduelles de transfert. Il est de plus en plus fréquent de voir des fermes de groupe en agriculture au Québec. Lorsque les agriculteurs veulent exploiter une ferme de groupe, deux choix d'encadrement juridique s'offrent à eux, soit la compagnie ou la société. Ces formes de structure légale ne s'adressent pas particulièrement au secteur agricole et de ce fait tiennent peu compte de ses besoins et de sa réalité propre.

De plus, dans un bon nombre de cas, une association parents-enfants en compagnie ou en société apparaît comme la seule façon de réaliser un transfert qui puisse être acceptable pour tous.

Dans plusieurs pays, des méthodes de transfert graduel sont appliquées. La relève agricole a eu l'occasion d'en étudier un certain nombre. Celle qui a particulièrement retenu notre attention c'est le "share-milking" en Nouvelle-Zélande. Le Producteur de lait québécois, dans son numéro de mai 1983, en traçait le portrait. En voici quelques extraits: "Ce système donne à ceux et celles bénéficiant d'un capital limité un moyen de partager les profits de la ferme, en échange de quoi l'agriculteur est soulagé de son astreignante routine de la traite quotidienne à longueur d'année. Dans le cas des formules de partage dites à 29% ou 39%, c'est-à-dire celles où le propriétaire de la ferme conserve respectivement 71% ou 61% des revenus nets d'exploitation, le travailleur à contrat fournit son travail et une partie des dépenses courantes, mais aucun capital n'est requis de sa part. Quant à l'autre forme de contrat, sur la base de partage 50/50, elle répond davantage au sens d'une association véritable. Le partenaire finance lui-même la totalité des dépenses courantes d'exploitation et généralement il est propriétaire du troupeau et de tout l'équipement nécessaire. La contribution principale de l'agriculteur consiste alors à mettre sa terre, dont la valeur commerciale est très élevée, à la disposition de celui qui exploite et gère l'entreprise laitière. "

En plus d'un cadre légal à l'établissement graduel, le "système de ce pays propose des incitatifs aux vendeurs è garder leurs argents en agriculture et institue un mode d'épargne-établissement".

Une telle solution a aussi l'avantage de permettre l'établissement des jeunes qui ne sont pas producteurs. Me Daniel Ferron, conseiller juridique à l'Union des producteurs agricoles, a aussi fait une analyse des différents aspects du système du "share-milking" néo-zélandais.

Nous croyons que le ministère du Revenu, ainsi que celui de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, avec l'UPA et la Fédération de la relève agricole devraient se donner un comité de travail qui étudierait les possibilités d'adaptation et d'application de nouvelles méthodes de transfert graduel chez nous.

Nous croyons aussi qu'il est devenu urgent qu'un nouveau statut juridique adapté aux fermes de groupe en agriculture soit créé. Le comité dont nous avons proposé la création au paragraphe précédent pourrait sûrement travailler des hypothèses dans ce sens.

La banque de terres. En 1979, le gouvernement du Québec adoptait la loi permettant de créer une banque de terres arables. En février 1981, les règlements entrent en vigueur. La crise économique a forcé le gouvernement à réviser ses priorités, de sorte qu'il a dû différer la mise en opération de la banque de terres.

La relève agricole considère la banque de terres comme un élément positif. Elle y voit comme avantage une réduction parfois très importante des besoins en capitaux et, par le fait même, des remboursements de

capital durant les premières années.

Depuis quelques semaines, on nous dit que la banque de terres est en opération. On nous parle de priorités d'intervention arrêtées par l'État et dans des zones identifiées. On nous parle aussi de développement de la production céréalière. On nous dit aussi que les objectifs poursuivis par cette loi sont de favoriser la relève agricole et l'expansion des fermes familiales rentables.

La banque de terres apparaît à la relève agricole comme une solution des plus intéressantes, mais dans sa mise en opération nous manifestons certaines craintes.

Ce que la relève agricole demande dans ce dossier, c'est que des comités tripartites (MAPAQ, UPA, relève) soient mis en place dans chacune des régions du Québec afin de déterminer les priorités d'action de la banque de terres chez eux; qu'à partir des priorités régionales retenues, le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation investisse des sommes pour réaliser ces priorités; que dans la mise en opération de la banque de terres, la priorité de location et d'achat éventuel des terres de la banque soit accordée aux jeunes qui désirent s'établir.

L'agriculture à temps partiel. Ce que la relève agricole veut, c'est, bien sûr, faire de l'agriculture à temps complet et pour en vivre convenablement. Cependant, depuis toujours au Québec, et particulièrement dans certaines productions, on rencontre des gens qui font de l'agriculture à temps partiel. De plus, l'inflation des années soixante-dix et le contexte économique difficile des années quatre-vingt favorisent, dans une certaine mesure, des débuts à temps partiel en agriculture.

L'Office du crédit agricole administre un programme en faveur des gens qui désirent débuter en agriculture à temps partiel. Bien que, pour nos membres, ce type d'agriculture ne soit pas un objectif en soi, mais plutôt, dans certains cas et dans certaines productions, une situation quasi obligatoire avant un établissement définitif, nous croyons que l'aide de l'État aux aspirants agriculteurs est insuffisante.

La Fédération de la relève agricole demande donc que l'aspirant agriculteur puisse jouir d'une période de dix ans, plutôt que de cinq pour compléter son établissement; qu'au moment de son établissement définitif, il puisse avoir droit, comme tout jeune qui s'établît, à la subvention prévue à la Loi favorisant la mise en valeur des exploitations agricoles ou, selon son choix, au rabais d'intérêt prévu a la Loi favorisant l'établissement des jeunes agriculteurs, ce qui n'est pas toujours le cas aujourd'hui; que dans le mode de calcul des taux rattachés au prêt fait aux aspirants agriculteurs l'on passe de 12% plus la moitié de la différence à 7% plus la moitié de la différence.

En conclusion, la décennie 1980 sera pour l'agriculture au Québec une plaque tournante, soit vers une large concentration ou vers le maintien de la ferme familiale.

Des représentants de la Fédération de la relève agricole se sont rendus aux États-Unis pour y étudier la situation des jeunes de la relève agricole. Dans les États visités, on ne parlait déjà plus de transfert de fermes. Les exploitations agricoles étaient rendues d'une taille telle qu'il était quasi impossible pour un jeune de réussir à amasser suffisamment de capital pour s'établir.

Les jeunes de la relève agricole désirent devenir producteurs et non des travailleurs agricoles spécialisés à la solde de grosses compagnies. Nous croyons que l'ensemble de la société québécoise et, particulièrement, l'État et les intervenants du secteur agricole doivent se faire un devoir de tout mettre en oeuvre pour assurer la survie et le maintien de la ferme familiale en agriculture chez nous.

Le présent mémoire contient un ensemble de propositions et de demandes qui, nous le croyons, tendent à rendre plus accessible et surtout plus viable la ferme familiale. En cette année 1985, Année internationale de la jeunesse, l'État et l'ensemble des intervenants doivent se concerter pour mettre en place les mesures qui sauront assuré à l'agriculture une relève agricole capable de relever les défis de demain. La seule façon d'assurer la survie de la ferme familiale, c'est de bâtir aujourd'hui l'agriculture de demain.

M. Marcil: II y aurait peut-être deux petits points sur lesquels j'aimerais attirer votre attention. Le premier concerne l'aide à l'établissement. On dit dans notre mémoire que le choix est supposé être aboli le 31 décembre 1985. On trouve primordial que ce choix reste; comme on ne sait pas ce qui s'en vient, il faudra que des mesures soient prises très prochainement pour pouvoir garder ce choix.

Une autre chose, c'est sur le taux croissant. Comme on a déposé notre mémoire en décembre 1984, tel que demandé, après étude plus poussée, on trouve que le système que l'UPA préconise, en partant de 3% et en augmentant de 0, 5% par année, est plus réaliste pour un jeune; mettons, sur dix ans, c'est plus facile de rencontrer le taux de l'office que le nâtre qui part de 2% et qui augmente de 1% par année.

Le Président (M. Vallières): Je vous remercie. Avant de passer la parole au député de Saint-Hyacinthe, j'aurais une question, que j'ai déjà posée, d'ailleurs, à un autre organisme. Vous ne faites pas allusion, dans votre mémoire, à la question de l'achat

de quotas. Vivant dans un comté rural, j'ai beaucoup de jeunes qui sont en agriculture et qui m'indiquent que c'est très difficile de rivaliser avec les producteurs qui sont déjà dans le métier depuis un bon moment afin de procéder à l'achat de quotas quand ils veulent en devenir acquéreurs.

Est-ce que vous reconnaissez que c'est un problème pour le jeune producteur d'acquérir ce quota parce qu'il a de la difficulté à rivaliser avec celui qui est déjà fermement établi? Si vous reconnaissez que c'est un problème, est-ce que vous avez des suggestions à faire afin de permettre aux jeunes producteurs agricoles d'acquérir des quotas? À moins que, de façon implicite, on ne retrouve à l'intérieur de toutes les suggestions que vous nous faites suffisamment de latitude pour que ça règle le problème. Sur cette affaire des quotas, voudriez-vous faire une suggestion bien particulière ou si les mesures que vous proposez là permettraient aux jeunes, dans le système actuel, d'avoir accès aux quotas sans problème?

M. Marcil: Je pense que, justement, sur le contingentement dans toutes les productions, c'est un point dont on a discuté au conseil d'administration et avec tous nos membres, à savoir si on apportait ici des solutions ou si on était mieux d'en parler avant avec ceux qui les ont entre les mains, c'est-à-dire les fédérations de producteurs qui ont des contingentements à contrôler. Présentement, on a fait des propositions à ces fédérations. C'est pour ça qu'on n'a pas senti le besoin de soulever cette question ici devant la commission parlementaire. André pourrait compléter.

M. Drapeau: Les jeunes ont élaboré au cours de la dernière année des propositions concrètes qui sont déposées, comme M. Marcil l'a dit, aux différentes fédérations qui sont concernées et touchées par ça, des propositions qui ont carrément pour objectif de favoriser l'accès des jeunes à ces productions. On sait qu'il y a différents intervenants qui sont passés devant la commission ou qui vont passer devant la commission, qui vous ont proposé des hypothèses de solution. Un des intervenants a pris une hypothèse de solution que nous avions élaborée.

Le Président (M. Vallières): Vous faites allusion à la Chambre des notaires?

M. Drapeau: À la Chambre des notaires. Comme M. Marcil vous l'a dit, notre position a été de ne pas apporter nos propositions devant la commission, compte tenu qu'on est en discussion avec les fédérations concernées. C'est clair que c'est une préoccupation importante de la relève agricole.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Saint-Hyacinthe.

(10 h 45)

M. Dupré: Merci, M. le Président. Dans un premier temps, au nom du parti ministériel, je voudrais vous remercier d'avoir répondu à notre appel. Deuxièmement, c'est certain que ce n'était pas une surprise de recevoir votre mémoire, considérant que ça portait effectivement sur la relève agricole, mais je dois souligner les propositions très intéressantes que vous avez dans votre mémoire.

Naturellement, j'ai quelques questions à vous poser. À la page 3, lorsque vous parlez d'échanges que penseriez-vous s'il y avait des échanges de fermes entre les étudiants, c'est-à-dire qu'un étudiant irait travailler sur la ferme d'un de ses collègues alors que celui-ci travaillerait à la ferme de ses parents? Ainsi, aucune ferme ne serait privée de main-d'oeuvre.

M. Marcil: 5ur le temps des stages. Je pense qu'il y a des institutions qui essaient de l'appliquer le plus possible, mais ce n'est pas toujours possible. C'est surtout dans le temps où tous les étudiants sont à leurs cours. La clientèle, il n'y en a pas, autrement dit; on ne peut pas faire d'échanges d'étudiants. Souvent les étudiants sont obligés de se déplacer de 50, 60, 70 et 100 milles même; ils ne peuvent pas toujours retourner chez leurs parents. Je ne sais pas si la question était dans ce sens?

M. Dupré: À la page 5, vous dites: "II y a les groupes de l'UPA et ceux du ministère. " Est-ce que vous pourriez m'expliquer en quoi cela consiste? Est-ce que ce sont deux clans?

M. Drapeau: Non. Là-dessus, comme on le précise dans notre mémoire, il est bien clair que le ministère, de 1975 à aujourd'hui, a et, on l'espère, continue d'avoir une place importante auprès de la relève. Le ministère, de 1975 à 1979, a fait un effort important pour que les jeunes de la relève se prennent en charge. L'effort a abouti, les jeunes se sont pris en charge et ils ont choisi de se donner une structure régionale et une structure provinciale, mais cette structure leur appartient.

Il y a des tiraillements - je pense qu'il ne faut pas se conter des peurs et on n'est pas ici pour se faire des cachettes - qui existent entre le ministère de l'Agriculture et certains conseillers qui, à un moment donné, compte tenu que les jeunes se regroupent régionalement en syndicats affiliés à l'UPA, se sentent un peu lésés par cela. Ils ont peur de perdre leurs jeunes et en même temps peut-être de perdre une partie

de leur emploi.

Ce sont des craintes, à notre point de vue, qui sont non fondées, compte tenu que ce sont les mêmes jeunes qui utilisent les services du ministère, qui utilisent les services de l'UPA et ces jeunes, finalement, ont besoin des deux aussi. Ils ont besoin de l'UPA pour faire fonctionner la structure qu'ils se sont donnée. Ils ont besoin du ministère à cause des importantes actions de formation que le ministère fait auprès de la relève et à cause de tout un bout au niveau de l'individuel que les jeunes sont difficilement capables de faire seuls et que l'UPA n'a pas comme mission de faire. Plusieurs personnes disent: II y a des groupes de l'UPA et des groupes du ministère, mais ce sont les mêmes groupes finalement. Ce sont simplement des tiraillements de permanents. Ce ne sont pas des tiraillements de jeunes.

M. Dupré: À la page 7, vous dites que l'Agriculture, avec ses conseillers locaux et régionaux en relève, "est un intervenant majeur et indispensable". Il en a été question avec les autres groupes que nous avons rencontrés hier au cours de la journée. Est-ce que vous pourriez me dire, selon vous, selon votre appréciation, si vous les considérez peu compétents, compétents ou très compétents? Est-ce qu'ils remplissent réellement leur rôle?

M. Marcil: Tout dépend des régions. Je pense qu'il y a des places où ils sont très compétents. À d'autres places, s'ils ont le temps ou s'ils ont le goût, ils vont s'en occuper et ils vont être compétents selon ce qu'ils vont bien vouloir. Mais il y a des régions où cela va très bien et il y en a d'autres où il n'y a presque aucun souci pour la relève.

M. Drapeau: Je pense que la mesure qu'on peut mettre là-dessus, c'est le gars ou la fille qui choisit d'investir pour un conseil régional 50% de son temps, c'est parce qu'il y a de l'intérêt et lui ou elle est compétent. Celui qui, parce qu'il a moins d'intérêt ou pour quelque raison que ce soit, n'investit pas ou peu de son temps, forcément, s'il n'a pas d'intérêt, il ne sera pas compétent. Je pense qu'on peut dire que de façon générale si les personnes choisissaient de s'impliquer et si elles décidaient d'investir de l'énergie auprès de la relève, elles seraient compétentes.

M. Dupré: Est-ce qu'il y en a qui jouent moins leur rôle que d'autres dans certaines productions, dans certaines catégories?

M. Drapeau: Ces intervenants du ministère, particulièrement auprès de la relève, ne sont pas là pour intervenir comme habituellement c'est leur rôle, au niveau de conseils techniques en production. Ils sont là plus pour aider les jeunes, par exemple, à faire leur démarche d'établissement de façon correcte, plus pour travailler avec les jeunes au niveau de la formation que le jeune devrait obtenir en dehors des institutions d'enseignement. Dans notre mémoire, on donne comme exemples les sessions parents-enfants, c'est-à-dire des sessions qui regroupent des parents et des enfants où ils doivent se parler du transfert de la ferme, chose qu'il est peut-être, à l'occasion plus difficile de faire sans encadrement de ce type.

M. Dupré: À la page 8, vous dites, à la fin du troisième paragraphe: "Il est è notre point de vue des plus importants que les différents intervenants travaillent en étroite collaboration les uns avec les autres, ce qui n'est malheureusement pas toujours le cas actuellement". Pouvez-vous me dire à quelle place les malaises sont?

M. Marcil: Au niveau de la formation, cela s'est amélioré depuis quelques années, mais les jeunes étaient tiraillés sur tous les bords pour suivre des cours, etc., et on ne savait même plus où donner la tête. Il y avait le ministère de l'Éducation, il y avait le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, il y avait les commissions scolaires, il y avait la commission de formation professionnelle. On ne savait même pas qui était qui au niveau de la formation et où on allait se "garrocher" pour avoir des bons cours. Tout le monde en offrait, mais où allait-on les prendre et de quel bord c'était le plus rentable pour nous?

M. Dupré: Vu que nous sommes sur le sujet, hier j'ai posé quelques questions aux représentants du Collège Macdonald. J'aimerais connaître les étapes à suivre et à poursuivre. On sait que dans certains collèges, surtout anglophones, on peut accéder plus facilement à des échelons supérieurs d'éducation. Selon vous, quel est le vrai chemin ou le meilleur chemin qu'un jeune doive suivre?

M. Marcil: Cela dépend toujours de ce qu'il veut se donner au bout.

M. Dupré: Comme exploitant ou comme agronome.

M. Marcil: Je pense que l'étudiant qui fait son cours secondaire, qu'il fasse son agro-technique et, après cela, qu'il aille au cégep, il lui manque un petit quelque chose, c'est de la formation académique. C'est officiel. C'est ce que les institutions disent

et elles forcent les gars à apprendre la biologie qui n'est pas obligatoire au cours d'agro-technique, etc. Ce ne sont pas des cours qui se suivent. Le gars qui va faire son secondaire V régulier et qui s'en va dans les institutions, que ce soit au cégep ou aux instituts, cela va bien, mais encore là il lui en manque un bout peut-être sur la production. Après cela, au niveau du cégep et de l'université, il n'y aucun lien, ce n'est pas compliqué. Un gars qui a un cours de cégep comme technicien pour entrer à l'université en agronomie ou quelque chose comme cela, il est presque obligé de faire un an de rattrapage, autrement dit un an de cours plus général.

M. Dupré: C'est quoi? C'est chimie, physique et biologie.

M. Marcil: Au niveau du secondaire, c'est la biologie. Pour l'avoir fait et l'avoir constaté, je pense qu'il y a aussi les mathématiques. Cela dérange un peu le gars quand il arrive pour faire de la gestion financière, etc. Au niveau de l'agronomie, là je ne peux pas vous le dire; peut-être qu'André pourrait vous dire plus les cours qu'il peut lui manquer.

M. Drapeau: Je ne le sais pas, non plus.

M. Dupré: Dans les demandes que fait la relève agricole au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, toujours à la page 8, en bas, vous demandez "qu'au moins trois professionnels soient affectés à la relève agricole à temps plein". Au moment où l'on se parle, combien y en a-t-il?

M. Marcil: On en demande trois ou quatre. Ils sont ce nombre-là.

M. Dupré: "Qu'au moins trois professionnels soient affectés à la relève agricole à temps plein. "

M. Marcil: Au niveau du ministère.

M. Dupré: Cela est au niveau du ministère.

M. Marcil: Oui. Là, ils sont ce nombre, mais je ne suis pas sûr qu'ils travaillent tout le temps en collaboration.

M. Dupré: Je sais que vous vous inquiétez beaucoup aussi de la ferme à l'échelle humaine ou familiale qui est toujours très difficile à définir. Est-ce que ce sont les frères, les soeurs ou deux... Je ne vous demanderai pas de la définir mais, tout de même, on sait - vous l'avez mentionné dans votre mémoire - qu'aux

États-Unis, ce n'est presque plus possible pour des jeunes d'essayer d'acheter une ferme. Ce ne sont plus des fermes; là on peut réellement dire que ce sont de grosses compagnies. Une de vos craintes - d'ailleurs, c'est celle aussi d'à peu près tous ceux qui s'occupent de l'agriculture - c'est que les fermes au Québec grossissent et augmentent de plus en plus. Ce n'est plus 300 000 $ -c'est un minimum de départ - mais, pour être viable souvent et pour faire vivre une famille, c'est 800 000 $, ou 1 000 000 $. Â ce moment, vous vous inquiétez, vous aussi, mais comment va-t-on y mettre fin, à cela?

M. Marcil: C'est par la concertation de tout le monde. Je pense que la ferme familiale, pour en donner une définition, c'est quasiment clair dans la tête de tous les gars; ils en ont presque tous une. Mais quand ça arrive pour nous sortir de la bouche, il n'y en a pas un qui dit pareil.

Je pense qu'en collaboration avec l'UPA, il y a de bonnes réflexions qui se font. C'est sûr qu'avancer des chiffres, il y en a un qui dit un chose et l'autre va dire autre chose. Mais je pense qu'il y a des bonnes bases, je pense, qui sont déjà là et qu'il faut commencer à regarder sérieusement. Je suis d'accord avec vous qu'il va falloir y voir en concertation si on ne veut pas...

M. Dupré: Mais c'est fort possible de réussir dans ce domaine parce que, quand on voit les gagnants du mérite agricole, depuis plusieurs années, ce sont des fermes familiales, en somme. Parfois ce sont deux familles ou le père et le fils avec la fille.

Lorsque vous parlez, à la page 13, que soit constituée une commission d'appel, cela ne tombe pas dans l'oreille d'un sourd. Déjà, on a fait une recommandation semblable unanimement ici. Hier, on a réitéré la demande au ministre de ne pas attendre le débat à l'Assemblée nationale sur le rapport que nous avons déposé le 13 décembre. Je pense que c'est très heureux.

Lorsque vous parlez de la question des 50 000 $, à un moment donné vous dites: "Avec un rabais d'intérêt". On sait que les 50 000 $, c'est sans intérêt. C'est un rabais à zéro. Lorsque vous dites que ce serait mieux sur les derniers 50 000 $ que sur les premiers 50 000 $, j'aimerais avoir des explications là-dessus. Pourquoi est-ce beaucoup plus avantageux sur les derniers que sur les premiers?

M. Marcil: C'est avec la partie qui dit que les prêts que nos pères ont déjà, c'est transférable. Nos pères ont encore des parties à 2 1/2% et ils ont encore des parties fixes. Alors, sur les premiers 50 000 $, on perd tout cela. C'est pour cela que souvent le choix...

M. Dupré: Vous voulez aller en chercher des deux bouts.

M. Marcil: C'est ça.

M. Dupré: Il n'y a rien comme le demander. II y a une chose que je trouve très intéressante, c'est lorsque vous parlez, à la page 17, de "deux époux qui sont en société au moment de leur établissement". Je pense que cela vient contrecarrer ou cela vient, en tout cas, justifier, parce qu'on le sait, s'ils demeurent tout simplement ensemble, ils peuvent avoir les deux montants, tandis qu'une fois qu'ils sont mariés, ce sera un désavantage d'être marié en agriculture.

M. Marcil: Là-dessus, il y a un pourcentage qui va et un pourcentage qui ne va pas. Il me semble que c'est selon les conseillers, selon la vision du conseiller de l'office, de la société ou tout cela. On dit cela, mais il reste qu'il ne faut pas faire des sociétés pour faire des sociétés, par exemple. II faut vraiment que le travail soit là. Si l'épouse travaille en dehors et qu'elle n'est pas impliquée du tout dans l'agriculture, elle n'a pas raison d'avoir droit à cela.

M. Dupré: La formule dont vous parlez de la Nouvelle-Zélande, pensez-vous que cela pourrait être applicable ici?

M. Drapeau: On ne pense pas, nous, que cela pourrait être applicable intégralement, mais il existe des choses en France, il existe des choses en Nouvelle-Zélande. On se dit qu'il y a sûrement quelque chose à tirer de tout cela. Il existe même des choses au Québec dans le transfert des fermes de tabac. On se dit qu'il faut absolument, c'est devenu urgent, trouver une hypothèse applicable à notre réalité québécoise. On ne pense pas qu'on peut prendre la formule de la Nouvelle-Zélande et l'appliquer intégralement ici, non.

M. Dupré: Est-ce que cela fait longtemps et quels sont les résultats concrets de cela pour dire que c'est attrayant? Vous êtes les deuxièmes ou les troisièmes à se présenter ici qui soulignent ce modèle-là. Quels sont les points forts qui ressortent de cela? Il doit y avoir des avantages très considérables. (11 heures)

M. Drapeau: Oui, c'est depuis le début des années trente que cela existe, depuis 1937 que cela existe en Nouvelle-Zélande. L'avantage marqué qu'on voit à cette chose-là, c'est que cela fournit un encadrement juridique aux transferts graduels de fermes, un encadrement juridique minimal. Cela veut dire qu'il n'y a pas de transfert de fermes graduel qui peut se faire en bas des conditions minimales indiquées dans la loi.

On n'est pas allé en Nouvelle-Zélande. On n'a pas parlé avec des Néo-Zélandais. Mais, à partir des informations qu'on a recueillies là-dessus, il semble que ça fonctionne relativement très bien et que c'est finalement devenu, dans le cas du lait en Nouvelle-Zélande, une des seules façons de pouvoir transférer une ferme.

M. Marcil: Surtout que, dans ce pays, le fonds de terre est très coûteux. C'est comme en France. En France, le fonds de terre est très coûteux. Alors, la valeur des terres prend des... Elles se patent de génération en génération. La formule est adaptée pour là-bas. Je pense que, pour ici, il y aurait moyen de s'asseoir tout le monde et de regarder ça vraiment.

C'est avantageux parce que le jeune, au lieu de travailler cinq ou six ans pour se ramasser un peu de capital, est impliqué dans les décisions et dans le revenu aussi.

M. Dupré: Une question que je me pose. On en a discuté souvent et on a parlé d'une banque agricole et tout ça. Mais, avec les nouveaux éléments que vous apportez, que l'argent demeure là par le vendeur ou le père ou qu'il y ait des intervenants ou des capitaux qui viennent de l'extérieur, je pense qu'il serait facile d'investir des capitaux importants, si on avait des rabais d'impôt qui seraient valables, comme le REER.

Je ne vois même plus l'utilité - en tout cas, vous me le direz - que ce soit le vendeur qui laisse son argent là. Cela va être aussi intéressant pour l'industriel ou pour quelqu'un à l'extérieur de l'agriculture, qui a de l'argent à placer, si les rabais d'impôt sont très importants et qu'ils sont valables. À ce moment-là, pourquoi ne pas ouvrir cela plus largement à la population et dire: Si vous investissez en agriculture, il y a tel ou tel avantage fiscal? Celui qui vend, s'il veut le laisser là pour avoir ces avantages-là, il le laisse là. Mais, moi, je ne restreindrais pas ça aux vendeurs, mais j'ouvrirais la porte à tous ceux qui veulent investir en agriculture, avec des rabais intéressants, alléchants.

M. Drapeau: Notre constatation là-dessus, M. Dupré, c'est qu'un système comme celui que vous nous présentez, ça existe. Cela existe particulièrement en France. Cela existe aussi en Nouvelle-Zélande. C'est ouvert plus qu'aux agriculteurs, vendeurs de fermes. C'est ouvert à la population en général, sauf que, dans ces deux pays que nous, on a plus étudiés, ça se fait par des banques spécialisées en agriculture. C'est évident que c'est une situation idéale. Plus il va y avoir d'argent, moins ça va être difficile d'en avoir.

En tout cas, la constatation qu'on peut

faire là-dessus, c'est que c'est souhaitable qu'il y ait des mesures fiscales qui soient accessibles à tous. Mais l'application de ça, on constate, nous, que dans les deux pays qu'on a plus particulièrement étudiés, cela se fait par l'intermédiaire d'une banque. Si c'est faisable sans banque, bravo!

M. Marcil: Il y a toujours un pourcentage. En passant par une banque, c'est officiel qu'il y a un pourcentage. Même s'il n'est pas gros, on voudrait le récupérer, celui-là.

M. Dupré: Un dernier point que je voudrais souligner, c'est lorsque vous demandez l'exemption de taxe sur le capital investi. Déjà, ça fait une couple d'années que j'y travaille fortement. L'année dernière, on a passé à un cheveu de l'avoir, en fin de compte, avec notre rencontre avec l'UPA, à la dernière minute; on a réussi à augmenter à 300 000 $ le don père-fils, mère-fille. Cette année, en plus, je fais partie du comité du budget. Mais je pense que, pour certains, c'est une taxe assez lourde, considérant le montant de capitalisation que ça prend dans l'agriculture versus l'industriel et le commerçant. Je vous remercie de vos réponses.

Le Président (M. Vallières): Merci. Juste avant de passer la parole au député de Maskinongé, j'aimerais savoir de votre groupe si c'est possible d'obtenir une copie de l'analyse qu'a faite Me Daniel Ferron, de l'Union des producteurs agricoles, au sujet du système de "share-milking" néo-zélandais. Est-ce que vous avez cette analyse en votre possession?

M. Drapeau: Oui, on l'a en notre possession, sauf que c'est un document de l'UPA; il faudrait que vous le demandiez à l'UPA. Ce n'est pas nous, finalement, qui avons fait faire cette étude.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Là-dessus, est-ce que vous pourriez vous informer auprès de l'UPA? Plutôt que d'acheminer nous-mêmes officielle une demande à l'UPA, je ne sais pas si vous ne pourriez pas vérifier avec l'UPA s'il n'y aurait pas possibilité de l'avoir. Si on vous donne le O. K., vous pourriez le faire parvenir au président de la commission.

Merci, M. le Président. Je pense qu'il ne pouvait y avoir d'interlocuteur plus valable que la Fédération de la relève agricole pour discuter, justement, des problèmes de relève, des problèmes d'endettement et de financement, et au nom de ma formation politique, je vous remercie de ce mémoire qui est très intéressant. Nous allons essayer ensemble d'avoir certaines conversations qui puissent donner un éclairage additionnel aux points que vous avez soulignés, peut-être aussi sur d'autres points dont il n'a pas été fait mention dans votre mémoire, mais qui, à mon avis, mériteraient une attention toute spéciale.

Une simple question d'information pour commencer. Vous avez parlé tantôt d'une association qui regroupe environ 1300 jeunes, si j'ai bien compris. Pourriez-vous me donner rapidement la ventilation de ces jeunes par région? Le but de ma question, c'est de savoir s'il y a des régions où vous êtes absents complètement ou très peu représentés et de savoir s'il n'y a pas de carence dans certaines régions du côté de la relève.

M. Drapeau: Actuellement, il y a quatre régions où on n'a pas de représentation, à savoir l'Abitibi, la Gaspésie, Nicolet et la Mauricie, sauf qu'on peut vous dire qu'on y travaille et qu'on prévoit qu'au cours de la prochaine année fort probablement au moins trois de ces quatre régions auront un regroupement régional, soit un syndicat à l'intérieur de notre fédération ou autre, parce que notre objectif, ce n'est pas d'avoir quatorze syndicats partout. Si c'était ça, ce n'est pas compliqué dé partir un syndicat; notre objectif, c'est d'avoir des syndicats qui savent pourquoi ils sont en syndicats et ce qu'ils veulent faire.

Dans ce sens, on a des contacts avec les jeunes de ces régions, mais la décision, ce sont eux qui la prendront; ce ne sera pas nous qui la prendrons pour eux.

M. Picotte: Vous parliez plus loin d'une étude qui a été faite chez des jeunes de la Mauricie, entre autres. Là, vous dites qu'il n'y a pas de fédération; est-ce que ça relève du mouvement Chrétien en milieu rural? Est-ce que c'est ça qui est l'équivalent? Je ne veux pas parler d'équivalence, mais...

M. Drapeau: Non, c'est le mouvement Chrétien en milieu rural, de sa propre initiative et par l'intermédiaire de ses membres agriculteurs adultes, qui a identifié trois régions, qui sont Lanaudière, Nicolet et la Mauricie, pour faire ce sondage. Je pense qu'il aurait pu prendre 3 autres régions et que ça n'aurait rien changé.

M. Picotte: Pour l'Abitibi-Témiscamingue, je comprends peut-être un peu plus qu'il n'y ait pas d'association, mais dans une région comme la Mauricie, par exemple, qui est riche en relève agricole habituellement et où il y a du dynamisme un peu, à Nicolet aussi, pourquoi n'avez-vous pas de fédération là? Est-ce parce que vous n'avez pas eu le temps de monter un groupe ou si c'est parce que les jeunes n'ont pas

été conscientisés ou n'en ont pas senti le besoin?

M. Drapeau: Non. Là-dessus, c'est bien simple. Si on identifie des régions comme l'Abitibi et la Gaspésie, dans ces régions-là, il y a des groupes de relève, des groupes locaux de relève. Il y a des groupes, mais la difficulté de ces jeunes à se donner un regroupement régional, ce sont les distances. Quand il y a un groupe à un bout du Témiscamingue et l'autre à l'autre bout de l'Abitibi, c'est plusieurs centaines de milles pour réussir à se rencontrer. En Gaspésie, c'est la même chose.

Pour les régions de la Mauricie et de Nicolet, le fait que nous ne soyons intervenus d'aucune façon dans ces régions à l'heure actuelle est dû, finalement, au fait qu'il existe, particulièrement dans la région de Nîcolet, des groupes de jeunes ruraux qui sont là depuis 30 ou 35 ans et qui regroupent des enfants de 12, 13, 14, 15, 16 ans, mais qui regroupent aussi des individus, des jeunes adultes de 16, 18, 20, 21, 25 ans. Ces groupes de jeunes ruraux n'ont pas de préoccupation quant à la relève agricole, mais nous, on a choisi de ne pas faire d'intervention dans ces régions pour respecter ce qui existait déjà. On s'est dit: Si les jeunes manifestent des besoins ou un intérêt à se regrouper dans la relève agricole, ils savent qu'on existe, on a des contacts avec eux et, n'importe quand, ils peuvent venir nous voir. Là-dessus, je peux vous dire que, mercredi soir prochain, dans la Mauricie, à la demande des jeunes - il existe trois groupes dans cette région - on va rencontrer trois groupes de jeunes pour leur expliquer ce qu'on est et ce qu'on fait.

M. Picotte: Vous avez le principe, dans ces coins, de courtiser et non de violer.

M. Drapeau: Absolument.

M. Marcil: Je pense que les jeunes ruraux ont un rôle important de formation au niveau social; ils sont très présents et ils le jouent très bien. Ils jouent très bien leur rôle. Ce serait même plaisant d'en avoir partout, je pense que cela ferait de la relève à la relève.

M. Picotte: D'accord. Il y a quelque chose dans votre mémoire qui est absent, à mon avis, et qui, lors de nombreuses rencontres avec certains jeunes de ma région, a été soulevé. Malheureusement, je n'ai rien vu dans votre mémoire concernant la protection du territoire agricole. On sait très bien qu'il est de plus en plus question, surtout pour la relève, quand ils veulent s'approprier les terres, de morcellement de terre. Il n'est pas rare chez nous qu'un agriculteur possède trois terres et que, finalement, le jeune qui veut se lancer en agriculture ne puisse pas se permettre d'acheter les trois, c'est trop gros, la valeur est trop forte. Souventefois, on demande un morcellement dans le sens qu'on voudrait en avoir seulement une partie, une partie qui est viable aussi parce que, forcément, elle est viable. Les jeunes se butent à une réglementation qui est passablement sévère et stricte. Est-ce qu'il a été porté à votre connaissance des problèmes face à la réglementation et à l'application de cette réglementation au sujet de la protection du territoire agricole?

M. Marcil: Je pense que la toi a été faite pour protéger les sols agricoles présentement et pour l'avenir. On est très d'accord avec vous, mais vous dire qu'on a reçu des problèmes vraiment des jeunes, qu'on en a parlé vraiment à des assemblées et qu'on a étudié des cas, etc., non, ce n'est pas venu. Il reste qu'il faut être très prudent parce qu'on veut conserver nos terres. Il pourrait y avoir des modifications ou quelque chose du genre pour faciliter des choses comme celles-là qui sont vraiment typiques. Il faut se baser sur des faits réels et vraiment voir le milieu parce que, si on morcelle une terre strictement pour en enlever une partie qui est moins rentable que les autres, je pense que cela n'a peut-être pas sa raison d'être.

M. Picotte: C'est évident qu'il y a une question de rentabilité, je n'en discute d'aucune façon, sauf que vous conviendrez avec moi que, de plus en plus, il n'est pas rare de remarquer dans nos rangs, en milieu rural, des individus qui possèdent trois et quatre terres sur des lots consécutifs. Quand arrive le temps de vendre cela, c'est évident que, tout en exprimant le souhait et tout en s'assurant qu'un morcellement soit viable pour un agriculteur qui veut s'y installer, il reste que, chez nous, cela amène certains problèmes. Souventefois, à cause d'une réglementation trop sévère, on dit: II n'est pas question de morceler, puisqu'il s'agit de morcellement, et le jeune doit acheter les quatre ou ne pas en acheter du tout. C'est un problème réel qui existe, mais, de toute façon, on n'a pas eu de représentations trop fortes là-dessus jusqu'à maintenant.

Un autre point. J'aimerais savoir comment vous voyez le transfert des fermes à gros capital d'une ferme, par exemple, de 1 000 000 $. Je ne parle pas de financement parce qu'on les connaît, les problèmes de financement, mais je parle surtout au point de vue de la gestion et au point de vue technique. Est-ce que, chez vous, cela vous a inquiétés? Je ne sais pas, il y a des fermes qui valent 1 000 000 $ et, quand arrive le temps du transfert, c'est évident que le fils qui voudrait prendre la

relève du père dont la ferme vaut 1 000 000 $ a non seulement des problèmes de financement, mais j'imagine qu'il a des problèmes de gestion au point de départ et des problèmes d'ordre technique aussi. Il n'y a pas de comité chez vous, il n'y a pas d'études qui se font de ce côté? {11 h 15)

M. Marcil: Ce qui est clair pour la relève, c'est qu'on ne vise pas à transférer des fermes comme cela. Mais ce sont de gros problèmes que cela apporte au niveau des parents et des enfants. Il reste que cette ferme est peut-être aussi rentable, et peut-être plus rentable, qu'une plus petite, mais cela a peut-être été monté, cette ferme, pour donner de l'ouvrage aux jeunes, pour garder son monde. Il y a quelques années on disait: Les fermes de groupe, c'est l'avenir, c'est là que la rentabilité va se trouver et c'est là qu'on va avoir une qualité de vie, surtout. Ces années-ci, on commence déjà à diminuer et à dire: Ces fermes, si l'on peut les casser en deux pour qu'elles restent aussi rentables, ce serait bon.

M. Picotte: C'est là le problème. Si, à un moment donné, tu n'es pas capable de la morceler, qu'elle vaut 1 000 000 $ et que le jeune n'est pas capable de l'acheter tu risques de te retrouver avec des situations qu'on a connues il n'y a pas si longtemps, où des Européens venaient acheter des terres chez nous à gros prix. Non seulement cela incitait à faire augmenter le coût d'achat des fermes, mais ils arrivaient dans un contexte complètement différent de celui auquel ils étaient habitués et, même, ces gens ont de sérieux problèmes. J'ai eu à mon bureau des Européens qui ont acheté des terres chez nous. Là, ils viennent nous voir, ils se sentent lésés et ils disent, tout simplement, que ce n'est pas le type ou le genre d'agriculture qu'ils s'entendaient à avoir ici. D'autant plus que je suis un de ceux qui prétendent qu'il faut de plus en plus que notre cheptel familial ou agricole puisse être transféré ou revendu à des gens du milieu comme tel pour le conserver, si on veut en arriver le plus possible à la définition de fermes de type familial. C'est bien important de le savoir. C'est pour cela que je me demandais si, effectivement, il y avait eu des études de faites de ce côté.

M. Drapeau: M. Picotte, ce que l'on constate aussi, c'est qu'habituellement, lorsqu'une ferme est rendue à une valeur de 1 000 000 $, les parents ont plus qu'une personne à qui la transférer. S'ils ont monté leur ferme à cette grosseur, c'est qu'ils ont des fils et des filles; il n'y en a pas juste un qui veut acheter la ferme. La réflexion qu'on a faite à l'intérieur de nos structures porte sur: Est-ce que c'est transférable? Mais aussi la réflexion va porter surtout - même si cela l'était transférable - sur ceci: À qui, la génération d'après, cette ferme va-t-elle être transférable? Si l'on prend deux frères et deux soeurs qui achètent une ferme de cette valeur, ils vont probablement être obligés, pour rester concurrentiels, de la grossir un peu; elle va prendre de la valeur et eux, qui sont quatre, vont-ils la transférer à huit et, après cela, à trente-deux? C'est cela, notre préoccupation. Les fermes de 1 000 000 $, elles sont là, mais c'est la génération d'ensuite qui nous préoccupe beaucoup plus que la génération présente, au niveau de ce type de fermes.

M. Marcil: Justement, ce matin, je montais avec un producteur de ma région qui travaille sur la ferme de moins en moins, mais il est avec ses trois fils et il a une valeur d'au-dessus de 1 000 000 $. Il dit: Le transfert est presque tout fait. Il dit: Moi, je me retire tranquillement et, eux, ils vont en avoir un maudit travail, un maudit problème quand ils arriveront pour transférer cela.

M. Picotte: Vous parlez, à la page 3, de cours qui sont appropriés. J'ai dit depuis fort longtemps - et je continue à le répéter - que le maître d'oeuvre dans la formation devrait être le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et non pas le ministère de l'Éducation, pour une raison bien simple. Vous parliez des cours tantôt. C'est sûr que ce n'est pas possible de dire: On fait des cours entre novembre et mars, quitte à prolonger le cours de trois ans à cinq ans, parce que bien sûr, dans les écoles qui sont sous la responsabilité du ministère de l'Éducation, les cours normalement se donnent de septembre à juin. En plus de cela, il y a la question des professeurs et des horaires dans toutes ces choses-là. C'est pour cela que je persiste à dire qu'il faudrait que le ministère de l'Agriculture soit le maître d'oeuvre des cours et que ce soit uniquement les lieux physiques qui soient rattachés à ce qu'on appelle la collaboration du ministère de l'Éducation. Qu'on fournisse les lieux physiques, qu'on fournisse cela au niveau des commissions scolaires, au niveau des cégeps, d'accord, les institutions sont là, les bâtisses sont là. Je pense que le maître d'oeuvre devrait être le ministère de l'Agriculture en ce qui concerne justement la formation. Cela éviterait aussi d'avoir - parce que j'ai vécu cela, comme ancien directeur d'école - ce qu'on appelle le fameux "bumping". Je ne suis pas certain qu'un professeur d'arts plastiques qui se retrouverait en agriculture pourrait rendre vraiment service aux jeunes en formation agricole, je ne suis pas sûr de cela, pas plus qu'un professeur de musique, d'ailleurs. Avec le "bumping", avec tout ce qui se passe, on risque fort d'avoir des déplacements d'enseignants qui ne viendraient

pas aider la cause des agriculteurs ou des jeunes agriculteurs en formation.

J'aimerais que vous me disiez une chose. Par exemple, quand vous parlez d'expérience pertinente, vous calculez qu'une certaine partie de l'expérience du jeune qui a travaillé sur la ferme pourrait être comptabilisée, j'imagine, à l'intérieur des crédits de cours. Je crois que cela ne se fait pas présentement, n'est-ce pas?

M. Marcil: Non, justement, quant à l'expérience, pour tous les cours qu'on peut suivre de tous les côtés, il n'y a pas de crédits de rattachés à cela. Je sais que, présentement, il y a un comité - je ne sais pas quels sont les intervenants, peut-être qu'André pourrait nous éclairer là-dessus -qui étudie la possibilité d'émettre des crédits. Que ce soient des cours par correspondance, des cours de formation professsionnelle technique ou des sessions Bloc relève, etc., il n'y a aucun crédit de rattaché à cela. C'est pour cela que, dans notre mémoire, on dit que 85% des jeunes en prennent de cela. Du moment où vraiment il arrête ses études académiques jusqu'à son établissement, je pense qu'il prend une série de cours et, s'il y avait des crédits de rattachés à cela, ce serait peut-être différent, le portrait qu'on a.

Pour ce qui est de l'éducation rattachée au ministère de l'Agriculture ou au ministère de l'Éducation, je pense qu'une constatation qu'on fait partout dans nos structures, c'est que plus cela va, plus l'éducation, les cours qui se donnent présentement, la formation académique s'éloignent de la réalité; que ce soit au niveau du ministère de l'Éducation ou au ministère de l'Agriculture, cela s'éloigne tranquillement. On dit qu'une cause à cela, c'est qu'il n'y a plus un agriculteur qui est impliqué dans cette structure-là. On dit: Quand les cours sont donnés dans les bureaux, etc., même si les gars vont dans le champ au coton, on trouve que les cours s'éloignent de la réalité.

M. Picotte: D'ailleurs, juste une petite parenthèse, j'ai été directeur des cours aux adultes où on organisait plusieurs cours du côté de la formation agricole et ces cours-là étaient drôlement plus valables que nos cours réguliers à l'école régulière parce que, quand on avait besoin d'un agronome, on faisait venir un agronome; quand on avait besoin d'un gestionnaire, on faisait venir un gestionnaire; quand on avait besoin d'un mécanicien - il y avait 15 ou 20 heures accordées à la mécanique agricole, entre autres, pour aider l'agriculteur à se débrouiller, à réparer ses différentes machines - on faisait venir un mécanicien. À ce moment-là, c'était drôlement plus intéressant et beaucoup mieux appliqué à la réalité du milieu.

M. Drapeau: Il y a deux éléments dans votre propos que j'aimerais souligner. Vous nous parlez des problèmes que cela peut poser avec les professeurs. J'ai deux anecdotes que je pourrais vous compter qui sont réelles, qui ont été vécues cette année. Le jeune fils d'un producteur laitier se lève le matin et va faire le train; puis, il s'en va suivre son cours en agrotechnique à l'école. Il fait cela tous les matins, le train, lui, depuis X années. Il arrive dans la classe et il se fait montrer comment traire une vache avec une vache en plastique dans la classe. Bien, ce jeune-là, il y a bien des chances qu'il n'aille pas à l'école longtemps, il va la lâcher, l'école.

Une autre anecdote du même type que je peux vous conter; ce ne sont pas des farces que je vous conte, c'est arrivé pour vrai. Dans une autre région, les jeunes s'en vont à leur cours de mécanique agricole. Ce cours-là montre aux jeunes la mécanique d'un tracteur. Le professeur ne savait même pas où mettre le gaz diesel dans le tracteur. Les jeunes le savaient, eux autres.

M. Picotte: Ce sont des choses qu'on a vues régulièrement. Au moins si la vache était comme un ballon gonflable, il y aurait un certain émerveillement, toujours, plutôt que d'avoir une vache en plastique. Mais tout ça pour dire qu'on se demande pourquoi les jeunes sont plus ou moins intéressés à la formation. Ils seraient intéressés, mais encore là faut-il les amener dans des lieux intéressants aussi.

M. Drapeau: Nous, quand on vous parle de la reconnaissance des acquis pratiques, c'est de ça qu'on vous parle. Des affaires comme ça, tout ce que ça fait, c'est que le jeune, ça lui arrive deux ou trois fois et, après ça, il dit: Maudite "marde", moi, je n'ai plus rien à apprendre là, je m'en vais.

M. Picotte: On a vécu les mêmes expériences, dans ce cas-là!

M. Drapeau: Un autre élément. Vous nous dites: Ne serait-il pas pertinent que ce soit le ministère de l'Agriculture qui soit le maître d'oeuvre de l'enseignement agricole'' Ce que l'on constate, c'est que le ministère de l'Agriculture est le maître d'oeuvre au niveau des deux ITA et il n'y a rien de plus pareil qu'un ITA et un cégep. Il y a des petites différences, mais en termes de possibilités pour un jeune et de contenu adapté à sa réalité, ce n'est pas évident qu'il a des grosses différences.

M. Picotte: Vous parlez de l'éloignement à un moment donné. C'est sûr

que c'est un problème. Quand le type, par exemple, s'en va à La Pocatière pour suivre un cours, le père n'a pas toujours les moyens de se dispenser de cette main-d'oeuvre agricole si importante qu'est le fils pour l'aider dans ses travaux de la ferme. On sait que Je type, par exemple, qui part de la Mauricie pour aller à La Pocatière, chez nous, il ne vient sûrement pas toutes les fins de semaine en plus chez ses parents, à cause des distances.

Est-ce que ça veut dire, par le même fait même, que vous favoriseriez qu'il y ait plus d'institutions ou, en tout cas, qu'on donne plus d'options agricoles dans chacune des régions?

M. Drapeau: Cela veut dire que, longtemps, on a favorisé ça. Mais, ce qu'on constate aujourd'hui, c'est qu'il y a eu une certaine consolidation au niveau, par exemple, des options collégiales offertes. Il existe de plus en plus de cégeps qui offrent l'option agricole. Je pense qu'aujourd'hui on est rendu à un stade où on doit peut-être pas ouvrir de nouvelles options collégiales agricoles, mais au moins prendre les moyens pour que celles-là soient remplies.

M. Picotte: À la page six, vous dites: "En ce qui a trait aux répondants régionaux en formation agricole des maisons d'enseignement, nous percevons leur mandat comme étant de répondre aux différents besoins en formation agricole exprimés dans le milieu. " Vous dites, à un moment donné: "Ils ne sont pas en mesure de jouer un rôle aussi prépondérant que les autres intervenants auprès des jeunes. " C'est quoi, le rôle qu'ils devraient jouer?

M. Drapeau: On ne pense pas que les répondants en formation agricole font mal leur "job". On pense qu'il la font, finalement, très bien. Mais compte tenu que la relève agricole n'est pas la seule clientèle avec laquelle ils font affaires - ils font affaires aussi avec les producteurs eux-mêmes - on pense, nous, que c'est par une concertation de l'ensemble des intervenants régionaux, à savoir le répondant en formation, le responsable régional du ministère, le responsable de la relève de l'UPA, pour définir les besoins des jeunes que le répandant va réussir à très bien faire sa "job". Il y a des régions où les répondants en formation agricole sont très bien branchés sur la relève. Malgré qu'ils doivent faire bien plus que du travail auprès de la relève, ils réussissent à très bien faire leur "job" pareil, parce qu'ils sont associés étroitement avec les autres intervenants. Mais il y a d'autres régions où l'association se fait moins bien et, là, il peut surgir certaines difficultés.

M. Picotte: Vous parlez du ministère comme d'un interlocuteur fort valable. Est-ce que vous trouvez que le ministère joue pleinement son rôle, lui aussi? Y a-t-il peu, moyennement ou beaucoup de place à amélioration encore?

M. Marcil: Moyennement. Comme on le disait tout à l'heure, cela marche avec les individus et des régions. Cela marche avec le dynamisme des gars.

M. Picotte: II n'y a pas d'uniformité, autrement dit. Cela dépend des régions. On est plus favorable dans certaines régions que dans d'autres.

M. Marcil: C'est ça.

M. Picotte: II n'y a pas une uniformité d'intervention comme telle?

M. Marcil: C'est ça. Peut-être que le vouloir est là, mais il y a bien des facteurs qui font que ce n'est pas comme ça, que ça soit à cause de la disponibilité ou du vouloir du gars, proprement dit. (11 h 30)

M. Picotte: À la page 9, vous dites: "Le comité, dont la fédération fait partie, a tenu sa première rencontre en février 1984", à la suite du colloque sur la formation de la relève agricole tenu en mars 1983. En février 1984, un an plus tard, une première rencontre. "Il a élaboré une campagne de promotion qui a débuté en novembre dernier", huit mois après. Parlez-nous donc un peu de cette campagne de promotion. Elle est bien faite, elle est à votre goût, elle est suffisante, elle devrait être orientée d'une autre façon ou si ses orientations satisfont?

M. Drapeau: Nous, on pense qu'elle est bien faite. Les éléments de la campagne ont été particulièrement la pièce du théâtre Parminou; par exemple, dans la Terre de chez nous, un supplément sur la formation et différents dépliants. L'importance de cette campagne a été une concertation des intervenants régionaux pour sensibiliser le monde agricole à la promotion. Ce qu'on vous dit dans cette page, par exemple, c'est que, si le travail de ce comité devait s'arrêter là, ça, ce serait des plus déplorable parce que, pour une fois qu'une majorité des intervenants en formation agricole sont assis à la même table, on pense qu'ils ont à faire plus qu'une campagne de promotion. Une campagne de promotion, c'était important et peut-être indispensable, mais le comité ne doit pas s'arrêter là, il doit continuer à faire son travail.

M. Picotte: Est-ce que c'est terminé ou si ça doit se terminer bientôt, cette campagne de promotion?

M. Drapeau: On n'est pas en mesure de répondre à cela parce qu'on ne le sait pas, On souhaite qu'il se poursuive.

M. Picotte: J'imagine qu'il doit y avoir un budget de rattaché à ça? Vous ne le savez pas non plus.

M. Drapeau: On souhaite que le travail se poursuive et si on voit que le comité est pour arrêter ses travaux, si le comité est pour mourir, on va faire des pressions pour qu'il continue.

M. Picotte: Est-il exact de penser qu'une des difficultés à inciter des jeunes à se lancer en agriculture, c'est le fait que souventefois ceux qui sont victimes des faillites agricoles sont les jeunes, après huit ans, neuf ans, dix ans d'exploitation, bien souvent. En tout cas, ça nous a été rapporté dans un mémoire que les victimes de faillites étaient plutôt en bas âge. Cela se comprend un peu parce que j'imagine que l'agriculteur qui a moins d'emprunt, qui est producteur agricole depuis 20 ans, 25 ans ou 18 ans, a les pieds plus solides, comme on dit, au point de vue des finances, que le jeune qui commence. On dit généralement que les faillites se situent après huit, dix années d'exploitation. Cela veut dire, forcément, que souventefois les jeunes réalisent qu'ils ont travaillé dix ans, sept jours par semaine, de nombreuses heures par jour et, au bout de dix ans, ils se retrouvent vis-à-vis de rien. Bien souvent, le lopin de terre que le père lui avait donné, c'est l'Office du crédit agricole qui s'en va avec.

Est-il exact de penser que les faillites touchent beaucoup plus les jeunes en milieu agricole?

M. Marcil: Nous, on le constate par les chiffres, puis on le voit aussi dans les régions. C'est déplorable, mais c'est aussi dû au fait que, quand on est jeune, on est •dynamique, on est prêt à mettre de l'argent dans des choses, parfois, dont on n'est pas sûr encore. Il y a un manquement au niveau de la gestion, sûrement, puis de l'information et de la formation. Je pense que, si les gars prenaient le temps de s'asseoir et de réaliser ce qu'ils font, ils verraient que même s'il y a de belles subventions attachées au bout, l'investissement sur le capital, un jour, il faut que tu le paies.

C'est ce qui arrive. Les premières années, ça ne va pas trop mal, les gars veulent améliorer leur efficacité et leur qualité de vie, et tout à coup ça commence à moins bien aller. Mais on n'a pas de chiffres là-dessus pour dire: C'est vraiment tel pourcentage ou tel pourcentage.

M. Picotte: Les 300 000 $ sur les gains de capital - cela a été indexé de 100 000 $ à 500 000 $ au dernier budget Parizeau -pourquoi est-ce que ce n'est pas suffisant? On nous a dit qu'on venait presque de solutionner tous les problèmes en passant de 100 000 $ à 300 000 $. Si un gars vend sa terre 400 000 $, il est imposable seulement sur 100 000 $ et ça devient une infime partie, ce qu'il a à débourser.

En tout cas, les gens qui sont venus nous rencontrer ne semblent pas dire que 300 000 $... Même certains comptables m'ont déjà dit - mais je n'ai pas fait le calcul et je le dis sous toute réserve - que, finalement, entre 100 000 $ et 300 000 $, ça ne donnait à peu près rien du point de vue fiscal.

M. Drapeau: M. Picotte, 300 000 $, nous, on pense que, aujourd'hui, c'est suffisant. On dît, par exemple, qu'il ne faudrait pas que cela reste à 300 000 $ pendant dix ans. Notre demande est la suivante: 300 000 $, aujourd'hui, ça va, si l'État refuse toujours d'abolir cet impôt sur les dons. Mais on dit: Si vous refusez toujours de l'abolir, indexez-le, ce montant à tous les trois ans. Parce que, aujourd'hui, il correspond à la réalité, mais dans trois ou cinq ans, si c'est encore 300 000 $, il risque de ne plus correspondre à la réalité.

Des comptables nous ont aussi dit qu'il y avait une possibilité, si les parents se mettaient en société, que le don ne soit plus de 300 000 $, mais de 600 000 $, que chaque parent pouvait peut-être faire ce don de 300 000 $. Cela fait que nous, on pense que, aujourd'hui, 300 000 $, ça colle assez bien à la réalité. Mais dans cinq ans, si cela n'a pas bougé, cela ne collera plus.

M. Picotte: En ce qui concerne la possibilité des deux parents à 300 000 $, il y a des gens qui ont des opinions contraires là-dessus et qui disent que ce n'est pas possible, à moins qu'ils ne décèdent tous les deux en même temps ou des choses semblables à ça. En tout cas, ça semble obscur un peu. Mais 300 000 $, ça semble vous satisfaire si, évidemment, on disait qu'est rattachée à ça une espèce de phénomène de compensation par l'indexation.

Comme le temps presse et qu'il ne me reste presque plus de temps, quatre minutes - mon Dieu, il y avait encore pas mal de questions à poser, mais en tout cas - je vais vous faire certains commentaires. Du côté du taux d'établissement, vous avez demandé que le jeune agriculteur ait le choix, encore, entre prendre le montant à l'établissement ou encore les 50 000 $ de prêt sans intérêt. Moi, je vous assure que l'Opposition fera ce qu'elle a fait, l'an passé, en espérant que ça ne se rendra pas à trois heures du matin comme ça s'est produit à la dernière session. J'espère qu'on finira par convaincre, à force de lui tordre les bras, le principal intéressé,

qui est le ministre, et à obtenir que le jeune ait encore le choix là-dessus. Je pense que vous pouvez compter sur notre collaboration. Dans le but de l'obtenir, peut-être, pour l'automne, on va commencer à le demander tout de suite au mois de mars, pour essayer de convaincre le ministre de l'Agriculture là-dessus. J'espère qu'il ne sera pas aussi difficile à convaincre qu'il l'a été la dernière fois.

Je suis certain que le député de Saint-Jean va m'aider là-dessus, parce qu'il connaît encore plus que moi son ex-collègue.

M. Proulx (Saint-Jean): J'ai l'oreille du ministre!

Une voix: C'est beaucoup dans son cas!

Une voix: Tu as du poids de ton bord.

M. Picotte: Il faudrait parler fort. De toute façon, s'il reste quelques minutes, moi, je m'arrête immédiatement au cas où un de mes collègues aurait une autre question un petit peu plus tard, pour lui laisser au moins le temps de poser une question. Je vous remercie et je vous assure de notre collaboration la plus entière.

Le Président (M. Vallières): Merci. M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Merci, M. le Président. En lisant votre mémoire tout à l'heure, je crois que ça a été fait un peu en collaboration aussi avec l'UPA, parce qu'on sent que les deux mémoires se recroisent et les idées dites différemment reviennent pas mal toujours au même but.

Le député de Maskinongé, tout à l'heure, soulevait la question des distances. Exemple, l'ITA de La Pocatière versus Gaspé, Bonaventure, Rimouski, même. Des étudiants de l'Est du Québec viennent à l'ITA de La Pocatière. On sait que l'ITA de La Pocatière - on prêche toujours pour son clocher - est une des meilleures institutions d'enseignement agricole. J'en suis très fier, d'ailleurs.

Mais je rencontrais lundi dernier des jeunes qui font partie de votre groupement chez nous qui sont très actifs. On parlait aussi de pouvoir mettre comme un prêt-bourse pour les jeunes étudiants éloignés. Je ne l'ai pas vu dans votre mémoire. Mais ils sont venus me le dire, à moi, pour que je soulève la question ici. C'est un genre de bourse comme tout étudiant, dans d'autres secteurs, peut en obtenir. Mais il arrivait le problème des revenus nets des parents agriculteurs qu'on va comptabiliser. Alors, qu'est-ce que vous pensez de ce genre de prêt-bourse que pourraient obtenir tes jeunes qui veulent s'établir en agriculture, comme tout autre étudiant dans d'autres domaines?

M. Marcil: Justement sur cela, il faut que cela soit équitable puisqu'on sait que, depuis deux ou trois ans, les prêts-bourses au niveau des enfants d'agriculteurs, c'était très difficile. Tu étais obligé de quasiment montrer tes fesses aux responsables de ce programme pour obtenir de l'aide et encore! Mais là il y a un document, qui est rendu, je crois, sur la table du ministre, qui améliorerait de beaucoup ces choses pour que la loi soit plus équitable envers les agriculteurs. On pousse sur ce dossier et on participé à...

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Il y a des pressions de faites sur cela et présentement les demandes sont faites au ministre.

Une voix: Le ministre de l'Éducation.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Le ministre de l'Éducation.

M. Marcil: Vous voulez apporter aussi une aide spéciale pour l'éloignement et tout cela, peut-être. Ce n'est pas encore venu à la fédération. .

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Si vous partez de Gaspé et que vous êtes pensionnaire à La Pocatière pour participer à un cours de gestion ou de formation ou peu importe, c'est assez dispendieux le logement, la nourriture, etc. Cela intéresse moins les jeunes à vouloir avoir une formation dans ce sens, alors qu'ils peuvent bénéficier des fois d'autres cours et aller dans un cégep et n'être plus à la charge de leurs parents.

M. Marcil: Notre intervention actuellement vise beaucoup plus à essayer de rendre le système de prêts-bourses actuel équitable entre du monde ordinaire et des enfants d'agriculteurs. Le problème est centralisé, je pense, surtout au niveau de la capitalisation qui est considérée dans l'octroi de prêts-bourses à un enfant d'agriculteurs, la capitalisation de ses parents. Évidemment avant d'avancer une mesure comme celle que vous proposez, je pense qu'on doit essayer de régler ce qui existe déjà. C'est une chose intéressante et qui a déjà commencé à être examinée dans certains de nos syndicats, une aide spéciale. Mais avant de commencer à parler d'une aide spéciale, on se doit de régler le problème actuel, à savoir que la capitalisation est considérée dans les revenus des parents au niveau de l'octroi de prêts-bourses aux enfants.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Une deuxième question. Vous savez que l'office va être appelé ou devrait être appelé

à jouer un grand rôle au niveau de la relève agricole. Je ne sais pas comment vous percevez l'Office du crédit agricole. Vous parliez tout à l'heure d'avoir trois ou quatre professionnels au niveau de l'agriculture pour donner de la formation, des renseignements techniques, etc. Comment percevez-vous l'Office du crédit agricole éventuellement au niveau de la relève comme cheval de bataille? Est-ce que vous percevez cela comme réellement des conseillers? Est-ce là qu'il devrait y avoir des conseillers ou plutôt est-ce un adversaire contre vous pour sauvegarder ou être le chien de garde des deniers publics? Je ne sais pas comment vous voyez l'Office du crédit agricole dans votre cheminement.

M. Marcil: Oui, justement. Au niveau de l'Office du crédit agricole, je pense que les conseillers qui sont là dans le champ... J'aimerais parler. Quand un jeune arrive là, le gars s'assoit comme il faut, il fait attention bien plus qu'à un gars qui a déjà une terre et qui voudrait acheter pour un agrandissement ou quelque chose comme cela. Le conseiller, il est perçu - c'est compréhensible un peu - comme vous dites, plus comme un gars qui va freiner qu'un gars qui va vraiment aider. Justement, le problème d'une partie de l'Office du crédit agricole, c'est qu'on ne peut plus appeler cela des conseillers en financement. Ils conseillent en financement, mais après que c'est fait, ils ne peuvent plus te donner de coup de main, ils ne veulent plus te donner de coup de main trop, trop.

Au niveau des régions et des bureaux locaux, il y aurait peut-être de l'amélioration à faire. S'ils manquent de temps, s'organiser pour qu'ils en aient plus pour vraiment conseiller, donner des conseils et faire des suivis plus appropriés. On n'est pas contre les suivis parce que les jeunes que je rencontre qui ont eu des prêts suivis - je ne sais pas si c'est cela le mot - des prêts surveillés disent que c'était très bon. Cela leur a mis les deux pieds dedans et cela les a obligés à apprendre des choses dont ils ne voyaient pas l'importance comme le contrôle laitier, etc. Cela les a obligés à cela. Les gars aujourd'hui disent: Maintenant que j'ai les deux pieds dedans, j'ai vu l'importance de toutes ces choses.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Pour prévenir certaines erreurs.

M. Marcil: C'est cela.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): S'ils n'avaient pas eu ce suivi, ils auraient pu tomber dans le panneau.

M. Marcil: Oui. (11 h 45)

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Alors, je pense que l'office pourrait jouer un rôle plus grand, d'après vos réponses. L'office devrait avoir des gens, non seulement des conseillers en finance, mais aussi des conseillers en gestion qui pourraient orienter les jeunes qui veulent se lancer et leur dire: Bien, écoute, peut-être pas cela, tu serais peut-être mieux dans une autre orientation, et lui donner tous les détails et les conséquences. Advenant que le jeune a un prêt, de le suivre. C'est comme cela que le cheminement se ferait, sur une longue période, ce serait plus stable pour les jeunes en agriculture. C'est un peu dans ce sens-là que vous voyez cela et non pas que l'office est là pour épargner les deniers publics, avec le gros bâton et la règle et, si tu ne fais pas... Surtout, comme vous le disiez, s'il en arrive un avec une belle barbe et les cheveux longs, qui veut avoir un petit morceau de terre, c'est mal perçu, je pense.

M. Drapeau: J'espère que vous n'avez rien contre les belles barbes.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Non, non, cela a toujours eu sa qualité, sa beauté. Alors, je vais céder la parole à d'autres.

Le Président (M. Vallières): Avant de passer au député d'Arthabaska, on procède un peu par alternance; alors, on aura vidé l'enveloppe. À ma gauche, il resterait deux minutes. M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Question très brève. Vous avez touché un petit peu le temps partiel dans votre mémoire, l'agriculteur à temps partiel. Vous voyez cela comment, brièvement?

M. Marcil: On parle de l'aide qu'il a. On a une vision qui nous fait penser un peu à l'avenir, présentement. C'est que, dans certaines productions et peut-être dans toutes les productions, un jeune qui veut se partir, il faut qu'il ait de l'équité, surtout dans les productions qui sont non contingentées parce que, dans une production contingentée, tu es capable d'établir comment tu vas sortir au bout d'une année normale, alors que, dans une production non contingentée, c'est plus dur. Tu peux le prévoir, mais vraiment le définir en piastres, c'est pas mal plus dur. C'est pour cela qu'on dit: Je ne sais pas s'il y en a beaucoup au Québec qui sont montés où ils sont par le père et des voisins, qui sont montés juste avec le travail de la ferme. Peut-être que le contexte favorisait cela plus que présentement; présentement, ce n'est pas faisable. Pas faisable, ce n'est pas le mot. C'est faisable encore dans certaines productions et avec une certaine aide.

M. Maltais: D'accord, merci.

Le Président (M. Vallières): Très bien. M. le député d'Arthabaska.

M. Baril (Arthabaska): Oui, merci. J'aimerais féliciter les membres de votre mouvement pour l'implication que vous avez de plus en plus. Je sais que, dans la région de Nicolet, dans le comté d'Arthabaska, il y a le mouvement de la relève agricole qui est très actif, qui se réunit souvent et qui fait un travail pas mal extraordinaire. Je pense que c'est important parce que c'est un son de cloche nouveau au sein d'abord de l'UPA et au sein également du gouvernement et qu'il est important d'écouter.

Sur ce point, votre mémoire m'a surpris un peu parce qu'au niveau du financement et au niveau des taux croissants... En tout cas, vous avez donné l'explication, tout à l'heure. Celui de l'UPA est encore plus avantageux que le vôtre, mais moi, je vais vous le dire franchement, j'aurais aimé que vous alliez encore plus loin que cela. J'aimerais vous entendre, dans le sens que, si on regarde ce que vous où l'UPA propose, c'est quand même sur la période des dix premières années; c'est avantageux. Après cela, tu tombes à un taux d'intérêt de 8%. Mais vous qui êtes là pour représenter, défendre la relève, j'aimerais vous entendre parler pour voir si vous en avez discuté, si vous avez élaboré différentes façons pour que le taux d'intérêt... On va s'en tenir, admettons, aux dix premières années, cela peut être huit, mais on peut s'entendre là-dessus. Que le taux d'intérêt soit encore inférieur à ce que vous et l'UPA proposent, que ce soit de 0% à 1%, 2%, je ne sais pas. Que le taux d'intérêt, après 10 ans, croisse beaucoup plus rapidement, qu'il suive la progression de la rentabilité de la ferme, ce qui aurait comme conséquence que l'agriculteur de 10 ans... Plus il atteint sa rentabilité, plus il est capable de payer le taux d'intérêt. Pour le gouvernement, parce que tu es toujours poigné dans des enveloppes budgétaires, cela en ferait encore plus pour donner à la relève, pour aider les jeunes qui commencent. C'est pour cela qu'au début on pourrait peut-être même être à 0% d'intérêt, pour les premières années, et après cela celui qui est là depuis 10 ou 15 ans est capable de payer plus cher, de toute façon.

J'aimerais vous entendre parce que j'aurais souhaité que votre mémoire aille peut-être encore plus loin. Au sein de l'UPA, on en a parlé avec les gens et ils disent: II n'y a pas seulement les gouvernements qui font de la politique, les unions aussi en font. Nous, politiquement, on n'est pas capable de faire accepter cela parce que la majorité de nos membres, ce sont des agriculteurs qui sont en place depuis un bout de temps. J'aimerais vous entendre.

M. Marcil: On va essayer de rassembler tout ce qu'on peut avoir là-dessus. Je pense que ce serait l'idéal, mais il faut rester logique. On a notre idée: On ne veut pas être des quêteux bien longtemps. Si l'agriculture donne 4% de rentabilité, pourquoi n'aurions-nous pas un taux d'intérêt de 4%? Ce serait le mieux? Il reste que, si l'économie en général dit que l'argent, il faut que cela serve à telle chose, on n'est pas censé être pire que d'autres classes de la société. Je m'y perds un peu, je ne sais pas si André aurait quelque chose à dire là-dessus.

M. Drapeau: Si on était arrivé devant vous en proposant 0% pour sept ou huit ans et en remontant de 1/2% jusqu'à quinze ans, pour atteindre le taux, je ne suis pas sûr que notre crédibilité n'en aurait pas pris un coup. Ce que vous dites, c'est évident que c'est souhaitable, mais, quand on regarde les contenus des mémoires qui vous ont été présentés et qui vont vous être présentés, il y en a qui vont vous proposer d'abolir la bonification du crédit agricole pour mettre l'aide à d'autres niveaux.

Nos membres ont élaboré le contenu de ce mémoire. On pense que le taux croissant, c'est une chose intéressante et nos membres le pensent évidemment, ceux qui en ont déterminé le contenu. Que le taux parte à 1% et qu'il augmente de 1/2% par année, c'est encore mieux que s'il part à 3%, sauf que, comme je vous dis, on a essayé de faire des demandes qui, par rapport au contexte actuel et par rapport aux autres mémoires qui vont vous être présentés, collaient à une certaine réalité. Plus les gens en auront, mieux cela sera; c'est bien évident.

M. Baril (Arthabaska): Le but de ma question - je n'ai peut-être pas été assez clair - est de savoir si vous seriez prêts à accepter que plus la ferme d'un agriculteur est rentable, que cela dépasse le taux fixé à 8%, que cela se rapproche de plus en plus du taux courant. C'est là ma question. Cet agriculteur sera capable de payer et cela en ferait plus pour donner aux jeunes, pour les aider. Il ne faudrait pas penser qu'on traiterait les jeunes de quêteux pour autant. Ce n'est pas cela du tout.

M. Drapeau: Je pense qu'une proposition comme celle que vous faites serait très acceptable, dans la mesure où l'agriculteur reçoit pour son produit des montants qui correspondent à ses coûts de production. Si on regarde le contexte actuel, il n'est pas évident que la bonification doit s'arrêter après dix ou quinze ans. Les agriculteurs, dans la majorité des productions, ne reçoivent pas encore les prix qui correspondent à leurs coûts de production.

M. Baril (Arthabaska): Tout le monde reconnaît aussi que l'agriculteur qui commence a plus de difficulté que celui qui est là depuis dix ou quinze ans.

M. Drapeau: Oui, d'accord.

M. Baril (Arthabaska): Dans votre mémoire, vous parlez de la formation. Pourquoi, selon vous, n'y a-t-il pas plus de jeunes prêts ou intéressés à suivre et à obtenir une certaine formation qui est nécessaire?

M. Drapeau: Dans notre mémoire, à la page 2, deuxième paragraphe, on identifie certains éléments, à savoir la mentalité des parents, les difficultés de remplacement, l'éloignement, le contenu de la formation, la distorsion de la théorie par rapport à la pratique et le manque de souplesse des périodes de formation. Le colloque qui a eu lieu en mars 1983 avait précisément comme objectif d'identifier les principaux obstacles à la formation, tant dans la vie quotidienne que les obstacles institutionnels. Je pense qu'il y avait un bon nombre d'intervenants qui participaient à ce colloque et les obstacles ont été identifiés. Nous avons relevé des résultats de ce colloque ceux qui nous apparaissaient les plus importants.

M. Baril (Arthabaska): Selon vous, passer de trois à cinq ans pour la période de temps, cela avantagerait-il les jeunes? Aimeraient-ils mieux planifier leurs cours sur cinq ans que sur trois ans? Pensez-vous que cela serait un avantage?

M. Drapeau: On a apporté cela comme un élément de solution. On n'a pas la prétention que notre mémoire apporte tous les éléments de solution. On peut vous dire que notre syndicat de relève de la région de Québec fait actuellement, avec une subvention qu'il a obtenue de l'État, une enquête assez serrée là-dessus auprès des jeunes et des parents. À la suite des résultats de cette enquête, c'est évident que nos positions vont se renforcir, probablement se modifier et s'améliorer aussi. Nous, on a travaillé à partir de ce que les gens nous disaient, mais il y a une enquête plus sytématique et plus serrée qui se fait là-dessus, et vous allez en entendre parler, vous pouvez compter sur nous.

M. Baril (Arthabaska): C'est bien beau de parler de la formation des jeunes, mais vous faites allusion, d'ailleurs, à la formation ou à la préparation des parents ou des vendeurs de leur entreprise, éventuellement. Est-ce qu'actuellement vous pensez qu'il se dispense assez de cours ou d'information? Autant au niveau du jeune qui veut acheter, ça prend une préparation, une formation, autant ça en prend pour préparer le vendeur à différentes formes de transaction. Est-ce que, selon vous, ce qui se dispense actuellement est suffisant pour, je vais dire, les vendeurs?

M. Marcil: Dans certains cas, c'est le fils qui y conduit les parents; parfois, c'est le contraire, ce sont les parents qui y vont et qui amènent leur fils. Il y en a; peut-être qu'il pourrait y en avoir de plus poussés ou préparés plus à l'avance, mais c'est encore dur parce qu'il reste qu'il y a une mentalité. Comme il n'y a pas vraiment de structures ou de choses qui favorisent le transfert, c'est plutôt le père qui dit: Moi, je vais l'établir, mon fils. C'est comme ça; et s'il n'a pas trop le goût de l'établir, il va "débâtir" sa ferme et il va la vendre à l'encan. C'est plutôt une volonté.

Mais dans une ferme où les jeunes poussent fort et sont impliqués, que ce soit dans n'importe quelle structure, ils amènent les parents à des cours, à de la formation qui est nécessaire au transfert.

M. Baril (Arthabaska): Les structures de fermes de groupe et de société, est-ce que c'est assez connu par les jeunes pour qu'ils puissent essayer de se regrouper, de former une société, une compagnie quelconque, ou si les jeunes en général aiment mieux être seuls dans l'entreprise, ou si c'est parce que ces formules ne sont pas assez connues?

M. Marcil: C'est dur de dire le pourquoi de cela. Je ne l'affirmerais pas, mais je suis pas mal sûr que tous les jeunes aimeraient mieux être seuls sur leur ferme.

M. Drapeau: Une chose qui n'aide pas non plus, c'est que les formules actuelles, à savoir la société et la compagnie, ne collent pas toujours aux besoins et à la réalité de l'entreprise agricole qui est en transfert, ce qui fait que, peut-être, à l'occasion, des jeunes seraient intéressés à utiliser la compagnie ou la société, mais souvent il y a des blocages à ce niveau-là parce que ça ne correspond pas à leur réalité à eux.

M. Baril (Arthabaska): Si vous pouvez me permettre une courte question, je ne sais pas à quelle page, mais vous avez fait mention de chiffres qui démontrent que c'est à peu près égal, ceux qui profitent des 50 000 $ et des 8000 $. Pourquoi est-ce qu'il n'y en a pas plus qui profitent des 50 000 $? Est-ce que c'est parce que ce n'est pas accessible?

M. Marcil: C'est parce que c'est moins rentable que les 8000 $, sûrement; je suis certain que ce sera plus rentable. Comme les 8000 $ ne touchent pas à la transférabilité, ce que son père a déjà, s'il en reste un bon

montant à 2, 5%, si le taux est collé à 6% ou à 7%, ça aide le jeune. Si une compagnie ou une société se forme, elle a droit à deux fois 8000 $ ou à trois fois 8000 $. Ils ont 20% des parts. Ils ont droit à chacun une partie. S'ils ont seulement 20% des parts, ils ont seulement 20% des 50 000 $. Effectivement, s'ils sont trois, ils ont 60% des 50 000 $.

M. Drapeau: Si vous me permettez, nos chiffres, nos analyses là-dessus nous démontrent que la réalité, c'est moitié-moitié. Les analyses qu'on a faites là-dessus nous démontrent que, dans à peu près la moitié des cas, les 8000 $ sont plus avantageux pour des cas de transfert et, dans l'autre moitié, les 50 000 $ sont les plus avantageux. Il n'y a rien qui ressemble moins à un établissement que l'établissement d'à côté. Chaque cas est particulier, et je pense que chaque individu fait l'analyse de ce qui est le plus avantageux pour lui. Les chiffres sont là pour nous démontrer ce qu'on vient de vous dire.

M. Baril (Arthabaska): Pour terminer, je crois que, tout à l'heure, on s'inquiétait à savoir si le ministre allait prolonger ce délai, mais je pense qu'à la veille d'une élection ils seront plus tentés de prolonger le délai.

Une voix: J'espère!

Le Président (M. Vallières): Merci, votre temps est écoulé. Je voudrais remercier la Fédération de la relève agricole du Québec pour la présentation de son mémoire et l'éclairage qu'elle a apporté aux membres de la commission. (12 heures)

Fédération de l'UPA des Laurentides

J'inviterais maintenant la Fédération de l'UPA des Laurentides à bien vouloir s'approcher. Je pense que M. le président est présent, on va lui demander d'identifier son équipe. Je voudrais immédiatement vous indiquer que votre mémoire est très volumineux, que nous disposons d'une heure afin d'entendre votre mémoire et de pouvoir vous interroger. Je ne sais pas dans quelle mesure cela vous serait possible de ne prendre qu'environ vingt minutes pour présenter votre mémoire, afin de permettre aux membres de la commission de vous questionner sur son contenu. Plus vous dépassez les vingt minutes, moins les parlementaires auront du temps à vous interroger. Il faudra être conscient de cela tout au long de la lecture de votre mémoire. M. le président.

M. Legault (Roger): M. le Président et les membres de la commission, la Fédération de l'UPA des Laurentides tient à vous remercier de nous avoir permis de vous présenter les différents points de vue qui préoccupent les producteurs agricoles des Laurentides.

Le territoire de la fédération est caractérisé par plusieurs productions et par une quantité importante de producteurs à temps partiel, tenant compte de sa proximité avec les villes de Montréal et Ottawa-Hull. Plusieurs personnes, tout en travaillant à l'extérieur, pratiquent l'agriculture.

De plus, dans cet exposé, on vous fera connaître les problèmes des différentes productions de notre région. Nous sommes convaincus que la commission parlementaire sur le financement agricole peut modifier les politiques agricoles, permettant d'améliorer les productions et la situation des producteurs qui pratiquent la profession la plus importante de la province et fournissent par leur effort les produits alimentaires essentiels à l'alimentation de notre propulation.

Ce mémoire a été bâti... Je vais vous présenter les personnes qui ont travaillé à le bâtir. Il y a Mme Hélène Robert, présidente du comité du financement et aussi présidente des femmes en agriculture et productrice elle-même; M. Benoît Séguin, président du syndicat, membre du comité et qui aussi représente la partie nord, Mont-Laurier, Maniwaki, Saint-Jovite; M. Alain Forget qui est de la relève agricole et qui est producteur agricole lui aussi; M. Jean-Paul Raymond, producteur agricole et qui représente la partie est de la Fédération de l'UPA des Laurentides, la partie près de Montréal. Il y a aussi, celui qui ne pourra malheureusement pas être présent, M. Bruno Alary, qui représente la partie de l'Outaouais-Pontiac.

Sans plus tarder, je vais demander à Mme Benoît; c'est elle qui va commencer.

Mme Robert (Hélène): J'ai de la misère à garder mon nom aujourd'hui.

M. Legault: Mme Robert.

Mme Robert: Pour ce qui est de la lecture du mémoire, on va enlever la partie au début, les importantes évolutions de l'agriculture de la dernière génération, pour les raisons que vous avez soulevées au début, M. le Président, c'est-à-dire les pages 2, 3 et 4. Nous allons commencer la lecture par la page 5. Aussi, vers la fin, les volumineuses résolutions qui étaient des résolutions qui avaient été adoptées par le congrès général de l'UPA, on ne les lira pas non plus. Ceci nous amènerait sensiblement à peut-être 25 minutes au maximum.

Le Président (M. Vallières): Très bien.

M. Forget (Alain): Donc, je vais commencer. La production laitière. Dans le domaine agricole, la production laitière a toujours eu l'image du secteur le plus favorisé. Il est vrai que les producteurs se sont donné des outils de contingentement pour leur production ainsi que des mécanismes de vente selon leur coût de production. Il est vrai également que les faillites sont relativement rares par rapport aux autres productions. Mais, les gouvernements ne doivent pas se laisser berner par cette prospérité apparente de notre industrie.

Plusieurs facteurs négatifs commencent à surgir au niveau des statistiques et de la réalité. De ces facteurs, quelques-uns retiennent particulièrement notre attention: premièrement, la répartition de la production à travers le Canada; deuxièmement, l'économie agricole en déflation; troisièmement, la valeur moyenne des entreprises transférées en 1983-1984; quatrièmement, la rétribution du capital investi en industrie laitière, et cinquièmement, la relève en industrie laitière.

Premièrement, la répartition de la production è travers le Canada. Lors de la répartition initiale des contingents, les quotas furent émis selon la production existante. Depuis l'accroissement de la population aidant, l'ensemble des provinces se mirent à produire davantage de lait et, de ce fait, cela déséquilibra le marché. Le dernier exemple en ce sens fut le retrait de la Colombie britannique du plan national de commercialisation. Plus près de nous, le désir du gouvernement fédéral de compenser directement les producteurs pour le transport des céréales. Il est évident que cela provoquerait un autre déséquilibre en ce qui a trait à la production laitière du Canada et provoquerait également des chutes de revenus pour les producteurs du Québec qui, rappelons-le, produisent 50% du quota de transformation du Canada.

De plus, la modification de la population incite plusieurs provinces à vouloir augmenter les quantités de lait produites par ces dernières. Entre autres, l'augmentation de la population en Ontario fait en sorte que les producteurs ontariens veulent augmenter leurs quotas pour répondre plus équitablement aux besoins d'une population grandissant plus rapidement que celle du Québec. Il en va de même pour les autres provinces canadiennes où les producteurs aimeraient produire davantage pour répondre aux besoins de leur population respective.

Deuxièmement, L'économie agricole en déflation. Depuis quelques années, l'investissement foncier au Québec s'est retrouvé dans une équation négative, c'est-à-dire que le producteur qui, en 1976-1978 achetait un sol à 1000 $ l'arpent et qui pensait que l'inflation galopante à ce moment lui ferait faire un gain de capital, se retrouve aujourd'hui avec un sol è 800 $ l'arpent. Plusieurs banques ont paniqué devant cette situation et on resserré le crédit aux producteurs, ce qui n'a fait qu'accentuer la baisse d'avoir net du producteur et diminuer l'ensemble des investissements productifs.

Cette déflation a attaqué plus particulièrement les jeunes producteurs qui ont pris possession de leur ferme au cours des cinq dernières années. Un jeune producteur ayant acheté une ferme dans les années quatre-vingt, ayant consacré 20% de l'avoir net de sa propriété financée à 80% par les organismes prêteurs, se retrouve aujourd'hui - sans avoir pris de mauvaises décisions - devant une situation où son entreprise est hypothéquée à 100% et même plus.

La valeur moyenne des entreprises transférées en 1983-1984. Selon un document de l'Office du crédit agricole, la valeur moyenne des entreprises était de 272 618 $, soit 125 000 $ au-dessus du prêt subventionnable par l'Office du crédit agricole. Cette situation fait en sorte que les jeunes producteurs doivent investir dans le long terme une partie importante de leur liquidité ou de leur avoir et oblige ces derniers à fonctionner pour leur liquidité avec des marges de crédit à des taux d'intérêt qui sont beaucoup supérieurs à la rentabilité de l'agriculture.

Quatrièmement, la rétribution du capital investi en industrie laitière. Selon une étude récente, la rétribution du capital investi en production laitière est de moins de 6, 7% et cela va en diminuant au fur et à mesure que la capitalisation de nos fermes augmente. Également, dans la même étude, on constate que ceux qui sont les plus endettés sont aussi les plus productifs.

La relève en industrie laitière. Selon un document fourni toujours par l'Office du crédit agricole, 38 entreprises sur 62 ont fait l'objet d'un prêt à long terme à l'Office du crédit agricole en industrie laitière, dans la région des Laurentides. C'est plus de 61% des entreprises rachetées dans la région. À première vue, il ne semble pas y avoir de problème de relève au sens strict du terme. On constate toutefois que l'âge se situe à 29 ans. Serait-ce que les besoins de liquidité des jeunes sont de plus en plus importants?

II est certain qu'actuellement la production laitière québécoise suit régulièrement les besoins du marché et, avec leur efficacité, les producteurs produisent exactement pour satisfaire aux besoins de la population québécoise et canadienne. Par contre, il est très important de se pencher sur le grossissement des entreprises agricoles et sur les difficultés de plus en plus sérieuses des transferts de ces fermes.

II est quasi impensable qu'à moins que les parents aident il y ait une relève familiale. Très peu d'entreprises sont transférées lorsque le prêt se fait sans le transfert d'une ferme familiale - je m'excuse, je ne comprends pas très bien ce bout-là - c'est-à-dire qu'il est excessivement difficile pour un jeune ayant la capacité et la formation d'acquérir une entreprise agricole laitière si ce n'est pas un transfert de ferme familiale. Ces jeunes doivent avoir des actifs importants pour financer la partie non couverte par les organismes prêteurs et, à cause de son jeune âge, la relève n'a pas les montants nécessaires pour acquérir une ferme d'un étranger.

La production bovine. La production bovine est la production la plus importante dans la région des Laurentides. En effet, notre région est celle qui, au niveau de la province, regroupe le plus de producteurs bovins comparativement à d'autres productions. Cependant, même si elle est en croissance, elle traverse présentement des difficultés considérables.

Même s'il existe beaucoup de documentation sur la gestion des entreprises agricoles, malgré les grands théoriciens, il est pratiquement impossible actuellement d'y tracer une règle générale qui pourrait s'appliquer à toutes ces entreprises. Les plus grands spécialistes des calculs de rentabilité s'y méprendraient à cause de la très grande complexité de ces entreprises débouchant à différentes étapes: de la naissance à la finition, en y ajoutant des productions d'appoint aussi diverses que l'exploitation d'une érablière ou de petits fruits ou autre chose.

Actuellement, le modèle idéal semble se rattacher à l'entreprise de 40 vaches et plus, nous dit-on. On retrouve les véritables développeurs de la production vache-veau, base de l'industrie du boeuf, sur toute la planète. On remarque que ces entreprises ont franchi une première étape. Les années quatre-vingt en sont le témoignage avec tous les programmes venant du MAPAQ. En effet, ces entreprises ont opéré une consolidation de leur structure d'origine: agrandissement du fonds de terre par achat ou amélioration, réaménagement ou construction des bâtiments, adaptation des équipements ou achat d'équipements supplémentaires nécessaires.

Selon les recherches faites lors du symposium vache-veau de 1981, les exploitants de cette catégorie sont mieux informés et, en général, plus jeunes que la moyenne qui se situe environ à 45 ans. Ce même conférencier ajoute: "Ils sont convaincus de la viabilité et de la rentabilité de leur production, même si un apport financier important des revenus de la famille provient d'une autre source d'activité et qu'il faut admettre que la production vache-veau ne peut supporter un endettement élevé.

Elle nécessite donc un bon gestionnaire, car une entreprise de ce genre ne peut admettre d'erreur. Le suivi, après un prêt important, doit être méticuleux de la part des institutions prêteuses et orienté de façon à augmenter la productivité et à mettre le producteur en confiance. Peu importent la production et toutes les institutions prêteuses, on s'accorde à le dire, "le secteur du boeuf, ce n'est pas trop reluisant", souligne le directeur régional de la Société du crédit agricole.

Une des premières parties à être changée dans la réglementation de l'Office du crédit agricole est tout ce qui touche à l'aspirant producteur ou au jeune producteur en établissement ou à la relève en société. On voudrait aider l'aspirant producteur à devenir rentable, mais on ne lui accorde aucuns rabais d'intérêt. On lui demande de s'organiser, mais, en même temps, d'aller travailler à l'extérieur. Pourtant, Dieu sait que, pour s'organiser, il faut des heures supplémentaires de travail, peu importe l'activité, mais surtout en agriculture.

L'aspirant producteur, tout comme le jeune en établissement, devrait être exempté des intérêts comme il en est pour les grosses entreprises industrielles, comme Bell Hélicopter, des secteurs différents de l'agriculture, évidemment, lesquels sont exemptés des intérêts et même des remboursements en capital pour la période de mise sur pied, soit de trois à cinq ans. On voudrait de l'agriculture moderne et productive, mais on l'étouffé avant même de lui donner le souffle de vie.

Une mise en garde à toutes les têtes dirigeantes, peu importe le niveau ou la structure, quant au comité, à l'organisme ou à l'association: ce qui doit être fait, c'est de convaincre les propriétaires de modestes troupeaux qu'ils sont de véritables producteurs de boeuf et les encourager à prendre intérêt et à être fiers de leur importante contribution à l'agriculture canadienne. Notre industrie dépend des petits troupeaux de vaches de boucherie, également, et notre productivité, comme notre industrie, ne dépend pas tellement de la taille des troupeaux, mais de la qualité des vaches et de la façon dont elle est gérée.

Le territoire couvert par la Fédération de l'UPA des Laurentides en est un qui permettrait encore le développement de cette production, en tenant compte des sols disponibles, de la topographie des terrains et des unités thermiques. On pourrait augmenter considérablement la production vache-veau dans la section plus au nord et augmenter la production de finition, les parcs d'engraissement, dans la région où les unités thermiques permettent la production de maïs et de céréales de façon rentable. Si l'on veut remettre en culture les sols zonés

agricoles et productifs, c'est sans doute avec l'industrie bovine.

Pour ce faire, les politiques adéquates de financement permettraient de maintenir cette production et de la développer davantage et de permettre à l'aspirant producteur, qui travaille souvent à l'extérieur pour bâtir l'entreprise, d'avoir droit à des rabais d'intérêt équitables pour améliorer la rentabilité et faire en sorte qu'il pourrait devenir plus rapidement producteur à temps plein.

La production de cultures commerciales. Plus ça change, plus c'est pareil. En 1975, dans un article paru dans l'édition de mars du Bulletin des agriculteurs, il était écrit: "En 1975, c'est plus payant de cultiver des céréales. " C'était en quelque sorte les années de vaches grasses dans la production de céréales: les intrants nécessaires à la culture de celles-ci s'achetaient à prix abordable, quoique cher pour l'époque, et le prix payé pour la récolte d'une céréale, 6, 50 $ les cent livres, laissait présager un avenir prometteur. Qu'en est-il en fin d'année 1984, dix ans après ce soi-disant "Klondike céréalier"?

Un tableau ci-après nous fait découvrir une vérité que seule La Palice, encore aujourd'hui, s'ingénierait à nous prouver. Les chiffres de 1984 proviennent de la réalité actuelle en agriculture. Les chiffres de 1975 sont tirés de l'édition de mars 1975 du Bulletin des agriculteurs. Je n'en ferai pas la lecture exhaustive. Vous pourrez le constater. (12 h 15)

De ces chiffres révélateurs se dégagent plusieurs conclusions dont on pourrait bien se passer. Dix ans après, la valeur de production n'a augmenté que de 1, 50 $ les cent livres. Est-ce normal pour un producteur strictement engagé dans la culture des céréales? À ce problème, plusieurs nous conseillent d'augmenter sensiblement nos superficies de culture et d'être à la fine pointe de la productivité pour augmenter nos rendements. Mais ces deux augmentations suffisent-elles à compenser la majoration des coûts de production sans cesse grandissant? N'oublions pas qu'une majoration substantielle de la superficie entraîne inévitablement un grossissement du "kit" de la machinerie qui ne va pas sans des dollars durement remboursables.

En dix ans, nous constatons que la marge brute des profits n'a augmenté que de 31, 57 $ l'acre ou 5, 16% par année. Le coût des charges variables, lui, a plus que doublé. Le producteur consciencieux de bien faire vivre sa famille constate avec stupeur que, plus les années passent, plus sa marge d'endettement grossit car le produit final de son travail, les céréales, ne parvient pas à soutenir le coût initial de la culture et le salaire d'un producteur.

Si la tonne métrique d'orge de 1975 valait 150 $, pourquoi celle de 1984 ne vaut-elle que 165 $? Parce que le marché des céréales est demeuré un marché "cloîtré". Les intermédiaires nous enferment dans la logique du: Je t'offre tant et c'est à prendre ou à laisser. Commme on n'a pas moyen de pression efficace, la roue continue toujours à tourner allègrement pour les mêmes. Quand on compare les chiffres d'il y a dix ans, il n'y a pas de quoi se taper dans les mains. On en est même venu à nous inventer le système des paiements anticipés pour nous faire croire que les prix seraient de beaucoup meilleurs au printemps suivant la récolte. L'augmentation de 14 $ à 25 $ la tonne pour un temps limité est-elle la solution?

Le producteur de céréales est l'un de ceux qui doit le plus compter avec dame température, car tant va la saison, tant va la récolte. Le producteur de lait, par exemple, s'il ne peut produire tout ce qu'il faut pour son année, peut toujours combler la différence en alimentation par l'achat de céréales qui entrent nécessairement dans le budget de son entreprise. Par contre, le producteur de céréales, lui, s'il ne peut connaître une bonne année de culture faute d'eau, faute de chaleur suffisante ou par excès d'eau ou d'insectes, n'a pas 36 alternatives: sa récolte, c'est ce qu'il a à vendre, pas plus. On nous dira de se tourner vers les assurances agricoles existantes. D'accord, mais cela change quoi? À seulement rembourser le coût de production de la récolte manquée?

Actuellement, que ce soit pour l'assurance-récolte ou par l'assurance-stabilisation, il y a tellement de méandres dans lesquels s'aventurent les employés du système qu'un producteur finit par ne pas avoir grand-chose, à moins d'être en face d'une perte complète, et encore là, il n'a droit qu'à 80%. Le producteur de céréales a besoin de beaucoup mieux que cela car lui, plus que tous les autres, est dépendant à 100% de la température. Il lui faudrait une sorte d'assurance-climat reliée aux stations météorologiques environnantes. Quand on sait qu'une culture de céréales a besoin de tant d'heures d'ensoleillement, de tant d'eau ou de tant de chaleur saisonnière, pourquoi ne pas combler la différence manquante? On a déjà bien vu être payé pour ne pas ensemencer...

Mme Robert: La production pomicole. La pomme est la seule production arboricole qui a été développée sur une grande échelle au Québec. Elle rencontre tous les problèmes d'une culture spécialisée qui se veut très productive et très concurrentielle avec la production venant de l'extérieur de la province et du pays.

Ses particularités. Pour bien comprendre les problèmes qui affectent cette production,

il faut d'abord bien en connaître les points qui lui sont particuliers. D'abord, après la plantation d'un pommier, le producteur doit compter un laps de temps de cinq à dix ans avant que ce pommier atteigne une production suffisante pour prévoir espérer en tirer un revenu.

Le producteur de pommes doit aussi faire face au fait que chaque récolte est très précaire et qu'elle peut être compromise pour un an, par exemple un gel tardif peut complètement détruire la fleur et aussi annihiler toute la production pour une année donnée.

Le producteur de pommes doit fonctionner avec une double marge de crédit. D'abord, au niveau de la plantation du verger, il doit investir et entretenir ce verger pour une période de cinq à dix ans avant qu'il puisse tirer un revenu de ce verger. Enfin, au niveau de la production annuelle, une marge de crédit est nécessaire pour financer les intrants et la main-d'oeuvre, les revenus n'intervenant qu'en fin de saison.

Au niveau de la vente du produit, il faut considérer que celui-ci est acheminé sur deux types de marché: le premier, le marché à l'état frais; le second, le marché de la transformation, et que ce dernier ne génère aucun profit, le prix de vente étant toujours inférieur au coût de production.

Enfin, pour ce qui est des producteurs de pommes des Laurentides, une autre particularité s'ajoute, en ce sens que l'on peut constater qu'une majorité de producteurs ont à aller chercher des revenus à l'extérieur de la production pomicole: d'autres cultures, d'autres commerces, le travail à l'extérieur, etc.

La situation actuelle dans les vergers, tout est à reconstruire. Les années soixante-dix ont vu une augmentation de la productivité des vergers qui a à peine réussi à sauvegarder une mince marge de profit qui allait sans cesse en diminuant. Ces profits, qui ont donc été très réduits, n'ont pas permis de réinvestir et la situation a conduit à un vieillissement généralisé des vergers. Au tout début des années quatre-vingt, le gel des vergers a accentué davantage le problème de rentabilité des vergers, la production étant sérieusement diminuée. Le producteur de pommes de notre région s'est alors retrouvé dans la situation suivante: il a perdu plus de 50% de ses pommiers et, pour reconstruire son pouvoir de production, il ne peut le faire à l'extérieur des surfaces déjà plantées en pommiers, des sols supplémentaires n'étant pas disponibles. Donc, il lui faut reconstruire à l'intérieur des murs, ce qui implique l'arrachage d'arbres sains pour pouvoir planifier une plantation homogène.

Or, parce qu'il ne peut tirer de revenus que de 40% de son verger, le producteur ne pourra rester en production que s'il peut faire produire ses 60% en un laps de temps très court. La seule solution s'offrant à lui est alors la plantation de vergers qu'on pourrait appeler des vergers à très haute technologie, les pommiers nains notamment.

Cependant, le coût de l'implantation des vergers à très haute technologie est aussi élevé que cette technologie et, pour bien faire les choses et doter la région de vergers forts, il importe de ne pas faire les choses à moitié. Il ne faut lésiner sur aucun des investissements conseillés par les spécialistes et il est excessivement important que le producteur puisse maîtriser cette technologie.

Enfin, au niveau de l'industrie pomicole elle-même, on retrouve la situation où, à cause de notre faible volume de production, on peut difficilement conserver notre place sur les marchés face à la concurrence de la pomme de l'extérieur qui est disponible tout au long de l'année et même face à la concurrence des autres fruits importés de l'extérieur par le commerce.

La situation actuelle, les moyens pour reconstruire. La description de la situation des producteurs fait ressortir que ceux-ci n'ont pas la possibilité de financer la reconstruction. La situation des années soixante-dix n'a même pas permis de préparer le rajeunissement des vergers et la catastrophe de 1980-1981 ne permet certes pas de réinvestisssement, la production étant coupée de 50% à 60%. Or, selon les données de la Direction des études économiques du MAPAQ de mars 1984, on peut évaluer à 14 363 $ l'hectare pour une plantation de semi-nains et à 23 226 $ l'hectare pour les nains les sommes à investir pour reconstruire.

De plus, dans la conjoncture actuelle, aucune entreprise pomicole n'est en mesure de prouver sa rentabilité, un critère essentiel exigé par les organismes de crédit. En effet, à cause de la particularité qu'un verger ne produit pas suffisamment avant cinq à dix ans, il est évident que nos vergers, qui ne produisent que de 40% à 50%, ne seront pas rentables avant ce temps.

On se retrouve donc dans une situation où la survie des producteurs et la venue de la relève sont en danger. Actuellement, seuls les personnes et les capitaux de l'extérieur peuvent prendre la relève. La pomiculture ne peut générer sa propre relève.

Les producteurs reconnaissent qu'un certain niveau d'aide leur a été accordé, mats que des investissements importants demeurent à effectuer. Le tableau suivant peut le démontrer. Rapidement, le tableau; je ne lirai pas tout. Mais vous avez les 40 $ du fédéral, les 16 $ du fédéral; vous avez le programme provincial actuellement en vigueur, qui est de 2500 $ l'hectare pour le semi-nain et de 3700 $ pour le nain. Cela

couvre à peine le coût des pommiers,

Pour notre producteur de Deux-Montagnes, qui a perdu les 60% de son verger, c'est-à-dire 3, 9 hectares sur 6, 5 hectares, il ne reste que 40% de ses revenus pour vivre et investir 16 349 $ dans le semi-nain ou 46 231 $ dans le nain. Il est clair qu'il ne dispose pas de cette somme et qu'il n'a pas les revenus pour en payer les intérêts. Je reviendrai plus tard avec des propositions vis-à-vis des choses pomicoles puisqu'on ne lit pas à la fin.

La production porcine. La production du porc est sans doute la production qui, de notre territoire, a été la plus affectée à la suite de la crise économique, de l'augmentation des taux d'intérêt et de la diminution du prix de vente de cette production.

En effet, à la suite de cette crise, les producteurs de porc ont diminué de 50% dans notre fédération régionale, À titre d'exemple, lors du vote du plan conjoint en 1981, il y avait dans le comté d'Argenteuil huit producteurs, il en reste trois; dans le comté de Papineau, dix producteurs, il n'en reste que trois; dans le comté de Gatineau, neuf producteurs, il en reste quatre; dans le comté de Pontiac, huit producteurs, il en reste trois; dans le comté de Labelle, vingt-deux, il en reste quatre; dans les comtés de Terrebonne et de Deux-Montagnes, 50% des producteurs ont soit fait faillite ou ont tout simplement abandonné volontairement.

Les taux d'intérêt ont été sans doute une des causes car les jeunes producteurs n'ayant pas d'avoir net ou de liquidité ont été obligés d'abandonner la production. Pour ceux qui ont été refinancés, ils ont dû faire face à des taux d'intérêt au seuil de la rentabilité, en plus de payer des taux jusqu'à 20% et 22% pour le crédit des fournisseurs d'aliments.

Le Syndicat des producteurs de porcs des Laurentides et la Fédération de l'UPA des Laurentides trouvent un peu bizarre que, dans les journaux, on se batte pour dire qu'il y a 125 faillites au Québec ou 140 l'année précédente et que, selon les sources, on contredise ces informations en disant qu'il n'y a presque pas de faillites ou d'abandons à cause de la crise. Il nous semble que ces affirmations soient vraiment injustes car, dans notre propre territoire, on pourrait trouver presque toutes les faillites ou les abandons des producteurs de la province.

Si les membres de la commission sont intéressés à obtenir les noms de tous les producteurs qui ont fait faillite ou abandonné, c'est avec amertume que l'on vous remettra cette liste. De plus, si vous désirez visiter les propriétés abandonnées, l'on se chargera de vous faire visiter ces belles installations qui, aujourd'hui, ne servent plus qu'à embellir le paysage.

Nous espérons que la commission pourra intervenir pour ainsi améliorer la politique du crédit agricole et venir en aide aux producteurs de porc de notre région et de tous les autres du Québec. Il est temps de bouger si l'on ne veut pas que les entreprises familiales ne se retrouvent entre les mains de multinationales ou d'intégrateurs qui veulent ainsi contrôler eux-mêmes la production et le prix que le consommateur aura à débourser pour se procurer cette denrée alimentaire.

La production maraîchère. La région des Laurentides est caractérisée en plus par la production maraîchère, surtout dans le secteur de Montréal. Un nombre considérable de producteurs produisent des légumes, soit en plein champ ou sous abris. D'autres produisent des fleurs ou des arbres d'ornementation. Ces producteurs semblent se tirer assez bien de la crise économique lorsqu'on les regarde de l'extérieur.

Par contre, lorsqu'on commence à fouiller cette production, on se rend compte des problèmes que vivent les jeunes producteurs. Dans cette production, la relève se doit d'obtenir un prix équitable selon les marchés, puisque cette production n'est pas du tout organisée. Les producteurs doivent, pour vendre leur produit, s'occuper eux-mêmes de leur mise en marché et offrir leur produit par les différents marchés.

Dans la région des Basses-Laurentides et celle d'Aylmer, ayant la chance d'être situés près des grandes villes, les producteurs ont développé cette production pour offrir leur produit aux citadins habitant à proximité des fermes.

Il est sûr que certains producteurs ont très bien réussi. Par contre, il est de plus en plus difficile pour les jeunes producteurs d'acquérir une entreprise et de percer sur le marché. À titre d'exemple, cette année, les producteurs de choux, qui ont vendu l'année dernière des quantités minimes de choux à des prix très intéressants, ont dû écouler leur produit à des prix considérablement bas. La même situation s'est produite dans la production de pommes de terre. Ces producteurs ont dû vendre cette denrée alimentaire à des prix inférieurs au coût de production. À cause d'une mauvaise organisation de la mise en marché et des provinces productrices, ce produit est offert aux consommateurs à des prix injustifiés.

Si les producteurs, surtout les jeunes producteurs, traversent une ou deux années comme celle de 1984, ils devront tout simplement aller porter leurs clés aux organismes prêteurs parce qu'ils ne pourront plus continuer. De plus, cette production exige des crédits considérables pour financer l'entreprise. Comme bien des producteurs, ils sont financés par les politiques actuelles avec le maximum de crédit que l'on connaît lorsque seulement l'équipement nécessaire à cette production dépasse souvent le maximum

de prêts offerts par l'office. De plus, ces producteurs ont besoin de financer leur fonds de terre, leur marge de crédit pour opérer toute l'année et les taux d'intérêt exigés par les organismes prêteurs font en sorte que les jeunes producteurs en production depuis quatre au cinq ans se retrouvent devant de graves difficultés.

Pour ce qui est de l'assurance-stabilisation, on stabilise la production et un revenu minimum juste assez pour empêcher de faillir et leur créer une lueur d'espoir pour les années à venir. Année après année, on se rend compte que plusieurs productions ne pourront sans doute plus continuer à opérer si une modification importante n'intervient pas au niveau de la mise en marché de ces productions. Nous sommes convaincus que le coût de la prime d'assurance deviendra tellement dispendieux que seul son coût représentera plus de 100% du salaire du producteur dans l'année à venir, si ce coût n'est pas inclus dans les coûts de production. (12 h 30)

Les autres productions de notre région. Pour ce qui est des productions d'oeufs et de volaille, très peu de producteurs sont situés dans la région des Laurentides. Par contre, ceux qui exploitent la production avicole sont des producteurs importants par la grosseur des entreprises et les retombées économiques qu'elle génère. Nous considérons, au même titre que les autres productions, qu'une refonte de la Loi sur le crédit agricole ne peut qu'améliorer le transfert de ces fermes, soit aux enfants ou à des acheteurs éventuels.

Concernant la production ovine, plusieurs producteurs l'exploitent à temps partiel. Les politiques du crédit agricole actuelles ne financent à peu près pas cette production, les producteurs devant se financer eux-mêmes et souvent travailler à l'extérieur pour faire fonctionner l'entreprise. Nous considérons qu'il est important que la refonte de la loi tienne compte de cette situation particulière si l'on veut développer davantage la production ovine dans les Laurentides et au Québec.

En terminant, il existe d'autres productions, entre autres l'acériculture, la pisciculture, etc. Comme ces productions sont presque toujours à temps partiel, les producteurs pratiquant ces productions sont tous financés par des institutions bancaires. La refonte de la loi devrait permettre que l'on finance, avec les politiques préconisées par l'Union des producteurs agricoles, ces entreprises.

Comme on avait décidé de ne pas lire les propositions...

Le Président (M. Vallières): Pour la pomme, vous deviez nous tirer quelques conclusions, je pense.

Mme Robert: Pour la pomme, j'apporterais, comme propositions, de mettre en place une politique pour stabiliser le prix de la pomme, rendre les programmes de reconstruction des vergers exigeants en termes de haute technologie et y attacher les sommes requises. Mettre à la disposition des pomiculteurs et exiger d'eux une formation de base en ce qui touche tous les aspects de l'entreprise ainsi qu'un recyclage annuel. Pour la reconstruction des vergers, il faut un programme de prêts sans intérêt sur une période de cinq à dix ans. Il faudrait mettre en place un programme ou un mécanisme par lequel les producteurs et les productrices pourront transférer le verger sans mettre pour autant l'entreprise en péril. Il faut enfin la mise en place de syndicats de gestion, des instruments qui permettent de produire plus efficacement et concurrencer les produits de l'extérieur.

Est-ce qu'il y en a d'autres qui ont des choses à rajouter?

M. Forget: On est prêt à recevoir vos questions.

Le Président (M. Vallières): Très bien. On pourrait passer aux questions. Nous débutons avec le député d'Arthabaska.

M. Baril (Arthabaska): Merci. Je vais d'abord remercier les membres de la Fédération de l'UPA des Laurentides de nous avoir présenté ce mémoire qui, après vous avoir entendu, n'est pas très motivant. Je suis prêt à reconnaître que tout ne va pas bien en agriculture, mais votre mémoire a l'air de démontrer le pessimisme des gens de la Fédération de l'UPA des Laurentides et une situation assez morose.

Par contre, j'aimerais que vous nous expliquiez un peu plus le temps partiel. À peu près tous les mémoires, aujourd'hui comme hier, nous disent que le gouvernement ou l'office devrait ouvrir le crédit au niveau des producteurs à temps partiel, au niveau de l'aide à l'établissement. Est-ce que pour vous, quant à l'aide à l'établissement des gens è temps partiel, ces personnes pourraient bénéficier de la même aide financière qu'un agriculteur à temps plein?

M. Forget: Là-dessus, il y a plusieurs écoles de pensée à l'intérieur même de notre fédération et à l'intérieur même de l'UPA. Premièrement, pour ce qui est des producteurs à temps partiel, il est évident que ce n'est pas la meilleure situation, c'est-à-dire que, globalement, en agriculture, on devrait être à temps plein. Deuxièmement, compte tenu de la situation économique qu'on vous a exprimée à l'intérieur de notre mémoire, il est de plus en plus évident qu'en agriculture, dans certaines productions, il va falloir y aller à temps partiel parce qu'à

temps plein on va manger notre chemise et nos culottes avec.

Dans cet ordre d'idées, le financement agricole de ces gens à temps partiel se devra d'être adapté, mais on devra toujours maintenir une allocation supérieure au producteur qui sera à temps plein. Autrement dit, je formule deux genres de crédit: le crédit à temps partiel, qui se devra d'être valorisant, et le crédit pour le producteur à temps plein qui, celui-là, devrait être véritablement fait pour une personne. En agriculture, on a deux grandes orientations et on ne veut pas se retrouver avec des médecins qui produisent un peu de tout, qui ont leur salaire de 90 000 $ en moyenne et qui viennent toucher 200 000 $ ou 300 000 $ de crédit à la production; ils vont aller chercher cela sur le budget du gouvernement. Quand le gars a les moyens, il a les moyens et, quand le gars n'a pas les moyens, il n'a pas les moyens. Il faudrait peut-être trouver un système en fonction du revenu extérieur de l'entreprise et trouver un crédit qui pourrait rendre la vie plus agréable à ces gens, autrement pour dit être capables de développer leur agriculture pour devenir à temps plein. C'est évident que c'est un nouveau dossier, mais ce dossier est conditionnel, finalement, aux facteurs économiques qu'on a actuellement. La situation s'est dégradée et elle s'est dégradée tellement dans certaines productions qu'on ne peut penser produire un tel produit sans travailler à l'extérieur.

M. Baril (Arthabaska): Donc, vous tiendriez compte du revenu financier qui provient d'en dehors de l'agriculture. Un gars qui gagne 100 000 $ aurait droit à moins d'aide financière qu'un gars qui gagne 12 000 $ ou 15 000 $, qui travaille dans une usine à quelque part.

M. Forget: Je pense que cela serait plus logique que d'arriver avec un taux de crédit fixe qui ne tient absolument pas compte des diversités.

M. Baril (Arthabaska): À la page 10, vous parlez des aspirants producteurs ou des jeunes en établissement. Vous dites que ces gens devraient être exemptés des intérêts comme il en est des grandes entreprises industrielles. Je ne sais pas si vous y étiez tout à l'heure, j'en ai parlé avec le groupe de la Fédération de la relève agricole du Québec. Comment voyez-vous les taux d'intérêt pour les jeunes qui arrivent en agriculture? On sait que l'UPA propose une base de 3% d'intérêt plus 0, 5% par année, jusqu'à ce que cela atteigne un maximum de 8% d'intérêt.

M. Forget: Une période de dix ans, je pense.

M. Baril (Arthabaska): Cela fait dix ans. Cela prend dix ans pour arriver à 8%.

M. Forget: Qu'est-ce qu'on pense de la politique d'aspirant agriculteur? Actuellement, la politique qui est en place ne tient plus compte des réalités du milieu. Les propositions de la confédération se veulent beaucoup plus représentatives de ce qui se passe dans le champ. C'est-à-dire qu'il faut échelonner les taux d'intérêt sur une plus longue période. On a dit pendant des années et des années que c'étaient les cinq premières années qui étaient difficiles et on est rendu qu'on parle de dix années et peut-être que l'année prochaine, si on revient à une commission comme celle-ci, on va parler de quinze années, selon ce qui va se passer.

M. Baril (Arthabaska): On appelle cela l'évolution de l'agriculture.

M. Forget: Oui.

M. Baril (Arthabaska): Ma question est celle-ci: On reconnaît que les premières années... On va s'entendre, on ne dira pas cinq, dix et quinze ans, ce sont les premières années qu'un jeune ou qu'une jeune a de la misère et de la difficulté en agriculture. Est-ce que vous favoriseriez l'augmentation du taux d'intérêt après la période difficile, même dépassant 8%, pour être capable d'en donner plus au jeune qui commence?

M. Forget: C'est difficilement faisable compte tenu de l'économie agricole en place. Si on avait uniquement des productions contingentées comme dans le lait, les oeufs, etc., on pourrait évidemment demander au producteur plus âgé de donner un effort supplémentaire pour aider au plus jeune. Ce qui va se retrouver, c'est qu'un producteur de céréales qui va être embarqué depuis dix ans et qui va prendre deux mauvaises années en ligne, si lui, au lieu de payer 8% d'intérêt, est obligé de payer 10% cette année, il va débarquer lui aussi. La situation économique agricole, selon les productions et l'âge des producteurs, peut être complètement différente d'une production à l'autre et d'un producteur à l'autre. Ce qui fait - comment pourrais-je appeler cela? -que la majoration ou la régularité de majoration pour tout le monde, ce n'est pas nécessairement la bonne solution. Tu ne peux pas dire que dans ta soupe aux nouilles tu vas mettre des nouilles et de l'eau et que cela va te faire une soupe aux nouilles, ce n'est pas tout à fait cela. Il faut que tu la mettes sur le poêle, toujours.

M. Baril (Arthabaska): Oui, à tant de degrés de chaleur! Vous parlez aussi de la production céréalière et de ses difficultés.

Selon votre expérience, la production céréalière pour celui qui la consomme sur place, le producteur, soit qu'il ait des porcs ou une production laitière, ou peu importe, et qui la produit pour ses propres besoins, est-ce une production plus rentable que pour celui qui produit pour vendre?

M. Forget: Actuellement, chez nous, c'est de même que je suis organisé. Je suis un producteur de lait et je produis mon grain pour faire manger mes vaches. Je trouve que c'est plus rentable pour moi de le faire comme cela. Si c'est cela la réponse que tu veux, c'est cela. La question de la production céréalière va devenir de plus en plus importante parce que, avec ce que Reagan est en train d'essayer de faire passer, à mes amis, la production céréalière rentre dans une crise qui va durer entre 3 et 10 ans. On va se retrouver avec un paquet de producteurs qui vont être en très grande difficulté financière à cause d'une baisse des prix de vente qui va être assez effarante. Cela ne m'étonnerait pas que, l'année prochaine, on se retrouve avec du maïs à 130 $ la tonne, toute l'année, quand on sait que le coût stabilisé est à 180 $ et qu'à 180 $, le gars donne la moitié de sa chemise au gouvernement. La production céréalière, comme elle est actuellement, va subir de très fortes pressions et le gouvernement devra trouver de l'argent pour la stabiliser parce que cela va prendre de la stabilisation, cela va prendre de l'argent pour la stabiliser pendant une période X d'années.

Pour ce qui est de la consommation, la consommation par les animaux à même la ferme, cela peut être intéressant, mais ce n'est pas intéressant dans toutes les régions. Dans une région comme les Laurentides, c'est évident que, dans notre région, on est plus porté à cela. On a moins de grands producteurs céréaliers qui ne produisent que ces céréales et c'est tout. On a plus de producteurs qui font du lait, des céréales, du porc, des céréales, du boeuf, des céréales, un petit peu de tout. À l'intérieur de notre fédération, on fonctionne plus comme cela. Il n'en reste pas moins que le coût de production pour un producteur de lait, pour ses céréales, est le même qu'un coût de production pour un producteur de céréales, pour ses céréales, ou à peu près.

M. Baril (Arthabaska): Oui, justement, vous avez touché un point important qui a soulevé la colère des producteurs agricoles aux États-Unis. Il n'y a pas juste vous autres, il y a beaucoup d'autres organismes qui appuient les producteurs agricoles. C'est évident qu'il y aura des conséquences dans l'immédiat, mais, si le gouvernement américain ne change pas sa politique, cela va, je crois, forcer les agriculteurs à ne pas produire non plus. Là, ils ont des surplus que le gouvernement américain assume et c'est ce qui réussit à maintenir le prix.

M. Forget: Techniquement, votre explication est très logique. Pratiquement, le gars qui a une batteuse de 120 000 $ à financer, un tracteur de 70 000 $, à peu près 400 000 $ de machinerie à financer, se retrouve dans l'obligation, lui, d'en semer 500 arpents par année, ne serait-ce que pour financer toutes ces bâtisses, toutes ces affaires-là. Ce que va faire Reagan, dans le fond, c'est qu'il va faire crever tous les plus faibles. C'est aussi simple que cela. C'est évident qu'il va stabiliser la production céréalière mondiale, mais en en faisant crever une couple. À notre idée, en tout cas, ce n'est pas la meilleure façon de fonctionner. C'est comme si on mettait dans les hôpitaux toutes les personnes au-dessus de 65 ans, on les "clean", c'est ça.

M. Baril (Arthabaska): C'est une mesure radicale. Si on revient au financement agricole comme tel, comment trouvez-vous le fonctionnement avec les politiques générales de l'Office du crédit agricole du Québec? L'application de ces politiques, de ces programmes chez vous, c'est sûr, tout le monde le reconnaît, il faut que ce soit amélioré, tout cela, mais l'application comme telle, est-ce que les conseillers en gestion, les conseillers techniques connaissent leur affaire, leur, formation est-elle adéquate, conseillent-ils bien les agriculteurs?

M. Forget: Écoutez, moi je peux vous donner mon exemple personnel. Je me suis établi en 1980, en production laitière. Lorsque j'ai fait ma demande de prêt à l'Office du crédit agricole du Québec, le directeur régional de l'office m'a répondu tout simplement que, parce que j'étais à Laval, cela n'avait aucun bon sens que je m'établisse en production laitière. J'ai été obligé de prendre tes procédures habituelles -dans le milieu, on les connaît - c'est-à-dire appeler le ministre et dire: Écoute, cela n'a pas de maudit bon sens, il ne veut pas me prêter. Finalement, le ministre a envoyé un autre bonhomme, un autre gars qui est venu chez nous et qui a dit: Oui, cela a bien de l'allure votre affaire, il n'y a pas de problème pour le prêt. L'Office du crédit agricole, autant il y a de producteurs qui empruntent, autant il y a de cas bizarres ou spécifiques qui se font. Je veux dire qu'il n'y a pas de régularité là-dedans, non plus. Moi, en tout cas, le deuxième conseiller qu'on a eu, je l'ai trouvé très compétent, le gars. En tout cas, je n'en trouve pas un incompétent; le problème, c'est la régularité de cette compétence à l'intérieur d'une région et à l'intérieur du Québec. Je pense que cela a été soulevé par l'ensemble des fédérations. Cela semble toujours le même problème ou à

peu près. (12 h 45)

M. Baril (Arthabaska): Comment est-ce que vous verriez la formation d'une banque agricole qui pourrait, je dois dire, remplacer l'office dans son fonctionnement? Cette banque agricole fonctionnerait selon le même principe que les caisses populaires, donc, elle serait gérée par les agriculteurs eux-mêmes et ils deviendraient membres de cette caisse. Comment verriez-vous ça?

M. Forget: Cela existe dans d'autres pays. Cela existe en France, entre autres, où ces banques-là financent l'agriculture. C'est évident que c'est quelque chose à étudier, mais, de là à savoir qui est-ce qui va investir en agriculture avec une rétribution du capital de 6, 7%... Es-tu prêt, toi, à prendre ton argent et à le placer à 5% quand tu peux le placer à 10% dans toute autre banque? C'est ça, dans le fond.

Le gouvernement fédéral a eu une idée; c'étaient les obligations d'épargne pour ce qui est de l'agriculture. Dernièrement, j'ai lu dans le journal qu'il trouvait ça peut-être plus ou moins intéressant, parce qu'il ne savait pas trop combien ça lui coûterait, cette affaire-là. Il y a toute la question des évasions fiscales qui pourrait entrer à l'intérieur de ces banques-là, mais c'est une des solutions qui pourraient être envisagées.

Moi, personnellement, je ne crois pas que l'Office du crédit agricole doive abandonner son mandat de prêts aux agriculteurs. Je pense que le gouvernement, en soi, a une responsabilité au niveau de la direction de l'agriculture, c'est-à-dire qu'il ne faudrait pas se retrouver, comme c'est arrivé, avec des concentrations de production dans certaines régions où on ne sait plus où se "garrocher".

Le ministère de l'Agriculture doit garder un certain contrôle là-dedans, mais ça doit être négocié avec les producteurs en place, évidemment. En tout cas, l'office doit rester. Il doit être plus compétitif. Il doit répondre beaucoup plus aux besoins du marché et avoir les conseillers nécessaires, parce qu'il y a un des représentants qui n'est pas ici aujourd'hui, mais il attend encore son crédit agricole; cela fait un an et demi de ça. Il est trentième sur la liste et on dirait que la liste n'avance pas vite, parce qu'il y a un manque de personnel, semble-t-il.

Il y a un paquet de petites bizarreries qu'il faudrait régler dans le fonctionnement. Mais, en soi, l'Office du crédit agricole, en tout cas, pour ce qui est de notre comité, se doit de rester et se doit de faire du prêt agricole.

Le Président (M. Vallières): Merci. Je dois vous arrêter là-dessus et passer la parole au député de Saguenay.

M. Maltais: Merci, M. le Président. Au nom de notre formation politique, on voudrait vous féliciter pour votre mémoire. J'ai eu l'occasion de le lire antérieurement. Il est bien structuré et bien préparé.

Juste avant d'entrer dans le vif du sujet, vous nous avez dit tout à l'heure que, dans votre cas précis, vous aviez été obligé d'appeler le ministre directement, pour passer en dehors des voies normales offertes à l'ensemble des producteurs agricoles. Je suis très heureux de vous l'entendre dire, parce que le ministre nous a toujours dit qu'il ne faisait pas de patronage. Je suis très heureux de vous l'entendre dire. Le monsieur à côté n'a pas eu cette chance-là. Cela fait dix-huit mois que vous attendez votre prêt. Peut-être que vous devriez appeler le ministre aussi. Au début de votre mémoire...

M. Dupré: Si monsieur a obtenu son prêt, est-ce que vous appelez ça du patronage?

M. Forget: Je n'appelle pas ça du patronage, parce que le directeur régional n'était pas dedans du tout. Si je n'avais pas eu ce recours, je n'aurais pas de prêt et je ne serais pas ici aujourd'hui pour vous parler.

Le Président (M. Vallières): Un instant, s'il vous plaît! À l'ordre! On va permettre à monsieur qui est concerné par la question posée par le député de Saguenay de réagir. Si d'autres intervenants à ma gauche veulent, par la suite, poser d'autres questions, ils pourront le faire sur la banque de temps réservée à cet effet.

M. Maltais: Ce que j'ai dit, c'est que l'Office du crédit agricole est tellement désuet qu'il a été obligé de passer par des moyens autres que la voie normale par laquelle les autres producteurs passent. C'est bien ça. La preuve, à côté de vous...

M. Forget: Désuet, c'est une chose. Il faut faire attention lorsqu'on dit désuet. Je ne dis pas que le directeur régional avait complètement tort, parce que lui, sa vision de Laval, c'était que c'était une ville horticole. Il ne se faisait que de l'horticulture et il voyait mal l'industrie laitière se développer à l'intérieur d'une municipalité d'au-dessus de 200 000 habitants. C'était une question de jugement. Moi, j'ai trouvé que son jugement n'était pas correct à ce moment-là. Cela ne veut pas dire que, dans d'autres cas, il n'avait pas un bon jugement. Sur ce cas spécifique, j'ai trouvé qu'il n'avait pas de jugement et j'ai été obligé de prendre des recours.

C'est évident qu'au niveau de l'office il n'existe pas de commission d'appel pour les différentes choses. Formez-la, la commission d'appel, et on va en appeler devant la

commission d'appel.

M. Maltais: Vous avez parfaitement raison. Vous n'avez pas d'autre chance que ça de vous défendre.

M. Forget: J'ai communiqué avec mon député pour me défendre et c'est normal aussi; quand on a un problème avec le gouvernement, on appelle son député et on passe par les voies normales de son député et le député fait des pressions. Le député, en soi, est un ombudsman. J'ai vu ça dans le journal, hier. J'ai trouvé ça bon!

M. Maltais: Oui, soi-disant.

Le Président (M. Vallières): Une question de règlement, M. le député de Nicolet.

M. Beaumier: C'est juste pour qu'on ne prenne pas une tendance, M. le Président. Par respect pour les gens qui viennent faire des témoignages ici, je n'aimerais pas que les députés de quelque côté que ce soit prêtent des paroles ou des intentions ou des jugements aux personnes qui n'ont pas porté ces jugements-là. Alors, c'était pour inviter...

Le Président (M. Vallières): Votre intervention...

M. Beaumier: Je vais terminer, s'il vous plaît!

Le Président (M. Vallières): Très très rapidement.

M. Beaumier: Oui. C'est une question de respect de ce que les gens nous disent, et non pas de leur prêter des paroles que certains députés, eux, voudraient avancer. Merci bien.

M. Picotte: Sur la question de règlement, ça va être très court. C'est pour vous souligner que, lors d'une dernière rencontre que nous avons eue concernant le cas des grévistes de la faim de Saint-Cyrille-de-Wendover, le ministre de l'Agriculture lui-même a reproché au député de Maskinongé d'appeler à l'office de temps à autre pour aider des gens, en disant qu'un député ne devrait pas appeler un organisme indépendant comme ça.

Nous sommes heureux de savoir, ce matin, que le député de Lévis ne se considère pas comme un député, puisqu'il se permet d'appeler. C'est tout simplement pour rétablir ces faits. À partir de ce moment-là, mon collègue va continuer dans la veine de ses questions.

Le Président (M. Vallières): Très bien. Compte tenu de la question de règlement qui a été soulevée, s'il y a des choses qui ont été dites 'en votre nom et qui ne correspondent pas à ce qui a été dit, veuillez les reprendre.

M. Forget: II n'y a pas de problème.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Je regrette, M. le Président, le député de Nicolet n'a certainement pas écouté mes paroles. J'ai seulement relevé les paroles que monsieur nous a dites. Est-ce que c'est exact? Que vous aviez été obligé de passer...

M. Beaumier: Le patronage, c'est vous qui l'avez dit, ce n'est pas lui.

M. Maltais: M. le Président, s'il vous plaît...

M. Forget: Je vais prendre la parole, si vous me le permettez. Je ne suis pas un parlementaire, premièrement. Je ne suis pas un gosseux de virgules non plus, d'accord? Je crois que, dans toute démocratie, le député a un rôle à jouer au niveau de l'ensemble des institutions qui sont d'office gouvernementales. J'ai passé par la règle normale pour ce qui est de mon prêt à l'Office du crédit agricole et je conseille à tous les producteurs, quand ils ont un problème avec l'office, d'aller consulter leur député; ces gars-là, on les paie pour ça.

M. Maltais: Très bien, c'est ce qu'on voulait vous entendre dire.

M. Dupré:... la déclaration du député de...

Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Saguenay.

M. Maltais: M. le Président, je n'ai pas fait de commentaire à la suite des paroles du député de Saint-Hyacinthe, alors qu'il attende son tour.

À la page 3 de votre mémoire, vous dites: "Efficacité et productivité égalent situation financière précaire ou faillite occasionnée par l'augmentation du coût de production. " Et vous nous dites un peu plus loin que, finalement, plus le gars travaille, moins il a des chances de réussir à cause, d'abord, des coûts de l'équipement, tout ça. Comment peut-on concilier que, plus il y a de productivité, donc plus de matière à vendre, si je comprends bien... Est-ce que ça dépend toujours des offices de commercialisation, quand il y en a ou quand il n'y en a pas, ou si c'est le coût de l'équipement et de tout ce qui tourne autour de ça qui sont trop élevés?

Malgré qu'il y ait plus de productivité, vous n'arrivez pas quand même. Je pense que c'est un peu le sens du paragraphe et je voudrais que vous m'expliquiez ça, comment ça fonctionne.

M. Raymond (Jean-Paul): C'est clair que c'est une constatation. Un jeune qui devient productif en empruntant beaucoup, en modernisant, augmente son volume de production, son coût est augmenté et ça devient de moins en moins rentable à cause du facteur d'endettement. Il y a l'efficacité, il produit beaucoup, mais l'endettement dépasse le coût de production. Quelqu'un qui va produire moins sera moins efficace, mais il va payer moins d'intérêt, son coût d'opération lui permettra de continuer à fonctionner tandis que celui qui va produire beaucoup... On constate que les gars qui sont rendus à 17 000, 18 000 livres de lait par vache, qui ont des quotas qu'ils ont achetés pour augmenter leurs ventes et qui ont des équipements, ce sont les premiers qui finissent par être obligés de lâcher.

Autrefois, plus tu étais productif, plus tu étais efficace, plus tu faisais de l'argent; depuis deux, trois, quatre ou cinq ans, plus tu grossis, plus tu es productif, plus tu te fais sortir du portrait parce que tu n'es pas capable de financer ton affaire.

M. Forget: II y a un sondage de la Société du crédit agricole qui confirme ce que M. Raymond vient de dire. Les 13% d'agriculteurs en très sérieuse difficulté financière sont également les plus productifs.

M. Maltais: Oui, c'est bien triste de constater cela. Finalement, plus il y a de gars au travail et moins il y a de chances de réussite.

M. Raymond: C'est cela.

M. Maltais: C'est l'inverse de toute logique existante. Vous semblez aussi ne pas être tout à fait d'accord avec les économistes et les spécialistes, les pro forma qui guident certains producteurs. Vous le dites très clairement: Les gens qui endettent le Canada de 30 000 000 000 $, ceux qui endettent le Québec de 9 000 000 000 $ et les municipalités. Ces gens-là qui préparent les pro forma - on peut peut-être parler de jeunes agriculteurs ou de ceux qui se lancent dans de nouvelles productions - c'est quoi leur expérience et ils se basent sur quoi pour en arriver à faire de pareils investissements? Le seul côté qui ne semble pas les préoccuper, c'est celui de voir s'il y a une rentabilité sur le capital investi, autant au niveau financier qu'au niveau du travail. Ces économistes-là, vous n'avez pas l'air de les porter dans votre coeur, si je comprends bien.

M. Raymond: À ce moment-là, c'est une intervention que j'ai faite moi-même dans le préambule, si on veut. Au point de vue de l'économie, vous constatez que le Canada s'endette d'une manière déraisonnable; le Québec s'endette d'une manière déraisonnable; les villes s'endettent d'une manière déraisonnable. Je ne connais pas exactement vos salaires, mais en agriculture, quand tu fais trois petits paquets de radis pour 0, 25 $, tu n'es pas capable de t'endetter, c'est bien clair. La rentabilité, que ce soit dans n'importe quelle production... Par exemple, dans le domaine du boeuf, il faudrait plus d'argent pour que les productions avancent plus que la progression... Il faudrait bien que nos vaches, qui donnaient 5000 ou 6000 livres de lait, montent leur production à 25 000 et 50 000 livres pour continuer à financer et à subir le progrès. Là, ce qui se produit, au point de vue de l'économie, c'est que les administrateurs, que ce soit du Canada ou du Québec, avec un endettement comme celui-là, s'ils venaient administrer nos fermes, se feraient sortir du portrait. Ce serait une affaire épouvantable; cela ne se tolérerait pas; c'est bien clair.

M. Maltais: Vous dites un peu plus loin que, devant cette situation, plusieurs producteurs faisant partie de la relève - ce sont tes jeunes qui se lancent en affaires en agriculture - ayant appliqué les nouvelles techniques et produisant de façon efficace se retrouvent devant une situation de faillite. Est-ce que cela voudrait dire que, lorsqu'un jeune s'en va au MAPAQ et s'installe, tout ce qu'on lui dit, finalement, s'il le fait à la lettre, il est voué à la faillite?

M. Forget: Ce que cela veut dire, c'est que, si deux producteurs se rendent au marché dans une production contingentée, par exemple les radis, il y a un des deux producteurs qui a très peu de marge de financement et a son propre financement. Lui, il est capable de vendre trois bottes de radis à 0, 25 $ et faire un profit de 0, 05 $. Le jeune qui a bâti son entreprise, qui a dû acheter et qui n'a pas une marge de financement personnelle se retrouve avec un coût de production de 0, 25 $.

M. Maltais: Mais est-ce que...

M. Forget: Cela veut dire que, pour ces deux producteurs, dans la même situation, il y en a un qui va survivre assez facilement à la baisse de prix et l'autre va "péter au fret".

M. Maltais: Somme toute, le jeune agriculteur qui prend la relève n'est pas compétitif?

M. Raymond: Je vais vous répondre à cela que c'est la capacité d'emprunt, la marge pour venir à bout de rester. Le jeune se fait financer et se fait faire un plan de production, mais il n'a pas de place pour avoir des poumons pour venir à bout... C'est bien beau d'arriver avec une production et de dire: On va vous faire un plan de production; vos truies vont donner seize cochons par année et vos vaches vont donner... Mais, au point de vue pratique, il en manque un bout et le jeune ne l'a pas. Que ce soit un pays ou une ville, quand le rêve de tous les économistes est atteint d'obtenir la capacité d'emprunt, c'est l'idéal de tous les gens: si on peut venir à bout d'emprunter au maximum et d'atteindre notre capacité d'emprunt, cela va produire et cela va rouler. Au point de vue du fonctionnement, il semble y avoir une mentalité qui se dirige vers cela et, quand il n'y a pas de capacité, de contrecoups, aussitôt qu'il y a une mauvaise année ou un petit quelque chose, on est obligé d'aller brailler. Tu n'es pas capable de venir à bout de surnager. C'est ce que l'on dit: Les jeunes n'ont plus de marge. Je peux en faire cochonner, des truies, sur papier avec mon crayon. Je vais vous faire cochonner dix ou douze petits par truie et elles vont cochonner tous les trois mois, mais, ici, il y a un plan de production et tu dis: C'est cela, tu as tant à payer. Tu dois tant et tout est exact, mais à la minute qu'il manque un cochon quelque part, tu es "décâlissé".

M. Maltais: M. le Président...

M. Raymond: C'est cela, notre problème, et on voudrait toujours aller plus loin et au maximum. Où est-ce qu'on se poigne, après le crédit, après les animaux, après les céréales, pour augmenter notre production et pour venir à bout de surnager? On est rendu au bout. On vous le dit, on est rendu au bout.

M. Maltais: D'accord. M. le Président, j'aimerais donner le reste du temps alloué à notre formation à mon collègue, le député de Huntingdon.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Huntingdon.

M. Dubois: M. le Président, je voudrais d'abord vous remercier de votre mémoire très bien articulé. Il décrit d'une façon exhaustive les nombreux problèmes que vivent les agriculteurs. Je m'aperçois que c'est dans tous les secteurs, ou à peu près, mais je voudrais revenir sur un secteur en particulier qui est celui de la pomme. Vous avez indiqué les nombreux problèmes vécus dans toutes les régions pomicoles; je pense que cela se ressemble pas mal. Je suis d'une région pomicote aussi, au sud de Montréal, et tous les producteurs sont conscients que l'avenir n'est pas rose dans ce domaine.

Comme solution, vous avez proposé un élément: d'assurer une stabilisation des prix ou de stabiliser les prix de la pomme. J'aimerais que vous m'expliquiez un peu votre point de vue à ce sujet parce que, dans mon esprit, cela pourrait être un meilleur plan d'assurance-stabilisation; cela pourrait être une meilleure mise en marché; cela pourrait être un plan conjoint national. En tout cas, je ne sais pas dans quel sens vous entendez, vous diriger, quand vous indiquez de stabiliser le prix de la pomme. J'aimerais vous entendre sur ce sujet.

Mme Robert: Ce serait au moins de s'assurer d'un coût de production au niveau de la pomme à l'heure actuelle, parce que vous savez que la mise... C'est sûr que l'idéal, quand vous parlez d'une organisation de la mise en marché, ce serait qu'on puisse arriver à s'organiser pour une mise en marché bien coordonnée. Ce n'est pas ce qui existe à l'heure actuelle. Il y a du travail qui se fait, mais on ne voit pas encore le bout du tunnel. Alors, qu'il y ait une stabilisation, c'est-à-dire qu'au moins on aille chercher nos coûts de production pour...

M. Dubois: Mais par l'assurance-stabilisation. C'est ce que vous voulez dire. C'est-à-dire une assurance-stabilisation plus généreuse qui couvrirait un plus grand coût de production.

Mme Robert: C'est certain. L'assurance-stabilisation, cela ne vient pas tout seul. Ce ne serait pas un règlement à nos problèmes, cela en est un entre autres. C'est sûr qu'à l'heure actuelle, que les programmes de reconstruction des vergers soient soutenus, c'est très important.

M. Dubois: Oui, oui.

Mme Robert: À l'heure actuelle, on a beau stabiliser notre production, avoir des prix de stabilisation de la production, quand tu as une production de 40%, tu as beau la stabiliser, elle reste à 40%.

M. Dubois: Je suis conscient du problème du jeune pommier. Même si la production était deux fois plus forte, la situation de la mise en marché de la pomme au Québec, on peut constater que cela ne va pas très bien. Enfin, si on regarde certaines productions qui sont contingentées sur le plan national, où il y a un quota de production, où il y a un contrôle des importations et un contrôle du commerce interprovincial, c'est bien sûr qu'à ce moment-là on peut arriver avec un prix fixe que reçoit le producteur.

Si on n'a pas ces instruments et que l'on demeure... En fait, si le plan conjoint de la pomme, par exemple, demeure strictement provincial, où on n'a aucun contrôle sur les prix et aucun contrôle sur les entrées et sur le commerce interprovincial, c'est assez difficile de dire: La pomme va se vendre un montant X cette année. Alors, si on dit, à titre d'exemple, qu'on va avoir un prix stable de la pomme, ce sont. tous des instruments qui nous manquent actuellement. Je ne sais pas si vous l'entendez de cette façon.

Mme Robert: Oui. À l'heure actuelle, tout est à faire là-dessus. On commence à peine à vouloir instrumenter pour calculer les coûts de production au niveau de la pomme. Cela ne se fait même pas à l'heure actuelle.

M. Dubois: Vous avez aussi soulevé les problèmes que vivent les jardiniers-maraîchers dans votre région. Ils sont les mêmes partout au Québec. La plupart des productions maraîchères ne sont pas contingentées, n'ont pas de contrôle sur l'importation et n'ont pas de contrôle sur le commerce interprovincial. Alors, c'est le libre marché. Je pense qu'à courte échéance c'est impossible de penser à un plan conjoint national, par exemple, pour le chou, la laitue, les carottes - je ne sais pas, moi - la pomme de terre. Cela demande des ententes américo-canadiennes. C'est encore un problème majeur. À court terme, je pense que c'est impossible qu'on puisse en arriver à cela.

La difficulté actuelle, c'est que rien de cela n'existe. On est sujet à la fluctuation des marchés dans toutes ces productions. Même si, par exemple, les producteurs de carottes du Québec et de la région sud de Montréal - d'où je viens, la majorité des carottes est produite là - se mettaient tous ensemble pour dire que, demain matin, on fixe un prix, si l'Ontario nous envoie des carottes 2 $ meilleur marché, les acheteurs de Montréal vont acheter les carottes de l'Ontario, c'est bien de valeur, ou ils vont les faire venir de la Floride à certains temps de l'année, ou du Texas à certains autres temps. C'est sûr qu'il existe un problème majeur et la solution n'est pas facile, je pense. Je suis content que vous le souleviez quand même parce que c'est un des points importants qui peut nous assurer, quand même, une production constante et la survie des producteurs. C'est très important. Les solutions qu'on peut mettre sur papier ne sont pas facilement applicables; c'est un problème.

Il y a un autre élément aussi. Vous avez parlé de la production de boeuf de boucherie, par exemple, la production animale. On a constaté hier, quand la fédération est venue, que le coût des aliments pour les animaux est le double au

Québec. II en coûte deux fois plus au Québec pour nourrir nos animaux qu'il n'en coûte dans le reste du Canada. Ne trouvez-vous pas que c'est là un problème majeur sur le plan de la continuité de la production, de la possibilité d'intégration de la relève dans ce domaine? Si on veut être compétitifs et qu'il en coûte deux fois plus pour les aliments pour les animaux, on a déjà un problème de base, en partant. Y aurait-il lieu de travailler dans le but de couper les coûts de production céréalière? Est-ce que c'est parce qu'il en coûte trop cher au Québec pour produire des céréales ou si c'est parce que le prix international des céréales est trop bas et que ceux qui en bénéficient sont seulement ceux qui produisent un surplus, comme les gens de l'Ouest? Je ne sais pas si cette situation vous a frappés, mais j'ai trouvé très étonnant que 30% du coût de production d'animaux au Québec aille aux aliments, tandis que c'est 15% dans l'Ouest.

Le Président (M. Vallières): Nous allons terminer sur cette réponse.

M. Forget: D'accord. C'est évident que vous mettez clairement en question l'auto-suffisance alimentaire au niveau du Québec. En concurrence avec d'autres régions, on peut arriver en dessous sur certains points et au-dessus sur d'autres. Il y a quand même d'autres considérations que nous trouvons aussi importantes à l'intérieur de l'ensemble de la pensée, au niveau du coût de production. C'est évident que, dans certaines productions, comme le boeuf, on peut se retrouver avec un coût de production un petit peu plus élevé que le coût de production ailleurs. En tout cas, si ces gens là ne font pas du boeuf, ils vont être en chômage, ils vont être bénéficiaires de l'aide sociale.

Dans le fond, l'assurance-stabilisation que le gouvernement a mise en place, c'est un - en tout cas, je le pense - programme promoteur de développement régional, jusqu'à un certain point. On empêche de fermer des régions complètes en ayant l'assurance-stabilisation. Enlevez l'assurance-stabilisation, messieurs, et il y a des grands bouts, au Québec, où il n'y aura plus personne du tout. C'est ce que cela veut dire. On a un territoire et il faut l'occuper. Il y a des productions où on peut être compétitifs; il y a des productions où on l'est moins. C'est peut-être plus payant de garder ces productions en vie que d'envoyer tout le monde à l'aide sociale se bercer sur leur chaise.

M. Dubois: C'est une constatîon que je faisais, remarquez bien. Loin de moi l'intention de dire: Demain matin, on ferme toute l'agriculture au Québec. Je pense qu'elle a besoin de progresser, et davantage.

Le Président (M. Vallières): Très bien, je dois vous arrêter là-dessus. Je remercie les gens de la Fédération de l'UPA des Laurentides. C'est vraiment un mémoire à caractère régional et d'une dimension régionale très intéressante que vous apportez à la commission et les membres en sont très heureux, Je voudrais rappeler aux membres de la commission que nous commencerons nos travaux cet après-midi à 15 heures précises, en recevant la Fédération de l'UPA de Lanaudière. Nous vous remercions de votre participation, messieurs. La commission suspend ses travaux à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 9)

(Reprise à 15 heures)

Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation reprend ses travaux. Pour commencer, nous entendrons les représentants de la Fédération de l'UPA de Lanaudière. Je demanderais à M. Bernard Duval, président, de nous présenter l'équipe qui l'accompagne et de procéder par la suite à la présentation de son mémoire. Pour la lecture du mémoire, vous disposeriez de 15 à 20 minutes. Le temps sera ensuite réparti équitablement pour une période de questions. La parole est à vous, M. le président.

Fédération de l'UPA de Lanaudière

M. Duval (Bernard): M. le Président, la Fédération de l'UPA de Lanaudière est heureuse de se présenter devant la commission pour lui faire part de son approche du dossier sur la relève, le financement et l'endettement.

Les gens qui m'accompagnent sont M. Réjean Payette, premier vice-président de la fédération; M. Raymond Laplante, deuxième vice-président de la fédération sera un des intervenants à titre de responsable du dossier sur le financement agricole è la fédération; M. Gibert Nicole, directeur régional, interviendra également; M. Jacques Clermont, membre du conseil d'administration, président du Syndicat de Nouvelle-Acadie.

Je passe directement à la présentation du mémoire. Au niveau de la table des matières, on va voir au fur et à mesure. Ce sera donc une partie de référence pour ceux qui voudront en prendre connaissance. Je pense qu'il faut souligner que la Fédération de l'UPA de Lanaudière, tout en s'en faisant un plaisir, s'est fait un devoir de participer à la présente commission. On a pensé qu'au nom des 3000 agriculteurs de la région de Lanaudière, on se devait de participer à la consultation générale de la commission sur les aspects de la relève et du financement. Sur ces trois aspects, nous espérons que notre participation vous permettra d'en mieux comprendre les problèmes, de déterminer les vraies causes de ces problèmes et, enfin, d'en dégager des solutions pratiques et Imaginatives.

On croit représenter quelque chose d'assez imaginatif dans l'avenir du financement. Pour ce faire, nous avons choisi de travailler prioritairement sur les principes à partir desquels des solutions devraient être dégagées, plutôt que de vous répéter les problèmes spécifiques que vous ont déjà identifiés nos récents congrès régionaux ainsi que les problèmes particuliers sur lequels se devront d'insister les organismes comme la Fédération de la relève et la confédération de l'UPA. Concernant les trois principaux aspects que nous allons traiter dans ce mémoire, nous arrêterons notre réflexion aux principes qui devront aider la commission dans ses recommandations de politiques de financement agricole.

Un cadre de référence: la ferme familiale et le plan conjoint. Tout est basé sur ces deux points. Afin d'arriver aux objectifs qu'elle s'est fixés, il nous paraît essentiel que la commission se donne un cadre de référence clairement défini. Sans celui-ci, la commission risque de recommander des solutions contraires aux intérêts des agriculteurs, voire même des solutions qui agiront dans des directions opposées et dont les effets des unes annuleront les effets des autres. Pour nous, ce cadre de référence repose sur deux orientations fondamentales: la ferme familiale, une structure de production à privilégier et les plans conjoints, une structure de mise en marché à privilégier. Trop souvent, ceci est perçu comme contraire aux lois du libre marché et suscite des critiques acerbes. Il subsiste, en effet, au Québec et au Canada, une philosophie économique visant à l'adoption de politiques à l'américaine, soit une structure de production spécialisée et fortement capitalisée et une structure de mise en marché libre et déréglementée.

Pour nous, cette philosophie est totalement dépassée et est contraire à nos orientations fondamentales. D'une part, avec l'effort que fait la société pour améliorer la qualité de vie et l'environnement des individus sans spolier les ressources non renouvelables, il nous faut favoriser et imaginer une structure de production compétitive où la famille conserve une place importante par rapport au capital et où la polyvalence côtoie efficacement la spécialisation. D'autre part, la mise en marché des produits agricoles par une action collective et disciplinée des producteurs eux-mêmes avec la collaboration de l'État est prouvée comme l'outil le plus efficace pour

répondre mutuellement aux besoins fondamentaux des producteurs et des consommateurs.

Les politiques de financement agricole qui influencent de façon considérable le développement de l'agriculture doivent être préparées à la lumière d'un cadre de référence clairement défini. Nous croyons donc que la commission doit adopter un cadre de référence qui repose au moins sur les deux orientations ci-haut définies, soit la ferme familiale et le plan conjoint.

Nous devons de plus mettre en évidence à la commission le fait que les politiques de financement agricole constituent pour l'État un outil pouvant l'aider à jouer un de ses rôles fondamentaux, soit celui de s'assurer d'une juste distribution des revenus parmi les catégories de citoyens de la province. Les politiques de crédit agricole permettent donc à l'État qui le désire de rendre accessibles à toutes les catégories de citoyens, riches ou pauvres, des aliments à meilleur prix, en quantité et en qualité suffisantes. Ainsi, en voulant influencer le développement de l'agriculture, l'État aide inévitablement le consommateur québécois à s'alimenter à meilleur prix et le rendre plus sécurisé face aux réactions des autres pays producteurs. Nous croyons donc que l'État peut et devra à l'avenir remplir ce rôle à l'intérieur du cadre de référence que nous avons défini, tant dans l'intérêt des consommateurs que de la classe agricole.

M. Payette (Réjean): La relève agricole, situer l'intérêt des deux parties, vendeur et acheteur, lors d'un transfert. Théoriquement, l'intérêt du vendeur est d'obtenir pour sa ferme un prix maximum qui lui permettra de récupérer en argent la valeur totale réelle de ses actifs et, selon son âge, lui assurer une retraite convenable. L'acheteur, lui, essaiera d'acquérir les actifs à un prix minimum qui lui permettra de remplir ses engagements et de tirer de son entreprise un niveau de vie acceptable.

Des capitaux qui demeurent en agriculture. Afin de rejoindre les intérêts et exigences mutuels de l'acheteur et du vendeur, il y aurait lieu de faire des efforts pour que puisse s'appliquer une formule reconnue de financement de l'acheteur directement par le vendeur. D'une part, ceci favoriserait le maintien des capitaux en agriculture. D'autre part, les deux parties pourraient potentiellement bonifier leur situation respective.

Des transferts progressifs et planifiés. Ce principe est central et devrait s'appliquer dans la majorité des cas. Les futurs agriculteurs n'auront plus le choix que de s'assurer que leur projet se réalise étape par étape, tant du point de vue humain, technique que financier. Il faut donc que le crédit agricole soit en mesure d'offrir à la relève agricole un outil d'implication financière progressive, pivot d'une réalisation de projets planifiés è long terme, étape par étape.

Des modes de transfert Imaginatifs et reconnus. La majorité des fermes est encore aujourd'hui à propriété unique ou de couple et ne possède aucun statut juridique particulier. La minorité des fermes en société ou compagnie bénéficie, quant à elle, d'un statut juridique particulier avec des formules définies de transfert et d'implication à l'intérieur même de ces structures légales et financières. Ces structures légales ne s'adaptent pas parfaitement au secteur agricole et ne tiennent pas vraiment compte de ses besoins particuliers.

Par ailleurs, on connaît également les difficultés rencontrées par ces mêmes structures lors de dissolution, souvent, pour un retour à une forme de propriété unique ou de couple. À partir de ces constatations, pourquoi ne pas inventer une structure légale de ferme familiale à partir de laquelle pourraient se réaliser des modes de transfert progressifs reconnus et réalisés, tels qu'ils se pratiquent actuellement dans d'autres pays, par exemple, le "share milking" en Nouvelle-Zélande? Du même coup, nous respecterions et engloberions l'application des principes que nous avons élaborés aux chapitres 3. 2 et 3. 3.

En effet, en plus d'un cadre légal à l'établissement progressif, ce qui demeure une fin en soi, ces modes de transfert inciteraient les vendeurs à garder leurs capitaux investis en agriculture et encourageraient les deux parties à réaliser un transfert étape par étape, tant du point de vue humain, technique que financier.

Reconnaître la formation agricole. Un dernier grand principe pour l'élaboration de politiques de crédit agricole pour la relève est celui de la formation. Nous entendons par formation la formation théorique généralement dispensée sur les bancs d'école et la formation pratique, généralement dispensée sur les lieux de travail. Même s'il nous apparaît, dans un premier temps, plus important de promouvoir la formation auprès de la relève agricole et de lui en faciliter l'accès par des programmes proches de son milieu et de ses réalités, il nous apparaît qu'à long terme les politiques de crédit agricole devront reconnaître les acquis théoriques et pratiques de la relève agricole.

En attendant, il importe d'établir une concertation de tous les intervenants du milieu, de sorte que la formation gagne la place qui lui revient dans l'esprit et dans la vie de la relève et des parents. Les futurs producteurs et productrices agricoles seront bien différents de ceux et celles d'aujourd'hui. Les futures productions seront différentes, plus nombreuses et plus diversifiées. La planification et la gestion

prendront plus de place que l'improvisation, les budgets établis décourageront les décisions et les achats impulsifs. Le manque de compréhension de l'information sera plus grand que le manque d'information.

Ce sont là quelques-uns des nombreux défis qu'une relève agricole mieux informée réussira à relever et la commission devra en tenir compte dans ses recommandations sur les futures politiques de crédit agricole.

M. Nicole (Gilbert): Chapitre IV, le financement. Deux critères d'admissibilité: fermes familiales et productions en plan conjoint. En lien direct avec notre cadre de référence, nous demandons à la commission de considérer sérieusement les critères d'admissibilité que nous allons lui proposer. Les membres de la fédération ont réfléchi longuement au choix de ces critères et en sont arrivés à une proposition qui constitue l'essence même du mémoire de la fédération et ce vers quoi les politiques de crédit agricole devront converger.

La fédération propose donc de privilégier et de rendre exclusif l'accès aux politiques de crédit agricole, premièrement, aux fermes qui mettent en marché un produit agricole couvert par un plan conjoint et, deuxièmement, aux fermes qui mettent en marché un produit agricole mais strictement pour la partie de leur volume de production pouvant être produit par 1, 5 UTH ou moins.

Afin de faciliter la compréhension de cette proposition, nous avons cru bon de l'illustrer dans le tableau de la page suivante. Vous avez, en fait, dans le haut de la page, le résumé. En partant de la gauche, les structures de mise en marché qui sont divisées en deux avec plan conjoint et sans plan conjoint. Au bas du tableau, les structures de production, que ce soit une production unique, en société ou en compagnie, qui sont divisées en deux soit ce qu'on appelle la ferme familiale, qu'on va définir plus précisément tout à l'heure, et les autres fermes.

La légende, finalement, explique chacune des constituantes du tableau. Au bas, vous avez les critères 1 et 2 qui sont jumelés pour composer le total des fermes admissibles et le total des volumes admissibles selon les deux critères qu'on a retenus.

Si on tourne la page, on verra peut-être plus précisément d'où partent ces deux critères mais il faut comprendre que ces deux critères doivent être appliqués simultanément, donc, que les politiques de crédit agricole devront être accessibles exclusivement. En fait, on regroupe les critères 1 et 2 concernant toutes les fermes qui mettent en marché un produit agricole couvert par un plan conjoint, mais strictement pour la partie de leur volume de production pouvant être produit par 1, 5 UTH et moins.

Le critère 1: les productions en plan conjoint. Ce critère d'admissibilité signifie pour la fédération que les politiques de crédit doivent s'adresser aux producteurs ayant manifesté un désir et une volonté ferme de prendre en main leur mise en marché. Ces producteurs devront avoir réalisé des actions collectives valables et nous croyons que les producteurs qui se sont voté un plan conjoint ont manifesté un minimum de volonté d'intervenir dans la mise en marché de leur produit.

Quant à ceux qui n'ont pas encore manifesté ce minimum de volonté, nous croyons qu'il faut dispenser l'État de leur rendre disponibles des politiques de crédit agricole. Ce qui soulagera également les contribuables des risques que l'État assume dans de tels investissements. De plus, l'État démontrera que c'est conséquent et cohérent avec l'ensemble des lois qu'il a promulguées, faisant en sorte que ces lois agissent toutes dans le même sens. En l'occurrence, que les fondements des lois sur le crédit agricole s'associent logiquement aux fondements de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles.

Il faut toutefois comprendre que ceci n'empêchera pas l'État d'investir dans des productions non organisées, à des endroits dont les résultats seront plus positifs, tels les services techniques aux producteurs, la recherche, la formation, etc.

Le critère 2: la ferme familiale à 1, 5 UTH. Ce critère d'admissibilité signifie pour la fédération que les politiques de crédit agricole doivent s'arrêter à la partie du volume de production d'une ferme, producteur unique, société ou compagnie, pouvant être produite par 1, 5 UTH ou moins. L'UPA et le MAPAQ ont toujours défendu le principe de la ferme familiale et il est plus que temps que quelqu'un ose mettre une balise pour la situer et lui donner une signification plus concrète.

Nous proposons donc aujourd'hui une norme pour définir la ferme familiale; cette norme, c'est l'UTH: unité-travail-homme. On pourrait peut-être s'entendre sur le mot "personne" dans l'avenir, mais, pour l'instant, c'est UTH.

Nous proposons également une taille à cette norme et cette taille est de 1, 5 UTH. Donc, pour nous, la ferme familiale est la ferme qui occupe l'équivalent d'une personne et demie à temps plein. À partir de cette norme, il est possible de définir le volume de production optimal qui peut être produit par UTH et d'appliquer les politiques de crédit en conséquence de ces volumes optimaux, par production et par UTH.

Encore ici, il faut comprendre que ceci n'empêche pas l'État d'intervenir en faveur des fermes de plus de 1, 5 UTH; d'ailleurs, il

le fait déjà par des politiques telles que celles sur le remboursement des taxes, sur la fiscalité, sur les travaux mécanisés, sur le zonage agricole, etc. Nous croyons cependant que l'État doit poser des gestes concrets pour privilégier le maintien d'une structure de ferme familiale. Pour la fédération, le crédit constitue un moyen efficace d'influencer dans ce sens le développement des structures de production. (15 h 15)

Un choix d'options dans le financement agricole. La diversité des productions agricoles de la région de Lanaudière, tant sur son territoire que sur chacune de ses fermes, constitue un trait original de notre agriculture.

Ainsi, afin de tenir compte de la situation propre à chaque individu et à chaque production, les politiques de crédit, selon l'objectif de chacune d'elles, devraient pouvoir offrir un certain choix d'option de financement.

Tenant pour acquis que les besoins de financement d'un agriculteur diffèrent d'un type de production à l'autre, il importe que les limites maximales soient adaptées aux différents types de production. Ces limites ne devraient donc plus être identiques pour tous les types de production, mais plutôt tenir compte des réalités de chacune d'elles. Les limites maximales de financement devraient donc s'établir en proportion des besoins d'une ferme familiale, selon le volume de chaque production correspondant à 1, 5 UTH.

Du crédit agricole garanti, ayant peu d'incidence à long terme sur le prix des actifs transigés. Il ne faut pas, au départ, mêler le fait de rendre disponible du crédit garanti aux entreprises agricoles au fait encore nécessaire de subventionner l'agriculture. Idéalement, le crédit agricole ne devrait pas être une formule de subvention générale de l'agriculture. Les problèmes de revenu en agriculture doivent être attaqués de front en corrigeant les causes spécifiques à chaque production.

Ainsi, dans la mesure où les politiques de crédit se limiteront à leur fonction essentielle de rendre disponible du crédit garanti aux entreprises agricoles, les avantages de ces politiques ne seront pas, à moyen et long terme, capitalisés dans le prix des actifs transigés. Car si, à court terme, quelqu'un y gagne à bénéficier d'un crédit-subvention, à long terme, quelqu'un d'autre y perd et les entreprises agricoles entrent dans le même mouvement que celui du chat qui court après sa queue.

Des garanties qui correspondent à la valeur du prêt. Malgré que les garanties exigées soient indispensables, puisqu'elles donnent à l'établissement prêteur la possibilité de recouvrer l'argent des déposants si les primes ne peuvent être remboursées, nous croyons injustifié que les garanties exigées soient dans plusieurs cas supérieures à la valeur du prêt; d'autant plus que, contrairement au chef d'une entreprise commerciale, le failli peut perdre son entreprise et sa maison. Dans bien des cas, plusieurs générations y ont travaillé et les conséquences humaines et sociales sont évidentes.

Structure des taux d'intérêt. Le premier principe à reconnaître en matière de financement agricole est celui des taux d'intérêt qui tendent à demeurer fixes. Nul n'est besoin de s'étendre longuement sur les contraintes biologiques, géographiques, climatiques particulières au secteur agricole pour justifier ce principe. Une multitude de facteurs déstabilisent la production et les coûts de production; en contrepartie, les taux d'intérêt se doivent d'intervenir comme facteur de stabilisation des coûts de production reliés à la production agricole.

La structure des taux d'intérêt que nous allons vous proposer repose en partie sur les deux principes actuels, en partie sur d'anciens principes que plusieurs avaient relégué aux oubliettes.

A. Illustration de notre proposition. Ce qui est demandé, c'est qu'à long terme les prêts soient consentis pour une période de 39, 5 ans à des taux d'intérêt de 2, 5%. Le remboursement se ferait sur une base de 4% par année. En prenant l'exemple d'un emprunt de 100 000 $, le remboursement de la première année serait 4% de 100 000 $, soit 4000 $, répartis en 2500 $ d'intérêt et 1500 $ de capital.

Nous voulons ici vous préciser que ce principe devra être différencié dans son application. Ainsi, les productions sans sol devront pouvoir financer une partie de leurs actifs sur du long terme. Au besoin, il faudra donc redéfinir les critères de répartition des actifs à court, moyen et long terme en fonction d'un type de production sans sol. Moyen terme: sur une période de quinze ans. C'est la formule qui s'applique actuellement sur les prêts à long terme. La commission doit évaluer favorablement la méthode actuelle de fixation des taux d'intérêt sur les prêts à long terme, sauf sur un aspect, soit celui du calcul d'intérêt au mois que nous souhaitons voir remplacer par un mode de calcul semestriel. À court terme, les taux d'intérêt ne dépassant pas 10%. Ce taux est applicable en toute situation, pour autant que le montant emprunté ne dépasse pas la limite maximale à court terme de la ferme familiale. Un exemple ou une hypothèse: 50 000 $ pour une entreprise de 150 truies.

Exemples de fonctionnement. B. 1: Établissement d'un producteur sur une ferme porcine maternité à 100 truies. Le producteur qui part à zéro et investit pour une production de 100 truies a un besoin

financier de 222 000 $. Financement à taux préférentiels à long terme: 100 000 $; moyen terme: 66 500 $; à court terme: 33 500 $. Mise de fonds: 10% ou 22 000 $. Il y a une petite erreur, il y a un "2" de trop.

B. 2: Projet d'agrandissement, phase II. L'individu passe de 100 truies à 150 truies. Besoin financier: 110 000 $. Financement à taux préférentiels à long terme: 50 000 $; moyen terme: 33 500 $, court terme: 16 500 $; mise de fonds è 10%: Il 000 $.

Projet d'agrandissement, phase III: L'entreprise passe de 150 à 200 truies; besoin: 110 000 $. Financement: les taux préférentiels ne s'appliquent plus, parce que l'entreprise dépasse la ferme familiale telle que définie, avec une hypothèse que 150 truies nécessitent 1, 5 UTH. C'est une hypothèse.

C. Avantages du modèle proposé: favorise le respect du premier principe définissant le cadre de référence, à savoir: le maintien et le développement de la ferme familiale.

Réaction plus favorable au projet d'organisation de la mise en marché, d'où le respect du deuxième principe définissant le cadre de référence, à savoir: l'organisation de la mise en marché par les plans conjoints. Rétrécissement de l'écart qui existe actuellement dans la rentabilité des entreprises qui ont un haut niveau d'endettement et celles qui en ont un bas. Pressions moins fortes sur le marché des fermes par les producteurs à bas niveau d'endettement, d'où une amélioration de la situation du marché pour la relève agricole et une stabilisation des prix des actifs transigés.

Faisabilité: Nous n'avons pas tenté d'établir les coûts réels d'une telle politique de financement agricole. Cependant, il est possible d'établir deux distinctions importantes à ce niveau.

D. 1: Pour les productions bénéficiant de programme de stabilisation des revenus: Les sommes investies dans un tel type de programme de financement pourront être largement récupérées au niveau des versements faits par le gouvernement aux producteurs et les montants ainsi versés bénéficieront plus à ceux qui en ont le plus besoin.

D. 2: Pour les productions bénéficiant de formule de prix établis à partir des coûts de production: Les sommes investies dans un tel type de programme de financement ne pourront être récupérées complètement, mais n'est-ce pas là un des moyens qui permettra de privilégier la ferme familiale et le plan conjoint?

M. Laplante (Raymond): L'endettement: Un endettement basé sur la capacité de remboursement.

Jusqu'à une certaine époque, les prêts consentis aux agriculteurs étaient essentiellement basés sur l'avoir net de l'emprunteur. Cette approche a été remise en question et la majorité des agriculteurs et hommes d'affaires admettent qu'il faut baser l'endettement sur la capacité de remboursement plutôt que sur l'avoir net.

Les politiques de crédit agricole doivent donc baser leurs critères sur l'aptitude que possède l'entreprise agricole de générer des revenus qui lui permettront de faire face à ses coûts de production, le service de la dette, la rémunération du travail de la famille.

La consolidation des dettes: Si l'analyse d'un cas démontre que des modifications importantes sont survenues, les politiques de crédit doivent permettre de consolider les dettes afin que le programme de remboursement corresponde à la nouvelle capacité effective de remboursement de l'exploitation.

Généralités: Attitude des conseillers de l'office.

Faire une demande de prêt ou autre n'est pas un geste facile pour tout le monde. Plusieurs en sont à leur première expérience et ce n'est pas une expérience qui se répète d'une façon routinière dans la carrière d'un producteur agricole.

Le producteur ou la productrice agricole qui rencontre un conseiller en crédit de l'Office du crédit agricole du Québec s'attend à une attitude positive de la part de celui-ci et plus particulièrement que le conseiller: 1. Soit équitable dans l'étude et l'application des critères d'évaluation de la demande, tant auprès de la productrice que du producteur agricole, tant dans le cas de productions nouvelles que de productions traditionnelles. 2. Favorise un climat d'échange, de coopération et de franche collaboration. 3. Traite chaque demande de manière la plus diligente possible.

Règlements discriminatoires: Les règlements doivent permettre l'égalité des chances d'accès aux politiques de crédit agricole, tant à la productrice agricole qu'au producteur agricole, sans égard à son statut matrimonial.

Commission d'appel à l'office: La période de difficultés économiques que traverse actuellement la production agricole rend encore plus criante la nécessité d'une commission d'appel à l'Office du crédit agricole du Québec.

Dans un chapitre précédent, nous avons parlé de l'attitude des conseillers en crédit agricole. Nous croyons cependant que le personnel de l'office ne devrait pas assumer seul la responsabilité de l'étude du financement d'entreprises agricoles qui ne répondent pas ou ne répondent plus aux

critères généralement appliqués.

Une commission d'appel constituerait de la sorte un moyen pour, d'une part, alléger le fardeau de responsabilités du personnel de l'office; pour, d'autre part, atténuer ou corriger certaines injustices causées à des producteurs et productrices agricoles.

M. Duval: Comme conclusion, M. le Président, nous ne pouvons prétendre avoir approfondi tous les aspects de la relève, du financement et de l'endettement agricole, mais nous croyons avoir rempli notre devoir en fournissant aux membres de la commission l'occasion d'une réflexion sur les premiers principes sur lesquels devraient reposer les futures politiques de financement agricole au Québec.

Nous vous rappelons notre disponibilité et insistons sur notre volonté d'être consulté quant aux étapes futures de réflexion, d'orientation et de décision des futures politiques de financement agricole du Québec.

Nous insistons également pour que la prochaine étape de consultation se réalise dans les plus brefs délais et dans le cadre d'un sommet socio-économique sur le financement.

Nous croyons que c'est dans ce cadre, où seraient présents tous les intervenants du monde agricole, que pourraient être le mieux analysés et discutés tous les aspects du financement.

Nous espérons de plus que ce mémoire aura permis aux membres de la commission de mettre en lumière les liens qui peuvent et devraient davantage exister entre les principes fondamentaux de chacune des lois et programmes qui s'appliquent au domaine de l'agro-alimentaire.

Il nous apparaît donc que l'État devra davantage s'assurer qu'il promulgue des lois conséquentes les unes avec les autres afin qu'elles convergent vers le même objectif du mieux-être de la classe agricole.

Ce sont les points de vue que le conseil d'administration - a pris en considération en élaborant ce mémoire à l'intention de la commission, dans une région où, on le répète, la diversité des productions et la formule de production nous caractérisent. En même temps, c'est une formule imaginative de crédit agricole et de financement et c'est la base même du départ de l'agriculture, de l'agriculteur ou de l'agricultrice.

Le Président (M. Vallières): Je vous remercie, M. Duval. J'ai des demandes d'intervention. Nous commencerons par M. le député de Berthier.

M. Houde: Merci, M. le Président. Je voudrais, en premier lieu, vous remercier pour le magnifique mémoire que vous nous présentez aujourd'hui. De plus, cela me fait plaisir de vous accueillir étant donné que c'est ma région, la région de Lanaudière, celle de la fédération de l'UPA, celle de Joliette et des environs.

À la page 4 de votre mémoire, quelle formule vous semble la meilleure pour que le vendeur finance directement l'acheteur d'une ferme agricole? Est-ce que vous pouvez expliquer un peu comment vous voyez cela?

M. Laplante (Raymond): Est-ce que c'est ce qui est à la page 5 ou à la page 4?

M. Houde: À la page 4. C'est à la page 5 pour vous autres. D'accord.

M. Duval: Cela s'intitule: "La relève agricole".

M. Laplante (Raymond): La façon dont on s'explique ici, c'est sûr qu'on aborde cela sur une question de principe. Dans le domaine de 3, 2, on dit: C'est sûr que, quand il y a une vente de ferme, il y a des vendeurs et des acheteurs. Cela veut dire que quelqu'un, quelque part, retire un montant d'argent. Il faudrait trouver une façon pour faciliter que l'argent qui est gagné ou fait en agriculture puisse demeurer en agriculture, soit par un transfert progressif. La personne qui vend pourrait laisser l'argent là; on pourrait offrir des actions ou des parts à celui qui achète ou cet argent pourrait servir aussi à ce qui est des dettes, pas nécessairement à long terme, mais à moyen terme et à court terme. C'est dans ce sens-là. Je ne sais pas si cela répond à votre question.

M. Houde: Oui, d'accord. Maintenant, à la page 5... M. Payette, allez-y.

M. Payette: Il y a une chose que je voudrais ajouter. C'est comme un prêt tandem qui est garanti par le gouvernement et que le vendeur laisserait, disons, ce que le père laisserait à son fils, une somme d'argent, que le prêt agricole n'aurait pas à débourser et qui soit garanti. 5i jamais l'office venait en difficulté, que cela soit garanti par le gouvernement de la même façon qu'un prêt tandem.

M. Houde: Le père ne perd pas. M. Payette: Précisément.

M. Houde: Merci. Ma deuxième question concerne la page 5, paragraphe 5. Comment voyez-vous le processus que l'Office du crédit agricole devrait mettre en place pour établir le remboursement étape par étape de ces prêts à long terme? C'est à la page 5.

M. Nicole: On n'en a pas

nécessairement étudié tout le mécanisme, mais je pense qu'il y a des éléments de réponse qui sont donnés au paragraphe 3. 4. Au paragraphe 3. 4, on y va avec un exemple, finalement, de mode de transfert progressif, et c'est basé sur une juridiction, à l'exemple de ce qui se fait en Nouvelle-Zélande, le "share milking".

M. Houde: D'accord. À la page 7, pourriez-vous préciser votre idée, avec d'autres exemples au besoin, d'offrir dans la politique de crédit un certain choix d'options de financement?

M. Duval: On se demande comment il se fait que la pagination n'est pas la même. On est toujours une page en retard ou une page en avant.

M. Houde: C'est pour cela. J'ai la page et, lorsque je vais voir dans le mémoire, il y a une page de différence. Oublions les pages, ce sera plus facile.

Le Président (M. Vallières): On a deux textes effectivement. Un nouveau texte a été présenté.

M. Houde: J'ai le nouveau texte. Est-ce que c'est le nouveau que vous avez?

Une voix: C'est celui daté du 6 mars. (15 h 30)

Une voix: C'est comme des testaments.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Berthier, le vôtre est en date du 6 mars.

M. Houde: Oui. Voulez-vous que je répète la question d'abord?

M. Nicole: Répétez donc la question.

M. Houde: Si vous voulez, pourriez-vous préciser votre idée, avec d'autres exemples au besoin, d'offrir dans la politique de crédit un certain choix d'options de financement? Quels sont les choix que vous pourriez nous expliquer ici, à savoir comment le financement pourrait se faire?

M. Nicole: Tel que c'est défini là, dans le fond, c'est qu'il faudrait s'entendre sur des limites maximales de production, sur une production optimale par production et les limites seraient définies en fonction du volume optimal pouvant être produit par production, mais à l'intérieur de ta limite de 1, 5 UTH. On établirait ce que 1, 5 UTH peut produire d'une façon optimale. Le maximum de financement serait établi à partir de cela.

M. Houde: Tenant compte du capital humain?

M. Nicole: Tenant compte de tout ce qu'il faut pour produire avec 1, 5 UTH, autant les ressources humaines, techniques, financières que naturelles.

M. Houde: D'accord.

M. Duval: Pour compléter cela, c'est qu'au lieu d'avoir un maximum de montants comme c'est actuellement: disons 150 000 $ ou 200 000 $ ou des choses comme cela, on irait production par production. L'exemple qu'on donnait pour le porc: si 150 truies, c'est 1, 5, combien faut-il comme financement à court, à moyen et à long terme, pour le boeuf d'engraissement, pour le bovin laitier ou, pour le mouton? Dans toutes les productions, il y aurait une volonté établie en fonction d'une pratique agricole optimale avec 1, 5 unité-travail-homme. On crée des critères pour chacune des productions à court, à moyen et à long terme. C'est cela qu'est l'aspect qu'on ne connaît pas. Aujourd'hui, on regarde le montant maximum et qu'on l'atteigne ou qu'on ne l'atteigne pas, on prend notre besoin. Si cela ne répond pas à notre besoin, on prend ce qu'il y a là et le reste va sur le marché régulier; quelquefois, cela ne répond pas nécessairement aux structures. Si on regarde les besoins du financement à court terme pour les céréales et les parcs d'engraissement, la formule actuelle ne répond pas nécessairement intégralement à la ferme familiale.

M. Houde: Un peu comme on voit lorsqu'on parle de barbecue à 30 000 "broilers" par unité-homme. C'est un peu cette situation. Â la page 8, au paragraphe 4. 1, aux petits carreaux que vous avez... Est-ce que vous y êtes, au bas de la page?

M. Duval: D'accord.

M. Houde: Trouvez-vous juste que les politiques du crédit agricole se limitent aux seuls produits agricoles couverts par un plan conjoint, aux fermes qui mettent en marché un produit agricole couvert par un plan conjoint, ce qui apparaît au paragraphe 1? Est-ce qu'on se rejoint?

M. Duval: Oui. La réflexion qu'on a faite à l'intérieur de la fédération, si on dit que c'est à la charge de la société... Toute formule de loi, entre autres la Loi sur le crédit agricole, est à la charge de la société, tous les rabais d'intérêt. On dit: Les agriculteurs qui ont voulu coordonner leur production et faire une mise en marché ordonnée de leurs produits et qui ont fait le minimum d'effort - on pense que le minimum d'effort, c'est d'avoir voté collectivement en faveur d'un plan conjoint - et qui essaient d'agir sur le marché, non pas à l'encontre du

consommateur, non pas à l'encontre de l'ensemble des citoyens, de l'ensemble de la société du Québec, on dit qu'il y aurait une retombée assez égale... On le demande pour ces gens-là. Pour les principales productions où une ferme familiale va gagner sa croûte à l'intérieur de la production agricole, l'ensemble de ces productions sont déjà touchées par les plans conjoints. Cela ne discrimine pas beaucoup de producteurs. Bien des gens pourraient nous dire: Un tel gagne sa vie avec telle chose. On est conscient que, par la formule qu'on propose, il y a peut-être quelques individus au Québec, dans la région de Lanaudière, qui seraient brimés par notre position. C'est loin, et de très loin, d'être une majorité; c'est une minorité; en tout cas, c'est très faible. Quand il nous restera à étudier les cas d'exception, on les regardera: les membres de l'Opposition, le gouvernement, l'UPA dans son ensemble. On regardera ces quelques cas d'exception. On ouvre la porte à l'idée de dire qu'il est fort probable que tout le monde au Québec soit entraîné par l'imagination pour trouver une formule pour aider ces gens-là d'une façon ou d'une autre.

M. Houde: C'est peut-être en dehors de votre mémoire, mais seriez-vous prêt à dire qu'un cultivateur, disons qu'ils ne sont pas trois ou quatre cultivateurs sur la même ferme, mais seulement un, soit le père ou un garçon qui s'est établi, pour autant qu'il aurait de quoi subvenir à ses besoins, cela serait suffisant. Est-ce que c'est cela que vous voudriez faire à un moment donné? Non? Avec 30 000 "broilers", prenons notre exemple de barbecue, ils pourraient vivre aisément, facilement, est-ce que cela sera assez pour qu'un autre, après cela, se limite à cela? Ou si on peut prendre une autre ligne à côté et aller chercher deux fois le revenu, ce qui n'est pas nécessaire? Est-ce que cela se rendrait jusque-là?

M. Duval: On crée la base d'une ferme familiale, ce que 1, 5 UTH est capable de produire. On ne les limite pas. Surtout dans la région de Lanaudière, on ne peut aucunement limiter ou, obligatoirement, on va s'en aller dans une spécialisation. On a une caractéristique de diversité des productions dans la région, mais, en même temps, on a un gros volume de producteurs, soit en fermes familiales ou d'autres genres, qui dépassent ou sont en bas du 1, 5, parce que c'est le maximum qu'on met, productions qui sont de la diversité à l'intérieur de la ferme, qu'on parle des productions porcines avec productions maraîchères ou productions horticoles en général, ou vice versa; des gars de céréales avec des productions laitières, le tabac, à l'exception faite des producteurs de tabac à cigarette, où le tabac à cigare et à pipe est une caractéristique assez précise chez nous, même une spécialité; c'est ce qui fait que c'est toujours, à l'intérieur des pratiques agricoles ou du fonctionnement de la ferme, une production d'appoint, ce n'est jamais une production principale, la production de tabac à cigare et à pipe.

M. Houde: La page 14, le paragraphe 4. 4, pourriez-vous expliquer votre inquiétude au sujet des garanties exigées par le crédit agricole? On voit souvent que l'Office du crédit agricole demande deux, trois et quatre fois plus d'argent qu'il n'en avance. Quelle est votre politique là-dessus?

M. Laplante (Raymond): Je pense que cela dit exactement ce que cela veut dire. C'est que, normalement, pour quelqu'un qui a déjà emprunté, vous avez une dette envers l'État de, je ne sais pas, 100 000 $; mais ils se prennent des garanties d'un maximum... Ce que je veux dire, c'est que, à ce moment-là, pour n'importe quel autre prêt que tu veux aller chercher, une marge de crédit à ta caisse populaire ou des choses du genre, tu n'as plus rien à offrir parce que tout a été donné à l'office, qui en a pris en surplus. On dit: Prenez-vous des garanties pour les dettes qu'on a, mais laissez-nous la différence pour que l'on puisse quand même fonctionner un peu sans qu'on soit toujours lié. C'est dans ce sens-là que c'est inscrit.

M. Houde: D'accord. Je pense que c'est un malaise qui existe à peu près partout.

M. Laplante (Raymond): C'est cela.

M. Houde: C'est parce que les gens, lorsqu'ils ont de quoi à aller chercher en addition, ne peuvent pas le faire parce qu'ils ont les mains liées, pas seulement les mains, mais les pieds aussi.

M. Laplante (Raymond): C'est cela.

M. Houde: Une autre question. Sur quoi devraient se baser les conseillers de crédit pour suggérer le choix des productions? Cela est à la page 19. "Le producteur ou la productrice agricole qui rencontre un conseiller en crédit de l'Office du crédit agricole du Québec s'attend à une attitude positive de la part de celui-ci et plus particulièrement que le conseiller... " Je ne le lirai pas tout au complet. Quels seraient les critères? Quels sont les moyens qu'ils suggèrent pour aller dans telle et telle production?

M. Laplante (Raymond): Je pense que ce n'est pas applicable, dans le sens où la question est posée. On dit: II faudrait que chaque demande soit traitée équitablement. Deuxièmement, il faudrait que le conseiller ne nous voit pas toujours comme quelqu'un

qui vient lui demander la charité, mais plutôt entre gens d'affaires; dire: On a un besoin financier, qu'il nous monte un dossier, qu'il ne fasse pas de discrimination - comme c'est dit un peu plus loin - entre le producteur et la productrice, peu importe la production. Parce que, si l'on continue dans notre principe de 1, 5 UTH, je pense que toutes les productions sont admissibles; peut-être faudrait-il changer d'attitude. Je ne voudrais pas revenir sur ce que la Fédération des Laurentides a dit ce matin. Mais c'est une optique, nous prendre en hommes d'affaires autant que pour n'importe quelle industrie qui existe actuellement.

M. Duval: Ce que je rajouterais à cela, c'est que ce sont des conseillers en crédit, ce ne sont pas nécessairement des conseillers en production.

M. Houde: Exactement, je suis d'accord avec vous. On est sur la même longueur d'onde.

M. Duval: Si un gars en production laitière décide d'avoir des Holstein, il en a; ce n'est pas le conseiller en crédit qui devrait changer cela pour des Ayrshire. Ou bien des poules pour des cailles ou autre chose comme cela.

M. Houde: Des poules! C'est parce que je vendais des poulettes, c'est pour cela que vous dites cela.

Je vais revenir à la page 11. D'abord, c'étaient toutes de bonnes poulettes qu'on vendait à ce moment-là, M. Laplante peut en témoigner. Voici mon avant-dernière question: Quelle pourrait être la composition de la commission d'appel de l'Office du crédit agricole, en terminant? J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Duval: Sur le rôle de la commission?

M. Houde: Oui, quelle pourrait être la composition de la commission d'appel de l'Office du crédit agricole?

M. Duval: Je pense que tout ce qu'on a développé à l'intérieur de cela, c'est que nous disons qu'à l'intérieur d'une commission d'appel les agriculteurs s'attendraient d'être jugés par leurs pairs. Cela veut dire qu'il faut qu'elle soit composée majoritairement d'agriculteurs. Je pense que la confédération de l'UPA, pour avoir participé comme membre de l'exécutif, a assez insisté sur la formule de la composition. Si on en regarde une qui existe déjà, c'est celle de la Société du crédit agricole qui est composée strictement d'agriculteurs et où le rôle des officiers ou du personnel de la société est d'agir strictement comme personnes- ressources. Elle est composée uniquement d'agriculteurs. Nous sommes prêts à assumer cette proposition à savoir qu'il y a des agriculteurs, à l'intérieur du Québec, qui sont capables d'être juges et très bien placés pour agir auprès de leurs confrères.

M. Houde: En terminant, ma dernière question est plutôt locale pour notre région, Lanaudière. Quel est le nombre de jeunes qui se sont inscrits au Cégep de Joliette, l'automne dernier, et quel est le nombre de ceux qui se sont réinscrits après les fêtes? Est-ce que cela a été passablement bien pour... Comment cela s'est-ii passé, à peu près, pour voir?

M. Duval: II y a eu une quarantaine d'inscriptions l'automne dernier et, présentement, on ne connaît pas... Tout le monde est à se réinscrire au SRAMM. On ne sait pas quelle est la quantité de ceux qui sont à s'inscrire en II, ni de ceux qui sont à s'inscrire en 1. On connaît certains chiffres parce qu'on a des contacts bien directs, mais cela ne dit pas qu'à un secteur donné il y en a cinq ou six qui sont inscrits. On va connaître, éventuellement, à la fin du mois d'avril, les résultats de la confrontation des différentes applications. En tout cas, je pense que c'est un bienfait, à l'intérieur de toute la formation agricole, que le gouvernement ait répondu aux attentes simultanées de la fédération et des organismes régionaux sur la formation des jeunes. Je pense qu'il y a un comité de travail, au niveau de la formation des adultes, qui travaille avec les commissions scolaires, le CFP, les cégeps, la fédération et d'autres mouvements pour parfaire la formation agricole dans la région de Lanaudière.

M. Houde: M. le Président, je voudrais d'abord remercier bien sincèrement l'équipe de ma région de m'avoir permis d'échanger des propos avec elle. Je peux les assurer de mon entière collaboration pour travailler pour le bien de l'agriculture, dans notre région et dans tout le Québec en même temps. Merci beaucoup.

Le Président (M. Vallières): J'ai une demande d'intervention du député de Huntingdon. Il faudrait qu'elle se limite à une question, malheureusement, puisque l'enveloppe de temps est épuisée ou presque de ce côté-là de la table.

M. Dubois: Je vais y aller rapidement. Vous suggérez, dans votre mémoire, que seuls les producteurs qui font partie d'un plan conjoint ou d'une production structurée seraient aptes à recevoir des crédits de l'Office du crédit agricole. C'est à peu près cela? La question que je vous pose et que je

me pose moi-même, c'est que, si on regarde la situation actuelle et si on enlève les productions laitières - production des oeufs, du poulet de gril - en fait, les plans conjoints nationaux, et si on regarde tout le reste - je ne sais pas, que ce soit la pomme de terre, la pomme, le boeuf de boucherie, l'oignon, le maïs-grain - il y a des plans conjoints, il y a une structure qui existe, mais on ne peut pas dire qu'elle fonctionne. Le producteur ne vit pas mieux à l'intérieur de ces structures que s'il n'y en avait pas actuellement, au moment où nous nous parlons. Cela veut dire que, si on donne des crédits à celui qui est assuré de revenus, il y a tout un paquet de cultivateurs au Québec qui tomberaient, parce qu'ils n'auraient plus de crédits, car cela se limiterait aux grandes productions où il y a un plan conjoint national. C'est la façon dont je l'entends; je ne sais pas si c'est cela, votre point de vue.

M. Duval: Je pense bien que vous interprétez mal nos mots, M. Dubois. Je mentionnais tout à l'heure que la majorité des productions... Les producteurs agricoles font des productions qui sont déjà couvertes par des plans conjoints. Je parlais de discrimination pour quelques producteurs, peut-être. Le point que vous soulevez, à savoir que les plans conjoints qui sont les derniers-nés de la lignée des plans conjoints, on est conscients qu'ils n'ont pas tous acquis leur efficacité. On rappelle, à l'avant-dernier paragraphe de la conclusion, que si tout le monde, les agriculteurs, à l'intérieur du syndicalisme agricole qui est la forme qu'on a reconnue à l'intérieur des formules de plans conjoints et ta Loi sur la mise en marché, qui ont voulu adhérer à ce régime -et la très grande majorité y a adhéré -l'État, par l'ensemble de ses lois et programmes, fait en sorte que tout cela se coordonne et s'active. Si on pense que le libéralisme ou la liberté de mise en marché et tout ce que les Américains défendent et que certains défendent à l'intérieur du Québec et du Canada, si on pense que cette formule va bien, on a seulement à regarder. Ce que vous soulignez, monsieur, c'est qu'il y a des productions nationales, mais il y a des productions à l'intérieur du Québec qui pourraient aller aussi bien que des formules nationales, qui pourraient s'acclimater à travailler avec les autres producteurs des autres provinces è l'intérieur d'autres offices de mise en marché. (15 h 45)

Mais même à l'intérieur du Québec, si on regarde la Loi sur la mise en marché, cela clarifie des choses et des gestes. Aux États-Unis, si on pense que cela va bien, quand, dans un État, il y a 13 000 agriculteurs et il y en a 11 000 en manifestation pour la grande politique du libéralisme, on va aller se promener avec eux et on va aller leur demander ce qui va bien.

Donc, ils réclament en réalité la même chose. L'État du Québec, depuis plusieurs années - je ne me souviens pas, en 1958, je pense - a voté la première loi sur la mise en marché qui a été amendée moult fois depuis ce temps. Je pense qu'elle a répondu pour un bon groupe de producteurs. Elle peut répondre et ce serait juste une bonne cohérence dans l'ensemble de l'application des lois. Pourquoi avoir des lois qui, entre autres celle sur le crédit agricole, favorisent ou permettent le libéralisme et le jeu du couteau tout le temps?

Qui est-ce qui gagne? Personne, la preuve est faite. On aurait pu arriver avec des briques de statistiques montrent que des productions de mise en marché ordonnées, le consommateur en retire des bénéfices au niveau de la quantité, de la qualité et à un prix acceptable, où tout le monde retrouve son prix. C'est pour cela que l'autre formule, si des producteurs veulent aller en libéralisme économique, l'État les supporte quand même et il se passe des faillites, toutes sortes d'affaires. Ce n'est pas cela du tout que l'on veut.

M. Dubois: Ce que je voulais dire, je voudrais peut-être...

Le Président (M. Vallières): Malheureusement, M. le député, c'est qu'on a déjà dépassé l'enveloppe prévue et, si on veut respecter l'ensemble des gens qui ont à présenter des mémoires, il faut respecter l'horaire. Le débat est très intéressant, mais je dois malheureusement vous interrompre là-dessus et passer la parole au député de Saint-Hyacinthe.

M. Dupré: Merci, M. le Président. Dans un premier temps, je voudrais vous remercier d'avoir répondu à notre appel et d'avoir présenté ce mémoire. La première question qui me vient à l'idée porte sur le début de la page 2, lorsque vous parlez de la structure, de la production compétitive où la famille conserve une place importante par rapport au capital et où la polyvalence côtoie efficacement la spécialisation. J'espère que vous ne voulez pas revenir à vingt vaches, quinze cochons et trente poules, parce qu'il reste, tout de même, que cela prend un minimum vital. On sait qu'il y a toutes sortes de programmes qui déterminent combien cela prend d'investissement et de porcs ou de vaches ou de poules; cela dépend dans quel domaine vous êtes pour avoir un revenu convenable.

À lire cela, à première vue, cela a l'air de dire: On va revenir aux anciennes fermes pour garder la qualité de vie, mais il y a le côté de la production. Il faut vendre

son stock et il faut être compétitif. Je voudrais que vous m'expliquiez le rapport capital, personne, famille. Je reviendrai tantôt sur votre unité.

M. Duval: Quand on parle d'une structure de production privilégiée au niveau de la ferme familiale, c'est sûr qu'à l'intérieur de ces définitions il y a beaucoup de notions économiques, il y a beaucoup de choses à l'intérieur du vécu ou de l'environnement d'une famille qui ne sont pas définissables en termes économiques. Mais on ne veut aucunement, par notre formule, je ne sais pas lequel, je pense que c'est Gilbert qui soulevait le point tantôt... On va définir ce qu'est 1, 5 unité-travail-homme dans une famille, cela se produit pour le lait, le porc, les oeufs, n'importe quoi. On va définir cela et on ne veut pas, en même temps... Et la recherche la plus délicate dans cela, c'est quoi une production optimale? Parce qu'on ne voudrait pas non plus défavoriser l'agriculteur qui a peut-être un degré d'avancement, cela peut être sa formation, cela peut être que le gars se revire vite, il a une famille qui se revire vite.

Il faut chercher le caractère optimal de la production, parce que sans cela on va devenir non compétitif et il n'y aura plus personne dans la société qui va nous croire. Ce n'est aucunement notre intention. Si cela ne sort pas clairement, je voudrais que, par ces mots: on va rechercher le critère optimal... Le monde sera à un pourcentage X de cela. Si on dit que, dans la production laitière, c'est 300 000 litres, bien, ce sera 300 000 litres. Cela ne dira pas que quelqu'un qui utilise sa famille, c'est 1, 5 unité-travail-homme qui en fait 250 000; il est moins efficace et il a peut-être une structure de production différente, il y a peut-être des choses. Il faudra chercher le caractère optimal de la production.

M. Dupré: Au lieu de UTH, je mettrais UTP; il me semble que "personne", cela comprendrait tout le monde. Déjà, votre problème serait réglé au moins sur ce point.

M. Duval: C'est une forme généralement reconnue, UTH, sans distinction de sexe.

M. Dupré: En ce qui me concerne, avec les connaissances que j'ai, vous pourrez toujours discuter de mes connaissances, je trouve cela totalement insuffisant, 1, 5 personne. En somme, déjà, si un père est établi sur la ferme depuis un certain temps, si le jeune vient le rejoindre avec son épouse, vous ne calculez plus cela comme une ferme familiale. Il y a un certain cadre mais je le trouve infiniment petit pour que cela soit... Je ne sais pas sur quelle base vous êtes. Là, vous donnez un exemple en ce qui a trait aux truies, vous dites que, rendu à 150, 1, 5 personne pourrait vivre convenablement. Avec 150 truies, je le crois, mais est-ce qu'on est capable de faire un travail semblable à 1, 5 personne en comprenant une vie agréable ou souhaitable comme vous le disiez tantôt ou vous l'espériez tantôt? C'est la première question. La deuxième question à laquelle vous êtes capable de répondre en même temps est que j'aimerais savoir si vous avez regardé combien cela en exclurait? Combien comprendrait de fermes, au moment où l'on se parle, une unité semblable?

M. Duval: Pour répondre à la première partie, en tout cas, je pense bien que l'exemple qu'on a apporté dans la région de Lanaudière, parce qu'il y en a pas mal, ferait que la qualité de vie de cette famille de 1, 5 unité-travail-homme avec 150 truies serait assez bonne et on s'en contenterait. On aurait pu amener une brique définissant le portrait. Cela fait partie des études supplémentaires pour les autres productions. Je crois que celui qui s'est doté d'outils modernes de production, 150 truies avec 1, 5 unité-travail-homme, est capable d'avoir une qualité de vie et de fournir du produit en quantité et en qualité suffisantes pour que cela puisse faire son affaire.

Pour répondre à la deuxième partie de votre question, on n'a pas fait de diagnostic dans la région, à savoir combien on retrouverait d'agriculteurs si on les décortiquait tous en unité de 1, 5. Je vous avoue qu'on n'a pas fait cette gymnastique.

M. Dupré: Je suis persuadé et je ne crois pas que ce soit le calcul que vous ayez à faire en les décortiquant en UTP.

M. Duval: UTH.

M. Dupré: Ceux qui sont déjà dépassés, qui sont en compagnie et qui sont deux ou trois familles, deux ou trois frères ensemble, je ne pense pas qu'ils soient intéressés à rediviser leur ferme pour entrer dans les normes que vous suggérez.

À la page 7, j'aimerais...

Le Président (M. Vallières): M. Duval vous aviez...

M. Duval: Oui, ils entrent pour une partie dans notre approche. Ce qui arrive, c'est que l'application totale de notre formule fait qu'il y a un point zéro. Il y a une journée zéro quelque part qui dit: Les fermes, dans l'avenir, elles seront cela, parce qu'on s'aperçoit qu'on est à - en tout cas, c'est peut-être...

M. Dupré: On s'en va vers...

M. Duval:... engendrer des monstres et, principalement, ces monstres on en prend connaissance par toute la forme de tentacules qu'ils détiennent quand on arrive pour les transiger. C'est les transmettre soit d'une génération à l'autre ou à des intervenants qui ne sont pas apparentés. Quand on engendre des productions de 700 000, 800 000, ou 1 000 000 de litres de lait ou des productions de 100 000 poules pondeuses, ou des choses comme cela, on s'aperçoit tout à coup que là on a engendré un monstre. On s'aperçoit, même si je ne veux pas retourner en arrière, comment nos parents nous ont transmis des fermes qui avaient une allure et qui n'avaient pas nécessairement... Et là, je ne vaudrais pas embarquer dans le dossier de la fiscalité parce que cela est un peu comme les lois constitutionnelles et c'est délicat de toucher à cela.

M. Dupré: On est mieux de ne pas y toucher.

M. Duval: On est mieux de ne pas y toucher. Mais, en tout cas, on voit comment nos parents, dans les années soixante, soixante-dix et avant, ont été capables de transmettre des fermes où l'inflation n'avait pas agi au niveau des valeurs ou un paquet d'éléments comme cela. Ils nous les ont transmises et il y a une génération qui est capable de vivre avec. Là, on s'aperçoit que l'inflation, au niveau du coût... Parfois, on a grossi l'affaire, et on pense qu'en la ramenant, en bâtissant tout le monde autour de la ferme, on s'organise pour que la ferme puisse s'agrandir autour des maisons. C'est cela la solution de l'avenir. Là, on s'aperçoit que le moindre petit problème qui survient, cela casse le circuit. On voudrait ramener cela à une dimension plus humaine.

M. Dupré: Je vais vous poser une question sur la pointe des pieds. Depuis qu'on a commencé, en tout cas, celui qui vous a précédés, entre autres, nous a démontré comment cela allait mal dans l'agriculture, comment les gens ne faisaient pas d'argent. La chose que je me demande, c'est que, tout au long de sa vie, personne ne fait d'argent et, quand vient le temps de vendre, cela vaut 1 000 000 $, 1 500 000 $. Je comprends qu'il y a des regroupements. Là, la transférabilité devient presque impossible comme je l'ai dit tantôt parce qu'on a créé des monstres. Il doit y en avoir un de temps en temps, quelque part, qui fait une piastre.

M. Duval: Je vais vous répondre sur la pointe des pieds, moi aussi. C'est que l'agriculteur, un peu tout le temps de sa vie, n'est pas obligé souvent de sortir avec son portefeuille, parce qu'il n'y a pas d'argent dedans et, à la fin de sa vie, il transmet cela d'une génération à l'autre. Il récupère un montant d'argent, il en doit une partie, l'impôt fait le ménage dans le restant et là, il essaie de vivre. Une chance qu'il y a une certaine politique sociale qui lui permet de se rendre jusqu'à la fin de ses jours, mais ce n'est pas nécessairement des conditions de vie qu'on souhaite à tout le monde. On n'a pas développé l'aspect que c'est son fonds de retraite, la vente. Le fonds de retraite, il devrait être composé de quoi? C'est ça la question qu'on se pose à l'intérieur de la ferme familiale. Quand nos parents nous transmettent des choses et quand il y a une transmission non apparentée, il se passe quoi? On a essayé de répondre à certaines questions, quant au financement par le vendeur ou la transaction entre le vendeur et l'acheteur, à la transmission apparentée ou non apparentée, toute la formule et une loi de l'agriculture au niveau des fermes. Présentement, quand quelqu'un se met en société ou en compagnie selon des lois commerciales ou industrielles, ce n'est pas en vertu d'une loi agricole; des fois, on ne s'apparente pas du tout avec cela, on ne se retrouve pas dans ces cadres bien rigides. Ce n'est pas nécessairement les mêmes formules de travail parce qu'en fonction d'une quantité de capital mort qu'on a en agriculture c'est normal qu'on ait ces capitaux morts.

M. Dupré: Je vais aller un peu plus rapidement parce qu'on a pas beaucoup de temps. À la page 7, lorsque vous parlez de formation, vous élaborez un peu là-dessus, sur les améliorations radicales que vous apporteriez dans l'immédiat concernant la formation agricole. Est-ce que vous avez des points bien précis ou si c'est général comme dans le texte?

M. Laplante (Raymond): C'est un peu général, si je peux répondre à cela. Il y a une étude qui a été faite dernièrement aux États-Unis disant: Ce n'est pas nécessairement en doublant la superficie d'acrage des terres qu'on double la production. La même étude dit: En doublant la formation des agriculteurs, on récupère énormément au point de vue de la productivité. On se dit: C'est sûr qu'il y a deux sortes de formation: tu as celle sur les bancs d'école, tu as celle que tu apprends à force de travailler à la ferme. On se dit: Pourquoi, éventuellement, ne pas reconnaître la formation ou bonifier la formation que tu irais chercher sur les bancs d'école parce qu'on sait que, plus tu es formé, plus tu as des chances d'augmenter ta productivité? Il y a des études qui le prouvent. C'est dans ce sens-là, mais c'est au niveau du principe seulement, pas quant au mode d'application.

M. Dupré: J'avais une autre question. Vous parlez du système en Nouvelle-Zélande, des points qui pourraient s'appliquer. Je pense que vous étiez ici ce matin, il y en a plusieurs qui en ont fait état. Vous, de votre part, est-ce qu'il y a des points bien précis, vous croyez, qui pourraient s'appliquer ipso facto aux productions du Québec? (16 heures)

M. Nicole: En fait, tout est sur les modes de transfert. Cela a deux objectifs, cela a l'objectif de favoriser une implantation progressive de la part de celui qui achète et l'objectif aussi de favoriser un retrait progressif de la part de celui qui vend. Les modes d'application, finalement, sont encadrés au niveau d'une loi, mais elles prévoient, disons, sur une base de dix ans, par exemple, que l'acheteur, la première année, va avoir 10% des revenus et des responsabilités, selon une certaine définition, avec une gradation. C'est juste ça, sauf qu'il y a une loi qui encadre ça.

M. Duval: C'est la référence que je faisais tout à l'heure à l'effet d'avoir une loi qui nous caractériserait comme formule agricole, des statuts ou des choses de même. On a le statut de producteurs agricoles, on pourrait avoir un statut qui serait défini à l'intérieur de la transmission de nos fermes.

M. Dupré: Merci bien. Je vais laisser quelques minutes à mes confrères.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Nicolet.

M. Beaumier: Merci, M. le Président. Il y a un seul point que je vais soulever, parce que les autres ont été soulevés et, deuxièmement, j'ai peu de temps. Cela concerne la commission d'appel. Moi, je voudrais qu'on approfondisse un peu la chose de la façon suivante. Dans votre esprit, la commission d'appel serait composée de gens qui seraient du monde agricole, mais dans quelle proportion et qui seraient les autres?

M. Duval: Nous, on dit qu'à l'intérieur de cela ça devrait être composé majoritairement d'agriculteurs.

M. Beaumier: Deuxième point. En ce qui concerne le mandat comme tel de cette commission d'appel, est-ce que ce serait un mandat consultatif avec des pouvoirs de recommandations ou un mandat vraiment décisionnel?

M. Duval: Je pense qu'au niveau du mandat, si l'agriculteur se réfère à ça, c'est le dernier recours, l'ultime recours, et la commission d'appel devient décisionnel.

M. Beaumier: Cela veut dire que les deux éléments qui le justifiaient, du moins selon votre texte que j'ai sur la formation d'une commission d'appel, c'était d'alléger le fardeau des responsabilités du personnel de l'OCAQ, c'est-à-dire que ce serait de les rendre moins soucieux devant les décisions qu'ils ont prises, sachant qu'il y aura un autre niveau d'appel.

L'autre point, c'était d'atténuer ou corriger certaines injustices causées à des producteurs ou productrices agricoles. Moi, j'aurais plutôt l'impression - j'aimerais avoir votre réaction sur ça - que, si jamais il y avait de retenue une commission d'appel où siégerait majoritairement des producteurs et productrices agricoles, ça pourrait avoir une valeur de consultation ou un pouvoir de recommandation aussi, mais qui ne peut être décisionnel, à ce moment-là.

M. Duval: Il faut savoir, au départ, quand on se sert de cette commission d'appel. Ce n'est pas statutaire sur tous les dossiers; non pas quand un conseiller en crédit ou toute la machine d'acceptation d'un prêt fonctionne bien. Mais c'est quand un agriculteur se sent brimer dans la décision, quand son crédit n'est pas accordé.

Principalement, la confédération de l'UPA, dans son mémoire hier, a déposé un ensemble de critères beaucoup plus élaborés des qualités que devrait comporter le râle d'un conseiller en crédit. Elle l'a élaboré beaucoup plus. Si un producteur, dans une production particulière, même s'il a choisi son conseiller - c'est une demande que la confédération faisait - avec l'analyse ou la forme de présentation que l'agriculteur a faite, si l'agriculteur se retrouve dans une position négative, qu'il puisse se faire juger par ses pairs et qu'il puisse s'expliquer devant ses pairs à cette commission-là et en disant: Moi, je vois cette production, selon telle manière. Je vais fonctionner de telle manière. Est-ce que vous autres, vous le jugez de même? C'est la pratique de ceux qui pourraient informer la commission, l'expérience. Ils vont juger. Là, c'est le recours ultime. En étant le recours ultime, elle devient décisionnelle.

M. Beaumier: Moi, j'ai toujours compris que le rôle de l'office était de faire une étude la plus serrée possible, en fonction de la rentabilité de l'entreprise. On s'entend comme mandat de l'office. L'avantage qu'il pourrait y avoir, à ce moment-là, c'est d'y avoir un input de producteurs agricoles, parce qu'ils s'y connaissent un peu plus sur le terrain. Ils auraient des éléments à ajouter, etc. Mais, toujours, le principe de base, c'est le principe de la rentabilité de l'entreprise.

Chaque décision de l'office, au niveau de l'appel même, devrait être basée sur ce critère. L'avantage que je voyais, jusqu'ici -

parce que ce n'était pas déterminé - à introduire plus d'information pratique, d'information venant des intervenants eux-mêmes, c'était d'ajouter des éléments à la question de l'étude de rentabilité. Mais ça pourrait être un pas intéressant. Si cela avait comme effet de changer le mandat de l'office, qui est le mandat de prêter sur des dossiers à rentabilité, on ne s'entendrait plus, ce ne seraient plus les mêmes critères.

M. Duval: En conclusion...

Le Président (M. Vallières): En conclusion, M. Duval, s'il vous plaît...

M. Duval: À l'intérieur de votre question, on pourrait répondre de bien des façons. Au départ, il faut améliorer toute la montagne de papiers que l'agriculteur a à remplir. Après cela, que l'agriculteur prenne connaissance, à la dernière limite, avant que ça passe dans la machine d'acceptation ou de refus. Je pense que c'est un point assez important.

M. Beaumier: Au préalable, dans sa demande.

M. Duval: Non, à l'intérieur de sa demande, le conseiller qui s'occupe de son dossier, avant que ça passe par la machine hiérarchique de l'acceptation. L'agriculteur fait son portrait d'un bout à l'autre, au moins jusque-là. Cela, ce n'est pas une chose qui se passe actuellement. Il faut améliorer tout cet ensemble, toute cette kyrielle.

Mais quand l'agriculteur l'a présenté à sa façon et que le conseiller dit: C'est ta façon, bon! s'il y a un refus, qu'il soit capable d'aller s'expliquer devant une commission sans être obligé de refaire une demande, de passer toute la kyrielle et de passer un an. Si on regarde l'efficacité de la commission au fédéral, l'information que j'en ai, connaissant certains membres de la commission, c'est qu'ils donnent un droit, globalement, les dossiers qui sont amenés devant eux, il y en a 50% qui disent aux employés de la société: Vous avez bien fait votre job. Et ils disent à l'agriculteur, en réalité: Ton affaire n'a pas d'allure.

Pour les autres 50%, ils font des réajustements et ils viennent à bout de s'entendre sur une formule de prêt. Si cette efficacité est de 50-50, je pense que les agriculteurs, au Québec, par la demande qu'ils font à la réunion de vous présenter des choses de même... C'est ça qu'on voudrait, donner une deuxième chance à l'agriculteur de s'expliquer, et un des bons moyens de s'expliquer, c'est de s'expliquer devant ses pairs; pas de s'expliquer devant n'importe qui; devant ses pairs. C'est pour ça qu'on souhaite qu'elle soit formée majoritairement d'agriculteurs. Si vous voulez nommer 100% d'agriculteurs, on est capable d'assumer nos responsabilités.

Le Président (M. Vallières): Merci, M. Duval. Je vous remercie, de même que votre équipe, pour la présentation de votre mémoire et vos propos fort intéressants. À ce moment-ci, j'appellerai l'Association des banquiers canadiens.

M. Duval: C'est nous qui vous remercions, M. le Président.

Association des banquiers canadiens

Le Président (M. Vallières): Je pense que c'est M. Beauregard qui agira comme principal porte-parole.

M. Lasnier (Robert): Robert Lasnier.

Le Président (M. Vallières): Oui. Alors, on va vous demander, M. Lasnier, de nous présenter l'équipe qui vous accompagne. On m'indique que vous aurez un résumé à nous présenter du mémoire, comme tel, qui nous avait été expédié. On l'apprécie, parce que ça permettra peut-être une plus longue période d'échanges avec les membres de la commission.

M. Lasnier: Je vais vous lire le résumé que j'ai ici. C'est le petit texte qui vous a probablement été distribué et qui résume le gros texte, en fait, qui fait aussi partie de la présentation.

Je voudrais, d'abord, vous présenter, à ma gauche, M. Blackburn, qui est le présentant de la Banque de Commerce Canadienne Impériale; à sa droite, M. Parent, Cyrille Parent, représentant la Banque Nationale du Canada; à ma gauche immédiate, M. Jacques Beauregard, qui est le conseiller juridique et secrétaire du comité du Québec de l'ABC, c'est-à-dire l'Association des banquiers canadiens. À ma droite, M. Isidore Charron, qui est le représentant de la Banque de Montréal et, à mon extrême droite, M. Florent Fortier, qui représente la Banque Royale du Canada. Mon nom est Robert Lasnier. Je suis vice-président de la Banque Royale du Canada, service détail.

M. le Président, l'Association des banquiers canadiens vous remercie de la possibilité de vous rencontrer et de vous faire connaître ses vues. Ma présentation sera brève afin de permettre un échange davantage orienté vers les questions, À la suite de la libéralisation de la Loi sur les banques et des lois relatives au crédit agricole, l'industrie banquière canadienne a, en un peu plus de dix ans, développé le crédit agricole privé. Aujourd'hui, notre industrie fournit 40% de tout le crédit agricole au Canada, soit près de

9 000 000 000 $. Au Québec, l'industrie bancaire a pu s'introduire dans le marché du crédit agricole à moyen et long terme grâce au plan tandem. L'encours des banques en agriculture québécoise est de plus de 935 000 000 $. L'expertise des banques en agriculture québécoise, cela signifie quelque 150 banquiers dont plus de la majorité de leurs activités sont consacrées à l'agriculture, quelque 182 succursales où le crédit agricole se concentre et 29 agronomes et technologistes agricoles.

La gestion du crédit agricole par notre industrie est gênée par la contestation du droit des banques de réaliser leur garantie au nom de la Loi sur l'acquisition des terres agricoles par des non-résidants. L'industrie bancaire, en tant qu'intermédiaire financier, accepte de prêter en fonction d'un risque raisonnable. Dans l'évaluation du risque, le principal critère n'est pas d'abord les garanties, mais la capacité de remboursement.

L'industrie bancaire est consciente que l'intervention gouvernementale dans la société est restreinte par ses limites budgétaires. Compte tenu de cette restriction financière, on aurait intérêt à optimaliser les crédits gouvernementaux à l'agriculture pour les entreprises jugées susceptibles d'atteindre la rentabilité et celles qui connaissent des difficultés financières conjoncturelles.

L'industrie bancaire classe l'agriculture en quatre catégories: la première, l'entreprise rentable; en deuxième lieu, l'entreprise potentiellement rentable, en troisième lieu, l'entreprise non rentable et, enfin, l'agriculture de risque.

L'entreprise agricole rentable dispose de tous les fonds utiles à des taux concurrentiels. Ce type d'entreprise peut aisément se passer de l'intervention de l'État, intervention qu'elle juge trop souvent paperassière. Le crédit agricole subventionné au bénéfice de l'agriculture rentable peut avoir des effets négatifs sur l'agriculture. Les rabais d'intérêt favorisent la spéculation foncière et la garantie gouvernementale peut devenir une couverture du risque du crédit agricole au bénéfice d'abord du prêteur. L'agriculture rentable mérite d'être considérée sur un pied d'égalité avec les autres entreprises commerciales et industrielles du Québec et, à ce titre, devrait bénéficier des programmes de capitalisation des entreprises envisagés par la commission Saucier.

Le crédit agricole tandem mériterait d'être orienté en faveur des fermes potentiellement rentables. Le manque de capital qui affecte plusieurs de ces fermes pourrait être résolu grâce à la création de sociétés de capital de risque agricole, sur le modèle des sociétés proposées par la commission Saucier. On peut aussi concevoir une aide conjoncturelle en période de récession.

Les entreprises incapables d'être classées comme rentables ou potentiellement rentables devraient être classées comme marginales. Une politique d'aide aux marginaux gagnerait à être gérée dans le cadre d'une politique sociale d'ensemble de la population plutôt que dans le cadre du financement de l'agriculture. (16 h 15)

L'expérimentation et la mise en place de nouvelles productions agricoles mériteraient d'être considérées comme de l'agriculture de risque. À cette fin, l'Office du crédit agricole pourrait développer une société publique de capital de risque dont le mandat viserait à la fois l'introduction de nouvelles productions et leur rentabilité, tout en assurant la protection des actifs des familles qui acceptent de tenter l'aventure.

La relève n'est pas une question d'offre, mais une question d'endettement. En plus des modifications récentes et prochaines aux lois fiscales, les règles relatives aux subventions à l'établissement devraient tenir compte de la formation académique et pratique du jeune agriculteur. La vente au comptant de la ferme ancestrale ne devrait bénéficier de l'aide publique qu'à la condition que le vendeur conserve une balance de prix de vente. Afin d'encourager le jeune qui ne peut accéder à la ferme familiale, l'aide publique pourrait lui faciliter la location de terres, lui offrir des prêts pour l'achat d'une terre comportant une ou des remises en capital. Une aide indirecte au jeune agriculteur consisterait à réduire la concurrence lors de l'acquisition de terres en enlevant à l'agriculteur déjà propriétaire d'une ferme l'accessibilité au plan tandem. Une autre forme d'aide indirecte à la relève consisterait à régler le problème du quota de production présentement sans statut juridique suffisant pour qu'un quota puisse être donné en garantie. Cette situation actuelle favorise le producteur aisé au détriment de la relève. L'installation, ces dernières années, d'agriculteurs chevronnés venant d'Europe est digne de mention.

L'agriculture québécoise, dans la foulée d'une tendance pancanadienne, connaît un endettement lourd, quelquefois excessif, survenu en bonne partie grâce à la spéculation foncière qui fit rage durant les années soixante-dix et qui, au Québec, a pu se prolonger avec la complicité bien involontaire des rabais d'intérêts pratiqués sur les prêts tandem. Cette situation financière difficile de nos producteurs agricoles est rendue d'autant plus difficile par l'existence de surplus alimentaires considérables partout dans les pays occidentaux, ce qui entraîne un affaissement des prix des denrées. Il ne semble pas y avoir de solution facile.

L'industrie bancaire suggère la création

de comités consultatifs d'agriculteurs bénévoles avec la libre participation de tous les principaux intervenants en agriculture dans la recherche de la rentabilité. Le recours au moratoire se révèle une fausse solution. La simple mention de l'imposition d'un moratoire pourrait entraîner la fin du crédit agricole par les prêteurs privés, ce qui risquerait de remettre entre les mains des organismes publics le crédit à l'agriculture comme ce fut le cas au Québec entre 1934 et 1967.

L'industrie bancaire au Québec veut rester dans le domaine agricole. Nous occupons la première place en crédit agricole au Canada et nous sommes fiers de participer au financement des agriculteurs. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Vallières): Merci, M. Lasnier. Y a-t-il des interventions de la part des membres de la commission? M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: M. le Président, j'aimerais remercier l'Association des banquiers canadiens pour ce mémoire. J'ai eu l'occasion de lire le premier mémoire - celui que vous venez de nous présenter est un résumé - qui était beaucoup plus complet et me semblait fort réaliste et pragmatique, avec une vision fort éclairée de l'ensemble des problèmes agricoles.

Vous suggériez dans votre premier mémoire, plus complet, la création d'un fonds de capital de risque dont la gestion pourrait être confiée à l'OCAQ, l'Office du crédit agricole du Québec. Avec tout le pragmatisme qu'on vous connaît, pourriez-vous nous dire les raisons qui vous font suggérer l'OCAQ en particulier pour gérer ces capitaux?

Une voix: Quelle page?

M. Beauregard (Jacques): À la page 19 du mémoire.

M. Picotte: 19, je pense?

M. Beauregard: Oui, c'est à la page 19, lorsque nous parlions de l'agriculture de risque.

M. Picotte: Oui, c'est cela.

M. Beauregard: La raison pour laquelle nous avons pensé que l'Office du crédit agricole pourrait le faire, c'est qu'en matière d'agriculture de risque il s'agit souvent d'interventions dans des domaines nouveaux en agriculture où on a pu, ces dernières années, constater qu'il a pu y avoir des politiques gouvernementales de développement dans des secteurs complètement nouveaux. À ce moment-là, il n'y aurait pas de difficulté à ce que l'Office du crédit agricole soit au bâton avec un certain montant d'argent. C'est que, dans le risque, c'est un risque encore plus élevé que dans d'autres secteurs; l'argent, dans certains cas, pourrait effectivement se perdre et ce serait un risque très élevé dans certains cas.

M. Picotte: Parce qu'en principe, jusqu'à maintenant, l'expérience de l'Office du crédit agricole ne nous amène pas à penser qu'il pourrait gérer un tel capital ou un tel portefeuille de risque. Souventefois, en tout cas selon notre expérience ou celle des agriculteurs qui sont venus nous visiter ou quoi que ce soit, on a pu constater que l'Office du crédit agricole n'avait pas les ressources nécessaires, n'avait pas la volonté, en tout cas... Je pense que, quand vous parlez de cela, c'est dans le cadre d'une réforme de tout le système - autrement, tel que c'est là, je ne pense pas que l'Office du crédit agricole puisse être vraiment utile dans ce genre de prêt à risque au moment où on se parle - ou, encore, on présuppose que l'État devra assurer ou prendre uniquement les cas de risque au niveau de productions agricoles tout simplement.

M. Portier (Florent): Par exemple, il faudrait que ce soit fait d'une façon globale dans une nouvelle restructuration de l'Office du crédit agricole parce que, si vous avez lu notre texte plus volumineux, on tient compte que les agriculteurs qui sont à l'aise et qui font de l'argent, eux autres n'ont pas accès aux mêmes subventions que l'agriculteur qui est potentiellement rentable ou l'agriculture de risque. À ce moment-là, les sommes d'argent en subventions de toutes sortes ou en rabais d'intérêt pourraient faire un plus gros montant d'argent, être distribuées dans les deux secteurs, agriculture de risque et agriculture potentiellement rentable. Avec cette nouvelle structure, il faudrait mettre en place de nouveaux services et être capable de soumettre un plan d'ensemble nouveau. C'est un crédit agricole renouvelé qu'on veut.

M. Charron (Isidore): Ce qu'on propose, en fin de compte, c'est que l'agriculture de risque ou l'agriculture dite non rentable, si le gouvernement veut s'en occuper, cela pourrait être remis éventuellement entre les mains de l'Office du crédit agricole qui aurait à travailler avec l'agriculture de risque ou l'agriculture dite potentiellement rentable ou non rentable, parce que ce genre d'agriculture ou ce genre de productions dites nouvelles, dans certains cas, représentent beaucoup de risques, beaucoup de capital également. La rentabilité, au moment où on se parle, c'est un gros point d'interrogation.

M. Picotte: Vous avez maintenant de l'expérience puisque cela fait déjà un certain temps que le prêt tandem existe, depuis 1978, à ma connaissance. Vous avez dit tantôt que plusieurs institutions bancaires avaient des spécialistes qui consacraient leur temps et leurs énergies surtout du côté des prêts agricoles. C'est quoi, pour vous autres, la définition et pouvez-vous me donner un exemple de productions qui, à votre point de vue, sont rentables - j'imagine qu'on va parler de production laitière à ce moment-là - et de productions qui sont moins rentables?

M. Fortier (Florent): Nous autres, peut-être qu'on fait une différence un peu avec les représentations de l'UPA; on n'étudie pas une production en particulier. On étudie individu par individu. Vous pouvez prendre un type qui est dans une production qui est généralement non rentable et on étudie ce dossier. Selon le sentiment de tout le monde, le boeuf n'est pas rentable. Mais par contre, pour quelqu'un dont le niveau d'endettement est assez bas cela peut être rentable. Là, on analyse chaque individu et non la production globale.

M. Picotte: D'accord.

M. Parent (Cyrille): J'aimerais essayer de répondre à la première question, à savoir: Pourquoi favorise-t-on l'Office du crédit agricole pour gérer du capital dans des productions de risque? Parce qu'on lui reconnaît une compétence agricole correcte. Mais ce n'est pas absolument nécessaire: une société ou une organisation complètement indépendante pourrait être partenaire dans du capital de risque. On a introduit des nouvelles productions. C'est bien, si jamais de nouvelles productions pouvaient réussir. Mais ce qu'on trouve anormal, c'est de mettre en péril le capital des gens qui s'engagent là-dedans.

On a des productions qui ne sont pas nouvelles auxquelles on veut donner un essor aussi. Dans ces productions, il y a des raisons pour réussir. Quand l'ensemble des cultivateurs ne sont pas prêts ou ne sont pas dans cette production, il y a des raisons. Si on veut orienter le cultivateur dans certaines productions où la rentabilité comporte des risques, à ce moment-là, on pense qu'il serait normal que les risques soient pris ouvertement. Qu'il y ait un capital de risque, comme on l'appelle, qu'il y ait un certain "partnership" qui se fasse et que l'Office du crédit agricole ou une autre organisation compétente puisse aider en matière de compétence et de soutien financier. On ne veut pas que ce soit un simple agriculteur qui fasse des expériences. On pense que faire des expériences relève du gouvernement, que ce soient des expériences techniques ou des expériences économiques. Je pense que cela explique le chapitre sur le capital de risque.

M. Picotte: Parmi les nombreux emprunteurs que vous avez et avec qui vous faîtes affaires parmi la classe agricole, à combien évaluez-vous le pourcentage de personnes que vous avez déjà et qui risquent de ne pas réussir en agriculture? Évidemment, de la façon dont cela fonctionne, les sociétés bancaires ne perdent pas parce que l'État ou l'Office du crédit agricole garantit l'emprunt qui est fait par l'agriculteur. Mais, après avoir discuté avec certains banquiers, on m'a rapporté que, souventefois, l'on pouvait dénombrer que, dès le départ, tel genre d'agriculteur ou tel portefeuille qu'on examine est voué à un échec certain et possible. Est-ce qu'il y a un pourcentage là-dessus?

M. Lasnier: Avant de passer la parole à M. Parent, je voudrais dire que les prêts agricoles ne sont pas tous garantis par le gouvernement comme vous le disiez tantôt.

M. Picotte: Je parlais du prêt tandem.

M. Lasnier: Ah! Seulement le prêt tandem.

M. Picotte: Oui.

M. Lasnier: Je pensais que vous disiez qu'il n'y avait pas de pertes...

M. Picotte: Non. Même à l'intérieur du prêt qu'on appelle le prêt tandem, il y a des banquiers qui m'ont dit à quelques reprises: Je suis certain, dès le départ, que ce gars-là ne réussira pas. Mais comme il est admissible et qu'il est accepté par l'Office du crédit agricole, évidemment, on fait le prêt comme tel. Mais quel en est le pourcentage?

M. Lasnier: II est bien difficile de dire le pourcentage des gens. Si on peut parler de façon générale, les pertes en agriculture au Québec ne sont pas tellement considérables. Cela entre un petit peu dans le cadre des pertes par rapport aux comptes commerciaux ou aux comptes de consommation et ainsi de suite. On ne peut pas dire qu'on a des pertes sur les programmes que les banques ont dans les prêts agricoles. Je ne sais pas si cela répond à votre question quant au pourcentage de défunts, si vous voulez. C'est assez difficile à dire parce qu'on ne tient pas tellement de statistiques là-dessus. On sait qu'on a des pourcentages de pertes à la fin de chaque année dans chaque catégorie. Mais je peux vous dire que c'est minime au point de vue agricole. (16 h 30)

M. Parent (Cyrille): Peut-être, pour être un peu plus spécifique, quant au

pourcentage, il est très difficile de vous en donner un car il est très mince. Mais j'aimerais faire une rectification. C'est qu'un prêt tout à fait garanti, on ne le voit pas comme cela. On sait, dans la pratique, qu'un prêt tout à fait garanti, c'est le tandem. Immédiatement ou quelques mois après, cela nous amène à faire directement aux cultivateurs des prêts non garantis, des prêts directs. C'est une marge de crédit qui va aller avec un prêt hypothécaire; c'est très normal qu'on l'offre. Mais à ce moment-là, très souvent, on voit que c'est déjà notre client qui demande un financement tandem parce qu'il y a des avantages de taux d'intérêt qu'on ne peut lui donner; alors, on l'accommode, évidemment. Il demeure notre client dans son ensemble; on lui fournit le solde de son crédit et on analyse l'état du crédit de notre client dans son ensemble.

Aussi, on est toujours libre de refuser un prêt qu'on n'oserait pas faire s'il n'était pas garanti. Je pense que c'est assez honnête de dire que réellement cela dépasse toute norme. Mais, comme je vous l'ai dit, les cas où cela s'est fait sont minimes. On est libre de refuser.

Si c'est "border line" et qu'on sait qu'on va rajouter de la finance éventuellement, ce qui va manquer, quand le gars ne fera pas son paiement dans six mois, ce sera 10 000 $ ou 15 000 $ de crédit spécial. Comme il n'était pas capable de faire son premier paiement, il sera encore moins capable de faire son deuxième. Alors, parce qu'on a les mêmes intérêts que notre client, on ne veut qu'une chose, que le prêt nous soit remboursé. C'est pour cela qu'on dit: D'abord, c'est la capacité de remboursement qui nous guide et, après, ce sont les garanties. Assez souvent, les garanties sont fort suffisantes; on n'a pas besoin de la garantie du gouvernement en sus.

Ce ne sont pas les garanties en agriculture qui sont les principales raisons de non-réussite ou de refus. Ce n'est pas le manque de garanties; c'est le manque de capacité de remboursement. On prête de l'argent et cet argent va nous être remboursé avec les profits que la personne, avec sa ferme, pourra générer. C'est ce à quoi nous travaillons, à établir le potentiel de l'individu comme administrateur, comme technicien dans l'entreprise qu'on nous demande de prendre en garantie. Les garanties, cela vient en second lieu.

M. Picotte: Si une question de rentabilité, c'est une question de possession de certains actifs au point de départ afin de présenter des garanties de remboursement, à ce moment-là, comment voyez-vous l'arrivée de la relève agricole à l'intérieur de cela? Cela veut dire que la relève agricole serait quasiment toujours un capital de risque au point de départ.

M. Fortier (Florent): Dans notre mémoire, on mentionne bien que le capital de risque comprend deux catégories: les nouvelles productions et les nouveaux arrivés comme agriculteurs. L'Office du crédit agricole devrait jouer son rôle supplétif, si vous voulez, au financement bancaire. Quand le risque est trop élevé pour nous, que l'Office du crédit agricole finance ces agriculteurs.

Maintenant, je reviens à ce que j'ai dit tantôt. Les montants d'argent épargnés avec les agriculteurs très prospères, en retour de subventions, il s'agirait de les prendre et de les appliquer aux nouveaux arrivés. On ne veut pas établir la formule nous-mêmes; on laisse le soin au gouvernement de le faire. C'est une suggestion que nous faisons d'accroître, si vous voulez, l'aide financière pour les nouveaux arrivés ou pour ceux qui s'en vont vers de nouvelles productions trop risquées.

M. Picotte: Parmi les prêts, en dehors de ce qu'on appelle les prêts tandem, qui sont effectués uniquement par les sociétés bancaires, quelle espèce de suivi y a-t-il de l'agriculteur qui est complètement à votre charge? Est-ce qu'il y a un suivi? Avez-vous une politique d'établie?

M. Fortier (Florent): C'est un suivi quotidien. Les employés de la succursale peuvent rencontrer le client toutes les semaines et aller voir comment cela va. Ils vont visiter régulièrement les fermes, si le compte est en difficulté, pour voir si tout va bien. On essaie quand même de les rencontrer le plus souvent possible à la succursale pour voir comment cela va. On a un contact constant avec les agriculteurs.

M. Picotte: Vous avez des spécialistes, je suppose.

M. Fortier (Florent): Oui, au niveau des succursales et au niveau des régions; toutes les banques sont très bien structurées à ce niveau.

M. Charron: Je peux ajouter que chaque dossier, tant commercial qu'agricole, est révisé au moins une fois par année dans son ensemble. II y a une révision annuelle faite dans chaque dossier au moins une fois par année. C'est le minimum.

M. Picotte: Parmi vous, il y a sûrement quelqu'un qui a eu des expériences. Vous avez dû sûrement, dans les cinq dernières années, prêter en dehors des prêts tandem à des producteurs de porc. J'aimerais savoir ce qui est arrivé aux prêts que vous avez faits. Est-ce que vous les avez suivis de façon

telle que vous en avez réchappé peut-être plus que l'État n'a pu le faire? Peut-être que vous avez une expérience concluante qu'on n'a pas.

M. Lasnier: Plus que l'État, je ne serais pas en mesure de le dire, mais il est certain qu'avec la récession et le prix du porc qui a descendu considérablement, les agriculteurs impliqués dans le porc ont eu toutes sortes de difficultés. Il a fallu user de patience dans le sens qu'il ne fallait pas, par exemple, liquider les agriculteurs parce qu'ils avaient des problèmes à cause des prix trop bas ou des taux d'intérêt qui ont monté jusqu'à 23%.

Des politiques générales ont été établies dans à peu près toutes les banques. Je dirais que c'est un peu la même formule pour les banques. S'il n'y avait pas irrégularité, par exemple, ou fraude dans le commerce de l'agriculteur - c'était un des critères de base qu'on regardait - s'il y avait aussi de l'équité qui restait dans la compagnie et qu'on était satisfait, en troisième lieu, qu'il y avait un bon management pour passer à travers les tempêtes, les banques étaient modérées dans le sens qu'on reportait l'échéance des paiements et l'échéance des intérêts à la fin du terme du prêt que les banques avaient consenti.

Comme je le disais tantôt, les pertes ont été minimes, mais il a fallu quand même aider l'industrie parce qu'on savait qu'il y avait des difficultés.

M. Picotte: Est-ce qu'il y a eu chez vous un crédit spécial à la production comme cela a été institué par l'Office du crédit agricole en période de crise du côté des productions telle la production porcine?

M. Lasnier: On n'avait pas ce genre de prêt, mais on avait d'autres sortes de prêts qui se substituaient. Peut-être que Cyrille pourrait compléter?

M. Parent (Cyrille): Dans le cas du porc, c'est un très bel exemple puisque c'est notre deuxième production en importance et qu'on a quelques centaines de millions investis là-dedans en général. L'expérience a été difficile, mais, tout de même, très bien contrôlée à partir du moment même de l'acceptation d'un client. On sait que la production porcine a doublé de 1976 à 1980. À ce moment-là sont arrivés dans la production beaucoup de gens inexpérimentés avec un minimum de capital. Quand on possédait déjà la clientèle et que nos clients avaient un très bon succès avec une entreprise de 2000 porcs qui est passée à 4000 porcs, on savait à qui on avait affaire. On connaît les risques. Dans le temps, c'était l'euphorie, tout le monde devenait millionnaire à élever du porc. Mais on savait tout de même que les cycles ont toujours existé et qu'il y en aurait. Avec la connaissance journalière de nos clients, on peut beaucoup mieux faire la sélection et permettre l'expansion aux clients qu'on connaît, selon leur potentiel.

On n'est pas arrivé dans le portrait à la dernière minute pour mal choisir notre clientèle ou encourager les derniers venus ou les gens qui manquaient d'expérience. Je pense que cela a un très bon effet tampon. Parti avec ces gens-là, on n'a pas eu tellement de nouveaux venus en agriculture. Ce sont eux qui ont eu les problèmes et pas ceux qui étaient en agriculture avant 1976.

Le nombre? Ce qui est rapporté dans les journaux ou ce qui est rapporté pour d'autres fins et la réalité, ce sont deux choses différentes. Il y a eu marasme, mais les prix ont tout de même fluctué. Cela n'a pas été un marasme pendant trois ans. Les gens ont fait de l'argent comme de l'eau de 1976 à juillet 1979. En 1979, cela a baissé et c'est resté bas deux ans, mais il y avait eu quatre années de profits. Tout dépend à quel moment tu es parti. Si tu es arrivé en 1979, tu étais mal pris.

Quant à nous, nous n'avons pas accepté beaucoup de prêts en 1979 parce qu'on a dit: Cela n'a pas de bon sens, ça fait déjà trois ans que le cycle est en haut. Il y a eu deux ans de pertes. Plusieurs ont été capables d'assumer ces deux ans de pertes. Il y a eu une hausse pour donner une chance, une petite hausse. Là, cela se maintient en bas des coûts de production et il faut s'entendre. C'est à 0, 70 $ depuis plusieurs mois. Il y a tout de même des gens qui "rencontrent" ce coût, à 0, 70 $, Encore là, c'est toujours une question d'endettement. Il faut toujours surveiller. Quelqu'un qui se lance dans le domaine du porc, c'est un spéculateur. Pour faire de la spéculation, il faut avoir des bons nerfs et il faut avoir de la finance au départ. Ceux qui ont eu des bons nerfs et de la finance au départ, ils sont encore en affaires. Un endettement très raisonnable.

Pour nous, dans l'ensemble des banques, c'est très peu de faillites par rapport à d'autres industries. Je me rappelle avoir fait un rapport à mes autorités et conclu que même la partie la plus risquée en agriculture, qui était le domaine du porc, était encore moins risquée que l'ensemble de notre clientèle. Comme je vous le dis, on connaît nos clients. On ne finance pas n'importe qui.

M. Picotte: Je suppose que vous avez arrêté de faire des prêts précisément dans la production porcine, à ceux qui voulaient se lancer là-dedans, dès le début de la crise. Il n'a pas dû se faire beaucoup de prêts.

M. Parent (Cyrille): Il s'en est fait très

peu.

M. Picotte: Vous avez peut-être été deux ou trois ans en avant de l'État à ce moment-là.

M. Parent (Cyrille): Oui, il s'en est fait très peu.

M. Picotte: Vous avez été plus clairvoyants deux ou trois ans avant l'État.

M. Parent (Cyrille): Plus pratiques.

M. Fortier (Florent): Cela ne veut pas dire, non plus, que, parce que quelqu'un était accepté par la loi tandem, on l'acceptait automatiquement. On faisait notre propre enquête sur réception d'un certificat tandem et c'est arrivé à plusieurs occasions qu'on a refusé un client, parce que, selon nos calculs, ce n'était pas rentable.

M. Charron: Certains prêts ont été consentis, même au cours des dernières années, dans l'industrie porcine parce qu'il y a eu un certain nombre de producteurs qui étaient à contrat avec des intégrateurs et les intégrateurs ont cessé leur contrat. Certains producteurs sont venus rencontrer les représentants des banques et certains d'entre eux ont réussi à obtenir des marges de crédit bancaire au cours des années 1983 et 1984 et des premiers mois de 1985. Chaque cas a été étudié au mérite. Si un producteur avait un bon avoir net, une bonne capacité de remboursement, dans certains cas des marges de crédit ont été consenties,

M. Picotte: M. le Président, on me fait signe qu'il me reste deux minutes. Je trouve que le temps passe bien trop vite. J'aimerais aborder un point en particulier. Sans toucher les cas particuliers, on sait que, depuis quelque temps, il y a des méthodes de recouvrement des créances garanties par les banquiers qui sont mises en doute par les agriculteurs. Je pense qu'il y a certains cas. Entre autres, je fais référence à un abattoir qu'on connaît bien dans le coin de Saint-Cyrille-de-Wendover, où des agriculteurs - je dis bien des agriculteurs - ont mis un peu en doute la façon de travailler de certaines sociétés bancaires. J'aimerais que vous me clarifiiez la situation là-dessus. Je ne sais pas si les banques ont l'intention de changer leur méthode d'approche, d'apporter certains changements.

M. Fortier (Florent): Vous parlez pour les agriculteurs, pour ceux qui achètent la production, comme les abattoirs.

M. Picotte: Par exemple, à Saint-Cyrille-de-Wendover, pour vous situer le cas...

M. Fortier (Florent): Oui.

M. Picotte:... des agriculteurs ont fait affaires avec un abattoir, entre autres.

M. Fortier (Florent): Dans le boeuf.

M. Picotte: La société prêteuse a décidé d'envoyer quelqu'un sur place pour ce qui est de rembourser les emprunts qu'ils ont faits. Finalement, on se retrouve devant des situations... C'est ce que je vous dis, il y a des agriculteurs qui mettent un peu en doute cette façon de procéder, dans le sens que ce sont des agriculteurs qui sont acculés à des pertes de 500 000 $. Est-ce qu'on envisage de modifier un peu la façon de procéder des banques? (16 h 45)

M. Lasnier: Je ne crois pas qu'on devrait discuter d'un cas particulier, parce que, d'abord, c'est en cour et il y a toutes sortes d'éléments qui sont apportés d'un côté et de l'autre. Je pense que ce serait un peu trop délicat de mentionner ce cas-là. Mais vous demandez si les banques ont l'intention de changer la façon de percevoir les prêts. Mon Dieu! Je ne vois pas comment les banques peuvent changer leur façon de percevoir. Si vous prêtez de l'argent garanti par des nantissements agricoles couvrant l'équipement ou couvrant les animaux, j'ai l'impression que, si vous avez financé 100% de telle ou telle chose et que vous êtes bien garanti, c'est la seule raison pour laquelle vous avez avancé les fonds au départ. Si on décide de liquider la compagnie, en répétant les critères que je vous mentionnais tantôt, s'il y a fraude, par exemple, les banques vont-elles laisser partir l'équipement déjà nanti sans rien dire? Je ne crois pas qu'on est en mesure d'être...

M. Picotte: Oui, de ce côté-là, je serai d'accord avec vous, de la façon dont vous le traitez. Sauf que là, par exemple, cela touche quelques dizaines d'agriculteurs. Les vrais pénalisés ne sont pas nécessairement la compagnie avec qui la banque fait affaires, mais ce sont les agriculteurs qui en font les frais, selon toute vraisemblance.

M. Lasnier: Je ne voudrais pas revenir au cas que vous mentionnez parce que, franchement, il y a de la confidentialité dans tout cela et qu'on ne peut pas étaler cela sur la table ici ce soir.

M. Beauregard: M. Picotte...

Le Président (M. Vallières): M.

Beauregard, en conclusion, puisque la période de temps allouée de ce côté-ci de la table est maintenant épuisée. Ce serait en conclusion sur la question de M. Picotte.

M. Beauregard: Sur la question de M. Picotte, je dirais qu'au point de vue du droit bancaire, dans toutes les questions de prêts, on ne doit jamais oublier qu'une banque est essentiellement un organisme financier qui est un intermédiaire. D'une part, elle récolte les dépôts qu'elle place ensuite pour produire le meilleur revenu possible pour les déposants et donc, aussi, satisfaire les besoins de l'emprunteur. Il nous faut toujours faire en sorte de limiter les pertes. Nous ne sommes pas des organismes d'aide ou d'assistance au public, mais des organismes qui visent à faire l'intermédiation des épargnes du public et à rendre ces épargnes utiles à la société, selon les meilleures règles possible. Quand, malheureusement, il y a des pertes, il faut que tout le monde de chaque côté les porte le plus élégamment possible. Il faut essayer de limiter les pertes de tous bords et tous côtés. Cela se pose non seulement pour la banque qui doit suivre ses clients mais pour n'importe qui qui devient créancier envers quiconque. A l'égard de M. Picotte, je pense que ce serait une règle qu'il faut suivre.

M. Picotte: Merci de votre collaboration.

Le Président (M. Vallières): Merci. La parole est maintenant au député de Nicolet.

M. Beaumier: Ma question est bien simple, elle est voulue comme cela aussi. Si je comprends votre proposition en quatre volets ou votre approche, vous dites à peu près ceci: Dans tout ce qui est rentable, dans tout ce qui ne comporte pas de risque, vous nous laissez ce secteur et, à partir du moment où il y a un certain nombre de risques, potentiels peut-être, au niveau de la relève très certainement et des nouvelles productions, vous dites que là ce devrait être finalement le gouvernement qui s'en porte le premier responsable. C'est une invitation - je le dis très simplement - finalement, faite au gouvernement. Vous lui dites: Prenez les risques et puis aussi les canards boiteux, pour employer l'expression.

L'industrie bancaire canadienne - vous le signalez dans votre résumé - fournit 40% de tout le crédit agricole au Canada, près de 9 000 000 000 $, et, au Québec, grâce au plan tandem aussi, vous êtes impliqués pour 935 000 000 $. Cette expérience que vous avez vécue vous oblige-t-elle, vous incite-t-elle ou vous porte-t-elle à faire les propositions que vous faites actuellement, c'est-à-dire de bien distinguer ce qui est rentable ou sans risque - vous vous occupez de cela - et tout ce qui s'appelle le social au fond, c'est le gouvernement qui s'en occupe, en passant par le potentiellement risqué et en passant surtout par toute la question de la relève? J'y reviendrai tantôt.

Est-ce que votre expérience dans le secteur agricole justifie une position ou une proposition comme vous faites? Autrement dit - excusez M. Lasnier - est-ce que, finalement, c'est une mauvaise aventure pour l'industrie bancaire?

M. Lasnier: C'est une expérience qui a été très valable au cours des années. Ce sont des suggestions que nous faisons à l'Office du crédit agricole ou au gouvernement. Par exemple, on dit dans le mémoire que les compagnies, qui fonctionnent très bien, n'ont pas besoin de crédit bancaire de l'Office du crédit agricole parce qu'elles peuvent se tirer d'affaires. On s'adresse surtout aux fermes... Tout le monde devient agriculteur, à un moment donné. On l'a vu durant la dernière récession. Il y a à peu près... Je me mélange peut-être dans mes pourcentages, mais vous avez au moins une majeure partie des gens qui se sont lancés en affaires et qui ne le sont plus maintenant parce qu'ils n'étaient pas préparés à le faire. Ils avaient trop de dettes. On calcule que les agriculteurs sont endettés jusqu'à 48%, si vous voulez; c'est beaucoup. Alors, si vous créez des dettes constamment, vous ne pouvez pas arriver à rencontrer vos obligations, surtout si le prix de la commodité baisse ou est sujet à fluctuation. On le sait maintenant. Le porc, par exemple, le coût de production est plus fort que le coût de la vente. Alors, tout le monde est impliqué dans l'agriculture.

On a une espèce de tour de Babel là-dedans, il y a beaucoup de gens qui ne devraient pas être dans l'agriculture, ou s'ils veulent le rester, le demeurer, qu'ils investissent leur propre capital. S'ils n'ont pas de capital, qu'ils se retournent par exemple, surtout pour les nouvelles productions, vers les capitaux de risque, où les gens... Il y a des gens qui sont prêts à faire cela. Il y a des institutions de capitaux de risque dans tous les domaines, au point de vue commercial, au point de vue PME, au point de vue de toutes les gammes, si vous voulez, de prêts que la banque peut faire. Pourquoi il n'en existerait pas du côté agricole, où le capital est risqué, mais il n'y a pas de remboursement à faire parce que le capital, s'il arrivait quelque chose, ce n'est pas une espèce de lourdeur dans l'exploitation de la société? On ne veut pas dire par là qu'on doit cesser de financer les exploitations qui sont marginales. On ne dit pas cela du tout, mais on essaie de mettre un peu plus d'ordre dans cela par notre recommandation.

M. Charron: On propose également, bien entendu, au sujet des fermes rentables, des fermes qui ont un bon avoir net, des fermes qui sont capables d'emprunter des institutions privées, qui bénéficient de certaines subventions, les mêmes subventions que les

jeunes agriculteurs, ou que les fermes qui sont non rentables, ou dans les nouvelles productions, on recommande que le gouvernement pourrait, s'il le veut bien sûr, retirer ces subventions qui sont distribuées aux fermes rentables comme aux fermes non rentables, les retirer au niveau des fermes dites rentables, qui peuvent emprunter sur les marchés privés, pour les acheminer vers l'agriculture de risque, vers les jeunes agriculteurs ou les productions qui sont nouvelles ou qui représentent des risques trop élevés pour les banques.

M. Beaumier: La façon dont cela fonctionne actuellement, c'est que l'office va émettre un permis d'emprunt et là, c'est par les institutions financières que l'agriculteur, le producteur agricole peut avoir accès à du crédit. C'est comme cela que cela fonctionne.

À partir du moment où vous dites que l'office devrait bien distinguer, je ne sais pas si c'est l'office, d'ailleurs c'est moi qui le dis, mais qu'il y aurait un endroit où serait distingué ou fait la répartition entre l'ivraie et le bon grain, comme on pourrait dire, et vous voudriez à ce moment-là, évidemment, que l'ivraie soit la responsabilité de l'office qui n'a pas d'argent. Il passe par les institutions financières.

M. Beauregard: M. Beaumier...

M. Beaumier: Et c'est ceci - je vais terminer, si vous permettez - que je trouve un peu difficile dans votre mémoire, c'est de voir comment vous vous retirez, ou vous proposeriez de vous retirer alors que vous êtes des intervenants extrêmement importants au niveau de toute la société et c'est le traitement que vous faites plus particulièrement de la relève, par exemple, et des nouvelles productions. Il me semble qu'on se serait attendu à ce que vous soyez plus sensibles à toute la question des nouvelles productions et de la relève c'est-à-dire, des jeunes.

M. Beauregard: M. Beaumier, il n'a jamais été question, dans le mémoire, que les banques se retirent d'un secteur ou de l'autre. Tout ce qui anime ce mémoire, c'est une approche par laquelle nous considérons l'agriculture comme un secteur industriel ou commercial, au Québec. Dans cette perspective, la regardant comme une forme d'industrie, comme une industrie qui relève du secteur primaire, il nous faut alors tenir compte qu'il y a des entreprises qui vont bien. Les entreprises qui vont bien paient des taxes et ne demandent pas l'aide de l'État. Ce que nous suggérons, à ce moment là, c'est que l'entreprise agricole industrielle du secteur primaire qui va bien soit traitée de la même façon, qu'elle en retire, d'autre part, tous les autres avantages qui peuvent exister et que l'État peut offrir à ces entreprises de nature industrielle, dans le Québec. Dans les secteurs où ces entreprises ont des difficultés, elles ne seront peut-être pas, pendant les trois prochaines années, potentiellement rentables, on ne dit pas que la banque ne prêtera pas. On dit: Si, à ce moment là, une de ces entreprises a besoin d'une aide de l'État, nous travaillons de concert. Dans un secteur potentiellement rentable, on dit: travaillons de concert.

Dans le secteur de la relève, là encore, travaillons de concert. Dans le secteur de l'agriculture de risque - que voulez-vous - il ne s'agit pas, à ce moment là, d'un secteur qui, de par sa nature, au départ, est un secteur potentiellement rentable, c'est un secteur qu'on veut développer à partir de zéro.

Dans le domaine de l'entreprise commerciale et industrielle, partout, en économie, la recherche et le développement d'un produit se fait avec des capitaux propres, avec des fonds propres. Nous suggérons qu'en agriculture, de la même façon, si l'agriculteur n'a pas les moyens... Supposons que, dans une politique agricole d'ensemble, on veuille développer une nouvelle agriculture au Québec. Disons que, demain matin, on voudrait se lancer dans la production de l'arachide par décision gouvernementale. À ce moment-là, trouvons des fonds et mettons sur pied un système par lequel le producteur agricole qui va se lancer dans la production de l'arachide, si cela échoue, qu'il n'en finisse pas par perdre sa maison et sa chemise. C'est cela, la suggestion. La banque, comme entreprise, de par sa loi constitutive, n'est pas définie comme étant une entreprise de risque. Elle n'est pas une société de capital de risque et, autant qu'elle veuille faire du capital de risque, la Loi sur les banques, le gouvernement a limité dans quelles circonstances elle peut le faire. C'est très très limité parce que nous ne pouvons pas jouer avec l'épargne de la population.

M. Beaumier: Je n'ai pas votre expertise mais vous parlez souvent du secteur du commerce et de l'industrie, dans ces secteurs il n'y a pas d'Office du crédit agricole. Vous prêtez quand même et il y a aussi passablement de risques. Il y a des faillites au niveau des PME et des bons coups aussi. Cela veut dire que, à ce moment-là, vous voudriez distinguer ce que vous ne distinguez pas au niveau des PME commerciales ou industrielles, par exemple, vous voudriez qu'on le distingue au niveau des entreprises agricoles et vous faites une distinction entre les bons et les moins bons. Quand on dit les moins bons, c'est très complexe aussi. Quand vous dites que des entreprises incapables de se classer rentables

deviendraient marginales, ce ne sont pas nécessairement des entreprises qui sont marginales en termes de volume même si, temporairement, il y a des temps difficiles à passer. Je me dis: Employons la même logique. Dans la logique que vous avez pour les PME, dans le secteur commercial et industriel, vous ne faites pas la distinction entre les bons et les pas bons; vous prenez des risques. Même si ce n'est pas du capital de risque, vous prenez des risques dans vos prêts pour tout l'ensemble et, en fin de compte, cela va. Au niveau agricole, ce qui se fait actuellement, vous le disiez vous-même, ce n'est pas une mauvaise affaire finalement pour l'industrie bancaire que le secteur agricole, pourquoi distinguer, dans ce secteur, les bons et les pas bons, ce que vous ne faites pas dans le secteur industriel et commercial? (17 heures)

M. Charron: Je pense qu'il faut bien comprendre qu'on serait encore enclin à prêter à l'agriculture, au niveau des fermes non rentables, à la condition d'avoir une certaine garantie gouvernementale, garantie qu'on a présentement au niveau des prêts d'amélioration de fermes, des prêts tandem, des crédits spéciaux, etc. Ce qu'on mentionne dans notre mémoire c'est qu'il y a une certaine forme d'agriculture sur lesquelles on a des entreprises qui sont fort bien établies, une certaine rentabilité, une bonne équité financière. Au niveau de ces entreprises, on mentionne qu'on n'a pas nécessairement besoin de la garantie gouvernementale pour consentir des prêts à ce genre d'entreprise. C'est bien certain, au niveau des entreprises dites marginales ou de risques, on pourrait continuer avec le projet de prêts tandem ou de prêts pour l'amélioration de ferme avec la garantie du gouvernement à prêter à ce genre d'entreprise. C'est bien clair dans notre mémoire.

M. Parent (Cyrille): Je comprends bien votre question, j'aimerais y répondre parce que j'ai eu l'occasion pendant six ou sept ans de m'occuper des prêts commerciaux en plus de l'agriculture. Je peux vous dire que notre ligne de pensée ici est copiée carrément là-dessus. Je n'ai jamais cherché à vouloir faire une distinction et c'est assez important dans une institution bancaire d'appliquer à peu près le même standard des règles bancaires à tout le monde. C'est là qu'on a le moins de problème. C'est là qu'on peut vendre l'agriculture aussi bien que des produits miniers ou des produits de transformation.

Évidemment, si on pense uniquement, on va financer 71% de l'agriculture, c'est dans nos risques, on aura 10 228 clients. On peut s'arrêter là. On va être très fier de les financer, on n'a pas besoin d'aucune espèce de garantie. Le gars se présente à son banquier, tout se règle entre nous. Mais on veut offrir notre coopération comme on l'offre dans d'autres plans gouvernementaux qui existent. Il y a le plan Biron, par exemple, qui dit: On pourrait prendre plus de risques. Il y a des organismes fédéraux qui sont prêts à donner des garanties, à offrir des risques. On a les prêts aux petites entreprises, on dit: On ne prêterait pas mais si vous voulez en garantir une partie, on va y aller.

C'est exactement ce qu'on veut offrir. On est intéressé à une agriculture prospère-On a 71%, on parle théoriquement tout le temps, qui est réglé, on a 10 000 cultivateurs à revenu moyen. Dans ces 10 000 cultivateurs à revenu moyen, on voudrait bien aller au bout et savoir s'ils vont faire des bons cultivateurs. Si jamais ils font des bons cultivateurs, on va les prendre éventuellement à notre compte éventuellement, dans un an, deux ans, trois ans et on va en être bien content. Seul on ne pourrait pas le faire, mais avec l'aide de l'État on peut économiser et économiquement je pense que tout le monde y gagnerait.

Qu'on se dise la vérité parce qu'on a toujours traîné notre bois mort en agriculture, on a toujours appelé cela de l'agriculture, mais concernant les faibles revenus, on trouve 11 000 fermes qui produisent 5, 1% des ventes. Ce n'est pas du tout de l'agriculture. N'en parlons plus. Pour autant qu'on est concerné, on ne fera pas des affaires agricoles avec ces gens. Si vous pensez que c'est plutôt au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation à s'en occuper ou à l'Office du crédit agricole au lieu d'une organisation à caractère social, on n'a pas à intervenir dans les politiques gouvernementales. Définitivement cette catégorie, on n'a rien à proposer en ce qui nous concerne. Ce serait de la petite industrie, ce serait d'autres catégories de gens. On pense que ce n'est même pas de l'agriculture pour ceux-là.

M. Fortier (Florent): On a disséqué les quatre questions pour donner plus de chance aux jeunes de se lancer en agriculture. Parce que si les agriculteurs sont classés financièrement rentables, à ce moment c'est bien dit qu'ils n'ont pas de subvention à recevoir. Maintenant, le plateau de ces subventions pourrait être transféré aux jeunes agriculteurs qui veulent débuter, leur donner plus d'aide afin de s'engager dans une exploitation risquée.

M. Beaumier: Si j'ai bien compris, vous, vous n'y êtes pas.

M. Fortier (Florent): Oui, on va faire des prêts garantis...

M. Beaumier: À ce niveau, vous y êtes.

M. Fortier (Florent):... par le gouvernement tandis que les autres, les prêts ne seront pas garantis par le gouvernement. On est capable de prendre notre risque. Avec les bons agriculteurs, on est capable de juger notre affaire nous-mêmes et prêter cela au même titre que n'importe qui, tandis que ceux qu'on calcule qu'il y a un capital de risque, à ce moment on devra avoir l'intervention de l'État, mais par contre, comme le plan Biron, les prêts seraient garantis par le gouvernement.

M. Beaumier: Je voudrais continuer, mais je pense que je vais passer la parole à mon collègue si j'écoute les yeux de mon président. Est-ce cela?

Le Président (M. Vallières): M. le député d'Arthabaska, il vous resterait huit à dix minutes.

M. Baril (Arthabaska): Merci. À la page 6 vous parlez plus spécifiquement de la relève et vous dites que la vente au comptant de la ferme ancestrale ne devrait bénéficier de l'aide publique qu'à la condition que le vendeur conserve une balance de prix de vente. Ici, quand vous dites que le vendeur conserve une balance du prix de vente. Pour vous, est-ce que le vendeur serait obligé de garder une hypothèque sur la ferme sans garantie de personne? j'aimerais que vous expliquiez cela un peu. Qu'est-ce que vous voulez dire par là?

M. Lasnier: Une balance de prix de vente est habituellement une garantie par une première hypothèque sur la ferme ou c'est une deuxième hypothèque c'est-à-dire là.

M. Beauregard: Le solde du prix de vente vient normalement après une première hypothèque. C'est-à-dire, comme vous pouvez avoir pour même une vente de maison normale, vous allez chercher une première hypothèque qui est financée par l'institution financière et des fois l'acheteur dit: Bien écoutez, moi je n'ai pas suffisamment d'argent pour couvrir le tout, accepteriez-vous de porter le reste en différence du prix de vente? Cela vient en deuxième rang comme une deuxième hypothèque. Mais disons qu'au niveau de l'installation du descendant d'un producteur actuel sur la terre familiale il ne faudrait pas oublier le fait que la génération actuelle connaît un phénomène vraiment étonnant en agriculture au Québec puisque leurs parents leur demandent ce que leurs propres grands-parents n'ont jamais demandé à leurs parents. C'est-à-dire que dans le passé pour les deux ou trois siècles qui précèdent dans les vieilles familles agricoles quand le fils ou la fille a mis la main sur la terre paternelle ou maternelle il ne s'est pas fait dire en partant: Mon grand va à la banque, va chercher 100 cents dans le dollar pour me libérer pour que moi je m'en aille. C'est un phénomène aberrant des années soixante-dix relié à la spéculation foncière en agriculture. Appelons les choses par leur nom, c'est ce que nous avons dit dans notre mémoire aux pages 23 et suivantes. C'est un phénomène aberrant en agriculture. Est-ce qu'il ne serait pas préférable de demander à nos agriculteurs dans ce domaine, quand ils veulent se retirer, d'appliquer à leurs enfants ce que leurs propres parents leur ont appliqué?

M. Baril (Arthabaska): Je comprends et je sais que c'est un phénomène et que c'est une mentalité comme cela mais il faut considérer que les grands-parents qui ont vendu la ferme à leurs enfants n'étaient pas dans le même contexte économique qu'aujourd'hui. Je me souviens de mon grand-père qui a vendu la ferme à mon père le contrat était à peu près comme ceci: Je vends la ferme d'un montant de X et tu me paieras quand tu seras capable. Mais le grand-père restait sur la ferme avec lui et c'était la coutume qui valait et aujourd'hui la vente des fermes tout le monde reconnaît que les agriculteurs ne deviennent pas millionnaires. Là on dit qu'ils deviennent millionnaires c'est à vendre leur ferme, c'est leur régime de rentes, leurs fermes, lorsqu'ils les vendent. Si on dit: Ton régime de rentes tu l'as accumulé toute ta vie mais encore là tu vas attendre quand tu seras mort pour venir à bout d'en bénéficier, c'est peut-être trop demander, je ne sais pas.

M. Parent (Cyrille): Je vais vous donner un exemple et je pense que cela va aller mieux pour illustrer. Une ferme laitière de 50 vaches se vend entre 8000 $ et 10 000 $ par vache, soit entre 400 000 $ et 500 000 $ et là je parle de vaches dans la moyenne de la province de Québec disons de 5000 kilos, 11 000 livres de lait, 8000 $ et cela tient à la grandeur de la province de Québec - cela ne devrait pas mais cela se tient - avec un financement qui serait le financement idéal où il y a 400 000 $ et les 150 000 $ de l'Office du crédit agricole à 8% d'intérêt ces jours-ci et un financement de prêt d'amélioration de ferme au taux de base plus 1/2 - ce qui est très bon - et une très petite marge de crédit au taux normal des banques - ce qui n'est pas encore exagéré d'autant plus que la marge de crédit n'est pas nécessairement forte dans le cas du secteur laitier puisqu'on reçoit une paie tous les quinze jours - avec le financement idéal, avec un bon producteur, non pas un as, un bon producteur 4000 $ d'endettement par vache, plus que 4000 $ d'endettement est un grand risque. Il y en a qui sont capables de supporter 4500 $, il y en a d'autres qui sont

capables de supporter 5000 $ mais moi, j'aimerais mieux pas leur prêter. Prêt tout garanti, j'aimerais mieux pas leur prêter pareil. Alors, imaginez-vous que le père, s'il vend à un étranger, pour quelles raisons le phénomène est comme cela. Il peut avoir 400 000 $. S'il vend à son fils, il n'est pas pour lui vendre plus que 200 000 $ parce que son fils ne sera pas capable de rembourser, il va faillir- Pourtant il est rendu à la quatrième génération et c'est assez important que ce soit le fils qui prenne la relève. Là, on dit: II y a toujours des maudites limites. Qu'il ne pense pas qu'il va s'en aller avec 400 000 $ dans ses poches. Moi, je ne le financerai pas. L'Office du crédit agricole du Québec, non plus, ne financera pas jusqu'à ce prix. Si jamais on le finançait, il ne serait jamais capable de nous rembourser. Tout ce qu'on ferait en finançant trop et à trop bas taux d'intérêt, c'est d'encourager les prix à augmenter encore. Pourquoi est-ce que c'est rendu si haut que cela alors qu'on justifie que cela devrait se vendre 200 000 $ une ferme semblable puisque c'est tout ce qu'on peut rembourser? Pourquoi est-ce que c'est rendu à 400 000 $? C'est au cultivateur à répondre. Je ne le sais pas, je ne le comprends pas, je ne comprends rien là-dedans. Il y en a qui disent que c'est le quota, prenons-le dans l'ensemble. C'est évident qu'il y aura des soldes de prix de vente qui devront être supportées, mais des dons qui pourraient bien être faits aussi, tout dépend jusqu'à quel point le père peut financièrement ou a la responsabilité d'établir son fils.

M. Baril (Arthabaska): Je pourrais vous poser la même question. Pourquoi reculez-vous de 10 ans? Un tracteur se vendait 6000 $; aujourd'hui le même tracteur va être rendu à 18 000 $, 20 000 $. La valeur des terres a augmenté aussi.

M. Parent (Cyrille): Tout le monde a été victime de l'inflation. De 1971 à 1983, le capital agricole s'est multiplié par six. Ce n'est pas justifiable, l'inflation a été une moyenne au-dessus de 15%, alors qu'elle a été de 9% durant la même période. L'agriculture a été beaucoup plus affectée que d'autres secteurs économiques. Il y a toujours un acheteur et un vendeur et ce sont des cultivateurs. Je m'excuse.

M. Baril (Arthabaska): C'est parce que je veux vous arrêter.

M. Parent (Cyrille): Vous êtes limité dans le temps.

M. Baril (Arthabaska): M. le Président va m'arrêter et j'ai une question impartante à vous poser qui est peut-être embarrassante un peu. Il y a plusieurs intervenants qui sont passés avant vous. Ils nous parlaient éventuellement de toutes sortes d'hypothèses, de la formation, de la création d'une banque agricole. Vous qui êtes des banquiers, j'aimerais vous entendre là-dessus. Qu'est-ce que vous pensez de la formation d'une banque agricole?

M. Fortier (Florent): Parlez-vous d'une banque agricole, une banque de terres?

M. Baril (Arthabaska): Non, une banque dont les agriculteurs seraient des actionnaires comme il y a en Europe, en France, aux États-Unis, qui deviendrait une sorte d'institution financière, qui probablement vous concurrencerait, parce qu'elle marcherait sous la même forme que vous autres.

M. Beauregard: Je préciserais, M. Baril, que les caisses qu'on appelle en France les caisses de crédit agricole ne sont rien d'autre, en d'autres termes, que ce qu'on a au Québec depuis déjà 70 ans, ce qu'on appelle des caisses populaires, auxquelles se rajoute, au lieu d'une caisse centrale Desjardins ou une confédération Desjardins, qui est un organisme propriété des caisses membres, au-dessus de cela, la grande société du crédit agricole de France qui est une propriété de l'État français. C'est une structure qui est différente de la nôtre. D'autre part, si vous regardez simplement les banques canadiennes, à l'heure actuelle, ce que nous avons constaté, c'est qu'il y a plusieurs banques canadiennes qui ont un fort pourcentage d'actionnaires qui sont des Canadiens et surtout dans la province de Québec; il y a plusieurs banques dont la majorité des actionnaires, physiquement, sont des résidents de la province de Québec.

M. Baril (Arthabaska): Mais la caisse agricole française, je pense que c'est le terme.

M. Parent (Cyrille): Caisse nationale de crédit agricole.

M. Baril (Arthabaska): C'est ça. Au début, quand même, lorsqu'elle a été formée, c'était pour financer d'abord le domaine agricole, mais elle a pris de l'expansion et elle s'est étendue ailleurs. Lors de la fondation ou de la création, c'était pour financer le milieu agricole.

M. Parent (Cyrille): J'ai eu l'occasion de passer une semaine en France, invité par la Caisse nationale de crédit agricole. Évidemment, pour les mêmes raisons que nous, dans les années de crise, personne ne voulait prêter en agriculture et le gouvernement a offert aux cultivateurs une

forme de coopérative où il interviendrait, je pense que c'était dans l'ordre de 50% de ce que les cultivateurs investiraient dans l'entreprise. Cela joue exactement le rôle, c'est presque comme nos caisses populaires ici, mais puisque toutes les banques maintenant sont étatisées en France, à ce moment donné, depuis, on a permis au crédit agricole de faire d'autres opérations paraagricoles. Après ça, on a dit: Vous pourrez prêter aussi sur hypothèque, parce qu'ils regorgent d'argent, c'est-à-dire que les fermiers français sont pas mal en bonnes finances. Maintenant c'est rendu étatisé, comme les autres banques. On a cette formule-là, par les caisses populaires. (17 h 15)

M. Baril (Arthabaska): Selon vous, ce n'est pas nécessaire de créer une autre banque agricole. Déjà, les institutions financières actuelles répondent à la demande, aux besoins.

Une voix: Oui...

M. Baril (Arthabaska): Merci bien de votre éclaircissement.

Le Président (M. Vallières): Je dois, à ce moment-ci, mettre fin à ces discussions, même si elles sont très intéressantes. Il y a l'autre proposition qui a été apportée par d'autres groupes sur laquelle on aurait bien aimé vous questionner, entre autres. Je sais que, ce matin, il y a des gens qui nous proposaient que l'État puisse garantir une partie du prêt au vendeur de la ferme qui deviendrait, donc, un compétiteur direct avec vous. Peut-être qu'à un moment donné on aura l'occasion de vous questionner sur cette avenue possible.

Quoi qu'il en soit, je veux vous remercier de votre mémoire qui a nécessité beaucoup de préparation et vous inviter à revenir, si jamais nous vous demandons à nouveau votre collaboration. Je vous remercie, finalement, de vos témoignages et des réponses apportées aux questions que nous posions.

M. Parent (Cyrille): Merci, M. le Président.

Faculté des sciences de l'agriculture et de l'alimentation de l'Université Laval

Le Président (M. Vallières): Là-dessus, je demanderais au prochain groupe, soit les représentants de la Faculté des sciences de l'agriculture et de l'alimentation de l'Université Laval, de bien vouloir s'approcher de la table. Je demanderais à M. Denis Cormier, qui représente la Faculté des sciences de l'agriculture et de l'alimentation de l'Université Laval, de bien vouloir nous présenter son mémoire, possiblement dans un intervalle d'environ 20 minutes pour qu'on puisse ensuite procéder à la période des questions.

M. Cormier (Denis): Merci beaucoup. Je dois, dans un premier temps, remercier les membres de la commission de bien avoir voulu nous donner la possibilité de présenter ce mémoire. Je dois aussi excuser le coauteur de ce mémoire, M. Jean Arsenault, qui est présentement pris à l'extérieur du Québec. Je demanderais aux gens de la commission de ne pas juger du contenu du mémoire en fonction du nombre de personnes qui se présentent ici.

L'objet de ce mémoire, peut-être, sera un objet de limite du risque, parce qu'on parle beaucoup de risque en agriculture. Mais, des trois aspects qui ont été proposés et étudiés par la commission, ce mémoire va traiter d'un aspect, seulement un, soit la relève agricole et plus particulièrement la formation de cette relève agricole.

Deux raisons principales motivent ces choix. D'abord, il nous apparaît évident qu'on ne peut viser à augmenter notre degré d'autosuffisance alimentaire ou prétendre au développement du secteur agro-alimentaire dans un contexte aussi évolutif que celui des années quatre-vingt sans se préoccuper du développement des ressources humaines en agriculture. Pour nous, choisir de traiter de la relève en agriculture, c'est opter, en premier lieu, pour la mise en valeur des hommes et des femmes qui sont gestionnaires des sols, des plantes et des animaux, aux fins de nourrir la population et de conserver un environnement favorable. J'ajouterai même qu'il existe une corrélation très forte entre le niveau de formation de ces hommes et de ces femmes et le développement agricole.

Le deuxième motif du choix de la relève, dans notre réflexion, c'est que, depuis plusieurs années, la Faculté des sciences de l'agriculture et de l'alimentation, dans ses interventions de diverses natures, s'est préoccupée de la formation des agriculteurs en général et aussi de la relève agricole en particulier. Vous allez retrouver ici, en annexe I, différentes interventions qui ont été faites par notre faculté.

Il faut par contre ajouter que le choix de ce volet ne minimise en rien aux yeux des auteurs l'importance des deux autres volets proposés par la commission, soit l'endettement et le financement. En ce sens, un mémoire portant sur les sources de financement à long terme a d'ailleurs été préparé et sera présenté par M. Robert Romain et M. Pierre Marcotte, de notre département.

Les principaux aspects qui seront développés ici, on peut les regrouper en quatre thèmes. On va regarder assez rapidement les caractéristiques de la relève

agricole; ensuite, on regardera plutôt les caractéristiques du système de formation et, pour terminer, l'énoncé de quelques problèmes puis des pistes de solution et une conclusion.

En ce qui concerne les caractéristiques de la relève agricole - ici, c'est uniquement pour situer les choses - nous entendons, par l'expression "relève agricole", les jeunes Québécois ou Québécoises en voie de s'établir sur une entreprise agricole et ceux qui sont nouvellement établis. En pratique, nous avons convenu de retenir comme faisant partie de la relève agricole ceux qui répondent à cette description et qui sont âgés entre 20 et 30 ans.

Les caractéristiques de ces jeunes de la relève agricole et de leur milieu, c'est qu'ils sont à 90% d'origine agricole, soit comme fils ou filles d'agriculteur. Ils s'établissent en moyenne vers l'âge de 25 ans. Ils ont aussi, dans une proportion de un pour deux, soit près de 50%, occupé un emploi à l'extérieur avant de retourner à leur entreprise. Dans la majorité des cas, cet emploi se trouve en dehors du secteur de l'agriculture, soit par exemple dans le domaine de la construction, de l'industrie et de la forêt.

Au niveau de la scolarité, il y a la formation de base que l'on définit comme l'acquisition de connaissances et de compétences élémentaires - alphabétisation, calcul, etc. - nécessaires à la vie en société. Selon les informations les plus récentes que l'on trouve et qui ressortent d'une étude qu'on a faite à la Faculté des sciences de l'agriculture au cours des dernières années, on retrouve que le niveau de scolarité de base des jeunes de la relève agricole se situe à 29%, pour ceux qui ont commencé des études au niveau secondaire, mais n'ont pas terminé, et à 48% au niveau secondaire seulement; 21% d'entre eux ont un niveau collégial; 2% ont un niveau universitaire. Donc, 77% des gens qui s'installent en agriculture n'ont qu'un niveau secondaire comme formation de base générale.

Regardons maintenant le profil de la relève agricole sur le plan de la formation agricole. Premièrement, une première constatation, c'est que 24% des jeunes de la relève n'ont aucune formation agricole pour s'établir en agriculture, soit le quart de nos jeunes qui s'établissent; 13% de ceux-ci ont une formation de niveau secondaire agricole qu'on appelle agrotechnique; 17% ont une formation de niveau collégial agricole, soit des instituts de technologie agricole et des cégeps.

Par contre, 44% ont participé à au moins une activité de formation agricole du type session intensive - cours du soir, cours par correspondance, etc. - offerte par les institutions d'enseignement du milieu ou en dehors de l'enseignement régulier.

Quelle est l'attitude des jeunes par rapport à la formation agricole? Comme il nous apparaît, a priori, que la mentalité de la relève agricole soit liée à celle des agriculteurs qui la précèdent, nous ferons ici ressortir certains éléments se rapportant aux mentalités par rapport à la formation, en comparaison, entre autres, avec les agriculteurs dans leur ensemble.

La formation est perçue par le groupe de la relève agricole comme étant utile ou indispensable et cela, selon l'enquête, dans une proportion de 94, 8% par rapport à peu utile ou d'aucune utilité. Ce qu'on remarque aussi dans le milieu agricole, c'est que cette proportion baisse à mesure que l'âge des agriculteurs augmente. Cette utilité de la formation, les agriculteurs la traduisent principalement en termes de compétence et d'efficacité liées à la formation. Vient ensuite le plaisir de comprendre. Il faut ici préciser, je pense, pour information, que la compétence et l'efficacité dont les jeunes caractérisent la formation seront probablement l'emblème sous lequel se fera l'agriculture de demain. Les jeunes, consciemment ou non commencent à s'en apercevoir.

Les sources de difficulté que les jeunes rencontrent dans l'entreprise et le manque de formation. Selon encore les résultats de l'enquête, les principales sources de difficulté chez les jeunes de la relève agricole sont, par ordre décroissant d'importance: le manque de connaissances en gestion, le manque d'expérience, le manque de connaissances techniques de production et le manque de communication entre les partenaires d'une même entreprise. Si l'on exclut le facteur manque d'expérience, il apparaît que les facteurs liés au manque de connaissances, particulièrement en gestion, sont ceux qui ressortent comme les plus problématiques chez les jeunes de la relève agricole.

Quelle perception les jeunes ont-ils du milieu scolaire? Les milieux scolaires, lieux de la formation de base, apparaissent pour un jeune agriculteur sur deux comme utiles à la formation de base de la relève. Par rapport à cette question, c'est toutefois le niveau collégial qui obtient le plus de faveur avec 54, 5% des répondants par rapport à 48, 8% pour le niveau secondaire.

En ce qui concerne l'apport de ces milieux secondaire et collégial en termes de perfectionnement continu, soit après leur formation de base ou professionnelle, 20, 6% des jeunes estiment que les institutions de niveau secondaire sont utiles au perfectionnement continu des agriculteurs contre 13, 1% pour le niveau collégial. Donc, le niveau secondaire semble plus présent au niveau de la formation continue des agriculteurs que le niveau collégial.

La disponibilité des jeunes de la relève agricole. Le travail sur l'entreprise agricole

est très exigeant en termes de nombre d'heures allouées par semaine à l'exécution des différents travaux et des occupations diverses reliées à la gestion. Pour les jeunes, dans une proportion de 60%, ceux-ci passent plus de 50 heures par semaine à travailler sur l'entreprise durant les périodes de printemps, été et automne. Durant l'hiver, par contre, les semaines normales de travail exigent pour 66% des répondants un peu moins de 50 heures de travail et, pour 42% de ceux-là, moins de 40 heures. Donc, dans l'ensemble, c'est surtout durant l'hiver qu'ils sont un peu disponibles pour des activités en dehors de l'entreprise.

Passons maintenant au deuxième point, les caractéristiques du système de formation. D'abord, le système de formation agricole, sa définition. Par système de formation agricole, nous entendons le réseau mettant en place un ensemble de moyens interreliés permettant à l'agriculteur de développer ses potentialités tout au long de sa vie. Ceci implique qu'il existe plusieurs institutions, organisations et intervenants engagés dans la formation de l'agriculteur. De plus, l'action de ces différents agents de formation doit être cohérente, c'est-à-dire s'inspirer d'une même philosophie et viser des objectifs généraux communs, soit, par exemple, de contribuer au développement de l'autonomie de l'agriculteur. L'agriculteur autonome est cet individu qui se prend en charge, qui sait développer des habiletés à trouver, sélectionner et utiliser l'information et qui sait repérer les composantes essentielles d'une situation où interfèrent sans cesse les aspects techniques, économiques, humains, sociaux et politiques. (17 h 30)

Le processus de formation de l'agriculteur. Ici, je fais référence à l'annexe II du présent document. La raison d'être du système de formation agricole est d'offrir une formation de base à l'agriculteur lui permettant d'être un citoyen de son temps comme individu complet, une formation professionnelle lui offrant les connaissances, la compréhension et les habiletés de base requises à l'exercice du métier et une formation continue le rendant habile à faire face aux changements qu'il aura à maîtriser tout au cours de sa vie. La formation générale de base doit venir avec la formation professionnelle agricole et être la plus élevée possible. Par contre, la conception du métier d'agriculteur est à l'articulation des deux systèmes de formation. Donc, la formation de base générale et la formation professionnelle sont très interreliées.

Dans la réalité, par rapport à ces formations, on a vu que seulement 48% des jeunes de la relève ont complété leurs études de niveau secondaire et que 29% n'ont pas complété ce niveau secondaire. Tout en poursuivant cette formation générale de base, le jeune de la relève peut acquérir une formation sur le tas, soit sur la ferme familiale au contact du père et des autres membres de sa famille, soit dans une entreprise de son choix comme ouvrier agricole ou stagiaire.

Un choix s'offre à celui qui veut acquérir une formation agricole en institution et cela, au niveau 3 du secondaire général. L'annexe III nous montre les différentes voies qui peuvent être choisies et, selon ce choix, le jeune de la relève sera soit diplômé de l'agrotechnique à la fin du secondaire V ou, s'il préfère poursuivre ses études secondaires générales, il peut s'inscrire au programme collégial agricole et obtenir le DEC du ministère de l'Éducation du Québec. Actuellement, selon notre enquête, 13% des jeunes de la relève sont diplômés du niveau secondaire, option agrotechnique, et 17% ont obtenu un DEC, option gestion et exploitation d'entreprise agricole.

Par contre, la formation en institution n'est pas le seul réseau existant. Les cours aux adultes et par correspondance sont disponibles à ceux qui, en permanence, veulent recevoir une formation. Il ne faut pas non plus négliger tout le réseau non formel de formation qu'est le milieu agricole. Les regroupements, les associations professionnelles, les activités d'information et de formation, les ressources humaines, les entreprises agricoles pour les stages et les médias d'information sont des moyens à la disposition du jeune de la relève pour être plus efficace et compétent en agriculture. Donc, les voies traditionnelles de transmission des connaissances que constituent l'école et toute formation institutionnalisée ne peuvent revendiquer l'exclusivité parmi les voies d'accès au savoir.

Ce système de formation agricole que l'on vient de décrire est, en fait, un système composé de trois sous-systèmes entre lesquels il n'existe pas de lien apparent à quelque niveau que ce soit, administratif, pédagogique, politique, etc. Donc, trois entités distinctes qui développent leurs propres services en formation.

Beaucoup d'intervenants en formation. Vous trouverez en bas de page les sources qui ont servi à composer ce texte. Un autre point qui caractérise le système de formation agricole est le nombre grandissant d'institutions offrant des programmes de formation. Dans le réseau de l'enseignement régulier, un total de 16 institutions du niveau secondaire dispensent des programmes concernant la préparation de futurs agriculteurs. Le réseau de l'enseignement collégial couvre à lui seul 10 institutions où l'on dispense une formation d'exploitants de ferme.

Il est à noter que, pour l'ensemble des

16 institutions de niveau secondaire offrant de la formation aux futurs agriculteurs, on compte un total de 67 professeurs, soit une moyenne de 4, 2 enseignants par option. Cette moyenne est toutefois plus élevée au niveau collégial avec 7 enseignants en agriculture par cégep et plus de 50 enseignants dans chacune des 2 institutions de technologie agricole et au Collège Macdonald.

On a fait une comparaison avec le système de formation professionnelle agricole de l'Ontario et on constate que l'Ontario possède moins d'institutions agricoles que le Québec pour une population agricole presque deux fois plus élevée- Par contre, le ratio du nombre d'enseignants par institution est plus élevé que dans nos institutions ici au Québec, exception faite des deux instituts de technologie agricole.

Le secteur de l'éducation des adultes a connu aussi un développement considérable dans les diverses régions du Québec. Onze régions sur douze possèdent maintenant un répondant en formation agricole chargé de recueillir les besoins de formation des agriculteurs et de voir à les faire connaître aux responsables de formation. Des sessions ont aussi été mises au point par le service de la relève et des organismes agricoles du MAPAQ, spécifiquement pour les gens de la relève. Un cours par correspondance offert par le ministère de l'Éducation en collaboration avec le ministère de l'Agriculture s'adresse en particulier à la relève agricole. Bref, la formation agricole dans le secteur de l'éducation des adultes a fait place ces dernières années à de nombreuses initiatives de formation destinées aux agriculteurs en général et aussi à la relève.

Le troisième point maintenant est l'énoncé de quelques problèmes que nous percevons, problèmes liés aux caractéristiques du jeune de la relève et du milieu. Le milieu agricole et les jeunes qui le composent présentent donc des caractéristiques bien spécifiques qui ne sont pas sans créer quelques problèmes au niveau de l'organisation de programmes de formation et de sessions de formation qui leur seront offerts. Le très jeune âge à l'établissement, 25 ou 26 ans, donne très peu de temps aux jeunes de la relève pour acquérir à la fois des connaissances et habiletés techniques (manuelles) et intellectuelles qui sont jugées indispensables à la réussite en entreprise. Très peu de secteurs économiques présentent une situation similaire où un jeune de 25 ans est propriétaire d'une entreprise dont les actifs ont une valeur de près de 300 000 $. De plus, 50% des jeunes qui s'établissent en agriculture occupent un emploi en dehors de l'agriculture avant de s'établir. Ce facteur en soi peut être un avantage, mais il entraîne par contre une diminution du temps accordé par ces jeunes à leur préparation à l'établissement. Par la suite, durant la période postétablissement, trois ans après, le jeune a très peu de temps disponible pour s'inscrire à un programme de formation ou pour suivre des sessions de formation sur mesure car il doit consacrer beaucoup d'heures de travail è l'entreprise.

Le milieu agricole est aussi un milieu riche de traditions, sauf en ce qui concerne la formation, où l'on ne retrouve aucune tradition reconnue ni ressentie. Nous savons également que 90% des jeunes qui s'établissent proviennent d'un milieu familial agricole, soit fils ou filles d'agriculteur, donc, d'un milieu dans lequel aucune tradition de formation n'a été transmise par les parents. Il faut également relier à la tradition la notion de changement et tout changement est susceptible de provoquer de la résistance. La formation est porteuse de changements chez l'individu apprenant, mais a également des répercussions importantes chez les parents qui doivent subir les exigences de ces changements quand leur jeune revient sur l'entreprise. Donc, ici, un rôle parental à ne pas négliger.

Il faut aussi composer avec la réalité dans laquelle la main-d'oeuvre familiale n'a jamais été comptabilisée, donc, considérée comme bon marché et disponible en tout temps. Lorsque le jeune veut s'absenter pour une période consacrée à sa formation, le père réalise en tout premier lieu qu'il devra engager, donc payer, un employé pour remplacer son fils. Cette situation liée à cette réalité du milieu est un problème de première importance qui contribue souvent à priver le jeune de l'acquisition d'une formation en institution.

Les problèmes liés aux caractéristiques du système de formation. Il faut préciser ici que le nombre relativement élevé des institutions et les équipes de formateurs trop réduites en nombre suscitent des problèmes qu'il faut résoudre. Le fait de miser sur le nombre et la proximité des centres de formation agricole plutôt que sur leur concentration entraîne certes un problème de coordination. Ce problème apparaît davantage aigu au niveau secondaire, où les options agricoles sont plus nombreuses qu'au niveau collégial et les équipes d'enseignants plus réduites.

D'autre part, les équipes de formateurs étant réduites, surtout au niveau secondaire, à un minimum permettant tout au plus d'assurer la dispense des cours au programme, il s'ensuit que la qualité globale de l'enseignement et, en conséquence, l'image de la formation agricole en sont affaiblies. Il est en effet reconnu que l'enseignement professionnel agricole doit constamment traduire les réalités du milieu agro-alimentaire. Pour ce faire, les spécialistes estiment que l'enseignant agricole doit, tout en étant professeur, participer à

des activités qui le mettent en contact avec les réalités du milieu par le biais de services à la collectivité, de cours aux adultes, de projets d'expérimentation. Comment peut-il en être ainsi si l'enseignant en agriculture a peine à seulement assurer ses heures d'enseignement? Comment prétendre à valoriser l'enseignement professionnel agricole si cette situation n'est pas redressée?

La même disparité nous paraît également présente dans le secteur de l'éducation aux adultes. Ce phénomène des répondants régionaux en formation agricole est relativement récent et donne toutefois déjà des résultats concrets qui se traduisent en un effort mieux organisé en vue de répondre aux besoins régionaux. Il ne nous paraît cependant pas évident que les actions régionales s'inscrivent dans une politique provinciale de formation des agriculteurs. Diverses actions locales sont entreprises dans le but de compléter la formation des jeunes agriculteurs dans le cadre de l'éducation des adultes. Donc, il reste encore beaucoup à faire avant d'en arriver à un véritable contexte éducatif où les actions de formation s'inspirent d'une philosophie centrée sur le développement de l'agriculteur, à partir de sa formation préparatoire, en passant par les différentes étapes de sa vie professionnelle.

Enfin, le fait que les unités de formation du secteur de l'enseignement régulier et du secteur de l'éducation des adultes soient séparées nous semble un autre élément du problème de la formation agricole. Cette situation, en plus de diviser les ressources en formation, fait en sorte que les enseignants du secteur régulier, en n'étant pas associés à la formation des agriculteurs adultes, se trouvent privés ici d'une possibilité privilégiée de contact avec le milieu.

Les pistes de solution et conclusion. La nécessité d'une politique de formation agricole. Il paraît clair que les divers efforts investis dans la formation agricole au Québec doivent être faits en concertation en vue de favoriser le développement harmonieux de l'agriculteur tout au long de sa vie. Ils doivent être centrés sur l'agriculteur en tenant compte de ses besoins et de ses caractéristiques. Ceci implique que les buts poursuivis par les intervenants des divers sous-systèmes de formation, formation initiale, formation professionnelle, formation continue, soient bien identifiés et reconnus. De plus, si l'identification des besoins de formation doit se faire en tenant compte de l'agriculteur, la définition des buts guidant l'action des intervenants en formation des divers sous-systèmes doit se faire selon une cohérence qui tienne compte à la fois des objectifs à poursuivre et de la complémentarité entre les divers intervenants. Il s'agit là, à notre avis, d'une condition nécessaire au développement continu, rapide et cohérent de l'agriculteur tout au long de sa vie. Envisager de bonifier la formation de la relève agricole sans la perspective claire d'une formation tout au long de la vie professionnelle des agriculteurs directement concernés équivaudrait à travailler à une seule pièce comme si l'utilité de celle-ci ne dépendait pas d'un ensemble plus large.

Il nous semble donc qu'on ne peut prétendre bonifier la formation de la relève agricole sans que les actions et les moyens mis de l'avant s'insèrent dans une politique globale de formation des agriculteurs.

Deuxième solution de problème. Continuer à travailler à changer les mentalités face à la formation agricole. Nous avons mentionné précédemment que des efforts de sensibilisation du milieu agricole à l'importance de la formation sont maintenant investis. Il est nécessaire que ces efforts soient soutenus et qu'ils s'intègrent évidemment dans une politique de formation à définir.

Il faut, en effet, que les parents et les jeunes de la relève, de même que tous les intervenants susceptibles de les influencer, réalisent que la formation n'est plus une option qui s'offre à celui qui veut vivre de l'agriculture, mais un prérequis sans lequel les chances de réussir seront très minces ou nulles. Les jeunes et les parents doivent ressentir la formation comme une nécessité. La seule transmission de l'expérience des parents et de la tradition culturelle ne suffisent plus à assurer une qualité de vie en agriculture. Un éveil chez le jeune doit se faire à très bas âge, considérant le peu de temps consacré à sa formation professionnelle avant son établissement ainsi que le nombre d'années, cinq ou six ans, où il travaille dans l'entreprise avant son établissement.

Troisième point. Repenser le système actuel de formation agricole. En ce qui concerne le système de formation agricole, nous avons soulevé quelques facteurs qui nous paraissent problématiques. Le système de formation doit faciliter le développement de l'agriculteur selon un cheminement continu. Il nous semble difficile d'y arriver avec les divers réseaux actuels qui sont dissociés.

Nous pensons, d'une part, qu'on tirerait de grands avantages à intégrer à la formation professionnelle de base et à la formation aux adultes en agriculture les mêmes unités de formation. Ceci permettrait de consolider les centres de formation. Les enseignants concernés par la formation des jeunes et celle des adultes seraient alors davantage liés aux réalités du milieu agricole. Enfin, les institutions seraient plus en mesure d'assurer une continuité dans l'itinéraire de formation de l'agriculteur et ce, en accord avec le principe de l'éducation permanente.

(17 h 45)

Enfin, il faut considérer comme faisant partie du système de formation agricole non seulement les formateurs officiels de l'enseignement régulier ou aux adultes, mais aussi tous les formateurs non formels oeuvrant auprès des agriculteurs à titre de conseillers. Comme il s'agit là encore d'une condition pour une action concertée, cohérente et plus efficace en vue du développement continu des agriculteurs, il faut donc aussi attacher plus qu'aujourd'hui de l'importance et des ressources à l'accroissement de la capacité de formation de tous ces "formateurs", entre guillemets.

Pour conclure, voici les quelques réflexions que nous voulons livrer à la commission. Nous sommes conscients qu'il s'agit là d'une analyse sommaire de la question de la formation de la relève agricole replacée dans le contexte global de la formation agricole. Nous croyons, par contre, que la formation doit être considérée au premier rang parmi les facteurs d'efficacité en agriculture. Avec les changements rapides qui marquent le secteur agro-alimentaire, la formation est devenue un outil indispensable. Cet outil doit cependant être développé et constamment perfectionné si on veut qu'il soit vraiment efficace. L'orientation de ce développement doit être prescrite par une politique de formation agricole globale et reconnue.

Quant à nous, à l'Université Laval, nous continuons à nous intéresser aux problèmes de la relève agricole et de la formation. Nous terminons actuellement une étude sur les besoins de formation des jeunes agriculteurs. Nous avons soumis récemment au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec une demande de subvention pour deux projets de recherche sur la formation agricole. L'un porte sur les facteurs qui influencent le jeune agriculteur au moment où il décide soit de poursuivre ses études, soit de rester à la ferme; l'autre propose une analyse des divers cheminements de formation de la relève agricole. Puissent les efforts faits par les différents intervenants, incluant ceux de la commission, contribuer à la promotion des agriculteurs et des agricultrices. Merci. Je m'excuse de la longueur du texte.

Le Président (M. Vallières): Merci. J'ai une demande d'intervention du député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Merci, M. le Président. Je voudrais revenir un peu sur la relève agricole et la formation en agriculture. Vous parlez dans votre mémoire, à la page 2, de la relève agricole, des jeunes Québécois et Québécoises en voie de s'établir sur une entreprise agricole ou ceux qui sont nouvellement établis. On pourrait rajouter aussi ceux qui veulent s'établir. Il y a ce groupe aussi. Je suis de l'Est du Québec, du Bas-du-Fleuve, de la Gaspésie et du Témiscouata. Je ne sais pas ce que vous pensez de cela et ce qu'on doit faire, mais il y a beaucoup de jeunes - des fils et des filles de cultivateurs - qui, pour une raison ou pour une autre, il y a huit ou dix ans, ou peut-être davantage - on se rappelle l'exode des jeunes sur une période donnée - dans les années soixante-dix, ont quitté la ferme familiale. C'est sûr que, dans ce temps, beaucoup de fermes étaient décrites comme la petite ferme familiale. On ne pouvait pas installer sûrement la famille qui pouvait compter quatre ou cinq garçons ou filles.

Pour toutes sortes de raisons, ces jeunes ont quitté pour tenter une expérience en ville, soit à Québec ou à Montréal. Par la suite, cette expérience s'est avérée plus ou moins positive pour eux du fait d'avoir vécu une partie de leur jeunesse au grand air et de se ramasser en ville. On sait que la ville, c'est la ville. Moi, je n'aime pas cela; d'autres aiment cela. C'est du bruit, de la pollution par toutes sortes de choses. Donc, pour toutes sortes de raisons, ils ont décidé de revenir aux sources, de revenir dans leur secteur, dans leur région; on le voit souvent.

Peu importe la raison, ils ont décidé de se lancer en agriculture soit par achat ou par location. À mon bureau de comté, on voit beaucoup de jeunes - par jeunes, il faut s'entendre, ceux qui ont passé le plus gros de leur jeunesse en ville - qui reviennent à 28, 30 ou 32 ans pour s'établir sur une ferme. Ils viennent nous voir. On sait bien qu'il y a des fermes abandonnées dans notre secteur, des fermes en friche, qu'on appelle. Ils voudraient se lancer en agriculture, oubliant que l'agriculture qu'ils ont connue, celle du temps de leur père, quelque peu artisanale, a bien évolué depuis qu'ils ont été déconnectés complètement, depuis les dix ou douze dernières années, de l'agriculture.

Je ne sais pas ce que vous pensez de la formation. On pourrait citer un exemple là-dessus, mais je ne voudrais pas ouvrir de débat politique. Cela pourrait s'appliquer aussi aux hommes politiques...

Ces gens-là se disent connaissants; fils de cultivateur, filles de cultivateur. On connaît ça, on a été élevé là-dessus. Beaucoup de demandes ne se rendent peut-être pas à l'office. Ils vont voir les représentants de l'Office du crédit agricole pour leur soumettre certains projets. Vous savez que la rentabilité et les quotas entrent en ligne de compte pour leur venir en aide financièrement. Je ne sais pas ce que vous pensez de ce phénomène des jeunes - on dit des "jeunes", je pense qu'à 30 ans c'est encore jeune - qui n'ont pas la formation scolaire voulue parce qu'ils n'ont pas eu cette formation au niveau de la comptabilité,

etc. Que pensez-vous de ça? Il y a quand même de ces jeunes qui sont intéressés au Québec.

Vous parlez de la relève. Ce sont des gens qui doivent avoir une bonne formation, avoir suivi des cours, peu importe dans quelle institution d'enseignement agricole. Que pensez-vous exactement de ces jeunes-là?

M. Cormier: Je pense que leur problème est assez grave, surtout s'ils sont partis en ville depuis dix ans. Ils ont le désavantage, par rapport aux jeunes qui sont restés en agriculture, d'avoir un peu perdu le fil de l'agriculture depuis dix ans. Veuillez me croire, vous le savez, cela a changé drôlement. Si cela n'avait pas tellement changé, on ne serait probablement pas ici, aujourd'hui, pour discuter de l'aspect du financement, de la relève et de la formation.

Il faut justement bien regarder les objectifs qu'ont ces jeunes en revenant en agriculture. C'est là que j'interroge ces gens-là; est-ce qu'ils reviennent pour vraiment vivre de l'agriculture ou parce qu'ils n'ont pas trouvé de choses intéressantes à faire en vllie? Il ne faut pas considérer non plus l'agriculture comme une espèce de service de bien-être social parce qu'on ne peut pas vivre en ville.

C'est un problème très difficile à cerner. En ce qui concerne la formation, si ces jeunes veulent s'établir en agriculture, la première chose à faire, s'ils pensent pouvoir acheter une ferme et en vivre, c'est d'aller se chercher une formation en agriculture. C'est très clair pour moi, en tout cas. Ils n'ont pas le choix.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Aux pages 2 et 3, vous mettez beaucoup l'accent sur la formation et les connaissances qui peuvent être acquises par un fils ou une fille de cultivateur qui a suivi des cours du soir ou qui a pu faire un secondaire V aussi, au moins au niveau de la comptabilité. On sait qu'aujourd'hui la comptabilité c'est sérieux, ce n'est plus de l'artisanat, comme je l'ai dit tout à l'heure. Ce sont des entreprises et ça prend des leaders, des gens qui peuvent administrer. On voyait dans d'autres mémoires que ça prenait des électriciens, des plombiers, presque des comptables.

M. Cormier: Effectivement.

M. Lévesque (Kamouraska-Tém iscouata): C'est une formation assez évoluée.

M. Cormier: Ils doivent acquérir plusieurs savoirs, non pas seulement au niveau technique des connaissances, mais ils doivent savoir faire, savoir observer, savoir s'organiser, savoir décider et, en même temps, développer une compétence en tant que citoyen qui a affaire à un monde social, un monde politique, un monde économique. Comme vous le voyez, aujourd'hui, il y a des gens de l'UPA qui ont des dossiers importants entre les mains. Ces gens devront être en mesure d'assumer ces responsabilités et finalement la formation va les aider en plus d'exploiter leur entreprise.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Au niveau de la ferme familiale, qu'est-ce que c'est pour vous? On a beaucoup parlé de la ferme familiale. Est-ce que ce sont les grandes entreprises qui peuvent être familiales? On parlait de l'unité-travail-homme - ou personne - est-ce que ça peut se situer à 1, 5 comme on en a entendu parler? Quel est votre point de vue là-dessus?

M. Cormier: J'aimerais mieux ne pas m'embarquer dans ce dossier de la ferme familiale, parce que c'est un sujet très discuté, surtout au niveau de l'UPA. Il y a des comités qui travaillent à définir la ferme familiale. Mon humble expérience ne me permet pas de me prononcer sur ce sujet-là ici aujourd'hui.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): ... un spécialiste. On verra après.

M. Cormier: En fait, je pense que tout le monde doit y voir, mais dans des cadres bien spécifiques.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): D'accord. Merci.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Merci, M. le Président. D'abord, j'aimerais remercier M. Cormier et les membres qui ont travaillé à la présentation de ce mémoire qui nous apporte, à mon avis, un autre point de vue, depuis les deux jours d'audition. On a beaucoup parlé de finance depuis deux jours et de techniques aussi, mais c'était relié quand même à beaucoup de points que vous avez soulevés dans votre mémoire, particulièrement celui de la formation. Au départ, la relève agricole; tout le monde conçoit que l'agriculture, c'est une entreprise. Nous avons accueilli, ce matin, les représentants de 1300 jeunes qui sont inscrits à la relève. J'ai été surpris du fort pourcentage d'échec et, mon Dieu, ceux qui y demeuraient, c'étaient vraiment des gars qui avaient cela dans le sang, comme on dit. C'étaient des gens qui auraient peut-être réussi partout, dans n'importe quelle entreprise. C'étaient vraiment des leaders.

Cela m'amène à poser la questions

suivante. Je ne parle pas du degré universitaire, puisque cela ne semble pas apparaître dans vos statistiques. Il n'y en a pas beaucoup qui sont allés à l'université et qui sont retournés s'établir sur une ferme. Je ne pense pas qu'il y en ait des millions, des dizaines tout au plus. Ce que je voudrais savoir, c'est la proportion entre ceux qui possèdent un DEC. Ceux qui possèdent un DEC dans différentes formations vont aller dans l'entreprise et, s'ils n'ont pas toute l'expérience, s'ils n'ont pas toute la connaissance, l'entreprise va les supporter pendant trois, quatre ou cinq ans. C'est elle qui va absorber le feed-back, le manque de connaissances et le manque de formation. Dans sept, huit ou dix ans, ce sera plus rentable pour l'entreprise.

M. Cormier: C'est un investissement.

M. Maltais: Malheureusement, en administration ou dans d'autres domaines, que ce soit un ouvrier spécialisé, etc., au début, l'employeur sait que le jeune homme a une bonne volonté et des connaissances, mais il lui manque la formation. Alors, c'est "training on the job", c'est en travaillant que vous apprenez. À partir de là, en agriculture, on ne peut pas se permettre cela, parce que les pires années, d'après ce qui nous a été dit ici, ce sont les premières années; les premières années, parce que, au niveau du financement, c'est là qu'est le gros problème et, au niveau des connaissances, on sort de connaissances techniques et on a la pratique du vécu puisqu'il y en a 90% qui proviennent d'un milieu agricole. Mais on a des difficultés de financement. Ce matin, on s'est fait dire carrément par un organisme que plus le gars travaillait, moins il avait des chances de réussir, comme travail d'homme. Cela a été clairement dit ici. J'ai posé la question à l'organisme. Je me demande si on ne devrait pas, dans la formation, s'appliquer plus à faire réfléchir les gens. Au niveau de la formation, on a eu deux reproches majeurs: d'abord, aux jeunes agriculteurs qui s'en vont et, deuxièmement, aux vieux agriculteurs. Les agriculteurs, en règle générale, sont venus nous dire ici que leurs conseillers ne connaissaient rien. On a clairement dit dans les différents mémoires -non pas dans toute la production - que les spécialistes du ministère n'étaient pas bons, qu'ils manquaient de formation et qu'ils allaient chercher la formation chez les agriculteurs qui avaient réussi. Or, on se retrouve devant un dilemme au Québec: la formation agricole qu'on donne dans nos écoles, dans nos cégeps, qu'est-ce que cela vaut d'après vous?

M. Cormier: Effectivement, il y a plusieurs aspects à la question que vous posez. Le problème que plusieurs organismes ont soulevé, c'est que les premières années sont les plus difficiles. Il y a une raison. C'est précisément au niveau de la formation donnée aux jeunes, on ne leur permet pas suffisamment de réflexion sur le fait "établissement"; c'est-à-dire qu'il y a beaucoup de jeunes qui s'établissent en agriculture, qui s'établissent avec une certaine idée de ce que cela va être d'être propriétaire et, quand ils deviennent propriétaires et qu'ils ont contracté un emprunt de 150 000 $, ils s'aperçoivent de ce que c'est. Il faut qu'ils remettent de l'argent, il faut qu'ils achètent de la moulée. (18 heures)

Je viens de mettre en évidence ici le lien entre la théorie et la pratique qui se fait difficilement chez le jeune, surtout parce que ce dont il a besoin au début, ce sont des capacités de gestionnaire. Le jeune a de la difficulté à s'appliquer à apprendre la comptabilité ou des calculs de gestion, parce que cela n'est pas concret, c'est un peu théorique. Il n'est pas en position du propriétaire, donc ce qui l'intéresse bien plus, c'est d'apprendre à tondre une vache pour une exposition. Cela est concret, il sait comment faire. Mais en ce qui concerne l'administration, il n'est pas tellement porté sur le domaine, si vous 'voulez. Comparativement à une entreprise privée, où c'est le propriétaire ou les cadres supérieurs qui vont faire l'administration de l'entreprise et vont lui dire de faire sa "job", dans l'entreprise agricole, ce qui est le plus important, c'est d'administrer l'entreprise globalement. Cette vision globale de l'entreprise, le jeune ne l'a pas parce que, souvent, sa formation a été trop technique sur des aspects qui l'intéressaient et, souvent, comme enseignant, on est plus porté à aller sur cela, parce qu'on a l'intérêt des jeunes. Ils aiment cela, l'aspect technique.

M. Maltais: Dans le chiffre que vous avancez, soit que 90% de ceux qui forment la relève proviennent de familles d'agriculteurs, vous me dites qu'ils ont de la misère à faire la conciliation entre la pratique, la théorie et le côté administratif, puisqu'on parle d'une entreprise agricole, mais est-ce que ce n'est pas faire fausse route que d'inciter presque toute notre relève agricole qui provient du milieu agricole à dire: Vous allez faire la relève agricole? À ce moment, c'est un choix, c'est une entreprise. Dans une entreprise, il faut de la technique, de la gestion et du marketing. Cela est au départ. Ce n'est pas nécessairement parce que tu viens du milieu des affaires que tu ne pourras pas ouvrir une tabagie et réussir. Ce n'est pas nécessairement parce que tu viens du milieu agricole que cela donne une garantie. Tu as peut-être de la connaissance usuelle, pratique, mais tu n'as peut-être pas la

technique ni le côté administratif. Quand les officiers du gouvernement reçoivent des demandes, qu'est-ce qui devrait être prioritaire, pour eux autres, dans les demandes d'achat ou de transfert de fermes? Qu'est-ce que cela devrait être comme critères prioritaires de la part des officiers du ministère pour accepter de traiter un dossier pour acquérir une ferme?

M. Cormier: Les critères? Je ne sais pas si je suis biaisé, mais sûrement qu'un critère important serait le niveau de formation de base et, possiblement, une formation agricole de l'acquéreur, si vous voulez, ainsi que toutes ses expériences personnelles. Quand on parle de formation, on parle d'un individu complet, avec ses vécus, son psychique, sa mentalité, ses objectifs, son projet agricole. Je pense qu'il faut considérer l'ensemble de ces facteurs pour vraiment juger si quelqu'un peut prendre une entreprise. Mais, dans l'enquête, on a trouvé que 90% étaient fils ou filles d'agriculteurs, cela explique peut-être le problème du transfert de l'entreprise, c'est-à-dire que, si tu n'es pas fils ou fille d'agriculteur, avec le capital que cela demande, tu n'y penses même plus.

M. Maltais: D'où proviennent les autres 10%?

M. Cormier; Je ne le sais pas. L'enquête ne nous a pas révélé...

M. Maltais: On ne sait pas d'où cela vient, c'est arrivé de même.

M. Cormier: Probablement qu'avec des traitements... On a sûrement l'information, l'étude n'est pas encore complétée. Avec l'information qu'on a, selon le questionnaire, avec le traitement statistique, on peut sûrement trouver les origines des 10%, mais je ne peux pas vous le dire aujourd'hui.

M. Maltais: Je reviens à la formation dont vous avez parlé dans votre mémoire; vous avez dit qu'il y avait beaucoup de gens qui s'occupaient de formation et peut-être même trop, mais on en arrive à la conclusion que les gens sont mal formés. Que faudrait-il faire, à votre avis, pour avoir un programme unique, un programme sérieux qui va donner à ces jeunes au moins une garantie de base, la même que celle qu'on retrouve dans les métiers techniques comme pour l'électricien, le plombier, l'électrotechnicien et ainsi de suite? Au Québec, ne serait-on pas en mesure, d'abord, de former nos enseignants? Au départ, si les enfants ne sont pas corrects, c'est qu'ils ont mal appris ou qu'ils n'ont pas réfléchi, mais en tout cas... On nous dit que les techniciens sont mal formés, que les conseillers du ministère ne sont pas bons; alors, imaginez-vous que quelqu'un les a formés dans des écoles, quelque part. Je voudrais savoir, d'après vous, qui êtes à la faculté des sciences agro-alimentaires à l'Université Laval, quel devrait être le programme-cadre type réparti dans le Québec qui permettrait de donner au moins une certaine chance à nos jeunes - à la relève - lors de leur formation, qui, par après, auront une chance de réussite égale aux autres. Quel devrait-il être, d'après vous? Est-ce qu'on ne devrait pas tout mettre cela dans un "melting pot", tout le monde qui s'occupe de cela, alors tout le monde s'en occupe, mais personne ne fait quelque chose de bien? Est-ce qu'on ne devrait pas avoir, finalement, dans un ministère, que ce soit à l'Agriculture ou à l'Éducation, une section agricole unique, uniforme, qui dispenserait la formation, au lieu d'en avoir 25 et que tout le monde ne se mêle pas de ses affaires? On en arrive avec les résultats qu'on se fait dire aujourd'hui.

M. Cormier: En fait, les responsabilités par rapport à la formation sont de deux niveaux. Il y a les responsabilités au niveau des apprenants, soit les jeunes; ils ont une responsabilité. Il ne faudrait pas penser qu'eux n'ont aucune responsabilité là-dedans. Et la deuxième responsabilité, c'est que tout projet de formation, c'est un projet social.

Comme on l'a indiqué dans le mémoire, je ne crois pas qu'il existe... On ne vous donnera pas aujourd'hui une solution en disant: Le programme type de formation devrait être celui-là. Mais une chose est sûre, c'est que, en premier, il faudrait établir des politiques ou des objectifs communs pour toutes les maisons d'enseignement qui dispensent l'enseignement aux jeunes agriculteurs, aux futurs agriculteurs. Parce que, comme on le voit aujourd'hui, chacun fait sa politique, chacun a son budget, chacun décide de donner tel cours. Quels sont les objectifs visés par cela? On ne le sait pas. Est-ce l'autonomie de l'agriculteur? Est-ce la popularité de l'école? Est-ce pour tuer l'autre école à côté, parce qu'on est trop sur le même territoire? On ne le sait pas vraiment. En fait, cela tourne beaucoup plus au niveau administratif qu'au niveau pédagogique. Alors, il faudrait se rencontrer et déterminer des objectifs communs, que tous les enseignants et que toutes les administrations pourraient poursuivre.

Un autre point qui serait important, c'est qu'on accentue un peu plus la recherche au niveau pédagogique agricole. Je crois que ce serait très bon, parce que n'est pas pédagogue ou n'est pas bon enseignant qui veut. Je pense que c'est un art et il y a des trucs à apprendre là-dedans. On doit aussi respecter ceux qui apprennent, alors

que, la plupart du temps, on n'en tient pas compte. On les prend parce qu'ils sont là et on leur donne ce qu'on a eu comme modèle, on le retransmet. Mais je peux dire que, moi-même, j'en ai beaucoup appris dans le domaine et je crois qu'il faudrait accentuer la recherche au niveau de la formation agricole.

M. Maltais: En fin de compte, ce matin, on s'est fait dire que les professeurs d'art plastique, pour enseigner l'agriculture, ce n'était pas vraiment leur place. Mais il ne faut pas oublier une chose, c'est que les systèmes des commissions scolaires et des cégeps sont pris dans le "melting pot" des conventions collectives et ils doivent... Malheureusement, ce sont les jeunes qui, aujourd'hui, paient la facture et, au montant que cela coûte, c'est une grosse facture. Il faudrait peut-être remettre en question un peu de choses ce côté-là.

M. Cormier: Oui.

M. Maltais: Tout à l'heure, vous avez parlé aussi d'une chose très importante dans les critères où le jeune devrait s'établir, incluant toute sa formation personnelle. Vous nous dites un peu plus loin que le jeune, souvent, n'a pas - parce qu'on sait ce qu'est le travail de la ferme - le temps de s'appliquer, parce que les heures de travail sont trop longues, à avoir une formation "at large"; il a une formation restreinte, d'après ce que vous nous dites ou si je comprends bien votre paragraphe. Est-ce qu'il existerait une possibilité, lors de la formation du jeune, qu'on lui fasse voir peut-être l'horizon, à partir du principe que ce n'est pas nécessairement le fait qu'il soit le fils d'un agriculteur... Et si on l'envoie en agriculture, c'est parce qu'on sait que c'est la seule façon d'avoir une ferme et que c'est son père qui lui passe la sienne parce qu'il n'en achètera jamais d'autre, ou la fierté du père de voir son fils prendre la succession, ce qui est tout à fait normal. Est-ce que ce n'est pas faire fausse route ou peut-être mal orienter le jeune? Est-ce que nos services d'orientation sont en fonction...

M. Cormier: Je crois que les services d'orientation, de ce que j'en connais, ne servent pas à grand-chose en agriculture, jusqu'à présent. Parce que...

Une voix:...

M. Cormier: Je ne pourrais pas juger les autres domaines. Mais, en agriculture, souvent c'est le manque d'information qu'on reconnaît, chez les jeunes, au niveau des possibilités de formation qui peuvent leur être offertes. La plupart aussi sont un peu submergés dans toutes les autres formations; ils sont avec les plombiers, les électriciens et un peu partout. Alors, ils peuvent difficilement se concentrer sur les particularités reliées au domaine de l'agriculture, qui est un domaine très complexe. Quand on pense à avoir une formation en agriculture, vous l'avez dit tantôt, on doit exercer 26 métiers: gestionnaire, souvent fiscaliste et notaire. En tout cas, il faut pouvoir suivre tout cela.

M. Maltais: Je vous remercie beaucoup. C'est tout le temps dont on dispose.

M. Cormier: C'est moi qui vous remercie.

M. Maltais: Vous avez été bien gentil.

Le Président (M. Vallières): Nous allons passer maintenant au député de Nicolet.

M. Beaumier: Je vous remercie, M. le Président. J'aimerais d'abord, au nom de ma formation politique, vous remercier d'avoir porté à notre attention votre mémoire qui comporte aussi des réflexions de votre faculté. Dans le même sens, vous êtes préoccupé, tout comme nous évidemment, par la formation de la relève agricole. Je voudrais savoir si vous avez eu le temps ou si vous le prendrez, si vous le jugez à propos, de connaître ce que ce serait, vers quoi va ou devrait aller ce que vous appeliez tantôt l'espèce de prototype d'entreprise agricole. Ce qui fait que, à partir de ce moment, on pourrait dégager quels seraient -dans les années, sans être des devins - la vie et les exigences, en termes de formation et en termes d'autres exigences aussi, du jeune ou de la jeune qui se lancerait en agriculture, ce qui aurait comme effet d'éclairer ce qui devrait se faire comme formation, dans les multiples institutions qui existent actuellement. Autrement dit, est-ce que vous avez eu l'occasion de réfléchir ou l'occasion de dire que vous allez réfléchir sur la façon d'imaginer ce que sera ou vers quoi va ou devrait aller l'entreprise agricole? Je pense que c'est très important. On veut savoir beaucoup d'où vient le jeune, mais il faudrait aussi s'intéresser et savoir où il va. À partir de ceci, on pourrait, d'une façon complémentaire, selon les institutions, les niveaux d'institutions et aussi au niveau des multiples conseillers agricoles à tous niveaux - au niveau de la gestion, etc. - peut-être déterminer de meilleurs programmes, s'il y a lieu.

M. Cormier: Je dois vous avouer que, dans le cadre des études qu'on a faites sur la formation, on ne s'est pas tellement arrêté sur ce que serait l'agriculture de demain, sauf le fait d'avoir lu sur... Je ne sais pas si j'ai bien compris, peut-être...

M. Beaumier: Vous avez bien compris, mais je me suis mal exprimé, je m'en aperçois. Ce n'est pas tellement dans l'avenir, mais dans ce qui existe actuellement, une espèce de perspective. Est-ce que vous avez fait l'évaluation de ce que serait une espèce de prototype - même si c'est bien varié, les productions et tout cela - un éventail de formation qui pourrait correspondre non seulement à ce qui existe au moins actuellement - ce qui serait déjà beaucoup - mais aussi un peu à ce vers quoi, selon certains indices - personne n'est savant dans cela - iraient les exigences de formation? C'est-à-dire, vers quoi irait le travail de producteur ou de productrice agricole et quel serait l'impact que cela aurait sur des changements ou des améliorations ou des correctifs à faire sur la formation qui se fait actuellement. Ce n'est pas du futurisme que je fais. C'est beaucoup plus pour savoir si vous avez une bonne idée vers où ou dans quelle situation ces gens auront à travailler d'ici à quelques années.

M. Cormier: Je pense qu'on n'a pas eu... L'enquête qu'on a faîte nous l'a révélé un peu, les jeunes agriculteurs disent que la formation devra être une source de compétence et d'efficacité. En fait, l'agriculture, dans les prochaines années, ne sera plus une agriculture technique, comme on a pu la connaître dans les 40 ou 50 dernières années, avec des consultants qui vont donner des conseils techniques. Je crois que l'agriculture va être une entreprise où on devra être efficace et compétent. À partir de ce postulat, je pense qu'il va falloir que les jeunes aient, comme on l'a spécifié, une formation de base la plus élevée possible avant de penser à une formation professionnelle agricole qui sera, d'après moi, beaucoup plus orientée vers l'aspect économique et vers l'aspect prise de décision. Parce que, aujourd'hui, le jeune se retrouve tous les jours en situation de prise de décision et, comme il nous l'a indiqué aussi, c'est là qu'il se sent le plus démuni. Parce que, au niveau technique, il a quand même son père en arrière, donc l'expérience familiale et, en plus, souvent les sessions de formation technique sont plus faciles à trouver. Donc, il peut être plus en mesure de résoudre son problème technique, mais, quand il s'agit de prendre des décisions et de tout ce en quoi cela consiste, c'est là qu'il devra aller chercher une formation particulière. Je ne peux pas vous dire les programmes de cours qu'il suivra, mais ce sera probablement vers cela.

M. Beaumier: Quand vous parlez de compétence, de pouvoir de décision, d'efficacité, de processus de décision et tout, vous concevez que cela devrait être précisé davantage. Est-ce que vous seriez prêt - j'en fais une suggestion - à aller plus loin, puisque vous êtes au niveau universitaire, donc, vous faites un peu de recherche, quand même, est-ce que vous seriez prêt à voir comment une meilleure compétence s'appellerait? Quel serait le processus de décision qu'un agriculteur ou une agricultrice aurait à faire dans son entreprise existante et future, surtout dans le sens d'une dynamique, d'une perspective? Est-ce que cela a du bon sens ce que je dis?

M. Cormier: Cela a du bon sens, mais cela existe déjà. L'homme de décision d'aujourd'hui, ne sera pas tellement différent de l'homme de décision de demain, en théorie; mais, en pratique, oui. C'est-à-dire que l'agriculteur d'aujourd'hui ne sera pas le même demain. S'il est le même demain, cela ne fonctionnera pas parce que les techniques de décision ne changeront pas, mais l'entreprise va avoir changé et, s'il ne change pas, il ne suivra pas l'entreprise.

Ce que je me dis aussi, c'est qu'à un moment donné il va falloir prendre une décision à savoir si on va développer l'agriculture par les agriculteurs ou si on va la développer sans eux. Je pense que tout le sens de la question est là. Est-ce qu'on va permettre aux jeunes, en prenant nos responsabilités et eux vont prendre les leurs, de participer au développement de l'agriculture ou si on les considère comme des ouvriers agricoles et il y en a d'autres qui vont être capables de décider et de participer aux décisions qui concernent l'agriculture, comme à l'UPA ou ailleurs? Ce serait eux qui feraient l'agriculture.

Le Président (M. Vallières): Je dois vous arrêter ici puisque nous avons déjà dépassé le temps qui nous était alloué.

M. Beaumier: Avec l'aide de tous mes collègues, on a dépassé, pas seulement moi.

Le Président (M. Vallières): Avec l'aide de tout le monde.

M. Beaumier: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vallières): Nous remercions beaucoup M. Cormier pour son témoignage.

M. Cormier: C'est moi qui vous remercie.

Le Président (M. Vallières): Je rappelle aux membres de la commission que nous nous retrouverons demain, 15 heures, à la salle Casavant de l'Auberge des Seigneurs, à Saint-Hyacinthe. La commission ajourne donc ses travaux à demain, 15 heures,

(Fin de la séance à 18 h 19)

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