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(Dix heures une minute)
Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il
vous plaît! La commission de l'agriculture, des pêcheries et de
l'alimentation reprend ses travaux. Je voudrais, à ce moment-ci, vous
indiquer en ce début de séance que la commission doit
procéder à des auditions publiques dans le cadre de sa
consultation générale sur les aspects de la relève, du
financement et de l'endettement agricoles.
Les membres de la commission pour cette séance sont: MM. Baril
(Arthabaska), Beaumier (Nicolet), Beauséjour (Iberville), Dubois
(Huntingdon), Dupré (5aint-Hyacinthe): Mme Juneau (Johnson) qui remplace
M. Gagnon (Champlain): MM. Houde (Berthier), Lévesque
(Kamouraska-Témiscouata), Maltais (Saguenay): M. Mathieu (Beauce-Sud)
serait remplacé en cours de séance; MM. Picotte
(Maskinongé), Proulx (Saint-Jean) et Vallières (Richmond).
J'inviterais maintenant tes représentants de la
Fédération de la relève agricole du Québec à
identifier leurs principaux porte-parole et à nous faire part de leur
mémoire. Vous disposez d'environ une quarantaine de minutes pour la
présentation de votre mémoire et nous aurons, par la suite, un
partage équitable du temps entre les deux groupes politiques pour vous
poser des questions sur votre mémoire.
Fédération de la relève agricole
du Québec
M. Marcil (Normand): Bonjour tout le monde! On est content de
venir à la commission parlementaire de l'agriculture, des
pêcheries et de l'alimentation. Je suis Normand Marcil, président
de la Fédération de la relève agricole du Québec,
et je viens de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, J'ai un
confrère ici: le secrétaire de la fédération, M.
André Drapeau. On représente 1300 jeunes, officiellement, qui
sont membres de notre organisme. C'est sûr qu'il y en a plusieurs qui s'y
rattachent de tous les coins, sans en être officiellement membres; ils
suivent le mouvement de près ou de loin. Je souhaite un bon avant-midi
à tout le monde et on va y aller avec la lecture de notre
mémoire.
M. Drapeau (André): La relève agricole est heureuse
de l'occasion qui est fournie aujourd'hui à sa fédération,
la Fédération de la relève agricole du Québec, de
faire le point sur la situation que vivent les jeunes qui veulent
s'établir en agriculture aujourd'hui.
Nous avons jugé opportun, dans un premier temps, de donner notre
vision sur les apprentissages que doivent faire les jeunes pour pouvoir faire
face à leur futur métier d'agriculteur.
La deuxième partie de notre intervention sera
particulièrement consacrée à l'établissement. Nous
y tracerons d'abord un rapide portrait de la ferme sur laquelle les jeunes
visent à s'établir et la suite est consacrée à un
ensemble de propositions relatives au crédit agricole, à l'aide
à l'établissement, à la fiscalité, au transfert,
à la banque de terres et à l'agriculture à temps
partiel.
Nous n'avons pas jugé opportun de faire, dans notre
mémoire, de longues analyses économiques sur
l'établissement, tenant pour acquis que les intervenants reconnaissent
les difficultés rencontrées par les jeunes au moment de
l'établissement.
Depuis les trois dernières années, des colloques,
journées d'étude ou autres, avec comme thème la
relève agricole sous l'un ou l'autre de ses aspects, ne cessent de se
répéter. Pensons, entre autres, au Conseil de la
coopération laitière, au mouvement Chrétien en milieu
rural, à l'Ordre des agronomes, au ministère de l'Agriculture,
des Pêcheries et de l'Alimentation et à cette commission
parlementaire. Nous croyons très certainement qu'autant
d'énergies n'auraient pas été consacrées à
discuter d'un secteur où tout va parfaitement bien.
Nous souhaitons, enfin, que notre contribution devant cette commission,
ainsi que celle des autres intervenants qui ont soumis des mémoires,
sera prise en considération très sérieusement par
l'État et que l'ensemble de cette consultation aura des suites
concrètes pour améliorer l'agriculture et la vie des
agriculteurs.
La relève agricole. À la vitesse où vont les choses
aujourd'hui, les jeunes sont très certainement la clé du
développement de l'agriculture. La capacité d'innovation, la
facilité d'adaptation et le dynamisme sont les principales
qualités des jeunes. Ces caractéristiques de la relève
vont sûrement être nécessaires pour conserver une
agriculture viable et à l'échelle humaine.
Les jeunes ne deviendront cependant les moteurs de ce
développement que si l'ensemble du monde agricole leur reconnaît
effectivement ce rôle. Cela suppose aussi que leur formation les
équipe pour en faire des interlocuteurs valables en tant que techniciens
et en tant que responsables professionnels.
Tous ont intérêt à pouvoir compter sur des jeunes
agriculteurs compétents et organisés. Les pouvoirs publics y
trouveront des interlocuteurs responsables et les agriculteurs
aînés, une relève dynamique assurée.
Au cours de la dernière décennie, les jeunes ont fait de
grands pas pour prendre leur place dans le monde agricole, mais, pour qu'ils
puissent vraiment occuper un rôle prépondérant dans
l'avenir de l'agriculture et que l'ensemble du monde agricole le leur
reconnaisse, certaines conditions sont encore en devenir et à
respecter.
L'apprentissage du métier de producteur. Tous les intervenants du
milieu sont d'accord sur l'importance de plus en plus grande d'avoir des jeunes
très bien formés pour prendre la relève.
L'Université Laval faisait une étude, dans les
années soixante-dix, qui indiquait que seulement 12% des jeunes qui
s'établissaient avaient une formation agricole terminale. De
récents sondages menés par l'UPA et le MAPAQ portent à
croire que ce pourcentage pourrait être aujourd'hui d'environ 20%.
Les principaux obstacles qui font que la relève se donne peu de
formation agricole par l'enseignement régulier sont connus. D'ailleurs,
tous les intervenants s'entendent sur ceux-ci. La mentalité des parents,
les difficultés de remplacement, l'éloignement, les contenus de
formation, la distorsion théorie versus pratique des cours et le manque
de souplesse des périodes de formation apparaissent comme les
problèmes les mieux définis à l'heure actuelle.
Cependant, un élément des plus importants que faisait
ressortir le sondage de l'UPA est le fait que 85% des jeunes se donnent une
formation par l'éducation des adultes entre le moment où ils
quittent l'enseignement régulier et celui de leur établissement.
La très grande majorité de ces cours n'est pas
comptabilisée aux fins de l'obtention d'un diplôme. Si elle
l'était, nous ne parlerions sûrement pas de 12% ou 20% des jeunes
qui ont complété une formation agricole lors de leur
établissement. Dans le monde rural, le diplôme n'a pas la valeur
et le prestige social qu'il peut avoir dans le monde urbain. Si tous les cours
suivis par la relève à l'éducation des adultes avaient
été accrédités par les maisons d'enseignement, quel
serait le niveau d'instruction des jeunes aujourd'hui?
Cette réflexion conduit aussi à une autre question que
s'est posée la relève: Pourquoi un si grand nombre de jeunes se
donnent une formation continue et si peu une formation initiale en
agriculture?
La relève croit fermement que l'adaptation de la cédule de
cours à la réalité agricole pourrait largement contribuer
à augmenter le nombre de jeunes qui termineraient un enseignement
initial agricole. Pourquoi ne serait-il pas possible à un jeune de
s'inscrire à l'ITA ou au cégep du début de novembre
à la fin de mars, quitte à ce que son cours dure cinq ans au lieu
de trois?
À une telle proposition, on nous répond que les cadres
imposés par le ministère de l'Éducation ne le permettent
pas ou encore que dans certaines options agricoles les jeunes du milieu urbain
forment la majorité de la clientèle.
Les données fournies par l'Office du crédit agricole et
nos propres constatations sur le terrain nous indiquent que ce sont encore les
enfants de producteurs agricoles qui, à au-delà de 90%,
s'établissent en agriculture.
Si l'objectif visé est de faire en sorte que la relève
bénéficie d'une solide formation de base en agriculture, qu'on
s'en donne les moyens. Que les maisons d'enseignement s'adaptent à la
réalité de leurs clientèles en offrant la
possibilité de faire le cours sur trois ans ou sur cinq ans. Les jeunes
feront leur choix.
Il nous apparaît aussi que la reconnaissance des acquis pratiques
du jeune contribuerait à sa motivation et éviterait ainsi des
situations démobilisantes qui contribuent souvent à l'arrêt
des études régulières.
Enfin, une autre modification importante devrait, à notre point
de vue, être apportée à la situation existante. Un jeune
qui termine un cours agro-technique au niveau secondaire devrait pouvoir
s'inscrire dans une option agricole au cégep ou à l'ITA; de
même, celui ou celle qui termine un cours collégial agricole
devrait-il avoir la possibilité de poursuivre au niveau universitaire en
agronomie, sans qu'on exige une propédeutique. Un tel cheminement est
possible à l'intérieur du réseau d'enseignement
anglophone, notamment entre le cégep et l'université, mais les
institutions francophones n'offrent pas cette possibilité.
L'apprentissage de la responsabilité professionnelle.
Particulièrement depuis 1979, nous avons pris conscience que nos
problèmes individuels sont partagés par ceux qui se trouvent dans
la même situation que nous. Nous avons aussi pris conscience qu'il existe
des intérêts communs et solidaires entre nous, jeunes de la
relève, intérêts dont l'expression aura d'autant plus de
résonance auprès des agriculteurs aînés et des
pouvoirs
publics qu'elle sera collective.
Quelque 1300 jeunes de dix régions du Québec ont choisi la
formule des syndicats de la relève comme regroupement et mode
d'expression et de défense de leurs intérêts. Ils se sont
aussi donné une fédération provinciale, la
Fédération de la relève agricole.
Les objectifs généraux des syndicats de la relève
agricole et de la fédération sont d'améliorer les
conditions d'établissement en agriculture et de travailler à une
meilleure préparation des jeunes.
Ces jeunes, ce sont des gars et des filles intéressés par
l'agriculture, âgés de 16 à 35 ans, qui se préparent
à devenir producteurs agricoles ou qui se sont récemment
établis en agriculture.
Le jeune qui s'engage à l'intérieur d'un syndicat de la
relève franchit différentes étapes de formation, selon son
âge ou l'évolution de son établissement. Ces étapes
sont généralement les suivantes: interrogation sur l'avenir,
recherche de techniques et d'information, prise en charge, processus
d'établissement et établissement.
Bien sûr, chaque syndicat de la relève regroupe des jeunes
qui sont à chacune de ces étapes et c'est, d'ailleurs, ce qui en
fait tout le dynanisme. Cette structure n'a peut-être pas encore
l'ampleur, ni la reconnaissance de la JAC d'autrefois, mais elle sert
très certainement aux jeunes à s'exprimer collectivement et
à faire un apprentissage de leurs responsabilités
professionnelles.
Les différents intervenants auprès de la relève. La
majorité de ceux qui ont travaillé auprès de la
relève agricole ces dernières années aura sûrement,
à un moment ou l'autre, entendu dire: II y a les groupes de l'UPA et
ceux du ministère. Ce petit bout de phrase est à la fois
significatif et aussi le reflet d'une situation des plus
déplorables.
Pour les jeunes, la structure qu'ils ont choisi de se donner n'est ni
celle de l'UPA, ni celle du ministère. Elle leur appartient. Bien
sûr, la Fédération de la relève agricole et ses dix
syndicats sont affiliés à l'UPA. Mais quand les jeunes ont choisi
de prendre une place à l'intérieur du syndicalisme agricole,
c'est parce que l'UPA leur apparaissait comme l'organisme qui offrait le plus
de possibilités à la relève de faire un apprentissage de
leurs responsabilités professionnelles futures.
De plus, l'UPA rend disponible à la relève un minimum de
ressources humaines, techniques et financières qui permettent de faire
réellement cet apprentissage. La structure n'en demeure pas moins
autonome et nous permet de formuler des solutions aux problèmes qui nous
sont propres et de nous préparer au rôle que nous devrons jouer
plus tard dans le milieu agricole.
La naissance de la très grande majorité des syndicats de
la relève et, conséquemment, de la fédération est
attribuable, en grande partie, à l'important travail de conscientisation
que les responsables de la relève du ministère de l'Agriculture
ont réalisé à la fin des années soixante-dix.
En 1975, le ministère de l'Agriculture décidait de mettre
un terme à son action auprès des jeunes ruraux pour concentrer
ses énergies auprès de la relève agricole. Ce fut la
naissance des groupes locaux de la relève agricole dans toutes les
régions du Québec. Les jeunes de ces groupes ont rapidement mis
en commun leurs problèmes et, de là, ils ont pris conscience de
la nécessité de se regrouper régionalement. Ils ont, par
la suite, élaboré des solutions aux problèmes qui avaient
été identifiés. La nécessité d'une
concertation entre les régions et d'un regroupement provincial est alors
apparue.
Les groupes locaux, les syndicats régionaux et la
fédération provinciale sont et doivent toujours être le
reflet de ce que la relève agricole elle-même veut qu'ils
soient.
Beaucoup d'intervenants ont un rôle à jouer auprès
de la relève agricole. Nous allons, dans les lignes qui suivent, vous
faire le portrait de notre perception du rôle de certains d'entre eux et,
par la suite, vous communiquer nos attentes quant aux ressources que le
ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation
devrait consacrer à la relève.
En ce qui a trait aux répondants régionaux en formation
agricole des maisons d'enseignement, nous percevons leur mandat comme
étant de répondre aux différents besoins en formation
agricole exprimés par le milieu. Ils sont le lien entre le milieu et les
maisons d'enseignement. Ils nous apparaissent comme jouant un rôle des
plus importants dans le monde de la formation agricole, mais, leur
clientèle ne se limitant pas uniquement à la relève, ils
ne sont pas en mesure de jouer un rôle aussi prépondérant
que les autres intervenants auprès des jeunes. (10 h 15)
Quant aux responsables de la relève des fédérations
régionales de l'UPA, ils ont, pour leur part, un rôle de soutien
technique auprès des structures de fonctionnement à
caractère syndical que se sont données les jeunes. Ils ont aussi,
toujours selon notre perception, un travail important à faire au niveau
de l'identification, avec les jeunes, des problèmes reliés
à l'établissement et des solutions à y apporter. C'est
très souvent par ce biais que les permanents de l'UPA se retrouvent
impliqués au niveau de la formation. Leur champ d'action se situe au
niveau des besoins collectifs de la relève.
Pour sa part, le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries
et de l'Alimentation, par son service de la relève agricole et ses
conseillers locaux et
régionaux en relève, est un intervenant majeur et
indispensable.
Nous considérons qu'il est essentiel que le ministère
maintienne les services d'un conseiller régional en relève dans
chacun de ses douze bureaux régionaux. Nous percevons le rôle du
conseiller régional comme celui d'un agent déclencheur, d'un
agent de changement, d'un animateur auprès de la relève et des
autres intervenants de son milieu. Il a aussi un rôle de conception et de
promotion au plan de la formation de la relève. Enfin, une autre de ses
tâches très importantes est sûrement la coordination de
l'action des conseillers locaux du ministère auprès de la
relève agricole. Il est le lien entre le service de la relève et
les conseillers locaux.
Du côté des conseillers locaux, nous croyons qu'ils ont un
rôle de soutien et d'animation à jouer auprès des groupes
de la relève. Ils doivent aussi avoir pour tâche d'aider les
jeunes individuellement à préparer leur projet
d'établissement. Ils sont, de plus, très bien placés pour
connaître les attentes et les besoins des jeunes au plan de la formation.
En ce sens, ils sont, quant à nous, des interlocuteurs fort
valables.
Enfin, pour ce qui est du Service des organismes et de la relève
agricoles du ministère, l'équipe qui y travaille au niveau de la
relève a un rôle important de soutien aux conseillers locaux et
régionaux. Le personnel de ce service se doit aussi de collaborer avec
les institutions d'enseignement à la formation de la relève.
Au niveau de la formation, le service a aussi comme mandat
d'élaborer des contenus de formation qui répondent aux besoins de
la relève en rapport avec l'établissement. Pensons au Bloc
relève, à la session de leadership, à la session
parents-enfants, etc. Tous ces intervenants poursuivent le même objectif
qui est de travailler à préparer une relève qui sera
capable de relever les défis que posera l'agriculture de demain. Il est,
à notre point de vue, des plus importants que les différents
intervenants travaillent en étroite collaboration les uns avec les
autres, ce qui n'est malheureusement pas toujours le cas actuellement.
La relève agricole demande au ministère de l'Agriculture,
des Pêcheries et de l'Alimentation: que dans chacune des douze
régions agronomiques du ministère les bureaux régionaux
rendent disponible un conseiller régional à au moins 50% de son
temps et que, dans chacun des bureaux locaux, un conseiller local en
relève soit disponible à au moins 30% de son temps; qu'au Service
des organismes et de la relève agricoles du ministère un
directeur et au moins trois professionnels soient affectés à la
relève agricole à temps plein.
En guise de conclusion à cette partie de notre mémoire, il
nous apparaît important de souligner l'implication de la
Fédération de la relève agricole au plan de la promotion
de la formation. À la suite du colloque sur la formation de la
relève agricole tenu en mars 1983, la Fédération de la
relève agricole a fait des pressions auprès du ministre Garon
pour que soit mis en place le comité de promotion de la formation
agricole. Le comité, dont la fédération fait partie, a
tenu sa première rencontre en février 1984. Il a
élaboré une campagne de promotion qui a commencé en
novembre dernier. La fédération a été
impliquée activement dans l'élaboration de cette campagne et ses
syndicats affiliés y ont joué un rôle important sur le plan
régional.
La fédération croit que le travail de ce comité ne
doit pas s'arrêter là. Les moyens mis en place sont excellents
pour sensibiliser le monde agricole à l'importance de la formation,
mais, une fois ce travail accompli, le comité se doit d'aller plus loin
et d'élaborer des hypothèses qui rendront la formation
correspondante aux besoins et à la réalité de ceux
à qui elle est destinée.
Permettez-nous ici d'insister à nouveau sur le fait que tous les
intervenants auprès de la relève poursuivent les mêmes
objectifs et qu'ils devraient travailler en étroite collaboration.
C'est, à notre point de vue, la seule façon d'atteindre leurs
buts et ce, au grand bénéfice de la relève et de
l'agriculture en entier.
L'établissement. Les efforts faits au cours des dernières
décennies pour améliorer la qualité de la formation, pour
revalorier le métier d'agriculteur et pour assurer une meilleure
qualité de vie et de revenus ont porté leurs fruits. Le
métier d'agriculteur est suffisamment attrayant pour qu'un bon nombre de
jeunes désirent y faire leur vie.
Le jeune qui veut s'établir en agriculture aujourd'hui a un long
cheminement à faire et un bon nombre d'obstacles è surmonter.
Faire face et surmonter ces problèmes et obstacles demande d'être
décidé et passer au travers est déjà un gage
certain d'une volonté ferme de réussir.
Certains nous diront: Mais avec 1200 établissements par
année, les problèmes ne doivent pas être si énormes.
Ce chiffre ne révèle rien des conditions économiques,
sociales et familiales que doivent vivre les jeunes au cours des
premières années de leur vie de producteurs. Il ne mentionne pas
non plus le nombre de jeunes qui ressortent de l'agriculture, ni les
concessions faites par les parents lors de l'établissement de leurs
enfants.
Nous allons vous soumettre, dans les pages qui suivent, les solutions
élaborées par les jeunes qui vivent ces problèmes.
La ferme de demain. Deux éléments qui ressortent
constamment dans les discussions des jeunes de la relève sur leur vision
de la
ferme de l'avenir sont l'importance de la qualité de la vie et la
dimension de la ferme qu'ils désirent acquérir.
La relève attache une très grande importance à la
qualité de la vie. Les jeunes sont conscients des exigences que pose le
métier d'agriculteur. Dans le choix du type de ferme qu'ils visent, il y
a, bien sûr, des considérations économiques, mais aussi et
surtout des préoccupations rattachées à l'importance
d'avoir une qualité de vie acceptable.
Pour ce faire, la volonté de la très grande
majorité de la relève agricole est de s'établir sur des
fermes dont l'unité de production est à l'échelle
humaine.
C'est ce que nous avons constaté auprès de nos membres et
c'est aussi ce qu'a confirmé un sondage effectué auprès de
1200 jeunes des régions de Lanaudière, Nicolet et de la Mauricie
par le mouvement Chrétien en milieu rural, en décembre 1983. Il
ressort de ce sondage qu'au-delà de 85% des répondants
signifiaient que le modèle d'agriculture qu'ils visaient était la
ferme familiale.
Malheureusement, la tendance actuelle est plutôt vers la
concentration. Si l'on veut sauvegarder la ferme familiale, nous croyons que
cela demandera des mesures fiscales et de crédit agricole
conséquent. Cela va aussi demander un effort collectif et individuel de
l'ensemble des producteurs agricoles. Il va enfin falloir que l'État,
dans toutes les mesures d'aide qu'il met en place pour les producteurs, ait
toujours comme souci premier le développement de la ferme familiale.
Les propositions qui suivent visent donc à assurer une
qualité de vie acceptable à la relève, tout en respectant
le concept d'une entreprise familiale.
Le crédit agricole. La diminution progressive du nombre de fermes
au Québec est un phénomène connu. Selon les données
fournies par le dernier recensement, plus de 23 000 entreprises auraient
disparu de la scène agricole québécoise entre 1971 et
1981. Le corollaire de cette inquiétante tendance est, bien sûr,
la concentration et la spécialisation, qui ont conduit à
l'agriculture fortement capitalisée que nous connaissons aujourd'hui. Au
cours de la décennie soixante-dix particulièrement, le capital
agricole a considérablement augmenté au Québec pour
s'établir, en 1984, à 252 000 $ par entreprise, comparativement
à 36 000 $ par entreprise en 1971. Ces chiffres ne prennent pas en
compte la valeur des quotas de production établis pour l'entreprise
moyenne à près de 50 000 $, selon les données du sondage
récemment publié par la SCA. On parle donc d'un capital total
équivalant à 300 000 $ par ferme aujourd'hui, près de dix
fois plus qu'en 1971.
Cette situation n'est pas sans entraîner de sérieux
problèmes, notamment au moment du transfert de l'entreprise, mais aussi
au cours des quatre ou cinq années subséquentes à
l'établissement. Il est normal que le vendeur d'une entreprise agricole
réalise, au moment de la vente, l'ensemble des sommes qu'il a investies
tout au long de sa vie. Par ailleurs, le transfert d'une entreprise
entraîne souvent le besoin d'investir des sommes importantes en capital
productif, attendu que la valeur marchande reflète rarement la
capacité réelle de l'entreprise à générer
des revenus.
L'important problème de liquidité qui résulte de ce
qu'on vient de décrire atteint les jeunes de la relève de
façon toute particulière. La marge de manoeuvre est si mince au
départ que, très souvent, l'évolution nécessaire de
l'entreprise se trouve gravement compromise,
Conséquemment, nous croyons que l'important levier de
développement économique agricole dont dispose l'État
québécois par l'entremise des lois régissant le
crédit agricole pourrait et devrait favoriser davantage
l'établissement des jeunes agriculteurs et agricultrices, parce que nous
représentons le potentiel humain de cette agriculture compétitive
et rentable dont le Québec de demain aura tant besoin.
Les propositions ci-après soumises ont pour objectif de favoriser
la relève par des mesures concrètes, dont l'incidence est
concentrée sur les premières années d'opération,
période où une trop grande vulnérabilité peut
représener un sérieux handicap pour l'avenir à moyen et
long termes.
Nous demandons donc pour les jeunes au moment de leur
établissement: que les maximums subventionnables de crédit
agricole à long terme soient haussés de 150 000 $ à 200
000 $ pour un individu et de 200 000 $ à 250 000 $ pour un groupe; que
les maximums garantis soient haussés de 250 000 $ à 300 000 $
pour un individu et de 450 000 $ à 500 000 $ pour un groupe; qu'un
plafond de 8% soit fixé au taux d'intérêt sur les
prêts à long terme; que tes officiers du crédit agricole
soient tenus de rendre une décision dans l'étude d'un dossier
dans un délai de trente jours suivant la réception de la demande
de prêt et que les prêts soient consentis dans un délai d'au
plus quatre-vingt-dix jours du dépôt de la demande lors d'une
décision favorable; que soit constituée une commission d'appel
composée majoritairement d'agriculteurs, à laquelle tout
agriculteur insatisfait d'une décision de l'office concernant une
demande d'emprunt pourrait en appeler de la décision. Cette commission
serait consultative, mais aurait quand même un pouvoir moral
considérable; que l'office ne prenne en garantie que ce qui est
nécessaire pour garantir le prêt et n'exige pas de
façon
automatique l'endossement personnel des actionnaires de compagnies
agricoles; que le jeune qui demande un prêt à l'office soit
avisé de tout changement qui pourrait être apporté à
sa demande et ce, avant que le prêt soit consenti.
En plus de ces demandes, la relève agricole, par sa
fédération, désire apporter deux propositions nouvelles
qui sont - nous le croyons - devenues des plus urgentes à appliquer vu
le contexte économique actuel.
La première, le taux croissant. Un des éléments qui
contribuent très certainement aux énormes difficultés du
jeune au cours de sa première année d'établissement est le
fait qu'il ne peut être concurrentiel face aux producteurs
déjà en production depuis un certain temps. Le jeune qui commence
en production n'a acquis aucune ou très peu d'équité sur
sa ferme. De ce fait, ses coûts de production sont plus
élevés à cause du montant à rembourser qui est
supérieur. Cette situation se doit d'être en partie
surmontée par une gestion et une productivité supérieures
de la part du jeune. C'est, d'ailleurs, souvent le cas, comme en
témoignent les sondages 1981 et 1984 de la Société du
crédit agricole. "La société y a établi que le
groupe à faible avoir net était le plus productif lorsqu'on
mesure le rapport entre les ventes et l'actif. En fait, le tiers des fermes qui
se trouvent dans le groupe à faible avoir net sont responsables
d'environ la moitié de la production alimentaire du Canada. C'est
également le même groupe qui utilise la plus grande partie du
crédit. Le pourcentage de l'endettement agricole provincial qui est
détenu par le groupe à faible avoir net varie en 1973 et en 1985.
Les agriculteurs à faible avoir net ont moins d'années
d'expérience et investissent davantage dans leur ferme. "
Mais cela ne suffit pas et c'est pourquoi nous demandons: que lors de
son établissement un jeune, dans le cadre des programmes de
crédit agricole à long terme, ait un taux d'intérêt
croissant, partant de 2% et augmentant de 1% par année et ce, jusqu'au
moment où le taux croissant rejoindra le taux subventionnable en
vigueur; que ce prêt à taux croissant s'applique sur un montant de
200 000 $ lorsqu'il y a un jeune d'admissible et sur un montant de 250 000 $
lorsqu'il y a deux jeunes ou plus d'admissibles; que ce prêt consenti
à taux croissant ne soit pas transférable.
La deuxième proposition: participation du vendeur. Au-delà
de 1000 fermes sont vendues annuellement au Québec. Les montants
touchés par les vendeurs sortent de l'agriculture. Il n'existe
aujourd'hui que très peu de moyens qui favorisent que le vendeur
réinvestisse ou laisse les montants profiter au secteur agricole.
Ajoutez à cela que selon les statistiques, plus de 90% des transferts de
fermes se font de parents à enfants. Nous croyons que des
mécanismes doivent être mis en place pour permettre la
participation du vendeur dans le financement de la ferme.
La Fédération de la relève agricole demande que
l'Office du crédit agricole favorise le financement par le vendeur, en
appliquant aux prêts faits par les vendeurs de fermes aux acheteurs les
mêmes avantages de garanties et de subventions d'intérêt que
sur les prêts consentis par les institutions financières. Donc, on
demande que ces prêts soient traités comme tout autre prêt
tandem et que des mesures fiscales soient mises en place afin d'inciter le
vendeur à se prévaloir de cette politique; que des modifications
soient apportées à la Loi sur les impôts afin que
l'individu qui investit de telles sommes dans l'économie agricole puisse
bénéficier de politiques de crédit à l'impôt,
pour les sommes investies, qui soient comparables aux politiques de
dégrèvement d'impôt d'un REER dans le but d'inviter le
vendeur à se prévaloir de ces politiques.
L'aide à l'établissement. En plus des possibilités
d'obtenir un prêt à long terme, le jeune qui s'établit peut
obtenir une subvention de 8000 $ en vertu de la Loi favorisant la mise en
valeur des exploitations agricoles ou encore un rabais. d'intérêt
sur les premiers 50 000 $ de son prêt pour un période de cinq ans
et ce, en vertu cette fois de la Loi favorisant l'établissement de
jeunes agriculteurs.
En 1982-1983, 954 jeunes ont opté pour la subvention de 8000 $ et
239 jeunes pour le rabais d'intérêt. La possibilité
d'obtenir le rabais d'intérêt commença cependant en
septembre 1982. (10 h 30)
Pour 1983-84, 587 jeunes ont choisi les 8000 $ et 579 le rabais
d'intérêt sur les premiers 50 000 $ du prêt.
Face à ces données et aux demandes nombreuses
exprimées par nos membres qui sont les principaux concernés par
ces mesures, la Fédération de la relève demande que les
modifications suivantes soient apportées auxdites lois et à leurs
réglementations respectives; que le choix entre les deux types de
subventions, choix qui doit prendre fin le 31 décembre 1985, soit rendu
permanent; au sujet des 50 000 $, que dans le cas où un jeune choisit le
rabais d'intérêt, ce rabais s'applique sur les derniers 50 000 $
de la partie subventionnable du prêt; que les 50 000 $ soient
indexés à tous les trois ans.
En ce qui concerne les 8000 $, que le montant accordé en
subvention en vertu de la Loi favorisant la mise en valeur des exploitations
agricoles, soit porté de 8000 $ à 15 000 $ et par la suite
indexé à tous les trois ans; que les normes d'affectation de
ladite subvention à l'établissement soient assouplies de
façon que ces sommes puissent
être affectées dans tout secteur qui augmentera la
productivité et l'efficacité de la ferme; que deux époux
qui sont en société au moment de leur établissement en
agriculture aient droit à deux subventions à
l'établissement comme c'est le cas pour deux jeunes qui ne sont pas mari
et femme.
Au niveau de la fiscalité, nous avons dit
précédemment que plus de 90% des transferts de fermes se font de
parents à enfants. La transmission d'une ferme d'une
génération à l'autre se fait nécessairement
à un prix inférieur à la valeur marchande de l'entreprise,
donc il y a don. Au cours des deux dernières années, le
gouvernement du Québec a fait passer le montant de l'exemption entre
vifs au niveau de l'impôt sur les dons de 75 000 $ à 300 000 $. Il
apparaît que ce montant correspond à la réalité
d'aujourd'hui. La relève agricole fut l'une des parties qui ont
exercé des pressions auprès de l'État pour obtenir cette
modification à l'impôt sur les dons. Notre demande était
d'abolir cet impôt compte tenu que le Québec est la seule province
au Canada où il existe. Notre demande aujourd'hui serait qu'au minimum
ce montant soit indexé à tous les trois ans si le gouvernement
refuse toujours d'abolir complètement cet impôt.
Il y a aussi eu modification au taux d'intérêt prescrit,
c'est-à-dire le taux d'intérêt au-dessous duquel
l'agriculteur qui prête à son enfant est réputé lui
faire un don. C'est aussi une amélioration à la situation
antérieure, mais là encore ce n'est qu'une demi-mesure. Nous
demandions et demandons toujours l'abolition du taux d'intérêt
prescrit.
Enfin, nous croyons qu'étant donné le nombre grandissant
d'établissements sous forme de compagnies, l'État
québécois doit exempter les compagnies agricoles de la taxe sur
le capical des compagnies.
Les méthodes graduelles de transfert. Il est de plus en plus
fréquent de voir des fermes de groupe en agriculture au Québec.
Lorsque les agriculteurs veulent exploiter une ferme de groupe, deux choix
d'encadrement juridique s'offrent à eux, soit la compagnie ou la
société. Ces formes de structure légale ne s'adressent pas
particulièrement au secteur agricole et de ce fait tiennent peu compte
de ses besoins et de sa réalité propre.
De plus, dans un bon nombre de cas, une association parents-enfants en
compagnie ou en société apparaît comme la seule
façon de réaliser un transfert qui puisse être acceptable
pour tous.
Dans plusieurs pays, des méthodes de transfert graduel sont
appliquées. La relève agricole a eu l'occasion d'en
étudier un certain nombre. Celle qui a particulièrement retenu
notre attention c'est le "share-milking" en Nouvelle-Zélande. Le
Producteur de lait québécois, dans son numéro de mai 1983,
en traçait le portrait. En voici quelques extraits: "Ce système
donne à ceux et celles bénéficiant d'un capital
limité un moyen de partager les profits de la ferme, en échange
de quoi l'agriculteur est soulagé de son astreignante routine de la
traite quotidienne à longueur d'année. Dans le cas des formules
de partage dites à 29% ou 39%, c'est-à-dire celles où le
propriétaire de la ferme conserve respectivement 71% ou 61% des revenus
nets d'exploitation, le travailleur à contrat fournit son travail et une
partie des dépenses courantes, mais aucun capital n'est requis de sa
part. Quant à l'autre forme de contrat, sur la base de partage 50/50,
elle répond davantage au sens d'une association véritable. Le
partenaire finance lui-même la totalité des dépenses
courantes d'exploitation et généralement il est
propriétaire du troupeau et de tout l'équipement
nécessaire. La contribution principale de l'agriculteur consiste alors
à mettre sa terre, dont la valeur commerciale est très
élevée, à la disposition de celui qui exploite et
gère l'entreprise laitière. "
En plus d'un cadre légal à l'établissement graduel,
le "système de ce pays propose des incitatifs aux vendeurs è
garder leurs argents en agriculture et institue un mode
d'épargne-établissement".
Une telle solution a aussi l'avantage de permettre
l'établissement des jeunes qui ne sont pas producteurs. Me Daniel
Ferron, conseiller juridique à l'Union des producteurs agricoles, a
aussi fait une analyse des différents aspects du système du
"share-milking" néo-zélandais.
Nous croyons que le ministère du Revenu, ainsi que celui de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, avec l'UPA et la
Fédération de la relève agricole devraient se donner un
comité de travail qui étudierait les possibilités
d'adaptation et d'application de nouvelles méthodes de transfert graduel
chez nous.
Nous croyons aussi qu'il est devenu urgent qu'un nouveau statut
juridique adapté aux fermes de groupe en agriculture soit
créé. Le comité dont nous avons proposé la
création au paragraphe précédent pourrait sûrement
travailler des hypothèses dans ce sens.
La banque de terres. En 1979, le gouvernement du Québec adoptait
la loi permettant de créer une banque de terres arables. En
février 1981, les règlements entrent en vigueur. La crise
économique a forcé le gouvernement à réviser ses
priorités, de sorte qu'il a dû différer la mise en
opération de la banque de terres.
La relève agricole considère la banque de terres comme un
élément positif. Elle y voit comme avantage une réduction
parfois très importante des besoins en capitaux et, par le fait
même, des remboursements de
capital durant les premières années.
Depuis quelques semaines, on nous dit que la banque de terres est en
opération. On nous parle de priorités d'intervention
arrêtées par l'État et dans des zones identifiées.
On nous parle aussi de développement de la production
céréalière. On nous dit aussi que les objectifs poursuivis
par cette loi sont de favoriser la relève agricole et l'expansion des
fermes familiales rentables.
La banque de terres apparaît à la relève agricole
comme une solution des plus intéressantes, mais dans sa mise en
opération nous manifestons certaines craintes.
Ce que la relève agricole demande dans ce dossier, c'est que des
comités tripartites (MAPAQ, UPA, relève) soient mis en place dans
chacune des régions du Québec afin de déterminer les
priorités d'action de la banque de terres chez eux; qu'à partir
des priorités régionales retenues, le ministère de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation investisse des sommes
pour réaliser ces priorités; que dans la mise en opération
de la banque de terres, la priorité de location et d'achat
éventuel des terres de la banque soit accordée aux jeunes qui
désirent s'établir.
L'agriculture à temps partiel. Ce que la relève agricole
veut, c'est, bien sûr, faire de l'agriculture à temps complet et
pour en vivre convenablement. Cependant, depuis toujours au Québec, et
particulièrement dans certaines productions, on rencontre des gens qui
font de l'agriculture à temps partiel. De plus, l'inflation des
années soixante-dix et le contexte économique difficile des
années quatre-vingt favorisent, dans une certaine mesure, des
débuts à temps partiel en agriculture.
L'Office du crédit agricole administre un programme en faveur des
gens qui désirent débuter en agriculture à temps partiel.
Bien que, pour nos membres, ce type d'agriculture ne soit pas un objectif en
soi, mais plutôt, dans certains cas et dans certaines productions, une
situation quasi obligatoire avant un établissement définitif,
nous croyons que l'aide de l'État aux aspirants agriculteurs est
insuffisante.
La Fédération de la relève agricole demande donc
que l'aspirant agriculteur puisse jouir d'une période de dix ans,
plutôt que de cinq pour compléter son établissement; qu'au
moment de son établissement définitif, il puisse avoir droit,
comme tout jeune qui s'établît, à la subvention
prévue à la Loi favorisant la mise en valeur des exploitations
agricoles ou, selon son choix, au rabais d'intérêt prévu a
la Loi favorisant l'établissement des jeunes agriculteurs, ce qui n'est
pas toujours le cas aujourd'hui; que dans le mode de calcul des taux
rattachés au prêt fait aux aspirants agriculteurs l'on passe de
12% plus la moitié de la différence à 7% plus la
moitié de la différence.
En conclusion, la décennie 1980 sera pour l'agriculture au
Québec une plaque tournante, soit vers une large concentration ou vers
le maintien de la ferme familiale.
Des représentants de la Fédération de la
relève agricole se sont rendus aux États-Unis pour y
étudier la situation des jeunes de la relève agricole. Dans les
États visités, on ne parlait déjà plus de transfert
de fermes. Les exploitations agricoles étaient rendues d'une taille
telle qu'il était quasi impossible pour un jeune de réussir
à amasser suffisamment de capital pour s'établir.
Les jeunes de la relève agricole désirent devenir
producteurs et non des travailleurs agricoles spécialisés
à la solde de grosses compagnies. Nous croyons que l'ensemble de la
société québécoise et, particulièrement,
l'État et les intervenants du secteur agricole doivent se faire un
devoir de tout mettre en oeuvre pour assurer la survie et le maintien de la
ferme familiale en agriculture chez nous.
Le présent mémoire contient un ensemble de propositions et
de demandes qui, nous le croyons, tendent à rendre plus accessible et
surtout plus viable la ferme familiale. En cette année 1985,
Année internationale de la jeunesse, l'État et l'ensemble des
intervenants doivent se concerter pour mettre en place les mesures qui sauront
assuré à l'agriculture une relève agricole capable de
relever les défis de demain. La seule façon d'assurer la survie
de la ferme familiale, c'est de bâtir aujourd'hui l'agriculture de
demain.
M. Marcil: II y aurait peut-être deux petits points sur
lesquels j'aimerais attirer votre attention. Le premier concerne l'aide
à l'établissement. On dit dans notre mémoire que le choix
est supposé être aboli le 31 décembre 1985. On trouve
primordial que ce choix reste; comme on ne sait pas ce qui s'en vient, il
faudra que des mesures soient prises très prochainement pour pouvoir
garder ce choix.
Une autre chose, c'est sur le taux croissant. Comme on a
déposé notre mémoire en décembre 1984, tel que
demandé, après étude plus poussée, on trouve que le
système que l'UPA préconise, en partant de 3% et en augmentant de
0, 5% par année, est plus réaliste pour un jeune; mettons, sur
dix ans, c'est plus facile de rencontrer le taux de l'office que le nâtre
qui part de 2% et qui augmente de 1% par année.
Le Président (M. Vallières): Je vous remercie.
Avant de passer la parole au député de Saint-Hyacinthe, j'aurais
une question, que j'ai déjà posée, d'ailleurs, à un
autre organisme. Vous ne faites pas allusion, dans votre mémoire,
à la question de l'achat
de quotas. Vivant dans un comté rural, j'ai beaucoup de jeunes
qui sont en agriculture et qui m'indiquent que c'est très difficile de
rivaliser avec les producteurs qui sont déjà dans le
métier depuis un bon moment afin de procéder à l'achat de
quotas quand ils veulent en devenir acquéreurs.
Est-ce que vous reconnaissez que c'est un problème pour le jeune
producteur d'acquérir ce quota parce qu'il a de la difficulté
à rivaliser avec celui qui est déjà fermement
établi? Si vous reconnaissez que c'est un problème, est-ce que
vous avez des suggestions à faire afin de permettre aux jeunes
producteurs agricoles d'acquérir des quotas? À moins que, de
façon implicite, on ne retrouve à l'intérieur de toutes
les suggestions que vous nous faites suffisamment de latitude pour que
ça règle le problème. Sur cette affaire des quotas,
voudriez-vous faire une suggestion bien particulière ou si les mesures
que vous proposez là permettraient aux jeunes, dans le système
actuel, d'avoir accès aux quotas sans problème?
M. Marcil: Je pense que, justement, sur le contingentement dans
toutes les productions, c'est un point dont on a discuté au conseil
d'administration et avec tous nos membres, à savoir si on apportait ici
des solutions ou si on était mieux d'en parler avant avec ceux qui les
ont entre les mains, c'est-à-dire les fédérations de
producteurs qui ont des contingentements à contrôler.
Présentement, on a fait des propositions à ces
fédérations. C'est pour ça qu'on n'a pas senti le besoin
de soulever cette question ici devant la commission parlementaire. André
pourrait compléter.
M. Drapeau: Les jeunes ont élaboré au cours de la
dernière année des propositions concrètes qui sont
déposées, comme M. Marcil l'a dit, aux différentes
fédérations qui sont concernées et touchées par
ça, des propositions qui ont carrément pour objectif de favoriser
l'accès des jeunes à ces productions. On sait qu'il y a
différents intervenants qui sont passés devant la commission ou
qui vont passer devant la commission, qui vous ont proposé des
hypothèses de solution. Un des intervenants a pris une hypothèse
de solution que nous avions élaborée.
Le Président (M. Vallières): Vous faites allusion
à la Chambre des notaires?
M. Drapeau: À la Chambre des notaires. Comme M. Marcil
vous l'a dit, notre position a été de ne pas apporter nos
propositions devant la commission, compte tenu qu'on est en discussion avec les
fédérations concernées. C'est clair que c'est une
préoccupation importante de la relève agricole.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Saint-Hyacinthe.
(10 h 45)
M. Dupré: Merci, M. le Président. Dans un premier
temps, au nom du parti ministériel, je voudrais vous remercier d'avoir
répondu à notre appel. Deuxièmement, c'est certain que ce
n'était pas une surprise de recevoir votre mémoire,
considérant que ça portait effectivement sur la relève
agricole, mais je dois souligner les propositions très
intéressantes que vous avez dans votre mémoire.
Naturellement, j'ai quelques questions à vous poser. À la
page 3, lorsque vous parlez d'échanges que penseriez-vous s'il y avait
des échanges de fermes entre les étudiants, c'est-à-dire
qu'un étudiant irait travailler sur la ferme d'un de ses
collègues alors que celui-ci travaillerait à la ferme de ses
parents? Ainsi, aucune ferme ne serait privée de main-d'oeuvre.
M. Marcil: 5ur le temps des stages. Je pense qu'il y a des
institutions qui essaient de l'appliquer le plus possible, mais ce n'est pas
toujours possible. C'est surtout dans le temps où tous les
étudiants sont à leurs cours. La clientèle, il n'y en a
pas, autrement dit; on ne peut pas faire d'échanges d'étudiants.
Souvent les étudiants sont obligés de se déplacer de 50,
60, 70 et 100 milles même; ils ne peuvent pas toujours retourner chez
leurs parents. Je ne sais pas si la question était dans ce sens?
M. Dupré: À la page 5, vous dites: "II y a les
groupes de l'UPA et ceux du ministère. " Est-ce que vous pourriez
m'expliquer en quoi cela consiste? Est-ce que ce sont deux clans?
M. Drapeau: Non. Là-dessus, comme on le précise
dans notre mémoire, il est bien clair que le ministère, de 1975
à aujourd'hui, a et, on l'espère, continue d'avoir une place
importante auprès de la relève. Le ministère, de 1975
à 1979, a fait un effort important pour que les jeunes de la
relève se prennent en charge. L'effort a abouti, les jeunes se sont pris
en charge et ils ont choisi de se donner une structure régionale et une
structure provinciale, mais cette structure leur appartient.
Il y a des tiraillements - je pense qu'il ne faut pas se conter des
peurs et on n'est pas ici pour se faire des cachettes - qui existent entre le
ministère de l'Agriculture et certains conseillers qui, à un
moment donné, compte tenu que les jeunes se regroupent
régionalement en syndicats affiliés à l'UPA, se sentent un
peu lésés par cela. Ils ont peur de perdre leurs jeunes et en
même temps peut-être de perdre une partie
de leur emploi.
Ce sont des craintes, à notre point de vue, qui sont non
fondées, compte tenu que ce sont les mêmes jeunes qui utilisent
les services du ministère, qui utilisent les services de l'UPA et ces
jeunes, finalement, ont besoin des deux aussi. Ils ont besoin de l'UPA pour
faire fonctionner la structure qu'ils se sont donnée. Ils ont besoin du
ministère à cause des importantes actions de formation que le
ministère fait auprès de la relève et à cause de
tout un bout au niveau de l'individuel que les jeunes sont difficilement
capables de faire seuls et que l'UPA n'a pas comme mission de faire. Plusieurs
personnes disent: II y a des groupes de l'UPA et des groupes du
ministère, mais ce sont les mêmes groupes finalement. Ce sont
simplement des tiraillements de permanents. Ce ne sont pas des tiraillements de
jeunes.
M. Dupré: À la page 7, vous dites que
l'Agriculture, avec ses conseillers locaux et régionaux en
relève, "est un intervenant majeur et indispensable". Il en a
été question avec les autres groupes que nous avons
rencontrés hier au cours de la journée. Est-ce que vous pourriez
me dire, selon vous, selon votre appréciation, si vous les
considérez peu compétents, compétents ou très
compétents? Est-ce qu'ils remplissent réellement leur
rôle?
M. Marcil: Tout dépend des régions. Je pense qu'il
y a des places où ils sont très compétents. À
d'autres places, s'ils ont le temps ou s'ils ont le goût, ils vont s'en
occuper et ils vont être compétents selon ce qu'ils vont bien
vouloir. Mais il y a des régions où cela va très bien et
il y en a d'autres où il n'y a presque aucun souci pour la
relève.
M. Drapeau: Je pense que la mesure qu'on peut mettre
là-dessus, c'est le gars ou la fille qui choisit d'investir pour un
conseil régional 50% de son temps, c'est parce qu'il y a de
l'intérêt et lui ou elle est compétent. Celui qui, parce
qu'il a moins d'intérêt ou pour quelque raison que ce soit,
n'investit pas ou peu de son temps, forcément, s'il n'a pas
d'intérêt, il ne sera pas compétent. Je pense qu'on peut
dire que de façon générale si les personnes choisissaient
de s'impliquer et si elles décidaient d'investir de l'énergie
auprès de la relève, elles seraient compétentes.
M. Dupré: Est-ce qu'il y en a qui jouent moins leur
rôle que d'autres dans certaines productions, dans certaines
catégories?
M. Drapeau: Ces intervenants du ministère,
particulièrement auprès de la relève, ne sont pas
là pour intervenir comme habituellement c'est leur rôle, au niveau
de conseils techniques en production. Ils sont là plus pour aider les
jeunes, par exemple, à faire leur démarche d'établissement
de façon correcte, plus pour travailler avec les jeunes au niveau de la
formation que le jeune devrait obtenir en dehors des institutions
d'enseignement. Dans notre mémoire, on donne comme exemples les sessions
parents-enfants, c'est-à-dire des sessions qui regroupent des parents et
des enfants où ils doivent se parler du transfert de la ferme, chose
qu'il est peut-être, à l'occasion plus difficile de faire sans
encadrement de ce type.
M. Dupré: À la page 8, vous dites, à la fin
du troisième paragraphe: "Il est è notre point de vue des plus
importants que les différents intervenants travaillent en étroite
collaboration les uns avec les autres, ce qui n'est malheureusement pas
toujours le cas actuellement". Pouvez-vous me dire à quelle place les
malaises sont?
M. Marcil: Au niveau de la formation, cela s'est
amélioré depuis quelques années, mais les jeunes
étaient tiraillés sur tous les bords pour suivre des cours, etc.,
et on ne savait même plus où donner la tête. Il y avait le
ministère de l'Éducation, il y avait le ministère de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, il y avait les
commissions scolaires, il y avait la commission de formation professionnelle.
On ne savait même pas qui était qui au niveau de la formation et
où on allait se "garrocher" pour avoir des bons cours. Tout le monde en
offrait, mais où allait-on les prendre et de quel bord c'était le
plus rentable pour nous?
M. Dupré: Vu que nous sommes sur le sujet, hier j'ai
posé quelques questions aux représentants du Collège
Macdonald. J'aimerais connaître les étapes à suivre et
à poursuivre. On sait que dans certains collèges, surtout
anglophones, on peut accéder plus facilement à des
échelons supérieurs d'éducation. Selon vous, quel est le
vrai chemin ou le meilleur chemin qu'un jeune doive suivre?
M. Marcil: Cela dépend toujours de ce qu'il veut se donner
au bout.
M. Dupré: Comme exploitant ou comme agronome.
M. Marcil: Je pense que l'étudiant qui fait son cours
secondaire, qu'il fasse son agro-technique et, après cela, qu'il aille
au cégep, il lui manque un petit quelque chose, c'est de la formation
académique. C'est officiel. C'est ce que les institutions disent
et elles forcent les gars à apprendre la biologie qui n'est pas
obligatoire au cours d'agro-technique, etc. Ce ne sont pas des cours qui se
suivent. Le gars qui va faire son secondaire V régulier et qui s'en va
dans les institutions, que ce soit au cégep ou aux instituts, cela va
bien, mais encore là il lui en manque un bout peut-être sur la
production. Après cela, au niveau du cégep et de
l'université, il n'y aucun lien, ce n'est pas compliqué. Un gars
qui a un cours de cégep comme technicien pour entrer à
l'université en agronomie ou quelque chose comme cela, il est presque
obligé de faire un an de rattrapage, autrement dit un an de cours plus
général.
M. Dupré: C'est quoi? C'est chimie, physique et
biologie.
M. Marcil: Au niveau du secondaire, c'est la biologie. Pour
l'avoir fait et l'avoir constaté, je pense qu'il y a aussi les
mathématiques. Cela dérange un peu le gars quand il arrive pour
faire de la gestion financière, etc. Au niveau de l'agronomie, là
je ne peux pas vous le dire; peut-être qu'André pourrait vous dire
plus les cours qu'il peut lui manquer.
M. Drapeau: Je ne le sais pas, non plus.
M. Dupré: Dans les demandes que fait la relève
agricole au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation, toujours à la page 8, en bas, vous demandez "qu'au moins
trois professionnels soient affectés à la relève agricole
à temps plein". Au moment où l'on se parle, combien y en
a-t-il?
M. Marcil: On en demande trois ou quatre. Ils sont ce
nombre-là.
M. Dupré: "Qu'au moins trois professionnels soient
affectés à la relève agricole à temps plein. "
M. Marcil: Au niveau du ministère.
M. Dupré: Cela est au niveau du ministère.
M. Marcil: Oui. Là, ils sont ce nombre, mais je ne suis
pas sûr qu'ils travaillent tout le temps en collaboration.
M. Dupré: Je sais que vous vous inquiétez beaucoup
aussi de la ferme à l'échelle humaine ou familiale qui est
toujours très difficile à définir. Est-ce que ce sont les
frères, les soeurs ou deux... Je ne vous demanderai pas de la
définir mais, tout de même, on sait - vous l'avez mentionné
dans votre mémoire - qu'aux
États-Unis, ce n'est presque plus possible pour des jeunes
d'essayer d'acheter une ferme. Ce ne sont plus des fermes; là on peut
réellement dire que ce sont de grosses compagnies. Une de vos craintes -
d'ailleurs, c'est celle aussi d'à peu près tous ceux qui
s'occupent de l'agriculture - c'est que les fermes au Québec grossissent
et augmentent de plus en plus. Ce n'est plus 300 000 $ -c'est un minimum de
départ - mais, pour être viable souvent et pour faire vivre une
famille, c'est 800 000 $, ou 1 000 000 $. Â ce moment, vous vous
inquiétez, vous aussi, mais comment va-t-on y mettre fin, à
cela?
M. Marcil: C'est par la concertation de tout le monde. Je pense
que la ferme familiale, pour en donner une définition, c'est quasiment
clair dans la tête de tous les gars; ils en ont presque tous une. Mais
quand ça arrive pour nous sortir de la bouche, il n'y en a pas un qui
dit pareil.
Je pense qu'en collaboration avec l'UPA, il y a de bonnes
réflexions qui se font. C'est sûr qu'avancer des chiffres, il y en
a un qui dit un chose et l'autre va dire autre chose. Mais je pense qu'il y a
des bonnes bases, je pense, qui sont déjà là et qu'il faut
commencer à regarder sérieusement. Je suis d'accord avec vous
qu'il va falloir y voir en concertation si on ne veut pas...
M. Dupré: Mais c'est fort possible de réussir dans
ce domaine parce que, quand on voit les gagnants du mérite agricole,
depuis plusieurs années, ce sont des fermes familiales, en somme.
Parfois ce sont deux familles ou le père et le fils avec la fille.
Lorsque vous parlez, à la page 13, que soit constituée une
commission d'appel, cela ne tombe pas dans l'oreille d'un sourd.
Déjà, on a fait une recommandation semblable unanimement ici.
Hier, on a réitéré la demande au ministre de ne pas
attendre le débat à l'Assemblée nationale sur le rapport
que nous avons déposé le 13 décembre. Je pense que c'est
très heureux.
Lorsque vous parlez de la question des 50 000 $, à un moment
donné vous dites: "Avec un rabais d'intérêt". On sait que
les 50 000 $, c'est sans intérêt. C'est un rabais à
zéro. Lorsque vous dites que ce serait mieux sur les derniers 50 000 $
que sur les premiers 50 000 $, j'aimerais avoir des explications
là-dessus. Pourquoi est-ce beaucoup plus avantageux sur les derniers que
sur les premiers?
M. Marcil: C'est avec la partie qui dit que les prêts que
nos pères ont déjà, c'est transférable. Nos
pères ont encore des parties à 2 1/2% et ils ont encore des
parties fixes. Alors, sur les premiers 50 000 $, on perd tout cela. C'est pour
cela que souvent le choix...
M. Dupré: Vous voulez aller en chercher des deux
bouts.
M. Marcil: C'est ça.
M. Dupré: Il n'y a rien comme le demander. II y a une
chose que je trouve très intéressante, c'est lorsque vous parlez,
à la page 17, de "deux époux qui sont en société au
moment de leur établissement". Je pense que cela vient contrecarrer ou
cela vient, en tout cas, justifier, parce qu'on le sait, s'ils demeurent tout
simplement ensemble, ils peuvent avoir les deux montants, tandis qu'une fois
qu'ils sont mariés, ce sera un désavantage d'être
marié en agriculture.
M. Marcil: Là-dessus, il y a un pourcentage qui va et un
pourcentage qui ne va pas. Il me semble que c'est selon les conseillers, selon
la vision du conseiller de l'office, de la société ou tout cela.
On dit cela, mais il reste qu'il ne faut pas faire des sociétés
pour faire des sociétés, par exemple. II faut vraiment que le
travail soit là. Si l'épouse travaille en dehors et qu'elle n'est
pas impliquée du tout dans l'agriculture, elle n'a pas raison d'avoir
droit à cela.
M. Dupré: La formule dont vous parlez de la
Nouvelle-Zélande, pensez-vous que cela pourrait être applicable
ici?
M. Drapeau: On ne pense pas, nous, que cela pourrait être
applicable intégralement, mais il existe des choses en France, il existe
des choses en Nouvelle-Zélande. On se dit qu'il y a sûrement
quelque chose à tirer de tout cela. Il existe même des choses au
Québec dans le transfert des fermes de tabac. On se dit qu'il faut
absolument, c'est devenu urgent, trouver une hypothèse applicable
à notre réalité québécoise. On ne pense pas
qu'on peut prendre la formule de la Nouvelle-Zélande et l'appliquer
intégralement ici, non.
M. Dupré: Est-ce que cela fait longtemps et quels sont les
résultats concrets de cela pour dire que c'est attrayant? Vous
êtes les deuxièmes ou les troisièmes à se
présenter ici qui soulignent ce modèle-là. Quels sont les
points forts qui ressortent de cela? Il doit y avoir des avantages très
considérables. (11 heures)
M. Drapeau: Oui, c'est depuis le début des années
trente que cela existe, depuis 1937 que cela existe en Nouvelle-Zélande.
L'avantage marqué qu'on voit à cette chose-là, c'est que
cela fournit un encadrement juridique aux transferts graduels de fermes, un
encadrement juridique minimal. Cela veut dire qu'il n'y a pas de transfert de
fermes graduel qui peut se faire en bas des conditions minimales
indiquées dans la loi.
On n'est pas allé en Nouvelle-Zélande. On n'a pas
parlé avec des Néo-Zélandais. Mais, à partir des
informations qu'on a recueillies là-dessus, il semble que ça
fonctionne relativement très bien et que c'est finalement devenu, dans
le cas du lait en Nouvelle-Zélande, une des seules façons de
pouvoir transférer une ferme.
M. Marcil: Surtout que, dans ce pays, le fonds de terre est
très coûteux. C'est comme en France. En France, le fonds de terre
est très coûteux. Alors, la valeur des terres prend des... Elles
se patent de génération en génération. La formule
est adaptée pour là-bas. Je pense que, pour ici, il y aurait
moyen de s'asseoir tout le monde et de regarder ça vraiment.
C'est avantageux parce que le jeune, au lieu de travailler cinq ou six
ans pour se ramasser un peu de capital, est impliqué dans les
décisions et dans le revenu aussi.
M. Dupré: Une question que je me pose. On en a
discuté souvent et on a parlé d'une banque agricole et tout
ça. Mais, avec les nouveaux éléments que vous apportez,
que l'argent demeure là par le vendeur ou le père ou qu'il y ait
des intervenants ou des capitaux qui viennent de l'extérieur, je pense
qu'il serait facile d'investir des capitaux importants, si on avait des rabais
d'impôt qui seraient valables, comme le REER.
Je ne vois même plus l'utilité - en tout cas, vous me le
direz - que ce soit le vendeur qui laisse son argent là. Cela va
être aussi intéressant pour l'industriel ou pour quelqu'un
à l'extérieur de l'agriculture, qui a de l'argent à
placer, si les rabais d'impôt sont très importants et qu'ils sont
valables. À ce moment-là, pourquoi ne pas ouvrir cela plus
largement à la population et dire: Si vous investissez en agriculture,
il y a tel ou tel avantage fiscal? Celui qui vend, s'il veut le laisser
là pour avoir ces avantages-là, il le laisse là. Mais,
moi, je ne restreindrais pas ça aux vendeurs, mais j'ouvrirais la porte
à tous ceux qui veulent investir en agriculture, avec des rabais
intéressants, alléchants.
M. Drapeau: Notre constatation là-dessus, M. Dupré,
c'est qu'un système comme celui que vous nous présentez,
ça existe. Cela existe particulièrement en France. Cela existe
aussi en Nouvelle-Zélande. C'est ouvert plus qu'aux agriculteurs,
vendeurs de fermes. C'est ouvert à la population en
général, sauf que, dans ces deux pays que nous, on a plus
étudiés, ça se fait par des banques
spécialisées en agriculture. C'est évident que c'est une
situation idéale. Plus il va y avoir d'argent, moins ça va
être difficile d'en avoir.
En tout cas, la constatation qu'on peut
faire là-dessus, c'est que c'est souhaitable qu'il y ait des
mesures fiscales qui soient accessibles à tous. Mais l'application de
ça, on constate, nous, que dans les deux pays qu'on a plus
particulièrement étudiés, cela se fait par
l'intermédiaire d'une banque. Si c'est faisable sans banque, bravo!
M. Marcil: Il y a toujours un pourcentage. En passant par une
banque, c'est officiel qu'il y a un pourcentage. Même s'il n'est pas
gros, on voudrait le récupérer, celui-là.
M. Dupré: Un dernier point que je voudrais souligner,
c'est lorsque vous demandez l'exemption de taxe sur le capital investi.
Déjà, ça fait une couple d'années que j'y travaille
fortement. L'année dernière, on a passé à un cheveu
de l'avoir, en fin de compte, avec notre rencontre avec l'UPA, à la
dernière minute; on a réussi à augmenter à 300 000
$ le don père-fils, mère-fille. Cette année, en plus, je
fais partie du comité du budget. Mais je pense que, pour certains, c'est
une taxe assez lourde, considérant le montant de capitalisation que
ça prend dans l'agriculture versus l'industriel et le commerçant.
Je vous remercie de vos réponses.
Le Président (M. Vallières): Merci. Juste avant de
passer la parole au député de Maskinongé, j'aimerais
savoir de votre groupe si c'est possible d'obtenir une copie de l'analyse qu'a
faite Me Daniel Ferron, de l'Union des producteurs agricoles, au sujet du
système de "share-milking" néo-zélandais. Est-ce que vous
avez cette analyse en votre possession?
M. Drapeau: Oui, on l'a en notre possession, sauf que c'est un
document de l'UPA; il faudrait que vous le demandiez à l'UPA. Ce n'est
pas nous, finalement, qui avons fait faire cette étude.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Maskinongé.
M. Picotte: Là-dessus, est-ce que vous pourriez vous
informer auprès de l'UPA? Plutôt que d'acheminer nous-mêmes
officielle une demande à l'UPA, je ne sais pas si vous ne pourriez pas
vérifier avec l'UPA s'il n'y aurait pas possibilité de l'avoir.
Si on vous donne le O. K., vous pourriez le faire parvenir au président
de la commission.
Merci, M. le Président. Je pense qu'il ne pouvait y avoir
d'interlocuteur plus valable que la Fédération de la
relève agricole pour discuter, justement, des problèmes de
relève, des problèmes d'endettement et de financement, et au nom
de ma formation politique, je vous remercie de ce mémoire qui est
très intéressant. Nous allons essayer ensemble d'avoir certaines
conversations qui puissent donner un éclairage additionnel aux points
que vous avez soulignés, peut-être aussi sur d'autres points dont
il n'a pas été fait mention dans votre mémoire, mais qui,
à mon avis, mériteraient une attention toute spéciale.
Une simple question d'information pour commencer. Vous avez parlé
tantôt d'une association qui regroupe environ 1300 jeunes, si j'ai bien
compris. Pourriez-vous me donner rapidement la ventilation de ces jeunes par
région? Le but de ma question, c'est de savoir s'il y a des
régions où vous êtes absents complètement ou
très peu représentés et de savoir s'il n'y a pas de
carence dans certaines régions du côté de la
relève.
M. Drapeau: Actuellement, il y a quatre régions où
on n'a pas de représentation, à savoir l'Abitibi, la
Gaspésie, Nicolet et la Mauricie, sauf qu'on peut vous dire qu'on y
travaille et qu'on prévoit qu'au cours de la prochaine année fort
probablement au moins trois de ces quatre régions auront un regroupement
régional, soit un syndicat à l'intérieur de notre
fédération ou autre, parce que notre objectif, ce n'est pas
d'avoir quatorze syndicats partout. Si c'était ça, ce n'est pas
compliqué dé partir un syndicat; notre objectif, c'est d'avoir
des syndicats qui savent pourquoi ils sont en syndicats et ce qu'ils veulent
faire.
Dans ce sens, on a des contacts avec les jeunes de ces régions,
mais la décision, ce sont eux qui la prendront; ce ne sera pas nous qui
la prendrons pour eux.
M. Picotte: Vous parliez plus loin d'une étude qui a
été faite chez des jeunes de la Mauricie, entre autres.
Là, vous dites qu'il n'y a pas de fédération; est-ce que
ça relève du mouvement Chrétien en milieu rural? Est-ce
que c'est ça qui est l'équivalent? Je ne veux pas parler
d'équivalence, mais...
M. Drapeau: Non, c'est le mouvement Chrétien en milieu
rural, de sa propre initiative et par l'intermédiaire de ses membres
agriculteurs adultes, qui a identifié trois régions, qui sont
Lanaudière, Nicolet et la Mauricie, pour faire ce sondage. Je pense
qu'il aurait pu prendre 3 autres régions et que ça n'aurait rien
changé.
M. Picotte: Pour l'Abitibi-Témiscamingue, je comprends
peut-être un peu plus qu'il n'y ait pas d'association, mais dans une
région comme la Mauricie, par exemple, qui est riche en relève
agricole habituellement et où il y a du dynamisme un peu, à
Nicolet aussi, pourquoi n'avez-vous pas de fédération là?
Est-ce parce que vous n'avez pas eu le temps de monter un groupe ou si c'est
parce que les jeunes n'ont pas
été conscientisés ou n'en ont pas senti le
besoin?
M. Drapeau: Non. Là-dessus, c'est bien simple. Si on
identifie des régions comme l'Abitibi et la Gaspésie, dans ces
régions-là, il y a des groupes de relève, des groupes
locaux de relève. Il y a des groupes, mais la difficulté de ces
jeunes à se donner un regroupement régional, ce sont les
distances. Quand il y a un groupe à un bout du Témiscamingue et
l'autre à l'autre bout de l'Abitibi, c'est plusieurs centaines de milles
pour réussir à se rencontrer. En Gaspésie, c'est la
même chose.
Pour les régions de la Mauricie et de Nicolet, le fait que nous
ne soyons intervenus d'aucune façon dans ces régions à
l'heure actuelle est dû, finalement, au fait qu'il existe,
particulièrement dans la région de Nîcolet, des groupes de
jeunes ruraux qui sont là depuis 30 ou 35 ans et qui regroupent des
enfants de 12, 13, 14, 15, 16 ans, mais qui regroupent aussi des individus, des
jeunes adultes de 16, 18, 20, 21, 25 ans. Ces groupes de jeunes ruraux n'ont
pas de préoccupation quant à la relève agricole, mais
nous, on a choisi de ne pas faire d'intervention dans ces régions pour
respecter ce qui existait déjà. On s'est dit: Si les jeunes
manifestent des besoins ou un intérêt à se regrouper dans
la relève agricole, ils savent qu'on existe, on a des contacts avec eux
et, n'importe quand, ils peuvent venir nous voir. Là-dessus, je peux
vous dire que, mercredi soir prochain, dans la Mauricie, à la demande
des jeunes - il existe trois groupes dans cette région - on va
rencontrer trois groupes de jeunes pour leur expliquer ce qu'on est et ce qu'on
fait.
M. Picotte: Vous avez le principe, dans ces coins, de courtiser
et non de violer.
M. Drapeau: Absolument.
M. Marcil: Je pense que les jeunes ruraux ont un rôle
important de formation au niveau social; ils sont très présents
et ils le jouent très bien. Ils jouent très bien leur rôle.
Ce serait même plaisant d'en avoir partout, je pense que cela ferait de
la relève à la relève.
M. Picotte: D'accord. Il y a quelque chose dans votre
mémoire qui est absent, à mon avis, et qui, lors de nombreuses
rencontres avec certains jeunes de ma région, a été
soulevé. Malheureusement, je n'ai rien vu dans votre mémoire
concernant la protection du territoire agricole. On sait très bien qu'il
est de plus en plus question, surtout pour la relève, quand ils veulent
s'approprier les terres, de morcellement de terre. Il n'est pas rare chez nous
qu'un agriculteur possède trois terres et que, finalement, le jeune qui
veut se lancer en agriculture ne puisse pas se permettre d'acheter les trois,
c'est trop gros, la valeur est trop forte. Souventefois, on demande un
morcellement dans le sens qu'on voudrait en avoir seulement une partie, une
partie qui est viable aussi parce que, forcément, elle est viable. Les
jeunes se butent à une réglementation qui est passablement
sévère et stricte. Est-ce qu'il a été porté
à votre connaissance des problèmes face à la
réglementation et à l'application de cette réglementation
au sujet de la protection du territoire agricole?
M. Marcil: Je pense que la toi a été faite pour
protéger les sols agricoles présentement et pour l'avenir. On est
très d'accord avec vous, mais vous dire qu'on a reçu des
problèmes vraiment des jeunes, qu'on en a parlé vraiment à
des assemblées et qu'on a étudié des cas, etc., non, ce
n'est pas venu. Il reste qu'il faut être très prudent parce qu'on
veut conserver nos terres. Il pourrait y avoir des modifications ou quelque
chose du genre pour faciliter des choses comme celles-là qui sont
vraiment typiques. Il faut se baser sur des faits réels et vraiment voir
le milieu parce que, si on morcelle une terre strictement pour en enlever une
partie qui est moins rentable que les autres, je pense que cela n'a
peut-être pas sa raison d'être.
M. Picotte: C'est évident qu'il y a une question de
rentabilité, je n'en discute d'aucune façon, sauf que vous
conviendrez avec moi que, de plus en plus, il n'est pas rare de remarquer dans
nos rangs, en milieu rural, des individus qui possèdent trois et quatre
terres sur des lots consécutifs. Quand arrive le temps de vendre cela,
c'est évident que, tout en exprimant le souhait et tout en s'assurant
qu'un morcellement soit viable pour un agriculteur qui veut s'y installer, il
reste que, chez nous, cela amène certains problèmes.
Souventefois, à cause d'une réglementation trop
sévère, on dit: II n'est pas question de morceler, puisqu'il
s'agit de morcellement, et le jeune doit acheter les quatre ou ne pas en
acheter du tout. C'est un problème réel qui existe, mais, de
toute façon, on n'a pas eu de représentations trop fortes
là-dessus jusqu'à maintenant.
Un autre point. J'aimerais savoir comment vous voyez le transfert des
fermes à gros capital d'une ferme, par exemple, de 1 000 000 $. Je ne
parle pas de financement parce qu'on les connaît, les problèmes de
financement, mais je parle surtout au point de vue de la gestion et au point de
vue technique. Est-ce que, chez vous, cela vous a inquiétés? Je
ne sais pas, il y a des fermes qui valent 1 000 000 $ et, quand arrive le temps
du transfert, c'est évident que le fils qui voudrait prendre la
relève du père dont la ferme vaut 1 000 000 $ a non
seulement des problèmes de financement, mais j'imagine qu'il a des
problèmes de gestion au point de départ et des problèmes
d'ordre technique aussi. Il n'y a pas de comité chez vous, il n'y a pas
d'études qui se font de ce côté? {11 h 15)
M. Marcil: Ce qui est clair pour la relève, c'est qu'on ne
vise pas à transférer des fermes comme cela. Mais ce sont de gros
problèmes que cela apporte au niveau des parents et des enfants. Il
reste que cette ferme est peut-être aussi rentable, et peut-être
plus rentable, qu'une plus petite, mais cela a peut-être
été monté, cette ferme, pour donner de l'ouvrage aux
jeunes, pour garder son monde. Il y a quelques années on disait: Les
fermes de groupe, c'est l'avenir, c'est là que la rentabilité va
se trouver et c'est là qu'on va avoir une qualité de vie,
surtout. Ces années-ci, on commence déjà à diminuer
et à dire: Ces fermes, si l'on peut les casser en deux pour qu'elles
restent aussi rentables, ce serait bon.
M. Picotte: C'est là le problème. Si, à un
moment donné, tu n'es pas capable de la morceler, qu'elle vaut 1 000 000
$ et que le jeune n'est pas capable de l'acheter tu risques de te retrouver
avec des situations qu'on a connues il n'y a pas si longtemps, où des
Européens venaient acheter des terres chez nous à gros prix. Non
seulement cela incitait à faire augmenter le coût d'achat des
fermes, mais ils arrivaient dans un contexte complètement
différent de celui auquel ils étaient habitués et,
même, ces gens ont de sérieux problèmes. J'ai eu à
mon bureau des Européens qui ont acheté des terres chez nous.
Là, ils viennent nous voir, ils se sentent lésés et ils
disent, tout simplement, que ce n'est pas le type ou le genre d'agriculture
qu'ils s'entendaient à avoir ici. D'autant plus que je suis un de ceux
qui prétendent qu'il faut de plus en plus que notre cheptel familial ou
agricole puisse être transféré ou revendu à des gens
du milieu comme tel pour le conserver, si on veut en arriver le plus possible
à la définition de fermes de type familial. C'est bien important
de le savoir. C'est pour cela que je me demandais si, effectivement, il y avait
eu des études de faites de ce côté.
M. Drapeau: M. Picotte, ce que l'on constate aussi, c'est
qu'habituellement, lorsqu'une ferme est rendue à une valeur de 1 000 000
$, les parents ont plus qu'une personne à qui la transférer.
S'ils ont monté leur ferme à cette grosseur, c'est qu'ils ont des
fils et des filles; il n'y en a pas juste un qui veut acheter la ferme. La
réflexion qu'on a faite à l'intérieur de nos structures
porte sur: Est-ce que c'est transférable? Mais aussi la réflexion
va porter surtout - même si cela l'était transférable - sur
ceci: À qui, la génération d'après, cette ferme
va-t-elle être transférable? Si l'on prend deux frères et
deux soeurs qui achètent une ferme de cette valeur, ils vont
probablement être obligés, pour rester concurrentiels, de la
grossir un peu; elle va prendre de la valeur et eux, qui sont quatre, vont-ils
la transférer à huit et, après cela, à trente-deux?
C'est cela, notre préoccupation. Les fermes de 1 000 000 $, elles sont
là, mais c'est la génération d'ensuite qui nous
préoccupe beaucoup plus que la génération présente,
au niveau de ce type de fermes.
M. Marcil: Justement, ce matin, je montais avec un producteur de
ma région qui travaille sur la ferme de moins en moins, mais il est avec
ses trois fils et il a une valeur d'au-dessus de 1 000 000 $. Il dit: Le
transfert est presque tout fait. Il dit: Moi, je me retire tranquillement et,
eux, ils vont en avoir un maudit travail, un maudit problème quand ils
arriveront pour transférer cela.
M. Picotte: Vous parlez, à la page 3, de cours qui sont
appropriés. J'ai dit depuis fort longtemps - et je continue à le
répéter - que le maître d'oeuvre dans la formation devrait
être le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation et non pas le ministère de l'Éducation, pour une
raison bien simple. Vous parliez des cours tantôt. C'est sûr que ce
n'est pas possible de dire: On fait des cours entre novembre et mars, quitte
à prolonger le cours de trois ans à cinq ans, parce que bien
sûr, dans les écoles qui sont sous la responsabilité du
ministère de l'Éducation, les cours normalement se donnent de
septembre à juin. En plus de cela, il y a la question des professeurs et
des horaires dans toutes ces choses-là. C'est pour cela que je persiste
à dire qu'il faudrait que le ministère de l'Agriculture soit le
maître d'oeuvre des cours et que ce soit uniquement les lieux physiques
qui soient rattachés à ce qu'on appelle la collaboration du
ministère de l'Éducation. Qu'on fournisse les lieux physiques,
qu'on fournisse cela au niveau des commissions scolaires, au niveau des
cégeps, d'accord, les institutions sont là, les bâtisses
sont là. Je pense que le maître d'oeuvre devrait être le
ministère de l'Agriculture en ce qui concerne justement la formation.
Cela éviterait aussi d'avoir - parce que j'ai vécu cela, comme
ancien directeur d'école - ce qu'on appelle le fameux "bumping". Je ne
suis pas certain qu'un professeur d'arts plastiques qui se retrouverait en
agriculture pourrait rendre vraiment service aux jeunes en formation agricole,
je ne suis pas sûr de cela, pas plus qu'un professeur de musique,
d'ailleurs. Avec le "bumping", avec tout ce qui se passe, on risque fort
d'avoir des déplacements d'enseignants qui ne viendraient
pas aider la cause des agriculteurs ou des jeunes agriculteurs en
formation.
J'aimerais que vous me disiez une chose. Par exemple, quand vous parlez
d'expérience pertinente, vous calculez qu'une certaine partie de
l'expérience du jeune qui a travaillé sur la ferme pourrait
être comptabilisée, j'imagine, à l'intérieur des
crédits de cours. Je crois que cela ne se fait pas présentement,
n'est-ce pas?
M. Marcil: Non, justement, quant à l'expérience,
pour tous les cours qu'on peut suivre de tous les côtés, il n'y a
pas de crédits de rattachés à cela. Je sais que,
présentement, il y a un comité - je ne sais pas quels sont les
intervenants, peut-être qu'André pourrait nous éclairer
là-dessus -qui étudie la possibilité d'émettre des
crédits. Que ce soient des cours par correspondance, des cours de
formation professsionnelle technique ou des sessions Bloc relève, etc.,
il n'y a aucun crédit de rattaché à cela. C'est pour cela
que, dans notre mémoire, on dit que 85% des jeunes en prennent de cela.
Du moment où vraiment il arrête ses études
académiques jusqu'à son établissement, je pense qu'il
prend une série de cours et, s'il y avait des crédits de
rattachés à cela, ce serait peut-être différent, le
portrait qu'on a.
Pour ce qui est de l'éducation rattachée au
ministère de l'Agriculture ou au ministère de l'Éducation,
je pense qu'une constatation qu'on fait partout dans nos structures, c'est que
plus cela va, plus l'éducation, les cours qui se donnent
présentement, la formation académique s'éloignent de la
réalité; que ce soit au niveau du ministère de
l'Éducation ou au ministère de l'Agriculture, cela
s'éloigne tranquillement. On dit qu'une cause à cela, c'est qu'il
n'y a plus un agriculteur qui est impliqué dans cette
structure-là. On dit: Quand les cours sont donnés dans les
bureaux, etc., même si les gars vont dans le champ au coton, on trouve
que les cours s'éloignent de la réalité.
M. Picotte: D'ailleurs, juste une petite parenthèse, j'ai
été directeur des cours aux adultes où on organisait
plusieurs cours du côté de la formation agricole et ces
cours-là étaient drôlement plus valables que nos cours
réguliers à l'école régulière parce que,
quand on avait besoin d'un agronome, on faisait venir un agronome; quand on
avait besoin d'un gestionnaire, on faisait venir un gestionnaire; quand on
avait besoin d'un mécanicien - il y avait 15 ou 20 heures
accordées à la mécanique agricole, entre autres, pour
aider l'agriculteur à se débrouiller, à réparer ses
différentes machines - on faisait venir un mécanicien. À
ce moment-là, c'était drôlement plus intéressant et
beaucoup mieux appliqué à la réalité du milieu.
M. Drapeau: Il y a deux éléments dans votre propos
que j'aimerais souligner. Vous nous parlez des problèmes que cela peut
poser avec les professeurs. J'ai deux anecdotes que je pourrais vous compter
qui sont réelles, qui ont été vécues cette
année. Le jeune fils d'un producteur laitier se lève le matin et
va faire le train; puis, il s'en va suivre son cours en agrotechnique à
l'école. Il fait cela tous les matins, le train, lui, depuis X
années. Il arrive dans la classe et il se fait montrer comment traire
une vache avec une vache en plastique dans la classe. Bien, ce jeune-là,
il y a bien des chances qu'il n'aille pas à l'école longtemps, il
va la lâcher, l'école.
Une autre anecdote du même type que je peux vous conter; ce ne
sont pas des farces que je vous conte, c'est arrivé pour vrai. Dans une
autre région, les jeunes s'en vont à leur cours de
mécanique agricole. Ce cours-là montre aux jeunes la
mécanique d'un tracteur. Le professeur ne savait même pas
où mettre le gaz diesel dans le tracteur. Les jeunes le savaient, eux
autres.
M. Picotte: Ce sont des choses qu'on a vues
régulièrement. Au moins si la vache était comme un ballon
gonflable, il y aurait un certain émerveillement, toujours, plutôt
que d'avoir une vache en plastique. Mais tout ça pour dire qu'on se
demande pourquoi les jeunes sont plus ou moins intéressés
à la formation. Ils seraient intéressés, mais encore
là faut-il les amener dans des lieux intéressants aussi.
M. Drapeau: Nous, quand on vous parle de la reconnaissance des
acquis pratiques, c'est de ça qu'on vous parle. Des affaires comme
ça, tout ce que ça fait, c'est que le jeune, ça lui arrive
deux ou trois fois et, après ça, il dit: Maudite "marde", moi, je
n'ai plus rien à apprendre là, je m'en vais.
M. Picotte: On a vécu les mêmes expériences,
dans ce cas-là!
M. Drapeau: Un autre élément. Vous nous dites: Ne
serait-il pas pertinent que ce soit le ministère de l'Agriculture qui
soit le maître d'oeuvre de l'enseignement agricole'' Ce que l'on
constate, c'est que le ministère de l'Agriculture est le maître
d'oeuvre au niveau des deux ITA et il n'y a rien de plus pareil qu'un ITA et un
cégep. Il y a des petites différences, mais en termes de
possibilités pour un jeune et de contenu adapté à sa
réalité, ce n'est pas évident qu'il a des grosses
différences.
M. Picotte: Vous parlez de l'éloignement à un
moment donné. C'est sûr
que c'est un problème. Quand le type, par exemple, s'en va
à La Pocatière pour suivre un cours, le père n'a pas
toujours les moyens de se dispenser de cette main-d'oeuvre agricole si
importante qu'est le fils pour l'aider dans ses travaux de la ferme. On sait
que Je type, par exemple, qui part de la Mauricie pour aller à La
Pocatière, chez nous, il ne vient sûrement pas toutes les fins de
semaine en plus chez ses parents, à cause des distances.
Est-ce que ça veut dire, par le même fait même, que
vous favoriseriez qu'il y ait plus d'institutions ou, en tout cas, qu'on donne
plus d'options agricoles dans chacune des régions?
M. Drapeau: Cela veut dire que, longtemps, on a favorisé
ça. Mais, ce qu'on constate aujourd'hui, c'est qu'il y a eu une certaine
consolidation au niveau, par exemple, des options collégiales offertes.
Il existe de plus en plus de cégeps qui offrent l'option agricole. Je
pense qu'aujourd'hui on est rendu à un stade où on doit
peut-être pas ouvrir de nouvelles options collégiales agricoles,
mais au moins prendre les moyens pour que celles-là soient remplies.
M. Picotte: À la page six, vous dites: "En ce qui a trait
aux répondants régionaux en formation agricole des maisons
d'enseignement, nous percevons leur mandat comme étant de
répondre aux différents besoins en formation agricole
exprimés dans le milieu. " Vous dites, à un moment donné:
"Ils ne sont pas en mesure de jouer un rôle aussi
prépondérant que les autres intervenants auprès des
jeunes. " C'est quoi, le rôle qu'ils devraient jouer?
M. Drapeau: On ne pense pas que les répondants en
formation agricole font mal leur "job". On pense qu'il la font, finalement,
très bien. Mais compte tenu que la relève agricole n'est pas la
seule clientèle avec laquelle ils font affaires - ils font affaires
aussi avec les producteurs eux-mêmes - on pense, nous, que c'est par une
concertation de l'ensemble des intervenants régionaux, à savoir
le répondant en formation, le responsable régional du
ministère, le responsable de la relève de l'UPA, pour
définir les besoins des jeunes que le répandant va réussir
à très bien faire sa "job". Il y a des régions où
les répondants en formation agricole sont très bien
branchés sur la relève. Malgré qu'ils doivent faire bien
plus que du travail auprès de la relève, ils réussissent
à très bien faire leur "job" pareil, parce qu'ils sont
associés étroitement avec les autres intervenants. Mais il y a
d'autres régions où l'association se fait moins bien et,
là, il peut surgir certaines difficultés.
M. Picotte: Vous parlez du ministère comme d'un
interlocuteur fort valable. Est-ce que vous trouvez que le ministère
joue pleinement son rôle, lui aussi? Y a-t-il peu, moyennement ou
beaucoup de place à amélioration encore?
M. Marcil: Moyennement. Comme on le disait tout à l'heure,
cela marche avec les individus et des régions. Cela marche avec le
dynamisme des gars.
M. Picotte: II n'y a pas d'uniformité, autrement dit. Cela
dépend des régions. On est plus favorable dans certaines
régions que dans d'autres.
M. Marcil: C'est ça.
M. Picotte: II n'y a pas une uniformité d'intervention
comme telle?
M. Marcil: C'est ça. Peut-être que le vouloir est
là, mais il y a bien des facteurs qui font que ce n'est pas comme
ça, que ça soit à cause de la disponibilité ou du
vouloir du gars, proprement dit. (11 h 30)
M. Picotte: À la page 9, vous dites: "Le comité,
dont la fédération fait partie, a tenu sa première
rencontre en février 1984", à la suite du colloque sur la
formation de la relève agricole tenu en mars 1983. En février
1984, un an plus tard, une première rencontre. "Il a
élaboré une campagne de promotion qui a débuté en
novembre dernier", huit mois après. Parlez-nous donc un peu de cette
campagne de promotion. Elle est bien faite, elle est à votre goût,
elle est suffisante, elle devrait être orientée d'une autre
façon ou si ses orientations satisfont?
M. Drapeau: Nous, on pense qu'elle est bien faite. Les
éléments de la campagne ont été
particulièrement la pièce du théâtre Parminou; par
exemple, dans la Terre de chez nous, un supplément sur la formation et
différents dépliants. L'importance de cette campagne a
été une concertation des intervenants régionaux pour
sensibiliser le monde agricole à la promotion. Ce qu'on vous dit dans
cette page, par exemple, c'est que, si le travail de ce comité devait
s'arrêter là, ça, ce serait des plus déplorable
parce que, pour une fois qu'une majorité des intervenants en formation
agricole sont assis à la même table, on pense qu'ils ont à
faire plus qu'une campagne de promotion. Une campagne de promotion,
c'était important et peut-être indispensable, mais le
comité ne doit pas s'arrêter là, il doit continuer à
faire son travail.
M. Picotte: Est-ce que c'est terminé ou si ça doit
se terminer bientôt, cette campagne de promotion?
M. Drapeau: On n'est pas en mesure de répondre à
cela parce qu'on ne le sait pas, On souhaite qu'il se poursuive.
M. Picotte: J'imagine qu'il doit y avoir un budget de
rattaché à ça? Vous ne le savez pas non plus.
M. Drapeau: On souhaite que le travail se poursuive et si on voit
que le comité est pour arrêter ses travaux, si le comité
est pour mourir, on va faire des pressions pour qu'il continue.
M. Picotte: Est-il exact de penser qu'une des difficultés
à inciter des jeunes à se lancer en agriculture, c'est le fait
que souventefois ceux qui sont victimes des faillites agricoles sont les
jeunes, après huit ans, neuf ans, dix ans d'exploitation, bien souvent.
En tout cas, ça nous a été rapporté dans un
mémoire que les victimes de faillites étaient plutôt en bas
âge. Cela se comprend un peu parce que j'imagine que l'agriculteur qui a
moins d'emprunt, qui est producteur agricole depuis 20 ans, 25 ans ou 18 ans, a
les pieds plus solides, comme on dit, au point de vue des finances, que le
jeune qui commence. On dit généralement que les faillites se
situent après huit, dix années d'exploitation. Cela veut dire,
forcément, que souventefois les jeunes réalisent qu'ils ont
travaillé dix ans, sept jours par semaine, de nombreuses heures par jour
et, au bout de dix ans, ils se retrouvent vis-à-vis de rien. Bien
souvent, le lopin de terre que le père lui avait donné, c'est
l'Office du crédit agricole qui s'en va avec.
Est-il exact de penser que les faillites touchent beaucoup plus les
jeunes en milieu agricole?
M. Marcil: Nous, on le constate par les chiffres, puis on le voit
aussi dans les régions. C'est déplorable, mais c'est aussi
dû au fait que, quand on est jeune, on est dynamique, on est
prêt à mettre de l'argent dans des choses, parfois, dont on n'est
pas sûr encore. Il y a un manquement au niveau de la gestion,
sûrement, puis de l'information et de la formation. Je pense que, si les
gars prenaient le temps de s'asseoir et de réaliser ce qu'ils font, ils
verraient que même s'il y a de belles subventions attachées au
bout, l'investissement sur le capital, un jour, il faut que tu le paies.
C'est ce qui arrive. Les premières années, ça ne va
pas trop mal, les gars veulent améliorer leur efficacité et leur
qualité de vie, et tout à coup ça commence à moins
bien aller. Mais on n'a pas de chiffres là-dessus pour dire: C'est
vraiment tel pourcentage ou tel pourcentage.
M. Picotte: Les 300 000 $ sur les gains de capital - cela a
été indexé de 100 000 $ à 500 000 $ au dernier
budget Parizeau -pourquoi est-ce que ce n'est pas suffisant? On nous a dit
qu'on venait presque de solutionner tous les problèmes en passant de 100
000 $ à 300 000 $. Si un gars vend sa terre 400 000 $, il est imposable
seulement sur 100 000 $ et ça devient une infime partie, ce qu'il a
à débourser.
En tout cas, les gens qui sont venus nous rencontrer ne semblent pas
dire que 300 000 $... Même certains comptables m'ont déjà
dit - mais je n'ai pas fait le calcul et je le dis sous toute réserve -
que, finalement, entre 100 000 $ et 300 000 $, ça ne donnait à
peu près rien du point de vue fiscal.
M. Drapeau: M. Picotte, 300 000 $, nous, on pense que,
aujourd'hui, c'est suffisant. On dît, par exemple, qu'il ne faudrait pas
que cela reste à 300 000 $ pendant dix ans. Notre demande est la
suivante: 300 000 $, aujourd'hui, ça va, si l'État refuse
toujours d'abolir cet impôt sur les dons. Mais on dit: Si vous refusez
toujours de l'abolir, indexez-le, ce montant à tous les trois ans. Parce
que, aujourd'hui, il correspond à la réalité, mais dans
trois ou cinq ans, si c'est encore 300 000 $, il risque de ne plus correspondre
à la réalité.
Des comptables nous ont aussi dit qu'il y avait une possibilité,
si les parents se mettaient en société, que le don ne soit plus
de 300 000 $, mais de 600 000 $, que chaque parent pouvait peut-être
faire ce don de 300 000 $. Cela fait que nous, on pense que, aujourd'hui, 300
000 $, ça colle assez bien à la réalité. Mais dans
cinq ans, si cela n'a pas bougé, cela ne collera plus.
M. Picotte: En ce qui concerne la possibilité des deux
parents à 300 000 $, il y a des gens qui ont des opinions contraires
là-dessus et qui disent que ce n'est pas possible, à moins qu'ils
ne décèdent tous les deux en même temps ou des choses
semblables à ça. En tout cas, ça semble obscur un peu.
Mais 300 000 $, ça semble vous satisfaire si, évidemment, on
disait qu'est rattachée à ça une espèce de
phénomène de compensation par l'indexation.
Comme le temps presse et qu'il ne me reste presque plus de temps, quatre
minutes - mon Dieu, il y avait encore pas mal de questions à poser, mais
en tout cas - je vais vous faire certains commentaires. Du côté du
taux d'établissement, vous avez demandé que le jeune agriculteur
ait le choix, encore, entre prendre le montant à l'établissement
ou encore les 50 000 $ de prêt sans intérêt. Moi, je vous
assure que l'Opposition fera ce qu'elle a fait, l'an passé, en
espérant que ça ne se rendra pas à trois heures du matin
comme ça s'est produit à la dernière session.
J'espère qu'on finira par convaincre, à force de lui tordre les
bras, le principal intéressé,
qui est le ministre, et à obtenir que le jeune ait encore le
choix là-dessus. Je pense que vous pouvez compter sur notre
collaboration. Dans le but de l'obtenir, peut-être, pour l'automne, on va
commencer à le demander tout de suite au mois de mars, pour essayer de
convaincre le ministre de l'Agriculture là-dessus. J'espère qu'il
ne sera pas aussi difficile à convaincre qu'il l'a été la
dernière fois.
Je suis certain que le député de Saint-Jean va m'aider
là-dessus, parce qu'il connaît encore plus que moi son
ex-collègue.
M. Proulx (Saint-Jean): J'ai l'oreille du ministre!
Une voix: C'est beaucoup dans son cas!
Une voix: Tu as du poids de ton bord.
M. Picotte: Il faudrait parler fort. De toute façon, s'il
reste quelques minutes, moi, je m'arrête immédiatement au cas
où un de mes collègues aurait une autre question un petit peu
plus tard, pour lui laisser au moins le temps de poser une question. Je vous
remercie et je vous assure de notre collaboration la plus entière.
Le Président (M. Vallières): Merci. M. le
député de Kamouraska-Témiscouata.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Merci, M. le
Président. En lisant votre mémoire tout à l'heure, je
crois que ça a été fait un peu en collaboration aussi avec
l'UPA, parce qu'on sent que les deux mémoires se recroisent et les
idées dites différemment reviennent pas mal toujours au
même but.
Le député de Maskinongé, tout à l'heure,
soulevait la question des distances. Exemple, l'ITA de La Pocatière
versus Gaspé, Bonaventure, Rimouski, même. Des étudiants de
l'Est du Québec viennent à l'ITA de La Pocatière. On sait
que l'ITA de La Pocatière - on prêche toujours pour son clocher -
est une des meilleures institutions d'enseignement agricole. J'en suis
très fier, d'ailleurs.
Mais je rencontrais lundi dernier des jeunes qui font partie de votre
groupement chez nous qui sont très actifs. On parlait aussi de pouvoir
mettre comme un prêt-bourse pour les jeunes étudiants
éloignés. Je ne l'ai pas vu dans votre mémoire. Mais ils
sont venus me le dire, à moi, pour que je soulève la question
ici. C'est un genre de bourse comme tout étudiant, dans d'autres
secteurs, peut en obtenir. Mais il arrivait le problème des revenus nets
des parents agriculteurs qu'on va comptabiliser. Alors, qu'est-ce que vous
pensez de ce genre de prêt-bourse que pourraient obtenir tes jeunes qui
veulent s'établir en agriculture, comme tout autre étudiant dans
d'autres domaines?
M. Marcil: Justement sur cela, il faut que cela soit
équitable puisqu'on sait que, depuis deux ou trois ans, les
prêts-bourses au niveau des enfants d'agriculteurs, c'était
très difficile. Tu étais obligé de quasiment montrer tes
fesses aux responsables de ce programme pour obtenir de l'aide et encore! Mais
là il y a un document, qui est rendu, je crois, sur la table du
ministre, qui améliorerait de beaucoup ces choses pour que la loi soit
plus équitable envers les agriculteurs. On pousse sur ce dossier et on
participé à...
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Il y a des
pressions de faites sur cela et présentement les demandes sont faites au
ministre.
Une voix: Le ministre de l'Éducation.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Le ministre
de l'Éducation.
M. Marcil: Vous voulez apporter aussi une aide spéciale
pour l'éloignement et tout cela, peut-être. Ce n'est pas encore
venu à la fédération. .
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Si vous
partez de Gaspé et que vous êtes pensionnaire à La
Pocatière pour participer à un cours de gestion ou de formation
ou peu importe, c'est assez dispendieux le logement, la nourriture, etc. Cela
intéresse moins les jeunes à vouloir avoir une formation dans ce
sens, alors qu'ils peuvent bénéficier des fois d'autres cours et
aller dans un cégep et n'être plus à la charge de leurs
parents.
M. Marcil: Notre intervention actuellement vise beaucoup plus
à essayer de rendre le système de prêts-bourses actuel
équitable entre du monde ordinaire et des enfants d'agriculteurs. Le
problème est centralisé, je pense, surtout au niveau de la
capitalisation qui est considérée dans l'octroi de
prêts-bourses à un enfant d'agriculteurs, la capitalisation de ses
parents. Évidemment avant d'avancer une mesure comme celle que vous
proposez, je pense qu'on doit essayer de régler ce qui existe
déjà. C'est une chose intéressante et qui a
déjà commencé à être examinée dans
certains de nos syndicats, une aide spéciale. Mais avant de commencer
à parler d'une aide spéciale, on se doit de régler le
problème actuel, à savoir que la capitalisation est
considérée dans les revenus des parents au niveau de l'octroi de
prêts-bourses aux enfants.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Une
deuxième question. Vous savez que l'office va être appelé
ou devrait être appelé
à jouer un grand rôle au niveau de la relève
agricole. Je ne sais pas comment vous percevez l'Office du crédit
agricole. Vous parliez tout à l'heure d'avoir trois ou quatre
professionnels au niveau de l'agriculture pour donner de la formation, des
renseignements techniques, etc. Comment percevez-vous l'Office du crédit
agricole éventuellement au niveau de la relève comme cheval de
bataille? Est-ce que vous percevez cela comme réellement des
conseillers? Est-ce là qu'il devrait y avoir des conseillers ou
plutôt est-ce un adversaire contre vous pour sauvegarder ou être le
chien de garde des deniers publics? Je ne sais pas comment vous voyez l'Office
du crédit agricole dans votre cheminement.
M. Marcil: Oui, justement. Au niveau de l'Office du crédit
agricole, je pense que les conseillers qui sont là dans le champ...
J'aimerais parler. Quand un jeune arrive là, le gars s'assoit comme il
faut, il fait attention bien plus qu'à un gars qui a déjà
une terre et qui voudrait acheter pour un agrandissement ou quelque chose comme
cela. Le conseiller, il est perçu - c'est compréhensible un peu -
comme vous dites, plus comme un gars qui va freiner qu'un gars qui va vraiment
aider. Justement, le problème d'une partie de l'Office du crédit
agricole, c'est qu'on ne peut plus appeler cela des conseillers en financement.
Ils conseillent en financement, mais après que c'est fait, ils ne
peuvent plus te donner de coup de main, ils ne veulent plus te donner de coup
de main trop, trop.
Au niveau des régions et des bureaux locaux, il y aurait
peut-être de l'amélioration à faire. S'ils manquent de
temps, s'organiser pour qu'ils en aient plus pour vraiment conseiller, donner
des conseils et faire des suivis plus appropriés. On n'est pas contre
les suivis parce que les jeunes que je rencontre qui ont eu des prêts
suivis - je ne sais pas si c'est cela le mot - des prêts
surveillés disent que c'était très bon. Cela leur a mis
les deux pieds dedans et cela les a obligés à apprendre des
choses dont ils ne voyaient pas l'importance comme le contrôle laitier,
etc. Cela les a obligés à cela. Les gars aujourd'hui disent:
Maintenant que j'ai les deux pieds dedans, j'ai vu l'importance de toutes ces
choses.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Pour
prévenir certaines erreurs.
M. Marcil: C'est cela.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): S'ils
n'avaient pas eu ce suivi, ils auraient pu tomber dans le panneau.
M. Marcil: Oui. (11 h 45)
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Alors, je
pense que l'office pourrait jouer un rôle plus grand, d'après vos
réponses. L'office devrait avoir des gens, non seulement des conseillers
en finance, mais aussi des conseillers en gestion qui pourraient orienter les
jeunes qui veulent se lancer et leur dire: Bien, écoute, peut-être
pas cela, tu serais peut-être mieux dans une autre orientation, et lui
donner tous les détails et les conséquences. Advenant que le
jeune a un prêt, de le suivre. C'est comme cela que le cheminement se
ferait, sur une longue période, ce serait plus stable pour les jeunes en
agriculture. C'est un peu dans ce sens-là que vous voyez cela et non pas
que l'office est là pour épargner les deniers publics, avec le
gros bâton et la règle et, si tu ne fais pas... Surtout, comme
vous le disiez, s'il en arrive un avec une belle barbe et les cheveux longs,
qui veut avoir un petit morceau de terre, c'est mal perçu, je pense.
M. Drapeau: J'espère que vous n'avez rien contre les
belles barbes.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Non, non,
cela a toujours eu sa qualité, sa beauté. Alors, je vais
céder la parole à d'autres.
Le Président (M. Vallières): Avant de passer au
député d'Arthabaska, on procède un peu par alternance;
alors, on aura vidé l'enveloppe. À ma gauche, il resterait deux
minutes. M. le député de Saguenay.
M. Maltais: Question très brève. Vous avez
touché un petit peu le temps partiel dans votre mémoire,
l'agriculteur à temps partiel. Vous voyez cela comment,
brièvement?
M. Marcil: On parle de l'aide qu'il a. On a une vision qui nous
fait penser un peu à l'avenir, présentement. C'est que, dans
certaines productions et peut-être dans toutes les productions, un jeune
qui veut se partir, il faut qu'il ait de l'équité, surtout dans
les productions qui sont non contingentées parce que, dans une
production contingentée, tu es capable d'établir comment tu vas
sortir au bout d'une année normale, alors que, dans une production non
contingentée, c'est plus dur. Tu peux le prévoir, mais vraiment
le définir en piastres, c'est pas mal plus dur. C'est pour cela qu'on
dit: Je ne sais pas s'il y en a beaucoup au Québec qui sont
montés où ils sont par le père et des voisins, qui sont
montés juste avec le travail de la ferme. Peut-être que le
contexte favorisait cela plus que présentement; présentement, ce
n'est pas faisable. Pas faisable, ce n'est pas le mot. C'est faisable encore
dans certaines productions et avec une certaine aide.
M. Maltais: D'accord, merci.
Le Président (M. Vallières): Très bien. M.
le député d'Arthabaska.
M. Baril (Arthabaska): Oui, merci. J'aimerais féliciter
les membres de votre mouvement pour l'implication que vous avez de plus en
plus. Je sais que, dans la région de Nicolet, dans le comté
d'Arthabaska, il y a le mouvement de la relève agricole qui est
très actif, qui se réunit souvent et qui fait un travail pas mal
extraordinaire. Je pense que c'est important parce que c'est un son de cloche
nouveau au sein d'abord de l'UPA et au sein également du gouvernement et
qu'il est important d'écouter.
Sur ce point, votre mémoire m'a surpris un peu parce qu'au niveau
du financement et au niveau des taux croissants... En tout cas, vous avez
donné l'explication, tout à l'heure. Celui de l'UPA est encore
plus avantageux que le vôtre, mais moi, je vais vous le dire franchement,
j'aurais aimé que vous alliez encore plus loin que cela. J'aimerais vous
entendre, dans le sens que, si on regarde ce que vous où l'UPA propose,
c'est quand même sur la période des dix premières
années; c'est avantageux. Après cela, tu tombes à un taux
d'intérêt de 8%. Mais vous qui êtes là pour
représenter, défendre la relève, j'aimerais vous entendre
parler pour voir si vous en avez discuté, si vous avez
élaboré différentes façons pour que le taux
d'intérêt... On va s'en tenir, admettons, aux dix premières
années, cela peut être huit, mais on peut s'entendre
là-dessus. Que le taux d'intérêt soit encore
inférieur à ce que vous et l'UPA proposent, que ce soit de 0%
à 1%, 2%, je ne sais pas. Que le taux d'intérêt,
après 10 ans, croisse beaucoup plus rapidement, qu'il suive la
progression de la rentabilité de la ferme, ce qui aurait comme
conséquence que l'agriculteur de 10 ans... Plus il atteint sa
rentabilité, plus il est capable de payer le taux
d'intérêt. Pour le gouvernement, parce que tu es toujours
poigné dans des enveloppes budgétaires, cela en ferait encore
plus pour donner à la relève, pour aider les jeunes qui
commencent. C'est pour cela qu'au début on pourrait peut-être
même être à 0% d'intérêt, pour les
premières années, et après cela celui qui est là
depuis 10 ou 15 ans est capable de payer plus cher, de toute façon.
J'aimerais vous entendre parce que j'aurais souhaité que votre
mémoire aille peut-être encore plus loin. Au sein de l'UPA, on en
a parlé avec les gens et ils disent: II n'y a pas seulement les
gouvernements qui font de la politique, les unions aussi en font. Nous,
politiquement, on n'est pas capable de faire accepter cela parce que la
majorité de nos membres, ce sont des agriculteurs qui sont en place
depuis un bout de temps. J'aimerais vous entendre.
M. Marcil: On va essayer de rassembler tout ce qu'on peut avoir
là-dessus. Je pense que ce serait l'idéal, mais il faut rester
logique. On a notre idée: On ne veut pas être des quêteux
bien longtemps. Si l'agriculture donne 4% de rentabilité, pourquoi
n'aurions-nous pas un taux d'intérêt de 4%? Ce serait le mieux? Il
reste que, si l'économie en général dit que l'argent, il
faut que cela serve à telle chose, on n'est pas censé être
pire que d'autres classes de la société. Je m'y perds un peu, je
ne sais pas si André aurait quelque chose à dire
là-dessus.
M. Drapeau: Si on était arrivé devant vous en
proposant 0% pour sept ou huit ans et en remontant de 1/2% jusqu'à
quinze ans, pour atteindre le taux, je ne suis pas sûr que notre
crédibilité n'en aurait pas pris un coup. Ce que vous dites,
c'est évident que c'est souhaitable, mais, quand on regarde les contenus
des mémoires qui vous ont été présentés et
qui vont vous être présentés, il y en a qui vont vous
proposer d'abolir la bonification du crédit agricole pour mettre l'aide
à d'autres niveaux.
Nos membres ont élaboré le contenu de ce mémoire.
On pense que le taux croissant, c'est une chose intéressante et nos
membres le pensent évidemment, ceux qui en ont déterminé
le contenu. Que le taux parte à 1% et qu'il augmente de 1/2% par
année, c'est encore mieux que s'il part à 3%, sauf que, comme je
vous dis, on a essayé de faire des demandes qui, par rapport au contexte
actuel et par rapport aux autres mémoires qui vont vous être
présentés, collaient à une certaine réalité.
Plus les gens en auront, mieux cela sera; c'est bien évident.
M. Baril (Arthabaska): Le but de ma question - je n'ai
peut-être pas été assez clair - est de savoir si vous
seriez prêts à accepter que plus la ferme d'un agriculteur est
rentable, que cela dépasse le taux fixé à 8%, que cela se
rapproche de plus en plus du taux courant. C'est là ma question. Cet
agriculteur sera capable de payer et cela en ferait plus pour donner aux
jeunes, pour les aider. Il ne faudrait pas penser qu'on traiterait les jeunes
de quêteux pour autant. Ce n'est pas cela du tout.
M. Drapeau: Je pense qu'une proposition comme celle que vous
faites serait très acceptable, dans la mesure où l'agriculteur
reçoit pour son produit des montants qui correspondent à ses
coûts de production. Si on regarde le contexte actuel, il n'est pas
évident que la bonification doit s'arrêter après dix ou
quinze ans. Les agriculteurs, dans la majorité des productions, ne
reçoivent pas encore les prix qui correspondent à leurs
coûts de production.
M. Baril (Arthabaska): Tout le monde reconnaît aussi que
l'agriculteur qui commence a plus de difficulté que celui qui est
là depuis dix ou quinze ans.
M. Drapeau: Oui, d'accord.
M. Baril (Arthabaska): Dans votre mémoire, vous parlez de
la formation. Pourquoi, selon vous, n'y a-t-il pas plus de jeunes prêts
ou intéressés à suivre et à obtenir une certaine
formation qui est nécessaire?
M. Drapeau: Dans notre mémoire, à la page 2,
deuxième paragraphe, on identifie certains éléments,
à savoir la mentalité des parents, les difficultés de
remplacement, l'éloignement, le contenu de la formation, la distorsion
de la théorie par rapport à la pratique et le manque de souplesse
des périodes de formation. Le colloque qui a eu lieu en mars 1983 avait
précisément comme objectif d'identifier les principaux obstacles
à la formation, tant dans la vie quotidienne que les obstacles
institutionnels. Je pense qu'il y avait un bon nombre d'intervenants qui
participaient à ce colloque et les obstacles ont été
identifiés. Nous avons relevé des résultats de ce colloque
ceux qui nous apparaissaient les plus importants.
M. Baril (Arthabaska): Selon vous, passer de trois à cinq
ans pour la période de temps, cela avantagerait-il les jeunes?
Aimeraient-ils mieux planifier leurs cours sur cinq ans que sur trois ans?
Pensez-vous que cela serait un avantage?
M. Drapeau: On a apporté cela comme un
élément de solution. On n'a pas la prétention que notre
mémoire apporte tous les éléments de solution. On peut
vous dire que notre syndicat de relève de la région de
Québec fait actuellement, avec une subvention qu'il a obtenue de
l'État, une enquête assez serrée là-dessus
auprès des jeunes et des parents. À la suite des résultats
de cette enquête, c'est évident que nos positions vont se
renforcir, probablement se modifier et s'améliorer aussi. Nous, on a
travaillé à partir de ce que les gens nous disaient, mais il y a
une enquête plus sytématique et plus serrée qui se fait
là-dessus, et vous allez en entendre parler, vous pouvez compter sur
nous.
M. Baril (Arthabaska): C'est bien beau de parler de la formation
des jeunes, mais vous faites allusion, d'ailleurs, à la formation ou
à la préparation des parents ou des vendeurs de leur entreprise,
éventuellement. Est-ce qu'actuellement vous pensez qu'il se dispense
assez de cours ou d'information? Autant au niveau du jeune qui veut acheter,
ça prend une préparation, une formation, autant ça en
prend pour préparer le vendeur à différentes formes de
transaction. Est-ce que, selon vous, ce qui se dispense actuellement est
suffisant pour, je vais dire, les vendeurs?
M. Marcil: Dans certains cas, c'est le fils qui y conduit les
parents; parfois, c'est le contraire, ce sont les parents qui y vont et qui
amènent leur fils. Il y en a; peut-être qu'il pourrait y en avoir
de plus poussés ou préparés plus à l'avance, mais
c'est encore dur parce qu'il reste qu'il y a une mentalité. Comme il n'y
a pas vraiment de structures ou de choses qui favorisent le transfert, c'est
plutôt le père qui dit: Moi, je vais l'établir, mon fils.
C'est comme ça; et s'il n'a pas trop le goût de l'établir,
il va "débâtir" sa ferme et il va la vendre à l'encan.
C'est plutôt une volonté.
Mais dans une ferme où les jeunes poussent fort et sont
impliqués, que ce soit dans n'importe quelle structure, ils
amènent les parents à des cours, à de la formation qui est
nécessaire au transfert.
M. Baril (Arthabaska): Les structures de fermes de groupe et de
société, est-ce que c'est assez connu par les jeunes pour qu'ils
puissent essayer de se regrouper, de former une société, une
compagnie quelconque, ou si les jeunes en général aiment mieux
être seuls dans l'entreprise, ou si c'est parce que ces formules ne sont
pas assez connues?
M. Marcil: C'est dur de dire le pourquoi de cela. Je ne
l'affirmerais pas, mais je suis pas mal sûr que tous les jeunes
aimeraient mieux être seuls sur leur ferme.
M. Drapeau: Une chose qui n'aide pas non plus, c'est que les
formules actuelles, à savoir la société et la compagnie,
ne collent pas toujours aux besoins et à la réalité de
l'entreprise agricole qui est en transfert, ce qui fait que, peut-être,
à l'occasion, des jeunes seraient intéressés à
utiliser la compagnie ou la société, mais souvent il y a des
blocages à ce niveau-là parce que ça ne correspond pas
à leur réalité à eux.
M. Baril (Arthabaska): Si vous pouvez me permettre une courte
question, je ne sais pas à quelle page, mais vous avez fait mention de
chiffres qui démontrent que c'est à peu près égal,
ceux qui profitent des 50 000 $ et des 8000 $. Pourquoi est-ce qu'il n'y en a
pas plus qui profitent des 50 000 $? Est-ce que c'est parce que ce n'est pas
accessible?
M. Marcil: C'est parce que c'est moins rentable que les 8000 $,
sûrement; je suis certain que ce sera plus rentable. Comme les 8000 $ ne
touchent pas à la transférabilité, ce que son père
a déjà, s'il en reste un bon
montant à 2, 5%, si le taux est collé à 6% ou
à 7%, ça aide le jeune. Si une compagnie ou une
société se forme, elle a droit à deux fois 8000 $ ou
à trois fois 8000 $. Ils ont 20% des parts. Ils ont droit à
chacun une partie. S'ils ont seulement 20% des parts, ils ont seulement 20% des
50 000 $. Effectivement, s'ils sont trois, ils ont 60% des 50 000 $.
M. Drapeau: Si vous me permettez, nos chiffres, nos analyses
là-dessus nous démontrent que la réalité, c'est
moitié-moitié. Les analyses qu'on a faites là-dessus nous
démontrent que, dans à peu près la moitié des cas,
les 8000 $ sont plus avantageux pour des cas de transfert et, dans l'autre
moitié, les 50 000 $ sont les plus avantageux. Il n'y a rien qui
ressemble moins à un établissement que l'établissement
d'à côté. Chaque cas est particulier, et je pense que
chaque individu fait l'analyse de ce qui est le plus avantageux pour lui. Les
chiffres sont là pour nous démontrer ce qu'on vient de vous
dire.
M. Baril (Arthabaska): Pour terminer, je crois que, tout à
l'heure, on s'inquiétait à savoir si le ministre allait prolonger
ce délai, mais je pense qu'à la veille d'une élection ils
seront plus tentés de prolonger le délai.
Une voix: J'espère!
Le Président (M. Vallières): Merci, votre temps est
écoulé. Je voudrais remercier la Fédération de la
relève agricole du Québec pour la présentation de son
mémoire et l'éclairage qu'elle a apporté aux membres de la
commission. (12 heures)
Fédération de l'UPA des
Laurentides
J'inviterais maintenant la Fédération de l'UPA des
Laurentides à bien vouloir s'approcher. Je pense que M. le
président est présent, on va lui demander d'identifier son
équipe. Je voudrais immédiatement vous indiquer que votre
mémoire est très volumineux, que nous disposons d'une heure afin
d'entendre votre mémoire et de pouvoir vous interroger. Je ne sais pas
dans quelle mesure cela vous serait possible de ne prendre qu'environ vingt
minutes pour présenter votre mémoire, afin de permettre aux
membres de la commission de vous questionner sur son contenu. Plus vous
dépassez les vingt minutes, moins les parlementaires auront du temps
à vous interroger. Il faudra être conscient de cela tout au long
de la lecture de votre mémoire. M. le président.
M. Legault (Roger): M. le Président et les membres de la
commission, la Fédération de l'UPA des Laurentides tient à
vous remercier de nous avoir permis de vous présenter les
différents points de vue qui préoccupent les producteurs
agricoles des Laurentides.
Le territoire de la fédération est
caractérisé par plusieurs productions et par une quantité
importante de producteurs à temps partiel, tenant compte de sa
proximité avec les villes de Montréal et Ottawa-Hull. Plusieurs
personnes, tout en travaillant à l'extérieur, pratiquent
l'agriculture.
De plus, dans cet exposé, on vous fera connaître les
problèmes des différentes productions de notre région.
Nous sommes convaincus que la commission parlementaire sur le financement
agricole peut modifier les politiques agricoles, permettant d'améliorer
les productions et la situation des producteurs qui pratiquent la profession la
plus importante de la province et fournissent par leur effort les produits
alimentaires essentiels à l'alimentation de notre propulation.
Ce mémoire a été bâti... Je vais vous
présenter les personnes qui ont travaillé à le
bâtir. Il y a Mme Hélène Robert, présidente du
comité du financement et aussi présidente des femmes en
agriculture et productrice elle-même; M. Benoît Séguin,
président du syndicat, membre du comité et qui aussi
représente la partie nord, Mont-Laurier, Maniwaki, Saint-Jovite; M.
Alain Forget qui est de la relève agricole et qui est producteur
agricole lui aussi; M. Jean-Paul Raymond, producteur agricole et qui
représente la partie est de la Fédération de l'UPA des
Laurentides, la partie près de Montréal. Il y a aussi, celui qui
ne pourra malheureusement pas être présent, M. Bruno Alary, qui
représente la partie de l'Outaouais-Pontiac.
Sans plus tarder, je vais demander à Mme Benoît; c'est elle
qui va commencer.
Mme Robert (Hélène): J'ai de la misère
à garder mon nom aujourd'hui.
M. Legault: Mme Robert.
Mme Robert: Pour ce qui est de la lecture du mémoire, on
va enlever la partie au début, les importantes évolutions de
l'agriculture de la dernière génération, pour les raisons
que vous avez soulevées au début, M. le Président,
c'est-à-dire les pages 2, 3 et 4. Nous allons commencer la lecture par
la page 5. Aussi, vers la fin, les volumineuses résolutions qui
étaient des résolutions qui avaient été
adoptées par le congrès général de l'UPA, on ne les
lira pas non plus. Ceci nous amènerait sensiblement à
peut-être 25 minutes au maximum.
Le Président (M. Vallières): Très bien.
M. Forget (Alain): Donc, je vais commencer. La production
laitière. Dans le domaine agricole, la production laitière a
toujours eu l'image du secteur le plus favorisé. Il est vrai que les
producteurs se sont donné des outils de contingentement pour leur
production ainsi que des mécanismes de vente selon leur coût de
production. Il est vrai également que les faillites sont relativement
rares par rapport aux autres productions. Mais, les gouvernements ne doivent
pas se laisser berner par cette prospérité apparente de notre
industrie.
Plusieurs facteurs négatifs commencent à surgir au niveau
des statistiques et de la réalité. De ces facteurs, quelques-uns
retiennent particulièrement notre attention: premièrement, la
répartition de la production à travers le Canada;
deuxièmement, l'économie agricole en déflation;
troisièmement, la valeur moyenne des entreprises
transférées en 1983-1984; quatrièmement, la
rétribution du capital investi en industrie laitière, et
cinquièmement, la relève en industrie laitière.
Premièrement, la répartition de la production è
travers le Canada. Lors de la répartition initiale des contingents, les
quotas furent émis selon la production existante. Depuis l'accroissement
de la population aidant, l'ensemble des provinces se mirent à produire
davantage de lait et, de ce fait, cela déséquilibra le
marché. Le dernier exemple en ce sens fut le retrait de la Colombie
britannique du plan national de commercialisation. Plus près de nous, le
désir du gouvernement fédéral de compenser directement les
producteurs pour le transport des céréales. Il est évident
que cela provoquerait un autre déséquilibre en ce qui a trait
à la production laitière du Canada et provoquerait
également des chutes de revenus pour les producteurs du Québec
qui, rappelons-le, produisent 50% du quota de transformation du Canada.
De plus, la modification de la population incite plusieurs provinces
à vouloir augmenter les quantités de lait produites par ces
dernières. Entre autres, l'augmentation de la population en Ontario fait
en sorte que les producteurs ontariens veulent augmenter leurs quotas pour
répondre plus équitablement aux besoins d'une population
grandissant plus rapidement que celle du Québec. Il en va de même
pour les autres provinces canadiennes où les producteurs aimeraient
produire davantage pour répondre aux besoins de leur population
respective.
Deuxièmement, L'économie agricole en déflation.
Depuis quelques années, l'investissement foncier au Québec s'est
retrouvé dans une équation négative, c'est-à-dire
que le producteur qui, en 1976-1978 achetait un sol à 1000 $ l'arpent et
qui pensait que l'inflation galopante à ce moment lui ferait faire un
gain de capital, se retrouve aujourd'hui avec un sol è 800 $ l'arpent.
Plusieurs banques ont paniqué devant cette situation et on
resserré le crédit aux producteurs, ce qui n'a fait qu'accentuer
la baisse d'avoir net du producteur et diminuer l'ensemble des investissements
productifs.
Cette déflation a attaqué plus particulièrement les
jeunes producteurs qui ont pris possession de leur ferme au cours des cinq
dernières années. Un jeune producteur ayant acheté une
ferme dans les années quatre-vingt, ayant consacré 20% de l'avoir
net de sa propriété financée à 80% par les
organismes prêteurs, se retrouve aujourd'hui - sans avoir pris de
mauvaises décisions - devant une situation où son entreprise est
hypothéquée à 100% et même plus.
La valeur moyenne des entreprises transférées en
1983-1984. Selon un document de l'Office du crédit agricole, la valeur
moyenne des entreprises était de 272 618 $, soit 125 000 $ au-dessus du
prêt subventionnable par l'Office du crédit agricole. Cette
situation fait en sorte que les jeunes producteurs doivent investir dans le
long terme une partie importante de leur liquidité ou de leur avoir et
oblige ces derniers à fonctionner pour leur liquidité avec des
marges de crédit à des taux d'intérêt qui sont
beaucoup supérieurs à la rentabilité de l'agriculture.
Quatrièmement, la rétribution du capital investi en
industrie laitière. Selon une étude récente, la
rétribution du capital investi en production laitière est de
moins de 6, 7% et cela va en diminuant au fur et à mesure que la
capitalisation de nos fermes augmente. Également, dans la même
étude, on constate que ceux qui sont les plus endettés sont aussi
les plus productifs.
La relève en industrie laitière. Selon un document fourni
toujours par l'Office du crédit agricole, 38 entreprises sur 62 ont fait
l'objet d'un prêt à long terme à l'Office du crédit
agricole en industrie laitière, dans la région des Laurentides.
C'est plus de 61% des entreprises rachetées dans la région.
À première vue, il ne semble pas y avoir de problème de
relève au sens strict du terme. On constate toutefois que l'âge se
situe à 29 ans. Serait-ce que les besoins de liquidité des jeunes
sont de plus en plus importants?
II est certain qu'actuellement la production laitière
québécoise suit régulièrement les besoins du
marché et, avec leur efficacité, les producteurs produisent
exactement pour satisfaire aux besoins de la population
québécoise et canadienne. Par contre, il est très
important de se pencher sur le grossissement des entreprises agricoles et sur
les difficultés de plus en plus sérieuses des transferts de ces
fermes.
II est quasi impensable qu'à moins que les parents aident il y
ait une relève familiale. Très peu d'entreprises sont
transférées lorsque le prêt se fait sans le transfert d'une
ferme familiale - je m'excuse, je ne comprends pas très bien ce
bout-là - c'est-à-dire qu'il est excessivement difficile pour un
jeune ayant la capacité et la formation d'acquérir une entreprise
agricole laitière si ce n'est pas un transfert de ferme familiale. Ces
jeunes doivent avoir des actifs importants pour financer la partie non couverte
par les organismes prêteurs et, à cause de son jeune âge, la
relève n'a pas les montants nécessaires pour acquérir une
ferme d'un étranger.
La production bovine. La production bovine est la production la plus
importante dans la région des Laurentides. En effet, notre région
est celle qui, au niveau de la province, regroupe le plus de producteurs bovins
comparativement à d'autres productions. Cependant, même si elle
est en croissance, elle traverse présentement des difficultés
considérables.
Même s'il existe beaucoup de documentation sur la gestion des
entreprises agricoles, malgré les grands théoriciens, il est
pratiquement impossible actuellement d'y tracer une règle
générale qui pourrait s'appliquer à toutes ces
entreprises. Les plus grands spécialistes des calculs de
rentabilité s'y méprendraient à cause de la très
grande complexité de ces entreprises débouchant à
différentes étapes: de la naissance à la finition, en y
ajoutant des productions d'appoint aussi diverses que l'exploitation d'une
érablière ou de petits fruits ou autre chose.
Actuellement, le modèle idéal semble se rattacher à
l'entreprise de 40 vaches et plus, nous dit-on. On retrouve les
véritables développeurs de la production vache-veau, base de
l'industrie du boeuf, sur toute la planète. On remarque que ces
entreprises ont franchi une première étape. Les années
quatre-vingt en sont le témoignage avec tous les programmes venant du
MAPAQ. En effet, ces entreprises ont opéré une consolidation de
leur structure d'origine: agrandissement du fonds de terre par achat ou
amélioration, réaménagement ou construction des
bâtiments, adaptation des équipements ou achat
d'équipements supplémentaires nécessaires.
Selon les recherches faites lors du symposium vache-veau de 1981, les
exploitants de cette catégorie sont mieux informés et, en
général, plus jeunes que la moyenne qui se situe environ à
45 ans. Ce même conférencier ajoute: "Ils sont convaincus de la
viabilité et de la rentabilité de leur production, même si
un apport financier important des revenus de la famille provient d'une autre
source d'activité et qu'il faut admettre que la production vache-veau ne
peut supporter un endettement élevé.
Elle nécessite donc un bon gestionnaire, car une entreprise de ce
genre ne peut admettre d'erreur. Le suivi, après un prêt
important, doit être méticuleux de la part des institutions
prêteuses et orienté de façon à augmenter la
productivité et à mettre le producteur en confiance. Peu
importent la production et toutes les institutions prêteuses, on
s'accorde à le dire, "le secteur du boeuf, ce n'est pas trop reluisant",
souligne le directeur régional de la Société du
crédit agricole.
Une des premières parties à être changée dans
la réglementation de l'Office du crédit agricole est tout ce qui
touche à l'aspirant producteur ou au jeune producteur en
établissement ou à la relève en société. On
voudrait aider l'aspirant producteur à devenir rentable, mais on ne lui
accorde aucuns rabais d'intérêt. On lui demande de s'organiser,
mais, en même temps, d'aller travailler à l'extérieur.
Pourtant, Dieu sait que, pour s'organiser, il faut des heures
supplémentaires de travail, peu importe l'activité, mais surtout
en agriculture.
L'aspirant producteur, tout comme le jeune en établissement,
devrait être exempté des intérêts comme il en est
pour les grosses entreprises industrielles, comme Bell Hélicopter, des
secteurs différents de l'agriculture, évidemment, lesquels sont
exemptés des intérêts et même des remboursements en
capital pour la période de mise sur pied, soit de trois à cinq
ans. On voudrait de l'agriculture moderne et productive, mais on
l'étouffé avant même de lui donner le souffle de vie.
Une mise en garde à toutes les têtes dirigeantes, peu
importe le niveau ou la structure, quant au comité, à l'organisme
ou à l'association: ce qui doit être fait, c'est de convaincre les
propriétaires de modestes troupeaux qu'ils sont de véritables
producteurs de boeuf et les encourager à prendre intérêt et
à être fiers de leur importante contribution à
l'agriculture canadienne. Notre industrie dépend des petits troupeaux de
vaches de boucherie, également, et notre productivité, comme
notre industrie, ne dépend pas tellement de la taille des troupeaux,
mais de la qualité des vaches et de la façon dont elle est
gérée.
Le territoire couvert par la Fédération de l'UPA des
Laurentides en est un qui permettrait encore le développement de cette
production, en tenant compte des sols disponibles, de la topographie des
terrains et des unités thermiques. On pourrait augmenter
considérablement la production vache-veau dans la section plus au nord
et augmenter la production de finition, les parcs d'engraissement, dans la
région où les unités thermiques permettent la production
de maïs et de céréales de façon rentable. Si l'on
veut remettre en culture les sols zonés
agricoles et productifs, c'est sans doute avec l'industrie bovine.
Pour ce faire, les politiques adéquates de financement
permettraient de maintenir cette production et de la développer
davantage et de permettre à l'aspirant producteur, qui travaille souvent
à l'extérieur pour bâtir l'entreprise, d'avoir droit
à des rabais d'intérêt équitables pour
améliorer la rentabilité et faire en sorte qu'il pourrait devenir
plus rapidement producteur à temps plein.
La production de cultures commerciales. Plus ça change, plus
c'est pareil. En 1975, dans un article paru dans l'édition de mars du
Bulletin des agriculteurs, il était écrit: "En 1975, c'est plus
payant de cultiver des céréales. " C'était en quelque
sorte les années de vaches grasses dans la production de
céréales: les intrants nécessaires à la culture de
celles-ci s'achetaient à prix abordable, quoique cher pour
l'époque, et le prix payé pour la récolte d'une
céréale, 6, 50 $ les cent livres, laissait présager un
avenir prometteur. Qu'en est-il en fin d'année 1984, dix ans
après ce soi-disant "Klondike céréalier"?
Un tableau ci-après nous fait découvrir une
vérité que seule La Palice, encore aujourd'hui,
s'ingénierait à nous prouver. Les chiffres de 1984 proviennent de
la réalité actuelle en agriculture. Les chiffres de 1975 sont
tirés de l'édition de mars 1975 du Bulletin des agriculteurs. Je
n'en ferai pas la lecture exhaustive. Vous pourrez le constater. (12 h 15)
De ces chiffres révélateurs se dégagent plusieurs
conclusions dont on pourrait bien se passer. Dix ans après, la valeur de
production n'a augmenté que de 1, 50 $ les cent livres. Est-ce normal
pour un producteur strictement engagé dans la culture des
céréales? À ce problème, plusieurs nous conseillent
d'augmenter sensiblement nos superficies de culture et d'être à la
fine pointe de la productivité pour augmenter nos rendements. Mais ces
deux augmentations suffisent-elles à compenser la majoration des
coûts de production sans cesse grandissant? N'oublions pas qu'une
majoration substantielle de la superficie entraîne inévitablement
un grossissement du "kit" de la machinerie qui ne va pas sans des dollars
durement remboursables.
En dix ans, nous constatons que la marge brute des profits n'a
augmenté que de 31, 57 $ l'acre ou 5, 16% par année. Le
coût des charges variables, lui, a plus que doublé. Le producteur
consciencieux de bien faire vivre sa famille constate avec stupeur que, plus
les années passent, plus sa marge d'endettement grossit car le produit
final de son travail, les céréales, ne parvient pas à
soutenir le coût initial de la culture et le salaire d'un producteur.
Si la tonne métrique d'orge de 1975 valait 150 $, pourquoi celle
de 1984 ne vaut-elle que 165 $? Parce que le marché des
céréales est demeuré un marché
"cloîtré". Les intermédiaires nous enferment dans la
logique du: Je t'offre tant et c'est à prendre ou à laisser.
Commme on n'a pas moyen de pression efficace, la roue continue toujours
à tourner allègrement pour les mêmes. Quand on compare les
chiffres d'il y a dix ans, il n'y a pas de quoi se taper dans les mains. On en
est même venu à nous inventer le système des paiements
anticipés pour nous faire croire que les prix seraient de beaucoup
meilleurs au printemps suivant la récolte. L'augmentation de 14 $
à 25 $ la tonne pour un temps limité est-elle la solution?
Le producteur de céréales est l'un de ceux qui doit le
plus compter avec dame température, car tant va la saison, tant va la
récolte. Le producteur de lait, par exemple, s'il ne peut produire tout
ce qu'il faut pour son année, peut toujours combler la différence
en alimentation par l'achat de céréales qui entrent
nécessairement dans le budget de son entreprise. Par contre, le
producteur de céréales, lui, s'il ne peut connaître une
bonne année de culture faute d'eau, faute de chaleur suffisante ou par
excès d'eau ou d'insectes, n'a pas 36 alternatives: sa récolte,
c'est ce qu'il a à vendre, pas plus. On nous dira de se tourner vers les
assurances agricoles existantes. D'accord, mais cela change quoi? À
seulement rembourser le coût de production de la récolte
manquée?
Actuellement, que ce soit pour l'assurance-récolte ou par
l'assurance-stabilisation, il y a tellement de méandres dans lesquels
s'aventurent les employés du système qu'un producteur finit par
ne pas avoir grand-chose, à moins d'être en face d'une perte
complète, et encore là, il n'a droit qu'à 80%. Le
producteur de céréales a besoin de beaucoup mieux que cela car
lui, plus que tous les autres, est dépendant à 100% de la
température. Il lui faudrait une sorte d'assurance-climat reliée
aux stations météorologiques environnantes. Quand on sait qu'une
culture de céréales a besoin de tant d'heures d'ensoleillement,
de tant d'eau ou de tant de chaleur saisonnière, pourquoi ne pas combler
la différence manquante? On a déjà bien vu être
payé pour ne pas ensemencer...
Mme Robert: La production pomicole. La pomme est la seule
production arboricole qui a été développée sur une
grande échelle au Québec. Elle rencontre tous les
problèmes d'une culture spécialisée qui se veut
très productive et très concurrentielle avec la production venant
de l'extérieur de la province et du pays.
Ses particularités. Pour bien comprendre les problèmes qui
affectent cette production,
il faut d'abord bien en connaître les points qui lui sont
particuliers. D'abord, après la plantation d'un pommier, le producteur
doit compter un laps de temps de cinq à dix ans avant que ce pommier
atteigne une production suffisante pour prévoir espérer en tirer
un revenu.
Le producteur de pommes doit aussi faire face au fait que chaque
récolte est très précaire et qu'elle peut être
compromise pour un an, par exemple un gel tardif peut complètement
détruire la fleur et aussi annihiler toute la production pour une
année donnée.
Le producteur de pommes doit fonctionner avec une double marge de
crédit. D'abord, au niveau de la plantation du verger, il doit investir
et entretenir ce verger pour une période de cinq à dix ans avant
qu'il puisse tirer un revenu de ce verger. Enfin, au niveau de la production
annuelle, une marge de crédit est nécessaire pour financer les
intrants et la main-d'oeuvre, les revenus n'intervenant qu'en fin de
saison.
Au niveau de la vente du produit, il faut considérer que celui-ci
est acheminé sur deux types de marché: le premier, le
marché à l'état frais; le second, le marché de la
transformation, et que ce dernier ne génère aucun profit, le prix
de vente étant toujours inférieur au coût de
production.
Enfin, pour ce qui est des producteurs de pommes des Laurentides, une
autre particularité s'ajoute, en ce sens que l'on peut constater qu'une
majorité de producteurs ont à aller chercher des revenus à
l'extérieur de la production pomicole: d'autres cultures, d'autres
commerces, le travail à l'extérieur, etc.
La situation actuelle dans les vergers, tout est à reconstruire.
Les années soixante-dix ont vu une augmentation de la
productivité des vergers qui a à peine réussi à
sauvegarder une mince marge de profit qui allait sans cesse en diminuant. Ces
profits, qui ont donc été très réduits, n'ont pas
permis de réinvestir et la situation a conduit à un
vieillissement généralisé des vergers. Au tout
début des années quatre-vingt, le gel des vergers a
accentué davantage le problème de rentabilité des vergers,
la production étant sérieusement diminuée. Le producteur
de pommes de notre région s'est alors retrouvé dans la situation
suivante: il a perdu plus de 50% de ses pommiers et, pour reconstruire son
pouvoir de production, il ne peut le faire à l'extérieur des
surfaces déjà plantées en pommiers, des sols
supplémentaires n'étant pas disponibles. Donc, il lui faut
reconstruire à l'intérieur des murs, ce qui implique l'arrachage
d'arbres sains pour pouvoir planifier une plantation homogène.
Or, parce qu'il ne peut tirer de revenus que de 40% de son verger, le
producteur ne pourra rester en production que s'il peut faire produire ses 60%
en un laps de temps très court. La seule solution s'offrant à lui
est alors la plantation de vergers qu'on pourrait appeler des vergers à
très haute technologie, les pommiers nains notamment.
Cependant, le coût de l'implantation des vergers à
très haute technologie est aussi élevé que cette
technologie et, pour bien faire les choses et doter la région de vergers
forts, il importe de ne pas faire les choses à moitié. Il ne faut
lésiner sur aucun des investissements conseillés par les
spécialistes et il est excessivement important que le producteur puisse
maîtriser cette technologie.
Enfin, au niveau de l'industrie pomicole elle-même, on retrouve la
situation où, à cause de notre faible volume de production, on
peut difficilement conserver notre place sur les marchés face à
la concurrence de la pomme de l'extérieur qui est disponible tout au
long de l'année et même face à la concurrence des autres
fruits importés de l'extérieur par le commerce.
La situation actuelle, les moyens pour reconstruire. La description de
la situation des producteurs fait ressortir que ceux-ci n'ont pas la
possibilité de financer la reconstruction. La situation des
années soixante-dix n'a même pas permis de préparer le
rajeunissement des vergers et la catastrophe de 1980-1981 ne permet certes pas
de réinvestisssement, la production étant coupée de 50%
à 60%. Or, selon les données de la Direction des études
économiques du MAPAQ de mars 1984, on peut évaluer à 14
363 $ l'hectare pour une plantation de semi-nains et à 23 226 $
l'hectare pour les nains les sommes à investir pour reconstruire.
De plus, dans la conjoncture actuelle, aucune entreprise pomicole n'est
en mesure de prouver sa rentabilité, un critère essentiel
exigé par les organismes de crédit. En effet, à cause de
la particularité qu'un verger ne produit pas suffisamment avant cinq
à dix ans, il est évident que nos vergers, qui ne produisent que
de 40% à 50%, ne seront pas rentables avant ce temps.
On se retrouve donc dans une situation où la survie des
producteurs et la venue de la relève sont en danger. Actuellement, seuls
les personnes et les capitaux de l'extérieur peuvent prendre la
relève. La pomiculture ne peut générer sa propre
relève.
Les producteurs reconnaissent qu'un certain niveau d'aide leur a
été accordé, mats que des investissements importants
demeurent à effectuer. Le tableau suivant peut le démontrer.
Rapidement, le tableau; je ne lirai pas tout. Mais vous avez les 40 $ du
fédéral, les 16 $ du fédéral; vous avez le
programme provincial actuellement en vigueur, qui est de 2500 $ l'hectare pour
le semi-nain et de 3700 $ pour le nain. Cela
couvre à peine le coût des pommiers,
Pour notre producteur de Deux-Montagnes, qui a perdu les 60% de son
verger, c'est-à-dire 3, 9 hectares sur 6, 5 hectares, il ne reste que
40% de ses revenus pour vivre et investir 16 349 $ dans le semi-nain ou 46 231
$ dans le nain. Il est clair qu'il ne dispose pas de cette somme et qu'il n'a
pas les revenus pour en payer les intérêts. Je reviendrai plus
tard avec des propositions vis-à-vis des choses pomicoles puisqu'on ne
lit pas à la fin.
La production porcine. La production du porc est sans doute la
production qui, de notre territoire, a été la plus
affectée à la suite de la crise économique, de
l'augmentation des taux d'intérêt et de la diminution du prix de
vente de cette production.
En effet, à la suite de cette crise, les producteurs de porc ont
diminué de 50% dans notre fédération régionale,
À titre d'exemple, lors du vote du plan conjoint en 1981, il y avait
dans le comté d'Argenteuil huit producteurs, il en reste trois; dans le
comté de Papineau, dix producteurs, il n'en reste que trois; dans le
comté de Gatineau, neuf producteurs, il en reste quatre; dans le
comté de Pontiac, huit producteurs, il en reste trois; dans le
comté de Labelle, vingt-deux, il en reste quatre; dans les comtés
de Terrebonne et de Deux-Montagnes, 50% des producteurs ont soit fait faillite
ou ont tout simplement abandonné volontairement.
Les taux d'intérêt ont été sans doute une des
causes car les jeunes producteurs n'ayant pas d'avoir net ou de
liquidité ont été obligés d'abandonner la
production. Pour ceux qui ont été refinancés, ils ont
dû faire face à des taux d'intérêt au seuil de la
rentabilité, en plus de payer des taux jusqu'à 20% et 22% pour le
crédit des fournisseurs d'aliments.
Le Syndicat des producteurs de porcs des Laurentides et la
Fédération de l'UPA des Laurentides trouvent un peu bizarre que,
dans les journaux, on se batte pour dire qu'il y a 125 faillites au
Québec ou 140 l'année précédente et que, selon les
sources, on contredise ces informations en disant qu'il n'y a presque pas de
faillites ou d'abandons à cause de la crise. Il nous semble que ces
affirmations soient vraiment injustes car, dans notre propre territoire, on
pourrait trouver presque toutes les faillites ou les abandons des producteurs
de la province.
Si les membres de la commission sont intéressés à
obtenir les noms de tous les producteurs qui ont fait faillite ou
abandonné, c'est avec amertume que l'on vous remettra cette liste. De
plus, si vous désirez visiter les propriétés
abandonnées, l'on se chargera de vous faire visiter ces belles
installations qui, aujourd'hui, ne servent plus qu'à embellir le
paysage.
Nous espérons que la commission pourra intervenir pour ainsi
améliorer la politique du crédit agricole et venir en aide aux
producteurs de porc de notre région et de tous les autres du
Québec. Il est temps de bouger si l'on ne veut pas que les entreprises
familiales ne se retrouvent entre les mains de multinationales ou
d'intégrateurs qui veulent ainsi contrôler eux-mêmes la
production et le prix que le consommateur aura à débourser pour
se procurer cette denrée alimentaire.
La production maraîchère. La région des Laurentides
est caractérisée en plus par la production
maraîchère, surtout dans le secteur de Montréal. Un nombre
considérable de producteurs produisent des légumes, soit en plein
champ ou sous abris. D'autres produisent des fleurs ou des arbres
d'ornementation. Ces producteurs semblent se tirer assez bien de la crise
économique lorsqu'on les regarde de l'extérieur.
Par contre, lorsqu'on commence à fouiller cette production, on se
rend compte des problèmes que vivent les jeunes producteurs. Dans cette
production, la relève se doit d'obtenir un prix équitable selon
les marchés, puisque cette production n'est pas du tout
organisée. Les producteurs doivent, pour vendre leur produit, s'occuper
eux-mêmes de leur mise en marché et offrir leur produit par les
différents marchés.
Dans la région des Basses-Laurentides et celle d'Aylmer, ayant la
chance d'être situés près des grandes villes, les
producteurs ont développé cette production pour offrir leur
produit aux citadins habitant à proximité des fermes.
Il est sûr que certains producteurs ont très bien
réussi. Par contre, il est de plus en plus difficile pour les jeunes
producteurs d'acquérir une entreprise et de percer sur le marché.
À titre d'exemple, cette année, les producteurs de choux, qui ont
vendu l'année dernière des quantités minimes de choux
à des prix très intéressants, ont dû écouler
leur produit à des prix considérablement bas. La même
situation s'est produite dans la production de pommes de terre. Ces producteurs
ont dû vendre cette denrée alimentaire à des prix
inférieurs au coût de production. À cause d'une mauvaise
organisation de la mise en marché et des provinces productrices, ce
produit est offert aux consommateurs à des prix injustifiés.
Si les producteurs, surtout les jeunes producteurs, traversent une ou
deux années comme celle de 1984, ils devront tout simplement aller
porter leurs clés aux organismes prêteurs parce qu'ils ne pourront
plus continuer. De plus, cette production exige des crédits
considérables pour financer l'entreprise. Comme bien des producteurs,
ils sont financés par les politiques actuelles avec le maximum de
crédit que l'on connaît lorsque seulement l'équipement
nécessaire à cette production dépasse souvent le
maximum
de prêts offerts par l'office. De plus, ces producteurs ont besoin
de financer leur fonds de terre, leur marge de crédit pour opérer
toute l'année et les taux d'intérêt exigés par les
organismes prêteurs font en sorte que les jeunes producteurs en
production depuis quatre au cinq ans se retrouvent devant de graves
difficultés.
Pour ce qui est de l'assurance-stabilisation, on stabilise la production
et un revenu minimum juste assez pour empêcher de faillir et leur
créer une lueur d'espoir pour les années à venir.
Année après année, on se rend compte que plusieurs
productions ne pourront sans doute plus continuer à opérer si une
modification importante n'intervient pas au niveau de la mise en marché
de ces productions. Nous sommes convaincus que le coût de la prime
d'assurance deviendra tellement dispendieux que seul son coût
représentera plus de 100% du salaire du producteur dans l'année
à venir, si ce coût n'est pas inclus dans les coûts de
production. (12 h 30)
Les autres productions de notre région. Pour ce qui est des
productions d'oeufs et de volaille, très peu de producteurs sont
situés dans la région des Laurentides. Par contre, ceux qui
exploitent la production avicole sont des producteurs importants par la
grosseur des entreprises et les retombées économiques qu'elle
génère. Nous considérons, au même titre que les
autres productions, qu'une refonte de la Loi sur le crédit agricole ne
peut qu'améliorer le transfert de ces fermes, soit aux enfants ou
à des acheteurs éventuels.
Concernant la production ovine, plusieurs producteurs l'exploitent
à temps partiel. Les politiques du crédit agricole actuelles ne
financent à peu près pas cette production, les producteurs devant
se financer eux-mêmes et souvent travailler à l'extérieur
pour faire fonctionner l'entreprise. Nous considérons qu'il est
important que la refonte de la loi tienne compte de cette situation
particulière si l'on veut développer davantage la production
ovine dans les Laurentides et au Québec.
En terminant, il existe d'autres productions, entre autres
l'acériculture, la pisciculture, etc. Comme ces productions sont presque
toujours à temps partiel, les producteurs pratiquant ces productions
sont tous financés par des institutions bancaires. La refonte de la loi
devrait permettre que l'on finance, avec les politiques
préconisées par l'Union des producteurs agricoles, ces
entreprises.
Comme on avait décidé de ne pas lire les
propositions...
Le Président (M. Vallières): Pour la pomme, vous
deviez nous tirer quelques conclusions, je pense.
Mme Robert: Pour la pomme, j'apporterais, comme propositions, de
mettre en place une politique pour stabiliser le prix de la pomme, rendre les
programmes de reconstruction des vergers exigeants en termes de haute
technologie et y attacher les sommes requises. Mettre à la disposition
des pomiculteurs et exiger d'eux une formation de base en ce qui touche tous
les aspects de l'entreprise ainsi qu'un recyclage annuel. Pour la
reconstruction des vergers, il faut un programme de prêts sans
intérêt sur une période de cinq à dix ans. Il
faudrait mettre en place un programme ou un mécanisme par lequel les
producteurs et les productrices pourront transférer le verger sans
mettre pour autant l'entreprise en péril. Il faut enfin la mise en place
de syndicats de gestion, des instruments qui permettent de produire plus
efficacement et concurrencer les produits de l'extérieur.
Est-ce qu'il y en a d'autres qui ont des choses à rajouter?
M. Forget: On est prêt à recevoir vos questions.
Le Président (M. Vallières): Très bien. On
pourrait passer aux questions. Nous débutons avec le
député d'Arthabaska.
M. Baril (Arthabaska): Merci. Je vais d'abord remercier les
membres de la Fédération de l'UPA des Laurentides de nous avoir
présenté ce mémoire qui, après vous avoir entendu,
n'est pas très motivant. Je suis prêt à reconnaître
que tout ne va pas bien en agriculture, mais votre mémoire a l'air de
démontrer le pessimisme des gens de la Fédération de l'UPA
des Laurentides et une situation assez morose.
Par contre, j'aimerais que vous nous expliquiez un peu plus le temps
partiel. À peu près tous les mémoires, aujourd'hui comme
hier, nous disent que le gouvernement ou l'office devrait ouvrir le
crédit au niveau des producteurs à temps partiel, au niveau de
l'aide à l'établissement. Est-ce que pour vous, quant à
l'aide à l'établissement des gens è temps partiel, ces
personnes pourraient bénéficier de la même aide
financière qu'un agriculteur à temps plein?
M. Forget: Là-dessus, il y a plusieurs écoles de
pensée à l'intérieur même de notre
fédération et à l'intérieur même de l'UPA.
Premièrement, pour ce qui est des producteurs à temps partiel, il
est évident que ce n'est pas la meilleure situation, c'est-à-dire
que, globalement, en agriculture, on devrait être à temps plein.
Deuxièmement, compte tenu de la situation économique qu'on vous a
exprimée à l'intérieur de notre mémoire, il est de
plus en plus évident qu'en agriculture, dans certaines productions, il
va falloir y aller à temps partiel parce qu'à
temps plein on va manger notre chemise et nos culottes avec.
Dans cet ordre d'idées, le financement agricole de ces gens
à temps partiel se devra d'être adapté, mais on devra
toujours maintenir une allocation supérieure au producteur qui sera
à temps plein. Autrement dit, je formule deux genres de crédit:
le crédit à temps partiel, qui se devra d'être valorisant,
et le crédit pour le producteur à temps plein qui,
celui-là, devrait être véritablement fait pour une
personne. En agriculture, on a deux grandes orientations et on ne veut pas se
retrouver avec des médecins qui produisent un peu de tout, qui ont leur
salaire de 90 000 $ en moyenne et qui viennent toucher 200 000 $ ou 300 000 $
de crédit à la production; ils vont aller chercher cela sur le
budget du gouvernement. Quand le gars a les moyens, il a les moyens et, quand
le gars n'a pas les moyens, il n'a pas les moyens. Il faudrait peut-être
trouver un système en fonction du revenu extérieur de
l'entreprise et trouver un crédit qui pourrait rendre la vie plus
agréable à ces gens, autrement pour dit être capables de
développer leur agriculture pour devenir à temps plein. C'est
évident que c'est un nouveau dossier, mais ce dossier est conditionnel,
finalement, aux facteurs économiques qu'on a actuellement. La situation
s'est dégradée et elle s'est dégradée tellement
dans certaines productions qu'on ne peut penser produire un tel produit sans
travailler à l'extérieur.
M. Baril (Arthabaska): Donc, vous tiendriez compte du revenu
financier qui provient d'en dehors de l'agriculture. Un gars qui gagne 100 000
$ aurait droit à moins d'aide financière qu'un gars qui gagne 12
000 $ ou 15 000 $, qui travaille dans une usine à quelque part.
M. Forget: Je pense que cela serait plus logique que d'arriver
avec un taux de crédit fixe qui ne tient absolument pas compte des
diversités.
M. Baril (Arthabaska): À la page 10, vous parlez des
aspirants producteurs ou des jeunes en établissement. Vous dites que ces
gens devraient être exemptés des intérêts comme il en
est des grandes entreprises industrielles. Je ne sais pas si vous y
étiez tout à l'heure, j'en ai parlé avec le groupe de la
Fédération de la relève agricole du Québec. Comment
voyez-vous les taux d'intérêt pour les jeunes qui arrivent en
agriculture? On sait que l'UPA propose une base de 3% d'intérêt
plus 0, 5% par année, jusqu'à ce que cela atteigne un maximum de
8% d'intérêt.
M. Forget: Une période de dix ans, je pense.
M. Baril (Arthabaska): Cela fait dix ans. Cela prend dix ans pour
arriver à 8%.
M. Forget: Qu'est-ce qu'on pense de la politique d'aspirant
agriculteur? Actuellement, la politique qui est en place ne tient plus compte
des réalités du milieu. Les propositions de la
confédération se veulent beaucoup plus représentatives de
ce qui se passe dans le champ. C'est-à-dire qu'il faut échelonner
les taux d'intérêt sur une plus longue période. On a dit
pendant des années et des années que c'étaient les cinq
premières années qui étaient difficiles et on est rendu
qu'on parle de dix années et peut-être que l'année
prochaine, si on revient à une commission comme celle-ci, on va parler
de quinze années, selon ce qui va se passer.
M. Baril (Arthabaska): On appelle cela l'évolution de
l'agriculture.
M. Forget: Oui.
M. Baril (Arthabaska): Ma question est celle-ci: On
reconnaît que les premières années... On va s'entendre, on
ne dira pas cinq, dix et quinze ans, ce sont les premières années
qu'un jeune ou qu'une jeune a de la misère et de la difficulté en
agriculture. Est-ce que vous favoriseriez l'augmentation du taux
d'intérêt après la période difficile, même
dépassant 8%, pour être capable d'en donner plus au jeune qui
commence?
M. Forget: C'est difficilement faisable compte tenu de
l'économie agricole en place. Si on avait uniquement des productions
contingentées comme dans le lait, les oeufs, etc., on pourrait
évidemment demander au producteur plus âgé de donner un
effort supplémentaire pour aider au plus jeune. Ce qui va se retrouver,
c'est qu'un producteur de céréales qui va être
embarqué depuis dix ans et qui va prendre deux mauvaises années
en ligne, si lui, au lieu de payer 8% d'intérêt, est obligé
de payer 10% cette année, il va débarquer lui aussi. La situation
économique agricole, selon les productions et l'âge des
producteurs, peut être complètement différente d'une
production à l'autre et d'un producteur à l'autre. Ce qui fait -
comment pourrais-je appeler cela? -que la majoration ou la
régularité de majoration pour tout le monde, ce n'est pas
nécessairement la bonne solution. Tu ne peux pas dire que dans ta soupe
aux nouilles tu vas mettre des nouilles et de l'eau et que cela va te faire une
soupe aux nouilles, ce n'est pas tout à fait cela. Il faut que tu la
mettes sur le poêle, toujours.
M. Baril (Arthabaska): Oui, à tant de degrés de
chaleur! Vous parlez aussi de la production céréalière et
de ses difficultés.
Selon votre expérience, la production
céréalière pour celui qui la consomme sur place, le
producteur, soit qu'il ait des porcs ou une production laitière, ou peu
importe, et qui la produit pour ses propres besoins, est-ce une production plus
rentable que pour celui qui produit pour vendre?
M. Forget: Actuellement, chez nous, c'est de même que je
suis organisé. Je suis un producteur de lait et je produis mon grain
pour faire manger mes vaches. Je trouve que c'est plus rentable pour moi de le
faire comme cela. Si c'est cela la réponse que tu veux, c'est cela. La
question de la production céréalière va devenir de plus en
plus importante parce que, avec ce que Reagan est en train d'essayer de faire
passer, à mes amis, la production céréalière rentre
dans une crise qui va durer entre 3 et 10 ans. On va se retrouver avec un
paquet de producteurs qui vont être en très grande
difficulté financière à cause d'une baisse des prix de
vente qui va être assez effarante. Cela ne m'étonnerait pas que,
l'année prochaine, on se retrouve avec du maïs à 130 $ la
tonne, toute l'année, quand on sait que le coût stabilisé
est à 180 $ et qu'à 180 $, le gars donne la moitié de sa
chemise au gouvernement. La production céréalière, comme
elle est actuellement, va subir de très fortes pressions et le
gouvernement devra trouver de l'argent pour la stabiliser parce que cela va
prendre de la stabilisation, cela va prendre de l'argent pour la stabiliser
pendant une période X d'années.
Pour ce qui est de la consommation, la consommation par les animaux
à même la ferme, cela peut être intéressant, mais ce
n'est pas intéressant dans toutes les régions. Dans une
région comme les Laurentides, c'est évident que, dans notre
région, on est plus porté à cela. On a moins de grands
producteurs céréaliers qui ne produisent que ces
céréales et c'est tout. On a plus de producteurs qui font du
lait, des céréales, du porc, des céréales, du
boeuf, des céréales, un petit peu de tout. À
l'intérieur de notre fédération, on fonctionne plus comme
cela. Il n'en reste pas moins que le coût de production pour un
producteur de lait, pour ses céréales, est le même qu'un
coût de production pour un producteur de céréales, pour ses
céréales, ou à peu près.
M. Baril (Arthabaska): Oui, justement, vous avez touché un
point important qui a soulevé la colère des producteurs agricoles
aux États-Unis. Il n'y a pas juste vous autres, il y a beaucoup d'autres
organismes qui appuient les producteurs agricoles. C'est évident qu'il y
aura des conséquences dans l'immédiat, mais, si le gouvernement
américain ne change pas sa politique, cela va, je crois, forcer les
agriculteurs à ne pas produire non plus. Là, ils ont des surplus
que le gouvernement américain assume et c'est ce qui réussit
à maintenir le prix.
M. Forget: Techniquement, votre explication est très
logique. Pratiquement, le gars qui a une batteuse de 120 000 $ à
financer, un tracteur de 70 000 $, à peu près 400 000 $ de
machinerie à financer, se retrouve dans l'obligation, lui, d'en semer
500 arpents par année, ne serait-ce que pour financer toutes ces
bâtisses, toutes ces affaires-là. Ce que va faire Reagan, dans le
fond, c'est qu'il va faire crever tous les plus faibles. C'est aussi simple que
cela. C'est évident qu'il va stabiliser la production
céréalière mondiale, mais en en faisant crever une couple.
À notre idée, en tout cas, ce n'est pas la meilleure façon
de fonctionner. C'est comme si on mettait dans les hôpitaux toutes les
personnes au-dessus de 65 ans, on les "clean", c'est ça.
M. Baril (Arthabaska): C'est une mesure radicale. Si on revient
au financement agricole comme tel, comment trouvez-vous le fonctionnement avec
les politiques générales de l'Office du crédit agricole du
Québec? L'application de ces politiques, de ces programmes chez vous,
c'est sûr, tout le monde le reconnaît, il faut que ce soit
amélioré, tout cela, mais l'application comme telle, est-ce que
les conseillers en gestion, les conseillers techniques connaissent leur
affaire, leur, formation est-elle adéquate, conseillent-ils bien les
agriculteurs?
M. Forget: Écoutez, moi je peux vous donner mon exemple
personnel. Je me suis établi en 1980, en production laitière.
Lorsque j'ai fait ma demande de prêt à l'Office du crédit
agricole du Québec, le directeur régional de l'office m'a
répondu tout simplement que, parce que j'étais à Laval,
cela n'avait aucun bon sens que je m'établisse en production
laitière. J'ai été obligé de prendre tes
procédures habituelles -dans le milieu, on les connaît -
c'est-à-dire appeler le ministre et dire: Écoute, cela n'a pas de
maudit bon sens, il ne veut pas me prêter. Finalement, le ministre a
envoyé un autre bonhomme, un autre gars qui est venu chez nous et qui a
dit: Oui, cela a bien de l'allure votre affaire, il n'y a pas de
problème pour le prêt. L'Office du crédit agricole, autant
il y a de producteurs qui empruntent, autant il y a de cas bizarres ou
spécifiques qui se font. Je veux dire qu'il n'y a pas de
régularité là-dedans, non plus. Moi, en tout cas, le
deuxième conseiller qu'on a eu, je l'ai trouvé très
compétent, le gars. En tout cas, je n'en trouve pas un
incompétent; le problème, c'est la régularité de
cette compétence à l'intérieur d'une région et
à l'intérieur du Québec. Je pense que cela a
été soulevé par l'ensemble des fédérations.
Cela semble toujours le même problème ou à
peu près. (12 h 45)
M. Baril (Arthabaska): Comment est-ce que vous verriez la
formation d'une banque agricole qui pourrait, je dois dire, remplacer l'office
dans son fonctionnement? Cette banque agricole fonctionnerait selon le
même principe que les caisses populaires, donc, elle serait
gérée par les agriculteurs eux-mêmes et ils deviendraient
membres de cette caisse. Comment verriez-vous ça?
M. Forget: Cela existe dans d'autres pays. Cela existe en France,
entre autres, où ces banques-là financent l'agriculture. C'est
évident que c'est quelque chose à étudier, mais, de
là à savoir qui est-ce qui va investir en agriculture avec une
rétribution du capital de 6, 7%... Es-tu prêt, toi, à
prendre ton argent et à le placer à 5% quand tu peux le placer
à 10% dans toute autre banque? C'est ça, dans le fond.
Le gouvernement fédéral a eu une idée;
c'étaient les obligations d'épargne pour ce qui est de
l'agriculture. Dernièrement, j'ai lu dans le journal qu'il trouvait
ça peut-être plus ou moins intéressant, parce qu'il ne
savait pas trop combien ça lui coûterait, cette affaire-là.
Il y a toute la question des évasions fiscales qui pourrait entrer
à l'intérieur de ces banques-là, mais c'est une des
solutions qui pourraient être envisagées.
Moi, personnellement, je ne crois pas que l'Office du crédit
agricole doive abandonner son mandat de prêts aux agriculteurs. Je pense
que le gouvernement, en soi, a une responsabilité au niveau de la
direction de l'agriculture, c'est-à-dire qu'il ne faudrait pas se
retrouver, comme c'est arrivé, avec des concentrations de production
dans certaines régions où on ne sait plus où se
"garrocher".
Le ministère de l'Agriculture doit garder un certain
contrôle là-dedans, mais ça doit être
négocié avec les producteurs en place, évidemment. En tout
cas, l'office doit rester. Il doit être plus compétitif. Il doit
répondre beaucoup plus aux besoins du marché et avoir les
conseillers nécessaires, parce qu'il y a un des représentants qui
n'est pas ici aujourd'hui, mais il attend encore son crédit agricole;
cela fait un an et demi de ça. Il est trentième sur la liste et
on dirait que la liste n'avance pas vite, parce qu'il y a un manque de
personnel, semble-t-il.
Il y a un paquet de petites bizarreries qu'il faudrait régler
dans le fonctionnement. Mais, en soi, l'Office du crédit agricole, en
tout cas, pour ce qui est de notre comité, se doit de rester et se doit
de faire du prêt agricole.
Le Président (M. Vallières): Merci. Je dois vous
arrêter là-dessus et passer la parole au député de
Saguenay.
M. Maltais: Merci, M. le Président. Au nom de notre
formation politique, on voudrait vous féliciter pour votre
mémoire. J'ai eu l'occasion de le lire antérieurement. Il est
bien structuré et bien préparé.
Juste avant d'entrer dans le vif du sujet, vous nous avez dit tout
à l'heure que, dans votre cas précis, vous aviez
été obligé d'appeler le ministre directement, pour passer
en dehors des voies normales offertes à l'ensemble des producteurs
agricoles. Je suis très heureux de vous l'entendre dire, parce que le
ministre nous a toujours dit qu'il ne faisait pas de patronage. Je suis
très heureux de vous l'entendre dire. Le monsieur à
côté n'a pas eu cette chance-là. Cela fait dix-huit mois
que vous attendez votre prêt. Peut-être que vous devriez appeler le
ministre aussi. Au début de votre mémoire...
M. Dupré: Si monsieur a obtenu son prêt, est-ce que
vous appelez ça du patronage?
M. Forget: Je n'appelle pas ça du patronage, parce que le
directeur régional n'était pas dedans du tout. Si je n'avais pas
eu ce recours, je n'aurais pas de prêt et je ne serais pas ici
aujourd'hui pour vous parler.
Le Président (M. Vallières): Un instant, s'il vous
plaît! À l'ordre! On va permettre à monsieur qui est
concerné par la question posée par le député de
Saguenay de réagir. Si d'autres intervenants à ma gauche veulent,
par la suite, poser d'autres questions, ils pourront le faire sur la banque de
temps réservée à cet effet.
M. Maltais: Ce que j'ai dit, c'est que l'Office du crédit
agricole est tellement désuet qu'il a été obligé de
passer par des moyens autres que la voie normale par laquelle les autres
producteurs passent. C'est bien ça. La preuve, à
côté de vous...
M. Forget: Désuet, c'est une chose. Il faut faire
attention lorsqu'on dit désuet. Je ne dis pas que le directeur
régional avait complètement tort, parce que lui, sa vision de
Laval, c'était que c'était une ville horticole. Il ne se faisait
que de l'horticulture et il voyait mal l'industrie laitière se
développer à l'intérieur d'une municipalité
d'au-dessus de 200 000 habitants. C'était une question de jugement. Moi,
j'ai trouvé que son jugement n'était pas correct à ce
moment-là. Cela ne veut pas dire que, dans d'autres cas, il n'avait pas
un bon jugement. Sur ce cas spécifique, j'ai trouvé qu'il n'avait
pas de jugement et j'ai été obligé de prendre des
recours.
C'est évident qu'au niveau de l'office il n'existe pas de
commission d'appel pour les différentes choses. Formez-la, la commission
d'appel, et on va en appeler devant la
commission d'appel.
M. Maltais: Vous avez parfaitement raison. Vous n'avez pas
d'autre chance que ça de vous défendre.
M. Forget: J'ai communiqué avec mon député
pour me défendre et c'est normal aussi; quand on a un problème
avec le gouvernement, on appelle son député et on passe par les
voies normales de son député et le député fait des
pressions. Le député, en soi, est un ombudsman. J'ai vu ça
dans le journal, hier. J'ai trouvé ça bon!
M. Maltais: Oui, soi-disant.
Le Président (M. Vallières): Une question de
règlement, M. le député de Nicolet.
M. Beaumier: C'est juste pour qu'on ne prenne pas une tendance,
M. le Président. Par respect pour les gens qui viennent faire des
témoignages ici, je n'aimerais pas que les députés de
quelque côté que ce soit prêtent des paroles ou des
intentions ou des jugements aux personnes qui n'ont pas porté ces
jugements-là. Alors, c'était pour inviter...
Le Président (M. Vallières): Votre
intervention...
M. Beaumier: Je vais terminer, s'il vous plaît!
Le Président (M. Vallières): Très
très rapidement.
M. Beaumier: Oui. C'est une question de respect de ce que les
gens nous disent, et non pas de leur prêter des paroles que certains
députés, eux, voudraient avancer. Merci bien.
M. Picotte: Sur la question de règlement, ça va
être très court. C'est pour vous souligner que, lors d'une
dernière rencontre que nous avons eue concernant le cas des
grévistes de la faim de Saint-Cyrille-de-Wendover, le ministre de
l'Agriculture lui-même a reproché au député de
Maskinongé d'appeler à l'office de temps à autre pour
aider des gens, en disant qu'un député ne devrait pas appeler un
organisme indépendant comme ça.
Nous sommes heureux de savoir, ce matin, que le député de
Lévis ne se considère pas comme un député,
puisqu'il se permet d'appeler. C'est tout simplement pour rétablir ces
faits. À partir de ce moment-là, mon collègue va continuer
dans la veine de ses questions.
Le Président (M. Vallières): Très bien.
Compte tenu de la question de règlement qui a été
soulevée, s'il y a des choses qui ont été dites 'en
votre nom et qui ne correspondent pas à ce qui a été dit,
veuillez les reprendre.
M. Forget: II n'y a pas de problème.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Saguenay.
M. Maltais: Je regrette, M. le Président, le
député de Nicolet n'a certainement pas écouté mes
paroles. J'ai seulement relevé les paroles que monsieur nous a dites.
Est-ce que c'est exact? Que vous aviez été obligé de
passer...
M. Beaumier: Le patronage, c'est vous qui l'avez dit, ce n'est
pas lui.
M. Maltais: M. le Président, s'il vous plaît...
M. Forget: Je vais prendre la parole, si vous me le permettez. Je
ne suis pas un parlementaire, premièrement. Je ne suis pas un gosseux de
virgules non plus, d'accord? Je crois que, dans toute démocratie, le
député a un rôle à jouer au niveau de l'ensemble des
institutions qui sont d'office gouvernementales. J'ai passé par la
règle normale pour ce qui est de mon prêt à l'Office du
crédit agricole et je conseille à tous les producteurs, quand ils
ont un problème avec l'office, d'aller consulter leur
député; ces gars-là, on les paie pour ça.
M. Maltais: Très bien, c'est ce qu'on voulait vous
entendre dire.
M. Dupré:... la déclaration du député
de...
Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il
vous plaît! M. le député de Saguenay.
M. Maltais: M. le Président, je n'ai pas fait de
commentaire à la suite des paroles du député de
Saint-Hyacinthe, alors qu'il attende son tour.
À la page 3 de votre mémoire, vous dites:
"Efficacité et productivité égalent situation
financière précaire ou faillite occasionnée par
l'augmentation du coût de production. " Et vous nous dites un peu plus
loin que, finalement, plus le gars travaille, moins il a des chances de
réussir à cause, d'abord, des coûts de l'équipement,
tout ça. Comment peut-on concilier que, plus il y a de
productivité, donc plus de matière à vendre, si je
comprends bien... Est-ce que ça dépend toujours des offices de
commercialisation, quand il y en a ou quand il n'y en a pas, ou si c'est le
coût de l'équipement et de tout ce qui tourne autour de ça
qui sont trop élevés?
Malgré qu'il y ait plus de productivité, vous n'arrivez
pas quand même. Je pense que c'est un peu le sens du paragraphe et je
voudrais que vous m'expliquiez ça, comment ça fonctionne.
M. Raymond (Jean-Paul): C'est clair que c'est une constatation.
Un jeune qui devient productif en empruntant beaucoup, en modernisant, augmente
son volume de production, son coût est augmenté et ça
devient de moins en moins rentable à cause du facteur d'endettement. Il
y a l'efficacité, il produit beaucoup, mais l'endettement dépasse
le coût de production. Quelqu'un qui va produire moins sera moins
efficace, mais il va payer moins d'intérêt, son coût
d'opération lui permettra de continuer à fonctionner tandis que
celui qui va produire beaucoup... On constate que les gars qui sont rendus
à 17 000, 18 000 livres de lait par vache, qui ont des quotas qu'ils ont
achetés pour augmenter leurs ventes et qui ont des équipements,
ce sont les premiers qui finissent par être obligés de
lâcher.
Autrefois, plus tu étais productif, plus tu étais
efficace, plus tu faisais de l'argent; depuis deux, trois, quatre ou cinq ans,
plus tu grossis, plus tu es productif, plus tu te fais sortir du portrait parce
que tu n'es pas capable de financer ton affaire.
M. Forget: II y a un sondage de la Société du
crédit agricole qui confirme ce que M. Raymond vient de dire. Les 13%
d'agriculteurs en très sérieuse difficulté
financière sont également les plus productifs.
M. Maltais: Oui, c'est bien triste de constater cela. Finalement,
plus il y a de gars au travail et moins il y a de chances de
réussite.
M. Raymond: C'est cela.
M. Maltais: C'est l'inverse de toute logique existante. Vous
semblez aussi ne pas être tout à fait d'accord avec les
économistes et les spécialistes, les pro forma qui guident
certains producteurs. Vous le dites très clairement: Les gens qui
endettent le Canada de 30 000 000 000 $, ceux qui endettent le Québec de
9 000 000 000 $ et les municipalités. Ces gens-là qui
préparent les pro forma - on peut peut-être parler de jeunes
agriculteurs ou de ceux qui se lancent dans de nouvelles productions - c'est
quoi leur expérience et ils se basent sur quoi pour en arriver à
faire de pareils investissements? Le seul côté qui ne semble pas
les préoccuper, c'est celui de voir s'il y a une rentabilité sur
le capital investi, autant au niveau financier qu'au niveau du travail. Ces
économistes-là, vous n'avez pas l'air de les porter dans votre
coeur, si je comprends bien.
M. Raymond: À ce moment-là, c'est une intervention
que j'ai faite moi-même dans le préambule, si on veut. Au point de
vue de l'économie, vous constatez que le Canada s'endette d'une
manière déraisonnable; le Québec s'endette d'une
manière déraisonnable; les villes s'endettent d'une
manière déraisonnable. Je ne connais pas exactement vos salaires,
mais en agriculture, quand tu fais trois petits paquets de radis pour 0, 25 $,
tu n'es pas capable de t'endetter, c'est bien clair. La rentabilité, que
ce soit dans n'importe quelle production... Par exemple, dans le domaine du
boeuf, il faudrait plus d'argent pour que les productions avancent plus que la
progression... Il faudrait bien que nos vaches, qui donnaient 5000 ou 6000
livres de lait, montent leur production à 25 000 et 50 000 livres pour
continuer à financer et à subir le progrès. Là, ce
qui se produit, au point de vue de l'économie, c'est que les
administrateurs, que ce soit du Canada ou du Québec, avec un endettement
comme celui-là, s'ils venaient administrer nos fermes, se feraient
sortir du portrait. Ce serait une affaire épouvantable; cela ne se
tolérerait pas; c'est bien clair.
M. Maltais: Vous dites un peu plus loin que, devant cette
situation, plusieurs producteurs faisant partie de la relève - ce sont
tes jeunes qui se lancent en affaires en agriculture - ayant appliqué
les nouvelles techniques et produisant de façon efficace se retrouvent
devant une situation de faillite. Est-ce que cela voudrait dire que, lorsqu'un
jeune s'en va au MAPAQ et s'installe, tout ce qu'on lui dit, finalement, s'il
le fait à la lettre, il est voué à la faillite?
M. Forget: Ce que cela veut dire, c'est que, si deux producteurs
se rendent au marché dans une production contingentée, par
exemple les radis, il y a un des deux producteurs qui a très peu de
marge de financement et a son propre financement. Lui, il est capable de vendre
trois bottes de radis à 0, 25 $ et faire un profit de 0, 05 $. Le jeune
qui a bâti son entreprise, qui a dû acheter et qui n'a pas une
marge de financement personnelle se retrouve avec un coût de production
de 0, 25 $.
M. Maltais: Mais est-ce que...
M. Forget: Cela veut dire que, pour ces deux producteurs, dans la
même situation, il y en a un qui va survivre assez facilement à la
baisse de prix et l'autre va "péter au fret".
M. Maltais: Somme toute, le jeune agriculteur qui prend la
relève n'est pas compétitif?
M. Raymond: Je vais vous répondre à cela que c'est
la capacité d'emprunt, la marge pour venir à bout de rester. Le
jeune se fait financer et se fait faire un plan de production, mais il n'a pas
de place pour avoir des poumons pour venir à bout... C'est bien beau
d'arriver avec une production et de dire: On va vous faire un plan de
production; vos truies vont donner seize cochons par année et vos vaches
vont donner... Mais, au point de vue pratique, il en manque un bout et le jeune
ne l'a pas. Que ce soit un pays ou une ville, quand le rêve de tous les
économistes est atteint d'obtenir la capacité d'emprunt, c'est
l'idéal de tous les gens: si on peut venir à bout d'emprunter au
maximum et d'atteindre notre capacité d'emprunt, cela va produire et
cela va rouler. Au point de vue du fonctionnement, il semble y avoir une
mentalité qui se dirige vers cela et, quand il n'y a pas de
capacité, de contrecoups, aussitôt qu'il y a une mauvaise
année ou un petit quelque chose, on est obligé d'aller brailler.
Tu n'es pas capable de venir à bout de surnager. C'est ce que l'on dit:
Les jeunes n'ont plus de marge. Je peux en faire cochonner, des truies, sur
papier avec mon crayon. Je vais vous faire cochonner dix ou douze petits par
truie et elles vont cochonner tous les trois mois, mais, ici, il y a un plan de
production et tu dis: C'est cela, tu as tant à payer. Tu dois tant et
tout est exact, mais à la minute qu'il manque un cochon quelque part, tu
es "décâlissé".
M. Maltais: M. le Président...
M. Raymond: C'est cela, notre problème, et on voudrait
toujours aller plus loin et au maximum. Où est-ce qu'on se poigne,
après le crédit, après les animaux, après les
céréales, pour augmenter notre production et pour venir à
bout de surnager? On est rendu au bout. On vous le dit, on est rendu au
bout.
M. Maltais: D'accord. M. le Président, j'aimerais donner
le reste du temps alloué à notre formation à mon
collègue, le député de Huntingdon.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Huntingdon.
M. Dubois: M. le Président, je voudrais d'abord vous
remercier de votre mémoire très bien articulé. Il
décrit d'une façon exhaustive les nombreux problèmes que
vivent les agriculteurs. Je m'aperçois que c'est dans tous les secteurs,
ou à peu près, mais je voudrais revenir sur un secteur en
particulier qui est celui de la pomme. Vous avez indiqué les nombreux
problèmes vécus dans toutes les régions pomicoles; je
pense que cela se ressemble pas mal. Je suis d'une région pomicote
aussi, au sud de Montréal, et tous les producteurs sont conscients que
l'avenir n'est pas rose dans ce domaine.
Comme solution, vous avez proposé un élément:
d'assurer une stabilisation des prix ou de stabiliser les prix de la pomme.
J'aimerais que vous m'expliquiez un peu votre point de vue à ce sujet
parce que, dans mon esprit, cela pourrait être un meilleur plan
d'assurance-stabilisation; cela pourrait être une meilleure mise en
marché; cela pourrait être un plan conjoint national. En tout cas,
je ne sais pas dans quel sens vous entendez, vous diriger, quand vous indiquez
de stabiliser le prix de la pomme. J'aimerais vous entendre sur ce sujet.
Mme Robert: Ce serait au moins de s'assurer d'un coût de
production au niveau de la pomme à l'heure actuelle, parce que vous
savez que la mise... C'est sûr que l'idéal, quand vous parlez
d'une organisation de la mise en marché, ce serait qu'on puisse arriver
à s'organiser pour une mise en marché bien coordonnée. Ce
n'est pas ce qui existe à l'heure actuelle. Il y a du travail qui se
fait, mais on ne voit pas encore le bout du tunnel. Alors, qu'il y ait une
stabilisation, c'est-à-dire qu'au moins on aille chercher nos
coûts de production pour...
M. Dubois: Mais par l'assurance-stabilisation. C'est ce que vous
voulez dire. C'est-à-dire une assurance-stabilisation plus
généreuse qui couvrirait un plus grand coût de
production.
Mme Robert: C'est certain. L'assurance-stabilisation, cela ne
vient pas tout seul. Ce ne serait pas un règlement à nos
problèmes, cela en est un entre autres. C'est sûr qu'à
l'heure actuelle, que les programmes de reconstruction des vergers soient
soutenus, c'est très important.
M. Dubois: Oui, oui.
Mme Robert: À l'heure actuelle, on a beau stabiliser notre
production, avoir des prix de stabilisation de la production, quand tu as une
production de 40%, tu as beau la stabiliser, elle reste à 40%.
M. Dubois: Je suis conscient du problème du jeune pommier.
Même si la production était deux fois plus forte, la situation de
la mise en marché de la pomme au Québec, on peut constater que
cela ne va pas très bien. Enfin, si on regarde certaines productions qui
sont contingentées sur le plan national, où il y a un quota de
production, où il y a un contrôle des importations et un
contrôle du commerce interprovincial, c'est bien sûr qu'à ce
moment-là on peut arriver avec un prix fixe que reçoit le
producteur.
Si on n'a pas ces instruments et que l'on demeure... En fait, si le plan
conjoint de la pomme, par exemple, demeure strictement provincial, où on
n'a aucun contrôle sur les prix et aucun contrôle sur les
entrées et sur le commerce interprovincial, c'est assez difficile de
dire: La pomme va se vendre un montant X cette année. Alors, si on dit,
à titre d'exemple, qu'on va avoir un prix stable de la pomme, ce sont.
tous des instruments qui nous manquent actuellement. Je ne sais pas si vous
l'entendez de cette façon.
Mme Robert: Oui. À l'heure actuelle, tout est à
faire là-dessus. On commence à peine à vouloir
instrumenter pour calculer les coûts de production au niveau de la pomme.
Cela ne se fait même pas à l'heure actuelle.
M. Dubois: Vous avez aussi soulevé les problèmes
que vivent les jardiniers-maraîchers dans votre région. Ils sont
les mêmes partout au Québec. La plupart des productions
maraîchères ne sont pas contingentées, n'ont pas de
contrôle sur l'importation et n'ont pas de contrôle sur le commerce
interprovincial. Alors, c'est le libre marché. Je pense qu'à
courte échéance c'est impossible de penser à un plan
conjoint national, par exemple, pour le chou, la laitue, les carottes - je ne
sais pas, moi - la pomme de terre. Cela demande des ententes
américo-canadiennes. C'est encore un problème majeur. À
court terme, je pense que c'est impossible qu'on puisse en arriver à
cela.
La difficulté actuelle, c'est que rien de cela n'existe. On est
sujet à la fluctuation des marchés dans toutes ces productions.
Même si, par exemple, les producteurs de carottes du Québec et de
la région sud de Montréal - d'où je viens, la
majorité des carottes est produite là - se mettaient tous
ensemble pour dire que, demain matin, on fixe un prix, si l'Ontario nous envoie
des carottes 2 $ meilleur marché, les acheteurs de Montréal vont
acheter les carottes de l'Ontario, c'est bien de valeur, ou ils vont les faire
venir de la Floride à certains temps de l'année, ou du Texas
à certains autres temps. C'est sûr qu'il existe un problème
majeur et la solution n'est pas facile, je pense. Je suis content que vous le
souleviez quand même parce que c'est un des points importants qui peut
nous assurer, quand même, une production constante et la survie des
producteurs. C'est très important. Les solutions qu'on peut mettre sur
papier ne sont pas facilement applicables; c'est un problème.
Il y a un autre élément aussi. Vous avez parlé de
la production de boeuf de boucherie, par exemple, la production animale. On a
constaté hier, quand la fédération est venue, que le
coût des aliments pour les animaux est le double au
Québec. II en coûte deux fois plus au Québec pour
nourrir nos animaux qu'il n'en coûte dans le reste du Canada. Ne
trouvez-vous pas que c'est là un problème majeur sur le plan de
la continuité de la production, de la possibilité
d'intégration de la relève dans ce domaine? Si on veut être
compétitifs et qu'il en coûte deux fois plus pour les aliments
pour les animaux, on a déjà un problème de base, en
partant. Y aurait-il lieu de travailler dans le but de couper les coûts
de production céréalière? Est-ce que c'est parce qu'il en
coûte trop cher au Québec pour produire des céréales
ou si c'est parce que le prix international des céréales est trop
bas et que ceux qui en bénéficient sont seulement ceux qui
produisent un surplus, comme les gens de l'Ouest? Je ne sais pas si cette
situation vous a frappés, mais j'ai trouvé très
étonnant que 30% du coût de production d'animaux au Québec
aille aux aliments, tandis que c'est 15% dans l'Ouest.
Le Président (M. Vallières): Nous allons terminer
sur cette réponse.
M. Forget: D'accord. C'est évident que vous mettez
clairement en question l'auto-suffisance alimentaire au niveau du
Québec. En concurrence avec d'autres régions, on peut arriver en
dessous sur certains points et au-dessus sur d'autres. Il y a quand même
d'autres considérations que nous trouvons aussi importantes à
l'intérieur de l'ensemble de la pensée, au niveau du coût
de production. C'est évident que, dans certaines productions, comme le
boeuf, on peut se retrouver avec un coût de production un petit peu plus
élevé que le coût de production ailleurs. En tout cas, si
ces gens là ne font pas du boeuf, ils vont être en chômage,
ils vont être bénéficiaires de l'aide sociale.
Dans le fond, l'assurance-stabilisation que le gouvernement a mise en
place, c'est un - en tout cas, je le pense - programme promoteur de
développement régional, jusqu'à un certain point. On
empêche de fermer des régions complètes en ayant
l'assurance-stabilisation. Enlevez l'assurance-stabilisation, messieurs, et il
y a des grands bouts, au Québec, où il n'y aura plus personne du
tout. C'est ce que cela veut dire. On a un territoire et il faut l'occuper. Il
y a des productions où on peut être compétitifs; il y a des
productions où on l'est moins. C'est peut-être plus payant de
garder ces productions en vie que d'envoyer tout le monde à l'aide
sociale se bercer sur leur chaise.
M. Dubois: C'est une constatîon que je faisais, remarquez
bien. Loin de moi l'intention de dire: Demain matin, on ferme toute
l'agriculture au Québec. Je pense qu'elle a besoin de progresser, et
davantage.
Le Président (M. Vallières): Très bien, je
dois vous arrêter là-dessus. Je remercie les gens de la
Fédération de l'UPA des Laurentides. C'est vraiment un
mémoire à caractère régional et d'une dimension
régionale très intéressante que vous apportez à la
commission et les membres en sont très heureux, Je voudrais rappeler aux
membres de la commission que nous commencerons nos travaux cet
après-midi à 15 heures précises, en recevant la
Fédération de l'UPA de Lanaudière. Nous vous remercions de
votre participation, messieurs. La commission suspend ses travaux à cet
après-midi, 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 9)
(Reprise à 15 heures)
Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il
vous plaît!
La commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation
reprend ses travaux. Pour commencer, nous entendrons les représentants
de la Fédération de l'UPA de Lanaudière. Je demanderais
à M. Bernard Duval, président, de nous présenter
l'équipe qui l'accompagne et de procéder par la suite à la
présentation de son mémoire. Pour la lecture du mémoire,
vous disposeriez de 15 à 20 minutes. Le temps sera ensuite
réparti équitablement pour une période de questions. La
parole est à vous, M. le président.
Fédération de l'UPA de
Lanaudière
M. Duval (Bernard): M. le Président, la
Fédération de l'UPA de Lanaudière est heureuse de se
présenter devant la commission pour lui faire part de son approche du
dossier sur la relève, le financement et l'endettement.
Les gens qui m'accompagnent sont M. Réjean Payette, premier
vice-président de la fédération; M. Raymond Laplante,
deuxième vice-président de la fédération sera un
des intervenants à titre de responsable du dossier sur le financement
agricole è la fédération; M. Gibert Nicole, directeur
régional, interviendra également; M. Jacques Clermont, membre du
conseil d'administration, président du Syndicat de Nouvelle-Acadie.
Je passe directement à la présentation du mémoire.
Au niveau de la table des matières, on va voir au fur et à
mesure. Ce sera donc une partie de référence pour ceux qui
voudront en prendre connaissance. Je pense qu'il faut souligner que la
Fédération de l'UPA de Lanaudière, tout en s'en faisant un
plaisir, s'est fait un devoir de participer à la présente
commission. On a pensé qu'au nom des 3000 agriculteurs de la
région de Lanaudière, on se devait de participer à la
consultation générale de la commission sur les aspects de la
relève et du financement. Sur ces trois aspects, nous espérons
que notre participation vous permettra d'en mieux comprendre les
problèmes, de déterminer les vraies causes de ces
problèmes et, enfin, d'en dégager des solutions pratiques et
Imaginatives.
On croit représenter quelque chose d'assez imaginatif dans
l'avenir du financement. Pour ce faire, nous avons choisi de travailler
prioritairement sur les principes à partir desquels des solutions
devraient être dégagées, plutôt que de vous
répéter les problèmes spécifiques que vous ont
déjà identifiés nos récents congrès
régionaux ainsi que les problèmes particuliers sur lequels se
devront d'insister les organismes comme la Fédération de la
relève et la confédération de l'UPA. Concernant les trois
principaux aspects que nous allons traiter dans ce mémoire, nous
arrêterons notre réflexion aux principes qui devront aider la
commission dans ses recommandations de politiques de financement agricole.
Un cadre de référence: la ferme familiale et le plan
conjoint. Tout est basé sur ces deux points. Afin d'arriver aux
objectifs qu'elle s'est fixés, il nous paraît essentiel que la
commission se donne un cadre de référence clairement
défini. Sans celui-ci, la commission risque de recommander des solutions
contraires aux intérêts des agriculteurs, voire même des
solutions qui agiront dans des directions opposées et dont les effets
des unes annuleront les effets des autres. Pour nous, ce cadre de
référence repose sur deux orientations fondamentales: la ferme
familiale, une structure de production à privilégier et les plans
conjoints, une structure de mise en marché à privilégier.
Trop souvent, ceci est perçu comme contraire aux lois du libre
marché et suscite des critiques acerbes. Il subsiste, en effet, au
Québec et au Canada, une philosophie économique visant à
l'adoption de politiques à l'américaine, soit une structure de
production spécialisée et fortement capitalisée et une
structure de mise en marché libre et
déréglementée.
Pour nous, cette philosophie est totalement dépassée et
est contraire à nos orientations fondamentales. D'une part, avec
l'effort que fait la société pour améliorer la
qualité de vie et l'environnement des individus sans spolier les
ressources non renouvelables, il nous faut favoriser et imaginer une structure
de production compétitive où la famille conserve une place
importante par rapport au capital et où la polyvalence côtoie
efficacement la spécialisation. D'autre part, la mise en marché
des produits agricoles par une action collective et disciplinée des
producteurs eux-mêmes avec la collaboration de l'État est
prouvée comme l'outil le plus efficace pour
répondre mutuellement aux besoins fondamentaux des producteurs et
des consommateurs.
Les politiques de financement agricole qui influencent de façon
considérable le développement de l'agriculture doivent être
préparées à la lumière d'un cadre de
référence clairement défini. Nous croyons donc que la
commission doit adopter un cadre de référence qui repose au moins
sur les deux orientations ci-haut définies, soit la ferme familiale et
le plan conjoint.
Nous devons de plus mettre en évidence à la commission le
fait que les politiques de financement agricole constituent pour l'État
un outil pouvant l'aider à jouer un de ses rôles fondamentaux,
soit celui de s'assurer d'une juste distribution des revenus parmi les
catégories de citoyens de la province. Les politiques de crédit
agricole permettent donc à l'État qui le désire de rendre
accessibles à toutes les catégories de citoyens, riches ou
pauvres, des aliments à meilleur prix, en quantité et en
qualité suffisantes. Ainsi, en voulant influencer le
développement de l'agriculture, l'État aide inévitablement
le consommateur québécois à s'alimenter à meilleur
prix et le rendre plus sécurisé face aux réactions des
autres pays producteurs. Nous croyons donc que l'État peut et devra
à l'avenir remplir ce rôle à l'intérieur du cadre de
référence que nous avons défini, tant dans
l'intérêt des consommateurs que de la classe agricole.
M. Payette (Réjean): La relève agricole, situer
l'intérêt des deux parties, vendeur et acheteur, lors d'un
transfert. Théoriquement, l'intérêt du vendeur est
d'obtenir pour sa ferme un prix maximum qui lui permettra de
récupérer en argent la valeur totale réelle de ses actifs
et, selon son âge, lui assurer une retraite convenable. L'acheteur, lui,
essaiera d'acquérir les actifs à un prix minimum qui lui
permettra de remplir ses engagements et de tirer de son entreprise un niveau de
vie acceptable.
Des capitaux qui demeurent en agriculture. Afin de rejoindre les
intérêts et exigences mutuels de l'acheteur et du vendeur, il y
aurait lieu de faire des efforts pour que puisse s'appliquer une formule
reconnue de financement de l'acheteur directement par le vendeur. D'une part,
ceci favoriserait le maintien des capitaux en agriculture. D'autre part, les
deux parties pourraient potentiellement bonifier leur situation respective.
Des transferts progressifs et planifiés. Ce principe est central
et devrait s'appliquer dans la majorité des cas. Les futurs agriculteurs
n'auront plus le choix que de s'assurer que leur projet se réalise
étape par étape, tant du point de vue humain, technique que
financier. Il faut donc que le crédit agricole soit en mesure d'offrir
à la relève agricole un outil d'implication financière
progressive, pivot d'une réalisation de projets planifiés
è long terme, étape par étape.
Des modes de transfert Imaginatifs et reconnus. La majorité des
fermes est encore aujourd'hui à propriété unique ou de
couple et ne possède aucun statut juridique particulier. La
minorité des fermes en société ou compagnie
bénéficie, quant à elle, d'un statut juridique particulier
avec des formules définies de transfert et d'implication à
l'intérieur même de ces structures légales et
financières. Ces structures légales ne s'adaptent pas
parfaitement au secteur agricole et ne tiennent pas vraiment compte de ses
besoins particuliers.
Par ailleurs, on connaît également les difficultés
rencontrées par ces mêmes structures lors de dissolution, souvent,
pour un retour à une forme de propriété unique ou de
couple. À partir de ces constatations, pourquoi ne pas inventer une
structure légale de ferme familiale à partir de laquelle
pourraient se réaliser des modes de transfert progressifs reconnus et
réalisés, tels qu'ils se pratiquent actuellement dans d'autres
pays, par exemple, le "share milking" en Nouvelle-Zélande? Du même
coup, nous respecterions et engloberions l'application des principes que nous
avons élaborés aux chapitres 3. 2 et 3. 3.
En effet, en plus d'un cadre légal à
l'établissement progressif, ce qui demeure une fin en soi, ces modes de
transfert inciteraient les vendeurs à garder leurs capitaux investis en
agriculture et encourageraient les deux parties à réaliser un
transfert étape par étape, tant du point de vue humain, technique
que financier.
Reconnaître la formation agricole. Un dernier grand principe pour
l'élaboration de politiques de crédit agricole pour la
relève est celui de la formation. Nous entendons par formation la
formation théorique généralement dispensée sur les
bancs d'école et la formation pratique, généralement
dispensée sur les lieux de travail. Même s'il nous apparaît,
dans un premier temps, plus important de promouvoir la formation auprès
de la relève agricole et de lui en faciliter l'accès par des
programmes proches de son milieu et de ses réalités, il nous
apparaît qu'à long terme les politiques de crédit agricole
devront reconnaître les acquis théoriques et pratiques de la
relève agricole.
En attendant, il importe d'établir une concertation de tous les
intervenants du milieu, de sorte que la formation gagne la place qui lui
revient dans l'esprit et dans la vie de la relève et des parents. Les
futurs producteurs et productrices agricoles seront bien différents de
ceux et celles d'aujourd'hui. Les futures productions seront
différentes, plus nombreuses et plus diversifiées. La
planification et la gestion
prendront plus de place que l'improvisation, les budgets établis
décourageront les décisions et les achats impulsifs. Le manque de
compréhension de l'information sera plus grand que le manque
d'information.
Ce sont là quelques-uns des nombreux défis qu'une
relève agricole mieux informée réussira à relever
et la commission devra en tenir compte dans ses recommandations sur les futures
politiques de crédit agricole.
M. Nicole (Gilbert): Chapitre IV, le financement. Deux
critères d'admissibilité: fermes familiales et productions en
plan conjoint. En lien direct avec notre cadre de référence, nous
demandons à la commission de considérer sérieusement les
critères d'admissibilité que nous allons lui proposer. Les
membres de la fédération ont réfléchi longuement au
choix de ces critères et en sont arrivés à une proposition
qui constitue l'essence même du mémoire de la
fédération et ce vers quoi les politiques de crédit
agricole devront converger.
La fédération propose donc de privilégier et de
rendre exclusif l'accès aux politiques de crédit agricole,
premièrement, aux fermes qui mettent en marché un produit
agricole couvert par un plan conjoint et, deuxièmement, aux fermes qui
mettent en marché un produit agricole mais strictement pour la partie de
leur volume de production pouvant être produit par 1, 5 UTH ou moins.
Afin de faciliter la compréhension de cette proposition, nous
avons cru bon de l'illustrer dans le tableau de la page suivante. Vous avez, en
fait, dans le haut de la page, le résumé. En partant de la
gauche, les structures de mise en marché qui sont divisées en
deux avec plan conjoint et sans plan conjoint. Au bas du tableau, les
structures de production, que ce soit une production unique, en
société ou en compagnie, qui sont divisées en deux soit ce
qu'on appelle la ferme familiale, qu'on va définir plus
précisément tout à l'heure, et les autres fermes.
La légende, finalement, explique chacune des constituantes du
tableau. Au bas, vous avez les critères 1 et 2 qui sont jumelés
pour composer le total des fermes admissibles et le total des volumes
admissibles selon les deux critères qu'on a retenus.
Si on tourne la page, on verra peut-être plus
précisément d'où partent ces deux critères mais il
faut comprendre que ces deux critères doivent être
appliqués simultanément, donc, que les politiques de
crédit agricole devront être accessibles exclusivement. En fait,
on regroupe les critères 1 et 2 concernant toutes les fermes qui mettent
en marché un produit agricole couvert par un plan conjoint, mais
strictement pour la partie de leur volume de production pouvant être
produit par 1, 5 UTH et moins.
Le critère 1: les productions en plan conjoint. Ce critère
d'admissibilité signifie pour la fédération que les
politiques de crédit doivent s'adresser aux producteurs ayant
manifesté un désir et une volonté ferme de prendre en main
leur mise en marché. Ces producteurs devront avoir réalisé
des actions collectives valables et nous croyons que les producteurs qui se
sont voté un plan conjoint ont manifesté un minimum de
volonté d'intervenir dans la mise en marché de leur produit.
Quant à ceux qui n'ont pas encore manifesté ce minimum de
volonté, nous croyons qu'il faut dispenser l'État de leur rendre
disponibles des politiques de crédit agricole. Ce qui soulagera
également les contribuables des risques que l'État assume dans de
tels investissements. De plus, l'État démontrera que c'est
conséquent et cohérent avec l'ensemble des lois qu'il a
promulguées, faisant en sorte que ces lois agissent toutes dans le
même sens. En l'occurrence, que les fondements des lois sur le
crédit agricole s'associent logiquement aux fondements de la Loi sur la
mise en marché des produits agricoles.
Il faut toutefois comprendre que ceci n'empêchera pas
l'État d'investir dans des productions non organisées, à
des endroits dont les résultats seront plus positifs, tels les services
techniques aux producteurs, la recherche, la formation, etc.
Le critère 2: la ferme familiale à 1, 5 UTH. Ce
critère d'admissibilité signifie pour la fédération
que les politiques de crédit agricole doivent s'arrêter à
la partie du volume de production d'une ferme, producteur unique,
société ou compagnie, pouvant être produite par 1, 5 UTH ou
moins. L'UPA et le MAPAQ ont toujours défendu le principe de la ferme
familiale et il est plus que temps que quelqu'un ose mettre une balise pour la
situer et lui donner une signification plus concrète.
Nous proposons donc aujourd'hui une norme pour définir la ferme
familiale; cette norme, c'est l'UTH: unité-travail-homme. On pourrait
peut-être s'entendre sur le mot "personne" dans l'avenir, mais, pour
l'instant, c'est UTH.
Nous proposons également une taille à cette norme et cette
taille est de 1, 5 UTH. Donc, pour nous, la ferme familiale est la ferme qui
occupe l'équivalent d'une personne et demie à temps plein.
À partir de cette norme, il est possible de définir le volume de
production optimal qui peut être produit par UTH et d'appliquer les
politiques de crédit en conséquence de ces volumes optimaux, par
production et par UTH.
Encore ici, il faut comprendre que ceci n'empêche pas
l'État d'intervenir en faveur des fermes de plus de 1, 5 UTH;
d'ailleurs, il
le fait déjà par des politiques telles que celles sur le
remboursement des taxes, sur la fiscalité, sur les travaux
mécanisés, sur le zonage agricole, etc. Nous croyons cependant
que l'État doit poser des gestes concrets pour privilégier le
maintien d'une structure de ferme familiale. Pour la fédération,
le crédit constitue un moyen efficace d'influencer dans ce sens le
développement des structures de production. (15 h 15)
Un choix d'options dans le financement agricole. La diversité des
productions agricoles de la région de Lanaudière, tant sur son
territoire que sur chacune de ses fermes, constitue un trait original de notre
agriculture.
Ainsi, afin de tenir compte de la situation propre à chaque
individu et à chaque production, les politiques de crédit, selon
l'objectif de chacune d'elles, devraient pouvoir offrir un certain choix
d'option de financement.
Tenant pour acquis que les besoins de financement d'un agriculteur
diffèrent d'un type de production à l'autre, il importe que les
limites maximales soient adaptées aux différents types de
production. Ces limites ne devraient donc plus être identiques pour tous
les types de production, mais plutôt tenir compte des
réalités de chacune d'elles. Les limites maximales de financement
devraient donc s'établir en proportion des besoins d'une ferme
familiale, selon le volume de chaque production correspondant à 1, 5
UTH.
Du crédit agricole garanti, ayant peu d'incidence à long
terme sur le prix des actifs transigés. Il ne faut pas, au
départ, mêler le fait de rendre disponible du crédit
garanti aux entreprises agricoles au fait encore nécessaire de
subventionner l'agriculture. Idéalement, le crédit agricole ne
devrait pas être une formule de subvention générale de
l'agriculture. Les problèmes de revenu en agriculture doivent être
attaqués de front en corrigeant les causes spécifiques à
chaque production.
Ainsi, dans la mesure où les politiques de crédit se
limiteront à leur fonction essentielle de rendre disponible du
crédit garanti aux entreprises agricoles, les avantages de ces
politiques ne seront pas, à moyen et long terme, capitalisés dans
le prix des actifs transigés. Car si, à court terme, quelqu'un y
gagne à bénéficier d'un crédit-subvention, à
long terme, quelqu'un d'autre y perd et les entreprises agricoles entrent dans
le même mouvement que celui du chat qui court après sa queue.
Des garanties qui correspondent à la valeur du prêt.
Malgré que les garanties exigées soient indispensables,
puisqu'elles donnent à l'établissement prêteur la
possibilité de recouvrer l'argent des déposants si les primes ne
peuvent être remboursées, nous croyons injustifié que les
garanties exigées soient dans plusieurs cas supérieures à
la valeur du prêt; d'autant plus que, contrairement au chef d'une
entreprise commerciale, le failli peut perdre son entreprise et sa maison. Dans
bien des cas, plusieurs générations y ont travaillé et les
conséquences humaines et sociales sont évidentes.
Structure des taux d'intérêt. Le premier principe à
reconnaître en matière de financement agricole est celui des taux
d'intérêt qui tendent à demeurer fixes. Nul n'est besoin de
s'étendre longuement sur les contraintes biologiques,
géographiques, climatiques particulières au secteur agricole pour
justifier ce principe. Une multitude de facteurs déstabilisent la
production et les coûts de production; en contrepartie, les taux
d'intérêt se doivent d'intervenir comme facteur de stabilisation
des coûts de production reliés à la production
agricole.
La structure des taux d'intérêt que nous allons vous
proposer repose en partie sur les deux principes actuels, en partie sur
d'anciens principes que plusieurs avaient relégué aux
oubliettes.
A. Illustration de notre proposition. Ce qui est demandé, c'est
qu'à long terme les prêts soient consentis pour une période
de 39, 5 ans à des taux d'intérêt de 2, 5%. Le
remboursement se ferait sur une base de 4% par année. En prenant
l'exemple d'un emprunt de 100 000 $, le remboursement de la première
année serait 4% de 100 000 $, soit 4000 $, répartis en 2500 $
d'intérêt et 1500 $ de capital.
Nous voulons ici vous préciser que ce principe devra être
différencié dans son application. Ainsi, les productions sans sol
devront pouvoir financer une partie de leurs actifs sur du long terme. Au
besoin, il faudra donc redéfinir les critères de
répartition des actifs à court, moyen et long terme en fonction
d'un type de production sans sol. Moyen terme: sur une période de quinze
ans. C'est la formule qui s'applique actuellement sur les prêts à
long terme. La commission doit évaluer favorablement la méthode
actuelle de fixation des taux d'intérêt sur les prêts
à long terme, sauf sur un aspect, soit celui du calcul
d'intérêt au mois que nous souhaitons voir remplacer par un mode
de calcul semestriel. À court terme, les taux d'intérêt ne
dépassant pas 10%. Ce taux est applicable en toute situation, pour
autant que le montant emprunté ne dépasse pas la limite maximale
à court terme de la ferme familiale. Un exemple ou une hypothèse:
50 000 $ pour une entreprise de 150 truies.
Exemples de fonctionnement. B. 1: Établissement d'un producteur
sur une ferme porcine maternité à 100 truies. Le producteur qui
part à zéro et investit pour une production de 100 truies a un
besoin
financier de 222 000 $. Financement à taux
préférentiels à long terme: 100 000 $; moyen terme: 66 500
$; à court terme: 33 500 $. Mise de fonds: 10% ou 22 000 $. Il y a une
petite erreur, il y a un "2" de trop.
B. 2: Projet d'agrandissement, phase II. L'individu passe de 100 truies
à 150 truies. Besoin financier: 110 000 $. Financement à taux
préférentiels à long terme: 50 000 $; moyen terme: 33 500
$, court terme: 16 500 $; mise de fonds è 10%: Il 000 $.
Projet d'agrandissement, phase III: L'entreprise passe de 150 à
200 truies; besoin: 110 000 $. Financement: les taux
préférentiels ne s'appliquent plus, parce que l'entreprise
dépasse la ferme familiale telle que définie, avec une
hypothèse que 150 truies nécessitent 1, 5 UTH. C'est une
hypothèse.
C. Avantages du modèle proposé: favorise le respect du
premier principe définissant le cadre de référence,
à savoir: le maintien et le développement de la ferme
familiale.
Réaction plus favorable au projet d'organisation de la mise en
marché, d'où le respect du deuxième principe
définissant le cadre de référence, à savoir:
l'organisation de la mise en marché par les plans conjoints.
Rétrécissement de l'écart qui existe actuellement dans la
rentabilité des entreprises qui ont un haut niveau d'endettement et
celles qui en ont un bas. Pressions moins fortes sur le marché des
fermes par les producteurs à bas niveau d'endettement, d'où une
amélioration de la situation du marché pour la relève
agricole et une stabilisation des prix des actifs transigés.
Faisabilité: Nous n'avons pas tenté d'établir les
coûts réels d'une telle politique de financement agricole.
Cependant, il est possible d'établir deux distinctions importantes
à ce niveau.
D. 1: Pour les productions bénéficiant de programme de
stabilisation des revenus: Les sommes investies dans un tel type de programme
de financement pourront être largement récupérées au
niveau des versements faits par le gouvernement aux producteurs et les montants
ainsi versés bénéficieront plus à ceux qui en ont
le plus besoin.
D. 2: Pour les productions bénéficiant de formule de prix
établis à partir des coûts de production: Les sommes
investies dans un tel type de programme de financement ne pourront être
récupérées complètement, mais n'est-ce pas
là un des moyens qui permettra de privilégier la ferme familiale
et le plan conjoint?
M. Laplante (Raymond): L'endettement: Un endettement basé
sur la capacité de remboursement.
Jusqu'à une certaine époque, les prêts consentis aux
agriculteurs étaient essentiellement basés sur l'avoir net de
l'emprunteur. Cette approche a été remise en question et la
majorité des agriculteurs et hommes d'affaires admettent qu'il faut
baser l'endettement sur la capacité de remboursement plutôt que
sur l'avoir net.
Les politiques de crédit agricole doivent donc baser leurs
critères sur l'aptitude que possède l'entreprise agricole de
générer des revenus qui lui permettront de faire face à
ses coûts de production, le service de la dette, la
rémunération du travail de la famille.
La consolidation des dettes: Si l'analyse d'un cas démontre que
des modifications importantes sont survenues, les politiques de crédit
doivent permettre de consolider les dettes afin que le programme de
remboursement corresponde à la nouvelle capacité effective de
remboursement de l'exploitation.
Généralités: Attitude des conseillers de
l'office.
Faire une demande de prêt ou autre n'est pas un geste facile pour
tout le monde. Plusieurs en sont à leur première
expérience et ce n'est pas une expérience qui se
répète d'une façon routinière dans la
carrière d'un producteur agricole.
Le producteur ou la productrice agricole qui rencontre un conseiller en
crédit de l'Office du crédit agricole du Québec s'attend
à une attitude positive de la part de celui-ci et plus
particulièrement que le conseiller: 1. Soit équitable dans
l'étude et l'application des critères d'évaluation de la
demande, tant auprès de la productrice que du producteur agricole, tant
dans le cas de productions nouvelles que de productions traditionnelles. 2.
Favorise un climat d'échange, de coopération et de franche
collaboration. 3. Traite chaque demande de manière la plus diligente
possible.
Règlements discriminatoires: Les règlements doivent
permettre l'égalité des chances d'accès aux politiques de
crédit agricole, tant à la productrice agricole qu'au producteur
agricole, sans égard à son statut matrimonial.
Commission d'appel à l'office: La période de
difficultés économiques que traverse actuellement la production
agricole rend encore plus criante la nécessité d'une commission
d'appel à l'Office du crédit agricole du Québec.
Dans un chapitre précédent, nous avons parlé de
l'attitude des conseillers en crédit agricole. Nous croyons cependant
que le personnel de l'office ne devrait pas assumer seul la
responsabilité de l'étude du financement d'entreprises agricoles
qui ne répondent pas ou ne répondent plus aux
critères généralement appliqués.
Une commission d'appel constituerait de la sorte un moyen pour, d'une
part, alléger le fardeau de responsabilités du personnel de
l'office; pour, d'autre part, atténuer ou corriger certaines injustices
causées à des producteurs et productrices agricoles.
M. Duval: Comme conclusion, M. le Président, nous ne
pouvons prétendre avoir approfondi tous les aspects de la relève,
du financement et de l'endettement agricole, mais nous croyons avoir rempli
notre devoir en fournissant aux membres de la commission l'occasion d'une
réflexion sur les premiers principes sur lesquels devraient reposer les
futures politiques de financement agricole au Québec.
Nous vous rappelons notre disponibilité et insistons sur notre
volonté d'être consulté quant aux étapes futures de
réflexion, d'orientation et de décision des futures politiques de
financement agricole du Québec.
Nous insistons également pour que la prochaine étape de
consultation se réalise dans les plus brefs délais et dans le
cadre d'un sommet socio-économique sur le financement.
Nous croyons que c'est dans ce cadre, où seraient présents
tous les intervenants du monde agricole, que pourraient être le mieux
analysés et discutés tous les aspects du financement.
Nous espérons de plus que ce mémoire aura permis aux
membres de la commission de mettre en lumière les liens qui peuvent et
devraient davantage exister entre les principes fondamentaux de chacune des
lois et programmes qui s'appliquent au domaine de l'agro-alimentaire.
Il nous apparaît donc que l'État devra davantage s'assurer
qu'il promulgue des lois conséquentes les unes avec les autres afin
qu'elles convergent vers le même objectif du mieux-être de la
classe agricole.
Ce sont les points de vue que le conseil d'administration - a pris en
considération en élaborant ce mémoire à l'intention
de la commission, dans une région où, on le répète,
la diversité des productions et la formule de production nous
caractérisent. En même temps, c'est une formule imaginative de
crédit agricole et de financement et c'est la base même du
départ de l'agriculture, de l'agriculteur ou de l'agricultrice.
Le Président (M. Vallières): Je vous remercie, M.
Duval. J'ai des demandes d'intervention. Nous commencerons par M. le
député de Berthier.
M. Houde: Merci, M. le Président. Je voudrais, en premier
lieu, vous remercier pour le magnifique mémoire que vous nous
présentez aujourd'hui. De plus, cela me fait plaisir de vous accueillir
étant donné que c'est ma région, la région de
Lanaudière, celle de la fédération de l'UPA, celle de
Joliette et des environs.
À la page 4 de votre mémoire, quelle formule vous semble
la meilleure pour que le vendeur finance directement l'acheteur d'une ferme
agricole? Est-ce que vous pouvez expliquer un peu comment vous voyez cela?
M. Laplante (Raymond): Est-ce que c'est ce qui est à la
page 5 ou à la page 4?
M. Houde: À la page 4. C'est à la page 5 pour vous
autres. D'accord.
M. Duval: Cela s'intitule: "La relève agricole".
M. Laplante (Raymond): La façon dont on s'explique ici,
c'est sûr qu'on aborde cela sur une question de principe. Dans le domaine
de 3, 2, on dit: C'est sûr que, quand il y a une vente de ferme, il y a
des vendeurs et des acheteurs. Cela veut dire que quelqu'un, quelque part,
retire un montant d'argent. Il faudrait trouver une façon pour faciliter
que l'argent qui est gagné ou fait en agriculture puisse demeurer en
agriculture, soit par un transfert progressif. La personne qui vend pourrait
laisser l'argent là; on pourrait offrir des actions ou des parts
à celui qui achète ou cet argent pourrait servir aussi à
ce qui est des dettes, pas nécessairement à long terme, mais
à moyen terme et à court terme. C'est dans ce sens-là. Je
ne sais pas si cela répond à votre question.
M. Houde: Oui, d'accord. Maintenant, à la page 5... M.
Payette, allez-y.
M. Payette: Il y a une chose que je voudrais ajouter. C'est comme
un prêt tandem qui est garanti par le gouvernement et que le vendeur
laisserait, disons, ce que le père laisserait à son fils, une
somme d'argent, que le prêt agricole n'aurait pas à
débourser et qui soit garanti. 5i jamais l'office venait en
difficulté, que cela soit garanti par le gouvernement de la même
façon qu'un prêt tandem.
M. Houde: Le père ne perd pas. M. Payette:
Précisément.
M. Houde: Merci. Ma deuxième question concerne la page 5,
paragraphe 5. Comment voyez-vous le processus que l'Office du crédit
agricole devrait mettre en place pour établir le remboursement
étape par étape de ces prêts à long terme? C'est
à la page 5.
M. Nicole: On n'en a pas
nécessairement étudié tout le mécanisme,
mais je pense qu'il y a des éléments de réponse qui sont
donnés au paragraphe 3. 4. Au paragraphe 3. 4, on y va avec un exemple,
finalement, de mode de transfert progressif, et c'est basé sur une
juridiction, à l'exemple de ce qui se fait en Nouvelle-Zélande,
le "share milking".
M. Houde: D'accord. À la page 7, pourriez-vous
préciser votre idée, avec d'autres exemples au besoin, d'offrir
dans la politique de crédit un certain choix d'options de
financement?
M. Duval: On se demande comment il se fait que la pagination
n'est pas la même. On est toujours une page en retard ou une page en
avant.
M. Houde: C'est pour cela. J'ai la page et, lorsque je vais voir
dans le mémoire, il y a une page de différence. Oublions les
pages, ce sera plus facile.
Le Président (M. Vallières): On a deux textes
effectivement. Un nouveau texte a été présenté.
M. Houde: J'ai le nouveau texte. Est-ce que c'est le nouveau que
vous avez?
Une voix: C'est celui daté du 6 mars. (15 h 30)
Une voix: C'est comme des testaments.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Berthier, le vôtre est en date du 6 mars.
M. Houde: Oui. Voulez-vous que je répète la
question d'abord?
M. Nicole: Répétez donc la question.
M. Houde: Si vous voulez, pourriez-vous préciser votre
idée, avec d'autres exemples au besoin, d'offrir dans la politique de
crédit un certain choix d'options de financement? Quels sont les choix
que vous pourriez nous expliquer ici, à savoir comment le financement
pourrait se faire?
M. Nicole: Tel que c'est défini là, dans le fond,
c'est qu'il faudrait s'entendre sur des limites maximales de production, sur
une production optimale par production et les limites seraient définies
en fonction du volume optimal pouvant être produit par production, mais
à l'intérieur de ta limite de 1, 5 UTH. On établirait ce
que 1, 5 UTH peut produire d'une façon optimale. Le maximum de
financement serait établi à partir de cela.
M. Houde: Tenant compte du capital humain?
M. Nicole: Tenant compte de tout ce qu'il faut pour produire avec
1, 5 UTH, autant les ressources humaines, techniques, financières que
naturelles.
M. Houde: D'accord.
M. Duval: Pour compléter cela, c'est qu'au lieu d'avoir un
maximum de montants comme c'est actuellement: disons 150 000 $ ou 200 000 $ ou
des choses comme cela, on irait production par production. L'exemple qu'on
donnait pour le porc: si 150 truies, c'est 1, 5, combien faut-il comme
financement à court, à moyen et à long terme, pour le
boeuf d'engraissement, pour le bovin laitier ou, pour le mouton? Dans toutes
les productions, il y aurait une volonté établie en fonction
d'une pratique agricole optimale avec 1, 5 unité-travail-homme. On
crée des critères pour chacune des productions à court,
à moyen et à long terme. C'est cela qu'est l'aspect qu'on ne
connaît pas. Aujourd'hui, on regarde le montant maximum et qu'on
l'atteigne ou qu'on ne l'atteigne pas, on prend notre besoin. Si cela ne
répond pas à notre besoin, on prend ce qu'il y a là et le
reste va sur le marché régulier; quelquefois, cela ne
répond pas nécessairement aux structures. Si on regarde les
besoins du financement à court terme pour les céréales et
les parcs d'engraissement, la formule actuelle ne répond pas
nécessairement intégralement à la ferme familiale.
M. Houde: Un peu comme on voit lorsqu'on parle de barbecue
à 30 000 "broilers" par unité-homme. C'est un peu cette
situation. Â la page 8, au paragraphe 4. 1, aux petits carreaux que vous
avez... Est-ce que vous y êtes, au bas de la page?
M. Duval: D'accord.
M. Houde: Trouvez-vous juste que les politiques du crédit
agricole se limitent aux seuls produits agricoles couverts par un plan
conjoint, aux fermes qui mettent en marché un produit agricole couvert
par un plan conjoint, ce qui apparaît au paragraphe 1? Est-ce qu'on se
rejoint?
M. Duval: Oui. La réflexion qu'on a faite à
l'intérieur de la fédération, si on dit que c'est à
la charge de la société... Toute formule de loi, entre autres la
Loi sur le crédit agricole, est à la charge de la
société, tous les rabais d'intérêt. On dit: Les
agriculteurs qui ont voulu coordonner leur production et faire une mise en
marché ordonnée de leurs produits et qui ont fait le minimum
d'effort - on pense que le minimum d'effort, c'est d'avoir voté
collectivement en faveur d'un plan conjoint - et qui essaient d'agir sur le
marché, non pas à l'encontre du
consommateur, non pas à l'encontre de l'ensemble des citoyens, de
l'ensemble de la société du Québec, on dit qu'il y aurait
une retombée assez égale... On le demande pour ces
gens-là. Pour les principales productions où une ferme familiale
va gagner sa croûte à l'intérieur de la production
agricole, l'ensemble de ces productions sont déjà touchées
par les plans conjoints. Cela ne discrimine pas beaucoup de producteurs. Bien
des gens pourraient nous dire: Un tel gagne sa vie avec telle chose. On est
conscient que, par la formule qu'on propose, il y a peut-être quelques
individus au Québec, dans la région de Lanaudière, qui
seraient brimés par notre position. C'est loin, et de très loin,
d'être une majorité; c'est une minorité; en tout cas, c'est
très faible. Quand il nous restera à étudier les cas
d'exception, on les regardera: les membres de l'Opposition, le gouvernement,
l'UPA dans son ensemble. On regardera ces quelques cas d'exception. On ouvre la
porte à l'idée de dire qu'il est fort probable que tout le monde
au Québec soit entraîné par l'imagination pour trouver une
formule pour aider ces gens-là d'une façon ou d'une autre.
M. Houde: C'est peut-être en dehors de votre
mémoire, mais seriez-vous prêt à dire qu'un cultivateur,
disons qu'ils ne sont pas trois ou quatre cultivateurs sur la même ferme,
mais seulement un, soit le père ou un garçon qui s'est
établi, pour autant qu'il aurait de quoi subvenir à ses besoins,
cela serait suffisant. Est-ce que c'est cela que vous voudriez faire à
un moment donné? Non? Avec 30 000 "broilers", prenons notre exemple de
barbecue, ils pourraient vivre aisément, facilement, est-ce que cela
sera assez pour qu'un autre, après cela, se limite à cela? Ou si
on peut prendre une autre ligne à côté et aller chercher
deux fois le revenu, ce qui n'est pas nécessaire? Est-ce que cela se
rendrait jusque-là?
M. Duval: On crée la base d'une ferme familiale, ce que 1,
5 UTH est capable de produire. On ne les limite pas. Surtout dans la
région de Lanaudière, on ne peut aucunement limiter ou,
obligatoirement, on va s'en aller dans une spécialisation. On a une
caractéristique de diversité des productions dans la
région, mais, en même temps, on a un gros volume de producteurs,
soit en fermes familiales ou d'autres genres, qui dépassent ou sont en
bas du 1, 5, parce que c'est le maximum qu'on met, productions qui sont de la
diversité à l'intérieur de la ferme, qu'on parle des
productions porcines avec productions maraîchères ou productions
horticoles en général, ou vice versa; des gars de
céréales avec des productions laitières, le tabac,
à l'exception faite des producteurs de tabac à cigarette,
où le tabac à cigare et à pipe est une
caractéristique assez précise chez nous, même une
spécialité; c'est ce qui fait que c'est toujours, à
l'intérieur des pratiques agricoles ou du fonctionnement de la ferme,
une production d'appoint, ce n'est jamais une production principale, la
production de tabac à cigare et à pipe.
M. Houde: La page 14, le paragraphe 4. 4, pourriez-vous expliquer
votre inquiétude au sujet des garanties exigées par le
crédit agricole? On voit souvent que l'Office du crédit agricole
demande deux, trois et quatre fois plus d'argent qu'il n'en avance. Quelle est
votre politique là-dessus?
M. Laplante (Raymond): Je pense que cela dit exactement ce que
cela veut dire. C'est que, normalement, pour quelqu'un qui a déjà
emprunté, vous avez une dette envers l'État de, je ne sais pas,
100 000 $; mais ils se prennent des garanties d'un maximum... Ce que je veux
dire, c'est que, à ce moment-là, pour n'importe quel autre
prêt que tu veux aller chercher, une marge de crédit à ta
caisse populaire ou des choses du genre, tu n'as plus rien à offrir
parce que tout a été donné à l'office, qui en a
pris en surplus. On dit: Prenez-vous des garanties pour les dettes qu'on a,
mais laissez-nous la différence pour que l'on puisse quand même
fonctionner un peu sans qu'on soit toujours lié. C'est dans ce
sens-là que c'est inscrit.
M. Houde: D'accord. Je pense que c'est un malaise qui existe
à peu près partout.
M. Laplante (Raymond): C'est cela.
M. Houde: C'est parce que les gens, lorsqu'ils ont de quoi
à aller chercher en addition, ne peuvent pas le faire parce qu'ils ont
les mains liées, pas seulement les mains, mais les pieds aussi.
M. Laplante (Raymond): C'est cela.
M. Houde: Une autre question. Sur quoi devraient se baser les
conseillers de crédit pour suggérer le choix des productions?
Cela est à la page 19. "Le producteur ou la productrice agricole qui
rencontre un conseiller en crédit de l'Office du crédit agricole
du Québec s'attend à une attitude positive de la part de celui-ci
et plus particulièrement que le conseiller... " Je ne le lirai pas tout
au complet. Quels seraient les critères? Quels sont les moyens qu'ils
suggèrent pour aller dans telle et telle production?
M. Laplante (Raymond): Je pense que ce n'est pas applicable, dans
le sens où la question est posée. On dit: II faudrait que chaque
demande soit traitée équitablement. Deuxièmement, il
faudrait que le conseiller ne nous voit pas toujours comme quelqu'un
qui vient lui demander la charité, mais plutôt entre gens
d'affaires; dire: On a un besoin financier, qu'il nous monte un dossier, qu'il
ne fasse pas de discrimination - comme c'est dit un peu plus loin - entre le
producteur et la productrice, peu importe la production. Parce que, si l'on
continue dans notre principe de 1, 5 UTH, je pense que toutes les productions
sont admissibles; peut-être faudrait-il changer d'attitude. Je ne
voudrais pas revenir sur ce que la Fédération des Laurentides a
dit ce matin. Mais c'est une optique, nous prendre en hommes d'affaires autant
que pour n'importe quelle industrie qui existe actuellement.
M. Duval: Ce que je rajouterais à cela, c'est que ce sont
des conseillers en crédit, ce ne sont pas nécessairement des
conseillers en production.
M. Houde: Exactement, je suis d'accord avec vous. On est sur la
même longueur d'onde.
M. Duval: Si un gars en production laitière décide
d'avoir des Holstein, il en a; ce n'est pas le conseiller en crédit qui
devrait changer cela pour des Ayrshire. Ou bien des poules pour des cailles ou
autre chose comme cela.
M. Houde: Des poules! C'est parce que je vendais des poulettes,
c'est pour cela que vous dites cela.
Je vais revenir à la page 11. D'abord, c'étaient toutes de
bonnes poulettes qu'on vendait à ce moment-là, M. Laplante peut
en témoigner. Voici mon avant-dernière question: Quelle pourrait
être la composition de la commission d'appel de l'Office du crédit
agricole, en terminant? J'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Duval: Sur le rôle de la commission?
M. Houde: Oui, quelle pourrait être la composition de la
commission d'appel de l'Office du crédit agricole?
M. Duval: Je pense que tout ce qu'on a développé
à l'intérieur de cela, c'est que nous disons qu'à
l'intérieur d'une commission d'appel les agriculteurs s'attendraient
d'être jugés par leurs pairs. Cela veut dire qu'il faut qu'elle
soit composée majoritairement d'agriculteurs. Je pense que la
confédération de l'UPA, pour avoir participé comme membre
de l'exécutif, a assez insisté sur la formule de la composition.
Si on en regarde une qui existe déjà, c'est celle de la
Société du crédit agricole qui est composée
strictement d'agriculteurs et où le rôle des officiers ou du
personnel de la société est d'agir strictement comme personnes-
ressources. Elle est composée uniquement d'agriculteurs. Nous sommes
prêts à assumer cette proposition à savoir qu'il y a des
agriculteurs, à l'intérieur du Québec, qui sont capables
d'être juges et très bien placés pour agir auprès de
leurs confrères.
M. Houde: En terminant, ma dernière question est
plutôt locale pour notre région, Lanaudière. Quel est le
nombre de jeunes qui se sont inscrits au Cégep de Joliette, l'automne
dernier, et quel est le nombre de ceux qui se sont réinscrits
après les fêtes? Est-ce que cela a été passablement
bien pour... Comment cela s'est-ii passé, à peu près, pour
voir?
M. Duval: II y a eu une quarantaine d'inscriptions l'automne
dernier et, présentement, on ne connaît pas... Tout le monde est
à se réinscrire au SRAMM. On ne sait pas quelle est la
quantité de ceux qui sont à s'inscrire en II, ni de ceux qui sont
à s'inscrire en 1. On connaît certains chiffres parce qu'on a des
contacts bien directs, mais cela ne dit pas qu'à un secteur donné
il y en a cinq ou six qui sont inscrits. On va connaître,
éventuellement, à la fin du mois d'avril, les résultats de
la confrontation des différentes applications. En tout cas, je pense que
c'est un bienfait, à l'intérieur de toute la formation agricole,
que le gouvernement ait répondu aux attentes simultanées de la
fédération et des organismes régionaux sur la formation
des jeunes. Je pense qu'il y a un comité de travail, au niveau de la
formation des adultes, qui travaille avec les commissions scolaires, le CFP,
les cégeps, la fédération et d'autres mouvements pour
parfaire la formation agricole dans la région de Lanaudière.
M. Houde: M. le Président, je voudrais d'abord remercier
bien sincèrement l'équipe de ma région de m'avoir permis
d'échanger des propos avec elle. Je peux les assurer de mon
entière collaboration pour travailler pour le bien de l'agriculture,
dans notre région et dans tout le Québec en même temps.
Merci beaucoup.
Le Président (M. Vallières): J'ai une demande
d'intervention du député de Huntingdon. Il faudrait qu'elle se
limite à une question, malheureusement, puisque l'enveloppe de temps est
épuisée ou presque de ce côté-là de la
table.
M. Dubois: Je vais y aller rapidement. Vous suggérez, dans
votre mémoire, que seuls les producteurs qui font partie d'un plan
conjoint ou d'une production structurée seraient aptes à recevoir
des crédits de l'Office du crédit agricole. C'est à peu
près cela? La question que je vous pose et que je
me pose moi-même, c'est que, si on regarde la situation actuelle
et si on enlève les productions laitières - production des oeufs,
du poulet de gril - en fait, les plans conjoints nationaux, et si on regarde
tout le reste - je ne sais pas, que ce soit la pomme de terre, la pomme, le
boeuf de boucherie, l'oignon, le maïs-grain - il y a des plans conjoints,
il y a une structure qui existe, mais on ne peut pas dire qu'elle fonctionne.
Le producteur ne vit pas mieux à l'intérieur de ces structures
que s'il n'y en avait pas actuellement, au moment où nous nous parlons.
Cela veut dire que, si on donne des crédits à celui qui est
assuré de revenus, il y a tout un paquet de cultivateurs au
Québec qui tomberaient, parce qu'ils n'auraient plus de crédits,
car cela se limiterait aux grandes productions où il y a un plan
conjoint national. C'est la façon dont je l'entends; je ne sais pas si
c'est cela, votre point de vue.
M. Duval: Je pense bien que vous interprétez mal nos mots,
M. Dubois. Je mentionnais tout à l'heure que la majorité des
productions... Les producteurs agricoles font des productions qui sont
déjà couvertes par des plans conjoints. Je parlais de
discrimination pour quelques producteurs, peut-être. Le point que vous
soulevez, à savoir que les plans conjoints qui sont les
derniers-nés de la lignée des plans conjoints, on est conscients
qu'ils n'ont pas tous acquis leur efficacité. On rappelle, à
l'avant-dernier paragraphe de la conclusion, que si tout le monde, les
agriculteurs, à l'intérieur du syndicalisme agricole qui est la
forme qu'on a reconnue à l'intérieur des formules de plans
conjoints et ta Loi sur la mise en marché, qui ont voulu adhérer
à ce régime -et la très grande majorité y a
adhéré -l'État, par l'ensemble de ses lois et programmes,
fait en sorte que tout cela se coordonne et s'active. Si on pense que le
libéralisme ou la liberté de mise en marché et tout ce que
les Américains défendent et que certains défendent
à l'intérieur du Québec et du Canada, si on pense que
cette formule va bien, on a seulement à regarder. Ce que vous soulignez,
monsieur, c'est qu'il y a des productions nationales, mais il y a des
productions à l'intérieur du Québec qui pourraient aller
aussi bien que des formules nationales, qui pourraient s'acclimater à
travailler avec les autres producteurs des autres provinces è
l'intérieur d'autres offices de mise en marché. (15 h 45)
Mais même à l'intérieur du Québec, si on
regarde la Loi sur la mise en marché, cela clarifie des choses et des
gestes. Aux États-Unis, si on pense que cela va bien, quand, dans un
État, il y a 13 000 agriculteurs et il y en a 11 000 en manifestation
pour la grande politique du libéralisme, on va aller se promener avec
eux et on va aller leur demander ce qui va bien.
Donc, ils réclament en réalité la même chose.
L'État du Québec, depuis plusieurs années - je ne me
souviens pas, en 1958, je pense - a voté la première loi sur la
mise en marché qui a été amendée moult fois depuis
ce temps. Je pense qu'elle a répondu pour un bon groupe de producteurs.
Elle peut répondre et ce serait juste une bonne cohérence dans
l'ensemble de l'application des lois. Pourquoi avoir des lois qui, entre autres
celle sur le crédit agricole, favorisent ou permettent le
libéralisme et le jeu du couteau tout le temps?
Qui est-ce qui gagne? Personne, la preuve est faite. On aurait pu
arriver avec des briques de statistiques montrent que des productions de mise
en marché ordonnées, le consommateur en retire des
bénéfices au niveau de la quantité, de la qualité
et à un prix acceptable, où tout le monde retrouve son prix.
C'est pour cela que l'autre formule, si des producteurs veulent aller en
libéralisme économique, l'État les supporte quand
même et il se passe des faillites, toutes sortes d'affaires. Ce n'est pas
cela du tout que l'on veut.
M. Dubois: Ce que je voulais dire, je voudrais
peut-être...
Le Président (M. Vallières): Malheureusement, M. le
député, c'est qu'on a déjà dépassé
l'enveloppe prévue et, si on veut respecter l'ensemble des gens qui ont
à présenter des mémoires, il faut respecter l'horaire. Le
débat est très intéressant, mais je dois malheureusement
vous interrompre là-dessus et passer la parole au député
de Saint-Hyacinthe.
M. Dupré: Merci, M. le Président. Dans un premier
temps, je voudrais vous remercier d'avoir répondu à notre appel
et d'avoir présenté ce mémoire. La première
question qui me vient à l'idée porte sur le début de la
page 2, lorsque vous parlez de la structure, de la production
compétitive où la famille conserve une place importante par
rapport au capital et où la polyvalence côtoie efficacement la
spécialisation. J'espère que vous ne voulez pas revenir à
vingt vaches, quinze cochons et trente poules, parce qu'il reste, tout de
même, que cela prend un minimum vital. On sait qu'il y a toutes sortes de
programmes qui déterminent combien cela prend d'investissement et de
porcs ou de vaches ou de poules; cela dépend dans quel domaine vous
êtes pour avoir un revenu convenable.
À lire cela, à première vue, cela a l'air de dire:
On va revenir aux anciennes fermes pour garder la qualité de vie, mais
il y a le côté de la production. Il faut vendre
son stock et il faut être compétitif. Je voudrais que vous
m'expliquiez le rapport capital, personne, famille. Je reviendrai tantôt
sur votre unité.
M. Duval: Quand on parle d'une structure de production
privilégiée au niveau de la ferme familiale, c'est sûr
qu'à l'intérieur de ces définitions il y a beaucoup de
notions économiques, il y a beaucoup de choses à
l'intérieur du vécu ou de l'environnement d'une famille qui ne
sont pas définissables en termes économiques. Mais on ne veut
aucunement, par notre formule, je ne sais pas lequel, je pense que c'est
Gilbert qui soulevait le point tantôt... On va définir ce qu'est
1, 5 unité-travail-homme dans une famille, cela se produit pour le lait,
le porc, les oeufs, n'importe quoi. On va définir cela et on ne veut
pas, en même temps... Et la recherche la plus délicate dans cela,
c'est quoi une production optimale? Parce qu'on ne voudrait pas non plus
défavoriser l'agriculteur qui a peut-être un degré
d'avancement, cela peut être sa formation, cela peut être que le
gars se revire vite, il a une famille qui se revire vite.
Il faut chercher le caractère optimal de la production, parce que
sans cela on va devenir non compétitif et il n'y aura plus personne dans
la société qui va nous croire. Ce n'est aucunement notre
intention. Si cela ne sort pas clairement, je voudrais que, par ces mots: on va
rechercher le critère optimal... Le monde sera à un pourcentage X
de cela. Si on dit que, dans la production laitière, c'est 300 000
litres, bien, ce sera 300 000 litres. Cela ne dira pas que quelqu'un qui
utilise sa famille, c'est 1, 5 unité-travail-homme qui en fait 250 000;
il est moins efficace et il a peut-être une structure de production
différente, il y a peut-être des choses. Il faudra chercher le
caractère optimal de la production.
M. Dupré: Au lieu de UTH, je mettrais UTP; il me semble
que "personne", cela comprendrait tout le monde. Déjà, votre
problème serait réglé au moins sur ce point.
M. Duval: C'est une forme généralement reconnue,
UTH, sans distinction de sexe.
M. Dupré: En ce qui me concerne, avec les connaissances
que j'ai, vous pourrez toujours discuter de mes connaissances, je trouve cela
totalement insuffisant, 1, 5 personne. En somme, déjà, si un
père est établi sur la ferme depuis un certain temps, si le jeune
vient le rejoindre avec son épouse, vous ne calculez plus cela comme une
ferme familiale. Il y a un certain cadre mais je le trouve infiniment petit
pour que cela soit... Je ne sais pas sur quelle base vous êtes.
Là, vous donnez un exemple en ce qui a trait aux truies, vous dites que,
rendu à 150, 1, 5 personne pourrait vivre convenablement. Avec 150
truies, je le crois, mais est-ce qu'on est capable de faire un travail
semblable à 1, 5 personne en comprenant une vie agréable ou
souhaitable comme vous le disiez tantôt ou vous l'espériez
tantôt? C'est la première question. La deuxième question
à laquelle vous êtes capable de répondre en même
temps est que j'aimerais savoir si vous avez regardé combien cela en
exclurait? Combien comprendrait de fermes, au moment où l'on se parle,
une unité semblable?
M. Duval: Pour répondre à la première
partie, en tout cas, je pense bien que l'exemple qu'on a apporté dans la
région de Lanaudière, parce qu'il y en a pas mal, ferait que la
qualité de vie de cette famille de 1, 5 unité-travail-homme avec
150 truies serait assez bonne et on s'en contenterait. On aurait pu amener une
brique définissant le portrait. Cela fait partie des études
supplémentaires pour les autres productions. Je crois que celui qui
s'est doté d'outils modernes de production, 150 truies avec 1, 5
unité-travail-homme, est capable d'avoir une qualité de vie et de
fournir du produit en quantité et en qualité suffisantes pour que
cela puisse faire son affaire.
Pour répondre à la deuxième partie de votre
question, on n'a pas fait de diagnostic dans la région, à savoir
combien on retrouverait d'agriculteurs si on les décortiquait tous en
unité de 1, 5. Je vous avoue qu'on n'a pas fait cette gymnastique.
M. Dupré: Je suis persuadé et je ne crois pas que
ce soit le calcul que vous ayez à faire en les décortiquant en
UTP.
M. Duval: UTH.
M. Dupré: Ceux qui sont déjà
dépassés, qui sont en compagnie et qui sont deux ou trois
familles, deux ou trois frères ensemble, je ne pense pas qu'ils soient
intéressés à rediviser leur ferme pour entrer dans les
normes que vous suggérez.
À la page 7, j'aimerais...
Le Président (M. Vallières): M. Duval vous
aviez...
M. Duval: Oui, ils entrent pour une partie dans notre approche.
Ce qui arrive, c'est que l'application totale de notre formule fait qu'il y a
un point zéro. Il y a une journée zéro quelque part qui
dit: Les fermes, dans l'avenir, elles seront cela, parce qu'on
s'aperçoit qu'on est à - en tout cas, c'est
peut-être...
M. Dupré: On s'en va vers...
M. Duval:... engendrer des monstres et, principalement, ces
monstres on en prend connaissance par toute la forme de tentacules qu'ils
détiennent quand on arrive pour les transiger. C'est les transmettre
soit d'une génération à l'autre ou à des
intervenants qui ne sont pas apparentés. Quand on engendre des
productions de 700 000, 800 000, ou 1 000 000 de litres de lait ou des
productions de 100 000 poules pondeuses, ou des choses comme cela, on
s'aperçoit tout à coup que là on a engendré un
monstre. On s'aperçoit, même si je ne veux pas retourner en
arrière, comment nos parents nous ont transmis des fermes qui avaient
une allure et qui n'avaient pas nécessairement... Et là, je ne
vaudrais pas embarquer dans le dossier de la fiscalité parce que cela
est un peu comme les lois constitutionnelles et c'est délicat de toucher
à cela.
M. Dupré: On est mieux de ne pas y toucher.
M. Duval: On est mieux de ne pas y toucher. Mais, en tout cas, on
voit comment nos parents, dans les années soixante, soixante-dix et
avant, ont été capables de transmettre des fermes où
l'inflation n'avait pas agi au niveau des valeurs ou un paquet
d'éléments comme cela. Ils nous les ont transmises et il y a une
génération qui est capable de vivre avec. Là, on
s'aperçoit que l'inflation, au niveau du coût... Parfois, on a
grossi l'affaire, et on pense qu'en la ramenant, en bâtissant tout le
monde autour de la ferme, on s'organise pour que la ferme puisse s'agrandir
autour des maisons. C'est cela la solution de l'avenir. Là, on
s'aperçoit que le moindre petit problème qui survient, cela casse
le circuit. On voudrait ramener cela à une dimension plus humaine.
M. Dupré: Je vais vous poser une question sur la pointe
des pieds. Depuis qu'on a commencé, en tout cas, celui qui vous a
précédés, entre autres, nous a démontré
comment cela allait mal dans l'agriculture, comment les gens ne faisaient pas
d'argent. La chose que je me demande, c'est que, tout au long de sa vie,
personne ne fait d'argent et, quand vient le temps de vendre, cela vaut 1 000
000 $, 1 500 000 $. Je comprends qu'il y a des regroupements. Là, la
transférabilité devient presque impossible comme je l'ai dit
tantôt parce qu'on a créé des monstres. Il doit y en avoir
un de temps en temps, quelque part, qui fait une piastre.
M. Duval: Je vais vous répondre sur la pointe des pieds,
moi aussi. C'est que l'agriculteur, un peu tout le temps de sa vie, n'est pas
obligé souvent de sortir avec son portefeuille, parce qu'il n'y a pas
d'argent dedans et, à la fin de sa vie, il transmet cela d'une
génération à l'autre. Il récupère un montant
d'argent, il en doit une partie, l'impôt fait le ménage dans le
restant et là, il essaie de vivre. Une chance qu'il y a une certaine
politique sociale qui lui permet de se rendre jusqu'à la fin de ses
jours, mais ce n'est pas nécessairement des conditions de vie qu'on
souhaite à tout le monde. On n'a pas développé l'aspect
que c'est son fonds de retraite, la vente. Le fonds de retraite, il devrait
être composé de quoi? C'est ça la question qu'on se pose
à l'intérieur de la ferme familiale. Quand nos parents nous
transmettent des choses et quand il y a une transmission non apparentée,
il se passe quoi? On a essayé de répondre à certaines
questions, quant au financement par le vendeur ou la transaction entre le
vendeur et l'acheteur, à la transmission apparentée ou non
apparentée, toute la formule et une loi de l'agriculture au niveau des
fermes. Présentement, quand quelqu'un se met en société ou
en compagnie selon des lois commerciales ou industrielles, ce n'est pas en
vertu d'une loi agricole; des fois, on ne s'apparente pas du tout avec cela, on
ne se retrouve pas dans ces cadres bien rigides. Ce n'est pas
nécessairement les mêmes formules de travail parce qu'en fonction
d'une quantité de capital mort qu'on a en agriculture c'est normal qu'on
ait ces capitaux morts.
M. Dupré: Je vais aller un peu plus rapidement parce qu'on
a pas beaucoup de temps. À la page 7, lorsque vous parlez de formation,
vous élaborez un peu là-dessus, sur les améliorations
radicales que vous apporteriez dans l'immédiat concernant la formation
agricole. Est-ce que vous avez des points bien précis ou si c'est
général comme dans le texte?
M. Laplante (Raymond): C'est un peu général, si je
peux répondre à cela. Il y a une étude qui a
été faite dernièrement aux États-Unis disant: Ce
n'est pas nécessairement en doublant la superficie d'acrage des terres
qu'on double la production. La même étude dit: En doublant la
formation des agriculteurs, on récupère énormément
au point de vue de la productivité. On se dit: C'est sûr qu'il y a
deux sortes de formation: tu as celle sur les bancs d'école, tu as celle
que tu apprends à force de travailler à la ferme. On se dit:
Pourquoi, éventuellement, ne pas reconnaître la formation ou
bonifier la formation que tu irais chercher sur les bancs d'école parce
qu'on sait que, plus tu es formé, plus tu as des chances d'augmenter ta
productivité? Il y a des études qui le prouvent. C'est dans ce
sens-là, mais c'est au niveau du principe seulement, pas quant au mode
d'application.
M. Dupré: J'avais une autre question. Vous parlez du
système en Nouvelle-Zélande, des points qui pourraient
s'appliquer. Je pense que vous étiez ici ce matin, il y en a plusieurs
qui en ont fait état. Vous, de votre part, est-ce qu'il y a des points
bien précis, vous croyez, qui pourraient s'appliquer ipso facto aux
productions du Québec? (16 heures)
M. Nicole: En fait, tout est sur les modes de transfert. Cela a
deux objectifs, cela a l'objectif de favoriser une implantation progressive de
la part de celui qui achète et l'objectif aussi de favoriser un retrait
progressif de la part de celui qui vend. Les modes d'application, finalement,
sont encadrés au niveau d'une loi, mais elles prévoient, disons,
sur une base de dix ans, par exemple, que l'acheteur, la première
année, va avoir 10% des revenus et des responsabilités, selon une
certaine définition, avec une gradation. C'est juste ça, sauf
qu'il y a une loi qui encadre ça.
M. Duval: C'est la référence que je faisais tout
à l'heure à l'effet d'avoir une loi qui nous
caractériserait comme formule agricole, des statuts ou des choses de
même. On a le statut de producteurs agricoles, on pourrait avoir un
statut qui serait défini à l'intérieur de la transmission
de nos fermes.
M. Dupré: Merci bien. Je vais laisser quelques minutes
à mes confrères.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Nicolet.
M. Beaumier: Merci, M. le Président. Il y a un seul point
que je vais soulever, parce que les autres ont été
soulevés et, deuxièmement, j'ai peu de temps. Cela concerne la
commission d'appel. Moi, je voudrais qu'on approfondisse un peu la chose de la
façon suivante. Dans votre esprit, la commission d'appel serait
composée de gens qui seraient du monde agricole, mais dans quelle
proportion et qui seraient les autres?
M. Duval: Nous, on dit qu'à l'intérieur de cela
ça devrait être composé majoritairement d'agriculteurs.
M. Beaumier: Deuxième point. En ce qui concerne le mandat
comme tel de cette commission d'appel, est-ce que ce serait un mandat
consultatif avec des pouvoirs de recommandations ou un mandat vraiment
décisionnel?
M. Duval: Je pense qu'au niveau du mandat, si l'agriculteur se
réfère à ça, c'est le dernier recours, l'ultime
recours, et la commission d'appel devient décisionnel.
M. Beaumier: Cela veut dire que les deux éléments
qui le justifiaient, du moins selon votre texte que j'ai sur la formation d'une
commission d'appel, c'était d'alléger le fardeau des
responsabilités du personnel de l'OCAQ, c'est-à-dire que ce
serait de les rendre moins soucieux devant les décisions qu'ils ont
prises, sachant qu'il y aura un autre niveau d'appel.
L'autre point, c'était d'atténuer ou corriger certaines
injustices causées à des producteurs ou productrices agricoles.
Moi, j'aurais plutôt l'impression - j'aimerais avoir votre
réaction sur ça - que, si jamais il y avait de retenue une
commission d'appel où siégerait majoritairement des producteurs
et productrices agricoles, ça pourrait avoir une valeur de consultation
ou un pouvoir de recommandation aussi, mais qui ne peut être
décisionnel, à ce moment-là.
M. Duval: Il faut savoir, au départ, quand on se sert de
cette commission d'appel. Ce n'est pas statutaire sur tous les dossiers; non
pas quand un conseiller en crédit ou toute la machine d'acceptation d'un
prêt fonctionne bien. Mais c'est quand un agriculteur se sent brimer dans
la décision, quand son crédit n'est pas accordé.
Principalement, la confédération de l'UPA, dans son
mémoire hier, a déposé un ensemble de critères
beaucoup plus élaborés des qualités que devrait comporter
le râle d'un conseiller en crédit. Elle l'a élaboré
beaucoup plus. Si un producteur, dans une production particulière,
même s'il a choisi son conseiller - c'est une demande que la
confédération faisait - avec l'analyse ou la forme de
présentation que l'agriculteur a faite, si l'agriculteur se retrouve
dans une position négative, qu'il puisse se faire juger par ses pairs et
qu'il puisse s'expliquer devant ses pairs à cette commission-là
et en disant: Moi, je vois cette production, selon telle manière. Je
vais fonctionner de telle manière. Est-ce que vous autres, vous le jugez
de même? C'est la pratique de ceux qui pourraient informer la commission,
l'expérience. Ils vont juger. Là, c'est le recours ultime. En
étant le recours ultime, elle devient décisionnelle.
M. Beaumier: Moi, j'ai toujours compris que le rôle de
l'office était de faire une étude la plus serrée possible,
en fonction de la rentabilité de l'entreprise. On s'entend comme mandat
de l'office. L'avantage qu'il pourrait y avoir, à ce moment-là,
c'est d'y avoir un input de producteurs agricoles, parce qu'ils s'y connaissent
un peu plus sur le terrain. Ils auraient des éléments à
ajouter, etc. Mais, toujours, le principe de base, c'est le principe de la
rentabilité de l'entreprise.
Chaque décision de l'office, au niveau de l'appel même,
devrait être basée sur ce critère. L'avantage que je
voyais, jusqu'ici -
parce que ce n'était pas déterminé - à
introduire plus d'information pratique, d'information venant des intervenants
eux-mêmes, c'était d'ajouter des éléments à
la question de l'étude de rentabilité. Mais ça pourrait
être un pas intéressant. Si cela avait comme effet de changer le
mandat de l'office, qui est le mandat de prêter sur des dossiers à
rentabilité, on ne s'entendrait plus, ce ne seraient plus les
mêmes critères.
M. Duval: En conclusion...
Le Président (M. Vallières): En conclusion, M.
Duval, s'il vous plaît...
M. Duval: À l'intérieur de votre question, on
pourrait répondre de bien des façons. Au départ, il faut
améliorer toute la montagne de papiers que l'agriculteur a à
remplir. Après cela, que l'agriculteur prenne connaissance, à la
dernière limite, avant que ça passe dans la machine d'acceptation
ou de refus. Je pense que c'est un point assez important.
M. Beaumier: Au préalable, dans sa demande.
M. Duval: Non, à l'intérieur de sa demande, le
conseiller qui s'occupe de son dossier, avant que ça passe par la
machine hiérarchique de l'acceptation. L'agriculteur fait son portrait
d'un bout à l'autre, au moins jusque-là. Cela, ce n'est pas une
chose qui se passe actuellement. Il faut améliorer tout cet ensemble,
toute cette kyrielle.
Mais quand l'agriculteur l'a présenté à sa
façon et que le conseiller dit: C'est ta façon, bon! s'il y a un
refus, qu'il soit capable d'aller s'expliquer devant une commission sans
être obligé de refaire une demande, de passer toute la kyrielle et
de passer un an. Si on regarde l'efficacité de la commission au
fédéral, l'information que j'en ai, connaissant certains membres
de la commission, c'est qu'ils donnent un droit, globalement, les dossiers qui
sont amenés devant eux, il y en a 50% qui disent aux employés de
la société: Vous avez bien fait votre job. Et ils disent à
l'agriculteur, en réalité: Ton affaire n'a pas d'allure.
Pour les autres 50%, ils font des réajustements et ils viennent
à bout de s'entendre sur une formule de prêt. Si cette
efficacité est de 50-50, je pense que les agriculteurs, au
Québec, par la demande qu'ils font à la réunion de vous
présenter des choses de même... C'est ça qu'on voudrait,
donner une deuxième chance à l'agriculteur de s'expliquer, et un
des bons moyens de s'expliquer, c'est de s'expliquer devant ses pairs; pas de
s'expliquer devant n'importe qui; devant ses pairs. C'est pour ça qu'on
souhaite qu'elle soit formée majoritairement d'agriculteurs. Si vous
voulez nommer 100% d'agriculteurs, on est capable d'assumer nos
responsabilités.
Le Président (M. Vallières): Merci, M. Duval. Je
vous remercie, de même que votre équipe, pour la
présentation de votre mémoire et vos propos fort
intéressants. À ce moment-ci, j'appellerai l'Association des
banquiers canadiens.
M. Duval: C'est nous qui vous remercions, M. le
Président.
Association des banquiers canadiens
Le Président (M. Vallières): Je pense que c'est M.
Beauregard qui agira comme principal porte-parole.
M. Lasnier (Robert): Robert Lasnier.
Le Président (M. Vallières): Oui. Alors, on va vous
demander, M. Lasnier, de nous présenter l'équipe qui vous
accompagne. On m'indique que vous aurez un résumé à nous
présenter du mémoire, comme tel, qui nous avait été
expédié. On l'apprécie, parce que ça permettra
peut-être une plus longue période d'échanges avec les
membres de la commission.
M. Lasnier: Je vais vous lire le résumé que j'ai
ici. C'est le petit texte qui vous a probablement été
distribué et qui résume le gros texte, en fait, qui fait aussi
partie de la présentation.
Je voudrais, d'abord, vous présenter, à ma gauche, M.
Blackburn, qui est le présentant de la Banque de Commerce Canadienne
Impériale; à sa droite, M. Parent, Cyrille Parent,
représentant la Banque Nationale du Canada; à ma gauche
immédiate, M. Jacques Beauregard, qui est le conseiller juridique et
secrétaire du comité du Québec de l'ABC,
c'est-à-dire l'Association des banquiers canadiens. À ma droite,
M. Isidore Charron, qui est le représentant de la Banque de
Montréal et, à mon extrême droite, M. Florent Fortier, qui
représente la Banque Royale du Canada. Mon nom est Robert Lasnier. Je
suis vice-président de la Banque Royale du Canada, service
détail.
M. le Président, l'Association des banquiers canadiens vous
remercie de la possibilité de vous rencontrer et de vous faire
connaître ses vues. Ma présentation sera brève afin de
permettre un échange davantage orienté vers les questions,
À la suite de la libéralisation de la Loi sur les banques et des
lois relatives au crédit agricole, l'industrie banquière
canadienne a, en un peu plus de dix ans, développé le
crédit agricole privé. Aujourd'hui, notre industrie fournit 40%
de tout le crédit agricole au Canada, soit près de
9 000 000 000 $. Au Québec, l'industrie bancaire a pu
s'introduire dans le marché du crédit agricole à moyen et
long terme grâce au plan tandem. L'encours des banques en agriculture
québécoise est de plus de 935 000 000 $. L'expertise des banques
en agriculture québécoise, cela signifie quelque 150 banquiers
dont plus de la majorité de leurs activités sont
consacrées à l'agriculture, quelque 182 succursales où le
crédit agricole se concentre et 29 agronomes et technologistes
agricoles.
La gestion du crédit agricole par notre industrie est
gênée par la contestation du droit des banques de réaliser
leur garantie au nom de la Loi sur l'acquisition des terres agricoles par des
non-résidants. L'industrie bancaire, en tant qu'intermédiaire
financier, accepte de prêter en fonction d'un risque raisonnable. Dans
l'évaluation du risque, le principal critère n'est pas d'abord
les garanties, mais la capacité de remboursement.
L'industrie bancaire est consciente que l'intervention gouvernementale
dans la société est restreinte par ses limites
budgétaires. Compte tenu de cette restriction financière, on
aurait intérêt à optimaliser les crédits
gouvernementaux à l'agriculture pour les entreprises jugées
susceptibles d'atteindre la rentabilité et celles qui connaissent des
difficultés financières conjoncturelles.
L'industrie bancaire classe l'agriculture en quatre catégories:
la première, l'entreprise rentable; en deuxième lieu,
l'entreprise potentiellement rentable, en troisième lieu, l'entreprise
non rentable et, enfin, l'agriculture de risque.
L'entreprise agricole rentable dispose de tous les fonds utiles à
des taux concurrentiels. Ce type d'entreprise peut aisément se passer de
l'intervention de l'État, intervention qu'elle juge trop souvent
paperassière. Le crédit agricole subventionné au
bénéfice de l'agriculture rentable peut avoir des effets
négatifs sur l'agriculture. Les rabais d'intérêt favorisent
la spéculation foncière et la garantie gouvernementale peut
devenir une couverture du risque du crédit agricole au
bénéfice d'abord du prêteur. L'agriculture rentable
mérite d'être considérée sur un pied
d'égalité avec les autres entreprises commerciales et
industrielles du Québec et, à ce titre, devrait
bénéficier des programmes de capitalisation des entreprises
envisagés par la commission Saucier.
Le crédit agricole tandem mériterait d'être
orienté en faveur des fermes potentiellement rentables. Le manque de
capital qui affecte plusieurs de ces fermes pourrait être résolu
grâce à la création de sociétés de capital de
risque agricole, sur le modèle des sociétés
proposées par la commission Saucier. On peut aussi concevoir une aide
conjoncturelle en période de récession.
Les entreprises incapables d'être classées comme rentables
ou potentiellement rentables devraient être classées comme
marginales. Une politique d'aide aux marginaux gagnerait à être
gérée dans le cadre d'une politique sociale d'ensemble de la
population plutôt que dans le cadre du financement de l'agriculture. (16
h 15)
L'expérimentation et la mise en place de nouvelles productions
agricoles mériteraient d'être considérées comme de
l'agriculture de risque. À cette fin, l'Office du crédit agricole
pourrait développer une société publique de capital de
risque dont le mandat viserait à la fois l'introduction de nouvelles
productions et leur rentabilité, tout en assurant la protection des
actifs des familles qui acceptent de tenter l'aventure.
La relève n'est pas une question d'offre, mais une question
d'endettement. En plus des modifications récentes et prochaines aux lois
fiscales, les règles relatives aux subventions à
l'établissement devraient tenir compte de la formation académique
et pratique du jeune agriculteur. La vente au comptant de la ferme ancestrale
ne devrait bénéficier de l'aide publique qu'à la condition
que le vendeur conserve une balance de prix de vente. Afin d'encourager le
jeune qui ne peut accéder à la ferme familiale, l'aide publique
pourrait lui faciliter la location de terres, lui offrir des prêts pour
l'achat d'une terre comportant une ou des remises en capital. Une aide
indirecte au jeune agriculteur consisterait à réduire la
concurrence lors de l'acquisition de terres en enlevant à l'agriculteur
déjà propriétaire d'une ferme l'accessibilité au
plan tandem. Une autre forme d'aide indirecte à la relève
consisterait à régler le problème du quota de production
présentement sans statut juridique suffisant pour qu'un quota puisse
être donné en garantie. Cette situation actuelle favorise le
producteur aisé au détriment de la relève. L'installation,
ces dernières années, d'agriculteurs chevronnés venant
d'Europe est digne de mention.
L'agriculture québécoise, dans la foulée d'une
tendance pancanadienne, connaît un endettement lourd, quelquefois
excessif, survenu en bonne partie grâce à la spéculation
foncière qui fit rage durant les années soixante-dix et qui, au
Québec, a pu se prolonger avec la complicité bien involontaire
des rabais d'intérêts pratiqués sur les prêts tandem.
Cette situation financière difficile de nos producteurs agricoles est
rendue d'autant plus difficile par l'existence de surplus alimentaires
considérables partout dans les pays occidentaux, ce qui entraîne
un affaissement des prix des denrées. Il ne semble pas y avoir de
solution facile.
L'industrie bancaire suggère la création
de comités consultatifs d'agriculteurs bénévoles
avec la libre participation de tous les principaux intervenants en agriculture
dans la recherche de la rentabilité. Le recours au moratoire se
révèle une fausse solution. La simple mention de l'imposition
d'un moratoire pourrait entraîner la fin du crédit agricole par
les prêteurs privés, ce qui risquerait de remettre entre les mains
des organismes publics le crédit à l'agriculture comme ce fut le
cas au Québec entre 1934 et 1967.
L'industrie bancaire au Québec veut rester dans le domaine
agricole. Nous occupons la première place en crédit agricole au
Canada et nous sommes fiers de participer au financement des agriculteurs. Je
vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Vallières): Merci, M. Lasnier. Y
a-t-il des interventions de la part des membres de la commission? M. le
député de Maskinongé.
M. Picotte: M. le Président, j'aimerais remercier
l'Association des banquiers canadiens pour ce mémoire. J'ai eu
l'occasion de lire le premier mémoire - celui que vous venez de nous
présenter est un résumé - qui était beaucoup plus
complet et me semblait fort réaliste et pragmatique, avec une vision
fort éclairée de l'ensemble des problèmes agricoles.
Vous suggériez dans votre premier mémoire, plus complet,
la création d'un fonds de capital de risque dont la gestion pourrait
être confiée à l'OCAQ, l'Office du crédit agricole
du Québec. Avec tout le pragmatisme qu'on vous connaît,
pourriez-vous nous dire les raisons qui vous font suggérer l'OCAQ en
particulier pour gérer ces capitaux?
Une voix: Quelle page?
M. Beauregard (Jacques): À la page 19 du
mémoire.
M. Picotte: 19, je pense?
M. Beauregard: Oui, c'est à la page 19, lorsque nous
parlions de l'agriculture de risque.
M. Picotte: Oui, c'est cela.
M. Beauregard: La raison pour laquelle nous avons pensé
que l'Office du crédit agricole pourrait le faire, c'est qu'en
matière d'agriculture de risque il s'agit souvent d'interventions dans
des domaines nouveaux en agriculture où on a pu, ces dernières
années, constater qu'il a pu y avoir des politiques gouvernementales de
développement dans des secteurs complètement nouveaux. À
ce moment-là, il n'y aurait pas de difficulté à ce que
l'Office du crédit agricole soit au bâton avec un certain montant
d'argent. C'est que, dans le risque, c'est un risque encore plus
élevé que dans d'autres secteurs; l'argent, dans certains cas,
pourrait effectivement se perdre et ce serait un risque très
élevé dans certains cas.
M. Picotte: Parce qu'en principe, jusqu'à maintenant,
l'expérience de l'Office du crédit agricole ne nous amène
pas à penser qu'il pourrait gérer un tel capital ou un tel
portefeuille de risque. Souventefois, en tout cas selon notre expérience
ou celle des agriculteurs qui sont venus nous visiter ou quoi que ce soit, on a
pu constater que l'Office du crédit agricole n'avait pas les ressources
nécessaires, n'avait pas la volonté, en tout cas... Je pense que,
quand vous parlez de cela, c'est dans le cadre d'une réforme de tout le
système - autrement, tel que c'est là, je ne pense pas que
l'Office du crédit agricole puisse être vraiment utile dans ce
genre de prêt à risque au moment où on se parle - ou,
encore, on présuppose que l'État devra assurer ou prendre
uniquement les cas de risque au niveau de productions agricoles tout
simplement.
M. Portier (Florent): Par exemple, il faudrait que ce soit fait
d'une façon globale dans une nouvelle restructuration de l'Office du
crédit agricole parce que, si vous avez lu notre texte plus volumineux,
on tient compte que les agriculteurs qui sont à l'aise et qui font de
l'argent, eux autres n'ont pas accès aux mêmes subventions que
l'agriculteur qui est potentiellement rentable ou l'agriculture de risque.
À ce moment-là, les sommes d'argent en subventions de toutes
sortes ou en rabais d'intérêt pourraient faire un plus gros
montant d'argent, être distribuées dans les deux secteurs,
agriculture de risque et agriculture potentiellement rentable. Avec cette
nouvelle structure, il faudrait mettre en place de nouveaux services et
être capable de soumettre un plan d'ensemble nouveau. C'est un
crédit agricole renouvelé qu'on veut.
M. Charron (Isidore): Ce qu'on propose, en fin de compte, c'est
que l'agriculture de risque ou l'agriculture dite non rentable, si le
gouvernement veut s'en occuper, cela pourrait être remis
éventuellement entre les mains de l'Office du crédit agricole qui
aurait à travailler avec l'agriculture de risque ou l'agriculture dite
potentiellement rentable ou non rentable, parce que ce genre d'agriculture ou
ce genre de productions dites nouvelles, dans certains cas, représentent
beaucoup de risques, beaucoup de capital également. La
rentabilité, au moment où on se parle, c'est un gros point
d'interrogation.
M. Picotte: Vous avez maintenant de l'expérience puisque
cela fait déjà un certain temps que le prêt tandem existe,
depuis 1978, à ma connaissance. Vous avez dit tantôt que plusieurs
institutions bancaires avaient des spécialistes qui consacraient leur
temps et leurs énergies surtout du côté des prêts
agricoles. C'est quoi, pour vous autres, la définition et pouvez-vous me
donner un exemple de productions qui, à votre point de vue, sont
rentables - j'imagine qu'on va parler de production laitière à ce
moment-là - et de productions qui sont moins rentables?
M. Fortier (Florent): Nous autres, peut-être qu'on fait une
différence un peu avec les représentations de l'UPA; on
n'étudie pas une production en particulier. On étudie individu
par individu. Vous pouvez prendre un type qui est dans une production qui est
généralement non rentable et on étudie ce dossier. Selon
le sentiment de tout le monde, le boeuf n'est pas rentable. Mais par contre,
pour quelqu'un dont le niveau d'endettement est assez bas cela peut être
rentable. Là, on analyse chaque individu et non la production
globale.
M. Picotte: D'accord.
M. Parent (Cyrille): J'aimerais essayer de répondre
à la première question, à savoir: Pourquoi favorise-t-on
l'Office du crédit agricole pour gérer du capital dans des
productions de risque? Parce qu'on lui reconnaît une compétence
agricole correcte. Mais ce n'est pas absolument nécessaire: une
société ou une organisation complètement
indépendante pourrait être partenaire dans du capital de risque.
On a introduit des nouvelles productions. C'est bien, si jamais de nouvelles
productions pouvaient réussir. Mais ce qu'on trouve anormal, c'est de
mettre en péril le capital des gens qui s'engagent là-dedans.
On a des productions qui ne sont pas nouvelles auxquelles on veut donner
un essor aussi. Dans ces productions, il y a des raisons pour réussir.
Quand l'ensemble des cultivateurs ne sont pas prêts ou ne sont pas dans
cette production, il y a des raisons. Si on veut orienter le cultivateur dans
certaines productions où la rentabilité comporte des risques,
à ce moment-là, on pense qu'il serait normal que les risques
soient pris ouvertement. Qu'il y ait un capital de risque, comme on l'appelle,
qu'il y ait un certain "partnership" qui se fasse et que l'Office du
crédit agricole ou une autre organisation compétente puisse aider
en matière de compétence et de soutien financier. On ne veut pas
que ce soit un simple agriculteur qui fasse des expériences. On pense
que faire des expériences relève du gouvernement, que ce soient
des expériences techniques ou des expériences économiques.
Je pense que cela explique le chapitre sur le capital de risque.
M. Picotte: Parmi les nombreux emprunteurs que vous avez et avec
qui vous faîtes affaires parmi la classe agricole, à combien
évaluez-vous le pourcentage de personnes que vous avez
déjà et qui risquent de ne pas réussir en agriculture?
Évidemment, de la façon dont cela fonctionne, les
sociétés bancaires ne perdent pas parce que l'État ou
l'Office du crédit agricole garantit l'emprunt qui est fait par
l'agriculteur. Mais, après avoir discuté avec certains banquiers,
on m'a rapporté que, souventefois, l'on pouvait dénombrer que,
dès le départ, tel genre d'agriculteur ou tel portefeuille qu'on
examine est voué à un échec certain et possible. Est-ce
qu'il y a un pourcentage là-dessus?
M. Lasnier: Avant de passer la parole à M. Parent, je
voudrais dire que les prêts agricoles ne sont pas tous garantis par le
gouvernement comme vous le disiez tantôt.
M. Picotte: Je parlais du prêt tandem.
M. Lasnier: Ah! Seulement le prêt tandem.
M. Picotte: Oui.
M. Lasnier: Je pensais que vous disiez qu'il n'y avait pas de
pertes...
M. Picotte: Non. Même à l'intérieur du
prêt qu'on appelle le prêt tandem, il y a des banquiers qui m'ont
dit à quelques reprises: Je suis certain, dès le départ,
que ce gars-là ne réussira pas. Mais comme il est admissible et
qu'il est accepté par l'Office du crédit agricole,
évidemment, on fait le prêt comme tel. Mais quel en est le
pourcentage?
M. Lasnier: II est bien difficile de dire le pourcentage des gens. Si on
peut parler de façon générale, les pertes en agriculture
au Québec ne sont pas tellement considérables. Cela entre un
petit peu dans le cadre des pertes par rapport aux comptes commerciaux ou aux
comptes de consommation et ainsi de suite. On ne peut pas dire qu'on a des
pertes sur les programmes que les banques ont dans les prêts agricoles.
Je ne sais pas si cela répond à votre question quant au
pourcentage de défunts, si vous voulez. C'est assez difficile à
dire parce qu'on ne tient pas tellement de statistiques là-dessus. On
sait qu'on a des pourcentages de pertes à la fin de chaque année
dans chaque catégorie. Mais je peux vous dire que c'est minime au point
de vue agricole. (16 h 30)
M. Parent (Cyrille): Peut-être, pour être un peu plus
spécifique, quant au
pourcentage, il est très difficile de vous en donner un car il
est très mince. Mais j'aimerais faire une rectification. C'est qu'un
prêt tout à fait garanti, on ne le voit pas comme cela. On sait,
dans la pratique, qu'un prêt tout à fait garanti, c'est le tandem.
Immédiatement ou quelques mois après, cela nous amène
à faire directement aux cultivateurs des prêts non garantis, des
prêts directs. C'est une marge de crédit qui va aller avec un
prêt hypothécaire; c'est très normal qu'on l'offre. Mais
à ce moment-là, très souvent, on voit que c'est
déjà notre client qui demande un financement tandem parce qu'il y
a des avantages de taux d'intérêt qu'on ne peut lui donner; alors,
on l'accommode, évidemment. Il demeure notre client dans son ensemble;
on lui fournit le solde de son crédit et on analyse l'état du
crédit de notre client dans son ensemble.
Aussi, on est toujours libre de refuser un prêt qu'on n'oserait
pas faire s'il n'était pas garanti. Je pense que c'est assez
honnête de dire que réellement cela dépasse toute norme.
Mais, comme je vous l'ai dit, les cas où cela s'est fait sont minimes.
On est libre de refuser.
Si c'est "border line" et qu'on sait qu'on va rajouter de la finance
éventuellement, ce qui va manquer, quand le gars ne fera pas son
paiement dans six mois, ce sera 10 000 $ ou 15 000 $ de crédit
spécial. Comme il n'était pas capable de faire son premier
paiement, il sera encore moins capable de faire son deuxième. Alors,
parce qu'on a les mêmes intérêts que notre client, on ne
veut qu'une chose, que le prêt nous soit remboursé. C'est pour
cela qu'on dit: D'abord, c'est la capacité de remboursement qui nous
guide et, après, ce sont les garanties. Assez souvent, les garanties
sont fort suffisantes; on n'a pas besoin de la garantie du gouvernement en
sus.
Ce ne sont pas les garanties en agriculture qui sont les principales
raisons de non-réussite ou de refus. Ce n'est pas le manque de
garanties; c'est le manque de capacité de remboursement. On prête
de l'argent et cet argent va nous être remboursé avec les profits
que la personne, avec sa ferme, pourra générer. C'est ce à
quoi nous travaillons, à établir le potentiel de l'individu comme
administrateur, comme technicien dans l'entreprise qu'on nous demande de
prendre en garantie. Les garanties, cela vient en second lieu.
M. Picotte: Si une question de rentabilité, c'est une
question de possession de certains actifs au point de départ afin de
présenter des garanties de remboursement, à ce moment-là,
comment voyez-vous l'arrivée de la relève agricole à
l'intérieur de cela? Cela veut dire que la relève agricole serait
quasiment toujours un capital de risque au point de départ.
M. Fortier (Florent): Dans notre mémoire, on mentionne
bien que le capital de risque comprend deux catégories: les nouvelles
productions et les nouveaux arrivés comme agriculteurs. L'Office du
crédit agricole devrait jouer son rôle supplétif, si vous
voulez, au financement bancaire. Quand le risque est trop élevé
pour nous, que l'Office du crédit agricole finance ces agriculteurs.
Maintenant, je reviens à ce que j'ai dit tantôt. Les
montants d'argent épargnés avec les agriculteurs très
prospères, en retour de subventions, il s'agirait de les prendre et de
les appliquer aux nouveaux arrivés. On ne veut pas établir la
formule nous-mêmes; on laisse le soin au gouvernement de le faire. C'est
une suggestion que nous faisons d'accroître, si vous voulez, l'aide
financière pour les nouveaux arrivés ou pour ceux qui s'en vont
vers de nouvelles productions trop risquées.
M. Picotte: Parmi les prêts, en dehors de ce qu'on appelle
les prêts tandem, qui sont effectués uniquement par les
sociétés bancaires, quelle espèce de suivi y a-t-il de
l'agriculteur qui est complètement à votre charge? Est-ce qu'il y
a un suivi? Avez-vous une politique d'établie?
M. Fortier (Florent): C'est un suivi quotidien. Les
employés de la succursale peuvent rencontrer le client toutes les
semaines et aller voir comment cela va. Ils vont visiter
régulièrement les fermes, si le compte est en difficulté,
pour voir si tout va bien. On essaie quand même de les rencontrer le plus
souvent possible à la succursale pour voir comment cela va. On a un
contact constant avec les agriculteurs.
M. Picotte: Vous avez des spécialistes, je suppose.
M. Fortier (Florent): Oui, au niveau des succursales et au niveau
des régions; toutes les banques sont très bien structurées
à ce niveau.
M. Charron: Je peux ajouter que chaque dossier, tant commercial
qu'agricole, est révisé au moins une fois par année dans
son ensemble. II y a une révision annuelle faite dans chaque dossier au
moins une fois par année. C'est le minimum.
M. Picotte: Parmi vous, il y a sûrement quelqu'un qui a eu
des expériences. Vous avez dû sûrement, dans les cinq
dernières années, prêter en dehors des prêts tandem
à des producteurs de porc. J'aimerais savoir ce qui est arrivé
aux prêts que vous avez faits. Est-ce que vous les avez suivis de
façon
telle que vous en avez réchappé peut-être plus que
l'État n'a pu le faire? Peut-être que vous avez une
expérience concluante qu'on n'a pas.
M. Lasnier: Plus que l'État, je ne serais pas en mesure de
le dire, mais il est certain qu'avec la récession et le prix du porc qui
a descendu considérablement, les agriculteurs impliqués dans le
porc ont eu toutes sortes de difficultés. Il a fallu user de patience
dans le sens qu'il ne fallait pas, par exemple, liquider les agriculteurs parce
qu'ils avaient des problèmes à cause des prix trop bas ou des
taux d'intérêt qui ont monté jusqu'à 23%.
Des politiques générales ont été
établies dans à peu près toutes les banques. Je dirais que
c'est un peu la même formule pour les banques. S'il n'y avait pas
irrégularité, par exemple, ou fraude dans le commerce de
l'agriculteur - c'était un des critères de base qu'on regardait -
s'il y avait aussi de l'équité qui restait dans la compagnie et
qu'on était satisfait, en troisième lieu, qu'il y avait un bon
management pour passer à travers les tempêtes, les banques
étaient modérées dans le sens qu'on reportait
l'échéance des paiements et l'échéance des
intérêts à la fin du terme du prêt que les banques
avaient consenti.
Comme je le disais tantôt, les pertes ont été
minimes, mais il a fallu quand même aider l'industrie parce qu'on savait
qu'il y avait des difficultés.
M. Picotte: Est-ce qu'il y a eu chez vous un crédit
spécial à la production comme cela a été
institué par l'Office du crédit agricole en période de
crise du côté des productions telle la production porcine?
M. Lasnier: On n'avait pas ce genre de prêt, mais on avait
d'autres sortes de prêts qui se substituaient. Peut-être que
Cyrille pourrait compléter?
M. Parent (Cyrille): Dans le cas du porc, c'est un très
bel exemple puisque c'est notre deuxième production en importance et
qu'on a quelques centaines de millions investis là-dedans en
général. L'expérience a été difficile, mais,
tout de même, très bien contrôlée à partir du
moment même de l'acceptation d'un client. On sait que la production
porcine a doublé de 1976 à 1980. À ce moment-là
sont arrivés dans la production beaucoup de gens
inexpérimentés avec un minimum de capital. Quand on
possédait déjà la clientèle et que nos clients
avaient un très bon succès avec une entreprise de 2000 porcs qui
est passée à 4000 porcs, on savait à qui on avait affaire.
On connaît les risques. Dans le temps, c'était l'euphorie, tout le
monde devenait millionnaire à élever du porc. Mais on savait tout
de même que les cycles ont toujours existé et qu'il y en aurait.
Avec la connaissance journalière de nos clients, on peut beaucoup mieux
faire la sélection et permettre l'expansion aux clients qu'on
connaît, selon leur potentiel.
On n'est pas arrivé dans le portrait à la dernière
minute pour mal choisir notre clientèle ou encourager les derniers venus
ou les gens qui manquaient d'expérience. Je pense que cela a un
très bon effet tampon. Parti avec ces gens-là, on n'a pas eu
tellement de nouveaux venus en agriculture. Ce sont eux qui ont eu les
problèmes et pas ceux qui étaient en agriculture avant 1976.
Le nombre? Ce qui est rapporté dans les journaux ou ce qui est
rapporté pour d'autres fins et la réalité, ce sont deux
choses différentes. Il y a eu marasme, mais les prix ont tout de
même fluctué. Cela n'a pas été un marasme pendant
trois ans. Les gens ont fait de l'argent comme de l'eau de 1976 à
juillet 1979. En 1979, cela a baissé et c'est resté bas deux ans,
mais il y avait eu quatre années de profits. Tout dépend à
quel moment tu es parti. Si tu es arrivé en 1979, tu étais mal
pris.
Quant à nous, nous n'avons pas accepté beaucoup de
prêts en 1979 parce qu'on a dit: Cela n'a pas de bon sens, ça fait
déjà trois ans que le cycle est en haut. Il y a eu deux ans de
pertes. Plusieurs ont été capables d'assumer ces deux ans de
pertes. Il y a eu une hausse pour donner une chance, une petite hausse.
Là, cela se maintient en bas des coûts de production et il faut
s'entendre. C'est à 0, 70 $ depuis plusieurs mois. Il y a tout de
même des gens qui "rencontrent" ce coût, à 0, 70 $, Encore
là, c'est toujours une question d'endettement. Il faut toujours
surveiller. Quelqu'un qui se lance dans le domaine du porc, c'est un
spéculateur. Pour faire de la spéculation, il faut avoir des bons
nerfs et il faut avoir de la finance au départ. Ceux qui ont eu des bons
nerfs et de la finance au départ, ils sont encore en affaires. Un
endettement très raisonnable.
Pour nous, dans l'ensemble des banques, c'est très peu de
faillites par rapport à d'autres industries. Je me rappelle avoir fait
un rapport à mes autorités et conclu que même la partie la
plus risquée en agriculture, qui était le domaine du porc,
était encore moins risquée que l'ensemble de notre
clientèle. Comme je vous le dis, on connaît nos clients. On ne
finance pas n'importe qui.
M. Picotte: Je suppose que vous avez arrêté de faire
des prêts précisément dans la production porcine, à
ceux qui voulaient se lancer là-dedans, dès le début de la
crise. Il n'a pas dû se faire beaucoup de prêts.
M. Parent (Cyrille): Il s'en est fait très
peu.
M. Picotte: Vous avez peut-être été deux ou
trois ans en avant de l'État à ce moment-là.
M. Parent (Cyrille): Oui, il s'en est fait très peu.
M. Picotte: Vous avez été plus clairvoyants deux ou
trois ans avant l'État.
M. Parent (Cyrille): Plus pratiques.
M. Fortier (Florent): Cela ne veut pas dire, non plus, que, parce
que quelqu'un était accepté par la loi tandem, on l'acceptait
automatiquement. On faisait notre propre enquête sur réception
d'un certificat tandem et c'est arrivé à plusieurs occasions
qu'on a refusé un client, parce que, selon nos calculs, ce
n'était pas rentable.
M. Charron: Certains prêts ont été consentis,
même au cours des dernières années, dans l'industrie
porcine parce qu'il y a eu un certain nombre de producteurs qui étaient
à contrat avec des intégrateurs et les intégrateurs ont
cessé leur contrat. Certains producteurs sont venus rencontrer les
représentants des banques et certains d'entre eux ont réussi
à obtenir des marges de crédit bancaire au cours des
années 1983 et 1984 et des premiers mois de 1985. Chaque cas a
été étudié au mérite. Si un producteur avait
un bon avoir net, une bonne capacité de remboursement, dans certains cas
des marges de crédit ont été consenties,
M. Picotte: M. le Président, on me fait signe qu'il me
reste deux minutes. Je trouve que le temps passe bien trop vite. J'aimerais
aborder un point en particulier. Sans toucher les cas particuliers, on sait
que, depuis quelque temps, il y a des méthodes de recouvrement des
créances garanties par les banquiers qui sont mises en doute par les
agriculteurs. Je pense qu'il y a certains cas. Entre autres, je fais
référence à un abattoir qu'on connaît bien dans le
coin de Saint-Cyrille-de-Wendover, où des agriculteurs - je dis bien des
agriculteurs - ont mis un peu en doute la façon de travailler de
certaines sociétés bancaires. J'aimerais que vous me clarifiiez
la situation là-dessus. Je ne sais pas si les banques ont l'intention de
changer leur méthode d'approche, d'apporter certains changements.
M. Fortier (Florent): Vous parlez pour les agriculteurs, pour
ceux qui achètent la production, comme les abattoirs.
M. Picotte: Par exemple, à Saint-Cyrille-de-Wendover, pour
vous situer le cas...
M. Fortier (Florent): Oui.
M. Picotte:... des agriculteurs ont fait affaires avec un
abattoir, entre autres.
M. Fortier (Florent): Dans le boeuf.
M. Picotte: La société prêteuse a
décidé d'envoyer quelqu'un sur place pour ce qui est de
rembourser les emprunts qu'ils ont faits. Finalement, on se retrouve devant des
situations... C'est ce que je vous dis, il y a des agriculteurs qui mettent un
peu en doute cette façon de procéder, dans le sens que ce sont
des agriculteurs qui sont acculés à des pertes de 500 000 $.
Est-ce qu'on envisage de modifier un peu la façon de procéder des
banques? (16 h 45)
M. Lasnier: Je ne crois pas qu'on devrait discuter d'un cas
particulier, parce que, d'abord, c'est en cour et il y a toutes sortes
d'éléments qui sont apportés d'un côté et de
l'autre. Je pense que ce serait un peu trop délicat de mentionner ce
cas-là. Mais vous demandez si les banques ont l'intention de changer la
façon de percevoir les prêts. Mon Dieu! Je ne vois pas comment les
banques peuvent changer leur façon de percevoir. Si vous prêtez de
l'argent garanti par des nantissements agricoles couvrant l'équipement
ou couvrant les animaux, j'ai l'impression que, si vous avez financé
100% de telle ou telle chose et que vous êtes bien garanti, c'est la
seule raison pour laquelle vous avez avancé les fonds au départ.
Si on décide de liquider la compagnie, en répétant les
critères que je vous mentionnais tantôt, s'il y a fraude, par
exemple, les banques vont-elles laisser partir l'équipement
déjà nanti sans rien dire? Je ne crois pas qu'on est en mesure
d'être...
M. Picotte: Oui, de ce côté-là, je serai
d'accord avec vous, de la façon dont vous le traitez. Sauf que
là, par exemple, cela touche quelques dizaines d'agriculteurs. Les vrais
pénalisés ne sont pas nécessairement la compagnie avec qui
la banque fait affaires, mais ce sont les agriculteurs qui en font les frais,
selon toute vraisemblance.
M. Lasnier: Je ne voudrais pas revenir au cas que vous mentionnez
parce que, franchement, il y a de la confidentialité dans tout cela et
qu'on ne peut pas étaler cela sur la table ici ce soir.
M. Beauregard: M. Picotte...
Le Président (M. Vallières): M.
Beauregard, en conclusion, puisque la période de temps
allouée de ce côté-ci de la table est maintenant
épuisée. Ce serait en conclusion sur la question de M.
Picotte.
M. Beauregard: Sur la question de M. Picotte, je dirais qu'au
point de vue du droit bancaire, dans toutes les questions de prêts, on ne
doit jamais oublier qu'une banque est essentiellement un organisme financier
qui est un intermédiaire. D'une part, elle récolte les
dépôts qu'elle place ensuite pour produire le meilleur revenu
possible pour les déposants et donc, aussi, satisfaire les besoins de
l'emprunteur. Il nous faut toujours faire en sorte de limiter les pertes. Nous
ne sommes pas des organismes d'aide ou d'assistance au public, mais des
organismes qui visent à faire l'intermédiation des
épargnes du public et à rendre ces épargnes utiles
à la société, selon les meilleures règles possible.
Quand, malheureusement, il y a des pertes, il faut que tout le monde de chaque
côté les porte le plus élégamment possible. Il faut
essayer de limiter les pertes de tous bords et tous côtés. Cela se
pose non seulement pour la banque qui doit suivre ses clients mais pour
n'importe qui qui devient créancier envers quiconque. A l'égard
de M. Picotte, je pense que ce serait une règle qu'il faut suivre.
M. Picotte: Merci de votre collaboration.
Le Président (M. Vallières): Merci. La parole est
maintenant au député de Nicolet.
M. Beaumier: Ma question est bien simple, elle est voulue comme
cela aussi. Si je comprends votre proposition en quatre volets ou votre
approche, vous dites à peu près ceci: Dans tout ce qui est
rentable, dans tout ce qui ne comporte pas de risque, vous nous laissez ce
secteur et, à partir du moment où il y a un certain nombre de
risques, potentiels peut-être, au niveau de la relève très
certainement et des nouvelles productions, vous dites que là ce devrait
être finalement le gouvernement qui s'en porte le premier responsable.
C'est une invitation - je le dis très simplement - finalement, faite au
gouvernement. Vous lui dites: Prenez les risques et puis aussi les canards
boiteux, pour employer l'expression.
L'industrie bancaire canadienne - vous le signalez dans votre
résumé - fournit 40% de tout le crédit agricole au Canada,
près de 9 000 000 000 $, et, au Québec, grâce au plan
tandem aussi, vous êtes impliqués pour 935 000 000 $. Cette
expérience que vous avez vécue vous oblige-t-elle, vous
incite-t-elle ou vous porte-t-elle à faire les propositions que vous
faites actuellement, c'est-à-dire de bien distinguer ce qui est rentable
ou sans risque - vous vous occupez de cela - et tout ce qui s'appelle le social
au fond, c'est le gouvernement qui s'en occupe, en passant par le
potentiellement risqué et en passant surtout par toute la question de la
relève? J'y reviendrai tantôt.
Est-ce que votre expérience dans le secteur agricole justifie une
position ou une proposition comme vous faites? Autrement dit - excusez M.
Lasnier - est-ce que, finalement, c'est une mauvaise aventure pour l'industrie
bancaire?
M. Lasnier: C'est une expérience qui a été
très valable au cours des années. Ce sont des suggestions que
nous faisons à l'Office du crédit agricole ou au gouvernement.
Par exemple, on dit dans le mémoire que les compagnies, qui fonctionnent
très bien, n'ont pas besoin de crédit bancaire de l'Office du
crédit agricole parce qu'elles peuvent se tirer d'affaires. On s'adresse
surtout aux fermes... Tout le monde devient agriculteur, à un moment
donné. On l'a vu durant la dernière récession. Il y a
à peu près... Je me mélange peut-être dans mes
pourcentages, mais vous avez au moins une majeure partie des gens qui se sont
lancés en affaires et qui ne le sont plus maintenant parce qu'ils
n'étaient pas préparés à le faire. Ils avaient trop
de dettes. On calcule que les agriculteurs sont endettés jusqu'à
48%, si vous voulez; c'est beaucoup. Alors, si vous créez des dettes
constamment, vous ne pouvez pas arriver à rencontrer vos obligations,
surtout si le prix de la commodité baisse ou est sujet à
fluctuation. On le sait maintenant. Le porc, par exemple, le coût de
production est plus fort que le coût de la vente. Alors, tout le monde
est impliqué dans l'agriculture.
On a une espèce de tour de Babel là-dedans, il y a
beaucoup de gens qui ne devraient pas être dans l'agriculture, ou s'ils
veulent le rester, le demeurer, qu'ils investissent leur propre capital. S'ils
n'ont pas de capital, qu'ils se retournent par exemple, surtout pour les
nouvelles productions, vers les capitaux de risque, où les gens... Il y
a des gens qui sont prêts à faire cela. Il y a des institutions de
capitaux de risque dans tous les domaines, au point de vue commercial, au point
de vue PME, au point de vue de toutes les gammes, si vous voulez, de
prêts que la banque peut faire. Pourquoi il n'en existerait pas du
côté agricole, où le capital est risqué, mais il n'y
a pas de remboursement à faire parce que le capital, s'il arrivait
quelque chose, ce n'est pas une espèce de lourdeur dans l'exploitation
de la société? On ne veut pas dire par là qu'on doit
cesser de financer les exploitations qui sont marginales. On ne dit pas cela du
tout, mais on essaie de mettre un peu plus d'ordre dans cela par notre
recommandation.
M. Charron: On propose également, bien entendu, au sujet
des fermes rentables, des fermes qui ont un bon avoir net, des fermes qui sont
capables d'emprunter des institutions privées, qui
bénéficient de certaines subventions, les mêmes subventions
que les
jeunes agriculteurs, ou que les fermes qui sont non rentables, ou dans
les nouvelles productions, on recommande que le gouvernement pourrait, s'il le
veut bien sûr, retirer ces subventions qui sont distribuées aux
fermes rentables comme aux fermes non rentables, les retirer au niveau des
fermes dites rentables, qui peuvent emprunter sur les marchés
privés, pour les acheminer vers l'agriculture de risque, vers les jeunes
agriculteurs ou les productions qui sont nouvelles ou qui représentent
des risques trop élevés pour les banques.
M. Beaumier: La façon dont cela fonctionne actuellement,
c'est que l'office va émettre un permis d'emprunt et là, c'est
par les institutions financières que l'agriculteur, le producteur
agricole peut avoir accès à du crédit. C'est comme cela
que cela fonctionne.
À partir du moment où vous dites que l'office devrait bien
distinguer, je ne sais pas si c'est l'office, d'ailleurs c'est moi qui le dis,
mais qu'il y aurait un endroit où serait distingué ou fait la
répartition entre l'ivraie et le bon grain, comme on pourrait dire, et
vous voudriez à ce moment-là, évidemment, que l'ivraie
soit la responsabilité de l'office qui n'a pas d'argent. Il passe par
les institutions financières.
M. Beauregard: M. Beaumier...
M. Beaumier: Et c'est ceci - je vais terminer, si vous permettez
- que je trouve un peu difficile dans votre mémoire, c'est de voir
comment vous vous retirez, ou vous proposeriez de vous retirer alors que vous
êtes des intervenants extrêmement importants au niveau de toute la
société et c'est le traitement que vous faites plus
particulièrement de la relève, par exemple, et des nouvelles
productions. Il me semble qu'on se serait attendu à ce que vous soyez
plus sensibles à toute la question des nouvelles productions et de la
relève c'est-à-dire, des jeunes.
M. Beauregard: M. Beaumier, il n'a jamais été
question, dans le mémoire, que les banques se retirent d'un secteur ou
de l'autre. Tout ce qui anime ce mémoire, c'est une approche par
laquelle nous considérons l'agriculture comme un secteur industriel ou
commercial, au Québec. Dans cette perspective, la regardant comme une
forme d'industrie, comme une industrie qui relève du secteur primaire,
il nous faut alors tenir compte qu'il y a des entreprises qui vont bien. Les
entreprises qui vont bien paient des taxes et ne demandent pas l'aide de
l'État. Ce que nous suggérons, à ce moment là,
c'est que l'entreprise agricole industrielle du secteur primaire qui va bien
soit traitée de la même façon, qu'elle en retire, d'autre
part, tous les autres avantages qui peuvent exister et que l'État peut
offrir à ces entreprises de nature industrielle, dans le Québec.
Dans les secteurs où ces entreprises ont des difficultés, elles
ne seront peut-être pas, pendant les trois prochaines années,
potentiellement rentables, on ne dit pas que la banque ne prêtera pas. On
dit: Si, à ce moment là, une de ces entreprises a besoin d'une
aide de l'État, nous travaillons de concert. Dans un secteur
potentiellement rentable, on dit: travaillons de concert.
Dans le secteur de la relève, là encore, travaillons de
concert. Dans le secteur de l'agriculture de risque - que voulez-vous - il ne
s'agit pas, à ce moment là, d'un secteur qui, de par sa nature,
au départ, est un secteur potentiellement rentable, c'est un secteur
qu'on veut développer à partir de zéro.
Dans le domaine de l'entreprise commerciale et industrielle, partout, en
économie, la recherche et le développement d'un produit se fait
avec des capitaux propres, avec des fonds propres. Nous suggérons qu'en
agriculture, de la même façon, si l'agriculteur n'a pas les
moyens... Supposons que, dans une politique agricole d'ensemble, on veuille
développer une nouvelle agriculture au Québec. Disons que, demain
matin, on voudrait se lancer dans la production de l'arachide par
décision gouvernementale. À ce moment-là, trouvons des
fonds et mettons sur pied un système par lequel le producteur agricole
qui va se lancer dans la production de l'arachide, si cela échoue, qu'il
n'en finisse pas par perdre sa maison et sa chemise. C'est cela, la suggestion.
La banque, comme entreprise, de par sa loi constitutive, n'est pas
définie comme étant une entreprise de risque. Elle n'est pas une
société de capital de risque et, autant qu'elle veuille faire du
capital de risque, la Loi sur les banques, le gouvernement a limité dans
quelles circonstances elle peut le faire. C'est très très
limité parce que nous ne pouvons pas jouer avec l'épargne de la
population.
M. Beaumier: Je n'ai pas votre expertise mais vous parlez souvent
du secteur du commerce et de l'industrie, dans ces secteurs il n'y a pas
d'Office du crédit agricole. Vous prêtez quand même et il y
a aussi passablement de risques. Il y a des faillites au niveau des PME et des
bons coups aussi. Cela veut dire que, à ce moment-là, vous
voudriez distinguer ce que vous ne distinguez pas au niveau des PME
commerciales ou industrielles, par exemple, vous voudriez qu'on le distingue au
niveau des entreprises agricoles et vous faites une distinction entre les bons
et les moins bons. Quand on dit les moins bons, c'est très complexe
aussi. Quand vous dites que des entreprises incapables de se classer
rentables
deviendraient marginales, ce ne sont pas nécessairement des
entreprises qui sont marginales en termes de volume même si,
temporairement, il y a des temps difficiles à passer. Je me dis:
Employons la même logique. Dans la logique que vous avez pour les PME,
dans le secteur commercial et industriel, vous ne faites pas la distinction
entre les bons et les pas bons; vous prenez des risques. Même si ce n'est
pas du capital de risque, vous prenez des risques dans vos prêts pour
tout l'ensemble et, en fin de compte, cela va. Au niveau agricole, ce qui se
fait actuellement, vous le disiez vous-même, ce n'est pas une mauvaise
affaire finalement pour l'industrie bancaire que le secteur agricole, pourquoi
distinguer, dans ce secteur, les bons et les pas bons, ce que vous ne faites
pas dans le secteur industriel et commercial? (17 heures)
M. Charron: Je pense qu'il faut bien comprendre qu'on serait
encore enclin à prêter à l'agriculture, au niveau des
fermes non rentables, à la condition d'avoir une certaine garantie
gouvernementale, garantie qu'on a présentement au niveau des prêts
d'amélioration de fermes, des prêts tandem, des crédits
spéciaux, etc. Ce qu'on mentionne dans notre mémoire c'est qu'il
y a une certaine forme d'agriculture sur lesquelles on a des entreprises qui
sont fort bien établies, une certaine rentabilité, une bonne
équité financière. Au niveau de ces entreprises, on
mentionne qu'on n'a pas nécessairement besoin de la garantie
gouvernementale pour consentir des prêts à ce genre d'entreprise.
C'est bien certain, au niveau des entreprises dites marginales ou de risques,
on pourrait continuer avec le projet de prêts tandem ou de prêts
pour l'amélioration de ferme avec la garantie du gouvernement à
prêter à ce genre d'entreprise. C'est bien clair dans notre
mémoire.
M. Parent (Cyrille): Je comprends bien votre question, j'aimerais
y répondre parce que j'ai eu l'occasion pendant six ou sept ans de
m'occuper des prêts commerciaux en plus de l'agriculture. Je peux vous
dire que notre ligne de pensée ici est copiée carrément
là-dessus. Je n'ai jamais cherché à vouloir faire une
distinction et c'est assez important dans une institution bancaire d'appliquer
à peu près le même standard des règles bancaires
à tout le monde. C'est là qu'on a le moins de problème.
C'est là qu'on peut vendre l'agriculture aussi bien que des produits
miniers ou des produits de transformation.
Évidemment, si on pense uniquement, on va financer 71% de
l'agriculture, c'est dans nos risques, on aura 10 228 clients. On peut
s'arrêter là. On va être très fier de les financer,
on n'a pas besoin d'aucune espèce de garantie. Le gars se
présente à son banquier, tout se règle entre nous. Mais on
veut offrir notre coopération comme on l'offre dans d'autres plans
gouvernementaux qui existent. Il y a le plan Biron, par exemple, qui dit: On
pourrait prendre plus de risques. Il y a des organismes fédéraux
qui sont prêts à donner des garanties, à offrir des
risques. On a les prêts aux petites entreprises, on dit: On ne
prêterait pas mais si vous voulez en garantir une partie, on va y
aller.
C'est exactement ce qu'on veut offrir. On est intéressé
à une agriculture prospère-On a 71%, on parle
théoriquement tout le temps, qui est réglé, on a 10 000
cultivateurs à revenu moyen. Dans ces 10 000 cultivateurs à
revenu moyen, on voudrait bien aller au bout et savoir s'ils vont faire des
bons cultivateurs. Si jamais ils font des bons cultivateurs, on va les prendre
éventuellement à notre compte éventuellement, dans un an,
deux ans, trois ans et on va en être bien content. Seul on ne pourrait
pas le faire, mais avec l'aide de l'État on peut économiser et
économiquement je pense que tout le monde y gagnerait.
Qu'on se dise la vérité parce qu'on a toujours
traîné notre bois mort en agriculture, on a toujours appelé
cela de l'agriculture, mais concernant les faibles revenus, on trouve 11 000
fermes qui produisent 5, 1% des ventes. Ce n'est pas du tout de l'agriculture.
N'en parlons plus. Pour autant qu'on est concerné, on ne fera pas des
affaires agricoles avec ces gens. Si vous pensez que c'est plutôt au
ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation
à s'en occuper ou à l'Office du crédit agricole au lieu
d'une organisation à caractère social, on n'a pas à
intervenir dans les politiques gouvernementales. Définitivement cette
catégorie, on n'a rien à proposer en ce qui nous concerne. Ce
serait de la petite industrie, ce serait d'autres catégories de gens. On
pense que ce n'est même pas de l'agriculture pour ceux-là.
M. Fortier (Florent): On a disséqué les quatre
questions pour donner plus de chance aux jeunes de se lancer en agriculture.
Parce que si les agriculteurs sont classés financièrement
rentables, à ce moment c'est bien dit qu'ils n'ont pas de subvention
à recevoir. Maintenant, le plateau de ces subventions pourrait
être transféré aux jeunes agriculteurs qui veulent
débuter, leur donner plus d'aide afin de s'engager dans une exploitation
risquée.
M. Beaumier: Si j'ai bien compris, vous, vous n'y êtes
pas.
M. Fortier (Florent): Oui, on va faire des prêts
garantis...
M. Beaumier: À ce niveau, vous y êtes.
M. Fortier (Florent):... par le gouvernement tandis que les
autres, les prêts ne seront pas garantis par le gouvernement. On est
capable de prendre notre risque. Avec les bons agriculteurs, on est capable de
juger notre affaire nous-mêmes et prêter cela au même titre
que n'importe qui, tandis que ceux qu'on calcule qu'il y a un capital de
risque, à ce moment on devra avoir l'intervention de l'État, mais
par contre, comme le plan Biron, les prêts seraient garantis par le
gouvernement.
M. Beaumier: Je voudrais continuer, mais je pense que je vais
passer la parole à mon collègue si j'écoute les yeux de
mon président. Est-ce cela?
Le Président (M. Vallières): M. le
député d'Arthabaska, il vous resterait huit à dix
minutes.
M. Baril (Arthabaska): Merci. À la page 6 vous parlez plus
spécifiquement de la relève et vous dites que la vente au
comptant de la ferme ancestrale ne devrait bénéficier de l'aide
publique qu'à la condition que le vendeur conserve une balance de prix
de vente. Ici, quand vous dites que le vendeur conserve une balance du prix de
vente. Pour vous, est-ce que le vendeur serait obligé de garder une
hypothèque sur la ferme sans garantie de personne? j'aimerais que vous
expliquiez cela un peu. Qu'est-ce que vous voulez dire par là?
M. Lasnier: Une balance de prix de vente est habituellement une
garantie par une première hypothèque sur la ferme ou c'est une
deuxième hypothèque c'est-à-dire là.
M. Beauregard: Le solde du prix de vente vient normalement
après une première hypothèque. C'est-à-dire, comme
vous pouvez avoir pour même une vente de maison normale, vous allez
chercher une première hypothèque qui est financée par
l'institution financière et des fois l'acheteur dit: Bien
écoutez, moi je n'ai pas suffisamment d'argent pour couvrir le tout,
accepteriez-vous de porter le reste en différence du prix de vente? Cela
vient en deuxième rang comme une deuxième hypothèque. Mais
disons qu'au niveau de l'installation du descendant d'un producteur actuel sur
la terre familiale il ne faudrait pas oublier le fait que la
génération actuelle connaît un phénomène
vraiment étonnant en agriculture au Québec puisque leurs parents
leur demandent ce que leurs propres grands-parents n'ont jamais demandé
à leurs parents. C'est-à-dire que dans le passé pour les
deux ou trois siècles qui précèdent dans les vieilles
familles agricoles quand le fils ou la fille a mis la main sur la terre
paternelle ou maternelle il ne s'est pas fait dire en partant: Mon grand va
à la banque, va chercher 100 cents dans le dollar pour me libérer
pour que moi je m'en aille. C'est un phénomène aberrant des
années soixante-dix relié à la spéculation
foncière en agriculture. Appelons les choses par leur nom, c'est ce que
nous avons dit dans notre mémoire aux pages 23 et suivantes. C'est un
phénomène aberrant en agriculture. Est-ce qu'il ne serait pas
préférable de demander à nos agriculteurs dans ce domaine,
quand ils veulent se retirer, d'appliquer à leurs enfants ce que leurs
propres parents leur ont appliqué?
M. Baril (Arthabaska): Je comprends et je sais que c'est un
phénomène et que c'est une mentalité comme cela mais il
faut considérer que les grands-parents qui ont vendu la ferme à
leurs enfants n'étaient pas dans le même contexte
économique qu'aujourd'hui. Je me souviens de mon grand-père qui a
vendu la ferme à mon père le contrat était à peu
près comme ceci: Je vends la ferme d'un montant de X et tu me paieras
quand tu seras capable. Mais le grand-père restait sur la ferme avec lui
et c'était la coutume qui valait et aujourd'hui la vente des fermes tout
le monde reconnaît que les agriculteurs ne deviennent pas millionnaires.
Là on dit qu'ils deviennent millionnaires c'est à vendre leur
ferme, c'est leur régime de rentes, leurs fermes, lorsqu'ils les
vendent. Si on dit: Ton régime de rentes tu l'as accumulé toute
ta vie mais encore là tu vas attendre quand tu seras mort pour venir
à bout d'en bénéficier, c'est peut-être trop
demander, je ne sais pas.
M. Parent (Cyrille): Je vais vous donner un exemple et je pense
que cela va aller mieux pour illustrer. Une ferme laitière de 50 vaches
se vend entre 8000 $ et 10 000 $ par vache, soit entre 400 000 $ et 500 000 $
et là je parle de vaches dans la moyenne de la province de Québec
disons de 5000 kilos, 11 000 livres de lait, 8000 $ et cela tient à la
grandeur de la province de Québec - cela ne devrait pas mais cela se
tient - avec un financement qui serait le financement idéal où il
y a 400 000 $ et les 150 000 $ de l'Office du crédit agricole à
8% d'intérêt ces jours-ci et un financement de prêt
d'amélioration de ferme au taux de base plus 1/2 - ce qui est
très bon - et une très petite marge de crédit au taux
normal des banques - ce qui n'est pas encore exagéré d'autant
plus que la marge de crédit n'est pas nécessairement forte dans
le cas du secteur laitier puisqu'on reçoit une paie tous les quinze
jours - avec le financement idéal, avec un bon producteur, non pas un
as, un bon producteur 4000 $ d'endettement par vache, plus que 4000 $
d'endettement est un grand risque. Il y en a qui sont capables de supporter
4500 $, il y en a d'autres qui sont
capables de supporter 5000 $ mais moi, j'aimerais mieux pas leur
prêter. Prêt tout garanti, j'aimerais mieux pas leur prêter
pareil. Alors, imaginez-vous que le père, s'il vend à un
étranger, pour quelles raisons le phénomène est comme
cela. Il peut avoir 400 000 $. S'il vend à son fils, il n'est pas pour
lui vendre plus que 200 000 $ parce que son fils ne sera pas capable de
rembourser, il va faillir- Pourtant il est rendu à la quatrième
génération et c'est assez important que ce soit le fils qui
prenne la relève. Là, on dit: II y a toujours des maudites
limites. Qu'il ne pense pas qu'il va s'en aller avec 400 000 $ dans ses
poches. Moi, je ne le financerai pas. L'Office du crédit agricole du
Québec, non plus, ne financera pas jusqu'à ce prix. Si jamais on
le finançait, il ne serait jamais capable de nous rembourser. Tout ce
qu'on ferait en finançant trop et à trop bas taux
d'intérêt, c'est d'encourager les prix à augmenter encore.
Pourquoi est-ce que c'est rendu si haut que cela alors qu'on justifie que cela
devrait se vendre 200 000 $ une ferme semblable puisque c'est tout ce qu'on
peut rembourser? Pourquoi est-ce que c'est rendu à 400 000 $? C'est au
cultivateur à répondre. Je ne le sais pas, je ne le comprends
pas, je ne comprends rien là-dedans. Il y en a qui disent que c'est le
quota, prenons-le dans l'ensemble. C'est évident qu'il y aura des soldes
de prix de vente qui devront être supportées, mais des dons qui
pourraient bien être faits aussi, tout dépend jusqu'à quel
point le père peut financièrement ou a la responsabilité
d'établir son fils.
M. Baril (Arthabaska): Je pourrais vous poser la même
question. Pourquoi reculez-vous de 10 ans? Un tracteur se vendait 6000 $;
aujourd'hui le même tracteur va être rendu à 18 000 $, 20
000 $. La valeur des terres a augmenté aussi.
M. Parent (Cyrille): Tout le monde a été victime de
l'inflation. De 1971 à 1983, le capital agricole s'est multiplié
par six. Ce n'est pas justifiable, l'inflation a été une moyenne
au-dessus de 15%, alors qu'elle a été de 9% durant la même
période. L'agriculture a été beaucoup plus affectée
que d'autres secteurs économiques. Il y a toujours un acheteur et un
vendeur et ce sont des cultivateurs. Je m'excuse.
M. Baril (Arthabaska): C'est parce que je veux vous
arrêter.
M. Parent (Cyrille): Vous êtes limité dans le
temps.
M. Baril (Arthabaska): M. le Président va m'arrêter
et j'ai une question impartante à vous poser qui est peut-être
embarrassante un peu. Il y a plusieurs intervenants qui sont passés
avant vous. Ils nous parlaient éventuellement de toutes sortes
d'hypothèses, de la formation, de la création d'une banque
agricole. Vous qui êtes des banquiers, j'aimerais vous entendre
là-dessus. Qu'est-ce que vous pensez de la formation d'une banque
agricole?
M. Fortier (Florent): Parlez-vous d'une banque agricole, une
banque de terres?
M. Baril (Arthabaska): Non, une banque dont les agriculteurs
seraient des actionnaires comme il y a en Europe, en France, aux
États-Unis, qui deviendrait une sorte d'institution financière,
qui probablement vous concurrencerait, parce qu'elle marcherait sous la
même forme que vous autres.
M. Beauregard: Je préciserais, M. Baril, que les caisses
qu'on appelle en France les caisses de crédit agricole ne sont rien
d'autre, en d'autres termes, que ce qu'on a au Québec depuis
déjà 70 ans, ce qu'on appelle des caisses populaires, auxquelles
se rajoute, au lieu d'une caisse centrale Desjardins ou une
confédération Desjardins, qui est un organisme
propriété des caisses membres, au-dessus de cela, la grande
société du crédit agricole de France qui est une
propriété de l'État français. C'est une structure
qui est différente de la nôtre. D'autre part, si vous regardez
simplement les banques canadiennes, à l'heure actuelle, ce que nous
avons constaté, c'est qu'il y a plusieurs banques canadiennes qui ont un
fort pourcentage d'actionnaires qui sont des Canadiens et surtout dans la
province de Québec; il y a plusieurs banques dont la majorité des
actionnaires, physiquement, sont des résidents de la province de
Québec.
M. Baril (Arthabaska): Mais la caisse agricole française,
je pense que c'est le terme.
M. Parent (Cyrille): Caisse nationale de crédit
agricole.
M. Baril (Arthabaska): C'est ça. Au début, quand
même, lorsqu'elle a été formée, c'était pour
financer d'abord le domaine agricole, mais elle a pris de l'expansion et elle
s'est étendue ailleurs. Lors de la fondation ou de la création,
c'était pour financer le milieu agricole.
M. Parent (Cyrille): J'ai eu l'occasion de passer une semaine en
France, invité par la Caisse nationale de crédit agricole.
Évidemment, pour les mêmes raisons que nous, dans les
années de crise, personne ne voulait prêter en agriculture et le
gouvernement a offert aux cultivateurs une
forme de coopérative où il interviendrait, je pense que
c'était dans l'ordre de 50% de ce que les cultivateurs investiraient
dans l'entreprise. Cela joue exactement le rôle, c'est presque comme nos
caisses populaires ici, mais puisque toutes les banques maintenant sont
étatisées en France, à ce moment donné, depuis, on
a permis au crédit agricole de faire d'autres opérations
paraagricoles. Après ça, on a dit: Vous pourrez prêter
aussi sur hypothèque, parce qu'ils regorgent d'argent,
c'est-à-dire que les fermiers français sont pas mal en bonnes
finances. Maintenant c'est rendu étatisé, comme les autres
banques. On a cette formule-là, par les caisses populaires. (17 h
15)
M. Baril (Arthabaska): Selon vous, ce n'est pas nécessaire
de créer une autre banque agricole. Déjà, les institutions
financières actuelles répondent à la demande, aux
besoins.
Une voix: Oui...
M. Baril (Arthabaska): Merci bien de votre
éclaircissement.
Le Président (M. Vallières): Je dois, à ce
moment-ci, mettre fin à ces discussions, même si elles sont
très intéressantes. Il y a l'autre proposition qui a
été apportée par d'autres groupes sur laquelle on aurait
bien aimé vous questionner, entre autres. Je sais que, ce matin, il y a
des gens qui nous proposaient que l'État puisse garantir une partie du
prêt au vendeur de la ferme qui deviendrait, donc, un compétiteur
direct avec vous. Peut-être qu'à un moment donné on aura
l'occasion de vous questionner sur cette avenue possible.
Quoi qu'il en soit, je veux vous remercier de votre mémoire qui a
nécessité beaucoup de préparation et vous inviter à
revenir, si jamais nous vous demandons à nouveau votre collaboration. Je
vous remercie, finalement, de vos témoignages et des réponses
apportées aux questions que nous posions.
M. Parent (Cyrille): Merci, M. le Président.
Faculté des sciences de l'agriculture et de l'alimentation de
l'Université Laval
Le Président (M. Vallières): Là-dessus, je
demanderais au prochain groupe, soit les représentants de la
Faculté des sciences de l'agriculture et de l'alimentation de
l'Université Laval, de bien vouloir s'approcher de la table. Je
demanderais à M. Denis Cormier, qui représente la Faculté
des sciences de l'agriculture et de l'alimentation de l'Université
Laval, de bien vouloir nous présenter son mémoire, possiblement
dans un intervalle d'environ 20 minutes pour qu'on puisse ensuite
procéder à la période des questions.
M. Cormier (Denis): Merci beaucoup. Je dois, dans un premier
temps, remercier les membres de la commission de bien avoir voulu nous donner
la possibilité de présenter ce mémoire. Je dois aussi
excuser le coauteur de ce mémoire, M. Jean Arsenault, qui est
présentement pris à l'extérieur du Québec. Je
demanderais aux gens de la commission de ne pas juger du contenu du
mémoire en fonction du nombre de personnes qui se présentent
ici.
L'objet de ce mémoire, peut-être, sera un objet de limite
du risque, parce qu'on parle beaucoup de risque en agriculture. Mais, des trois
aspects qui ont été proposés et étudiés par
la commission, ce mémoire va traiter d'un aspect, seulement un, soit la
relève agricole et plus particulièrement la formation de cette
relève agricole.
Deux raisons principales motivent ces choix. D'abord, il nous
apparaît évident qu'on ne peut viser à augmenter notre
degré d'autosuffisance alimentaire ou prétendre au
développement du secteur agro-alimentaire dans un contexte aussi
évolutif que celui des années quatre-vingt sans se
préoccuper du développement des ressources humaines en
agriculture. Pour nous, choisir de traiter de la relève en agriculture,
c'est opter, en premier lieu, pour la mise en valeur des hommes et des femmes
qui sont gestionnaires des sols, des plantes et des animaux, aux fins de
nourrir la population et de conserver un environnement favorable. J'ajouterai
même qu'il existe une corrélation très forte entre le
niveau de formation de ces hommes et de ces femmes et le développement
agricole.
Le deuxième motif du choix de la relève, dans notre
réflexion, c'est que, depuis plusieurs années, la Faculté
des sciences de l'agriculture et de l'alimentation, dans ses interventions de
diverses natures, s'est préoccupée de la formation des
agriculteurs en général et aussi de la relève agricole en
particulier. Vous allez retrouver ici, en annexe I, différentes
interventions qui ont été faites par notre faculté.
Il faut par contre ajouter que le choix de ce volet ne minimise en rien
aux yeux des auteurs l'importance des deux autres volets proposés par la
commission, soit l'endettement et le financement. En ce sens, un mémoire
portant sur les sources de financement à long terme a d'ailleurs
été préparé et sera présenté par M.
Robert Romain et M. Pierre Marcotte, de notre département.
Les principaux aspects qui seront développés ici, on peut
les regrouper en quatre thèmes. On va regarder assez rapidement les
caractéristiques de la relève
agricole; ensuite, on regardera plutôt les caractéristiques
du système de formation et, pour terminer, l'énoncé de
quelques problèmes puis des pistes de solution et une conclusion.
En ce qui concerne les caractéristiques de la relève
agricole - ici, c'est uniquement pour situer les choses - nous entendons, par
l'expression "relève agricole", les jeunes Québécois ou
Québécoises en voie de s'établir sur une entreprise
agricole et ceux qui sont nouvellement établis. En pratique, nous avons
convenu de retenir comme faisant partie de la relève agricole ceux qui
répondent à cette description et qui sont âgés entre
20 et 30 ans.
Les caractéristiques de ces jeunes de la relève agricole
et de leur milieu, c'est qu'ils sont à 90% d'origine agricole, soit
comme fils ou filles d'agriculteur. Ils s'établissent en moyenne vers
l'âge de 25 ans. Ils ont aussi, dans une proportion de un pour deux, soit
près de 50%, occupé un emploi à l'extérieur avant
de retourner à leur entreprise. Dans la majorité des cas, cet
emploi se trouve en dehors du secteur de l'agriculture, soit par exemple dans
le domaine de la construction, de l'industrie et de la forêt.
Au niveau de la scolarité, il y a la formation de base que l'on
définit comme l'acquisition de connaissances et de compétences
élémentaires - alphabétisation, calcul, etc. -
nécessaires à la vie en société. Selon les
informations les plus récentes que l'on trouve et qui ressortent d'une
étude qu'on a faite à la Faculté des sciences de
l'agriculture au cours des dernières années, on retrouve que le
niveau de scolarité de base des jeunes de la relève agricole se
situe à 29%, pour ceux qui ont commencé des études au
niveau secondaire, mais n'ont pas terminé, et à 48% au niveau
secondaire seulement; 21% d'entre eux ont un niveau collégial; 2% ont un
niveau universitaire. Donc, 77% des gens qui s'installent en agriculture n'ont
qu'un niveau secondaire comme formation de base générale.
Regardons maintenant le profil de la relève agricole sur le plan
de la formation agricole. Premièrement, une première
constatation, c'est que 24% des jeunes de la relève n'ont aucune
formation agricole pour s'établir en agriculture, soit le quart de nos
jeunes qui s'établissent; 13% de ceux-ci ont une formation de niveau
secondaire agricole qu'on appelle agrotechnique; 17% ont une formation de
niveau collégial agricole, soit des instituts de technologie agricole et
des cégeps.
Par contre, 44% ont participé à au moins une
activité de formation agricole du type session intensive - cours du
soir, cours par correspondance, etc. - offerte par les institutions
d'enseignement du milieu ou en dehors de l'enseignement régulier.
Quelle est l'attitude des jeunes par rapport à la formation
agricole? Comme il nous apparaît, a priori, que la mentalité de la
relève agricole soit liée à celle des agriculteurs qui la
précèdent, nous ferons ici ressortir certains
éléments se rapportant aux mentalités par rapport à
la formation, en comparaison, entre autres, avec les agriculteurs dans leur
ensemble.
La formation est perçue par le groupe de la relève
agricole comme étant utile ou indispensable et cela, selon
l'enquête, dans une proportion de 94, 8% par rapport à peu utile
ou d'aucune utilité. Ce qu'on remarque aussi dans le milieu agricole,
c'est que cette proportion baisse à mesure que l'âge des
agriculteurs augmente. Cette utilité de la formation, les agriculteurs
la traduisent principalement en termes de compétence et
d'efficacité liées à la formation. Vient ensuite le
plaisir de comprendre. Il faut ici préciser, je pense, pour information,
que la compétence et l'efficacité dont les jeunes
caractérisent la formation seront probablement l'emblème sous
lequel se fera l'agriculture de demain. Les jeunes, consciemment ou non
commencent à s'en apercevoir.
Les sources de difficulté que les jeunes rencontrent dans
l'entreprise et le manque de formation. Selon encore les résultats de
l'enquête, les principales sources de difficulté chez les jeunes
de la relève agricole sont, par ordre décroissant d'importance:
le manque de connaissances en gestion, le manque d'expérience, le manque
de connaissances techniques de production et le manque de communication entre
les partenaires d'une même entreprise. Si l'on exclut le facteur manque
d'expérience, il apparaît que les facteurs liés au manque
de connaissances, particulièrement en gestion, sont ceux qui ressortent
comme les plus problématiques chez les jeunes de la relève
agricole.
Quelle perception les jeunes ont-ils du milieu scolaire? Les milieux
scolaires, lieux de la formation de base, apparaissent pour un jeune
agriculteur sur deux comme utiles à la formation de base de la
relève. Par rapport à cette question, c'est toutefois le niveau
collégial qui obtient le plus de faveur avec 54, 5% des
répondants par rapport à 48, 8% pour le niveau secondaire.
En ce qui concerne l'apport de ces milieux secondaire et
collégial en termes de perfectionnement continu, soit après leur
formation de base ou professionnelle, 20, 6% des jeunes estiment que les
institutions de niveau secondaire sont utiles au perfectionnement continu des
agriculteurs contre 13, 1% pour le niveau collégial. Donc, le niveau
secondaire semble plus présent au niveau de la formation continue des
agriculteurs que le niveau collégial.
La disponibilité des jeunes de la relève agricole. Le
travail sur l'entreprise agricole
est très exigeant en termes de nombre d'heures allouées
par semaine à l'exécution des différents travaux et des
occupations diverses reliées à la gestion. Pour les jeunes, dans
une proportion de 60%, ceux-ci passent plus de 50 heures par semaine à
travailler sur l'entreprise durant les périodes de printemps,
été et automne. Durant l'hiver, par contre, les semaines normales
de travail exigent pour 66% des répondants un peu moins de 50 heures de
travail et, pour 42% de ceux-là, moins de 40 heures. Donc, dans
l'ensemble, c'est surtout durant l'hiver qu'ils sont un peu disponibles pour
des activités en dehors de l'entreprise.
Passons maintenant au deuxième point, les caractéristiques
du système de formation. D'abord, le système de formation
agricole, sa définition. Par système de formation agricole, nous
entendons le réseau mettant en place un ensemble de moyens
interreliés permettant à l'agriculteur de développer ses
potentialités tout au long de sa vie. Ceci implique qu'il existe
plusieurs institutions, organisations et intervenants engagés dans la
formation de l'agriculteur. De plus, l'action de ces différents agents
de formation doit être cohérente, c'est-à-dire s'inspirer
d'une même philosophie et viser des objectifs généraux
communs, soit, par exemple, de contribuer au développement de
l'autonomie de l'agriculteur. L'agriculteur autonome est cet individu qui se
prend en charge, qui sait développer des habiletés à
trouver, sélectionner et utiliser l'information et qui sait
repérer les composantes essentielles d'une situation où
interfèrent sans cesse les aspects techniques, économiques,
humains, sociaux et politiques. (17 h 30)
Le processus de formation de l'agriculteur. Ici, je fais
référence à l'annexe II du présent document. La
raison d'être du système de formation agricole est d'offrir une
formation de base à l'agriculteur lui permettant d'être un citoyen
de son temps comme individu complet, une formation professionnelle lui offrant
les connaissances, la compréhension et les habiletés de base
requises à l'exercice du métier et une formation continue le
rendant habile à faire face aux changements qu'il aura à
maîtriser tout au cours de sa vie. La formation générale de
base doit venir avec la formation professionnelle agricole et être la
plus élevée possible. Par contre, la conception du métier
d'agriculteur est à l'articulation des deux systèmes de
formation. Donc, la formation de base générale et la formation
professionnelle sont très interreliées.
Dans la réalité, par rapport à ces formations, on a
vu que seulement 48% des jeunes de la relève ont complété
leurs études de niveau secondaire et que 29% n'ont pas
complété ce niveau secondaire. Tout en poursuivant cette
formation générale de base, le jeune de la relève peut
acquérir une formation sur le tas, soit sur la ferme familiale au
contact du père et des autres membres de sa famille, soit dans une
entreprise de son choix comme ouvrier agricole ou stagiaire.
Un choix s'offre à celui qui veut acquérir une formation
agricole en institution et cela, au niveau 3 du secondaire
général. L'annexe III nous montre les différentes voies
qui peuvent être choisies et, selon ce choix, le jeune de la
relève sera soit diplômé de l'agrotechnique à la fin
du secondaire V ou, s'il préfère poursuivre ses études
secondaires générales, il peut s'inscrire au programme
collégial agricole et obtenir le DEC du ministère de
l'Éducation du Québec. Actuellement, selon notre enquête,
13% des jeunes de la relève sont diplômés du niveau
secondaire, option agrotechnique, et 17% ont obtenu un DEC, option gestion et
exploitation d'entreprise agricole.
Par contre, la formation en institution n'est pas le seul réseau
existant. Les cours aux adultes et par correspondance sont disponibles à
ceux qui, en permanence, veulent recevoir une formation. Il ne faut pas non
plus négliger tout le réseau non formel de formation qu'est le
milieu agricole. Les regroupements, les associations professionnelles, les
activités d'information et de formation, les ressources humaines, les
entreprises agricoles pour les stages et les médias d'information sont
des moyens à la disposition du jeune de la relève pour être
plus efficace et compétent en agriculture. Donc, les voies
traditionnelles de transmission des connaissances que constituent
l'école et toute formation institutionnalisée ne peuvent
revendiquer l'exclusivité parmi les voies d'accès au savoir.
Ce système de formation agricole que l'on vient de décrire
est, en fait, un système composé de trois sous-systèmes
entre lesquels il n'existe pas de lien apparent à quelque niveau que ce
soit, administratif, pédagogique, politique, etc. Donc, trois
entités distinctes qui développent leurs propres services en
formation.
Beaucoup d'intervenants en formation. Vous trouverez en bas de page les
sources qui ont servi à composer ce texte. Un autre point qui
caractérise le système de formation agricole est le nombre
grandissant d'institutions offrant des programmes de formation. Dans le
réseau de l'enseignement régulier, un total de 16 institutions du
niveau secondaire dispensent des programmes concernant la préparation de
futurs agriculteurs. Le réseau de l'enseignement collégial couvre
à lui seul 10 institutions où l'on dispense une formation
d'exploitants de ferme.
Il est à noter que, pour l'ensemble des
16 institutions de niveau secondaire offrant de la formation aux futurs
agriculteurs, on compte un total de 67 professeurs, soit une moyenne de 4, 2
enseignants par option. Cette moyenne est toutefois plus élevée
au niveau collégial avec 7 enseignants en agriculture par cégep
et plus de 50 enseignants dans chacune des 2 institutions de technologie
agricole et au Collège Macdonald.
On a fait une comparaison avec le système de formation
professionnelle agricole de l'Ontario et on constate que l'Ontario
possède moins d'institutions agricoles que le Québec pour une
population agricole presque deux fois plus élevée- Par contre, le
ratio du nombre d'enseignants par institution est plus élevé que
dans nos institutions ici au Québec, exception faite des deux instituts
de technologie agricole.
Le secteur de l'éducation des adultes a connu aussi un
développement considérable dans les diverses régions du
Québec. Onze régions sur douze possèdent maintenant un
répondant en formation agricole chargé de recueillir les besoins
de formation des agriculteurs et de voir à les faire connaître aux
responsables de formation. Des sessions ont aussi été mises au
point par le service de la relève et des organismes agricoles du MAPAQ,
spécifiquement pour les gens de la relève. Un cours par
correspondance offert par le ministère de l'Éducation en
collaboration avec le ministère de l'Agriculture s'adresse en
particulier à la relève agricole. Bref, la formation agricole
dans le secteur de l'éducation des adultes a fait place ces
dernières années à de nombreuses initiatives de formation
destinées aux agriculteurs en général et aussi à la
relève.
Le troisième point maintenant est l'énoncé de
quelques problèmes que nous percevons, problèmes liés aux
caractéristiques du jeune de la relève et du milieu. Le milieu
agricole et les jeunes qui le composent présentent donc des
caractéristiques bien spécifiques qui ne sont pas sans
créer quelques problèmes au niveau de l'organisation de
programmes de formation et de sessions de formation qui leur seront offerts. Le
très jeune âge à l'établissement, 25 ou 26 ans,
donne très peu de temps aux jeunes de la relève pour
acquérir à la fois des connaissances et habiletés
techniques (manuelles) et intellectuelles qui sont jugées indispensables
à la réussite en entreprise. Très peu de secteurs
économiques présentent une situation similaire où un jeune
de 25 ans est propriétaire d'une entreprise dont les actifs ont une
valeur de près de 300 000 $. De plus, 50% des jeunes qui
s'établissent en agriculture occupent un emploi en dehors de
l'agriculture avant de s'établir. Ce facteur en soi peut être un
avantage, mais il entraîne par contre une diminution du temps
accordé par ces jeunes à leur préparation à
l'établissement. Par la suite, durant la période
postétablissement, trois ans après, le jeune a très peu de
temps disponible pour s'inscrire à un programme de formation ou pour
suivre des sessions de formation sur mesure car il doit consacrer beaucoup
d'heures de travail è l'entreprise.
Le milieu agricole est aussi un milieu riche de traditions, sauf en ce
qui concerne la formation, où l'on ne retrouve aucune tradition reconnue
ni ressentie. Nous savons également que 90% des jeunes qui
s'établissent proviennent d'un milieu familial agricole, soit fils ou
filles d'agriculteur, donc, d'un milieu dans lequel aucune tradition de
formation n'a été transmise par les parents. Il faut
également relier à la tradition la notion de changement et tout
changement est susceptible de provoquer de la résistance. La formation
est porteuse de changements chez l'individu apprenant, mais a également
des répercussions importantes chez les parents qui doivent subir les
exigences de ces changements quand leur jeune revient sur l'entreprise. Donc,
ici, un rôle parental à ne pas négliger.
Il faut aussi composer avec la réalité dans laquelle la
main-d'oeuvre familiale n'a jamais été comptabilisée,
donc, considérée comme bon marché et disponible en tout
temps. Lorsque le jeune veut s'absenter pour une période
consacrée à sa formation, le père réalise en tout
premier lieu qu'il devra engager, donc payer, un employé pour remplacer
son fils. Cette situation liée à cette réalité du
milieu est un problème de première importance qui contribue
souvent à priver le jeune de l'acquisition d'une formation en
institution.
Les problèmes liés aux caractéristiques du
système de formation. Il faut préciser ici que le nombre
relativement élevé des institutions et les équipes de
formateurs trop réduites en nombre suscitent des problèmes qu'il
faut résoudre. Le fait de miser sur le nombre et la proximité des
centres de formation agricole plutôt que sur leur concentration
entraîne certes un problème de coordination. Ce problème
apparaît davantage aigu au niveau secondaire, où les options
agricoles sont plus nombreuses qu'au niveau collégial et les
équipes d'enseignants plus réduites.
D'autre part, les équipes de formateurs étant
réduites, surtout au niveau secondaire, à un minimum permettant
tout au plus d'assurer la dispense des cours au programme, il s'ensuit que la
qualité globale de l'enseignement et, en conséquence, l'image de
la formation agricole en sont affaiblies. Il est en effet reconnu que
l'enseignement professionnel agricole doit constamment traduire les
réalités du milieu agro-alimentaire. Pour ce faire, les
spécialistes estiment que l'enseignant agricole doit, tout en
étant professeur, participer à
des activités qui le mettent en contact avec les
réalités du milieu par le biais de services à la
collectivité, de cours aux adultes, de projets d'expérimentation.
Comment peut-il en être ainsi si l'enseignant en agriculture a peine
à seulement assurer ses heures d'enseignement? Comment prétendre
à valoriser l'enseignement professionnel agricole si cette situation
n'est pas redressée?
La même disparité nous paraît également
présente dans le secteur de l'éducation aux adultes. Ce
phénomène des répondants régionaux en formation
agricole est relativement récent et donne toutefois déjà
des résultats concrets qui se traduisent en un effort mieux
organisé en vue de répondre aux besoins régionaux. Il ne
nous paraît cependant pas évident que les actions
régionales s'inscrivent dans une politique provinciale de formation des
agriculteurs. Diverses actions locales sont entreprises dans le but de
compléter la formation des jeunes agriculteurs dans le cadre de
l'éducation des adultes. Donc, il reste encore beaucoup à faire
avant d'en arriver à un véritable contexte éducatif
où les actions de formation s'inspirent d'une philosophie centrée
sur le développement de l'agriculteur, à partir de sa formation
préparatoire, en passant par les différentes étapes de sa
vie professionnelle.
Enfin, le fait que les unités de formation du secteur de
l'enseignement régulier et du secteur de l'éducation des adultes
soient séparées nous semble un autre élément du
problème de la formation agricole. Cette situation, en plus de diviser
les ressources en formation, fait en sorte que les enseignants du secteur
régulier, en n'étant pas associés à la formation
des agriculteurs adultes, se trouvent privés ici d'une
possibilité privilégiée de contact avec le milieu.
Les pistes de solution et conclusion. La nécessité d'une
politique de formation agricole. Il paraît clair que les divers efforts
investis dans la formation agricole au Québec doivent être faits
en concertation en vue de favoriser le développement harmonieux de
l'agriculteur tout au long de sa vie. Ils doivent être centrés sur
l'agriculteur en tenant compte de ses besoins et de ses
caractéristiques. Ceci implique que les buts poursuivis par les
intervenants des divers sous-systèmes de formation, formation initiale,
formation professionnelle, formation continue, soient bien identifiés et
reconnus. De plus, si l'identification des besoins de formation doit se faire
en tenant compte de l'agriculteur, la définition des buts guidant
l'action des intervenants en formation des divers sous-systèmes doit se
faire selon une cohérence qui tienne compte à la fois des
objectifs à poursuivre et de la complémentarité entre les
divers intervenants. Il s'agit là, à notre avis, d'une condition
nécessaire au développement continu, rapide et cohérent de
l'agriculteur tout au long de sa vie. Envisager de bonifier la formation de la
relève agricole sans la perspective claire d'une formation tout au long
de la vie professionnelle des agriculteurs directement concernés
équivaudrait à travailler à une seule pièce comme
si l'utilité de celle-ci ne dépendait pas d'un ensemble plus
large.
Il nous semble donc qu'on ne peut prétendre bonifier la formation
de la relève agricole sans que les actions et les moyens mis de l'avant
s'insèrent dans une politique globale de formation des agriculteurs.
Deuxième solution de problème. Continuer à
travailler à changer les mentalités face à la formation
agricole. Nous avons mentionné précédemment que des
efforts de sensibilisation du milieu agricole à l'importance de la
formation sont maintenant investis. Il est nécessaire que ces efforts
soient soutenus et qu'ils s'intègrent évidemment dans une
politique de formation à définir.
Il faut, en effet, que les parents et les jeunes de la relève, de
même que tous les intervenants susceptibles de les influencer,
réalisent que la formation n'est plus une option qui s'offre à
celui qui veut vivre de l'agriculture, mais un prérequis sans lequel les
chances de réussir seront très minces ou nulles. Les jeunes et
les parents doivent ressentir la formation comme une nécessité.
La seule transmission de l'expérience des parents et de la tradition
culturelle ne suffisent plus à assurer une qualité de vie en
agriculture. Un éveil chez le jeune doit se faire à très
bas âge, considérant le peu de temps consacré à sa
formation professionnelle avant son établissement ainsi que le nombre
d'années, cinq ou six ans, où il travaille dans l'entreprise
avant son établissement.
Troisième point. Repenser le système actuel de formation
agricole. En ce qui concerne le système de formation agricole, nous
avons soulevé quelques facteurs qui nous paraissent
problématiques. Le système de formation doit faciliter le
développement de l'agriculteur selon un cheminement continu. Il nous
semble difficile d'y arriver avec les divers réseaux actuels qui sont
dissociés.
Nous pensons, d'une part, qu'on tirerait de grands avantages à
intégrer à la formation professionnelle de base et à la
formation aux adultes en agriculture les mêmes unités de
formation. Ceci permettrait de consolider les centres de formation. Les
enseignants concernés par la formation des jeunes et celle des adultes
seraient alors davantage liés aux réalités du milieu
agricole. Enfin, les institutions seraient plus en mesure d'assurer une
continuité dans l'itinéraire de formation de l'agriculteur et ce,
en accord avec le principe de l'éducation permanente.
(17 h 45)
Enfin, il faut considérer comme faisant partie du système
de formation agricole non seulement les formateurs officiels de l'enseignement
régulier ou aux adultes, mais aussi tous les formateurs non formels
oeuvrant auprès des agriculteurs à titre de conseillers. Comme il
s'agit là encore d'une condition pour une action concertée,
cohérente et plus efficace en vue du développement continu des
agriculteurs, il faut donc aussi attacher plus qu'aujourd'hui de l'importance
et des ressources à l'accroissement de la capacité de formation
de tous ces "formateurs", entre guillemets.
Pour conclure, voici les quelques réflexions que nous voulons
livrer à la commission. Nous sommes conscients qu'il s'agit là
d'une analyse sommaire de la question de la formation de la relève
agricole replacée dans le contexte global de la formation agricole. Nous
croyons, par contre, que la formation doit être considérée
au premier rang parmi les facteurs d'efficacité en agriculture. Avec les
changements rapides qui marquent le secteur agro-alimentaire, la formation est
devenue un outil indispensable. Cet outil doit cependant être
développé et constamment perfectionné si on veut qu'il
soit vraiment efficace. L'orientation de ce développement doit
être prescrite par une politique de formation agricole globale et
reconnue.
Quant à nous, à l'Université Laval, nous continuons
à nous intéresser aux problèmes de la relève
agricole et de la formation. Nous terminons actuellement une étude sur
les besoins de formation des jeunes agriculteurs. Nous avons soumis
récemment au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et
de l'Alimentation du Québec une demande de subvention pour deux projets
de recherche sur la formation agricole. L'un porte sur les facteurs qui
influencent le jeune agriculteur au moment où il décide soit de
poursuivre ses études, soit de rester à la ferme; l'autre propose
une analyse des divers cheminements de formation de la relève agricole.
Puissent les efforts faits par les différents intervenants, incluant
ceux de la commission, contribuer à la promotion des agriculteurs et des
agricultrices. Merci. Je m'excuse de la longueur du texte.
Le Président (M. Vallières): Merci. J'ai une
demande d'intervention du député de
Kamouraska-Témiscouata.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Merci, M. le
Président. Je voudrais revenir un peu sur la relève agricole et
la formation en agriculture. Vous parlez dans votre mémoire, à la
page 2, de la relève agricole, des jeunes Québécois et
Québécoises en voie de s'établir sur une entreprise
agricole ou ceux qui sont nouvellement établis. On pourrait rajouter
aussi ceux qui veulent s'établir. Il y a ce groupe aussi. Je suis de
l'Est du Québec, du Bas-du-Fleuve, de la Gaspésie et du
Témiscouata. Je ne sais pas ce que vous pensez de cela et ce qu'on doit
faire, mais il y a beaucoup de jeunes - des fils et des filles de cultivateurs
- qui, pour une raison ou pour une autre, il y a huit ou dix ans, ou
peut-être davantage - on se rappelle l'exode des jeunes sur une
période donnée - dans les années soixante-dix, ont
quitté la ferme familiale. C'est sûr que, dans ce temps, beaucoup
de fermes étaient décrites comme la petite ferme familiale. On ne
pouvait pas installer sûrement la famille qui pouvait compter quatre ou
cinq garçons ou filles.
Pour toutes sortes de raisons, ces jeunes ont quitté pour tenter
une expérience en ville, soit à Québec ou à
Montréal. Par la suite, cette expérience s'est
avérée plus ou moins positive pour eux du fait d'avoir
vécu une partie de leur jeunesse au grand air et de se ramasser en
ville. On sait que la ville, c'est la ville. Moi, je n'aime pas cela; d'autres
aiment cela. C'est du bruit, de la pollution par toutes sortes de choses. Donc,
pour toutes sortes de raisons, ils ont décidé de revenir aux
sources, de revenir dans leur secteur, dans leur région; on le voit
souvent.
Peu importe la raison, ils ont décidé de se lancer en
agriculture soit par achat ou par location. À mon bureau de
comté, on voit beaucoup de jeunes - par jeunes, il faut s'entendre, ceux
qui ont passé le plus gros de leur jeunesse en ville - qui reviennent
à 28, 30 ou 32 ans pour s'établir sur une ferme. Ils viennent
nous voir. On sait bien qu'il y a des fermes abandonnées dans notre
secteur, des fermes en friche, qu'on appelle. Ils voudraient se lancer en
agriculture, oubliant que l'agriculture qu'ils ont connue, celle du temps de
leur père, quelque peu artisanale, a bien évolué depuis
qu'ils ont été déconnectés complètement,
depuis les dix ou douze dernières années, de l'agriculture.
Je ne sais pas ce que vous pensez de la formation. On pourrait citer un
exemple là-dessus, mais je ne voudrais pas ouvrir de débat
politique. Cela pourrait s'appliquer aussi aux hommes politiques...
Ces gens-là se disent connaissants; fils de cultivateur, filles
de cultivateur. On connaît ça, on a été
élevé là-dessus. Beaucoup de demandes ne se rendent
peut-être pas à l'office. Ils vont voir les représentants
de l'Office du crédit agricole pour leur soumettre certains projets.
Vous savez que la rentabilité et les quotas entrent en ligne de compte
pour leur venir en aide financièrement. Je ne sais pas ce que vous
pensez de ce phénomène des jeunes - on dit des "jeunes", je pense
qu'à 30 ans c'est encore jeune - qui n'ont pas la formation scolaire
voulue parce qu'ils n'ont pas eu cette formation au niveau de la
comptabilité,
etc. Que pensez-vous de ça? Il y a quand même de ces jeunes
qui sont intéressés au Québec.
Vous parlez de la relève. Ce sont des gens qui doivent avoir une
bonne formation, avoir suivi des cours, peu importe dans quelle institution
d'enseignement agricole. Que pensez-vous exactement de ces
jeunes-là?
M. Cormier: Je pense que leur problème est assez grave,
surtout s'ils sont partis en ville depuis dix ans. Ils ont le
désavantage, par rapport aux jeunes qui sont restés en
agriculture, d'avoir un peu perdu le fil de l'agriculture depuis dix ans.
Veuillez me croire, vous le savez, cela a changé drôlement. Si
cela n'avait pas tellement changé, on ne serait probablement pas ici,
aujourd'hui, pour discuter de l'aspect du financement, de la relève et
de la formation.
Il faut justement bien regarder les objectifs qu'ont ces jeunes en
revenant en agriculture. C'est là que j'interroge ces gens-là;
est-ce qu'ils reviennent pour vraiment vivre de l'agriculture ou parce qu'ils
n'ont pas trouvé de choses intéressantes à faire en vllie?
Il ne faut pas considérer non plus l'agriculture comme une espèce
de service de bien-être social parce qu'on ne peut pas vivre en
ville.
C'est un problème très difficile à cerner. En ce
qui concerne la formation, si ces jeunes veulent s'établir en
agriculture, la première chose à faire, s'ils pensent pouvoir
acheter une ferme et en vivre, c'est d'aller se chercher une formation en
agriculture. C'est très clair pour moi, en tout cas. Ils n'ont pas le
choix.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Aux pages 2
et 3, vous mettez beaucoup l'accent sur la formation et les connaissances qui
peuvent être acquises par un fils ou une fille de cultivateur qui a suivi
des cours du soir ou qui a pu faire un secondaire V aussi, au moins au niveau
de la comptabilité. On sait qu'aujourd'hui la comptabilité c'est
sérieux, ce n'est plus de l'artisanat, comme je l'ai dit tout à
l'heure. Ce sont des entreprises et ça prend des leaders, des gens qui
peuvent administrer. On voyait dans d'autres mémoires que ça
prenait des électriciens, des plombiers, presque des comptables.
M. Cormier: Effectivement.
M. Lévesque (Kamouraska-Tém iscouata): C'est une
formation assez évoluée.
M. Cormier: Ils doivent acquérir plusieurs savoirs, non
pas seulement au niveau technique des connaissances, mais ils doivent savoir
faire, savoir observer, savoir s'organiser, savoir décider et, en
même temps, développer une compétence en tant que citoyen
qui a affaire à un monde social, un monde politique, un monde
économique. Comme vous le voyez, aujourd'hui, il y a des gens de l'UPA
qui ont des dossiers importants entre les mains. Ces gens devront être en
mesure d'assumer ces responsabilités et finalement la formation va les
aider en plus d'exploiter leur entreprise.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Au niveau de
la ferme familiale, qu'est-ce que c'est pour vous? On a beaucoup parlé
de la ferme familiale. Est-ce que ce sont les grandes entreprises qui peuvent
être familiales? On parlait de l'unité-travail-homme - ou personne
- est-ce que ça peut se situer à 1, 5 comme on en a entendu
parler? Quel est votre point de vue là-dessus?
M. Cormier: J'aimerais mieux ne pas m'embarquer dans ce dossier
de la ferme familiale, parce que c'est un sujet très discuté,
surtout au niveau de l'UPA. Il y a des comités qui travaillent à
définir la ferme familiale. Mon humble expérience ne me permet
pas de me prononcer sur ce sujet-là ici aujourd'hui.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): ... un
spécialiste. On verra après.
M. Cormier: En fait, je pense que tout le monde doit y voir, mais
dans des cadres bien spécifiques.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): D'accord.
Merci.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Saguenay.
M. Maltais: Merci, M. le Président. D'abord, j'aimerais
remercier M. Cormier et les membres qui ont travaillé à la
présentation de ce mémoire qui nous apporte, à mon avis,
un autre point de vue, depuis les deux jours d'audition. On a beaucoup
parlé de finance depuis deux jours et de techniques aussi, mais
c'était relié quand même à beaucoup de points que
vous avez soulevés dans votre mémoire, particulièrement
celui de la formation. Au départ, la relève agricole; tout le
monde conçoit que l'agriculture, c'est une entreprise. Nous avons
accueilli, ce matin, les représentants de 1300 jeunes qui sont inscrits
à la relève. J'ai été surpris du fort pourcentage
d'échec et, mon Dieu, ceux qui y demeuraient, c'étaient vraiment
des gars qui avaient cela dans le sang, comme on dit. C'étaient des gens
qui auraient peut-être réussi partout, dans n'importe quelle
entreprise. C'étaient vraiment des leaders.
Cela m'amène à poser la questions
suivante. Je ne parle pas du degré universitaire, puisque cela ne
semble pas apparaître dans vos statistiques. Il n'y en a pas beaucoup qui
sont allés à l'université et qui sont retournés
s'établir sur une ferme. Je ne pense pas qu'il y en ait des millions,
des dizaines tout au plus. Ce que je voudrais savoir, c'est la proportion entre
ceux qui possèdent un DEC. Ceux qui possèdent un DEC dans
différentes formations vont aller dans l'entreprise et, s'ils n'ont pas
toute l'expérience, s'ils n'ont pas toute la connaissance, l'entreprise
va les supporter pendant trois, quatre ou cinq ans. C'est elle qui va absorber
le feed-back, le manque de connaissances et le manque de formation. Dans sept,
huit ou dix ans, ce sera plus rentable pour l'entreprise.
M. Cormier: C'est un investissement.
M. Maltais: Malheureusement, en administration ou dans d'autres
domaines, que ce soit un ouvrier spécialisé, etc., au
début, l'employeur sait que le jeune homme a une bonne volonté et
des connaissances, mais il lui manque la formation. Alors, c'est "training on
the job", c'est en travaillant que vous apprenez. À partir de là,
en agriculture, on ne peut pas se permettre cela, parce que les pires
années, d'après ce qui nous a été dit ici, ce sont
les premières années; les premières années, parce
que, au niveau du financement, c'est là qu'est le gros problème
et, au niveau des connaissances, on sort de connaissances techniques et on a la
pratique du vécu puisqu'il y en a 90% qui proviennent d'un milieu
agricole. Mais on a des difficultés de financement. Ce matin, on s'est
fait dire carrément par un organisme que plus le gars travaillait, moins
il avait des chances de réussir, comme travail d'homme. Cela a
été clairement dit ici. J'ai posé la question à
l'organisme. Je me demande si on ne devrait pas, dans la formation, s'appliquer
plus à faire réfléchir les gens. Au niveau de la
formation, on a eu deux reproches majeurs: d'abord, aux jeunes agriculteurs qui
s'en vont et, deuxièmement, aux vieux agriculteurs. Les agriculteurs, en
règle générale, sont venus nous dire ici que leurs
conseillers ne connaissaient rien. On a clairement dit dans les
différents mémoires -non pas dans toute la production - que les
spécialistes du ministère n'étaient pas bons, qu'ils
manquaient de formation et qu'ils allaient chercher la formation chez les
agriculteurs qui avaient réussi. Or, on se retrouve devant un dilemme au
Québec: la formation agricole qu'on donne dans nos écoles, dans
nos cégeps, qu'est-ce que cela vaut d'après vous?
M. Cormier: Effectivement, il y a plusieurs aspects à la
question que vous posez. Le problème que plusieurs organismes ont
soulevé, c'est que les premières années sont les plus
difficiles. Il y a une raison. C'est précisément au niveau de la
formation donnée aux jeunes, on ne leur permet pas suffisamment de
réflexion sur le fait "établissement"; c'est-à-dire qu'il
y a beaucoup de jeunes qui s'établissent en agriculture, qui
s'établissent avec une certaine idée de ce que cela va être
d'être propriétaire et, quand ils deviennent propriétaires
et qu'ils ont contracté un emprunt de 150 000 $, ils
s'aperçoivent de ce que c'est. Il faut qu'ils remettent de l'argent, il
faut qu'ils achètent de la moulée. (18 heures)
Je viens de mettre en évidence ici le lien entre la
théorie et la pratique qui se fait difficilement chez le jeune, surtout
parce que ce dont il a besoin au début, ce sont des capacités de
gestionnaire. Le jeune a de la difficulté à s'appliquer à
apprendre la comptabilité ou des calculs de gestion, parce que cela
n'est pas concret, c'est un peu théorique. Il n'est pas en position du
propriétaire, donc ce qui l'intéresse bien plus, c'est
d'apprendre à tondre une vache pour une exposition. Cela est concret, il
sait comment faire. Mais en ce qui concerne l'administration, il n'est pas
tellement porté sur le domaine, si vous 'voulez. Comparativement
à une entreprise privée, où c'est le propriétaire
ou les cadres supérieurs qui vont faire l'administration de l'entreprise
et vont lui dire de faire sa "job", dans l'entreprise agricole, ce qui est le
plus important, c'est d'administrer l'entreprise globalement. Cette vision
globale de l'entreprise, le jeune ne l'a pas parce que, souvent, sa formation a
été trop technique sur des aspects qui l'intéressaient et,
souvent, comme enseignant, on est plus porté à aller sur cela,
parce qu'on a l'intérêt des jeunes. Ils aiment cela, l'aspect
technique.
M. Maltais: Dans le chiffre que vous avancez, soit que 90% de
ceux qui forment la relève proviennent de familles d'agriculteurs, vous
me dites qu'ils ont de la misère à faire la conciliation entre la
pratique, la théorie et le côté administratif, puisqu'on
parle d'une entreprise agricole, mais est-ce que ce n'est pas faire fausse
route que d'inciter presque toute notre relève agricole qui provient du
milieu agricole à dire: Vous allez faire la relève agricole?
À ce moment, c'est un choix, c'est une entreprise. Dans une entreprise,
il faut de la technique, de la gestion et du marketing. Cela est au
départ. Ce n'est pas nécessairement parce que tu viens du milieu
des affaires que tu ne pourras pas ouvrir une tabagie et réussir. Ce
n'est pas nécessairement parce que tu viens du milieu agricole que cela
donne une garantie. Tu as peut-être de la connaissance usuelle, pratique,
mais tu n'as peut-être pas la
technique ni le côté administratif. Quand les officiers du
gouvernement reçoivent des demandes, qu'est-ce qui devrait être
prioritaire, pour eux autres, dans les demandes d'achat ou de transfert de
fermes? Qu'est-ce que cela devrait être comme critères
prioritaires de la part des officiers du ministère pour accepter de
traiter un dossier pour acquérir une ferme?
M. Cormier: Les critères? Je ne sais pas si je suis
biaisé, mais sûrement qu'un critère important serait le
niveau de formation de base et, possiblement, une formation agricole de
l'acquéreur, si vous voulez, ainsi que toutes ses expériences
personnelles. Quand on parle de formation, on parle d'un individu complet, avec
ses vécus, son psychique, sa mentalité, ses objectifs, son projet
agricole. Je pense qu'il faut considérer l'ensemble de ces facteurs pour
vraiment juger si quelqu'un peut prendre une entreprise. Mais, dans
l'enquête, on a trouvé que 90% étaient fils ou filles
d'agriculteurs, cela explique peut-être le problème du transfert
de l'entreprise, c'est-à-dire que, si tu n'es pas fils ou fille
d'agriculteur, avec le capital que cela demande, tu n'y penses même
plus.
M. Maltais: D'où proviennent les autres 10%?
M. Cormier; Je ne le sais pas. L'enquête ne nous a pas
révélé...
M. Maltais: On ne sait pas d'où cela vient, c'est
arrivé de même.
M. Cormier: Probablement qu'avec des traitements... On a
sûrement l'information, l'étude n'est pas encore
complétée. Avec l'information qu'on a, selon le questionnaire,
avec le traitement statistique, on peut sûrement trouver les origines des
10%, mais je ne peux pas vous le dire aujourd'hui.
M. Maltais: Je reviens à la formation dont vous avez
parlé dans votre mémoire; vous avez dit qu'il y avait beaucoup de
gens qui s'occupaient de formation et peut-être même trop, mais on
en arrive à la conclusion que les gens sont mal formés. Que
faudrait-il faire, à votre avis, pour avoir un programme unique, un
programme sérieux qui va donner à ces jeunes au moins une
garantie de base, la même que celle qu'on retrouve dans les
métiers techniques comme pour l'électricien, le plombier,
l'électrotechnicien et ainsi de suite? Au Québec, ne serait-on
pas en mesure, d'abord, de former nos enseignants? Au départ, si les
enfants ne sont pas corrects, c'est qu'ils ont mal appris ou qu'ils n'ont pas
réfléchi, mais en tout cas... On nous dit que les techniciens
sont mal formés, que les conseillers du ministère ne sont pas
bons; alors, imaginez-vous que quelqu'un les a formés dans des
écoles, quelque part. Je voudrais savoir, d'après vous, qui
êtes à la faculté des sciences agro-alimentaires à
l'Université Laval, quel devrait être le programme-cadre type
réparti dans le Québec qui permettrait de donner au moins une
certaine chance à nos jeunes - à la relève - lors de leur
formation, qui, par après, auront une chance de réussite
égale aux autres. Quel devrait-il être, d'après vous?
Est-ce qu'on ne devrait pas tout mettre cela dans un "melting pot", tout le
monde qui s'occupe de cela, alors tout le monde s'en occupe, mais personne ne
fait quelque chose de bien? Est-ce qu'on ne devrait pas avoir, finalement, dans
un ministère, que ce soit à l'Agriculture ou à
l'Éducation, une section agricole unique, uniforme, qui dispenserait la
formation, au lieu d'en avoir 25 et que tout le monde ne se mêle pas de
ses affaires? On en arrive avec les résultats qu'on se fait dire
aujourd'hui.
M. Cormier: En fait, les responsabilités par rapport
à la formation sont de deux niveaux. Il y a les responsabilités
au niveau des apprenants, soit les jeunes; ils ont une responsabilité.
Il ne faudrait pas penser qu'eux n'ont aucune responsabilité
là-dedans. Et la deuxième responsabilité, c'est que tout
projet de formation, c'est un projet social.
Comme on l'a indiqué dans le mémoire, je ne crois pas
qu'il existe... On ne vous donnera pas aujourd'hui une solution en disant: Le
programme type de formation devrait être celui-là. Mais une chose
est sûre, c'est que, en premier, il faudrait établir des
politiques ou des objectifs communs pour toutes les maisons d'enseignement qui
dispensent l'enseignement aux jeunes agriculteurs, aux futurs agriculteurs.
Parce que, comme on le voit aujourd'hui, chacun fait sa politique, chacun a son
budget, chacun décide de donner tel cours. Quels sont les objectifs
visés par cela? On ne le sait pas. Est-ce l'autonomie de l'agriculteur?
Est-ce la popularité de l'école? Est-ce pour tuer l'autre
école à côté, parce qu'on est trop sur le même
territoire? On ne le sait pas vraiment. En fait, cela tourne beaucoup plus au
niveau administratif qu'au niveau pédagogique. Alors, il faudrait se
rencontrer et déterminer des objectifs communs, que tous les enseignants
et que toutes les administrations pourraient poursuivre.
Un autre point qui serait important, c'est qu'on accentue un peu plus la
recherche au niveau pédagogique agricole. Je crois que ce serait
très bon, parce que n'est pas pédagogue ou n'est pas bon
enseignant qui veut. Je pense que c'est un art et il y a des trucs à
apprendre là-dedans. On doit aussi respecter ceux qui apprennent,
alors
que, la plupart du temps, on n'en tient pas compte. On les prend parce
qu'ils sont là et on leur donne ce qu'on a eu comme modèle, on le
retransmet. Mais je peux dire que, moi-même, j'en ai beaucoup appris dans
le domaine et je crois qu'il faudrait accentuer la recherche au niveau de la
formation agricole.
M. Maltais: En fin de compte, ce matin, on s'est fait dire que
les professeurs d'art plastique, pour enseigner l'agriculture, ce
n'était pas vraiment leur place. Mais il ne faut pas oublier une chose,
c'est que les systèmes des commissions scolaires et des cégeps
sont pris dans le "melting pot" des conventions collectives et ils doivent...
Malheureusement, ce sont les jeunes qui, aujourd'hui, paient la facture et, au
montant que cela coûte, c'est une grosse facture. Il faudrait
peut-être remettre en question un peu de choses ce
côté-là.
M. Cormier: Oui.
M. Maltais: Tout à l'heure, vous avez parlé aussi
d'une chose très importante dans les critères où le jeune
devrait s'établir, incluant toute sa formation personnelle. Vous nous
dites un peu plus loin que le jeune, souvent, n'a pas - parce qu'on sait ce
qu'est le travail de la ferme - le temps de s'appliquer, parce que les heures
de travail sont trop longues, à avoir une formation "at large"; il a une
formation restreinte, d'après ce que vous nous dites ou si je comprends
bien votre paragraphe. Est-ce qu'il existerait une possibilité, lors de
la formation du jeune, qu'on lui fasse voir peut-être l'horizon, à
partir du principe que ce n'est pas nécessairement le fait qu'il soit le
fils d'un agriculteur... Et si on l'envoie en agriculture, c'est parce qu'on
sait que c'est la seule façon d'avoir une ferme et que c'est son
père qui lui passe la sienne parce qu'il n'en achètera jamais
d'autre, ou la fierté du père de voir son fils prendre la
succession, ce qui est tout à fait normal. Est-ce que ce n'est pas faire
fausse route ou peut-être mal orienter le jeune? Est-ce que nos services
d'orientation sont en fonction...
M. Cormier: Je crois que les services d'orientation, de ce que
j'en connais, ne servent pas à grand-chose en agriculture,
jusqu'à présent. Parce que...
Une voix:...
M. Cormier: Je ne pourrais pas juger les autres domaines. Mais,
en agriculture, souvent c'est le manque d'information qu'on reconnaît,
chez les jeunes, au niveau des possibilités de formation qui peuvent
leur être offertes. La plupart aussi sont un peu submergés dans
toutes les autres formations; ils sont avec les plombiers, les
électriciens et un peu partout. Alors, ils peuvent difficilement se
concentrer sur les particularités reliées au domaine de
l'agriculture, qui est un domaine très complexe. Quand on pense à
avoir une formation en agriculture, vous l'avez dit tantôt, on doit
exercer 26 métiers: gestionnaire, souvent fiscaliste et notaire. En tout
cas, il faut pouvoir suivre tout cela.
M. Maltais: Je vous remercie beaucoup. C'est tout le temps dont
on dispose.
M. Cormier: C'est moi qui vous remercie.
M. Maltais: Vous avez été bien gentil.
Le Président (M. Vallières): Nous allons passer
maintenant au député de Nicolet.
M. Beaumier: Je vous remercie, M. le Président. J'aimerais
d'abord, au nom de ma formation politique, vous remercier d'avoir porté
à notre attention votre mémoire qui comporte aussi des
réflexions de votre faculté. Dans le même sens, vous
êtes préoccupé, tout comme nous évidemment, par la
formation de la relève agricole. Je voudrais savoir si vous avez eu le
temps ou si vous le prendrez, si vous le jugez à propos, de
connaître ce que ce serait, vers quoi va ou devrait aller ce que vous
appeliez tantôt l'espèce de prototype d'entreprise agricole. Ce
qui fait que, à partir de ce moment, on pourrait dégager quels
seraient -dans les années, sans être des devins - la vie et les
exigences, en termes de formation et en termes d'autres exigences aussi, du
jeune ou de la jeune qui se lancerait en agriculture, ce qui aurait comme effet
d'éclairer ce qui devrait se faire comme formation, dans les multiples
institutions qui existent actuellement. Autrement dit, est-ce que vous avez eu
l'occasion de réfléchir ou l'occasion de dire que vous allez
réfléchir sur la façon d'imaginer ce que sera ou vers quoi
va ou devrait aller l'entreprise agricole? Je pense que c'est très
important. On veut savoir beaucoup d'où vient le jeune, mais il faudrait
aussi s'intéresser et savoir où il va. À partir de ceci,
on pourrait, d'une façon complémentaire, selon les institutions,
les niveaux d'institutions et aussi au niveau des multiples conseillers
agricoles à tous niveaux - au niveau de la gestion, etc. -
peut-être déterminer de meilleurs programmes, s'il y a lieu.
M. Cormier: Je dois vous avouer que, dans le cadre des
études qu'on a faites sur la formation, on ne s'est pas tellement
arrêté sur ce que serait l'agriculture de demain, sauf le fait
d'avoir lu sur... Je ne sais pas si j'ai bien compris, peut-être...
M. Beaumier: Vous avez bien compris, mais je me suis mal
exprimé, je m'en aperçois. Ce n'est pas tellement dans l'avenir,
mais dans ce qui existe actuellement, une espèce de perspective. Est-ce
que vous avez fait l'évaluation de ce que serait une espèce de
prototype - même si c'est bien varié, les productions et tout cela
- un éventail de formation qui pourrait correspondre non seulement
à ce qui existe au moins actuellement - ce qui serait déjà
beaucoup - mais aussi un peu à ce vers quoi, selon certains indices -
personne n'est savant dans cela - iraient les exigences de formation?
C'est-à-dire, vers quoi irait le travail de producteur ou de productrice
agricole et quel serait l'impact que cela aurait sur des changements ou des
améliorations ou des correctifs à faire sur la formation qui se
fait actuellement. Ce n'est pas du futurisme que je fais. C'est beaucoup plus
pour savoir si vous avez une bonne idée vers où ou dans quelle
situation ces gens auront à travailler d'ici à quelques
années.
M. Cormier: Je pense qu'on n'a pas eu... L'enquête qu'on a
faîte nous l'a révélé un peu, les jeunes
agriculteurs disent que la formation devra être une source de
compétence et d'efficacité. En fait, l'agriculture, dans les
prochaines années, ne sera plus une agriculture technique, comme on a pu
la connaître dans les 40 ou 50 dernières années, avec des
consultants qui vont donner des conseils techniques. Je crois que l'agriculture
va être une entreprise où on devra être efficace et
compétent. À partir de ce postulat, je pense qu'il va falloir que
les jeunes aient, comme on l'a spécifié, une formation de base la
plus élevée possible avant de penser à une formation
professionnelle agricole qui sera, d'après moi, beaucoup plus
orientée vers l'aspect économique et vers l'aspect prise de
décision. Parce que, aujourd'hui, le jeune se retrouve tous les jours en
situation de prise de décision et, comme il nous l'a indiqué
aussi, c'est là qu'il se sent le plus démuni. Parce que, au
niveau technique, il a quand même son père en arrière, donc
l'expérience familiale et, en plus, souvent les sessions de formation
technique sont plus faciles à trouver. Donc, il peut être plus en
mesure de résoudre son problème technique, mais, quand il s'agit
de prendre des décisions et de tout ce en quoi cela consiste, c'est
là qu'il devra aller chercher une formation particulière. Je ne
peux pas vous dire les programmes de cours qu'il suivra, mais ce sera
probablement vers cela.
M. Beaumier: Quand vous parlez de compétence, de pouvoir
de décision, d'efficacité, de processus de décision et
tout, vous concevez que cela devrait être précisé
davantage. Est-ce que vous seriez prêt - j'en fais une suggestion -
à aller plus loin, puisque vous êtes au niveau universitaire,
donc, vous faites un peu de recherche, quand même, est-ce que vous seriez
prêt à voir comment une meilleure compétence s'appellerait?
Quel serait le processus de décision qu'un agriculteur ou une
agricultrice aurait à faire dans son entreprise existante et future,
surtout dans le sens d'une dynamique, d'une perspective? Est-ce que cela a du
bon sens ce que je dis?
M. Cormier: Cela a du bon sens, mais cela existe
déjà. L'homme de décision d'aujourd'hui, ne sera pas
tellement différent de l'homme de décision de demain, en
théorie; mais, en pratique, oui. C'est-à-dire que l'agriculteur
d'aujourd'hui ne sera pas le même demain. S'il est le même demain,
cela ne fonctionnera pas parce que les techniques de décision ne
changeront pas, mais l'entreprise va avoir changé et, s'il ne change
pas, il ne suivra pas l'entreprise.
Ce que je me dis aussi, c'est qu'à un moment donné il va
falloir prendre une décision à savoir si on va développer
l'agriculture par les agriculteurs ou si on va la développer sans eux.
Je pense que tout le sens de la question est là. Est-ce qu'on va
permettre aux jeunes, en prenant nos responsabilités et eux vont prendre
les leurs, de participer au développement de l'agriculture ou si on les
considère comme des ouvriers agricoles et il y en a d'autres qui vont
être capables de décider et de participer aux décisions qui
concernent l'agriculture, comme à l'UPA ou ailleurs? Ce serait eux qui
feraient l'agriculture.
Le Président (M. Vallières): Je dois vous
arrêter ici puisque nous avons déjà dépassé
le temps qui nous était alloué.
M. Beaumier: Avec l'aide de tous mes collègues, on a
dépassé, pas seulement moi.
Le Président (M. Vallières): Avec l'aide de tout le
monde.
M. Beaumier: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Vallières): Nous remercions
beaucoup M. Cormier pour son témoignage.
M. Cormier: C'est moi qui vous remercie.
Le Président (M. Vallières): Je rappelle aux
membres de la commission que nous nous retrouverons demain, 15 heures, à
la salle Casavant de l'Auberge des Seigneurs, à Saint-Hyacinthe. La
commission ajourne donc ses travaux à demain, 15 heures,
(Fin de la séance à 18 h 19)