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(Dix heures neuf minutes)
Le Président (M. Richard): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Mesdames, messieurs, un moment d'attention. Je déclare donc la
séance ouverte. Le mandat de la commission est de tenir des
consultations particulières sur le projet de loi 46, Loi sur le
financement agricole. Est-ce qu'il y a des remplacements, M. le
secrétaire?
Le Secrétaire: Non, on ne m'a pas annoncé de
remplacements.
Le Président (M. Richard): Cela va. Maintenant, nous
recevrons, ce matin, le premier groupe, la Chambre des notaires du
Québec; si vous voulez prendre place, s'il vous plaît. Le ou la
responsable, si vous voulez bien vous identifier et présenter vos
collègues, s'il vous plaît.
M. Lambert (Jean): Merci, M. le Président. Je me
présente, Jean Lambert, notaire, président de la Chambre des
notaires. J'ai le plaisir d'être accompagné de ceux qui ont
travaillé à la préparation de ce mémoire, notamment
le responsable des travaux et de la rédaction, le notaire Laurence
Charest, à ma gauche, du service de la recherche et de l'information de
la Chambre des notaires. Également deux notaires qui oeuvrent dans le
droit agricole, à ma droite, le notaire Jacques Vachon, de Sainte-Marie
de Beauce, et, à mon extrême gauche, le notaire Michel Dionne, de
Joliette. Sont absents, mais je souligne, quand même, leur participation,
le notaire Jean-Eudes Roy, de Nicolet, et le notaire Julien Mackay, directeur
du service de la recherche et de l'information.
Le Président (M. Richard): Avant que vous commenciez, vous
connaissez, je pense -d'ailleurs, je vous ai déjà vu en
commission parlementaire - la mécanique de la commission. Je me
permettrai peut-être de risquer de vous arrêter si jamais vous
dépassez les 20 minutes. Alors, vous avez 20 minutes au maximum pour
faire votre exposé; par la suite, ce seront les membres de la commission
qui vous poseront des questions. Vous avez la parole, M. le notaire.
Chambre des notaires du Québec
M. Lambert: Merci, M. le Président. M. le ministre, MM.
les députés, c'est avec une grande satisfaction que la Chambre
des notaires participe ce matin aux travaux de cette commission parce qu'elle
a, depuis les deux ou trois dernières années, participé
aux travaux qui, dans le fond, ont amené la présente
réforme.
On est très heureux de voir dans le projet la refonte des huit
lois en une seule; l'admissibilité du vendeur d'une entreprise agricole
comme prêteur autorisé - ce sont toutes des demandes qu'on avait
faites en 1984 - les modifications proposées à l'article 1979a du
Code civil concernant le nantissement agricole; également, les
modifications apportées aux modes de versements que l'on veut plus
souples pour tenir compte de la variabilité des rentrées
monétaires, surtout dans les productions non contingentées;
l'élargissement des conditions d'admissibilité aux prêts
offerts par l'office qui permettrait dorénavant aux éleveurs de
chevaux de course et d'animaux à fourrure, à la culture
hydroponique et aux producteurs en serre situés en zone blanche de
profiter de ce programme.
Bref, plusieurs éléments extrêmement positifs, mais
surtout - et je voudrais le souligner, M. le Président - le fait qu'on a
retenu la notion d'entreprise agricole. Alors, on cesse de voir le financement
comme étant parcellaire, c'est-à-dire on finance la grange, tel
bout de terre ou tel équipement. On a une vision globale. C'est
extrêmement heureux. Donc, la Chambre des notaires tenait à le
souligner.
Toutefois, comme c'est un peu le rôle des intervenants dans
l'exercice d'une commission parlementaire, on veut bien apporter nos critiques
constructives au projet tel que déposé. Alors, dans un premier
temps, concernant l'approche globale, on prévoit dans le projet, pour
atteindre l'objectif, la possibilité de consentir un prêt global
comprenant une tranche utilisable à des fins de financement à
long terme, une autre à des fins de financement à moyen terme et
une autre, finalement, pour le court terme, dont le montant maximum pourrait
atteindre 800 000 $.
Lors de la présentation du projet de réforme du
régime québécois de financement agricole par le
comité consultatif du ministère, cette approche globale devait
se
concrétiser par une planification quinquennale et un
déboursé des diverses tranches du prêt sur une
période de cinq ans.
À la lecture du projet de loi 46 et du règlement, notre
corporation professionnelle éprouve de la difficulté à
déterminer avec certitude ce qu'il est advenu de cette proposition. En
effet, l'article 18 du projet de loi prévoit que le prêt sera
consenti compte tenu des fins pour lesquelles il est demandé et des
besoins prévisibles. C'est peut-être sur ces mots qu'il faut voir
la possibilité d'un plan quinquennal. Aussi, dans le
résumé des principales modifications proposées qui nous a
été transmis par le ministère, on retrouve ce qui suit:
"L'approche globale et la planification quinquennale permettront à
l'office de mieux structurer le suivi des prêts et de l'intensifier pour
assurer un meilleur service à sa clientèle." Alors, on estime,
évidemment, que l'implantation d'un plan de gestion quinquennale est
très souhaitable dans le secteur agricole. Toutefois, la Chambre des
notaires craint qu'il ne soit difficile d'arrêter ce plan par contrat, si
telle était éventuellement l'intention du gouvernement, un
contrat qui obligerait l'agriculteur a s'engager pour cinq ans sur
l'évolution financière de son entreprise et à affecter de
garanties tous ses biens sur une expectative de développement.
On trouve que peu d'entreprises peuvent convenir et fixer par contrat
leurs prévisions budgétaires pour plusieurs années
à l'avance, surtout dans un secteur d'activité qui est
affecté par des intrants sur lesquels l'agriculteur ou l'entrepreneur a
peu de prise, par exemple, la température, les épidémies
et les mauvaises récoltes ou la signature d'un accord de
libre-échange avec un pays situé au sud. On ne sait pas ce que
cela va donner. On pense qu'il faudra, si jamais c'était l'intention du
gouvernement, sûrement gérer cet aspect avec beaucoup de
souplesse.
Dans les mémoires que la chambre a présentés au
gouvernement dans les années passées, on est toujours revenus sur
la lourdeur administrative de la gestion des dossiers. On souligne,
évidemment, avec beaucoup de bonheur, la refonte des huit lois en une
seule. Cela va sûrement contribuer à accélérer le
processus. Néanmoins, la Chambre des notaires craint que le processus du
traitement des dossiers ne demeure encore beaucoup trop long sous l'application
de la Loi sur le financement agricole, qui est le projet de loi 46. Lors de la
consultation publique sur le financement et l'endettement agricole, au
Québec en 1985, la Chambre des notaires avait déploré
cette lourdeur.
M. le Président, avec votre autorisation, je vous fais distribuer
une version corrigée de notre mémoire. On a eu une discussion
dans les derniers jours concernant l'article 8 projeté. Ce qui nous a
amenés à faire une erreur dans la première version, c'est
peut-être de penser que la rédaction correspondait à une
situation qui existait plutôt il y a plusieurs années.
Ce qu'on veut, tout simplement, dire c'est qu'il ne faudrait pas que les
délais s'allongent avant le déboursé. Je pense qu'on doit
reconnaître au prêteur le privilège et même le droit
strict de vérifier l'état de ses garanties. Mais il faudrait
sûrement trouver une façon de le faire qui n'allonge pas les
délais, qu'on vise plutôt comme objectif à les
réduire. On sait qu'il faut déjà quatre, cinq ou six mois
avant que les instructions soient transmises au notaire. Par ailleurs, les
déboursés se font relativement vite dans la très grande
majorité des cas après. On peut figurer peut-être trois
semaines, un mois, cinq semaines environ. Je pense que c'est la moyenne.
Cela fait, quand même, un nombre de mois assez
considérable. Alors, il ne faudrait pas - c'est l'interprétation
des derniers mots de l'article 8 - que les déboursés soient
retardés après une révision, si jamais c'est cela qu'on
visait là-dedans.
Dans la version corrigée, on souligne, par exemple, que l'office
devrait être capable d'évaluer sur une description sommaire de
l'immeuble et non pas une description précise qui exige l'engagement de
déboursés pour l'agriculteur, par exemple en frais d'arpentage,
en frais légaux. Dès qu'on a pu s'assurer d'une superficie exacte
et des accessoires qui composeront la garantie, il nous semble qu'on pourrait
exprimer un jugement d'évaluation, quitte à le modifier lorsque,
après l'acceptation, on s'aperçoit, lors de l'étude
légale, qu'il y a un défaut ou une insuffisance. Dans le fond,
ça éviterait d'engager des frais inutiles alors qu'on est
incertain de l'issue de la demande.
On parle de garanties de premier rang. Je suis très heureux de
trouver dans le projet de loi que, dans deux circonstances, l'office acceptera
d'être un prêteur en deuxième rang. Le premier cas, c'est
lorsque l'office ou un prêteur autorisé par l'office
détient déjà une garantie de premier rang. Le
deuxième cas, lorsque l'objet ou l'immeuble offert en garantie est
assujetti au paiement d'une rente annuelle en vertu d'un bail
emphytéotique. Mais on souligne qu'on devrait élargir ces
exemples et peut-être, en tout cas, regarder le cas où un droit
d'habitation existe au bénéfice d'une personne qui
peut-être n'est pas légalement en position de consentir une
mainlevée de son droit ou une cession de priorité en faveur de
l'office.
Là-dessus, je vais simplement, M. le Président, vous
mentionner qu'on serait prêt à collaborer pour trouver une
façon mettant en jeu le Curateur public pour marier l'objectif que
l'entreprise agricole serve le mieux
possible la collectivité, donc pour permettre son financement
mais, par ailleurs, aussi afin de protéger les droits individuels du
bénéficiaire du droit d'habitation. On pense qu'il y a une
façon de pouvoir surmonter cette difficulté qui arrive, je dois
le dire, dans de rares cas, mais qui est, quand même, réelle dans
certains cas, pour permettre, donc, de procéder au financement dans ce
cas-là, tout en accordant une certaine protection au détenteur
des droits.
Là où on voudrait aussi voir étendre la garantie de
deuxième rang, c'est lorsqu'il existe un prêt en faveur de la
Société du crédit agricole, à taux avantageux pour
l'agriculteur. On se demande, à ce moment-là, si l'office ne
pourrait pas accepter d'être en deuxième rang après avoir
fait l'évaluation. Ce qu'on veut souligner dans ces circonstances, c'est
que le notaire se retrouve un petit peu coincé. Alors, l'office
émet ses instructions. Le notaire vérifie et s'aperçoit
que la société a un prêt; là, on est obligé
de négocier des mainlevées et tout cela. On exprime le voeu que
devrait être institutionnalisé entre les deux organismes un canal
de communication, à ce moment, pour que cela soit traité à
ce niveau. Si des expertises se font, par exemple, par l'office, pourquoi ces
expertises ne pourraient-elles pas bénéficier à la
société qui évaluerait l'opportunité de donner une
mainlevée sans être obligée de descendre au niveau du
notaire qui, lui, remonte à l'office qui mandate des experts pour faire
l'évaluation, etc? Alors, je pense que tout le monde pourrait y gagner.
C'est ce qu'on a voulu mentionner.
On suggère aussi que l'office puisse recourir à la formule
de l'hypothèque-enveloppe, s'il y a avantage à conserver un
prêt existant pour l'agriculteur. Par contre, on reconnaît le
désir légitime du prêteur, c'est-à-dire de l'office,
de s'assurer que ce prêt soit remboursé et les conditions
respectées. À ce moment, il existe une formule qui s'appelle
l'hypothèque-enveloppe, mieux connue en anglais sous le nom de "blanket
mortgage" ou "wrap around mortgage", qui permet à l'agriculteur de
conserver les avantages de son premier prêt. En d'autres termes, il
s'acquitte de la totalité de ses obligations envers l'office qui, lui,
paie le premier créancier.
Concernant le nantissement, on souligne un point, c'est qu'on voudrait
que l'accès à la vente de gré à gré soit
accordé, parce qu'on pense que c'est le meilleur moyen de
réaliser, en tout cas, le meilleur prix pour l'agriculteur et c'est
souvent aussi plus rapide.
Concernant les quotas, on sait qu'il y a tout un débat autour de
ce droit de produire. Alors, on voudrait que dans la loi ce soit reconnu que le
quota est un élément inaliénable, donc qu'on ne puisse pas
l'aliéner pendant la durée du prêt. Il ne s'agit pas de le
transformer ou de trouver une formule selon laquelle on pourrait accorder une
garantie. Tout simplement, cela fait partie de l'ensemble de l'entreprise.
À ce moment-là, il faudrait que l'agriculteur ne puisse pas
l'aliéner pendant la durée du prêt, tout simplement. Alors,
on n'a pas besoin de trouver une formule pour l'assujettir à une
garantie; tout simplement, il n'a pas le droit et cela serait consacré
dans la loi.
Il y a une certaine logique avec ce qu'on a déjà
mentionné au sujet du quota. Rapidement, on déplorait le fait que
le quota, qui est, à l'origine, un partage équitable du droit de
produire, devienne un objet de commerce. On est contre cela et on pense qu'il y
aurait là l'occasion de commencer à enclencher un processus pour
redonner au quota l'objectif que le législateur avait quand il l'a
créé.
Il y a quelques points techniques, M. le Président. Je pense
qu'en laissant le mémoire en dépôt les gens le liront. Par
exemple, au sujet du transport de créance, on souligne qu'on aimerait
bien que l'office s'assujettisse à la même obligation que les
autres quant à l'enregistrement.
On voudrait que l'article A comprenne pour l'aspirant agriculteur la
possibilité de recourir à la formule corporative,
c'est-à-dire de compagnie, dans l'exploitation. Il s'agirait de
vérifier qu'il détient, par exemple, 60 % des actions votantes ou
qu'il a le contrôle effectif à 60 % de cette corporation, mais
qu'on puisse lui permettre de recourir à la formule corporative, ce qui
n'est pas le cas actuellement.
L'article 5 découle de cette observation. Que la vente d'actions,
dans ce cas, de l'entreprise agricole soit aussi assimilée à la
vente de l'entreprise agricole par une personne physique et soit traitée
de la même façon.
À l'article 58, on voudrait que soit inséré,
après le mot "office", "à moins qu'il n'en soit
décidé autrement par celui-ci." C'est toute la question des
autorisations. Souvent, soit pour la question de l'âge,
c'est-à-dire lorsque vous avez atteint 39 ans - on sait que c'est un
âge un peu critique pour l'agriculteur pour se prévaloir de
certaines subventions - ou encore pour des raisons fiscales, il peut être
important qu'il y ait une cession ou un transport. Il serait
intéressant, d'une part, d'avoir la possibilité de la
ratification a posteriori. Là-dessus, on pourra répondre à
vos questions de façon plus précise tantôt parce que je
vois que le temps file et je voudrais soulever un autre point.
L'article 2 utilise l'expression "exploitants conjoints". On s'interroge
sur la signification de cela. Est-ce qu'on veut dire exploitation de groupe? En
droit civil, on ne retrouve pas cette notion d'exploitants
conjoints. Nous avons assimilé cela au "joint venture" qui est la
rencontre ponctuelle d'intérêts de deux ou de plusieurs
entreprises dans une aventure commerciale risquée. On pense qu'on
devrait plutôt s'en tenir aux formules reconnues par le Code civil.
M. le Président, cela termine notre présentation. Je
renouvelle le commentaire du début. Dans l'ensemble, la Chambre des
notaires est très heureuse des modifications qui sont apportées
à tout l'environnement du financement agricole au Québec par ce
projet de loi. Merci.
Le Président (M. Richard): Merci, monsieur. Vous m'avez
fait un peu peur quand vous avez dit que 39 ans est un âge critique.
M. le ministre, la parole est à vous.
M. Pagé: Merci, M. le Président. Je voudrais
remercier madame et messieurs de la Chambre des notaires, M. Lambert, M.
Charest, M. Dionne et M. Vachon, de leur présentation. Vous êtes,
évidemment, une équipe de professionnels qui jouent un rôle
très important dans l'ensemble de la démarche du financement
agricole. Vous venez nous faire part aujourd'hui de votre perception et de
votre interprétation du projet de loi 46, ainsi que de vos souhaits.
Vous manifestez une certaine satisfaction à l'égard de la refonte
comme telle. Vous souhaitez davantage de simplification des procédures,
de l'application de la loi et de ses règlements.
Je peux vous indiquer dès le départ que le premier
objectif qui nous anime est, entre autres, de simplifier. On passe de huit
à une loi. On passe d'une foule de règlements à un peu
moins de règlements. Nous espérons que cela ne se limitera pas
seulement à moins d'écritures, mais que cela pourra se transposer
dans les faits. Sachez que c'est avec beaucoup d'intérêt qu'on
vous entend, comme on a entendu d'autres intervenants hier qui, entre autres,
souhaitent une diminution substantielle des délais entre le moment
où une demande est formulée et le moment où le prêt
est émis.
Il y a deux sujets que je veux aborder dans un premier temps. Le
premier, vous vous référez au quota. Votre recommandation est
intéressante, mais je la trouve un peu forte, je la trouve
contraignante. Vous nous dites essentiellement: On devrait imposer un gel du
transfert du quota pour la durée du prêt. Ne pensez-vous pas que
ce serait beaucoup plus contraignant que le nantissement éventuel,
même s'il n'y a pas de nantissement de quota prévu dans la loi?
(10 h 30)
Je m'imagine mal une entreprise, par exemple, une ferme laitière,
qui a un emprunt à long terme, etc., et qui, après un certain
nombre d'années, peu importe pour quel motif, même si elle est en
bonne santé financière, décide de transférer sa
production, de changer de production. Je trouve que ce serait très
contraignant et beaucoup plus qu'un nantissement même s'il n'y a pas de
nantissement, prévu actuellement dans le projet.
L'autre élément: compte tenu d'échanges
d'idées très intéressants que nous avons eus hier avec
l'Association des femmes collaboratrices, je ne peux m'empêcher de
référer à toute la problématique de
l'enregistrement du droit à la résidence familiale sur la
résidence. On nous a indiqué hier que parfois les notaires, les
membres de votre corporation demandaient, exigeaient que la conjointe,
l'épouse résilie son droit d'habitation, alors que l'Office du
crédit agricole, selon la directive qui a été
envoyée à l'automne 1986, indique très clairement qu'on ne
demande pas une résiliation de ce droit, mais purement et simplement un
consentement à la signature de l'hypothèque. Ce sont les deux
premières questions.
M. Lambert: Notre position concernant le quota, M. le ministre,
est peut-être fort rigide, comme vous le mentionnez. C'est qu'on retourne
à l'origine, à la naissance du quota qui, dans le fond, voulait
répartir le droit, voulait permettre à chaque agriculteur au
Québec, selon l'envergure de son entreprise, de produire et d'avoir
accès, dans le fond, au marché.
Comme moi, vous connaissez ce qui est arrivé par la suite. Ce
droit est devenu un objet de commerce. On peut fort bien se retrouver
aujourd'hui, par exemple, avec une ferme physique sans qu'elle ait ce droit
d'accès à la production parce qu'on pourrait avoir disposé
en théorie du quota sans nécessairement avoir disposé des
éléments physiques de la ferme. Notre position est que cela va
ensemble, cela doit être rattaché ensemble. C'est pour cela qu'on
trouve que pendant la durée du prêt, il ne devrait pas y avoir
d'aliénation.
Maintenant, vous soulevez l'hypothèse d'une transformation
radicale de la production. Je vous avoue que nous n'avons pas vu cet aspect. Il
faudrait peut-être y repenser.
M. Pagé: En fait, j'interprète de votre position
une volonté de faire en sorte que le quota de production demeure
rattaché d'une façon ou d'une autre, à l'entreprise.
Gardons la production laitière comme exemple: la ferme, les
bâtiments, les équipements; la terre, même si elle est bien
drainée, même si c'est une terre de très bonne
qualité, s'il n'y a pas de quota avec, va se vendre pas mal moins cher
qu'elle ne se vendrait autrement. C'est ce pourquoi on souhaite que les
modifications appropriées soient apportées dans le cadre de la
gestion de tous les
approvisionnements et de la disposition des quotas de façon
à s'assurer que le prêteur puisse conserver le droit de reprendre
ce bien qui est très important en termes de dollars.
M. Lambert: Absolument.
M. Pagé: Et on veut ajuster les mécanismes des
plans conjoints en conséquence.
M. Lambert: Ce qu'on veut éviter, c'est que, justement, on
ne crée cette notion d'élément qui, en soi, a une valeur,
alors qu'il devrait se rattacher à l'entreprise. C'est un droit de
produire et non pas quelque chose qui devient "commerçable", si vous me
permettez l'expression.
M. Pagé: D'accord.
M. Lambert: C'est cela qu'on ne veut pas. Il faut
désengager le processus de la commercialisation des quotas. Enfin, c'est
notre façon de voir.
M. Pagé: Merci de votre commentaire.
M. Lambert: Quant à votre deuxième question, M. le
ministre, je vais demander à mon confrère, Jacques Vachon, de
vous répondre.
M. Vachon (Jacques): Pour ce qui est de la question de la
résiliation du droit à la résidence familiale,
habituellement, ce n'est pas exigé dans les recommandations, dans les
indications pour le prêt; du moins, quand on fait du financement
agricole, habituellement, comme pour toute hypothèque, on demande
à l'épouse de consentir l'hypothèque et non de
résilier son droit. D'ailleurs, je pense que c'est dans le même
sens aussi que l'office se dirige parce que, de plus en plus souvent, dans
l'intégration et dans la collaboration des épouses à
l'entreprise agricole, que ce soit en ce qui concerne l'entreprise
elle-même ou le travail, on fait des associations sous forme de
sociétés ou de compagnies pour éventuellement avoir droit
à la subvention, mais aussi pour reconnaître l'intégration
et la participation de l'épouse dans la société.
C'est pour cela que je suis un peu surpris que l'Association des femmes
collaboratrices vous ait dit, hier, qu'on leur demandait de résilier
leur droit. C'est peut-être qu'elles l'ont mal perçu ou certains
notaires peuvent peut-être aussi faire une telle pratique. Je crois, par
contre, que la signature de l'épouse est là beaucoup plus pour
consentir l'hypothèque et pour que le rang hypothécaire du
créancier, qui est en l'occurrence l'office, soit le premier et non
postérieur à un droit de résidence familiale.
M. Pagé: Est-ce que ce serait possible pour la Chambre des
notaires de voir à communiquer cet état de fait à chacun
de ses membres? Vous savez, je suis le ministre de l'Agriculture. Ce n'est pas
moi qui suis dans les bureaux de l'Office du crédit agricole. Alors,
quand j'ai rencontré l'Association des femmes collaboratrices,
l'année dernière, et le Comité provincial provisoire des
femmes en agriculture, et qu'on a porté à mon attention que, dans
certaines régions du Québec, via le notaire ou via notre
représentant de l'Office du crédit agricole, on exigeait que les
conjointes résilient leur droit d'habitation, je me suis dit et j'ai
très clairement indiqué, à ce moment-là, que
c'était proprement inacceptable.
Le président de l'Office du crédit agricole du
Québec a envoyé une directive très claire à tous
les fonctionnaires en régions. Remarquez, autant le président de
l'office que le ministre, on ne peut pas se porter garants de l'exactitude du
geste posé par chacun des fonctionnaires tout le temps, mais les
instructions aux notaires ont aussi été données.
Est-ce que ce serait possible que vous ajoutiez votre voix à la
nôtre auprès de vos professionnels pour nous assurer que le
message passe et que c'est comme cela que cela se fait?
M. Lambert: Aucun problème, M. le ministre. Je pense qu'on
a toujours, à la Chambre des notaires, collaboré avec les
différents organismes gouvernementaux lorsqu'il s'agissait, justement,
de faire passer des instructions semblables. Je voudrais, toutefois,
peut-être préciser une chose que les gens confondent souvent. En
vertu du régime matrimonial - là on ne parle plus de la
résidence principale - si, par exemple, il y a un régime de
communauté, il faut obtenir la signature du conjoint.
M. Pagé: D'accord.
M. Lambert: Souvent, cela est interprété par la
personne comme étant...
M. Pagé: Comme étant une résiliation.
M. Lambert: ...une renonciation à la résiliation,
mais ce sont deux choses différentes. Alors, je comprends qu'on est pris
avec un problème. C'est certain, M. le ministre - j'ai pris bonne note
d'ailleurs de votre observation - qu'on va passer l'information sans aucun
problème.
M. Pagé: Comme vous le dites très bien à la
TV.
M. Lambert: Ah!
M. Pagé: Continuez comme cela, c'est bien. Donnez ces
informations.
Est-ce que la Chambre des notaires du Québec a déjà
fait des relevés? Vous savez, il y a un élément
très intéressant qui a été mis en relief, ici,
hier, soit toute la question de la disposition des actifs entre le moment
où une entreprise cesse ses activités ou qu'un prêt est
rappelé ou que les procédures judiciaires sont entamées et
la disposition des biens. D'ailleurs, l'Union des producteurs agricoles, si ma
mémoire est fidèle, recommandait la possibilité
d'introduire, avec un encadrement donné, évidemment, une notion
de négociation ou de règlement ou d'arrangement hors cour, un peu
comme une banque peut le faire avec un créancier. Le principal motif qui
était invoqué, c'est qu'entre le moment où l'entreprise
cesse ses activités, où les procédures judiciaires sont
entamées, avec le rappel du prêt etc., la réalisation des
actifs, et le moment où on en dispose, il se passe beaucoup de temps.
Souventefois, après un an, après deux ans, les actifs sont dans
un état tel qu'il est moins intéressant de les racheter et on
perdrait de l'argent. Avez-vous déjà fait des études, des
analyses comme corporation sur cette question? Comment
réagiriez-vous?
M. Lambert: Écoutez, si on possède des
relevés statistiques, je ne le crois pas. Si on avait
procédé immédiatement plutôt que deux ans ou trois
ans plus tard, qu'est-ce que cela aurait donné? Nous n'avons pas ces
chiffres-là. Notre objectif - d'ailleurs, vous le retrouvez dans ce
mémoire et on l'avait mentionné déjà en 1984 -
c'est de tenir l'agriculteur débiteur dans le coup le plus longtemps
possible. C'est-à-dire que, s'il y a accord de toutes les parties,
à ce moment qu'on le laisse continuer à produire; il va avoir une
meilleure réalisation de garantie pour lui, mais aussi pour son
prêteur. Il s'agit donc de garder l'entreprise vivante le plus longtemps
possible et idéalement jusqu'au moment où il y a transfert
à un nouvel acquéreur qui pourrait continuer l'exploitation.
C'est l'idéal! On est absolument favorables à cela. On le
mentionne ici: au niveau du nantissement, il faut permettre la vente de
gré à gré. Cela évite les procédures
judiciaires souvent inutiles parce que, dans le fond, les gens sont
d'accord. Alors, avec un contexte semblable, cela permettrait à
l'office, je pense bien, d'aborder d'une façon beaucoup plus positive
l'état de défaut du débiteur en en faisant presque un
partenaire dans la réalisation de la garantie avec cette formule de
vente de gré à gré. Souvent, quand des procédures
sont prises et que l'agriculteur, comme tout autre débiteur, se voit
signifier une procédure de cour, cela gèle et cela crée
des distances. Sûrement qu'on pourrait éviter cela.
Le Président (M. Richard): M. le porte-parole de
l'Opposition. Je m'excuse.
M. Pagé: M. le Président, avant de terminer, je
voudrais remercier la Chambre des notaires du Québec, formellement au
nom du gouvernement du Québec, pour sa contribution importante et sa
collaboration étroite dans tout le processus du financement agricole au
Québec.
Le Président (M. Richard): Merci, M. le ministre. M. le
porte-parole.
M. Jolivet: Merci, M. le Président. Bienvenue! Merci
d'avoir accepté l'invitation de venir donner votre point de vue.
J'ajouterais ma voix à celle du ministre, ainsi qu'à celle de
l'Association des femmes collaboratrices et des femmes en agriculture au
Québec en ce qui concerne la fameuse question dont on a parlé
tout à l'heure, la demande de résilier le droit de
résidence familiale. Dans la mesure où je tiens toujours pour
acquis, ayant une expérience de ces choses, que, lorsqu'on en parle, il
y a sûrement quelque chose en dessous de cela, donc, il n'y a pas de
fumée sans feu. Maintenant, comme vous le dites, et j'en conviendrais
facilement, c'est peut-être une mauvaise compréhension de la
signature qu'elles ont à apposer. En conséquence, peut-être
que l'un des problèmes qu'on a souvent à votre niveau et au
nôtre, c'est de faire un peu l'éducation des gens, de leur dire
exactement à quoi s'attendre. Si on leur expliquait davantage
qu'effectivement la crainte qu'ils ont n'est pas fondée parce que ce
n'est pas cela, on n'aurait peut-être pas les retours qu'on a
actuellement. En fait, c'est dans ce sens-là que j'ajoute ma voix. Si
partout où je suis allé, et j'ai rencontré des femmes
collaboratrices, on m'en a parlé, c'est qu'il y a quelque chose qui est
ou mal expliqué ou mal compris.
À la lecture de votre mémoire à la page 7,
malgré le projet de loi qui est devant nous qui veut simplifier et qui
veut apporter une meilleure rapidité quant au règlement et au
traitement des dossiers, vous semblez dire que le processus vous paraît
encore un peu trop long et que, à votre avis, il ne sera peut-être
pas nécessairement simplifié. Êtes-vous capable, à
partir des données que vous avez recueillies, de faire une comparaison
entre ce qui existe actuellement, la lenteur dans certains dossiers, et le fait
que la loi ne changera pas grand-chose ou si c'est une compréhension ou
une crainte que vous avez? En fait, je ne veux pas dire que ce que vous dites,
cela va être cela, mais je pense que vous voulez, comme tout le monde, si
on fait une refonte - on aurait peut-être pu parler de réforme,
comme je le disais hier -amener une meilleure rapidité quant au
traitement des dossiers. Êtes-vous capable de faire une
comparaison et nous expliquer où sont vos craintes?
M. Lambert: M. le député, je voudrais, d'abord,
passer la parole au notaire Dionne, de Joliette, qui a un commentaire à
ajouter...
M. Jolivet: D'accord.
M. Lambert: ...concernant la résidence familiale. S'il ne
répond pas à votre deuxième question, j'y reviendrai.
Notaire Dionne.
M. Dionne (Michel): Au sujet de la résidence familiale, je
ne pense pas qu'une épouse ait le droit de renoncer d'avance à
son droit de résidence familiale. Cela se fait à l'occasion d'une
prise en garantie ou d'une vente alors qu'elle doit, en vertu du Code civil,
consentir à ce que la résidence soit donnée en garantie ou
vendue. Je pense qu'il y a peut-être une précision à
apporter avec l'Association des femmes collaboratrices. Cette demande n'est que
ponctuelle. Je ne pense pas qu'on puisse dire d'avance que les épouses
vont résilier leur droit. Je pense que c'est une prescription d'ordre
public. Comme le Code civil nous demande de faire signer le conjoint pour que
la résidence soit donnée en garantie, bien il faut le faire dans
ce sens-là. Je pense qu'il y a une précision à apporter
là-dessus avec l'Association des femmes collaboratrices.
M. Jolivet: En fait, l'une des suggestions qu'on pourrait faire,
c'est au plus vite d'essayer de rencontrer cette association, ainsi que les
femmes en agriculture pour clarifier la situation. Peut-être que ce
serait un moyen rapide d'avoir une ramification à l'ensemble des
associations.
M. Dionne: Oui, je pense que oui. (10 h 45)
M. Lambert: II nous est arrivé de rencontrer cette
association et d'autres aussi, par exemple, à l'occasion des multiples
commissions parlementaires concernant la réforme du Code civil parce
qu'on touche, justement, ces aspects. Il arrive souvent qu'il y ait une
incompréhension des droits de chacun. Par exemple, vous avez quelqu'un
qui, pendant 20 ans, est associé à l'exploitation d'une
entreprise familiale et à un moment donné, il y a des
créanciers qui viennent réaliser des garanties. Ces
collaborateurs ou ces collaboratrices, pour être plus précis,
comprennent mal qu'à ce moment-là leurs droits ne priment pas sur
ceux des créanciers ou qu'il n'y ait pas une certaine protection
à l'égard des créanciers. C'est là aussi qu'il y a
beaucoup d'incompréhension, car être femme collaboratrice dans le
cas actuel, c'est être aussi partenaire de l'entrepreneur. C'est donc
aussi subir les conséquences du financement de l'entreprise. Or, moi,
dans les discussions avec ces gens-là, j'ai vu des fois que cette
relation-là, non plus, n'était pas claire, qu'au moment d'une
réalisation de la garantie sur l'entreprise, par exemple, par un
prêteur la femme collaboratrice devait subir les aléas de
l'entreprise. S'il y avait du profit, parfait, il faut qu'elle participe aux
profits; ça, c'est tout un autre volet. Mais il y a ces revers-là
qui ne semblaient peut-être pas être aussi bien compris.
Pour votre deuxième question concernant nos craintes relativement
au processus administratif, je vais demander au notaire Charest d'y
répondre.
Mme Charest (Laurence): Merci. Sans aucun doute, le projet de loi
46 rationalise et simplifie le régime actuel en ramenant à une
seule loi, en remplaçant, quand même, huit lois. Donc, de ce
côté-là, on va réduire sans aucun doute le nombre de
formulaires et la procédure va être uniforme.
Toutefois, si je regarde l'article 8 du projet de loi 46, de même
que l'article 65, il me semble qu'on est tenu aux mêmes contrôles
avant d'autoriser le prêt que ce qu'on retrouvait auparavant à
l'article 13 de la Loi favorisant le crédit agricole à long terme
par les institutions privées. Je n'ai donc pas l'impression que le
processus de l'étude de crédit comme telle et de l'autorisation
du prêt va être simplifié. Il me semble qu'on va agir de la
même façon. C'est-à-dire que le représentant
régional va faire l'étude de crédit, va demander une
désignation de l'exploitation agricole, va faire une évaluation
des garanties, va transmettre le rapport au service des prêts de l'office
qui, lui, va autoriser le prêt. Et tous ces contrôles-là me
semblent maintenus dans le projet de loi 46.
M. Jolivet: En fait, il y a des gens qui ont parlé de
décentralisation. On a dit qu'il y avait une forme de
décentralisation de l'ensemble des demandes de prêt. Mais il y a
des craintes aussi des gens. Est-ce que c'est votre crainte à ce
niveau-là en disant que, tout le processus étant le même,
ça ne changera pas quant aux délais? Vous voudriez voir diminuer
les délais. J'ai cru comprendre que vous parliez d'une description
sommaire comme départ pour permettre la rapidité du prêt
et, ensuite, de vérification des données au point de vue
légal et au point de vue des garanties potentielles.
Mme Charest: Oui, par exemple, si on parle d'une description
sommaire des biens donnés en garantie, c'est parce que l'office exige
actuellement une description complète
et conforme à 216B. Donc, quand un agriculteur va rencontrer le
représentant de l'office pour faire sa demande de prêt, il est
tenu, par la suite, de rencontrer son notaire pour que le notaire dresse la
désignation de son immeuble conformément à 2168. Cela
amène le notaire à faire une étude complète des
titres de l'agriculteur pour établir vraiment sur quoi porte son titre
de propriété et à préparer aussi les descriptions
qui sont parfois très longues parce qu'on sait qu'en milieu agricole on
arrive avec des parties distraites, des parties qui se sont ajoutées.
Donc, ça devient assez fastidieux pour le notaire de produire la
désignation pour répondre aux exigences de l'office.
Donc, nous, on dit: II est facile, quand même, de visiter
l'exploitation agricole, de savoir de combien d'acres l'agriculteur est
propriétaire, d'avoir une description sommaire, par exemple, partie du
lot 10, etc., et, par la suite, si le prêt est autorisé, on va
procéder à la désignation conforme à 2168. Mais
tous les frais qui sont encourus pour la préparation de cette fameuse
désignation, si jamais la demande de prêt est refusée, qui
les supporte? Il est assez gênant pour le notaire de présenter son
compte d'honoraires à son client qui vient de se voir refuser un
prêt et de lui réclamer les honoraires auxquels il aurait
droit.
M. Jolivet: D'accord. Je sais que dans d'autres cas on a eu des
exemples où on dit: Dans certaines circonstances, un plan sommaire
permettant de connaître les biens - parce qu'on peut ainsi visualiser,
faire la connaissance de l'ensemble des biens qu'il possède - et,
après cela, passer à l'étape qui, elle, est plus longue,
mais, entre-temps, être admis au moins au prêt, dans la mesure
où toutes les garanties minimales sont là.
Mme Charest: Oui, absolument. Je pense qu'à l'aide de
photographies on peut, quand même, évaluer les garanties offertes
et les biens de l'agriculteur. Le dossier pourrait suivre son cours sans avoir
à attendre la désignation complète pour l'autorisation du
prêt.
M. Jolivet: D'accord. Aux pages 9 et 10, vous considérez
la règle générale des garanties de premier rang comme
étant une mesure qui risque de ne pas faciliter le financement de
l'agriculteur dans le cas où il ne pourrait consentir une
première hypothèque ou dans le cas où ces garanties de
premier rang seraient détenues par un autre créancier. Vous
proposez, cependant, une disposition similaire à celle de la loi
fédérale sur le crédit agricole qui permet à cette
société de considérer d'autres garanties que celles de
premier rang ou encore de recourir à la formule de
l'hypothèque-enveloppe dont vous faites mention aux pages 10 et 11. Dans
ce contexte, est-ce que vous pourriez me donner les avantages de cette formule
par rapport à ce qui existe actuellement? Quels sont pour vous les
avantages réels qui peuvent être intéressants?
M. Lambert: II y en a essentiellement deux. Le premier avantage,
évidemment, c'est que, quand vous n'avez pas à demander à
un autre créancier de donner une mainlevée ou de dégager
de garantie certains éléments - alors, lui aussi, il faut qu'il
procède à des évaluations, il faut qu'il se prenne une
décision - à ce moment on gagne du temps. Évidemment, si
on est dans l'hypothèse où le nouveau prêt rembourse
l'ancien, bien, là, on ne parle pas de cela. Cela rejoint le
deuxième avantage.
Le deuxième avantage, c'est que lorsque les conditions du
prêt existant, donc qui est là en premier rang, sont très
avantageuses pour l'agriculteur, à ce moment le refinancement lui fait
perdre ces conditions, alors qu'il serait intéressant pour lui de
conserver ces conditions sur le premier prêt qui court; la
deuxième garantie s'assoit, dans le fond, sur la première, mais
le total est toujours à l'intérieur des normes
d'évaluation et des possibilités financières de
remboursement, par exemple, du débiteur. Alors, le combiné des
deux lui donne un taux plus avantageux ou des conditions plus avantageuses que
ce que lui accorderait simplement un nouveau prêt qui tiendrait compte du
tout. La technique de l'hypothèque-enveloppe, c'est pour assurer le
créancier de deuxième rang que les conditions du premier
prêt seront respectées puisque c'est lui qui contrôle mois
par mois les paiements qui sont faits. C'est lui qui les reçoit et les
transmet au premier et qui voit au respect des obligations du premier. Donc, il
ne risque pas de se ramasser avec une mauvaise surprise à un moment
donné alors que le premier créancier, n'ayant pas
été respecté dans ses droits, prend des recours et
là le deuxième créancier s'aperçoit que le feu est
pris au premier étage. Je ne sais pas si vous saisissez?
M. Jolivet: L'Association des banquiers, hier, faisait mention de
deux choses. Comme vous avez plusieurs cas au Québec, vous êtes
peut-être à même de me répondre. Il y a des gens qui
parlent de taux sur des prêts qui peuvent être des taux
gelés, si on peut les appeler ainsi, et d'autres qui sont fluctuants,
dans l'ensemble des prêts consentis. C'est la première chose dont
ils faisaient mention.
La deuxième, c'est qu'ils disaient: On ne devrait pas
prêter à des fermes qui sont rentables; on devrait prêter
à celles qui ont plus de difficultés. Est-ce que, à votre
connaissance, cela pourrait être possible de changer un peu
l'hypothèse dans laquelle nous
sommes, soit que tous les gens sont admissibles et, s'ils sont
admissibles, à ce moment, c'est l'étude faite par l'office qui le
permet? Ce qu'ils semblaient nous dire, c'est qu'on ne devrait pas "at large",
si on peut prendre l'expression, faire des prêts, mais plutôt
considérer les cas vraiment où il y a avantage à le faire
pour les aider et non pas ceux qui font un peu d'argent avec cela, si on peut
le prendre comme tel.
M. Lambert: D'accord. Juste pour préciser, vous voudriez
dire que l'office n'interviendrait que lorsqu'il s'agit d'entreprises agricoles
en difficulté, par exemple?
M. Jolivet: Non, pas nécessairement. D'après
l'Association des banquiers, il y a des fermes qui n'ont aucunement besoin de
cela et, compte tenu des taux qui sont meilleurs, elles en profitent d'une
certaine façon alors que d'autres devraient en profiter. On a une
hypothèse au Québec qui est la ferme familiale. Dans ce
contexte-là, il faut leur venir en aide, mais à travers
celles-là il y a certainement des gens plus en difficulté que
d'autres.
M. Lambert: Ce que j'essaie de saisir dans votre question, c'est
profiter de quoi? D'un prêt de...
M. Jolivet: D'un prêt de l'office à meilleur
taux.
M. Lambert: Notaire Vachon, s'il vous plaît.
M. Vachon: On parlait tout à l'heure du rang de l'office
versus d'autres créanciers. Si on parle du droit d'habitation ou du
droit de premier rang pour l'office si jamais la société
était là, c'est certain qu'on parle possiblement d'un meilleur
taux pour l'agriculteur s'il avait eu un taux avec la société qui
aurait pu être avantageux antérieurement, ainsi que des frais pour
l'agriculteur. S'il faut faire une nouvelle hypothèque, il y a de
nouveaux contrats, de nouveaux déboursés, etc. On disait tout
à l'heure aussi que le notaire est souvent dans la situation presque de
négociation entre deux créanciers pour savoir lequel pourrait
avoir telle ou telle garantie alors que souvent ce pourraient être les
mêmes garanties qui auraient été demandées dans les
deux cas.
Si on revient au financement d'une terme rentable ou non, on entre
peut-être dans la polémique pour savoir si l'agriculture devrait
être subventionnée ou si elle devrait être
subventionnée d'une autre façon. C'est peut-être assez
difficile et ce n'est peut-être pas, non plus, à la Chambre des
notaires de répondre à une telle question. C'est vraiment une
question d'ordre très différent.
Par contre, c'est certain que peu importe l'éventuel mode de
subvention, d'allégement ou d'aide a l'entreprise, il y aura toujours
des failles quelque part. Est-ce que celle-ci est très bien ou non? Je
ne pense pas qu'on ait à le décider à ce moment-ci.
Quant au taux fixe et au taux variable, je me souviens qu'il n'y a pas
tellement d'années on faisait des quittances d'hypothèques qui
avaient eu un taux fixe pendant 20 ans à 7 %. Ceux qui avaient de telles
hypothèques avec des compagnies d'assurances ou d'autres qui avaient
fait des prêts ou avec la SCHL étaient très heureux. Il y a
encore certains prêts agricoles à taux fixe à cause du
renouvellement ou du refinancement qui n'a peut-être pas eu lieu encore,
mais je ne pense pas que ce serait le moment idéal de demander aux
agriculteurs de faire un refinancement total pour dire: On va aller chercher un
tel taux d'intérêt à tel endroit. C'est pour cela que si
l'ABC disait qu'il y avait effectivement des taux fixes et des taux variables,
c'est peut-être une question de refinancement ou du moment où les
prêts avaient été faits.
M. Jolivet: Je comprends que ce n'est peut-être pas votre
domaine sauf que, compte tenu que vous avez parlé d'autres choses, j'ai
pensé peut-être à vérifier ce qui avait
été dit par d'autres associations. Celles-ci font mention
qu'elles aimeraient dans l'avenir voir une partie avec taux de base et l'autre
fluctuant.
Une dernière question. Vous parlez des quotas et le ministre en a
parlé énormément avec vous. L'UPA disait: II n'est pas
question d'hypothéquer en garantie notre droit de travailler, de
produire. L'Association des banquiers disait: On prête sur cela, donc on
devrait avoir le droit. Vous avez la position à peu près
équivalente, si j'ai bien compris, vous dites qu'on ne doit pas le
mettre en garantie. Donc, votre position serait à peu près
équivalente à celle des membres de l'UPA, si je comprends
bien.
M. Lambert: Oui, à première vue, cela se
ressemble.
M. Jolivet: Et à deuxième vue?
M. Lambert: Je ne sais pas si l'UPA va aussi loin que nous en
disant que cela ne devrait pas être un objet de commerce. Je ne voudrais
pas présumer.
M. Jolivet: D'accord. Merci.
Le Président (M. Richard): Merci beaucoup, madame et
messieurs, de votre présence, de votre mémoire et de vos
commentaires.
(11 heures)
Je demanderais aux représentants de la Fédération
des caisses d'établissement du Québec de prendre place à
l'avant, s'il vous plaît. D'abord, je demande au responsable de
s'identifier et de présenter ses collègues.
Fédération des caisses d'établissement du
Québec
M. Lamothe (André): M. le Président, je suis
André Lamothe, directeur général de la
Fédération des caisses d'établissement du Québec.
Je suis accompagné de M. Jacques Lussier, à ma droite
immédiate, directeur général pour la région de
Yamaska, un milieu où le financement agricole est très à
point et d'envergure, et, à mon extrême droite, M. André
Jalbert, adjoint à la direction générale, qui a
participé avec M. Lussier et d'autres à la rédaction de ce
mémoire.
Le Président (M. Richard): Merci, messieurs, d'être
là. Maintenant, vous connaissez notre mécanique. Vous avez 20
minutes au maximum pour présenter votre mémoire. Par la suite,
les membres de la commission vous poseront sûrement des questions. Alors,
c'est à vous, M. Lamothe.
M. Lamothe: Mesdames, messieurs, je veux tout d'abord vous
remettre en mémoire le fait que la Fédération des caisses
d'établissement du Québec participe depuis au-delà de 30
ans au financement agricole et de façon importante, au prorata de ses
actifs qui sont de l'ordre de 325 000 000 $ maintenant.
Le financement agricole. Les caisses d'établissement sont issues
du milieu. Dans le temps, elles ont été fondées avec l'UCC
et fonctionnent dans la majorité des régions du Québec.
Nous comptons, parmi nos 120 000 membres, environ 20 000 agriculteurs, ce qui
veut dire que près de 50 % des agriculteurs du Québec ont, d'une
façon ou d'une autre, des tractations avec les caisses
d'établissement. Dans un portefeuille de prêts de l'ordre de 250
000 000 $ à 260 000 000 $, on peut compter qu'environ 10 %, soit
à peu près 25 000 000 $, des prêts sont faits à
l'agriculture, à l'agro-alimentaire, aux gens du milieu, dans les
régions. Toutes proportions gardées, cela fait une participation
importante et un "know-how" de traditions depuis une trentaine
d'années.
Pour avoir participé à plusieurs commissions
parlementaires et à plusieurs études sur le sujet, depuis
quelques années, à tout ce qui s'est fait en tractations ou en
réunions visant au changement des lois actuelles, je peux vous dire que
nous avons fait cela sérieusement. C'est-à-dire que nous avons
consulté la base. Nous avons consulté nos membres, dans chacune
de nos régions, 25 centres de service des caisses d'établisse-
ment. Nous avons consulté les membres de chacun des conseils
d'administration qui sont formés, pour information additionnelle, de 50
% d'agriculteurs. Nous avons fait des réunions et des colloques. Nous
avons aussi demandé aux techniciens, aux permanents des sièges
sociaux des régions et de la fédération de participer.
Ce que nous avons déposé de façon modeste, un peu
succincte, vous fait part de nos principales préoccupations. À ce
stade-ci, je voudrais demander à M. Jacques Lussier, directeur
général de Yamaska, de vous faire la présentation.
M. Lussier (Jacques): M. le Président, messieurs les
membres de cette commission, je vais faire référence au
mini-mémoire que vous avez devant vous et vous l'expliquer
davantage.
Prenons le premier point traité qui parle de marge de
crédit. Nous aimerions vous apporter des commentaires additionnels. Je
vous rappelle qu'en ce qui concerne le financement, qu'il soit agricole ou
autre, il y a des partnerships qui se font fréquemment entre les
institutions financières; certaines se spécialisent surtout dans
le financement à long terme et d'autres dans le financement à
court terme. L'autre argument qu'on voudrait vous apporter concerne la
déréglementation. J'imagine qu'il n'est pas loin le jour
où un emprunteur pourra se présenter à une institution et
recevoir les services de plusieurs institutions membres du réseau. Cela
dit, à l'intérieur de la même place d'affaires,
peut-être que le membre ou l'emprunteur pourra avoir son financement
à long terme et son financement à court terme mais ce ne sera
peut-être pas le même prêteur officiel qui le fera.
L'autre note sur la marge de crédit c'est que le projet de loi
donne la possibilité au vendeur d'être prêteur
agréé. On en traitera un peu plus loin tantôt. Sauf que le
vendeur pourra peut-être assurer le financement à long terme ou
une partie du financement à long terme mais j'imagine mal qu'il puisse
aussi effectuer le financement à court terme, le financement de la marge
de crédit. C'est donc pour ces raisons que nous appuyons sur le fait que
la marge de crédit, même si elle fait partie du même
certificat, pourrait être obtenue d'une institution et le reste du
financement à moyen ou à long terme, d'une autre institution.
Passons maintenant au point 2, l'accréditation du vendeur comme
prêteur. De fait, cela a été réclamé depuis
fort longtemps par plusieurs. Ce qu'on voudrait apporter là-dedans c'est
la dimension humaine dans le sens qu'il faut voir que le père qui va
assurer le financement à long terme sur une ferme qu'il vient de vendre
à son fils aura à administrer ce prêt par la suite. Aussi
longtemps que le fils va réussir
à faire ses paiements à échéance, il n'y
aura pas de problème sauf qu'on connaît, comme prêteur
autorisé, tous les problèmes administratifs que cela peut
engendrer par la suite. On se demande si le prêteur agréé
particulier, le vendeur, va être soumis aux mêmes règles de
suivi que les institutions. Si oui, cela peut devenir un peu compliqué
pour lui. Aussi, lorsqu'on doit exécuter les garanties, je comprends
qu'on peut mandater l'office de le faire mais il y a des délais qui sont
énormes et il y a plusieurs formules de réclamation à
remplir. On se demande si dans le cas du particulier cela ne sera pas un peu
difficile. D'autre part, même si cela ne dépend pas strictement de
la commission, pour que le vendeur soit intéressé à faire
du financement, il faudrait peut-être des mesures fiscales qui incitent
le vendeur à le faire.
Concernant le troisième point, comité de révision,
tout ce qu'on vous dit là-dessus c'est qu'on est disponible à en
faire partie si tel est votre souhait.
Quatrièmement, la planification quinquennale. Évidemment,
c'est excellent comme outil de travail. Maintenant, il ne faudrait pas que ce
soit - excusez l'expression - coulé dans le ciment, cette histoire,
parce qu'on sait et on a donné certains indices qu'en cinq ans beaucoup
de choses changent en agriculture. Et, quand on a composé le texte, on
n'a même pas fait référence au traité de
libre-échange.
Le suivi du prêt, le cinquième point qu'on a abordé.
Nous avons compris qu'il y avait deux sortes de suivi de prêt, dans le ,
sens suivant. Il y a le suivi de prêt traditionnel sur les
remboursements, sur la délinquance, sur la prise des garanties, etc.
Mais ce qu'on a compris c'est qu'il y aurait aussi un suivi sur le plan
d'opérations financières que l'office peut exiger, selon
l'article 28, de l'emprunteur et que ce plan pourrait être suivi. Donc,
pour nous, c'est une autre chose que le suivi des remboursements.
Ce qu'on dit là-dessus c'est qu'il faudrait que le prêteur
soit impliqué. Le prêteur, l'institution ou en tout cas... Bien
souvent, on a l'impression qu'on reçoit un certificat de l'office et
tout ce qu'on a à faire c'est sortir de l'argent et ensuite, pour
réaliser les garanties, c'est la même chose, tout ce qu'on a
à faire c'est d'accepter les décisions de l'office dans ce
dossier. S'il y a vraiment un suivi de l'évolution de la situation
financière et des orientations que prend l'agriculteur, je pense que ce
serait important que le prêteur soit impliqué dans ce suivi.
Le sixième point qu'on a abordé, c'est le point chaud qui,
effectivement, ne fait pas partie de la loi mais dont on a discuté
lorsqu'on a rencontré les gens de l'office; c'est le nantissement d'un
contingent de production, le nantissement des quotas. Nous avons émis
ici certaines hypothèses que vous considérerez sûrement.
Nous disons que, oui, on doit en tenir compte dans la Loi sur le financement
agricole et dans l'agriculture parce que les quotas représentent
beaucoup quant à la valeur de l'ensemble de la propriété.
Par exemple, cela peut être dans le poulet ou dans d'autre chose. La
valeur totale de l'entreprise de l'agriculteur, il y en a peut-être 50 %
là-dedans en quotas. Donc, cela devient un facteur trop important pour
qu'on ne s'en occupe pas.
Par ailleurs, ce qu'il faut penser, c'est que, si un jour les quotas
pouvaient être nantis, ils ne le seront pas que pour les prêts de
l'office ou des institutions accréditées, ils vont l'être
en général. À ce moment-là, nous pensons qu'il
faudrait avoir une série de restrictions si, effectivement, cela devient
une réalité afin d'éviter toutes sortes d'abus que les
créanciers pourraient faire là-dessus. On s'inquiète
surtout pour les jeunes de la relève parce qu'on se dit ceci, si cela ne
peut pas être pris en garantie, comment vont-ils faire pour avoir 15 % de
comptant sur la valeur - puisque le financement est à 85 % - et 100 % de
la valeur du quota? On dit qu'ils vont avoir beaucoup de difficultés
à commencer.
Pour ce qui est des commentaires généraux, on parle de la
bonification des taux d'intérêt basée sur la formation et
l'expérience. On dit qu'il devrait y avoir une certaine
possibilité d'équivalence. On voit cela un peu partout, par
exemple, quand il y a un poste d'affiché, on dit tout le temps qu'une
expérience plus grande peut compenser pour une scolarité moindre.
On se demande si cela ne devrait pas être le cas ici.
Concernant la question des subventions de mise en valeur, certaines
personnes de notre mouvement nous ont dit: Est-ce qu'il ne devrait pas y avoir
une certaine échelle -on parle de 15 000 $, actuellement - à
titre d'exemple entre 10 000 $ et 20 000 $, qu'elle ne soit pas uniforme pour
l'ensemble et que cette échelle soit faite en fonction de la mise de
fond de l'emprunter ou de la valeur de la propriété agricole
elle-même?
Concernant l'assurance-prêts, on voit deux choses
là-dedans. On voit d'abord qu'il y a un déficit qui est
estimé à 90 000 000 $. Quand on connaît les
réclamations qu'on a, des fois on se demande si ce déficit n'est
pas, en réalité, un peu plus élevé que cela. Cela
n'est pas notre problème majeur. Ce qu'on dit là-dessus, c'est
que les primes que l'on va imposer aux agriculteurs devraient être
calculées et inclure clairement deux choses; la première, une
prime pour éviter les déficits pour les années futures,
cela est une chose, il faut que ce soit clair; l'autre chose, c'est la prime
pour payer le déficit. Cela devrait être clairement
identifié. Le projet de loi ou
le projet de règlement disait: une base de cinq ans pour
renflouer le déficit. On dit: Puisque cela a pris neuf ans à le
créer, la période pour le payer pourrait peut-être
être de dix ans.
Cela étant dit, cela termine un peu l'intervention qu'on voulait
faire. Je ne sais pas si mes confrères ont d'autre chose à
rajouter; quant à moi, cela termine mon intervention.
M. Lamothe: Peut-être un point, M. le Président. Sur
le premier point qui a été apporté, qui est vraiment un
problème institutionnel, c'est la question de la marge de crédit;
je vais insister là-dessus une minute, si vous me permettez. On ne fait
pas de marge de crédit dans les caisses d'établissement parce
qu'on n'a pas de système de chèques, de système de
compensation, de comptes courants comme dans les caisses populaires ou dans les
banques. Nous, nous faisons du moyen terme, des dépôts et des
prêts; on fait de l'hypothèque, du prêt commercial et du
prêt agricole et on fait des dépots de quelques années ou
de plusieurs années, que ce soit systématique ou
dépôts à terme ou autres. Cela veut dire que dans
l'opération que nous avons, cela a toujours été le cas, on
ne fait pas de marge de crédit, on ne fait pas de discrétion
commerciale ou agricole pour 10 000 $ ou 50 000 $ ou 100 000 $; on n'a pas
d'outil pour gérer cela. Ce n'est pas notre fonction, ce n'est pas notre
spécificité. On n'est pas là pour cela, tandis qu'on est
là pour faire du financement agricole. Il ne faudrait pas qu'on soit
brimé.
(11 h 15)
Le danger actuel c'est qu'on ne puisse pas en faire du tout. C'est cela,
on vient brimer une organisation qui en fait de façon très
majeure, toutes proportions gardées quant à ses actifs. Ce qu'il
faudrait, c'est une mesure administrative qui permette qu'un certificat soit
scindé. Si le gars dit: Moi, je veux aller à la Banque Royale,
c'est parfait. il va chercher ses 300 000 $ à la Banque Royale et il va
chercher ses 150 000 $ de marge de crédit. Peut-être bien qu'il va
venir chercher, comme à l'habitude, chez nous, son hypothèque,
son gros montant, son long terme ou son moyen terme, son nantissement. Sinon,
tel que c'est formulé actuellement - c'est peut-être seulement des
mesures administratives techniques à regarder - cela nous exclut. Le
gars vient nous voir et on ne peut pas l'accommoder parce qu'on ne peut pas lui
faire sa marge de crédit. C'est tout.
Le Président (M. Richard): On vous remercie de votre
présentation, messieurs. M. le ministre.
M. Pagé: Merci, M. le Président. Je voudrais
remercier M. Lussier, M. Lamothe et M. Jalbert, de la Fédération
des caisses d'établissement du Québec. J'ai deux commentaires
à formuler. Un premier concernant le déficit du fonds
d'assurances-prêts, 90 000 000 $. J'espère ne pas avoir d'autres
surprises. J'ai déjà été suffisamment surpris quand
j'ai pris connaissance de ces données en arrivant au ministère.
Vous vous référez à une prime qui serait payée par
les producteurs pour éponger ce déficit. Je tiens à vous
dire très clairement que le gouvernement a pris la décision
d'éponger lui-même le déficit sur une période de
cinq ans. C'est donc dire que toute cotisation ou tout pourcentage de
contributions à l'assurances-prêts, à
l'assurance-prêts agricoles et forestiers, qui pourrait être
éventuellement facturé aux producteurs et aux productrices
après l'adoption de la loi ne servira pas du tout à couvrir ce
déficit précédent et accumulé mais plutôt
à se garnir, on l'espère, une cagnotte, et on espère ne
pas en avoir besoin, le moins possible. Il faut bien avoir à l'esprit
que si on a un déficit de 90 000 000 $ en neuf ans seulement, depuis
197B, c'est particulièrement dû a la crise économique
très sévère qu'on a vécue en 1981-1982. Pardon?
M. Jolivet: Enfin, vous acceptez qu'il y a eu une crise.
M. Pagé: Pardon? Vous n'êtes pas d'accord avec
cela?
M. Jolivet: Avant vous ne l'acceptiez pas.
M. Pagé: C'est qu'elle a été plus durement
ressentie au Québec qu'ailleurs au Canada, c'est cela le
problème!
M. Jolivet: Ah bon!
M. Pagé: Cela nous a pris plus de temps au Québec
à nous en relever qu'ailleurs au Canada. On pourrait revenir longuement
sur cela mais je pense que ce n'est pas le centre des intérêts de
nos distingués visiteurs ce matin. Vous comprenez que le
député de Laviolette, s'il est deux heures sans se faire
taquiner, il s'ennuie. Alors, c'est ce pourquoi je le comble à
l'occasion.
M. Jolivet: ...M. le ministre.
M. Pagé: II n'est pas question qu'on facture quoi que ce
soit aux producteurs pour couvrir les déficits antérieurs. Une
deuxième chose, toute la question du crédit à court terme
et toute la question du financement ou de l'approche globale vous
préoccupe. Vous avez raison et je comprends
très bien. Vous avez fait des représentations au
comité, à l'office, etc. Nous croyons qu'avec la refonte et la
réforme, certains besoins de marge de crédit pourront être
comblés par du crédit à court terme compris dans le
financement global. Je m'explique. On veut tracer un profil des besoins
financiers de l'entreprise pour les cinq prochaines années. Ce ne sont
pas tous les agriculteurs qui ont besoin d'une marge de crédit. Dans
certaines productions comme, par exemple, le lait, il est fréquent que
le producteur n'a pas de marge de crédit comme telle. Avez-vous
envisagé la possibilité, via le crédit à court
terme sur une période de trois, quatre ou cinq ans au maximum, de
pallier à cette inquiétude ou à cette carence? De toute
façon, des marges de crédit vous n'en faisiez pas plus avant.
M. Lamothe: C'est-à-dire que ce qu'on pense est une
solution facile compte tenu du fait qu'on n'a ni l'équipement, ni
l'organisation, ni le "know-how", ni la possibilité de suivi financier.
N'ayant pas les comptes courants de ces gens, on ne peut suivre le
phénomène d'une marge de crédit et on n'en fait pas.
M. Pagé: D'accord.
M. Lamothe: Cela ne fait pas partie de spécificités
traditionnelles de l'établissement qui a surtout pour objet
l'accès à la propriété individuelle et collective.
Ce qu'on dit, c'est qu'avant cela ne posait pas de problème. Le
cultivateur avait des certificats différents. Alors, si c'était
pour une marge de crédit, il allait dans une banque ou ailleurs; si
c'était pour son long terme ou son moyen terme, il venait chez nous. Le
danger c'est que maintenant, si le certificat est unique, naturellement, il va
avoir tendance - c'est moins de problèmes, moins de papeterie, moins de
ci et de ça - à aller à la même institution; il ne
pourra pas venir chez nous, on ne fait pas de marge de crédit. Ce qu'on
dit, c'est qu'il y ait une possibilité que, pour la portion qui n'est
pas une marge de crédit, l'individu puisse continuer à venir chez
nous, que ce soit pour son prêt de trois, cinq, sept ou de vingt-cinq
ans.
M. Pagé: Là-dessus, M. Lamothe, je vous comprends
très bien et je vais vous dire ceci. Au début du processus
d'analyse de modification au projet de loi, il a été question un
moment donné dans le temps, dans les hypothèses qui
étaient étudiées, que l'emprunteur doive faire affaire,
via l'office, avec une institution financière et là, par souci
d'efficacité, il a été évoqué la
possibilité que l'emprunteur soit convié à une seule
institution financière. Des représentations nombreuses nous ont
été faites par vous, le Mouvement Desjardins et l'Association des
banquiers canadiens; des représentations qui sont légitimes. Je
vais vous indiquer notre approche, ma perception et vous me corrigerez si
besoin en est.
D'abord, vous êtes d'accord avec le principe qu'on prenne en
considération, au moment de la délivrance d'un prêt, les
besoins financiers futurs ou éventuels qui peuvent survenir, quoiqu'il
faudra un suivi autant que faire se peut et se pourra, je l'espère bien.
On pourra alors vivre une interaction non seulement entre l'emprunteur et
l'office, mais aussi le prêteur et les fonctionnaires de mon
ministère parce qu'on veut, et je le souhaite comme ministre, qu'on soit
le moins cloisonné possible. Dans les gouvernements, il arrive parfois
que même des entités s'ignorent entre elles. Ce qu'on a dit hier,
c'est qu'on ne peut pas limiter ou encadrer l'emprunteur au point de l'obliger
à faire affaire tout le temps avec la même institution
financière. Qu'est-ce que cela veut dire concrètement? Cela veut
dire qu'on pourrait délivrer deux ou trois certificats, si besoin en
est, de sorte que l'emprunteur pourra se rendre chez vous pour aller
négocier son crédit à long terme ou à moyen terme
et il pourra avoir un autre certificat l'autorisant à aller chercher son
court terme dans une autre institution financière. Cependant, ce n'est
pas l'office qui va indiquer à l'emprunteur où aller. Mais les
règles du jeu doivent être les plus loyales, les plus franches
possible entre les différentes institutions. Pour le reste, comme nos
amis, les banquiers canadiens, nous disaient hier: Cela dépend des
services que vous donnez.
M. Lamothe: Cette solution nous satisferait beaucoup.
L'association canadienne, c'est probablement aussi leur manifestation dans le
sens des taux d'intérêt.
Il y a deux autres petits points qu'on peut vous mentionner sur cela, M.
le ministre. D'abord, la question des liquidités. Les plus petites
institutions n'ont pas nécessairement accès à tous les
jours à 50 possibilités de prêts de 500 000 $. Cela est une
belle justification pour scinder les certificats, ce que vous avez
mentionné. Aussi, pour certaines institutions plus modestes, en termes
d'actifs globaux, le partage du risque...
M. Pagé: Oui.
M. Lamothe: Vous savez, si une petite caisse
d'établissement, comme celle de Sept-Îles, qui a une couple de
millions d'actifs, veut aider l'agriculteur et lui faire un prêt
de 50 000 $ ou 100 000 $, une autre institution pourrait faire le nantissement.
Alors, il y a le partage du risque et aussi les questions de
liquidité.
M. Pagé: D'accord. Les propos que je vous tiens sont-ils
susceptibles de vous sécuriser?
M. Lamothe: Oui, beaucoup.
M. Pagé: D'accord. C'est ce qu'on se dit ici aujourd'hui
en commission parlementaire. Si, au lendemain de l'adoption de la loi, vous
avez encore d'autres inquiétudes, appelez-nous. Merci.
M. le Président, avant que mon collègue de Laviolette
n'intervienne, je voudrais m'excuser auprès de nos invités et,
particulièrement, auprès du Mouvement Desjardins qui doit
témoigner à midi. Je dois quitter pour le Conseil des ministres
et, en principe, je devrais être ici vers 12 h 30 pour terminer avec le
Mouvement Desjardins. D'accord? Je m'excuse. Pardon?
M. Jolivet: Prenez de bonnes décisions.
M. Pagé: Oui, oui, vous écouterez cela
après-midi. Ma collègue, Mme la députée de
Kamouraska-Témiscouata, pourra intervenir pour et en mon nom. Merci.
Le Président (M. Richard): Merci, M. le ministre. M. le
porte-parole de l'Opposition officielle, M. le député de
Laviolette.
M. Jolivet: Oui, M. le Président. Merci aux gens de la
Fédération des caisses d'établissement d'être
présents ici ce matin. J'espère qu'il ne sera pas trop tard pour
réagir après l'adoption du projet de loi. Vous savez ce que cela
veut dire, réagir après. Il est important que vous le fassiez
dès maintenant et que le ministre en tienne compte et on verra.
Je vais commencer par cette partie qui, depuis hier, nous incite
à penser que, parce qu'il y a un déficit de 90 000 000 $ que le
gouvernement a décidé d'éponger sur cinq ans, il n'y aura
pas d'effets négatifs pour les jeunes agriculteurs; la relève, en
particulier, devra - si j'ai bien compris - participer au prix de l'assurance.
Autrement dit, on changera le système dans lequel on était.
À l'époque, on se souvient dans quelles conditions cela a
été placé et on s'est retrouvé avec une crise
économique qui a fait qu'effectivement cela a été
différent de ce qui avait été prévu. On peut parler
d'un manque de prévision, mais on peut dire aussi que la crise
économique, il y a beaucoup de gens qui ne l'ont pas vue venir mais,
quand elle est arrivée, il a fallu y faire face. Il faut tenir compte de
ça. Il y a effectivement danger - et vous en faites mention -
malgré l'assurance qu'on semble nous donner actuellement, que les jeunes
de la relève soient pris à recevoir d'une main par la loi 46 des
bonifications et qu'on se retrouve, avec la loi 49, avec des montants à
payer de telle sorte que finalement on donne d'une main et on enlève
d'une autre. Alors, je ne sais pas si pour vous autres vous conservez quand
même votre crainte malgré qu'on a dit que les jeunes n'auront pas
à payer le déficit de 90 000 000 $, mais qu'ils auront cependant,
si j'ai bien compris, a payer l'assurance dans le futur d'un autre mode que ce
qu'ils avaient actuellement. Les jeunes ont dit d'après les
renseignements qu'ils avaient que ça pouvait aller à 500 $ et
1000 $ par individu sur une période de cinq ans, donc diminuer d'autant
les 8000 $ qu'on donne dans le projet de loi 46. Est-ce que vous comprenez
ça de la même façon que moi?
M. Lussier: Effectivement ça nous a
préoccupés. Le problème, c'est qu'on a reçu, en
plus du texte de loi, l'avant-projet de règlement. Sauf que, pour la
cotisation concernant cette assurance-là, il y a un blanc, c'est
indiqué "à venir". Donc, on ne sait pas du tout. Est-ce que cette
assurance-là devra être défrayée par tous les
emprunteurs de l'office - pas de l'office, mais on se comprend là - de
ces genres de prêts? Est-ce que ça sera sur tous les prêts?
Est-ce que ça sera la même prime pour un prêt à long
terme, à moyen terme, à court terme? Pour la relève, s'il
y a des primes à payer qui sont de l'ordre de 500 $ annuellement - et
j'imagine que ça doit être une moyenne - n'y aurait-il pas lieu au
moins que pour les jeunes de la relève cette cotisation-là soit
moindre? Qu'il y en ait peut-être une mais qu'elle soit moindre. Mais,
comme on n'a aucune indication, on ne peut pas vraiment vous donner notre avis
là-dessus. On ne peut que répéter ce que vous avez dit,
qu'il est important de ne pas donner d'une main et d'enlever de l'autre.
M. Jolivet: En tout cas, on va avoir à surveiller cela de
notre part et je sais que les gens de la relève disent aussi qu'ils vont
surveiller. Ce qui est important, effectivement, c'est que par un projet de loi
on vienne donner quelque chose et que par un autre on vienne l'enlever. Ce
contexte-là ne permettra pas la bonification des aides apportées
à la relève.
Vous parlez des quotas, le nantissement des quotas. Je faisais mention
tout à l'heure des banques qui disent: Si on prête, on veut avoir
une garantie, et le quota en est une. Vous avez l'UPA qui dit: Nous autres, il
n'en est pas question. On n'est pas pour mettre en garantie notre droit de
produire. Sauf que vous avez fait mention au début de votre
exposé que vous représentiez une forte majorité de
ceux-là. Or, j'ai de la misère à comprendre. Parce que
vous autres vous dites oui, mais avec des conditions. Mais là vous
mettez des conditions. Je pourrais vous dire que ces conditions-là,
alors que les gens
disent qu'il y a trop de réglementation... Qu'on en arrive
à devoir réglementer ça -c'est ce que je faisais en
regardant le ministre - en disant encore de la réglementation... Dans le
fond, il y a quelqu'un qui va devoir réglementer ça selon les
conditions que vous proposez ou des conditions autres mais disons des
conditions qui seront satisfaisantes.
J'ai de la misère à comprendre comment il se fait que des
agriculteurs se retrouvant à l'intérieur de vos caisses disent
oui avec des conditions et qu'après ça on les retrouve dans un
organisme syndical, si on peut l'appeler comme tel, l'UPA, et qu'ils disent
non, il n'en n'est pas question du tout. Alors, il y a un imbroglio, un
quiproquo quelque part. Je voudrais avoir plus de renseignements de votre part.
(11 h 30)
M. Lussier: Parfait. On a regardé ce projet de loi comme
un créancier hypothécaire et non pas comme un syndicat de
producteurs. Il se produit la même chose ailleurs, vous allez rencontrer
un agriculteur actif dans l'UPA qui va aussi être actif à la
Coopérative de Granby et ce ne sera peut-être pas la même
position. Cela a été vu avec des yeux de financiers et non pas
d'autres personnes. De toute façon, les gens du monde agricole ou les
gens du monde financier ne sont pas nécessairement d'accord à 100
% sur toute chose. On a des agriculteurs chez nous, évidemment la
majorité se retrouve à l'UPA, c'est bien sûr. C'est une des
choses de la vie et ce n'est pas unique.
M. Jolivet: Que vous disiez que ce ne soit pas unique, j'en
conviens. J'étais dans un syndicat d'enseignants et à
côté de cela j'avais des associations professionnelles et, quand
ils parlaient au nom de l'association, ils pouvaient diverger d'opinion quant
à leurs revendications de conditions de travail ou autres, cela j'en
conviens avec vous. Je voulais vous entendre parce que je me dis qu'il est
correct de penser que, parce qu'ils sont à l'intérieur des
caisses d'établissement, ils ont une vue plutôt
financière...
M. Lussier: De gestion.
M. Jolivet: ...de gestion que de l'autre côté. Donc,
vous ne voyez pas de difficulté, comme association, à
prétendre ces faits par rapport à l'autre.
M. Lussier: C'est cela. Une seule précision
supplémentaire que je voudrais apporter sur cela. Vous comprendrez que
les choses qu'on dit qu'il faudrait qu'elles soient prévues et que cela
amènerait de la réglementation, c'est à titre d'exemple
tout simplement. On n'a pas voulu faire un schéma très
élaboré sur cela. 11 est important... Le quota ne peut pas
être nanti dans notre prévision sans aucune restriction. Pourquoi?
Parce qu'il y a déjà des prêts en vigueur un peu partout
sur des fermes et les quotas ne sont pas pris en considération. Je veux
vous donner un exemple pratique pour vous montrer le pourquoi. Demain matin, il
est possible de nantir les quotas. Bon, personne ne peut pour l'instant sauf
qu'il y a une marge de crédit en quelque part. L'agriculteur a de la
difficulté, la production est mauvaise et les prix sont bas. Il n'est
pas en mesure de rembourser sa marge de crédit, pas une marge de
crédit en vertu des lois de l'office, mais une marge de crédit
conventionnel. Parfait, il reste 50 000 $ et le gars n'a pas d'argent et il en
a besoin pour semer. Il y a quelqu'un en quelque part qui va dire: II n'y a pas
de problème, nantis-nous ton quota de production et ta marge de
crédit de 100 000 $ ou de 200 000 $, tu vas l'avoir. S'il arrive
d'autres pépins par la suite, le créancier qui a fait cela peut
-excusez l'expression - tirer sur la "plug" et à ce moment enlever au
producteur toutes ses chances de produire et de vendre ses produits. À
ce moment, et le producteur et le créancier à long terme risquent
de subir des pertes énormes sur les immeubles. C'est dans ce sens qu'on
dit oui, parce que cela représente tellement dans la valeur globale de
l'entreprise. Le quota a une valeur tellement élevée qu'il faut
en tenir compte mais, de l'autre côté, il faut qu'il y ait des
règles pour éviter des abus.
M. Jolivet: En fait, on a vécu cela en ce qui concerne les
entreprises où l'institution financière qui était devenue
un créancier tire - comme vous le dites - la "plug" le vendredi soir
à cinq heures moins cinq pour être sûre de ne pas avoir de
problème ou comme on l'a vu dans les petits abattoirs, après
l'arrivage du mercredi, ils tiraient la "plug". Finalement, on se retrouve avec
des gens qui ont quelques problèmes, Dieu nous en pardonne un peu, assez
difficiles. D'un autre côté, vous vous retrouvez avec des
créanciers qui peuvent profiter de la circonstance pour aller chercher
ce qu'ils veulent avoir. C'est ce que vous voulez éviter par une forme
de réglementation.
Vous êtes conscients cependant que c'est un gouvernement qui nous
a dit, alors qu'il était dans l'Opposition, des choses, en ce sens qu'il
voulait déréglementer, dépoussiérer pour que
finalement on se retrouve avec moins de réglementation. Vous avez un
projet de loi, si vous avez bien lu à l'article 141, qui en donne
davantage. Comme je le disais hier, c'est de la superréglementation qui
est un peu plus pernicieuse, un peu plus vicieuse à mon avis parce
qu'elle est cachée.
M. Lussier: Vous comprendrez qu'on a présenté un
mémoire sans tenir compte de tous ces facteurs. On le présentait
dans le but d'avoir le financement agricole de la meilleure façon
possible. Tant qu'au reste, cela dépasse notre compétence.
M. Jolivet: J'en conviens. Accréditation du vendeur comme
prêteur. Vous semblez dire que vous trouvez cela intéressant mais
qu'il faudrait mettre au point des modalités concrètes
d'intervention dans divers dossiers parce que des problèmes
administratifs se présenteront certainement et vous en
énumérez quelques-uns. Pourriez-vous nous informer davantage,
à partir de votre texte, à savoir où les problèmes
peuvent surgir à partir de la capacité du vendeur de devenir
prêteur?
M. Lussier: Je vais vous donner des exemples. Comme
prêteur, à tous les six mois on a un rapport à faire pour
voir si les paiements ont été effectués. Il y a des
petites règles. Si cet emprunteur est en retard de plus de 150 $ dans
ses versements, la subvention d'intérêt pour les six mois suivants
n'est pas versée. Il y a toute une série de choses comme cela qui
sont régulières. Ce qui nous préoccupe le plus ce n'est
pas 1 mais 2, au moment de la réalisation des garanties. Il faut refaire
le portrait, il faut refaire les encaissements depuis la dernière fois
qu'il a été à jour et des fois cela prend du temps. Je
peux vous dire que comme créanciers, des fois on trouve que l'office
prend son temps pour prendre les procédures, que cela traîne
longtemps.
Cela dit, il faut reconstituer le dossier, les encaissements, les
intérêts, etc. L'institution financière est
informatisée, elle a ses permanents qui sont habitués
là-dedans, elle a un spécialiste du financement agricole dans
chaque institution et cela ne pose pas tellement de problèmes si ce
n'est une question de temps. Mais, pour l'individu, pour le père qui a
vendu à son fils, cela peut être un problème et il peut
être désillusionné lorsqu'il aura son chèque
finalement. C'est toujours dans la perspective ou cela va mal. Si cela va bien,
je comprends qu'il n'y a pas de problème mais qu'on ne donne pas un faux
espoir de garantie totale et sans pépin à un particulier,
à un vendeur, à un père qui vend à son fils.
Mettez-vous aussi au niveau humain. Au niveau humain, il y a six mois
l'emprunteur était à jour. Le paiement du premier mai arrive;
à ce moment-là l'office émet un chèque
d'intérêts conjointement au nom de l'emprunteur et du
créancier. À ce moment-là le fils a des problèmes
avec sa marge de crédit, avec sa production de maïs qui n'est
toujours pas vendue, avec différentes choses. Un chèque
d'intérêts arrive au nom de deux personnes et le fils a un compte
à payer à la coopérative ou ailleurs. En théorie,
il faut absolument que ce chèque soit encaissé par le
créancier. Est-ce qu'il n'y aura pas des fois des pressions ou des
problèmes humains entre les deux qui peuvent faire que le père
peut se sentir moralement ou autrement obligé de signer le fameux
chèque? Mais, s'il fait cela, s'il le remet à son fils et que
celui-ci devient réellement en mauvaise situation financière et
qu'il y a rappel du prêt, le fameux chèque d'intérêts
de subvention qu'il vient d'autoriser, quand l'office va payer au niveau de
l'assurance ils vont dire: Ce chèque était à toi,
créancier, tu aurais dû l'encaisser et ne pas le laisser aller. On
te le coupe sur ta réclamation. Avec raison, si on met cela strictement
au niveau financier. On coupe les 3000 $ ou 5000 $, c'est fini, tu les perds.
Donc, ce sont ces problèmes de relations entre les individus que cela
peut susciter.
Si c'est une institution financière, cela marche comme cela. Ce
sont toutes ces choses qui font que, tout en étant d'accord avec le
principe, on se dit qu'en pratique il faudrait que ce soit bien
explicité. Si les pères créanciers, prêteurs
autorisés, savent toute la mécanique, il n'y en aura pas beaucoup
qui vont s'embarquer - je m'excuse de l'expression - là-dedans, sauf -
et cela ne dépend pas de cette commission - s'il y a des incitatifs
à le faire au niveau fiscal.
M. Jolivet: Est-ce que... Allez-yl
M. Lamothe: Un peu dans la même ligne de pensée, en
revenant peut-être un petit peu en arrière, c'est sûr qu'on
s'est posé beaucoup de questions et qu'on a rencontré des gens
dans nos conseils qui étaient d'accord et d'autres qui ne
l'étaient pas au sujet des quotas. Cinq présidents de nos caisses
sont des agriculteurs. On ne s'attarde pas tellement sur le fond, mais surtout
sur la façon de saisir le quota. Il n'est pas sûr, dans l'esprit
de tous les gens de chez nous, qu'il faille absolument le faire. On n'est pas
allé consulter individuellement les 20 000 personnes. Sauf que si on
prend le quota en garantie, comme on l'a dit tantôt, il s'agit
peut-être de mettre les balises suffisantes pour que le créancier
hypothécaire qui aura un peu moins de gentillesse ne soit pas
porté à prendre cela en premier lieu. C'est très
important. Il y a des façons de le faire pour que le dernier recours du
créancier soit peut-être le quota. Ce serait trop facile pour un
prêteur de bonne foi, mais très terre à terre, de prendre
le quota. Là, vous arrêtez toute l'opération. Si les quotas
sont donnés en garantie, il faut que le gouvernement considère
des mécanismes qui vont faire qu'avant que quelqu'un puisse rappeler le
quota et l'avoir en main pour d'autres fins
comme créancier un paquet de gens aient regardé, vu et
revu le dossier. Je pense que ce sera un minimum, dans l'optique où il y
aura des quotas de pris en garantie.
M. Jolivet: Est-ce que vous croyez que le fait d'être
vendeur-prêteur n'aura pas un effet incitatif ou un effet
bénéfique pour le transfert de la ferme du père à
l'enfant? Ne croyez-vous pas que c'est bénéfique, à ce
moment-là?
M. Lamothe: Je pense que cela peut être très bien
pour autant qu'on n'espère pas qu'à cause de cela certains
agriculteurs vont continuer à vendre leurs terres pour la moitié
de leur valeur. Ce serait malheureux si, à cause de cela, des terres se
vendaient et que l'agriculteur-vendeur ne retrouve pas le rendement, la
rentabilité, la profitabilité ou son gain de capital au
même titre. Il y a danger que cela arrive dans ces circonstances.
M. Jolivet: Ne croyez-vous pas qu'actuellement le père qui
veut transférer sa terre à son fils perd une partie de son fonds
de retraite quand il la vend à rabais plutôt qu'au plein
montant?
M. Lamothe: Absolument. Donc, il y a une amélioration. Dans notre
milieu, on en voit régulièrement. Ils vendent leur terre à
leur garçon 200 000 $ et 100 000 $ en bas du prix qu'elle vaut ou qu'ils
la vendrait à n'importe qui d'autre. Je ne suis pas sûr qu'on
doive, comme société, accepter des mécanismes favorisant
ces choses parce que c'est une tradition au Québec. C'est toujours le
même sol, c'est toujours la même terre où, de père en
fils, des générations ont vécu et qu'on est obligé
de racheter. Y avez-vous pensé comme il faut? - je vous parle d'un
domaine un peu autour de tout cela - cette terre a été
financée dix fois dans la même famille et elle a été
payée quatorze fois, toujours par les mêmes gens, par les
générations successives qui en vivent et qui demeurent là.
On ne fait jamais cela avec la maison familiale quand elle n'est pas sur une
terre.
M. Jolivet: En tout cas, il y a peut-être une autre
question à laquelle on n'a pas de réponse actuellement. J'ai
posé plusieurs fois cette question lors de ma tournée. Les
quotas. Vous n'avez probablement pas de réponse vous autres non plus.
Quoi faire avec le fait que les quotas augmentent? On semble être dans
une spirale telle que, finalement, on ne sait pas comment y arriver. Le quota
vaut tellement cher qu'on n'est pas capable de l'acheter. Le père aime
mieux le mettre à l'encan et en récupérer le
bénéfice plutôt que de le donner à son fils,
à rabais.
M. Lussier: Une observation là-dessus. C'est vrai, le prix
des quotas est devenu presque insensé ou, en tout cas, il est
très élevé. Aussi, le fait de nantir les quotas sans
réglementation contribuerait à augmenter le prix. Par contre,
s'ils devenaient nantissables et que le financement pouvait se faire
là-dessus, avec la garantie, cela pourrait peut-être avoir l'effet
suivant: il y aurait plus d'acheteurs potentiels. Le jeune ne peut pas acheter
le quota, il n'a pas les moyens. Donc, qui l'achète? Ce sont les
producteurs qui ont déjà un niveau très
élevé et qui sont - excusez l'expression - un peu "en foin".
M. Jolivet: Ou des sociétés en commandite.
M. Lussier: Des sociétés en commandite ou des
compagnies qui, par un moyen ou par un autre, vont chercher leur financement.
Donc, si cela devenait une valeur nantissable, plus de personnes - en tout cas,
c'est notre réflexion là-dessus... Plus vous avez d'acheteurs...
Cela ne ferait pas nécessairement monter les prix, mais cela permettrait
de garder aussi une unité de production un peu plus petite.
Actuellement, on le sait, c'est un phénomène peut-être
irréversible de concentration de l'entreprise agricole. Je pense qu'on
ne peut pas y échapper tellement mais le fait que plusieurs autres
personnes pourraient avoir les moyens financiers d'acheter des quotas cela
pourrait peut-être ralentir un peu - peut-être, cela demanderait
à être regardé - la concentration des entreprises entre les
mains de quelques-unes.
(11 h 45)
M. Jolivet: Est-ce que je peux vous poser une question concernant
les sociétés en commandite? Des gens disent: on a peur de cela,
on ne veut rien savoir; le fédéral dit: au mois de
décembre prochain c'est fini, en tout cas en hypothèse, le
Québec ne s'est pas prononcé dans ce sens. D'un autre
côté, d'autres disent oui, mais il faudrait les regarder d'un
autre oeil que de les regarder comme des adversaires mais il y a le contexte
où des gens qui ne sont pas dans l'agriculture récupèrent
une partie de leur investissement par le moyen des abris fiscaux. Finalement,
des gens disent nous, comme agriculteurs, on peine dur pour obtenir des choses
et d'autres personnes qui sont des avocats, des notaires ou autres
réussissent avec nos maudites taxes, comme ils disent, à
récupérer, à avoir une ferme qui ne leur a rien
coûté, à produire ensuite et déséquilibrer
complètement le marché.
M. Lussier: Les sociétés en commandite sont un
phénomène relativement nouveau en agriculture. En soi, on peut
dire que c'est une bonne chose puisqu'il y a des fonds de l'extérieur de
l'agriculture qui sont investis
en agriculture. Évidemment, les montants qui sont
déposés là-dedans n'ont aucun rapport avec des
visées sur l'agriculture ou ceci ou cela. Ce ne sont que des incitatifs
fiscaux. Le courtier en valeurs mobilières qui propose cela ou qui veut
vendre cela ne parle pas du tout d'un objectif global. Cela va donner 133 %
de... Bon, toutes ces choses.
Quant à moi, concernant l'agriculture, dans notre mouvement, on
n'a pas vraiment étudié cela. Je ne peux que vous donner une
réponse très personnelle. Cela ne vaut pas cher et cela n'a pas
à être développé comme moyen de financer
l'agriculture. Qu'on introduise des mesures fiscales pour la relève, par
exemple. On a eu dans le passé l'épargne-logement, on a le Fonds
de solidarité, on a le REA, toutes des mesures pour inciter les gens
à déposer pour une certaine économie. Pourquoi n'y
aurait-il pas des programmes d'établissement agricole où il y
aurait des mesures fiscales pour les jeunes surtout concernant la
relève? Ces choses seraient beaucoup mieux que toutes les
sociétés en commandite et ces choses qui, de toute façon,
n'assurent pas de financement à long terme. Quand les avantages fiscaux
seront disparus, c'est mort, c'est fini, on n'en entend plus parler. Donc, cela
n'est que passager.
Le Président (M. Richard): M. Lamothe.
M. Lamothe: C'est une opinion personnelle sur la
société en commandite. C'est dangereux de laisser aller cela trop
longtemps en milieu agricole. C'est dangereux pour l'agriculture, n'est-ce pas?
Elle va être subventionnée peut-être d'une autre
façon un jour mais elle l'a toujours été par l'État
de toute façon à certains niveaux comme dans tous les pays. La
spéculation sous forme de société en commandite, c'est un
peu dangereux. C'est strictement de la spéculation. Je n'ai pas
rencontré de gens qui désiraient faire autre chose qu'un bon
profit bientôt avec un bel abri fiscal. Tout au moins, en tout cas de
plus en plus, les institutions financières commencent à demander
aux commanditaires - ils sont 10 ou 200 - de signer, d'endosser. Tout à
coup, ce n'est plus la même histoire. Qu'est-ce que c'est donc,
jusqu'à quel point y a-t-il une responsabilité individuelle dans
un groupe de société en commandite de 500 personnes qui se porte
acquéreur d'une immense terre? Je n'ai rien contre ces gens qui ont des
abris fiscaux. On en veut tous. C'est correct parce qu'ils peuvent le faire. Je
pense que ce qu'il faut faire, c'est s'organiser pour qu'il n'y ait plus
beaucoup de financement spéculatif sous forme de société
en commandite en agriculture, à moins qu'il y ait d'autres freins que je
ne connaisse pas.
M. Jolivet: En fait, la réponse que les gens font c'est:
Donnez-nous les moyens de le faire en gardant toujours le caractère
familial de la ferme et on va vous le faire mais ne donnez pas à
d'autres qui n'ont même pas ce goût, qui veulent juste
spéculer, la possibilité de le faire. Je vous remercie
beaucoup.
Le Président (M. Richard): Merci. Mme la
députée de Kamouraska-Témiscouata, vous avez une
question?
Mme Dionne: Oui. Ce ne serait peut-être pas
nécessairement une question, M. le Président. Ce seraient
peut-être des commentaires sur les remarques que vous avez faites. Le
premier, c'est au sujet du fonds d'assurance. Je pense que cela
répondrait aussi à une remarque du député de
Laviolette dans le sens que dans le passé les primes étaient
payées pour le fonds d'assurance pour des prêts au-delà de
150 000 $ pour des individus et au-delà de 200 000 $ pour des groupes.
Ce qui fait que, dans le fonds d'assurance, il ne rentrait quand même pas
beaucoup d'argent puisque la moyenne des prêts est de 118 000 $. Donc, de
là vient, effectivement, une partie du déficit, une partie de la
réponse en tant que telle. Avec la récession qu'on a connue, cela
n'a pas été facile.
D'autre part, pour ce qui est des quotas, je sais que la
Fédération des producteurs de lait, par exemple, accepte que les
institutions financières fassent signer à leurs clients des
transferts du produit de la vente éventuelle du quota, qui sert à
financer l'achat de ce quota. Alors, ce n'est pas un nantissement, bien
sûr, mais c'est quand même une garantie qui est intéressante
et que la Fédération des producteurs de lait accepte de donner
aux institutions financières.
Ma troisième remarque concerne la déréglementation
en tant que telle. On est sûr d'une chose, malgré la meilleure
volonté du monde de chacun des gouvernements, ce n'est pas facile de
tout changer, mais on peut peut-être donner certains chiffres qui ont
quand même été donnés hier et qui sont importants,
puisqu'on passe de huit lois à une seule loi. Je pense que
déjà là c'est un bon point de départ. On passe de
289 articles de loi à 160 et, en ce qui concerne la
réglementation, on passe de 230 articles ou règlements à
82. Alors, je pense que c'est une volonté qui se dessine bien dans la
réforme du financement agricole et qui va amener une facilité
autant pour les agriculteurs que pour les partenaires financiers, les
institutions financières que pour l'office. Je pense que cela va
être beaucoup plus facile à travailler.
D'autre part, j'écoutais attentivement vos remarques quant au
vendeur qui ; deviendrait un prêteur autorisé au sens de la
loi. Effectivement, je pense que c'est un appui ou une garantie
psychologique et financière qu'on offre aux parents, au père ou
au vendeur, c'est sûr que cela ne règle pas tous les
problèmes. Toutefois, si un agriculteur décide d'aider son
garçon ou sa fille par un prêt avec un taux d'intérêt
très réduit ou il préfère des concessions à
ce chapitre et que l'office ou le gouvernement l'appuie, je pense qu'on a
déjà monté une marche intéressante pour le vendeur.
Cela va nous amener peut-être à garder des montants d'argent en
agriculture, plus que ce qu'on retrouvait dans le passé; on sait fort
bien que l'agriculteur qui avait son chèque à un moment
donné désirait investir et il n'investissait pas
nécessairement en agriculture au moment de sa retraite. C'est un outil
qui est offert au vendeur en tant que tel.
Alors, c'étaient les remarques que je voulais apporter.
Le Président (M. Richard): Merci, madame.
M. Jolivet: M. le Président, je ne voudrais pas...
Le Président (M. Richard): M. le porte-parole de
l'Opposition.
M. Jolivet: ...engager un dialogue, mais simplement faire une
petite remarque, en disant que 90 000 000 $ de déficit, c'est
compréhensible dans le contexte où il a été
placé. C'est compréhensible qu'un gouvernement comme le
vôtre arrive à ce chapitre à dire: En ce qui nous concerne,
les gens vont payer pour les services qu'ils reçoivent. C'est une
mentalité différente. Vous avez le droit, mais les gens auront
à vérifier cela à un moment donné.
Quant à la question de la réglementation, je dois vous
dire qu'en 1966 il y a eu une élection où on disait que le
péril jaune des autobus scolaires, cela n'avait pas de bon sens, cela
arrêterait. Je dois dire qu'il y en a plus que jamais parce qu'en 1966
cela a continué comme avant. On peut faire des promesses comme
celles-là, mais le problème qu'on a à la fin, c'est de les
respecter. Je vous dis, sur la réglementation qu'on a le même
problème - tout le monde le dit - sous la loi 150, la Loi sur les
forêts, la Loi sur les mines, la loi 102 sur les terres du domaine
public, en ce qui concerne le ministre responsable, M. le ministre de
l'Énergie et des Ressources. On se retrouve avec la même chose;
c'est que la réglementation semble disparue, mais elle est
confinée dans un texte qui, en fin de compte, en amène davantage
et c'est la réponse que le monde nous fait: Le texte de la loi 46 donne
des pouvoirs de réglementation. On aura l'occasion d'y revenir lorsque
ce sera l'étude du projet de loi comme tel, article par article, afin de
dire que cela n'a pas de bon sens, c'est une superréglementation plus
dangereuse, plus pernicieuse qu'avant. En tout cas, c'est notre opinion, mais
on ne voulait pas entrer dans ce débat ce matin.
Le Président (M. Richard): Remarquez que ce n'est pas une
question qu'on vous posait, on vous remercie bien...
M. Jolivet: Mais ils peuvent faire des commentaires quand
même.
Le Président (M. Richard): ...MM. Lussier, Lamothe et
Jalbert, de votre présence et de la présentation de votre
mémoire.
M. Lussier: Merci.
Le Président (M. Richard): Nous aimerions que prenne
place, s'il vous plaît, le Mouvement des caisses populaires et
d'économie Desjardins du Québec.
Mesdames et messieurs, bienvenue! Je demanderais au porte-parole d'abord
de s'identifier et de présenter ses collègues.
Mouvement des caisses populaires et d'économie
Desjardins du Québec
M. Sirois (Gaston): M. le Président, il me fait plaisir
aujourd'hui de représenter la Confédération des caisses
populaires et d'économie Desjardins du Québec à cette
commission. Notre délégation est composée de M. Jean-Denis
Savoie, conseiller en crédit agricole...
Le Président (M. Richard): Je m'excuse. Vous voulez bien,
comme à l'école, lever la main, celui que cela implique?
M. Sirois: M. Jean-Pierre Thomassin, conseiller en crédit;
M. Denis Cormier, conseiller en marketing, clientèle agricole; Mme
Guylaine Fortier, conseillère juridique; M. Camil Fortier,
vice-président, assurances et rentes des caisses, Assurance-vie
Desjardins, et moi-même, Gaston Sirois, vice-président
crédit et finance.
Le Président (M. Richard): Vous avez sûrement
compris tout à l'heure que c'est la même mécanique pour le
Mouvement des caisses populaires et d'économie Desjardins du
Québec. Vous avez 20 minutes au maximum pour présenter votre
mémoire. Je sais que vous avez un document qui s'est ajouté
à votre mémoire, qui est votre exposé. Alors, à
vous la parole, M. Sirois.
M. Sirois: Merci. Nous aimerions tout d'abord, au nom des
institutions du Mouve-
ment des caisses populaires et d'économie Desjardins du
Québec vous remercier ainsi que tous les autres membres de cette
commission de nous permettre de faire valoir notre point de vue à
l'égard de la refonte du régime de financement agricole au
Québec.
Nous tenons également à souligner au ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, M. Michel Pagé,
ainsi qu'à toutes les personnes qui ont travaillé à la
rédaction des projets de loi et de leur réglementation notre
satisfaction face à la volonté du gouvernement de remanier la
législation relative à l'octroi, au suivi et au recouvrement des
prêts bénéficiant de la garantie conférée par
la Loi sur l'assurance-prêts agricoles et forestiers. Nous
apprécions l'effort de simplification et de normalisation du
régime actuel. Le seul fait de passer de huit lois à une seule en
facilitera grandement la compréhension et la consultation. Le projet de
loi sur le financement agricole aura une influence importante sur le
développement du secteur agricole, sur le transfert des exploitations
d'une génération à l'autre, ainsi que sur le traitement
équitable réservé au secteur dans son ensemble.
Avant de reprendre certains commentaires de notre mémoire et de
son addenda, il nous paraît important de vous informer de l'implication
des institutions du Mouvement des caisses populaires et d'économie
Desjardins du Québec dans le domaine du crédit agricole. Le
Mouvement des caisses populaires et d'économie Desjardins du
Québec, de fait, a toujours porté intérêt au secteur
agricole et toutes les propositions de changement relatives à son
financement constituent des préoccupations majeures pour nous. Selon le
rapport d'exercice 1985-1986 de l'Office du crédit agricole, les
institutions du Mouvement des caisses populaires et d'économie
Desjardins du Québec ont consenti au cours de cette période 65,6
% de la totalité des prêts régis par la Loi favorisant le
crédit agricole à long terme par les institutions privées,
des prêts communément appelés "tandems"; 62,1 % de la
totalité des prêts régis par la Loi favorisant
l'amélioration des fermes et 61,9 % de tous les prêts régis
par la Loi favorisant le crédit à la production agricole.
En résumé, 64 % de tous les prêts régis par
les trois lois précitées ont été consentis par
l'une ou l'autre des institutions du Mouvement des caisses populaires et
d'économie Desjardins du Québec qui, pour la plupart d'entre
elles, sont les caisses d'épargne et de crédit réparties
sur l'ensemble du territoire. On en compte aujourd'hui 1358. Outre les caisses
d'épargne et de crédit, mentionnons que d'autres institutions du
Mouvement Desjardins sont présentes dans le financement des entreprises
agricoles par le biais du crédit à long terme. Ces institutions
sont: la Fiducie du Québec, le
Crédit industriel Desjardins et la Compagnie d'assurances sur la
vie et la sauvegarde et l'Assurance-vie Desjardins. À cet égard,
d'ailleurs, nous espérons que le pouvoir de ces institutions d'agir
à titre de prêteurs sera reconduit par le gouvernement, tel que le
permet le projet de loi.
Le 31 décembre 1985, le Mouvement Desjardins occupait 52,7 % du
crédit agricole en cours dans les institutions de dépôt au
Québec. Ce pourcentage est passé à 56,2 % au 31
décembre 1986. Nous avons donc connu une croissance annuelle de 10,8
%.
Au fil des années, les institutions du Mouvement Desjardins se
sont donné des outils de travail en matière de financement
agricole et ont développé une expertise professionnelle de
pointe. (12 heures)
Hormis le personnel régulier affecté à
l'épargne et au crédit, plus de 50 spécialistes du secteur
agricole agissent maintenant dans nos diverses institutions afin de
répondre adéquatement aux besoins de la clientèle en
termes de service, de conseils d'épargne et de crédit ou
d'assurance. L'évolution de l'expertise de nos institutions en
matière de crédit agricole atteste de l'intérêt que
nous accordons à ce secteur. Notre expertise acquise dans ce domaine
nous permet d'identifier les avantages à préserver et les lacunes
à combler dans le fonctionnement du crédit agricole. De nouveaux
mécanismes doivent être instaurés afin d'éviter tout
formalisme ou toute lourdeur administrative inutile et susceptible d'entraver
la bonne marche d'un prêt.
Tout en respectant les objectifs poursuivis par chacune des parties
intéressées, le nouveau régime de financement agricole
devra établir des conditions d'octroi, de suivi et de recouvrement d'un
prêt qui soient à la fois simples, efficaces et se rapprochant de
celles déjà mises en place et utilisées par les
institutions financières pour tout prêt de même nature. De
plus, ces conditions, compte tenu de la garantie gouvernementale
afférente à ces prêts, devront tout de même assurer
au prêteur une rentabilité minimale afin d'éviter que ces
prêts ne constituent des opérations déficitaires.
Au-delà de son intervention à titre de prêteur, vous
remarquerez que le Mouvement Desjardins a également formulé dans
son mémoire certains commentaires qui sont directement reliés aux
attentes des membres emprunteurs. En effet, nous devons nous assurer que le
nouveau régime de financement agricole améliorera les conditions
d'emprunt de l'agriculteur et répondra à ses véritables
besoins. Nos principales préoccupations à l'égard du
projet de loi sur le financement agricole peuvent se résumer ainsi: que
soit considérée l'expertise du Mouvement Desjardins
développée en matière
de crédit agricole; que l'emprunteur et le prêteur
bénéficient d'un régime de financement simple
d'administration et conforme aux pratiques financières
généralement reconnues dans le domaine du crédit et,
enfin, que ce régime réponde aux besoins financiers des
agriculteurs en tenant compte de leur capacité de remboursement et des
particularités propres à ce secteur d'activité.
Cela dit, M. le Président, vous nous permettrez maintenant de
reprendre succinctement certains commentaires élaborés dans notre
mémoire et son addenda. Le premier point sur lequel nous voulons d'abord
attirer votre attention et celle des membres de cette commission porte sur le
rôle attribué au prêteur au sein du projet de loi sur le
financement agricole et son avant-projet de règlement. Nous aurions
souhaité que, dans un contexte de collaboration avec l'Office du
crédit agricole, le prêteur soit perçu et
considéré comme un véritable partenaire. Malheureusement,
pour employer les expressions déjà utilisées dans notre
mémoire, le législateur semble vouloir reléguer le
prêteur dans de simples rôles de bailleur de fonds et de teneur de
livres.
Nous vous rappelons encore une fois l'expertise professionnelle dont
disposent nos institutions prêteuses en matière de crédit
agricole ainsi que les relations constantes et étroites que ces
institutions entretiennent avec leurs membres. Cette expérience et ces
rapports privilégiés de prêteur-emprunteur nous paraissent
des atouts dont le gouvernement aurait avantage à tirer profit.
À notre avis, un esprit de collaboration serait
bénéfique pour tous dans le processus de financement d'une
entreprise agricole. Dans le même ordre d'idées, il nous
apparaît plus efficace et plus normal que le prêteur jouisse d'une
certaine autonomie au niveau de l'octroi et de la gestion du prêt.
Contrairement à la situation actuelle, le projet de loi et son
avant-projet de règlement ne semblent vouloir laisser aucune latitude au
prêteur. Par exemple, en matière d'ouverture de crédit, il
est devenu impossible pour l'emprunteur d'obtenir des avances d'argent pour un
montant minimum sans devoir préalablement requérir l'autorisation
de l'office. Pourtant, dans certaines circonstances, il est très utile
à l'emprunteur d'obtenir de son prêteur dans un court laps de
temps le déboursement de sommes nécessaires au règlement
de dépenses urgentes ou imprévues.
L'expérience a démontré que le prêt agricole
bénéficiant de l'assurance-prêts agricoles et forestiers
comporte souvent des garanties dont la valeur est beaucoup plus
élevée que la valeur de l'emprunt lui-même. Faute de
garantie, cette pratique restreint la possibilité pour le prêteur
d'accorder des prêts dits conventionnels, c'est-à-dire non
régis par la Loi sur le financement agricole aux agriculteurs qui en
font la demande.
Cette situation entraîne souvent pour le prêteur des
demandes de libération de garanties auprès de l'Office du
crédit agricole occasionnant de ce fait des délais et des
coûts que l'emprunteur doit supporter. Si, d'une part, on retire au
prêteur toute participation active dans le processus d'analyse et de
suivi du prêt régi par la Loi sur le financement agricole et que,
d'autre part, on lui retire la possibilité de consentir des prêts
conventionnels, ceci risque d'avoir pour effet de le
désintéresser de son implication dans le domaine du crédit
agricole, un secteur pourtant fondamental de notre économie.
Mentionnons également que les conditions du prêt sont, pour
l'instant, peu incitatives quant à la participation du prêteur au
régime proposé et ce, plus particulièrement
vis-à-vis des entreprises d'exploitation de moins grande importance dont
les besoins en crédit sont plus modestes.
Notons, entre autres choses, le taux d'intérêt applicable
aux différents prêts qui serait dorénavant établi
par règlement. Le taux prévu pour les prêts à moyen
et court terme, soit le taux préférentiel plus un demi, est
insuffisant pour assurer au prêteur un minimum de rentabilité.
En ce qui a trait à l'ouverture de crédit plus
particulièrement, nous devons considérer l'importance des
tâches administratives générées par l'exigence
relative aux pièces justificatives ou encore par l'exigence relative
à la vérification du déboursement des avances de fonds,
des avances en fonction des fins autorisées ou la proportion des
dépenses admissibles. Le taux projeté de taux
préférentiel plus 1 % peut s'avérer nettement insuffisant
à la seule gestion du prêt pour permettre au prêteur de
couvrir ses frais d'opération.
Il faut ajouter au faible taux d'intérêt le fait que la
base de capitalisation mensuelle du taux d'intérêt n'est reconnue,
ni au projet de loi, ni à l'avant-projet de règlement, ce qui
diminue encore davantage la rentabilité déjà fragile du
prêt. En résumé, sur ce point, le Mouvement Desjardins
désire souligner sa déception face au rôle
réservé au prêteur dans le cadre du nouveau régime
de financement agricole.
Le second point sur lequel nous désirons vous entretenir porte
sur l'administration d'un prêt régi par les diverses lois de
nature agricole qui, plutôt que d'être allégée par le
projet de loi et l'avant-projet de règlement, est, à certains
égards, amplifiée. À l'heure actuelle, plusieurs
tâches administratives, lourdes et coûteuses sont imposées
au prêteur. Nous avons déjà parlé de l'exigence
relative à l'obtention et à la conservation des pièces
justificatives en matière d'ouverture de crédit. Nous pouvons
ajouter
le suivi des taux d'intérêt applicables au prêt ou
encore la double comptabilisation du prêt pour séparer celui-ci
des versements échus et non acquittés. Maintenant, on introduit
d'autres procédures administratives qui, selon nous, ajouteront à
la lourdeur existante, notamment: l'obtention d'un certificat pour tout type de
prêt, la croissance des versements de capital pour tous les prêts,
peu importe la fréquence de leur remboursement, le calcul et le
contrôle additionnels dans le cas de l'ouverture de crédit de la
proportion des dépenses que l'emprunteur devra assumer par ses propres
moyens, l'interdiction d'ajouter au taux de crédit la prime
d'assurance-vie ou d'invalidité et, enfin, l'ouverture possible à
une visite d'inspection de la part des représentants de l'office pour
procéder à un constat de pièces justificatives. Tout ceci,
sans compter que, pendant une période indéterminée, le
prêteur aura à gérer les prêts régis par les
lois déjà existantes parallèlement à ceux consentis
en vertu du nouveau régime. Donc, double administration.
Nous devons être conscients que toutes les particularités
énumérées précédemment entraînent une
gestion manuelle des prêts et engendrent par le fait même des
coûts d'administration très élevés pour le
prêteur. Ces coûts ne peuvent être
récupérés par l'entremise du taux d'intérêt
applicable au prêt ou encore par l'entremise d'honoraires exigés
de l'emprunteur. Au surplus, le non-respect par le prêteur de l'une ou
l'autre de ces exigences, que ce soit par une pièce justificative
manquante ou par un déboursement à une fin non autorisée,
peut toujours résulter en la perte pour le prêteur de la garantie
gouvernementale qu'il croyait détenir auprès du fonds
d'administration, auprès du Fonds d'assurance-prêts agricoles et
forestiers.
Pour pallier certaines des difficultés
énumérées, nous réitérons les suggestions
formulées dans notre mémoire. Relativement à l'ouverture
de crédit, nous recommandons qu'elle soit administrée selon les
règles applicables à toute marge de crédit de type
conventionnel. Adopter cette position en faciliterait substantiellement
l'administration et rejoindrait les pratiques financières
établies. À tout le moins, si le prêteur devait continuer
d'obtenir et de conserver les pièces justificatives, que celles-ci
soient limitées aux seuls chèques émis par l'emprunteur.
Comme nous l'avons déjà mentionné dans notre
mémoire, le chèque prouve une affectation de paiement
contrairement à la simple facture qui peut être plus facilement
contrefaite, tant au niveau de la date, du montant ou de l'indication
"payé". Quant à l'emprunteur, il devrait avoir seul la
responsabilité de conserver et de fournir au besoin toute autre
pièce justificative.
Il nous semble que le législateur a tenté d'alléger
la tâche relative à l'administration des pièces
justificatives en instaurant un constat des pièces justificatives.
Toutefois, il ne nous paraît pas évident que ce constat
déchargera le prêteur de son obligation de conserver ces
pièces. En effet, le représentant de l'office pourra exiger du
prêteur qu'il conserve les pièces susceptibles d'être utiles
pour la protection ou le recouvrement de la créance ou lors d'une
éventuelle réclamation de remboursement d'un prêt produite
en vertu de la Loi sur l'assurance-prêts agricoles et forestiers. Au
surplus, comme nous l'avons mentionné précédemment, nous
percevons cette possibilité de constat prévue à
l'avant-projet de règlement comme une porte d'entrée pour les
représentants de l'Office du crédit agricole du Québec
à venir examiner en tout temps ou lorsqu'ils le jugeront à propos
les dossiers de prêt agricole du prêteur. Ce constat ne doit en
aucun cas donner lieu à une inspection de la part de l'Office du
crédit agricole du Québec, mais doit plutôt, selon nous,
constituer un service offert à l'institution prêteuse lorsqu'elle
juge opportun d'en faire la demande.
Enfin, si l'on veut rendre ce constat efficace et utile, le
prêteur devra être autorisé sur délivrance du constat
à se départir sans délai des pièces justificatives
dont il fait l'objet.
Un autre point dont nous vous avons déjà fait part dans
l'addenda de notre mémoire est l'article de l'avant-projet de loi de
règlement qui interdit au prêteur d'inclure dans son taux de
crédit la prime relative à l'assurance-vie ou à
l'assurance-invalidité. Cet article sera source de problèmes
administratifs pour les institutions prêteuses du Mouvement
Desjardins.
Depuis les modifications, en septembre 1984, aux articles permettant des
règlements d'application de la Loi favorisant l'amélioration des
fermes et de la Loi favorisant le crédit à la production agricole
qui autorisaient le prêteur à exiger de l'emprunteur le
remboursement du montant équivalant à la prime d'assurance, nos
institutions prêteuses ont toujours perçu ces montants à
même les versements périodiques de l'emprunteur. Tous les
emprunteurs du Mouvement Desjardins qui adhèrent à une
assurance-vie ou à une assurance-invalidité sur leurs
prêts, de quelle que nature qu'ils soient, bénéficient de
ce mode de perception. Celui-ci, d'une part, assure l'emprunteur que
l'assurance souscrite ne sera pas annulée à la suite d'un oubli
d'en effectuer le paiement et, d'autre part, libère le prêteur
d'un suivi qu'il devrait autrement exercer. Changer cette façon de
procéder, nous l'avons déjà dit, alourdira
considérablement la gestion de nos prêts et pourra même
entraîner l'annulation des assurances souscrites et la
cessation d'adhésion à ces assurances. Cela ne saurait
être dans l'intérêt d'aucune des parties puisque ce sont
souvent ces assurances qui font foi de la continuité des
activités d'une entreprise agricole dans le cas d'invalidité et
de décès de l'agriculteur.
Enfin, nous sommes également très préoccupés
par la double comptabilisation du prêt qui est imposée au
prêteur lorsqu'un prêt devient en défaut. Cette obligation
entraîne une fois de plus une gestion manuelle du prêt et
empêche le prêteur d'utiliser et de présenter
intégralement l'état de compte, tel que
généré par le système informatique qu'il utilise.
Ainsi, lors d'une réclamation, le prêteur doit reprendre les
calculs effectués en regard du prêt et concevoir un état de
compte dissociant pour des dépenses données la partie
échue de la partie non échue du capital de même que les
intérêts courus sur le capital non échu des
intérêts courus sur les arrérages de capital et
d'intérêt. L'état réel du prêt serait mieux
reflété par les relevés de compte que produit le
prêteur à son emprunteur puisque toutes les opérations
effectuées sont inscrites en détail. Au surplus, cette
procédure s'avérerait conforme à la procédure
usuelle des institutions financières dans ce domaine.
Tous ces propos, M. le Président, tendent à
démontrer que, bien que largement amélioré sous plusieurs
aspects, le régime de financement agricole, tel que proposé,
comporte encore certaines lacunes qui méritent que l'on s'y attarde
davantage afin d'atteindre les objectifs visés dans le cadre de cette
réforme. À cet égard, nous nous permettons de reprendre la
suggestion faite dans le cadre des activités du comité
consultatif sur la refonte du régime de financement agricole de tenir
des rencontres entre représentants de l'Office du crédit agricole
et des institutions financières. Le but de ces rencontres serait
d'analyser l'application de la loi et de son règlement. Il nous
paraît essentiel de réduire au minimum les contraintes
opérationnelles et administratives afin que soit institué un
régime de financement simple d'application, efficace et peu
coûteux.
C'est en effet le souhait que formulait le ministre Pagé lors de
la présentation du projet de loi sur le financement agricole devant
l'Assemblée nationale le 16 juin dernier. Le ministre s'exprimait ainsi:
Ce projet de loi vise une simplification et une plus grande rationalisation de
ce régime tant du point de vue de son fonctionnement que de celui de son
contenu. Nous avons la ferme conviction qu'il est possible d'élaborer
des mécanismes et des règles qui conviendront à tous les
intervenants impliqués dans la gestion d'un dossier de financement
agricole, que ce soient les emprunteurs, le prêteur ou l'organisme
responsable de l'administration de la loi, en l'occurrence l'Office du
crédit agricole.
Le financement agricole au Québec se caractérise par la
jonction de l'expertise du personnel de l'Office du crédit agricole et
de la disponibilité des fonds des institutions financières. Nous
croyons que ces partenaires doivent continuer à rechercher ensemble
certains ajustements dans le but d'assurer un meilleur service à la
clientèle agricole. Notre participation à cette commission est
l'expression de notre volonté à cet égard. Nous tenons
toutefois à souligner que, malgré tout l'intérêt
manifesté par le Mouvement Desjardins à l'égard du domaine
du crédit agricole, l'orientation qui sera donnée au nouveau
régime de financement aura une influence incontestable dans l'avenir sur
la participation et l'implication des institutions prêteuses du mouvement
dans les prêts assujettis à ce régime.
Il nous est évidemment difficile de reprendre dans ce court
exposé tous les éléments contenus dans notre
mémoire et son addenda. Nous espérons cependant que les sujets
sur lesquels nous n'avons pu revenir au cours de cette allocution seront pris
en considération par les personnes concernées. Ces sujets n'en
sont pas moins importants pour nous. À cet effet, nous avons reproduit
en annexe du présent document la liste de certains points qui, pour
nous, nécessitent des précisions additionnelles.
Merci à vous, M. le Président, de même qu'à
tous les membres de cette commission de l'attention que vous nous avez
accordée.
Le Président (M. Richard): Merci, M. Sirois. Mme la
députée de Kamouraska-Témiscouata, vous avez la parole.
(12 h 15)
Mme Dionne: Merci, M. le Président. Tout d'abord,
j'aimerais, au nom de mes collègues et au nom du ministre, vous
remercier, M. Sirois, ainsi que votre équipe, M. Cormier, M. Thomassin,
Mme Fortier, M. Savoie et M. Fortier, d'avoir bien voulu, premièrement,
travailler à la préparation d'un mémoire et d'être
venus le présenter ici en commission parlementaire. Il est certain que
je trouve votre mémoire très intéressant parce que j'ai
déjà travaillé dans le système bancaire,
plutôt que dans celui des caisses populaires, mais il y a effectivement
des points qui se rejoignent. Quand vous parlez de l'aspect technique de la loi
ou de la réglementation qui affecte directement les institutions
financières, je pense que je suis bien placée pour comprendre ce
qui se fait comme travail au jour le jour dans les différentes caisses
populaires du réseau.
Vous parlez, premièrement, d'une rencontre entre les
différents partenaires, que ce soient les institutions
financières, les membres ou les représentants de l'office. Je
pense que tout le monde souhaite une
harmonisation pour que le travail en soit doublement facilité
pour tous les intervenants parce que, dans un sens, on travaille tous pour les
mêmes gens dans ce domaine, c'est-à-dire les agriculteurs. Plus on
pourra passer de temps à les aider, à les conseiller et moins on
passera de temps au niveau technique, plus ce sera bénéfique pour
nos agriculteurs.
D'autre part, quant au constat et aux différents points, pendant
qu'on était en comité - on vous a d'ailleurs rencontrés
ainsi que d'autres intervenants - on avait discuté aussi d'une
possibilité d'informatisation de l'office afin que toute cette
technicité soit réduite au minimum par l'informatique. C'est un
souhait que tout le monde espère voir se concrétiser dans les
prochaines années. Par contre, les coûts en sont très
élevés, mais cela faciliterait effectivement le travail pour tous
et chacun.
Quand vous parlez de l'association entre les différents
partenaires dans un dossier agricole, je pense qu'on peut dire en toute
franchise que, dans le passé, le représentant de l'office qui
était sur le terrain faisait son travail très consciencieusement
mais, bien souvent, de façon très individuelle. D'autre part, on
avait les prêteurs autorisés, caisses populaires ou banques, qui
avaient la possibilité de rencontrer l'agriculteur une fois par semaine,
et même deux ou trois fois s'il avait des problèmes. Donc, il y
avait effectivement une lacune entre le prêteur à long terme, qui
était l'office, et les relations avec les institutions
financières, et je dirais même dans certains cas avec les
agronomes du milieu ou le syndicat de gestion qui sont tous des intervenants
afin d'appuyer l'agriculteur dans son travail, surtout au niveau financier.
Le voeu de la réforme est de créer des liens. Je sais
qu'il y a des humains partout sur le territoire, mais je pense qu'une des
premières étapes est de s'assurer qu'il y a un lien entre les
différents partenaires du milieu. Je pense que, d'un côté,
vous ou vos directeurs de caisses populaires serez à même de voir
la différence sur le terrain et, d'un autre côté, je pense
que les députés seront très sensibles au rapprochement qui
pourra se faire et qui devra se faire pour l'avenir de l'agriculture.
Pour le moment, je n'aurais pas d'autres commentaires à faire. Je
vais laisser la parole au député de Laviolette et je reviendrai
tout à l'heure.
Le Président (M. Richard): M. le porte-parole de
l'Opposition.
M. Jolivet: Merci, M. le Président. Bienvenue et merci de
participer à cette commission parlementaire. Je commencerais par la fin
de l'intervention de Mme la députée lorsqu'elle disait que le but
de la réforme... J'ai toujours compris que c'était une refonte et
non une réforme, et je continue à penser que c'est une refonte.
Dans ce contexte-là, si on dit que la refonte a pour but de créer
des liens, je me pose des questions au sujet de la page 14 de votre document et
j'aimerais avoir plus de détails. Vous dites: "Au surplus, comme nous
l'avons mentionné précédemment, nous percevons cette
possibilité de constat prévu à l'avant-projet de
règlement comme une porte d'entrée pour les représentants
de l'Office du crédit agricole à venir examiner en tout temps ou
lorsqu'ils le jugeront à propos les dossiers de prêts agricoles du
prêteur." Je ne voudrais pas que les liens deviennent tellement forts
que, finalement, ils vous enserrent le cou. C'est un peu ce que je voudrais
savoir par rapport à ce qui se passe actuellement dans l'ensemble des
prêts et ce que vous percevez de la lecture que vous avez faite de
l'avant-projet de règlement. Quelles sont vos craintes? Vous semblez
exprimer des craintes en disant: D'accord, on peut avoir des contacts suivis,
mais de là à venir nous inspecter, il y a un problème.
Est-ce que c'est ainsi que je le comprends? J'aimerais avoir des
détails.
M. Sirois: D'accord. Notre crainte vient de l'article Al,
lorsqu'on dit qu'un constat de pièces justificatives est fait par un
représentant de l'office et que le prêteur peut se départir
dans les six mois des pièces justificatives, etc. Comme on le dit dans
notre mémoire, cela laisse la porte ouverte à des inspections,
soit sur place, soit autrement. On n'a pas d'indication de quand ni comment ces
constats de vérification pourraient être faits. Au fond, c'est une
interrogation qu'on pose. On se positionne absolument contre une telle
pratique. Déjà, le Mouvement Desjardins, comme toute institution
financière, a des mécanismes qui prévoient des
méthodes de vérification dans les déboursés des
prêts ou dans toutes ses opérations. Que l'on pense simplement
à ses propres vérificateurs, que l'on pense aussi aux
vérificateurs du gouvernement, du ministère des Finances qui ont
autorité pour nous vérifier. On considère qu'en ce qui
concerne la vérification interne, sur place, dans une caisse populaire,
on est déjà suffisamment réglementés, on ne
voudrait pas voir ce processus alourdi.
Par contre, lorsque l'on parle de véritables partenaires, on se
réfère au fait que, dans le projet de loi, le rôle
laissé à l'institution financière est, à notre
avis, davantage passif qu'actif. On croit qu'on pourrait, comme institution
financière, participer davantage aux éléments qui ont
trait à ce projet de loi. On pourrait donner des exemples.
Auparavant, nous avions une certaine autonomie comme institution
financière pour accorder des prêts sans
certificat. Maintenant, cela nous est enlevé. Alors, on croit que
cela va alourdir le processus, autant pour l'agriculteur que pour l'institution
financière qui ne pourra plus participer, qui ne pourra plus exercer
aucun jugement; tout lui serait dicté et elle n'aurait qu'un rôle
d'exécutante.
M. Jolivet: C'étaient deux de mes questions et vous y avez
répondu indirectement par vos propos. Vous disiez que cela limitait son
rôle de prêteur à celui de bailleur de fonds et que vous
étiez déçus de cela.
Deuxièmement, je vais y revenir davantage. À la page 4 de
votre mémoire, vous faites mention des prêts. Vous dites:
"Voilà un premier exemple de perte d'autonomie pour le prêteur.
Les lois existantes lui permettent de consentir un prêt sans autorisation
de l'office, jusqu'à concurrence de 50 000 $ pour un prêt
régi par la Loi favorisant l'amélioration des fermes et
jusqu'à concurrence de 25 000 $ dans les cas de prêts régis
par la Loi favorisant les crédits à la production agricole." Vous
constatez qu'à partir de ce moment-là, comme nous l'avions vu
d'ailleurs, cette marge de manoeuvre est complètement disparue, que cela
aura pour effet - si je comprends - d'alourdir l'ensemble du processus, et que,
dans le cas où quelqu'un aurait besoin d'un prêt rapidement pour
sauvegarder l'ensemble de ses prêts déjà consentis, vous
perdez cette autonomie et vous risquez, par l'alourdissement, de le mettre en
faillite sans avoir la chance d'intervenir ou, du moins, de mettre des
conditions telles que, finalement, cela change la marge de rentabilité
de sa ferme.
M. Sirois: En. fait, on ne va pas aussi loin que de dire que cela
pourrait le mettre en faillite. On s'attarde surtout au fait que,
déjà, dans l'ancienne réglementation, la participation du
prêteur était reconnue en termes d'expertise - dans une certaine
proportion, du moins - pour l'exemple des 50 000 $ de la Loi favorisant
l'amélioration des fermes. Dans ce qui est présenté, cette
mince latitude qu'a le prêteur lui est retirée, à toutes
fins utiles. On a aussi d'autres exemples de cela. Quant à la
participation active comme partenaire dans l'administration et dans la gestion
du crédit agricole, on perçoit que l'institution
financière est maintenant une exécutante, tout simplement. On se
dit que, du fait que nous sommes près de nos agriculteurs, du fait que
nous sommes très décentralisés dans chacune de nos
régions et dans chacune des localités, que l'on connaît
bien le domaine de l'agriculture - aussi, plusieurs des dirigeants de nos
caisses populaires sont des agriculteurs - on croit qu'on peut avoir une
participation davantage active. Il y a l'exemple que vous mentionniez tout
à l'heure. Il y a aussi tous les mécanismes de libre concurrence
- on parle du taux d'intérêt ou autre - qui sont enlevés.
Il y a tous les mécanismes de suivi du prêt qui imposent des
pratiques qui ne sont pas nécessairement en relation avec les pratiques
généralement reconnues par les institutions financières.
En fait, on n'a pas non plus accès à certaines informations, par
exemple, sur les évaluations de garanties, etc. On a un rôle
très passif et certains points du projet de loi viennent renforcer cet
élément.
M. Jolivet: En fait, il faut concevoir que, lorsqu'il est dans le
projet de loi, c'est clair, on peut, avec les amendements qui peuvent
être apportés, s'assurer de l'ensemble, mais, quand c'est à
l'intérieur des règlements, le problème que l'on a, c'est
que la procédure pour adopter les règlements est
différente de telle sorte que même les députés de
l'Assemblée nationale, et on en est conscients, n'ont pas le temps de
voir l'ensemble des règlements qui sont décidés par le
Conseil des ministres en prépublication, en publication officielle, de
telle sorte qu'ils entrent en vigueur. C'est après coup qu'on
s'aperçoit que le règlement vient amoindrir la portée de
la loi. Si je comprends bien, c'est dans ce sens que vous avez certaines
craintes.
M. Sirois: En fait, les craintes viennent surtout de la lecture
qu'on fait actuellement de ce qui nous est proposé comme
règlement où on dénote un des éléments que
je vous mentionnais tout à l'heure, la procédure de
révision de ces règlements par rapport à la loi. On ne s'y
est pas attardé en tant que tel, on a pris ce qui nous était
proposé.
M. Jolivet: Concernant les garanties de premier rang
exigées par l'office pour l'octroi d'un prêt, vous manifestez un
certain nombre de réserves à ce sujet. Est-ce que vous pourriez
préciser davantage votre position sur l'exigence des garanties de
premier rang?
M. Sirois: Ce qu'on mentionne, dans le fond, c'est qu'il peut
arriver des occasions où un prêteur soit en premier rang et qu'il
y ait suffisamment de garanties pour un prêteur en deuxième rang
sans que cela ne mette aucunement en danger la créance en tant que
telle.
D'autre part, si la pratique est d'exiger dans la plupart des cas un
premier rang, cela enlève au prêteur la possibilité,
à toutes fins utiles, de pouvoir consentir des prêts de type
conventionnel à l'agriculteur. On dit aussi que le fait que nous soyons
limités dans la possibilité d'octroyer un prêt
conventionnel à l'agriculteur vient à l'encontre de certains
besoins qui peuvent se présenter chez
l'agriculteur à qui on pourrait consentir un prêt. Par
contre, les garanties étant, à toutes fins utiles,
grevées, sous forme de premier rang plus particulièrement, cela
enlève certainement la possibilité d'intervention directe de
l'institution financière vis-à-vis de son agriculteur. Ce sont
les principales réserves qu'on émet à ce sujet.
M. Jolivet: Vous avez entendu, puisque vous étiez
présent, la discussion qu'on a eue sur le nantissement des quotas comme
garantie. Quelle est votre position là-dessus dans le contexte où
l'Union des producteurs agricoles dit: Pour nous, "no way", on ne veut rien
savoir de cela? D'un autre côté, les banques disent: Si on
prête sur cela, il faut avoir les garanties en conséquence, et le
groupe des caisses d'établissement est venu dire: Oui, mais
à certaines conditions. Quelle est votre position?
M. Sirois: Pour nous, les quotas, compte tenu de l'importance
qu'ils ont dans tout le processus de l'agriculture comme tel, sont partie
intégrante de l'exploitation et prennent une partie de plus en plus
importante ou très importante dans la valeur d'une exploitation.
À ce titre, on privilégie certainement le fait que ces quotas
puissent être pris en garantie. (12 h 30)
Cependant, au même titre que nos prédécesseurs ici,
nous serions d'accord sur le fait qu'il y ait certaines réglementations,
certains encadrements à ce sujet. Par exemple, à titre de
suggestion, on pourrait envisager que ces quotas, dans le cas où il y a
réalisation de garantie, soient véritablement un dernier recours
ou la dernière réalisation possible, parce qu'il y a
réalisation des biens. Cela pourrait, à notre point de vue,
protéger les différentes parties à ce sujet.
M. Jolivet: Est-ce que cela aurait pour effet d'arrêter
l'augmentation phénoménale du coût des quotas ou si, dans
votre esprit, cela aurait pour effet de le stabiliser, de le diminuer? Quelle
est votre opinion?
M. Sirois: II nous semble évident que le fait de mettre en
marché - entre guillemets - dans certaines circonstances les quotas peut
faire que la juste valeur de ces quotas soit évaluée... À
partir du moment où ils sont sur le marché, ils pourraient
être augmentés ou avoir une autre valeur. Il peut y avoir, selon
nous, un effet sur le prix en tant que tel. Cependant, il nous apparaît
qu'à partir du moment où la formule des quotas a
été mise en pratique, le prix était fonction d'une
certaine évaluation du marché et le fait de permettre de le
prendre en garantie aurait éventuellement un effet sur le prix.
Cependant, nous ne croyons pas que ce soit un effet majeur.
M. Jolivet: Vous savez que le quota, en fait, c'est le droit de
produire pour l'individu. Dans ce contexte, est-ce qu'il n'y a pas un danger de
lui enlever toute possibilité... Même si vous le mettez en dernier
rang comme étant une des obligations prévues par
règlement, est-ce que vous ne croyez pas que cela pourrait avoir des
effets négatifs?
M. Sirois: Nous avons examiné l'aspect des quotas surtout
en fonction de l'importance relative de ces quotas sur la valeur comme telle de
l'exploitation. Dans ces termes, nous voyons beaucoup d'avantages au fait
qu'ils puissent être en garantie, ne serait-ce que l'accès de
certaines productions à des possibilités de crédit et ne
serait-ce que le fait que de plus petites exploitations, en ayant recours
à des possibilités de crédit, puissent aussi avoir
accès à l'acquisition de quotas. Le fait aussi que, ne pouvant
pas les prendre en garantie lorsqu'on a des demandes d'emprunt, l'office doit
se garantir de quelque autre façon; à ce moment-là, on a
tendance à aller chercher des garanties sur d'autres biens. De sorte que
les possibilités d'emprunt ou les possibilités d'expansion de
l'agriculteur peuvent être, à long terme, réduites de ce
fait, du fait qu'une partie importante de la valeur de son entreprise soit des
quotas et qu'on ne puisse pas les prendre en garantie. Cela a aussi des effets
à partir du moment où ce sont les autres biens qui sont
grevés; la possibilité pour les prêteurs de faire du
prêt conventionnel est encore amoindrie de ce fait-là.
M. Jolivet: Vous émettez certaines réserves,
à la page 16; vous avez, en fait, des doutes en regard de
l'applicabilité, comme vous le dites, de la planification quinquennale
des opérations financières. Il y a eu, de la part du ministre,
une réponse qui a été donnée à l'Association
des banquiers, qui enlevait une certaine forme de réticence à
leur position. On parlait de plan quinquennal au niveau du prêt et de la
gestion. Il faisait une différence entre les deux; dans un cas, il
disait oui pour la gestion, mais non pour le plan quinquennal des prêts.
Votre position semble être de dire qu'il y a un doute quant à
l'applicabilité de cela. J'aimerais que vous nous donniez plus de
renseignements.
M. Thomassin (Jean-Pierre): Je pense qu'il faut faire une
distinction entre une planification stratégique d'entreprise et une
planification financière. On . comprend très bien le voeu de
l'office et de tous les prêteurs devant un emprunteur qui nous propose
une planification stratégique, mais,
de là à dire que, dans sa planification
stratégique, il est capable d'anticiper pour les cinq prochaines
années, par exemple, tel déboursement en capital ou tel achat
d'investissement ou tel agrandissement, c'est là qu'on émet
certains doutes. On dit oui pour la planification stratégique; il est
important de savoir où vont nos agriculteurs. Quant à la
planification financière, on aimerait qu'elle soit limitée
à un an, selon les pratiques financières courantes, et
révisables, évidemment, annuellement, en fonction de la
planification stratégique qui, elle, peut être à plus long
terme. Il faut vraiment faire la distinction entre les deux. C'est là
où on émettait certains doutes en ce sens d'essayer de relier une
planification financière à un plan stratégique qui est
beaucoup plus global, qui a une portée à beaucoup plus long
terme.
M. Jolivet: Vos restrictions ne sont pas au même titre que
celles des banques en ce qui a trait au plan quinquennal des prêts. Le
ministre avait donné une réponse en leur disant qu'il pouvait y
avoir une transférabilité parce qu'il avait une crainte en disant
que s'ils sont pris dans un système ils ne peuvent pas changer. Donc,
ils sont dans une institution financière, ils ne peuvent pas changer,
alors qu'il y a une liberté d'accordée, d'après les
renseignements qu'on nous a donnés hier. Vous n'avez pas suivi cette
discussion hier? D'accord. Les banquiers disaient être en
désaccord avec un plan quinquennal des prêts parce qu'ils avaient
l'impression que la personne était prise dans un carcan et qu'elle ne
pouvait pas changer d'institution financière. Ce que le ministre a dit
est: Oui, il y a une transférabilité possible. En
conséquence, leur réticence a diminué. C'est pour cela que
je vous posais cette question, à savoir si c'était dans ce sens
votre problème. La réponse que vous me donnez, vous dites que
c'est à un autre niveau.
M. Sirois: C'est effectivement vu d'une autre façon. Ce
qui nous faisait peut-être voir cela d'une autre façon, c'est
qu'il y avait quand même dans la réglementation la
possibilité de subrogation qui permettait le transfert d'une institution
à l'autre. Alors, cela ne nous paraissait pas une problématique
à ce niveau.
M. Jolivet: D'accord. Vous semblez réticents au
caractère restrictif des règlements d'application au sujet des
fins d'utilisation d'un prêt. Est-ce que vous pourriez nous dire quels
sont les problèmes qui peuvent être créés par une
liste trop restrictive des fins pour lesquelles un prêt peut être
utilisé?
M. Sirois: M. Cormier? Jean-Denis?
Une voix: À quel endroit?
M. Jolivet: D'accord. Vous voulez que je répète?
Vous semblez réticents au caractère restrictif des
règlements d'application pour les fins d'utilisation d'un prêt.
Vous dites que la liste des fins pour lesquelles un prêt peut être
utilisé est trop restrictive.
M. Savoie (Jean-Denis): On a dit que la liste était trop
restrictive?
M. Jolivet: Oui.
M. Savoie: Est-ce que vous pouvez me dire à quel
endroit?
M. Jolivet: ...
M. Savoie: On a dit que les fins du prêt étaient
plus larges dans la loi et les règlements, qu'on donnait beaucoup plus
de largesse. Alors, on ne voulait pas que les règlements viennent
restreindre.
M. Jolivet: D'accord. Vous ne voulez pas que les
règlements viennent... C'est dans ce sens.
M. Savoie: Lorsqu'on a étudié le projet de loi, on
n'avait pas les règlements. On disait qu'on ne voulait pas que les
règlements viennent trop restreindre. Les règlements ne semblent
pas restreindre. Il va rester les interprétations que l'office peut
donner aux règlements.
M. Jolivet: D'accord. C'est à cette partie que vous dites
avoir des craintes. Donc, vous dites: Cela élargit, mais, cependant,
vous avez crainte que les règlements soient restrictifs.
M. Savoie: Lorsqu'on a étudié le projet de loi,
nous n'avions pas les règlements.
M. Jolivet: D'accord.
M. Savoie: À ce moment, on a dit: On ne voudrait pas que
les règlements viennent restreindre la portée de la loi. Il
reste, après les règlements - et les règlements ne sont
pas tellement restrictifs - donc, il va rester les interprétations que
l'office pourrait donner à certains règlements. En ce sens, on
aimerait bien que l'office divulgue les bulletins d'interprétation
officiellement à tous les prêteurs. Ce serait peut-être une
bonne façon de communiquer et de faire un véritable
partnership.
M. Jolivet: D'accord. Normalement, un règlement ne doit
pas venir à l'encontre de la loi. Ce que vous craignez, c'est qu'il
restreigne. Vous serez satisfaits lorsque vous
allez voir l'interprétation des règlements que donnera
l'office. D'accord, cela va pour le moment, M. le Président.
Le Président (M. Richard): Merci. Vous voulez la parole,
M. le ministre? Vous avez des commentaires ou des questions?
M. Pagé: Oui, M. le Président. Je voudrais
remercier mes amis du Mouvement Desjardins. On sait que le Mouvement Desjardins
est très impliqué dans le financement agricole; près de 50
% des prêts le sont par le mouvement.
Vous vous référez à plusieurs points techniques qui
sont portés à la connaissance de la commission. Vous demandez,
entre autres, que soient assouplis les échanges, les normes, les
papiers, les approbations, les certifications, etc. entre l'office, le
prêteur et celui qui garantit. Je peux vous donner l'assurance que
l'ensemble des commentaires que vous formulez et les recommandations,
précisions ou modifications que vous voulez voir apporter vont
être très sérieusement étudiés. Nous n'avons
aucun intérêt à ce que le système soit lourd. On
sait qu'il l'est déjà. Je me suis référé
hier à l'obligation que nous avions de tout faire pour diminuer les
délais entre le moment où une requête est
déposée auprès d'un de nos économistes, un de nos
représentants, et le moment où le prêt est octroyé,
tout comme j'ai indiqué qu'on devait simplifier au maximum la
procédure. Soyez persuadés que, sur des questions comme le
constat sur lequel vous discutiez au moment où je suis arrivé, il
y aura très certainement possibilité dans la
réglementation de prévoir une façon de faire pour que
toute cette accumulation de paperasse, de documents puisse être
corrigée.
Vous aviez aussi des inquiétudes en ce qui concerne, notamment...
Cela m'a bien surpris quand j'ai lu cela. Vous dites que vous perdiez
l'autonomie, vous déploriez une perte d'autonomie pour le prêteur
de ne pas pouvoir maintenir le principe de consentir des prêts pour un
montant minimum sans autorisation de l'office. Cette marge de manoeuvre qui
allait jusqu'à 50 000 $ et à 25 000 $ pour une ouverture de
crédit devrait être maintenue, sinon augmentée en
proportion de l'accroissement des prêts. Tel que mon collègue de
Laviolette le disait en faisant référence à mes propos
hier, je peux vous donner l'assurance que l'intention qui nous anime dans la
rédaction du projet de loi, cette réforme, n'est pas d'enlever
l'autonomie aux institutions financières, et nous prendrons tous les
moyens pour nous en assurer.
On veut véritablement - je voudrais vous dire cela ce matin -
créer une relation beaucoup plus étroite entre le prêteur
et l'office. Vous êtes vous aussi sur la ligne de feu. Nos agriculteurs
et agricultrices vivent dans des communautés locales, dans des petites
municipalités où ils sont en contact constant avec leurs
institutions financières, notamment, avec le Mouvement Desjardins.
Notre relation est jeune en ce que la loi tandem a été
adoptée en 1978, il aura fallu quelques années d'adaptation. Par
la suite est venue la période très difficile qu'on a
traversée en 1981-1982. Par surcroît, il faut convenir que
l'ensemble de nos régimes était administré par huit lois,
alors qu'à l'avenir nous en aurons une seule qu'on veut moins
laborieuse, moins compliquée, plus facile à comprendre et
à travailler. On a eu des échanges intéressants avec
différents groupes de professionnels; on a rencontré les
notaires, on rencontrera les comptables agréés cet
après-midi.
En terminant, je veux vous remercier très sincèrement pour
votre témoignage de ce matin. Je veux aussi m'excuser, j'ai dû
quitter pour le Conseil des ministres. Cependant, je peux vous assurer que
votre mémoire a été bien pris en considération;
d'ailleurs, ma collègue, Mme la députée de
Kamouraska-Témiscouata, a dû intervenir. On repart avec cela. On
ne veut pas que la commission soit strictement une question d'image ou de
pseudo-consultation, on veut vraiment venir cueillir les renseignements, la
perception et les recommandations de ceux et celles qui articulent ces lois
quotidiennement dans leur travail. On repart avec tout cela et très
certainement que vous verrez des modifications dans la loi ou dans la
réglementation où vous vous retrouvez, dans le sens qu'on aura
donné suite à vos recommdations; de cela, je peux vous donner
l'assurance. Merci.
M. Sirois: Merci beaucoup.
Le Président (M. Richard): Merci beaucoup, madame,
messieurs, et sur ce, nous suspendons les travaux jusqu'à 15 heures. Bon
appétit!
(Suspension de la séance à 12 h 44)
(Reprise à 15 h 12)
Le Président (M. Richard): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Même si nous ouvrons la séance pour la période
d'après-midi, de 15 heures à 16 heures, j'aimerais souligner la
présence des étudiantes et étudiants du programme de
maîtrise en administration des affaires de l'Université Laval qui
entreprennent présentement une étude de notre système
parlementaire québécois.
Je fais un court résumé de ce qui se passe ici cet
après-midi, ou de ce qui va se passer. C'est la deuxième
journée que nous
étudions un projet de loi, le projet de loi 46, Loi sur le
financement agricole. Ce sont des auditions. Nous recevons des groupes, des
intervenants qui viennent expliquer aux représentants du gouvernement,
autant la partie ministérielle que les porte-parole de l'Opposition en
matière agricole, pendant une heure... Le prochain groupe, d'ailleurs,
qui se présentera est l'Ordre des comptables agréés du
Québec qui aura environ 20 minutes pour présenter un
exposé et, par la suite, les membres de la commission, à leur bon
loisir, vont poser des questions à ces représentants de l'Ordre
des comptables agréés du Québec. C'est une façon
pour le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du
Québec, M. Pagé, de voir s'il n'y aurait pas lieu de faire
certaines modifications au projet de loi 46, Loi sur le financement agricole.
Sur ce, je vous souhaite la bienvenue au nom des membres de la commission.
M. Jolivet: M. le Président, vous dites bien qu'ils
viennent voir comment fonctionnent les commissions parlementaires et non pas
les parlementaires eux-mêmes.
Le Président (M. Richard): Ha! Ha! Ha! Je demanderais
donc, s'il vous plaît, aux représentants de l'Ordre des comptables
agréés du Québec de se présenter.
Je demanderais au porte-parole de se présenter et, ensuite, de
présenter ses collègues.
Ordre des comptables agréés du
Québec
M. Chevalier (Gilles): Avec plaisir, M. le Président. Mon
nom est Gilles Chevalier, président de l'Ordre des comptables
agréés du Québec. J'ai avec moi cet après-midi,
à ma gauche, Mme Christine Montamat, CA., qui a été
secrétaire du comité spécial qui a préparé
le mémoire que nous vous présentons cet après-midi.
À sa droite, M. Roger Germain, FCA, qui a plusieurs années
d'expérience dans le domaine de la fiscalité; à ma gauche
immédiate, M. Bernard Malo, qui a été président du
comité spécial sur la refonte du régime de financement
agricole et, à ma droite, M. Jacques Roy, directeur administratif
adjoint de l'Ordre des comptables agréés.
Le Président (M. Richard): Je vous cède donc la
parole. Vous comprenez la mécanique où vous avez 20 minutes au
maximum. Vous avez le droit d'être à l'intérieur de votre
temps. Si c'est à l'extérieur, j'essaierai peut-être de
vous activer. Je vous cède immédiatement la parole, M.
Chevalier.
M. Chevalier: II n'y a pas de problème, M. le
Président. On comprend très bien le processus. L'Ordre des
comptables agréés du Quebec souhaite en premier lieu adresser ses
remerciements à M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et
de l'Alimentation ainsi qu'à M. le président et mesdames et
messieurs de la commission de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation pour lui avoir donné l'occasion d'exprimer son point de
vue sur le projet de loi 46, Loi sur le financement agricole, et sur
l'avant-projet de Règlement d'application de la Loi sur le financement
agricole.
C'est, en effet, ainsi qu'il le soulignait dans le mémoire qu'il
soumettait à la commission en août 1987, avec un vif
intérêt que l'ordre a noté le dépôt de ce
projet de loi puisque celui-ci concrétise la refonte du régime de
financement agricole annoncée en octobre 1986.
L'expérience des différents aspects du financement et de
la fiscalité du secteur de l'agriculture possédée à
plusieurs titres par un grand nombre des quelque 12 000 comptables
agréés avait déjà amené l'ordre à
formuler ses constatations et ses suggestions sur ce sujet.
Dans son mémoire, l'ordre recommandait que deux objectifs
président à la refonte du régime de financement agricole:
moderniser le système actuel et surtout remédier à la
précarité de la situation financière des entreprises
agricoles. Dans cette optique, un éventail de mesures, à la fois
d'ordre financier et fiscal, étaient suggérées. En effet,
ces deux volets, ainsi qu'on le constate tous les jours dans les entreprises,
quelle que soit leur taille, sont souvent indissociables. C'est pourquoi
l'ordre profite de l'occasion qui lui est offerte pour exprimer l'espoir que la
fiscalité des entreprises agricoles soit bientôt
révisée.
Sur le plan financier, l'ordre recommandait que le régime de
financement agricole soit simplifié et cette recommandation paraît
avoir été entendue. Il souhaitait également une
modernisation du régime afin de lui permettre de mieux répondre
aux réalités fiscales, économiques et juridiques
contemporaines et de permettre aux agriculteurs de procéder, au
même titre que tous les autres propriétaires d'entreprises, dans
quelque secteur que ce soit, à une meilleure planification
financière, fiscale et successorale. L'expérience montre, en
effet, que ce n'est qu'à cette condition que l'on peut espérer
assister à une amélioration de la gestion et de la situation
financière des entreprises.
C'est donc avec satisfaction que l'ordre a constaté que
l'objectif du projet de loi 46 tel qu'énoncé dans l'article 1
était de favoriser le développement de l'agriculture et
d'encourager l'établissement de jeunes agriculteurs aux fins d'assurer
une relève adéquate pour l'exploitation des entreprises
agricoles. Toutefois, une lecture attentive
tant du projet de loi que de l'avant-projet du règlement
d'application laisse croire que certaines mesures envisagées pourraient
aller à rencontre de ces objectifs et incite l'ordre a suggérer
d'y apporter certaines modifications.
Pour ce qui est de ces modifications, je demanderais à mon
collègue de gauche, M. Bernard Malo, d'y aller plus dans les
détails, M. le Président.
M. Malo (Bernard): Merci. Suppression des entraves à une
planification fiscale et successorale. Certaines des conditions S
l'accès au financement énoncées dans le règlement
de même que certaines restrictions qui y sont fixées ont pour
effet d'entraver tout effort de planification fiscale ou successorale des
exploitants agricoles. Elles devraient donc être assouplies car en
pénalisant fiscalement et financièrement aussi bien l'agriculteur
qui souhaite se retirer que le jeune agriculteur qui démarre son
exploitation, ces limites risquent de nuire au passage des exploitations
agricoles à la relève.
Certaines restrictions imposées aux fins de reconnaître
à une entreprise agricole constituée en compagnie le statut de
corporation d'exploitation agricole admissible au financement octroyé
par l'Office du crédit agricole devraient être supprimées.
En effet, les limites fixées au nombre et à la valeur des actions
que peut détenir une personne dont l'agriculture n'est pas
l'activité principale, par exemple, une personne à la retraite,
n'incitent guère un agriculteur qui se retire à laisser dans
l'entreprise du capital en vue de faciliter la relève. Ces restrictions
obligent les parents qui se retirent soit à faire un don à leurs
enfants ou à laisser un solde de prix de vente dans l'entrepise, ce qui
a pour effet de les pénaliser fiscalement. En fin de compte, elles
semblent contradictoires avec l'objectif fixé au projet de loi, surtout
lorsque l'on considère que l'office est prêt à garantir un
solde de prix de vente laissé dans une entreprise agricole.
Les pourcentages limites fixés devraient donc être
supprimés de façon à permettre à des parents qui se
retirent de détenir des actions privilégiées sans droit de
vote, mais donnant droit à des dividendes. Cette structure
éviterait de les pénaliser tout en assurant une meilleure
capitalisation de l'entreprise et en protégeant les droits des
actionnaires exploitants agricoles.
De même, les limites fixées aux fins de reconnaître
une société en tant que société d'exploitation
agricole devraient être assouplies. Le pourcentage de 60 % des
intérêts de la société que doivent au moins
détenir les exploitants agricoles devrait être supprimé de
façon à permettre une structure dans laquelle des parents
retraités pourraient détenir une part prépondérante
du capital, mais verraient leurs droits à gérer l'entreprise et
à participer à ses profits limités par contrat.
Pour les mêmes raisons que celles mentionnées
précédemment, la limite de 20 % fixée à
l'alinéa 3e b i) de l'article 65 ne devrait concerner que les actions
votantes et celle fixée à 3e b ii) devrait concerner le
pourcentage de participation détenue dans la société et
non le pourcentage de valeur détenue.
Suppression des entraves à l'incorporation des entreprises
à l'usage des compagnies de gestion. Par ailleurs, certaines mesures ont
pour effet d'interdire aux exploitants agricoles l'usage d'outils financiers et
administratifs actuels tels que les compagnies de gestion et d'entraver
l'incorporation des entreprises agricoles.
L'obligation faite à l'article 65 du règlement à
une corporation agricole de compter parmi ses actionnaires au moins une
personne physique aux fins d'être admissible à une subvention pour
l'établissement des jeunes agriculteurs devrait être
supprimée. Cette obligation élimine en effet une structure dans
laquelle des agriculteurs détiendraient une corporation agricole par le
biais d'une compagnie de gestion dont ils seraient actionnaires. Ce type de
structure est de plus en plus utilisé actuellement dans le monde des
affaires, quelle que soit la taille des entreprises, en raison des avantages
qu'elle présente a la fois sur les plans financier, fiscal et
successoral.
Dans la définition d'une corporation d'exploitation agricole,
l'obligation faite à toute compagnie actionnaire de détenir
uniquement des actions sans droit de vote devrait être supprimée.
En effet, selon la législation fiscale actuelle, ce n'est qu'à la
condition que la compagnie de gestion détienne au moins 10 % des actions
ayant droit de vote que l'on pourra bénéficier d'une exemption
fiscale sur les dividendes intercompagnies.
La loi et le règlement d'application devraient permettre de
façon claire à un exploitant agricole d'obtenir du financement de
l'office en vue d'acheter des actions d'une corporation agricole. Dans le
projet de loi et l'avant-projet de règlement, il existe une
ambiguïté à ce niveau qui constitue une entrave à
l'usage du véhicule corporatif. En effet, cette possibilité n'est
pas prévue dans la loi et n'est accordée qu'exceptionnellement
à l'article 45 du règlement.
En plus des modifications mentionnées ci-dessus, certaines
dispositions appellent des commentaires plus particuliers. La notion
d'"entreprise de type familial" devrait être définie dans les
règlements. En effet, ce terme est sujet à confusion et laisse
une large discrétion aux personnes chargées d'appliquer la
loi.
L'expression "frais monétaires" qui est utilisée à
différentes reprises à l'article 1 de l'avant-projet du
règlement devrait également être définie. On devrait
notamment préciser quels types de charges sont inclus dans les frais
monétaires et si ceux-ci sont établis sur une base d'exercice ou
de caisse.
L'article 23 de la loi et l'article 45 du règlement semblent
laisser une très vaste latitude à l'office quant à
l'objectif des prêts qu'il subventionne dans le cadre de son programme de
contribution au paiement de l'intérêt. Ce point mériterait
d'être précisé.
Dans les articles 19 à 27 du règlement on devrait, en plus
des taux d'intérêt flottants, prévoir l'utilisation de taux
d'intérêt fixes aux fins du calcul de la contribution de l'office
au paiement de l'intérêt. En effet, l'utilisation de taux
flottants risque de créer des problèmes de planification
d'encaisse pour l'emprunteur et de le pénaliser à long terme.
À l'article 77 du règlement, la possibilité
d'utiliser une comptabilité de caisse devrait être
éliminée. En effet, selon les principes comptables
généralement reconnus, seule la comptabilité d'exercice
permet de donner une image adéquate de la situation financière
d'une entreprise. Ceci a d'ailleurs été confirmé par une
monographie sur la comptabilité et l'information financière des
producteurs agricoles récemment émise par l'Institut canadien des
comptables agréés.
J'aimerais faire un retour sur le mémoire déposé
cet été où nous mentionnions que notre principal objectif,
le principal objectif visé, était d'accroître la proportion
des capitaux propres dans le financement des entreprises et, à ce titre,
j'aimerais revoir certaines recommandations particulières.
On disait comme prémisses que des mesures énergiques
devraient être mises en place dans le but de remédier à la
précarité de la situation financière des entreprises
exploitant l'agriculture et de leur permettre leur viabilité. Pour
être efficaces, ces mesures devraient être à la fois d'ordre
fiscal et financier.
J'aimerais attirer votre attention sur le septième point:
L'intervention de l'État dans le domaine du financement agricole devrait
être orientée vers l'augmentation de la proportion des capitaux
propres dans le financement des entreprises agricoles.
La fiscalité relative aux entreprises agricoles devrait
être révisée pour réduire leur charge fiscale par la
réduction des taux d'imposition s'appliquant aux entreprises non
incorporées et l'abolition totale de la taxe sur le capital
imposée aux compagnies.
Tous les facteurs de production agricole, y compris les fonds de terre
et les quotas de production, devraient être considérés
comme des biens amortissables aux fins du calcul de l'impôt sur le
revenu,
Les règles fiscales devraient permettre à l'agriculteur
qui vend son entreprise de ne payer les impôts qui en résultent
qu'au moment où il encaisse le produit de la vente afin de l'encourager
à financer lui-même l'entreprise vendue.
Les entreprises agricoles devraient être considérées
comme des corporations admissibles aux fins de la Loi sur les
sociétés de placement dans l'entreprise québécoise,
mieux connues sous le nom de SPEQ. Un programme favorisant la retraite des
agriculteurs devrait être créé.
L'Ordre des comptables agréés du Québec est
conscient que l'objectif de permettre aux entreprises agricoles d'atteindre une
autonomie financière suffisante pour assurer leur viabilité ne
saurait être atteint qu'à long terme. Cependant, c'est dès
maintenant que doivent être mises en place les mesures destinées
à augmenter la proportion des capitaux propres dans le financement des
entreprises agricoles. Pour être efficaces, ces mesures doivent
être à la fois d'ordre financier et fiscal, leur
élaboration et leur application vont donc sans doute exiger d'importants
efforts de concertation à tous les paliers car elles doivent s'inscrire
dans une perspective économique globale. Il faut aussi garder à
l'esprit que dans un proche avenir - et l'avenir est arrivé - les
entreprises agricoles québécoises se trouveront peut-être
en concurrence avec les entreprises américaines dans le cadre d'un
accord de libre-échange. Je passe la parole au président pour la
conclusion.
M. Chevalier: M. le Président, l'Ordre des comptables
agréés, toujours soucieux du rôle social qu'il doit jouer
dans notre communauté québécoise, a cru pertinent de vous
soumettre un mémoire. En conclusion, il souhaite que les modifications
suggérées au projet de loi 46 et à l'avant-projet de
Règlement d'application de la Loi sur le financement agricole soient
apportées aux fins de donner plus de place à l'utilisation de
véhicules actuels de gestion des entreprises agricoles et de leur
permettre d'atteindre ainsi l'équilibre financier nécessaire
à leur survie et à leur prospérité. (15 h 30)
Mes collègues et moi, M. le Président, sommes à
votre disposition pour toute question que vous pourriez avoir sur le
mémoire.
Le Président (M. Richard): Merci, MM. Chevalier et Malo.
Maintenant, M. le ministre devrait se joindre à nous dans quelques
minutes. Il est actuellement en conférence de presse sur un dossier
touchant d'une certaine façon l'agriculture au Québec, le
libre-échange. En attente de M. le
ministre, M. le député de Montmagny-L'Islet. M.
Réal Gauvin, va poser les questions et par la suite le porte-parole
officiel en matière agricole vous posera aussi des questions pour le
parti de l'Opposition. Alors, M. le député de Montmagny-L'Islet,
à vous la parole.
M. Gauvin: Merci, M. le Président. Peut-être que ma
question pourrait être posée à M. Chevalier. Quand vous
nous parlez, vous nous dites: On aimerait avoir dans ce type d'entreprise des
taux fixes plutôt que des taux flottants. J'aimerais que vous nous
expliquiez quelle comparaison vous faites par rapport à d'autres
entreprises et pourquoi vous souhaitez voir des taux fixes pour les types
d'entreprises comme celui de la production agricole, par exemple.
M. Chevalier: Je vais demander à M. Malo de
répondre a la question, si vous me le permettez.
M. Gauvin: Oui.
M. Malo: Le sens de notre recommandation est que le projet de
règlement devrait prévoir que l'agriculteur pourrait avoir le
choix d'emprunter à taux flottant, mais convertissable en taux fixe
comme on le retrouve dans la plupart des contrats d'emprunt dans l'entreprise
en général. On ne fait pas de distinction dans cette
recommandation entre une entreprise agricole de type familial et une entreprise
manufacturière de type privé. Si cela constitue selon les normes
économiques actuelles un sain véhicule de financement de pouvoir
convertir sa dette en taux fixe quand la tendance économique est
fortement à la hausse, il faudrait que l'agriculteur qui emprunte
à partir d'aujourd'hui puisse avoir cette option. Si on revivait, par
exemple, avec des taux flottants ce qu'on a connu au début des
années quatre-vingt et quatre-vingt-deux, je pense que plusieurs
entreprises agricoles qui seraient financées à une forte
proportion de leur actif verraient difficilement une rentabilité et
elles seraient forcément en péril, ce qui ne correspondrait pas
aux objectifs définis dans votre proposition originale.
M. Gauvin: Pour ce qui est ici du groupe ministériel, il
est sûr que nous allons retenir plusieurs suggestions qui nous
apparaissent très intéressantes et elles seront analysées.
Si jamais le ministre avait la chance de se présenter d'ici quelques
minutes, il aurait sûrement d'autres questions additionnelles, j'imagine,
à vous poser. Mais, entre-temps, j'inviterais l'Opposition et...
M. Jolivet: Vous êtes bien gentil.
M. Gauvin: M. le Président, si la chance m'était
donnée de poser d'autres questions...
Le Président (M. Richard): M. le porte-parole officiel,
vous avez la parole.
M. Jolivet: Je n'en espérais pas moins de vous, M. le
Président.
Le Président (M. Richard): Allez-y.
M. Jolivet: C'est une question simplement d'alternance dans la
mesure où j'espère que la commission parlementaire qui est ici
est aussi importante que le libre-échange.
Dans votre mémoire, vous avez favorisé une formule
d'incorporation pour les agriculteurs. Or, on a eu l'occasion hier d'entendre
le groupe de la relève qui se disait un peu mal à l'aise par
rapport aux formules de compagnies ou de sociétés et
évoquait la nécessité d'en arriver à un
modèle juridique spécifique pour l'agriculteur. Or,
d'après ce que vous dites, vous n'êtes pas tout à fait en
accord avec cela. Alors, j'aimerais entendre votre position avec une
argumentation additionnelle, si possible.
M. Malo: Nous demandez-vous de commenter la proposition soumise
hier ou si vous... Ce que je dirais en réponse à votre question,
c'est que, compte tenu de la fiscalité actuelle, le véhicule
corporatif est souvent le véhicule qui va faciliter une meilleure
planification de la relève agricole selon les lois actuelles. Dans l'une
de nos recommantions qui traitait de la fiscalité, on disait: "La
fiscalité relative aux entreprises agricoles devrait être
révisée pour réduire leur charge fiscale par la
réduction des taux d'imposition s'appliquant aux entreprises non
incorporées et l'abolition totale de la taxe sur le capital..." Pour ce
qui a trait aux corporations. Selon les lois actuelles qui touchent la
fiscalité et le civil, dans la plupart des cas, on favorise le
véhicule corporatif.
M. Jolivet: J'irais plus loin en vous demandant ce que vous
pensez à ce moment-là des sociétés en commandite
à l'intérieur du système agricole au Québec.
Plusieurs ont commencé à en parler dans le sens où un
groupe dit: Nous avons des craintes. Nous entendions des gens ce matin qui nous
disaient: Cela n'a pas de bons sens, il ne faudrait pas permettre cela.
D'autres disent: Oui, mais on ne peut pas être aussi négatifs que
cela. Il faut regarder plutôt le bienfait de ce que pourrait être
une société en commandite comme apport à l'argent qui sera
investi dans le secteur agricole. D'autres disent: II y a un danger majeur
parce que cela va grossir dans le sens des entreprises au détriment
d'une agriculture
dite "ferme familiale". J'aimerais entendre votre opinion sur le
phénomène où le gouvernement fédéral dit:
Dans l'agriculture, à partir de décembre - dans
l'hypothèse - ce serait arrêté, mais au Québec on ne
prend pas de décision dans ce sens-là jusqu'à
maintenant.
M. Malo: Le comité que je préside ne s'est pas
penché sur l'utilisation du véhicule de la société
en commandite dans le secteur agricole pour les fins d'établir une
structure financière. Ce que je peux ajouter simplement, à titre
de comptable oeuvrant dans le milieu, c'est que, selon la loi actuelle et le
projet de réforme, les sociétés en commandite qui ont
été introduites sur le marché et qui le seront
jusqu'à la fin de 1987 ne pourront pas voir le jour dans les prochaines
années si la fiscalité ne change pas. Donc, ce ne serait plus un
véhicule utilisé.
Maintenant, le commentaire que je peux faire, cependant, sur ces
sociétés en commandite, sur celles que je connais plus
particulièrement, c'est qu'elles prônent l'utilisation de la
fiscalité pour bâtir du capital. Si cette société en
commandite particulière est ou devenait rentable, elle ne le serait que
par le fait qu'elle n'a presque pas d'endettement et beaucoup de capital.
M. Jolivet: Je pense que monsieur a quelque chose à
ajouter.
Une voix: Cela marche tout seul. M. Jolivet: Cela marche
tout seul?
M. Germain (Roger): Je me permettrai quelques commentaires
d'ordre fiscal parce que cela fait quelques années que je m'y attarde.
La société en commandite, les gens l'utilisent et ne savent
peut-être même pas de quoi ils parlent. Ce que M. Malo prône,
c'est l'accumulation de capital au sein des entreprises agricoles. Qu'est-ce
qu'une "société en commandite" - entre guillemets -fait? Elle
ramasse des fonds. Pourquoi l'appelle-t-on "en commandite"? C'est pour se
donner une certaine protection. Ce n'est pas un voile corporatif, mais cela
revient à la même chose sur le plan de la protection
juridique.
Je vois un conflit là-dedans. Pourquoi une société
en commandite dans le domaine agricole? Pourquoi pas une société
pure et simple, à ce moment-là? Mon besoin est d'aller chercher
des fonds, ce n'est pas de les protéger contre un créancier
éventuel, dans ce sens.
Je voudrais vous rappeler ceci pour revenir à votre commentaire
au sujet d'hier: Vous savez qu'avant 1971 la loi de l'impôt des
corporations du Québec ne contenait que 42 articles et le
quarante-deuxième article disait tout simplement: Lorsqu'une entreprise
est constituée ou incorporée, si vous voulez, cette loi-ci ne
s'applique pas. On est loin de 1970 aujourd'hui. On impose une entreprise
agricole constituée, alors qu'en 1970 - ce qui n'est pas tellement
lointain - ce n'était pas le cas.
La taxe sur le capital, je vais laisser cela à M. Malo, je ne
veux pas m'occuper de cela, mais ce que je retiens du rapport
déposé par l'ordre, c'est le fait que je ne tente pas de
distinguer une entreprise agricole d'une autre entreprise de fabrication ou de
transformation. Cela devrait être la même chose. On va appeler cela
une PME, je pense que tout le monde va se comprendre. Je me rappelle avoir
argumenté auprès du ministère du Revenu que la rame de
métro à Montréal constituait un immeuble et j'ai de la
difficulté à savoir pourquoi un fonds de terre ne constitue pas,
entre guillemets, une "machine" à des fins d'aller chercher des revenus.
Je pense que M. Malo, dans son mémoire, a préparé des
tableaux de comparaison entre une entreprise agricole et une entreprise de
fabrication ou de transformation et c'est de toute évidence. Je vous
suggérerais de considérer un fonds de terre, tout au moins, comme
étant une machine au sens d'un juste équilibre dans le calcul des
revenus.
M. Jolivet: Dans les propos que vous tenez par rapport à
votre commentaire à la page 4 du mémoire que vous avez lu, vous
dites: "La notion d'"entreprise de type familial" devrait être
définie dans le règlement. En effet, ce terme est sujet à
confusion et laisse une large discrétion aux personnes chargées
d'appliquer la loi." Donc, d'après ce que vous dites, de quelle
façon verriez-vous la définition d'une entreprise de type
familial? Comment la définiriez-vous?
M. Germain: Bien, je peux peut-être tenter une
réponse, Bernard. On peut se fier peut-être à la Loi sur
les impôts, mais c'est très limité comme approche, je
présume. Pourquoi distinguer cette entreprise d'une entreprise de
fabrication ou de transformation? Je pense qu'une entreprise agricole - c'est
peut-être le mot "agricole" qui crée le problème - est une
entreprise pareille à une autre. C'est ce que j'essaie de faire
valoir.
Je vais vous donner un autre exemple où le problème se
situe, c'est encore sur la Loi sur les impôts et la réforme
fiscale qui est proposée au fédéral. Vous savez, on
définit un "bien agricole" dans la Loi sur les impôts
fédérale et le Québec aussi le reprend. Un bien agricole,
c'est quoi? C'est le fonds de terre, les bâtiments ou une entreprise
familiale agricole; donc, il faut que ce soient des membres de la même
famille ou à peu près.
La réforme fiscale propose une exonération du gain en
capital de 500 000 $ pour les biens agricoles. Cela commence à faire un
gros gain si on veut le vendre, si on veut vendre notre fonds de terre. Alors
que le voisin d'à côté qui exploite une petite entreprise
de fabrication ou de transformation, il n'a même pas besoin d'avoir un
bien agricole. Il a sa compagnie. C'est une entreprise, une PME. Elle est
privée et lui, à la vente, a le droit de se prévaloir
d'une exonération à vie de 500 000 $ sur le gain en capital. On
retrouve ici un autre phénomène. On veut peut-être
favoriser d'un côté et, en même temps, on fait mal de
l'autre côté. Je pense que la définition est: Tentons de ne
pas distinguer entre une entreprise agricole qui est constituée et une
entreprise de fabrication ou de transformation.
M. Jolivet: Donc, en fait, pour vous une entreprise agricole est
une entreprise au même titre que les autres et le mot "familial" serait
de trop.
M. Germain: Je n'ai rien contre le mot "familial", mais pourquoi
l'ajouter? Cela crée une distinction qui n'est peut-être pas
nécessaire.
M. Jolivet: II y a une histoire à l'intérieur de
l'agriculture au Québec qui fait qu'il y a des décisions qui ont
été prises par des gouvernements antérieurs avec
lesquelles on vit et avec lesquelles des fois on est en accord. Dans ces
circonstances...
M. Germain: Oui, mais je ne vous demande pas de retourner
à 1970, par exemple.
M. Jolivet: Vous avez un autre commentaire où vous dites:
Prévoir l'utilisation de taux d'intérêt fixes et flottants.
En fait, on devrait en plus des taux d'intérêt flottants
prévoir l'utilisation de taux d'intérêt fixes. Les
banquiers sont venus nous dire qu'eux verraient sur l'ensemble du prêt
une partie du prêt qui pourrait être à taux fixe et l'autre
à taux variable. Ce n'est pas ce que vous proposez ici. Vous dites,
comme vous l'avez exprimé tout à l'heure: S'il est à taux
flottant, il pourrait devenir à un moment donné à taux
fixe. Est-ce que vous verriez d'un bon oeil la possibilité d'avoir ce
que les banquiers proposaient hier?
M. Malo: On n'a pas été en mesure
d'apprécier la proposition de l'organisme qui représentait les
banquiers. L'essence de notre proposition est de la rendre concurrentielle
à ce qui se fait sur le marché, c'est-à-dire d'avoir
l'option de choisir entre un taux fixe ou un taux flottant, ou un taux flottant
convertissable en taux fixe. On n'est pas en mesure d'évaluer la
proposition des banquiers.
M. Jolivet: D'accord. Vous faites un autre commentaire où
vous dites: L'article 23 de la loi et l'article 45 du règlement semblent
laisser une très vaste latitude à l'office quant à
l'objectif des prêts qu'il subventionne dans le cadre de son programme de
contribution au paiement de l'intérêt." Dans quel sens
verriez-vous, comme vous le dites, que ce point mériterait d'être
précisé? Qu'aviez-vous en tête? Quelles sont les
recommandations que vous pouvez faire à ce moment?
M. Malo: Recommandation pure et simple, c'est que la façon
dont c'est défini est très vaste. Je ne sais pas si
c'était dans l'esprit du législateur de le laisser aussi vaste,
aussi général. Je pense que l'agriculture aurait à gagner
si on précisait un tant soit peu cette définition
d'interventions. (15 h 45)
M. Jolivet: Pour le moment vous n'avez pas de proposition en vue
pour aider...
M. Malo: Non.
M. Jolivet: Vous dites simplement que ce doit être
précisé et qu'il faut trouver les moyens de le
préciser.
M. Malo: C'est cela.
M. Jolivet: Qu'est-ce que vous pensez de l'accréditation
du vendeur comme prêteur par l'office prévue par le projet de loi
comme moyen de contribuer au transfert de la ferme du père vers les
enfants, le fils ou la fille? Est-ce quelque chose que vous avez regardé
avec intérêt?
M. Malo: Oui. C'est évident que, du point de vue
financier, c'est une ouverture intéressante avancée par le projet
de loi et ses règlements. Cependant, cette formule engendre une
complication fiscale que mon confrère pourrait commenter. Entre autres,
elle ne permet pas au père de reporter l'imposition qu'il peut y avoir
à céder un stock d'animaux, par exemple, ou des biens
amortissables sur lesquels il pourrait y avoir de la récupération
d'amortissement par le fait qu'il dispose et qu'il reçoit en
contrepartie un solde de prix de vente. C'est pour cette raison qu'en
contrepartie nous favorisons fortement la possibilité d'utiliser le
véhicule corporatif qui est déjà prévu dans la loi
fiscale comme moyen de report d'impôt. Puisque cela est
déjà prévu dans la loi fiscale, cela facilite la
capitalisation des entreprises agricoles pour ce genre de transfert-là
et c'est ce qu'on souhaite.
On n'est pas allé jusqu'à dire dans ce mémoire que
l'office devrait garantir ce
solde de prix de vente qui deviendrait des actions
privilégiées. Cependant, on a dit d'enlever, dans le paragraphe
du règlement, les deux phrases qui viennent dire que le dividende qui
pourrait provenir de ces actions ne sera plus exempt d'impôt parce qu'on
oblige que ces actions ne soient pas votantes et du fait qu'elles ne soit pas
votantes, le dividende intercorporatif devient taxable entre les
compagnies.
Le fait qu'un dividende ne soit pas taxable intercompagnies pourrait
encourager les parents, entre autres dans le véhicule corporatif,
à prêter leur argent à un taux de dividende très bas
puisqu'il ne serait pas imposé dans le véhicule. C'est le sens de
notre recommandation.
M. Jolivet: Peut-être que M. Germain a d'autres choses
à ajouter. Vous avez parlé de votre collègue. Je ne sais
pas lequel des deux.
M. Germain: Je ne sais pas si je veux ajouter d'autres choses sur
le plan fiscal. Je pense bien que le temps qui nous est alloué ne me le
permettrait pas. Ce que M. Malo dit, oui, c'est vrai, parce que, qu'on ait deux
véhicules corporatifs ou qu'on en ait un, je reviens à l'autre
point concernant la vente des actions qui donnerait lieu à un gain en
capital et permettrait une exonération des 500 000 $ à vie. Je
présume que le Québec suivra le fédéral
là-dessus. Actuellement, quand l'agriculteur vend un bien autre que
l'immeuble et le fonds de terre, il vend des animaux, mais c'est de
l'inventaire, ce n'est pas un gain en capital et il n'est pas traité de
la même façon.
Le Président (M. Richard): M. le ministre.
M. Pagé: Merci, M. le Président. Je voudrais tout
d'abord m'excuser de mon retard auprès de nos invités, les
représentants et représentantes de l'Ordre des comptables
agréés du Québec. Il est tout à fait explicable en
ce que j'avais à conduire, avec le premier ministre, une importante
conférence de presse cet après-midi concernant le
libre-échange.
Je voudrais tout d'abord vous remercier, comme je le fais pour les
autres, évidemment. Les comptables sont appelés à donner
des avis importants à de nos productrices et producteurs agricoles. Vous
indiquez que vous vous déclarez satisfaits de plusieurs
éléments contenus au projet de loi, notamment la volonté
de simplifier le régime actuel. Vous semblez d'accord avec les exigences
quant à l'expérience, à la formation, à la
possibilité de choisir ses propres modes de remboursement pour le
producteur. L'ordre est en désaccord avec le fait que les quotas ne
soient pas évalués et pris en garantie.
On a eu l'occasion de discuter cette question hier. Peut-être
avez-vous abordé le sujet avant que je n'arrive. Je dois dire qu'on a
étudié très sérieusement cette question, à
un moment donné, il faut en convenir. Lorsque le groupe de travail que
j'ai mis sur pied au printemps ou à l'été 1986 a
consulté les gens, a eu des discussions avec les intervenants du milieu,
une des hypothèses sérieusement étudiées a
été de nantir les quotas. Cependant, après davantage de
consultations de ma part et, évidemment, toujours en communication avec
les gens du comité qui y ont travaillé, le gouvernement a retenu
de ne pas procéder à une telle démarche ou à un tel
libellé juridique. Pourquoi souhaitez-vous tant que les quotas soient
pris en garantie? Généralement, les comptables, lorsqu'ils ont
à négocier, font ce qui est possible, je présume, toujours
professionnellement, cela va de soi, pour garder le plus de biens au
bénéfice de l'emprunteur sans que de tels biens soient garantis
et soient soumis à des contraintes comme celle-là.
M. Chevalier: M. le ministre, à notre connaissance,
l'ordre ne s'est pas prononcé sur le sujet que vous venez
d'indiquer.
M. Pagé: Donc, vous n'êtes pas contre la politique
du gouvernement de ne pas procéder à un nantissement des quotas.
Est-ce que c'est cela? Vous êtes pour.
M. Chevalier: On ne peut pas dire qu'on est pour ou contre,
puisqu'on ne s'est pas prononcé et qu'on n'a pas étudié le
problème.
M. Pagé: Si vous étiez appelés à vous
prononcer?
M. Chevalier: L'ordre est un être très
sérieux, vous savez. Alors, avant de donner une opinion...
M. Pagé: Je ne doute pas du caractère
sérieux de l'ordre.
M. Chevalier: ...ce qu'on fait, en pratique...
M. Pagé: On m'indiquait ici... Je m'excuse. Et je ferai
enquête quoiqu'il n'y ait pas péril en la demeure. Mais je ferai
enquête dans la demeure pour voir sur la base de quoi on en est venu
à la conclusion, dans mes notes, ici, que l'Ordre des comptables
agréés était en désaccord avec le fait que les
quotas ne soient pas évalués et pris en garantie.
M. Jolivet: C'est écrit: amortissables aux fins des
calculs de l'impôt sur le revenu.
C'est dans le mémoire 6R.
M. Pagé: C'est peut-être cela.
M. Jolivet: C'est cela.
M. Pagé: À la lumière de votre
expérience.
M. Chevalier: Je vais demander à mon collègue de
gauche, qui a beaucoup d'expérience dans le domaine, s'il a un
commentaire à faire là-dessus, M. le ministre.
M. Pagé: J'aurai une autre question sur tout le volet des
incitatifs à la formation et des subventions pour la relève.
M. Maio: M. le ministre, il y a eu un peu de confusion quant
à savoir si on s'était prononcé ou non sur le sujet. Afin
d'évaluer de façon bien pertinente votre question, est-ce que
vous seriez assez aimable de la reformuler de façon très
précise? Je serai en mesure de vous dire de quelle façon on peut
se prononcer sur le sujet.
M. Pagé: D'accord. À la page 12 de votre
mémoire, vous dites: "L'Office du crédit agricole du
Québec devrait adopter des politiques plus réalistes en regard
des garanties exigées au moment de l'octroi des prêts." Au
deuxième paragraphe, je lis: "D'un autre côté, l'office
refuse de reconnaître la totalité de la valeur des quotas de
production aux fins de garantie des emprunts. Les quotas de production
constituent pourtant un des actifs les plus importants détenus par
certains types d'entreprises agricoles et leur valeur marchande est souvent
considérable." Que voulez-vous dire?
Le Président (M. Richard): M.
Chevalier.
M. Chevalier: M. le ministre, pendant que mes collègues
pensent, je voudrais dire qu'on ne demande pas d'honoraires pour une
consultation, vous savez. Je pense qu'ils sont en droit de prendre leur
temps.
M. Pagé: Je retiens donc que vous ne prenez pas votre
temps quand vous facturez.
Des voix: Ha! Ha! Ha! M. Pagé: Pas de
problème! M. Malo: M. le ministre. M. Pagé: Oui, M.
Malo.
M. Malo: Les recommandations qui apparaissent dans ce
mémoire avaient été énoncées
premièrement à l'automne 1986. Le travail de l'ordre des derniers
mois a été plus de s'attarder à la lecture du
règlement et à l'analyse de l'avant-projet de règlement:
nous avons consacré nos énergies dans ce sens et je ne suis pas
en mesure aujourd'hui de commenter ce point particulier.
M. Pagé: D'accord. C'est bien le mémoire
présenté ici? Août 1987. C'est bien ça. Étude
du projet de loi 46. Non, non, ce n'est pas le mémoire de l'année
passée. Moi, j'ai ici l'Ordre des comptables du Québec,
mémoire 6M.
M. Jolivet: C'est celui de l'an passé.
M. Pagé: Non, mais août 1987, ce n'est pas l'automne
dernier ça.
M. Jolivet: Oui, je le sais. Mais août 1987, c'est le
même mémoire qui avait été présenté
à l'automne 1986. À ma connaissance, c'est le même
mémoire qui a été présenté à
l'automne 1986.
M. Malo: À quelques détails près.
M. Pagé: Parce que je réfère bien à
la question que je vous pose. Parce que mon enquête maison a
été vite, M. le Président. Je réfère bien
à votre mémoire. En tout cas, on n'en parlera pas tout
l'après-midi. Moi ici j'ai un libellé...
M. Chevalier: II a la même remarque que le nôtre, ce
doit être le même.
M. Pagé: À la page 12, j'ai un libellé
où vous référez...
M. Chevalier: Oui.
M. Pagé: ...à toute la question de la valeur des
quotas et de la prise en compte comme garantie et je vous pose une question
pour éclairer ma lanterne. Comment dois-je interpréter le
commentaire que vous faites? Je prends acte par la voix de M. Malo que vous ne
pouvez pas préciser davantage.
M. Malo: Après-midi, non.
M. Pagé: Parfait. Vous avez très certainement pris
connaissance du fait que dans notre réforme des programmes agricoles
j'ai annoncé, au nom du gouvernement et au nom de mes collègues,
des dispositions visant à favoriser davantage l'accès de nos
jeunes à une formation en agriculture. On a joint à ça,
évidemment, par le projet de loi 46, d'autres dispositions qui visent
à donner davantage de remboursement sur les intérêts pour
les jeunes agricultrices et agriculteurs de moins de 40 ans pendant un certain
nombre d'années donné et ça, sans compter les primes
à l'établissement qui ont été
majorées de 8000 $ à 15 000 $ et pour lesquelles on a
enlevé les clauses discriminatoires pour la conjointe.
Notre perception. Le jeune agriculteur, la jeune agricultrice a
particulièrement besoin d'aide pendant les cinq premières
années. La Fédération de la relève agricole est
intervenue hier en nous disant: deux modèles d'intervention possibles,
soit diminuer purement et simplement le taux d'intérêt de 1 %,
c'est-à-dire rembourser 1 % de plus que ceux qui sont en rythme de
croisière pendant un certain nombre d'années qui pourrait aller
jusqu'à 25 ans ou échelonner vos subventions en
intérêt non pas sur cinq, mais sur dix ans et l'Union des
producteurs agricoles a demandé neuf ans.
Vous êtes sur le terrain, vous êtes plus près,
très probablement, des producteurs que, par exemple, le président
de l'office ou moi on peut l'être dans notre vécu quotidien. Votre
expérience à l'égard de cette aide, de cet appui à
donner pendant un certain nombre d'années, particulièrement dans
les cas de relève? Pourriez-vous nous donner l'appréciation de
votre expérience à cet égard-là? Je
m'excuse, vous avez peut-être référé avant que
j'arrive à toute la question de la relève. Non? Alors, c'est le
moment choisi de le faire.
M. Maio: Je suis content de votre question, M. le ministre, parce
qu'elle touche le point fondamental. Comme on ne représente pas les gens
de la relève, pas plus que d'autres organismes, mais bien un organisme
de consultants dans ce secteur, on a à apprécier un ensemble
d'entreprises agricoles de différentes tailles et une entreprise
agricole est une jeune entreprise tant qu'elle n'a pas atteint un niveau de
capitalisation très élevé dépendamment des
secteurs. Plus le secteur nécessite ce que j'identifierais aujourd'hui
comme des quotas, des droits de production, plus le niveau de capitalisation
doit être élevé et je ne pense pas que la règle du
nombre d'années de subvention d'intérêt soit la meilleure,
mais elle est essentielle. Je dis plutôt qu'on doit orienter nos efforts
pour faire en sorte que l'entreprise agricole ait la capitalisation
nécessaire pour devenir autonome financièrement. (16 heures)
Dans plusieurs secteurs, cette capitalisation doit être entre 50 %
et 80 % de l'actif total. Je ne sais pas si cela répond à la
question du ministre, mais c'est plus dans ce sens que nous
l'interprétons.
M. Pagé: D'accord. J'aurais plusieurs autres questions, M.
le Président, mais je pense que le temps est épuisé,
malheureusement.
Le Président (M. Richard): Alors, nous vous remercions,
madame, messieurs...
M. Pagé: Merci et un dernier aspect, si vous me permettez,
M. le Président. L'ordre formulait des recommandations précises
en termes de techniques, de technicités, de choses à modifier
dans les règles de pratique, si je peux utiliser le terme, de l'office.
Je peux vous donner l'assurance que cela va être très bien
analysé. Au besoin, vous pourriez être reconvoqué, non pas
en commission parlementaire, mais pour avoir plus de précisions sur le
contenu de vos recommandations. D'accord?
Le Président (M. Richard): Merci, madame et messieurs.
Je demanderais de se présenter, s'ils le veulent bien, aux
représentants de l'Ordre des agronomes du Québec.
Messieurs, j'aimerais que le responsable s'identifie d'abord et que vous
présentiez vos collègues, s'il vous plaît.
Ordre des agronomes du Québec
M. Giroux (Raynald): Alors, M. le Président, Mmes et MM.
les membres de la commission, M. le ministre Pagé, tout d'abord, nous
voulons... D'abord, je me présente, Raynald Giroux, président de
l'Ordre des agronomes du Québec. Je suis accompagné, cet
après-midi, par MM. Yvon Desnoyers, agronome et évaluateur
agréé...
Le Président (M. Richard): Je m'excuse. Si on vous fait
vous identifier, c'est pour des fins... Lorsque les personnes prennent la
parole... Où est ce monsieur?
M. Giroux: D'accord. M. Desnoyers...
Le Président (M. Richard): Parfait, merci.
M. Giroux: ...M. Yvan Dupont, qui est ingénieur .
agronome, M. Robert Chéné, agronome également, M.
Jean-Eudes Bélanger, agronome et évaluateur agréé,
et M. Gaétan Villeneuve, agronome économiste. Ce sont tous, comme
vous voyez, des membres de l'Ordre des agronomes du Québec qui ont
été impliqués dans la préparation des lois et des
règlements du financement agricole, soit qu'ils le sont actuellement ou
qu'ils l'ont été dans le passé.
Avant de passer au mémoire, nous voulons d'abord remercier la
commission parlementaire et M. le ministre Pagé d'avoir bien voulu nous
permettre d'émettre notre point de vue sur le projet de loi 46
concernant le financement agricole au Québec. Nous vous remercions
également de nous permettre de nous présenter à cette
commission parlementaire aujourd'hui.
Alors, je passe à la lecture du mémoire. Nous venons de
vous distribuer une dernière copie. En novembre 1984, l'Ordre des
agronomes du Québec avait présenté un premier
mémoire, et un deuxième en décembre 1986. Vous aviez
reçu une copie d'un mémoire daté du 1er septembre 1987 et
nous vous remettons actuellement une copie d'un mémoire daté du 7
octobre 1987. On peut réellement dire que ce dernier est encore
chaud.
L'Ordre des agronomes du Québec est une corporation
professionnelle constituée en vertu du Code des professions du
Québec et de la Loi sur les agronomes. Il regroupe 3000 membres dont un
grand nombre exercent leurs activités professionnelles comme conseillers
en crédit, en financement et en gestion auprès des producteurs
agricoles dans toutes les régions du Québec.
L'Ordre des agronomes du Québec a présenté, comme
mentionné précédemment, le 22 décembre 1986, un
mémoire concernant la refonte du régime québécois
du financement agricole.
La lecture du projet de loi 46 déposé à
l'Assemblée nationale, le 16 juin 1987, par le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation suggère quelques
commentaires que nous désirons soumettre à votre attention.
Les principes énoncés dans notre mémoire à
la commission parlementaire de l'agriculture, des pêcheries et de
l'alimentation en novembre 1984 et celui de décembre 1986 demeurent
encore d'actualité. Les recommandations qu'ils contiennent devraient
être considérées dans l'amélioration d'un cadre
législatif mieux adapté aux conditions et aux besoins de
l'agriculture québécoise. Ce nouveau cadre législatif et
opérationnel vise à améliorer le fonctionnement du
régime et le contenu des programmes, afin d'assurer un meilleur service
à la clientèle et la rationalisation du processus
administratif.
Dans l'ensemble, la réforme proposée contient plusieurs
améliorations importantes et des innovations avantageuses pour les
bénéficiaires. Pour répondre aux besoins d'une agriculture
de plus en plus diversifiée, l'initiative gouvernementale doit tenir
compte des réalités économiques et permettre que
l'utilisation des fonds publics tienne compte des priorités de
l'État face aux autres sources de financement accessibles aux
producteurs agricoles.
Considérant que ce sont les contribuables qui alimentent la
caisse de l'État, celui-ci ne devrait pas chercher une extension de ses
pouvoirs et de son râle qui aurait pour effet de priver les agriculteurs
d'une liberté de choix en matière de crédit agricole ou
d'augmenter les risques du trésor public.
L'Office du crédit agricole et les institutions impliquées
dans cette activité financière ont à leur service des
agronomes pour aider l'emprunteur dans la planification et la gestion de son
entreprise. Comme ces professionnels collaborent à la préparation
des plans de gestion basés sur les besoins prévisibles de
l'agriculteur, nous suggérons qu'ils puissent travailler conjointement
avec d'autres conseillers dont le rôle est similaire afin que les besoins
de l'emprunteur et sa capacité réelle de remboursement soient
évalués en tenant compte de tous les facteurs à
considérer. Pour les jeunes exploitants qui s'établissent, un
système d'initiation encadrée, combiné à une
formule de financement progressif, permettrait de réduire les charges
financières et d'assurer une plus grande flexibilité dans la
gestion et le développement. Parce que l'utilisation des fonds publics
exige une certaine prudence dans l'évaluation des projets
d'établissement, un niveau élevé de formation
professionnelle constitue déjà une garantie pour la gestion
rationnelle des producteurs et de l'entreprise.
À la suite de la consultation qu'il a menée, le
gouvernement a retiré du projet de loi 46 sa proposition initiale visant
le nantissement des quotas de production. Cependant, nous croyons que
l'inclusion d'un tel article dans la loi permettrait à l'emprunteur
d'avoir une meilleure structure de garantie et d'obtenir des conditions de
prêt plus avantageuses.
À ce moment, pour passer aux recommandations, je demanderais
à mon collègue, M. Yvon Desnoyers, s'il vous plaît, de bien
vouloir en faire la lecture.
M. Desnoyers (Yvon): Maxima des prêts. Le projet de loi 46
propose de remplacer les nombreux prêts de l'ancien régime par un
seul prêt pouvant atteindre un maximum de 800 000 $ à
l'intérieur duquel les montants sont répartis en fonction des
besoins. De plus, le même projet de loi annonce que le maximum des marges
de crédit serait porté à 200 000 $ dans tous les cas et
à 500 000 $ pour les producteurs de céréales et de bovins.
L'OAQ ne croit pas nécessaire de fixer un montant aussi
élevé pour l'ensemble des agriculteurs. Cette limite favorise des
producteurs déjà bien nantis qui peuvent obtenir du crédit
auprès d'autres institutions financières. Elle favorise une
surenchère sur la valeur des actifs et une concurrence difficile pour
les jeunes agriculteurs et d'autres ayant une marge de manoeuvre
financière réduite. C'est pourquoi l'OAQ recommande que le
maximum des prêts et des marges de crédit soit maintenu à
son niveau actuel.
Modes de paiement. Le projet de loi 46 permettrait que les versements
soient mensuels, trimestriels, semi-annuels ou annuels selon le type de
production et la capacité de payer de l'emprunteur. L'OAQ
appuie cette proposition qui améliore le système actuel et
laisse à l'emprunteur une plus grande flexibilité dans ses modes
de paiement.
Subvention à l'intérêt. Le projet de loi 46 fixe
à 200 000 $ la portion de prêt assortie d'une subvention. L'OAQ
recommande que la subvention à l'intérêt soit
accordée en priorité aux cas d'établissement et
limitée aux dix premières années d'exploitation. Elle
devrait s'appliquer sur tous les prêts de l'OCA consentis par une
institution financière accréditée et être
décroissante sur une période maximale de dix ans. De plus,
l'emprunteur ne devrait pas être obligé de prendre 200 000 $ en
une seule fois, mais plutôt avoir la liberté d'étaler cette
somme sur une période d'années. Ainsi, on évitera
d'inciter les agriculteurs à trop emprunter et l'État versera
moins d'intérêts annuellement. Pour respecter la liberté de
choix et faciliter aux agriculteurs et agricultrices l'accès à
tous les programmes d'aide, nous recommandons que la subvention
d'intérêt soit accordée aux agriculteurs sans égard
à l'institution financière où ils décident
librement de faire affaire. La liste des prêteurs
accrédités devrait donc être élargie de façon
à inclure toutes les institutions financières et le vendeur d'une
ferme.
La relève agricole. Le projet de loi 46 prévoit une
subvention d'intérêts pour l'établissement. Le jeune
exploitant peut ainsi obtenir des fonds pour la mise en valeur et le
développement de son entreprise. Considérant que le gouvernement
apporte une aide financière aux groupes d'agriculteurs soucieux
d'améliorer leurs méthodes de gestion, l'OAQ recommande qu'un
plan de gestion, préparé par un professionnel compétent en
la matière, soit requis pour les prêts assortis d'une subvention.
Concernant la politique d'assistance financière aux jeunes agriculteurs
et agricultrices qui s'établissent, l'OAQ appuie le principe d'une
subvention basée sur le degré de formation du
bénéficiaire tel que proposé dans l'avant-projet de
règlement.
Subventions de capital à l'établissement. Pour aider la
relève, le projet de loi 46 propose une subvention de 15 000 $ pouvant
atteindre 60 000 $ pour quatre personnes pour l'amélioration de
l'entreprise ou le paiement de l'intérêt net sur les prêts.
Considérant qu'il s'agit d'une aide pour la mise en valeur d'une
entreprise lors de l'établissement, cette subvention devrait être
appliquée dans le meilleur intérêt de l'exploitant compte
tenu de ses besoins et du plan de gestion établi.
Suivi des prêts. Par la refonte du régime de financement,
l'État veut assurer un meilleur service à la clientèle.
L'OAQ souscrit à cet objectif. Il suggère que l'OCAQ mette
à profit l'expertise des nombreux agronomes à l'emploi des
organismes et institutions engagés dans le financement agricole et la
gestion des fermes. (16 h 15)
M. Giroux: M. le Président, en guise de conclusion,
l'Ordre des agronomes est heureux de constater, dans le projet de loi 46 et
dans l'avant-projet de règlement, plusieurs éléments
nouveaux et très positifs qui répondent aux propositions soumises
dans le cadre de la tournée de consultation du comité
formé par le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation. L'ordre souhaite que la démarche gouvernementale en
matière de crédit agricole s'appuie essentiellement sur le
principe du rôle supplétif de l'État et ne vise pas
à remplacer ou concurrencer les autres institutions financières.
L'objectif qui doit guider l'action du gouvernement est de faciliter aux
agriculteurs l'accès au financement sans incitation excessive ni
contrainte dans le choix des sources de crédit. La refonte en cours
devrait donc se réaliser dans le respect de tous les intervenants en vue
de favoriser le progrès de l'agriculture et de tous ceux et celles qui
en vivent.
Nous vous remercions, M. le Président, de nous avoir permis de
présenter notre mémoire. Pour la période des questions, si
vous voulez bien accepter, étant donné que j'ai fait
carrière en industrie laitière dans les entreprises de lait de
transformation et particulièrement en gestion laitière et que je
suis un nouveau venu à la présidence de l'Ordre des agronomes, je
demanderais à M. Desnoyers, qui a lu une partie du mémoire, de
bien vouloir diriger les questions à ceux qui, parmi mes
collègues, seront les mieux qualifiés pour vous donner des
réponses satisfaisantes.
Le Président (M. Richard): Merci, MM. Giroux et Desnoyers.
Maintenant, M. le ministre, vous avez la parole.
M. Pagé: Merci, M. le Président. Au nom de mes
collègues, je voudrais saluer M. Giroux, président de l'Ordre des
agronomes du Québec, qui en est à sa première visite en
commission parlementaire, et lui souhaiter le plus intéressant et le
plus fructueux des mandats à la tête de cette corporation
professionnelle très importante dans la vie non seulement agricole, mais
économique du Québec, l'Ordre des agronomes du Québec. Bon
mandat, M. Giroux, je dois saluer toute votre équipe et je vous remercie
de votre comparution aujourd'hui devant nous.
Vous avez indiqué à un moment donné, lorsqu'on
réfère aux subventions à l'intérêt et
à l'aide à accorder aux jeunes agriculteurs qui prennent la
relève, qu'il faut non seulement du financement, mais qu'il serait
souhaitable d'avoir un système d'initiation
bien encadré. Pourriez-vous m'indiquer concrètement ce
à quoi vous référez? La lecture que j'en fais: Nos
agriculteurs sur le terrain, nos agricultrices sont en contact avec des
professionnels du ministère qui sont principalement les agronomes dans
les bureaux locaux, dans les bureaux régionaux, qui sont des
technologistes sur le terrain; ils sont là pour conseiller, non pas
décider, mais donner des conseils à des jeunes qui rencontrent
des problèmes donnés dans leur exploitation. Je comprends que
personne n'est infaillible dans ce bas monde, tout est sujet à
appréciation, mais je peux témoigner que l'équipe de
professionnels chez nous est très disponible, très
présente et, finalement, que ce soit les agronomes, les technologistes,
les vétérinaires, ils sont là pour conseiller et encadrer,
en quelque sorte, si le producteur le veut bien. Quand vous dites: Un
système d'initiation encadré, est-ce que vous
référez à une façon de faire particulière
que vous souhaiteriez voir se réaliser et s'adressant plus
spécifiquement aux jeunes agricultrices ou aux jeunes agriculteurs?
M. Desnoyers: Dans ce point qui est soulevé, on veut
surtout mentionner que le jeune, quand il s'établit, a besoin
d'être suivi à plusieurs niveaux, et ce n'est pas strictement sur
le plan de son établissement et de son prêt
d'établissement, c'est aussi à la suite du prêt, pour qu'il
soit bien suivi. C'est pour cela qu'on recommande que toutes les ressources
disponibles soient regroupées et utilisées de façon
à s'assurer du meilleur résultat possible pour les jeunes qui
s'établissent en agriculture.
M. Pagé: Qu'est-ce que cela ferait qui ne se fait pas
actuellement?
M. Dupont (Yvan): À propos de l'initiation
encadrée, on voulait parler d'un programme de suivi des prêts,
suivi qui serait fait en concertation avec les agronomes qu'il y a dans les
institutions financières. Cela serait souhaitable qu'il y ait un peu
plus de concertation entre les agronomes, si possible, pour faire une
planification financière d'un jeune qui débute.
Présentement, l'Office du crédit agricole a beaucoup de
spécialistes mais les professionnels des institutions financières
n'ont pas beaucoup la chance de participer à l'élaboration d'un
programme de gestion. On pense que leur collaboration serait très
positive. Ce serait la concertation, pour se résumer.
M. Pagé: Sur cela, je n'en doute pas parce qu'à
plusieurs reprises, depuis décembre 1985, j'ai indiqué qu'on se
devait de mettre en place des façons de faire en termes de services
à donner plus particulièrement à un jeune emprunteur pour
s'assurer d'une gestion bien suivie, sans pour autant imposer aux emprunteurs
que ce soit des gens de l'Office du crédit agricole ou de l'institution
financière qui aillent décider pour eux et gérer
l'entreprise. Il faut quand même convenir que les agricultrices et les
agriculteurs sont assez sensibles à cette possibilité que
quiconque de l'extérieur pourrait venir leur dire quoi faire dans leur
entreprise. La preuve, vous n'êtes certainement pas sans le savoir, dans
le cadre de la dernière réforme des programmes j'ai
indiqué qu'on se devait de revaloriser le rôle de nos
professionnels en agriculture. Pour plusieurs, cela a été
interprété, avant évidemment qu'on les sécurise,
comme voulant dire: À l'avenir, ce sont les agronomes qui vont aller
décider des programmes applicables sur chacune des fermes. Dans ce
contexte, il faut être prudent.
J'ai toujours eu comme principe l'élément suivant. Le
jeune homme ou la jeune fille va décider d'ouvrir un commerce qui
implique, par exemple, un investissement de 100 000 $ en équipement, en
inventaire, etc. Il faudra présenter un budget pro forma, il faudra
présenter des garanties. Une fois que le prêt sera octroyé
et ce, peu importe l'institution financière, l'institution
financière va assurer un suivi à l'entreprise et souventefois le
gérant de l'institution va dire un ou deux mois après: Faites
attention, les amis, vos inventaires sont trop élevés. Vous avez
tels et tels problèmes. Sans être du dirigisme, ce sont des avis
qui sont fournis à des emprunteurs. Or, en agriculture, les choses sont
un peu différentes. Je conviens que nos gens de l'office sont sur le
terrain mais les gens de l'office ne sont pas dans la résidence ou dans
le bureau de chacun des emprunteurs à tous les mois. On va prêter
des montants très substantiels, que vous déplorez comme
étant trop élevés, soit dit en passant. On va prêter
des montants très substantiels et, comme le disaient des intervenants
hier, notamment les banquiers canadiens: Quand les prêts sont
remboursables deux fois par année, il peut arriver que la sonnette
d'alarme, la lumière rouge ou le clignotant va sonner un an après
qu'une situation délicate survienne dans une entreprise.
On doit sentir de la part de l'office - parce que c'est très
clair, la position gouvernementale que j'ai adoptée une volonté
qu'à compter de l'adoption de ce projet de loi, on puisse assurer, sans
que ce soit du dirigisme, un meilleur suivi, un meilleur "partenariat" -si je
peux utiliser le terme - entre les intervenants et l'emprunteur. Les
institutions financières sont susceptibles de jouer un rôle.
Je note, à l'article 4.1, que vous recommandez pour le plan
quinquennal, si ma mémoire est fidèle... Non, vous dites:
"Considérant que le gouvernement apporte une aide
financière aux groupes d'agriculteures soucieux d'améliorer leurs
méthodes de gestion, on recommande qu'un plan de gestion,
préparé par un professionnel compétent en la
matière, soit requis pour les prêts assortis d'une subvention." Je
présume que vous voudriez jouer le rôle le plus important
possible?
M. Dupont: Disons que lors de la consultation de l'office, il
était question d'un plan quinquennal, si on peut dire. On n'en entend
plus parler beaucoup. C'était un plan de gestion, un plan de suivi des
prêts. Il était même question d'autorisation des prêts
pour une période de cinq ans. Ce plan était préparé
en collaboration avec des agronomes au MAPAQ. Il n'était pas du tout
question des autres agronomes au niveau des institutions financières
pour participation à l'élaboration du plan. C'est dans ce
sens-là que je posais la question tantôt.
M. Pagé: Selon vous, à la lumière de votre
expérience, est-il illusoire de penser en arriver à une
véritable interaction professionnelle de l'Office du crédit
agricole, des agronomes du ministère, des gens des banques, des
conseillers privés et d'une personne qui est un emprunteur?
M. Dupont: Disons que c'est un projet de longue haleine mais,
selon moi, ce serait possible.
M. Desnoyers: À mon avis, il y a sûrement
possibilité d'améliorer les choses, de sensibiliser tous les
agronomes qui interviennent dans ce milieu-là et sensibiliser
probablement aussi les emprunteurs au fait qu'ils ont la possibilité de
consulter beaucoup de gens spécialisés dans le domaine qui sont
capables de leur donner des conseils en gestion et qu'ils puissent se dire
qu'ils prennent les décisions basées non pas sur une seule
consultation ou un seul intervenant mais sur plusieurs qui sont en mesure de
fournir des informations.
M. Pagé: Je vous remercie de vos commentaires sur ce
sujet. Il va de soi que cela nous préoccupe au plus haut point.
Vous vous prononcez contre le fait que le niveau de prêt puisse
être augmenté à 800 000 $ pour l'ensemble des intervenants
ou des emprunteurs potentiels. Vous nous recommandez d'ailleurs à
quelques reprises dans votre mémoire d'être très
très prudents en ce qui concerne les aides versées, les
subventions, etc. Donc, cette préoccupation de limiter les maximums de
prêt et même dans certains cas de les réduire, dois-je
comprendre que pour vous le maintien d'une structure d'entreprise de type
familial passe par beaucoup plus de modération au niveau des montants
octroyés?
Le Président (M. Richard): M. Villeneuve.
M. Villeneuve (Gaétan): L'avis de l'ordre à ce
sujet-là est relié au rôle supplétif que l'Ordre des
agronomes aimerait que l'Office du crédit agricole joue dans le
financement agricole. On considère que des montants aussi
élevés que ceux qui sont proposés pourraient favoriser la
surenchère des prix des actifs agricoles, auraient tendance à
favoriser seulement les producteurs bien nantis et impliqueraient aussi une
concurrence certaine de la part de l'Office du crédit agricole envers
les institutions financières privées.
M. Pagé: Je termine là-dessus. L'important c'est
que l'entreprise, le ou la chef d'entreprise, le couple qui emprunte puisse
avoir des moyens financiers selon son plan de développement, sur ce
qu'il va acheter, etc. Ce n'est pas parce qu'ils ont 800 000 $ disponibles
qu'ils vont emprunter 500 000 $, 600 000 $ ou 700 000 $. Je prends note de vos
commentaires et je vais passer la parole à mon collègue.
Merci.
Le Président (M. Richard): M. le représentant de
l'Opposition.
M. Jolivet: Merci, M. le Président. Bonjour à tout
le monde. Je voudrais aussi intervenir sur la question de l'initiation
encadrée. Tout le monde cherche à avoir, pour le jeune qui
commence en agriculture, les meilleurs moyens pour pouvoir fonctionner
convenablement dans le système. Je suis assuré que vous
connaissez cette formule qui s'appelle "créateur d'entrepreneurs ou
créateur d'entreprises" par laquelle l'individu, le groupe formé
se voit greffer des comptables, des avocats, des notaires et, dans ce cas-ci,
on pourrait dire des agronomes. Des gens ont parlé de cela à
travers le Québec en se demandant s'il était possible d'avoir
quelque chose de semblable pour créer des agriculteurs. (16 h 30)
En deuxième lieu, une fois qu'on a créé
l'entreprise, il y a des systèmes dont on parle de plus en plus
actuellement, comme l'incubateur industriel; donc, une sorte d'incubateur
où on pourra s'assurer que le départ qu'on a donné sera
suivi afin d'éviter des faillites, des difficultés. Dans ce
contexte, certains ont dit: Oui, mais, en agriculture, on possède des
sytèmes comme ceux-là - ils ne sont peut-être pas
appelés de la même façon, syndicats de gestion ou autres -
où on aide et on prépare l'individu, etc. Est-ce qu'à
partir de ce que vous proposez, vous êtes capables de voir s'il y a moyen
d'adapter? Comme disait M. le
ministre tout à l'heure, est-ce que les moyens sont suffisants?
Est-ce qu'il devrait y avoir d'autres moyens additionnels? Est-ce qu'on devrait
passer à un système équivalent à celui du programme
de créateurs d'entrepreneurs et à l'autre, d'incubateurs
industriels? Est-ce que quelqu'un peut me donner son opinion?
M. Bélanger (Jean-Eudes): Comme on l'a mentionné
tout à l'heure, je pense qu'actuellement la majorité des
ressources est là. Maintenant, je suis bien d'accord que les
représentants de l'Office du crédit agricole, les agronomes, dans
les bureaux, et les conseillers en gestion possèdent tous une somme
d'informations face à un agriculteur donné et qu'ils doivent,
théoriquement, travailler ensemble. Dans les faits, ce n'est pas
toujours si évident que cela. On rencontre souvent des dossiers
parallèles dans les différents bureaux. Il y a une certaine
collaboration qui existe, c'est très clair. Comme M. Desnoyers l'a
mentionné tout à l'heure, il y a peut-être moyen
d'améliorer le système existant et ce serait sûrement
è l'avantage de tout le monde.
M. Jolivet: En fait, il s'agit de mettre ensemble les gens qui
doivent conseiller et éviter que chacun donne son opinion
séparément. Finalement, on va voir l'un, on va voir l'autre et on
a des façons différentes. Si on les regroupait, à un
moment donné, on pourrait être mieux placé.
M. Bélanger (Jean-Eudes): Oui, il ne s'agit pas seulement
non plus de donner son opinion séparément. Il reste que, face
à une décision de prêt, par exemple, l'individu qui est
appelé à se prononcer se prive peut-être de sources de
renseignements existant autour d'une entreprise ou d'un agriculteur qu'il
s'agirait de consulter.
M. Jolivet: À la page A, vous dites: "À la suite de
la consultation qu'il a menée, le gouvernement a retiré de son
projet de loi sa position initiale visant le nantissement des quotas de
production. Cependant, nous croyons que l'inclusion d'un tel article dans la
loi permettrait à l'emprunteur d'avoir une meilleure structure de
garantie et d'obtenir des conditions de prêt plus avantageuses." Vous
avez certainement entendu parler de cette question avec les banquiers qui
disaient: Si on prête là-dessus, on veut l'avoir en garantie.
L'Union des producteurs agricoles dit: Un instant, il n'en est pas question,
c'est notre droit de production. D'autres personnes, comme les
représentants des caisses d'établissement, sont venues dire:
Écoutez, on a des agriculteurs à l'intérieur de nos
structures, on a regardé cela sur le plan financier et non pas sur le
plan de l'agriculture seulement et on a essayé de voir. Là, on
nous dit: Oui, mais avec des conditions qui seront réglementées.
Votre position semble claire: Oui, on est d'accord. Alors, par rapport à
tout ce qui a été dit jusqu'à maintenant, j'aimerais avoir
un résumé rapide de l'opinion de l'ordre à ce sujet.
Le Président (M. Richard): M.
Villeneuve.
M. Villeneuve: Nous pensons qu'il pourrait être très
avantageux pour les agriculteurs d'être capables de donner leurs quotas
en garantie, en ce sens que les créanciers basent en bonne partie leurs
conditions de prêt en fonction de leurs garanties. Ce n'est pas le seul
facteur, mais c'est un des facteurs importants. À notre avis, si le
prêteur pouvait obtenir des garanties plus sûres et plus
réelles, il pourrait offrir de meilleures conditions à
l'emprunteur. En plus, actuellement, tout le monde sait que, de toute
façon, la plupart des prêteurs vont prendre le quota sous une
forme de garantie spéciale, soit le transport de créances.
L'Office du crédit agricole du Québec ne peut pas le
considérer comme une valeur de garantie réelle. Donc, il ne peut
pas considérer cette garantie en fonction des avantages qu'il peut
donner sur les conditions de prêt. A notre avis, actuellement, les
agriculteurs donnent leur quota en garantie à l'Office du crédit
agricole sous une autre forme, mais il ne peut pas donner en échange des
conditions de prêt reliées à cette garantie.
M. Jolivet: Ne croyez-vous pas qu'il y aurait danger que des gens
qui prêtent de l'argent avec un quota comme garantie en arrivent dans
certaines circonstances à être un peu - excusez le mot - rapaces
et, comme on disait ce matin, tirent la "plug" à cinq heures moins cinq
le vendredi soir pour s'assurer que le lendemain matin ils sont devenus
propriétaires et, après cela, ils vont vendre le quota? Ne
croyez-vous pas qu'il y a un danger à le faire dans ce sens?
M. Villeneuve: À notre avis, l'Office du crédit
agricole ou les autres créanciers, lorsqu'ils détiennent des
garanties, ce n'est pas un facteur comme tel pour rappeler plus rapidement ou
moins rapidement un prêt. Actuellement, les créanciers
détiennent des garanties autres que le quota et on ne pense pas que
l'Office du crédit agricole ou les autres créanciers font des
abus de ce côté-là. Donc, on ne voit pas vraiment pourquoi
le fait d'obtenir le quota en nantissement donnerait l'idée aux
créanciers de tirer la "plug" plus vite comme vous dites.
M. Jolivet: Oui, mais le quota c'est un droit de production.
M. Villeneuve: Oui.
M. Jolivet: Dans l'autre cas, ce sont des bâtiments de
ferme ou des véhicules, bon, ces choses-là. Vous savez ce qui en
est. Il y a une différence entre les deux. Je sais que vous faites une
différence vous autres aussi. Et le droit de production,
c'est-à-dire que demain matin on retire le quota et vous restez avec la
ferme, vous n'êtes pas plus avancé, avec aucune valeur quant aux
biens qui vous restent entre les mains. Parce que c'est lié ensemble
ça, le quota et les moyens de production.
M. Villeneuve: Cela devient, je pense, de la gestion de
créanciers dans la reprise de leurs garanties. S'ils veulent obtenir le
meilleur prix possible pour leurs garanties en général, soit les
immeubles, le quota et les équipements, j'ai l'impression qu'ils vont
probablement décider de vendre l'entreprise en bloc. Mais ça
devient une question de gestion de créanciers.
M. Jolivet: Oui, j'ai eu l'occasion comme ministre
délégué aux Fôrets de faire une tournée
à travers le Québec et de voir aussi comment les industriels du
bois de sciage ou autres, en arrivaient avec les banquiers à avoir des
problèmes quant à leur capacité de remboursement ou leur
capacité de s'assurer qu'il y a quelque chose entre les mains. On se
souviendra que les banquiers demandaient quasiment que les compagnies
deviennent propriétaires du bois debout, ce qui était impossible
et impensable pour une gestion saine du territoire par un gouvernement quel
qu'il soit. Et dans ce contexte-là ils se contentaient d'une assurance
qu'ils avaient un contrat d'approvisionnement, ce qu'on appelle maintenant
approvisionnement et aménagement forestier, un contrat de 25 ans - dans
les résineux en particulier - renouvelable à tous les cinq ans.
Ils se contentaient au moins de ça mais avec une petite parcelle qui
dit: Si j'en fais plus que ce qui est prévu dans mon plan
d'aménagement, j'en deviens propriétaire. Mais là, en
allant au niveau du quota, on demande des méchantes garanties a
quelqu'un par rapport à ce qu'il est capable de donner. Pourtant, on ne
le demande pas aux gros industriels papetiers ou autres.
M. Villeneuve: J'imagine qu'on parle de prêts basés
sur la capacité de remboursement. L'Office du crédit agricole
considère aussi la capacité de remboursement. C'est un facteur
très important. Mais assez souvent, je pense, les garanties deviennent
un facteur limitatif au prêt, soit en montants ou soit en conditions de
prêt. S'il y avait possibilité de prendre le quota, ce
facteur-là ne serait plus limitatif.
M. Jolivet: Est-ce que vous le verriez comme les gens du groupe
des caisses d'établissement le disaient, en dernier plutôt qu'en
premier comme condition et peut-être en disant: Oui, prêtons dessus
mais garantissons-le à partir du quota? Mais ça serait un des
gestes à la fin de tout qu'on poserait avant d'agir. Celui-là en
premier et les autres ensuite. En fait, est-ce que vous verriez des conditions
comme celle-là si vous vous imaginez cela?
M. Dupont: Disons qu'au niveau des quotas, le gros
problème qui arrive c'est qu'avec les dernières années les
quotas ont à peu près six à sept fois la valeur - cela
crée un déséquilibre - des actifs de la ferme. C'est le
plus gros problème. Par exemple, dans la volaille, le quota vaut 16 $ et
les bâtisses valent 2 $. Cela fait qu'il se crée une disproportion
en ce qui concerne les actifs. C'est là qu'est le problème pour
l'institution financière. En ayant seulement un transport de
créances et non un nantissement en bonne et due forme, c'est de
là que vient le problème pour l'emprunteur d'obtenir des
conditions de crédit, disons, avantageuses pour lui. C'est surtout le
déséquilibre que le quota cause par rapport à la
répartition des actifs. Si le quota avait une valeur du quart de ce
qu'il a présentement, ça ne causerait pas de problème.
Mais si la valeur du quota continue à progresser... C'est dans ce
sens-là qu'on trouve qu'il y a un déséquilibre au niveau
de la structure de garanties. Cela pénalise l'emprunteur
indirectement.
M. Jolivet: Est-ce que vous avez l'impression que le quota
lui-même va arrêter de monter dans ces circonstances-là?
Est-ce que c'est votre impression? Au rythme, en tout cas, auquel il a
monté jusqu'à maintenant.
M. Dupont: Disons que présentement, avec le
libre-échange, ça devrait se stabiliser, sinon baisser.
M. Jolivet: D'accord. Une autre question, à moins qu'il y
ait d'autres commentaires. Non. L'autre question, c'est... Vous dites que
l'ordre "ne croit pas nécessaire de fixer un montant aussi
élevé pour l'ensemble des agriculteurs. Cette limite favorise des
producteurs déjà bien nantis, qui peuvent obtenir du
crédit auprès d'autres institutions financières; elle
favorise une surenchère sur la valeur des actifs et une concurrence
difficile pour les jeunes agriculteurs et d'autres ayant une marge de manoeuvre
financière réduite". Ma question va être en regard de ce
qui a été dit par les représentants des banques.
Ils disaient: L'office devrait prêter, mais pas à ceux qui n'en
ont pas besoin, à ceux qui en ont besoin, sans définir qui; ce
pourrait être la relève, ceux qui sont en difficultés
financières. La question qui surgit, c'est: Comment
déterminer - si vous n'êtes pas d'accord, vous le direz - que ceux
qui sont bien nantis n'y ont pas droit et comment faudrait-il prévoir
l'aide à apporter à ceux qui en ont besoin?
M. Desnoyers: M. Bélanger va répondre à
cette question.
M. Bélanger (Jean-Eudes): II faudra peut-être
définir, au départ, le modèle de ferme qu'on veut avoir.
Est-ce qu'on veut s'en tenir à une entreprise de type familial,
c'est-à-dire qui fournit un revenu normal pour faire vivre une famille,
un revenu normal en fonction des autres revenus que les autres citoyens peuvent
obtenir, ou si l'on veut des superentreprises, tout simplement des machines
pour produire la nourriture dont on a besoin, ou si l'on veut des entreprises
à taille plus humaine? Cela revient à cela. Une entreprise de
type familial, c'est une entreprise qui, normalement, produirait un revenu qui
se comparerait à celui des autres citoyens.
M. Jolivet: Comme vous avez entendu ma question tout à
l'heure, vous devez attendre celle-ci: Les sociétés en
commandite, qu'est-ce que c'est pour vous? Votre position? Vous n'en avez
pas!
M. Dupont: Est-ce qu'il faut prendre position?
M. Jolivet: Non, non. C'est simplement pour savoir parce que vous
êtes - on peut l'employer comme tel - dans le champ à tous les
jours. Écoutez, si vous n'en avez pas, vous n'êtes pas
obligé. Je la posais et je la pose à tout le monde.
M. Desnoyers: L'ordre ne s'est pas penché sur ce point,
mais M. Villeneuve aura des commentaires à faire.
M. Jolivet: M. Villeneuve a des commentaires.
M. Villeneuve: Les sociétés en commandite, avant
tout, c'est tout simplement un principe de financement, un principe qui est un
peu différent, qui est basé principalement sur la
fiscalité. Les sociétés en commandite, à mon sens,
ne sont pas des concurrents au financement régulier, surtout dû au
fait qu'il n'y en a pas eu beaucoup. Il semblerait que la période
permise, de toute façon, pour les sociétés en commandite
devrait finir au 31 décembre 1987...
M. Jolivet: Au fédéral, mais pas au provincial.
M. Villeneuve: ...sauf au provincial.
Mais on n'a pas vraiment de position officielle, sauf que ce n'est
peut-être pas tout à fait le même marché.
M. Jolivet: C'est parce que M. Bélanger parlait de ferme
de type familial, c'est cela qui m'a incité à poser ma question,
sans cela je ne l'aurais pas posée. Quelle était la
différence dans le contexte? Si ce sont des machines à produire
la nourriture dont on a besoin, on peut penser, s'il y a un avantage fiscal,
à une société en commandite. Il y a du monde qui y sont
entrés en disant: Je vais récupérer rapidement et, comme
mon but est de faire de l'argent, je vais certainement aller chercher plus et
me retrouver, un jour, avec une ferme payée par l'ensemble des taxes de
tout le monde, incluant les agriculteurs qui se disent en posture difficile. On
s'aperçoit que l'autre à côté, avec nos propres
taxes, vient prendre notre terrain et nous déséquilibre au
chapitre de la ferme de type familial. En conséquence, ils sont inquiets
et c'est pour cela que je pose la question.
Une dernière question, M. le Président, quant à
moi. Est-ce que j'ai encore du temps? Oui. À la page 6, 3.2: "De plus,
l'emprunteur ne devrait pas être obligé de prendre 200 000 $ en
une seule fois, mais plutôt avoir la liberté d'étaler cette
somme sur une période d'années. Ainsi, on évitera
d'inciter les agriculteurs à trop emprunter et l'État versera
moins d'intérêts annuellement." Des jeunes sont venus me voir et
ils me disaient: Écoutez, on voudrait avoir telle sorte de production et
on voudrait partir avec telle grosseur de ferme. Je vous donne le même
exemple dans le secteur industriel; c'est la même chose. Quand ils sont
des corporations de développement, le jeune dit: Écoute - ou la
personne, peu importe si elle est jeune ou pas, mais qui veut lancer quelque
chose - je partirais avec tant d'argent, mais les conseillers me disent: Si tu
veux passer à travers, tu serais mieux d'en avoir plus. Là, ils
m'en mettent plus et, finalement, je tombe à pic quand même. Donc,
votre proposition, je la trouve intéressante dans la mesure où
l'on dit qu'il peut aller graduellement et s'assurer de ne pas se casser le nez
et de tomber rapidement. Donc, j'aimerais que vous me donniez plus
d'explications; même si cela semble être clair, j'aimerais que vous
argumentiez davantage.
M. Desnoyers: M. Dupont. (16 h 45)
M. Dupont: Disons que notre mémoire, comme vous avez pu le
voir, est axé vers l'établissement des jeunes. On aimerait une
formule de subventionnement axée prioritairement sur les jeunes. On ne
dit pas qu'on ne veut plus subventionner du tout les producteurs bien nantis,
mais cela le sous-
entend.
M. Jolivet: Ceux qui sont là depuis longtemps sont
supposés être bien nantis et ceux qui ne passent pas à
travers sont en difficulté.
M. Dupont: Pour nous, un producteur bien nanti ou bien
établi c'est un producteur établi depuis dix ans et qui est
rentable et tout va bien. On considère qu'il devrait se
débrouiller lui-même par ses propres moyens. C'est dans ce sens
qu'on disait "décroissant" en ce qui a trait au subventionnement de
l'intérêt.
Pour revenir à votre question, il arrive, dans un transfert de
ferme, souvent disons, que le fils voit qu'il y a 200 000 $ de subventionnement
disponible. Là, il se dit, je vais l'utiliser tout de suite
entièrement. Je vais moderniser, etc. C'est dans ce sens qu'on dit que
cela incite à l'endettement. On aurait aimé qu'il utilise 100 000
$ et démarre son entreprise plus lentement. Il aura ses 100 000 $ de
réserve pour plus tard. C'est dans ce sens qu'on voulait...
M. Jolivet: Autrement dit, il fait une sorte d'engagement de
crédit et il dit: Je vais en utiliser une partie et plus tard
j'utiliserai le reste.
M. Dupont: C'est cela. Ses 200 000 $ il les a mais s'il veut les
utiliser sur cinq ans, s'il veut démarrer selon son rythme, il
démarre selon son rythme.
M. Jolivet: Merci.
Le Président (M. Richard): Merci. Nous vous remercions,
messieurs, d'avoir présenté votre mémoire. Je demanderais
aux représentants de l'Association des technologistes agro-alimentaires
de prendre place, s'il vous plaît.
Messieurs, j'aimerais que le responsable du groupe se présente
et, comme on a fait pour les groupes précédents, vous
présentez vos collègues par la suite. Vous avez 20 minutes au
maximum pour présenter votre mémoire ou la synthèse de
votre mémoire. Alors, vous avez la parole.
M. Girard (Maurice): Je me présente, Maurice Girard,
président de l'Association des technologistes agro-alimentaires inc.
Sans plus tarder, je vous présente les collègues qui
m'accompagnent cet après-midi. En partant de ma droite, M.
Clément Aubry, agriculteur et technologiste agro-alimentaire, M. Daniel
Sylvestre, évaluateur agréé et technologiste, M. Michel
Henri-Goyette, premier vice-président à l'ATA, et notre
collègue d'extrême droite, M. André Héon,
deuxième vice-président de l'association.
Le Président (M. Richard): Bienvenue, messieurs, vous avez
la parole.
Association des technologistes agro-alimentaires inc.
M. Girard: Merci. M. le ministre Pagé, M. le
Président, messieurs les membres de la commission parlementaire,
l'Association des technologistes agro-alimentaires se réjouit de la
présente consultation sur le projet de loi 46, Loi sur le financement
agricole, qui, ajoutée aux consultations de 1986, démontre
l'importance qu'accorde le gouvernement du Québec à ce secteur
névralgique de l'économie qu'est l'agriculture et la
nécessité de la contribution de tous les secteurs de
Pagro-alimentaire à la révision de cet outil stratégique
que constitue la législation sur le financement agricole. L'ATA vient
donc soumettre le présent document de réflexion.
Dans un premier temps, il convient de situer brièvement le
technologiste agro-alimentaire par rapport à l'agriculture. Par la
suite, nous définirons brièvement la démarche soutenant
nos réflexions sur le projet concerné. Le technologiste
agro-alimentaire est un spécialiste de la technologie dont la formation
le prépare à assumer des tâches reliées à la
production, aux services à la production, aux services de transformation
et aux services para-agricoles. Les activités du technologiste couvrent
donc l'ensemble du secteur agro-alimentaire.
Nous sommes ici particulièrement préoccupés par le
développement et principalement par la consolidation du secteur de la
production. Comme nous le savons, les politiques de financement influencent au
plus haut point ces objectifs.
La démarche retenue dans notre processus de réflexion
repose principalement sur la détermination des besoins des agriculteurs
en ce qui a trait au crédit relié à leur exploitation et
sur les règles régissant son environnement financier.
Déterminer ces besoins et, ce faisant, les leviers
appropriés de financement, tels sont les défis lancés au
ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du
Québec et aux divers intervenants du milieu agricole dans le cadre du
projet de loi sur le financement agricole. Nous venons donc y apporter notre
sincère et honnête contribution.
Le marché cible et ses besoins. Avant de lancer ou de modifier un
produit, il convient d'abord de définir le marché visé,
c'est-à-dire la clientèle cible que l'on désire atteindre.
Il s'agit donc ici de définir ce qu'est l'agriculteur ou l'agricultrice
en matière de financement. Qui sont-elles, en effet, ces personnes qui
continueront de développer des entreprises comparables aux autres
secteurs économiques et, par surcroît, de solidifier la base de
toute l'industrie
agro-alimentaire? Nous les définissons comme une
génération montante de gens d'affaires, de dirigeants de PME. Ce
sont des gens qui, de jour en jour, acquièrent de nouvelles
connaissances (régie intégrée dans les cultures,
transplantation embryonnaire, informatique, pour ne nommer que
celles-là). Ils font partie de la génération ouverte aux
technologies de pointe.
Dans ce monde de communication ultrarapide, leurs besoins ne peuvent
être différents de l'ensemble des consommateurs de finance
(commerce, industrie petite ou grande, particuliers). Ils recherchent donc une
gamme de produits et/ou de services adaptés à leurs besoins.
Conséquemment, ils comptent s'appuyer sur une gamme de fournisseurs dont
la libre concurrence leur offrira les meilleurs avantages.
Comme dans tous les secteurs de l'économie, les mots
"concurrence", "compétition" sont ici synonymes d'excellence. Nos
entreprises agricoles nous le prouvent couramment. Ainsi, au fil des ans,
l'agriculteur recherchera la compétition et le libre choix de ses
partenaires financiers. L'autonomie reste pour lui une règle d'or; elle
est la raison d'être de cet entrepreneur indépendant. Aussi, pour
elle ou lui, l'État devient un intervenant parmi d'autres partenaires du
monde financier agricole.
Qui plus est, le rôle accru joué par les institutions
privées dans le financement agricole depuis plusieurs années et
ce, de façon indépendante de l'État, vient combler un vide
dénoté dans le passé en cette matière. Cette
observation renforce les besoins des agriculteurs énoncés
précédemment en termes d'autonomie, de libre choix et de
recherche d'une libre concurrence entre les différents fournisseurs
financiers.
Nous en venons donc aux propositions. Tout en continuant d'assumer son
rôle actuel par rapport aux autres financiers, nous convenons que le
régime québécois de financement agricole serait
bonifié par divers réaménagements. Nous nous attarderons
dans ce document à ceux qui nous ont intéressés
davantage.
Cadre législatif. D'abord, la refonte de huit lois en une seule,
de huit règlements en un seul devant faciliter la compréhension,
la vulgarisation et l'application des programmes en réduisant
considérablement le nombre de formulaires et le volume des
procédures et des politiques et en facilitant le processus de traitement
des dossiers, est pleinement justifiée.
Planification financière. Nous notons que le plan quinquennal,
tel qu'apparaissant au projet initial de refonte, a été
éliminé. Cependant, le texte de loi comporte encore beaucoup
d'ouverture face à la planification des besoins financiers à
moyen terme, principe sur lequel nous ne pouvons qu'être d'accord
puisque, comme plusieurs autres intervenants, nous encourageons fortement la
saine gestion financière qui se fait, entre autres, par l'analyse et la
planification.
Toutefois, en raison du fait que l'agriculture est sujette à un
environnement extérieur (température, prix, lois,
économie, libre-échange) soumis à des soubresauts
fréquents et accentués, provoquant ainsi des changements non
négligeables à la situation financière des agriculteurs et
obligeant alors à la révision fréquente des dossiers, nous
osons espérer que la réglementation et les politiques permettront
beaucoup de souplesse, de façon que ce principe de planification
à moyen terme engendre une amélioration du système et non
un alourdissement du processus administratif de traitement des dossiers.
La planification des besoins en crédit à moyen et à
long termes devrait se limiter à tracer les grandes lignes d'orientation
de l'entreprise et ce, par la détermination des objectifs des
agriculteurs, des agricultrices et de leur famille, et par la
détermination des déficiences de l'entreprise. Par exemple, pour
alléger l'administration des dossiers, il sera important d'éviter
les exercices théoriques et laborieux de budgets pluriannuels qui, au
moindre soubresaut de l'économie, seront à recommencer.
Approche globale. Ce volet du projet de loi qui prévoit que tous
les prêts, autant à long, à moyen ou à court terme,
devront être précédés de la livraison des
certificats par l'office en inquiète plus d'un. Il est clair que
l'autonomie relative acquise par les lois actuelles, LAF-LCPA, disparaît.
Il n'y aura donc plus possibilité d'obtenir des crédits aussi
rapidement via des prêts consentis sous la nouvelle loi, en raison des
délais qu'occasionnera l'émission d'un certificat.
De plus, le fait qu'il sera possible pour l'office d'émettre un
seul certificat pour couvrir les trois types de prêts, long terme, moyen
terme, court terme, qui sera remis à un seul prêteur, limitera
énormément l'emprunteur dans ses efforts de négociation
auprès de tous les fournisseurs financiers afin d'obtenir le meilleur
service possible. Cette approche obligeant le débiteur à nantir
tous ses actifs en faveur d'un prêteur unique freine carrément les
bienfaits de la libre concurrence dont chaque requérant emprunteur a
besoin pour optimiser sa gestion financière.
Ouverture de crédit. Nous souhaitons que les fins du
prêt-ouverture de crédit soient élargies de façon
à couvrir réellement tous les besoins de l'entreprise agricole.
Par exemple, le coût total du coût de la vie familial devrait
être admissible aux fins de ce prêt. En effet, dans certaines
productions où les revenus sont irréguliers, il est normal et
même nécessaire de pouvoir compter sur
sa marge de crédit pour vivre en attendant les entrées de
fonds. L'office pourrait, à titre d'exemple, appliquer les normes des
régimes d'assurance-stabilisation des revenus agricoles en termes de
revenu pour l'ouvrier spécialisé. De plus, l'emprunteur devrait
pouvoir utiliser l'ouverture de crédit pour effectuer les versements en
capital et intérêts sur tous ses prêts à terme. (17
heures)
Le document accompagnant le projet de loi prévoit
également que le taux d'intérêt maximum admissible aux fins
de la loi sera le taux de base plus 1 %. Il deviendra donc beaucoup moins
intéressant pour les institutions prêteuses d'octroyer des
prêts-ouverture de crédit à cette condition. Les grands
perdants seront, évidemment, les agriculteurs, puisque certains se
verront privés d'un outil indispensable.
Garanties. Il est clairement établi dans le texte du projet de
loi qu'en plus d'exiger dans tous les cas des garanties de premier rang, ou
prenant rang immédiatement après celles détenues par
l'office, ce dernier peut prévoir, parmi les conditions du prêt
mentionnées au certificat, que la garantie du prêt fasse l'objet
d'un acte de fidéicommis. Si ce type de garantie, tel que nous le
concevons, devait être largement utilisée, elle porterait, encore
une fois, une sérieuse atteinte à la liberté d'action des
emprunteurs. L'office se doit de définir précisément la
portée de son acte de fidéicommis et ses intentions quant
à l'application.
Nous croyons que l'office devrait faire appel à cette forme de
garantie seulement lorsque, après analyse, le comité de
réexamen le recommandera par décision unanime. Nous reviendrons,
d'ailleurs, plus loin dans ce document sur notre vision du rôle de ce
comité.
Subvention à l'intérêt et taux
d'intérêt. Les modifications proposées relèvent
d'une redistribution du portefeuille du MAPAQ en matière de
subventionnement de l'agriculture et ce, en fonction des priorités de ce
ministère et du gouvernement en général. Nous n'entrerons
pas dans cette mécanique. Toutefois, il nous semble d'une
équité élémentaire que les subventions soient
accordées à tous les agriculteurs du Québec, sans
égard aux institutions privées ou gouvernementales, provinciales
ou fédérales, où ils auront décidé librement
de faire affaire. Nous croyons effectivement qu'une collaboration acrrue entre
les organismes de crédit provincial et fédéral serait
très bénéfique pour la gent agricole.
En second lieu, relativement aux niveaux de subventionnement, nous
désirons insister sur l'importance de bien analyser la qualité et
la pertinence de la formation et de l'expérience du requérant. Il
sera important de tenir réellement compte de ces facteurs autant dans la
détermination des subventions que dans l'octroi des prêts.
Dans un troisième temps, concernant les taux
d'intérêt, nous relevons, à l'article 49, que l'office peut
établir un taux pondéré lorsque différents taux
s'appliquent à plusieurs prêts. Nous concevons difficilement que
l'office puisse décider d'une pondération des taux pour plusieurs
prêts que les parties auront antérieurement contractés de
gré à gré. Il nous apparaît qu'une telle pratique
irait à l'encontre des règles financières reconnues.
Comité de réexamen. Nous souhaitons que le mandat du
comité de réexamen inclue la possibilité pour le
producteur de s'en prévaloir aux fins de réviser les conditions
d'un prêt octroyé, par exemple, une prise de garanties
jugée excessive et néfaste à une saine autonomie de
l'entreprise. De plus - et c'est là une interrogation - le comité
ne jouerait-il pas plus adéquatement son rôle si l'office
était lié à ses recommandations et ce, lors de
décisions unanimes des membres du comité?
Finalement, nous attirons l'attention sur l'article 119 du projet de loi
pour rappeler que plusieurs technologistes peuvent répondre aux
critères de sélection, avec toute la compétence
voulue.
Autres mesures. Agriculture à temps partiel. Considérant
la rentabilité marginale de plusieures productions (veau d'embouche,
mouton, pour ne nommer que celles-là) considérant
également les difficultés grandissantes de productions à
expansion récente (les céréales) nous croyons essentiel
que la nouvelle loi ouvre la possibilité d'emprunt aux agriculteurs qui
doivent occuper un emploi à l'extérieur de l'entreprise pour en
assurer la survie et ce, sans pénalité au subventionnement
à l'intérêt. Nous nous interrogeons également sur la
possibilité d'étendre cette politique aux dossiers
d'établissement, c'est-à-dire dans les cas d'acquisition
d'entreprise nécessitant l'apport de revenus extérieurs,
conformément à la réalité économique de
plusieurs productions au Québec. D'ailleurs, de telles politiques
permettraient de solidifier la base fragile du dévelopement des
productions énoncées précédemment.
Rentabilité: à ce chapitre, nous croyons qu'il y aurait
lieu d'utiliser la notion de "capacité de remboursement adéquate"
qui est beaucoup plus factuelle que la rentabilité, à des fins
d'analyse et d'admissibilité.
Nous terminons ici nos réflexions relatives au projet de loi 46.
Toutefois, à la fin de ce mémoire, nous sortirons du cadre du
projet de loi en émettant des suggestions susceptibles
d'améliorer l'administration du régime et de rencontrer, encore
une fois, les besoins de la clientèle agricole, sachant à
l'avance que notre lecteur ne nous en tiendra
pas rigueur.
Suggestions relatives à l'administration du régime. Un
allégement administratif accru ne peut qu'être
bénéfique pour l'ensemble de la clientèle agricole.
À cet effet, l'article 115 du projet de loi 46 prévoit une
possibilité de délégation de pouvoir décisionnel au
personnel de l'office. Il est à espérer qu'on saura utiliser
avantageusement cette option. Par exemple, la décentralisation des
approbations de prêts vers les régions réduirait du
même coup les délais, ce qui serait bien accueilli par la classe
agricole. Une souplesse accrue dans les périodes de versements et le
paiement des subventions à l'intérêt dans le cas des
comptes en souffrance répondrait également aux besoins des
agriculteurs québécois. Finalement, les prêts-ouverture de
crédit seraient bonifiés par un allégement des
procédures de déboursement.
Ce sont là quelques suggestions dont la mise en application peut
se réaliser dans le cadre du rôle actuel de l'État dans le
financement agricole et ne nécessite pas une intervention accrue de
celui-ci.
L'Association des technologistes agro-alimentaires tient à
remercier les membres de cette commission pour lui avoir donné
l'occasion de s'exprimer sur un sujet aussi important. Les commentaires
émis dans ce document résultent de notre perception de
l'environnement financier inhérent à la production agricole. Nous
profitons de l'occasion pour féliciter les autorités du
ministère pour leur volonté d'améliorer davantage ledit
régime en accueillant avec ouverture les opinions des organismes
impliqués dans notre industrie agro-alimentaire. En terminant, nous
réitérons nos remerciements et vous assurons notre entière
collaboration.
Si M. le Président le permet et si j'en ai le temps, nous avions
ajouté une petite annexe relativement au projet de loi 49. Est-ce que
cela va?
Le Président (M. Richard): Prenez le temps, monsieur.
Une voix: Consentement.
M. Girard: Nous vous savons très disciplinés. On
prend la peine de le demander.
Le Président (M. Richard): Merci, M. Girard.
M. Girard: Nous nous permettons, à la fin de ce document,
de vous faire part de nos réflexions sur le projet de loi 49. Nous nous
attarderons au contenu et à l'interprétation des articles 2 et 23
de ce projet, considérant que le coût de l'assurance est ce qui
touche le plus directement l'emprunteur.
Le texte de ces articles ne nous apparaît pas suffisamment
précis quant à la contribution des emprunteurs au fonds
d'assurance, ainsi que quant aux mécanismes permettant d'éponger
les déficits actuels et futurs du fonds.
La volonté de favoriser les jeunes agriculteurs, exprimée
dans le projet de loi 46, notamment au chapitre des subventions à
l'intérêt, ne doit pas être contrée par des
cotisations dont les augmentations seraient hors de proportion. De plus, la
responsabilité de combler le déficit accumulé ne doit pas
être assumée seulement par les jeunes emprunteurs, ceux-ci
étant souvent les plus vulnérables sur le plan financier.
Ce court commentaire constitue à la fois une demande
d'explication et une mise en garde. Merci.
Le Président (M. Richard): Merci, M. Girard.
M. le ministre, à vous la parole.
M. Pagé: Merci, M. le Président. Je voudrais saluer
l'Association des technologistes agro-alimentaires, son président, M.
Girard, ses adjoints à l'exécutif. Si ma mémoire est
fidèle, c'est une des premières fois que vous témoignez
ici en commission parlementaire; alors, je vais vous souhaiter la
bienvenue...
M. Girard: Merci.
M. Pagé: ...et vous indiquer que c'est avec beaucoup
d'intérêt, évidemment, qu'on a pris connaissance de votre
mémoire, de vos interrogations, des questions que vous vous posez ou des
précisions que vous demandez.
On va commencer par la dernière, celle que vous demandez
concernant le projet de loi 49 où vous dites, au troisième
paragraphe, en annexe: "De plus, la responsabilité de combler le
déficit accumulé ne doit pas être assumée seulement
par les jeunes emprunteurs, ceux-ci étant souvent les plus
vulnérables sur le plan financier." Je dois vous dire que la
totalité du déficit accumulé du Fonds
d'assurance-prêts agricoles et forestiers, soit les 90 000 000 $ qui ont
dû être payés par le fonds pour couvrir des pertes
entre 1978 et 1986, sera couverte non pas par les emprunteurs, non pas
par une augmentation du taux de pourcentage d'assurance ou quoi que ce soit,
mais payée entièrement et complètement par le gouvernement
du Québec. C'est donc dire qu'au moment de l'adoption des projets
de loi 46 et 49 nous allons défrayer entièrement le
déficit sur une période de cinq ans; on va le prendre à
notre propre charge. Et nous allons établir, à partir des
études actuarielles que nous faisons présentement, le pourcentage
d'assurance qui doit être exigé,
un peu comme lorsqu'on prend une assurance-hypothèque. Comme on
le sait, une assurance-hypothèque, c'est généralement 1 %
et c'est généralement pour toute la durée de
l'hypothèque.
Ce que j'ai indiqué par le projet de loi 49, c'est une
contribution sur une période de cinq ans. Remarquez que j'ai
été assez honnête et assez ouvert pour présenter ce
projet de loi en même temps que le projet de loi 46, sachant qu'on
pouvait prêter flanc à la critique. On a été assez
honnête pour dire que cela pourrait aller jusqu'à 500 $ par
année pendant cinq ans. Certains ont vite sauté aux conclusions
en disant: Cela va coûter 500 $ par année aux jeunes agriculteurs;
cela va coûter 2500 $ sur cinq ans; vous allez reprendre, par le projet
de loi 49, ce que vous donnez par le projet de loi 46 et ce sont les jeunes qui
vont devoir couvrir les déficits antérieurs.
Je veux être très clair. Premièrement, il n'est pas
question que les déficits accumulés soient couverts par les
futurs emprunteurs; c'est en totalité notre gouvernement, via le
Trésor, qui va les assumer. Deuxièmement, il y aura un
régime d'assurance qu'on veut davantage garant de couvrir des pertes
éventuelles, en espérant qu'on ait à recourir le moins
possible à ce fonds d'assurance. Troisièmement, le taux exact
sera établi lorsque les conclusions ou les recommandations des
études actuarielles qui ont présentement cours me seront
formulées. Voilà pour le projet de loi 49.
Pour ce qui est du projet de loi 46, à la page 6 de votre
mémoire, vous indiquez certaines réserves à l'égard
de l'approche globale et, à la fin du premier paragraphe de l'approche
globale, vous dites: "II n'y aura donc plus possibilité d'obtenir des
crédits aussi rapidement via des prêts consentis sous la nouvelle
loi." Notre intention et l'intention des législateurs qu'on doit
retrouver dans ce projet de loi qu'on étudie est la suivante. On veut
que, dans un premier temps, soit faite une analyse des besoins financiers de
l'emprunteur pour l'entreprise qu'il a ou qu'il projette d'acheter. Nous
voulons que celui-ci soit conseillé le mieux possible par les gens de
l'office, par des professionnels de l'extérieur, etc. On veut
établir ensemble les perspectives de développement et de besoins
financiers futurs requis pour le développement de cette entreprise.
Pour nous, c'est un aspect positif important. Plutôt que de dire
à un emprunteur: Monsieur, madame, vous nous demandez, par exemple, 100
000 $, on vous prête 100 000 $ et que cette même entreprise, ce
même couple soit obligé de venir cogner à notre porte 18
mois plus tard pour nous dire: Vous savez, on aurait une occasion d'agrandir
notre terre, on aurait une occasion d'augmenter le quota, on aurait une
occasion d'améliorer notre cheptel, on aurait des équipements
à rénover, etc., et de devoir recommencer, à ce
moment-là, avec le conseiller dans la région, une analyse au
bureau régional peut-être, un dossier traité à
l'office, avec les délais que cela implique, nous croyons que, via
l'approche globale, nous pourrons dire à une entreprise: Écoutez,
votre entreprise, c'est cela; vos besoins financiers actuels prévisibles
à long terme, sont ceux-là à court et à moyen
termes sont ceux-là, etc., avec un crédit à court terme de
X. Nous croyons, sans nous imposer, sans qu'il y ait d'engagement écrit
à réaliser un tel investissement un an, deux ans, trois ans ou
quatre ans après, que le plan d'action de votre entreprise, son
développement devra conduire à un autre investissement dans trois
ans. Le crédit nécessaire à cet investissement sera
préautorisé. Cela veut donc dire que toute la procédure ne
devra pas être amorcée de nouveau. (17 h 15)
Un peu plus loin, si ce n'est dans la même page, vous parlez de
l'obligation de décentraliser. Je l'ai indiqué hier: Une fois que
le crédit, selon l'approche globale, aura été
traité et que le dossier des requérants aura été
analysé, lorsque la phase additionnelle, la deuxième phase de
crédit à obtenir, arrivera, il suffira pour ces gens-là
d'aller voir leur bureau local ou régional et le crédit sera
obtenu, ce qui, selon nous, simplifiera les procédures, ce qui, selon
nous, va ramener davantage de décisions au niveau des régions.
Une de vos inquiétudes, c'était l'émission d'un seul
certificat. J'ai indiqué hier que l'emprunteur pourrait obtenir plus
d'un certificat. Cela veut donc dire que c'est facultatif et on reconnaît
le droit fondamental pour l'emprunteur d'aller chercher du financement dans une
institution financière et, au besoin, un autre type de financement dans
une autre institution financière. Alors, je voudrais vous
sécuriser à cet égard-là.
Une question. Vous référez, à la page 9 de votre
mémoire, à une notion de "capacité de remboursement
adéquate". C'est intéressant parce que ça
réfère à des règles qui obéissent au
principe: on en donne selon ce qu'on en a. Mais comment concilier cette notion
que vous développez à la page 9, de nous baser sur la
capacité de remboursement adéquate par rapport aux
critères qui sont élaborés à l'article 13 du projet
de loi 46 où nous, on réfère à un concept de
rentabilité?
M. Girard: Pour moi, M. le ministre, c'est une question de
lexique.
M. Pagé: C'est la même chose.
M. Girard: La rentabilité en agriculture; pour moi, quand
je pense au mot "rentabilité", il est le même dans tous les
secteurs de l'économie. Des retours sur le
capital, il ne faut pas se leurrer. J'ai une certaine expérience
dans le crédit, vous le savez.
M. Pagé: Ah, vous n'êtes pas allé à
une mauvaise école, vous savez.
M. Girard: C'est une école comme d'autres. La
première fois que j'ai prononcé ce mot-là devant un copain
qui valait beaucoup plus que moi, il a pouffé de rire. On n'utilise pas
le mot rentabilité, je pense, en agriculture. Si on pense à un
retour sur le capital, on a un choix d'investissements; c'est dans ce
sens-là qu'on l'a mis, tout simplement.
M. Pagé: D'accord.
M. Girard: C'est dans un sens de lexique pur et simple.
M. Pagé: D'accord.
M. Girard: D'ailleurs, je remarquais qu'à la fin de notre
document révisé on l'avait nous-mêmes utilisé en
en-tête à la page 9. C'est une habitude ancrée dans le
système de parler de rentabilité, mais il ne faut pas se conter
de peurs. Je pense qu'on va parler dorénavant de "capacité de
remboursement adéquate". Autrement, on pourrait en faire accroire
à des gens qui viendraient d'en dehors du système et qui
s'imagineraient avoir des retours sur leur capital.
M. Pagé: On pourrait en discuter longtemps. Parce que,
pour un investisseur privé, je suis persuadé qu'un rendement sur
le capital de 2 % ou 3 %, ce n'est pas du tout, mais pas du tout
intéressant. Cependant, il faut quand même convenir qu'en
agriculture, il faut travailler fort, il faut être multidisciplinaire, il
faut être multiprofessionnel. Les agriculteurs, les agricultrices sont
toujours à la merci d'une grêle, d'une mauvaise
température. C'est souventefois, dans certaines productions, du travail
sept jours par semaine. Ce sont vraiment des entreprises où tout le
monde est mis à contribution. Ce n'est pas facile. C'est dur. C'est
noble. Comme je le disais souvent aux jeunes, le jeune qui va s'en aller en
agriculture aujourd'hui ou qui était en agriculture hier, il va
travailler fort avec des vacances ou des congés moins fréquents
que celui qui va travailler à l'usine de pâtes et papiers, sauf
qu'à 55 ans ils n'ont généralement pas le même fonds
de pension, par exemple. Cela, c'est avantageux aussi.
M. Girard: C'est un choix de vie.
M. Pagé: Aux pages 6 et 7, j'aimerais que vous me
fournissiez des explications quand vous référez à
l'ouverture de crédit. À la page 7, vous dites, au
deuxième paragraphe: "Le document accompagnant le projet de loi
prévoit également que le taux d'intérêt maximum
admissible aux fins de la loi sera le taux de base plus 1 %. Il deviendra donc
beaucoup moins intéressant pour les institutions prêteuses
d'octroyer des prêts-ouverture de crédit à cette condition.
Les grands perdants seront, évidemment, les agriculteurs, puisque
certains se verront privés d'un outil indispensable." Je vous le dis
comme je l'ai pensé en le lisant: Je ne vous suis pas.
M. Girard: D'accord.
M. Pagé: Pourriez-vous m'expliquer ça?
M. Girard: Oui. D'abord, pour compléter, dans le
même ordre d'idées, en fait, au moment où nous avons
écrit ce mémoire, entre autres la fin de la page 6, nous n'avions
pas le projet de règlement entre les mains. Nous constatons au projet de
règlement qu'effectivement on va prévoir un coût de la vie
jusqu'à 20 000 $, d'après l'expertise...
M. Pagé: Oui.
M. Girard: ...des conseillers de l'office. À ce
moment-là, je pense que cela rencontre nos...
M. Pagé: Vos inquétudes.
M. Girard: ...inquiétudes à ce chapitre. En ce qui
concerne le deuxième point, qui était l'utilisation des
ouvertures de crédit pour les versements en capital et
intérêt "sur ces prêts à terme", j'ai rajouté,
lorsque je l'ai lu, "tous ces prêts à terme", car le projet de
règlement spécifie que l'ouverture n'est possible que pour
effectuer les versements des prêts consentis par l'office. Alors, il se
peut bien que, dans le cours de l'année, l'agriculteur ait des paiements
de tracteur avec des compagnies de finance ou tout autre créancier; je
me dis que l'ouverture de crédit se doit d'être complète,
ouvrons-la pour l'ensemble des créances de l'agriculteur.
T + 1 %. En fait, on dit "le document" parce qu'à ce
moment-là nous n'avions pas le projet de règlement.
M. Pagé: D'accord.
M. Girard: Nous n'avons pas produit d'annexé, on s'est fié
à ce qui était annexé au premier document reçu,
à l'avant-projet de loi. Pourquoi est-ce moins intéressant? On
sait très bien que l'institution prêteuse a, en fait, deux choix.
Elle peut elle-même octroyer une marge de crédit ou encore
l'ouverture de crédit telle qu'administrée par
l'office dans le cadre de ce projet de loi. On sait que l'ouverture de
crédit nécessite, est accompagnée, en tout cas, dans le
texte de règlement, d'un certain nombre de procédures. C'est
beaucoup plus, pour parler franc, de paperasse, de contrôles, de
pièces justificatives qu'une marge de crédit conventionnelle.
Si les institution se voient limitées dans le taux
d'intérêt maximum et si, en plus, il y a un risque additionnel,
à ce moment-là, elles n'en octroieront tout simplement pas. Notre
agriculteur ne sera pas plus avancé. C'est certain que, pour lui, c'est
intéressant de l'avoir à T - 0,5 %, si l'institution veut lui
faire un cadeau. Son premier besoin, c'est une ouverture de crédit; cela
est un besoin clairement démontré par un budget de
trésorerie. Le deuxième, c'est aux meilleures conditions, on
s'entend là-dessus. Si les conditions que le législateur veut
imposer aux institutions financières ne concordent pas avec leurs
critères internes, compte tenu de l'administration du dossier, des
risques qu'il peut y avoir, elles n'en octroieront pas. L'agriculteur, je le
répète, ne sera pas plus avancé.
C'est dans ce sens que nous l'avons mentionné, M. le ministre.
Mon collègue de gauche, M. Sylvestre, aimerait ajouter à ma
réponse.
M. Sylvestre (Daniel): Dans le passé, nous avons
remarqué, à plusieurs reprises, que les institutions
prêteuses, qui pouvaient prêter à des taux de base plus un
certain pourcentage déjà fixé par une loi, ajoutaient des
soldes compensatoires pour, justement, aller chercher un taux
d'intérêt un petit peu plus élevé. Tout ce que cela
a amené dans la pratique, c'est que l'agriculteur n'était plus en
position d'évaluer exactement le taux qu'il payait. Alors, il
n'était plus en position de magasiner d'un prêteur à
l'autre, à savoir si, effectivement, il payait le taux de base plus 1 %
ou s'il payait le taux de base plus 2 % ou plus 2,5 % ou plus 3 %. Ce qu'on
remarque chez les prêteurs, c'est que le fardeau d'administrer une telle
ouverture de crédit leur demande un taux de base plus un certain
pourcentage, dépendant de la difficulté du dossier.
Ce qu'on pense, c'est que, dans une libre concurrence, les agriculteurs
sont assez adultes pour négocier eux-mêmes le taux le plus
avantageux qu'ils peuvent obtenir auprès des institutions
prêteuses. Il ne faut pas obliger ces financiers à utiliser des
moyens qui feraient que l'agriculteur ne peut plus percevoir le taux
réel qu'il paie d'intérêt sur sa marge de crédit. Il
faut qu'il soit conscient du taux réel, c'est plus 1 % ou plus 2 % ou
plus 3 %, mais qu'il le sache au départ, qu'il ne soit pas obligé
de faire un calcul chinois que même un évaluateur
agréé est quasiment incapable de faire pour arriver au taux
réel. C'est pour cela que ce qu'on vous suggère, c'est un taux
concurrentiel. On sait très bien que les gens d'affaires, lorsqu'ils
négocient une marge de crédit, ils négocient la marge de
crédit la plus avantageuse chez le prêteur qui les avantage le
mieux. Je pense que les agriculteurs sont capables de faire pareil.
M. Pagé: M. le président de l'Office du
crédit agricole aurait certaines statistiques à donner, si vous
le permettez, concernant les taux effectivement payés. C'est assez
intéressant, vous allez voir.
Le Président (M. Richard): Alors, M. Moreau.
M. Moreau (Camille): Merci, M. le Président.
Évidemment, je veux simplement préciser que ce qui avait
été suggéré, 1 %, ne visait pas à
empêcher la concurrence comme telle. C'est un plafond à
l'intérieur duquel, bien sûr, pour éviter des abus, la
concurrence, comme vous allez le voir par les statistiques, est tout à
fait ouverte. Il y a un postulat, quand même. Si on parle de "prime rate"
plus 1 ou de taux préférentiel plus 1, vous n'ignorez pas que le
taux préférentiel, par définition, est le taux
appliqué au meilleur client. Vous êtes en face d'un crédit
dont l'expertise est complètement assumée par le gouvernement et
vous êtes en face d'un crédit assuré à 100 % contre
les pertes. Alors, le meilleur client, un taux préférentiel avec
un type de crédit de cette nature.
Qu'on propose un plafond, vous allez voir que c'est peut-être
valable de le faire, mais ce qui est intéressant, c'est qu'à
"prime rate" plus 1/2 il y a 20 % des prêteurs qui actuellement
prêtent, consentent des marges de crédit. Il y a 63,5 % des
prêteurs qui consentent des marges de crédit présentement.
J'entends le cumulatif des prêteurs: banques, caisses et tous les types
de prêteurs, la moyenne est 63,5 % qui consentent des marges de
crédit à "prime rate" plus 1. Cela veut dire qu'ils respectent
déjà le plafond qu'on propose. Il y a même des
prêteurs qui le respectent - je ne voudrais pas donner de noms autour de
la table ici - jusqu'à 93,7 % "prime rate" plus 1. Par contre, nous en
avons qui sont au "prime rate" taux de base plus 2. Nous en avons un certain
nombre à taux de base plus au-delà de 2. Certains agriculteurs se
plaignent à ce moment.
Vous parlez de concurrence mais, dans certaines régions, on sait
que, pour toutes sortes de facteurs, vous avez pratiquement un marché
captif. Cela peut être l'expérience passée dans le dossier,
cela peut être purement géographique, cela peut être pour
une question de distance, de sorte qu'on a beau parler de concurrence dans
le
concept, en pratique l'agriculteur ne peut pas s'en prévaloir.
Avec le résultat que certains prêteurs - je ne veux nommer aucune
institution ici encore - ont tendance à appuyer fort sur le crayon.
Nous, à l'instar de ce qui a toujours existé sur le long
terme et le moyen terme, nous suggérions de procéder à
l'établissement d'un plafond à ce niveau aussi, d'autant plus
que, dans les faits, à 63,5 %, c'est respecté. Chez certaines
institutions, comme je vous le mentionnais, on parle de 93,7 %, 88,4 %, et 70,2
%. Cela veut dire que, dans plusieurs institutions, d'ores et
déjà il y a une espèce de volonté de respecter ce
plafond. Je dois vous dire que le 1 % avait été établi
-c'était un "gentlemen's agreement", il n'a jamais été
écrit - lors des discussions que nous avions eues dans les années
antérieures avec les prêteurs. Cela veut dire que la plupart des
prêteurs, dans la majorité des cas, respectent le "gentlemen's
agreement" qui avait été convenu.
Alors, je vous donne cela comme éclairage. Qu'est-ce qui sera
retenu? Je n'en sais rien, mais je veux simplement vous mentionner le postulat
sur lequel on s'est établi pour faire une telle proposition. Je vous
remercie, M. le Président. (17 h 30)
Le Président (M. Richard): Merci, M. Moreau.
M. Henri-Goyette (Michel): Je suis tout à fait d'accord
avec vous, M. Moreau. L'esprit dans lequel on a amené cela,
c'était surtout pour les marges de crédit de montants
inférieurs, disons, peut-être à 50 000 $. Sur une marge de
100 000 $ ou de 200 000 $, au taux de base plus 1, c'est effectivement rentable
pour une institution financière, quoique moins rentable qu'une marge de
crédit ordinaire si on compte l'administration supplémentaire
qu'exige la LCPA. Pour une marge de crédit de 25 000 $, au "prime" plus
1, ce n'est pas intéressant pour un prêteur de s'aventurer
là-dedans. Il va préférer aller sur une marge de
crédit ordinaire s'il considère que le producteur agricole est
capable de supporter cela ou il va, tout simplement, refuser la marge de
crédit. C'est ce qu'on dit quand on dit que le producteur sera le
perdant.
Le Président (M. Richard): Cela va, M. Goyette? M. le
porte-parole de l'Opposition.
M. Jolivet: Merci, M. le Président. Je sais que le
ministre a enchaîné rapidement après son intervention sur
le projet de loi 49, ce qui ne nous a pas permis de savoir s'il était
d'accord ou non. Je vais, quand même, y revenir parce que j'ai
remarqué qu'entre le premier mémoire et celui que vous nous avez
lu tout à l'heure il y avait une différence qui est, quand
même, importante. La première des choses, je peux bien prendre les
paroles du ministre et dire qu'effectivement le déficit passé
sera épongé complètement par le gouvernement. On verra
lors de la présentation du projet de loi quels seront les points
définitifs. Il reste, et c'est là ma question, qu'on dit au sujet
du projet de loi 46: notamment au chapitre des subventions à
l'intérêt, ne doit pas être contrée par des
cotisations dont l'augmentation serait hors de proportion." Là, je pense
que vous faites allusion au déficit potentiel, futur du fonds; autrement
dit, à l'étude actuarielle qu'on est en train de faire. Le
ministre nous dit qu'il garantit que ce sera 500 $ par individu pendant cinq
ans, ce qui fait 2500 $; d'autres parlent possiblement de 1000 $. On n'aura pas
de réponse tant que le projet de loi ne sera pas là avec toutes
les études appropriées.
Une chose est certaine, nous prétendons que, d'une part, on
bonifie l'aide à la relève agricole dans le projet de loi 46,
mais que, d'un autre côté, dans le projet de loi 49, on vient en
chercher une partie. C'est dans ce sens-là que les gens disent: On donne
d'une main et on l'enlève de l'autre.
Je voudrais avoir vos commentaires par rapport au moins à une
partie qui semble sûre, celle de ne pas combler le déficit
passé par une augmentation des cotisations. Mais une chose est certaine,
c'est qu'il y aura augmentation ou cotisation différente par rapport aux
lois actuelles.
M. Girard: II y a deux points dans votre question ou votre
approche, M. le député de Laviolette. Premièrement, le
commentaire qu'on a fait là, c'était principalement en regard des
jeunes. On voulait clairement noter que les futurs emprunteurs, ce sont les
jeunes, ceux qui s'établissent et qu'il y avait lieu d'être
prudent vis-à-vis des cotisations. Effectivement, si l'agriculture
vivait des heures de plus en plus difficiles dans les cinq ou dix prochaines
années, si on voulait ajuster les cotisations sur le plan actuariel en
regard des possibilités de déficit, cela pourrait être
dangereux. On l'a souligné dans ce sens-là. En fait, on a
clairement établi notre position à la section "subvention
à l'intérêt et taux d'intérêt." Toute cette
question du subventionnement, si vous l'avez remarqué, on n'en a pas
parlé parce que, pour moi, le gouvernement du Québec a un budget
global réparti entre les ministères et le ministère, en
l'occurrence, le ministre voit à la répartition. Je me dis: II
est évident que, si une forte crise survenait, il pourrait être
tenté d'augmenter fortement les cotisations, mais, d'autre part, ces
gens-là sont là pour se défendre. Je ne voudrais pas aller
tellement plus loin là-dedans parce que c'est une question de budget
global. Il est certain qu'on a été porté, comme tout le
monde, à
faire la mise en garde. On n'est pas les premiers qui l'ont faite parce
qu'on côtoie des gens du milieu syndical. On sait qu'ils ont bondi plus
vite, ils n'ont pas attendu la commission parlementaire pour vous en parler,
j'en suis sûr, mais, en fait, on l'a amené dans le même
sens, comme mise en garde.
M. Jolivet: À la page 7, vous parlez de garanties. Une
question est revenue de la part de banques, de la caisse d'établissement
et d'autres personnes. J'aimerais vous entendre nous dire si vous avez une
position quant à la possibilité d'utiliser le quota comme
garantie.
M. Girard: Ah! C'est un point très litigieux. En fait, on
est conscient, d'une part, que les prêteurs veulent un lien de plus en
plus net sur le quota en raison de sa forte augmentation. D'autre part, la
valeur des fermes n'a pas suivi. À ce moment-là, l'accroissement
de la valeur du quota a eu également comme conséquence une
diminution de la valeur des bâtisses ou d'autres actifs. Cette valeur du
quota croissant, c'est évident que le prêteur veut avoir un lien
de plus en plus net, si vous me permettez cette expression.
D'autre part, on connaît la position des producteurs par la voie
de l'union. Quant à nous, sur ce point, il est souhaitable qu'il y ait
un lien plus clair, à la satisfaction des prêteurs et acceptable
par les producteurs. C'est une question de négociation entre eux, on ne
viendra pas trancher ce débat parce qu'on a bel et bien basé
notre document sur le producteur et son environnement financier. C'est
sûr que, sur ce point, cela demande négociation, cela demande
entente.
M. Jolivet: Un commentaire. À la page 8, vous parlez du
comité de réexamen. Je suis d'accord avec vous sur le fait qu'il
devrait y avoir une décision exécutoire plutôt qu'une
simple consultation où un pouvoir moral. Vous dites: "De plus, le
comité ne jouerait-il pas plus adéquatement son rôle si
l'office était lié à ses recommandations et ce, lors de
décisions unanimes des membres du comité?" Je vous livre un
commentaire. Je suis d'accord avec votre question et votre position. D'un autre
côté, vous dites qu'il y a plusieurs technologistes qui peuvent
répondre aux critères de sélection. Dans la mesure
où on a vu hier que la commission de révision
fédérale, à la société, était
composée exclusivement de gens du milieu agricole, est-ce que vous
croyez que ce comité de réexamen, au Québec, devrait
être formé de gens qui sont du milieu agricole et non pas d'autres
milieux?
M. Girard: Quand vous dites du milieu agricole, vous voulez dire
des agriculteurs?
M. Jolivet: Oui.
M. Girard: Cela pourrait être une composition mixte.
M. Jolivet: Donc, vous verriez une composition mixte.
M. Girard: Cela ferait un groupe plus riche, à mon point
de vue. Maintenant, ce n'est pas une proposition qu'on fait, c'est vraiment une
interrogation. Peut-être que, sur le plan juridique, on ne peut pas
confier l'approbation d'un prêt, d'un crédit à un
comité. C'est pour cela que nous avons laissé une
interrogation.
M. Jolivet: Sauf que la Société du crédit
agricole, au Canada, disait que, pour que quelqu'un remette en question au
niveau local la décision qui a été rendue par le
comité, il fallait qu'il refile l'ensemble du dossier au niveau national
et, à ce moment-là, 88 % des cas étaient
réglés de façon quasiment exécutoire. La
recommandation avait plus que force morale, elle avait presque force
d'action.
Vous faites mention, à la page 9, d'agriculture à temps
partiel. Je dois dire qu'effectivement j'ai eu l'occasion, dans un secteur
près d'Aylmer, à Luckesville, de rencontrer des gens qui sont,
justement, des agriculteurs à temps partiel. Je partage vos
interrogations là-dessus. Par rapport à ce que vous dites: "Nous
croyons essentiel que la nouvelle loi ouvre la possibilité d'emprunt aux
agriculteurs qui doivent occuper un emploi à l'extérieur", est-ce
que vous croyez que ce qui existe actuellement n'est pas suffisant et que, en
conséquence, vous voudriez ouvrir l'ensemble de l'aide agricole à
ces gens?
M. Girard: Les quatre premières lignes de ce paragraphe,
dans mon esprit, réfèrent, entre autres, à ce qui se passe
dans la production des céréales. Il y a beaucoup d'agriculteurs
qui vont vivre des heures pénibles dans les 24 prochains mois si cela ne
se prolonge pas. Je pense qu'un bon conseiller en financement sera le premier
à recommander à ces gens de combler le manque à gagner par
des revenus extérieurs.
Dans certains cas - on connaît la production des
céréales, ce n'est pas accaparant sur la ferme comme d'autres
productions - c'est évident qu'un travail à temps plein viendrait
à l'encontre de la définition de l'agriculteur admissible,
mais le type peut facilement être agriculteur à temps plein.
À ce moment-là, il contreviendra à l'admissibilité.
Si on lui fait perdre sa subvention parce qu'il n'est plus admissible. C'est
là qu'on dit: Pensons immédiatement à ouvrir l'aide. Pour
moi, ce n'est pas subventionner les "gentlemen-
farmers", c'est vraiment adapter la politique d'aide à la
situation précise dans une production. C'est le sens de l'intervention
que nous faisons ici.
Nous complétons le paragraphe par une interrogation dans les cas
d'établissement. J'aime fonctionner par des exemples. Je suis un type de
champ. Je vis dans le champ tous les jours. Je recule de sept ou huit ans alors
qu'on a adopté une politique - je ne la critique pas, c'est un portrait
que je tiens à démontrer - de développement de la
production. On l'a établie sur des modèles et ce sont les
mêmes modèles pour l'ensemble des productions. On a voulu
établir des gens dans la production vache-veau de la même
façon, avec les mêmes lois de crédit que dans la production
du lait ou dans la production du porc, des productions, à ce moment, qui
étaient plus rentables.
On constate aujourd'hui qu'on a à peu près le même
volume de production et effectivement on a fait accroire - c'est mon opinion
bien personnelle - qu'on pourrait rentabiliser des entreprises à 80, 100
vaches-veaux ou des parquets d'engraissement de 400, 500 têtes et on
s'est aperçu qu'on n'avait pas beaucoup d'expertise et on ne s'est pas
laissé de marge de manoeuvre, mais il n'y en avait pas.
Je ne critique pas les politiques, je sais que c'est un autre
gouvernement qui était là. Mais on doit, quand même, se
servir de cette expérience pour dire: Ce n'est pas un moule,
l'agriculture et on ne devrait pas à ce moment se dire: Bien, dans le
vache-veau, si on veut en faire... À ce moment, c'est un concept aussi
de production. Cela dépend de la façon dont le gouvernement et
les intervenants du milieu voient effectivement la production, c'est une
question de nouveau concept. Je me dis: Pourquoi n'a-t-on pas, à ce
moment-là, tenté de garder des entreprises de 40, 50 vaches-veaux
et accepté que le gars gagne 10 000 $ ou 15 000 $ à
l'extérieur, puis ne pas se fatiguer avec le temps partiel et le temps
plein, parce que cela ne convenait pas. Des parquets d'engraissement de 200
têtes, on en aurait encore. Là, ils sont tous vides, il reste
juste les carcasses des parcs.
Je me dis: C'est vraiment un nouveau concept. Ce n'est pas ici qu'on va
décider de cela. D'ailleurs, en terminant la révision hier soir,
je me disais: Ce serait probablement une excellente étude que nous
pourrions proposer au nouveau comité d'économie et de gestion
agricole du Québec que le ministère a mis sur pied
récemment. C'est un point qui pourrait être intéressant
à regarder. C'est sûr que cela réfère à la
façon dont l'État, le gouvernement actuel voit le
développement de la production. Le son de cloche n'est pas comme il a
déjà été. Je me dis: C'est sûr que cela y
réfère.
Tout le projet de loi parle des productions comme si elles
étaient toutes pareilles. C'est bien de valeur, tu as des productions
qui sont très particulières et qu'on ne pourra jamais
développer comme d'autres productions. Or, je me dis: Dans l'avenir, si
on veut en développer, il faudra adapter les politiques de crédit
également et revoir les philosophies d'agriculture à temps
partiel et à temps plein.
M. Jolivet: En tout cas, je prends votre opinion comme
étant quelque chose qu'il vaut la peine d'explorer, ayant eu des
représentations dans ce sens. Dans la mesure où il y a une
évolution assez rapide -plusieurs d'entre vous parlaient aujourd'hui du
libre-échange - il faut déjà prévoir de quelle
façon cela va évoluer dans l'avenir.
Je vous remercie beaucoup. On aura peut-être juste un petit mot de
la fin.
M. Pagé: Merci beaucoup, M. Girard...
Le Président (M. Richard): Nous vous remercions,
messieurs, d'avoir présenté...
M. Pagé: ...et les membres de votre équipe.
J'apprécie beaucoup vos derniers commentaires. Évidemment,
j'avais presque envie de vous donner mon consentement pour que vous en
ajoutiez.
M. Jolivet: Pour continuer? M. Pagé: Merci beaucoup.
Le Président (M. Richard): Un grand merci. Nous ajournons
donc...
M. Jolivet: M. le Président, j'aurais juste un mot
à dire, compte tenu...
Le Président (M. Richard): Excusez-moi. J'efface le
dernier mot. Vous avez la parole, M. le député.
M. Jolivet: C'est cela. En fait, on s'est aperçu, lors de
ces deux jours...
M. Pagé: L'avant-dernier mot.
M. Jolivet: C'est cela parce que le ministre a toujours le
dernier mot dans les commissions parlementaires.
M. Pagé: Et au-delà, parfois. M. Jolivet:
J'espère que non.
Le Président (M. Richard): Vous avez été
pertinents durant deux jours, messieurs, si vous voulez continuer.
M. Pagé: On a été tranquilles pendant deux
jours; on pourrait bien se crêper le chignon un peu. Il en a moins que
moi, de
toute façon.
M. Jolivet: D'une façon ou d'une autre, ce que je voulais
dire, M. le Président, c'est que, pendant deux jours, nous avons eu
l'occasion d'entendre beaucoup de mémoires des gens qui sont venus faire
ici des suggestions intéressantes. D'un autre côté, le
ministre s'est engagé à apporter certaines bonifications à
la fois au règlement et au projet de loi. Je suis assuré que le
ministre en prendra avis pour corriger le projet de loi.
De notre côté, notre travail consistera à s'assurer
que les engagements qu'il a pris seront respectés lors de la
présentation du projet de loi en deuxième lecture, comme on
l'appelle, mais qui est, en fait, l'étude du principe. Nous aurons
l'occasion, lors de cette étude, de faire aussi quelques suggestions au
ministre qui pourront devenir possiblement des amendements au projet de loi
lors de l'étude article par article.
Le Président (M. Richard): Merci. Bon voyage de retour
pour les gens qui sont à l'extérieur de la capitale.
M. le ministre, vous avez un mot de la fin?
M. Pagé: Vous voulez m'enlever mon dernier mot, là;
Je voudrais, évidemment, remercier celles et ceux qui se sont
déplacés pour venir nous faire part de leurs commentaires ici en
commission parlementaire. Tel que je l'ai indiqué, et c'est le cas, nous
nous sommes présentés ici avec beaucoup d'ouverture d'esprit,
beaucoup de réceptivité à l'égard des propositions
qui vont dans le sens de nos orientations, de nos choix de priorités. Il
est très certain que des modifications seront apportées soit
à la réglementation ou au projet de loi si nécessaire.
Nous repartons avec plusieurs recommandations à l'égard
desquelles on a fait de petits "x" et je suis persuadé qu'au moment du
débat en deuxième lecture, qui pourra très probablement
survenir le 2 ou le 3 novembre au matin, plusieurs des groupes qui se sont
présentés ici se retrouveront dans les modifications qui auront
été apportées.
Je voudrais réitérer mes remerciements à mes
collègues, notamment de la majorité, qui ont eu l'occasion de
s'associer pleinement et entièrement à l'élaboration de ce
projet de loi, tant par des visites dans les régions qu'auprès de
leurs clientèles respectives dans leur milieu et dans différents
milieux agricoles. Aussi, je voudrais remercier très sincèrement
l'équipe de l'Office du crédit agricole qui m'a été
d'un secours et d'un appui constants dans l'ensemble de cette démarche,
et son président, M. Moreau. Merci, messieurs.
Le Président (M. Richard): Merci. Puisque notre mandat est
terminé, nous ajournons donc nos travaux sine die.
(Fin de la séance à 17 h 47)