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Version finale

33e législature, 1re session
(16 décembre 1985 au 8 mars 1988)

Le mercredi 7 octobre 1987 - Vol. 29 N° 33

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultations particulières sur le projet de loi 46 — Loi sur le financement agricole


Journal des débats

 

(Dix heures neuf minutes)

Le Président (M. Richard): À l'ordre, s'il vous plaît!

Mesdames, messieurs, un moment d'attention. Je déclare donc la séance ouverte. Le mandat de la commission est de tenir des consultations particulières sur le projet de loi 46, Loi sur le financement agricole. Est-ce qu'il y a des remplacements, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Non, on ne m'a pas annoncé de remplacements.

Le Président (M. Richard): Cela va. Maintenant, nous recevrons, ce matin, le premier groupe, la Chambre des notaires du Québec; si vous voulez prendre place, s'il vous plaît. Le ou la responsable, si vous voulez bien vous identifier et présenter vos collègues, s'il vous plaît.

M. Lambert (Jean): Merci, M. le Président. Je me présente, Jean Lambert, notaire, président de la Chambre des notaires. J'ai le plaisir d'être accompagné de ceux qui ont travaillé à la préparation de ce mémoire, notamment le responsable des travaux et de la rédaction, le notaire Laurence Charest, à ma gauche, du service de la recherche et de l'information de la Chambre des notaires. Également deux notaires qui oeuvrent dans le droit agricole, à ma droite, le notaire Jacques Vachon, de Sainte-Marie de Beauce, et, à mon extrême gauche, le notaire Michel Dionne, de Joliette. Sont absents, mais je souligne, quand même, leur participation, le notaire Jean-Eudes Roy, de Nicolet, et le notaire Julien Mackay, directeur du service de la recherche et de l'information.

Le Président (M. Richard): Avant que vous commenciez, vous connaissez, je pense -d'ailleurs, je vous ai déjà vu en commission parlementaire - la mécanique de la commission. Je me permettrai peut-être de risquer de vous arrêter si jamais vous dépassez les 20 minutes. Alors, vous avez 20 minutes au maximum pour faire votre exposé; par la suite, ce seront les membres de la commission qui vous poseront des questions. Vous avez la parole, M. le notaire.

Chambre des notaires du Québec

M. Lambert: Merci, M. le Président. M. le ministre, MM. les députés, c'est avec une grande satisfaction que la Chambre des notaires participe ce matin aux travaux de cette commission parce qu'elle a, depuis les deux ou trois dernières années, participé aux travaux qui, dans le fond, ont amené la présente réforme.

On est très heureux de voir dans le projet la refonte des huit lois en une seule; l'admissibilité du vendeur d'une entreprise agricole comme prêteur autorisé - ce sont toutes des demandes qu'on avait faites en 1984 - les modifications proposées à l'article 1979a du Code civil concernant le nantissement agricole; également, les modifications apportées aux modes de versements que l'on veut plus souples pour tenir compte de la variabilité des rentrées monétaires, surtout dans les productions non contingentées; l'élargissement des conditions d'admissibilité aux prêts offerts par l'office qui permettrait dorénavant aux éleveurs de chevaux de course et d'animaux à fourrure, à la culture hydroponique et aux producteurs en serre situés en zone blanche de profiter de ce programme.

Bref, plusieurs éléments extrêmement positifs, mais surtout - et je voudrais le souligner, M. le Président - le fait qu'on a retenu la notion d'entreprise agricole. Alors, on cesse de voir le financement comme étant parcellaire, c'est-à-dire on finance la grange, tel bout de terre ou tel équipement. On a une vision globale. C'est extrêmement heureux. Donc, la Chambre des notaires tenait à le souligner.

Toutefois, comme c'est un peu le rôle des intervenants dans l'exercice d'une commission parlementaire, on veut bien apporter nos critiques constructives au projet tel que déposé. Alors, dans un premier temps, concernant l'approche globale, on prévoit dans le projet, pour atteindre l'objectif, la possibilité de consentir un prêt global comprenant une tranche utilisable à des fins de financement à long terme, une autre à des fins de financement à moyen terme et une autre, finalement, pour le court terme, dont le montant maximum pourrait atteindre 800 000 $.

Lors de la présentation du projet de réforme du régime québécois de financement agricole par le comité consultatif du ministère, cette approche globale devait se

concrétiser par une planification quinquennale et un déboursé des diverses tranches du prêt sur une période de cinq ans.

À la lecture du projet de loi 46 et du règlement, notre corporation professionnelle éprouve de la difficulté à déterminer avec certitude ce qu'il est advenu de cette proposition. En effet, l'article 18 du projet de loi prévoit que le prêt sera consenti compte tenu des fins pour lesquelles il est demandé et des besoins prévisibles. C'est peut-être sur ces mots qu'il faut voir la possibilité d'un plan quinquennal. Aussi, dans le résumé des principales modifications proposées qui nous a été transmis par le ministère, on retrouve ce qui suit: "L'approche globale et la planification quinquennale permettront à l'office de mieux structurer le suivi des prêts et de l'intensifier pour assurer un meilleur service à sa clientèle." Alors, on estime, évidemment, que l'implantation d'un plan de gestion quinquennale est très souhaitable dans le secteur agricole. Toutefois, la Chambre des notaires craint qu'il ne soit difficile d'arrêter ce plan par contrat, si telle était éventuellement l'intention du gouvernement, un contrat qui obligerait l'agriculteur a s'engager pour cinq ans sur l'évolution financière de son entreprise et à affecter de garanties tous ses biens sur une expectative de développement.

On trouve que peu d'entreprises peuvent convenir et fixer par contrat leurs prévisions budgétaires pour plusieurs années à l'avance, surtout dans un secteur d'activité qui est affecté par des intrants sur lesquels l'agriculteur ou l'entrepreneur a peu de prise, par exemple, la température, les épidémies et les mauvaises récoltes ou la signature d'un accord de libre-échange avec un pays situé au sud. On ne sait pas ce que cela va donner. On pense qu'il faudra, si jamais c'était l'intention du gouvernement, sûrement gérer cet aspect avec beaucoup de souplesse.

Dans les mémoires que la chambre a présentés au gouvernement dans les années passées, on est toujours revenus sur la lourdeur administrative de la gestion des dossiers. On souligne, évidemment, avec beaucoup de bonheur, la refonte des huit lois en une seule. Cela va sûrement contribuer à accélérer le processus. Néanmoins, la Chambre des notaires craint que le processus du traitement des dossiers ne demeure encore beaucoup trop long sous l'application de la Loi sur le financement agricole, qui est le projet de loi 46. Lors de la consultation publique sur le financement et l'endettement agricole, au Québec en 1985, la Chambre des notaires avait déploré cette lourdeur.

M. le Président, avec votre autorisation, je vous fais distribuer une version corrigée de notre mémoire. On a eu une discussion dans les derniers jours concernant l'article 8 projeté. Ce qui nous a amenés à faire une erreur dans la première version, c'est peut-être de penser que la rédaction correspondait à une situation qui existait plutôt il y a plusieurs années.

Ce qu'on veut, tout simplement, dire c'est qu'il ne faudrait pas que les délais s'allongent avant le déboursé. Je pense qu'on doit reconnaître au prêteur le privilège et même le droit strict de vérifier l'état de ses garanties. Mais il faudrait sûrement trouver une façon de le faire qui n'allonge pas les délais, qu'on vise plutôt comme objectif à les réduire. On sait qu'il faut déjà quatre, cinq ou six mois avant que les instructions soient transmises au notaire. Par ailleurs, les déboursés se font relativement vite dans la très grande majorité des cas après. On peut figurer peut-être trois semaines, un mois, cinq semaines environ. Je pense que c'est la moyenne.

Cela fait, quand même, un nombre de mois assez considérable. Alors, il ne faudrait pas - c'est l'interprétation des derniers mots de l'article 8 - que les déboursés soient retardés après une révision, si jamais c'est cela qu'on visait là-dedans.

Dans la version corrigée, on souligne, par exemple, que l'office devrait être capable d'évaluer sur une description sommaire de l'immeuble et non pas une description précise qui exige l'engagement de déboursés pour l'agriculteur, par exemple en frais d'arpentage, en frais légaux. Dès qu'on a pu s'assurer d'une superficie exacte et des accessoires qui composeront la garantie, il nous semble qu'on pourrait exprimer un jugement d'évaluation, quitte à le modifier lorsque, après l'acceptation, on s'aperçoit, lors de l'étude légale, qu'il y a un défaut ou une insuffisance. Dans le fond, ça éviterait d'engager des frais inutiles alors qu'on est incertain de l'issue de la demande.

On parle de garanties de premier rang. Je suis très heureux de trouver dans le projet de loi que, dans deux circonstances, l'office acceptera d'être un prêteur en deuxième rang. Le premier cas, c'est lorsque l'office ou un prêteur autorisé par l'office détient déjà une garantie de premier rang. Le deuxième cas, lorsque l'objet ou l'immeuble offert en garantie est assujetti au paiement d'une rente annuelle en vertu d'un bail emphytéotique. Mais on souligne qu'on devrait élargir ces exemples et peut-être, en tout cas, regarder le cas où un droit d'habitation existe au bénéfice d'une personne qui peut-être n'est pas légalement en position de consentir une mainlevée de son droit ou une cession de priorité en faveur de l'office.

Là-dessus, je vais simplement, M. le Président, vous mentionner qu'on serait prêt à collaborer pour trouver une façon mettant en jeu le Curateur public pour marier l'objectif que l'entreprise agricole serve le mieux

possible la collectivité, donc pour permettre son financement mais, par ailleurs, aussi afin de protéger les droits individuels du bénéficiaire du droit d'habitation. On pense qu'il y a une façon de pouvoir surmonter cette difficulté qui arrive, je dois le dire, dans de rares cas, mais qui est, quand même, réelle dans certains cas, pour permettre, donc, de procéder au financement dans ce cas-là, tout en accordant une certaine protection au détenteur des droits.

Là où on voudrait aussi voir étendre la garantie de deuxième rang, c'est lorsqu'il existe un prêt en faveur de la Société du crédit agricole, à taux avantageux pour l'agriculteur. On se demande, à ce moment-là, si l'office ne pourrait pas accepter d'être en deuxième rang après avoir fait l'évaluation. Ce qu'on veut souligner dans ces circonstances, c'est que le notaire se retrouve un petit peu coincé. Alors, l'office émet ses instructions. Le notaire vérifie et s'aperçoit que la société a un prêt; là, on est obligé de négocier des mainlevées et tout cela. On exprime le voeu que devrait être institutionnalisé entre les deux organismes un canal de communication, à ce moment, pour que cela soit traité à ce niveau. Si des expertises se font, par exemple, par l'office, pourquoi ces expertises ne pourraient-elles pas bénéficier à la société qui évaluerait l'opportunité de donner une mainlevée sans être obligée de descendre au niveau du notaire qui, lui, remonte à l'office qui mandate des experts pour faire l'évaluation, etc? Alors, je pense que tout le monde pourrait y gagner. C'est ce qu'on a voulu mentionner.

On suggère aussi que l'office puisse recourir à la formule de l'hypothèque-enveloppe, s'il y a avantage à conserver un prêt existant pour l'agriculteur. Par contre, on reconnaît le désir légitime du prêteur, c'est-à-dire de l'office, de s'assurer que ce prêt soit remboursé et les conditions respectées. À ce moment, il existe une formule qui s'appelle l'hypothèque-enveloppe, mieux connue en anglais sous le nom de "blanket mortgage" ou "wrap around mortgage", qui permet à l'agriculteur de conserver les avantages de son premier prêt. En d'autres termes, il s'acquitte de la totalité de ses obligations envers l'office qui, lui, paie le premier créancier.

Concernant le nantissement, on souligne un point, c'est qu'on voudrait que l'accès à la vente de gré à gré soit accordé, parce qu'on pense que c'est le meilleur moyen de réaliser, en tout cas, le meilleur prix pour l'agriculteur et c'est souvent aussi plus rapide.

Concernant les quotas, on sait qu'il y a tout un débat autour de ce droit de produire. Alors, on voudrait que dans la loi ce soit reconnu que le quota est un élément inaliénable, donc qu'on ne puisse pas l'aliéner pendant la durée du prêt. Il ne s'agit pas de le transformer ou de trouver une formule selon laquelle on pourrait accorder une garantie. Tout simplement, cela fait partie de l'ensemble de l'entreprise. À ce moment-là, il faudrait que l'agriculteur ne puisse pas l'aliéner pendant la durée du prêt, tout simplement. Alors, on n'a pas besoin de trouver une formule pour l'assujettir à une garantie; tout simplement, il n'a pas le droit et cela serait consacré dans la loi.

Il y a une certaine logique avec ce qu'on a déjà mentionné au sujet du quota. Rapidement, on déplorait le fait que le quota, qui est, à l'origine, un partage équitable du droit de produire, devienne un objet de commerce. On est contre cela et on pense qu'il y aurait là l'occasion de commencer à enclencher un processus pour redonner au quota l'objectif que le législateur avait quand il l'a créé.

Il y a quelques points techniques, M. le Président. Je pense qu'en laissant le mémoire en dépôt les gens le liront. Par exemple, au sujet du transport de créance, on souligne qu'on aimerait bien que l'office s'assujettisse à la même obligation que les autres quant à l'enregistrement.

On voudrait que l'article A comprenne pour l'aspirant agriculteur la possibilité de recourir à la formule corporative, c'est-à-dire de compagnie, dans l'exploitation. Il s'agirait de vérifier qu'il détient, par exemple, 60 % des actions votantes ou qu'il a le contrôle effectif à 60 % de cette corporation, mais qu'on puisse lui permettre de recourir à la formule corporative, ce qui n'est pas le cas actuellement.

L'article 5 découle de cette observation. Que la vente d'actions, dans ce cas, de l'entreprise agricole soit aussi assimilée à la vente de l'entreprise agricole par une personne physique et soit traitée de la même façon.

À l'article 58, on voudrait que soit inséré, après le mot "office", "à moins qu'il n'en soit décidé autrement par celui-ci." C'est toute la question des autorisations. Souvent, soit pour la question de l'âge, c'est-à-dire lorsque vous avez atteint 39 ans - on sait que c'est un âge un peu critique pour l'agriculteur pour se prévaloir de certaines subventions - ou encore pour des raisons fiscales, il peut être important qu'il y ait une cession ou un transport. Il serait intéressant, d'une part, d'avoir la possibilité de la ratification a posteriori. Là-dessus, on pourra répondre à vos questions de façon plus précise tantôt parce que je vois que le temps file et je voudrais soulever un autre point.

L'article 2 utilise l'expression "exploitants conjoints". On s'interroge sur la signification de cela. Est-ce qu'on veut dire exploitation de groupe? En droit civil, on ne retrouve pas cette notion d'exploitants

conjoints. Nous avons assimilé cela au "joint venture" qui est la rencontre ponctuelle d'intérêts de deux ou de plusieurs entreprises dans une aventure commerciale risquée. On pense qu'on devrait plutôt s'en tenir aux formules reconnues par le Code civil.

M. le Président, cela termine notre présentation. Je renouvelle le commentaire du début. Dans l'ensemble, la Chambre des notaires est très heureuse des modifications qui sont apportées à tout l'environnement du financement agricole au Québec par ce projet de loi. Merci.

Le Président (M. Richard): Merci, monsieur. Vous m'avez fait un peu peur quand vous avez dit que 39 ans est un âge critique.

M. le ministre, la parole est à vous.

M. Pagé: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier madame et messieurs de la Chambre des notaires, M. Lambert, M. Charest, M. Dionne et M. Vachon, de leur présentation. Vous êtes, évidemment, une équipe de professionnels qui jouent un rôle très important dans l'ensemble de la démarche du financement agricole. Vous venez nous faire part aujourd'hui de votre perception et de votre interprétation du projet de loi 46, ainsi que de vos souhaits. Vous manifestez une certaine satisfaction à l'égard de la refonte comme telle. Vous souhaitez davantage de simplification des procédures, de l'application de la loi et de ses règlements.

Je peux vous indiquer dès le départ que le premier objectif qui nous anime est, entre autres, de simplifier. On passe de huit à une loi. On passe d'une foule de règlements à un peu moins de règlements. Nous espérons que cela ne se limitera pas seulement à moins d'écritures, mais que cela pourra se transposer dans les faits. Sachez que c'est avec beaucoup d'intérêt qu'on vous entend, comme on a entendu d'autres intervenants hier qui, entre autres, souhaitent une diminution substantielle des délais entre le moment où une demande est formulée et le moment où le prêt est émis.

Il y a deux sujets que je veux aborder dans un premier temps. Le premier, vous vous référez au quota. Votre recommandation est intéressante, mais je la trouve un peu forte, je la trouve contraignante. Vous nous dites essentiellement: On devrait imposer un gel du transfert du quota pour la durée du prêt. Ne pensez-vous pas que ce serait beaucoup plus contraignant que le nantissement éventuel, même s'il n'y a pas de nantissement de quota prévu dans la loi? (10 h 30)

Je m'imagine mal une entreprise, par exemple, une ferme laitière, qui a un emprunt à long terme, etc., et qui, après un certain nombre d'années, peu importe pour quel motif, même si elle est en bonne santé financière, décide de transférer sa production, de changer de production. Je trouve que ce serait très contraignant et beaucoup plus qu'un nantissement même s'il n'y a pas de nantissement, prévu actuellement dans le projet.

L'autre élément: compte tenu d'échanges d'idées très intéressants que nous avons eus hier avec l'Association des femmes collaboratrices, je ne peux m'empêcher de référer à toute la problématique de l'enregistrement du droit à la résidence familiale sur la résidence. On nous a indiqué hier que parfois les notaires, les membres de votre corporation demandaient, exigeaient que la conjointe, l'épouse résilie son droit d'habitation, alors que l'Office du crédit agricole, selon la directive qui a été envoyée à l'automne 1986, indique très clairement qu'on ne demande pas une résiliation de ce droit, mais purement et simplement un consentement à la signature de l'hypothèque. Ce sont les deux premières questions.

M. Lambert: Notre position concernant le quota, M. le ministre, est peut-être fort rigide, comme vous le mentionnez. C'est qu'on retourne à l'origine, à la naissance du quota qui, dans le fond, voulait répartir le droit, voulait permettre à chaque agriculteur au Québec, selon l'envergure de son entreprise, de produire et d'avoir accès, dans le fond, au marché.

Comme moi, vous connaissez ce qui est arrivé par la suite. Ce droit est devenu un objet de commerce. On peut fort bien se retrouver aujourd'hui, par exemple, avec une ferme physique sans qu'elle ait ce droit d'accès à la production parce qu'on pourrait avoir disposé en théorie du quota sans nécessairement avoir disposé des éléments physiques de la ferme. Notre position est que cela va ensemble, cela doit être rattaché ensemble. C'est pour cela qu'on trouve que pendant la durée du prêt, il ne devrait pas y avoir d'aliénation.

Maintenant, vous soulevez l'hypothèse d'une transformation radicale de la production. Je vous avoue que nous n'avons pas vu cet aspect. Il faudrait peut-être y repenser.

M. Pagé: En fait, j'interprète de votre position une volonté de faire en sorte que le quota de production demeure rattaché d'une façon ou d'une autre, à l'entreprise. Gardons la production laitière comme exemple: la ferme, les bâtiments, les équipements; la terre, même si elle est bien drainée, même si c'est une terre de très bonne qualité, s'il n'y a pas de quota avec, va se vendre pas mal moins cher qu'elle ne se vendrait autrement. C'est ce pourquoi on souhaite que les modifications appropriées soient apportées dans le cadre de la gestion de tous les

approvisionnements et de la disposition des quotas de façon à s'assurer que le prêteur puisse conserver le droit de reprendre ce bien qui est très important en termes de dollars.

M. Lambert: Absolument.

M. Pagé: Et on veut ajuster les mécanismes des plans conjoints en conséquence.

M. Lambert: Ce qu'on veut éviter, c'est que, justement, on ne crée cette notion d'élément qui, en soi, a une valeur, alors qu'il devrait se rattacher à l'entreprise. C'est un droit de produire et non pas quelque chose qui devient "commerçable", si vous me permettez l'expression.

M. Pagé: D'accord.

M. Lambert: C'est cela qu'on ne veut pas. Il faut désengager le processus de la commercialisation des quotas. Enfin, c'est notre façon de voir.

M. Pagé: Merci de votre commentaire.

M. Lambert: Quant à votre deuxième question, M. le ministre, je vais demander à mon confrère, Jacques Vachon, de vous répondre.

M. Vachon (Jacques): Pour ce qui est de la question de la résiliation du droit à la résidence familiale, habituellement, ce n'est pas exigé dans les recommandations, dans les indications pour le prêt; du moins, quand on fait du financement agricole, habituellement, comme pour toute hypothèque, on demande à l'épouse de consentir l'hypothèque et non de résilier son droit. D'ailleurs, je pense que c'est dans le même sens aussi que l'office se dirige parce que, de plus en plus souvent, dans l'intégration et dans la collaboration des épouses à l'entreprise agricole, que ce soit en ce qui concerne l'entreprise elle-même ou le travail, on fait des associations sous forme de sociétés ou de compagnies pour éventuellement avoir droit à la subvention, mais aussi pour reconnaître l'intégration et la participation de l'épouse dans la société.

C'est pour cela que je suis un peu surpris que l'Association des femmes collaboratrices vous ait dit, hier, qu'on leur demandait de résilier leur droit. C'est peut-être qu'elles l'ont mal perçu ou certains notaires peuvent peut-être aussi faire une telle pratique. Je crois, par contre, que la signature de l'épouse est là beaucoup plus pour consentir l'hypothèque et pour que le rang hypothécaire du créancier, qui est en l'occurrence l'office, soit le premier et non postérieur à un droit de résidence familiale.

M. Pagé: Est-ce que ce serait possible pour la Chambre des notaires de voir à communiquer cet état de fait à chacun de ses membres? Vous savez, je suis le ministre de l'Agriculture. Ce n'est pas moi qui suis dans les bureaux de l'Office du crédit agricole. Alors, quand j'ai rencontré l'Association des femmes collaboratrices, l'année dernière, et le Comité provincial provisoire des femmes en agriculture, et qu'on a porté à mon attention que, dans certaines régions du Québec, via le notaire ou via notre représentant de l'Office du crédit agricole, on exigeait que les conjointes résilient leur droit d'habitation, je me suis dit et j'ai très clairement indiqué, à ce moment-là, que c'était proprement inacceptable.

Le président de l'Office du crédit agricole du Québec a envoyé une directive très claire à tous les fonctionnaires en régions. Remarquez, autant le président de l'office que le ministre, on ne peut pas se porter garants de l'exactitude du geste posé par chacun des fonctionnaires tout le temps, mais les instructions aux notaires ont aussi été données.

Est-ce que ce serait possible que vous ajoutiez votre voix à la nôtre auprès de vos professionnels pour nous assurer que le message passe et que c'est comme cela que cela se fait?

M. Lambert: Aucun problème, M. le ministre. Je pense qu'on a toujours, à la Chambre des notaires, collaboré avec les différents organismes gouvernementaux lorsqu'il s'agissait, justement, de faire passer des instructions semblables. Je voudrais, toutefois, peut-être préciser une chose que les gens confondent souvent. En vertu du régime matrimonial - là on ne parle plus de la résidence principale - si, par exemple, il y a un régime de communauté, il faut obtenir la signature du conjoint.

M. Pagé: D'accord.

M. Lambert: Souvent, cela est interprété par la personne comme étant...

M. Pagé: Comme étant une résiliation.

M. Lambert: ...une renonciation à la résiliation, mais ce sont deux choses différentes. Alors, je comprends qu'on est pris avec un problème. C'est certain, M. le ministre - j'ai pris bonne note d'ailleurs de votre observation - qu'on va passer l'information sans aucun problème.

M. Pagé: Comme vous le dites très bien à la TV.

M. Lambert: Ah!

M. Pagé: Continuez comme cela, c'est bien. Donnez ces informations.

Est-ce que la Chambre des notaires du Québec a déjà fait des relevés? Vous savez, il y a un élément très intéressant qui a été mis en relief, ici, hier, soit toute la question de la disposition des actifs entre le moment où une entreprise cesse ses activités ou qu'un prêt est rappelé ou que les procédures judiciaires sont entamées et la disposition des biens. D'ailleurs, l'Union des producteurs agricoles, si ma mémoire est fidèle, recommandait la possibilité d'introduire, avec un encadrement donné, évidemment, une notion de négociation ou de règlement ou d'arrangement hors cour, un peu comme une banque peut le faire avec un créancier. Le principal motif qui était invoqué, c'est qu'entre le moment où l'entreprise cesse ses activités, où les procédures judiciaires sont entamées, avec le rappel du prêt etc., la réalisation des actifs, et le moment où on en dispose, il se passe beaucoup de temps. Souventefois, après un an, après deux ans, les actifs sont dans un état tel qu'il est moins intéressant de les racheter et on perdrait de l'argent. Avez-vous déjà fait des études, des analyses comme corporation sur cette question? Comment réagiriez-vous?

M. Lambert: Écoutez, si on possède des relevés statistiques, je ne le crois pas. Si on avait procédé immédiatement plutôt que deux ans ou trois ans plus tard, qu'est-ce que cela aurait donné? Nous n'avons pas ces chiffres-là. Notre objectif - d'ailleurs, vous le retrouvez dans ce mémoire et on l'avait mentionné déjà en 1984 - c'est de tenir l'agriculteur débiteur dans le coup le plus longtemps possible. C'est-à-dire que, s'il y a accord de toutes les parties, à ce moment qu'on le laisse continuer à produire; il va avoir une meilleure réalisation de garantie pour lui, mais aussi pour son prêteur. Il s'agit donc de garder l'entreprise vivante le plus longtemps possible et idéalement jusqu'au moment où il y a transfert à un nouvel acquéreur qui pourrait continuer l'exploitation. C'est l'idéal! On est absolument favorables à cela. On le mentionne ici: au niveau du nantissement, il faut permettre la vente de gré à gré. Cela évite les procédures judiciaires souvent inutiles parce que, dans le fond, les gens sont d'accord. Alors, avec un contexte semblable, cela permettrait à l'office, je pense bien, d'aborder d'une façon beaucoup plus positive l'état de défaut du débiteur en en faisant presque un partenaire dans la réalisation de la garantie avec cette formule de vente de gré à gré. Souvent, quand des procédures sont prises et que l'agriculteur, comme tout autre débiteur, se voit signifier une procédure de cour, cela gèle et cela crée des distances. Sûrement qu'on pourrait éviter cela.

Le Président (M. Richard): M. le porte-parole de l'Opposition. Je m'excuse.

M. Pagé: M. le Président, avant de terminer, je voudrais remercier la Chambre des notaires du Québec, formellement au nom du gouvernement du Québec, pour sa contribution importante et sa collaboration étroite dans tout le processus du financement agricole au Québec.

Le Président (M. Richard): Merci, M. le ministre. M. le porte-parole.

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Bienvenue! Merci d'avoir accepté l'invitation de venir donner votre point de vue. J'ajouterais ma voix à celle du ministre, ainsi qu'à celle de l'Association des femmes collaboratrices et des femmes en agriculture au Québec en ce qui concerne la fameuse question dont on a parlé tout à l'heure, la demande de résilier le droit de résidence familiale. Dans la mesure où je tiens toujours pour acquis, ayant une expérience de ces choses, que, lorsqu'on en parle, il y a sûrement quelque chose en dessous de cela, donc, il n'y a pas de fumée sans feu. Maintenant, comme vous le dites, et j'en conviendrais facilement, c'est peut-être une mauvaise compréhension de la signature qu'elles ont à apposer. En conséquence, peut-être que l'un des problèmes qu'on a souvent à votre niveau et au nôtre, c'est de faire un peu l'éducation des gens, de leur dire exactement à quoi s'attendre. Si on leur expliquait davantage qu'effectivement la crainte qu'ils ont n'est pas fondée parce que ce n'est pas cela, on n'aurait peut-être pas les retours qu'on a actuellement. En fait, c'est dans ce sens-là que j'ajoute ma voix. Si partout où je suis allé, et j'ai rencontré des femmes collaboratrices, on m'en a parlé, c'est qu'il y a quelque chose qui est ou mal expliqué ou mal compris.

À la lecture de votre mémoire à la page 7, malgré le projet de loi qui est devant nous qui veut simplifier et qui veut apporter une meilleure rapidité quant au règlement et au traitement des dossiers, vous semblez dire que le processus vous paraît encore un peu trop long et que, à votre avis, il ne sera peut-être pas nécessairement simplifié. Êtes-vous capable, à partir des données que vous avez recueillies, de faire une comparaison entre ce qui existe actuellement, la lenteur dans certains dossiers, et le fait que la loi ne changera pas grand-chose ou si c'est une compréhension ou une crainte que vous avez? En fait, je ne veux pas dire que ce que vous dites, cela va être cela, mais je pense que vous voulez, comme tout le monde, si on fait une refonte - on aurait peut-être pu parler de réforme, comme je le disais hier -amener une meilleure rapidité quant au

traitement des dossiers. Êtes-vous capable de faire une comparaison et nous expliquer où sont vos craintes?

M. Lambert: M. le député, je voudrais, d'abord, passer la parole au notaire Dionne, de Joliette, qui a un commentaire à ajouter...

M. Jolivet: D'accord.

M. Lambert: ...concernant la résidence familiale. S'il ne répond pas à votre deuxième question, j'y reviendrai. Notaire Dionne.

M. Dionne (Michel): Au sujet de la résidence familiale, je ne pense pas qu'une épouse ait le droit de renoncer d'avance à son droit de résidence familiale. Cela se fait à l'occasion d'une prise en garantie ou d'une vente alors qu'elle doit, en vertu du Code civil, consentir à ce que la résidence soit donnée en garantie ou vendue. Je pense qu'il y a peut-être une précision à apporter avec l'Association des femmes collaboratrices. Cette demande n'est que ponctuelle. Je ne pense pas qu'on puisse dire d'avance que les épouses vont résilier leur droit. Je pense que c'est une prescription d'ordre public. Comme le Code civil nous demande de faire signer le conjoint pour que la résidence soit donnée en garantie, bien il faut le faire dans ce sens-là. Je pense qu'il y a une précision à apporter là-dessus avec l'Association des femmes collaboratrices.

M. Jolivet: En fait, l'une des suggestions qu'on pourrait faire, c'est au plus vite d'essayer de rencontrer cette association, ainsi que les femmes en agriculture pour clarifier la situation. Peut-être que ce serait un moyen rapide d'avoir une ramification à l'ensemble des associations.

M. Dionne: Oui, je pense que oui. (10 h 45)

M. Lambert: II nous est arrivé de rencontrer cette association et d'autres aussi, par exemple, à l'occasion des multiples commissions parlementaires concernant la réforme du Code civil parce qu'on touche, justement, ces aspects. Il arrive souvent qu'il y ait une incompréhension des droits de chacun. Par exemple, vous avez quelqu'un qui, pendant 20 ans, est associé à l'exploitation d'une entreprise familiale et à un moment donné, il y a des créanciers qui viennent réaliser des garanties. Ces collaborateurs ou ces collaboratrices, pour être plus précis, comprennent mal qu'à ce moment-là leurs droits ne priment pas sur ceux des créanciers ou qu'il n'y ait pas une certaine protection à l'égard des créanciers. C'est là aussi qu'il y a beaucoup d'incompréhension, car être femme collaboratrice dans le cas actuel, c'est être aussi partenaire de l'entrepreneur. C'est donc aussi subir les conséquences du financement de l'entreprise. Or, moi, dans les discussions avec ces gens-là, j'ai vu des fois que cette relation-là, non plus, n'était pas claire, qu'au moment d'une réalisation de la garantie sur l'entreprise, par exemple, par un prêteur la femme collaboratrice devait subir les aléas de l'entreprise. S'il y avait du profit, parfait, il faut qu'elle participe aux profits; ça, c'est tout un autre volet. Mais il y a ces revers-là qui ne semblaient peut-être pas être aussi bien compris.

Pour votre deuxième question concernant nos craintes relativement au processus administratif, je vais demander au notaire Charest d'y répondre.

Mme Charest (Laurence): Merci. Sans aucun doute, le projet de loi 46 rationalise et simplifie le régime actuel en ramenant à une seule loi, en remplaçant, quand même, huit lois. Donc, de ce côté-là, on va réduire sans aucun doute le nombre de formulaires et la procédure va être uniforme.

Toutefois, si je regarde l'article 8 du projet de loi 46, de même que l'article 65, il me semble qu'on est tenu aux mêmes contrôles avant d'autoriser le prêt que ce qu'on retrouvait auparavant à l'article 13 de la Loi favorisant le crédit agricole à long terme par les institutions privées. Je n'ai donc pas l'impression que le processus de l'étude de crédit comme telle et de l'autorisation du prêt va être simplifié. Il me semble qu'on va agir de la même façon. C'est-à-dire que le représentant régional va faire l'étude de crédit, va demander une désignation de l'exploitation agricole, va faire une évaluation des garanties, va transmettre le rapport au service des prêts de l'office qui, lui, va autoriser le prêt. Et tous ces contrôles-là me semblent maintenus dans le projet de loi 46.

M. Jolivet: En fait, il y a des gens qui ont parlé de décentralisation. On a dit qu'il y avait une forme de décentralisation de l'ensemble des demandes de prêt. Mais il y a des craintes aussi des gens. Est-ce que c'est votre crainte à ce niveau-là en disant que, tout le processus étant le même, ça ne changera pas quant aux délais? Vous voudriez voir diminuer les délais. J'ai cru comprendre que vous parliez d'une description sommaire comme départ pour permettre la rapidité du prêt et, ensuite, de vérification des données au point de vue légal et au point de vue des garanties potentielles.

Mme Charest: Oui, par exemple, si on parle d'une description sommaire des biens donnés en garantie, c'est parce que l'office exige actuellement une description complète

et conforme à 216B. Donc, quand un agriculteur va rencontrer le représentant de l'office pour faire sa demande de prêt, il est tenu, par la suite, de rencontrer son notaire pour que le notaire dresse la désignation de son immeuble conformément à 2168. Cela amène le notaire à faire une étude complète des titres de l'agriculteur pour établir vraiment sur quoi porte son titre de propriété et à préparer aussi les descriptions qui sont parfois très longues parce qu'on sait qu'en milieu agricole on arrive avec des parties distraites, des parties qui se sont ajoutées. Donc, ça devient assez fastidieux pour le notaire de produire la désignation pour répondre aux exigences de l'office.

Donc, nous, on dit: II est facile, quand même, de visiter l'exploitation agricole, de savoir de combien d'acres l'agriculteur est propriétaire, d'avoir une description sommaire, par exemple, partie du lot 10, etc., et, par la suite, si le prêt est autorisé, on va procéder à la désignation conforme à 2168. Mais tous les frais qui sont encourus pour la préparation de cette fameuse désignation, si jamais la demande de prêt est refusée, qui les supporte? Il est assez gênant pour le notaire de présenter son compte d'honoraires à son client qui vient de se voir refuser un prêt et de lui réclamer les honoraires auxquels il aurait droit.

M. Jolivet: D'accord. Je sais que dans d'autres cas on a eu des exemples où on dit: Dans certaines circonstances, un plan sommaire permettant de connaître les biens - parce qu'on peut ainsi visualiser, faire la connaissance de l'ensemble des biens qu'il possède - et, après cela, passer à l'étape qui, elle, est plus longue, mais, entre-temps, être admis au moins au prêt, dans la mesure où toutes les garanties minimales sont là.

Mme Charest: Oui, absolument. Je pense qu'à l'aide de photographies on peut, quand même, évaluer les garanties offertes et les biens de l'agriculteur. Le dossier pourrait suivre son cours sans avoir à attendre la désignation complète pour l'autorisation du prêt.

M. Jolivet: D'accord. Aux pages 9 et 10, vous considérez la règle générale des garanties de premier rang comme étant une mesure qui risque de ne pas faciliter le financement de l'agriculteur dans le cas où il ne pourrait consentir une première hypothèque ou dans le cas où ces garanties de premier rang seraient détenues par un autre créancier. Vous proposez, cependant, une disposition similaire à celle de la loi fédérale sur le crédit agricole qui permet à cette société de considérer d'autres garanties que celles de premier rang ou encore de recourir à la formule de l'hypothèque-enveloppe dont vous faites mention aux pages 10 et 11. Dans ce contexte, est-ce que vous pourriez me donner les avantages de cette formule par rapport à ce qui existe actuellement? Quels sont pour vous les avantages réels qui peuvent être intéressants?

M. Lambert: II y en a essentiellement deux. Le premier avantage, évidemment, c'est que, quand vous n'avez pas à demander à un autre créancier de donner une mainlevée ou de dégager de garantie certains éléments - alors, lui aussi, il faut qu'il procède à des évaluations, il faut qu'il se prenne une décision - à ce moment on gagne du temps. Évidemment, si on est dans l'hypothèse où le nouveau prêt rembourse l'ancien, bien, là, on ne parle pas de cela. Cela rejoint le deuxième avantage.

Le deuxième avantage, c'est que lorsque les conditions du prêt existant, donc qui est là en premier rang, sont très avantageuses pour l'agriculteur, à ce moment le refinancement lui fait perdre ces conditions, alors qu'il serait intéressant pour lui de conserver ces conditions sur le premier prêt qui court; la deuxième garantie s'assoit, dans le fond, sur la première, mais le total est toujours à l'intérieur des normes d'évaluation et des possibilités financières de remboursement, par exemple, du débiteur. Alors, le combiné des deux lui donne un taux plus avantageux ou des conditions plus avantageuses que ce que lui accorderait simplement un nouveau prêt qui tiendrait compte du tout. La technique de l'hypothèque-enveloppe, c'est pour assurer le créancier de deuxième rang que les conditions du premier prêt seront respectées puisque c'est lui qui contrôle mois par mois les paiements qui sont faits. C'est lui qui les reçoit et les transmet au premier et qui voit au respect des obligations du premier. Donc, il ne risque pas de se ramasser avec une mauvaise surprise à un moment donné alors que le premier créancier, n'ayant pas été respecté dans ses droits, prend des recours et là le deuxième créancier s'aperçoit que le feu est pris au premier étage. Je ne sais pas si vous saisissez?

M. Jolivet: L'Association des banquiers, hier, faisait mention de deux choses. Comme vous avez plusieurs cas au Québec, vous êtes peut-être à même de me répondre. Il y a des gens qui parlent de taux sur des prêts qui peuvent être des taux gelés, si on peut les appeler ainsi, et d'autres qui sont fluctuants, dans l'ensemble des prêts consentis. C'est la première chose dont ils faisaient mention.

La deuxième, c'est qu'ils disaient: On ne devrait pas prêter à des fermes qui sont rentables; on devrait prêter à celles qui ont plus de difficultés. Est-ce que, à votre connaissance, cela pourrait être possible de changer un peu l'hypothèse dans laquelle nous

sommes, soit que tous les gens sont admissibles et, s'ils sont admissibles, à ce moment, c'est l'étude faite par l'office qui le permet? Ce qu'ils semblaient nous dire, c'est qu'on ne devrait pas "at large", si on peut prendre l'expression, faire des prêts, mais plutôt considérer les cas vraiment où il y a avantage à le faire pour les aider et non pas ceux qui font un peu d'argent avec cela, si on peut le prendre comme tel.

M. Lambert: D'accord. Juste pour préciser, vous voudriez dire que l'office n'interviendrait que lorsqu'il s'agit d'entreprises agricoles en difficulté, par exemple?

M. Jolivet: Non, pas nécessairement. D'après l'Association des banquiers, il y a des fermes qui n'ont aucunement besoin de cela et, compte tenu des taux qui sont meilleurs, elles en profitent d'une certaine façon alors que d'autres devraient en profiter. On a une hypothèse au Québec qui est la ferme familiale. Dans ce contexte-là, il faut leur venir en aide, mais à travers celles-là il y a certainement des gens plus en difficulté que d'autres.

M. Lambert: Ce que j'essaie de saisir dans votre question, c'est profiter de quoi? D'un prêt de...

M. Jolivet: D'un prêt de l'office à meilleur taux.

M. Lambert: Notaire Vachon, s'il vous plaît.

M. Vachon: On parlait tout à l'heure du rang de l'office versus d'autres créanciers. Si on parle du droit d'habitation ou du droit de premier rang pour l'office si jamais la société était là, c'est certain qu'on parle possiblement d'un meilleur taux pour l'agriculteur s'il avait eu un taux avec la société qui aurait pu être avantageux antérieurement, ainsi que des frais pour l'agriculteur. S'il faut faire une nouvelle hypothèque, il y a de nouveaux contrats, de nouveaux déboursés, etc. On disait tout à l'heure aussi que le notaire est souvent dans la situation presque de négociation entre deux créanciers pour savoir lequel pourrait avoir telle ou telle garantie alors que souvent ce pourraient être les mêmes garanties qui auraient été demandées dans les deux cas.

Si on revient au financement d'une terme rentable ou non, on entre peut-être dans la polémique pour savoir si l'agriculture devrait être subventionnée ou si elle devrait être subventionnée d'une autre façon. C'est peut-être assez difficile et ce n'est peut-être pas, non plus, à la Chambre des notaires de répondre à une telle question. C'est vraiment une question d'ordre très différent.

Par contre, c'est certain que peu importe l'éventuel mode de subvention, d'allégement ou d'aide a l'entreprise, il y aura toujours des failles quelque part. Est-ce que celle-ci est très bien ou non? Je ne pense pas qu'on ait à le décider à ce moment-ci.

Quant au taux fixe et au taux variable, je me souviens qu'il n'y a pas tellement d'années on faisait des quittances d'hypothèques qui avaient eu un taux fixe pendant 20 ans à 7 %. Ceux qui avaient de telles hypothèques avec des compagnies d'assurances ou d'autres qui avaient fait des prêts ou avec la SCHL étaient très heureux. Il y a encore certains prêts agricoles à taux fixe à cause du renouvellement ou du refinancement qui n'a peut-être pas eu lieu encore, mais je ne pense pas que ce serait le moment idéal de demander aux agriculteurs de faire un refinancement total pour dire: On va aller chercher un tel taux d'intérêt à tel endroit. C'est pour cela que si l'ABC disait qu'il y avait effectivement des taux fixes et des taux variables, c'est peut-être une question de refinancement ou du moment où les prêts avaient été faits.

M. Jolivet: Je comprends que ce n'est peut-être pas votre domaine sauf que, compte tenu que vous avez parlé d'autres choses, j'ai pensé peut-être à vérifier ce qui avait été dit par d'autres associations. Celles-ci font mention qu'elles aimeraient dans l'avenir voir une partie avec taux de base et l'autre fluctuant.

Une dernière question. Vous parlez des quotas et le ministre en a parlé énormément avec vous. L'UPA disait: II n'est pas question d'hypothéquer en garantie notre droit de travailler, de produire. L'Association des banquiers disait: On prête sur cela, donc on devrait avoir le droit. Vous avez la position à peu près équivalente, si j'ai bien compris, vous dites qu'on ne doit pas le mettre en garantie. Donc, votre position serait à peu près équivalente à celle des membres de l'UPA, si je comprends bien.

M. Lambert: Oui, à première vue, cela se ressemble.

M. Jolivet: Et à deuxième vue?

M. Lambert: Je ne sais pas si l'UPA va aussi loin que nous en disant que cela ne devrait pas être un objet de commerce. Je ne voudrais pas présumer.

M. Jolivet: D'accord. Merci.

Le Président (M. Richard): Merci beaucoup, madame et messieurs, de votre présence, de votre mémoire et de vos commentaires.

(11 heures)

Je demanderais aux représentants de la Fédération des caisses d'établissement du Québec de prendre place à l'avant, s'il vous plaît. D'abord, je demande au responsable de s'identifier et de présenter ses collègues.

Fédération des caisses d'établissement du Québec

M. Lamothe (André): M. le Président, je suis André Lamothe, directeur général de la Fédération des caisses d'établissement du Québec. Je suis accompagné de M. Jacques Lussier, à ma droite immédiate, directeur général pour la région de Yamaska, un milieu où le financement agricole est très à point et d'envergure, et, à mon extrême droite, M. André Jalbert, adjoint à la direction générale, qui a participé avec M. Lussier et d'autres à la rédaction de ce mémoire.

Le Président (M. Richard): Merci, messieurs, d'être là. Maintenant, vous connaissez notre mécanique. Vous avez 20 minutes au maximum pour présenter votre mémoire. Par la suite, les membres de la commission vous poseront sûrement des questions. Alors, c'est à vous, M. Lamothe.

M. Lamothe: Mesdames, messieurs, je veux tout d'abord vous remettre en mémoire le fait que la Fédération des caisses d'établissement du Québec participe depuis au-delà de 30 ans au financement agricole et de façon importante, au prorata de ses actifs qui sont de l'ordre de 325 000 000 $ maintenant.

Le financement agricole. Les caisses d'établissement sont issues du milieu. Dans le temps, elles ont été fondées avec l'UCC et fonctionnent dans la majorité des régions du Québec. Nous comptons, parmi nos 120 000 membres, environ 20 000 agriculteurs, ce qui veut dire que près de 50 % des agriculteurs du Québec ont, d'une façon ou d'une autre, des tractations avec les caisses d'établissement. Dans un portefeuille de prêts de l'ordre de 250 000 000 $ à 260 000 000 $, on peut compter qu'environ 10 %, soit à peu près 25 000 000 $, des prêts sont faits à l'agriculture, à l'agro-alimentaire, aux gens du milieu, dans les régions. Toutes proportions gardées, cela fait une participation importante et un "know-how" de traditions depuis une trentaine d'années.

Pour avoir participé à plusieurs commissions parlementaires et à plusieurs études sur le sujet, depuis quelques années, à tout ce qui s'est fait en tractations ou en réunions visant au changement des lois actuelles, je peux vous dire que nous avons fait cela sérieusement. C'est-à-dire que nous avons consulté la base. Nous avons consulté nos membres, dans chacune de nos régions, 25 centres de service des caisses d'établisse- ment. Nous avons consulté les membres de chacun des conseils d'administration qui sont formés, pour information additionnelle, de 50 % d'agriculteurs. Nous avons fait des réunions et des colloques. Nous avons aussi demandé aux techniciens, aux permanents des sièges sociaux des régions et de la fédération de participer.

Ce que nous avons déposé de façon modeste, un peu succincte, vous fait part de nos principales préoccupations. À ce stade-ci, je voudrais demander à M. Jacques Lussier, directeur général de Yamaska, de vous faire la présentation.

M. Lussier (Jacques): M. le Président, messieurs les membres de cette commission, je vais faire référence au mini-mémoire que vous avez devant vous et vous l'expliquer davantage.

Prenons le premier point traité qui parle de marge de crédit. Nous aimerions vous apporter des commentaires additionnels. Je vous rappelle qu'en ce qui concerne le financement, qu'il soit agricole ou autre, il y a des partnerships qui se font fréquemment entre les institutions financières; certaines se spécialisent surtout dans le financement à long terme et d'autres dans le financement à court terme. L'autre argument qu'on voudrait vous apporter concerne la déréglementation. J'imagine qu'il n'est pas loin le jour où un emprunteur pourra se présenter à une institution et recevoir les services de plusieurs institutions membres du réseau. Cela dit, à l'intérieur de la même place d'affaires, peut-être que le membre ou l'emprunteur pourra avoir son financement à long terme et son financement à court terme mais ce ne sera peut-être pas le même prêteur officiel qui le fera.

L'autre note sur la marge de crédit c'est que le projet de loi donne la possibilité au vendeur d'être prêteur agréé. On en traitera un peu plus loin tantôt. Sauf que le vendeur pourra peut-être assurer le financement à long terme ou une partie du financement à long terme mais j'imagine mal qu'il puisse aussi effectuer le financement à court terme, le financement de la marge de crédit. C'est donc pour ces raisons que nous appuyons sur le fait que la marge de crédit, même si elle fait partie du même certificat, pourrait être obtenue d'une institution et le reste du financement à moyen ou à long terme, d'une autre institution.

Passons maintenant au point 2, l'accréditation du vendeur comme prêteur. De fait, cela a été réclamé depuis fort longtemps par plusieurs. Ce qu'on voudrait apporter là-dedans c'est la dimension humaine dans le sens qu'il faut voir que le père qui va assurer le financement à long terme sur une ferme qu'il vient de vendre à son fils aura à administrer ce prêt par la suite. Aussi longtemps que le fils va réussir

à faire ses paiements à échéance, il n'y aura pas de problème sauf qu'on connaît, comme prêteur autorisé, tous les problèmes administratifs que cela peut engendrer par la suite. On se demande si le prêteur agréé particulier, le vendeur, va être soumis aux mêmes règles de suivi que les institutions. Si oui, cela peut devenir un peu compliqué pour lui. Aussi, lorsqu'on doit exécuter les garanties, je comprends qu'on peut mandater l'office de le faire mais il y a des délais qui sont énormes et il y a plusieurs formules de réclamation à remplir. On se demande si dans le cas du particulier cela ne sera pas un peu difficile. D'autre part, même si cela ne dépend pas strictement de la commission, pour que le vendeur soit intéressé à faire du financement, il faudrait peut-être des mesures fiscales qui incitent le vendeur à le faire.

Concernant le troisième point, comité de révision, tout ce qu'on vous dit là-dessus c'est qu'on est disponible à en faire partie si tel est votre souhait.

Quatrièmement, la planification quinquennale. Évidemment, c'est excellent comme outil de travail. Maintenant, il ne faudrait pas que ce soit - excusez l'expression - coulé dans le ciment, cette histoire, parce qu'on sait et on a donné certains indices qu'en cinq ans beaucoup de choses changent en agriculture. Et, quand on a composé le texte, on n'a même pas fait référence au traité de libre-échange.

Le suivi du prêt, le cinquième point qu'on a abordé. Nous avons compris qu'il y avait deux sortes de suivi de prêt, dans le , sens suivant. Il y a le suivi de prêt traditionnel sur les remboursements, sur la délinquance, sur la prise des garanties, etc. Mais ce qu'on a compris c'est qu'il y aurait aussi un suivi sur le plan d'opérations financières que l'office peut exiger, selon l'article 28, de l'emprunteur et que ce plan pourrait être suivi. Donc, pour nous, c'est une autre chose que le suivi des remboursements.

Ce qu'on dit là-dessus c'est qu'il faudrait que le prêteur soit impliqué. Le prêteur, l'institution ou en tout cas... Bien souvent, on a l'impression qu'on reçoit un certificat de l'office et tout ce qu'on a à faire c'est sortir de l'argent et ensuite, pour réaliser les garanties, c'est la même chose, tout ce qu'on a à faire c'est d'accepter les décisions de l'office dans ce dossier. S'il y a vraiment un suivi de l'évolution de la situation financière et des orientations que prend l'agriculteur, je pense que ce serait important que le prêteur soit impliqué dans ce suivi.

Le sixième point qu'on a abordé, c'est le point chaud qui, effectivement, ne fait pas partie de la loi mais dont on a discuté lorsqu'on a rencontré les gens de l'office; c'est le nantissement d'un contingent de production, le nantissement des quotas. Nous avons émis ici certaines hypothèses que vous considérerez sûrement. Nous disons que, oui, on doit en tenir compte dans la Loi sur le financement agricole et dans l'agriculture parce que les quotas représentent beaucoup quant à la valeur de l'ensemble de la propriété. Par exemple, cela peut être dans le poulet ou dans d'autre chose. La valeur totale de l'entreprise de l'agriculteur, il y en a peut-être 50 % là-dedans en quotas. Donc, cela devient un facteur trop important pour qu'on ne s'en occupe pas.

Par ailleurs, ce qu'il faut penser, c'est que, si un jour les quotas pouvaient être nantis, ils ne le seront pas que pour les prêts de l'office ou des institutions accréditées, ils vont l'être en général. À ce moment-là, nous pensons qu'il faudrait avoir une série de restrictions si, effectivement, cela devient une réalité afin d'éviter toutes sortes d'abus que les créanciers pourraient faire là-dessus. On s'inquiète surtout pour les jeunes de la relève parce qu'on se dit ceci, si cela ne peut pas être pris en garantie, comment vont-ils faire pour avoir 15 % de comptant sur la valeur - puisque le financement est à 85 % - et 100 % de la valeur du quota? On dit qu'ils vont avoir beaucoup de difficultés à commencer.

Pour ce qui est des commentaires généraux, on parle de la bonification des taux d'intérêt basée sur la formation et l'expérience. On dit qu'il devrait y avoir une certaine possibilité d'équivalence. On voit cela un peu partout, par exemple, quand il y a un poste d'affiché, on dit tout le temps qu'une expérience plus grande peut compenser pour une scolarité moindre. On se demande si cela ne devrait pas être le cas ici.

Concernant la question des subventions de mise en valeur, certaines personnes de notre mouvement nous ont dit: Est-ce qu'il ne devrait pas y avoir une certaine échelle -on parle de 15 000 $, actuellement - à titre d'exemple entre 10 000 $ et 20 000 $, qu'elle ne soit pas uniforme pour l'ensemble et que cette échelle soit faite en fonction de la mise de fond de l'emprunter ou de la valeur de la propriété agricole elle-même?

Concernant l'assurance-prêts, on voit deux choses là-dedans. On voit d'abord qu'il y a un déficit qui est estimé à 90 000 000 $. Quand on connaît les réclamations qu'on a, des fois on se demande si ce déficit n'est pas, en réalité, un peu plus élevé que cela. Cela n'est pas notre problème majeur. Ce qu'on dit là-dessus, c'est que les primes que l'on va imposer aux agriculteurs devraient être calculées et inclure clairement deux choses; la première, une prime pour éviter les déficits pour les années futures, cela est une chose, il faut que ce soit clair; l'autre chose, c'est la prime pour payer le déficit. Cela devrait être clairement identifié. Le projet de loi ou

le projet de règlement disait: une base de cinq ans pour renflouer le déficit. On dit: Puisque cela a pris neuf ans à le créer, la période pour le payer pourrait peut-être être de dix ans.

Cela étant dit, cela termine un peu l'intervention qu'on voulait faire. Je ne sais pas si mes confrères ont d'autre chose à rajouter; quant à moi, cela termine mon intervention.

M. Lamothe: Peut-être un point, M. le Président. Sur le premier point qui a été apporté, qui est vraiment un problème institutionnel, c'est la question de la marge de crédit; je vais insister là-dessus une minute, si vous me permettez. On ne fait pas de marge de crédit dans les caisses d'établissement parce qu'on n'a pas de système de chèques, de système de compensation, de comptes courants comme dans les caisses populaires ou dans les banques. Nous, nous faisons du moyen terme, des dépôts et des prêts; on fait de l'hypothèque, du prêt commercial et du prêt agricole et on fait des dépots de quelques années ou de plusieurs années, que ce soit systématique ou dépôts à terme ou autres. Cela veut dire que dans l'opération que nous avons, cela a toujours été le cas, on ne fait pas de marge de crédit, on ne fait pas de discrétion commerciale ou agricole pour 10 000 $ ou 50 000 $ ou 100 000 $; on n'a pas d'outil pour gérer cela. Ce n'est pas notre fonction, ce n'est pas notre spécificité. On n'est pas là pour cela, tandis qu'on est là pour faire du financement agricole. Il ne faudrait pas qu'on soit brimé.

(11 h 15)

Le danger actuel c'est qu'on ne puisse pas en faire du tout. C'est cela, on vient brimer une organisation qui en fait de façon très majeure, toutes proportions gardées quant à ses actifs. Ce qu'il faudrait, c'est une mesure administrative qui permette qu'un certificat soit scindé. Si le gars dit: Moi, je veux aller à la Banque Royale, c'est parfait. il va chercher ses 300 000 $ à la Banque Royale et il va chercher ses 150 000 $ de marge de crédit. Peut-être bien qu'il va venir chercher, comme à l'habitude, chez nous, son hypothèque, son gros montant, son long terme ou son moyen terme, son nantissement. Sinon, tel que c'est formulé actuellement - c'est peut-être seulement des mesures administratives techniques à regarder - cela nous exclut. Le gars vient nous voir et on ne peut pas l'accommoder parce qu'on ne peut pas lui faire sa marge de crédit. C'est tout.

Le Président (M. Richard): On vous remercie de votre présentation, messieurs. M. le ministre.

M. Pagé: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier M. Lussier, M. Lamothe et M. Jalbert, de la Fédération des caisses d'établissement du Québec. J'ai deux commentaires à formuler. Un premier concernant le déficit du fonds d'assurances-prêts, 90 000 000 $. J'espère ne pas avoir d'autres surprises. J'ai déjà été suffisamment surpris quand j'ai pris connaissance de ces données en arrivant au ministère. Vous vous référez à une prime qui serait payée par les producteurs pour éponger ce déficit. Je tiens à vous dire très clairement que le gouvernement a pris la décision d'éponger lui-même le déficit sur une période de cinq ans. C'est donc dire que toute cotisation ou tout pourcentage de contributions à l'assurances-prêts, à l'assurance-prêts agricoles et forestiers, qui pourrait être éventuellement facturé aux producteurs et aux productrices après l'adoption de la loi ne servira pas du tout à couvrir ce déficit précédent et accumulé mais plutôt à se garnir, on l'espère, une cagnotte, et on espère ne pas en avoir besoin, le moins possible. Il faut bien avoir à l'esprit que si on a un déficit de 90 000 000 $ en neuf ans seulement, depuis 197B, c'est particulièrement dû a la crise économique très sévère qu'on a vécue en 1981-1982. Pardon?

M. Jolivet: Enfin, vous acceptez qu'il y a eu une crise.

M. Pagé: Pardon? Vous n'êtes pas d'accord avec cela?

M. Jolivet: Avant vous ne l'acceptiez pas.

M. Pagé: C'est qu'elle a été plus durement ressentie au Québec qu'ailleurs au Canada, c'est cela le problème!

M. Jolivet: Ah bon!

M. Pagé: Cela nous a pris plus de temps au Québec à nous en relever qu'ailleurs au Canada. On pourrait revenir longuement sur cela mais je pense que ce n'est pas le centre des intérêts de nos distingués visiteurs ce matin. Vous comprenez que le député de Laviolette, s'il est deux heures sans se faire taquiner, il s'ennuie. Alors, c'est ce pourquoi je le comble à l'occasion.

M. Jolivet: ...M. le ministre.

M. Pagé: II n'est pas question qu'on facture quoi que ce soit aux producteurs pour couvrir les déficits antérieurs. Une deuxième chose, toute la question du crédit à court terme et toute la question du financement ou de l'approche globale vous préoccupe. Vous avez raison et je comprends

très bien. Vous avez fait des représentations au comité, à l'office, etc. Nous croyons qu'avec la refonte et la réforme, certains besoins de marge de crédit pourront être comblés par du crédit à court terme compris dans le financement global. Je m'explique. On veut tracer un profil des besoins financiers de l'entreprise pour les cinq prochaines années. Ce ne sont pas tous les agriculteurs qui ont besoin d'une marge de crédit. Dans certaines productions comme, par exemple, le lait, il est fréquent que le producteur n'a pas de marge de crédit comme telle. Avez-vous envisagé la possibilité, via le crédit à court terme sur une période de trois, quatre ou cinq ans au maximum, de pallier à cette inquiétude ou à cette carence? De toute façon, des marges de crédit vous n'en faisiez pas plus avant.

M. Lamothe: C'est-à-dire que ce qu'on pense est une solution facile compte tenu du fait qu'on n'a ni l'équipement, ni l'organisation, ni le "know-how", ni la possibilité de suivi financier. N'ayant pas les comptes courants de ces gens, on ne peut suivre le phénomène d'une marge de crédit et on n'en fait pas.

M. Pagé: D'accord.

M. Lamothe: Cela ne fait pas partie de spécificités traditionnelles de l'établissement qui a surtout pour objet l'accès à la propriété individuelle et collective. Ce qu'on dit, c'est qu'avant cela ne posait pas de problème. Le cultivateur avait des certificats différents. Alors, si c'était pour une marge de crédit, il allait dans une banque ou ailleurs; si c'était pour son long terme ou son moyen terme, il venait chez nous. Le danger c'est que maintenant, si le certificat est unique, naturellement, il va avoir tendance - c'est moins de problèmes, moins de papeterie, moins de ci et de ça - à aller à la même institution; il ne pourra pas venir chez nous, on ne fait pas de marge de crédit. Ce qu'on dit, c'est qu'il y ait une possibilité que, pour la portion qui n'est pas une marge de crédit, l'individu puisse continuer à venir chez nous, que ce soit pour son prêt de trois, cinq, sept ou de vingt-cinq ans.

M. Pagé: Là-dessus, M. Lamothe, je vous comprends très bien et je vais vous dire ceci. Au début du processus d'analyse de modification au projet de loi, il a été question un moment donné dans le temps, dans les hypothèses qui étaient étudiées, que l'emprunteur doive faire affaire, via l'office, avec une institution financière et là, par souci d'efficacité, il a été évoqué la possibilité que l'emprunteur soit convié à une seule institution financière. Des représentations nombreuses nous ont été faites par vous, le Mouvement Desjardins et l'Association des banquiers canadiens; des représentations qui sont légitimes. Je vais vous indiquer notre approche, ma perception et vous me corrigerez si besoin en est.

D'abord, vous êtes d'accord avec le principe qu'on prenne en considération, au moment de la délivrance d'un prêt, les besoins financiers futurs ou éventuels qui peuvent survenir, quoiqu'il faudra un suivi autant que faire se peut et se pourra, je l'espère bien. On pourra alors vivre une interaction non seulement entre l'emprunteur et l'office, mais aussi le prêteur et les fonctionnaires de mon ministère parce qu'on veut, et je le souhaite comme ministre, qu'on soit le moins cloisonné possible. Dans les gouvernements, il arrive parfois que même des entités s'ignorent entre elles. Ce qu'on a dit hier, c'est qu'on ne peut pas limiter ou encadrer l'emprunteur au point de l'obliger à faire affaire tout le temps avec la même institution financière. Qu'est-ce que cela veut dire concrètement? Cela veut dire qu'on pourrait délivrer deux ou trois certificats, si besoin en est, de sorte que l'emprunteur pourra se rendre chez vous pour aller négocier son crédit à long terme ou à moyen terme et il pourra avoir un autre certificat l'autorisant à aller chercher son court terme dans une autre institution financière. Cependant, ce n'est pas l'office qui va indiquer à l'emprunteur où aller. Mais les règles du jeu doivent être les plus loyales, les plus franches possible entre les différentes institutions. Pour le reste, comme nos amis, les banquiers canadiens, nous disaient hier: Cela dépend des services que vous donnez.

M. Lamothe: Cette solution nous satisferait beaucoup. L'association canadienne, c'est probablement aussi leur manifestation dans le sens des taux d'intérêt.

Il y a deux autres petits points qu'on peut vous mentionner sur cela, M. le ministre. D'abord, la question des liquidités. Les plus petites institutions n'ont pas nécessairement accès à tous les jours à 50 possibilités de prêts de 500 000 $. Cela est une belle justification pour scinder les certificats, ce que vous avez mentionné. Aussi, pour certaines institutions plus modestes, en termes d'actifs globaux, le partage du risque...

M. Pagé: Oui.

M. Lamothe: Vous savez, si une petite caisse d'établissement, comme celle de Sept-Îles, qui a une couple de millions d'actifs, veut aider l'agriculteur et lui faire un prêt de 50 000 $ ou 100 000 $, une autre institution pourrait faire le nantissement. Alors, il y a le partage du risque et aussi les questions de liquidité.

M. Pagé: D'accord. Les propos que je vous tiens sont-ils susceptibles de vous sécuriser?

M. Lamothe: Oui, beaucoup.

M. Pagé: D'accord. C'est ce qu'on se dit ici aujourd'hui en commission parlementaire. Si, au lendemain de l'adoption de la loi, vous avez encore d'autres inquiétudes, appelez-nous. Merci.

M. le Président, avant que mon collègue de Laviolette n'intervienne, je voudrais m'excuser auprès de nos invités et, particulièrement, auprès du Mouvement Desjardins qui doit témoigner à midi. Je dois quitter pour le Conseil des ministres et, en principe, je devrais être ici vers 12 h 30 pour terminer avec le Mouvement Desjardins. D'accord? Je m'excuse. Pardon?

M. Jolivet: Prenez de bonnes décisions.

M. Pagé: Oui, oui, vous écouterez cela après-midi. Ma collègue, Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata, pourra intervenir pour et en mon nom. Merci.

Le Président (M. Richard): Merci, M. le ministre. M. le porte-parole de l'Opposition officielle, M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Oui, M. le Président. Merci aux gens de la Fédération des caisses d'établissement d'être présents ici ce matin. J'espère qu'il ne sera pas trop tard pour réagir après l'adoption du projet de loi. Vous savez ce que cela veut dire, réagir après. Il est important que vous le fassiez dès maintenant et que le ministre en tienne compte et on verra.

Je vais commencer par cette partie qui, depuis hier, nous incite à penser que, parce qu'il y a un déficit de 90 000 000 $ que le gouvernement a décidé d'éponger sur cinq ans, il n'y aura pas d'effets négatifs pour les jeunes agriculteurs; la relève, en particulier, devra - si j'ai bien compris - participer au prix de l'assurance. Autrement dit, on changera le système dans lequel on était. À l'époque, on se souvient dans quelles conditions cela a été placé et on s'est retrouvé avec une crise économique qui a fait qu'effectivement cela a été différent de ce qui avait été prévu. On peut parler d'un manque de prévision, mais on peut dire aussi que la crise économique, il y a beaucoup de gens qui ne l'ont pas vue venir mais, quand elle est arrivée, il a fallu y faire face. Il faut tenir compte de ça. Il y a effectivement danger - et vous en faites mention - malgré l'assurance qu'on semble nous donner actuellement, que les jeunes de la relève soient pris à recevoir d'une main par la loi 46 des bonifications et qu'on se retrouve, avec la loi 49, avec des montants à payer de telle sorte que finalement on donne d'une main et on enlève d'une autre. Alors, je ne sais pas si pour vous autres vous conservez quand même votre crainte malgré qu'on a dit que les jeunes n'auront pas à payer le déficit de 90 000 000 $, mais qu'ils auront cependant, si j'ai bien compris, a payer l'assurance dans le futur d'un autre mode que ce qu'ils avaient actuellement. Les jeunes ont dit d'après les renseignements qu'ils avaient que ça pouvait aller à 500 $ et 1000 $ par individu sur une période de cinq ans, donc diminuer d'autant les 8000 $ qu'on donne dans le projet de loi 46. Est-ce que vous comprenez ça de la même façon que moi?

M. Lussier: Effectivement ça nous a préoccupés. Le problème, c'est qu'on a reçu, en plus du texte de loi, l'avant-projet de règlement. Sauf que, pour la cotisation concernant cette assurance-là, il y a un blanc, c'est indiqué "à venir". Donc, on ne sait pas du tout. Est-ce que cette assurance-là devra être défrayée par tous les emprunteurs de l'office - pas de l'office, mais on se comprend là - de ces genres de prêts? Est-ce que ça sera sur tous les prêts? Est-ce que ça sera la même prime pour un prêt à long terme, à moyen terme, à court terme? Pour la relève, s'il y a des primes à payer qui sont de l'ordre de 500 $ annuellement - et j'imagine que ça doit être une moyenne - n'y aurait-il pas lieu au moins que pour les jeunes de la relève cette cotisation-là soit moindre? Qu'il y en ait peut-être une mais qu'elle soit moindre. Mais, comme on n'a aucune indication, on ne peut pas vraiment vous donner notre avis là-dessus. On ne peut que répéter ce que vous avez dit, qu'il est important de ne pas donner d'une main et d'enlever de l'autre.

M. Jolivet: En tout cas, on va avoir à surveiller cela de notre part et je sais que les gens de la relève disent aussi qu'ils vont surveiller. Ce qui est important, effectivement, c'est que par un projet de loi on vienne donner quelque chose et que par un autre on vienne l'enlever. Ce contexte-là ne permettra pas la bonification des aides apportées à la relève.

Vous parlez des quotas, le nantissement des quotas. Je faisais mention tout à l'heure des banques qui disent: Si on prête, on veut avoir une garantie, et le quota en est une. Vous avez l'UPA qui dit: Nous autres, il n'en est pas question. On n'est pas pour mettre en garantie notre droit de produire. Sauf que vous avez fait mention au début de votre exposé que vous représentiez une forte majorité de ceux-là. Or, j'ai de la misère à comprendre. Parce que vous autres vous dites oui, mais avec des conditions. Mais là vous mettez des conditions. Je pourrais vous dire que ces conditions-là, alors que les gens

disent qu'il y a trop de réglementation... Qu'on en arrive à devoir réglementer ça -c'est ce que je faisais en regardant le ministre - en disant encore de la réglementation... Dans le fond, il y a quelqu'un qui va devoir réglementer ça selon les conditions que vous proposez ou des conditions autres mais disons des conditions qui seront satisfaisantes.

J'ai de la misère à comprendre comment il se fait que des agriculteurs se retrouvant à l'intérieur de vos caisses disent oui avec des conditions et qu'après ça on les retrouve dans un organisme syndical, si on peut l'appeler comme tel, l'UPA, et qu'ils disent non, il n'en n'est pas question du tout. Alors, il y a un imbroglio, un quiproquo quelque part. Je voudrais avoir plus de renseignements de votre part. (11 h 30)

M. Lussier: Parfait. On a regardé ce projet de loi comme un créancier hypothécaire et non pas comme un syndicat de producteurs. Il se produit la même chose ailleurs, vous allez rencontrer un agriculteur actif dans l'UPA qui va aussi être actif à la Coopérative de Granby et ce ne sera peut-être pas la même position. Cela a été vu avec des yeux de financiers et non pas d'autres personnes. De toute façon, les gens du monde agricole ou les gens du monde financier ne sont pas nécessairement d'accord à 100 % sur toute chose. On a des agriculteurs chez nous, évidemment la majorité se retrouve à l'UPA, c'est bien sûr. C'est une des choses de la vie et ce n'est pas unique.

M. Jolivet: Que vous disiez que ce ne soit pas unique, j'en conviens. J'étais dans un syndicat d'enseignants et à côté de cela j'avais des associations professionnelles et, quand ils parlaient au nom de l'association, ils pouvaient diverger d'opinion quant à leurs revendications de conditions de travail ou autres, cela j'en conviens avec vous. Je voulais vous entendre parce que je me dis qu'il est correct de penser que, parce qu'ils sont à l'intérieur des caisses d'établissement, ils ont une vue plutôt financière...

M. Lussier: De gestion.

M. Jolivet: ...de gestion que de l'autre côté. Donc, vous ne voyez pas de difficulté, comme association, à prétendre ces faits par rapport à l'autre.

M. Lussier: C'est cela. Une seule précision supplémentaire que je voudrais apporter sur cela. Vous comprendrez que les choses qu'on dit qu'il faudrait qu'elles soient prévues et que cela amènerait de la réglementation, c'est à titre d'exemple tout simplement. On n'a pas voulu faire un schéma très élaboré sur cela. 11 est important... Le quota ne peut pas être nanti dans notre prévision sans aucune restriction. Pourquoi? Parce qu'il y a déjà des prêts en vigueur un peu partout sur des fermes et les quotas ne sont pas pris en considération. Je veux vous donner un exemple pratique pour vous montrer le pourquoi. Demain matin, il est possible de nantir les quotas. Bon, personne ne peut pour l'instant sauf qu'il y a une marge de crédit en quelque part. L'agriculteur a de la difficulté, la production est mauvaise et les prix sont bas. Il n'est pas en mesure de rembourser sa marge de crédit, pas une marge de crédit en vertu des lois de l'office, mais une marge de crédit conventionnel. Parfait, il reste 50 000 $ et le gars n'a pas d'argent et il en a besoin pour semer. Il y a quelqu'un en quelque part qui va dire: II n'y a pas de problème, nantis-nous ton quota de production et ta marge de crédit de 100 000 $ ou de 200 000 $, tu vas l'avoir. S'il arrive d'autres pépins par la suite, le créancier qui a fait cela peut -excusez l'expression - tirer sur la "plug" et à ce moment enlever au producteur toutes ses chances de produire et de vendre ses produits. À ce moment, et le producteur et le créancier à long terme risquent de subir des pertes énormes sur les immeubles. C'est dans ce sens qu'on dit oui, parce que cela représente tellement dans la valeur globale de l'entreprise. Le quota a une valeur tellement élevée qu'il faut en tenir compte mais, de l'autre côté, il faut qu'il y ait des règles pour éviter des abus.

M. Jolivet: En fait, on a vécu cela en ce qui concerne les entreprises où l'institution financière qui était devenue un créancier tire - comme vous le dites - la "plug" le vendredi soir à cinq heures moins cinq pour être sûre de ne pas avoir de problème ou comme on l'a vu dans les petits abattoirs, après l'arrivage du mercredi, ils tiraient la "plug". Finalement, on se retrouve avec des gens qui ont quelques problèmes, Dieu nous en pardonne un peu, assez difficiles. D'un autre côté, vous vous retrouvez avec des créanciers qui peuvent profiter de la circonstance pour aller chercher ce qu'ils veulent avoir. C'est ce que vous voulez éviter par une forme de réglementation.

Vous êtes conscients cependant que c'est un gouvernement qui nous a dit, alors qu'il était dans l'Opposition, des choses, en ce sens qu'il voulait déréglementer, dépoussiérer pour que finalement on se retrouve avec moins de réglementation. Vous avez un projet de loi, si vous avez bien lu à l'article 141, qui en donne davantage. Comme je le disais hier, c'est de la superréglementation qui est un peu plus pernicieuse, un peu plus vicieuse à mon avis parce qu'elle est cachée.

M. Lussier: Vous comprendrez qu'on a présenté un mémoire sans tenir compte de tous ces facteurs. On le présentait dans le but d'avoir le financement agricole de la meilleure façon possible. Tant qu'au reste, cela dépasse notre compétence.

M. Jolivet: J'en conviens. Accréditation du vendeur comme prêteur. Vous semblez dire que vous trouvez cela intéressant mais qu'il faudrait mettre au point des modalités concrètes d'intervention dans divers dossiers parce que des problèmes administratifs se présenteront certainement et vous en énumérez quelques-uns. Pourriez-vous nous informer davantage, à partir de votre texte, à savoir où les problèmes peuvent surgir à partir de la capacité du vendeur de devenir prêteur?

M. Lussier: Je vais vous donner des exemples. Comme prêteur, à tous les six mois on a un rapport à faire pour voir si les paiements ont été effectués. Il y a des petites règles. Si cet emprunteur est en retard de plus de 150 $ dans ses versements, la subvention d'intérêt pour les six mois suivants n'est pas versée. Il y a toute une série de choses comme cela qui sont régulières. Ce qui nous préoccupe le plus ce n'est pas 1 mais 2, au moment de la réalisation des garanties. Il faut refaire le portrait, il faut refaire les encaissements depuis la dernière fois qu'il a été à jour et des fois cela prend du temps. Je peux vous dire que comme créanciers, des fois on trouve que l'office prend son temps pour prendre les procédures, que cela traîne longtemps.

Cela dit, il faut reconstituer le dossier, les encaissements, les intérêts, etc. L'institution financière est informatisée, elle a ses permanents qui sont habitués là-dedans, elle a un spécialiste du financement agricole dans chaque institution et cela ne pose pas tellement de problèmes si ce n'est une question de temps. Mais, pour l'individu, pour le père qui a vendu à son fils, cela peut être un problème et il peut être désillusionné lorsqu'il aura son chèque finalement. C'est toujours dans la perspective ou cela va mal. Si cela va bien, je comprends qu'il n'y a pas de problème mais qu'on ne donne pas un faux espoir de garantie totale et sans pépin à un particulier, à un vendeur, à un père qui vend à son fils.

Mettez-vous aussi au niveau humain. Au niveau humain, il y a six mois l'emprunteur était à jour. Le paiement du premier mai arrive; à ce moment-là l'office émet un chèque d'intérêts conjointement au nom de l'emprunteur et du créancier. À ce moment-là le fils a des problèmes avec sa marge de crédit, avec sa production de maïs qui n'est toujours pas vendue, avec différentes choses. Un chèque d'intérêts arrive au nom de deux personnes et le fils a un compte à payer à la coopérative ou ailleurs. En théorie, il faut absolument que ce chèque soit encaissé par le créancier. Est-ce qu'il n'y aura pas des fois des pressions ou des problèmes humains entre les deux qui peuvent faire que le père peut se sentir moralement ou autrement obligé de signer le fameux chèque? Mais, s'il fait cela, s'il le remet à son fils et que celui-ci devient réellement en mauvaise situation financière et qu'il y a rappel du prêt, le fameux chèque d'intérêts de subvention qu'il vient d'autoriser, quand l'office va payer au niveau de l'assurance ils vont dire: Ce chèque était à toi, créancier, tu aurais dû l'encaisser et ne pas le laisser aller. On te le coupe sur ta réclamation. Avec raison, si on met cela strictement au niveau financier. On coupe les 3000 $ ou 5000 $, c'est fini, tu les perds. Donc, ce sont ces problèmes de relations entre les individus que cela peut susciter.

Si c'est une institution financière, cela marche comme cela. Ce sont toutes ces choses qui font que, tout en étant d'accord avec le principe, on se dit qu'en pratique il faudrait que ce soit bien explicité. Si les pères créanciers, prêteurs autorisés, savent toute la mécanique, il n'y en aura pas beaucoup qui vont s'embarquer - je m'excuse de l'expression - là-dedans, sauf - et cela ne dépend pas de cette commission - s'il y a des incitatifs à le faire au niveau fiscal.

M. Jolivet: Est-ce que... Allez-yl

M. Lamothe: Un peu dans la même ligne de pensée, en revenant peut-être un petit peu en arrière, c'est sûr qu'on s'est posé beaucoup de questions et qu'on a rencontré des gens dans nos conseils qui étaient d'accord et d'autres qui ne l'étaient pas au sujet des quotas. Cinq présidents de nos caisses sont des agriculteurs. On ne s'attarde pas tellement sur le fond, mais surtout sur la façon de saisir le quota. Il n'est pas sûr, dans l'esprit de tous les gens de chez nous, qu'il faille absolument le faire. On n'est pas allé consulter individuellement les 20 000 personnes. Sauf que si on prend le quota en garantie, comme on l'a dit tantôt, il s'agit peut-être de mettre les balises suffisantes pour que le créancier hypothécaire qui aura un peu moins de gentillesse ne soit pas porté à prendre cela en premier lieu. C'est très important. Il y a des façons de le faire pour que le dernier recours du créancier soit peut-être le quota. Ce serait trop facile pour un prêteur de bonne foi, mais très terre à terre, de prendre le quota. Là, vous arrêtez toute l'opération. Si les quotas sont donnés en garantie, il faut que le gouvernement considère des mécanismes qui vont faire qu'avant que quelqu'un puisse rappeler le quota et l'avoir en main pour d'autres fins

comme créancier un paquet de gens aient regardé, vu et revu le dossier. Je pense que ce sera un minimum, dans l'optique où il y aura des quotas de pris en garantie.

M. Jolivet: Est-ce que vous croyez que le fait d'être vendeur-prêteur n'aura pas un effet incitatif ou un effet bénéfique pour le transfert de la ferme du père à l'enfant? Ne croyez-vous pas que c'est bénéfique, à ce moment-là?

M. Lamothe: Je pense que cela peut être très bien pour autant qu'on n'espère pas qu'à cause de cela certains agriculteurs vont continuer à vendre leurs terres pour la moitié de leur valeur. Ce serait malheureux si, à cause de cela, des terres se vendaient et que l'agriculteur-vendeur ne retrouve pas le rendement, la rentabilité, la profitabilité ou son gain de capital au même titre. Il y a danger que cela arrive dans ces circonstances.

M. Jolivet: Ne croyez-vous pas qu'actuellement le père qui veut transférer sa terre à son fils perd une partie de son fonds de retraite quand il la vend à rabais plutôt qu'au plein montant?

M. Lamothe: Absolument. Donc, il y a une amélioration. Dans notre milieu, on en voit régulièrement. Ils vendent leur terre à leur garçon 200 000 $ et 100 000 $ en bas du prix qu'elle vaut ou qu'ils la vendrait à n'importe qui d'autre. Je ne suis pas sûr qu'on doive, comme société, accepter des mécanismes favorisant ces choses parce que c'est une tradition au Québec. C'est toujours le même sol, c'est toujours la même terre où, de père en fils, des générations ont vécu et qu'on est obligé de racheter. Y avez-vous pensé comme il faut? - je vous parle d'un domaine un peu autour de tout cela - cette terre a été financée dix fois dans la même famille et elle a été payée quatorze fois, toujours par les mêmes gens, par les générations successives qui en vivent et qui demeurent là. On ne fait jamais cela avec la maison familiale quand elle n'est pas sur une terre.

M. Jolivet: En tout cas, il y a peut-être une autre question à laquelle on n'a pas de réponse actuellement. J'ai posé plusieurs fois cette question lors de ma tournée. Les quotas. Vous n'avez probablement pas de réponse vous autres non plus. Quoi faire avec le fait que les quotas augmentent? On semble être dans une spirale telle que, finalement, on ne sait pas comment y arriver. Le quota vaut tellement cher qu'on n'est pas capable de l'acheter. Le père aime mieux le mettre à l'encan et en récupérer le bénéfice plutôt que de le donner à son fils, à rabais.

M. Lussier: Une observation là-dessus. C'est vrai, le prix des quotas est devenu presque insensé ou, en tout cas, il est très élevé. Aussi, le fait de nantir les quotas sans réglementation contribuerait à augmenter le prix. Par contre, s'ils devenaient nantissables et que le financement pouvait se faire là-dessus, avec la garantie, cela pourrait peut-être avoir l'effet suivant: il y aurait plus d'acheteurs potentiels. Le jeune ne peut pas acheter le quota, il n'a pas les moyens. Donc, qui l'achète? Ce sont les producteurs qui ont déjà un niveau très élevé et qui sont - excusez l'expression - un peu "en foin".

M. Jolivet: Ou des sociétés en commandite.

M. Lussier: Des sociétés en commandite ou des compagnies qui, par un moyen ou par un autre, vont chercher leur financement. Donc, si cela devenait une valeur nantissable, plus de personnes - en tout cas, c'est notre réflexion là-dessus... Plus vous avez d'acheteurs... Cela ne ferait pas nécessairement monter les prix, mais cela permettrait de garder aussi une unité de production un peu plus petite. Actuellement, on le sait, c'est un phénomène peut-être irréversible de concentration de l'entreprise agricole. Je pense qu'on ne peut pas y échapper tellement mais le fait que plusieurs autres personnes pourraient avoir les moyens financiers d'acheter des quotas cela pourrait peut-être ralentir un peu - peut-être, cela demanderait à être regardé - la concentration des entreprises entre les mains de quelques-unes.

(11 h 45)

M. Jolivet: Est-ce que je peux vous poser une question concernant les sociétés en commandite? Des gens disent: on a peur de cela, on ne veut rien savoir; le fédéral dit: au mois de décembre prochain c'est fini, en tout cas en hypothèse, le Québec ne s'est pas prononcé dans ce sens. D'un autre côté, d'autres disent oui, mais il faudrait les regarder d'un autre oeil que de les regarder comme des adversaires mais il y a le contexte où des gens qui ne sont pas dans l'agriculture récupèrent une partie de leur investissement par le moyen des abris fiscaux. Finalement, des gens disent nous, comme agriculteurs, on peine dur pour obtenir des choses et d'autres personnes qui sont des avocats, des notaires ou autres réussissent avec nos maudites taxes, comme ils disent, à récupérer, à avoir une ferme qui ne leur a rien coûté, à produire ensuite et déséquilibrer complètement le marché.

M. Lussier: Les sociétés en commandite sont un phénomène relativement nouveau en agriculture. En soi, on peut dire que c'est une bonne chose puisqu'il y a des fonds de l'extérieur de l'agriculture qui sont investis

en agriculture. Évidemment, les montants qui sont déposés là-dedans n'ont aucun rapport avec des visées sur l'agriculture ou ceci ou cela. Ce ne sont que des incitatifs fiscaux. Le courtier en valeurs mobilières qui propose cela ou qui veut vendre cela ne parle pas du tout d'un objectif global. Cela va donner 133 % de... Bon, toutes ces choses.

Quant à moi, concernant l'agriculture, dans notre mouvement, on n'a pas vraiment étudié cela. Je ne peux que vous donner une réponse très personnelle. Cela ne vaut pas cher et cela n'a pas à être développé comme moyen de financer l'agriculture. Qu'on introduise des mesures fiscales pour la relève, par exemple. On a eu dans le passé l'épargne-logement, on a le Fonds de solidarité, on a le REA, toutes des mesures pour inciter les gens à déposer pour une certaine économie. Pourquoi n'y aurait-il pas des programmes d'établissement agricole où il y aurait des mesures fiscales pour les jeunes surtout concernant la relève? Ces choses seraient beaucoup mieux que toutes les sociétés en commandite et ces choses qui, de toute façon, n'assurent pas de financement à long terme. Quand les avantages fiscaux seront disparus, c'est mort, c'est fini, on n'en entend plus parler. Donc, cela n'est que passager.

Le Président (M. Richard): M. Lamothe.

M. Lamothe: C'est une opinion personnelle sur la société en commandite. C'est dangereux de laisser aller cela trop longtemps en milieu agricole. C'est dangereux pour l'agriculture, n'est-ce pas? Elle va être subventionnée peut-être d'une autre façon un jour mais elle l'a toujours été par l'État de toute façon à certains niveaux comme dans tous les pays. La spéculation sous forme de société en commandite, c'est un peu dangereux. C'est strictement de la spéculation. Je n'ai pas rencontré de gens qui désiraient faire autre chose qu'un bon profit bientôt avec un bel abri fiscal. Tout au moins, en tout cas de plus en plus, les institutions financières commencent à demander aux commanditaires - ils sont 10 ou 200 - de signer, d'endosser. Tout à coup, ce n'est plus la même histoire. Qu'est-ce que c'est donc, jusqu'à quel point y a-t-il une responsabilité individuelle dans un groupe de société en commandite de 500 personnes qui se porte acquéreur d'une immense terre? Je n'ai rien contre ces gens qui ont des abris fiscaux. On en veut tous. C'est correct parce qu'ils peuvent le faire. Je pense que ce qu'il faut faire, c'est s'organiser pour qu'il n'y ait plus beaucoup de financement spéculatif sous forme de société en commandite en agriculture, à moins qu'il y ait d'autres freins que je ne connaisse pas.

M. Jolivet: En fait, la réponse que les gens font c'est: Donnez-nous les moyens de le faire en gardant toujours le caractère familial de la ferme et on va vous le faire mais ne donnez pas à d'autres qui n'ont même pas ce goût, qui veulent juste spéculer, la possibilité de le faire. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Richard): Merci. Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata, vous avez une question?

Mme Dionne: Oui. Ce ne serait peut-être pas nécessairement une question, M. le Président. Ce seraient peut-être des commentaires sur les remarques que vous avez faites. Le premier, c'est au sujet du fonds d'assurance. Je pense que cela répondrait aussi à une remarque du député de Laviolette dans le sens que dans le passé les primes étaient payées pour le fonds d'assurance pour des prêts au-delà de 150 000 $ pour des individus et au-delà de 200 000 $ pour des groupes. Ce qui fait que, dans le fonds d'assurance, il ne rentrait quand même pas beaucoup d'argent puisque la moyenne des prêts est de 118 000 $. Donc, de là vient, effectivement, une partie du déficit, une partie de la réponse en tant que telle. Avec la récession qu'on a connue, cela n'a pas été facile.

D'autre part, pour ce qui est des quotas, je sais que la Fédération des producteurs de lait, par exemple, accepte que les institutions financières fassent signer à leurs clients des transferts du produit de la vente éventuelle du quota, qui sert à financer l'achat de ce quota. Alors, ce n'est pas un nantissement, bien sûr, mais c'est quand même une garantie qui est intéressante et que la Fédération des producteurs de lait accepte de donner aux institutions financières.

Ma troisième remarque concerne la déréglementation en tant que telle. On est sûr d'une chose, malgré la meilleure volonté du monde de chacun des gouvernements, ce n'est pas facile de tout changer, mais on peut peut-être donner certains chiffres qui ont quand même été donnés hier et qui sont importants, puisqu'on passe de huit lois à une seule loi. Je pense que déjà là c'est un bon point de départ. On passe de 289 articles de loi à 160 et, en ce qui concerne la réglementation, on passe de 230 articles ou règlements à 82. Alors, je pense que c'est une volonté qui se dessine bien dans la réforme du financement agricole et qui va amener une facilité autant pour les agriculteurs que pour les partenaires financiers, les institutions financières que pour l'office. Je pense que cela va être beaucoup plus facile à travailler.

D'autre part, j'écoutais attentivement vos remarques quant au vendeur qui ; deviendrait un prêteur autorisé au sens de la

loi. Effectivement, je pense que c'est un appui ou une garantie psychologique et financière qu'on offre aux parents, au père ou au vendeur, c'est sûr que cela ne règle pas tous les problèmes. Toutefois, si un agriculteur décide d'aider son garçon ou sa fille par un prêt avec un taux d'intérêt très réduit ou il préfère des concessions à ce chapitre et que l'office ou le gouvernement l'appuie, je pense qu'on a déjà monté une marche intéressante pour le vendeur. Cela va nous amener peut-être à garder des montants d'argent en agriculture, plus que ce qu'on retrouvait dans le passé; on sait fort bien que l'agriculteur qui avait son chèque à un moment donné désirait investir et il n'investissait pas nécessairement en agriculture au moment de sa retraite. C'est un outil qui est offert au vendeur en tant que tel.

Alors, c'étaient les remarques que je voulais apporter.

Le Président (M. Richard): Merci, madame.

M. Jolivet: M. le Président, je ne voudrais pas...

Le Président (M. Richard): M. le porte-parole de l'Opposition.

M. Jolivet: ...engager un dialogue, mais simplement faire une petite remarque, en disant que 90 000 000 $ de déficit, c'est compréhensible dans le contexte où il a été placé. C'est compréhensible qu'un gouvernement comme le vôtre arrive à ce chapitre à dire: En ce qui nous concerne, les gens vont payer pour les services qu'ils reçoivent. C'est une mentalité différente. Vous avez le droit, mais les gens auront à vérifier cela à un moment donné.

Quant à la question de la réglementation, je dois vous dire qu'en 1966 il y a eu une élection où on disait que le péril jaune des autobus scolaires, cela n'avait pas de bon sens, cela arrêterait. Je dois dire qu'il y en a plus que jamais parce qu'en 1966 cela a continué comme avant. On peut faire des promesses comme celles-là, mais le problème qu'on a à la fin, c'est de les respecter. Je vous dis, sur la réglementation qu'on a le même problème - tout le monde le dit - sous la loi 150, la Loi sur les forêts, la Loi sur les mines, la loi 102 sur les terres du domaine public, en ce qui concerne le ministre responsable, M. le ministre de l'Énergie et des Ressources. On se retrouve avec la même chose; c'est que la réglementation semble disparue, mais elle est confinée dans un texte qui, en fin de compte, en amène davantage et c'est la réponse que le monde nous fait: Le texte de la loi 46 donne des pouvoirs de réglementation. On aura l'occasion d'y revenir lorsque ce sera l'étude du projet de loi comme tel, article par article, afin de dire que cela n'a pas de bon sens, c'est une superréglementation plus dangereuse, plus pernicieuse qu'avant. En tout cas, c'est notre opinion, mais on ne voulait pas entrer dans ce débat ce matin.

Le Président (M. Richard): Remarquez que ce n'est pas une question qu'on vous posait, on vous remercie bien...

M. Jolivet: Mais ils peuvent faire des commentaires quand même.

Le Président (M. Richard): ...MM. Lussier, Lamothe et Jalbert, de votre présence et de la présentation de votre mémoire.

M. Lussier: Merci.

Le Président (M. Richard): Nous aimerions que prenne place, s'il vous plaît, le Mouvement des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec.

Mesdames et messieurs, bienvenue! Je demanderais au porte-parole d'abord de s'identifier et de présenter ses collègues.

Mouvement des caisses populaires et d'économie

Desjardins du Québec

M. Sirois (Gaston): M. le Président, il me fait plaisir aujourd'hui de représenter la Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec à cette commission. Notre délégation est composée de M. Jean-Denis Savoie, conseiller en crédit agricole...

Le Président (M. Richard): Je m'excuse. Vous voulez bien, comme à l'école, lever la main, celui que cela implique?

M. Sirois: M. Jean-Pierre Thomassin, conseiller en crédit; M. Denis Cormier, conseiller en marketing, clientèle agricole; Mme Guylaine Fortier, conseillère juridique; M. Camil Fortier, vice-président, assurances et rentes des caisses, Assurance-vie Desjardins, et moi-même, Gaston Sirois, vice-président crédit et finance.

Le Président (M. Richard): Vous avez sûrement compris tout à l'heure que c'est la même mécanique pour le Mouvement des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec. Vous avez 20 minutes au maximum pour présenter votre mémoire. Je sais que vous avez un document qui s'est ajouté à votre mémoire, qui est votre exposé. Alors, à vous la parole, M. Sirois.

M. Sirois: Merci. Nous aimerions tout d'abord, au nom des institutions du Mouve-

ment des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec vous remercier ainsi que tous les autres membres de cette commission de nous permettre de faire valoir notre point de vue à l'égard de la refonte du régime de financement agricole au Québec.

Nous tenons également à souligner au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, M. Michel Pagé, ainsi qu'à toutes les personnes qui ont travaillé à la rédaction des projets de loi et de leur réglementation notre satisfaction face à la volonté du gouvernement de remanier la législation relative à l'octroi, au suivi et au recouvrement des prêts bénéficiant de la garantie conférée par la Loi sur l'assurance-prêts agricoles et forestiers. Nous apprécions l'effort de simplification et de normalisation du régime actuel. Le seul fait de passer de huit lois à une seule en facilitera grandement la compréhension et la consultation. Le projet de loi sur le financement agricole aura une influence importante sur le développement du secteur agricole, sur le transfert des exploitations d'une génération à l'autre, ainsi que sur le traitement équitable réservé au secteur dans son ensemble.

Avant de reprendre certains commentaires de notre mémoire et de son addenda, il nous paraît important de vous informer de l'implication des institutions du Mouvement des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec dans le domaine du crédit agricole. Le Mouvement des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec, de fait, a toujours porté intérêt au secteur agricole et toutes les propositions de changement relatives à son financement constituent des préoccupations majeures pour nous. Selon le rapport d'exercice 1985-1986 de l'Office du crédit agricole, les institutions du Mouvement des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec ont consenti au cours de cette période 65,6 % de la totalité des prêts régis par la Loi favorisant le crédit agricole à long terme par les institutions privées, des prêts communément appelés "tandems"; 62,1 % de la totalité des prêts régis par la Loi favorisant l'amélioration des fermes et 61,9 % de tous les prêts régis par la Loi favorisant le crédit à la production agricole.

En résumé, 64 % de tous les prêts régis par les trois lois précitées ont été consentis par l'une ou l'autre des institutions du Mouvement des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec qui, pour la plupart d'entre elles, sont les caisses d'épargne et de crédit réparties sur l'ensemble du territoire. On en compte aujourd'hui 1358. Outre les caisses d'épargne et de crédit, mentionnons que d'autres institutions du Mouvement Desjardins sont présentes dans le financement des entreprises agricoles par le biais du crédit à long terme. Ces institutions sont: la Fiducie du Québec, le

Crédit industriel Desjardins et la Compagnie d'assurances sur la vie et la sauvegarde et l'Assurance-vie Desjardins. À cet égard, d'ailleurs, nous espérons que le pouvoir de ces institutions d'agir à titre de prêteurs sera reconduit par le gouvernement, tel que le permet le projet de loi.

Le 31 décembre 1985, le Mouvement Desjardins occupait 52,7 % du crédit agricole en cours dans les institutions de dépôt au Québec. Ce pourcentage est passé à 56,2 % au 31 décembre 1986. Nous avons donc connu une croissance annuelle de 10,8 %.

Au fil des années, les institutions du Mouvement Desjardins se sont donné des outils de travail en matière de financement agricole et ont développé une expertise professionnelle de pointe. (12 heures)

Hormis le personnel régulier affecté à l'épargne et au crédit, plus de 50 spécialistes du secteur agricole agissent maintenant dans nos diverses institutions afin de répondre adéquatement aux besoins de la clientèle en termes de service, de conseils d'épargne et de crédit ou d'assurance. L'évolution de l'expertise de nos institutions en matière de crédit agricole atteste de l'intérêt que nous accordons à ce secteur. Notre expertise acquise dans ce domaine nous permet d'identifier les avantages à préserver et les lacunes à combler dans le fonctionnement du crédit agricole. De nouveaux mécanismes doivent être instaurés afin d'éviter tout formalisme ou toute lourdeur administrative inutile et susceptible d'entraver la bonne marche d'un prêt.

Tout en respectant les objectifs poursuivis par chacune des parties intéressées, le nouveau régime de financement agricole devra établir des conditions d'octroi, de suivi et de recouvrement d'un prêt qui soient à la fois simples, efficaces et se rapprochant de celles déjà mises en place et utilisées par les institutions financières pour tout prêt de même nature. De plus, ces conditions, compte tenu de la garantie gouvernementale afférente à ces prêts, devront tout de même assurer au prêteur une rentabilité minimale afin d'éviter que ces prêts ne constituent des opérations déficitaires.

Au-delà de son intervention à titre de prêteur, vous remarquerez que le Mouvement Desjardins a également formulé dans son mémoire certains commentaires qui sont directement reliés aux attentes des membres emprunteurs. En effet, nous devons nous assurer que le nouveau régime de financement agricole améliorera les conditions d'emprunt de l'agriculteur et répondra à ses véritables besoins. Nos principales préoccupations à l'égard du projet de loi sur le financement agricole peuvent se résumer ainsi: que soit considérée l'expertise du Mouvement Desjardins développée en matière

de crédit agricole; que l'emprunteur et le prêteur bénéficient d'un régime de financement simple d'administration et conforme aux pratiques financières généralement reconnues dans le domaine du crédit et, enfin, que ce régime réponde aux besoins financiers des agriculteurs en tenant compte de leur capacité de remboursement et des particularités propres à ce secteur d'activité.

Cela dit, M. le Président, vous nous permettrez maintenant de reprendre succinctement certains commentaires élaborés dans notre mémoire et son addenda. Le premier point sur lequel nous voulons d'abord attirer votre attention et celle des membres de cette commission porte sur le rôle attribué au prêteur au sein du projet de loi sur le financement agricole et son avant-projet de règlement. Nous aurions souhaité que, dans un contexte de collaboration avec l'Office du crédit agricole, le prêteur soit perçu et considéré comme un véritable partenaire. Malheureusement, pour employer les expressions déjà utilisées dans notre mémoire, le législateur semble vouloir reléguer le prêteur dans de simples rôles de bailleur de fonds et de teneur de livres.

Nous vous rappelons encore une fois l'expertise professionnelle dont disposent nos institutions prêteuses en matière de crédit agricole ainsi que les relations constantes et étroites que ces institutions entretiennent avec leurs membres. Cette expérience et ces rapports privilégiés de prêteur-emprunteur nous paraissent des atouts dont le gouvernement aurait avantage à tirer profit.

À notre avis, un esprit de collaboration serait bénéfique pour tous dans le processus de financement d'une entreprise agricole. Dans le même ordre d'idées, il nous apparaît plus efficace et plus normal que le prêteur jouisse d'une certaine autonomie au niveau de l'octroi et de la gestion du prêt. Contrairement à la situation actuelle, le projet de loi et son avant-projet de règlement ne semblent vouloir laisser aucune latitude au prêteur. Par exemple, en matière d'ouverture de crédit, il est devenu impossible pour l'emprunteur d'obtenir des avances d'argent pour un montant minimum sans devoir préalablement requérir l'autorisation de l'office. Pourtant, dans certaines circonstances, il est très utile à l'emprunteur d'obtenir de son prêteur dans un court laps de temps le déboursement de sommes nécessaires au règlement de dépenses urgentes ou imprévues.

L'expérience a démontré que le prêt agricole bénéficiant de l'assurance-prêts agricoles et forestiers comporte souvent des garanties dont la valeur est beaucoup plus élevée que la valeur de l'emprunt lui-même. Faute de garantie, cette pratique restreint la possibilité pour le prêteur d'accorder des prêts dits conventionnels, c'est-à-dire non régis par la Loi sur le financement agricole aux agriculteurs qui en font la demande.

Cette situation entraîne souvent pour le prêteur des demandes de libération de garanties auprès de l'Office du crédit agricole occasionnant de ce fait des délais et des coûts que l'emprunteur doit supporter. Si, d'une part, on retire au prêteur toute participation active dans le processus d'analyse et de suivi du prêt régi par la Loi sur le financement agricole et que, d'autre part, on lui retire la possibilité de consentir des prêts conventionnels, ceci risque d'avoir pour effet de le désintéresser de son implication dans le domaine du crédit agricole, un secteur pourtant fondamental de notre économie.

Mentionnons également que les conditions du prêt sont, pour l'instant, peu incitatives quant à la participation du prêteur au régime proposé et ce, plus particulièrement vis-à-vis des entreprises d'exploitation de moins grande importance dont les besoins en crédit sont plus modestes.

Notons, entre autres choses, le taux d'intérêt applicable aux différents prêts qui serait dorénavant établi par règlement. Le taux prévu pour les prêts à moyen et court terme, soit le taux préférentiel plus un demi, est insuffisant pour assurer au prêteur un minimum de rentabilité.

En ce qui a trait à l'ouverture de crédit plus particulièrement, nous devons considérer l'importance des tâches administratives générées par l'exigence relative aux pièces justificatives ou encore par l'exigence relative à la vérification du déboursement des avances de fonds, des avances en fonction des fins autorisées ou la proportion des dépenses admissibles. Le taux projeté de taux préférentiel plus 1 % peut s'avérer nettement insuffisant à la seule gestion du prêt pour permettre au prêteur de couvrir ses frais d'opération.

Il faut ajouter au faible taux d'intérêt le fait que la base de capitalisation mensuelle du taux d'intérêt n'est reconnue, ni au projet de loi, ni à l'avant-projet de règlement, ce qui diminue encore davantage la rentabilité déjà fragile du prêt. En résumé, sur ce point, le Mouvement Desjardins désire souligner sa déception face au rôle réservé au prêteur dans le cadre du nouveau régime de financement agricole.

Le second point sur lequel nous désirons vous entretenir porte sur l'administration d'un prêt régi par les diverses lois de nature agricole qui, plutôt que d'être allégée par le projet de loi et l'avant-projet de règlement, est, à certains égards, amplifiée. À l'heure actuelle, plusieurs tâches administratives, lourdes et coûteuses sont imposées au prêteur. Nous avons déjà parlé de l'exigence relative à l'obtention et à la conservation des pièces justificatives en matière d'ouverture de crédit. Nous pouvons ajouter

le suivi des taux d'intérêt applicables au prêt ou encore la double comptabilisation du prêt pour séparer celui-ci des versements échus et non acquittés. Maintenant, on introduit d'autres procédures administratives qui, selon nous, ajouteront à la lourdeur existante, notamment: l'obtention d'un certificat pour tout type de prêt, la croissance des versements de capital pour tous les prêts, peu importe la fréquence de leur remboursement, le calcul et le contrôle additionnels dans le cas de l'ouverture de crédit de la proportion des dépenses que l'emprunteur devra assumer par ses propres moyens, l'interdiction d'ajouter au taux de crédit la prime d'assurance-vie ou d'invalidité et, enfin, l'ouverture possible à une visite d'inspection de la part des représentants de l'office pour procéder à un constat de pièces justificatives. Tout ceci, sans compter que, pendant une période indéterminée, le prêteur aura à gérer les prêts régis par les lois déjà existantes parallèlement à ceux consentis en vertu du nouveau régime. Donc, double administration.

Nous devons être conscients que toutes les particularités énumérées précédemment entraînent une gestion manuelle des prêts et engendrent par le fait même des coûts d'administration très élevés pour le prêteur. Ces coûts ne peuvent être récupérés par l'entremise du taux d'intérêt applicable au prêt ou encore par l'entremise d'honoraires exigés de l'emprunteur. Au surplus, le non-respect par le prêteur de l'une ou l'autre de ces exigences, que ce soit par une pièce justificative manquante ou par un déboursement à une fin non autorisée, peut toujours résulter en la perte pour le prêteur de la garantie gouvernementale qu'il croyait détenir auprès du fonds d'administration, auprès du Fonds d'assurance-prêts agricoles et forestiers.

Pour pallier certaines des difficultés énumérées, nous réitérons les suggestions formulées dans notre mémoire. Relativement à l'ouverture de crédit, nous recommandons qu'elle soit administrée selon les règles applicables à toute marge de crédit de type conventionnel. Adopter cette position en faciliterait substantiellement l'administration et rejoindrait les pratiques financières établies. À tout le moins, si le prêteur devait continuer d'obtenir et de conserver les pièces justificatives, que celles-ci soient limitées aux seuls chèques émis par l'emprunteur. Comme nous l'avons déjà mentionné dans notre mémoire, le chèque prouve une affectation de paiement contrairement à la simple facture qui peut être plus facilement contrefaite, tant au niveau de la date, du montant ou de l'indication "payé". Quant à l'emprunteur, il devrait avoir seul la responsabilité de conserver et de fournir au besoin toute autre pièce justificative.

Il nous semble que le législateur a tenté d'alléger la tâche relative à l'administration des pièces justificatives en instaurant un constat des pièces justificatives. Toutefois, il ne nous paraît pas évident que ce constat déchargera le prêteur de son obligation de conserver ces pièces. En effet, le représentant de l'office pourra exiger du prêteur qu'il conserve les pièces susceptibles d'être utiles pour la protection ou le recouvrement de la créance ou lors d'une éventuelle réclamation de remboursement d'un prêt produite en vertu de la Loi sur l'assurance-prêts agricoles et forestiers. Au surplus, comme nous l'avons mentionné précédemment, nous percevons cette possibilité de constat prévue à l'avant-projet de règlement comme une porte d'entrée pour les représentants de l'Office du crédit agricole du Québec à venir examiner en tout temps ou lorsqu'ils le jugeront à propos les dossiers de prêt agricole du prêteur. Ce constat ne doit en aucun cas donner lieu à une inspection de la part de l'Office du crédit agricole du Québec, mais doit plutôt, selon nous, constituer un service offert à l'institution prêteuse lorsqu'elle juge opportun d'en faire la demande.

Enfin, si l'on veut rendre ce constat efficace et utile, le prêteur devra être autorisé sur délivrance du constat à se départir sans délai des pièces justificatives dont il fait l'objet.

Un autre point dont nous vous avons déjà fait part dans l'addenda de notre mémoire est l'article de l'avant-projet de loi de règlement qui interdit au prêteur d'inclure dans son taux de crédit la prime relative à l'assurance-vie ou à l'assurance-invalidité. Cet article sera source de problèmes administratifs pour les institutions prêteuses du Mouvement Desjardins.

Depuis les modifications, en septembre 1984, aux articles permettant des règlements d'application de la Loi favorisant l'amélioration des fermes et de la Loi favorisant le crédit à la production agricole qui autorisaient le prêteur à exiger de l'emprunteur le remboursement du montant équivalant à la prime d'assurance, nos institutions prêteuses ont toujours perçu ces montants à même les versements périodiques de l'emprunteur. Tous les emprunteurs du Mouvement Desjardins qui adhèrent à une assurance-vie ou à une assurance-invalidité sur leurs prêts, de quelle que nature qu'ils soient, bénéficient de ce mode de perception. Celui-ci, d'une part, assure l'emprunteur que l'assurance souscrite ne sera pas annulée à la suite d'un oubli d'en effectuer le paiement et, d'autre part, libère le prêteur d'un suivi qu'il devrait autrement exercer. Changer cette façon de procéder, nous l'avons déjà dit, alourdira considérablement la gestion de nos prêts et pourra même entraîner l'annulation des assurances souscrites et la

cessation d'adhésion à ces assurances. Cela ne saurait être dans l'intérêt d'aucune des parties puisque ce sont souvent ces assurances qui font foi de la continuité des activités d'une entreprise agricole dans le cas d'invalidité et de décès de l'agriculteur.

Enfin, nous sommes également très préoccupés par la double comptabilisation du prêt qui est imposée au prêteur lorsqu'un prêt devient en défaut. Cette obligation entraîne une fois de plus une gestion manuelle du prêt et empêche le prêteur d'utiliser et de présenter intégralement l'état de compte, tel que généré par le système informatique qu'il utilise. Ainsi, lors d'une réclamation, le prêteur doit reprendre les calculs effectués en regard du prêt et concevoir un état de compte dissociant pour des dépenses données la partie échue de la partie non échue du capital de même que les intérêts courus sur le capital non échu des intérêts courus sur les arrérages de capital et d'intérêt. L'état réel du prêt serait mieux reflété par les relevés de compte que produit le prêteur à son emprunteur puisque toutes les opérations effectuées sont inscrites en détail. Au surplus, cette procédure s'avérerait conforme à la procédure usuelle des institutions financières dans ce domaine.

Tous ces propos, M. le Président, tendent à démontrer que, bien que largement amélioré sous plusieurs aspects, le régime de financement agricole, tel que proposé, comporte encore certaines lacunes qui méritent que l'on s'y attarde davantage afin d'atteindre les objectifs visés dans le cadre de cette réforme. À cet égard, nous nous permettons de reprendre la suggestion faite dans le cadre des activités du comité consultatif sur la refonte du régime de financement agricole de tenir des rencontres entre représentants de l'Office du crédit agricole et des institutions financières. Le but de ces rencontres serait d'analyser l'application de la loi et de son règlement. Il nous paraît essentiel de réduire au minimum les contraintes opérationnelles et administratives afin que soit institué un régime de financement simple d'application, efficace et peu coûteux.

C'est en effet le souhait que formulait le ministre Pagé lors de la présentation du projet de loi sur le financement agricole devant l'Assemblée nationale le 16 juin dernier. Le ministre s'exprimait ainsi: Ce projet de loi vise une simplification et une plus grande rationalisation de ce régime tant du point de vue de son fonctionnement que de celui de son contenu. Nous avons la ferme conviction qu'il est possible d'élaborer des mécanismes et des règles qui conviendront à tous les intervenants impliqués dans la gestion d'un dossier de financement agricole, que ce soient les emprunteurs, le prêteur ou l'organisme responsable de l'administration de la loi, en l'occurrence l'Office du crédit agricole.

Le financement agricole au Québec se caractérise par la jonction de l'expertise du personnel de l'Office du crédit agricole et de la disponibilité des fonds des institutions financières. Nous croyons que ces partenaires doivent continuer à rechercher ensemble certains ajustements dans le but d'assurer un meilleur service à la clientèle agricole. Notre participation à cette commission est l'expression de notre volonté à cet égard. Nous tenons toutefois à souligner que, malgré tout l'intérêt manifesté par le Mouvement Desjardins à l'égard du domaine du crédit agricole, l'orientation qui sera donnée au nouveau régime de financement aura une influence incontestable dans l'avenir sur la participation et l'implication des institutions prêteuses du mouvement dans les prêts assujettis à ce régime.

Il nous est évidemment difficile de reprendre dans ce court exposé tous les éléments contenus dans notre mémoire et son addenda. Nous espérons cependant que les sujets sur lesquels nous n'avons pu revenir au cours de cette allocution seront pris en considération par les personnes concernées. Ces sujets n'en sont pas moins importants pour nous. À cet effet, nous avons reproduit en annexe du présent document la liste de certains points qui, pour nous, nécessitent des précisions additionnelles.

Merci à vous, M. le Président, de même qu'à tous les membres de cette commission de l'attention que vous nous avez accordée.

Le Président (M. Richard): Merci, M. Sirois. Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata, vous avez la parole. (12 h 15)

Mme Dionne: Merci, M. le Président. Tout d'abord, j'aimerais, au nom de mes collègues et au nom du ministre, vous remercier, M. Sirois, ainsi que votre équipe, M. Cormier, M. Thomassin, Mme Fortier, M. Savoie et M. Fortier, d'avoir bien voulu, premièrement, travailler à la préparation d'un mémoire et d'être venus le présenter ici en commission parlementaire. Il est certain que je trouve votre mémoire très intéressant parce que j'ai déjà travaillé dans le système bancaire, plutôt que dans celui des caisses populaires, mais il y a effectivement des points qui se rejoignent. Quand vous parlez de l'aspect technique de la loi ou de la réglementation qui affecte directement les institutions financières, je pense que je suis bien placée pour comprendre ce qui se fait comme travail au jour le jour dans les différentes caisses populaires du réseau.

Vous parlez, premièrement, d'une rencontre entre les différents partenaires, que ce soient les institutions financières, les membres ou les représentants de l'office. Je pense que tout le monde souhaite une

harmonisation pour que le travail en soit doublement facilité pour tous les intervenants parce que, dans un sens, on travaille tous pour les mêmes gens dans ce domaine, c'est-à-dire les agriculteurs. Plus on pourra passer de temps à les aider, à les conseiller et moins on passera de temps au niveau technique, plus ce sera bénéfique pour nos agriculteurs.

D'autre part, quant au constat et aux différents points, pendant qu'on était en comité - on vous a d'ailleurs rencontrés ainsi que d'autres intervenants - on avait discuté aussi d'une possibilité d'informatisation de l'office afin que toute cette technicité soit réduite au minimum par l'informatique. C'est un souhait que tout le monde espère voir se concrétiser dans les prochaines années. Par contre, les coûts en sont très élevés, mais cela faciliterait effectivement le travail pour tous et chacun.

Quand vous parlez de l'association entre les différents partenaires dans un dossier agricole, je pense qu'on peut dire en toute franchise que, dans le passé, le représentant de l'office qui était sur le terrain faisait son travail très consciencieusement mais, bien souvent, de façon très individuelle. D'autre part, on avait les prêteurs autorisés, caisses populaires ou banques, qui avaient la possibilité de rencontrer l'agriculteur une fois par semaine, et même deux ou trois fois s'il avait des problèmes. Donc, il y avait effectivement une lacune entre le prêteur à long terme, qui était l'office, et les relations avec les institutions financières, et je dirais même dans certains cas avec les agronomes du milieu ou le syndicat de gestion qui sont tous des intervenants afin d'appuyer l'agriculteur dans son travail, surtout au niveau financier.

Le voeu de la réforme est de créer des liens. Je sais qu'il y a des humains partout sur le territoire, mais je pense qu'une des premières étapes est de s'assurer qu'il y a un lien entre les différents partenaires du milieu. Je pense que, d'un côté, vous ou vos directeurs de caisses populaires serez à même de voir la différence sur le terrain et, d'un autre côté, je pense que les députés seront très sensibles au rapprochement qui pourra se faire et qui devra se faire pour l'avenir de l'agriculture.

Pour le moment, je n'aurais pas d'autres commentaires à faire. Je vais laisser la parole au député de Laviolette et je reviendrai tout à l'heure.

Le Président (M. Richard): M. le porte-parole de l'Opposition.

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Bienvenue et merci de participer à cette commission parlementaire. Je commencerais par la fin de l'intervention de Mme la députée lorsqu'elle disait que le but de la réforme... J'ai toujours compris que c'était une refonte et non une réforme, et je continue à penser que c'est une refonte. Dans ce contexte-là, si on dit que la refonte a pour but de créer des liens, je me pose des questions au sujet de la page 14 de votre document et j'aimerais avoir plus de détails. Vous dites: "Au surplus, comme nous l'avons mentionné précédemment, nous percevons cette possibilité de constat prévu à l'avant-projet de règlement comme une porte d'entrée pour les représentants de l'Office du crédit agricole à venir examiner en tout temps ou lorsqu'ils le jugeront à propos les dossiers de prêts agricoles du prêteur." Je ne voudrais pas que les liens deviennent tellement forts que, finalement, ils vous enserrent le cou. C'est un peu ce que je voudrais savoir par rapport à ce qui se passe actuellement dans l'ensemble des prêts et ce que vous percevez de la lecture que vous avez faite de l'avant-projet de règlement. Quelles sont vos craintes? Vous semblez exprimer des craintes en disant: D'accord, on peut avoir des contacts suivis, mais de là à venir nous inspecter, il y a un problème. Est-ce que c'est ainsi que je le comprends? J'aimerais avoir des détails.

M. Sirois: D'accord. Notre crainte vient de l'article Al, lorsqu'on dit qu'un constat de pièces justificatives est fait par un représentant de l'office et que le prêteur peut se départir dans les six mois des pièces justificatives, etc. Comme on le dit dans notre mémoire, cela laisse la porte ouverte à des inspections, soit sur place, soit autrement. On n'a pas d'indication de quand ni comment ces constats de vérification pourraient être faits. Au fond, c'est une interrogation qu'on pose. On se positionne absolument contre une telle pratique. Déjà, le Mouvement Desjardins, comme toute institution financière, a des mécanismes qui prévoient des méthodes de vérification dans les déboursés des prêts ou dans toutes ses opérations. Que l'on pense simplement à ses propres vérificateurs, que l'on pense aussi aux vérificateurs du gouvernement, du ministère des Finances qui ont autorité pour nous vérifier. On considère qu'en ce qui concerne la vérification interne, sur place, dans une caisse populaire, on est déjà suffisamment réglementés, on ne voudrait pas voir ce processus alourdi.

Par contre, lorsque l'on parle de véritables partenaires, on se réfère au fait que, dans le projet de loi, le rôle laissé à l'institution financière est, à notre avis, davantage passif qu'actif. On croit qu'on pourrait, comme institution financière, participer davantage aux éléments qui ont trait à ce projet de loi. On pourrait donner des exemples. Auparavant, nous avions une certaine autonomie comme institution financière pour accorder des prêts sans

certificat. Maintenant, cela nous est enlevé. Alors, on croit que cela va alourdir le processus, autant pour l'agriculteur que pour l'institution financière qui ne pourra plus participer, qui ne pourra plus exercer aucun jugement; tout lui serait dicté et elle n'aurait qu'un rôle d'exécutante.

M. Jolivet: C'étaient deux de mes questions et vous y avez répondu indirectement par vos propos. Vous disiez que cela limitait son rôle de prêteur à celui de bailleur de fonds et que vous étiez déçus de cela.

Deuxièmement, je vais y revenir davantage. À la page 4 de votre mémoire, vous faites mention des prêts. Vous dites: "Voilà un premier exemple de perte d'autonomie pour le prêteur. Les lois existantes lui permettent de consentir un prêt sans autorisation de l'office, jusqu'à concurrence de 50 000 $ pour un prêt régi par la Loi favorisant l'amélioration des fermes et jusqu'à concurrence de 25 000 $ dans les cas de prêts régis par la Loi favorisant les crédits à la production agricole." Vous constatez qu'à partir de ce moment-là, comme nous l'avions vu d'ailleurs, cette marge de manoeuvre est complètement disparue, que cela aura pour effet - si je comprends - d'alourdir l'ensemble du processus, et que, dans le cas où quelqu'un aurait besoin d'un prêt rapidement pour sauvegarder l'ensemble de ses prêts déjà consentis, vous perdez cette autonomie et vous risquez, par l'alourdissement, de le mettre en faillite sans avoir la chance d'intervenir ou, du moins, de mettre des conditions telles que, finalement, cela change la marge de rentabilité de sa ferme.

M. Sirois: En. fait, on ne va pas aussi loin que de dire que cela pourrait le mettre en faillite. On s'attarde surtout au fait que, déjà, dans l'ancienne réglementation, la participation du prêteur était reconnue en termes d'expertise - dans une certaine proportion, du moins - pour l'exemple des 50 000 $ de la Loi favorisant l'amélioration des fermes. Dans ce qui est présenté, cette mince latitude qu'a le prêteur lui est retirée, à toutes fins utiles. On a aussi d'autres exemples de cela. Quant à la participation active comme partenaire dans l'administration et dans la gestion du crédit agricole, on perçoit que l'institution financière est maintenant une exécutante, tout simplement. On se dit que, du fait que nous sommes près de nos agriculteurs, du fait que nous sommes très décentralisés dans chacune de nos régions et dans chacune des localités, que l'on connaît bien le domaine de l'agriculture - aussi, plusieurs des dirigeants de nos caisses populaires sont des agriculteurs - on croit qu'on peut avoir une participation davantage active. Il y a l'exemple que vous mentionniez tout à l'heure. Il y a aussi tous les mécanismes de libre concurrence - on parle du taux d'intérêt ou autre - qui sont enlevés. Il y a tous les mécanismes de suivi du prêt qui imposent des pratiques qui ne sont pas nécessairement en relation avec les pratiques généralement reconnues par les institutions financières. En fait, on n'a pas non plus accès à certaines informations, par exemple, sur les évaluations de garanties, etc. On a un rôle très passif et certains points du projet de loi viennent renforcer cet élément.

M. Jolivet: En fait, il faut concevoir que, lorsqu'il est dans le projet de loi, c'est clair, on peut, avec les amendements qui peuvent être apportés, s'assurer de l'ensemble, mais, quand c'est à l'intérieur des règlements, le problème que l'on a, c'est que la procédure pour adopter les règlements est différente de telle sorte que même les députés de l'Assemblée nationale, et on en est conscients, n'ont pas le temps de voir l'ensemble des règlements qui sont décidés par le Conseil des ministres en prépublication, en publication officielle, de telle sorte qu'ils entrent en vigueur. C'est après coup qu'on s'aperçoit que le règlement vient amoindrir la portée de la loi. Si je comprends bien, c'est dans ce sens que vous avez certaines craintes.

M. Sirois: En fait, les craintes viennent surtout de la lecture qu'on fait actuellement de ce qui nous est proposé comme règlement où on dénote un des éléments que je vous mentionnais tout à l'heure, la procédure de révision de ces règlements par rapport à la loi. On ne s'y est pas attardé en tant que tel, on a pris ce qui nous était proposé.

M. Jolivet: Concernant les garanties de premier rang exigées par l'office pour l'octroi d'un prêt, vous manifestez un certain nombre de réserves à ce sujet. Est-ce que vous pourriez préciser davantage votre position sur l'exigence des garanties de premier rang?

M. Sirois: Ce qu'on mentionne, dans le fond, c'est qu'il peut arriver des occasions où un prêteur soit en premier rang et qu'il y ait suffisamment de garanties pour un prêteur en deuxième rang sans que cela ne mette aucunement en danger la créance en tant que telle.

D'autre part, si la pratique est d'exiger dans la plupart des cas un premier rang, cela enlève au prêteur la possibilité, à toutes fins utiles, de pouvoir consentir des prêts de type conventionnel à l'agriculteur. On dit aussi que le fait que nous soyons limités dans la possibilité d'octroyer un prêt conventionnel à l'agriculteur vient à l'encontre de certains besoins qui peuvent se présenter chez

l'agriculteur à qui on pourrait consentir un prêt. Par contre, les garanties étant, à toutes fins utiles, grevées, sous forme de premier rang plus particulièrement, cela enlève certainement la possibilité d'intervention directe de l'institution financière vis-à-vis de son agriculteur. Ce sont les principales réserves qu'on émet à ce sujet.

M. Jolivet: Vous avez entendu, puisque vous étiez présent, la discussion qu'on a eue sur le nantissement des quotas comme garantie. Quelle est votre position là-dessus dans le contexte où l'Union des producteurs agricoles dit: Pour nous, "no way", on ne veut rien savoir de cela? D'un autre côté, les banques disent: Si on prête sur cela, il faut avoir les garanties en conséquence, et le groupe des caisses d'établissement est venu dire: Oui, mais à certaines conditions. Quelle est votre position?

M. Sirois: Pour nous, les quotas, compte tenu de l'importance qu'ils ont dans tout le processus de l'agriculture comme tel, sont partie intégrante de l'exploitation et prennent une partie de plus en plus importante ou très importante dans la valeur d'une exploitation. À ce titre, on privilégie certainement le fait que ces quotas puissent être pris en garantie. (12 h 30)

Cependant, au même titre que nos prédécesseurs ici, nous serions d'accord sur le fait qu'il y ait certaines réglementations, certains encadrements à ce sujet. Par exemple, à titre de suggestion, on pourrait envisager que ces quotas, dans le cas où il y a réalisation de garantie, soient véritablement un dernier recours ou la dernière réalisation possible, parce qu'il y a réalisation des biens. Cela pourrait, à notre point de vue, protéger les différentes parties à ce sujet.

M. Jolivet: Est-ce que cela aurait pour effet d'arrêter l'augmentation phénoménale du coût des quotas ou si, dans votre esprit, cela aurait pour effet de le stabiliser, de le diminuer? Quelle est votre opinion?

M. Sirois: II nous semble évident que le fait de mettre en marché - entre guillemets - dans certaines circonstances les quotas peut faire que la juste valeur de ces quotas soit évaluée... À partir du moment où ils sont sur le marché, ils pourraient être augmentés ou avoir une autre valeur. Il peut y avoir, selon nous, un effet sur le prix en tant que tel. Cependant, il nous apparaît qu'à partir du moment où la formule des quotas a été mise en pratique, le prix était fonction d'une certaine évaluation du marché et le fait de permettre de le prendre en garantie aurait éventuellement un effet sur le prix. Cependant, nous ne croyons pas que ce soit un effet majeur.

M. Jolivet: Vous savez que le quota, en fait, c'est le droit de produire pour l'individu. Dans ce contexte, est-ce qu'il n'y a pas un danger de lui enlever toute possibilité... Même si vous le mettez en dernier rang comme étant une des obligations prévues par règlement, est-ce que vous ne croyez pas que cela pourrait avoir des effets négatifs?

M. Sirois: Nous avons examiné l'aspect des quotas surtout en fonction de l'importance relative de ces quotas sur la valeur comme telle de l'exploitation. Dans ces termes, nous voyons beaucoup d'avantages au fait qu'ils puissent être en garantie, ne serait-ce que l'accès de certaines productions à des possibilités de crédit et ne serait-ce que le fait que de plus petites exploitations, en ayant recours à des possibilités de crédit, puissent aussi avoir accès à l'acquisition de quotas. Le fait aussi que, ne pouvant pas les prendre en garantie lorsqu'on a des demandes d'emprunt, l'office doit se garantir de quelque autre façon; à ce moment-là, on a tendance à aller chercher des garanties sur d'autres biens. De sorte que les possibilités d'emprunt ou les possibilités d'expansion de l'agriculteur peuvent être, à long terme, réduites de ce fait, du fait qu'une partie importante de la valeur de son entreprise soit des quotas et qu'on ne puisse pas les prendre en garantie. Cela a aussi des effets à partir du moment où ce sont les autres biens qui sont grevés; la possibilité pour les prêteurs de faire du prêt conventionnel est encore amoindrie de ce fait-là.

M. Jolivet: Vous émettez certaines réserves, à la page 16; vous avez, en fait, des doutes en regard de l'applicabilité, comme vous le dites, de la planification quinquennale des opérations financières. Il y a eu, de la part du ministre, une réponse qui a été donnée à l'Association des banquiers, qui enlevait une certaine forme de réticence à leur position. On parlait de plan quinquennal au niveau du prêt et de la gestion. Il faisait une différence entre les deux; dans un cas, il disait oui pour la gestion, mais non pour le plan quinquennal des prêts. Votre position semble être de dire qu'il y a un doute quant à l'applicabilité de cela. J'aimerais que vous nous donniez plus de renseignements.

M. Thomassin (Jean-Pierre): Je pense qu'il faut faire une distinction entre une planification stratégique d'entreprise et une planification financière. On . comprend très bien le voeu de l'office et de tous les prêteurs devant un emprunteur qui nous propose une planification stratégique, mais,

de là à dire que, dans sa planification stratégique, il est capable d'anticiper pour les cinq prochaines années, par exemple, tel déboursement en capital ou tel achat d'investissement ou tel agrandissement, c'est là qu'on émet certains doutes. On dit oui pour la planification stratégique; il est important de savoir où vont nos agriculteurs. Quant à la planification financière, on aimerait qu'elle soit limitée à un an, selon les pratiques financières courantes, et révisables, évidemment, annuellement, en fonction de la planification stratégique qui, elle, peut être à plus long terme. Il faut vraiment faire la distinction entre les deux. C'est là où on émettait certains doutes en ce sens d'essayer de relier une planification financière à un plan stratégique qui est beaucoup plus global, qui a une portée à beaucoup plus long terme.

M. Jolivet: Vos restrictions ne sont pas au même titre que celles des banques en ce qui a trait au plan quinquennal des prêts. Le ministre avait donné une réponse en leur disant qu'il pouvait y avoir une transférabilité parce qu'il avait une crainte en disant que s'ils sont pris dans un système ils ne peuvent pas changer. Donc, ils sont dans une institution financière, ils ne peuvent pas changer, alors qu'il y a une liberté d'accordée, d'après les renseignements qu'on nous a donnés hier. Vous n'avez pas suivi cette discussion hier? D'accord. Les banquiers disaient être en désaccord avec un plan quinquennal des prêts parce qu'ils avaient l'impression que la personne était prise dans un carcan et qu'elle ne pouvait pas changer d'institution financière. Ce que le ministre a dit est: Oui, il y a une transférabilité possible. En conséquence, leur réticence a diminué. C'est pour cela que je vous posais cette question, à savoir si c'était dans ce sens votre problème. La réponse que vous me donnez, vous dites que c'est à un autre niveau.

M. Sirois: C'est effectivement vu d'une autre façon. Ce qui nous faisait peut-être voir cela d'une autre façon, c'est qu'il y avait quand même dans la réglementation la possibilité de subrogation qui permettait le transfert d'une institution à l'autre. Alors, cela ne nous paraissait pas une problématique à ce niveau.

M. Jolivet: D'accord. Vous semblez réticents au caractère restrictif des règlements d'application au sujet des fins d'utilisation d'un prêt. Est-ce que vous pourriez nous dire quels sont les problèmes qui peuvent être créés par une liste trop restrictive des fins pour lesquelles un prêt peut être utilisé?

M. Sirois: M. Cormier? Jean-Denis?

Une voix: À quel endroit?

M. Jolivet: D'accord. Vous voulez que je répète? Vous semblez réticents au caractère restrictif des règlements d'application pour les fins d'utilisation d'un prêt. Vous dites que la liste des fins pour lesquelles un prêt peut être utilisé est trop restrictive.

M. Savoie (Jean-Denis): On a dit que la liste était trop restrictive?

M. Jolivet: Oui.

M. Savoie: Est-ce que vous pouvez me dire à quel endroit?

M. Jolivet: ...

M. Savoie: On a dit que les fins du prêt étaient plus larges dans la loi et les règlements, qu'on donnait beaucoup plus de largesse. Alors, on ne voulait pas que les règlements viennent restreindre.

M. Jolivet: D'accord. Vous ne voulez pas que les règlements viennent... C'est dans ce sens.

M. Savoie: Lorsqu'on a étudié le projet de loi, on n'avait pas les règlements. On disait qu'on ne voulait pas que les règlements viennent trop restreindre. Les règlements ne semblent pas restreindre. Il va rester les interprétations que l'office peut donner aux règlements.

M. Jolivet: D'accord. C'est à cette partie que vous dites avoir des craintes. Donc, vous dites: Cela élargit, mais, cependant, vous avez crainte que les règlements soient restrictifs.

M. Savoie: Lorsqu'on a étudié le projet de loi, nous n'avions pas les règlements.

M. Jolivet: D'accord.

M. Savoie: À ce moment, on a dit: On ne voudrait pas que les règlements viennent restreindre la portée de la loi. Il reste, après les règlements - et les règlements ne sont pas tellement restrictifs - donc, il va rester les interprétations que l'office pourrait donner à certains règlements. En ce sens, on aimerait bien que l'office divulgue les bulletins d'interprétation officiellement à tous les prêteurs. Ce serait peut-être une bonne façon de communiquer et de faire un véritable partnership.

M. Jolivet: D'accord. Normalement, un règlement ne doit pas venir à l'encontre de la loi. Ce que vous craignez, c'est qu'il restreigne. Vous serez satisfaits lorsque vous

allez voir l'interprétation des règlements que donnera l'office. D'accord, cela va pour le moment, M. le Président.

Le Président (M. Richard): Merci. Vous voulez la parole, M. le ministre? Vous avez des commentaires ou des questions?

M. Pagé: Oui, M. le Président. Je voudrais remercier mes amis du Mouvement Desjardins. On sait que le Mouvement Desjardins est très impliqué dans le financement agricole; près de 50 % des prêts le sont par le mouvement.

Vous vous référez à plusieurs points techniques qui sont portés à la connaissance de la commission. Vous demandez, entre autres, que soient assouplis les échanges, les normes, les papiers, les approbations, les certifications, etc. entre l'office, le prêteur et celui qui garantit. Je peux vous donner l'assurance que l'ensemble des commentaires que vous formulez et les recommandations, précisions ou modifications que vous voulez voir apporter vont être très sérieusement étudiés. Nous n'avons aucun intérêt à ce que le système soit lourd. On sait qu'il l'est déjà. Je me suis référé hier à l'obligation que nous avions de tout faire pour diminuer les délais entre le moment où une requête est déposée auprès d'un de nos économistes, un de nos représentants, et le moment où le prêt est octroyé, tout comme j'ai indiqué qu'on devait simplifier au maximum la procédure. Soyez persuadés que, sur des questions comme le constat sur lequel vous discutiez au moment où je suis arrivé, il y aura très certainement possibilité dans la réglementation de prévoir une façon de faire pour que toute cette accumulation de paperasse, de documents puisse être corrigée.

Vous aviez aussi des inquiétudes en ce qui concerne, notamment... Cela m'a bien surpris quand j'ai lu cela. Vous dites que vous perdiez l'autonomie, vous déploriez une perte d'autonomie pour le prêteur de ne pas pouvoir maintenir le principe de consentir des prêts pour un montant minimum sans autorisation de l'office. Cette marge de manoeuvre qui allait jusqu'à 50 000 $ et à 25 000 $ pour une ouverture de crédit devrait être maintenue, sinon augmentée en proportion de l'accroissement des prêts. Tel que mon collègue de Laviolette le disait en faisant référence à mes propos hier, je peux vous donner l'assurance que l'intention qui nous anime dans la rédaction du projet de loi, cette réforme, n'est pas d'enlever l'autonomie aux institutions financières, et nous prendrons tous les moyens pour nous en assurer.

On veut véritablement - je voudrais vous dire cela ce matin - créer une relation beaucoup plus étroite entre le prêteur et l'office. Vous êtes vous aussi sur la ligne de feu. Nos agriculteurs et agricultrices vivent dans des communautés locales, dans des petites municipalités où ils sont en contact constant avec leurs institutions financières, notamment, avec le Mouvement Desjardins.

Notre relation est jeune en ce que la loi tandem a été adoptée en 1978, il aura fallu quelques années d'adaptation. Par la suite est venue la période très difficile qu'on a traversée en 1981-1982. Par surcroît, il faut convenir que l'ensemble de nos régimes était administré par huit lois, alors qu'à l'avenir nous en aurons une seule qu'on veut moins laborieuse, moins compliquée, plus facile à comprendre et à travailler. On a eu des échanges intéressants avec différents groupes de professionnels; on a rencontré les notaires, on rencontrera les comptables agréés cet après-midi.

En terminant, je veux vous remercier très sincèrement pour votre témoignage de ce matin. Je veux aussi m'excuser, j'ai dû quitter pour le Conseil des ministres. Cependant, je peux vous assurer que votre mémoire a été bien pris en considération; d'ailleurs, ma collègue, Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata, a dû intervenir. On repart avec cela. On ne veut pas que la commission soit strictement une question d'image ou de pseudo-consultation, on veut vraiment venir cueillir les renseignements, la perception et les recommandations de ceux et celles qui articulent ces lois quotidiennement dans leur travail. On repart avec tout cela et très certainement que vous verrez des modifications dans la loi ou dans la réglementation où vous vous retrouvez, dans le sens qu'on aura donné suite à vos recommdations; de cela, je peux vous donner l'assurance. Merci.

M. Sirois: Merci beaucoup.

Le Président (M. Richard): Merci beaucoup, madame, messieurs, et sur ce, nous suspendons les travaux jusqu'à 15 heures. Bon appétit!

(Suspension de la séance à 12 h 44)

(Reprise à 15 h 12)

Le Président (M. Richard): À l'ordre, s'il vous plaît!

Même si nous ouvrons la séance pour la période d'après-midi, de 15 heures à 16 heures, j'aimerais souligner la présence des étudiantes et étudiants du programme de maîtrise en administration des affaires de l'Université Laval qui entreprennent présentement une étude de notre système parlementaire québécois.

Je fais un court résumé de ce qui se passe ici cet après-midi, ou de ce qui va se passer. C'est la deuxième journée que nous

étudions un projet de loi, le projet de loi 46, Loi sur le financement agricole. Ce sont des auditions. Nous recevons des groupes, des intervenants qui viennent expliquer aux représentants du gouvernement, autant la partie ministérielle que les porte-parole de l'Opposition en matière agricole, pendant une heure... Le prochain groupe, d'ailleurs, qui se présentera est l'Ordre des comptables agréés du Québec qui aura environ 20 minutes pour présenter un exposé et, par la suite, les membres de la commission, à leur bon loisir, vont poser des questions à ces représentants de l'Ordre des comptables agréés du Québec. C'est une façon pour le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec, M. Pagé, de voir s'il n'y aurait pas lieu de faire certaines modifications au projet de loi 46, Loi sur le financement agricole. Sur ce, je vous souhaite la bienvenue au nom des membres de la commission.

M. Jolivet: M. le Président, vous dites bien qu'ils viennent voir comment fonctionnent les commissions parlementaires et non pas les parlementaires eux-mêmes.

Le Président (M. Richard): Ha! Ha! Ha! Je demanderais donc, s'il vous plaît, aux représentants de l'Ordre des comptables agréés du Québec de se présenter.

Je demanderais au porte-parole de se présenter et, ensuite, de présenter ses collègues.

Ordre des comptables agréés du Québec

M. Chevalier (Gilles): Avec plaisir, M. le Président. Mon nom est Gilles Chevalier, président de l'Ordre des comptables agréés du Québec. J'ai avec moi cet après-midi, à ma gauche, Mme Christine Montamat, CA., qui a été secrétaire du comité spécial qui a préparé le mémoire que nous vous présentons cet après-midi. À sa droite, M. Roger Germain, FCA, qui a plusieurs années d'expérience dans le domaine de la fiscalité; à ma gauche immédiate, M. Bernard Malo, qui a été président du comité spécial sur la refonte du régime de financement agricole et, à ma droite, M. Jacques Roy, directeur administratif adjoint de l'Ordre des comptables agréés.

Le Président (M. Richard): Je vous cède donc la parole. Vous comprenez la mécanique où vous avez 20 minutes au maximum. Vous avez le droit d'être à l'intérieur de votre temps. Si c'est à l'extérieur, j'essaierai peut-être de vous activer. Je vous cède immédiatement la parole, M. Chevalier.

M. Chevalier: II n'y a pas de problème, M. le Président. On comprend très bien le processus. L'Ordre des comptables agréés du Quebec souhaite en premier lieu adresser ses remerciements à M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation ainsi qu'à M. le président et mesdames et messieurs de la commission de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation pour lui avoir donné l'occasion d'exprimer son point de vue sur le projet de loi 46, Loi sur le financement agricole, et sur l'avant-projet de Règlement d'application de la Loi sur le financement agricole.

C'est, en effet, ainsi qu'il le soulignait dans le mémoire qu'il soumettait à la commission en août 1987, avec un vif intérêt que l'ordre a noté le dépôt de ce projet de loi puisque celui-ci concrétise la refonte du régime de financement agricole annoncée en octobre 1986.

L'expérience des différents aspects du financement et de la fiscalité du secteur de l'agriculture possédée à plusieurs titres par un grand nombre des quelque 12 000 comptables agréés avait déjà amené l'ordre à formuler ses constatations et ses suggestions sur ce sujet.

Dans son mémoire, l'ordre recommandait que deux objectifs président à la refonte du régime de financement agricole: moderniser le système actuel et surtout remédier à la précarité de la situation financière des entreprises agricoles. Dans cette optique, un éventail de mesures, à la fois d'ordre financier et fiscal, étaient suggérées. En effet, ces deux volets, ainsi qu'on le constate tous les jours dans les entreprises, quelle que soit leur taille, sont souvent indissociables. C'est pourquoi l'ordre profite de l'occasion qui lui est offerte pour exprimer l'espoir que la fiscalité des entreprises agricoles soit bientôt révisée.

Sur le plan financier, l'ordre recommandait que le régime de financement agricole soit simplifié et cette recommandation paraît avoir été entendue. Il souhaitait également une modernisation du régime afin de lui permettre de mieux répondre aux réalités fiscales, économiques et juridiques contemporaines et de permettre aux agriculteurs de procéder, au même titre que tous les autres propriétaires d'entreprises, dans quelque secteur que ce soit, à une meilleure planification financière, fiscale et successorale. L'expérience montre, en effet, que ce n'est qu'à cette condition que l'on peut espérer assister à une amélioration de la gestion et de la situation financière des entreprises.

C'est donc avec satisfaction que l'ordre a constaté que l'objectif du projet de loi 46 tel qu'énoncé dans l'article 1 était de favoriser le développement de l'agriculture et d'encourager l'établissement de jeunes agriculteurs aux fins d'assurer une relève adéquate pour l'exploitation des entreprises agricoles. Toutefois, une lecture attentive

tant du projet de loi que de l'avant-projet du règlement d'application laisse croire que certaines mesures envisagées pourraient aller à rencontre de ces objectifs et incite l'ordre a suggérer d'y apporter certaines modifications.

Pour ce qui est de ces modifications, je demanderais à mon collègue de gauche, M. Bernard Malo, d'y aller plus dans les détails, M. le Président.

M. Malo (Bernard): Merci. Suppression des entraves à une planification fiscale et successorale. Certaines des conditions S l'accès au financement énoncées dans le règlement de même que certaines restrictions qui y sont fixées ont pour effet d'entraver tout effort de planification fiscale ou successorale des exploitants agricoles. Elles devraient donc être assouplies car en pénalisant fiscalement et financièrement aussi bien l'agriculteur qui souhaite se retirer que le jeune agriculteur qui démarre son exploitation, ces limites risquent de nuire au passage des exploitations agricoles à la relève.

Certaines restrictions imposées aux fins de reconnaître à une entreprise agricole constituée en compagnie le statut de corporation d'exploitation agricole admissible au financement octroyé par l'Office du crédit agricole devraient être supprimées. En effet, les limites fixées au nombre et à la valeur des actions que peut détenir une personne dont l'agriculture n'est pas l'activité principale, par exemple, une personne à la retraite, n'incitent guère un agriculteur qui se retire à laisser dans l'entreprise du capital en vue de faciliter la relève. Ces restrictions obligent les parents qui se retirent soit à faire un don à leurs enfants ou à laisser un solde de prix de vente dans l'entrepise, ce qui a pour effet de les pénaliser fiscalement. En fin de compte, elles semblent contradictoires avec l'objectif fixé au projet de loi, surtout lorsque l'on considère que l'office est prêt à garantir un solde de prix de vente laissé dans une entreprise agricole.

Les pourcentages limites fixés devraient donc être supprimés de façon à permettre à des parents qui se retirent de détenir des actions privilégiées sans droit de vote, mais donnant droit à des dividendes. Cette structure éviterait de les pénaliser tout en assurant une meilleure capitalisation de l'entreprise et en protégeant les droits des actionnaires exploitants agricoles.

De même, les limites fixées aux fins de reconnaître une société en tant que société d'exploitation agricole devraient être assouplies. Le pourcentage de 60 % des intérêts de la société que doivent au moins détenir les exploitants agricoles devrait être supprimé de façon à permettre une structure dans laquelle des parents retraités pourraient détenir une part prépondérante du capital, mais verraient leurs droits à gérer l'entreprise et à participer à ses profits limités par contrat.

Pour les mêmes raisons que celles mentionnées précédemment, la limite de 20 % fixée à l'alinéa 3e b i) de l'article 65 ne devrait concerner que les actions votantes et celle fixée à 3e b ii) devrait concerner le pourcentage de participation détenue dans la société et non le pourcentage de valeur détenue.

Suppression des entraves à l'incorporation des entreprises à l'usage des compagnies de gestion. Par ailleurs, certaines mesures ont pour effet d'interdire aux exploitants agricoles l'usage d'outils financiers et administratifs actuels tels que les compagnies de gestion et d'entraver l'incorporation des entreprises agricoles.

L'obligation faite à l'article 65 du règlement à une corporation agricole de compter parmi ses actionnaires au moins une personne physique aux fins d'être admissible à une subvention pour l'établissement des jeunes agriculteurs devrait être supprimée. Cette obligation élimine en effet une structure dans laquelle des agriculteurs détiendraient une corporation agricole par le biais d'une compagnie de gestion dont ils seraient actionnaires. Ce type de structure est de plus en plus utilisé actuellement dans le monde des affaires, quelle que soit la taille des entreprises, en raison des avantages qu'elle présente a la fois sur les plans financier, fiscal et successoral.

Dans la définition d'une corporation d'exploitation agricole, l'obligation faite à toute compagnie actionnaire de détenir uniquement des actions sans droit de vote devrait être supprimée. En effet, selon la législation fiscale actuelle, ce n'est qu'à la condition que la compagnie de gestion détienne au moins 10 % des actions ayant droit de vote que l'on pourra bénéficier d'une exemption fiscale sur les dividendes intercompagnies.

La loi et le règlement d'application devraient permettre de façon claire à un exploitant agricole d'obtenir du financement de l'office en vue d'acheter des actions d'une corporation agricole. Dans le projet de loi et l'avant-projet de règlement, il existe une ambiguïté à ce niveau qui constitue une entrave à l'usage du véhicule corporatif. En effet, cette possibilité n'est pas prévue dans la loi et n'est accordée qu'exceptionnellement à l'article 45 du règlement.

En plus des modifications mentionnées ci-dessus, certaines dispositions appellent des commentaires plus particuliers. La notion d'"entreprise de type familial" devrait être définie dans les règlements. En effet, ce terme est sujet à confusion et laisse une large discrétion aux personnes chargées d'appliquer la loi.

L'expression "frais monétaires" qui est utilisée à différentes reprises à l'article 1 de l'avant-projet du règlement devrait également être définie. On devrait notamment préciser quels types de charges sont inclus dans les frais monétaires et si ceux-ci sont établis sur une base d'exercice ou de caisse.

L'article 23 de la loi et l'article 45 du règlement semblent laisser une très vaste latitude à l'office quant à l'objectif des prêts qu'il subventionne dans le cadre de son programme de contribution au paiement de l'intérêt. Ce point mériterait d'être précisé.

Dans les articles 19 à 27 du règlement on devrait, en plus des taux d'intérêt flottants, prévoir l'utilisation de taux d'intérêt fixes aux fins du calcul de la contribution de l'office au paiement de l'intérêt. En effet, l'utilisation de taux flottants risque de créer des problèmes de planification d'encaisse pour l'emprunteur et de le pénaliser à long terme.

À l'article 77 du règlement, la possibilité d'utiliser une comptabilité de caisse devrait être éliminée. En effet, selon les principes comptables généralement reconnus, seule la comptabilité d'exercice permet de donner une image adéquate de la situation financière d'une entreprise. Ceci a d'ailleurs été confirmé par une monographie sur la comptabilité et l'information financière des producteurs agricoles récemment émise par l'Institut canadien des comptables agréés.

J'aimerais faire un retour sur le mémoire déposé cet été où nous mentionnions que notre principal objectif, le principal objectif visé, était d'accroître la proportion des capitaux propres dans le financement des entreprises et, à ce titre, j'aimerais revoir certaines recommandations particulières.

On disait comme prémisses que des mesures énergiques devraient être mises en place dans le but de remédier à la précarité de la situation financière des entreprises exploitant l'agriculture et de leur permettre leur viabilité. Pour être efficaces, ces mesures devraient être à la fois d'ordre fiscal et financier.

J'aimerais attirer votre attention sur le septième point: L'intervention de l'État dans le domaine du financement agricole devrait être orientée vers l'augmentation de la proportion des capitaux propres dans le financement des entreprises agricoles.

La fiscalité relative aux entreprises agricoles devrait être révisée pour réduire leur charge fiscale par la réduction des taux d'imposition s'appliquant aux entreprises non incorporées et l'abolition totale de la taxe sur le capital imposée aux compagnies.

Tous les facteurs de production agricole, y compris les fonds de terre et les quotas de production, devraient être considérés comme des biens amortissables aux fins du calcul de l'impôt sur le revenu,

Les règles fiscales devraient permettre à l'agriculteur qui vend son entreprise de ne payer les impôts qui en résultent qu'au moment où il encaisse le produit de la vente afin de l'encourager à financer lui-même l'entreprise vendue.

Les entreprises agricoles devraient être considérées comme des corporations admissibles aux fins de la Loi sur les sociétés de placement dans l'entreprise québécoise, mieux connues sous le nom de SPEQ. Un programme favorisant la retraite des agriculteurs devrait être créé.

L'Ordre des comptables agréés du Québec est conscient que l'objectif de permettre aux entreprises agricoles d'atteindre une autonomie financière suffisante pour assurer leur viabilité ne saurait être atteint qu'à long terme. Cependant, c'est dès maintenant que doivent être mises en place les mesures destinées à augmenter la proportion des capitaux propres dans le financement des entreprises agricoles. Pour être efficaces, ces mesures doivent être à la fois d'ordre financier et fiscal, leur élaboration et leur application vont donc sans doute exiger d'importants efforts de concertation à tous les paliers car elles doivent s'inscrire dans une perspective économique globale. Il faut aussi garder à l'esprit que dans un proche avenir - et l'avenir est arrivé - les entreprises agricoles québécoises se trouveront peut-être en concurrence avec les entreprises américaines dans le cadre d'un accord de libre-échange. Je passe la parole au président pour la conclusion.

M. Chevalier: M. le Président, l'Ordre des comptables agréés, toujours soucieux du rôle social qu'il doit jouer dans notre communauté québécoise, a cru pertinent de vous soumettre un mémoire. En conclusion, il souhaite que les modifications suggérées au projet de loi 46 et à l'avant-projet de Règlement d'application de la Loi sur le financement agricole soient apportées aux fins de donner plus de place à l'utilisation de véhicules actuels de gestion des entreprises agricoles et de leur permettre d'atteindre ainsi l'équilibre financier nécessaire à leur survie et à leur prospérité. (15 h 30)

Mes collègues et moi, M. le Président, sommes à votre disposition pour toute question que vous pourriez avoir sur le mémoire.

Le Président (M. Richard): Merci, MM. Chevalier et Malo. Maintenant, M. le ministre devrait se joindre à nous dans quelques minutes. Il est actuellement en conférence de presse sur un dossier touchant d'une certaine façon l'agriculture au Québec, le libre-échange. En attente de M. le

ministre, M. le député de Montmagny-L'Islet. M. Réal Gauvin, va poser les questions et par la suite le porte-parole officiel en matière agricole vous posera aussi des questions pour le parti de l'Opposition. Alors, M. le député de Montmagny-L'Islet, à vous la parole.

M. Gauvin: Merci, M. le Président. Peut-être que ma question pourrait être posée à M. Chevalier. Quand vous nous parlez, vous nous dites: On aimerait avoir dans ce type d'entreprise des taux fixes plutôt que des taux flottants. J'aimerais que vous nous expliquiez quelle comparaison vous faites par rapport à d'autres entreprises et pourquoi vous souhaitez voir des taux fixes pour les types d'entreprises comme celui de la production agricole, par exemple.

M. Chevalier: Je vais demander à M. Malo de répondre a la question, si vous me le permettez.

M. Gauvin: Oui.

M. Malo: Le sens de notre recommandation est que le projet de règlement devrait prévoir que l'agriculteur pourrait avoir le choix d'emprunter à taux flottant, mais convertissable en taux fixe comme on le retrouve dans la plupart des contrats d'emprunt dans l'entreprise en général. On ne fait pas de distinction dans cette recommandation entre une entreprise agricole de type familial et une entreprise manufacturière de type privé. Si cela constitue selon les normes économiques actuelles un sain véhicule de financement de pouvoir convertir sa dette en taux fixe quand la tendance économique est fortement à la hausse, il faudrait que l'agriculteur qui emprunte à partir d'aujourd'hui puisse avoir cette option. Si on revivait, par exemple, avec des taux flottants ce qu'on a connu au début des années quatre-vingt et quatre-vingt-deux, je pense que plusieurs entreprises agricoles qui seraient financées à une forte proportion de leur actif verraient difficilement une rentabilité et elles seraient forcément en péril, ce qui ne correspondrait pas aux objectifs définis dans votre proposition originale.

M. Gauvin: Pour ce qui est ici du groupe ministériel, il est sûr que nous allons retenir plusieurs suggestions qui nous apparaissent très intéressantes et elles seront analysées. Si jamais le ministre avait la chance de se présenter d'ici quelques minutes, il aurait sûrement d'autres questions additionnelles, j'imagine, à vous poser. Mais, entre-temps, j'inviterais l'Opposition et...

M. Jolivet: Vous êtes bien gentil.

M. Gauvin: M. le Président, si la chance m'était donnée de poser d'autres questions...

Le Président (M. Richard): M. le porte-parole officiel, vous avez la parole.

M. Jolivet: Je n'en espérais pas moins de vous, M. le Président.

Le Président (M. Richard): Allez-y.

M. Jolivet: C'est une question simplement d'alternance dans la mesure où j'espère que la commission parlementaire qui est ici est aussi importante que le libre-échange.

Dans votre mémoire, vous avez favorisé une formule d'incorporation pour les agriculteurs. Or, on a eu l'occasion hier d'entendre le groupe de la relève qui se disait un peu mal à l'aise par rapport aux formules de compagnies ou de sociétés et évoquait la nécessité d'en arriver à un modèle juridique spécifique pour l'agriculteur. Or, d'après ce que vous dites, vous n'êtes pas tout à fait en accord avec cela. Alors, j'aimerais entendre votre position avec une argumentation additionnelle, si possible.

M. Malo: Nous demandez-vous de commenter la proposition soumise hier ou si vous... Ce que je dirais en réponse à votre question, c'est que, compte tenu de la fiscalité actuelle, le véhicule corporatif est souvent le véhicule qui va faciliter une meilleure planification de la relève agricole selon les lois actuelles. Dans l'une de nos recommantions qui traitait de la fiscalité, on disait: "La fiscalité relative aux entreprises agricoles devrait être révisée pour réduire leur charge fiscale par la réduction des taux d'imposition s'appliquant aux entreprises non incorporées et l'abolition totale de la taxe sur le capital..." Pour ce qui a trait aux corporations. Selon les lois actuelles qui touchent la fiscalité et le civil, dans la plupart des cas, on favorise le véhicule corporatif.

M. Jolivet: J'irais plus loin en vous demandant ce que vous pensez à ce moment-là des sociétés en commandite à l'intérieur du système agricole au Québec. Plusieurs ont commencé à en parler dans le sens où un groupe dit: Nous avons des craintes. Nous entendions des gens ce matin qui nous disaient: Cela n'a pas de bons sens, il ne faudrait pas permettre cela. D'autres disent: Oui, mais on ne peut pas être aussi négatifs que cela. Il faut regarder plutôt le bienfait de ce que pourrait être une société en commandite comme apport à l'argent qui sera investi dans le secteur agricole. D'autres disent: II y a un danger majeur parce que cela va grossir dans le sens des entreprises au détriment d'une agriculture

dite "ferme familiale". J'aimerais entendre votre opinion sur le phénomène où le gouvernement fédéral dit: Dans l'agriculture, à partir de décembre - dans l'hypothèse - ce serait arrêté, mais au Québec on ne prend pas de décision dans ce sens-là jusqu'à maintenant.

M. Malo: Le comité que je préside ne s'est pas penché sur l'utilisation du véhicule de la société en commandite dans le secteur agricole pour les fins d'établir une structure financière. Ce que je peux ajouter simplement, à titre de comptable oeuvrant dans le milieu, c'est que, selon la loi actuelle et le projet de réforme, les sociétés en commandite qui ont été introduites sur le marché et qui le seront jusqu'à la fin de 1987 ne pourront pas voir le jour dans les prochaines années si la fiscalité ne change pas. Donc, ce ne serait plus un véhicule utilisé.

Maintenant, le commentaire que je peux faire, cependant, sur ces sociétés en commandite, sur celles que je connais plus particulièrement, c'est qu'elles prônent l'utilisation de la fiscalité pour bâtir du capital. Si cette société en commandite particulière est ou devenait rentable, elle ne le serait que par le fait qu'elle n'a presque pas d'endettement et beaucoup de capital.

M. Jolivet: Je pense que monsieur a quelque chose à ajouter.

Une voix: Cela marche tout seul. M. Jolivet: Cela marche tout seul?

M. Germain (Roger): Je me permettrai quelques commentaires d'ordre fiscal parce que cela fait quelques années que je m'y attarde. La société en commandite, les gens l'utilisent et ne savent peut-être même pas de quoi ils parlent. Ce que M. Malo prône, c'est l'accumulation de capital au sein des entreprises agricoles. Qu'est-ce qu'une "société en commandite" - entre guillemets -fait? Elle ramasse des fonds. Pourquoi l'appelle-t-on "en commandite"? C'est pour se donner une certaine protection. Ce n'est pas un voile corporatif, mais cela revient à la même chose sur le plan de la protection juridique.

Je vois un conflit là-dedans. Pourquoi une société en commandite dans le domaine agricole? Pourquoi pas une société pure et simple, à ce moment-là? Mon besoin est d'aller chercher des fonds, ce n'est pas de les protéger contre un créancier éventuel, dans ce sens.

Je voudrais vous rappeler ceci pour revenir à votre commentaire au sujet d'hier: Vous savez qu'avant 1971 la loi de l'impôt des corporations du Québec ne contenait que 42 articles et le quarante-deuxième article disait tout simplement: Lorsqu'une entreprise est constituée ou incorporée, si vous voulez, cette loi-ci ne s'applique pas. On est loin de 1970 aujourd'hui. On impose une entreprise agricole constituée, alors qu'en 1970 - ce qui n'est pas tellement lointain - ce n'était pas le cas.

La taxe sur le capital, je vais laisser cela à M. Malo, je ne veux pas m'occuper de cela, mais ce que je retiens du rapport déposé par l'ordre, c'est le fait que je ne tente pas de distinguer une entreprise agricole d'une autre entreprise de fabrication ou de transformation. Cela devrait être la même chose. On va appeler cela une PME, je pense que tout le monde va se comprendre. Je me rappelle avoir argumenté auprès du ministère du Revenu que la rame de métro à Montréal constituait un immeuble et j'ai de la difficulté à savoir pourquoi un fonds de terre ne constitue pas, entre guillemets, une "machine" à des fins d'aller chercher des revenus. Je pense que M. Malo, dans son mémoire, a préparé des tableaux de comparaison entre une entreprise agricole et une entreprise de fabrication ou de transformation et c'est de toute évidence. Je vous suggérerais de considérer un fonds de terre, tout au moins, comme étant une machine au sens d'un juste équilibre dans le calcul des revenus.

M. Jolivet: Dans les propos que vous tenez par rapport à votre commentaire à la page 4 du mémoire que vous avez lu, vous dites: "La notion d'"entreprise de type familial" devrait être définie dans le règlement. En effet, ce terme est sujet à confusion et laisse une large discrétion aux personnes chargées d'appliquer la loi." Donc, d'après ce que vous dites, de quelle façon verriez-vous la définition d'une entreprise de type familial? Comment la définiriez-vous?

M. Germain: Bien, je peux peut-être tenter une réponse, Bernard. On peut se fier peut-être à la Loi sur les impôts, mais c'est très limité comme approche, je présume. Pourquoi distinguer cette entreprise d'une entreprise de fabrication ou de transformation? Je pense qu'une entreprise agricole - c'est peut-être le mot "agricole" qui crée le problème - est une entreprise pareille à une autre. C'est ce que j'essaie de faire valoir.

Je vais vous donner un autre exemple où le problème se situe, c'est encore sur la Loi sur les impôts et la réforme fiscale qui est proposée au fédéral. Vous savez, on définit un "bien agricole" dans la Loi sur les impôts fédérale et le Québec aussi le reprend. Un bien agricole, c'est quoi? C'est le fonds de terre, les bâtiments ou une entreprise familiale agricole; donc, il faut que ce soient des membres de la même famille ou à peu près.

La réforme fiscale propose une exonération du gain en capital de 500 000 $ pour les biens agricoles. Cela commence à faire un gros gain si on veut le vendre, si on veut vendre notre fonds de terre. Alors que le voisin d'à côté qui exploite une petite entreprise de fabrication ou de transformation, il n'a même pas besoin d'avoir un bien agricole. Il a sa compagnie. C'est une entreprise, une PME. Elle est privée et lui, à la vente, a le droit de se prévaloir d'une exonération à vie de 500 000 $ sur le gain en capital. On retrouve ici un autre phénomène. On veut peut-être favoriser d'un côté et, en même temps, on fait mal de l'autre côté. Je pense que la définition est: Tentons de ne pas distinguer entre une entreprise agricole qui est constituée et une entreprise de fabrication ou de transformation.

M. Jolivet: Donc, en fait, pour vous une entreprise agricole est une entreprise au même titre que les autres et le mot "familial" serait de trop.

M. Germain: Je n'ai rien contre le mot "familial", mais pourquoi l'ajouter? Cela crée une distinction qui n'est peut-être pas nécessaire.

M. Jolivet: II y a une histoire à l'intérieur de l'agriculture au Québec qui fait qu'il y a des décisions qui ont été prises par des gouvernements antérieurs avec lesquelles on vit et avec lesquelles des fois on est en accord. Dans ces circonstances...

M. Germain: Oui, mais je ne vous demande pas de retourner à 1970, par exemple.

M. Jolivet: Vous avez un autre commentaire où vous dites: Prévoir l'utilisation de taux d'intérêt fixes et flottants. En fait, on devrait en plus des taux d'intérêt flottants prévoir l'utilisation de taux d'intérêt fixes. Les banquiers sont venus nous dire qu'eux verraient sur l'ensemble du prêt une partie du prêt qui pourrait être à taux fixe et l'autre à taux variable. Ce n'est pas ce que vous proposez ici. Vous dites, comme vous l'avez exprimé tout à l'heure: S'il est à taux flottant, il pourrait devenir à un moment donné à taux fixe. Est-ce que vous verriez d'un bon oeil la possibilité d'avoir ce que les banquiers proposaient hier?

M. Malo: On n'a pas été en mesure d'apprécier la proposition de l'organisme qui représentait les banquiers. L'essence de notre proposition est de la rendre concurrentielle à ce qui se fait sur le marché, c'est-à-dire d'avoir l'option de choisir entre un taux fixe ou un taux flottant, ou un taux flottant convertissable en taux fixe. On n'est pas en mesure d'évaluer la proposition des banquiers.

M. Jolivet: D'accord. Vous faites un autre commentaire où vous dites: L'article 23 de la loi et l'article 45 du règlement semblent laisser une très vaste latitude à l'office quant à l'objectif des prêts qu'il subventionne dans le cadre de son programme de contribution au paiement de l'intérêt." Dans quel sens verriez-vous, comme vous le dites, que ce point mériterait d'être précisé? Qu'aviez-vous en tête? Quelles sont les recommandations que vous pouvez faire à ce moment?

M. Malo: Recommandation pure et simple, c'est que la façon dont c'est défini est très vaste. Je ne sais pas si c'était dans l'esprit du législateur de le laisser aussi vaste, aussi général. Je pense que l'agriculture aurait à gagner si on précisait un tant soit peu cette définition d'interventions. (15 h 45)

M. Jolivet: Pour le moment vous n'avez pas de proposition en vue pour aider...

M. Malo: Non.

M. Jolivet: Vous dites simplement que ce doit être précisé et qu'il faut trouver les moyens de le préciser.

M. Malo: C'est cela.

M. Jolivet: Qu'est-ce que vous pensez de l'accréditation du vendeur comme prêteur par l'office prévue par le projet de loi comme moyen de contribuer au transfert de la ferme du père vers les enfants, le fils ou la fille? Est-ce quelque chose que vous avez regardé avec intérêt?

M. Malo: Oui. C'est évident que, du point de vue financier, c'est une ouverture intéressante avancée par le projet de loi et ses règlements. Cependant, cette formule engendre une complication fiscale que mon confrère pourrait commenter. Entre autres, elle ne permet pas au père de reporter l'imposition qu'il peut y avoir à céder un stock d'animaux, par exemple, ou des biens amortissables sur lesquels il pourrait y avoir de la récupération d'amortissement par le fait qu'il dispose et qu'il reçoit en contrepartie un solde de prix de vente. C'est pour cette raison qu'en contrepartie nous favorisons fortement la possibilité d'utiliser le véhicule corporatif qui est déjà prévu dans la loi fiscale comme moyen de report d'impôt. Puisque cela est déjà prévu dans la loi fiscale, cela facilite la capitalisation des entreprises agricoles pour ce genre de transfert-là et c'est ce qu'on souhaite.

On n'est pas allé jusqu'à dire dans ce mémoire que l'office devrait garantir ce

solde de prix de vente qui deviendrait des actions privilégiées. Cependant, on a dit d'enlever, dans le paragraphe du règlement, les deux phrases qui viennent dire que le dividende qui pourrait provenir de ces actions ne sera plus exempt d'impôt parce qu'on oblige que ces actions ne soient pas votantes et du fait qu'elles ne soit pas votantes, le dividende intercorporatif devient taxable entre les compagnies.

Le fait qu'un dividende ne soit pas taxable intercompagnies pourrait encourager les parents, entre autres dans le véhicule corporatif, à prêter leur argent à un taux de dividende très bas puisqu'il ne serait pas imposé dans le véhicule. C'est le sens de notre recommandation.

M. Jolivet: Peut-être que M. Germain a d'autres choses à ajouter. Vous avez parlé de votre collègue. Je ne sais pas lequel des deux.

M. Germain: Je ne sais pas si je veux ajouter d'autres choses sur le plan fiscal. Je pense bien que le temps qui nous est alloué ne me le permettrait pas. Ce que M. Malo dit, oui, c'est vrai, parce que, qu'on ait deux véhicules corporatifs ou qu'on en ait un, je reviens à l'autre point concernant la vente des actions qui donnerait lieu à un gain en capital et permettrait une exonération des 500 000 $ à vie. Je présume que le Québec suivra le fédéral là-dessus. Actuellement, quand l'agriculteur vend un bien autre que l'immeuble et le fonds de terre, il vend des animaux, mais c'est de l'inventaire, ce n'est pas un gain en capital et il n'est pas traité de la même façon.

Le Président (M. Richard): M. le ministre.

M. Pagé: Merci, M. le Président. Je voudrais tout d'abord m'excuser de mon retard auprès de nos invités, les représentants et représentantes de l'Ordre des comptables agréés du Québec. Il est tout à fait explicable en ce que j'avais à conduire, avec le premier ministre, une importante conférence de presse cet après-midi concernant le libre-échange.

Je voudrais tout d'abord vous remercier, comme je le fais pour les autres, évidemment. Les comptables sont appelés à donner des avis importants à de nos productrices et producteurs agricoles. Vous indiquez que vous vous déclarez satisfaits de plusieurs éléments contenus au projet de loi, notamment la volonté de simplifier le régime actuel. Vous semblez d'accord avec les exigences quant à l'expérience, à la formation, à la possibilité de choisir ses propres modes de remboursement pour le producteur. L'ordre est en désaccord avec le fait que les quotas ne soient pas évalués et pris en garantie.

On a eu l'occasion de discuter cette question hier. Peut-être avez-vous abordé le sujet avant que je n'arrive. Je dois dire qu'on a étudié très sérieusement cette question, à un moment donné, il faut en convenir. Lorsque le groupe de travail que j'ai mis sur pied au printemps ou à l'été 1986 a consulté les gens, a eu des discussions avec les intervenants du milieu, une des hypothèses sérieusement étudiées a été de nantir les quotas. Cependant, après davantage de consultations de ma part et, évidemment, toujours en communication avec les gens du comité qui y ont travaillé, le gouvernement a retenu de ne pas procéder à une telle démarche ou à un tel libellé juridique. Pourquoi souhaitez-vous tant que les quotas soient pris en garantie? Généralement, les comptables, lorsqu'ils ont à négocier, font ce qui est possible, je présume, toujours professionnellement, cela va de soi, pour garder le plus de biens au bénéfice de l'emprunteur sans que de tels biens soient garantis et soient soumis à des contraintes comme celle-là.

M. Chevalier: M. le ministre, à notre connaissance, l'ordre ne s'est pas prononcé sur le sujet que vous venez d'indiquer.

M. Pagé: Donc, vous n'êtes pas contre la politique du gouvernement de ne pas procéder à un nantissement des quotas. Est-ce que c'est cela? Vous êtes pour.

M. Chevalier: On ne peut pas dire qu'on est pour ou contre, puisqu'on ne s'est pas prononcé et qu'on n'a pas étudié le problème.

M. Pagé: Si vous étiez appelés à vous prononcer?

M. Chevalier: L'ordre est un être très sérieux, vous savez. Alors, avant de donner une opinion...

M. Pagé: Je ne doute pas du caractère sérieux de l'ordre.

M. Chevalier: ...ce qu'on fait, en pratique...

M. Pagé: On m'indiquait ici... Je m'excuse. Et je ferai enquête quoiqu'il n'y ait pas péril en la demeure. Mais je ferai enquête dans la demeure pour voir sur la base de quoi on en est venu à la conclusion, dans mes notes, ici, que l'Ordre des comptables agréés était en désaccord avec le fait que les quotas ne soient pas évalués et pris en garantie.

M. Jolivet: C'est écrit: amortissables aux fins des calculs de l'impôt sur le revenu.

C'est dans le mémoire 6R.

M. Pagé: C'est peut-être cela.

M. Jolivet: C'est cela.

M. Pagé: À la lumière de votre expérience.

M. Chevalier: Je vais demander à mon collègue de gauche, qui a beaucoup d'expérience dans le domaine, s'il a un commentaire à faire là-dessus, M. le ministre.

M. Pagé: J'aurai une autre question sur tout le volet des incitatifs à la formation et des subventions pour la relève.

M. Maio: M. le ministre, il y a eu un peu de confusion quant à savoir si on s'était prononcé ou non sur le sujet. Afin d'évaluer de façon bien pertinente votre question, est-ce que vous seriez assez aimable de la reformuler de façon très précise? Je serai en mesure de vous dire de quelle façon on peut se prononcer sur le sujet.

M. Pagé: D'accord. À la page 12 de votre mémoire, vous dites: "L'Office du crédit agricole du Québec devrait adopter des politiques plus réalistes en regard des garanties exigées au moment de l'octroi des prêts." Au deuxième paragraphe, je lis: "D'un autre côté, l'office refuse de reconnaître la totalité de la valeur des quotas de production aux fins de garantie des emprunts. Les quotas de production constituent pourtant un des actifs les plus importants détenus par certains types d'entreprises agricoles et leur valeur marchande est souvent considérable." Que voulez-vous dire?

Le Président (M. Richard): M.

Chevalier.

M. Chevalier: M. le ministre, pendant que mes collègues pensent, je voudrais dire qu'on ne demande pas d'honoraires pour une consultation, vous savez. Je pense qu'ils sont en droit de prendre leur temps.

M. Pagé: Je retiens donc que vous ne prenez pas votre temps quand vous facturez.

Des voix: Ha! Ha! Ha! M. Pagé: Pas de problème! M. Malo: M. le ministre. M. Pagé: Oui, M. Malo.

M. Malo: Les recommandations qui apparaissent dans ce mémoire avaient été énoncées premièrement à l'automne 1986. Le travail de l'ordre des derniers mois a été plus de s'attarder à la lecture du règlement et à l'analyse de l'avant-projet de règlement: nous avons consacré nos énergies dans ce sens et je ne suis pas en mesure aujourd'hui de commenter ce point particulier.

M. Pagé: D'accord. C'est bien le mémoire présenté ici? Août 1987. C'est bien ça. Étude du projet de loi 46. Non, non, ce n'est pas le mémoire de l'année passée. Moi, j'ai ici l'Ordre des comptables du Québec, mémoire 6M.

M. Jolivet: C'est celui de l'an passé.

M. Pagé: Non, mais août 1987, ce n'est pas l'automne dernier ça.

M. Jolivet: Oui, je le sais. Mais août 1987, c'est le même mémoire qui avait été présenté à l'automne 1986. À ma connaissance, c'est le même mémoire qui a été présenté à l'automne 1986.

M. Malo: À quelques détails près.

M. Pagé: Parce que je réfère bien à la question que je vous pose. Parce que mon enquête maison a été vite, M. le Président. Je réfère bien à votre mémoire. En tout cas, on n'en parlera pas tout l'après-midi. Moi ici j'ai un libellé...

M. Chevalier: II a la même remarque que le nôtre, ce doit être le même.

M. Pagé: À la page 12, j'ai un libellé où vous référez...

M. Chevalier: Oui.

M. Pagé: ...à toute la question de la valeur des quotas et de la prise en compte comme garantie et je vous pose une question pour éclairer ma lanterne. Comment dois-je interpréter le commentaire que vous faites? Je prends acte par la voix de M. Malo que vous ne pouvez pas préciser davantage.

M. Malo: Après-midi, non.

M. Pagé: Parfait. Vous avez très certainement pris connaissance du fait que dans notre réforme des programmes agricoles j'ai annoncé, au nom du gouvernement et au nom de mes collègues, des dispositions visant à favoriser davantage l'accès de nos jeunes à une formation en agriculture. On a joint à ça, évidemment, par le projet de loi 46, d'autres dispositions qui visent à donner davantage de remboursement sur les intérêts pour les jeunes agricultrices et agriculteurs de moins de 40 ans pendant un certain nombre d'années donné et ça, sans compter les primes à l'établissement qui ont été

majorées de 8000 $ à 15 000 $ et pour lesquelles on a enlevé les clauses discriminatoires pour la conjointe.

Notre perception. Le jeune agriculteur, la jeune agricultrice a particulièrement besoin d'aide pendant les cinq premières années. La Fédération de la relève agricole est intervenue hier en nous disant: deux modèles d'intervention possibles, soit diminuer purement et simplement le taux d'intérêt de 1 %, c'est-à-dire rembourser 1 % de plus que ceux qui sont en rythme de croisière pendant un certain nombre d'années qui pourrait aller jusqu'à 25 ans ou échelonner vos subventions en intérêt non pas sur cinq, mais sur dix ans et l'Union des producteurs agricoles a demandé neuf ans.

Vous êtes sur le terrain, vous êtes plus près, très probablement, des producteurs que, par exemple, le président de l'office ou moi on peut l'être dans notre vécu quotidien. Votre expérience à l'égard de cette aide, de cet appui à donner pendant un certain nombre d'années, particulièrement dans les cas de relève? Pourriez-vous nous donner l'appréciation de votre expérience à cet égard-là? Je m'excuse, vous avez peut-être référé avant que j'arrive à toute la question de la relève. Non? Alors, c'est le moment choisi de le faire.

M. Maio: Je suis content de votre question, M. le ministre, parce qu'elle touche le point fondamental. Comme on ne représente pas les gens de la relève, pas plus que d'autres organismes, mais bien un organisme de consultants dans ce secteur, on a à apprécier un ensemble d'entreprises agricoles de différentes tailles et une entreprise agricole est une jeune entreprise tant qu'elle n'a pas atteint un niveau de capitalisation très élevé dépendamment des secteurs. Plus le secteur nécessite ce que j'identifierais aujourd'hui comme des quotas, des droits de production, plus le niveau de capitalisation doit être élevé et je ne pense pas que la règle du nombre d'années de subvention d'intérêt soit la meilleure, mais elle est essentielle. Je dis plutôt qu'on doit orienter nos efforts pour faire en sorte que l'entreprise agricole ait la capitalisation nécessaire pour devenir autonome financièrement. (16 heures)

Dans plusieurs secteurs, cette capitalisation doit être entre 50 % et 80 % de l'actif total. Je ne sais pas si cela répond à la question du ministre, mais c'est plus dans ce sens que nous l'interprétons.

M. Pagé: D'accord. J'aurais plusieurs autres questions, M. le Président, mais je pense que le temps est épuisé, malheureusement.

Le Président (M. Richard): Alors, nous vous remercions, madame, messieurs...

M. Pagé: Merci et un dernier aspect, si vous me permettez, M. le Président. L'ordre formulait des recommandations précises en termes de techniques, de technicités, de choses à modifier dans les règles de pratique, si je peux utiliser le terme, de l'office. Je peux vous donner l'assurance que cela va être très bien analysé. Au besoin, vous pourriez être reconvoqué, non pas en commission parlementaire, mais pour avoir plus de précisions sur le contenu de vos recommandations. D'accord?

Le Président (M. Richard): Merci, madame et messieurs.

Je demanderais de se présenter, s'ils le veulent bien, aux représentants de l'Ordre des agronomes du Québec.

Messieurs, j'aimerais que le responsable s'identifie d'abord et que vous présentiez vos collègues, s'il vous plaît.

Ordre des agronomes du Québec

M. Giroux (Raynald): Alors, M. le Président, Mmes et MM. les membres de la commission, M. le ministre Pagé, tout d'abord, nous voulons... D'abord, je me présente, Raynald Giroux, président de l'Ordre des agronomes du Québec. Je suis accompagné, cet après-midi, par MM. Yvon Desnoyers, agronome et évaluateur agréé...

Le Président (M. Richard): Je m'excuse. Si on vous fait vous identifier, c'est pour des fins... Lorsque les personnes prennent la parole... Où est ce monsieur?

M. Giroux: D'accord. M. Desnoyers...

Le Président (M. Richard): Parfait, merci.

M. Giroux: ...M. Yvan Dupont, qui est ingénieur . agronome, M. Robert Chéné, agronome également, M. Jean-Eudes Bélanger, agronome et évaluateur agréé, et M. Gaétan Villeneuve, agronome économiste. Ce sont tous, comme vous voyez, des membres de l'Ordre des agronomes du Québec qui ont été impliqués dans la préparation des lois et des règlements du financement agricole, soit qu'ils le sont actuellement ou qu'ils l'ont été dans le passé.

Avant de passer au mémoire, nous voulons d'abord remercier la commission parlementaire et M. le ministre Pagé d'avoir bien voulu nous permettre d'émettre notre point de vue sur le projet de loi 46 concernant le financement agricole au Québec. Nous vous remercions également de nous permettre de nous présenter à cette commission parlementaire aujourd'hui.

Alors, je passe à la lecture du mémoire. Nous venons de vous distribuer une dernière copie. En novembre 1984, l'Ordre des agronomes du Québec avait présenté un premier mémoire, et un deuxième en décembre 1986. Vous aviez reçu une copie d'un mémoire daté du 1er septembre 1987 et nous vous remettons actuellement une copie d'un mémoire daté du 7 octobre 1987. On peut réellement dire que ce dernier est encore chaud.

L'Ordre des agronomes du Québec est une corporation professionnelle constituée en vertu du Code des professions du Québec et de la Loi sur les agronomes. Il regroupe 3000 membres dont un grand nombre exercent leurs activités professionnelles comme conseillers en crédit, en financement et en gestion auprès des producteurs agricoles dans toutes les régions du Québec.

L'Ordre des agronomes du Québec a présenté, comme mentionné précédemment, le 22 décembre 1986, un mémoire concernant la refonte du régime québécois du financement agricole.

La lecture du projet de loi 46 déposé à l'Assemblée nationale, le 16 juin 1987, par le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation suggère quelques commentaires que nous désirons soumettre à votre attention.

Les principes énoncés dans notre mémoire à la commission parlementaire de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation en novembre 1984 et celui de décembre 1986 demeurent encore d'actualité. Les recommandations qu'ils contiennent devraient être considérées dans l'amélioration d'un cadre législatif mieux adapté aux conditions et aux besoins de l'agriculture québécoise. Ce nouveau cadre législatif et opérationnel vise à améliorer le fonctionnement du régime et le contenu des programmes, afin d'assurer un meilleur service à la clientèle et la rationalisation du processus administratif.

Dans l'ensemble, la réforme proposée contient plusieurs améliorations importantes et des innovations avantageuses pour les bénéficiaires. Pour répondre aux besoins d'une agriculture de plus en plus diversifiée, l'initiative gouvernementale doit tenir compte des réalités économiques et permettre que l'utilisation des fonds publics tienne compte des priorités de l'État face aux autres sources de financement accessibles aux producteurs agricoles.

Considérant que ce sont les contribuables qui alimentent la caisse de l'État, celui-ci ne devrait pas chercher une extension de ses pouvoirs et de son râle qui aurait pour effet de priver les agriculteurs d'une liberté de choix en matière de crédit agricole ou d'augmenter les risques du trésor public.

L'Office du crédit agricole et les institutions impliquées dans cette activité financière ont à leur service des agronomes pour aider l'emprunteur dans la planification et la gestion de son entreprise. Comme ces professionnels collaborent à la préparation des plans de gestion basés sur les besoins prévisibles de l'agriculteur, nous suggérons qu'ils puissent travailler conjointement avec d'autres conseillers dont le rôle est similaire afin que les besoins de l'emprunteur et sa capacité réelle de remboursement soient évalués en tenant compte de tous les facteurs à considérer. Pour les jeunes exploitants qui s'établissent, un système d'initiation encadrée, combiné à une formule de financement progressif, permettrait de réduire les charges financières et d'assurer une plus grande flexibilité dans la gestion et le développement. Parce que l'utilisation des fonds publics exige une certaine prudence dans l'évaluation des projets d'établissement, un niveau élevé de formation professionnelle constitue déjà une garantie pour la gestion rationnelle des producteurs et de l'entreprise.

À la suite de la consultation qu'il a menée, le gouvernement a retiré du projet de loi 46 sa proposition initiale visant le nantissement des quotas de production. Cependant, nous croyons que l'inclusion d'un tel article dans la loi permettrait à l'emprunteur d'avoir une meilleure structure de garantie et d'obtenir des conditions de prêt plus avantageuses.

À ce moment, pour passer aux recommandations, je demanderais à mon collègue, M. Yvon Desnoyers, s'il vous plaît, de bien vouloir en faire la lecture.

M. Desnoyers (Yvon): Maxima des prêts. Le projet de loi 46 propose de remplacer les nombreux prêts de l'ancien régime par un seul prêt pouvant atteindre un maximum de 800 000 $ à l'intérieur duquel les montants sont répartis en fonction des besoins. De plus, le même projet de loi annonce que le maximum des marges de crédit serait porté à 200 000 $ dans tous les cas et à 500 000 $ pour les producteurs de céréales et de bovins. L'OAQ ne croit pas nécessaire de fixer un montant aussi élevé pour l'ensemble des agriculteurs. Cette limite favorise des producteurs déjà bien nantis qui peuvent obtenir du crédit auprès d'autres institutions financières. Elle favorise une surenchère sur la valeur des actifs et une concurrence difficile pour les jeunes agriculteurs et d'autres ayant une marge de manoeuvre financière réduite. C'est pourquoi l'OAQ recommande que le maximum des prêts et des marges de crédit soit maintenu à son niveau actuel.

Modes de paiement. Le projet de loi 46 permettrait que les versements soient mensuels, trimestriels, semi-annuels ou annuels selon le type de production et la capacité de payer de l'emprunteur. L'OAQ

appuie cette proposition qui améliore le système actuel et laisse à l'emprunteur une plus grande flexibilité dans ses modes de paiement.

Subvention à l'intérêt. Le projet de loi 46 fixe à 200 000 $ la portion de prêt assortie d'une subvention. L'OAQ recommande que la subvention à l'intérêt soit accordée en priorité aux cas d'établissement et limitée aux dix premières années d'exploitation. Elle devrait s'appliquer sur tous les prêts de l'OCA consentis par une institution financière accréditée et être décroissante sur une période maximale de dix ans. De plus, l'emprunteur ne devrait pas être obligé de prendre 200 000 $ en une seule fois, mais plutôt avoir la liberté d'étaler cette somme sur une période d'années. Ainsi, on évitera d'inciter les agriculteurs à trop emprunter et l'État versera moins d'intérêts annuellement. Pour respecter la liberté de choix et faciliter aux agriculteurs et agricultrices l'accès à tous les programmes d'aide, nous recommandons que la subvention d'intérêt soit accordée aux agriculteurs sans égard à l'institution financière où ils décident librement de faire affaire. La liste des prêteurs accrédités devrait donc être élargie de façon à inclure toutes les institutions financières et le vendeur d'une ferme.

La relève agricole. Le projet de loi 46 prévoit une subvention d'intérêts pour l'établissement. Le jeune exploitant peut ainsi obtenir des fonds pour la mise en valeur et le développement de son entreprise. Considérant que le gouvernement apporte une aide financière aux groupes d'agriculteurs soucieux d'améliorer leurs méthodes de gestion, l'OAQ recommande qu'un plan de gestion, préparé par un professionnel compétent en la matière, soit requis pour les prêts assortis d'une subvention. Concernant la politique d'assistance financière aux jeunes agriculteurs et agricultrices qui s'établissent, l'OAQ appuie le principe d'une subvention basée sur le degré de formation du bénéficiaire tel que proposé dans l'avant-projet de règlement.

Subventions de capital à l'établissement. Pour aider la relève, le projet de loi 46 propose une subvention de 15 000 $ pouvant atteindre 60 000 $ pour quatre personnes pour l'amélioration de l'entreprise ou le paiement de l'intérêt net sur les prêts. Considérant qu'il s'agit d'une aide pour la mise en valeur d'une entreprise lors de l'établissement, cette subvention devrait être appliquée dans le meilleur intérêt de l'exploitant compte tenu de ses besoins et du plan de gestion établi.

Suivi des prêts. Par la refonte du régime de financement, l'État veut assurer un meilleur service à la clientèle. L'OAQ souscrit à cet objectif. Il suggère que l'OCAQ mette à profit l'expertise des nombreux agronomes à l'emploi des organismes et institutions engagés dans le financement agricole et la gestion des fermes. (16 h 15)

M. Giroux: M. le Président, en guise de conclusion, l'Ordre des agronomes est heureux de constater, dans le projet de loi 46 et dans l'avant-projet de règlement, plusieurs éléments nouveaux et très positifs qui répondent aux propositions soumises dans le cadre de la tournée de consultation du comité formé par le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. L'ordre souhaite que la démarche gouvernementale en matière de crédit agricole s'appuie essentiellement sur le principe du rôle supplétif de l'État et ne vise pas à remplacer ou concurrencer les autres institutions financières. L'objectif qui doit guider l'action du gouvernement est de faciliter aux agriculteurs l'accès au financement sans incitation excessive ni contrainte dans le choix des sources de crédit. La refonte en cours devrait donc se réaliser dans le respect de tous les intervenants en vue de favoriser le progrès de l'agriculture et de tous ceux et celles qui en vivent.

Nous vous remercions, M. le Président, de nous avoir permis de présenter notre mémoire. Pour la période des questions, si vous voulez bien accepter, étant donné que j'ai fait carrière en industrie laitière dans les entreprises de lait de transformation et particulièrement en gestion laitière et que je suis un nouveau venu à la présidence de l'Ordre des agronomes, je demanderais à M. Desnoyers, qui a lu une partie du mémoire, de bien vouloir diriger les questions à ceux qui, parmi mes collègues, seront les mieux qualifiés pour vous donner des réponses satisfaisantes.

Le Président (M. Richard): Merci, MM. Giroux et Desnoyers. Maintenant, M. le ministre, vous avez la parole.

M. Pagé: Merci, M. le Président. Au nom de mes collègues, je voudrais saluer M. Giroux, président de l'Ordre des agronomes du Québec, qui en est à sa première visite en commission parlementaire, et lui souhaiter le plus intéressant et le plus fructueux des mandats à la tête de cette corporation professionnelle très importante dans la vie non seulement agricole, mais économique du Québec, l'Ordre des agronomes du Québec. Bon mandat, M. Giroux, je dois saluer toute votre équipe et je vous remercie de votre comparution aujourd'hui devant nous.

Vous avez indiqué à un moment donné, lorsqu'on réfère aux subventions à l'intérêt et à l'aide à accorder aux jeunes agriculteurs qui prennent la relève, qu'il faut non seulement du financement, mais qu'il serait souhaitable d'avoir un système d'initiation

bien encadré. Pourriez-vous m'indiquer concrètement ce à quoi vous référez? La lecture que j'en fais: Nos agriculteurs sur le terrain, nos agricultrices sont en contact avec des professionnels du ministère qui sont principalement les agronomes dans les bureaux locaux, dans les bureaux régionaux, qui sont des technologistes sur le terrain; ils sont là pour conseiller, non pas décider, mais donner des conseils à des jeunes qui rencontrent des problèmes donnés dans leur exploitation. Je comprends que personne n'est infaillible dans ce bas monde, tout est sujet à appréciation, mais je peux témoigner que l'équipe de professionnels chez nous est très disponible, très présente et, finalement, que ce soit les agronomes, les technologistes, les vétérinaires, ils sont là pour conseiller et encadrer, en quelque sorte, si le producteur le veut bien. Quand vous dites: Un système d'initiation encadré, est-ce que vous référez à une façon de faire particulière que vous souhaiteriez voir se réaliser et s'adressant plus spécifiquement aux jeunes agricultrices ou aux jeunes agriculteurs?

M. Desnoyers: Dans ce point qui est soulevé, on veut surtout mentionner que le jeune, quand il s'établit, a besoin d'être suivi à plusieurs niveaux, et ce n'est pas strictement sur le plan de son établissement et de son prêt d'établissement, c'est aussi à la suite du prêt, pour qu'il soit bien suivi. C'est pour cela qu'on recommande que toutes les ressources disponibles soient regroupées et utilisées de façon à s'assurer du meilleur résultat possible pour les jeunes qui s'établissent en agriculture.

M. Pagé: Qu'est-ce que cela ferait qui ne se fait pas actuellement?

M. Dupont (Yvan): À propos de l'initiation encadrée, on voulait parler d'un programme de suivi des prêts, suivi qui serait fait en concertation avec les agronomes qu'il y a dans les institutions financières. Cela serait souhaitable qu'il y ait un peu plus de concertation entre les agronomes, si possible, pour faire une planification financière d'un jeune qui débute. Présentement, l'Office du crédit agricole a beaucoup de spécialistes mais les professionnels des institutions financières n'ont pas beaucoup la chance de participer à l'élaboration d'un programme de gestion. On pense que leur collaboration serait très positive. Ce serait la concertation, pour se résumer.

M. Pagé: Sur cela, je n'en doute pas parce qu'à plusieurs reprises, depuis décembre 1985, j'ai indiqué qu'on se devait de mettre en place des façons de faire en termes de services à donner plus particulièrement à un jeune emprunteur pour s'assurer d'une gestion bien suivie, sans pour autant imposer aux emprunteurs que ce soit des gens de l'Office du crédit agricole ou de l'institution financière qui aillent décider pour eux et gérer l'entreprise. Il faut quand même convenir que les agricultrices et les agriculteurs sont assez sensibles à cette possibilité que quiconque de l'extérieur pourrait venir leur dire quoi faire dans leur entreprise. La preuve, vous n'êtes certainement pas sans le savoir, dans le cadre de la dernière réforme des programmes j'ai indiqué qu'on se devait de revaloriser le rôle de nos professionnels en agriculture. Pour plusieurs, cela a été interprété, avant évidemment qu'on les sécurise, comme voulant dire: À l'avenir, ce sont les agronomes qui vont aller décider des programmes applicables sur chacune des fermes. Dans ce contexte, il faut être prudent.

J'ai toujours eu comme principe l'élément suivant. Le jeune homme ou la jeune fille va décider d'ouvrir un commerce qui implique, par exemple, un investissement de 100 000 $ en équipement, en inventaire, etc. Il faudra présenter un budget pro forma, il faudra présenter des garanties. Une fois que le prêt sera octroyé et ce, peu importe l'institution financière, l'institution financière va assurer un suivi à l'entreprise et souventefois le gérant de l'institution va dire un ou deux mois après: Faites attention, les amis, vos inventaires sont trop élevés. Vous avez tels et tels problèmes. Sans être du dirigisme, ce sont des avis qui sont fournis à des emprunteurs. Or, en agriculture, les choses sont un peu différentes. Je conviens que nos gens de l'office sont sur le terrain mais les gens de l'office ne sont pas dans la résidence ou dans le bureau de chacun des emprunteurs à tous les mois. On va prêter des montants très substantiels, que vous déplorez comme étant trop élevés, soit dit en passant. On va prêter des montants très substantiels et, comme le disaient des intervenants hier, notamment les banquiers canadiens: Quand les prêts sont remboursables deux fois par année, il peut arriver que la sonnette d'alarme, la lumière rouge ou le clignotant va sonner un an après qu'une situation délicate survienne dans une entreprise.

On doit sentir de la part de l'office - parce que c'est très clair, la position gouvernementale que j'ai adoptée une volonté qu'à compter de l'adoption de ce projet de loi, on puisse assurer, sans que ce soit du dirigisme, un meilleur suivi, un meilleur "partenariat" -si je peux utiliser le terme - entre les intervenants et l'emprunteur. Les institutions financières sont susceptibles de jouer un rôle.

Je note, à l'article 4.1, que vous recommandez pour le plan quinquennal, si ma mémoire est fidèle... Non, vous dites:

"Considérant que le gouvernement apporte une aide financière aux groupes d'agriculteures soucieux d'améliorer leurs méthodes de gestion, on recommande qu'un plan de gestion, préparé par un professionnel compétent en la matière, soit requis pour les prêts assortis d'une subvention." Je présume que vous voudriez jouer le rôle le plus important possible?

M. Dupont: Disons que lors de la consultation de l'office, il était question d'un plan quinquennal, si on peut dire. On n'en entend plus parler beaucoup. C'était un plan de gestion, un plan de suivi des prêts. Il était même question d'autorisation des prêts pour une période de cinq ans. Ce plan était préparé en collaboration avec des agronomes au MAPAQ. Il n'était pas du tout question des autres agronomes au niveau des institutions financières pour participation à l'élaboration du plan. C'est dans ce sens-là que je posais la question tantôt.

M. Pagé: Selon vous, à la lumière de votre expérience, est-il illusoire de penser en arriver à une véritable interaction professionnelle de l'Office du crédit agricole, des agronomes du ministère, des gens des banques, des conseillers privés et d'une personne qui est un emprunteur?

M. Dupont: Disons que c'est un projet de longue haleine mais, selon moi, ce serait possible.

M. Desnoyers: À mon avis, il y a sûrement possibilité d'améliorer les choses, de sensibiliser tous les agronomes qui interviennent dans ce milieu-là et sensibiliser probablement aussi les emprunteurs au fait qu'ils ont la possibilité de consulter beaucoup de gens spécialisés dans le domaine qui sont capables de leur donner des conseils en gestion et qu'ils puissent se dire qu'ils prennent les décisions basées non pas sur une seule consultation ou un seul intervenant mais sur plusieurs qui sont en mesure de fournir des informations.

M. Pagé: Je vous remercie de vos commentaires sur ce sujet. Il va de soi que cela nous préoccupe au plus haut point.

Vous vous prononcez contre le fait que le niveau de prêt puisse être augmenté à 800 000 $ pour l'ensemble des intervenants ou des emprunteurs potentiels. Vous nous recommandez d'ailleurs à quelques reprises dans votre mémoire d'être très très prudents en ce qui concerne les aides versées, les subventions, etc. Donc, cette préoccupation de limiter les maximums de prêt et même dans certains cas de les réduire, dois-je comprendre que pour vous le maintien d'une structure d'entreprise de type familial passe par beaucoup plus de modération au niveau des montants octroyés?

Le Président (M. Richard): M. Villeneuve.

M. Villeneuve (Gaétan): L'avis de l'ordre à ce sujet-là est relié au rôle supplétif que l'Ordre des agronomes aimerait que l'Office du crédit agricole joue dans le financement agricole. On considère que des montants aussi élevés que ceux qui sont proposés pourraient favoriser la surenchère des prix des actifs agricoles, auraient tendance à favoriser seulement les producteurs bien nantis et impliqueraient aussi une concurrence certaine de la part de l'Office du crédit agricole envers les institutions financières privées.

M. Pagé: Je termine là-dessus. L'important c'est que l'entreprise, le ou la chef d'entreprise, le couple qui emprunte puisse avoir des moyens financiers selon son plan de développement, sur ce qu'il va acheter, etc. Ce n'est pas parce qu'ils ont 800 000 $ disponibles qu'ils vont emprunter 500 000 $, 600 000 $ ou 700 000 $. Je prends note de vos commentaires et je vais passer la parole à mon collègue. Merci.

Le Président (M. Richard): M. le représentant de l'Opposition.

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Bonjour à tout le monde. Je voudrais aussi intervenir sur la question de l'initiation encadrée. Tout le monde cherche à avoir, pour le jeune qui commence en agriculture, les meilleurs moyens pour pouvoir fonctionner convenablement dans le système. Je suis assuré que vous connaissez cette formule qui s'appelle "créateur d'entrepreneurs ou créateur d'entreprises" par laquelle l'individu, le groupe formé se voit greffer des comptables, des avocats, des notaires et, dans ce cas-ci, on pourrait dire des agronomes. Des gens ont parlé de cela à travers le Québec en se demandant s'il était possible d'avoir quelque chose de semblable pour créer des agriculteurs. (16 h 30)

En deuxième lieu, une fois qu'on a créé l'entreprise, il y a des systèmes dont on parle de plus en plus actuellement, comme l'incubateur industriel; donc, une sorte d'incubateur où on pourra s'assurer que le départ qu'on a donné sera suivi afin d'éviter des faillites, des difficultés. Dans ce contexte, certains ont dit: Oui, mais, en agriculture, on possède des sytèmes comme ceux-là - ils ne sont peut-être pas appelés de la même façon, syndicats de gestion ou autres - où on aide et on prépare l'individu, etc. Est-ce qu'à partir de ce que vous proposez, vous êtes capables de voir s'il y a moyen d'adapter? Comme disait M. le

ministre tout à l'heure, est-ce que les moyens sont suffisants? Est-ce qu'il devrait y avoir d'autres moyens additionnels? Est-ce qu'on devrait passer à un système équivalent à celui du programme de créateurs d'entrepreneurs et à l'autre, d'incubateurs industriels? Est-ce que quelqu'un peut me donner son opinion?

M. Bélanger (Jean-Eudes): Comme on l'a mentionné tout à l'heure, je pense qu'actuellement la majorité des ressources est là. Maintenant, je suis bien d'accord que les représentants de l'Office du crédit agricole, les agronomes, dans les bureaux, et les conseillers en gestion possèdent tous une somme d'informations face à un agriculteur donné et qu'ils doivent, théoriquement, travailler ensemble. Dans les faits, ce n'est pas toujours si évident que cela. On rencontre souvent des dossiers parallèles dans les différents bureaux. Il y a une certaine collaboration qui existe, c'est très clair. Comme M. Desnoyers l'a mentionné tout à l'heure, il y a peut-être moyen d'améliorer le système existant et ce serait sûrement è l'avantage de tout le monde.

M. Jolivet: En fait, il s'agit de mettre ensemble les gens qui doivent conseiller et éviter que chacun donne son opinion séparément. Finalement, on va voir l'un, on va voir l'autre et on a des façons différentes. Si on les regroupait, à un moment donné, on pourrait être mieux placé.

M. Bélanger (Jean-Eudes): Oui, il ne s'agit pas seulement non plus de donner son opinion séparément. Il reste que, face à une décision de prêt, par exemple, l'individu qui est appelé à se prononcer se prive peut-être de sources de renseignements existant autour d'une entreprise ou d'un agriculteur qu'il s'agirait de consulter.

M. Jolivet: À la page A, vous dites: "À la suite de la consultation qu'il a menée, le gouvernement a retiré de son projet de loi sa position initiale visant le nantissement des quotas de production. Cependant, nous croyons que l'inclusion d'un tel article dans la loi permettrait à l'emprunteur d'avoir une meilleure structure de garantie et d'obtenir des conditions de prêt plus avantageuses." Vous avez certainement entendu parler de cette question avec les banquiers qui disaient: Si on prête là-dessus, on veut l'avoir en garantie. L'Union des producteurs agricoles dit: Un instant, il n'en est pas question, c'est notre droit de production. D'autres personnes, comme les représentants des caisses d'établissement, sont venues dire: Écoutez, on a des agriculteurs à l'intérieur de nos structures, on a regardé cela sur le plan financier et non pas sur le plan de l'agriculture seulement et on a essayé de voir. Là, on nous dit: Oui, mais avec des conditions qui seront réglementées. Votre position semble claire: Oui, on est d'accord. Alors, par rapport à tout ce qui a été dit jusqu'à maintenant, j'aimerais avoir un résumé rapide de l'opinion de l'ordre à ce sujet.

Le Président (M. Richard): M.

Villeneuve.

M. Villeneuve: Nous pensons qu'il pourrait être très avantageux pour les agriculteurs d'être capables de donner leurs quotas en garantie, en ce sens que les créanciers basent en bonne partie leurs conditions de prêt en fonction de leurs garanties. Ce n'est pas le seul facteur, mais c'est un des facteurs importants. À notre avis, si le prêteur pouvait obtenir des garanties plus sûres et plus réelles, il pourrait offrir de meilleures conditions à l'emprunteur. En plus, actuellement, tout le monde sait que, de toute façon, la plupart des prêteurs vont prendre le quota sous une forme de garantie spéciale, soit le transport de créances. L'Office du crédit agricole du Québec ne peut pas le considérer comme une valeur de garantie réelle. Donc, il ne peut pas considérer cette garantie en fonction des avantages qu'il peut donner sur les conditions de prêt. A notre avis, actuellement, les agriculteurs donnent leur quota en garantie à l'Office du crédit agricole sous une autre forme, mais il ne peut pas donner en échange des conditions de prêt reliées à cette garantie.

M. Jolivet: Ne croyez-vous pas qu'il y aurait danger que des gens qui prêtent de l'argent avec un quota comme garantie en arrivent dans certaines circonstances à être un peu - excusez le mot - rapaces et, comme on disait ce matin, tirent la "plug" à cinq heures moins cinq le vendredi soir pour s'assurer que le lendemain matin ils sont devenus propriétaires et, après cela, ils vont vendre le quota? Ne croyez-vous pas qu'il y a un danger à le faire dans ce sens?

M. Villeneuve: À notre avis, l'Office du crédit agricole ou les autres créanciers, lorsqu'ils détiennent des garanties, ce n'est pas un facteur comme tel pour rappeler plus rapidement ou moins rapidement un prêt. Actuellement, les créanciers détiennent des garanties autres que le quota et on ne pense pas que l'Office du crédit agricole ou les autres créanciers font des abus de ce côté-là. Donc, on ne voit pas vraiment pourquoi le fait d'obtenir le quota en nantissement donnerait l'idée aux créanciers de tirer la "plug" plus vite comme vous dites.

M. Jolivet: Oui, mais le quota c'est un droit de production.

M. Villeneuve: Oui.

M. Jolivet: Dans l'autre cas, ce sont des bâtiments de ferme ou des véhicules, bon, ces choses-là. Vous savez ce qui en est. Il y a une différence entre les deux. Je sais que vous faites une différence vous autres aussi. Et le droit de production, c'est-à-dire que demain matin on retire le quota et vous restez avec la ferme, vous n'êtes pas plus avancé, avec aucune valeur quant aux biens qui vous restent entre les mains. Parce que c'est lié ensemble ça, le quota et les moyens de production.

M. Villeneuve: Cela devient, je pense, de la gestion de créanciers dans la reprise de leurs garanties. S'ils veulent obtenir le meilleur prix possible pour leurs garanties en général, soit les immeubles, le quota et les équipements, j'ai l'impression qu'ils vont probablement décider de vendre l'entreprise en bloc. Mais ça devient une question de gestion de créanciers.

M. Jolivet: Oui, j'ai eu l'occasion comme ministre délégué aux Fôrets de faire une tournée à travers le Québec et de voir aussi comment les industriels du bois de sciage ou autres, en arrivaient avec les banquiers à avoir des problèmes quant à leur capacité de remboursement ou leur capacité de s'assurer qu'il y a quelque chose entre les mains. On se souviendra que les banquiers demandaient quasiment que les compagnies deviennent propriétaires du bois debout, ce qui était impossible et impensable pour une gestion saine du territoire par un gouvernement quel qu'il soit. Et dans ce contexte-là ils se contentaient d'une assurance qu'ils avaient un contrat d'approvisionnement, ce qu'on appelle maintenant approvisionnement et aménagement forestier, un contrat de 25 ans - dans les résineux en particulier - renouvelable à tous les cinq ans. Ils se contentaient au moins de ça mais avec une petite parcelle qui dit: Si j'en fais plus que ce qui est prévu dans mon plan d'aménagement, j'en deviens propriétaire. Mais là, en allant au niveau du quota, on demande des méchantes garanties a quelqu'un par rapport à ce qu'il est capable de donner. Pourtant, on ne le demande pas aux gros industriels papetiers ou autres.

M. Villeneuve: J'imagine qu'on parle de prêts basés sur la capacité de remboursement. L'Office du crédit agricole considère aussi la capacité de remboursement. C'est un facteur très important. Mais assez souvent, je pense, les garanties deviennent un facteur limitatif au prêt, soit en montants ou soit en conditions de prêt. S'il y avait possibilité de prendre le quota, ce facteur-là ne serait plus limitatif.

M. Jolivet: Est-ce que vous le verriez comme les gens du groupe des caisses d'établissement le disaient, en dernier plutôt qu'en premier comme condition et peut-être en disant: Oui, prêtons dessus mais garantissons-le à partir du quota? Mais ça serait un des gestes à la fin de tout qu'on poserait avant d'agir. Celui-là en premier et les autres ensuite. En fait, est-ce que vous verriez des conditions comme celle-là si vous vous imaginez cela?

M. Dupont: Disons qu'au niveau des quotas, le gros problème qui arrive c'est qu'avec les dernières années les quotas ont à peu près six à sept fois la valeur - cela crée un déséquilibre - des actifs de la ferme. C'est le plus gros problème. Par exemple, dans la volaille, le quota vaut 16 $ et les bâtisses valent 2 $. Cela fait qu'il se crée une disproportion en ce qui concerne les actifs. C'est là qu'est le problème pour l'institution financière. En ayant seulement un transport de créances et non un nantissement en bonne et due forme, c'est de là que vient le problème pour l'emprunteur d'obtenir des conditions de crédit, disons, avantageuses pour lui. C'est surtout le déséquilibre que le quota cause par rapport à la répartition des actifs. Si le quota avait une valeur du quart de ce qu'il a présentement, ça ne causerait pas de problème. Mais si la valeur du quota continue à progresser... C'est dans ce sens-là qu'on trouve qu'il y a un déséquilibre au niveau de la structure de garanties. Cela pénalise l'emprunteur indirectement.

M. Jolivet: Est-ce que vous avez l'impression que le quota lui-même va arrêter de monter dans ces circonstances-là? Est-ce que c'est votre impression? Au rythme, en tout cas, auquel il a monté jusqu'à maintenant.

M. Dupont: Disons que présentement, avec le libre-échange, ça devrait se stabiliser, sinon baisser.

M. Jolivet: D'accord. Une autre question, à moins qu'il y ait d'autres commentaires. Non. L'autre question, c'est... Vous dites que l'ordre "ne croit pas nécessaire de fixer un montant aussi élevé pour l'ensemble des agriculteurs. Cette limite favorise des producteurs déjà bien nantis, qui peuvent obtenir du crédit auprès d'autres institutions financières; elle favorise une surenchère sur la valeur des actifs et une concurrence difficile pour les jeunes agriculteurs et d'autres ayant une marge de manoeuvre financière réduite". Ma question va être en regard de ce qui a été dit par les représentants des banques. Ils disaient: L'office devrait prêter, mais pas à ceux qui n'en ont pas besoin, à ceux qui en ont besoin, sans définir qui; ce pourrait être la relève, ceux qui sont en difficultés

financières. La question qui surgit, c'est: Comment déterminer - si vous n'êtes pas d'accord, vous le direz - que ceux qui sont bien nantis n'y ont pas droit et comment faudrait-il prévoir l'aide à apporter à ceux qui en ont besoin?

M. Desnoyers: M. Bélanger va répondre à cette question.

M. Bélanger (Jean-Eudes): II faudra peut-être définir, au départ, le modèle de ferme qu'on veut avoir. Est-ce qu'on veut s'en tenir à une entreprise de type familial, c'est-à-dire qui fournit un revenu normal pour faire vivre une famille, un revenu normal en fonction des autres revenus que les autres citoyens peuvent obtenir, ou si l'on veut des superentreprises, tout simplement des machines pour produire la nourriture dont on a besoin, ou si l'on veut des entreprises à taille plus humaine? Cela revient à cela. Une entreprise de type familial, c'est une entreprise qui, normalement, produirait un revenu qui se comparerait à celui des autres citoyens.

M. Jolivet: Comme vous avez entendu ma question tout à l'heure, vous devez attendre celle-ci: Les sociétés en commandite, qu'est-ce que c'est pour vous? Votre position? Vous n'en avez pas!

M. Dupont: Est-ce qu'il faut prendre position?

M. Jolivet: Non, non. C'est simplement pour savoir parce que vous êtes - on peut l'employer comme tel - dans le champ à tous les jours. Écoutez, si vous n'en avez pas, vous n'êtes pas obligé. Je la posais et je la pose à tout le monde.

M. Desnoyers: L'ordre ne s'est pas penché sur ce point, mais M. Villeneuve aura des commentaires à faire.

M. Jolivet: M. Villeneuve a des commentaires.

M. Villeneuve: Les sociétés en commandite, avant tout, c'est tout simplement un principe de financement, un principe qui est un peu différent, qui est basé principalement sur la fiscalité. Les sociétés en commandite, à mon sens, ne sont pas des concurrents au financement régulier, surtout dû au fait qu'il n'y en a pas eu beaucoup. Il semblerait que la période permise, de toute façon, pour les sociétés en commandite devrait finir au 31 décembre 1987...

M. Jolivet: Au fédéral, mais pas au provincial.

M. Villeneuve: ...sauf au provincial.

Mais on n'a pas vraiment de position officielle, sauf que ce n'est peut-être pas tout à fait le même marché.

M. Jolivet: C'est parce que M. Bélanger parlait de ferme de type familial, c'est cela qui m'a incité à poser ma question, sans cela je ne l'aurais pas posée. Quelle était la différence dans le contexte? Si ce sont des machines à produire la nourriture dont on a besoin, on peut penser, s'il y a un avantage fiscal, à une société en commandite. Il y a du monde qui y sont entrés en disant: Je vais récupérer rapidement et, comme mon but est de faire de l'argent, je vais certainement aller chercher plus et me retrouver, un jour, avec une ferme payée par l'ensemble des taxes de tout le monde, incluant les agriculteurs qui se disent en posture difficile. On s'aperçoit que l'autre à côté, avec nos propres taxes, vient prendre notre terrain et nous déséquilibre au chapitre de la ferme de type familial. En conséquence, ils sont inquiets et c'est pour cela que je pose la question.

Une dernière question, M. le Président, quant à moi. Est-ce que j'ai encore du temps? Oui. À la page 6, 3.2: "De plus, l'emprunteur ne devrait pas être obligé de prendre 200 000 $ en une seule fois, mais plutôt avoir la liberté d'étaler cette somme sur une période d'années. Ainsi, on évitera d'inciter les agriculteurs à trop emprunter et l'État versera moins d'intérêts annuellement." Des jeunes sont venus me voir et ils me disaient: Écoutez, on voudrait avoir telle sorte de production et on voudrait partir avec telle grosseur de ferme. Je vous donne le même exemple dans le secteur industriel; c'est la même chose. Quand ils sont des corporations de développement, le jeune dit: Écoute - ou la personne, peu importe si elle est jeune ou pas, mais qui veut lancer quelque chose - je partirais avec tant d'argent, mais les conseillers me disent: Si tu veux passer à travers, tu serais mieux d'en avoir plus. Là, ils m'en mettent plus et, finalement, je tombe à pic quand même. Donc, votre proposition, je la trouve intéressante dans la mesure où l'on dit qu'il peut aller graduellement et s'assurer de ne pas se casser le nez et de tomber rapidement. Donc, j'aimerais que vous me donniez plus d'explications; même si cela semble être clair, j'aimerais que vous argumentiez davantage.

M. Desnoyers: M. Dupont. (16 h 45)

M. Dupont: Disons que notre mémoire, comme vous avez pu le voir, est axé vers l'établissement des jeunes. On aimerait une formule de subventionnement axée prioritairement sur les jeunes. On ne dit pas qu'on ne veut plus subventionner du tout les producteurs bien nantis, mais cela le sous-

entend.

M. Jolivet: Ceux qui sont là depuis longtemps sont supposés être bien nantis et ceux qui ne passent pas à travers sont en difficulté.

M. Dupont: Pour nous, un producteur bien nanti ou bien établi c'est un producteur établi depuis dix ans et qui est rentable et tout va bien. On considère qu'il devrait se débrouiller lui-même par ses propres moyens. C'est dans ce sens qu'on disait "décroissant" en ce qui a trait au subventionnement de l'intérêt.

Pour revenir à votre question, il arrive, dans un transfert de ferme, souvent disons, que le fils voit qu'il y a 200 000 $ de subventionnement disponible. Là, il se dit, je vais l'utiliser tout de suite entièrement. Je vais moderniser, etc. C'est dans ce sens qu'on dit que cela incite à l'endettement. On aurait aimé qu'il utilise 100 000 $ et démarre son entreprise plus lentement. Il aura ses 100 000 $ de réserve pour plus tard. C'est dans ce sens qu'on voulait...

M. Jolivet: Autrement dit, il fait une sorte d'engagement de crédit et il dit: Je vais en utiliser une partie et plus tard j'utiliserai le reste.

M. Dupont: C'est cela. Ses 200 000 $ il les a mais s'il veut les utiliser sur cinq ans, s'il veut démarrer selon son rythme, il démarre selon son rythme.

M. Jolivet: Merci.

Le Président (M. Richard): Merci. Nous vous remercions, messieurs, d'avoir présenté votre mémoire. Je demanderais aux représentants de l'Association des technologistes agro-alimentaires de prendre place, s'il vous plaît.

Messieurs, j'aimerais que le responsable du groupe se présente et, comme on a fait pour les groupes précédents, vous présentez vos collègues par la suite. Vous avez 20 minutes au maximum pour présenter votre mémoire ou la synthèse de votre mémoire. Alors, vous avez la parole.

M. Girard (Maurice): Je me présente, Maurice Girard, président de l'Association des technologistes agro-alimentaires inc. Sans plus tarder, je vous présente les collègues qui m'accompagnent cet après-midi. En partant de ma droite, M. Clément Aubry, agriculteur et technologiste agro-alimentaire, M. Daniel Sylvestre, évaluateur agréé et technologiste, M. Michel Henri-Goyette, premier vice-président à l'ATA, et notre collègue d'extrême droite, M. André Héon, deuxième vice-président de l'association.

Le Président (M. Richard): Bienvenue, messieurs, vous avez la parole.

Association des technologistes agro-alimentaires inc.

M. Girard: Merci. M. le ministre Pagé, M. le Président, messieurs les membres de la commission parlementaire, l'Association des technologistes agro-alimentaires se réjouit de la présente consultation sur le projet de loi 46, Loi sur le financement agricole, qui, ajoutée aux consultations de 1986, démontre l'importance qu'accorde le gouvernement du Québec à ce secteur névralgique de l'économie qu'est l'agriculture et la nécessité de la contribution de tous les secteurs de Pagro-alimentaire à la révision de cet outil stratégique que constitue la législation sur le financement agricole. L'ATA vient donc soumettre le présent document de réflexion.

Dans un premier temps, il convient de situer brièvement le technologiste agro-alimentaire par rapport à l'agriculture. Par la suite, nous définirons brièvement la démarche soutenant nos réflexions sur le projet concerné. Le technologiste agro-alimentaire est un spécialiste de la technologie dont la formation le prépare à assumer des tâches reliées à la production, aux services à la production, aux services de transformation et aux services para-agricoles. Les activités du technologiste couvrent donc l'ensemble du secteur agro-alimentaire.

Nous sommes ici particulièrement préoccupés par le développement et principalement par la consolidation du secteur de la production. Comme nous le savons, les politiques de financement influencent au plus haut point ces objectifs.

La démarche retenue dans notre processus de réflexion repose principalement sur la détermination des besoins des agriculteurs en ce qui a trait au crédit relié à leur exploitation et sur les règles régissant son environnement financier.

Déterminer ces besoins et, ce faisant, les leviers appropriés de financement, tels sont les défis lancés au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec et aux divers intervenants du milieu agricole dans le cadre du projet de loi sur le financement agricole. Nous venons donc y apporter notre sincère et honnête contribution.

Le marché cible et ses besoins. Avant de lancer ou de modifier un produit, il convient d'abord de définir le marché visé, c'est-à-dire la clientèle cible que l'on désire atteindre. Il s'agit donc ici de définir ce qu'est l'agriculteur ou l'agricultrice en matière de financement. Qui sont-elles, en effet, ces personnes qui continueront de développer des entreprises comparables aux autres secteurs économiques et, par surcroît, de solidifier la base de toute l'industrie

agro-alimentaire? Nous les définissons comme une génération montante de gens d'affaires, de dirigeants de PME. Ce sont des gens qui, de jour en jour, acquièrent de nouvelles connaissances (régie intégrée dans les cultures, transplantation embryonnaire, informatique, pour ne nommer que celles-là). Ils font partie de la génération ouverte aux technologies de pointe.

Dans ce monde de communication ultrarapide, leurs besoins ne peuvent être différents de l'ensemble des consommateurs de finance (commerce, industrie petite ou grande, particuliers). Ils recherchent donc une gamme de produits et/ou de services adaptés à leurs besoins. Conséquemment, ils comptent s'appuyer sur une gamme de fournisseurs dont la libre concurrence leur offrira les meilleurs avantages.

Comme dans tous les secteurs de l'économie, les mots "concurrence", "compétition" sont ici synonymes d'excellence. Nos entreprises agricoles nous le prouvent couramment. Ainsi, au fil des ans, l'agriculteur recherchera la compétition et le libre choix de ses partenaires financiers. L'autonomie reste pour lui une règle d'or; elle est la raison d'être de cet entrepreneur indépendant. Aussi, pour elle ou lui, l'État devient un intervenant parmi d'autres partenaires du monde financier agricole.

Qui plus est, le rôle accru joué par les institutions privées dans le financement agricole depuis plusieurs années et ce, de façon indépendante de l'État, vient combler un vide dénoté dans le passé en cette matière. Cette observation renforce les besoins des agriculteurs énoncés précédemment en termes d'autonomie, de libre choix et de recherche d'une libre concurrence entre les différents fournisseurs financiers.

Nous en venons donc aux propositions. Tout en continuant d'assumer son rôle actuel par rapport aux autres financiers, nous convenons que le régime québécois de financement agricole serait bonifié par divers réaménagements. Nous nous attarderons dans ce document à ceux qui nous ont intéressés davantage.

Cadre législatif. D'abord, la refonte de huit lois en une seule, de huit règlements en un seul devant faciliter la compréhension, la vulgarisation et l'application des programmes en réduisant considérablement le nombre de formulaires et le volume des procédures et des politiques et en facilitant le processus de traitement des dossiers, est pleinement justifiée.

Planification financière. Nous notons que le plan quinquennal, tel qu'apparaissant au projet initial de refonte, a été éliminé. Cependant, le texte de loi comporte encore beaucoup d'ouverture face à la planification des besoins financiers à moyen terme, principe sur lequel nous ne pouvons qu'être d'accord puisque, comme plusieurs autres intervenants, nous encourageons fortement la saine gestion financière qui se fait, entre autres, par l'analyse et la planification.

Toutefois, en raison du fait que l'agriculture est sujette à un environnement extérieur (température, prix, lois, économie, libre-échange) soumis à des soubresauts fréquents et accentués, provoquant ainsi des changements non négligeables à la situation financière des agriculteurs et obligeant alors à la révision fréquente des dossiers, nous osons espérer que la réglementation et les politiques permettront beaucoup de souplesse, de façon que ce principe de planification à moyen terme engendre une amélioration du système et non un alourdissement du processus administratif de traitement des dossiers.

La planification des besoins en crédit à moyen et à long termes devrait se limiter à tracer les grandes lignes d'orientation de l'entreprise et ce, par la détermination des objectifs des agriculteurs, des agricultrices et de leur famille, et par la détermination des déficiences de l'entreprise. Par exemple, pour alléger l'administration des dossiers, il sera important d'éviter les exercices théoriques et laborieux de budgets pluriannuels qui, au moindre soubresaut de l'économie, seront à recommencer.

Approche globale. Ce volet du projet de loi qui prévoit que tous les prêts, autant à long, à moyen ou à court terme, devront être précédés de la livraison des certificats par l'office en inquiète plus d'un. Il est clair que l'autonomie relative acquise par les lois actuelles, LAF-LCPA, disparaît. Il n'y aura donc plus possibilité d'obtenir des crédits aussi rapidement via des prêts consentis sous la nouvelle loi, en raison des délais qu'occasionnera l'émission d'un certificat.

De plus, le fait qu'il sera possible pour l'office d'émettre un seul certificat pour couvrir les trois types de prêts, long terme, moyen terme, court terme, qui sera remis à un seul prêteur, limitera énormément l'emprunteur dans ses efforts de négociation auprès de tous les fournisseurs financiers afin d'obtenir le meilleur service possible. Cette approche obligeant le débiteur à nantir tous ses actifs en faveur d'un prêteur unique freine carrément les bienfaits de la libre concurrence dont chaque requérant emprunteur a besoin pour optimiser sa gestion financière.

Ouverture de crédit. Nous souhaitons que les fins du prêt-ouverture de crédit soient élargies de façon à couvrir réellement tous les besoins de l'entreprise agricole. Par exemple, le coût total du coût de la vie familial devrait être admissible aux fins de ce prêt. En effet, dans certaines productions où les revenus sont irréguliers, il est normal et même nécessaire de pouvoir compter sur

sa marge de crédit pour vivre en attendant les entrées de fonds. L'office pourrait, à titre d'exemple, appliquer les normes des régimes d'assurance-stabilisation des revenus agricoles en termes de revenu pour l'ouvrier spécialisé. De plus, l'emprunteur devrait pouvoir utiliser l'ouverture de crédit pour effectuer les versements en capital et intérêts sur tous ses prêts à terme. (17 heures)

Le document accompagnant le projet de loi prévoit également que le taux d'intérêt maximum admissible aux fins de la loi sera le taux de base plus 1 %. Il deviendra donc beaucoup moins intéressant pour les institutions prêteuses d'octroyer des prêts-ouverture de crédit à cette condition. Les grands perdants seront, évidemment, les agriculteurs, puisque certains se verront privés d'un outil indispensable.

Garanties. Il est clairement établi dans le texte du projet de loi qu'en plus d'exiger dans tous les cas des garanties de premier rang, ou prenant rang immédiatement après celles détenues par l'office, ce dernier peut prévoir, parmi les conditions du prêt mentionnées au certificat, que la garantie du prêt fasse l'objet d'un acte de fidéicommis. Si ce type de garantie, tel que nous le concevons, devait être largement utilisée, elle porterait, encore une fois, une sérieuse atteinte à la liberté d'action des emprunteurs. L'office se doit de définir précisément la portée de son acte de fidéicommis et ses intentions quant à l'application.

Nous croyons que l'office devrait faire appel à cette forme de garantie seulement lorsque, après analyse, le comité de réexamen le recommandera par décision unanime. Nous reviendrons, d'ailleurs, plus loin dans ce document sur notre vision du rôle de ce comité.

Subvention à l'intérêt et taux d'intérêt. Les modifications proposées relèvent d'une redistribution du portefeuille du MAPAQ en matière de subventionnement de l'agriculture et ce, en fonction des priorités de ce ministère et du gouvernement en général. Nous n'entrerons pas dans cette mécanique. Toutefois, il nous semble d'une équité élémentaire que les subventions soient accordées à tous les agriculteurs du Québec, sans égard aux institutions privées ou gouvernementales, provinciales ou fédérales, où ils auront décidé librement de faire affaire. Nous croyons effectivement qu'une collaboration acrrue entre les organismes de crédit provincial et fédéral serait très bénéfique pour la gent agricole.

En second lieu, relativement aux niveaux de subventionnement, nous désirons insister sur l'importance de bien analyser la qualité et la pertinence de la formation et de l'expérience du requérant. Il sera important de tenir réellement compte de ces facteurs autant dans la détermination des subventions que dans l'octroi des prêts.

Dans un troisième temps, concernant les taux d'intérêt, nous relevons, à l'article 49, que l'office peut établir un taux pondéré lorsque différents taux s'appliquent à plusieurs prêts. Nous concevons difficilement que l'office puisse décider d'une pondération des taux pour plusieurs prêts que les parties auront antérieurement contractés de gré à gré. Il nous apparaît qu'une telle pratique irait à l'encontre des règles financières reconnues.

Comité de réexamen. Nous souhaitons que le mandat du comité de réexamen inclue la possibilité pour le producteur de s'en prévaloir aux fins de réviser les conditions d'un prêt octroyé, par exemple, une prise de garanties jugée excessive et néfaste à une saine autonomie de l'entreprise. De plus - et c'est là une interrogation - le comité ne jouerait-il pas plus adéquatement son rôle si l'office était lié à ses recommandations et ce, lors de décisions unanimes des membres du comité?

Finalement, nous attirons l'attention sur l'article 119 du projet de loi pour rappeler que plusieurs technologistes peuvent répondre aux critères de sélection, avec toute la compétence voulue.

Autres mesures. Agriculture à temps partiel. Considérant la rentabilité marginale de plusieures productions (veau d'embouche, mouton, pour ne nommer que celles-là) considérant également les difficultés grandissantes de productions à expansion récente (les céréales) nous croyons essentiel que la nouvelle loi ouvre la possibilité d'emprunt aux agriculteurs qui doivent occuper un emploi à l'extérieur de l'entreprise pour en assurer la survie et ce, sans pénalité au subventionnement à l'intérêt. Nous nous interrogeons également sur la possibilité d'étendre cette politique aux dossiers d'établissement, c'est-à-dire dans les cas d'acquisition d'entreprise nécessitant l'apport de revenus extérieurs, conformément à la réalité économique de plusieurs productions au Québec. D'ailleurs, de telles politiques permettraient de solidifier la base fragile du dévelopement des productions énoncées précédemment.

Rentabilité: à ce chapitre, nous croyons qu'il y aurait lieu d'utiliser la notion de "capacité de remboursement adéquate" qui est beaucoup plus factuelle que la rentabilité, à des fins d'analyse et d'admissibilité.

Nous terminons ici nos réflexions relatives au projet de loi 46. Toutefois, à la fin de ce mémoire, nous sortirons du cadre du projet de loi en émettant des suggestions susceptibles d'améliorer l'administration du régime et de rencontrer, encore une fois, les besoins de la clientèle agricole, sachant à l'avance que notre lecteur ne nous en tiendra

pas rigueur.

Suggestions relatives à l'administration du régime. Un allégement administratif accru ne peut qu'être bénéfique pour l'ensemble de la clientèle agricole. À cet effet, l'article 115 du projet de loi 46 prévoit une possibilité de délégation de pouvoir décisionnel au personnel de l'office. Il est à espérer qu'on saura utiliser avantageusement cette option. Par exemple, la décentralisation des approbations de prêts vers les régions réduirait du même coup les délais, ce qui serait bien accueilli par la classe agricole. Une souplesse accrue dans les périodes de versements et le paiement des subventions à l'intérêt dans le cas des comptes en souffrance répondrait également aux besoins des agriculteurs québécois. Finalement, les prêts-ouverture de crédit seraient bonifiés par un allégement des procédures de déboursement.

Ce sont là quelques suggestions dont la mise en application peut se réaliser dans le cadre du rôle actuel de l'État dans le financement agricole et ne nécessite pas une intervention accrue de celui-ci.

L'Association des technologistes agro-alimentaires tient à remercier les membres de cette commission pour lui avoir donné l'occasion de s'exprimer sur un sujet aussi important. Les commentaires émis dans ce document résultent de notre perception de l'environnement financier inhérent à la production agricole. Nous profitons de l'occasion pour féliciter les autorités du ministère pour leur volonté d'améliorer davantage ledit régime en accueillant avec ouverture les opinions des organismes impliqués dans notre industrie agro-alimentaire. En terminant, nous réitérons nos remerciements et vous assurons notre entière collaboration.

Si M. le Président le permet et si j'en ai le temps, nous avions ajouté une petite annexe relativement au projet de loi 49. Est-ce que cela va?

Le Président (M. Richard): Prenez le temps, monsieur.

Une voix: Consentement.

M. Girard: Nous vous savons très disciplinés. On prend la peine de le demander.

Le Président (M. Richard): Merci, M. Girard.

M. Girard: Nous nous permettons, à la fin de ce document, de vous faire part de nos réflexions sur le projet de loi 49. Nous nous attarderons au contenu et à l'interprétation des articles 2 et 23 de ce projet, considérant que le coût de l'assurance est ce qui touche le plus directement l'emprunteur.

Le texte de ces articles ne nous apparaît pas suffisamment précis quant à la contribution des emprunteurs au fonds d'assurance, ainsi que quant aux mécanismes permettant d'éponger les déficits actuels et futurs du fonds.

La volonté de favoriser les jeunes agriculteurs, exprimée dans le projet de loi 46, notamment au chapitre des subventions à l'intérêt, ne doit pas être contrée par des cotisations dont les augmentations seraient hors de proportion. De plus, la responsabilité de combler le déficit accumulé ne doit pas être assumée seulement par les jeunes emprunteurs, ceux-ci étant souvent les plus vulnérables sur le plan financier.

Ce court commentaire constitue à la fois une demande d'explication et une mise en garde. Merci.

Le Président (M. Richard): Merci, M. Girard.

M. le ministre, à vous la parole.

M. Pagé: Merci, M. le Président. Je voudrais saluer l'Association des technologistes agro-alimentaires, son président, M. Girard, ses adjoints à l'exécutif. Si ma mémoire est fidèle, c'est une des premières fois que vous témoignez ici en commission parlementaire; alors, je vais vous souhaiter la bienvenue...

M. Girard: Merci.

M. Pagé: ...et vous indiquer que c'est avec beaucoup d'intérêt, évidemment, qu'on a pris connaissance de votre mémoire, de vos interrogations, des questions que vous vous posez ou des précisions que vous demandez.

On va commencer par la dernière, celle que vous demandez concernant le projet de loi 49 où vous dites, au troisième paragraphe, en annexe: "De plus, la responsabilité de combler le déficit accumulé ne doit pas être assumée seulement par les jeunes emprunteurs, ceux-ci étant souvent les plus vulnérables sur le plan financier." Je dois vous dire que la totalité du déficit accumulé du Fonds d'assurance-prêts agricoles et forestiers, soit les 90 000 000 $ qui ont dû être payés par le fonds pour couvrir des pertes entre 1978 et 1986, sera couverte non pas par les emprunteurs, non pas par une augmentation du taux de pourcentage d'assurance ou quoi que ce soit, mais payée entièrement et complètement par le gouvernement du Québec. C'est donc dire qu'au moment de l'adoption des projets de loi 46 et 49 nous allons défrayer entièrement le déficit sur une période de cinq ans; on va le prendre à notre propre charge. Et nous allons établir, à partir des études actuarielles que nous faisons présentement, le pourcentage d'assurance qui doit être exigé,

un peu comme lorsqu'on prend une assurance-hypothèque. Comme on le sait, une assurance-hypothèque, c'est généralement 1 % et c'est généralement pour toute la durée de l'hypothèque.

Ce que j'ai indiqué par le projet de loi 49, c'est une contribution sur une période de cinq ans. Remarquez que j'ai été assez honnête et assez ouvert pour présenter ce projet de loi en même temps que le projet de loi 46, sachant qu'on pouvait prêter flanc à la critique. On a été assez honnête pour dire que cela pourrait aller jusqu'à 500 $ par année pendant cinq ans. Certains ont vite sauté aux conclusions en disant: Cela va coûter 500 $ par année aux jeunes agriculteurs; cela va coûter 2500 $ sur cinq ans; vous allez reprendre, par le projet de loi 49, ce que vous donnez par le projet de loi 46 et ce sont les jeunes qui vont devoir couvrir les déficits antérieurs.

Je veux être très clair. Premièrement, il n'est pas question que les déficits accumulés soient couverts par les futurs emprunteurs; c'est en totalité notre gouvernement, via le Trésor, qui va les assumer. Deuxièmement, il y aura un régime d'assurance qu'on veut davantage garant de couvrir des pertes éventuelles, en espérant qu'on ait à recourir le moins possible à ce fonds d'assurance. Troisièmement, le taux exact sera établi lorsque les conclusions ou les recommandations des études actuarielles qui ont présentement cours me seront formulées. Voilà pour le projet de loi 49.

Pour ce qui est du projet de loi 46, à la page 6 de votre mémoire, vous indiquez certaines réserves à l'égard de l'approche globale et, à la fin du premier paragraphe de l'approche globale, vous dites: "II n'y aura donc plus possibilité d'obtenir des crédits aussi rapidement via des prêts consentis sous la nouvelle loi." Notre intention et l'intention des législateurs qu'on doit retrouver dans ce projet de loi qu'on étudie est la suivante. On veut que, dans un premier temps, soit faite une analyse des besoins financiers de l'emprunteur pour l'entreprise qu'il a ou qu'il projette d'acheter. Nous voulons que celui-ci soit conseillé le mieux possible par les gens de l'office, par des professionnels de l'extérieur, etc. On veut établir ensemble les perspectives de développement et de besoins financiers futurs requis pour le développement de cette entreprise.

Pour nous, c'est un aspect positif important. Plutôt que de dire à un emprunteur: Monsieur, madame, vous nous demandez, par exemple, 100 000 $, on vous prête 100 000 $ et que cette même entreprise, ce même couple soit obligé de venir cogner à notre porte 18 mois plus tard pour nous dire: Vous savez, on aurait une occasion d'agrandir notre terre, on aurait une occasion d'augmenter le quota, on aurait une occasion d'améliorer notre cheptel, on aurait des équipements à rénover, etc., et de devoir recommencer, à ce moment-là, avec le conseiller dans la région, une analyse au bureau régional peut-être, un dossier traité à l'office, avec les délais que cela implique, nous croyons que, via l'approche globale, nous pourrons dire à une entreprise: Écoutez, votre entreprise, c'est cela; vos besoins financiers actuels prévisibles à long terme, sont ceux-là à court et à moyen termes sont ceux-là, etc., avec un crédit à court terme de X. Nous croyons, sans nous imposer, sans qu'il y ait d'engagement écrit à réaliser un tel investissement un an, deux ans, trois ans ou quatre ans après, que le plan d'action de votre entreprise, son développement devra conduire à un autre investissement dans trois ans. Le crédit nécessaire à cet investissement sera préautorisé. Cela veut donc dire que toute la procédure ne devra pas être amorcée de nouveau. (17 h 15)

Un peu plus loin, si ce n'est dans la même page, vous parlez de l'obligation de décentraliser. Je l'ai indiqué hier: Une fois que le crédit, selon l'approche globale, aura été traité et que le dossier des requérants aura été analysé, lorsque la phase additionnelle, la deuxième phase de crédit à obtenir, arrivera, il suffira pour ces gens-là d'aller voir leur bureau local ou régional et le crédit sera obtenu, ce qui, selon nous, simplifiera les procédures, ce qui, selon nous, va ramener davantage de décisions au niveau des régions. Une de vos inquiétudes, c'était l'émission d'un seul certificat. J'ai indiqué hier que l'emprunteur pourrait obtenir plus d'un certificat. Cela veut donc dire que c'est facultatif et on reconnaît le droit fondamental pour l'emprunteur d'aller chercher du financement dans une institution financière et, au besoin, un autre type de financement dans une autre institution financière. Alors, je voudrais vous sécuriser à cet égard-là.

Une question. Vous référez, à la page 9 de votre mémoire, à une notion de "capacité de remboursement adéquate". C'est intéressant parce que ça réfère à des règles qui obéissent au principe: on en donne selon ce qu'on en a. Mais comment concilier cette notion que vous développez à la page 9, de nous baser sur la capacité de remboursement adéquate par rapport aux critères qui sont élaborés à l'article 13 du projet de loi 46 où nous, on réfère à un concept de rentabilité?

M. Girard: Pour moi, M. le ministre, c'est une question de lexique.

M. Pagé: C'est la même chose.

M. Girard: La rentabilité en agriculture; pour moi, quand je pense au mot "rentabilité", il est le même dans tous les secteurs de l'économie. Des retours sur le

capital, il ne faut pas se leurrer. J'ai une certaine expérience dans le crédit, vous le savez.

M. Pagé: Ah, vous n'êtes pas allé à une mauvaise école, vous savez.

M. Girard: C'est une école comme d'autres. La première fois que j'ai prononcé ce mot-là devant un copain qui valait beaucoup plus que moi, il a pouffé de rire. On n'utilise pas le mot rentabilité, je pense, en agriculture. Si on pense à un retour sur le capital, on a un choix d'investissements; c'est dans ce sens-là qu'on l'a mis, tout simplement.

M. Pagé: D'accord.

M. Girard: C'est dans un sens de lexique pur et simple.

M. Pagé: D'accord.

M. Girard: D'ailleurs, je remarquais qu'à la fin de notre document révisé on l'avait nous-mêmes utilisé en en-tête à la page 9. C'est une habitude ancrée dans le système de parler de rentabilité, mais il ne faut pas se conter de peurs. Je pense qu'on va parler dorénavant de "capacité de remboursement adéquate". Autrement, on pourrait en faire accroire à des gens qui viendraient d'en dehors du système et qui s'imagineraient avoir des retours sur leur capital.

M. Pagé: On pourrait en discuter longtemps. Parce que, pour un investisseur privé, je suis persuadé qu'un rendement sur le capital de 2 % ou 3 %, ce n'est pas du tout, mais pas du tout intéressant. Cependant, il faut quand même convenir qu'en agriculture, il faut travailler fort, il faut être multidisciplinaire, il faut être multiprofessionnel. Les agriculteurs, les agricultrices sont toujours à la merci d'une grêle, d'une mauvaise température. C'est souventefois, dans certaines productions, du travail sept jours par semaine. Ce sont vraiment des entreprises où tout le monde est mis à contribution. Ce n'est pas facile. C'est dur. C'est noble. Comme je le disais souvent aux jeunes, le jeune qui va s'en aller en agriculture aujourd'hui ou qui était en agriculture hier, il va travailler fort avec des vacances ou des congés moins fréquents que celui qui va travailler à l'usine de pâtes et papiers, sauf qu'à 55 ans ils n'ont généralement pas le même fonds de pension, par exemple. Cela, c'est avantageux aussi.

M. Girard: C'est un choix de vie.

M. Pagé: Aux pages 6 et 7, j'aimerais que vous me fournissiez des explications quand vous référez à l'ouverture de crédit. À la page 7, vous dites, au deuxième paragraphe: "Le document accompagnant le projet de loi prévoit également que le taux d'intérêt maximum admissible aux fins de la loi sera le taux de base plus 1 %. Il deviendra donc beaucoup moins intéressant pour les institutions prêteuses d'octroyer des prêts-ouverture de crédit à cette condition. Les grands perdants seront, évidemment, les agriculteurs, puisque certains se verront privés d'un outil indispensable." Je vous le dis comme je l'ai pensé en le lisant: Je ne vous suis pas.

M. Girard: D'accord.

M. Pagé: Pourriez-vous m'expliquer ça?

M. Girard: Oui. D'abord, pour compléter, dans le même ordre d'idées, en fait, au moment où nous avons écrit ce mémoire, entre autres la fin de la page 6, nous n'avions pas le projet de règlement entre les mains. Nous constatons au projet de règlement qu'effectivement on va prévoir un coût de la vie jusqu'à 20 000 $, d'après l'expertise...

M. Pagé: Oui.

M. Girard: ...des conseillers de l'office. À ce moment-là, je pense que cela rencontre nos...

M. Pagé: Vos inquétudes.

M. Girard: ...inquiétudes à ce chapitre. En ce qui concerne le deuxième point, qui était l'utilisation des ouvertures de crédit pour les versements en capital et intérêt "sur ces prêts à terme", j'ai rajouté, lorsque je l'ai lu, "tous ces prêts à terme", car le projet de règlement spécifie que l'ouverture n'est possible que pour effectuer les versements des prêts consentis par l'office. Alors, il se peut bien que, dans le cours de l'année, l'agriculteur ait des paiements de tracteur avec des compagnies de finance ou tout autre créancier; je me dis que l'ouverture de crédit se doit d'être complète, ouvrons-la pour l'ensemble des créances de l'agriculteur.

T + 1 %. En fait, on dit "le document" parce qu'à ce moment-là nous n'avions pas le projet de règlement.

M. Pagé: D'accord.

M. Girard: Nous n'avons pas produit d'annexé, on s'est fié à ce qui était annexé au premier document reçu, à l'avant-projet de loi. Pourquoi est-ce moins intéressant? On sait très bien que l'institution prêteuse a, en fait, deux choix. Elle peut elle-même octroyer une marge de crédit ou encore l'ouverture de crédit telle qu'administrée par

l'office dans le cadre de ce projet de loi. On sait que l'ouverture de crédit nécessite, est accompagnée, en tout cas, dans le texte de règlement, d'un certain nombre de procédures. C'est beaucoup plus, pour parler franc, de paperasse, de contrôles, de pièces justificatives qu'une marge de crédit conventionnelle.

Si les institution se voient limitées dans le taux d'intérêt maximum et si, en plus, il y a un risque additionnel, à ce moment-là, elles n'en octroieront tout simplement pas. Notre agriculteur ne sera pas plus avancé. C'est certain que, pour lui, c'est intéressant de l'avoir à T - 0,5 %, si l'institution veut lui faire un cadeau. Son premier besoin, c'est une ouverture de crédit; cela est un besoin clairement démontré par un budget de trésorerie. Le deuxième, c'est aux meilleures conditions, on s'entend là-dessus. Si les conditions que le législateur veut imposer aux institutions financières ne concordent pas avec leurs critères internes, compte tenu de l'administration du dossier, des risques qu'il peut y avoir, elles n'en octroieront pas. L'agriculteur, je le répète, ne sera pas plus avancé.

C'est dans ce sens que nous l'avons mentionné, M. le ministre. Mon collègue de gauche, M. Sylvestre, aimerait ajouter à ma réponse.

M. Sylvestre (Daniel): Dans le passé, nous avons remarqué, à plusieurs reprises, que les institutions prêteuses, qui pouvaient prêter à des taux de base plus un certain pourcentage déjà fixé par une loi, ajoutaient des soldes compensatoires pour, justement, aller chercher un taux d'intérêt un petit peu plus élevé. Tout ce que cela a amené dans la pratique, c'est que l'agriculteur n'était plus en position d'évaluer exactement le taux qu'il payait. Alors, il n'était plus en position de magasiner d'un prêteur à l'autre, à savoir si, effectivement, il payait le taux de base plus 1 % ou s'il payait le taux de base plus 2 % ou plus 2,5 % ou plus 3 %. Ce qu'on remarque chez les prêteurs, c'est que le fardeau d'administrer une telle ouverture de crédit leur demande un taux de base plus un certain pourcentage, dépendant de la difficulté du dossier.

Ce qu'on pense, c'est que, dans une libre concurrence, les agriculteurs sont assez adultes pour négocier eux-mêmes le taux le plus avantageux qu'ils peuvent obtenir auprès des institutions prêteuses. Il ne faut pas obliger ces financiers à utiliser des moyens qui feraient que l'agriculteur ne peut plus percevoir le taux réel qu'il paie d'intérêt sur sa marge de crédit. Il faut qu'il soit conscient du taux réel, c'est plus 1 % ou plus 2 % ou plus 3 %, mais qu'il le sache au départ, qu'il ne soit pas obligé de faire un calcul chinois que même un évaluateur agréé est quasiment incapable de faire pour arriver au taux réel. C'est pour cela que ce qu'on vous suggère, c'est un taux concurrentiel. On sait très bien que les gens d'affaires, lorsqu'ils négocient une marge de crédit, ils négocient la marge de crédit la plus avantageuse chez le prêteur qui les avantage le mieux. Je pense que les agriculteurs sont capables de faire pareil.

M. Pagé: M. le président de l'Office du crédit agricole aurait certaines statistiques à donner, si vous le permettez, concernant les taux effectivement payés. C'est assez intéressant, vous allez voir.

Le Président (M. Richard): Alors, M. Moreau.

M. Moreau (Camille): Merci, M. le Président. Évidemment, je veux simplement préciser que ce qui avait été suggéré, 1 %, ne visait pas à empêcher la concurrence comme telle. C'est un plafond à l'intérieur duquel, bien sûr, pour éviter des abus, la concurrence, comme vous allez le voir par les statistiques, est tout à fait ouverte. Il y a un postulat, quand même. Si on parle de "prime rate" plus 1 ou de taux préférentiel plus 1, vous n'ignorez pas que le taux préférentiel, par définition, est le taux appliqué au meilleur client. Vous êtes en face d'un crédit dont l'expertise est complètement assumée par le gouvernement et vous êtes en face d'un crédit assuré à 100 % contre les pertes. Alors, le meilleur client, un taux préférentiel avec un type de crédit de cette nature.

Qu'on propose un plafond, vous allez voir que c'est peut-être valable de le faire, mais ce qui est intéressant, c'est qu'à "prime rate" plus 1/2 il y a 20 % des prêteurs qui actuellement prêtent, consentent des marges de crédit. Il y a 63,5 % des prêteurs qui consentent des marges de crédit présentement. J'entends le cumulatif des prêteurs: banques, caisses et tous les types de prêteurs, la moyenne est 63,5 % qui consentent des marges de crédit à "prime rate" plus 1. Cela veut dire qu'ils respectent déjà le plafond qu'on propose. Il y a même des prêteurs qui le respectent - je ne voudrais pas donner de noms autour de la table ici - jusqu'à 93,7 % "prime rate" plus 1. Par contre, nous en avons qui sont au "prime rate" taux de base plus 2. Nous en avons un certain nombre à taux de base plus au-delà de 2. Certains agriculteurs se plaignent à ce moment.

Vous parlez de concurrence mais, dans certaines régions, on sait que, pour toutes sortes de facteurs, vous avez pratiquement un marché captif. Cela peut être l'expérience passée dans le dossier, cela peut être purement géographique, cela peut être pour une question de distance, de sorte qu'on a beau parler de concurrence dans le

concept, en pratique l'agriculteur ne peut pas s'en prévaloir. Avec le résultat que certains prêteurs - je ne veux nommer aucune institution ici encore - ont tendance à appuyer fort sur le crayon.

Nous, à l'instar de ce qui a toujours existé sur le long terme et le moyen terme, nous suggérions de procéder à l'établissement d'un plafond à ce niveau aussi, d'autant plus que, dans les faits, à 63,5 %, c'est respecté. Chez certaines institutions, comme je vous le mentionnais, on parle de 93,7 %, 88,4 %, et 70,2 %. Cela veut dire que, dans plusieurs institutions, d'ores et déjà il y a une espèce de volonté de respecter ce plafond. Je dois vous dire que le 1 % avait été établi -c'était un "gentlemen's agreement", il n'a jamais été écrit - lors des discussions que nous avions eues dans les années antérieures avec les prêteurs. Cela veut dire que la plupart des prêteurs, dans la majorité des cas, respectent le "gentlemen's agreement" qui avait été convenu.

Alors, je vous donne cela comme éclairage. Qu'est-ce qui sera retenu? Je n'en sais rien, mais je veux simplement vous mentionner le postulat sur lequel on s'est établi pour faire une telle proposition. Je vous remercie, M. le Président. (17 h 30)

Le Président (M. Richard): Merci, M. Moreau.

M. Henri-Goyette (Michel): Je suis tout à fait d'accord avec vous, M. Moreau. L'esprit dans lequel on a amené cela, c'était surtout pour les marges de crédit de montants inférieurs, disons, peut-être à 50 000 $. Sur une marge de 100 000 $ ou de 200 000 $, au taux de base plus 1, c'est effectivement rentable pour une institution financière, quoique moins rentable qu'une marge de crédit ordinaire si on compte l'administration supplémentaire qu'exige la LCPA. Pour une marge de crédit de 25 000 $, au "prime" plus 1, ce n'est pas intéressant pour un prêteur de s'aventurer là-dedans. Il va préférer aller sur une marge de crédit ordinaire s'il considère que le producteur agricole est capable de supporter cela ou il va, tout simplement, refuser la marge de crédit. C'est ce qu'on dit quand on dit que le producteur sera le perdant.

Le Président (M. Richard): Cela va, M. Goyette? M. le porte-parole de l'Opposition.

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Je sais que le ministre a enchaîné rapidement après son intervention sur le projet de loi 49, ce qui ne nous a pas permis de savoir s'il était d'accord ou non. Je vais, quand même, y revenir parce que j'ai remarqué qu'entre le premier mémoire et celui que vous nous avez lu tout à l'heure il y avait une différence qui est, quand même, importante. La première des choses, je peux bien prendre les paroles du ministre et dire qu'effectivement le déficit passé sera épongé complètement par le gouvernement. On verra lors de la présentation du projet de loi quels seront les points définitifs. Il reste, et c'est là ma question, qu'on dit au sujet du projet de loi 46: notamment au chapitre des subventions à l'intérêt, ne doit pas être contrée par des cotisations dont l'augmentation serait hors de proportion." Là, je pense que vous faites allusion au déficit potentiel, futur du fonds; autrement dit, à l'étude actuarielle qu'on est en train de faire. Le ministre nous dit qu'il garantit que ce sera 500 $ par individu pendant cinq ans, ce qui fait 2500 $; d'autres parlent possiblement de 1000 $. On n'aura pas de réponse tant que le projet de loi ne sera pas là avec toutes les études appropriées.

Une chose est certaine, nous prétendons que, d'une part, on bonifie l'aide à la relève agricole dans le projet de loi 46, mais que, d'un autre côté, dans le projet de loi 49, on vient en chercher une partie. C'est dans ce sens-là que les gens disent: On donne d'une main et on l'enlève de l'autre.

Je voudrais avoir vos commentaires par rapport au moins à une partie qui semble sûre, celle de ne pas combler le déficit passé par une augmentation des cotisations. Mais une chose est certaine, c'est qu'il y aura augmentation ou cotisation différente par rapport aux lois actuelles.

M. Girard: II y a deux points dans votre question ou votre approche, M. le député de Laviolette. Premièrement, le commentaire qu'on a fait là, c'était principalement en regard des jeunes. On voulait clairement noter que les futurs emprunteurs, ce sont les jeunes, ceux qui s'établissent et qu'il y avait lieu d'être prudent vis-à-vis des cotisations. Effectivement, si l'agriculture vivait des heures de plus en plus difficiles dans les cinq ou dix prochaines années, si on voulait ajuster les cotisations sur le plan actuariel en regard des possibilités de déficit, cela pourrait être dangereux. On l'a souligné dans ce sens-là. En fait, on a clairement établi notre position à la section "subvention à l'intérêt et taux d'intérêt." Toute cette question du subventionnement, si vous l'avez remarqué, on n'en a pas parlé parce que, pour moi, le gouvernement du Québec a un budget global réparti entre les ministères et le ministère, en l'occurrence, le ministre voit à la répartition. Je me dis: II est évident que, si une forte crise survenait, il pourrait être tenté d'augmenter fortement les cotisations, mais, d'autre part, ces gens-là sont là pour se défendre. Je ne voudrais pas aller tellement plus loin là-dedans parce que c'est une question de budget global. Il est certain qu'on a été porté, comme tout le monde, à

faire la mise en garde. On n'est pas les premiers qui l'ont faite parce qu'on côtoie des gens du milieu syndical. On sait qu'ils ont bondi plus vite, ils n'ont pas attendu la commission parlementaire pour vous en parler, j'en suis sûr, mais, en fait, on l'a amené dans le même sens, comme mise en garde.

M. Jolivet: À la page 7, vous parlez de garanties. Une question est revenue de la part de banques, de la caisse d'établissement et d'autres personnes. J'aimerais vous entendre nous dire si vous avez une position quant à la possibilité d'utiliser le quota comme garantie.

M. Girard: Ah! C'est un point très litigieux. En fait, on est conscient, d'une part, que les prêteurs veulent un lien de plus en plus net sur le quota en raison de sa forte augmentation. D'autre part, la valeur des fermes n'a pas suivi. À ce moment-là, l'accroissement de la valeur du quota a eu également comme conséquence une diminution de la valeur des bâtisses ou d'autres actifs. Cette valeur du quota croissant, c'est évident que le prêteur veut avoir un lien de plus en plus net, si vous me permettez cette expression.

D'autre part, on connaît la position des producteurs par la voie de l'union. Quant à nous, sur ce point, il est souhaitable qu'il y ait un lien plus clair, à la satisfaction des prêteurs et acceptable par les producteurs. C'est une question de négociation entre eux, on ne viendra pas trancher ce débat parce qu'on a bel et bien basé notre document sur le producteur et son environnement financier. C'est sûr que, sur ce point, cela demande négociation, cela demande entente.

M. Jolivet: Un commentaire. À la page 8, vous parlez du comité de réexamen. Je suis d'accord avec vous sur le fait qu'il devrait y avoir une décision exécutoire plutôt qu'une simple consultation où un pouvoir moral. Vous dites: "De plus, le comité ne jouerait-il pas plus adéquatement son rôle si l'office était lié à ses recommandations et ce, lors de décisions unanimes des membres du comité?" Je vous livre un commentaire. Je suis d'accord avec votre question et votre position. D'un autre côté, vous dites qu'il y a plusieurs technologistes qui peuvent répondre aux critères de sélection. Dans la mesure où on a vu hier que la commission de révision fédérale, à la société, était composée exclusivement de gens du milieu agricole, est-ce que vous croyez que ce comité de réexamen, au Québec, devrait être formé de gens qui sont du milieu agricole et non pas d'autres milieux?

M. Girard: Quand vous dites du milieu agricole, vous voulez dire des agriculteurs?

M. Jolivet: Oui.

M. Girard: Cela pourrait être une composition mixte.

M. Jolivet: Donc, vous verriez une composition mixte.

M. Girard: Cela ferait un groupe plus riche, à mon point de vue. Maintenant, ce n'est pas une proposition qu'on fait, c'est vraiment une interrogation. Peut-être que, sur le plan juridique, on ne peut pas confier l'approbation d'un prêt, d'un crédit à un comité. C'est pour cela que nous avons laissé une interrogation.

M. Jolivet: Sauf que la Société du crédit agricole, au Canada, disait que, pour que quelqu'un remette en question au niveau local la décision qui a été rendue par le comité, il fallait qu'il refile l'ensemble du dossier au niveau national et, à ce moment-là, 88 % des cas étaient réglés de façon quasiment exécutoire. La recommandation avait plus que force morale, elle avait presque force d'action.

Vous faites mention, à la page 9, d'agriculture à temps partiel. Je dois dire qu'effectivement j'ai eu l'occasion, dans un secteur près d'Aylmer, à Luckesville, de rencontrer des gens qui sont, justement, des agriculteurs à temps partiel. Je partage vos interrogations là-dessus. Par rapport à ce que vous dites: "Nous croyons essentiel que la nouvelle loi ouvre la possibilité d'emprunt aux agriculteurs qui doivent occuper un emploi à l'extérieur", est-ce que vous croyez que ce qui existe actuellement n'est pas suffisant et que, en conséquence, vous voudriez ouvrir l'ensemble de l'aide agricole à ces gens?

M. Girard: Les quatre premières lignes de ce paragraphe, dans mon esprit, réfèrent, entre autres, à ce qui se passe dans la production des céréales. Il y a beaucoup d'agriculteurs qui vont vivre des heures pénibles dans les 24 prochains mois si cela ne se prolonge pas. Je pense qu'un bon conseiller en financement sera le premier à recommander à ces gens de combler le manque à gagner par des revenus extérieurs.

Dans certains cas - on connaît la production des céréales, ce n'est pas accaparant sur la ferme comme d'autres productions - c'est évident qu'un travail à temps plein viendrait à l'encontre de la • définition de l'agriculteur admissible, mais le type peut facilement être agriculteur à temps plein. À ce moment-là, il contreviendra à l'admissibilité. Si on lui fait perdre sa subvention parce qu'il n'est plus admissible. C'est là qu'on dit: Pensons immédiatement à ouvrir l'aide. Pour moi, ce n'est pas subventionner les "gentlemen-

farmers", c'est vraiment adapter la politique d'aide à la situation précise dans une production. C'est le sens de l'intervention que nous faisons ici.

Nous complétons le paragraphe par une interrogation dans les cas d'établissement. J'aime fonctionner par des exemples. Je suis un type de champ. Je vis dans le champ tous les jours. Je recule de sept ou huit ans alors qu'on a adopté une politique - je ne la critique pas, c'est un portrait que je tiens à démontrer - de développement de la production. On l'a établie sur des modèles et ce sont les mêmes modèles pour l'ensemble des productions. On a voulu établir des gens dans la production vache-veau de la même façon, avec les mêmes lois de crédit que dans la production du lait ou dans la production du porc, des productions, à ce moment, qui étaient plus rentables.

On constate aujourd'hui qu'on a à peu près le même volume de production et effectivement on a fait accroire - c'est mon opinion bien personnelle - qu'on pourrait rentabiliser des entreprises à 80, 100 vaches-veaux ou des parquets d'engraissement de 400, 500 têtes et on s'est aperçu qu'on n'avait pas beaucoup d'expertise et on ne s'est pas laissé de marge de manoeuvre, mais il n'y en avait pas.

Je ne critique pas les politiques, je sais que c'est un autre gouvernement qui était là. Mais on doit, quand même, se servir de cette expérience pour dire: Ce n'est pas un moule, l'agriculture et on ne devrait pas à ce moment se dire: Bien, dans le vache-veau, si on veut en faire... À ce moment, c'est un concept aussi de production. Cela dépend de la façon dont le gouvernement et les intervenants du milieu voient effectivement la production, c'est une question de nouveau concept. Je me dis: Pourquoi n'a-t-on pas, à ce moment-là, tenté de garder des entreprises de 40, 50 vaches-veaux et accepté que le gars gagne 10 000 $ ou 15 000 $ à l'extérieur, puis ne pas se fatiguer avec le temps partiel et le temps plein, parce que cela ne convenait pas. Des parquets d'engraissement de 200 têtes, on en aurait encore. Là, ils sont tous vides, il reste juste les carcasses des parcs.

Je me dis: C'est vraiment un nouveau concept. Ce n'est pas ici qu'on va décider de cela. D'ailleurs, en terminant la révision hier soir, je me disais: Ce serait probablement une excellente étude que nous pourrions proposer au nouveau comité d'économie et de gestion agricole du Québec que le ministère a mis sur pied récemment. C'est un point qui pourrait être intéressant à regarder. C'est sûr que cela réfère à la façon dont l'État, le gouvernement actuel voit le développement de la production. Le son de cloche n'est pas comme il a déjà été. Je me dis: C'est sûr que cela y réfère.

Tout le projet de loi parle des productions comme si elles étaient toutes pareilles. C'est bien de valeur, tu as des productions qui sont très particulières et qu'on ne pourra jamais développer comme d'autres productions. Or, je me dis: Dans l'avenir, si on veut en développer, il faudra adapter les politiques de crédit également et revoir les philosophies d'agriculture à temps partiel et à temps plein.

M. Jolivet: En tout cas, je prends votre opinion comme étant quelque chose qu'il vaut la peine d'explorer, ayant eu des représentations dans ce sens. Dans la mesure où il y a une évolution assez rapide -plusieurs d'entre vous parlaient aujourd'hui du libre-échange - il faut déjà prévoir de quelle façon cela va évoluer dans l'avenir.

Je vous remercie beaucoup. On aura peut-être juste un petit mot de la fin.

M. Pagé: Merci beaucoup, M. Girard...

Le Président (M. Richard): Nous vous remercions, messieurs, d'avoir présenté...

M. Pagé: ...et les membres de votre équipe. J'apprécie beaucoup vos derniers commentaires. Évidemment, j'avais presque envie de vous donner mon consentement pour que vous en ajoutiez.

M. Jolivet: Pour continuer? M. Pagé: Merci beaucoup.

Le Président (M. Richard): Un grand merci. Nous ajournons donc...

M. Jolivet: M. le Président, j'aurais juste un mot à dire, compte tenu...

Le Président (M. Richard): Excusez-moi. J'efface le dernier mot. Vous avez la parole, M. le député.

M. Jolivet: C'est cela. En fait, on s'est aperçu, lors de ces deux jours...

M. Pagé: L'avant-dernier mot.

M. Jolivet: C'est cela parce que le ministre a toujours le dernier mot dans les commissions parlementaires.

M. Pagé: Et au-delà, parfois. M. Jolivet: J'espère que non.

Le Président (M. Richard): Vous avez été pertinents durant deux jours, messieurs, si vous voulez continuer.

M. Pagé: On a été tranquilles pendant deux jours; on pourrait bien se crêper le chignon un peu. Il en a moins que moi, de

toute façon.

M. Jolivet: D'une façon ou d'une autre, ce que je voulais dire, M. le Président, c'est que, pendant deux jours, nous avons eu l'occasion d'entendre beaucoup de mémoires des gens qui sont venus faire ici des suggestions intéressantes. D'un autre côté, le ministre s'est engagé à apporter certaines bonifications à la fois au règlement et au projet de loi. Je suis assuré que le ministre en prendra avis pour corriger le projet de loi.

De notre côté, notre travail consistera à s'assurer que les engagements qu'il a pris seront respectés lors de la présentation du projet de loi en deuxième lecture, comme on l'appelle, mais qui est, en fait, l'étude du principe. Nous aurons l'occasion, lors de cette étude, de faire aussi quelques suggestions au ministre qui pourront devenir possiblement des amendements au projet de loi lors de l'étude article par article.

Le Président (M. Richard): Merci. Bon voyage de retour pour les gens qui sont à l'extérieur de la capitale.

M. le ministre, vous avez un mot de la fin?

M. Pagé: Vous voulez m'enlever mon dernier mot, là; Je voudrais, évidemment, remercier celles et ceux qui se sont déplacés pour venir nous faire part de leurs commentaires ici en commission parlementaire. Tel que je l'ai indiqué, et c'est le cas, nous nous sommes présentés ici avec beaucoup d'ouverture d'esprit, beaucoup de réceptivité à l'égard des propositions qui vont dans le sens de nos orientations, de nos choix de priorités. Il est très certain que des modifications seront apportées soit à la réglementation ou au projet de loi si nécessaire.

Nous repartons avec plusieurs recommandations à l'égard desquelles on a fait de petits "x" et je suis persuadé qu'au moment du débat en deuxième lecture, qui pourra très probablement survenir le 2 ou le 3 novembre au matin, plusieurs des groupes qui se sont présentés ici se retrouveront dans les modifications qui auront été apportées.

Je voudrais réitérer mes remerciements à mes collègues, notamment de la majorité, qui ont eu l'occasion de s'associer pleinement et entièrement à l'élaboration de ce projet de loi, tant par des visites dans les régions qu'auprès de leurs clientèles respectives dans leur milieu et dans différents milieux agricoles. Aussi, je voudrais remercier très sincèrement l'équipe de l'Office du crédit agricole qui m'a été d'un secours et d'un appui constants dans l'ensemble de cette démarche, et son président, M. Moreau. Merci, messieurs.

Le Président (M. Richard): Merci. Puisque notre mandat est terminé, nous ajournons donc nos travaux sine die.

(Fin de la séance à 17 h 47)

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