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Version finale

32nd Legislature, 3rd Session
(November 9, 1981 au March 10, 1983)

Wednesday, October 27, 1982 - Vol. 26 N° 187

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et d'organismes au sujet des terres expropriées en trop de Mirabel


Journal des débats

 

(Dix heures dix-neuf minutes)

Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation reprend ses travaux, ce matin, aux fins d'entendre les personnes et les organismes sur la question des terres expropriées en trop de Mirabel.

Les membres de la commission sont: M. Baril (Arthabaska), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Beauséjour (Iberville), M. Dubois (Huntingdon), M. Dupré (Saint-Hyacinthe), M. Gagnon (Champlain), M. Garon (Lévis), M. Houde (Berthier), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Mathieu (Beauce-Sud), M. Picotte (Maskinongé).

Peuvent aussi intervenir: M. Blouin (Rousseau), M. Boucher (Rivière-du-Loup), M. Dean (Prévost), M. Lachance (Bellechasse), M. Fallu (Groulx), M. Lévesque (Bonaventure), M. Mailloux (Charlevoix), M. Vaillancourt (Orford), M. Vallières (Richmond).

Le rapporteur de la commission a été désigné hier. Il s'agit du député de Saint-Hyacinthe.

L'ordre des intervenants sera le suivant: la ville de Mirabel, la Fédération de l'UPA des Laurentides, la Société nationale des Québécois, région des Laurentides, M. Réal Paquette, M. Jacques Desrosiers, Mme Berthe Lorrain et M. Pierre Lorrain, M. Euclide Proulx, Mme Rita Clermont et l'évêché de Saint-Jérôme.

M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: J'espère que je ne vous interromps pas dans les annonces que vous faisiez.

Le Président (M. Rochefort): Non. J'avais terminé.

M. Ryan: Tout d'abord, je voudrais confirmer que, ce matin, je suis toujours le porte-parole de l'Opposition pour les séances de la commission sur Mirabel. M. Albert Houde m'accompagne. M. Mathieu est absent parce qu'il assiste à un congrès de l'UPA dans son comté et il est remplacé, comme membre de la commission, ce matin, par M. Paradis. M. Vallières sera également - je pense qu'on l'avait annoncé hier - membre de la commission.

Le Président (M. Rochefort): C'est fort possible. Je n'ai pas la liste d'hier.

M. Ryan: En tout cas, le reste, c'est comme hier. Est-ce que cela va? Il y a un autre point que je voudrais clarifier.

Le Président (M. Rochefort): Juste une seconde, M. le député d'Argenteuil. Hier, qui remplaciez-vous, de façon à être inscrit? Quand je dis que vous remplaciez, c'est dans l'ordre habituel des membres de la commission, évidemment.

M. Ryan: J'ai cela dans ma serviette, mais elle est tellement épaisse que j'ai les bras fatigués ce matin.

Une voix: C'était M. Dubois, je pense. M. Ryan: C'est M. Dubois.

M. Garon: Vous êtes un homme infatigable.

M. Ryan: C'est faux, comme bien d'autres choses qui circulent à mon sujet.

Des voix: Ah!

Le Président (M. Rochefort): Pour les fins du journal des Débats, M. Ryan (Argenteuil) remplace M. Dubois (Huntingdon), à titre de membre de la commission, et M. Paradis (Brome-Missisquoi) remplace M. Mathieu (Beauce-Sud), à titre de membre de la commission.

M. Ryan: C'est cela. J'aurais un autre point à soulever, si vous me le permettez.

Le Président (M. Rochefort): Oui, allez- y!

M. Ryan: Hier, un incident s'est présenté et je crois que c'est le député de Groulx qui a demandé que vous statuiez sur un document qui avait été distribué pendant ou avant la séance d'hier soir. Je ne sais pas si vous avez quelque chose à nous communiquer là-dessus ce matin.

Le Président (M. Rochefort) Oui, effectivement, hier, au cours de la séance de l'après-midi ou de la soirée, le député de Groulx m'avait demandé une information sur

la distribution du document qui provenait de la Chambre de commerce de Mirabel, qui avait été faite au cours des travaux de notre commission. Sur cette question, je n'ai pas mes documents avec moi ce matin, mais je crois que c'est le président ou un membre de la chambre de commerce qui m'a fait parvenir une lettre personnelle à titre de président de la commission, avec 50 copies d'une lettre qu'il voulait voir distribuer aux membres de la commission. J'ai fait distribuer cette lettre aux membres de la commission par le secrétariat des commissions. C'est une procédure habituelle en commission parlementaire. Il ne s'agit d'aucune façon d'un mémoire déposé à notre commission parlementaire, mais d'un document qui m'a été transmis pour que je le transmette par la suite aux membres de la commission pour qu'ils en fassent ce qu'ils souhaiteront en faire. Rien de plus et rien de moins.

M. Ryan: Est-ce que je sortirais des bornes si j'émettais le voeu que nous invitions cet organisme à se présenter devant nous au mois de novembre?

Le Président (M. Rochefort) Une commission est maîtresse de ses travaux. Il y a des dispositions dans notre règlement qui permettent à une commission de demander à quelqu'un de venir témoigner en commission. C'est un voeu que vous émettez, vous cherchez un consensus ou vous voulez en faire une motion formelle?

M. Ryan: Non, s'il y avait consensus, je le préférerais; sinon, j'attendrais.

M. Garon: Je n'ai pas d'objection.

Le Président (M. Rochefort) M. le ministre de l'Agriculture, vous êtes d'accord là-dessus?

M. Garon: Oui, j'en profiterais même pour qu'on émette le voeu que la Société immobilière du Canada vienne également.

M. Ryan: D'accord.

M. Garon: D'autant plus qu'il n'y aurait pas de raison de refuser, on me dit que la société a un observateur ici. En vertu de l'article 153, M. le Président, peut-être que cet observateur pourrait aussi être invité à venir témoigner. Cela est possible aussi. La commission peut inviter quelqu'un et on m'a dit que l'avocat de la Société immobilière du Canada est ici. Donc, les explications dont on a besoin sur les baux... Pardon?

Une voix: Hydro-Québec.

M. Garon: On m'a dit que c'est Me

Sylvie Boivin, avocat. Elle pourrait peut-être venir nous donner les informations dont on a besoin. On m'a dit que Me Sylvie Boivin serait ici dans les galeries ou était ici hier. En vertu de l'article 153, on pourrait peut-être l'inviter à venir nous donner des renseignements concernant les baux.

M. Paradis: Si on finit assez de bonne heure ce soir.

M. Garon: II n'y a rien de méchant là-dedans; au fond, ce seraient simplement des questions techniques. J'aimerais savoir, M. le Président, au sujet de cette invitation de l'article 153, quelles formes peuvent prendre les invitations aux gens qui n'ont pas demandé de venir témoigner devant la commission.

Le Président (M. Rochefort): M. le député d'Argenteuil sur cette question.

M. Ryan: Je suis tout à fait d'accord avec le ministre de l'Agriculture sur le fait d'inviter d'une manière toute spéciale la Société immobilière du Canada à venir témoigner devant la commission lors des audiences que nous tiendrons au mois de novembre. J'aurais des réserves sur l'idée de demander à quelqu'un, qui serait dans les gradins, ici, de descendre sur le parquet et de venir témoigner de manière impromptue. Je pense qu'il faut s'adresser aux autorités compétentes de la Société immobilière du Canada et miser sur leur bonne foi et sur leur désir de collaborer à la recherche commune que nous faisons ici. Dans cet esprit, j'appuierais volontiers l'idée émise par le ministre de l'Agriculture.

M. Garon: Jusqu'à maintenant, on pouvait parler d'invitations, mais, éventuellement, il va falloir se demander, pour poursuivre nos travaux plus longuement, s'il ne faudrait pas assigner des témoins. Il y a des gens qui devraient pouvoir venir. Il faudrait savoir si on peut, comme membres de la commission parlementaire, assigner des témoins. L'article 153 le prévoit. Si on veut clarifier certaines questions, certaines personnes devront venir donner des explications.

La bonne foi, moi, je n'en préjuge jamais; on dit que la foi, c'est un don. Je ne préjuge jamais, ni dans un sens ni dans un autre, je ne prends que les faits.

M. Ryan: C'est le meilleur guide. M. Garon: Pardon?

M. Ryan: Les faits sont le meilleur guide. Je crois comprendre que nous sommes d'accord, M. le Président.

Le Président (M. Rochefort): Je crois comprendre qu'il y aurait consensus pour faire part d'une invitation au groupe mentionné pour qu'il vienne se faire entendre lors d'une prochaine séance de la commission. Si vous voulez aller plus loin que cela, je vous demanderai soit de suspendre nos travaux afin d'être en mesure de vous fournir les informations les plus précises et les plus complètes possible à partir de l'application de notre règlement, soit que nous revenions sur cette question à l'ouverture d'une prochaine séance.

M. Fallu: Le consensus s'est établi.

Le Président (M. Rochefort): Pour l'instant, le consensus s'est établi afin que nous transmettions une invitation au groupe.

M. Fallu: Quel groupe?

M. Garon: Je formulerai ma demande de façon plus directe d'ici la fin de notre séance d'aujourd'hui. Cela donnera quelques jours de délibération au président. Il y a peut-être des questions plus formelles sur les droits de la commission d'assigner des témoins.

Le Président (M. Rochefort): Lorsque vous serez prêt, je vous entendrai; je prendrai ces questions en délibéré et vous fournirai les renseignements nécessaires en temps et lieu. Sur ce, ça va? Merci. Sans plus tarder, j'invite les représentants de la ville de Mirabel, qui sont déjà à la table, à s'identifier et à nous présenter leur mémoire.

Ville de Mirabel

M. Laurin (Jean): Jean Laurin, maire de Mirabel.

M. Lacroix (Yves): Yves Lacroix, directeur général de la ville.

M. Laurin (Jean): M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, je voudrais simplement, en premier lieu, vous remercier d'avoir permis la tenue de cette commission parlementaire. Je pense que c'est important pour nos citoyens qui habitent sur le territoire périphérique. Avant de passer à la période des questions, vous me permettrez de lire le mémoire que la ville de Mirabel présente ce matin.

Dans le cadre des audiences de la commission permanente de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation, la ville de Mirabel a jugé bon de faire connaître, au nom de ses 14 500 citoyens, sa position sur l'avenir du très vaste territoire périphérique exproprié par le gouvernement du Canada en 1969 pour les fins du nouvel aéroport international de Montréal.

(10 h 30)

Née le 1er janvier 1971 de la fusion de quatorze municipalités ou parties de municipalités, la ville de Mirabel est "la plus grande ville agricole au Canada". Cela est tiré d'un document du ministre d'État aux Affaires urbaines. De ses 122 800 acres, plus des deux tiers sont la propriété du gouvernement fédéral, soit 84 000 acres. C'est donc depuis maintenant plus de treize ans que les citoyens de ce qui est devenu la ville de Mirabel vivent les problèmes créés par une opération d'expropriation d'une ampleur sans précédent.

Les particularités de la propriété fédérale de Mirabel. L'aéroport de Mirabel et son territoire périphérique ne constituent qu'une des nombreuses propriétés du gouvernement du Canada au Québec. Cependant, le territoire aéroportuaire de Mirabel se distingue des autres propriétés fédérales en sol québécois comme les pénitenciers, les installations portuaires, les camps militaires, les édifices administratifs ou les autres aéroports.

Cette distinction tient surtout à la très grande superficie du territoire aéroportuaire de Mirabel, 96 000 acres, (84 000 dans Mirabel) dont seulement 5000 sont effectivement utilisées pour des fins aéroportuaires et dont tout au plus 17 000 pourront l'être en phase ultime; à la faiblesse des arguments invoqués pour une aussi vaste opération, surtout de la part d'un gouvernement qui n'a jamais caché ses intentions de mieux affirmer la présence fédérale en territoire québécois; à ce qu'une infime partie a été effectivement utilisée aux fins de l'aéroport et que le reste a été mis en réserve (dans des circonstances normales, quiconque doit céder sa propriété à des fins publiques se console du fait que son sacrifice est nécessaire à la collectivité et accepte son sort lorsqu'il voit se réaliser l'objet de l'expropriation); à ce que les craintes invoquées quant au bruit se sont, jusqu'à maintenant, avérées non fondées et que toutes les prévisions de besoins en espaces pour l'aéroport et ses fonctions connexes, établies à grand renfort d'études, se sont révélées fausses et que régulièrement on remet en question la décision même de construire un deuxième aéroport pour Montréal; à ce que le territoire touché, riche d'un patrimoine architectural et champêtre constitué en paroisses vieilles de plus de 150 ans, avait une longue tradition agricole transmise de génération en génération dans des familles parmi les plus vieilles au Québec et que les agriculteurs sont les gens pour qui le patrimoine familial a le plus de signification; à ce que, depuis treize ans, le mode de gestion a fait que des terres que des générations d'agriculteurs avaient défrichées et mises en valeur ont été abandonnées à la friche, d'autres ont été

surexploitées, des résidences ont été évacuées et démolies pour des projets qui ne se sont jamais réalisés (on peut penser ici, entre autres, au parc industriel, au fameux PICA); enfin, à la volonté manifeste du gouvernement fédéral d'utiliser son vaste domaine et les importantes ressources financières qu'il se vote pour le gérer à des fins qu'il est pour le moins difficile de rattacher à l'aéronautique.

Parmi les interventions non pertinentes mentionnons: la fourniture d'aide technique à la promotion des produits de l'érable via La Mirablière; la promotion de la Foire agricole de Mirabel et du Festival western de Sainte-Scholastique; la fourniture de ressources professionnelles, techniques et financières à la promotion industrielle, commerciale, agricole et touristique de la Chambre de commerce de Mirabel, organisme qui oeuvre surtout en dehors du territoire exproprié.

L'ensemble de ces facteurs oblige à revoir les raisons qui sont à l'origine de cette vaste expropriation, à en mesurer les impacts et à considérer la possibilité, sinon de faire marche arrière, au moins de réparer certains torts causés et de favoriser la relance.

Les raisons invoquées par le gouvernement fédéral pour exproprier et conserver un aussi vaste territoire. Le but de l'expropriation de 1969 était de garantir Transports Canada contre toute contrainte pouvant entraver la construction, l'exploitation et le développement futur du nouvel aéroport international de Montréal. À la suite d'un constat de difficultés supposément insurmontables dans le contrôle de l'utilisation du sol aux abords d'un aéroport, le gouvernement fédéral a donc exproprié, en plus d'une zone opérationnelle qui, dans sa phase ultime, doit occuper 17 000 acres - Dorval en occupe 2800 - un territoire dit périphérique de 79 000 acres.

Les raisons de cette expropriation, telles que rappelées dans un document présenté au ministre des Travaux publics par le sous-ministre Mackay le 29 septembre 1980, peuvent se résumer à peu près ainsi: contrôler la construction d'édifices et autres structures pour éviter toute interférence dans les manoeuvres des avions et le fonctionnement de l'équipement électronique; contrôler l'utilisation du sol pour réduire le péril aviaire; protéger le propriétaire de l'aéroport des plaintes contre le bruit et des recours en dommages; réserver certains territoires stratégiques pour des fonctions complémentaires aux opérations aéroportuaires, parc industriel, par exemple.

Le sous-ministre Mackay invoque aussi l'absence, à cette époque, d'un zonage provincial ou municipal permettant d'empêcher toute utilisation du territoire aux environs de l'aéroport à des fins incompatibles avec l'aéroport ou préjudiciables à son développement. Ces raisons ne signifiaient pas, pour autant, que le territoire périphérique devait être évacué. En devenant propriétaire, le gouvernement fédéral ne dérangeait que ce qui était nécessaire et se donnait par la même occasion des objectifs de gestion de son nouveau domaine, soit assurer, bien sûr, le développement futur de l'aéroport, préserver et mettre en valeur le territoire, générer du développement économique dans la région de Montréal.

Le mode de gestion retenu a été d'exclure toute possibilité de revente et d'appliquer une formule de baux à court terme, en fonction des critères suivants: possibilité d'évacuer rapidement les différents territoires au fur et à mesure des besoins d'expansion de l'aéroport ou de l'implantation de fonctions complémentaires ou connexes; une plus grande facilité de contrôler la construction et l'utilisation du sol et, enfin, la possibilité d'inclure dans les baux des clauses de renonciation à tout recours contre le gestionnaire ou Transports Canada en raison du bruit ou de tout autre inconvénient créé par la proximité de l'aéroport.

Il semble que la préoccupation principale du propriétaire fédéral ait été d'éviter à tout prix la moindre croissance (urbaine ou autre) dans le plus grand périmètre possible autour de l'aéroport. L'argument du gestionnaire est qu'aucune clause contractuelle ne pourrait protéger le propriétaire de l'aéroport contre le harcèlement auquel ne manqueraient pas de se livrer, à une époque ou à une autre, les propriétaires affectés par le bruit.

Les effets de l'expropriation et de la gestion publique sur l'agriculture à Mirabel: les statistiques de 1966 à 1981. Pour tenter de quantifier les impacts de l'expropriation de 1969 et de la gestion de la propriété fédérale sur l'agriculture, nous avons compilé quelques données des recensements de 1966 à 1981 de Statistique Canada. Notre étude a consisté à comparer, pour la période de 1966-1981, la ville de Mirabel au reste du comté de Deux-Montagnes, sans Mirabel, de même qu'à l'ensemble du Québec. Comme la ville de Mirabel n'apparaît comme telle qu'au recensement de 1971 et que les limites du comté de Deux-Montagnes ont changé durant la période 1966-1981, nous avons régularisé les chiffres pour que les entités comparées au cours de la période de quinze ans soient constantes. Ces entités correspondent à Mirabel et au comté de Deux-Montagnes de 1981.

Les résultats sont probants. Au chapitre du nombre de fermes, alors que le comté de Deux-Montagnes se comportait beaucoup mieux que la moyenne québécoise, et ce durant les deux périodes étudiées, 1966-1971 et 1971-1981, avec des taux de croissance de moins 14% et plus 4%, contre moins 24% et

moins 21% pour l'ensemble du Québec, Mirabel voyait diminuer son nombre de fermes de 34% au cours de chacune des deux périodes. Même constatation pour la population agricole, et même la performance relative de la ville de Mirabel a été, à ce chapitre, pire durant la période 1971-1976, où il y a eu une baisse de 46%, que durant la période 1966-1971 (baisse de 47%) au cours de laquelle s'était faite l'évacuation de la zone opérationnelle. Durant les deux périodes, la perte de superficie totale des fermes et de superficie améliorée a été au moins deux fois plus importante à Mirabel que dans le reste du comté et dans l'ensemble du Québec.

Il est entendu que nous ne disposons pas de données détaillées pour comparer l'évolution de l'agriculture sur le territoire périphérique à l'évolution de l'agriculture sur le reste du territoire de Mirabel. Cependant, si on suppose que la situation pour la partie non expropriée a été la même que pour le reste du comté de Deux-Montagnes - ce qu'il est vraisemblable de présumer - la situation pour la partie expropriée a été pire que ce que nous illustrons pour l'ensemble de la ville de Mirabel.

Enfin, dans un article paru dans l'édition du 9 septembre 1982 de la Terre de chez nous et commandé par Statistique Canada, le journaliste André Charbonneau déclare: "À cause de Mirabel, le comté de Deux-Montagnes à lui seul totalise 36% des locataires (de fermes) du Québec. Incidemment, on remarque que la valeur moyenne des fermes n'est que de 187 000 $ alors que ce comté a déjà occupé le premier rang dans ce domaine au Québec."

D'après nos propres compilations des données de Statistique Canada, alors qu'en 1966 la valeur totale des fermes de Mirabel représentait 1,8% de la valeur totale des fermes du Québec, elle n'en représentait plus que 0,9% en 1981.

L'évolution de certains facteurs liés aux perspectives de développement de l'aéroport, au climat sonore et au contrôle de l'utilisation du sol. La décision de doter Montréal d'un nouvel aéroport international a été prise au milieu des années soixante. À cette époque, le transport aérien connaissait des taux de croissance de l'ordre de 10% par année. Dorval atteignait son point de saturation. L'exiguïté de sa zone opérationnelle ne permettait pas d'agrandir, mais, surtout, la pression grandissante exercée par la population avoisinante qui se plaignait du bruit obligeait l'aéroport à se relocaliser. Or, au début des années soixante-dix, avant même que le complexe de Mirabel n'accueille son premier passager, le monde du transport aérien allait être bouleversé. La crise de l'énergie et la période de réajustement économique qui s'ensuivit, de même que la réorganisation du transport aérien dans l'Est du Canada ont fait que Mirabel reste sous-utilisé.

En 1975, le document Climat sonore du Bureau d'aménagement du nouvel aéroport international de Montréal projetait pour Mirabel le scénario de croissance suivant, basé sur des projections faites par Transports Canada en 1968. Voici le tableau: On prévoyait, en 1975, deux pistes, en 1980 trois pistes, en 1985 trois pistes et, en 1990, quatre pistes. On prévoyait un nombre annuel de mouvements (atterrissages et décollages) pour 1975 de 78 800, pour 1980 de 170 800, pour 1985 de 405 900 et, pour 1990, de 478 000. On a actuellement, dans des périodes comme le mois de juillet, les périodes les plus achalandées, moins de 50 000 mouvements. Des vols domestiques sont prévus pour 1985 et 1990, des vols transfrontaliers sont prévus pour 1980, 1985 et 1990, ce qui n'est pas le cas, et, enfin, les vols internationaux étaient prévus à partir de 1975.

En 1982, nous n'avons même pas atteint le niveau d'activité qui avait été prévu pour 1975. Bien plus, le 6 août dernier, le ministre des Transports, Jean-Luc Pépin, annonçait l'abandon du plan directeur de 1968 qui prévoyait le transfert de tous les vols de Dorval à Mirabel dans les dix années de son ouverture; la consécration de Dorval comme principal aéroport pour les vols domestiques et transfrontaliers et la consécration de Mirabel comme principal aéroport pour les vols internationaux et le transport de fret. Ainsi, en vertu du nouveau plan directeur de Transports Canada, toute hypothèse de nouveaux transferts de vols de Dorval à Mirabel est écartée pour une période indéterminée.

La question du climat sonore. On a voulu pour Mirabel une flexibilité absolue, la liberté d'utilisation 24 heures par jour, une possibilité quasi illimitée de croissance, une liberté totale dans les mouvements d'approche et de décollage pour maximiser la sécurité et l'efficacité. Ces considérations ne sont pas à négliger. On ne peut qu'être d'accord avec les objectifs qu'elles sous-tendent, mais, si le transport aérien est une composante importante de l'économie, l'agriculture n'est pas à négliger non plus. L'une ne doit pas être valorisée aux dépens de l'autre, surtout si, comme tous semblent vouloir le reconnaître, elles peuvent coexister.

Or, le seul véritable prétexte à l'expropriation de 96 000 acres des meilleures terres agricoles du Québec est d'éviter les frictions que connaissent la plupart des grands aéroports du monde avec leur population environnante à cause du climat sonore. Mais, pendant toutes ces années où on a retardé, pour maintenant l'abandonner, le transfert des vols de Dorval à Mirabel, le dossier du climat sonore a, lui

aussi, évolué. À la suite de l'augmentation des coûts du carburant, les transporteurs aériens ont rationalisé leurs opérations. Ils ont modifié des trajets et annulé des vols pour augmenter les taux d'occupation des avions. Le résultat est qu'on transporte maintenant plus de passagers et plus de fret en moins de mouvements, donc, en faisant moins de bruit. Les avions aussi se sont améliorés; ils sont moins bruyants. Ces améliorations technologiques sont la réponse qu'ont dû apporter les constructeurs aux plaintes des millions de personnes qui, dans le monde entier, vivent à proximité d'aéroports. À la question de savoir si on doit créer des déserts autour des aéroports ou rendre les avions moins bruyants, seul le Canada a choisi la première voie et ce, même si les avions sont, de toute façon, de moins en moins bruyants parce que nos voisins du sud, eux, ont choisi la seconde voie.

Le contrôle de l'utilisation du sol. Un autre fait nouveau depuis 1969 est que tout le territoire exproprié pour l'aéroport, à l'exception de quelques noyaux de village que la société immobilière a accepté de vendre de toute façon, est maintenant inclus dans la zone agricole permanente régie par la Loi sur la protection du territoire agricole. Le même territoire est aussi assujetti depuis 1975 à un règlement municipal de zonage tout aussi restrictif. Les craintes fédérales d'urbanisation dans les zones susceptibles, dans quelque avenir que ce soit, d'être affectées par un climat sonore pouvant amener des frictions avec le propriétaire de l'aéroport ne sont donc pas fondées.

Enfin, la question des restrictions de hauteur ne peut absolument pas servir de prétexte au gouvernement fédéral pour ne pas revendre une partie importante du territoire périphérique. C'est actuellement la ville de Mirabel qui applique, par son règlement de zonage, le règlement de zonage de l'aéroport de Mirabel. La ville applique aussi par son règlement les restrictions de construction sur les terrains adjacents au radar ASR SSR Mirabel. (10 h 45)

Les objectifs de la ville de Mirabel. Sept ans après l'ouverture de l'aéroport et à la lumière de treize années de gestion fédérale du territoire périphérique, la ville de Mirabel a accueilli avec satisfaction l'annonce d'une revente prochaine d'une partie du territoire périphérique et l'offre de baux à long terme pour la partie qui ne pourra pas être vendue. En tant que gouvernement municipal, la ville de Mirabel a cependant des objectifs à proposer pour l'élaboration des politiques concernant l'avenir de près de 70% de son territoire.

Ainsi, la ville de Mirabel appuiera toute solution qui permettra au plus grand nombre possible de ses citoyens, agriculteurs ou autres, d'avoir une vie sociale, économique et politique normale, notamment en devenant des propriétaires à part entière, jouissant de leurs pleins droits de participation aux décisions municipales; rétablira l'équilibre socio-économique d'avant 1969 en réactivant l'économie locale par la rentabilisation des exploitations agricoles et la création d'emplois; libérera les noyaux de village des contraintes qui ont entraîné, au détriment de la qualité de la vie, la disparition d'une partie importante des services communautaires et commerciaux nécessaires à la population; permettra à la ville de se planifier sans dépendre des décisions le plus souvent improvisées du gouvernement fédéral d'utiliser le territoire périphique à toutes sortes de fins; libérera au profit de la municipalité certains espaces non agricoles réclamés depuis longtemps pour du développement industriel ou commercial de façon à réduire les pressions sur les bonnes terres agricoles; redonnera à la ville son droit à la croissance pour rentabiliser certains services existants et même, sans nuire à l'aéroport, atteindre un seuil de population et d'économie pouvant justifier un meilleur niveau de services.

La réévaluation des besoins du territoire périphérique et la relance de l'agriculture. La proposition de la société immobilière. Le 25 mai dernier, après révision des nombreuses études faites dans le passé sur le territoire, à la lumière d'un sondage "non publié" - il faudrait maintenant parler d'un sondage publié de la maison SORECOM - et à la suite des audiences publiques qu'elle avait tenues, la Société immobilière du Canada a publié un document intitulé L'avenir du territoire périphérique de Mirabel.

Dans ce cahier de huit pages, la société immobilière énonce le nouveau mandat que lui a confié le Conseil des ministres et dresse les grandes lignes d'un programme de revente. Selon les termes mêmes du document de la société, "ce mandat a pour but de favoriser l'exploitation optimale des propriétés du territoire en assurant une plus grande sécurité à ses résidents, soit par la vente des propriétés déclarées excédentaires, soit par l'offre de baux à long terme, tout en poursuivant une politique de mise en valeur du territoire".

Le programme de vente a été établi par la société à la suite d'une révision des contraintes aéroportuaires, soit des restrictions de hauteur et des restrictions multiples, ces dernières étant manifestement dominées par des projections révisées de la pire situation de climat sonore pouvant survenir durant toute l'existence de l'aéroport.

Le programme déclare excédentaires 29 400 acres de terrain, soit 30% de la superficie du territoire périphérique. La

carte, intitulée La vente des propriétés, annexée au document de huit pages, montre cinq sortes de terrains vendables. Des 29 400 acres, 21 000 sont situées à l'intérieur des limites de la ville de Mirabel et se répartissent comme suit: 50 acres de zone résidentielle sans restrictions, soit la partie est du village de Saint-Canut; 141 acres de zone résidentielle avec restrictions de hauteur, soit la partie expropriée du village de Saint-Hermas et la partie centrale de Saint-Janvier, 104 acres de zone résidentielle avec restrictions multiples, soit la partie nord du village de Saint-Janvier, 8927 acres de zone agricole et forestière sans restrictions et 11 778 acres de zone agricole et forestière avec restrictions de hauteur.

Le programme oublie notamment tout le territoire qui n'est sujet à aucune restriction, mais qui n'est pas, à proprement parler, agricole et où le gouvernement fédéral a prévu, en vertu du plan directeur préparé par le ministère d'État aux Affaires urbaines, certains projets particuliers comme les aménagements récréatifs du Vide-Sac et du parc Mirabel, de même que le pénitencier de Saint-Canut. Là aussi, il y aurait lieu d'ajouter le parc industriel commercial et aéroportuaire. Le programme ne considère pas, non plus, comme excédentaire le parc industriel lourd de Lachute, non plus qu'un important bloc de terres à l'est du noyau de Saint-Canut. Le programme est assorti de certaines conditions de vente - droit de premier refus ou alternative de bail à long terme, par exemple - qui varient selon que l'immeuble à vendre est agricole, résidentiel ou commercial. Le prix est fixé à la valeur marchande moins 15%.

La proposition de la ville de Mirabel. Compte tenu de l'évolution de certains facteurs telle que discutée au chapitre précédent, la ville de Mirabel considère que le gouvernement fédéral pourrait, tout en respectant scrupuleusement les critères qu'il s'est lui-même fixés pour préserver l'intégrité présente et future de l'aéroport, étendre son programme de vente à plus de 71% du territoire périphérique, soit 48 000 acres à l'intérieur des limites de la ville de Mirabel.

En plus des 21 000 acres déjà identifiées au document L'avenir du territoire périphérique de Mirabel, pourraient être déclarés excédentaires par rapport aux besoins premiers du territoire périphérique aéroportuaire tous les terrains qui ne sont assujettis à aucune restriction et tous les terrains qui ne sont assujettis qu'à des restrictions de hauteur. Il est clair qu'il n'est nullement nécessaire que le gouvernement fédéral soit propriétaire pour que soient appliqués les règlements de Transports Canada et le règlement municipal de zonage. S'y ajoutent tous les terrains dont la résidence est située en zone de 25 PBP même si le reste du terrain peut être soumis à un climat sonore plus sévère, quitte à imposer une servitude de non-construction doublée d'une interdiction de construire en vertu du règlement municipal de zonage pour, justement, les parties de terrain assujetties à un climat sonore supérieur à 25 PBP.

Cette dernière proposition s'appuie sur le fait que, si les résidences de la partie nord de Saint-Janvier, assujettis à un climat sonore de 25 PBP et même possiblement de 30 PBP, ont déjà été déclarées excédentaires par la Société immobilière du Canada, pourquoi n'en serait-il pas de même des fermes dont les résidences sont situées le long de la rue Victor, dans un secteur où le climat sonore maximal prévu est de 25 PBP, même si l'aire cultivable s'étend dans une zone où le climat sonore pourrait atteindre 30 PBP ou même 35 PBP?

De plus, la ville de Mirabel, à la lumière des informations dont elle dispose sur le programme fédéral de revente, considère que le prix demandé, 85% de la valeur marchande, et les conditions proposées par la Société immobilière du Canada ne favorisent pas la vente, surtout des terres agricoles, et laissent plutôt croire que la Société immobilière du Canada compte utiliser l'opération pour démontrer que les agriculteurs sont satisfaits de leur sort de locataires. Il est, en effet, notoire que les loyers actuellement payés sur le territoire périphérique, au moins dans le secteur agricole, représentent beaucoup moins que ce que serait, aux taux d'intérêts courants, un éventuel paiement hypothécaire pour un prix d'acquisition de 85% de la valeur marchande.

C'est, d'ailleurs, une des principales raisons des énormes déficits d'exploitation du gestionnaire. Le budget actuel de la Société immobilière du Canada est de plus de 11 000 000 $ pour les seuls coûts d'administration et d'entretien des immeubles du territoire périphérique, sans aucun service de la dette pour les 130 000 000 $ qu'a coûté l'expropriation.

Compte tenu de l'impossibilité absolue de rentabiliser ou même de seulement administrer le territoire périphérique sans déficit, le gouvernement fédéral a tout avantage à vendre. On rétorquera que vendre à un prix inférieur à la valeur marchande équivaudrait à une subvention. Mais cette subvention ne s'appliquerait qu'à ceux qui ont un droit de premier refus, c'est-à-dire les occupants actuels qui sont, au dire même de la Société immobilière du Canada, à 75% d'anciens propriétaires. Quelle que soit la valeur de cette subvention indirecte, elle coûtera moins cher aux contribuables canadiens que celle que s'apprête à perpétuer la Société immobilière du Canada sous forme de loyers inférieurs au marché.

Bien avant l'adoption de la Loi sur la

protection du territoire agricole par le gouvernement du Québec, la ville s'était donné un schéma directeur et une réglementation de zonage qui consacraient la vocation agricole de la presque totalité de son territoire. La ville affecte même une partie de son budget annuel à la promotion de l'agriculture, notamment sous forme de subvention à la foire agricole annuelle. Mais le véritable problème est que l'agriculture continuera à se détériorer tant que le territoire périphérique sera sous gestion publique. La ville de Mirabel n'est pas convaincue qu'une formule de baux emphytéotiques réglera la question. Si des industriels refusent la formule pour le PICA, les agriculteurs pour qui la valeur foncière de leur ferme est la principale sécurité ne sauraient s'en satisfaire.

La situation ne pourra revenir à la normale que par la revente d'au moins 48 000 acres, soit tout ce qui a été identifié comme excédentaire par la ville de Mirabel. De plus, le plan de relance devra prévoir des conditions plus sécurisantes pour ceux des agriculteurs qui devront rester locataires, au moins jusqu'au prochain plan directeur de Transports Canada. Enfin, la ville de Mirabel attend du gouvernement du Québec un plan de rattrapage dans les différents programmes de subventions aux agriculteurs qui ont, jusqu'à maintenant, fait les frais des différends entre les deux paliers de gouvernement.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre de l'Agriculture.

M. Garon: Vous avez dit que la chambre de commerce oeuvre surtout en dehors du territoire exproprié. C'est un organisme auquel des gens se sont référés occasionnellement. Considérez-vous la chambre de commerce comme un organisme représentatif du développement de l'agriculture dans Mirabel?

M. Laurin (Jean): II y a peut-être trois ans environ, la chambre de commerce a organisé la foire de Mirabel. Alors, évidemment, la chambre de commerce s'est impliquée dans le secteur agricole, mais, à part cette implication au niveau de la foire, je ne crois pas que la chambre de commerce, dans le passé, se soit préoccupée beaucoup de l'agriculture sur le territoire.

M. Garon: Est-ce que, à votre connaissance, on retrouve beaucoup d'agriculteurs à la chambre de commerce?

M. Laurin (Jean): Je ne pourrais pas répondre à cette question, M. le ministre. J'ai appris que la chambre de commerce regroupait entre 125 et 150 membres. Maintenant, est-ce qu'il y a plusieurs agriculteurs qui sont membres de la chambre de commerce? J'en doute fortement. Je n'ai pas les statistiques.

M. Garon: Êtes-vous membre vous-même de la chambre de commerce?

M. Laurin (Jean): J'étais effectivement membre de la chambre de commerce jusqu'à il y a trois semaines. Mais à la suite des agissements de la chambre de commerce, spécialement de la conférence de presse donnée par la chambre de commerce il y a un mois environ, j'ai dû remettre ma carte de membre, compte tenu que cet organisme a attaqué la ville de Mirabel et ses citoyens en alléguant, entre autres, que le climat social à Mirabel était perturbé et que le taux de criminalité était alarmant. À titre de représentant d'une ville, je ne peux m'associer à un organisme qui non seulement dénigre la municipalité, ses administrateurs, mais qui dénigre également ses citoyens.

M. Garon: Aux pages 20 et 21 de votre mémoire, vous dites que la ville de Mirabel considère que la Société immobilière du Canada ou plutôt le gouvernement fédéral pourrait, en respectant ses propres critères pour l'intégrité présente et future de l'aéroport, "étendre son programme de vente à plus de 71% du territoire périphérique, soit 48 000 acres à l'intérieur des limites de la ville de Mirabel". Les 48 000 acres incluent les 29 000 ou si c'est 48 000 acres en plus?

M. Laurin (Jean): M. le ministre, quand le gouvernement fédéral parle de revendre 29 000 acres, il faut savoir que seulement 21 000 sont situées à Mirabel. Ce que la ville suggère, c'est 21 000 acres plus 27 000 acres. C'est donc une augmentation, à l'intérieur de notre ville, de 27 000 acres. C'est 48 000 acres à Mirabel seulement, sans tenir compte du territoire à l'extérieur de notre municipalité.

M. Garon: Cela voudrait dire 27 000 acres plus 29 000 acres, soit 56 000 acres du territoire exproprié.

M. Laurin (Jean): C'est ça.

M. Garon: En respectant leurs propres critères.

M. Laurin (Jean): C'est ça, parce qu'on a parlé tantôt de PBP, qui est, pour donner une information, la prévision de bruit perçu, "noise exposure forecast". On se rend compte que, dans certains secteurs de la municipalité, des terres ne sont pas revendues parce que le trait carré de la terre se trouve dans un climat sonore élevé. Je pense qu'il est assez rare qu'un agriculteur bâtisse sa grange ou sa résidence

au trait carré de la terre. Alors qu'on vende la terre au complet même si le trait carré fait l'objet d'agression sonore plus élevée que là où sont bâtis la résidence et les bâtiments de ferme. On a cité l'exemple de la rue Victor à Saint-Janvier où on vend, en périmètre urbain, à des endroits où l'agression sonore est au moins aussi élevée que dans certains autres endroits où le gouvernement fédéral a décidé de ne pas revendre le territoire.

M. Garon: C'est une étude que la ville a faite, cela?

M. Laurin (Jean): Oui.

M. Garon: Et avec ces 48 000 acres du territoire de Mirabel, il y a 8000 acres de plus qui sont à l'extérieur du territoire, qu'ils sont déjà prêts à revendre.

M. Laurin (Jean): À l'extérieur de la ville, oui. Évidemment, on a aussi nos règlements municipaux qu'on peut faire appliquer, tel le règlement sur le zonage, la construction, le lotissement...

M. Garon:: J'ai compris. Dans les règlements en hauteur...

M. Laurin (Jean): Le gouvernement fédéral, en vertu de la loi sur l'aéronautique, a des restrictions, mais nous, cela fait partie intégrante de notre règlement. On applique ces restrictions.

M. Garon: Quand on parle de climat sonore - je ne suis pas familier avec cela -à Dorval quel est le climat sonore des maisons autour? (11 heures)

M. Laurin (Jean): Je ne sais pas si on l'a dans les statistiques, M. Lacroix. Je ne saurais répondre à cette question.

M. Garon: À la page 22, vous dites que "la société immobilière compte utiliser l'opération pour démontrer que les agriculteurs sont satisfaits de leur sort de locataires." Qu'est-ce qui vous amène à penser cela?

M. Laurin (Jean): Actuellement, sur le territoire exproprié - on s'adressera uniquement aux agriculteurs pour l'instant -les taux de loyer représentent, à ce qu'on nous dit, 40% de la valeur marchande locative ou réelle. Comment peut-on espérer...

M. Garon: Quand vous dites 40%, voulez-vous dire 40%...

M. Laurin (Jean): De la valeur réelle.

M. Garon: Oui, mais quelqu'un qui n'a pas de contraintes ou quelqu'un qui est pris dans des contraintes comme ça?

M. Laurin (Jean): C'est une moyenne sur le territoire. Le taux des terres en culture sur le territoire représente à peu près 40% de la valeur marchande réelle. Sans doute que certains agriculteurs paient moins et que d'autres paient plus, mais compte tenu des contraintes et de tout ce qui s'ensuit, le pourcentage est à peu près 40% de la valeur réelle.

Comment pouvons-nous espérer, nous qui croyons qu'un agriculteur devrait être propriétaire, que celui-ci serait intéressé à acheter sa ferme au prix de la valeur marchande d'aujourd'hui moins 15% compte tenu des loyers actuels qu'il paie? Nous pensons que les 85% sont peut-être valables ou discutables, mais le gouvernement fédéral et voire même le gouvernement provincial devraient faire en sorte de favoriser - par le biais de prêts consentis par le crédit agricole ou je ne sais trop de quelle nature - ces agriculteurs pour leur permettre d'acheter leur ferme. Parce que le gars prendra son crayon pour faire un calcul et il dira peut-être: Au loyer actuel... Mais là, il y a deux inconnues importantes, c'est de savoir quelle est la politique de la société vis-à-vis de l'augmentation des loyers en territoire agricole et, deuxièmement, quelle sera la valeur marchande des fermes. Quand l'agriculteur connaîtra ces deux inconnues, il pourra prendre une décision.

Si le taux des loyers est bas et si la vente est élevée, on ne privilégie sûrement pas la vente. Il faudrait faire en sorte de bonifier la vente, ou de privilégier l'option vente selon ce que nous pensons.

M. Garon: Quand on parle d'utiliser le territoire, il y a une chose que je n'ai jamais comprise; peut-être que vous aurez des explications à me donner. Il y a un parc industriel collé sur l'aéroport et quand on dit, par exemple, qu'un cultivateur est actuellement dans le parc industriel, en quoi une usine où il y aura peut-être 100, 200 ou 500 employés sera-t-elle moins dommageable à l'aéroport qu'un cultivateur qui est là avec sa famille et qui cultive un champ? Je n'ai jamais été capable de comprendre cela très bien.

M. Laurin (Jean): Le PICA en bleu, 2500 acres.

M. Garon: Ici. Là, on a les pistes collées. Je ne comprends pas en quoi les fermes qui se trouveraient ici, que les gens sont prêts à cultiver avec les contraintes de bruit, comporteraient un plus grand risque pour le gouvernement fédéral qu'un parc industriel qui est ici. Une usine qu'on ne

pourra pas exproprier éventuellement parce que je pense que l'autre piste serait ici.

M. Laurin (Jean): Oui.

M. Garon: Cela veut dire qu'éventuellement l'autre piste passerait juste à côté de l'usine. On est prêt à accepter des usines collées sur les pistes, mais en même temps on n'est pas prêt à accepter des terres agricoles collées sur les pistes. Je ne comprends vraiment pas. On est dans la phase 2, la phase opérationnelle, où éventuellement le parc industriel sera collé...

M. Laurin (Jean): Le gouvernement fédéral est prêt à accepter l'industrie. Par contre, dans ce périmètre bleu, il y a du foin, des animaux et aucune industrie actuellement. Peut-être que le gouvernement pense, à tort ou à raison, qu'une industrie qui s'établirait là serait moins susceptible d'avoir ces contraintes concernant le bruit parce que les gens quittent le soir.

M. Garon: Est-ce que cela a déjà fait l'objet d'un débat avec le fédéral, cette question-là?

M. Laurin (Jean): La question du PICA?

M. Garon: Oui, au point de vue d'une usine collée sur l'aéroport et de toutes les questions de bruit. On veut éloigner le monde de la zone sonore, des PBP. Par ailleurs, on est prêt à avoir un parc industriel de 3000 acres. C'est immense, 3000 acres. Cela veut dire des milliers d'employés collés sur l'aéroport, alors qu'on disait que cela pouvait être dangereux qu'un aéroport soit près d'un parc industriel. Je ne comprends pas la logique. Il pourrait y avoir quelques centaines d'agriculteurs qui acceptent les contraintes; on trouve que ce n'est pas normal et, par ailleurs, on est prêt à avoir un parc industriel collé sur l'aéroport, 3000 acres de parc industriel, soit des milliers d'employés, peut-être plusieurs milliers d'employés. Je ne comprends pas du tout ce raisonnement.

M. Lacroix: Je veux simplement préciser qu'on est d'accord avec vous. Selon les prétentions de la ville, l'agriculture est conciliable avec le fonctionnement d'un aéroport. Cela nous paraît logique d'implanter un parc industriel à proximité des aéroports. Si on ne le fait pas, d'après nous, il y a deux raisons. La première: on veut conserver le territoire à tout prix; la deuxième: peut-être a-t-on des intentions, du côté du gouvernement fédéral, d'être un agent de développement économique. C'est là où on est dans une position possiblement inconciliable avec celle du gouvernement fédéral et celle de la société immobilière.

À titre d'exemple, la ville a annoncé la création, il y a trois semaines, d'une société de développement, d'une corporation de développement économique à Mirabel. On a pris une chance avec le PICA pendant six ans, ça n'a pas fonctionné. La ville a décidé de s'implanter, elle a annoncé la création d'une société de développement. On a déjà écrit au gouvernement fédéral pour lui faire part des intentions de la ville d'acquérir du terrain pour le développement industriel et commercial. On est prêt à en acquérir dans la partie du PICA et également dans la partie expropriée de Saint-Janvier. Évidemment, au moment où on se parle, on n'a pas eu de réponse. C'est presque normal de ne pas avoir de réponse. Dans une autre ville, on sait qu'avec un terrain à caractère industriel ou avec un potentiel industriel ou commercial, on pourrait, en vertu de la loi, procéder soit par l'acquisition de gré à gré et même par expropriation; c'est là peut-être une des raisons. Disons que la position de la ville est la même que la vôtre, on prétend que l'agriculture est conciliable avec le fonctionnement d'un aéroport. Si c'est conciliable à Paris, à New York et à Chicago, pourquoi ne pas laisser s'épanouir l'agriculture à proximité des pistes? Nous sommes d'accord avec votre énoncé de principe.

M. Garon: J'aimerais vous poser une question sur les taxes municipales. Comment ça fonctionne, actuellement? Vous avez la Société immobilière du Canada. Est-ce qu'elle vous paie des taxes sur toutes les résidences, les commerces, les églises dont elle est propriétaire? Le fonds de terre?

M. Laurin (Jean): Actuellement, M. le ministre, le gouvernement fédéral nous paie des taxes sur le territoire périphérique pour une évaluation d'à peu près 50 000 000 $; mais à compter du 1er janvier 1983, la ville de Mirabel devra percevoir elle-même les taxes sur le territoire périphérique. Évidemment, cela va nous créer certains embêtements. Une première raison est que notre rôle de nouvelle génération n'est pas encore terminé; il le sera pour le 15 septembre 1983, pour respecter la loi. Â compter du 1er janvier, la ville percevra elle-même les taxes. Dans le cas d'un locataire qui ne paie pas ses taxes - cela peut arriver - ou d'un locataire qui quitte le territoire, de quelle façon la ville va-t-elle récupérer ces sommes d'argent? On se pose la question. Dans le cas d'un type qui ne paie pas et qui est locataire, on n'a pas encore le pouvoir, nous, de la municipalité, de faire vendre la reine; alors, on devra absorber ces coûts. C'est assez embêtant. Les cadastres à Mirabel ont été enlevés; là, ils sont en train de refaire la section cadastrale, mais, nous, à la ville, on a

encore les fiches des expropriés de la première heure. Il y a déjà là un problème assez important quant à l'envoi des comptes de taxes. La décision semble irrévocable, la société immobilière a décidé de ne plus percevoir les taxes à compter de 1983. Par contre, jusqu'au 31 décembre 1982, le gouvernement fédéral nous payait des taxes, il va continuer à payer, mais par l'intermédiaire des propriétaires, sur le territoire périphérique.

M. Garon: Sur la valeur marchande réelle ou sur la valeur...

M. Laurin (Jean): Selon l'évaluation de la municipalité.

M. Garon: Et vous évaluez à la valeur marchande réelle ou à la valeur...

M. Laurin (Jean): Notre rôle d'évaluation est à environ 65% de la valeur réelle actuellement, exactement au même taux que les résidents du territoire non exproprié.

M. Garon: Au même taux? M. Laurin (Jean): Oui.

M. Garon: Une dernière question. Vous dites, au sujet de l'organisation, à la page 3, qu'au fond le gouvernement fédéral, par son intermédiaire, la société immobilière, vise à être lui-même un agent de développement. Il a usurpé, en quelque sorte, des rôles qui appartiennent normalement au pouvoir municipal. Pouvez-vous nous indiquer de quelle façon cela se passe?

M. Laurin (Jean): On peut sûrement donner des exemples. Le budget de la ville de Mirabel est de 7 000 000 $ et le budget de la société immobilière est d'au moins 4 000 000 $ plus élevé. Évidemment, on a à administrer une ville dont le territoire est, pour fins de comparaison, deux fois plus grand que celui de Montréal, avec une population de 15 000 âmes et on ne peut, évidemment, répondre à toutes les demandes. Par exemple, la chambre de commerce nous faisait, assez récemment, une demande de l'ordre de 10 000 $. La réponse a été non, compte tenu que ce n'était pas prévu dans le budget.

M. Garon: Ils ne font pas cela ailleurs, non plus.

M. Laurin (Jean): Pardon?

M. Garon: Ailleurs, je ne pense pas que les municipalités donnent des montants comme cela.

M. Laurin (Jean): Non, je ne le crois pas. Évidemment, la société immobilière a des budgets élevés. On a vu ce qui s'est passé dans la promotion de la foire agricole. On a vu ce qui s'est passé également dans l'organisation du Festival western à Sainte-Scholastique l'été dernier. La société immobilière s'est également impliquée dans les produits de l'érable par le truchement d'un organisme qui s'appelle La Mirablière. Nous, on se dit: La société est en train de plaire drôlement à certains organismes sur le territoire et on pense que c'est dangereux pour la municipalité, compte tenu qu'on ne se bat pas à armes égales. On n'a pas les budgets pour contrebalancer ce que la société fait.

Nous pensons qu'il devra y avoir une prise de conscience de la part du conseil municipal, à savoir quel rôle la société devrait jouer sur le territoire. Je dois admettre que, depuis la création de la société immobilière, on a quand même perçu des changements majeurs à Sainte-Scholastique en ce qui regarde la rénovation des maisons, des résidences, des commerces expropriés. Je pense que la société n'a pas le choix, de toute façon. Elle doit se comporter comme n'importe quel autre propriétaire et entretenir ses propriétés. Mais son rôle est-il de participer à un festival western, entre autres? Son rôle est-il de participer à la mise en marché des produits de l'érable à Mirabel? Son rôle est-il de subventionner une chambre de commerce? Je dis non.

M. Garon: Je vous remercie, M. le maire.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, il me fait plaisir de signaler l'excellente qualité du mémoire qui nous a été lu par le maire de Mirabel, qui donne une bonne vue d'ensemble du problème qui se pose et qui témoigne, à mon sens, d'une certaine évolution dans la pensée des autorités municipales de Mirabel. Cela va être l'objet de la première question que je voudrais vous adresser là-dessus et cela prolonge le bout de discussion que vous avez eue avec le ministre de l'Agriculture au sujet du rôle de la Société immobilière du Canada sur le territoire.

Je crois remarquer qu'en l'espace d'un an il s'est produit une évolution sensible dans la pensée de la ville de Mirabel sur cette question. À l'occasion des audiences publiques que la société immobilière a tenues à Mirabel l'an dernier, à l'automne 1981, la ville de Mirabel avait présenté un mémoire dans lequel on pouvait trouver une série de recommandations. Je vais vous en rappeler quelques-unes qui se rattachent à notre sujet.

La ville de Mirabel demandait, par exemple, que la société mette en place un programme d'investissements majeurs dans tous les secteurs d'activité économique, principalement dans l'agriculture, les commerces, les équipements récréatifs, les espaces verts, etc. La ville demandait que la Société immobilière du Canada favorise l'implantation de projets communautaires, tels jardin zoologique, attraits touristiques, laboratoires de recherche, construction de fermes expérimentales, etc.; que la Société immobilière du Canada procède à un programme d'embellissement sur tout son territoire afin d'améliorer la mise en valeur de ce dernier. Enfin, vous les encouragiez même à procéder à des sondages, questionnaires, etc. (11 h 15)

Je remarque que les recommandations contenues dans votre mémoire, cette fois-ci, sont beaucoup plus réservées de ce point de vue, en particulier à la page 3. Vous semblez voir avec plus d'esprit critique, de réserve, même d'objection, cette volonté manifeste du gouvernement fédéral - j'emploie les textes de votre mémoire, à la page 3 - "d'utiliser son vaste domaine et les importantes ressources financières" dont elle dispose pour fournir l'aide à des organismes comme ceux qui viennent d'être mentionnés. Est-ce qu'il s'est produit un changement dans la pensée des autorités municipales de Mirabel là-dessus? Si oui, pour quelles raisons?

M. Laurin (Jean): Au début, M. le député d'Argenteuil, lors des audiences publiques, ce qu'on signifiait à la Société immobilière du Canada, c'était d'entretenir ses propriétés, ce qui avait été fait plus ou moins bien dans le passé. Ce qu'on disait également à la Société immobilière du Canada, c'était en quelque sorte de se comporter comme un autre citoyen. Quand on dit ça, on sait que, dans le secteur non exproprié, la ville de Mirabel a un règlement et les gens qui bâtissent et qui font cadastrer doivent payer 8% pour fins de parcs et de terrains de jeux. Évidemment, dans le territoire exproprié, la construction était impensable. Il était donc normal que la ville demande à la Société immobilière du Canada de participer d'une autre façon que les 8% sur son territoire, en aménageant certains petits parcs, spécialement dans le secteur de Sainte-Scholastique, en continuant à faire fonctionner même peut-être à améliorer ce qu'on appelle aujourd'hui le bois de Belle-Rivière.

Il n'y a pas eu de changement véritable dans l'attitude de la ville, mais ce dont on s'est rendu compte à la suite de ces audiences, c'est que la société tend de plus en plus - on en a des exemples ici - à subventionner l'entreprise privée, dont, en autres, le Festival western de Sainte-

Scholastique. Elle essaie, à mon sens, de subventionner certains organismes avec lesquels la Société immobilière du Canada semble très bien fonctionner, pour ne pas dire plus. On trouve ça déplorable. On a peur que ce soit un rattrapage énorme pour la ville; on ne pourra plus contrer ce que la société veut faire sur notre territoire et ça pourrait être néfaste pour l'administration municipale.

M. Ryan: Est-ce que j'exagérerais en pensant que, si vous aviez à récrire ce paragraphe, cette année, à la lumière de l'expérience des quinze derniers mois, vous l'écririez peut-être autrement? "Que la Société immobilière du Canada mette en place un programme d'investissements majeurs dans tous les secteurs d'activités économiques et principalement dans l'agriculture, les commerces, les équipements récréatifs, les espaces verts, etc." Est-ce qu'aujourd'hui, vous ne seriez pas plus réservés à la lumière de ce que contient votre mémoire et de ce que vous avez vu comme expérience?

M. Laurin (Jean): Que la société investisse ou mette en place des progammes pour aider aux agriculteurs, que ce soit pour le drainage - naturellement, il y a une responsabilité provinciale également dans ce domaine - on est encore favorable à ça; que la société investisse actuellement sur un territoire comme Sainte-Scholastique, par la rénovation de propriétés ou de commerces existants, on est également favorable à ça.

M. Ryan: D'accord. Mais, dans d'autres domaines, vous êtes beaucoup plus réservé?

M. Laurin (Jean): Oui.

M. Ryan: Je pense que ce serait bon qu'on nettoie un peu l'affaire du PICA; il en a été question tantôt, mais ça n'a peut-être pas été suffisamment clair. Le PICA, c'est l'espace bleu d'un parc qui avait été réservé pour des fins industrielles et commerciales, confié à la gestion d'une société où Québec avait 60% des actions et le fédéral 40%. Si je comprends bien ce qui est arrivé - et on me corrigera, du côté gouvernemental, si j'erre - l'entente qui régissait le PICA expirait d'abord en 1979. C'était une entente de trois ans qui a été reconduite pour trois ans. Elle a expiré le 31 mars 1982 et cette fois-ci, le gouvernement fédéral, à ma connaissance, aurait refusé de reconduire davantage l'entente et il aurait racheté les actions qu'il avait dans la société chargée du développement du parc industriel et commercial. Ceci sur la base du résultat que vous avez mentionné tantôt. Après toutes ces années, il n'y a aucune industrie qui est venue s'établir là et je ne pense pas qu'il y

avait, dans les carnets de la société chargée du parc, aucun projet sérieux d'investissements dans un avenir prévisible. Voyant cela, vous constatez que l'industrie ne se développe pas dans votre ville et vous avez conçu des projets de votre côté auxquels vous avez fait allusion tantôt. Pourriez-vous nous dire comment vous voyez cela, comme responsabilité, l'aide que vous attendez du gouvernement là-dessus et où en sont les choses?

M. Laurin (Jean): La Société du parc industriel, comme vous l'avez mentionné, M. Ryan, a été créée en 1976. C'est peut-être une, sinon la dernière loi que le gouvernement de l'époque avait adoptée, créant la SPICAM. Alors, le budget était de 13 000 000 $, 60% par le fédéral, soit presque 8 000 000 $, 5 000 000 $ par le provincial, beaucoup d'argent dépensé durant les six dernières années, plusieurs millions de dollars. Je dis un budget de 13 000 000 $, mais il faudrait également parler des infrastructures qu'il y a eu à part cela. Le gouvernement fédéral récemment a décidé de ne pas renouveler l'entente. Le gouvernement provincial a décidé également de ne pas renouveler l'entente. Alors, SPICAM existe encore, mais juridiquement parlant.

M. Ryan: Voulez-vous me permettre juste une petite correction? Le gouvernement provincial, d'après une documentation qu'on m'a passée qui était plus complète - celle que vous m'avez transmise hier, et je l'apprécie - avait demandé que ce soit reconduit pour une année et le fédéral a refusé pour PICA. Continuez.

M. Laurin (Jean): D'accord. Alors, les problèmes auxquels la Société du parc industriel et commercial a eu à faire face sont que le gouvernement fédéral est propriétaire de 2500 acres. Il y a eu le zonage agricole, évidemment. Mais il y a 600 quelques acres qui ne sont pas zonées agricole. Alors, 600 acres pour un parc industriel, au Québec, c'est drôlement important. Mais la société n'a jamais été propriétaire des terrains. Il n'y a jamais eu d'entente entre le gouvernement fédéral et la société pour que celle-ci devienne propriétaire des terrains. Évidemment, il n'y a pas beaucoup d'industries qui ont manifesté l'intention de s'établir à Mirabel, mais nous, à la SPICAM, on avait du personnel en place qui allait vendre le PICA à l'extérieur du pays. C'était drôlement difficile pour le bonhomme d'aller vendre cela, quand on sait que tu n'es pas propriétaire d'un terrain et que tu essaies de vendre ton parc industriel. Alors, plusieurs contraintes ont fait que cela ne s'est pas développé.

Entre-temps, la ville de Mirabel vivait d'espoir et on a construit des infrastructures dans ce parc industriel. Aujourd'hui, on s'aperçoit que le secteur de Saint-Augustin a besoin de ces infrastructures pour fonctionner. On a un réseau d'égout qui s'en va à plusieurs milles plus loin, à Saint-Canut, de l'autre côté des pistes et on se dit: Si l'entente fédérale-provinciale tombe, que va-t-il arriver avec l'entretien des infrastructures de ce PICA-là, infrastructures dont, fondamentalement, au départ, on n'avait pas besoin? On nous avait promis qu'il y aurait de l'industrie, alors on s'est branché sur ces infrastructures. Tout est organisé pour fonctionner avec l'usine d'épuration à Saint-Canut et on s'aperçoit que non seulement il n'y a pas d'industries, mais que les deux niveaux de gouvernement refusent de... Vous me dites que le gouvernement provincial a l'intention de prolonger l'entente. En tout cas, on verra ce qui se passera l'an prochain. Pour cette année, les sommes ont été perçues par la municipalité, mais c'est un problème auquel on devra faire face l'an prochain.

M. Ryan: Est-ce que, pour l'entretien de ces structures-là, c'est la SPICAM qui vous versait un montant?

M. Laurin (Jean): Oui, de 100 000 $ par année environ.

M. Ryan: La propriété de ces terres, si je comprends bien, qui sont dans le parc industriel, c'est aux Travaux publics du Canada. Ce n'est pas à la société immobilière.

M. Laurin (Jean): La propriété des terres?

M. Ryan: Des terres oui.

M. Laurin (Jean): Travaux publics.

M. Ryan: Travaux publics du Canada. Cela n'a pas été affermé à la Société immobilière du Canada. C'était la SPICAM, et comme la SPICAM n'existe plus, le fédéral a racheté ses actions là-dedans. Il est propriétaire du terrain. Alors, cela appartient au fédéral, mais pas encore sous la juridiction de la société immobilière. Est-ce que je me trompe?

M. Laurin (Jean): Je ne saurais répondre. J'en doute, mais je ne peux l'affirmer. Je penserais que c'est sous la juridiction de la Société immobilière du Canada, mais sous réserve.

M. Ryan: Très bien. Les 48 000 acres que vous voudriez que la société rétrocède ou abandonne, est-ce que cela comprend le territoire du PICA? Quand vous avez fait votre calcul pour en arriver à 48 000, est-ce

que le PICA était laissé en dehors?

M. Laurin (Jean): Oui, à l'extérieur.

M. Ryan: Est-ce que vous pourriez nous illustrer sur la carte où se situeraient les 27 000 acres additionnelles que vous voulez ajouter aux 21 000 qui sont déjà comprises dans le programme de rétrocession?

M. Laurin (Jean): Une carte est annexée à cela. Il y a du territoire. Vous le voyez peut-être mieux.

M. Ryan: Pourriez-vous identifier aussi les paroisses?

M. Laurin (Jean): En jaune, c'est un territoire à revendre. Ce que nous trouvons excédentaire, c'est cette partie-ci, Saint-Hermas, une partie de côte Saint-Louis, rang Saint-Hyacinthe, près de Sainte-Scholastique, cette partie-ci et également une partie tout près de Saint-Janvier, cette partie-ci, en haut, le long de la rue Victor, l'autre partie là-bas et une partie ici, près de Saint-Canut.

M. Ryan: Pourriez-vous nous indiquer jusqu'où va la frontière de Mirabel du côté de Sainte-Anne-des-Plaines et de Saint-Janvier, M. le maire?

M. Laurin (Jean): Le délimitations doivent être ici.

M. Fallu: II y a une ligne bleue. M. Laurin (Jean): C'est ça.

M. Ryan: D'accord, très bien. Aux pages 16 et 17 de votre mémoire, vous énoncez les objectifs de la ville de Mirabel pour l'avenir du territoire périphérique. Il y a une question que pose une de vos propositions. Vous dites: Nous favorisons une solution qui "permettra à la ville de se planifier sans dépendre des décisions le plus souvent improvisées du gouvernement fédéral d'utiliser le territoire périphérique à toutes sortes de fins." Pourriez-vous expliquer un peu ce paragraphe-là et peut-être évoquer des inconvénients que vous avez connus, des problèmes qui se sont présentés, le genre de complications auxquelles vous voulez apporter un remède, en somme?

M. Lacroix: Je vais vous donner un exemple de ce qu'on visait par cet énoncé. Le Solliciteur général du Canada, qui était notre député fédéral du temps, M. Fox, annonce la construction d'un pénitencier dans le secteur Saint-Canut. Il nous a même téléphoné pour faire publier sa photo dans Mirabel à vol d'oiseau. C'est important et on demande aux membres du conseil d'être présents pour souligner la levée de la première pelletée de terre. C'était un agent économique important, un pénitencier; il y avait 300 ou 400 emplois prévus et peut-être des dépenses de 1 000 000 $ pour aménager le terrain. On a modifié notre plan de zonage en conséquence dans le secteur Saint-Canut. On a modifié notre infrastructure et notre planification, même au point de vue des services, pour arriver aujourd'hui avec rien encore. Le territoire n'est pas zone agricole, il n'est pas identifié actuellement pour des fins agricoles et il est toujours conservé par le gouvernement fédéral.

Je l'ai dit souvent: Si on avait écouté toutes les promesses d'hommes politiques, parfois des deux paliers de gouvernement, c'est sûr que la ville de Mirabel serait en faillite. J'ai un rapport de la Commission de police, qui nous dit d'avoir 50 policiers et 30 pompiers à temps plein. Heureusement qu'on n'en a que deux. Tout s'est fait dans l'euphorie, les rêves, la SPICAM, etc. Les présidents sont venus nous annoncer cent et un exemples. Toutes les fois que vous annoncez un projet donné - prenons SPIC, c'est un projet important, le pénitencier de Saint-Canut - on modifie toute notre planification, notre plan directeur pour les services et on est à la remorque de cela. C'est un territoire qu'on ne contrôle pas. Cela pourrait se produire dans d'autres domaines. Si le PICA est annoncé et que le gouvernement fédéral veut faire autre chose demain matin, c'est le même problème. On a beaucoup de difficultés à faire appliquer les lois municipales et même les lois provinciales parfois, lorsque les objectifs ne coïncident pas avec ceux du Québec ou ceux de la ville. D'accord? (11 h 30)

M. Ryan: Une question. Le territoire proprement opérationnel, l'aéroport, cela fait partie de votre juridiction municipale aussi?

M. Lacroix: Oui.

M. Ryan: L'an dernier, dans le village de Sainte-Scholastique, il s'est bâti des égouts. C'est en dehors du territoire opérationnel, excusez. Le territoire de l'aéroport - on va finir là-dessus - relève de votre juridiction municipale ordinaire. Avez-vous des problèmes de ce côté avec le ministère des Transports? C'est juste pour l'information de tout le monde. Cela relève de la juridiction du ministère des Transports et non pas de la Société immobilière du Canada, n'est-ce pas?

M. Lacroix: Je voudrais nuancer ma réponse. Dans toute la zone aéroportuaire, la ville de Mirabel dessert l'aqueduc, les égouts, s'occupe du traitement des eaux usées; c'est une zone qui nous apporte moins de problèmes, à part les problèmes de police, de taxes et de tout. L'autre territoire, le

territoire hors des 17 000 acres, cela nous pose toujours des problèmes. Je vous donne le cas de Sainte-Scholastique. La ville a refusé, et avec raison, pendant plusieurs années de reprendre l'aqueduc municipal du secteur de Sainte-Scholastique parce qu'il a été construit il y a peut-être 25 ans ou 30 ans et il est désuet. Dans une ville normale, que fait-on? On étudie le projet, on adopte un règlement d'emprunt et ce sont les citoyens qui décident s'ils sont prêts à payer la note sur une taxe spéciale dite de répartition locale, d'amélioration locale ou taxe de travaux permanents, peu importe l'expression, pendant une période de 20 ans ou de 30 ans.

En fait, ce sont les riverains qui paient pour leurs infrastructures et les services qu'ils désirent. Le territoire fédéral nous pose un problème qui est à peu près insoluble. Les riverains n'ont pas le droit de vote. Tantôt, on a mentionné des problèmes. On pourrait refaire un autre mémoire seulement sur les affaires municipales. Pour vous donner un exemple, on a décidé d'implanter une aréna, la construction d'un aqueduc ou d'un égout. Les gens n'ont pas le droit de vote, les expropriés. Seuls les propriétaires ont le droit de vote, de sorte que c'est le propriétaire qui peut dire oui ou non. Le propriétaire étant le gouvernement fédéral dans cela, on lui a déjà proposé que, même dans le cas des villages comme Sainte-Scholastique, la ville est prête à construire l'aqueduc ou l'égout à une condition: puisqu'on n'est pas assuré du remboursement de la taxe par le locataire qui peut quitter, on a demandé une garantie. On est prêt à imposer une taxe, par un règlement qui est une loi municipale, pour une période de 20 ans, à titre d'exemple, mais à la condition que le gouvernement fédéral, advenant le non-paiement par le locataire - parce qu'on ne peut pas vendre l'immeuble pour non-paiement de taxes -nous garantisse le paiement. Il a refusé.

Un autre exemple. Dans le secteur Sainte-Scholastique, le gouvernement, étant aux prises avec une infrastructure désuète, a décidé de le faire lui-même et c'est à lui, à ce moment-là, d'essayer de récupérer le coût de l'infrastructure à même les loyers, de la même façon qu'il le faisait en percevant à même les baux la taxe municipale pendant un certain nombre d'années, même si, en vertu de la loi, on devait imposer ou transmettre le compte aux locataires. Les cadastres ayant été annulés, on pensait, dans le temps, d'une façon administrative, que le fédéral, ayant à percevoir les baux, c'était peut-être plus facile, en même temps, de percevoir les taxes. Il faut bien mentionner qu'à Mirabel les taxes étaient quand même payées par les locataires avant aussi, sur le territoire exproprié, mais on ajoutait un montant au loyer mensuel. En fait, la société ne faisait que remettre la perception des taxes à la ville de Mirabel. Je ne vous donne qu'un exemple pour vous montrer que c'est un problème particulier lorsqu'on décide d'une infrastructure dans un territoire, dans un secteur ou dans un village où les gens sont locataires. Ils n'ont pas droit de vote pour dire s'ils consentent à payer, à s'imposer une charge fiscale pendant une période d'années comme dans un autre secteur non exproprié.

M. Ryan: Très bien. Je voudrais qu'on parle un peu du programme de vente, de revente ou de rétrocession, qu'on l'appelle comme on le voudra, de la Société immobilière du Canada. À la page 22 de votre mémoire et à la page qui suit, vous émettez les opinions de la ville sur ce projet. Je pense que c'est très important que vous nous disiez ce que vous voulez signifier au juste. Si j'ai bien compris votre mémoire, vous trouvez qu'il serait de beaucoup préférable que l'on s'oriente vers la réacquisition des terres par les citoyens plutôt que vers un régime de location à perpétuité. Vous dites que la manière dont cela a été annoncé et la manière dont on entend procéder à la fixation du prix ne sont pas de nature à favoriser le retour à la propriété mais plutôt de nature à maintenir la location à perpétuité.

Pourriez-vous nous expliquer ce paragraphe de votre mémoire, à la page 22, M. le maire? Il y a un petit passage qui m'intéresse. Vous dites: "La ville de Mirabel, à la lumière des informations dont elle dispose..." À titre de maire, vous faites partie du conseil d'administration de la Société immobilière du Canada et vous avez peut-être des renseignements qui pourraient être très intéressants pour nous ce matin. Mais peut-être n'en avez-vous pas. J'aimerais que vous nous disiez où vous en êtes.

M. Laurin (Jean): La ville de Mirabel dispose d'informations qu'ont tous les citoyens, en fait. Les informations que j'ai et que la ville n'a pas, par respect pour mes collègues du conseil d'administration, je ne dois pas les dévoiler, les divulguer. Par contre, j'ouvre une parenthèse pour dire qu'on a peut-être manqué de respect à mon égard et à l'égard du conseil d'administration lorsqu'on a publié tout dernièrement un sondage auprès des locataires agricoles et résidentiels de la Société immobilière du Canada à Mirabel, le sondage SORECOM de juin qui était censé être la propriété exclusive du conseil d'administration et dont les membres n'avaient même pas une copie. La préparation de notre mémoire est basée sur les informations que tous les membres du conseil connaissent et nos fonctionnaires également.

Ce qu'on dit, M. Ryan, et ce que j'ai

dit tantôt, c'est que dans le secteur agricole la société immobilière nous dit que le loyer représente 40% de la valeur marchande réelle. Le gouvernement fédéral a l'intention de revendre à 85% de la valeur marchande. Les deux grandes inconnues, c'est, premièrement, quelle sera la valeur marchande. En ce moment, l'agriculteur a exprimé le voeu d'acquérir sa ferme, de redevenir propriétaire, et je pense que c'est légitime. C'est tout à fait normal que l'agriculteur au Canada soit propriétaire de sa ferme. Cependant, il y a des choses qu'il ne connaît pas encore. Il ne connaît pas la valeur marchande. On nous dit que la valeur marchande de 1982 serait, à plus ou moins 10%, le montant payé aux expropriés lors de l'expropriation avec les ex gratia, mais ce n'est pas encore déterminé.

Quelle sera la politique de la société quant à l'augmentation des loyers actuels? Cette politique sera connue et je fais le voeu devant cette commission qu'il y ait -et, encore une fois, j'ai toujours prêché pour cela - cette consultation vis-à-vis des expropriés, ces rencontres qui sont nécessaires et essentielles pour que cette revente se fasse dans un climat serein, dans une bonne atmosphère. Y en aura-t-il? C'est un voeu que j'exprime. Peut-être y en aura-t-il, mais les expropriés, les agriculteurs doivent connaître, primo, ce que sera la valeur marchande et, secundo, quel sera leur loyer.

Y aura-t-il dans leur bail une clause "escalatoire"? Les gens qui paient actuellement un loyer raisonnable d'après un bail emphytéotique ou un bail à long terme se verront-ils offrir des loyers avec une clause "escalatoire" qui fera qu'au bout de 20 ans l'individu aura quasiment payé sa terre en loyers? Je ne le sais pas. Ces modalités ne sont pas encore connues des agriculteurs, mais je dis qu'au moment où on se parle, à 85% de la valeur marchande et compte tenu des loyers actuellement payés sur le territoire... C'est peut-être normal que les agriculteurs paient le loyer qu'ils paient actuellement. C'est normal, parce que les terres, dans certains cas, n'ont pas bénéficié de subventions comme sur le territoire non exproprié. En tout cas, je ne veux pas discuter du taux du loyer, mais je dis qu'actuellement le locataire dans le secteur agricole va réfléchir et, malheureusement, si la valeur marchande est à peu près ce que va représenter le rôle de la nouvelle génération moins 85%, je pense que l'agriculteur pourra difficilement redevenir propriétaire de sa ferme.

M. Lacroix: Je voudrais préciser seulement un point.

M. Ryan: Oui.

M. Lacroix: Nos prétentions, je pense qu'elles sont partagées par plusieurs, mais je donnais un exemple. Je pense que dans le débat, à la Chambre des communes, on avait pris un extrait où le ministre, à l'époque, avait annoncé que les loyers ne seraient pas haussés, que la politique des 5% et 6% serait suivie au cours des deux prochaines années pour concorder avec le plan fédéral. Puisque le loyer est à 40% ou environ, même en appliquant les normes du fédéral des 5% et 6% annoncées par le ministre, on a l'impression que cette formule est beaucoup plus avantageuse au point de vue économique que celle d'un prix de vente moins 15%. De sorte qu'on dit: Si c'est ça la politique et si c'était l'alternative... Je pense que c'est M. Fox qui avait dit qu'il ne pensait pas que 10% des agriculteurs allaient racheter. Il en connaît peut-être plus que la ville de Mirabel, mais on a dit: Quand tu veux vendre à tout prix, tu laisses un choix et ton choix doit faire en sorte que c'est plus encourageant et plus avantageux d'acheter que de louer. Mais à la lumière de ce qu'on connaît des deux options, compte tenu de la politique des 5% et 6%, on doute beaucoup que la majorité des agriculteurs concernés va choisir d'acheter si les conditions ne changent pas. D'accord?

M. Ryan: Très bien.

M. Laurin (Jean): Mais l'agriculteur a quand même un choix qui n'est pas disponible, si on veut, dans le secteur résidentiel ou dans le secteur commercial, parce que, à l'intérieur du territoire qui fait l'objet de la revente, on a 150 agriculteurs, 550 résidences, 50 commerces. Dans ces deux derniers secteurs, résidentiel et commercial, les gens ont deux choix aussi: on achète ou on s'en va, alors que, dans le secteur agricole, les agriculteurs ont le choix, de devenir propriétaires ou de louer. C'est peut-être une façon de plaire aux agriculteurs. Le gouvernement fédéral serait peut-être enclin à dire: On n'a pas de protestation sur le territoire. Bien sûr, on n'en a pas. Si au moins les agriculteurs ne sont pas obligés de s'en aller, on élimine un paquet de protestations, parce que ces gens sont capables de protester quand il faut le faire. Alors, ils vont demeurer sur le territoire pendant un certain nombre d'années, ils vont louer, mais peut-être que, à un moment donné, ils vont se rendre compte que le loyer, avec les clauses "escalatoires" ou le taux d'inflation... Je ne sais pas quelle sera la formule de la Société immobilière du Canada, formule qui, je l'espère, sera dévoilée incessamment. À ce moment, les agriculteurs pourront juger s'ils doivent louer ou acheter, mais ils pourraient peut-être se faire jouer un tour à la longue dans le sens de ne pas acheter maintenant et de

s'apercevoir qu'ils ont commis une erreur. Pour un certain temps, le gouvernement fédéral, compte tenu que les agriculteurs ont l'option de louer, aura peut-être la paix. C'est peut-être cela que je trouve un peu dangereux pour les agriculteurs.

M. Ryan: Le programme de revente, de la Société immobilière du Canada doit commencer à s'appliquer à compter du début de 1983, a-t-elle laissé entendre. Cela comprendrait la revente d'à peu près 500 maisons dans les villages, d'à peu près 150 fermes et d'une cinquantaine de commerces, si j'ai bien compris. Est-ce que la ville de Mirabel a été consultée par la Société immobilière du Canada sur les conditions auxquelles devrait se faire le transfert de ces propriétés? Est-ce qu'il y a eu une consultation formelle? Est-ce qu'on a dit: On aimerait avoir votre opinion? 11 y a des commerces qui vont changer de mains, il y a un grand nombre de résidences dans les villages qui vont changer de mains, ça va affecter des personnes, etc., on aimerait que vous nous fassiez des suggestions là-dessus en disant: Voici comment on envisage ça, qu'est-ce que vous en pensez? Y a-t-il eu consultation quelconque ou s'il n'y en a pas eu du tout?

M. Laurin (Jean): II n'y en a pas eu, M. Ryan.

M. Ryan: Très bien. Maintenant, il y a une question qui fait couler beaucoup d'encre et qui va être touchée dans des mémoires que nous allons entendre après le vôtre; je ne sais pas si c'est aujourd'hui ou au mois de novembre. Comme vous êtes là, je pense que c'est important d'avoir votre point de vue là-dessus. Il y en a qui disent: La ville de Mirabel, c'est une création artificielle, un enfant plus ou moins légitime. Maintenant qu'on sait à quoi s'en tenir au sujet de l'avenir de l'aéroport, il faudra...

M. Garon: Qui a eu pour père un peu le fédéral, ce qui explique qu'il soit illégitime!

Une voix: Surtout que depuis six mois on n'en a pas entendu parler. (11 h 45)

M. Ryan: II n'a pas eu de mère depuis cinq ans. Je n'ai pas dit maire.

Je voudrais vous demander, M. le maire, ce que vous pensez de cela. Il y a un mémoire dont j'ai pris connaissance et qui dit: II faudrait qu'on revienne au régime qui existait avant ces événements. Il n'y a pas de MRC encore sur votre territoire. J'ai l'impression que le ministre hésite. Il est un spectateur très assidu, très attentif à nos délibérations. Cela me fait bien plaisir qu'il soit avec nous, d'ailleurs. J'aimerais que vous nous disiez ce que vous pensez de l'avenir de la ville de Mirabel. Suivant certaines recommandations qui vont nous être communiquées sur la question de démembrer cette ville et de revenir au statut qui existait auparavant, comment réagiriez-vous, les administrateurs municipaux de Mirabel?

M. Laurin (Jean): À première vue, il m'apparaît évident que les gens qui vont suggérer le démantèlement ou la "défusion" de Mirabel ne connaissent sûrement pas le territoire de Mirabel. J'espère que vos propos ont fait sursauter les gens qui, tout autour, en haut, demeurent à Mirabel. Évidemment, la question mérite d'être posée compte tenu que cette ville a été créée pour que le gouvernement fédéral n'ait affaire qu'à une seule administration municipale. Évidemment, s'il n'y avait pas eu la construction de cet aéroport, la ville de Mirabel n'aurait jamais existé. Maintenant que tout le monde espère une revente du territoire, la question mérite d'être posée.

Par contre, les citoyens se sont habitués à vivre dans une ville comme Mirabel. Nous donnons maintenant des services à la population, services qui étaient inexistants ou presque inexistants dans la ville. Voici quelques services que la ville donne: prévention des incendies, police, service de génie, création d'un réseau de bibliothèques publiques, création d'un office municipal d'habitation, création d'un Bureau de développement économique tout dernièrement, service de loisirs, cour municipale. Enfin, il y a beaucoup de services que la ville donne à la population. Évidemment, si des secteurs comme Saint-Augustin, Saint-Canut ou Saint-Janvier redeviennent autonomes, si on veut, de quelle façon ces services seront-ils fournis à la population?

Certaines gens pensent que ce serait un voeu de la population de redevenir comme dans le passé. Je dois vous dire - vous connaissez assez bien le territoire, M. Ryan - que des secteurs comme Saint-Augustin, Saint-Canut, Saint-Janvier et Saint-Benoît ont été peu ou pas affectés par l'expropriation. La communauté de ces secteurs existe encore: l'église, l'école. Les commerces sont encore existants. Il y a, bien sûr, Sainte-Scholastique, Saint-Hermas et Sainte-Monique qui sont disparues, à toutes fins utiles; l'expropriation y a causé un tort énorme. Mais dans les autres secteurs, les ravages sont beaucoup moins perceptibles.

Les gens qui ont connu le temps avant l'expropriation et qui connaissent maintenant ce qui arrive avec l'expropriation, je pense, préfèrent de beaucoup demeurer à Mirabel. Un sondage, une enquête ou un référendum, peu importe, prouverait que la population ne verrait sûrement pas d'un bon oeil ce démantèlement de Mirabel. Qu'il suffise de

parler du taux des taxes, qui, il faut le dire, est quand même assez bas à Mirabel, je pense que les citoyens se verraient pénalisés à ce niveau. Je me pose la question: Qu'est-ce qui arriverait pour les retombées "économiques", entre guillemets, de l'aéroport? On perçoit des taxes du gouvernement fédéral, de Transports Canada, pour l'aéroport et pour les locataires dans la zone opérationnelle. Qui bénéficierait de ces retombées? Je pense que tous les citoyens de Mirabel devraient avoir une certaine part de ces retombées, compte tenu des promesses qu'on nous avait faites, le directeur général l'a dit tantôt. Les retombées compenseraient pour toutes les peines que les gens auraient endurées.

Je pense qu'on aurait de bons arguments pour réfuter cette idée, à savoir que Mirabel devrait redevenir de petits secteurs avec des conseils municipaux respectifs. Je pense que les contribuables de Mirabel sont fiers de demeurer dans la ville de Mirabel.

M. Ryan: Mirabel a demandé de former une MRC distincte. C'est une position qui a été énoncée il y a un certain temps déjà. Est-ce toujours la position de Mirabel? Pourriez-vous donner les raisons qui justifient cette position, d'après vous?

M. Laurin (Jean): C'est toujours la position de Mirabel. Il y a plusieurs raisons. En fait, on dit qu'on a formé une MRC avant l'heure, compte tenu que Mirabel est le résultat de la fusion de quatorze municipalités. On avait devancé, en quelque sorte, la loi 125 et on est habitué - c'est peut-être une réaction normale de notre part - à avoir plusieurs intervenants sur notre territoire. Une MRC seule pour Mirabel, si le ministre veut bien amender la loi, signifie un ou des intervenants de moins. On a notre schéma d'aménagement. On avait notre commission d'urbanisme. On avait reconnu à l'époque que Mirabel avait sa commission d'urbanisme autonome. Alors, il y a beaucoup de raisons. D'ailleurs, M. le ministre Léonard a certains documents qu'on lui a fait parvenir pour justifier la position de la ville, mais on est encore convaincu que Mirabel devrait être une MRC seule.

M. Lacroix: Je voudrais ajouter quelques points sur cette question, parce que je pense que cela intéresse quelques personnes. C'est évident que si on avait posé la question en 1971, les gens sont toujours contre les fusions ou à peu près. C'est une fusion qui a été décrétée en vertu d'une loi spéciale, mais je pense que onze ans après les gens sont heureux de leur municipalité et il y a des raisons à cela. Aujourd'hui, pour desservir l'aéroport, avec les usines de traitement, cela prend quand même un personnel technique qui connaît ces opérations. Tout notre réseau d'infrastructures a été planifié avec le territoire actuel. Notre réseau de bibliothèques, notre réseau de protection contre les incendies, notre réseau de loisirs, l'office municipal, les lieux, les endroits, tout a été planifié en tenant pour acquis que la ville conserverait ses limites actuelles. Posez la question à Montréal, à toutes les villes du Québec. On pourrait toujours défaire tout ce qui a été fait, mais je crois qu'à Mirabel, les gens ne demandent pas cela. Même s'il y avait des secteurs plus réticents au départ, je crois qu'on a créé ce sentiment d'appartenance malgré toutes les restrictions sur le terrain, malgré ce territoire périphérique.

Au point de vue de l'organisation désirée, on pourrait s'expliquer; ce n'est pas le but, mais quand même, cela mérite peut-être d'être précisé. Je pense que ce n'est sûrement pas de cela qu'on a besoin, d'autant plus que les secteurs sont représentés par des districts électoraux. L'an prochain, il y aura un district électoral de plus pour s'assurer que tous les secteurs sont représentés au conseil municipal, lequel sera formé de neuf conseillers provenant de neuf districts distincts, plus le maire, à la municipalité. D'autant plus qu'on est parti de rien, il y avait quatorze municipalités dont seulement une avait du personnel à plein temps. On couvre tout le territoire. Je vais vous donner un exemple: le service de police, une fois qu'on a vécu l'expérience durant dix ans, ce n'est sûrement pas le problème principal à Mirabel. Je crois que les gens sont satisfaits de la gestion municipale.

M. Ryan: On entend quelquefois d'autres échos, mais cela vient parfois de source impure. À la page 24 de votre mémoire - cela nous intéresse encore plus immédiatement - vous écrivez que "la ville de Mirabel attend du gouvernement du Québec un plan de rattrapage dans les différents programmes de subventions aux agriculteurs qui ont, jusqu'à maintenant, fait les frais des différends entre les deux paliers de gouvernement". Pourriez-vous expliquer cela, s'il vous plaît?

M. Laurin (Jean): On a vu l'annonce, il y a quelque temps, par le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, M. Garon, d'un plan de relance de l'agriculture sur le territoire, un programme de quelque 600 000 $ je pense, pour le nettoyage de...

M. Garon: Cela va atteindre à peu près 1 000 000 $.

Une voix: Ah bon!

M. Laurin (Jean): Ce qu'on veut dire, M. Ryan, c'est de permettre aux agriculteurs d'obtenir les mêmes subventions, en fait, toutes les subventions auxquelles ils ont droit.

M. Ryan: Je ne voudrais pas qu'on détourne la question. Je pense que, dans le texte que vous avez ici, ce n'est pas tant le creusage et le nettoyage des cours d'eau que les subventions aux agriculteurs. J'aimerais que vous nous disiez ce que vous envisagez. Quand vous parlez d'un plan de rattrapage, que voulez-vous dire?

M. Laurin (Jean): Certaines terres ont été délaissées. Si les agriculteurs, sur le territoire exproprié, n'ont pas bénéficié de certaines subventions auxquelles ils auraient eu droit normalement en tant que propriétaires, si le gouvernement peut avoir certains programmes pour aider ces agriculteurs, on pourrait peut-être poser la question au ministre: Est-ce que les agriculteurs sur le territoire n'ont pas été quelque peu pénalisés compte tenu qu'ils étaient des locataires?

M. Garon: M. le Président, vous me verriez très heureux de négocier avec le gouvernement fédéral une entente auxiliaire dans laquelle une partie des fonds viendrait du gouvernement fédéral. Il y a un rattrapage à faire vu que dans certains cas les terres ont été abandonnées pendant une quinzaine d'années, douze ou treize ans. Il y aurait une partie payée par le fédéral et une partie payée par le Québec. Ce genre d'entente auxiliaire, le Québec l'administrerait pour ne pas avoir deux ou trois intervenants comme on en a dans d'autres secteurs. Je pense que ce serait une excellente idée, une entente auxiliaire Ottawa-Québec qu'on administrerait pour ne pas avoir deux ou trois intervenants sur le territoire, dans une perspective de relance de l'agriculture. Je pense que cela serait la meilleure idée. Nous sommes favorables à cela.

En même temps, on pourrait, en consultation avec les agriculteurs, déterminer ensemble les productions qui devraient être privilégiées. Je pense qu'il pourrait y avoir -si les agriculteurs le souhaitent, on pourrait en discuter ensemble - des producteurs de fraises, des producteurs maraîchers. Il y a des productions qui pourraient être plus proches de l'aéroport, d'autres pourraient être plus loin. Il pourrait y avoir un genre de planification. On pourrait discuter ensemble ce qu'il serait le mieux de faire.

Si le fédéral est prêt à s'impliquer et qu'il n'y a aucun problème, je suis convaincu que les agriculteurs seraient intéressés. Nous serions intéressés. Je suis habitué à voir ça, chaque fois que le gouvernement fédéral casse des pots, on nous demande de les réparer. Il faudrait que le fédéral contribue à la réparation des pots. Si l'on voit sur le territoire un silo qu'on ne voit plus ailleurs au Québec, avec les dômes écrasés dedans, il n'y a que le moignon, il faut quand même dire que cela n'est pas dû au gouvernement du Québec. Je pense qu'on est prêt à faire notre part dans le plan de relance, mais il faut que le fédéral soit prêt à faire la relance.

S'ils nous disaient seulement: On abolit la Société immobilière du Canada, on revend les terres, on a un organisme de revente et le budget de 13 000 000 $, on va le mettre dans le pot pendant tant d'années - cinq ans, par exemple, cela représente 65 000 000 $ -peut-être que cela coûterait meilleur marché à tout le monde. Ça coûterait meilleur marché au fédéral. Il y aurait des impôts parce que les gens feraient de l'argent. On aurait un fonds considérable qui ne coûterait pas plus cher au gouvernement fédéral pour une relance extraordinaire de l'agriculture dans le milieu.

M. Lacroix: On a eu à vivre les relations fédérales-provinciales peut-être plus que toute autre municipalité au Québec. On a demandé un plan de relance; je pense que le gouvernement du Québec devrait considérer Mirabel comme un cas spécial même au point de vue agricole, comme dans d'autres cas. Voici notre crainte; si le fédéral diminuait progressivement ses budgets - comme on l'a vu dans le cas de la SPICAM - et que les 13 000 000 $ demandés et souhaités par le ministre n'étaient pas acquis, il ne faudrait pas laisser les agriculteurs seuls.

On a mentionné dans notre mémoire -j'ai devant moi l'article de M. Charbonneau qui avait écrit pour Statistique Canada - que c'était le comté où la valeur moyenne des fermes était la plus élevée au Québec. On a un moyen rattrapage à faire. Je ne nie pas tellement les chiffres qui ont été publiés par SORECOM, disons par M. Guy Pinard. Ce que je veux dire c'est que, même si ça va assez bien comparativement à d'autres comtés du Québec... Dans la vallée du Richelieu, c'est 300 000 $ de valeur moyenne des fermes. Lorsqu'on a 190 000 $ dans le nord de Montréal, on a un moyen rattrapage à faire pour reprendre notre première place. Advenant le refus du fédéral de contribuer, il ne faudrait pas laisser les agriculteurs sur place, seuls avec la ville de Mirabel. (12 heures)

M. Ryan: Le ministre n'a pas été tout à fait explicite. Il a dit que Québec est prêt à faire sa part. Il n'a pas dit de quelle manière. Vous avez dit, à un moment donné: Comme maître d'oeuvre, cela nous intéresse. Mais est-ce que Québec est prêt à faire sa

part au point de vue financier pour qu'une action s'engage vraiment?

M. Garon: J'ai même dit hier que, pour démontrer notre bonne foi, on n'a pas attendu des discussions. On a déjà commencé en mettant en marche près de 1 000 000 $ de travaux pour les cours d'eau. Ce sont des travaux préparatoires...

M. Ryan: Qui traînaient depuis longtemps.

M. Garon: ... au drainage souterrain et au drainage de surface, qui sont importants dans une région où on pense à développer la production céréalière ou la production de légumes.

J'en profite pour vous demander si la Société immobilière du Canada est responsable de l'entretien des bâtiments de ferme ou seulement des résidences. Est-ce qu'on entretient les deux? Est-ce qu'on entretient seulement les résidences ou si on entretient les bâtiments de ferme?

M. Laurin (Jean): Je dois vous avouer, M. le ministre, que les modalités qui sont incluses dans les baux, je ne les connais pas beaucoup. Peut-être que les mieux placés pour répondre seraient les gens qui sont ici, en haut. Je pense que, sous réserve, les agriculteurs entretiennent eux-mêmes leur ferme ou leur résidence.

M. Garon: Si le gouvernement fédéral a été, pendant treize ans, propriétaire de bâtiments de ferme qu'il n'a pas entretenus, il ne faut pas dire, à un moment donné, au gouvernement du Québec: C'est toi, maintenant, qui vas payer la note. Il me semble que, pour quelqu'un le moindrement intelligent, cela se comprend que le fédéral doit investir de l'argent là-dedans à cause de la détérioration dans l'agriculture. Nous sommes prêts à faire notre part parce que, s'il y avait eu un déroulement normal, le Québec aurait investi de l'argent dans le projet de Mirabel. Il y aurait eu, au cours des années, beaucoup plus de fonds et de subventions qui auraient été mis dans le projet de Mirabel qu'il n'y en a eu dans la situation actuelle.

Il faut voir les choses correctement aujourd'hui. Si, demain matin, le gouvernement fédéral disait: Je vends les terres au prix du marché moins 15%, financez-vous au crédit agricole étant donné que vous avez de meilleures subventions qu'à la Société fédérale de crédit agricole et qu'on vend toutes les terres au prix du marché sans tenir compte de ce qui s'est passé, cela veut dire environ 40 000 000 $ d'immobilisés dans du financement d'intérêts, ce qui va coûter beaucoup d'argent. Je préfère de beaucoup la formule qui a été avancée jusqu'à maintenant par les agriculteurs; elle m'apparaît équitable.

Je pense qu'il y aura d'autres mémoires - je ne voudrais pas présumer des conclusions - dans lesquels on parlera du prix de vente. Si on dit un prix de vente, je ne concevrais pas... Je vais le demander à d'autres intervenants qui vont se présenter. C'est un domaine que vous connaissez mieux. Moralement, est-ce qu'il serait normal que le gouvernement fédéral, qui a fait une erreur, s'enrichisse dans l'opération? Je pense que, moralement, il serait anormal que le gouvernement fédéral dise: Maintenant, la plus-value, c'est moi qui vais la prendre et qu'il s'enrichisse, par le fait même, dans l'opération. Je pense que, dans l'opération, le gouvernement fédéral ne peut pas viser à s'enrichir.

Dans le mémoire, on dit que 75% des expropriés sont sur les terres. Si 75% des expropriés sont encore sur les terres, normalement, s'il n'y avait pas eu cette erreur commise, ils seraient encore propriétaires. Dans la formule de rétrocession, non seulement il faudrait peut-être, mais il faudrait sûrement tenir compte qu'ils ont été dépossédés pendant un certain temps et il faudrait qu'ils redeviennent propriétaires. Comme ils le mentionnent dans leur formule, ils ont reçu un montant de capital. Il y a eu des intérêts sur ce montant de capital pour lequel ils ont payé de l'impôt. Par ailleurs, ils ont payé un loyer et la valeur de la rétrocession, dans le temps, ou la valeur de l'expropriation devrait être le prix de base. Là, on pourrait arriver à un prix de vente ou plutôt de rétrocession qui serait un prix correct, moralement correct, équitable.

On ne pourra pas parler de valeur au marché. Il va falloir parler d'équité dans un dossier comme celui-là. C'est pour cette raison que je n'ai pas voulu m'avancer trop quand vous m'avez demandé, hier, si j'étais allé négocier ces questions-là. Je n'ai pas voulu. Cette question concerne d'abord les expropriés eux-mêmes. Quand le fédéral les a expropriés, il n'est pas venu leur demander quel prix ils pensaient qu'il devait payer. Le gouvernement du Québec, dans le temps - ce n'était pas nous autres - n'a pas dû dire au fédéral: Vous devriez les payer tant. Je pense que ce sont eux-mêmes qui se sont défendus et, si les expropriés ont besoin d'un soutien technique, je pense qu'on peut le leur donner. Mais ce sont leurs terres, leurs propriétés et ce sont eux-mêmes qui ont le dernier mot. Partant de là, dans un plan de relance, on va s'asseoir à une table, de bonne foi, et on va dire: Maintenant, il faudrait que, sur le territoire de Mirabel, l'agriculture soit exactement comme elle devrait être en 1982, pas dans la moyenne mais à la tête, comme elle le serait normalement parce que les terres sont

meilleures qu'ailleurs.

Le député de Beauce-Sud a été estomaqué hier quand M. Laframboise a parlé de son entreprise. Que voulez-vous? C'est normal d'avoir de telles fermes. C'étaient des leaders. M. Tremblay était à côté de moi hier et me disait: Vous savez, à Mirabel, il y a un phénomène particulier, il y a des fermes de cette nature depuis longtemps et plusieurs sont petites. Je lui demandais pourquoi et il me disait: II y a moins de consolidation parce que les gars tenaient tellement à leur ferme qu'ils n'étaient pas capables d'acheter celle du voisin, alors qu'ailleurs plusieurs fois on a acheté celle du voisin et la ferme a grossi de cette façon-là. Il y a eu moins de ventes entre voisins dans ce temps-là parce que les gens tenaient beaucoup plus à leurs biens. Ce sont des facteurs qui ont joué.

On pourrait en profiter pour faire ensemble un plan de développement qui serait peut-être un modèle à suivre ailleurs. Pourquoi ne pas profiter de cette mauvaise expérience pour faire quelque chose de mieux dans la période de rattrapage? Je pense qu'on pourrait arriver dans les villages, par exemple, et dire: Le bulldozer viendra pendant un certain temps et il fera tous les travaux. On peut ainsi obtenir de meilleurs prix. Toutes sortes de choses peuvent se faire de façon différente parce qu'il y a une période de rattrapage qui pourrait aller très rapidement. Mais, là-dedans, il ne faudrait pas être mesquins, je pense qu'il faudrait que les deux gouvernements et les expropriés s'assoient pour convenir d'un plan.

M. Ryan: Je voudrais simplement dire au ministre que, s'il mettait tout cela par écrit, s'il écrivait à son homologue fédéral pour lui faire part de ce qu'il dit ce matin, cela ferait peut-être plus avancer le dossier que des dénonciations à l'emporte-pièce. C'est tout ce que j'ai demandé.

Je ne vois pas du tout de contradiction entre une démarche comme celle-là et ce que le ministre dit, à savoir que c'est évident que la négociation concrète, surtout pour la disposition de chaque propriété, relèvera d'abord des intéressés immédiats. C'est entendu, mais il me semble qu'il n'y a pas de contradiction entre les deux et cela donnerait plus de force à la démarche si elle se faisait sur les deux fronts en même temps.

M. Houde: C'est bien, cela.

M. Garon: Le député de Berthier est content?

M. Houde: Oui, M. le ministre, parce que le député d'Argenteuil répète les mêmes mots ce matin que ceux que j'ai dits aux gens hier, à 1 h 30 du matin. Merci, M. le Président.

M. Garon: On n'est pas fâchés non plus. Des voix: On a manqué cela.

Le Président (M. Rochefort): Sur ce, si vous me le permettez, M. le ministre de l'Agriculture, je voudrais quand même rappeler aux gens qui sont dans les galeries que, malgré la tolérance que j'ai affichée jusqu'à maintenant, notre règlement ne nous permet pas cela, normalement.

M. Ryan: Je suis profondément blessé parce que c'est la première fois que cela m'arrive.

M. Houde: J'ai dit cela toute la journée, hier.

M. Garon: Ce n'était peut-être pas le meilleur moment pour le dire. Je pense que le président a peur que vous aimiez cela.

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre de l'Agriculture, si vous me le permettez. M. le député d'Argenteuil, je voulais justement m'assurer que les deux côtés en avaient profité avant de faire cette remarque-là.

M. Ryan: Ah bon!

Le Président (M. Rochefort): Si on pouvait conclure là-dessus, il reste quelques députés qui ont demandé à intervenir.

M. Garon: Je dois dire, M. le Président, que j'ai parlé à M. LeBlanc, que j'ai connu aux Pêcheries - je ne connaissais pas M. Cosgrove - pour lui dire - ce n'est pas confidentiel -: M. LeBlanc, je ne pense pas que vous ayez été partie au dossier de Mirabel. Pourquoi assumeriez-vous une erreur passée? Pourquoi, au lieu d'essayer de justifier les treize années passées, ne recommenceriez-vous pas à neuf? Vous venez d'être nommé dans le dossier. Vous êtes du Nouveau-Brunswick, vous n'êtes pas du Québec; pourquoi ne regarderiez-vous pas le dossier avec un oeil neuf dans la perspective de le régler, plutôt que de défendre les erreurs passées? J'ai dit: On ne parlera pas du passé, on parlera de l'avenir en essayant de voir comment on peut régler le dossier.

Il m'a dit: Vous comprenez, je viens d'être nommé là. C'est quasiment moi qui lui ai appris qu'il avait Mirabel dans sa sacoche en devenant ministre des Travaux publics. Il pensait qu'il n'aurait plus affaire à moi.

M. Ryan: Juste un point avant que je ne finisse avec les autorités de Mirabel. Où en est le problème de la perception des taxes? La société immobilière vous a signifié

qu'à partir de la présente année vous devrez percevoir vos taxes vous-mêmes. Autrefois, elle percevait les taxes avec le loyer. Là, elle vous dit maintenant que c'est fini. À partir de quand cela s'applique-t-il? Où en est ce dossier exactement?

M. Laurin (Jean): Cela s'appliquera à compter du 1er janvier 1983. Comme je le mentionnais tantôt, même si notre rôle de nouvelle génération n'est pas encore terminé, cette décision de la société me semble irrévocable maintenant. Elle a décidé de ne plus percevoir les taxes directement des locataires du territoire périphérique, mais que cette perception soit dorénavant faite par la ville et ce à compter du 1er janvier 1983.

M. Ryan: Vous autres, vous auriez été mieux placés, une fois que votre nouveau rôle aurait été prêt, pour prendre cette responsabilité.

M. Laurin (Jean): Oui.

M. Ryan: Cela veut dire qu'un sursis d'un an aurait été pour vous éminemment désirable.

M. Laurin (Jean): Évidemment. Originalement, ce qu'on demandait à la société immobilière, c'était de continuer de percevoir les taxes par la voie des loyers et des baux signés avec les locataires du territoire périphérique. Naturellement, c'est une responsabilité municipale. Donc, on s'est dit: D'accord, on va assumer notre responsabilité, mais donnez-nous au moins la chance de terminer notre rôle de nouvelle génération. Ce sera extrêmement difficile pour nous, au début de l'année 1983, de faire l'envoi des comptes de taxes, compte tenu que nos fiches ne sont pas à jour, aux bonnes personnes. Malheureusement, on est devant un état de fait et on devra percevoir nous-mêmes les taxes en 1983.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Je suis heureux de retrouver ce matin en commission parlementaire mes vieux amis, M. Laurin et M. Lacroix. Je voudrais, tout d'abord, leur parler de cette question de vente du territoire. Les représentants des expropriés ont beaucoup insisté jusqu'ici durant les audiences de la commission sur la distinction qu'ils font entre vente et rétrocession. La rétrocession, c'est le retour au propriétaire; ce n'est pas la même chose que la vente. Je pense que cette distinction entre vente et rétrocession prend une dimension particulière quand on songe à certains types de ventes que le gouvernement fédéral a faites, par exemple, dans le cas d'une implantation industrielle à Great Lakes Carbon - près de Lachute - où j'ai l'impression que le gouvernement fédéral a en quelque sorte fait un coup d'argent. Ce qui a été payé pour ce terrain, je crois que c'est très supérieur à ce qui avait été versé en compensation au moment de l'expropriation.

Il y a des rumeurs selon lesquelles il y aurait d'autres ventes massives comme cela qui se prépareraient et qui feraient que, dans ce programme de revente, on ne ferait pas seulement de la rétrocession; peut-être même qu'on ne mettrait pas tellement l'accent sur la rétrocession pour plutôt chercher, dans beaucoup de cas, à vendre de très vastes étendues de terrain pour divers types d'exploitation plus ou moins agricoles et sans tenir compte des anciens propriétaires qui, à l'origine, ont été expropriés.

Vous, M. Laurin, que pensez-vous de ces ventes massives? Voyez-vous là un danger de dénaturer le territoire et de commettre en quelque sorte une injustice envers les expropriés?

M. Laurin (Jean): Pour ce qui est de la vente sur les territoires expropriés et dans la partie de Lachute de plusieurs acres de terrain pour la Great Lakes Carbon, primo, à ce qu'on nous a dit - et je pense que c'est exact - ce n'était pas un territoire propice à l'agriculture. Maintenant, je voudrais vous faire part - et c'est une chose que je peux affirmer - que la société immobilière nous disait que les sommes que la société a récupérées par la vente de ces acres de terrain pour la Great Lakes Carbon sont exactement ce qui a été payé, plus les frais administratifs, etc.

Or, je dois vous avouer très honnêtement que je n'ai pas vérifié plus qu'il ne le faut cette vente, compte tenu que ce n'était pas dans un secteur propice à l'agriculture. Je verrais mal la société immobilière profiter du fait que des propriétaires ont beaucoup de terrains à Mirabel pour favoriser l'industrie et le commerce au détriment des agriculteurs. Je peux vous dire, M. le député de Deux-Montagnes, que, personnellement, je ne suis pas au courant de ces intentions auxquelles vous avez fait allusion tantôt, à savoir que la société immobilière aurait l'intention de revendre une partie du territoire de la même façon qu'elles a vendu à Great Lakes Carbon. C'est la première nouvelle que j'en ai, mais je serai vigilant dans ce sens et je pense que de toute façon la société immobilière n'a pas le choix. Les expropriés de la première heure, les locataires actuels, dis-je, ont le premier droit de regard. La société ne peut dévier ou déroger au moins à ces modalités qui favorisent les locataires actuels. (12 h 15)

M. de Bellefeuille: Vous dites, M. le maire, que vous serez vigilant. On peut comprendre, par conséquent, que vous avez tendance, vous aussi, à vous opposer aux ventes massives qui pourraient dénaturer le territoire et priver définitivement les propriétaires originaux de toute possibilité de récupérer leur territoire.

M. Laurin (Jean): Je m'engage devant les... Je ne sais pas si c'était le but de votre intervention, mais, de toute façon, les gens qui sont en haut me connaissent quand même. Je m'opposerais fortement à ce que la société immobilière vende du terrain propice à l'agriculture - de toute façon, je suis convaincu qu'elle ne peut le faire - qui est loué actuellement par des agriculteurs, pour de l'industrie ou du commerce, même si je désire de l'industrie et du commerce à Mirabel. Ce sont les locataires actuels qui ont le premier droit de regards. Si on veut sauver l'agriculture, on ne bâtira pas d'usines ou de commerces sur des terrains propices à l'agriculture.

M. de Bellefeuille: À propos de la société immobilière, M. Laurin, on a signalé, il y a quelques instants, que vous étiez membre du conseil de cette société. Vous vous présentez aujourd'hui devant nous portant votre chapeau de maire et, comme maire, vous nous présentez un mémoire qui comporte certaines critiques assez sévères à l'endroit de ce qui se passe. Cela pourrait être interprété comme une critique de la société immobilière. Je ne dis pas cela pour vous faire un reproche, pas du tout, M. le maire, parce que je comprends fort bien que le gouvernement fédéral ait voulu que le maire de Mirabel soit d'office membre du conseil de la SIC. On ne peut s'opposer à cela. Je comprends fort bien que vous, de votre part, vous acceptiez ce double rôle afin d'user du pouvoir que vous avez au sein du conseil de la SIC pour veiller aux intérêts de votre municipalité. Il n'y a pas de reproche là-dedans, sauf que - là, je vous parle en toute naïveté, en toute candeur -je me demande combien de temps vous allez pouvoir être en désaccord avec la SIC et rester membre du conseil de la SIC.

M. Laurin (Jean): Écoutez, je ne suis qu'un membre sur sept, lors, une voix sur sept. Le langage que vous retrouvez dans notre communiqué est exactement le même langage - M. le ministre l'a souligné tantôt, il y a des gens de la société qui sont ici dans le moment - que je tiens à la société immobilière. C'est encore permis d'enregistrer sa dissidence sur certaines résolutions et, quand je pense que ça va à l'encontre des besoins ou du bien de la municipalité, je le fais.

Maintenant, combien de temps demeurerai-je au sein de la société immobilière? Je vous répondrai: Aussi longtemps que je serai convaincu que le rôle que j'ai à jouer là est important pour les citoyens. Quand je m'apercevrai que je ne peux faire avancer le dossier, que je ne peux intervenir pour venir en aide aux citoyens de Mirabel, à ce moment j'aurai une décision à prendre. Mais je pense qu'actuellement j'ai un rôle à jouer et j'essaie de l'assumer au meilleur de ma connaissance.

M. de Bellefeuille: Quant à moi, M. le maire, cette réponse est tout à fait satisfaisante. Je voudrais revenir à la question des taxes municipales au sujet de laquelle le député d'Argenteuil vous a interrogé. Est-ce qu'il n'y a pas danger de contestation juridique dans une situation où il n'y a pas de cadastre? Un locataire pourrait fort bien engager un avocat pour contester la base sur laquelle vous avez déterminé la taxe applicable dans son cas, et on sait fort bien alors ce qui arrive. Quand il y a possibilité de contestation juridique, possibilité d'engager un avocat, ce sont les gros qui s'en tirent le mieux parce que les petits sont plus faciles à intimider et ont moins souvent recours aux avocats qui coûtent cher. Est-ce que vous ne risquez pas de vous trouver dans une situation assez difficile en percevant les taxes de façon un peu inégale? En effet, ceux qui seront le plus en moyen engageront des avocats et feront traîner cela devant les tribunaux en attendant que ces questions de cadastre soient réglées, ce qui pourrait prendre des années et des années.

M. Laurin (Jean): M. Lacroix va répondre.

M. Lacroix: Au sujet de la perception des taxes, même en supposant que notre rôle n'est pas prêt, il y a un problème très particulier, mais je pense que ce n'est pas l'endroit pour montrer les difficultés techniques de la confection d'une maîtrise graphique selon les lois et règlements du Québec. La direction de l'évaluation foncière du ministère, qui est au courant, est à la recherche d'une solution. Il est évident qu'en plus des pertes qu'on va subir dans les années 1984 et suivantes, en 1983, on va perdre plus que dans une autre année, parce qu'on est dans la position d'envoyer des comptes de taxes aux locataires du territoire exproprié en leur donnant, dans la majorité des cas, le bénéfice du doute. On va être obligé d'évaluer à la baisse pour avoir le moins de contestations possible. On sait que plusieurs comptes de taxes seraient contestés de façon juridique par une bonne partie des locataires, mais je pense qu'on prendra l'option d'envoyer un compte moins élevé plutôt qu'un compte plus élevé, à tout le

moins pour l'année 1983. Cela s'ajoutera aux pertes éventuelles, de sorte qu'on est déjà assuré que, si on n'a pas le choix et qu'on doit procéder à l'envoi des comptes de taxes pour 1983, pour le territoire périphérique, on va faire pour le mieux, parce qu'on ne peut pas faire mieux que cela, en étant conscients que certains comptes pourraient facilement être contestés devant les tribunaux. On va compter sur la bonne foi des gens qui vivent sur le territoire exproprié, au moins pour l'année prochaine. D'accord? La question est bonne, délicate et il est difficile d'y répondre d'une façon précise.

M. de Bellefeuille: Merci. M. le maire, je voudrais vous ramener à ce plan qui fait partie de votre mémoire. Il y a quelque chose que j'ai du mal à comprendre quant à l'étendue du territoire qui, selon les autorités municipales de Mirabel, devrait être rétrocédée ou vendue, mais disons rétrocédée. Vous proposez une étendue plus grande que ce qui est proposé par la SIC, mais j'essaie de comprendre, dans votre plan, pourquoi vous ne proposez pas que la partie sud de la municipalité soit rétrocédée, soit Saint-Augustin et Saint-Benoît.

M. Laurin (Jean): Mais cela n'appartient pas au territoire exproprié.

M. de Bellefeuille: C'est du territoire non exproprié jusqu'à la ligne pointillée?

M. Laurin (Jean): Oui, non exproprié.

M. de Bellefeuille: Dans ce secteur blanc, il y a beaucoup de territoire exproprié.

M. Laurin (Jean): Non, non. Dans le secteur blanc, ce n'est pas, M. de Bellefeuille, du territoire exproprié. Saint-Augustin et Saint-Benoît ne sont pas des territoires expropriés.

M. de Bellefeuille: Mais il y a un territoire exproprié à l'intérieur de Saint-Benoît, par exemple.

M. Laurin (Jean): Près de Saint-Hermas, dans le rang Saint-Vincent.

M. de Bellefeuille: Ah, bon! Mais l'impression générale, quand même, que je retiens, c'est que, si vous regardez autour de l'aéroport proprement dit, il y a des territoires assez vastes que vous laissez en blanc et qui, eux, sont nettement expropriés, en majeure partie ou au complet.

M. Laurin (Jean): Oui, d'accord.

M. de Bellefeuille: Bon! Pourquoi laisser tous ces territoires dans le blanc sur votre plan? Pourquoi ne pas les avoir inclus dans la zone grise que la ville considérerait comme excédentaire?

M. Laurin (Jean): D'accord. On a voulu respecter, dans un premier temps, les contraintes sonores et tout le territoire qu'on a identifié comme revendable ne fait pas l'objet de contraintes sonores ou très peu. Évidemment, Sainte-Scholastique étant située tout près des pistes, elle ne fait pas, dans l'esprit du conseil, l'objet d'une revente pour l'instant, mais il y aura lieu, à la suite de nouvelles études sur l'agression sonore, d'étudier le bien-fondé de la revente, peut-être même à l'extérieur de la zone ultime des 17 000 acres. Évidemment ce n'est pas coulé dans le béton. Si on pense que, pour l'instant, le gouvernement fédéral devrait revendre 48 000 acres, il n'est pas dit du tout que, dans l'esprit du conseil municipal, Sainte-Scholastique n'est pas un territoire revendable, loin de là.

M. de Bellefeuille: Justement, à propos des questions de bruit, je vous signale que le ministère des Transports du Québec nous a présenté un mémoire qui contient des considérations qui me paraissent très pertinentes là-dessus, en vertu desquelles on pourrait diminuer de beaucoup le secteur que vous avez indiqué en blanc dans votre plan, en fonction du facteur sonore tel qu'il se présente selon les dernières études. Alors, je pense que la ville aurait avantage à réexaminer ça et à réviser ses positions là-dessus, de sorte qu'il n'y ait pas du territoire qui reste indéfiniment sous tutelle, alors qu'il pourrait, sans obstacles sérieux du point de vue de l'aéronautique, être rétrocédé.

M. Laurin (Jean): D'accord, mais moi, M. de Bellefeuille - et j'en ai discuté à quelques reprises avec les expropriés - je pense exprimer le voeu - tout le monde l'a fait ou le fera dans les prochaines heures -que le gouvernement fédéral revende la plus grande partie du territoire possible, c'est très louable. Nous, on aurait pu, à la rigueur, suggérer de revendre tout le territoire exproprié, sauf la zone opérationnelle. Mais il y a une question fondamentale, c'est de quelle façon va-t-on vendre le territoire? C'est bien beau de dire: Vendez 80 000 acres, mais si ça prend 80 ans pour vendre 80 000 acres, si on n'a pas trouvé la formule pour revendre le territoire. On peut exprimer toutes sortes de voeux; on peut dire que le territoire, à l'extérieur de la zone opérationnelle, est un territoire excédentaire qui devrait être revendu. Nous, on prétend que tout ce qui n'est pas nécessaire au fonctionnement et à la protection de l'aéroport, devrait être vendu. Mais ce qui me préoccupe bien plus que la

suggestion de revendre un certain nombre d'acres, c'est la façon de vendre. Je ne suis pas sûr qu'on ait trouvé encore la façon de revendre le territoire.

M. de Bellefeuille: J'en déduis qu'au fond vous êtes assez d'accord avec moi, mais que, à votre avis, il se pose des problèmes quant à savoir à quel rythme cette rétrocession pourra se faire.

M. Laurin (Jean): Exactement.

M. de Bellefeuille: Vous avez dit, à propos de la rétrocession, qu'il faudrait qu'il y ait des consultations. Je voudrais vous demander avec qui, à votre avis, ces consultations devraient se faire.

M. Laurin (Jean): Avec les locateurs du territoire périphérique.

M. de Bellefeuille: Pris individuellement?

M. Laurin (Jean): Non, en groupe, avec des associations qui représentent les gens du milieu, les expropriés.

M. de Bellefeuille: Quelles sont ces associations?

M. Laurin (Jean): Entre autres, le CIAC, bien sûr; la ville de Mirabel devrait également être impliquée et possiblement, au prorata de la représentativité, d'autres groupes qui oeuvrent sur le territoire actuellement.

M. de Bellefeuille: Au prorata de la représentativité, ce sont les mots clés, c'est important, parce que j'ai l'impression que, quand vous avez nommé le CIAC et la ville de Mirabel, vous avez nommé les deux instances...

M. Laurin (Jean): Exactement.

M. de Bellefeuille: ... dont la représentativité fait le moins de doute et est la plus forte. Est-ce que vous avez vous-même été exproprié, M. Laurin?

M. Laurin (Jean): Non.

M. de Bellefeuille: Votre père?

M. Laurin (Jean): Non plus.

M. de Bellefeuille: Vous vivez à Saint-Hermas, je crois.

M. Laurin (Jean): Oui.

M. de Bellefeuille: Vous êtes propriétaire?

M. Laurin (Jean): Exactement.

M. de Bellefeuille: Vous n'êtes pas exproprié?

M. Laurin (Jean): Non.

M. de Bellefeuille: Vous n'êtes pas locataire du fédéral?

M. Laurin (Jean): Non.

M. de Bellefeuille: Cela vous donne une certaine autonomie par rapport à ces questions.

Ce sera ma dernière question. À propos du prix de vente, il y a une formule qui a été proposée par la SIC, c'est la valeur marchande moins 15%. Les représentants des expropriés nous ont proposé une autre formule qui est fondée sur une notion qui me paraît assez claire, assez simple, assez bien fondée, c'est de partir du prix qui a été payé au moment de l'expropriation. Il faut bien ce rappeler ceci. J'ai souvent entendu des porte-parole du gouvernement fédéral dire que les expropriés ont été bien payés; je pourrais citer une bonne douzaine de porte-parole du gouvernement fédéral qui, publiquement, ont déclaré que les expropriés avaient été suffisamment dédommagés et qu'ils avaient été bien payés. Alors, s'ils ont été bien payés, le raisonnement consiste à dire: Si le gouvernement fédéral acceptait maintenant un prix qui serait - en tenant compte de certains facteurs de pondération -fondé ultimement sur le prix qui a été payé au moment de l'expropriation le fédéral à ce moment-là, lui aussi, pour employer les mêmes mots, serait bien payé. Est-ce que vous n'accepteriez pas cette analyse? (12 h 30)

M. Laurin (Jean): J'aime mieux la consultation avant de répondre à une question semblable. Le prix que l'agriculteur devra payer, je n'ose même pas l'avancer, parce que l'agriculture est une de nos préoccupations, mais il y a également le secteur résidentiel et le secteur commercial. Alors, quel est le prix décent qu'un agriculteur devrait payer pour reprendre sa propriété? Je n'ose pas avancer de chiffre, M. le député.

Je tiens à apporter une précision ou à nuancer vos propos. Vous avez dit tantôt que la société immobilière avait formulé une proposition de 85%. Je tiens à vous faire remarquer que c'est le gouvernement fédéral, de façon unilatérale, et non pas la société immobilière qui a suggéré un montant de valeur marchande de moins 15%.

M. de Bellefeuille: Je vous remercie de m'avoir corrigé, M. le maire, mais c'est pourtant la SIC qui va être l'exécutrice de cette politique et vous, comme membre du

conseil de la SIC, vous allez pouvoir veiller à ce que cela ne devienne une politique appliquée qu'après consultation.

M. Laurin (Jean): J'espère. Je le souhaite, je le favorise, et, au sein du conseil d'administration, je continuerai toujours à prêcher cette consultation qui est nécessaire, à mon sens, pour une rétrocession du territoire dans l'harmonie, la sérénité et le calme, afin d'éviter la provocation.

M. de Bellefeuille: Merci, M. le maire.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Avec la permission du président, M. Ryan voulait revenir pour une question ou deux et je reviendrai ensuite.

M Ryan: C'est seulement sur un point. Tantôt, le député de Deux-Montagnes a adressé une question à M. le maire de Mirabel à propos du terrain qui a été vendu à la société Great Lakes. D'abord, ce n'est pas dans le territoire de la ville de Mirabel; c'est dans le territoire de Lachute, pour votre information.

M. de Bellefeuille: C'est cela. Sous la juridiction de la SIC, quand même.

M. Ryan: Je comprends, mais pas sous la juridiction de M. Laurin en sa qualité de maire. Il est ici, il l'a dit lui-même, comme maire et non pas comme administrateur de l'autre. Deuxièmement, il faudrait dire qu'avant que ce terrain soit dézoné - il était zone agricole - il y a eu une consultation en bonne et due forme, comme le prévoit d'ailleurs la loi, avec les agriculteurs de la région, avec à la fois l'UPA de langue française, ceux qui sont ici pourront me le confirmer, et l'UPA de langue anglaise. Les deux organismes ont donné leur approbation au changement de statut du territoire. Ensuite, il fallait le vendre. Si la société immobilière - je suis prêt à faire l'examen indépendant et impartial, mais je veux qu'on soit juste aussi - avait vendu ce terrain-là 300 $ l'acre, tout le monde aurait dit: C'est effrayant, ces gens font un cadeau à une multinationale. Ils l'ont vendu à un prix plus sérieux, je pense que c'est 2500 $ à 3000 $ l'acre. Au moins, ils l'ont vendu au prix que cela vaut. Je ne pense pas qu'on puisse leur adresser de reproches là-dessus. Si vous trouvez que le produit de la vente doit faire partie d'un règlement collectif éventuel, je comprends, mais on ne peut pas demander qu'il y ait un droit de veto pour chaque personne chaque fois qu'ils vont vendre un terrain. Je vous dis une chose. Il est question que quelques autres terrains dans cette région soient réservés pour les mêmes fins, de manière à constituer une sorte de parc industriel lourd pour la région de Lachute. Personnellement, je favorise cela à 100%. J'espère qu'on aura assez d'ouverture d'esprit si cela se présente, pour ne pas mettre d'entrave artificielle et injustifiée au développement industriel de cette région.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Je tiens personnellement à remercier M. le maire et M. le directeur général. Ce sont des témoins qui ont su faire avancer les travaux de cette commission. Je vais tenter de procéder rapidement. Mon intervention portera principalement sur quatre points. Voici le premier. M. le maire, si ce n'est pas trop indiscret, quelle est la situation financière de la ville de Mirabel? Est-ce que vous êtes dans une situation financière précaire, solide, avantageuse, moyenne?

M. Laurin (Jean): Normale, avec un taux de taxe de 1,10 $ les 100 $ d'évaluation.

M. Paradis: Au niveau de l'endettement, est-ce que vous êtes pris à la gorge?

M. Laurin (Jean): Non, pas du tout.

M. Paradis: Ma question s'adresserait peut-être à M. Lacroix, qui connaît bien l'ensemble des autres municipalités du Québec. Si vous vous comparez aux autres municipalités de la province de Québec, est-ce que vous vous classez parmi les municipalités qui sont pas simplement bien gérées, mais bien financièrement aussi ou mal financièrement?

M. Lacroix: Ce que je peux dire, c'est que je pense que notre situation financière, en toute honnêteté, est meilleure que celle de la majorité des villes du Québec probablement parce que, contrairement à plusieurs municipalités, au cours des dernières années, on a commencé à utiliser des méthodes restrictives bien avant d'autres. On a eu la clairvoyance, au cours des dernières années, d'essayer le plus possible de payer comptant les investissements à même les revenus courants au lieu de les étaler à long terme, de sorte que le pourcentage de notre dette à long terme est inférieur à la moyenne provinciale.

Par contre, dans un vaste territoire comme Mirabel, il faut craindre, même si notre situation est bonne, qu'une mauvaise gestion sur une période relativement courte pourrait faire en sorte qu'on se retrouve, dans quatre ou cinq ans, avec des difficultés financières. Il faut être très vigilant et prudent même si notre situation est bonne. Il

faut que l'administration utilise les mêmes méthodes que celles qui ont prévalu au cours des dernières années. Si quelqu'un se lançait dans des projets d'investissement importants et si on y avait cru... Je vais vous donner un exemple. Dans toutes les dépenses, au plan triennal, d'immobilisations annuelles, on n'a jamais tenu compte d'aucune évaluation qui pourrait survenir de l'implantation éventuelle d'une industrie ou de projets importants majeurs, tant du gouvernement du Québec que du gouvernement du Canada. Mais, s'il avait fallu administrer dans un autre contexte, on aurait d'énormes difficultés compte tenu de l'immensité du territoire. Dans un territoire aussi immense et de cette envergure, avec le peu de population qu'il y a, c'est très facile de dépenser 15 000 000 $ ou 20 000 000 $. Je vous réponds oui, mais en prévenant les administrateurs éventuels d'être très prudents dans la gestion de ce vaste territoire parce que la situation pourrait facilement devenir, disons, à l'inverse et les administrateurs connaître des difficultés financières très importantes à court terme, compte tenu du territoire.

M. Paradis: Je vous remercie beaucoup. C'est complet comme tableau.

M. le maire, je tente comme parlementaire de concilier - là-dessus, je vais peut-être avoir besoin d'un peu d'explications de votre part - le mémoire que vous avez présenté, il y a un an, à la Société immobilière du Canada et le mémoire que vous présentez aujourd'hui. Je ne dis pas qu'ils sont inconciliables, mais il y a des zones grises, du moins dans la tête du député de Brome-Missisquoi. Je vous réfère à certains passages particuliers dans le but d'obtenir des réponses. En septembre 1981, à la page 3 du mémoire... Je vais vous laisser le temps de le retrouver. Est-ce que vous l'avez trouvé? Non. Si je vous donne ma copie, je ne pourrai plus vous poser de questions.

M. Ryan: II ne voudrait pas vous dispenser de la chance de répondre. Celui de l'an dernier?

M. Paradis: Oui. En septembre. À la page 3, vous mentionniez, à l'époque: "La nouvelle équipe en place témoigne déjà d'un certain dynamisme qui devrait se refléter dans d'éventuelles politiques de développement et de mise en valeur de la propriété fédérale." Un peu plus loin, vous dites: "L'éventail du mandat confié à cette société laisse présager qu'elle ne voudra plus n'être qu'un gestionnaire passif et peu accessible aux citoyens, mais qu'elle saura prêter une attention soutenue aux besoins particuliers des résidents du territoire fédéral, tout en devenant l'exemple à suivre dans une politique de relance et de remise sur pied du territoire."

Ma question est la suivante: Vous ne semblez plus appuyer cela aujourd'hui dans le mémoire que vous présentez à cette commission. Qu'est-ce qui s'est passé, selon vous, entre les deux?

M. Laurin (Jean): Quand on parle de politique de relance et de remise sur pied de ce même territoire - je l'ai mentionné tantôt - je pense que la société immobilière a fait un effort louable, précisément dans le secteur de Sainte-Scholastique, pour rénover, débarricader certaines maisons qui l'étaient depuis un certain temps, voire plusieurs années, à l'occasion. Mais, depuis la présentation de ce mémoire, en 1981, d'autres événements sont peut-être venus modifier notre pensée sur la société, quoiqu'on considère que la société ait quand même un rôle important à jouer en tant que propriétaire des deux tiers du territoire de notre ville. Mais la société s'est impliquée dans certains domaines où, à notre point de vue, administrateurs municipaux, elle n'aurait pas dû s'impliquer. C'est un risque pour la ville. On voit ce qui s'est passé dernièrement avec la chambre de commerce qui reçoit un appui presque total de la société immobilière. Elle demande et obtient de la société immobilière alors qu'elle demande à la ville et n'obtient pas nécessairement.

M. Paradis: Est-ce que je peux conclure sur ce point que, dans les faits, vous les avez invités a demeurer moins passifs, mais qu'ils ont outrepassé votre invitation dans l'application quotidienne?

M. Laurin (Jean): Exactement.

M. Paradis: Ils sont allés plus loin que l'invitation que vous leur aviez faite.

M. Laurin (Jean): Oui, beaucoup plus loin.

M. Lacroix: Je peux peut-être ajouter, pour aller dans la même ligne de pensée, qu'il faut se rappeler historiquement qu'à cette époque le mémoire de la ville était fait, d'abord, avant l'annonce de la politique de la société. Il y avait beaucoup d'espoir, compte tenu qu'on avait connu un autre régime qui n'informait pas du tout. C'est également avant l'annonce de la décision de M. Pépin.

Je vais vous donner un exemple où on demandait aux gens d'informer les citoyens. Si vous vous rappelez l'ancienne gestion, l'ancienne administration fédérale sur le territoire n'avait même pas un bulletin d'information. Quand on leur a dit d'informer les gens, je pense qu'on voulait informer de bonne foi, donner le plus de nouvelles,

d'informations possible à tous les expropriés.

Je pense que, dans certains domaines, ils l'ont pris pas mal plus parce qu'on n'aurait pas cru que l'information consistait à consulter des firmes et à embaucher des SORECOM. On voulait qu'on tienne compte que consulter, pour nous, c'était tenir compte des volontés du milieu dans l'opération quotidienne de la société. Je pense que, dans les faits, une année après, c'est évident que la pensée des administrateurs de la ville, autant au conseil municipal, a évolué pour aboutir à l'approbation. Cela n'a peut-être pas été dit, mais le mémoire a été adopté à l'unanimité par le conseil qui est composé de neuf membres actuellement.

Je vous rappelle que la majorité des membres du conseil sont des non-expropriés. Pour préciser, lors de l'expropriation, les expropriés représentaient à peu près les deux tiers de la population de Mirabel. Ils occupaient également deux tiers du territoire. Douze ou treize ans après, on s'aperçoit qu'aujourd'hui ils occupent toujours deux tiers du territoire, mais avec seulement un tiers de population, de sorte que, les élus municipaux étant désignés par la population, leur importance relative a diminué et diminuera probablement graduellement avec les années.

Je pense que le dossier a évolué et, pour plusieurs intervenants, cela explique probablement la prise de position initiale du conseil qui a évolué sur une période de douze mois, peut-être comme d'autres organismes. D'accord?

M. Paradis: Cela va, merci. À la page 9 de votre mémoire de juin dernier, la ville demandait à la société que celle-ci mette en place un programme d'investissements majeurs dans tous les secteurs d'activité économique et principalement dans l'agriculture, les commerces, les équipements récréatifs et les espaces verts, qu'elle favorise l'implantation de projets communautaires et également des projets qui auraient comme conséquence d'apporter des investissements intéressants en plus d'attirer les gens de l'extérieur, tels jardins zoologiques, attraits touristiques, etc.

Est-ce que vous maintenez toujours -j'ai peut-être vu quelques références dans le mémoire d'aujourd'hui - cette attitude? Estelle différente aujourd'hui? Si oui, pourquoi?

M. Laurin (Jean): Lorsque la ville de Mirabel a préparé ce mémoire présenté lors des audiences de l'automne dernier, il faudrait savoir, en premier lieu, et je pense que M. Lacroix l'a mentionné tantôt, que le gouvernement fédéral n'avait pas annoncé, à cette époque...

M. Paradis: ... Dorval.

(12 h 45)

M. Laurin (Jean): Cela, oui. Mais ce qui est encore plus important, c'est qu'il y aurait du territoire qui serait revendu. La société existait, fonctionnait, mais les gens n'étaient pas du tout assurés qu'il y aurait du territoire qui serait revendu.

Maintenant, que la société mette en place un programme d'investissements majeurs dans tous les secteurs d'activité, principalement dans l'agriculture, on le souhaite encore quant à la partie qui ne sera pas revendue. Par contre, on a dit à la société immobilière: N'investissez pas sur un territoire qui, possiblement, sera revendu; à la suite de cela, les agriculteurs devront payer le prix. On avait fait une mise en garde: Investissez sur du territoire qui, pour l'instant, est susceptible de ne pas faire l'objet de revente, si revente il y a.

Je vous donne l'exemple de Sainte-Scholastique qui a été expropriée à 100% et qui ne fait pas l'objet de la revente pour l'instant. On trouve tout à fait normal que le gouvernement fédéral répare les pots cassés dans ce secteur, et non seulement cela, mais qu'il fasse des investissements comme le fait l'entreprise privée ou un particulier. Quand il fait cadastrer un terrain à Mirabel, le citoyen doit payer 8% de taxes. Compte tenu qu'il est impossible de faire du développement à Sainte-Scholastique, que la société, en contrepartie, aménage de petits parcs, qu'elle continue à exploiter le bois de Belle-Rivière et qu'elle fasse le nettoyage d'un cours d'eau sans que cela nuise à une revente éventuelle du territoire, on n'avait pas et on n'a pas encore d'objection à cela.

M. Paradis: J'ai fini avec l'ancien mémoire, je reviens avec le nouveau mémoire et j'essaie d'y appliquer vos réponses. À la page 3, vous mentionnez des interventions non pertinentes. Dans les trois interventions non pertinentes que vous mentionnez, il y a La Mirablière, la Foire agricole de Mirabel, le Festival western et des interventions auprès de la chambre de commerce pour la fourniture de ressources professionnelles, etc.

À la Foire agricole de Mirabel, avez-vous eu une participation du ministère provincial de l'Agriculture ainsi que du ministère fédéral de l'Agriculture, comme c'est le cas pour l'ensemble des foires agricoles au Québec?

M. Laurin (Jean): Non, mais ce n'est pas une foire agricole comme on en connaît.

M. Paradis: Ce n'est pas une société d'agriculture...

M. Laurin (Jean): Non, absolument pas. Ce sont des kiosques, ce sont les gens du

milieu qui exposent leurs produits; il y a une espèce de petite exposition d'animaux de ferme, il y a des jugements qui se font, mais c'est une exposition à très "low profiles".

M. Paradis: Elle n'est pas subventionnée?

M. Laurin (Jean): Non.

M. Paradis: J'en ai deux dans mon comté et cela m'intéressait de savoir combien vous aviez reçu.

M. Laurin (Jean): Elle est quand même subventionnée par...

M. Garon: Là, ça prendrait un mot d'explication. Je regarde le député d'Argenteuil qui se tape sur les cuisses. Pour avoir droit aux subventions, dans les expositions agricoles, il faut être une exposition reconnue et il y a tout un processus à cela, en vertu d'un programme existant. Au contraire, avant 1976, c'était à la discrétion du ministre alors qu'aujourd'hui il y a un programme existant. Les gens savent à l'avance quelles sont les règles du jeu.

M. Ryan: Le ministre pourrait peut-être ajouter qu'il a été invité à subventionner celle-ci et qu'à cause de ces critères, il a refusé.

M. Garon: Pardon?

M. Ryan: Vous avez été invité à subventionner la Foire agricole de Mirabel.

M. Garon: Je ne me rappelle pas d'avoir été invité à la subventionner.

M. Ryan: Oui, je vous ai écrit moi-même à ce sujet, il y a deux ans.

M. Garon: Pardon?

M. Ryan: Je vous ai écrit moi-même à ce sujet et vous m'avez dit que vos critères...

M. Garon: Ce ne sont pas les députés qui me font les demandes, habituellement, ce sont les sociétés d'agriculture.

M. Ryan: On me l'a demandé et j'ai appuyé la demande; vous avez dit que votre politique ne vous permettait pas de le faire. J'ai respecté votre décision, mais vous avez refusé.

M. Paradis: On peut relancer l'invitation. Généralement, lorsque le ministère subventionne et que l'exposition agricole est reconnue, il y a 50% des prix aux agriculteurs qui sont remboursés par le fédéral et 50% par le gouvernement provincial. Cela permet d'augmenter les revenus aux agriculteurs dans cette région. Ce serait un dossier intéressant pour la ville de Mirabel; cela permettrait de tester immédiatement la volonté politique du ministre.

M. Garon: À la condition de ne pas avoir des avocats comme secrétaires qui empochent une très grosse partie des fonds.

M. Paradis: Si vous pouvez en trouver un dans la province de Québec, M. le ministre, je vous incite à le nommer immédiatement.

Le Président (M. Rochefort): Voulez-vous poursuivre, M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Ryan: II se fit un silence. Une voix: Le silence est d'or.

M. Paradis: Pour en revenir au dossier agricole et des fermes, M. le maire, aux pages 7, 8 et 9 de votre mémoire, vous avez des statistiques qui tracent un portrait peu reluisant de l'agriculture sur votre territoire si on le compare à l'évolution de l'agriculture sur tous les autres territoires du Québec.

Maintenant, ma question s'adresse peut-être à vous, M. le maire, ou à M. Lacroix, parce que c'est M. Lacroix qui y a fait allusion tantôt. J'avais sur mon bureau un article qui est paru dans le journal La Presse d'hier sous la plume de Guy Pinard et qui trace un tout autre programme ou un tout autre visage. M. Pinard dit, avant de tracer le programme, et je le cite: "Voici donc le portrait tracé par SORECOM, lequel vient s'ajouter aux données du dernier sondage de SORECOM divulgué samedi dans cette chronique. Mettre ce portrait en doute, ce serait aussi mettre en doute l'exactitude des données corrigées par Statistique Canada à l'aide d'un questionnaire de 48 pages lors du dernier recensement et la compétence de SORECOM à interpréter ces chiffres."

Je ne sais pas, comme député d'un comté rural, mais qui ne représente pas cette section de la province, à quels chiffres me fier maintenant. La ville de Mirabel me dit: Voici les chiffres que nous vous citons aux pages 7, 8 et 9 et, si j'en crois ces chiffres, Mirabel est sérieusement en retard sur l'évolution, si on la compare au reste de la province, mais, si on se fie aux chiffres qui ont été publiés dans la Presse, on dit: Ils ne sont pas en retard. Ils sont même, dans certains secteurs, avantagés. À quel saint se voue-t-on?

M. Laurin (Jean): Je ne conteste pas les chiffres avancés par M. Pinard, et on l'a mentionné tantôt, la superficie des fermes en culture est de 70,4% à Mirabel, comparativement à 46,5% au Québec. C'est probablement vrai, mais ce que M. Pinard devrait ajouter, c'est qu'auparavant, la superficie des fermes en culture à Mirabel était peut-être de 88%, 90% ou 92%. Il y aurait lieu de faire la comparaison entre ce qui se passe actuellement et ce qui se passait avant l'expropriation. D'ailleurs - je ne veux pas m'enfarger dans les statistiques, mais M. Lacroix en a - je voudrais vous mentionner que le nombre d'exploitations à Mirabel a diminué. Les chiffres que nous avons de Statistique Canada sont les suivants: En 1966, 1071 exploitations; en 1971, 707 exploitations; en 1981, 465 exploitations. C'est un net recul.

M. Paradis: En 1981, combien? M. Laurin (Jean): 465.

M. Paradis: Autrement dit, vous dites aux membres de la commission: Prenez les deux. Ils ne sont pas nécessairement contradictoires et complétez les chiffres pour avoir un vrai portrait.

M. Laurin (Jean): Oui, je pense que les chiffres avancés... J'ai le sondage, je me le suis procuré avant de venir à Québec hier.

M. Paradis: Pourrait-on en obtenir une copie, s'il est plus complet, parce que je pensais l'obtenir de M. Pinard, mais je ne l'ai pas encore.

M. Laurin (Jean): J'en ai seulement une copie et, sincèrement, je préfère la conserver, la garder. La raison pour laquelle je préfère la garder, c'est que je suis le seul membre du conseil d'administration de la société qui l'a en main, parce que les autres n'ont peut-être pas eu le temps de réagir à cet article de M. Pinard samedi dernier.

M. Garon: Vous pouvez l'avoir directement de M. Landry, d'autant plus qu'apparemment, il pourrait éventuellement devenir votre chef.

M. Paradis: Monsieur...? M. Garon: M. Landry, youpi! M. Paradis: Je n'ai pas compris. Des voix: Ah! Ah!

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Garon: Vous n'avez rien compris, mais en tout cas!

M. Paradis: Je ne sais pas...

Une voix: C'est M. Landry, de la Presse.

M. Paradis: Ah! M. Landry de la Presse, celui qui vend la Presse plus cher à l'extérieur de la région de Montréal?

M. Garon: Oui, oui.

M. Paradis: À la suite des vérifications, le ministre n'avait pas raison, mais il était tellement à court d'arguments qu'il s'est attaqué aux journalistes.

M. Garon: Le ministre avait raison, si vous regardez le discours que j'ai fait.

Le Président (M. Rochefort): Messieurs, à l'ordre, s'il vous plaît!

M. Garon: J'avais dit que j'avais acheté le matin même la Presse au prix de 0,45 $, le Devoir 0,35 $ et le Soleil, 0,30 $. C'était vrai.

M. Paradis: En terminant, M. le maire, vous concluez au niveau d'une politique chez les occupants expropriés. Vous dites que c'est 75%, finalement, des gens visés en agriculture sur votre territoire. Vous terminez en préconisant une politique de rétrocession. Préconisez-vous la même politique pour les autres 25% qui sont des occupants, aujourd'hui, mais qui n'ont pas été expropriés à la source?

M. Laurin (Jean): On n'a pas tenu compte des non-expropriés dans le mémoire, mais il m'apparaît évident que ce sont les expropriés qui ont été pénalisés depuis l'expropriation. Les non-expropriés, sur le territoire de Mirabel en tout cas, ont continué à exploiter leur ferme de façon convenable, comme tous les agriculteurs du Québec. Notre préoccupation en ce moment -c'est le message qu'on lance au gouvernement - c'est d'aider uniquement les expropriés. Cela s'adresse uniquement aux expropriés.

M. Paradis: Pour en revenir â cette rétrocession des terres en faveur de ces gens-là ou de ces occupants, on parle présentement d'une mise en disposition de quelque 30 000 acres de terrain. Vous avez répondu tantôt que ce qui importait pour l'instant - vous me direz si je vous interprète mal - ce n'est pas tellement de définir la grandeur que de trouver la vraie formule et, une fois qu'on aura la vraie formule, on pourra l'étendre à des superficies plus grandes qu'il reste à déterminer,

finalement. Est-ce que vous considérez, vous, comme maire que, si les gens impliqués peuvent trouver une formule ensemble, une première rétrocession de 30 000 acres semble acceptable pour la ville de Mirabel ou souhaiteriez-vous qu'une fois la formule trouvée, ça se fasse d'un bloc, c'est-à-dire qu'on mette plus de 30 000 acres et qu'on se fie au chiffre que vous avez cité tantôt?

M. Laurin (Jean): Une fois la formule trouvée... je ne connais pas les formules de vente. Est-ce que c'est rapide revendre du territoire? Je n'ai jamais vécu une revente de 50 000 ou 40 000 acres. Je ne connais pas toutes les contraintes auxquelles la société ou qui que ce soit devra faire face, mais ce qui est primordial, c'est de trouver la façon de vendre, sans nécessairement plaire à tout le monde, mais au moins qu'il y ait une majorité d'agriculteurs - parce qu'on se préoccupe de l'agriculture pour l'instant - qui acceptent une formule donnée. Après ça, je pense qu'une fois le processus enclenché, ça pourra être assez rapide parce que, quand on vend 150 fermes, on vend une grande partie de territoire; une ferme, c'est assez vaste.

Si notre mémoire peut donner espoir à certaines personnes qui ne sont pas dans le territoire susceptible d'être vendu pour l'instant, tant mieux, parce que nous prétendons que ce territoire n'est pas nécessaire au fonctionnement et à la protection de l'aéroport. Mais de quelle façon le gouvernement fédéral va-t-il revendre? Est-ce que c'est un bloc dans un secteur donné ou, quand il s'agira des fermes, on les vendra un peu partout sur le territoire situé dans le secteur revendable? Je ne sais pas de quelle façon ça pourra fonctionner.

M. Paradis: Cela m'apparaît tellement complexe que j'aimerais avoir votre opinion, vous sonder là-dessus. L'occupant qui était propriétaire d'une ferme autrefois, qui a été exproprié et qui désire la rétrocession aujourd'hui, mais qui a agrandi sa ferme par location d'une ferme adjacente, est-ce que vous voyez le même mode de rétrocession pour les deux parties du terrain, celle qu'on lui a expropriée et celle qu'il a louée par la suite?

M. Laurin (Jean): C'est une très bonne question, mais je dois vous avouer que je ne me la suis jamais posée. Ce que je vois quand même, c'est que l'exploitant agricole actuel a droit de regard non seulement sur la ferme sur laquelle il a été exproprié, mais sur les fermes qu'il loue actuellement.

Maintenant, est-ce qu'il devrait y avoir deux poids deux mesures pour le terrain pour lequel il a été exproprié et le terrain qu'il loue actuellement? Cela mérite réflexion.

C'est une bonne question et je la retiens.

M. Paradis: M. le Président, je veux remercier M. le maire, je veux remercier M. le directeur général. Vous avez collaboré de façon très positive aux travaux de cette commission.

Le Président (M. Rochefort): Merci. Il est treize heures et il y a encore deux membres de la commission qui souhaiteraient intervenir dans le débat. Est-ce qu'il y a consentement pour que nous poursuivions nos travaux et disposions des représentants de la ville de Mirabel avant de suspendre pour le lunch?

M. Fallu: M. le Président.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Groulx.

M. Fallu: Pourrais-je faire valoir notamment que le prochain intervenant est le ministre des Affaires municipales qui doit, lui, à quatorze heures, être au Conseil des ministres?

Le Président (M. Rochefort): Oui.

M. Fallu: On pourrait se permettre d'excéder, en tenant compte que les conventions collectives à l'Assemblée nationale nous obligent au minimum à un battement d'une heure trente entre l'arrêt de la commission et la reprise des travaux. Donc, selon l'heure, vous pourriez donner l'ordre de retour à la commission une heure trente après l'arrêt.

Le Président (M. Rochefort): Oui, mais la question que j'adressais aux membres de la commission, ce n'était pas une question de gestion de conventions . collectives, qui ne sont pas celles des parlementaires, aux fins de la bonne compréhension de tout le monde. Ce que je voulais savoir, c'est s'il y avait consentement des membres de la commission pour que nous entendions les deux députés qui ont demandé à intervenir avant d'ajourner.

M. le ministre des Affaires municipales.

M. Ryan: L'autre député, qui est-il?

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Rousseau, après le ministre des Affaires municipales. M. le ministre des Affaires municipales.

M. Léonard: M. le Président, je vais quand môme demander avant - je ne suis pas membre de la commission...

M. Ryan: Dans le cas de...

Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ryan: Nous consentons avec autant plus de plaisir dans le cas du ministre des Affaires municipales qu'il a été un spectateur éminemment assidu de toutes les délibérations qui ont eu lieu jusqu'à maintenant. C'est avec grand plaisir.

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre des Affaires municipales.

M. Léonard: M. le Président, je vous remercie, je remercie l'Opposition et je note aussi qu'on me donne le droit de parole. N'étant pas membre de la commission, je l'enregistre.

Le Président (M. Rochefort): J'ai compris qu'on fonctionne sur le même consentement qu'hier. (13 heures)

M. Léonard: Très bien. Je voudrais d'abord féliciter le maire de Mirabel ainsi que ses conseillers et le directeur général pour la qualité de leur mémoire. Tout le monde va reconnaître que c'est un excellent mémoire qui a été déposé, qui fait le tour d'un grand nombre de questions qui touchent à Mirabel et que c'est très clairement exposé. Je voudrais, brièvement, pour ne pas allonger le temps, poser un certain nombre de questions touchant la ville de Mirabel et le fédéral.

Le fédéral est considéré, je suppose bien, comme un citoyen à l'intérieur de la ville de Mirabel et je suppose qu'il a adopté certains comportements. Je voudrais d'abord poser une question, pour les fins de la commission surtout, sur la valeur portée au rôle d'évaluation au compte du fédéral ou de la Société immobilière du Canada. Est-ce que vous pourriez me donner ces chiffres, s'il vous plaît, par rapport aux valeurs totales portées au rôle d'évaluation? Quelle est l'évaluation du fédéral, quelle est l'évaluation totale de la municipalité?

M. Laurin (Jean): 50 000 000 $ et 340 000 000 $.

M. Léonard: Quand on fait...

M. Laurin (Jean): M. le ministre, évidemment, c'est seulement les Travaux publics, excluant le fédéral, excluant Transports Canada. Je parle simplement du territoire périphérique.

M. Léonard: Oui, mais j'y arrivais aussi parce que l'évaluation uniformisée, élargie sur le territoire de Mirabel, de la partie aéroportuaire, serait de 207 000 000 $ par rapport à une évaluation totale de 513 604 000 $. Ce serait exact?

M. Laurin (Jean): Mes chiffres donnent à peu près 200 000 000 $. Effectivement, Transports Canada, 90 000 000 $, zone opérationnelle, quelque 50 000 000 $,

Travaux publics, 50 000 000 $, pour à peu près un total de 200 000 000 $ sur une évaluation de 350 000 000 $, mais, comme vous le dites si bien, à 65% de la valeur réelle.

M. Léonard: Dans ce contexte, quel est le budget total de la municipalité de Mirabel?

M. Laurin (Jean): 7 000 000 $.

M. Léonard: 7 000 000 $. Quel est le montant versé par le fédéral en tout?

M. Laurin (Jean): Près de 2 000 000 $.

M. Léonard: Près de 2 000 000 $ sur l'ensemble. Dans les états financiers de la municipalité, nous avons 981 000 $ de versés par le fédéral.

M. Laurin (Jean): Plus les "en lieu" de taxes. Transports Canada, 90 000 000 $, zone opérationnelle, les locataires du gouvernement fédéral, 50 000 000 $. Je considère les locataires du gouvernement fédéral dans ça. Transports Canada...

M. Léonard: Ah bon!

M. Laurin (Jean): ... 90 000 000 $, Travaux publics, 50 000 000 $; donc, 140 000 000 $ à 1,10 $, presque 1 500 000 $. On peut fouiller dans le budget et vous donner des chiffres plus précis.

M. Léonard: À ce moment, est-ce que cela signifierait que le fédéral paierait des taxes, ou des "en lieu" de taxes en lieu et place des expropriés de Mirabel, en tout cas, des locataires sur son territoire au même taux que les autres?

M. Laurin (Jean): Exactement.

M. Léonard: Sur ces évaluations, quant à ces ministères, Travaux publics et Transports Canada, là aussi je vous pose la question: Est-ce que les paiements de taxes sont substantiellement équivalents à ce qui est payé ou au taux appliqué aux autres contribuables?

M. Laurin (Jean): C'est équivalent, oui.

M. Léonard: D'autre part, sur le plan de l'administration municipale, lorsqu'il y a des permis de construction, est-ce que les demandes sont faites régulièrement en bonne

et due forme?

M. Laurin (Jean): De la part...

M. Léonard: Ou est-ce qu'il y a une information correcte de donnée sur l'occupation des espaces par la SIC?

M. Laurin (Jean): Je m'excuse, je ne saisis pas votre question, M. le ministre.

M. Léonard: Lorsqu'il y a des espaces vacants, habituellement, ou différents types d'occupation d'espace, un propriétaire donne ces indications à la municipalité, et lorsqu'il y a des projets de construction, de rénovation, on demande des permis à la municipalité. Est-ce que tous ces gestes sont posés par la société immobilière?

M. Laurin (Jean): II n'y a pas eu, évidemment, beaucoup de construction sur le territoire périphérique. Quand il s'agit de demande de permis où la société doit payer, la société ne demande pas de permis.

M. Léonard: La société ne demande pas de permis.

M. Laurin (Jean): Non.

M. Léonard: Est-ce qu'il y a une raison à cela?

M. Laurin (Jean): Je pense qu'elle n'est pas tenue de respecter les lois municipales, non plus que les lois provinciales. En tout cas, on a vu ce qui s'est passé vis-à-vis du zonage agricole dans le fameux litige qu'on a eu à Sainte-Scholastique: cette construction n'était pas permise en vertu de la loi 90, mais en vertu d'un règlement de zonage. Quand même, personne n'est intervenu. La société a quand même rénové cette grange à Belle-Rivière.

M. Garon: Ce n'est pas si simple que cela. Je ne voudrais pas qu'on fasse d'affirmation erronée. Il y avait une demande devant la commission et aucune décision n'avait encore été prise, parce qu'il y avait une preuve à compléter ou quelque chose du genre.

M. Laurin (Jean): M. le ministre, je pense que tout citoyen doit attendre la décision de la commission avant d'aller de l'avant dans un projet de ce genre-là.

M. Garon: Oui.

M. Léonard: II n'y en avait pas eu, à ce moment-là?

M. Laurin (Jean): Non, alors c'est un point.

M. Lacroix: Regardez ce qui arrive quant au processus. Il y a des règlements nouveaux, c'est sûr. On est parti de rien, aujourd'hui on en a presque 300. Vous avez posé une question sur les permis de construction. Il y a un règlement de lotissement et tous les règlements pertinents à cela. Mais, la façon dont le fédéral agit c'est tout simplement par bonne entente, il ne prend jamais lui-même de permis de construction, mais ajoute une clause dans ses devis pour obliger les entrepreneurs à se munir d'un permis municipal. Alors, dans les faits - c'est surtout de la rénovation qu'ils font, mais ils en font quand même plusieurs millions par année - les permis municipaux sont demandés, non pas par la société immobilière, mais par l'entrepreneur. C'est la formule qu'ils ont trouvée. C'est évident que dans le cas que M. le ministre a mentionné, où on a demandé un règlement d'affichage, ou dans le cas du permis de construction que vous avez soulevé sur l'atelier, dans une question précise aussi à l'occasion - c'est très rare - où la société elle-même part en régie, elle aurait dû demander un permis. Si cela demande qu'il y ait approbation d'une loi, dans ce cas précis, qui n'arrive pas souvent, on dit que, par exemple, dans le cas de la loi du zonage agricole, la société n'est pas soumise à cette loi dans ce territoire donné pour cette demande spécifique. Dans le cas du permis de construction, parce que c'est à peu près le cas le plus litigieux qu'on a vécu, le permis de construction était conforme aux règlements municipaux pour la modification ou pour la rénovation d'un immeuble pour fins d'atelier de sculpteur. On pouvait donner le permis en vertu de nos règlements municipaux. Pourquoi on ne l'a pas donné dans ce cas précis? C'est qu'on était rendu dans une zone permanente et à ce moment-là c'est la loi du zonage agricole qui s'applique. On a demandé à la société immobilière, puisqu'il y avait déjà des dispositions d'exceptions prévues dans la loi du zonage agricole: pour le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral, de soumettre une déclaration en vertu de la loi comme quoi elle ne reconnaissait pas... La réponse qu'on a eue est que dans ce cas-là, la loi ne s'applique pas à la société. On n'a pas émis le permis et on a soumis le dossier à la Société de protection du territoire agricole, plutôt que d'aller nous-mêmes à la Cour suprême du Canada. Est-ce que c'était une bonne cause type? Mais dans ce cas où c'était serré, c'est la réponse qu'on a reçue - pour cette fois-là, une réponse écrite -comme quoi ce n'était pas la ville qui ne faisait pas respecter les règlements, mais c'était une loi provinciale qui était mise en cause.

Dans les autres cas de rénovation, c'est l'entrepreneur qui vient chercher le permis de construction. Le permis est donné au nom

de l'entrepreneur et non pas au nom de la société. Au moins, il y a paiement du permis dans ces cas-là et cela nous permet de surveiller la construction. Je ne croirais pas que la société se soumettrait d'elle-même. Car j'ai eu un cas de mutation: il y a un cas dans la zone opérationnelle où une entreprise s'est établie il y a deux ans. Il y avait une subdivision. Je me suis essayé et on a demandé le 8% de parc. Cela montait à 8% en argent ou en parc. Cela donnait 30 000 $. Mais c'était Transports Canada lui-même dans ce cas-là, et on a eu la fameuse lettre disant que Transports Canada n'était pas soumis... Il a fallu tolérer, et même après consultation avec notre conseiller juridique, ne pas exiger le 8% dans ce cas-là, parce que c'était Transports Canada ou la Reine qui le demandait.

M. Léonard: Je laisse les membres de la commission tirer leurs conclusions à ce sujet. Je pense bien que c'est assez clair.

Maintenant, je voudrais poser une question à M. le maire. Dans votre mémoire, vous parlez de 48 000 acres qui pourraient être rétrocédées. Je comprends cependant que vous ne seriez pas en désaccord avec le ministère des Transports lorsqu'il dit qu'il devrait y avoir 80 000 acres ou à peu près qui soient complètement rétrocédées, plus 12 000 acres où on pourrait maintenir les règlements d'urbanisme, en termes de développement différé, cela pourrait aller. Ainsi on pourrait récupérer quelque chose comme 92 000 acres au moins pour les dernières 12 000 jusqu'en l'an 2023, disait-il hier dans le mémoire. Je pense que vous êtes d'accord avec cette position.

M. Laurin (Jean): Absolument.

M. Léonard: Quand vous parlez de 48 000 acres, c'est le minimum des "minimorum" dont vous parlez.

M. Laurin (Jean): Je pense que je peux répondre à cela au nom du conseil municipal. C'est le voeu qu'on a exprimé lors des audiences publiques, ce droit à la croissance que Mirabel exige. Il est évident que plus la partie du territoire revendue va être immense, plus ce droit à la croissance va pouvoir se faire à Mirabel. Si des études et surtout une étude venant du ministère des Transports prouvent que...

M. Léonard: Qu'on en a assez de 5000 acres, vous seriez bien contents.

M. Laurin (Jean): Absolument.

M. Léonard: Maintenant, un détail que j'ai relevé en regardant la carte. J'aimerais savoir si vous pourriez répondre à cette question. Il y a quelques territoires enclavés qui n'ont pas été expropriés et je me suis demandé pourquoi ils ne l'avaient pas été. Un peu partout vous avez des petites taches, des rectangles ou des carrés blancs qui n'ont pas été expropriés. Est-ce qu'il y a une raison? Sur le plan des transports, est-ce qu'il y a une raison pour laquelle il ne faut pas exproprier cela, par rapport au reste du territoire? Vous devez connaître ces territoires.

M. Lacroix: Ce que je peux vous dire c'est que c'est sûr que l'expropriation - je pense que M. Laliberté, le sous-ministre, l'a vécue - elle s'est faite très rapidement et le découpage n'est pas parfait. Je vais vous donner un exemple dans le secteur Boisbriand ou Sainte-Thérèse-Ouest, où on n'a pas exproprié les industries. On passe dans la même rue, à un moment donné, vous êtes dans Mirabel, deux minutes après, vous êtes dans Boisbriand et vous revenez dans Mirabel. C'est le même phénomène du côté de la rivière du Nord. Là on a exproprié des cadastres complets. Lorsque le cadastre complet de la terre allait de l'autre côté de la rivière du Nord, on a exproprié cette terre et on n'a pas pris les deux terres. Il n'y a pas eu un découpage parfait. La ville de Mirabel était d'accord - le dossier a traîné pendant des années et on l'a laissé faire - qu'il serait possible actuellement de redécouper un peu le territoire pour avoir des limites naturelles. Cela n'a jamais été fait parce que l'expropriation s'est faite tellement vite qu'on n'a pas pris le temps de donner des limites naturelles et on a le phénomène alentour du territoire, même dans les parties expropriées.

M. Léonard: Si je comprends, la ville de Mirabel n'a pas pu négocier un meilleur territoire que cela. On voit des découpages en dents de scie un peu partout. Surtout quand on regarde à droite, vous avez un rectangle, presque un carré, je pense que c'est un peu étonnant...

M. Laurin (Jean): On ne pouvait pas intervenir, M. le ministre.

M. Léonard: Vous n'avez pas pu négocier cela.

M. Laurin (Jean): À l'époque, on n'existait même pas.

M. Ryan: Ce n'est pas le terrain de la Great Lakes qui est dans le petit carré blanc?

M. Léonard: Ce sont des terrains revendus?

M. Ryan: C'est l'affaire de la Great Lakes, je pense.

M. Lacroix: À droite?

M. Ryan: Oui, au bout, à gauche.

M. Léonard: Ce sont les terrains de...

M. Ryan: Ce sont les terrains de la Great Lakes.

Une voix: C'est ce qu'on a vu la semaine passée.

M. Lacroix: Dans certains secteurs aussi, il y avait quand même un découpage qui n'était pas très bien fait, même au niveau municipal, dans la municipalité. Tantôt j'ai mentionné Saint-Canut. Mais l'expropriation, lorsqu'il restait deux terres -pour prendre Saint-Canut - même si le découpage n'était pas parfait, dans ce cas on a dits' On exproprie quand même parce que ces gens étaient habitués; ils relevaient de la municipalité de Saint-Canut. On a exproprié cela, cela s'explique, mais cela fait drôle parce que - l'exemple que je mentionne -vous devez traverser Saint-Colomban pour aller dans Saint-Canut, dans cette partie, parce que cela faisait partie originellement de la municipalité de Saint-Canut et du même cadastre.

M. Léonard: Je voudrais aborder assez brièvement un autre sujet qui a été touché par le député d'Argenteuil, tout à l'heure. On a parlé des hypothèses en ce qui concerne la municipalité régionale de comté. Vous avez dit, M. le maire, que vous aviez devancé la loi 125. Cela fait quand même un peu hésiter avant de dire cela. Au fond, la loi 125 a reconnu l'existence des municipalités composant une municipalité régionale de comté. C'est à la base de toute la loi. Chacune des municipalités locales continuait d'exister et continue d'exister même après la loi. Alors que ce n'est pas le cas dans la loi constitutive de Mirabel. Dans ce contexte-là, je trouve que le parallèle prêcherait plutôt en faveur d'un retour aux municipalités locales, mais à l'intérieur d'une municipalité régionale de comté. En d'autres termes, il y a peut-être d'autres hypothèses. Il y a l'hypothèse où il y a un démembrement. À ce moment, il y a un rattachement aux municipalités régionales de comté qui viennent d'être créées. Il y a aussi l'hypothèse d'une municipalité régionale de comté dans Mirabel, mais à condition que les villages ou les municipalités qui constituaient anciennement le territoire retrouvent leur entité ou leur existence. Cela est aussi une hypothèse. On peut en énumérer un certain nombre. (13 h 15)

J'aimerais avoir un peu plus d'explications. Vous avez dit tout à l'heure que, dans la ville de Mirabel, on a déterminé des secteurs d'aménagement qui correspondent peut-être, vous me le direz, aux anciennes municipalités jusqu'à un certain point. Donc, vous êtes en train de reconnaître l'existence des anciennes municipalités à l'intérieur même du schéma d'aménagement. J'aimerais que vous m'expliquiez un peu.

M. Lacroix: Ce que je peux dire, c'est qu'on a redéfini la vocation de cette ville et, même s'il y avait quatorze anciennes municipalités, la ville de Mirabel c'est aujourd'hui une ville à trois pôles de développement. Il y a le pôle de Saint-Augustin, le pôle de Saint-Janvier et le pôle de Saint-Canut. Moi, je n'ai pas d'objection. C'est sûr que, dans chaque municipalité, vous retrouvez peut-être le club de l'âge d'or. Les gens ont encore leur vie communautaire, mais ils sont mal servis, je crois; ils ont eu beaucoup plus de services parce que la ville de Mirabel existe et on est en mesure aujourd'hui de donner... Tantôt, M. le maire a mentionné le réseau de bibliothèques publiques. Je ne crois pas qu'une municipalité comme Saint-Canut aurait pu avoir son centre culturel seule et son réseau de bibliothèques et tous les services qu'elle a; elle profite de cela principalement parce que les municipalités ont été regroupées. Son entité, même s'il y a un district électoral qui est là, je crois que, dans la population de Mirabel, aucun secteur ne souffre du fait que présentement le territoire de Mirabel constitue seulement une ville.

M. Léonard: M. Lacroix, d'autres territoires où il y a des municipalités rurales ont aussi des réseaux de bibliothèques, des échanges intermunicipaux sur ce plan. Pourquoi ce ne serait pas possible là, alors que c'est possible sur d'autres territoires, à la minute où le territoire aura repris vie ou, en tout cas, connaîtra un meilleur développement que maintenant?

M. Lacroix: Une autre réponse que je peux vous donner c'est qu'aujourd'hui vous auriez une très grande réticence à prendre chacun des anciens noyaux et leur dire: Demain matin, vous faites partie d'autres noyaux d'autres municipalités qui vous entourent. Il y aurait eu une protestation énorme parce que les gens sont habitués à être desservis par la ville de Mirabel et cela ne les empêche pas d'avoir leur vie communautaire. Vous les remettez avec d'autres. Vous ne réglez pas le problème. Les gens ont accepté la création d'une nouvelle ville, je pense que cette nouvelle ville n'est plus remise en question par eux-mêmes au point de vue des services. C'est sûr qu'on pourrait prendre chacune des municipalités du Québec et trouver un nouveau découpage qui serait mieux, comme les MRC pourraient

être refaites et défaites. Il y a une vie communautaire, les gens vivent ensemble, s'aiment, participent aux mêmes clubs de hockey, ils vont à l'aréna. Aujourd'hui, on a l'image au conseil municipal qu'il y a de l'harmonie et qu'il n'y a aucun secteur qui vient contester ce qui est fait dans un autre secteur. Je pense que les gens acceptent facilement le fait de vivre ensemble. Je pense qu'il faut distinguer beaucoup entre vivre dans Mirabel et le problème de l'expropriation.

M. Léonard: M. le directeur général, il reste que le territoire de la ville de Mirabel est immense. Moi des territoires de municipalités comme ça, je n'en trouve que dans des territoires non organisés en général et pas sur des tissus urbains aussi serrés, surtout sur le plan agricole. C'est une question qu'on se pose présentement et c'est pour cela que, sur le plan de la définition des territoires, je pense qu'il va falloir consulter davantage. J'ai l'impression, je vais être d'accord avec vous, que les gens eux-mêmes auront leur mot à dire si jamais il y avait des modifications de statut ou de structure à la ville de Mirabel.

M. Ryan: ... engagement formel de tenir un référendum avant d'agir unilatéralement?

M. Léonard: Non, on verra.

Une voix: Comme à Baie-Comeau.

M. Léonard: Non, vous savez, on a discuté longuement autour de la fusion de deux villes, le printemps dernier, mais ici il y a eu quatorze municipalités qui ont été fusionnées en même temps. Il faut remarquer cela et je pense qu'il y a peut-être là plus de questions à se poser que quant au geste du printemps dernier.

M. Laurin (Jean): C'est dans ce sens, M. le ministre, que je disais tantôt que c'est peut-être une MRC avant l'heure. Ce n'est pas malicieux.

M. Léonard: J'ai un problème avec cela, M. le maire. Les MRC n'ont pas fait disparaître les municipalités locales, alors que cela les a fait disparaître. C'est un des points fondamentaux qui accrochent, à mon avis.

M. Laurin (Jean): Les gens ont peut-être l'impression que toutes les communautés d'antan ont disparu à Mirabel à cause de l'expropriation, mais, comme je l'expliquais tantôt, ce n'est pas le cas. À l'exception de Sainte-Scholastique, Sainte-Monique et une partie de Saint-Hermas, tous les autres secteurs de Mirabel fonctionnent comme ils fonctionnaient, c'est-à-dire que les entités demeurent, sauf que les gens font maintenant affaires avec une municipalité, avec un centre administratif. Je pense qu'ils trouvent...

M. Léonard: Je ne sais pas encore ce que toute la population pense là-dessus, mais, en tout cas, je ne crois pas le savoir et je ne voudrais pas parler en son nom là-dessus. Il reste que c'est un cas où on a fait appel à la collaboration du gouvernement du Québec avec le fédéral depuis 1970 dans ce dossier, mais c'est un cas où le Québec a collaboré avec le gouvernement fédéral. C'est peut-être un geste très discutable qui a été posé que de fusionner de force quatorze municipalités.

Je pense que ce dossier, à mon avis, n'est pas clos. Il va falloir y revenir, compte tenu des discussions qu'il va y avoir et de la rétrocession des terres et de la façon que cela va être fait; je suppose bien qu'on y reviendra.

M. Laurin (Jean): Je fais une nette distinction entre le démembrement possible -en tout cas, une des hypothèses - de Mirabel et la création des MRC où Mirabel, dans son entier, ferait partie d'une MRC, où certaines parties de Mirabel pourraient faire partie d'une MRC et l'autre partie ferait partie d'une autre MRC.

M. Léonard: Oui, c'est autre chose. Je m'arrête là. Je vous remercie, M. le maire et M. le directeur général.

M. Laurin (Jean): Merci.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Rousseau.

M. Blouin: M. Laurin et M. Lacroix, je dois d'abord vous dire que, comme les gens de l'Opposition et les gens du parti ministériel, j'ai été impressionné par la qualité de ce mémoire qui est rédigé de façon très claire et très précise. On sait ce que vous voulez. On comprend l'analyse que vous faites de la situation et ce qui m'a particulièrement intéressé, puisqu'on est à la commission parlementaire de l'agriculture, c'est le lien que vous faites, chiffres à l'appui, entre l'arrivée de cet événement en 1969 et la diminution du dynamisme agricole sur le territoire de Mirabel. Vous insistez beaucoup là-dessus. Vous avez des arguments très convaincants, mais, d'autre part, entre la dernière page de votre mémoire - la page 24 - et celle qui suit, qui n'est pas paginée, mais qui est très importante, il m'apparaît y avoir un manque relatif de concordance entre le contenu du mémoire et la carte dessinée à la page suivante. Vous m'avez rassuré, il y a quelques minutes, lorsque vous avez

répondu au ministre des Affaires municipales qu'à la rigueur, si on vous démontre que 5000 acres suffisent pour rendre opérationnel l'aéroport de Mirabel jusqu'en l'année 3000, vous seriez le plus heureux du monde, mais je suis quand même étonné et j'aimerais que vous m'expliquiez pourquoi vous vous êtes accrochés avec tant d'insistance à cet argument sonore qui est tellement discutable et tellement discuté aussi par les experts et qui n'est surtout pas conforme à ce qui se passe dans les autres entreprises aéroportuaires au monde. J'aimerais que vous m'expliquiez pourquoi vous vous êtes tellement accrochés à cet argument sonore et que vous n'ayez pas plutôt insisté, à tout le moins, sur le rapetissement aux 17 000 acres qui étaient clairement identifiées par le gouvernement fédéral. Pourquoi êtes-vous entrés dans ces considérations techniques qui sont tellement discutables, même au sein des experts en aéronautique?

M. Laurin (Jean): II fallait quand même que nous tenions compte de certains critères avant d'avancer un chiffre. On aurait pu dire: Tout le territoire exproprié, sauf la zone opérationnelle, 17 000 acres. Alors, on fait l'équation. Ce sont 79 000 acres. On a une étude qui démontre qu'il y a des contraintes au niveau sonore à Mirabel et un péril aviaire également, mais on a tenu compte, pour ce cas, des contraintes sonores et on s'est dit: Que le gouvernement fédéral revende au moins le territoire qui ne fait pas l'objet de ce genre de contraintes ou, s'il y a certaines contraintes, comme je l'expliquais tantôt, aux trécarrés des terres, que le gouvernement fédéral considère cela comme du territoire revendable. Bien sûr -le ministère des Transports du Québec l'a démontré dans un mémoire - si d'autres études prouvent que non seulement l'agression sonore n'existe pas, mais que les 17 000 acres, en fait, sont suffisantes, même trop, pour le bon fonctionnement de l'aéroport, on souscrira à une telle suggestion.

M. Blouin: En fait, vous êtes prêts, à la lumière des discussions ultérieures, à remettre un peu en cause ce que vous avez identifié comme territoire qui n'est pas rétrocédé et qui ne concorde pas parfaitement avec les principes que vous énoncez si, effectivement - comme je vous le dis - ultérieurement, au cours de discussions, vous avez la conviction que ce n'est pas nécessaire du tout. Sur votre carte, vous allez presque à cinq ou six milles des pistes de l'aéroport.

M. Laurin (Jean): Oui, on est prêt à aller plus loin, beaucoup plus loin même, et je vous avoue que ma préoccupation première n'est pas la superficie du territoire qui va être revendu. Mais qu'on enclenche le processus de revente et qu'on commence à vendre des terres, des résidences et des commerces sur le territoire. Quand le processus sera enclenché, je pense que ce sera plus facile de faire la preuve qu'il y a eu trop de territoire exproprié et, là, on pourra étendre ce territoire qui possiblement sera à revendre par le gouvernement fédéral. Qu'on commence à vendre dans n'importe quelle zone, mais qu'on manifeste l'intention, le désir de rétrocéder les terres aux agriculteurs et, quand ce processus sera enclenché, je pense qu'il ne sera pas trop tard pour demander d'agrandir le territoire revendable.

M. Blouin: Je comprends bien votre préoccupation et je pense que tous les membres de la commission apprécient votre ouverture aussi. Merci.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre de l'Agriculture a demandé quelques minutes additionnelles pour ajouter des questions. M. le ministre.

M. Garon: Comme première question je voudrais vous demander, M. le maire, si vous faites appliquer la loi sur les mauvaises herbes sur votre territoire?

M. Laurin (Jean): Oui. On a un règlement municipal.

M. Garon: Oui?

M. Laurin (Jean): Oui.

M. Garon: Et la loi sur les mauvaises herbes est appliquée partout?

M. Laurin (Jean): Oui.

M. Garon: Vous avez dit tantôt que le cadastre a été annulé. Qu'est-ce qui s'est passé au juste?

M. Laurin (Jean): Je n'étais pas à la ville à l'époque où c'est arrivé. Peut-être que M. Lacroix...

M. Lacroix: Avant l'expropriation il y avait peut-être des terrains subdivisés et cadastrés. Je pense que, dans l'esprit des gestionnaires de l'époque, il n'était pas question de revendre le territoire exproprié, de sorte qu'on a dit: Pourquoi garder... Je vais vous donner un exemple: sur les pistes, il y avait plusieurs fermes, il y avait des maisons qui avaient des numéros de cadastre. Le fédéral a jugé que c'était mieux de tout annuler ça et de faire des grands lots pour avoir 15 ou 50 grands lots à la place. C'est ce qui a été fait, on a annulé tous les cadastres parce qu'on n'en tenait plus

compte, et on repartait avec un cadastre administratif moderne. Aujourd'hui, alors qu'on s'apprête à revendre, le problème se pose à savoir si on doit recadastrer certaines parties qui doivent être vendues. Mais le problème c'est qu'à Mirabel, actuellement, tous les anciens cadastres... Imaginez une ville où vous avez 6000 terrains cadastrés, subdivisés; vous annulez le cadastre et vous n'avez que des grands lots et des parties de lots. Pour nos taxes, ça posait un problème énorme, on n'avait pas les superficies précises de chacun des lots et de chacune des occupations. On n'avait pas d'objection à ça, pour autant que le propriétaire nous payait pour l'ensemble de ces lots. On avait la superficie totale, mais pas la superficie parcellaire de chacun des lots. C'est là le problème majeur qui se pose: n'ayant pas ces superficies avant 1984, on va taxer des superficies au meilleur de notre connaissance, en 1983. Dans le temps, ils ont jugé que c'était mieux de tout annuler les cadastres parce que je pense bien que leur intention, à l'époque, n'était pas de revendre. Dans toute la zone opérationnelle, s'il y avait 500 lots cadastrés, ils ne mettaient qu'un grand lot pour la zone opérationnelle. S'il y avait une demande de permis de construction ou de rénovation, c'était le cadastre no 1, c'était la zone opérationnelle, et le cadastre no 2, c'était tout le secteur exproprié de Saint-Janvier; on a fait de grands lots à la place.

M. Laurin (Jean): II y avait quatre grands lots: la zone opérationnelle; l'autoroute des Laurentides; l'est et l'ouest de l'autoroute des Laurentides.

M. Garon: Êtes-vous au courant si, dans ces descriptions techniques, on utilise des descriptions géodésiques avec des azimuts et des pages de texte qui ne sont pas la description normale qu'on trouve dans nos contrats notariés?

M. Laurin (Jean): Vous faites allusion au bail que les expropriés ont à signer. Est-ce que c'est ça, M. le ministre?

M. Garon: Oui.

M. Laurin (Jean): J'ai lu un bail et ça me semble très compliqué. Maintenant, est-ce que les gens doivent tenir compte de ça? Je ne sais pas si c'est tellement important, mais, effectivement, il y a beaucoup de langage dans un bail que l'exproprié doit signer.

M. Garon: II y a beaucoup de quoi?

M. Laurin (Jean): Beaucoup de langage, beaucoup de...

M. Lacroix: II y a beaucoup de descriptions techniques compliquées, parce qu'à présent on prend les bornes géodésiques comme description et c'est parfois un langage qui est compliqué. (13 h 30)

M. Garon: Avez-vous déjà demandé des avis juridiques là-dessus?

M. Laurin (Jean): Non.

M. Lacroix: Nous autres, la ville, on n'a jamais eu de problème avec cela.

M. Garon: Vous avez vos quatre grands lots.

M. Lacroix: Peut-être que, pour les taxes, on va en avoir. Peut-être qu'on va être obligés de se pencher sur le problème. Actuellement, on n'a pas eu à vivre des difficultés de la sorte avec les descriptions, surtout que les descriptions sont plutôt employées pour de nouveaux baux, avec les points géodésiques et probablement dans l'optique d'une revente d'une partie du territoire où il faudra cadastrer avec une description, avec comme référence les points géodésiques du territoire.

M. Garon: Vous avez dit tantôt que le sondage était censé être la propriété du conseil d'administration de la Société immobilière du Canada et que les membres du conseil d'administration n'en avaient pas eu de copie.

M. Laurin (Jean): On en a. Les membres du conseil d'administration n'en ont pas de copie, les membres du conseil d'administration ont eu une copie, on l'a étudiée lors d'une réunion il y a quelques mois, peut-être en août, je ne me souviens plus très bien...

M. Garon: On a ramassé les copies.

M. Laurin (Jean): ... et, à la suite de cela, on a ramassé les copies, oui. Ce document était censé être la propriété exclusive, si on veut, du conseil d'administration de la société immobilière et, à ma grande surprise, samedi dernier...

M. Ryan: On en a eu dans les journaux.

M. Garon: Le Parti libéral dit qu'il en a. Vous en avez, vous autres?

M. Ryan: Pardon?

M. Garon: En avez-vous des copies?

M. Ryan: Je trouve qu'on est rendu à une heure où on commence à abuser de notre temps.

M. Garon: Non, non.

M. Ryan: On a consenti un délai d'une demi-heure.

M. Garon: En avez-vous des copies ou si vous n'en avez pas?

M. Ryan: Pardon?

M. Garon: Avez-vous des copies du sondage?

M. Ryan: Je n'ai pas de réponse à vous donner là-dessus!

M. Garon: Vous n'avez pas de réponse à nous donner là-dessus.

M. Ryan: Vous pourrez le demander à mes collègues, si vous voulez.

M. Garon: Le conseil d'administration n'a pas le droit d'en avoir et le Parti libéral a le droit d'en avoir? J'ai compris tantôt: On en a deux, nous autres.

M. Houde: Qui a dit cela?

M. Garon: Cela s'est dit de votre bord.

M. Ryan: Qui vous a dit cela?

M. Houde: Avez-vous entendu comme il le faut? Nommez ceux qui l'ont dit. Nous sommes les trois seuls députés ici et on ne l'a pas dit, qui l'a dit?

M. Garon: Je ne peux pas identifier la voix, mais il y a quelqu'un de votre côté qui a dit: On en a deux copies, nous autres.

M. Paradis: Cela va paraître au journal des Débats.

M. Houde: Farce à part, on n'a pas dit cela.

M. Garon: J'aimerais mieux que le député d'Argenteuil réponde franchement. Quand on n'a rien à cacher, on répond.

M. Ryan: II n'y a rien dedans.

M. Garon: Concernant la rétrocession des terres, à votre connaissance, est-ce que des organismes ont été consultés par la Société immobilière du Canada?

M. Laurin (Jean): La seule consultation qui a eu lieu à ce jour, c'est que, lors des audiences de l'automne dernier, la société immobilière a rencontré des organismes qui ont présenté des mémoires. Depuis ce temps, à ma connaissance, les organismes n'ont pas été consultés.

M. Garon: Dernière question, considérez-vous le CIAC comme un organisme représentatif sur le territoire de Mirabel?

M. Laurin (Jean): Oui, je pense qu'il est clair que c'est un organisme qui s'est soucié du sort des expropriés depuis le tout début. Le moins qu'on puisse dire est qu'il représente plusieurs membres. Donc, je le considère comme un intervenant de taille quand il s'agit de discuter du sort des expropriés.

M. Ryan: C'est une question qui a déjà été posée.

M. Garon: Je vous remercie.

Le Président (M. Rochefort): Merci. Au nom des membres de la commission, je tiens à vous remercier, MM. Laurin et Lacroix, de vous être présentés devant nous ce matin. Avant d'ajourner nos travaux, je voudrais vous informer que nous les suspendrons jusqu'à 15 heures et que nous reprendrons nos travaux au salon rouge, qui est maintenant libéré.

Contrairement à l'avis que je vous ai donné ce matin, le prochain organisme que nous entendrons sera la Société nationale des Québécois, région des Laurentides, la Fédération de l'UPA ne pouvant se présenter devant nous ce matin et ayant demandé d'être entendue à une prochaine séance. J'ai obtenu le consentement des représentants des deux partis à cet effet.

Sur ce, la commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 34)

(Reprise de la séance à 15 h 30)

Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation reprend ses travaux sur le dossier de Mirabel. J'inviterais donc dès maintenant les représentants de la Société nationale des Québécois, région des Laurentides, à se présenter à la table des témoins.

M. le député de Champlain.

M. Gagnon: M. le Président, cet avant-midi, j'ai eu l'occasion de présider une commission parlementaire ici, et cette commission était télévisée. Cet après-midi, on siège au même endroit que la commission parlementaire qui entendait Hydro-Québec et je voudrais savoir pourquoi on ne pourrait pas avoir les services de la télévision, vu l'importance du dossier qu'on traite.

Le Président (M. Rochefort): Dans un premier temps, vous êtes sûrement au courant, M. le député de Champlain, que la télédiffusion des débats ne fonctionne pas par salle.

M. Gagnon: D'accord.

Le Président (M. Rochefort): Ce n'est pas que les travaux qui se déroulent dans telle salle sont tous télédiffusés ou pas, cela fonctionne par commission parlementaire. Le comité qui se penche sur ces questions et qui comprend des représentants des deux partis politiques et le président de l'Assemblée nationale s'est réuni le 6 octobre dernier. À ce moment, il y a eu deux demandes de télédiffusion de commission parlementaire, celle d'Hydro-Québec, qui s'est justement déroulée ici même hier et ce matin, et celle sur le dossier de Mirabel. La décision qui a été prise à ce moment a été de télédiffuser la commission parlementaire qui entendait les représentants et les dirigeants d'Hydro-Québec sur leurs propositions de tarification pour les années qui viennent. Donc, la commission qui porte sur Mirabel ne pouvait être télédiffusée puisqu'on ne peut télédiffuser plus d'une commission à la fois.

Pour cet après-midi, il est absolument impossible que notre commission soit télédiffusée, d'une part, parce qu'il faut que cette question soit resoulevée au comité auquel j'ai fait allusion tantôt et, d'autre part, parce qu'on ne peut fonctionner à quelques heures d'avis. Finalement, les techniciens, eux, ont quitté leur travail à 13 heures ou 13 h 15 cet après-midi; ils ont quitté et on ne peut les rattraper, ils fonctionnent seulement pour les mandats qui leur sont confiés.

Toutefois, je vous inviterais, si tel est votre désir, à demander que le représentant de votre formation politique au comité de la radiotélédiffusion des débats resoulève la question pour les prochaines séances qui auront lieu, je crois, les 16 et 17 novembre prochain, pour voir s'il est possible que cette fois-ci cette portion de nos travaux soit télédiffusée. Cela va-t-il?

M. Gagnon: Merci.

Le Président (M. Rochefort): Je souhaite la bienvenue aux représentants de la Société nationale des Québécois. Je vous demanderais de vous identifier et d'identifier la personne qui vous accompagne pour les fins du journal des Débats et de nous présenter sans plus tarder votre mémoire.

Société nationale des Québécois, région des Laurentides

M. Mercier (Guy): M. le Président et MM. les membres de la commission, mon nom est Guy Mercier, de la Société nationale des Québécois. Mon compagnon collaborateur est M. Claude Gendreau, sociologue, qui collabore régulièrement à nos travaux de recherche et à nos interventions comme organisme impliqué, engagé dans la région des Basses-Laurentides.

Je voudrais, dans un premier temps, tirer de la dernière page de notre mémoire, pour le ramener au tout début, le mot de félicitations et de remerciements à tous ceux qui ont eu cette idée et qui on donné suite à cette convocation d'une commission parlementaire se penchant sur toute la question du territoire exproprié de Mirabel, commission qui permet finalement, après de si nombreuses années, à des Québécoises et à des Québécois, à des organismes aussi, impliqués dans la vie régionale, dans la vie locale, de venir ici dire ce qu'ils pensent, donner leur vision des choses, analyser et prospecter en fonction de l'avenir.

Notre mémoire, M. le Président et messieurs, n'est pas un mémoire technique. Vous en conviendrez facilement à sa lecture. C'est plutôt une sorte de description et une vision que nos responsables, nos militants et nos militantes se sont donnée et autour de laquelle s'est créé un consensus sur une situation qui a trop longtemps duré pour notre région. Et, bien sûr, de tirer quelques prospectives concernant le présent et l'avenir de cette région.

La Société nationale des Québécois, région des Laurentides, compte près de 13 000 membres qui sont répartis sur la carte dessinée par le diocèse catholique de Saint-Jérôme. Celle-ci englobe des villes et des villages de Terrebonne à Oka, de Lachute à Huberdeau. Elle touche les agglomérations des centres de Sainte-Thérèse et de Saint-Jérôme et toutes ces communautés sises plus au nord: celles de Saint-Sauveur, de Sainte-Adèle, Mont-Rolland, Val-Morin. Un beau coin de terre québécoise au centre duquel se retrouve l'immense territoire exproprié qu'on a coiffé un jour du nom de Mirabel.

Un pourcentage important de nos effectifs devenaient d'ailleurs les victimes impuissantes de "l'invasion fédérale" du printemps 1969. Mais, malgré les bouleversements répétés survenus au cours des treize dernières années, malgré tous ces départs de jeunes et de moins jeunes aussi, en recherche d'un foyer à rebâtir, d'une vie à recommencer, la Société nationale des Québécois regroupe encore dans ses rangs plus de 1200 résidents, agriculteurs et commerçants dépossédés, de Mirabel.

La Société nationale des Laurentides

atteint son trentième anniversaire cette année, sa trentième année d'engagement, sa trentième année de vie. Ses fondateurs l'ont mise sur pied en vue de servir les meilleurs intérêts du peuple québécois et, plus spécifiquement en ce qui touche notre société, des hommes et des femmes de cette tranche de pays que sont les Basses-Laurentides. C'est pourquoi elle n'a jamais cessé de multiplier efforts et moyens susceptibles de devenir une réponse aux besoins sentis et une forme de soutien aux aspirations légitimes de développement et de prise en mains exprimées par les gens de notre région, par les gens d'ici. La Société nationale des Québécois des Laurentides s'est toujours engagée également dans les luttes commencées et maintenues dans la voie qui réclame la justice, le pouvoir de choisir et le respect intégral des droits soudés en quelque sorte au statut de citoyens et de citoyennes qu'on dit être en démocratie.

C'est dans ce sens que notre société intervient aujourd'hui. Elle désire que son geste soit d'abord compris comme un appui complet et indiscutable aux treize années de bataille des expropriés de Mirabel.

Elle désire que sa position aujourd'hui véhicule, dans un deuxième temps, sa ferme intention de consacrer ses meilleures ressources à toutes les collaborations, à toutes les solidarités concertées qui puissent réparer au mieux la révoltante injustice commise à l'égard de la grande communauté de Sainte-Scholastique et des villages environnants par la décision insensée et unilatérale de politiciens et de fonctionnaires à la solde du gouvernement d'Ottawa.

Troisièmement, nous voulons enfin que notre présence ici ajoute aux dénonciations répétées de parlementaires québécois - qui sont tombés finalement dans le même panneau que nous tous - d'organismes nationaux aussi qui ont depuis longtemps condamné le comportement sournois de ce gouvernement fédéral s'installant frauduleusement en roi et maître d'un nombre de plus en plus inquiétant de territoires, patrimoine incontestable du seul peuple québécois.

Nous voudrions vous ramener à une tactique qui dépasse Sainte-Scholastique. En 1978, le gouvernement fédéral avait réussi à s'approprier 696 947 acres de terre au Québec. De surcroît, il faut dire que ce chiffre ignore, pour le moment en tout cas, les emplacements occupés par les chemins de fer nationaux dont on estime la superficie à quelque 500 000 acres et que ne sont pas additionnés non plus les larges secteurs de territoire impliqués dans la convention de la Baie-James et toutes les propriétés nouvelles acquisitions - de Petro-Canada.

C'est donc un bilan ultra-conservateur de dire que de 696 947 acres sur 407 040 000 acres au Québec - l'ensemble du Québec - le fédéral possède, est propriétaire, a mainmise, sur ces 700 000 acres et, bien sûr, l'acquisition de 97 000 acres de Mirabel représente, compte tenu de ces chiffres, 13,9% de la somme totale des quelque 3000 parcelles fédérales réparties en territoire québécois. Un territoire - il faut le constater et il faut l'accepter - qui est maintenant grugé avec ce que cela représente surtout de juridiction perdue, d'impossibilité de planification, d'aménagement et de développement réalisés à l'image, à la ressemblance et à la conformité des besoins d'une population qui a pourtant ses propres gouvernements aux niveaux municipal et provincial. Des gouvernements qui, pour nous, sont les seuls mandataires légitimes dans les compétences que je viens de souligner.

L'interrogation nous vient dès lors à l'esprit. Elle vient peut-être au vôtre aussi. Pourquoi céder? Pourquoi le fédéral rencontre-t-il si peu et si pauvre résistance lorsque l'idée lui vient de mettre la patte chez nous, pour ne pas dire sur nous? La réponse nous arrive vite à la lecture de l'ensemble des démarches que le gouvernement d'Ottawa met en branle lorsqu'il s'agit d'implanter un parc ou un aéroport, bien sûr, dans une région, sur un site qu'il sera le seul à choisir.

Il lance d'abord l'idée dans la région en question. Il va confier à de hauts fonctionnaires le soin d'aller plus loin, de s'assurer que des citoyens influents et des groupes régionaux mordent à l'hameçon. Nous citons un extrait d'analyses déjà réalisées, nous citons des extraits de cette procédure, de cette façon d'envahir, de faire accepter en quelque sorte une marchandise aux Québécois, aux Québécoises, aux groupes régionaux, aux gens influents d'un milieu. Pour Mirabel, on a vécu le même phénomène; souvenez-vous. Investissement de 400 000 000 $, création de 75 000 à 100 000 emplois, etc. Il y a toute une série de documents qui prouvent ou appuient le fait qu'il y a eu là également, comme dans tous les autres secteurs, ingérence ou prise en main par le fédéral par des campagnes systématiques, planifiées, organisées de vente, de mise en marché.

Vous me direz que cette description frise presque le cynisme. Je demanderais à M. le Président l'autorisation de lire une lettre personnelle et confidentielle, mais qui, comme toute lettre personnelle et confidentielle, a été publiée jadis dans le journal Le Jour, du 24 février 1976, et par la suite placée en annexe d'un document déposé aux archives de la Bibliothèque nationale et qui s'appelle "Les parcs fédéraux, c'est pas un cadeau".

Je vous lis rapidement cette lettre de M. Buchanan à M. Jamieson, elle est intégrale: "Personnel et confidentiel. Mon

cher Don - l'honorable Don Jamieson, Expansion économique régionale - pour faire suite à notre discussion du 24 février dernier, j'aimerais porter à ton attention un sujet particulier concernant les négociations au niveau politique entre moi-même et le ministre québécois du Tourisme en vue de la création d'un parc national le long de la rivière Saguenay. Les résultats que j'aimerais obtenir de ces négociations sont incertains à cause du fait que le gouvernement provincial et le ministre Claude Simard en particulier ne sont pas enthousiasmés à l'idée de créer un tout nouveau parc national au Québec. Toutefois, la population de toute la région appuie fortement la création de ce parc, tout comme notre collègue, le député fédéral Paul Langlois. De l'autre côté - je lis toujours la lettre - mon prédécesseur, Jean Chrétien, et moi-même, nous nous sommes personnellement engagés à créer ce parc. À mon avis, les propositions que j'ai faites à mon collègue de Québec recevraient une réponse favorable si elles faisaient partie d'un "package deal" qui lui serait acceptable ainsi qu'à la province. (15 h 45) "À l'heure actuelle, tu négocies un accord général de trois ans pour le développement du tourisme dans la province et dans lequel on prévoit, entre autres choses, que le gouvernement fédéral assumera une partie des coûts des acquisitions de terrains le long du Richelieu pour fins de parcs provinciaux: bois de Verchères, mont Saint-Bruno, Rougemont et îles de Sorel. Le développement du Richelieu est en fait une priorité pour le gouvernement québécois. Heureusement, il en va de même pour moi en ce qui concerne particulièrement le développement de ce corridor à des fins de récréation et de conservation. "Le gouvernement du Québec est au courant que je suis prêt à négocier une entente de ce genre. Ayant tout cela à l'esprit et à ce point particulier des négociations, j'aimerais te proposer une stratégie qui pourrait aider nos deux ministères à atteindre leurs objectifs communs au Québec. Ainsi, j'apprécierais recevoir une assurance de ta part que l'entente entre le Québec et le MEER ne sera pas signée avant qu'une lettre d'intention au sujet de la création du parc national du Saguenay ne soit signée entre moi-même et le ministre Claude Simard et que le MEER comportera une clause à savoir que les contributions fédérales pour l'acquisition de terrains dans la région du Richelieu seront assujetties à la signature d'une entente sur la récréation et la conservation entre les deux niveaux de gouvernement. "Inutile de dire que je crois qu'en procédant de la sorte, nous réussirons à mettre en grande évidence la présence manifeste du fédéral dans deux régions différentes de la province de Québec. Je pourrais ajouter que mon prédécesseur a gagné deux parcs nationaux au Québec" - je répète: Je pourrais ajouter que mon prédécesseur a gagné deux parcs nationaux au Québec - "en utilisant la même sorte de "package deal" alléchant pour la province. "J'aimerais beaucoup connaître ton idée sur cette proposition. Sincèrement, Judd."

Je poursuis, M. le Président. Description qui frise le cynisme, me semble-t-il, et pourtant les populations expropriées et environnantes de notre région l'on vécue dans tout ce qu'elle comporte de manipulation d'opinion, de vente sous pression et de promesses aberrantes. En effet, une analyse de 640 coupures de journaux publiés au cours des six premiers mois de l'expropriation révèle et ce, sans l'ombre d'un doute, que 70% des articles et communiqués, savamment agencés de toute façon, mettaient en lumière les chicanes fédérales-provinciales au sujet du lieu où devait s'établir l'aéroport. Les autres portaient sur l'ampleur du projet, sur ses retombées bénéfiques, bien sûr. À peine une dizaine de textes, dont la majorité se retrouve dans la chronique Opinion du lecteur, contestaient le projet, invoquant la destruction du patrimoine agricole.

Même stratégie et même chronologie à Mirabel que pour l'établissement des parcs fédéraux au Québec. Le mal était fait; 97 000 acres de terre avaient été réquisitionnées, et ce, avec le consentement! de la population. Quant aux répercussions économiques, sociales et autres, elles se sont dégonflées rapidement - les répercussions qu'on nous faisait voir, bien sûr - comme des ballons mal foutus. Même chose qu'ailleurs.

Générations de travail perdu. Milliers d'hommes et de femmes déracinés. L'opération avortée de Mirabel ne limite plus ses dégâts à l'envahissement de territoires. On n'est plus uniquement dans des parcs, on commmence à toucher le monde, on saccage la vie de familles entières, on disperse à tous les vents les fragments d'un avenir rompu et on l'accepte. Certains des fils et des filles de ces familles dépouillées à qui on avait promis les 100 000 emplois se sont expatriés dans l'Ouest canadien. D'autres cherchent toujours. D'autres, encore nombreux - et nous en connaissons - vivent dans l'insécurité, tributaires d'une situation dont la responsabilité leur a échappé.

Si c'est vraiment et uniquement un aéroport que le fédéral voulait construire chez nous, pourquoi alors ne pas avoir procédé comme cela se pratique ailleurs, peut-être pas dans tous, mais dans certains des pays sous le régime démocratique, dans des pays que j'appelle vraiment civilisés? On subventionne l'activité, l'implantation du service en question, mais qui demeure

toutefois sous le contrôle du gouvernement régional ou provincial. Comme le suggérait le juriste, M. McWhinney, spécialiste du droit international en aéronautique, dans le cas de Mirabel, est-ce que les buts du gouvernement fédéral auraient été autres?

Nous posons la question: Avions-nous un réel besoin de cet aéroport? La réalité nous répond, la réalité nous frappe en 1982, M. le Président.

Je passe quelques paragraphes - dont vous pouvez prendre connaissance, puisque le mémoire vous a été remis, je présume - pour continuer d'affirmer, à la page 8, au nom de la société nationale, que l'aéroport de Mirabel est une faillite. Mais je voudrais ajouter que ce n'est pas uniquement l'aéroport qui est une faillite, c'est tout l'aménagement, le développement, ce sont toutes les promesses, c'est toute cette stratégie de l'espoir qu'on a fait naître un jour dans un milieu très précis, celui de Mirabel, et dans toute une région également, voire dans tout le Québec, l'espoir d'une richesse nouvelle, l'espoir d'un développement accéléré, l'espoir d'un investissement fédéral important, vivifiant, qui pouvait ouvrir les portes à toutes les possibilités. Faillite économique, peut-être, sûrement. Faillite sociale, c'est certain, faillite sociale, et on l'a acceptée.

Nous vous présentons, M. le Président, messieurs les membres, des tableaux qui confirment par exemple que Mirabel, après treize ans, ce grand aéroport international qui nécessitait l'expropriation de 197 000 acres de territoire, ce grand aéroport, cette sorte de paradis économique, de paradis de développement qu'on a installé chez nous avec notre argent, est encore au neuvième rang sur une liste seulement canadienne, une liste canadienne, je dis bien, par rapport au nombre de vols, par rapport à tout l'achalandage, neuvième, juste avant Québec, juste après Halifax.

L'importance du patrimoine agricole de Sainte-Scholastique qu'on nous a littéralement - et je le réaffirme encore, même si les mots semblent durs - frauduleusement enlevé, cette importance, il se trouve certes d'autres organismes mieux documentés que notre société pour vous la décrire et pour insister sur la qualité de toutes ces terres dont on nous a dépossédés, ces terres qui, dans le fond, comptaient et comptent encore parmi les plus riches du Québec.

Nous nous permettons toutefois d'apporter ici notre humble commentaire en rappelant que, selon les données même de TARDA, 95% du sol québécois est impropre à l'agriculture. En effet, sur une superficie de 135 000 000 d'hectares, seulement 1% de notre patrimoine agricole peut être classé parmi les sols de type A-l. Et si on fait une comparaison avec nos voisins, l'Ontario, par exemple, avec ses 2 156 776 hectares de terre, A-l toujours, bénéficie de 51,4% de tous les sols A du Canada, donc de tous les sols de première qualité, en termes d'agriculture du Canada.

C'est pourtant au Québec qu'on décidera d'exproprier pour un aéroport et de choisir pour ce faire un emplacement - et il faut revenir là-dessus; sans passer éternellement notre vie dans le passé, il faut y revenir - un emplacement sur lequel se retrouvent justement, comme par hasard, 59 814 acres soutenant une culture de très bonne qualité, ce qui fera dire au journaliste Benoit Aubin que Mirabel et toute cette expropriation auront bouffé à eux seuls 7% des bonnes terres du Québec.

Vu les précédents, est-ce que le Québec pouvait se permettre une telle dépossession, avec sa limite en termes de superficie de territoire agricole véritablement productif? En 1971, deux ans seulement après cet autre coup de force d'Ottawa, coup de force qui s'ajoute à ceux qui ont précédé, sous la tutelle de fonctionnaires fédéraux et l'application du mécanisme irréaliste des locations à court terme, il ne restera plus, et on le confirmait ce matin, que 48 053 acres en culture, une première perte de 10 000 acres. Oui, c'est tout un coup, et un beau coup! Mais il n'y a qu'au Québec qu'on puisse faire de pareilles choses, écrira Walter Stewart.

Quant à l'aéroport de Pickering, puisqu'on parle d'aéroport, on l'a placé au réfrigérateur indéfiniment. Pourtant, il s'agissait non pas de 97 000 acres, mais bien de 17 000 acres, dont la superficie a d'ailleurs été contestée par nos voisins ontariens. Mais, comme le déclarait le ministre Jean Chrétien, et il faut se le rappeler, le gouvernement de l'Ontario n'a jamais voulu, pour quelque raison que ce soit, donner aucune parcelle de terrain au gouvernement fédéral; et nous, on a cédé.

Nous concluons, M. le Président, en disant que notre réflexion - nos travaux de recherche, c'est beaucoup dire - nos travaux de réflexion surtout, de consultations aussi, de contacts avec nos membres, avec les gens expropriés, avec les gens qui vivent dans le milieu, qui vivent les répercussions... Parce que ce n'est pas juste en sol exproprié qu'on vit les répercussions de ce qui s'est vécu à Mirabel, cela touche dans tout le territoire des Basses-Laurentides. Cela touche toute une région, cela ne touche pas uniquement un secteur exproprié. Après toutes ces consultations, nous en arrivons à dire, à affirmer, à conclure aussi que l'occupation systématique, parcelle par parcelle, du territoire québécois par le gouvernement d'Ottawa est une réalité qui a pris des proportions tragiques. Ce ne sont plus juste des petits parcs, c'est devenu le bpuleversement, c'est devenu la dépossession, c'est devenu la présence dans des zones

extraordinairement importantes pour l'agriculture du Québec. Cela en fait maintenant une occupation tragique. Cette mainmise fédérale, comme par hasard, se passe au Québec d'abord, surtout pas en Ontario, comme le mentionnait M. Chrétien dans la déclaration qu'on rapportait tantôt.

La réussite fédérale d'envahissement -parce que c'est une réussite, on réussit à nous vendre une marchandise - relève d'une volonté politique fermement appliquée et savamment soutenue par des opérations de mises en marché, je le répète, et de ventes sous pression que nous n'hésitons pas à qualifier de malhonnêtes. Tout ce qui a été fait à ce jour pour l'expropriation à Mirabel afin de construire un aéroport se révèle la plus odieuse, la plus inhumaine et la plus barbare des opérations, parce que encore une fois elle a foulé, elle a brimé, elle a tué non seulement une, mais des générations, et cela est odieux, inhumain, barbare.

Nous constatons aussi que, depuis plus de treize ans, il y a des citoyens et des citoyennes de Sainte-Scholastique et des environs, de toute cette zone expropriée, regroupés à l'intérieur du CIAC, Centre d'information et d'animation communautaire, et que ces citoyens et citoyennes ont lutté quasi seuls, sans relâche - nous y reviendrons - je le répète, ils ont lutté seuls, sans relâche, pour reconquérir seuls, à force de leurs propres forces, si l'on peut s'exprimer ainsi, pour reconquérir un sol exproprié inutilement. (16 heures)

On sait aussi que, récemment, ces expropriés, dans une première tentative, dans les premiers moyens de lancer la ligne pour voir les réactions, ont eu la promesse d'une rétrocession de 30 000 acres de terre, mais à des conditions telles que, comme l'affirmait un ministre fédéral, M. Fox, lors d'une conférence de presse il y a quelques mois déjà, "pas dix agriculteurs et leur famille pourront racheter leur terre". Nous croyons aussi, nous concluons que la SIC, la Société immobilière du Canada, responsable de la rétrocession et de l'aménagement (!) du territoire, est une créature fédérale que nous qualifions d'illégitime, d'antidémocratique aussi et qui a prouvé de toute façon, vous en avez eu des échos depuis deux jours, combien elle a mille autres raisons d'exister, vraisemblablement, que celle de respecter d'abord les droits indiscutables des milliers d'hommes et de femmes dépossédés de Mirabel. Et j'ajouterais les droits indiscutables aussi de toute une région, voire de toute une province qui, indirectement, directement même, subit les répercussions de cette expropriation.

Finalement, nous souscrivons, il va sans dire, à l'avis juridique donné en 1969 par Me Guy Dorion et Me Jacques Viau, que je vous rappelle ici: "Sauf pour le territoire nécessairement requis pour l'installation et la construction de l'aéroport et des ouvrages auxiliaires, le gouvernement fédéral n'a pas juridiction pour décréter l'expropriation des territoires de la périphérie appelée zone de bruit." On en a parlé ce matin. Le gouvernement fédéral n'a pas juridiction pour décréter l'expropriation des territoires de la périphérie appelée zone de bruit. "Nous sommes d'opinion que le gouvernement fédéral, quant à la zone de bruit, n'a pas le droit d'exproprier, d'autant plus que, dans le présent cas, il reconnaît ne pas avoir besoin de tous les terrains ainsi expropriés et être obligé de prévoir un mécanisme pour en disposer par truchement de vente ou de location, ce qui n'est sûrement pas de sa juridiction, et n'est pas non plus une conséquence nécessaire de l'exploitation de l'aéroport."

Nous demandons donc à notre gouvernement, mais notre gouvernement pris dans le sens de tous les membres de l'Assemblée nationale du Québec - on a trop souvent, quand on parle de gouvernement, tendance, nous qui ne sommes pas dans le milieu, à voir uniquement le parti au pouvoir; nous parlons de tous ceux qui nous représentent démocratiquement, qui sont légitimement élus dans tous les comtés du Québec et qui siègent à l'Assemblée nationale - de faire valoir de façon définitive les droits du Québec sur les 80 000 acres de son territoire expropriées sous de fausses représentations par le gouvernement d'Ottawa. Nous leur demandons de faire valoir leurs droits.

Je me permets ici d'ajouter au nom de notre société que nous demandons à ce gouvernement et à tous les membres élus de l'Assemblée nationale du Québec d'assumer également leur devoir par rapport à ces droits du Québec, par rapport aux droits des citoyens du Québec et, en conséquence, de mettre sur pied une ou des structures légitimes, en quelque sorte un regroupement officiel, pour voir à assumer juridiquement et administrativernent - je dis bien juridiquement et administrativement - la démarche même de rétrocession dans le respect du droit premier des expropriés et de leur famille.

De s'assurer, par exemple, que toute structure qui serait constituée par lui-même à cet égard accorde une place majoritaire aux représentants des principaux intéressés, à savoir, des représentants du CIAC, des porte-parole officiels des agriculteurs expropriés, des hommes d'affaires expropriés et des citoyens dépossédés de Mirabel, l'UPA, les élus municipaux, en somme, ces groupes qui représentent véritablement le mileu et qui pourraient et devraient apporter... et sans lesquels toute reprise, toute relance et tout réajustement logique ne pourraient finalement être réalisés.

Nous demandons aussi à notre gouvernement, à l'Assemblée nationale de privilégier - parce qu'il y aura nécessairement des phases - dans la phase de rétrocession, le secteur et les sols à vocation agricole, de ne rien ménager, tant au niveau des ressources humaines que des besoins financiers, pour soutenir adéquatement le fonctionnement et la bonne marche de cette structure.

Bien sûr, vous nous permettrez ce dernier souhait, même s'il ne touche pas implicitement et uniquement Mirabel: que le gouvernement du Québec et l'Assemblée nationale, que nos élus, nos représentants, poursuivent simultanément des démarches fermes et des efforts soutenus afin de redonner au Québec les autres territoires déjà occupés par le gouvernement fédéral, situation qui brime le droit inaliénable du peuple québécois. Merci, M. le Président. Merci, messieurs.

Le Président (M. Rochefort): Merci. Je veux vous rappeler la directive de ce matin quant à l'application de notre règlement. La parole est à l'adjoint parlementaire du ministre des Affaires municipales, M. le député de Groulx.

M. Fallu: Merci, M. le Président. Permettez-moi d'abord de remercier le directeur de la SNQ des Laurentides ainsi que M. Claude Gendreau de s'être présentés devant nous avec un mémoire qu'ils ont d'ailleurs eux-mêmes appelés "une réflexion". Ce n'est pas la première fois que la SNQ, dans la région, sert d'agent de réflexion sur notre situation nationale, sur notre développement économique, sur notre aménagement, et ce n'est surtout pas la première fois que la Société nationale des Québécois des Laurentides fait aussi un l'effort de réflexion en ce qui a trait à l'installation d'un aéroport international à Mirabel. J'ai souvenance des années soixante-neuf, soixante-dix, soixante et onze où, j'allais dire contre vents et marées, la Société nationale des Québécois mettait en garde, faisait des réserves, disait à quel point il fallait se méfier de ces promesses qui nous étaient faites. Elle le faisait contre vents et marées parce que, à l'époque, à peu près tout le monde était obnubilé par la promesse... On nous disait que chez nous, à Sainte-Thérèse, c'était quelque 190 000 habitants, en 1985 - c'est dans trois ans - et nous en sommes toujours à 63 000 habitants.

Entre-temps, on a démoli une partie de nos infrastructures ou encore on nous en a construit de parfaitement inutiles. La SNQ était là pour rappeler qu'il s'agissait en grande partie d'un mirage. Aujourd'hui, la SNQ nous propose une approche sur l'intégrité du territoire et, à l'occasion de cette réflexion, elle invite l'Assemblée nationale, et le gouvernement du Québec, par là même, à réfléchir sur l'ensemble de la problématique de l'intégrité du territoire à travers tout le Québec. C'est d'ailleurs la dernière partie de la recommandation. Je prends acte - c'est un réflexe peut-être que nous n'avons pas comme Assemblée nationale ni comme gouvernement - que ces acquisitions se font très souvent à travers des mandats successifs, peut-être pas toujours clairs, et, quand on arrive à les découvrir, comme certains se font sous forme de chantage, c'est toujours après coup qu'on s'en rend compte. Rarement a-t-on vu des dossiers complets sur les possessions fédérales au Québec. Le dernier ouvrage que j'ai pu lire là-dessus - il me semble que c'était en 1974 - c'étaient plusieurs feuillets dans la Presse à Montréal où, entre autres, on soulignait que quelque 10% de l'île de Montréal est d'occupation fédérale. Bref, ce sont des petits et des grands Mirabel qu'on s'est fabriqués au cours des ans, sans jamais les remettre en question, sans jamais rétrocéder, même si les usages sont déjà dépassés.

Vous proposez un certain nombre de moyens pour que le territoire redevienne dans une situation normale, mais j'apprécie, puisque souvent la société nationale a tendance à être jugée comme étant, je ne dirai pas extrémiste, mais, par rapport à certains... Vous ne mettez pas en cause l'existence dans le cadre actuel d'une propriété fédérale, d'un aménagement pour fins aéroportuaires, même au sens assez large du terme. Parce que, d'après ce que nous avons entendu hier matin, il semble qu'on peut le restreindre encore davantage, notamment à ce qui a trait à ces cônes de bruit. Donc, vous ne mettez pas la vocation de Mirabel à nouveau en question; l'aéroport est là, dans le cadre actuel de la constitution, il y a un agent qui doit s'en charger, mais c'est tout le reste.

Vous nous proposez, entre autres, de mettre sur pied un mécanisme que vous appelez, d'une part, une structure légitime et que, d'autre part, vous décrivez comme étant une structure constituée majoritairement des représentants des principaux intéressés: CIAC, UPA, élus municipaux, etc. Ma première question portera d'ailleurs sur cet et cetera: Quelle table de concertation? Quelle largeur faudrait-il donner à cette table de concertation dans le milieu?

M. Mercier: II me semble, sans être capable de vous citer, de vous nommer ou de vous désigner tous les porte-parole de ce milieu, que l'"et cetera" vient confirmer le fait ou vient confirmer notre préoccupation que le milieu, les agriculteurs, on l'a mentionné - cela va de soi et nous mettons l'emphase à ce niveau - et les autres personnes, les autres citoyens et citoyennes

qui vivent dans des situations différentes, dans les villes, dans les villages mêmes, commerçants, industriels - il y en a très peu mais commerçants du territoire ou travailleurs simplement à l'extérieur aient également la possibilité de participer à cette consultation. Mais remarquez que je précise qu'il en va au-delà d'une consultation, il est question de participation véritable à des décisions qui devraient se prendre - il me semble - en fonction de la rétrocession immédiate et en fonction de tout l'avenir de ce territoire. Alors, l'"et cetera", encore une fois, ce seront d'abord les gens de cette région qui auront à les impliquer, à les pointer.

M. Fallu: Pourquoi demandez-vous au gouvernement, par le biais des membres de l'Assemblée nationale, de mettre sur pied cette structure? Nous avons un peu soutenu, depuis deux jours, que le rôle du gouvernement - c'est votre troisième proposition - avait pour but de soutenir la structure qui serait mise sur pied, mais on a toujours dit en même temps que cette structure devait naître d'elle-même, c'est-à-dire devrait naître de la légitimité de ceux qui possédaient, qui s'étaient fait déposséder ou, enfin, à qui appartenait le dossier. Pourquoi faudrait-il que ce soit le gouvernement qui la mette sur pied? Est-ce que vous voudriez que cette structure ait un caractère plus que légitime, qu'elle devienne très officielle, qu'elle soit en quelque sorte incorporée? (16 h 15)

M. Mercier: Dans un sens, oui, M. le député. Quand nous parlons de structure légitime, remarquez bien que ce qui me vient immédiatement à l'esprit, ce sont les structures qui existent déjà au sein même ou dans la structure même du Parlement québécois: les ministères ou le Conseil des ministres, les comités ou les commissions de l'Assemblée nationale. À l'exception que, si nous avons parlé de structure ici, on pourrait faire appel à tous les ministères pour s'impliquer concrètement dans le dossier et ensemble faire valoir nos droits et assumer l'administration de la démarche de rétrocession. Si nous allons plus loin et que nous parlons de structure, c'est que, dans notre esprit, il est nécessaire dans ces circonstances, compte tenu qu'il y a des citoyens qui sont vraiment en cause - ce n'est pas juste l'ensemble, ce n'est pas juste une collectivité, ce sont des citoyens nommément désignés qui ont été dépossédés - que ces citoyens aient tous les droits de participer à la structure en question. Si nous employons le mot "structure", c'est pour s'assurer qu'on ne se limite pas à la légitimité des différents ministères, des différents comités que créerait un gouvernement, mais une structure qui, au- delà des simples élus du gouvernement, regrouperait également les gens du milieu par leurs porte-parole officiels, par leurs mandataires officiels.

M. Gendreau (Claude): Si je peux me permettre, je vais tirer un commentaire d'un document qui vient du gouvernement du Québec, en 1978, et qui s'appelle Évolution et orientation du développement et de l'aménagement, publié par l'Office de planification et de développement du Québec. Ces deux volets, la participation locale et l'implication gouvernementale au niveau d'une concertation, sont tous deux présents. Si vous me permettez d'en citer un petit extrait, c'est aussi une forme , de réponse à la question. Cela s'intègre parfaitement au type d'approche que la société nationale vient défendre ici.

Dans ce document, au niveau de l'objectif d'utilisation optimale et rationnelle du sol, on dit: "On doit veiller à ce que tous les agents impliqués dans les décisions d'affectation ou de réaffectation du sol agissent de manière concertée en tenant compte de l'interdépendance des fonctions urbaines et des répercussions sur l'ensemble de l'agglomération. Cette concertation doit d'abord s'effectuer entre les agents publics, gouvernements supérieurs - on entend municipalités, gouvernement du Québec et probablement gouvernement fédéral - et tenir compte de toutes les actions sectorielles qui ont une incidence sur l'aménagement du territoire. L'aménagement du territoire ne se réduit pas qu'à l'affectation du sol à des fins précises. Il y a une incidence importante sur les activités de l'homme qui utilise le sol pour satisfaire ses besoins. C'est pourquoi une utilisation optimale du sol implique que l'on favorise un agencement spatial des activités des groupes sociaux permettant la réalisation des objectifs économiques et sociaux."

Je me permettrais de rajouter à cela un extrait de ce que le ministre Jacques Léonard, dans une allocation prononcée à l'hôtel Bonaventure le 13 juin 1977, disait: "Ce que je veux marquer, c'est l'urgence pour les régions de partir d'elles-mêmes de leurs ressources, de leurs capacités d'action et d'imagination pour assurer leur développement. Mais, si je dis que les régions doivent partir d'elles-mêmes pour assurer leur développement, il faut surtout que l'organisation du territoire québécois permette à la population de s'engager dans ce processus."

Ces deux citations sont pour situer un peu le contexte de la philosophie de l'approche qui est présentée.

M. Fallu: Notez bien que la participation n'est pas mise en cause. Bien au contraire, le gouvernement, jusqu'à

maintenant, s'est même borné strictement à soutenir, y compris financièrement - ce qu'il entend faire d'ailleurs dans l'avenir - ceux qui se sont pris en main. J'aurais deux questions relativement rapides. La première: Quand vous proposez de privilégier dans la phase de rétrocession le secteur des sols à vocation agricole, vous n'avez jamais indiqué les étendues. J'imagine que vous avez suivi ce matin la commission parlementaire où vous avez vu tout le débat qui s'engage sur les quantités à rétrocéder. Vous avez bien spécifié, au début de votre présentation, que vous n'étiez pas des techniciens. Vous engagez-vous à travailler avec le milieu pour bien définir ce qu'est cette zone à rétrocéder et son ampleur? Avez-vous même une réflexion pratique là-dessus, une quantité d'acres ou je ne sais trop quoi?

M. Mercier: Dans notre esprit, tout est à rétrocéder, à l'exception, vous l'avez mentionné au début, de la zone phase 1, l'aéroport qui regroupe ou qui touche 17 000 acres. Tout ce qui est extérieur à cela et qui, un jour, a été récupéré par le fédéral, pris en possession par le fédéral, tout ce territoire est à rétrocéder. Ce que nous apportons, c'est l'hypothèse parce qu'on s'imagine que tout ne sera pas rétrocédé globalement, catégoriquement, d'une journée à l'autre, comme cela. Nous disons, nous, que tout ce territoire qui n'est pas utilisé expressément par l'aéroport de Mirabel doit être rétrocédé au Québec, à ses propriétaires, mais en priorité. Nous verrions qu'à travers les phases de cette rétrocession qu'on devra normalement vivre - d'autres plus compétents que moi l'ont mentionné ce matin - on voudrait que le gouvernement du Québec, que tous les intervenants au niveau du dossier privilégient d'abord toute la question de la rétrocession du territoire à vocation agricole.

M. Fallu: Vous amenez justement ma dernière question. Vous avez, par des allusions, par une citation notamment à la page 12 et par une recommandation ferme -c'est d'ailleurs votre première - recommandé que l'intégrité du territoire du Québec soit respectée dans le cadre de l'actuelle constitution, de faire valoir définitivement les droits du Québec "sur les 80 000 acres de son territoire expropriées sous de fausses représentations par le gouvernement d'Ottawa." Suggérez-vous, à ce moment-là, au gouvernement du Québec que le Procureur général requière contre le Solliciteur général à propos, justement, de l'excès de juridiction qu'il se serait attribué en 1969, au moment de l'expropriation? Ou si, d'autre part, doit-on simplement attendre que, phase après phase, 30 000 ou 40 000 acres à la fois, le fédéral se décide enfin à en rétrocéder jusqu'à zéro?

M. Mercier: Dans notre esprit, il y a d'abord un premier geste... Oui, votre question est-elle complète?

M. Fallu: La question est: Suggérez-vous au gouvernement que le Procureur général requière en Cour suprême contre le Solliciteur général, à savoir que soit déclaré inconstitutionnel le geste posé en 1969 par l'expropriation de 79 000 acres en trop, de telle sorte que cela annule l'effet de l'expropriation de 1969?

M. Mercier: Dans l'articulation ou la démarche que vous entrevoyez, à savoir le Procureur général et ainsi de suite, j'avoue que vous me perdez. Pour moi, de toute façon, c'est l'État du Québec, à travers son porte-parole officiel, légitime, démocratique, qui s'appelle l'Assemblée nationale - son gouvernement est l'Assemblée nationale - qui doit exiger cette rétrocession; qui doit peut-être, mais avec la collaboration et en consultation étroite avec le milieu, nous l'avons souligné, qui devrait assumer le devoir de la négociation globale de la rétrocession.

M. Fallu: Des négociations et non pas requérir en cour, en vertu de la constitution ou des règles de la loi fédérale du transport.

M. Mercier: Nous parlons, nous, du point d'arrivée. Vous me posez une question par rapport à la route à suivre. Je ne pourrais pas vous répondre sur la démarche; la compétence du gouvernement du Québec, des gens de l'Assemblée nationale et de tous leurs soutiens est capable de découvrir la route à suivre. Nous exprimons, dans le fond, non seulement un désir, mais ce qui nous paraît tout à fait logique, normal et légitime. C'est qu'il y ait un interlocuteur officiel, pas un exproprié; pas le fermier que je respecte beaucoup, mais qui, finalement, devant cette grande machine fédérale, n'a pas de pouvoir. Mais qu'il y ait un niveau de gouvernement, un niveau de représentation à nous qui transige, qui négocie avec un autre niveau de gouvernement par rapport à une rétrocession, que cela se fasse à l'intérieur d'une négociation, à l'intérieur d'une démarche juridique; cela devient une stratégie, une route à suivre, de la technique. Nous avons dit au départ que nous ne connaissions pas toutes les techniques. Nous nous attendons à des résultats.

M. Fallu: Mais ce que vous nous proposez, est-ce que ce n'est pas ce qu'a déjà fait l'Assemblée nationale le 18 décembre 1968 quand, à l'Assemblée nationale, une loi a été votée, sanctionnée, à l'effet de donner les pleins pouvoirs au Conseil des ministres pour permettre l'aménagement du territoire dans

l'éventualité où un aéroport s'intallerait au Québec? L'outil a été créé pour faire en sorte qu'il n'y ait pas d'expropriation en dehors d'une zone strictement aéroportuaire. C'est un geste qui date de 1968, attention! C'est donc quatre mois avant que le fédéral n'exproprie. Ce geste de main tendue, l'Assemblée nationale de l'époque l'a fait. Va-t-on demander, maintenant, à l'Assemblée nationale, même unanime - on sait qu'il y a déjà eu des motions unanimes à l'Assemblée nationale, n'est-ce pas? - de faire une motion pour qu'il y ait rétrocession? Ou va-t-on entreprendre une démarche devant les tribunaux? Enfin, la question reste en suspens, vous nous laissez le choix des armes.

M. Mercier: On pense que vous êtes capables d'assumer cela.

M. Fallu: ...

M. Garon: Ce qui veut dire qu'on peut...

Le Président (M. Rochefort): Allez-y, M. le ministre.

M. Garon: On peut plaider devant les tribunaux, mais vous savez ce que c'est, il y a des gens qui l'ont essayé. Le député de Brome-Missisquoi connaît cela aussi-Quelquefois, les gens ne veulent que du délai. Ils ne veulent pas gagner, ils savent qu'ils ne gagneront pas, alors ils vont faire la Cour supérieure, la Cour d'appel, la Cour suprême, avec toutes les procédures nécessaires, en disant à l'avocat: Ton mandat, c'est de gagner du temps. Tout cela, ça peut prendre sept ans, huit ans, neuf ans. Pendant ce temps, tout cela n'avance pas. C'est pour cela que c'est un peu embêtant d'aller devant les tribunaux. Comme les avocats sont connectés sur le fonds consolidé du gouvernement fédéral, ils peuvent travailler longtemps. C'est pour cela qu'aller devant les tribunaux, on peut bien y aller, mais on n'est pas certain que ce serait la meilleure façon de régler le dossier.

M. Paradis: Vous me permettez une information? Sauf erreur, M. le ministre de l'Agriculture, on a, au gouvernement du Québec, adopté une loi de référence dans le but, justement, d'éviter tous ces délais et qui permet de procéder directement à la Cour d'appel du Québec, en évitant tous les délais, etc. Cela a été adopté par l'Assemblée nationale du Québec.

M. Garon: Prenons les oeufs, cela fait combien de temps que vous êtes dans le domaine des oeufs? Cela fait combien de temps que vous avez commencé?

M. Paradis: C'est justement pour cela que je vous disais cela. Â ce moment-là, l'Assemblée nationale du Québec n'avait pas une loi de référence. Depuis ce temps, l'Assemblée nationale du Québec a adopté une loi sur la référence des cas directement à la Cour d'appel, cela passe sur le rôle prioritaire.

M. Garon: Malgré tout cela, cela va prendre des années, quand même, aller à la Cour suprême, avec toutes les procédures possibles, avec les remises, etc.

M. Paradis: Vous pourriez demander au ministère de la Justice, il pourrait vous le dire exactement.

M. Garon: Vous le savez. Vous avez déjà utilisé ces procédures.

M. Paradis: En ce qui concerne un cas de référence, le délai habituel est, pour la dernière décision, un délai maximum de deux ans.

M. Garon: Vous savez qu'il y a des clients qui vont voir leur avocat et qui ne lui disent pas: Je veux que tu gagnes mon procès. Ils disent: Je veux que tu me gagnes du temps.

M. Houde: ... parce que, lorsqu'on parle des ministres, le ministre de la Justice, qui est le ministre Bédard, est bien proche de vous, c'est facile de le rejoindre.

Le Président (M. Rochefort): M. le député d'Argenteuil.

M. Garon: Ou le monsieur dans Tranchemontagne.

Le Président (M. Rochefort): M. le député d'Argenteuil. À l'ordre! À l'ordre! S'il vous plaît!

La parole est au député d'Argenteuil. On a des témoins qui sont présents pour répondre à nos questions. (16 h 30)

M. Ryan: Je voudrais dire un mot sur le sujet dont on discutait. Un recours judiciaire dans cette affaire, il n'y en a pas eu depuis 1969, je pense qu'il commence à être tard. Je ne suis pas d'accord avec M. le ministre sur la durée des délais. Je pense qu'il y a eu des améliorations considérables au cours des dernières années. La Cour suprême fonctionne beaucoup plus vite qu'autrefois. Et, vous le savez, quand Québec a fait un référé dans le cas de l'affaire constitutionnelle, cela a peut-être même été un peu trop vite. Tout cela s'est réglé à l'intérieur d'un an, si vous vous souvenez bien, les deux étapes, l'étape de la Cour d'appel et l'étape de la Cour suprême.

Moi-même, je ne le conseillerais pas dans ce cas, dans la mesure où il faut avoir une certaine expérience; il faut dire que je ne le conseillerais pas.

M. Garon: Dans ce cas, je ne suis pas convaincu que ce ne serait que le côté, l'aspect constitutionnel qui serait plaidé; ce serait aussi la finalité et si on a voulu exproprier, si on était de bonne foi, etc. Vous le savez aussi bien que moi, mais, M. le député de Brome-Missisquoi, vous avez... C'est un spécialiste des sophismes.

M. Ryan: Mais, je m'excuse, on pourrait facilement vous renvoyer la même considération, mais je ne le ferai pas.

Le Président (M. Rochefort): On s'imagine que vous avez des questions à adresser au groupe, M. le député d'Argenteuil.

M. Garon: Vous allez à Rome la semaine prochaine. Vous ne pouvez pas parler en mal de votre prochain.

M. Ryan: Nous étions mieux partis que cela, M. le Président, nous allons essayer de rester au niveau où nous avons tenté de nous en tenir depuis le début.

Le Président (M. Rochefort): Je l'apprécierais.

M. Ryan: II y a une question, vous dites, M. Mercier: Nous demandons à notre gouvernement de faire valoir "définitivement" les droits du Québec sur les 80 000 acres de son territoire exproprié. Le mot "définitivement", pourriez-vous me dire ce que cela veut dire dans votre esprit?

M. Mercier: Cela voudrait dire fermement, clairement, peut-être que l'adverbe est mal choisi, mais sans retour, c'est-à-dire que, finalement, il y a 80 000 acres - et c'est ce qu'on tente d'exprimer -il y a 80 000 acres qui ne sont pas utilisées, expressément pour ce pourquoi on les a expropriées et ce pourquoi on avait le droit d'exproprier. Donc, les 80 000 acres doivent revenir. Quand on dit définitivement, cela veut dire dans le temps, cela veut dire dans la fermeté, cela veut dire dans la volonté de récupérer tout cela.

M. Ryan: Si on disait "de manière permanente et dans les meilleurs délais", c'est cela que vous voulez dire, finalement?

M. Mercier: Oui, je vous remercie.

M. Ryan: Très bien. Ensuite, vous dites: "Nous demandons à notre gouvernement, aux membres de l'Assemblée nationale, de mettre sur pied une ou des structures légitimes pour voir à assumer juridiquement et administrativement la démarche de rétrocession dans le respect du droit premier des expropriés et de leur famille." M. le député de Groulx a commencé à vous demander des explications là-dessus, mais je pense que ce serait bon que vous en fournissiez d'autres. Pourriez-vous essayer de préciser cela plus concrètement? Qu'est-ce que vous voulez dire par là?

M. Mercier: Nous disons que la façon peut-être la plus claire d'exprimer ce que nous avons voulu dire, c'est que nous savons tous, je pense que tout le monde ici sait comment s'est vécue la période d'expropriation, c'est-à-dire comment l'opération expropriation a placé finalement des citoyens individuellement face à une machine, face à un pouvoir politique qui dirigeait cette machine pour en arriver à ses fins, d'ailleurs à des fins qui ont fait qu'il y a de ces citoyens et de ces citoyennes qui ont vu régler leur cas, et au niveau de l'expropriation simplement, il y a à peine deux ou trois ans.

Nous ne voyons pas la rétrocession, même si elle est acceptée par le fédéral, s'engager dans la même voie, dans les mêmes chemins que lors de l'expropriation, à savoir que le fédéral ou sa société d'État ou sa société de la couronne, ses mandataires, ses employés, reprennent le processus de rétrocession en recommençant avec chaque individu, en décidant de la façon et de la manière et en utilisant les formes de pression qu'ils jugent à propos. En tout cas, nous ne voulons pas que se vive la rétrocession comme s'est vécue l'expropriation. Nous pensons que les gens de Mirabel, les citoyens, les citoyennes, les familles de cette région et de toute la périphérie ont droit à l'intervention du gouvernement au niveau juridique et au niveau administratif, à l'intervention de leur gouvernement, celui du Québec, dans l'opération, ce qui n'a pas été le cas lors de l'expropriation.

Nous voulons voir le gouvernement du Québec assumer non seulement ses droits, mais aussi ses devoirs. Ce que nous demandons, des structures légitimes et l'idée d'assumer juridiquement et admi- nistrativement, cela peut prendre la forme de soutenir juridiquement et administrativement l'opération rétrocession, mais surtout les citoyens qui, à la fin, sont toujours les laissés-pour-compte. Si le gouvernement fédéral a réussi à se donner une structure de fonctionnaires pour faire l'expropriation et qui va aller loin dans la rétrocession, qui se permet même, comme le soulignait un maire ce matin, de faire de l'aménagement - pensez-y, sur un territoire; autrement dit, cette structure se permet de

remplacer la légitimité d'un gouvernement -si le gouvernement d'Ottawa se donne un mécanisme du genre pour négocier et pour en arriver à ses fins avec les citoyens d'un milieu, pourquoi le gouvernement du Québec ne se donnerait-il pas les mêmes moyens et pourquoi les citoyens de la région de Mirabel et de toute la région des Basses-Laurentides ne profiteraient-ils pas également des mêmes moyens?

Est-ce que cela éclaircit? C'est ici que nous parlons de structures qui pourraient intervenir juridiquement et admi- nistrativement pour soutenir et assurer que la démarche de rétrocession se fasse en toute justice par rapport aux gens du milieu, mais également en toute compétence par rapport à des interventions illégitimes que le fédéral ou ses mandataires pourraient réaliser sur le territoire.

M. Ryan: Avez-vous pensé au genre d'organisme qui pourrait être créé? Est-ce que vous avez une certaine idée de cela? En avez-vous discuté entre vous? Vous pouvez m'expliquer le pourquoi pendant une heure, mais ce qui nous intéresse à ce stade-ci, c'est de savoir si vous avez regardé cela d'une manière un petit peu plus...

M. Mercier: Nous ne sommes pas allés, comme vous le dites, jusqu'à tenter de cerner... Nous avons exprimé le fait que de toute manière l'État du Québec, par son gouvernement, par ses représentants élus, se doit d'être présent dans cette opération de rétrocession pour que les gens du milieu aient le droit indéniable de participer à la décision et de participer aux choix qui vont être faits. Quant à la façon, à la forme, à la structure et au cadre dans lesquels ces principes devraient être respectés, nous n'en avons pas discuté, je l'admets.

M. Ryan: Cela fait treize ans. Est-ce que vous ne trouvez pas que cela aurait dû être fait bien avant aujourd'hui?

M. Mercier: Vraisemblablement, oui; sûrement, oui, sauf que peut-être que le milieu lui-même... Vous savez, jusqu'à tout récemment encore - je parle comme un citoyen qui ne vit pas sur le territoire même exproprié - dans les journaux qui circulent dans la périphérie de Mirabel, on nous faisait voir de nouveaux éléments d'espoir pour l'avenir. Mirabel, vraisemblablement, à travers le PICA, à travers l'installation de nouvelles vocations, le transport de la marchandise... Finalement, ce n'est pas terminé, la grande promesse de Mirabel pour toute la région, ce n'est pas fini. Il y a eu un premier échec, mais on cherche; attendez et espérez. Il y a des gens qui se laissent prendre encore chez nous, qui se laissent prendre par la technique, par cette forme de vente, encore une fois, sous pression. Peut-être que ce n'était pas mûr - je m'excuse de dire cela comme ça - peut-être avons-nous été - je parle pour nous, la société victimes, mais complices aussi. Il faut admettre une chose, c'est que, s'il y a des lois et s'il y a toujours des cadres qui assurent le respect du citoyen par rapport au vendeur itinérant... Si un vendeur itinérant vient vous vendre une balayeuse, par exemple - vous excuserez ma comparaison - qui se révèle inefficace au bout d'un mois ou d'un mois et demi, le citoyen a un recours. Pourquoi? Parce qu'on l'a trompé dans la vente de l'équipement.

À nous, on a vendu une vie, un présent peut-être plein de richesses, un avenir et des répercussions sur tout un territoire et même à l'échelle du Québec, ce que nous avons tous accepté. Ce qui m'apparaît fort, c'est que, depuis ce temps-là, justement, personne n'a pu nous appuyer, rien ne nous a vraiment permis de contester la vente qui nous a été faite, rien ne nous a vraiment permis de revenir dire qu'on n'était pas satisfait et qu'on avait brimé nos droits.

Votre commission, aujourd'hui, dans ce sens-là, est un geste probant d'une volonté politique d'assumer une nouvelle responsabilité, d'assumer nos responsabilités à ce niveau, je crois. Ce matin, bien sûr, et hier aussi, on a beaucoup parlé de ce que nous appelons, pas péjorativement, la tuyauterie, le comment, le technique, le financier, les démarches, etc. Cela nous amène à croire qu'il y a des spécialistes -vous en êtes messieurs - qu'il y a des gens qui sont capables de trouver et qui ont l'ingéniosité de trouver des réponses à ces défis, techniques ou autres. Mais tout ce bagage de défis techniques, tout ce bagage de gestes à poser, tout ce bagage de positions à prendre relève avant tout d'une volonté politique de les assumer. Finalement, on demande au gouvernement du Québec, à tous nos représentants légitimes d'assumer cette responsabilité de la volonté politique.

Il y a des citoyens ici qui sont venus vous dire qu'ils vont vous appuyer. Nous l'avons cette volonté politique. Nous espérons que vous aussi non seulement vous l'aurez, mais que vous l'assumerez. Merci.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le député de Rousseau.

M. Blouin: Merci, M. le Président. M. Mercier, votre mémoire insiste d'une façon assez originale sur la manière dont le dossier de Mirabel a été présenté aux Québécois, particulièrement aux citoyens qui habitent dans la région de Saint-Jérôme et de Mirabel. D'ailleurs, votre dossier de presse appuie bien le contenu de votre mémoire. Si, par exemple, on regarde une manchette qui est parue juste avant l'expropriation ou

simultanément, je ne sais trop, le 28 mars 1969, où le ministre de l'époque, M. Jean Marchand, déclarait que l'aéroport fournirait entre 75 000 et 100 000 emplois à la région, il est sûr que, dans une telle perspective, c'est davantage l'emballement sur le coup que la désolation qui s'emparait de la population concernée.

Évidemment, treize ans se sont écoulés depuis et il y en a beaucoup qui ont déchanté, pour toutes les raisons qu'on a invoquées depuis hier à cette commission parlementaire. J'ai comme le sentiment que l'opération, comme vous l'avez précisé, était tellement bien orchestrée, d'ailleurs un peu comme vous l'avez évoqué dans une lettre qu'un ministre adressait à un autre ministre, une lettre confidentielle que vous avez tirée je ne sais trop d'où et dont je souhaiterais avoir des copies, si c'est possible... (16 h 45)

Une voix: Ce n'est pas possible.

M. Blouin: Enfin, si c'est possible. Ce qui me fait dire que l'opération était tellement sophistiquée et tellement bien réussie que, même treize ans après, avec toutes les constatations qu'on a faites - sans vouloir vous blesser, M. Mercier - vous comme d'autres, vous arrêtez encore à la barrière, que j'appellerai psychologique, des 17 000 acres. Vous avez parlé dans votre intervention d'une zone "opérationnelle"; alors, le terme même d"'opérationnelle" n'est pas juste parce qu'effectivement, on a étudié cette situation avec les représentants du ministère des Transports, les experts en aéronautique, qui nous ont évoqué que, dans la perspective la plus optimiste qu'on puisse imaginer, c'est vers les années trois mille avancées que cette zone pourrait effectivement devenir opérationnelle. Dans cette perspective, n'avez-vous pas l'impression que, malgré toute la clairvoyance dont vous avez fait preuve, et votre mémoire en est un témoignage saisissant, on a beaucoup de difficulté à finir même par accepter que le territoire de Mirabel ait été bousculé d'une façon qui est tellement inconcevable qu'on a encore de la misère, même aujourd'hui, à rationaliser nos réflexions sur ce sujet?

En conclusion, ce que je vous demande, c'est sur quoi vous vous êtes basés pour dire tout à l'heure que vous souhaitiez la rétrocession des territoires situés en dehors de la zone dite "opérationnelle" des 17 000 acres.

M. Mercier: C'est parce que peut-être on ne voulait pas retourner assez loin en arrière - remarquez bien que je tiens compte de votre question et de votre intervention qui l'a précédée - les 17 000 acres faisaient partie de la première phase d'implantation. Cela a fait partie de toute l'information qui nous a aussi été transmise en cours de route et qu'on nous a vendue également. Si bien que, dans notre esprit, même si cela nous paraît aberrant, les 17 000 acres, et que le besoin n'est que de 5200, selon le ministère des Transports ou selon les spécialistes à ce niveau, nous disons qu'il y a quand même des installations, il y a quand même des choses, vraisemblablement, sans les avoir vérifiées de visu, qui sont déjà en place, à l'intérieur de ces 17 000 acres, compte tenu encore une fois que c'était une étape.

Nous mettons fin à une étape en disant: L'étape de l'expropriation aux fins d'un aéroport; l'étape de la phase 1 prévoyait 17 000 acres; c'est terminé; on ne va pas plus loin. Dans un deuxième temps, je serais d'accord avec vous, j'aurais été d'accord pour dire qu'il est trop tard pour le faire, que l'aéroport aurait même pu être simplement mis en place, c'est-à-dire sous forme de transfert, mais administré, comme cela se fait dans d'autres régimes fédéraux, par le Québec lui-même en termes de service. Québec serait demeuré propriétaire du territoire; ce territoire pourrait être loué; le Québec pourrait en demeurer le propriétaire, finalement. Mais là, on va loin dans notre réflexion. Alors, vous comprenez pourquoi nous avons choisi cette sorte de mur psychologique, cette étape qu'on exprime ainsi: On n'ira pas plus loin que cela, mais au moins, arrêtez de nous parler et de nous charrier avec les zones de bruit, les petits parcs industriels à côté, les bouts de chemins que vous allez construire, les terres que vous allez protéger et ainsi de suite; n'allez pas plus loin, vous avez 17 000 acres, c'est ce qu'il y a de plus grand au monde; votre patente, c'est ce qu'il y a de plus petit dans le bout - excusez l'expression - ne charriez plus! On met fin à cela, mais on a un entendement: Quand on parle de 17 000 acres, tout le monde sait ce que cela veut dire. Alors, c'est pour cela qu'on a pris cette approche.

M. Blouin: Lorsque vous dites: Ne charriez plus, on se limite à 17 000 acres, est-ce que vous n'avez pas l'impression que, même à 17 000 acres, vous vous laissez charrier?

M. Mercier: Oui, monsieur. M. Blouin: Oui.

M. Mercier: Excepté que les individus comme les peuples sont souvent obligés de subir les conséquences de certains moments d'emballement, comme vous dites, ou de faiblesse ou de quoi que ce soit. On en subit les conséquences, mais, de grâce, arrêtons l'hémorragie.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M.

le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Une remarque bien brève et une question. Si je saisis l'âme ou l'essence de votre mémoire, finalement, vous ne vous attardez pas aux moyens, mais ce que vous dites à l'Assemblée nationale du Québec, c'est: Mettez-y du coeur. C'est un peu ce que je saisis dans votre message.

Ce qui m'inquiète, à la suite de ce message, ce sont les propos que le ministre de l'Agriculture, hier soir, a prononcés en commission, à minuit quinze, quand il a dit: Finalement, on va laisser... On va continuer avec le CIAC, l'UPA, à assumer financièrement... Aujourd'hui, on revient, on étudie un des moyens et on dit: La question juridique, le Procureur général du Québec contre le Solliciteur général du Canada, il n'en est pas question. C'est un peu le genre de réponse lorsqu'on fait de la pratique privée; si on ne veut pas s'occuper d'une cause, on dit à un client: Cela est loin, cela va être dur, cela va être de l'ouvrage, etc., et on se débarrasse du problème; on écoute la personne, on laisse la vapeur sortir de la boîte, finalement, et on renvoie les gens chez eux. Si j'ai bien saisi votre mémoire, vous voulez que l'Assemblée nationale du Québec mette tout en oeuvre, ne se débarrasse pas d'une solution possible sans en avoir fait une étude sérieuse et qu'elle prenne le dossier en main.

Je vous remercie. Je crois que c'est aussi ce que les gens, pour avoir discuté avec eux autres, attendent de cette commission parlementaire.

Maintenant, ma question porte sur les éléments qui vous amènent là, qui sont peut-être extérieurs au dossier de Mirabel et qui traitent des autres propriétés fédérales en territoire québécois. En disant bien clairement que l'on comprend toute l'argumentation lorsque vous parlez d'occupation illégitime sur des territoires qui ne sont pas à fins fédérales, etc., "l'acrage" qui ne sert pas à des fins aéronautiques, ce qui m'intéresse dans la pensée de la société que vous représentez est ceci. Quelle est votre opinion sur les territoires fédéraux - je vais vous donner un exemple dans le domaine agricole - qui sont occupés par le ministère fédéral de l'Agriculture à titre de ferme expérimentale? J'en ai une dans mon comté, entre autres, à Frelighburg. Il s'agit d'une ferme de pommiers qui sert à des expériences pour les agriculteurs. C'est un territoire fédéral et ils l'utilisent à cette fin; ce n'est pas un immense territoire, il n'y a jamais eu de débat public à son sujet. Quelle est l'opinion de votre société sur ce genre d'occupation fédérale ou ce genre de possession fédérale au Québec?

M. Mercier: Remarquez bien que, sans s'être penché spécifiquement sur le cas que vous nous apportez, il y a toujours le principe qui dit que le fédéral ne devrait jamais être propriétaire chez nous. Il peut venir jouer des rôles de recherche, il peut venir participer à la mise en place de services, mais, dans la totalité des cas, il devrait le faire en laissant la juridiction ou en confiant l'administration au gouvernement provincial. S'il veut obtenir des résultats, il y aura entente entre les deux paliers de gouvernement afin que tels investissements du fédéral permettent la réalisation de tel projet - par exemple, votre ferme de recherche - mais je ne vois pas pourquoi on continuerait ou on accepterait la politique de céder du territoire à un autre gouvernement pour qu'il vienne faire je ne sais quoi chez nous. Rendre des services, peut-être, mais que l'on ne perde pas la juridiction. Dans notre esprit, il importe de ne jamais perdre la juridiction sur le territoire québécois. Permettre toutes les participations, solliciter toutes les collaborations, on y a droit, on paie les taxes, on ne nous fait pas de cadeau à cet égard; mais, d'un autre côté, ne jamais délaisser notre juridiction en termes de territoire, en termes de compétence aussi.

M. Paradis: M. Mercier, M. Gendreau, merci.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le député de Champlain.

M. Gagnon: Merci, M. le Président. À ce moment-ci, il y a des questions que je voulais poser, qui ont été déjà posées, mais je dois vous faire une réflexion et cela se terminera par une question, peut-être au ministre ou à vous-même.

J'avais entendu parler du scandale de Mirabel, parce qu'on en a beaucoup entendu parler depuis les années soixante-dix. Quand j'ai travaillé à l'intérieur de l'UPA comme syndicaliste agricole, j'en ai encore entendu parler. J'ai réalisé l'ampleur du scandale la semaine passée lorsqu'on a fait le tour de ce territoire. On a fait quelque chose comme 300 kilomètres en autobus pour faire le tour du territoire. Je comprends vos termes quand vous parlez de révoltante injustice ou des victimes impuissantes qui étaient sur le territoire. Vous avez parlé aussi de stratégie d'espoir. Finalement, on s'est emparé de ce territoire, un des plus riches du Québec, un des mieux implantés aussi. Si on regarde l'aspect spécifiquement agricole, je sais que le territoire de Mirabel comptait, avant l'expropriation des cultivateurs moteurs, des gens qui entraînaient l'agriculture vers l'avancement, alors que ce n'est plus cela aujourd'hui. Cela veut dire que c'est l'ensemble du Québec qui y a perdu, dans ce sens.

J'ai toujours eu l'impression que, lorsqu'on se fait leurrer... Si, par exemple, je

fais une vente - vous avez employé souvent le mot "vente", parce qu'on vous a "vendu" ce projet - et si on se rend compte que, dans la vente que j'ai faite, il y avait des vices cachés, que j'ai leurré le client, il y a un recours possible. On peut faire annuler éventuellement cette vente. Vous parlez de structure légitime à mettre en place avec les gens du milieu et le gouvernement. Je me demande si quelqu'un a déjà envisagé la possibilité de contester purement et simplement cette expropriation qui me paraît, à toutes fins utiles, un vol de territoires; quelqu'un d'autre a employé cette expression, mais elle se justifie très bien dans ce cas. Est-ce à peu près cela que vous pensez quand vous dites qu'il faudrait avoir une structure en place qui irait fermement... On vous a déjà posé la question, c'est pour cela que je l'adresserai peut-être aussi au ministre. Serait-ce possible actuellement, comme disait le député d'Argenteuil, après douze ou treize ans... On a de plus en plus de preuves que, finalement, ce qu'on vous a chanté sur le territoire n'était pas vrai, que les objectifs que l'on visait s'avèrent des objectifs complètement faux. Il y a en un paquet de tromperies ou d'erreurs. Cela ne s'explique quasiment plus par des erreurs. Une erreur, deux erreurs, trois erreurs, la quantité d'erreurs accumulées faites par des gens soi-disant compétents en la matière, à mon point de vue, ce ne sont plus des erreurs, c'est de la tromperie. J'emploie à nouveau l'expression "vol de territoire", c'est à peu près ce que je veux dire.

Si j'avais fait une vente semblable, je pense que le client pourrait revenir contre moi et faire annuler la vente en prouvant que je l'ai trompé volontairement. C'est à peu près la question que je voulais poser. Est-ce qu'il y a quelqu'un sur le territoire, est-ce que la société nationale ou l'UPA a déjà examiné cette possibilité de contester purement et simplement devant les tribunaux et de faire, non pas rétrocéder, mais remettre le terrain qu'on n'aurait jamais dû prendre? À ce moment, je pense aussi au terrain. Je ne pense pas à conserver 17 000 acres, mais il faudrait conserver au maximum les 5000 acres qui sont déjà occupées. Je pense aussi aux 97 000 acres, ce qui veut dire 90 000 acres qui devraient être remises simplement aux gens du milieu. Est-ce que cette possibilité a déjà été examinée par votre groupe?

M. Mercier: Non. Dans toute la légalité des choses, dans tout l'aspect constitutionnel, si vous voulez, dans tout ce que cela implique de démarches juridiques, de négociations entre paliers de gouvernement et ainsi de suite, nous n'avons jamais analysé les conséquences d'une décision ou d'une volonté comme celle-là qui pourrait être exprimée. On peut affirmer que c'est la solution. Cela pourrait être la solution, c'est l'idéal. L'idéal, dans notre esprit, selon nos convictions, cela devrait se faire. Il reste toujours le possible. À ce niveau, vous êtes mieux équipés et d'autres sont mieux équipés que nous pour répondre s'il y a ce possible.

Le Président (M. Rochefort): Merci. Sur ce, j'aimerais remercier les représentants de la Société nationale des Québécois des Laurentides de s'être présentés devant nous.

J'inviterais maintenant M. Réal Paquette à se présenter à la table des témoins. Soyez le bienvenu à la commission et je vous inviterais à nous faire la présentation de votre mémoire.

M. Réal Paquette

M. Paquette (Réal): Vous allez m'excuser si je n'ai pas tellement les talents d'un écrivain. (17 heures)

Le Président (M. Rochefort): On n'est pas ici pour évaluer les talents d'écrivain de qui que ce soit.

M. Paquette (Réal): Je m'adresse à tous les députés. Le mémoire, c'est pour dire pourquoi j'ai investi sur le territoire. Disons qu'en 1967 j'achète une des fermes paternelles. Comme celle-ci n'est pas la ferme résidentielle, il y a en place le strict minimum au point de vue des bâtiments; beaucoup reste à faire. En 1969, lors de l'expropriation, des travaux avaient déjà été réalisés: un silo avait été érigé, les divisions à l'intérieur de l'étable avaient été refaites. À partir de la date de l'expropriation et jusqu'à la fin de 1971, je suis hésitant: Dois-je partir ou bien rester? J'avoue que je ne suis tenté ni par l'une, ni par l'autre des solutions. Peu de temps après, on commence à nous faire miroiter l'idée qu'il serait intéressant pour les exploitants de la place d'y demeurer. On nous sécurise en nous disant que l'idée d'être forcés de quitter les lieux est à peu près inexistante, car nous sommes dans la zone "corridor de son".

J'étais rassuré sur les possibilités de demeurer, mais le fait que j'étais en voie d'organisation était toujours là. Des travaux de construction étaient à faire. Je consulte et l'on me conseille alors de continuer, que l'on comprenait ma situation. On m'autorise alors à effectuer ces travaux jugés nécessaires au bon fonctionnement de mon entreprise. Ainsi rassuré en paroles, un geste vient confirmer en 1971 cette sécurité. Nous avions entre-temps rénové l'intérieur de notre maison. Pensant que ces travaux n'étaient pas essentiels au fonctionnement de l'entreprise, que c'était plutôt un luxe, j'avais donc décidé d'en assumer le coût. Mais quelle ne fut pas ma surprise lorsqu'on me demanda de fournir les factures de cette

dépense, de calculer le temps que j'ai mis à cette rénovation. Par la suite, on m'accorde un crédit de loyer pour cette amélioration et cela, sans avoir à le demander. Alors, vous comprendrez pourquoi je me sentais tout confiant. C'est alors que je me suis mis à continuer en toute confiance les travaux déjà planifiés.

En 1971, je construis un garage; en 1972, une remise à machinerie; en 1973, je rallonge l'étable; en 1975, je fais monter un silo, je bâtis une remise à moulée et une étable à veaux; en 1976, je construis une grainerie; en 1977, je bâtis une étable froide et, en 1980, je bâtis un silo à grains. Tous ces travaux ont été évalués à environ 137 000 $ par un évaluateur. J'ai eu recours à une maison pour fixer la valeur de ces constructions parce qu'il était difficile d'évaluer à leur juste valeur des travaux qui avaient été exécutés par des parents et moi-même. C'est ainsi que j'ai travaillé pendant à peu près dix ans à réaliser mon plan d'établissement.

Mais, soudain, tout mon enthousiasme s'écroule. Tout à coup, je m'aperçois que cela ne va pas aussi bien qu'on nous l'avait dit. Pendant un certain temps, on retire les subventions pour les travaux mécanisés. Ensuite, lorsqu'à un moment donné je veux effectuer un emprunt auprès du crédit agricole, je me rends compte que l'on veut essayer de me coincer. Comme on demande un bail de dix ans pour allouer un prêt, lorsqu'on arrive pour en négocier un avec le gouvernement, on me demande de renoncer à mes améliorations. On refuse alors de me rembourser, comme il avait déjà été entendu. Auparavant, on m'avait dit: Construis; il y a un comité en place, si on juge de rembourser les constructions pour un type en particulier, cette décision sera appliquée pour tous les autres dans le même cas. Ce qui ne fut pas le cas, parce que d'autres ont été remboursés et, lorsqu'il s'agit de moi, on refuse. Pourquoi? Je ne sais pas. On évoque toutes sortes de raisons plus ou moins valables. Je demande justice et, comme pour se débarrasser de moi, on m'écrit pour me dire que mon dossier est à l'étude. Mais, où il y a de l'homme, il y a de "l'hommerie". Cela fait tout près de trois ans que mon dossier est à l'étude.

Devant ces faits, à l'enthousiasme d'autrefois fait place un autre genre de sentiment. D'abord, devant le fléau, je n'ai aucune protection. Si jamais le feu prend chez moi, aucune assurance ne m'aidera à remplacer ce qu'il aura dévasté. Aussi bien dire qu'advenant un désastre, j'ai presque le chemin comme partage.

Mais je ne suis pas prêt à abandonner la partie. Si, aujourd'hui ou demain, je renonçais à me battre pour garder mes investissements, ce serait renoncer au meilleur de moi-même. Je suis réaliste, je ne suis pas âgé, mais je n'ai plus vingt ans. Je sais très bien qu'à vingt ans, on a beaucoup plus d'enthousiasme dans son travail qu'à quarante ans, donc, c'est plus rentable. Si je me résignais, je laisserais là le meilleur de moi-même. Le meilleur de moi-même, je ne le donnerai certainement pas au gouvernement, je le réserve pour mes enfants. Ma terre, je la veux. Vous n'en avez pas besoin. Je ne paierai certainement pas le prix de votre erreur, en m'adressant au gouvernement fédéral.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre de l'Agriculture.

M. Garon: Quel prix vous attendez-vous à payer pour la rétrocession? Êtes-vous dans la partie qui va être rétrocédée?

M. Paquette (Réal): Oui, dans la partie à rétrocéder.

M. Garon: Dans quelle municipalité? M. Paquette (Réal): Saint-Hermas.

M. Garon: Quelle prix vous attendez-vous à payer pour la rétrocession?

M. Paquette (Réal): Le prix qu'on s'attend à payer, on a un organisme qui a travaillé là-dessus pour établir des prix. Il s'agit de rencontrer ces gens. Il y a des modalités qui ont été établies. On a été consulté, tout est là. On voit qu'ils essaient de nous prendre individu par individu pour essayer de mieux nous coincer. On pourrait partir du prix qu'on a été payé pour commencer, moins les dédommagements et les contraintes, de la façon qu'on a été payé. Au moment où on a été payé, ils nous ont donné des intérêts; au moment où ils nous ont donné des intérêts, ils nous ont demandé du loyer, cela fait qu'ils ont mangé les intérêts, ils n'ont rien donné. Cela a été la façon de procéder.

M. Garon: Quand vous dites qu'il y a un organisme qui travaille pour vous, quel est cet organisme?

M. Paquette (Réal): Le CIAC.

M. Garon: Vous êtes membre du CIAC?

M. Paquette (Réal): Oui.

M. Garon: Plusieurs personnes dans votre place sont membres du CIAC?

M. Paquette (Réal): Je dirais à environ 98%.

M. Garon: Êtes-vous membre de la chambre de commerce?

M. Paquette (Réal): Non.

M. Garon: L'avez-vous déjà été?

M. Paquette (Réal): Non. Je ne suis pas représentatif dans ce comité, dans le fond.

M. Garon: Pardon?

M. Paquette (Réal): Je ne suis pas représentatif dans le comité de la chambre de commerce, je ne suis pas là.

M. Garon: II ne vous représente pas, vous voulez dire. Je pense que cela répond à mes questions.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: J'aurais deux petites questions. Vous dites, à la page 3, M. Paquette,...

M. Paquette (Réal): Oui.

M. Ryan: Vous dites, à la page 3, M. Paquette: "Mais soudain, tout mon enthousiasme s'écroule; tout à coup, je m'aperçois que cela ne va pas aussi bien qu'on nous l'avait dit; pour un certain temps, on enlève les subventions sur les travaux mécanisés". On, qui était-ce?

M. Paquette (Réal): Pardon?

M. Ryan: Qui vous a enlevé les subventions sur les travaux mécanisés? Vous dites: À un moment donné, on nous a enlevé les subventions sur les travaux mécanisés.

M. Paquette (Réal): Oui. M. Ryan: Qui?

M. Paquette (Réal): Bien, on n'en avait plus. On faisait la demande, mais, comme on était sur le territoire exproprié, on n'avait plus de subventions.

M. Ryan: À qui faisiez-vous la demande?

M. Paquette (Réal): Toujours à la même place, au bureau régional...

M. Ryan: Au bureau de l'agronome? M. Paquette (Réal): Oui, justement.

M. Ryan: Et on vous a dit qu'il n'y en avait plus.

M. Paquette (Réal): II n'y en avait pas sur le territoire exproprié.

M. Ryan: D'accord. Ensuite, vous êtes allé effectuer un emprunt au crédit agricole. On vous a, je suppose, demandé un bail de dix ans?

M. Paquette (Réal): Oui.

M. Ryan: Maintenant, comment aviez-vous financé toutes les améliorations que vous avez faites sur la ferme? Vous en avez fait pour une valeur de 137 000 $.

M. Paquette (Réal): Oui.

M. Ryan: Comment avez-vous financé cela?

M. Paquette (Réal): J'ai été exproprié, j'étais en place. Et vu que j'avais fait des démarches au début, avant de commencer à faire des investissements, je ne voulais pas les faire à peu près; même avant de débuter, je leur ai dit: Si je dois investir et donner cela au gouvernement, je ne suis pas intéressé, je vais m'en aller. C'est pour cela qu'ils m'ont dit: Ne sois pas inquiet, c'est une expropriation qu'on a faite, cela ne s'est jamais vu dans le Canada, mais on a un comité là-dessus qui va étudier de quelle façon cela va être reconnu.

Là-dessus, j'ai été bien confiant et, à ce moment, je leur ai demandé s'ils s'en occupaient vraiment. On m'a dit: II n'y a pas de problème. Je n'étais pas le seul dans ce cas. On savait que la Société immobiliaire n'avait pas besoin du terrain. On m'a dit: Tu peux être là 25, 30 ans, même plus. Si jamais on a besoin de la place pour une raison ou pour une autre, les investissements que tu auras faits là, on te les paiera, cela finit là. Si c'est le gouvernement ou si c'est une compagnie qui s'en vient à ta place pour une raison valable, on te paiera tes investissements, cela finit là. J'ai été confiant, étant assuré qu'on était dans la zone agricole.

M. Ryan: Mais comment avez-vous financé ces investissements, M. Paquette?

M. Paquette (Réal): Je les ai financés. J'avais été exproprié, j'ai réinvesti sur le territoire. Mais l'erreur que j'ai faite, pour bien dire, c'est que j'ai tout réinvesti dans le terrain et dans les bâtisses. La plus grande erreur de ma vie a été de croire les employés du gouvernement; aujourd'hui, je ne serais pas ici si je n'avais pas cru en eux.

M. Ryan: Mais là, la ferme a pris de la valeur, avec tout ce que vous avez mis dessus.

M. Paquette (Réal): Oui, elle a pris de la valeur, mais rien ne m'appartient là-dessus. Si je passe au feu, aujourd'hui pour

demain, je suis dans la rue. Je n'ai pas d'assurance.

M. Ryan: Maintenant, je pense que c'est M. Laframboise qui nous a conté hier qu'on a fini par lui donner un papier selon lequel on reconnaissait que cela lui appartenait.

M. Paquette (Réal): Disons que je ne peux pas vous exposer tout le dossier, je n'ai pas eu connaissance, en tout cas aux dernières nouvelles, qu'on avait reconnu ses investissements. Je n'en ai jamais eu de nouvelles. Il a payé son loyer, j'ai entendu dire, mais je n'ai pas entendu dire qu'on avait reconnu ses investissements. C'est une autre chose, cela.

M. Ryan: Hier, il nous a dit le contraire, si j'ai bien compris.

M. Paquette (Réal): C'est possible, remarquez.

M. Ryan: Je ne voudrais pas me mêler de cela directement, mais je pense qu'en poussant les démarches, parce que vous l'avez fait vous-même, avec votre argent, il me semble que cela vous appartient.

M. Paquette (Réal): Oui, cela m'appartient. Mettons qu'on me dise que cela m'appartient, ce n'est pas reconnu, je n'ai pas de papier, rien.

M. Ryan: Mais, à un moment donné, si vous avez besoin d'interprète, j'irai moi-même auprès de la société immobilière lui dire que cela ne tient pas debout. Correct?

M. Paquette (Réal): Pardon?

M. Ryan: Je lui dirai que cela ne tient pas debout, que cela vous appartient, si c'est vous qui l'avez fait avec votre argent.

M. Paquette (Réal): Oui, oui. M. Ryan: Votre travail... M. Paquette (Réal): Oui, oui. M. Ryan: Bien, c'est à vous.

M. Paquette (Réal): Oui, je suis d'accord que cela ne tient pas debout. C'est pour cela qu'on est rendu ici aujourd'hui.

M. Ryan: C'est cela.

M. Paquette (Réal): À ce jour je suis en vie, cela marche, mais supposons que je me fasse tuer en m'en allant, ce soir, ma femme et mes enfants, qu'est-ce qu'il leur reste à eux? Il ne leur reste rien, sacrement!

M. Ryan: Regardez, c'est cela qu'on va essayer de travailler, pour qu'il vous reste quelque chose.

M. Paquette (Réal): Mais si cela prend dix ans, on a le temps de disparaître.

M. Ryan: Non, non, vous n'êtes pas disparu. Vous êtes encore là et je pense que vous allez y rester longtemps. On va essayer de vous donner un coup de main. Si le ministre veut nous aider, cela va faciliter les choses.

M. Garon: Vous pourriez montrer votre pouvoir en invitant la société immobilière à venir devant la commission.

M. Ryan: On l'a fait ce matin, M. le ministre. On va attendre sa réponse. Si elle ne répond pas, on va voir. D'accord? Vous pouvez dire que j'ai appuyé cela "au coton" et, de plus, je vais faire passer le message dans le journal dès la semaine prochaine; dans l'Argenteuil, vous pourrez lire cela. Maintenant...

M. Paquette (Réal): Bien, j'espère que la société immobilière va en tenir compte. Mais disons qu'à ce jour, on ne peut pas dire qu'elle n'est pas au courant, cela ne se peut pas. Elle est au courant de tout cela, mais elle fait la sourde oreille. (17 h 15)

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dupré: M. Paquette, vous dites un peu plus loin: "Peu de temps après, on a commencé à nous faire miroiter l'idée..." Les années ont passé et, un peu plus tard, vous dites: "Je consulte et l'on me conseille..." Un peu plus loin, vous dites: "L'on m'autorisait..." Est-ce que c'était le même bureau ou les mêmes personnes qui avaient toujours affaire avec vous?

M. Paquette (Réal): Oui, c'était le BANAIM, je crois, dans le temps. Cela a changé de noms plusieurs fois. En tout cas, c'était toujours au bureau du gouvernement à Sainte-Scholastique. Les employés du gouvernement, du BANAIM...

M. Dupré: Est-ce que vous aviez une personne attitrée à qui vous vous adressiez ou si cela changeait d'une fois à l'autre?

M. Paquette (Réal): Nous, on avait affaire à celui qui s'occupait des baux de notre région. C'était plutôt à l'intermédiaire qu'on le demandait; il avait un supérieur, il lui en faisait part. C'était toujours comme cela, par l'intermédiaire d'une autre personne.

M. Dupré: Est-ce que cela se faisait par correspondance ou de vive voix lorsque vous vous présentiez au bureau?

M. Paquette (Réal): De vive voix, j'allais au bureau. Les autorisations de bâtir, je les ai eues, ils me les ont données par écrit. Je ne l'ai pas fait sans m'occuper de ce qu'ils me disaient. J'y suis allé avec les autorisations.

M. Dupré: Un peu plus loin dans votre mémoire, vous dites: "J'ai eu recours à une maison pour fixer la valeur de ces constructions." Comme plusieurs d'entre vous qui êtes passés ici... Le coût de ces évaluations se chiffrait à...

M. Paquette (Réal): L'évaluation, c'est marqué 137 000 $ à la fin du...

M. Dupré: Non, je veux dire le coût de la maison que vous engagiez, quel montant cela vous coûtait-il?

M. Paquette (Réal): Ce que j'ai fait? M. Dupré: Oui.

M. Paquette (Réal): Pratiquement, c'est environ 5000 $, je ne peux pas vous dire si c'est 5025 $, c'est environ 5000 $. Ils m'ont donné un rabais de loyer, sans que je le demande, sur une période de X années, pour me rembourser de cette façon. Je me suis dit: S'ils me remboursent pour la maison, si jamais il y a quelque chose pour les bâtiments et l'exploitation, il n'y aura pas plus de problème. En attendant, si j'avais attendu d'avoir des papiers quand je me préparais à bâtir - ce n'était pas dans deux ou trois ans que j'étais prêt - si j'avais su ce que je sais, je ne serais pas ici, je serais parti. C'est une erreur que j'ai faite.

M. Dupré: Pour préciser ma question, lorsque je parle de recours à une maison...

M. Paquette (Réal): Oui.

M. Dupré: ... vous avez engagé une maison spécialisée?

M. Paquette (Réal): En voyant...

M. Dupré: C'est ce montant que j'aimerais connaître.

M. Paquette (Réal): C'est cela, c'est leur montant à eux.

M. Dupré: 5000 $?

M. Paquette (Réal): Non, non. Le montant qu'ils m'ont pris, eux?

M. Dupré: Oui.

M. Paquette (Réal): Ils m'ont demandé environ 400 $. J'ai un dossier; de toute façon, si je l'avais apporté, j'aurais pu le montrer.

M. Dupré: Un peu plus loin, vous dites que vous vous interrogez, que vous ne savez pas pourquoi on vous a refusé, et on vous donnait toutes sortes de raisons, plus ou moins valables. Est-ce que vous pourriez m'en énumérer quelques-unes? Quelles sont les raisons les plus...

M. Paquette (Réal): La raison exacte que j'ai eue, c'est qu'ils étudiaient mon dossier. Avant de faire avancer le dossier, j'ai reçu une lettre disant qu'ils ne payaient pas mes investissements. La raison exacte, je ne la connais pas, je ne peux pas vous la dire. Je me demande encore pourquoi. Je me demande si ce n'est pas parce que j'étais trop agriculteur; cela a été mon erreur, j'aimerais trop être cultivateur. J'ai investi, j'ai donné tant que j'ai pu, j'ai fait l'erreur, je l'avoue, d'avoir cru en eux.

M. Dupré: M. Paquette, au moment où l'on se parle, croyez-vous que les aménagements et les nouvelles constructions que vous avez faits, c'est vous qui en êtes le propriétaire ou si c'est...

M. Paquette (Réal): Je crois que c'est moi qui suis le propriétaire. C'est bien beau de dire que je le suis, mais, si je passe au feu aujourd'hui pour demain, je n'ai plus rien. Être propriétaire comme cela, ce n'est pas trop une grosse sécurité.

M. Dupré: Pour pousser un peu plus loin, savez-vous que, selon la Loi sur les assurances, si c'est le gouvernement qui en est le propriétaire, vous pourriez même jusqu'à avoir des réclamations pour dommages si jamais ces bâtiments passaient au feu?

M. Paquette (Réal): Disons qu'on a eu des cas qui se sont produits comme cela dans la région de Mirabel. J'imagine que vous avez entendu parler de toutes les difficultés qu'ils ont eues pour venir à bout de faire reconstruire; même construire à leurs frais, même sans autorisation, il n'y avait pas possibilité. Pour donner les autorisations, ils disaient: Signez ce bail, renoncez à vos investissements, vous allez les avoir, les autorisations. C'est de même qu'ils fonctionnent. Ce n'est pas une manière, c'est quasiment comme Hitler: "Fais cela, ou bien tu plantes là". C'est à peu près pareil.

M. Dupré: Est-ce que vous avez eu

connaissance que le gouvernement, qui se dit le propriétaire présentement, ait réclamé des sommes à cause d'incendie ou de délabrement?

M. Paquette (Réal): Oui, il y a une maison qui a passé au feu, entre autres. Les gens ont demandé à être payés. Il y a des montants qui ont été donnés, la maison a été payée et celui qui a passé au feu s'est rebâti à ses frais; en tout cas, cela a fait l'objet d'un procès. Vivre ce que le gars a vécu, c'est qu'ils l'ont fait vieillir de dix ans en cinq ans, c'est sûr, il n'y a pas d'erreur. 3e me mets à sa place...

M. Dupré: Après le feu, il a été obligé de reconstruire à ses frais.

M. Paquette (Réal): II a reconstruit à ses frais parce qu'il logeait trop loin, ce n'était pas accessible. Quand vous avez trois milles à faire que vous avez des bâtiments, et que vous allez à l'étable deux ou trois fois par nuit.

M. Dupré: À la suite d'un jugement de la cour.

M. Paquette (Réal): Pardon.

M. Dupré: À la suite d'un jugement de la cour.

M. Paquette (Réal): Qu'il a?

M. Dupré: Qu'il a été obligé de rebâtir.

M. Paquette (Réal): Non, non, non.

C'est lui qui a rebâti parce que ce n'était pas possible de vivre dans des conditions comme ça.

M. Dupré: Merci.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Rapidement, ce qui m'inquiète, M. Paquette, dans votre cas, à part du problème de rétrocession qui est commun à tout le monde, c'est lorsque vous écrivez: "Aucune assurance ne m'aidera à remplacer ce qui sera dévasté." Cela c'est assez capital, comme vous dites, ça peut arriver après-midi, ça peut arriver ce soir, ça peut arriver demain matin. Sur le plan personnel, est-ce que vous avez fait des démarches pour tenter de trouver un courtier ou une compagnie ou, si vous n'en avez pas fait personnellement, est-ce que le CIAC en a fait? Étant donné que vous représentez un paquet de gens, vous êtes un client intéressant pour...

M. Paquette (Réal): Oui. On a fait des démarches. J'en ai fait personnellement. Ils ne pouvaient pas m'assurer, étant donné que je n'étais pas propriétaire. Demandez aux mutuelles de paroisse, elles vont vous le confirmer. Je l'ai demandé. Je voudrais être assuré au moins pour mes bâtisses parce que si je passe au feu, je n'ai rien.

M. Paradis: C'est d'accord, ça va. Merci.

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre de l'Agriculture.

M. Garon: J'ai une question additionnelle. Quand vous êtes allé au Crédit agricole on vous demandait un bail de dix ans. Ils n'ont pas le choix, c'est la loi.

M. Paquette (Réal): Oui.

M. Garon: Vous dites: Lorsqu'on arrive pour en négocier un avec le gouvernement -je suppose que ça devait être avec la société immobilière? - ...

M. Paquette (Réal): Oui.

M. Garon: ... on me demande de renoncer à mes améliorations. Ils vous ont demandé de renoncer dans quel sens?

M. Paquette (Réal): Bien, disons, il aurait fallu que je signe un papier. À la fin du compte, ils me l'ont accordé le bail. On peut dire que dans ce temps-là, ça fait quelques années, ça fait environ cinq ans, ils étaient un peu plus coulants. Je n'aurais pas signé le bail pour avoir le prêt agricole je l'aurais évité plutôt. Là, ils me l'ont accordé; ils n'ont pas marqué que les investissements, ça leur appartenait. Mais ça reste toujours. Je n'ai pas voulu le signer. La clause a été enlevée et à ce moment-la je l'ai eu. Mais, aujourd'hui, plus ça va plus ils serrent la vis. Si on n'avait pas notre organisme pour nous défendre nous serions vraiment mal pris, quelque chose de grave.

M. Garon: D'accord, je vous remercie, M. Paquette.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Boucher: Vous dites que lorsque vous avez fait les réparations dans votre maison, ils vous ont offert, sans que vous le demandiez, de vous rembourser par un crédit de loyer. En 1971, quand vous avez construit votre garage, est-ce que vous avez fait une demande ou est-ce qu'ils vous ont offert encore de vous rembourser en payant le loyer.

M. Paquette (Réal): Non, non. J'ai fait

une demande pour construire puis, pour les bâtisses, il n'en était pas question parce qu'il y avait toujours de nouveaux baux. Ce n'était pas fini, les baux étaient encore à l'étude. Ils ont été à l'étude pendant huit ans, je crois. On signait des baux. Ce bail qu'on signait on nous disait que c'était un bail temporaire. Le bail qui s'appliquait, c'était toujours le nouveau bail qui aurait été renégocié. Il était supposé se passer avec notre organisme et d'autres; un bail type, si on veut. C'était toujours le nouveau bail qui était en vigueur. Autrement dit, c'est comme si on avait dit: Signe ce bail-là, mais il ne vaut rien. Quand l'autre sera en vigueur on l'acceptera, c'est celui-là qui va être bon. Ce sont les réponses qu'ils m'ont faites. Ils travaillaient toujours dans le but d'essayer de nous faire un bail qui aurait eu du bon sens, mais en fin de compte on ne l'a jamais eu.

M. Boucher: Mais, chaque fois que vous faisiez un investissement, ils vous disaient toujours: On réglera ça tout ensemble, quoi?

M. Paquette (Réal): Oui, on va analyser ça. On a quelqu'un qui travaille là-dessus. Dans les derniers temps, il y avait M. André Ethier qui avait été nommé pour travailler là-dessus, exactement, spécialement pour les investissements. Il n'a pas été là énormément longtemps. Je les ai toujours invités: Venez voir, vous allez voir ce que j'ai construit. Je leur donnais les dimensions, tout, une évaluation approximative. Ils ne sont jamais venus, je ne les ai jamais vus.

M. Boucher: Le moins qu'on puisse dire, c'est que vous leur faisiez confiance.

M. Paquette (Réal): Trop confiance.

M. Boucher: Quand on regarde le nombre d'investissements que vous avez faits chaque année...

M. Paquette (Réal): Je m'aperçois, je vous dis...

M. Boucher: ... et que vous attendez encore parce qu'ils disent que votre dossier est à l'étude.

M. Paquette (Réal): Oui. M. Boucher: Merci.

Le Président (M. Rochefort): Merci. Alors, M. Paquette, au nom des membres de la commission je tiens à vous remercier de vous être déplacé pour venir nous rencontrer. Vous vouliez ajouter quelque chose?

M. Paquette (Réal): Non.

Le Président (M. Rochefort): Non, parfait. Merci d'être venu.

M. Paquette (Réal): Si vous avez des questions, ça va me faire plaisir. Je suis ici, c'est le temps.

Le Président (M. Rochefort): Je crois que les membres de la commission ont eu l'occasion de vous adresser les questions qu'ils avaient en tête. J'inviterais maintenant M. Jacques Desrosiers à prendre place à la table.

M. Jacques Desrosiers M. Desrosiers (Jacques): Merci.

Le Président (M. Rochefort): M.

Desrosiers, bienvenue à la commission. Je vous demanderais de nous présenter votre mémoire.

M. Desrosiers: Mon mémoire pourrait s'intituler "Un changement de production"; cela n'a pas été inscrit là-dessus.

M. le Président, M. le ministre, MM. les commissaires, en mars 1969, je suis devenu un locataire. Quelle déception! Pour un jeune de mon âge qui devenait propriétaire de la ferme paternelle à un prix minime. Ce pourquoi je suis sur le terrain exproprié, c'est que mon père était propriétaire de la ferme que j'exploitais, lors de l'expropriation. Dès le début de 1969, je faisais les démarches pour acheter cette terre. Le notaire était en train de monter le dossier. On l'avise que l'aéroport s'implantait à Mirabel. Je décide quand même de prendre la relève en continuant dans la production du lait. Mon troupeau était localisé dans deux étables. En 1972, avec autorisation, j'ai dû agrandir ma grange-étable pour garder plus d'animaux pour la traite, en défrayant moi-même les coûts de la bâtisse.

En 1974, j'ai dû me construire une remise pour mettre à l'abri certaines machineries. En 1975, pendant que ma production laitière allait bon train, j'ai dû investir à nouveau pour avoir un silo pour entreposer ma récolte, toujours sur le territoire loué. En 1979, je rencontre les responsables du ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement, leur mentionnant que je désire aménager tout mon troupeau dans une même étable, leur faisant connaître mon plan, ma façon de procéder et leur disant que j'étais prêt à la construire moi-même, seulement moyennant quelques garanties de ma part. J'ai obtenu la réponse quelques semaines plus tard. Ils me disent qu'il fallait absolument que le tout soit fait par soumissions. On m'a établi tout un procès-verbal concernant cette nouvelle vacherie, comme résultat que le coût total de la bâtisse s'élevait à une somme de 70 000 $ environ. La répartition de ce

montant s'élevait à une augmentation de loyer d'environ 300 $ par mois. Mon loyer actuel de 204 $ se chiffrait alors par 504 $ par mois.

Réflexion faite de ma part, je renonce à ce projet, car je trouvais l'augmentation de loyer trop élevée. Me voyant incapable de continuer la production laitière sans faire d'amélioration, j'ai envisagé de vendre mon troupeau et d'aller vers la production de boeuf qui me demandait moins de réorganisation de la bâtisse.

En novembre 1979, je m'achète un coin de terre à environ un mille de ma ferme louée du ministère, dans le même rang. Je deviens propriétaire. En août 1980, je construis un parc d'engraissement sur ma petite ferme. Je redeviens donc un cultivateur qui a le droit, comme tous les agriculteurs du Québec, de planifier à long terme son entreprise, sans avoir à demander de permission et surtout sans craindre de se faire enlever ses investissements qui lui appartiennent. J'obtiens aussi une subvention du gouvernement provincial pour mon parc silo-puits à laquelle je n'aurais pas eu droit si je m'étais bâti sur la ferme louée.

Étant dans le secteur de Saint-Hermas où il y a une rétrocession, je suis un agriculteur qui est prêt à devenir propriétaire, mais je ne suis pas prêt à payer l'erreur de l'expropriation.

Je demande qu'on nous rende nos titres de propriété le plus vite possible et qu'on tienne compte des dommages, de l'injustice, de l'insécurité que l'on vit sur le territoire; qu'on nous rende nos terres expropriées inutilement à un prix juste et raisonnable. À mon avis, les conditions qu'offre la SIC vont être à négocier plusieurs heures. Je suis un agriculteur qui veut redevenir propriétaire. Merci. (17 h 30)

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre de l'Agriculture.

M. Garon: Vous dites que vous avez voulu bâtir une nouvelle vacherie. Si j'ai bien compris, c'est la société immobilière qui devait la bâtir elle-même ou l'organisme...

M. Desrosiers: Oui. C'était le ministère des Travaux publics, dans le temps; j'avais demandé à la construire moi-même mais ils avaient le projet de bâtir eux-mêmes. Cela marchait par soumissions pour les entrepreneurs.

M. Garon: Si vous l'aviez bâtie vous-même, vous auriez évalué le coût à combien?

M. Desrosiers: C'est pour cela que je leur avais demandé de la bâtir, parce que je l'évaluais au moins à la moitié de cela; à 35 000 $ ou à 40 000 $ je calculais pouvoir la bâtir.

M. Garon: Vous auriez bâti cela vous-même avec...

M. Desrosiers: En engageant des ouvriers, en étant moi-même l'entrepreneur, disons.

M. Garon: Qu'est-ce qui est arrivé? L'avez-vous bâtie?

M. Desrosiers: Non, je ne l'ai pas bâtie; c'est cela qui est arrivé. J'ai décidé que j'abandonnais l'industrie laitière, puis c'est cela qui m'a amené à regarder pour m'acheter une terre. J'ai acheté une terre à un mille de chez moi, juste dans le même rang, dans Saint-Hermas, dans la partie qui n'est pas expropriée. C'est là que je suis allé me bâtir.

M. Garon: Avez-vous gardé la terre que vous aviez?

M. Desrosiers: Oui, j'ai continué à la louer parce que j'ai un bail qui finit en 1986.

M. Garon: Quelle grandeur avez-vous?

M. Desrosiers: La terre que je loue?

M. Garon: Oui.

M. Desrosiers: Je loue 250 arpents.

M. Garon: Vous payez combien par...

M. Desrosiers: Actuellement, je paie 335 $ par mois, mais mon bail est indexé au mois d'octobre, je ne sais pas comment je vais payer.

M. Garon: Vous avez acheté un autre morceau pour votre boeuf, pour l'engraissement?

M. Desrosiers: Oui.

M. Garon: Quelle grandeur?

M. Desrosiers: C'est 60 acres.

M. Garon: Vous avez bâti le parc d'engraissement.

M. Desrosiers: J'ai bâti le parc d'engraissement; mes animaux sont là; je demeure quand même sur l'autre ferme, parce qu'il n'y a pas de maison là encore.

M. Garon: Vous faites vos remboursements au crédit agricole.

M. Desrosiers: Oui. Je suis devenu,

comme je dis dans mon mémoire, un cultivateur comme les autres au Québec. J'ai emprunté à l'Office du crédit agricole, je fais mes paiements là et je suis très heureux. Je me dis que j'ai fait une erreur dans ma vie; c'est qu'en 1970 je ne suis pas allé m'acheter une terre. J'ai attendu dix ans.

M. Garon: Est-ce que vos montants que vous remboursez sur votre deuxième ferme sont très considérables?

M. Desrosiers: Actuellement, les montants que je rembourse sur mon autre ferme, comparativement à mon loyer, il n'y a pas tellement de différence, je les ai pris à assez court terme; dans quinze ans je vais être complètement propriétaire de cela.

M. Garon: De la ferme, du parc d'engraissement et du silo.

M. Desrosiers: Tout. La partie hypothécaire était de quinze ans, la partie nantissement était de sept ans; cela fait que les montants vont baisser au bout de sept ans.

M. Garon: En ce qui concerne la ferme, est-ce que c'est vous qui avez été exproprié ou votre père?

M. Desrosiers: Mon père, mais...

M. Garon: Combien avait-il obtenu de l'acre?

M. Desrosiers: C'était 210 $ dans ce temps-là, je suis certain. Les montants exacts, je ne peux pas vous les dire.

M. Garon: Au fond, vous, vous étiez prêt à vous établir à peu près à ce moment-là.

M. Desrosiers: Oui, parce que, lorsque l'aéroport est arrivé, j'achetais la part paternelle; les papiers étaient déjà rendus chez le notaire.

M. Garon: Achetiez-vous pour un prix très élevé? Plus cher que l'expropriation ou moins cher?

M. Desrosiers: Pas mal moins cher, je dirais la moitié prix de ce que mon père avait eu.

M. Garon: Cela veut dire qu'aujourd'hui, au bout de 15 ans, elle serait payée aussi; vous auriez en plus la plus-value.

M. Desrosiers: Oui.

M. Garon: La ferme vous appartiendrait.

M. Desrosiers: Oui. C'est cela qui arrive lorsqu'un agriculteur... Mon idée, c'est qu'un agriculteur qui est à loyer, il perd la plus-value, parce que, en agriculture, qu'est-ce qui fait que le cultivateur fait de l'argent ou qu'il se réveille, au bout de 20 ans, sa terre à lui? Que ce soient des vaches, que ce soit du boeuf ou que ce soit autre chose, cela le fait juste vivre. Il lui reste son fonds de pension, il lui reste sa terre. Quand tu restes à loyer, tu perds tout cela. Ton loyer, après cinq ans, après dix ans, s'il s'est indexé, tu paies toujours un loyer, tu paies un crédit agricole, en fait. Pour moi, c'est fini. Si je ne rachète pas là, je vais acheter ailleurs. C'est officiel. À loyer, il n'en est plus question.

M. Garon: En fait, on a eu beaucoup de témoignages jusqu'à maintenant de la part des cultivateurs. On remarque que les gens qui ne sont pas familiers avec l'agriculture peuvent constater que la plupart des agriculteurs sont d'importants investisseurs. Aussitôt qu'ils ont 1 $ - et parfois même quand ils ne l'ont pas - ils l'investissent immédiatement. Quand ils ont atteint un certain âge, en tout cas, tous ceux qui sont venus m'ont montré comment fonctionnent les cultivateurs. C'est à peu près le même modèle général. Rendus à un certain âge, ils pensent qu'il y a un de leurs enfants qui va les remplacer sur la ferme, mais il y a une période de transition. Quel prix pensez-vous payer pour votre ferme, pour la rétrocession?

M. Desrosiers: Ce ne sera pas plus que le prix qu'ils ont payé moins les dommages. C'est officiel. Cela fait dix ans qu'ils nous causent des dommages. En fait, ils nous ont expropriés pour rien. Ils sont arrivés et ils ont pris. Normalement, une expropriation, c'est pour des fins publiques. Donc, des fins publiques, ça peut être un aéroport, mais l'aéroport ne vient pas jusqu'à Saint-Hermas, même si nous sommes dans la rétrocession. Donc, elle a été expropriée pour rien. On n'a pas raison de payer plus cher que le prix qu'ils ont payé moins les dommages, parce que ce sont eux qui ont causé les dommages. Ce matin, on parlait de la Great Lakes, à Lachute, qui a été bâtie. Si j'avais été propriétaire de ce terrain, je serais encore avec cette affaire, parce que je me dis qu'ils ont exproprié ces fermiers dans le but de faire un aéroport et non de vendre cela à une compagnie multinationale. Si les gouvernements font cela, il n'y a plus de justice, il n'y a plus rien. Ils vont s'en aller chez vous et ils vont vous exproprier votre maison pour la revendre à un autre. Cela ne fonctionne plus.

M. Garon: Vous posez un problème

moral, vous!

M. Desrosiers: C'est un problème moral, mais c'est ce par quoi on passe. Cela n'a pas d'allure, cela n'a pas de sens.

M. Garon: Cela a dû vous poser un problème, parce que souvent, le moral est élastique.

M. Desrosiers: Oui.

M. Garon: Les gens ont des convictions temporaires. Je suis parfaitement de votre avis. Je ne pense pas que le gouvernement fédéral ait le droit de s'enrichir dans une opération comme celle-là.

M. Desrosiers: Le gouvernement fédéral ou provincial; toute forme de gouvernement, en fait!

M. Garon: Qui exproprie pour une fausse raison. D'ailleurs, j'ai un cas d'expropriation où on hésite terriblement, parce qu'on calcule que les gens, localement, doivent faire leur travail. Ce serait un parc d'hivernement à Newport où ce serait un investissement considérable, mais des gens ont acheté les terrains et ils veulent faire une piastre parce qu'ils ont su que le gouvernement était près d'acheter. Ce n'est pas plus moral pour les individus que pour les gouvernements. La Loi sur la protection du territoire agricole a été faite justement pour empêcher cette spéculation qui se faisait sur les terres agricoles, un peu dans le sens que vous mentionnez. Il y a encore des chasseurs de sorcières qui nous disent qu'on a zone des cimetières, alors qu'il y avait des droits acquis pour les cimetières dans le zonage agricole.

J'aurais d'autres questions à vous poser. Êtes-vous membre du CIAC?

M. Desrosiers: Oui. Même que je suis directeur de l'UPA.

M. Garon: Êtes-vous membre de la chambre de commerce?

M. Desrosiers: Non. Mais j'ai mon idée là-dessus. Je crois que les cultivateurs, on devrait prendre cela en main, la chambre de commerce, on devrait tous devenir membres de la chambre de commerce, puis la contrôler, en fait.

M. Garon: Connaissez-vous des cultivateurs qui sont membres de la chambre de commerce?

M. Desrosiers: Non, je n'en connais pas. Je pense que c'est un mouvement, la chambre de commerce, qui a toujours représenté les commerces ou... les cultivateurs ne se sont jamais affiliés à cela. Pour les cultivateurs, tu as l'UPA, tu as d'autres organismes qui te représentent, mais si la chambre de commerce vient mettre son nez là-dedans, il va falloir qu'on embarque avec elle, nous autres.

M. Garon: Je vous remercie.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je voudrais poser une question au ministre. Est-ce que je pourrais lui demander quel intérêt il poursuit en posant toujours une question à propos d'un organisme particulier qui n'est même pas devant nous, ici, qu'on a décidé ce matin d'inviter à venir nous rencontrer? Je ne sais pas quelle utilité cela peut avoir, je cherche cela.

M. Garon: Eh bien, c'est parce que, simplement, au début, on a parlé du développement de la chambre de commerce, et vous en avez parlé entre autres. J'ai dit que, quand on parlait de développement agro-alimentaire, il y avait des organismes qu'on consultait: l'Union des producteurs agricoles, les sociétés d'agriculture, parfois les coopératives. On consulte rarement les chambres de commerce et il arrive parfois que les organismes s'arrogent des droits de représentation qu'ils n'ont pas. Ils laissent entendre au public qu'ils représentent du monde qu'ils ne représentent pas. Comme j'ai cru discerner au début que la chambre de commerce et ceux qu'on mentionnait à un moment donné avaient indiqué qu'elle pouvait parler au nom de l'agriculture, je vérifie tout simplement, parce que, moi, je ne connais pas le caractère représentatif de la chambre de commerce dans le secteur agricole et je veux m'informer. Comme il passe des cultivateurs, eh bien, je le leur demande. Je me dis qu'à un moment donné, arrive un monsieur de Saint-Hermas de Sainte-Monique, ou d'une autre paroisse qui peut m'apporter un renseignement. À ce jour, je n'ai vu personne qui connaissait des membres de la chambre de commerce et qui était cultivateur, sauf un qui dit qu'il l'a déjà été puis qu'il a lâché. C'est donc pour voir d'un peu plus près; après cela, je vais avoir une idée des organismes représentatifs du territoire, parce qu'il y en a parfois qui mettent en doute le caractère représentatif du CIAC. Moi, le premier, la première fois que j'ai rencontré des gens du CIAC, je me suis informé de leur caractère représentatif, s'ils étaient représentatifs ou non. Selon les rapports que j'ai eus, ils représentent beaucoup de gens dans le territoire, principalement les expropriés de la première heure, puis, graduellement, ils en sont venus à en représenter d'autres. Je pense bien que

c'est important de connaître la représentativité des organismes parce que, éventuellement quand on fait des consultations, il faut consulter les personnes qui représentent vraiment le monde.

Comme vous savez, au temps des pays colonisés, quand l'Angleterre ou la France avaient des colonies en Afrique, il y avait toujours le nègre de service, comprenez-vous? On le présentait car il avait réussi. Il parlait au nom des autres, mais il ne représentait pas nécessairement les autres. Alors, je m'informe toujours pour savoir si les organismes sont vraiment représentatifs. Je l'ai demandé à la municipalité, qui est un organisme indépendant, et qui m'a dit qu'elle aussi considérait le CIAC comme un organisme représentatif. Le maire de Mirabel me disait ce matin que la chambre de commerce représentait plutôt des gens en dehors du territoire de Mirabel; je pense que c'est un témoignage important.

Il n'y a rien de mauvais pour un organisme de représenter des gens, mais, s'il représente des gens qui sont en dehors du territoire, il représente ces gens-là, pas nécessairement les gens du territoire. C'est important pour nous de savoir quels sont les gens qui parlent au nom des gens de Mirabel. Il y a des individus qui viennent, mais on ne pourra pas rencontrer les 5000. On pourra en rencontrer un certain nombre, il y a 43 mémoires. Mais, pour la suite des choses, avec qui allons-nous dialoguer pour établir les modalités de l'opération, les plans de relance, les choses comme cela? Je pense que c'est important de savoir quels sont les organismes représentatifs et c'est dans ce but que je pose ces questions.

M. Ryan: Je trouve que cela prend bien du temps avant d'avoir une réponse à une question bien élémentaire. Franchement, si vous voulez vous enquérir, M. le ministre, de la représentativité du CIAC, ce sont des gens du CIAC qui sont ici de toute évidence; c'est parfait, il n'y a personne qui n'a d'objection à cela. Je l'ai fait moi-même et j'ai été content des réponses qu'on m'a apportées, et on continue. La chambre de commerce va venir et vous dites qu'elle s'est présentée comme porte-parole de la classe agricole. Vous avez été mal informé, parce qu'à ma connaissance elle n'a jamais fait cela.

M. Garon: Je n'ai pas dit cela.

M. Ryan: Elle a le droit d'émettre des opinions sur l'agriculture, même si elle n'est pas elle-même une représentante directe de la classe agricole. Elle en a le droit, comme on parle tous d'éducation. On ne connaît pas beaucoup cela, tout le monde, mais on en parle tous ou à peu près.

M. Garon: Ce n'est pas pareil.

M. Ryan: On a hâte de connaître votre opinion là-dessus vous aussi, mais je reviens à notre sujet. C'est seulement une remarque que je faisais, mais, comme on achève, cela n'aura pas beaucoup d'effet de toute manière et les réponses qu'on a ne changent pas le problème de la chambre de commerce, pas du tout; elle va venir, on va l'écouter, si elle vient. On va voir ce qu'elle représente, on va le leur demander et, si on n'est pas satisfait, on fera d'autres enquêtes.

M. le témoin, je n'ai pas énormément de choses à vous demander sauf une question: Vous avez fait des améliorations assez importantes à la ferme dont vous êtes locataire, une ancienne ferme de votre père.

M. Desrosiers: Oui.

M. Ryan: Vous avez agrandi la grange-étable, vous avez construit une remise pour votre machinerie.

M. Desrosiers: Oui.

M. Ryan: Ensuite, vous avez construit un silo.

M. Desrosiers: Oui.

M. Ryan: Vous auriez voulu aller plus loin, mais il y a eu des stops qui ont été mis, vous avez dit: C'est quasiment aussi bien d'acheter quelque chose ailleurs. Les améliorations que vous avez faites là-dessus, quelle valeur cela peut-il avoir?

M. Desrosiers: Cela se chiffre à environ 20 000 $.

M. Ryan: 20 000 $?

M. Desrosiers: Que j'ai investis de ma poche. Pour aller plus loin, ce n'est pas écrit dans mon mémoire, mais je suis rendu en Cour supérieure avec le fédéral. Depuis 1978, j'ai retenu mon loyer pour me faire reconnaître mes investissements. Je demande seulement un papier disant qu'on reconnaît mes investissements, disant qu'ils m'appartiennent, qu'on ne voudra pas me les revendre et je paie le loyer. Je ne l'ai pas encore ce papier. On est encore en Cour supérieure. Si jamais cela passe, c'est le juge qui décidera, mais en tout cas.

M. Ryan: Votre loyer n'a pas été changé à cause de ces améliorations?

M. Desrosiers: Mon loyer est déposé en fiducie à la caisse populaire, dans un compte à part.

M. Ryan: Vous êtes parmi ceux qui sont

encore en démarche judiciaire?

M. Desrosiers: Oui. De toute façon, il y a eu des offres de faites, il y a tout eu.

M. Ryan: Et la ferme que vous avez achetée, vous avez dit tantôt combien vous l'avez payée, je pense que c'est ...Non, vous ne l'avez pas dit.

M. Desrosiers: Non, je ne l'ai pas dit.

M. Ryan: Combien l'avez-vous payée celle-là, si ce n'est pas indiscret?

M. Desrosiers: La ferme que j'ai achetée, je l'ai payée 1000 $ l'arpent.

M. Ryan: 1000 $ l'arpent.

M. Desrosiers: Maintenant, je vais vous expliquer pour quelle raison, et dans le contexte. Une ferme, si elle avait eu 250 arpents, je ne l'aurais pas payée ce prix-là, non, c'est parce qu'elle était située à un mille...

M. Ryan: De chez-vous.

M. Desrosiers: ... de chez-nous. Le propriétaire qui est à côté de moi, c'est le gouvernement fédéral, donc, j'étais le première ferme. Et puis si je bâtissais mon parc d'engraissement sur le terrain loué, je n'avais aucune subvention du Québec; donc, en le bâtissant là-bas, j'ai eu la subvention des parcs d'engraissement et tout ce qui se rattachait à cela. Et puis, il y a autre chose. Si le prix des terres à l'extérieur du territoire est si élevé ou était si élevé - là, il l'est un peu moins - c'est que quand ils ont gelé 97 000 acres, cela a créé une rareté de terres à l'extérieur.

Je sais qu'en 1970, j'ai été voir des terres à l'extérieur du territoire, pas loin, et les gars nous voyaient venir. Ils nous demandaient vraiment des prix de fous. Encore là, je l'ai payée un prix de fou. Mais c'était un petit coin de terrain pour bâtir, pour être chez nous.

M. Ryan: Très bien, quand vous dites, vous...

M. Desrosiers: Après cela, je vais vous répondre. Quand ils nous parlent de la revente et qu'ils nous disent - cela m'a fait sauter - qu'ils ne veulent pas revendre tout le territoire, qu'on parle de 48 000, 50 000 acres, parce que s'ils vendent tout dans un bloc, ils vont démolir la valeur marchande à l'extérieur du territoire, mais ils l'ont créée artificiellement en 1969, et ils n'ont pas parlé de cela. Ils ne le disaient pas, qu'ils l'ont créée artificiellement.

Après cela, ils disent que les maisons, les commerces, ils les vendent, mais les fermes, ils vont les louer ou les vendre. Encore là, c'est pour ne pas en mettre trop sur le marché, pour ne pas démolir à l'extérieur du territoire la valeur marchande. Je ne suis pas d'accord avec eux. C'est nous qui l'avons subie, la hausse, c'est le gars qui est parti, qui est sorti du territoire, qui s'en est allé à l'extérieur, à dix milles de chez lui, où il a payé la terre probablement une fois et demie ce qu'elle valait. Parce que le prix avait monté. Donc, c'est le fédéral qui l'a créée artificiellement à l'extérieur du territoire. L'argument selon lequel ils ne veulent pas faire baisser la valeur marchande à l'extérieur du territoire ne tient plus.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):

Moi, j'ai eu la chance d'aller cet été visiter un peu les abords de l'aéroport, venant du Bas-du-Fleuve, une région où certains d'entre vous connaissez sûrement des fermes, des terres de roches. Je suis même producteur agricole, au moment où je vous parle, et député. J'ai peut-être mal tourné... Je me demande une chose, Quand on voit tout cela, moi, je trouve cela aberrant et inacceptable, je ne comprends pas. Connaissant le milieu agricole, comme je vous l'ai dis tout à l'heure, je suis agriculteur, il me semble que ces gens sont malins, fermes et quand c'est le temps de prendre une décision, cela ne prend pas dix jours. S'il faut faire les foins demain matin, on commence; si c'est pour labourer, on ne niaise pas avec cela. Devant une affaire comme cela, ce n'est pas une expropriation, vous vous êtes fait voler.

Des voix: C'est vrai.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):

Chez nous, surtout la partie Témiscouata, c'est de la foresterie et les travailleurs forestiers ce ne sont pas des manchots non plus. Il y avait des choses ridicules qui se passaient, à peu près semblables à cela, sauf que ce n'était pas le même palier de gouvernement. On avait une forêt, la matière première, on avait la main-d'oeuvre, deuxièmement, mais notre bois était exporté à l'extérieur pour des moulins, des multinationales ailleurs. Les gens se sont dit: "Un instant, c'est assez." Les gens se sont levés debout et ils se sont regroupés. Ils ont fait sauter des ponts, ils ont renversé les camions jusqu'à ce qu'ils aient leur cartonnerie à Cabano.

Je pense que vous allez tous aller au ciel, parce que vous êtes doux, vous êtes d'une douceur! Je ne prêche pas la violence, mais depuis onze, douze, ou treize ans, depuis 1968-1969, je trouve que vous avez été patients. Je pense demander au

gouvernement local, au gouvernement provincial de vous aider ou prendre des mesures pour redonner au Québec ce qui appartenait au Québec avant 1968. Je crois que vous êtes complètement dans le droit chemin. En tout cas, à la suite de ces deux journées que nous venons de passer je trouve cela aberrant, cela n'a pas de maudit bon sens des choses comme cela. Je pense qu'il va falloir se serrer les coudes.

Par contre il y a des fermes qui ont été expropriées, comme celle du type qui a passé avant. Il disait: "Je n'aurais jamais dû investir", je le comprends. Venant du milieu agricole, je dis qu'il aurait dû prendre son argent d'expropriation et aller s'acheter une ferme ailleurs; dans le Bas-du-fleuve, on en avait à vendre dans ce temps; cela aurait été intéressant de voir les gens de Sainte-Scholastique ou d'ailleurs venir s'installer. Avant cela, il n'y a pas eu de mouvement? Je connais la classe agricole, les cultivateurs... Il n'y a pas eu de mouvement pour dire: " Y a-t-il moyen d'arrêter cela? Qu'est-ce qu'on fait?". Après que vous vous êtes fait, le vrai mot en cultivateur, vous vous êtes fait fourrer, quand vous vous en êtes aperçus, il me semble qu'il aurait dû se produire quelque chose qui aurait fait les manchettes et qui aurait brassé...

M. Desrosiers: Le problème de cela c'est que le mouvement qu'il y a eu - il y en a eu un mouvement très fort - au début il y a eu l'expropriation, les énergies ont été dépensées pour se faire payer nos terres à un prix qui avait de l'allure.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):

Ils vous ont occupé l'idée ailleurs mais je pense...

M. Desrosiers: Je pense qu'il y a eu quoi... il a fallu dix ans avant que ce dossier se règle pour l'expropriation. Toutes les énergies ont été concentrées là-dessus. À un moment donné, travailler là-dessus et travailler pour dire...

Une voix: Quand vous vous en êtes aperçu.

M. Desrosiers: ... on se fait voler notre territoire. Là, c'est fini l'expropriation, mais là on doit commencer à travailler sur l'autre côté et se dire: Cela n'a pas d'allure.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):

Là-dessus, vous allez avoir mon appui et je vous souhaite bonne chance.

Le Président (M. Gagnon): Je vous remercie. M. le député de Berthier.

M. Houde: J'aimerais faire une remarque au député de Kamouraska-Témis- couata. Si c'est comme cela, les gens seraient mieux de se serrer les coudes. Que le ministre aille à la réunion du Conseil des ministres, le mercredi, et qu'il les force à impliquer le gouvernement pour représenter les gens qui sont à l'arrière ici et qu'il leur dise qu'il est temps de se serrer les coudes. Fessez de l'autre côté et dites-leur qu'il faut que cela bouge au Conseil des ministres et au gouvernement.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):

M. le Président, je pense que, jusqu'à maintenant, pour répondre au député de...

M. Houde: Berthier.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): ... quand c'est le temps de prendre nos responsabilités, comme gouvernement, on est capable de les prendre.

M. Houde: M. le Président, était-il ici, hier soir, lorsque le ministre... Je vais lire le texte si vous voulez, à la suite de la question posée par M. Ryan. Même si c'est un peu long, je peux vous le lire.

M. Garon: Lisez-le au complet.

M. Houde: Je vais vous le lire au complet, tout ce qu'il y a ici, par exemple. "M. Ryan: - c'est lui qui prend la parole -Je comprends..."

Le Président (M. Gagnon): Voulez-vous vous approcher du micro, M. le député?

M. Houde: Ah oui!

M. Garon: Ne soyez pas nerveux d'un coup sec.

M. Houde: Non, je vais parler bien tranquillement pour que vous saisissiez... Je demanderai même qu'on lui en fasse parvenir des copies.

M. Garon: Vous n'êtes pas habitué de parler énergiquement. Vous allez lire ce que j'ai dit.

M. Houde: M. Ryan prend la parole: "Non, j'essaie de comprendre les deux bords, mais quand il n'y a rien à côté, je ne comprends rien. Ils s'en viennent avec un programme et avant qu'on soit pris devant les faits accomplis, je voudrais vous demander - il parle toujours au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation - si vous êtes prêt à décrocher le téléphone et à dire à votre homologue à Ottawa: II faut que je te rencontre vite, cela presse, avant que tu nous arrives avec la masse sur la table. C'est pressé, parce qu'ils vont nous arriver

avec cela au début de 1983, M. le ministre." M. le ministre Garon de répondre: "Je voudrais dire, M. le Président, que je suis un peu étonné de la façon dont le député d'Argenteuil voit cela, parce que, essentiellement, ce sont des individus qui ont été expropriés qui sont en cause. Depuis l'annonce du mois de mai - cela fait cinq mois, de juin à octobre - on n'a pas encore consulté les principaux intéressés. Ce sont leurs terres, ce ne sont pas les terres du gouvernement. Pensez-vous que j'aurais l'autorité et le mandat pour négocier en leur nom? Je n'ai pas ce mandat. Je ne pourrai pas aller dire: Voici comment vous devriez rétrocéder les terres aux expropriés. Je ne pourrais pas dire cela, parce que je pense que c'est aux expropriés eux-mêmes de le faire. À ce sujet, on va les aider et on le leur a dit."

Des voix: Très bien.

M. Houde: Ah! Je n'ai pas terminé. "C'est cela que je suis allé leur dire au mois de juin - vous étiez présent... M. le Président, est-ce que je peux avoir la parole?

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît; Allez-y.

M. Houde: Avec le député de Rousseau...

Le Président (M. Gagnon): Allez-y, M. le député de Berthier.

M. Houde: "C'est cela que je suis allé leur dire au mois de juin - vous étiez d'ailleurs présent dans l'église - qu'on les aiderait concernant l'expropriation afin qu'ils puissent s'organiser eux-mêmes. S'ils ont besoin de soutien technique, on est prêt à les aider pour cela. C'est cela que je leur ai dit. Mais ce n'est pas le gouvernement du Québec qui est exproprié, ce sont les gens qui ont des intérêts personnels, des cas individuels, qui ont indiqué que le CIAC, dans chacun des cas, les a aidés au moment de l'expropriation et en cours de route. Je considère qu'aujourd'hui le CIAC et l'UPA sont les véritables organismes qui devraient négocier avec les expropriés auprès du gouvernement fédéral et/ou la Société immobilière du Canada, mais de préférence auprès du gouvernement fédéral. Nous sommes prêts à leur donner l'appui dont ils ont besoin, mais nous ne sommes pas ceux qui ont été expropriés." Cela se termine là.

Je disais hier soir et ce matin que le ministre lui-même et son gouvernement ne s'engageaient pas à travailler pour représenter les gens, avec eux. "Allez-y! On vous fournira des piastres pour travailler." Je lui réponds.

M. Garon: Vous n'avez pas compris.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):

M. le Président, je pense que la question s'adressait à...

M. Houde: Ah non! Non, il n'y a que toi qui comprends.

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! De toute façon, nos travaux s'achèvent.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):

Je pense que la question s'adressait à moi.

M. Houde: Non, non, c'est au ministre.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):

Ah! Tu as peur que je te réponde.

Le Président (M. Gagnon): La commission parlementaire de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation suspend ses travaux jusqu'à 20 heures parce qu'il est déjà 18 heures.

M. Garon: D'accord.

Le Président (M. Gagnon): D'accord. On se reprendra à 20 heures et vous aurez la parole, M. le ministre.

Une voix: Vous allez avoir le temps de réfléchir.

(Suspension de la séance à 18 h 01)

(Reprise de la séance à 20 h 19)

Le Président (M. Rochefort): À l'ordre s'il vous plaît! À l'ordre s'il vous plaît! La commission permanente de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation reprend ses travaux sur le dossier de Mirabel. Au moment de la suspension de nos travaux, la parole était au ministre de l'Agriculture. M. le ministre.

Mise au point du ministre

M. Garon: Juste avant la suspension, M. le Président, le député de Berthier laissait entendre que je ne voulais pas faire de représentations pour les expropriés de Mirabel concernant la rétrocession. Je veux être bien clair là-dessus - je me demande, d'ailleurs, si cela ne devrait pas être une des conclusions de la commission parlementaire de l'agriculture - justement pour être bien certain qu'on dise tous la même chose. Quant à moi, je l'ai dit hier soir et je vais le répéter encore ce soir pour être bien compris: C'est un des buts de la commission parlementaire de ne pas déterminer des

choses à la place de ceux qui ont été expropriés. Je pense que c'est une mauvaise chose quand, d'autorité, des gens comme nous, par exemple, prenons des positions en décidant nous-mêmes, ex cathedra. Ce n'est pas le but. Le but, c'est de faire une consultation pour connaître ce que les gens pensent et, ensuite, prendre position après avoir été bien informés. Tous ceux qui sont venus ici sont venus pour nous informer. Je pense qu'on ne pourra pas, à la fin d'une commission comme celle-là, lorsqu'il s'agira de tirer des conclusions, dire qu'il faut tenir compte de l'opinion de gens qui ne sont pas venus. Je veux être bien clair, parce que je sais ce qui arrive habituellement, dans ces commissions parlementaires. C'est une salle ouverte. Ce qui est dit est enregistré par les machines qui sont là et, après cela, imprimé, de sorte qu'on peut se référer à des documents.

Moi, je souhaite qu'à la fin de cette commission parlementaire, nous en arrivions à des conclusions concernant le prix de la rétrocession, un prix équitable. À ce moment-là, on ne s'en ira pas, chacun de son côté, en ayant plusieurs formes de langage: un langage en public, un langage en petit groupe, un langage avec telle association et un langage avec telle autre association. Ce que je souhaite, c'est qu'on ait le même langage partout. Et la façon d'avoir le même langage partout, en terminant cette commission parlementaire, c'est de faire un rapport dans lequel la commission va dire: Nous, comme commission parlementaire de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation du Québec, considérons que le prix de rétrocession devrait être ceci après avoir entendu les expropriés, le Centre d'information et d'animation communautaire, l'Union des producteurs agricoles que vous allez entendre plus tard et tous les organismes qui seront venus nous rencontrer.

Cela ne donne rien de précipiter les événements. Le député de Berthier demande actuellement de prendre position d'avance. Cela n'est pas correct. Le but de la commission parlementaire est, justement, de prendre position après avoir entendu tous les intervenants. Cela a, d'ailleurs, été le but de mon appel au ministre des Travaux publics, M. Roméo LeBlanc, quelques jours après sa nomination, afin de l'informer qu'il y avait une commission parlementaire et que je souhaitais que les organismes fédéraux concernés viennent nous rencontrer pour qu'on puisse amorcer un dialogue.

Eventuellement, j'ai dit aussi que c'était un aspect, la rétrocession des terres, et qu'il devrait y avoir aussi un plan de relance dans lequel il y aurait une participation du gouvernement fédéral et une participation du gouvernement du Québec. C'est pour cela que je n'aimerais pas, en cours de débat, alors qu'on rencontre les gens pour connaître leur opinion, qu'on se donne des distractions et qu'on fasse autre chose que d'essayer de savoir le mieux possible, en posant des questions, ce qui se passe à Mirabel, ce que les gens veulent, ce qui serait raisonnable, ce qui ne serait pas raisonnable, qui est le représentant de ces gens, parce qu'éventuellement, nous aurons à dialoguer avec des gens du territoire, des gens du gouvernement fédéral et des gens du Québec.

C'est le but de la commission parlementaire et c'est pour cela que je souhaite qu'on obtienne le maximum d'information. Je ne voudrais pas qu'on me demande de prendre position sur des choses qui concernent en premier lieu les expropriés. Je suis persuadé que les expropriés n'auraient pas été heureux de m'entendre défendre telle et telle position, sans avoir d'abord un portrait d'ensemble des positions qu'ils représentent eux-mêmes.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le député d'Argenteuil sur cette question.

M. Ryan: Je pense que la façon dont le ministre s'est exprimé ce soir est beaucoup mieux que celle dont il s'exprimait hier soir.

M. Garon: C'est enregistré. C'est pareil.

M. Ryan: Non. C'est justement parce que c'est enregistré que je peux vous dire cela.

M. Garon: C'est facile à dire, mais...

M. Ryan: Soyons clairs. Je suis content que vous l'atténuiez beaucoup ce soir. Hier, vous avez dit: Nous autres, dans cette affaire-là, on ne peut pas intervenir directement. Ce sont des individus qui ont été expropriés et c'est à eux de s'organiser, mais on est prêt à les aider. Ce que je vous soulignais, c'est qu'il y a un aspect collectif en plus de l'aspect individuel; il y a une responsabilité constitutionnelle du gouvernement du Québec vis-à-vis de son homologue fédéral et cela ne peut pas être assuré par le CIAC ou par les gens de Mirabel. Il y a une responsabilité propre du gouvernement du Québec que je vous demandais d'assumer et que je constatais que vous n'aviez pas exercée au cours des dernières années comme vous auriez dû le faire. La meilleure preuve a été fournie par vous-même quand vous nous avez dit que vous ne connaissiez même pas M. Cosgrove qui a été là pendant au moins une couple d'années. Vous avez dit cela et vous avez semblé glisser... De la manière dont vous avez dit le nom, je ne sais pas ce que cela voulait dire. Vous avez dit: Je ne le connais même pas. Franchement, c'est un aveu de

non-contact évident. Je suis content que vous ayez replacé l'affaire. Là, vous dites: On va s'orienter vers la fin de ces travaux-là; on va voir, on continue à travailler. Il n'y a pas de problème là-dessus, c'est correct.

Hier, en plus du passage qu'a cité M. Houde, il y en avait un autre. Je suis revenu à la charge pour vous rappeler clairement ces deux dimensions. Je vous ai dit: Sur le plan qui est le vôtre, qu'est-ce que vous entendez faire? Vous avez dit: On donne des subventions et on les multiplie actuellement pour le creusage des cours d'eau. Ce n'est pas cela que je voulais dire; je parlais à un niveau plus élevé que celui-là. Mais on va peut-être se retrouver en fin de compte, malgré tout.

Le Président (M. Rochefort): Est-ce que cela va?

M. Garon: M. le Président...

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.

M. Garon: ... j'aimerais rétablir les faits pour la dernière fois parce que je n'aime pas ces demi-vérités. Je vais recommencer une dernière fois et j'espère que le député d'Argenteuil comprendra.

Dans le dossier de Mirabel, je suis intervenu sans arrêt depuis que j'ai été nommé et surtout seulement quand les gens m'ont demandé d'intervenir. La première fois que j'ai rencontré les gens du Centre d'information et d'animation communautaire dans le bureau, en bas, au coin de l'édifice, je leur ai dit: C'est un dossier qui est très politique; je ne voudrais pas intervenir sans que vous me demandiez d'intervenir pour que, plus tard, on ne m'accuse pas d'être intervenu dans ce dossier et d'avoir fait de la politique avec le dossier. Je leur ai dit: Quand vous aurez épuisé - M. Raymond était là, Mme Lafond et plusieurs autres - les moyens que vous avez à votre disposition et que vous croirez qu'il faut que vous demandiez au gouvernement du Québec d'intervenir et que vous me le demanderez comme ministre de l'Agriculture, cela me fera plaisir de le faire. Mais j'interviendrai seulement lorsque vous me l'aurez demandé parce que je ne voudrais pas intervenir dans un dossier dans lequel vous êtes impliqués, qui a des chances de succès et pour lequel vous ou d'autres pourraient dire qu'il y a eu des interventions politiques qui vous ont nui.

Cela a été dit clairement et, par la suite, quelques mois plus tard - je pense que c'est au printemps ou à l'été de 1978 - une pétition a été signée par plusieurs milliers de personnes qui m'ont demandé d'intervenir. Je suis intervenu auprès de M. Cosgrove. Certains de mes fonctionnaires ont rencontré des fonctionnaires fédéraux. Il n'y a eu aucun aboutissement et il y a eu de longues discussions au cours desquelles le gouvernement fédéral nous a quasiment demandé de changer le Code civil parce qu'il disait que c'étaient des baux emphytéotiques, difficiles à réaliser, etc. Finalement, il y a eu un changement de gouvernement. En cours de route, j'ai écrit à M. Cosgrove. Des fonctionnaires ont rencontré des fonctionnaires fédéraux et des membres de mon cabinet ont également participé à ces réunions.

Ensuite, les conservateurs sont arrivés au pouvoir en 1979. Nous avons eu des rencontres immédiates avec les conservateurs à l'été et à l'automne et, au mois de novembre, on peut dire que le dossier était terminé. Il devait être acheminé au Conseil des ministres. On m'a dit qu'il a été acheminé au Conseil des ministres et j'ai même la copie du document qui a été signé et acheminé au Conseil des ministres par le gouvernement conservateur. On m'a dit qu'il a été approuvé, mais je n'ai pas eu la décision du Conseil des ministres. Il y a eu un changement de gouvernement et les conservateurs n'ont pas jugé bon à ce moment-là d'annoncer leur décision parce qu'elle pouvait avoir des implications sur la campagne électorale en Ontario.

Il y eut les élections de février 1980. Dès le printemps de 1980, une rencontre publique a eu lieu à la ville de Mirabel. J'ai demandé qu'elle soit publique parce que j'étais fatigué d'avoir différentes versions, selon les différents auditoires. À ce moment-là il y a eu à la ville de Mirabel des gens de mon ministère, des gens de l'OPDQ, des gens du ministère des Travaux publics du Canada, d'autres organismes, l'Office du crédit agricole, etc. Les gens qui ont assisté à la rencontre se sont rendu compte que cela tournait en rond. (20 h 30)

Quand le député d'Argenteuil insinue malicieusement que je ne suis pas intervenu, je peux dire que sans arrêt, aussitôt que les gens du CIAC m'ont demandé dans le temps d'intervenir par une pétition, je suis intervenu de façon constante dans le dossier de Mirabel. Encore récemment, au printemps, nous sommes intervenus pour aider les gens de Mirabel. On sait que, dans un dossier comme celui-là, surtout avec les poursuites judiciaires en cours, les gens ont besoin de support. On leur a offert le support nécessaire et, encore là, cela a été fait publiquement. D'ailleurs, dans le dossier de Mirabel, j'ai pris bien soin de faire publiquement la plupart des gestes que j'ai faits parce que je savais à peu près quel genre d'entourloupettes on pouvait retrouver avec des organismes fantômes, téléguidés ou parachutés avec les nègres de service. Je connais ça, j'ai assez d'expérience là-dedans pour ça.

J'ai donc toujours voulu poser les gestes publiquement et, au mois de juin, je suis allé publiquement, encore une fois, à Mirabel. Quand on a dit qu'on retirait les subventions, je l'ai fait publiquement devant 800 personnes, pas à la cachette - ce n'est pas ma manière - et quand on a remis les subventions, encore là on l'a fait publiquement devant autant de gens. Chaque fois j'ai posé les gestes publiquement et, encore là, actuellement, on les pose publiquement.

Je voudrais bien être compris pour qu'on sache que je n'ai pas voulu faire étalage de ces différentes interventions jusqu'à maintenant. Je suis intervenu de façon régulière. Si quelqu'un ne peut pas être accusé de ne pas avoir fait d'interventions, c'est bien moi, parce que j'ai été présent de façon constante dans le dossier de Mirabel. Pas avec grand succès, mais je pense qu'il y a quand même eu une évolution.

Encore récemment j'ai appelé le ministre Roméo LeBlanc, que je connais, pour lui dire qu'il y avait une commission parlementaire et l'inviter à demander à la Société immobilière du Canada de venir nous rencontrer pour mieux comprendre les modalités et en discuter avec nous. Je lui ai, d'ailleurs, dit qu'après la commission parlementaire il y aurait de grosses chances que je demande à le rencontrer. Je l'ai même invité à suivre le dossier et je lui ai conseillé de ne pas assumer le passé. J'ai dit: Vous êtes un homme neuf dans le dossier que vous ne connaissez peut-être pas beaucoup. Je souhaite que vous le preniez comme un dossier neuf et n'essayiez pas de défendre le passé, mais surtout de regarder vers l'avenir pour régler le problème des gens dont on dit chez nous qu'ils ont eu l'équivalent de la déportation des Acadiens. M. LeBlanc est lui-même acadien.

J'espère que je n'aurai pas encore à recommencer ces explications qui me semblent assez claires. Maintenant, si on veut que je fournisse des documents, je suis en mesure de les produire pour justifier tout ce que je viens de dire.

M. Ryan: Vous nous fournirez tous les documents additionnels qui peuvent appuyer vos dires, mais ce que je remarque en vous écoutant - vous dites: Tout ce que j'ai fait, je l'ai fait publiquement - c'est que du côté d'Ottawa, depuis deux ans et demi, c'étaient surtout des conversations privées, des conversations dans un aéroport, à un moment donné, un fonctionnaire avec un fonctionnaire de M. Cosgrove. Vous nous avez dit que vous ne l'aviez même jamais rencontré, que vous ne lui avez jamais parlé.

M. Garon: Quelles conversations dans les aéroports?

M. Ryan: C'est dans le compte rendu d'hier.

M. Garon: Lequel?

M. Ryan: "J'en ai même parlé aussi à M. Fox que j'avais rencontré dans un aéroport." C'est toujours assaisonné de souvenirs...

Une voix: Est-ce interdit de leur parler dans un aéroport?

M. Garon: Je n'ai pas parié...

Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: C'est parce que ce n'est pas tout à fait conforme à ce que vous avez dit. On vous dit de produire les pièces publiques dont vous avez parlé. Donnez-nous le dossier complet de ce que vous avez fait depuis deux ans et demi. C'est très bien et, si c'est bon, on vous le dira.

M. Garon: Mais les gens de Mirabel le savent, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Oui, mais...

Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: ... nous le savons moins. Et on vous demande de nous produire toutes les pièces qui justifient les interventions que vous avez faites de manière qu'on puisse vous rendre justice. C'est tout.

M. Dupré: M. le Président...

Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ryan: Ce ne sont pas les souvenirs de vos années dans l'armée avec M. Fox qui nous intéressent.

M. Dupré: Question de règlement, M. le Président. Comme on a un nombre considérable d'intervenants, je pense qu'on devrait laisser ces luttes infantiles et continuer.

Le Président (M. Rochefort): Merci. Cette question est close. M. Desrosiers, vouliez-vous ajouter quelque chose avant de terminer votre présentation?

M. Desrosiers: Oui, je n'aurais qu'un voeu à exprimer, qu'indépendamment des deux partis les députés nous aident et nous appuient dans notre démarche; que ce soit le Parti libéral ou le Parti québécois, qu'ils nous appuient dans notre démarche auprès du

fédéral. Je pense qu'on a tous l'impression que le fédéral n'a pas l'intention de nous revendre le terrain au même prix qu'il l'a payé. Il va falloir que cela entre dans la tête de ces gens-là. Je ne suis pas le seul et je ne suis pas prêt à payer plus cher pour le terrain. Il va falloir que tout le monde nous aide à pousser de ce côté. C'est tout ce que j'avais à ajouter.

Le Président (M. Rochefort): M.

Desrosiers, je tiens à vous remercier au nom des membres de la commission de vous être déplacé pour venir présenter votre mémoire.

Avant d'inviter les intervenants suivants, M. le député de Groulx, adjoint parlementaire du ministre des Affaires municipales, m'a demandé la parole.

M. Fallu: M. le Président, ce sera très bref. C'est pour accomplir une tâche que nous avions décidé ce matin de faire ensemble au cours de la journée: de fignoler la motion qui nous permettrait d'inviter un certain nombre d'intervenants. J'ai, avec mes collègues de l'Opposition, essayé de la rédiger de telle sorte qu'elle soit dans l'esprit même où le chef de l'Opposition nous proposait de la faire ce matin, c'est-à-dire dans un esprit d'entente, d'invitation et non pas selon même les règles de procédure de l'Assemblée nationale en vertu de l'article 153 qui aurait exigé plutôt qu'on requière au sens du pouvoir judiciaire de l'Assemblée nationale.

Motion pour convoquer la SIC et la Chambre de commerce de Mirabel

Je fais donc motion, M. le Président, que les membres de la commission parlementaire de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation invitent la Société immobilière du Canada (Mirabel) et la Chambre de commerce de Mirabel à se présenter devant la commission, à l'une de ses prochaines séances du mois de novembre prochain, pour s'y faire entendre sur le sujet suivant: les terres expropriées en trop de Mirabel et, en particulier, sur... Vous me permettrez d'éviter la lecture puisqu'il s'agit du mandat même de la commission, qui est en quatre volets, comme chacun le sait.

Le Président (M. Rochefort); Merci.

M. Fallu: J'en fais motion, M. le Président.

Le Président (M. Rochefort): Y a-t-il un membre de la commission qui s'interroge sur la recevabilité de cette motion? Je puis donc, dès maintenant, rendre ma décision sur la recevabilité de cette motion. Je la reçois. Quelqu'un veut-il intervenir? Vouliez-vous la présenter un peu plus à fond, M. le député de Groulx?

M. Fallu: Non. J'avais, d'ailleurs, annoncé que je ne serais pas plus long que cela pour la présentation.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: J'appuie la motion volontiers.

Le Président (M. Rochefort): Vous appuyez la motion.

M. Ryan: Oui.

Le Président (M. Rochefort): Cette motion est-elle adoptée?

M. Ryan: Adopté.

Le Président (M. Rochefort): Cette motion est adoptée, merci. Nous allons poursuivre nos travaux d'audition. Le groupe suivant était Mme Berthe Lorrain et M. Pierre Lorrain qui nous ont informés que leur mémoire a été envoyé à la commission pour dépôt uniquement. C'est fait, nous en avons pris connaissance.

Maintenant, on m'informe que Mgr Charles Valois, évêque de Saint-Jérôme, est présent avec nous. Il y a entente entre les partis pour qu'il comparaisse immédiatement. Mgr Valois, je vous inviterais à prendre place à la barre. Bienvenue à la commission, monseigneur. Je vous inviterais, sans plus tarder, à nous présenter votre mémoire.

Mgr Charles Valois

Mgr Valois (Charles): M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, mesdames et messieurs, je voudrais tout d'abord faire quelques remarques avant de commencer à lire le mémoire que je vous ai remis. Mon intervention ici ce soir n'est pas d'ordre technique. Si je viens ici ce soir, c'est parce qu'il y a des valeurs humaines en cause. Je voudrais, par ma présence ici, exprimer ma solidarité avec des personnes, avec des familles et avec des communautés. C'est le sens de ma participation à cette commission parlementaire.

En septembre 1981, la Société immobilière du Canada (Mirabel) invitait des individus et des groupes à présenter leur point de vue sur l'avenir du territoire périphérique de Mirabel. À ce moment-là, j'ai répondu avec empressement à cette invitation, car j'estimais que l'évêque du lieu avait quelque chose à dire dans un dossier qui touche la vie d'un si grand nombre de personnes et l'avenir de communautés civiles et/ou chrétiennes.

Quand je me suis présenté devant la Société immobilière du Canada, j'étais

évêque depuis trois ans dans le diocèse de Saint-Jérôme. J'avais visité plusieurs paroisses du territoire de Mirabel. C'est devant l'état de ces paroisses que j'ai décidé d'intervenir. Jeune prêtre, j'étais professeur au séminaire de Sainte-Thérèse et, à plusieurs reprises, j'avais été appelé à faire du ministère dans les paroisses de Saint-Hermas, Sainte-Scholastique, Sainte-Monique, Saint-Janvier, Saint-Augustin, Saint-Canut. J'étais allé dans ces paroisses et j'avais toujours été frappé par la qualité de ces communautés humaines. Lorsque je suis retourné dans ces communautés, comme évêque de Saint-Jérôme, j'ai vu la grande détérioration de ces communautés. C'est pourquoi je me suis empressé d'aller à la société immobilière présenter mon point de vue. C'est donc avec la même conviction d'alors que je me présente devant la commission parlementaire.

Depuis un an, le dossier a évolué, en ce sens que le gouvernement fédéral a annoncé la revente d'environ 30% des terres expropriées, soit près de 30 000 acres. À cette occasion, d'ailleurs, M. le ministre Francis Fox aurait laissé entendre que le gouvernement fédéral pouvait être disposé à laisser au gouvernement du Québec le soin de gérer le territoire qui ne servait pas immédiatement aux besoins de l'aéroport. Quoi qu'il en soit de cette intention, il semble opportun et important que le gouvernement du Québec s'implique de quelque façon dans ce dossier si lourd socialement et politiquement. Mais alors on doit avoir en vue quelques perspectives fondamentales sans lesquelles on ne saurait garantir ou espérer une solution équitable au problème de Mirabel.

Tout d'abord, il faut redire avec force et vigueur un principe qui a été maintes fois énoncé, mais qui demeure essentiel: la population locale doit être associée à toute démarche concernant le réaménagement du territoire; elle doit participer pleinement à toute démarche concernant son avenir. Le problème fondamental dans le dossier de Mirabel demeure la mise en tutelle d'une population qu'on a dépouillée de ses biens et d'une partie de sa dignité. On ne peut résoudre ce problème qu'en cherchant des voies pour libérer la population de Mirabel de cette mise en tutelle. Bien sûr, il se trouvera des gens pour dire que la tutelle peut être avantageuse financièrement. À court terme, il est possible que ce soit vrai; c'est à voir. Mais du point de vue qui m'intéresse avant tout, celui de la dignité humaine, la tutelle est toujours désavantageuse. Aucune communauté ne peut avoir le désir de se bâtir à long terme sans un minimum de sécurité et d'autonomie. La mise en tutelle, c'est payer trop cher pour une apparente sécurité et une absence d'autonomie.

C'est pourquoi il faut favoriser, pardessus tout, la revente de la plus grande partie possible des territoires expropriés à la population locale, expropriés, locataires actuels. Sans entrer à fond dans des questions techniques que d'autres peuvent aborder mieux que moi - les modalités de la revente, par exemple - il y a quand même quelques points qui méritent d'être soulignés à partir d'une recherche même sommaire. À titre d'exemple, j'ai consulté un responsable de l'aéroport de Dallas-Fort Worth, au Texas, un aéroport qui a été construit à la même période que celui de Mirabel et qui devait desservir une population analogue à celle de Montréal. J'ai alors appris qu'avec 17 800 acres cet aéroport pouvait répondre à tous ses besoins présents et futurs. Pourquoi a-t-il fallu exproprier 97 000 acres pour l'aéroport de Mirabel?

Il semble maintenant acquis que l'expropriation dépassait de loin les besoins réels de l'aéroport international de Montréal. D'ailleurs, le gouvernement fédéral l'a admis à sa façon en offrant de revendre 30% du territoire. Même si cette revente se concrétisait, il resterait environ 67 000 acres de terres expropriées. La différence avec l'aéroport de Dallas-Fort Worth est tellement grande qu'il y a lieu de se poser de sérieuses questions. Les comparaisons sont toujours boiteuses, dit-on, mais elles ont le mérite de nous donner une échelle de valeur qui aide à se former un jugement sur une situation. Beaucoup d'autres grands aéroports fonctionnent avec encore moins de territoire que celui de Dallas-Fort Worth. (20 h 45)

II reviendrait certes aux gens compétents de pousser plus loin ces recherches d'ordre technique qui pourraient aller jusqu'à remettre en question le bien-fondé de l'expropriation comme telle. Bien sûr, on ne refera pas le passé; on n'effacera pas des souffrances et des déplacements inutiles, mais on pourra faire en sorte de réparer le mieux possible ce qui, avec le recul des années, ressemble à une grave injustice. À ce niveau, le gouvernement du Québec peut s'impliquer en fournissant les fonds et le personnel nécessaires à la réalisation de ces recherches d'ordre technique. Ce serait sa façon de collaborer à mettre un terme à une tutelle qui, de mon point de vue de pasteur, je le répète, est ce qu'il y a de plus néfaste à la vie des communautés civiles et/ou chrétiennes. Et cela préparerait le gouvernement du Québec à ne pas prolonger la tutelle s'il s'avérait que les propos du ministre Fox deviennent un jour réalité.

Deuxièmement, respecter la vocation agricole du territoire. Le territoire périphérique de Mirabel avait, avant l'expropriation, une vocation largement agricole. La venue de l'aéroport a modifié

sensiblement l'orientation de ce territoire, mais cette modification n'aurait dû et ne devrait toucher que l'environnement immédiat de l'aéroport et certains secteurs non propices à l'agriculture. En tout cas, le gouvernement du Québec, via le ministère de l'Agriculture, aurait sûrement un rôle à jouer pour que la vocation agricole du territoire de Mirabel soit respectée le plus possible. Il ne s'agit pas de nier le droit à l'existence des autres résidents - non-agriculteurs - ou des autres entreprises qui sont sur le territoire actuellement. Mais il y a certes un mouvement à faire pour stopper le recul des entreprises familiales agricoles.

Dernièrement, le comité des affaires sociales de l'Assemblée des évêques du Québec publiait un texte intitulé Les jeunes face à la crise. Il mettait en lumière le désarroi de nombreux jeunes pour qui l'avenir est sans débouché au Québec. Cela est de plus en plus vrai, hélas pour les jeunes agriculteurs. Plusieurs d'entre eux souhaiteraient prendre la relève sur la terre que leurs pères ont cultivée; mais voudront-ils s'embarquer dans cette galère qu'est pour eux le territoire de Mirabel dans ses conditions actuelles? Cela s'applique d'abord aux enfants des expropriés de 1969. Mais cela s'applique aussi à tous les jeunes agriculteurs qui voudraient s'installer sur le territoire de Mirabel à la suite d'une éventuelle revente des terres expropriées en trop et compte tenu des droits acquis par les expropriés et les résidents actuels.

Est-il présomptueux de penser que le gouvernement du Québec aurait un rôle à jouer pour que la vocation agricole du territoire soit respectée?

Troisièmement, éviter la spéculation foncière. Le respect de la vocation agricole du territoire de Mirabel implique que soit évitée toute spéculation foncière sur ce territoire que ce soit au niveau public ou privé. Dans le mémoire adressé à la Société immobilière du Canada en septembre 1981, j'ai parlé de cette question. Je ne veux pas la reprendre en longueur ici, mais je veux insister sur le rôle qu'a tout gouvernement de veiller à ce qu'aucune revente ou mise à l'enchère d'un territoire comme celui de Mirabel ne favorise tel ou tel individu, tel ou tel groupe au détriment d'une population, en l'occurrence ici la population locale qui a acquis certains droits, pour ne pas dire des droits certains.

Quatrièmement, faire en sorte que la vie communautaire et sociale soit viable à long terme sur ce territoire. Enfin, je voudrais insister sur un point qui me touche le plus comme pasteur du diocèse de Saint-Jérôme et qui reprend comme une interrogation ce qui s'est dit plus haut: Comment faire en sorte que la vie communautaire et sociale soit viable à long terme sur le territoire de Mirabel?

Sur ce territoire, il y a des communautés humaines et chrétiennes qui ont résisté tant bien que mal à l'usure du temps et des déplacements. Ces communautés ont un nom: Sainte-Scholastique, Saint-Hermas, Sainte-Monique, Saint-Canut, Saint-Janvier, Saint-Augustin, Saint-Placide, Saint-Benoît. Elle ont toutes été touchées par l'expropriation, certaines beaucoup plus que d'autres. Ces communautés souhaitent vivre, mais, pour cela, il faut que de bonnes conditions sociales, économiques et politiques leur soient assurées. Il faut que l'avenir du territoire exproprié de Mirabel soit débloqué. Et il n'y a pas cent façons de le faire. Il faut rendre à ces communautés locales une dignité qui leur a été arbitrairement enlevée. Il faut leur redonner le droit de gérer leur propre territoire, le droit de gérer leur propre avenir sans que l'épée de Damoclès soit toujours suspendue au-dessus de leur tête. Si le gouvernement du Québec peut faire quelque chose en ce sens, il est urgent qu'il le fasse.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre de l'Agriculture.

M. Garon: Monseigneur, quelqu'un me disait tout à l'heure - je ne sais pas si c'est exact, je n'ai pas vérifié personnellement -que vous créez aujourd'hui un précédent, que ce serait la première fois qu'un évêque viendrait témoigner devant une commission parlementaire. Je ne peux pas dire si c'est exact, mais on m'a dit ça tantôt.

Mgr Valais: C'est peut-être vrai, mais vous avez un évêque en permanence ici, dans la salle; vous avez Mgr de Laval là-haut.

M. Garon: Oui.

Mgr Valois: Quand j'ai vu Mgr de Laval, je lui ai adressé une prière pour les gens de Mirabel.

M. Garon: Je veux vous remercier de l'avoir fait et surtout d'avoir insisté sur les aspects moraux nécessaires à respecter dans cette démarche. Vous auriez dû assister au débat qui a précédé un peu votre arrivée. Le premier point que vous faites ressortir: "La population locale doit être associée à toute démarche concernant le réaménagement du territoire, elle doit participer pleinement à toute démarche concernant son avenir", je pense que c'est fondamental et que nous ne pouvons pas nous arroger des mandats sans consulter les gens du territoire. Je suis parfaitement de votre avis. Il est difficile d'imaginer - j'ai essayé à quelques reprises de donner des exemples - tous les troubles et les traumatismes par lesquels peuvent passer les gens qui reçoivent des lettres d'avocat, qui sont pris dans des procédures

qu'ils n'ont pas souhaitées ou qui vivent toutes sortes de tracasseries à cause d'une situation qu'ils n'ont pas recherchée.

C'est pourquoi, dans la démarche que nous faisons actuellement, j'ai voulu qu'on écoute d'abord les gens du territoire avant de prendre position, et qu'on connaisse ce qu'ils recherchent et comment ils voient l'avenir, comment ils voient même les modalités d'application de certains processus qui ont été annoncés et qui doivent être suivis.

Deuxièmement, vous dites: "Le gouvernement du Québec peut s'impliquer en fournissant les fonds et le personnel nécessaires à la réalisation de ces recherches d'ordre technique". C'est un peu ce que j'ai mentionné tantôt, sans avoir, à ce moment-là, regardé cette partie de votre mémoire. Le gouvernement du Québec a fourni certains fonds ce printemps. Je sais qu'il va sans doute en falloir d'autres et, sur le plan technique, travailler avec les gens représentatifs du territoire pour les aider dans la démarche qu'ils ont à suivre.

À ce point de vue, j'ai une question que j'aimerais vous poser et j'aimerais bien que vous vous sentiez bien à l'aise de répondre ou de ne pas répondre, selon que vous le voulez ou non. Quand vous parlez de s'impliquer avec les gens du territoire, dans votre esprit, quels sont les organismes représentatifs, quels sont les organismes qui devraient être associés à cette démarche? Je ne pose pas la question pour vous embêter, vous savez.

Mgr Valois: J'ai pensé tout à l'heure que cette question pourrait venir et je me suis fait la réflexion suivante. Je me suis dit que si j'avais à revendre le territoire et que je voulais m'associer la population locale, je demanderais aux gens localement de se prononcer sur l'association qui est la plus représentative. Je le demanderais aux gens. Je demanderais aux habitants de ce territoire de se prononcer. Il y a un certain nombre d'associations et je leur demanderais: Laquelle parmi ces associations est la plus représentative, représente le mieux vos intérêts? Je leur demanderais cela. Je pense qu'il y aurait des réponses et je pense que la ville de Mirabel est un organisme élu dont on doit tenir compte.

Mais sur les autres organismes, il faudrait vraiment que les gens se prononcent. Aujourd'hui, voudriez-vous que je vous dise que le CIAC est le plus représentatif des organismes de la région? Chaque fois que j'ai assisté à des réunions du CIAC, il y avait des centaines de personnes. Quand le CIAC invitait les gens, il y avait beaucoup de monde qui répondait. Les autres organismes ne m'ont jamais invité à participer à une réunion ou l'autre de leurs membres. J'ai vu des réunions du CIAC avec 500 personnes dans la salle de Sainte-Scholastique. Alors, il y a des indications comme cela, mais je ne peux pas aller plus loin que cela.

M. Garon: Je m'aperçois que vous avez fait les mêmes constatations que j'ai faites, parce qu'au début je me demandais aussi par quel organisme passer et c'est devant les faits, à un moment donné, que j'ai dit: Le CIAC doit représenter du monde parce que, chaque fois que je vais à Mirabel, il y a du monde quand il se tient une réunion. Si le CIAC ne représentait personne, il n'y aurait pas de monde. Comment associer ces gens à la démarche? Associer qui et comment les associer?

Mgr Valois: Le comment dépend de l'objectif que vous voulez poursuivre: si vous voulez les associer pour une revente ou si vous voulez les associer pour une négociation. Je pense que la première chose est de fixer l'objectif et, après cela, on établit le comment avec les personnes autour de la table.

M. Garon: II y a d'anciens expropriés qui sont encore sur le territoire de Mirabel et, dans certains cas, plusieurs sont venus nous dire que leur père avait été exproprié et que maintenant ce sont les enfants qui poursuivent la ferme familiale. Il y a des résidents qui ont été expropriés et qui sont des locataires dans leur propre résidence. Il y a des gens qui sont locataires dans leur propre commerce. Dans certains cas, les résidents sont partis, les fermes ont été louées par d'autres. Quand une ferme est occupée par un exproprié qui est encore sur ladite ferme, je pense que cela ne fait aucun doute que c'est à lui qu'on doit l'offrir en premier. Mais quand l'exproprié est parti depuis peut-être pas longtemps ou longtemps et qu'il y a un nouveau locataire qui occupe la terre expropriée, à qui devraient d'abord être faites les offres dans votre esprit? (21 heures)

Mgr Valois: C'est une question d'ordre technique dans laquelle j'entre difficilement, mais je vais vous donner un petit peu ma perception. C'est une perception, ce n'est pas une réponse à votre question. Il y a des gens qui ont été expropriés et qui étaient très heureux de l'être, qui ont pris l'argent et qui sont partis. Ils avaient atteint 60 ans, 65 ans et les enfants ne voulaient pas avoir les fermes. Ils sont allés s'installer à Saint-Jérôme, à Saint-Eustache, à Saint-Colomban. Ils sont allés s'y installer pour leurs vieux jours. Il y en a qui sont partis parce qu'on leur a fait peur. On leur a dit: II faut que tu partes. On leur a envoyé des avis d'éviction. Il y en a qui sont partis de cette façon, dont la terre a été louée immédiatement à d'autres. Il y a quelque chose qui frise l'injustice dans ces

déplacements. On leur a dit: II faut que vous partiez et on a poussé dessus pour qu'ils s'en aillent. Ces gens-là ont certains droits, mais comment les évaluer? Il reste que c'est difficile à faire. Il y en a qui sont partis obligatoirement, parce que leur terre était sous la piste d'atterrissage. Un certain nombre d'entre eux ont été relocalisés ailleurs, c'est-à-dire qu'ils ont loué des terres ailleurs dans Mirabel. Alors, je vous donne les perceptions que j'ai. J'ai rencontré des gens qui étaient partis par pression. On avait fait pression pour qu'ils s'en aillent. J'ai rencontré des gens dont la terre était sous les pistes et qui sont maintenant relocalisés ailleurs et j'ai également rencontré des gens qui sont très heureux de leur nouvelle situation.

M. Garon: II y a une chose que je voudrais dire, par exemple. Vous avez écrit au début de votre mémoire que M. Fox avait "laissé entendre qu'il voulait laisser au gouvernement du Québec le soin de gérer..."

Mgr Valois: Je n'étais pas là, parce que je n'avais pas été invité. Il paraît qu'il "aurait laissé entendre - c'est pour cela que j'ai un conditionnel - que le gouvernement fédéral pouvait être disposé à laisser au gouvernement du Québec le soin de gérer le territoire qui ne servait pas immédiatement aux besoins de l'aéroport". Alors, je me suis dit: Qu'est-ce que cela veut dire? Est-ce que c'est remettre le territoire qui ne sert pas immédiatement à l'aéroport pour que le gouvernement provincial en assure la revente ou bien le lui remettre en disant: Cela ne se revend pas et vous allez le gérer? Alors, qu'est-ce que cela voulait dire, je ne le sais pas. Est-ce que c'est une boutade qu'il a voulu faire? Je ne lui ai jamais demandé d'expliquer cette phrase. Je n'étais pas là, mais cela a été rapporté. Je pense qu'il y a des gens qui l'ont entendu.

Dans ce sens-là, et c'est peut-être un peu pour cela que je suis ici aujourd'hui, si le gouvernement provincial devient le gérant de ces terres, ce que je dis actuellement pour la Société immobilière de Mirabel, je vais continuer à le dire au gouvernement provincial.

M. Garon: Je n'ai jamais eu le sentiment que le gouvernement fédéral voulait nous laisser gérer le territoire. Je ne suis pas persuadé d'ailleurs que le problème soit la gestion, c'est plutôt la propriété. Ceux qui sont venus devant nous hier ont clairement démontré, je pense bien, que le territoire pouvait être rétrocédé dans sa très grande partie. Certains même laissent entendre qu'avec 5200 acres... C'est, d'ailleurs, à peu près la moyenne des grands aéroports dans le monde, parce qu'on nous a démontré hier que les sept plus grands aéroports au monde entreraient dans la moitié du territoire exproprié de Mirabel. En faisant une addition rapide, ces sept aéroports ont transporté la dernière année 207 000 000 de passagers et à Mirabel, pendant la plus grosse année qui est 1979, cela a été 1 250 0000.

Mgr Valois: Oui. Vous savez, le problème de l'aéroport comme tel, je ne voudrais pas y toucher, parce qu'au fond il y a eu une planification en 1968-1969, au moment où les voyages en avion étaient en croissance. On sait ce qui s'est passé en 1973: avec la crise de l'énergie, cela a diminué. Je pense que lorsqu'on parle des 17 000 acres de Dallas-Fort Worth, c'est un chiffre qui, en 1969-1970, était le chiffre magique, c'est-à-dire une grandeur raisonnable pour les besoins d'un aéroport. À Pickering, au nord de l'Ontario, le gouvernement fédéral a exproprié 17 000 acres. 17 000 acres à Pickering, 17 000 acres à Dallas, dans la région de Vancouver, pour le nouvel aéroport, environ 17 000 acres. Alors, pourquoi 97 000 acres à Mirabel? Vous me direz que c'était une question de bruit, une question de zonage, etc. Le directeur général de Dallas-Fort Worth m'a écrit une lettre mais, malheureusement, je ne l'ai pas apportée aujourd'hui. J'avais demandé à ma secrétaire de la donner à Jean-Marc, mais elle ne l'a pas rejoint parce qu'il était parti. Il m'a donné beaucoup de détails sur le territoire. Il a dit: On a exproprié tout d'abord 17 000 acres et on est allé chercher 800 acres pour une compagnie aérienne qui voulait être à la périphérie du territoire. On a permis à des agriculteurs de cultiver à l'intérieur des 17 000 acres pendant de nombreuses années, parce qu'on en avait trop. Ces 17 000 acres sont suffisantes pour nos besoins actuels et futurs. Pour ce qui est du bruit et du zonage, les municipalités environnantes s'en chargent. La construction en hauteur et la question du bruit, ce sont des règlements des municipalités.

A Mirabel, on aurait pu faire exactement la même chose. On aurait pu exproprier 17 000 acres et les municipalités des environs auraient compris que c'était de leur devoir d'établir un zonage. On a exproprié 97 000 acres. Qu'on revende donc 80 000 acres ou 75 000 acres et qu'on en garde 5000 pour le PICA et qu'on mette dans les contrats de vente les clauses de zonage, les clauses de bruit, les clauses de construction en hauteur. Non seulement cela ne posera aucun problème parce que c'est un territoire agricole, mais il faut continuer à promouvoir ce territoire comme territoire agricole. On possède 8% des meilleures terres agricoles du Québec. Est-ce qu'on va les laisser tomber? Si on veut continuer à s'autosuffire au point de vue de l'agriculture,

il faut continuer à respecter cette vocation agricole du territoire.

Deuxièmement, l'entreprise familiale. Dans le midwest américain, on a fait de la culture. De grandes compagnies se sont emparées des terres et font de la culture en série. Aujourd'hui, on s'aperçoit qu'on a peut-être fait fausse route. On se pose la question. Pourquoi? Parce qu'on n'a pas respecté l'entreprise familiale. Chez nous, il y a des entreprises familiales. Respectons-les, permettons-leur de se développer. C'est le problème humain qui est là, l'entreprise familiale qui est à la base de ces terres et de cette agriculture.

M. Garon: À ce point de vue, vous allez trouver un allié en ma personne parce que j'ai toujours défendu la ferme familiale; les programmes du gouvernement ne devraient jamais dépasser la ferme familiale. Je pense aussi que la ferme familiale est plus efficace, plus à l'échelle humaine et elle permet à plus de monde de gagner sa vie.

J'ai laissé entendre au cours de la commission, pour répondre à ce qui est mentionné à la page 5, que le gouvernement du Québec aurait un rôle à jouer pour que la vocation agricole du territoire soit respectée, que la Loi sur la protection du territoire agricole s'applique sur le territoire. Évidemment, on a eu une zone grise ou un point difficile, comme des gens me l'ont mentionné, parce que la commission n'avait pas encore rendu de décision. Au moment où un atelier de sculpture a été incendié, il y avait une cause devant la commission. Mais de façon générale, la loi s'applique à l'ensemble du territoire.

J'ai dit aussi que je serais d'accord pour travailler avec le gouvernement fédéral, pour faire un plan de relance de l'agriculture dans lequel il pourrait y avoir des ententes auxiliaires par lesquelles le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec investissent des fonds pour un projet particulier. On le fait occasionnellement pour différents types de travaux et je pense qu'il serait souhaitable dans ce cas-là qu'il y ait un genre d'entente entre les deux gouvernements pour différents types de travaux; par exemple, la remise en valeur des bâtiments, le drainage, les travaux mécanisés, le défrichage des terres qui ont été laissées en friche. Il y a une foule de travaux qui peuvent être faits pour mettre les terres de Mirabel à l'heure de 1982 ou 1983, parce qu'il y a des endroits qui ont été passablement laissés à l'abandon. Ce n'est cependant pas le cas partout: c'est terriblement inégal.

Quant à limiter la spéculation foncière, j'ai mentionné comme principe que le gouvernement fédéral ne devrait pas s'enrichir dans l'opération parce que, lorsqu'il a exproprié en 1969, c'était à certaines fins et on se rend compte qu'elles étaient exagérées. Il faut rétrocéder des terres. Il ne faudrait pas faire de spéculation pour essayer de faire un coup d'argent à l'occasion et se servir de la plus-value que les terres ont acquise pour compenser les erreurs d'investissements qui ont occasionné des pertes de fonds. Autrement, ce sont les victimes qui devront payer les dommages si on essaie de faire le plus d'argent possible avec la revente des terres.

Là-dessus, on n'a pas tous les pouvoirs qu'on peut imaginer. Même que le maire disait hier: Je ne peux pas faire telle chose parce que j'ai mes pouvoirs en vertu de la Loi municipale, qui est une loi du gouvernement du Québec, et je ne peux pas faire tel et tel geste contre la reine parce que je ne pourrais pas aller devant les tribunaux, je n'ai pas de cause.

C'est un peu la même chose au gouvernement du Québec dans un certain nombre de cas. D'une façon certaine, on ne peut pas agir dans certains cas parce que, si le fédéral dit non, c'est terminé, on ne pourra pas aller plus loin dans certain cas. C'est pour ça qu'on n'a pas à ce sujet toute la marge de manoeuvre qu'on peut penser.

Souvent, les gens me demandent au Québec: Ça n'a pas de bon sens, il y a des produits importés qui entrent. Comme ministre de l'Agriculture, pourquoi est-ce que vous n'arrêtez pas ça? Je dis: Je ne le peux pas, je n'ai pas le pouvoir de faire ça. Beaucoup de gens ne me croient pas et disent: C'est parce qu'il ne veut pas. Je n'ai aucun pouvoir et le gouvernement du Québec n'a aucun pouvoir par rapport aux importations. La même chose s'applique vis-à-vis de certains agissements. Parfois, pour gagner ces causes, il faut démontrer qu'il y a eu mauvaise foi. Ce n'est pas toujours facile de démontrer la mauvaise foi. Il n'y a rien de plus difficile à démontrer que la mauvaise foi de quelqu'un.

En principe, pour qu'il n'y ait pas de spéculation à cette occasion-là et qu'un groupe ne soit pas favorisé au détriment d'un autre, je pense que la meilleure façon, c'est que ces actes-là soient faits le plus publiquement possible, avec l'implication de gens représentatifs et de la ville de Mirabel. Ce serait peut-être la meilleure garantie qu'il n'y aura pas de gens qui profiteront d'une situation pour s'enrichir au détriment d'autres qui ont été les victimes.

Votre quatrième point: "faire en sorte que la vie communautaire et sociale soit viable à long terme sur ce territoire." Je pense que c'est ce qu'on peut souhaiter de mieux, c'est-à-dire que la vie communautaire et sociale reprenne le plus rapidement possible, c'est-à-dire qu'elle soit celle d'une communauté normale. (21 h 15)

C'est un peu pour ça que j'ai mentionné qu'on avait lancé au printemps des travaux de réfection de cours d'eau pour près de 1 000 000 $ sur le territoire de Mirabel, travaux qui sont en cours actuellement. Mon ministère pensait que c'était la meilleure façon d'indiquer que le gouvernement du Québec voulait vraiment s'impliquer dans une relance. Cela a été demandé par la municipalité, par le fédéral et par d'autres. Le faire immédiatement, ce serait peut-être indicatif pour les gens et aussi pour le gouvernement fédéral qu'on est véritablement, au-delà des mots, intéressé à ce qu'il y ait une relance et à ce qu'une vie normale se fasse sur le territoire.

Je ne voudrais pas être plus long, il y a peut-être d'autres membres de la commission qui aimeraient discuter avec vous, monseigneur. Je voudrais vous remercier encore une fois d'être venu et d'avoir créé ce précédent. J'espère qu'il y aura des récidives. Je vous remercie.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Monseigneur, ça nous a fait bien plaisir de vous entendre. Je m'aperçois que la ligne de conduite que vous avez proposée dans votre intervention ce soir est dans la même ligne que celle que vous aviez proposée quand vous êtes allé rencontrer la Société immobilière du Canada il y a un an. Quand il y a de la stabilité, c'est toujours bon.

Il y a une chose que je voudrais signaler, au début. On ne veut pas faire de partisanerie. Vous étiez loin, mais cela s'est assez bien passé depuis deux jours. Parfois, on est un peu fatigué, vers la fin, il y a des petits écarts qui se produisent. J'entendais, sur votre premier point, le ministre y aller libéralement en matière d'ouverture à la participation locale. Je voudrais simplement signaler à nos concitoyens d'Argenteuil qui sont ici que c'est toujours facile pour un gouvernement ou pour un homme politique de dire: On va vous en donner, de la participation, surtout quand c'est un autre qui est responsable. Quand ce sont eux qui sont en cause, ils trouvent toujours cela plus difficile.

Le gouvernement actuel doit faire preuve de réserve de ce côté-là. On n'a qu'à regarder comment il a respecté ses conventions avec ses propres travailleurs syndiqués pour lui rappeler que c'est peut-être mieux de ne pas prendre d'engagement en blanc, mais d'y aller sérieusement et de manière réaliste. J'ai discuté assez souvent avec nos amis qui sont ici et je vais continuer de le faire. Je pense qu'ils me donneront le crédit de n'avoir jamais essayé de faire naître des attentes irréelles chez eux. J'essaie toujours de leur dire: Je ne peux pas vous promettre ceci et, s'il y en a qui vous le promettent, vous êtes mieux de faire attention.

Il ne faudrait pas laisser créer l'impression qu'on va pouvoir avoir un régime comme la négociation collective. La négociation collective se fait en vertu d'une loi qui s'appelle la Loi sur les relations du travail et qui crée des obligations précises pour l'employeur quand ses travailleurs se sont réunis dans un syndicat. Il va y avoir ici un élément de bonne foi très important. Je comprends que le gouvernement pourrait toujours, à la rigueur, adopter une loi spéciale pour ce cas-ci, mais le genre de problème qui est à régler ne se prêtera pas exactement à la même mécanique qu'on peut trouver dans le domaine des relations du travail. Je pense qu'il y a de l'invention à faire de ce côté-là. Certaines décisions devront rester du côté de l'autorité publique: fédérale parce que c'est elle qui est immédiatement impliquée dans des choix à faire, provinciale dans certains domaines et municipale, évidemment, aussi. Je crois qu'il y a un effort de recherche à faire ensemble de ce côté-ci.

Tout en souscrivant au principe que vous énoncez, je me borne simplement à prévenir nos visiteurs, qui ont été admirablement assidus au travail de la commission depuis deux jours, qu'il y a un travail de recherche à faire et qu'il faut éviter de faire naître des attentes qui vont faire qu'on va se retrouver un bon soir en se disant: On a été encore trompé là-dedans, cela ne s'est pas réalisé. Il y a une limite jusqu'où on peut aller, il faut la pousser le plus loin possible. Elle n'est pas définie avec une précision spéciale dans votre texte - je pense que ce n'était pas votre objet ce soir - et ce n'est pas facile à trouver. Vous avez dit: On va vérifier. C'est très bien, mais quand il s'agit de définir l'objet et la portée de la négociation, c'est plus difficile. Vous pourrez nous donner vos commentaires là-dessus tantôt, si vous le voulez.

Je regarde les choses qui se dessinent. Le député de Prévost est ici et je pense que cela va l'intéresser spécialement. On ne l'a pas entendu parler bien fort sur certaines propositions récentes. Il y a un problème qui se pose et il faut le voir en face. Sur la vocation agricole du territoire, je pense qu'un accord très large s'est dégagé des interventions des deux jours, autant du côté du gouvernement que du côté de l'Opposition et des intervenants qui sont venus nous rencontrer, sur la priorité manifeste, impérieuse, du caractère agricole, de la vocation du territoire périphérique. Je peux vous assurer que, de notre côté, tout ce que nous pourrons faire pour appuyer ou inspirer les initiatives du gouvernement, nous le ferons avec la conviction que nous servons les intérêts non seulement de Mirabel, mais

de tout le Québec en agissant ainsi.

Quant à la spéculation foncière, j'avais remarqué ce que vous aviez dit à la Société immobilière du Canada, mais vous êtes assez concis là-dessus. On a un cas intéressant qui s'est présenté et, si vous vouliez le commenter, ça m'intéresserait. J'ai entendu, à bien des reprises, des gens dire que la Société immobilière du Canada, en vendant le territoire qui est situé tout près de Lachute sur la 148 à la Great Lakes Carbon, a fait de la spéculation. Je vous dirai franchement que s'ils l'avaient vendu moins cher, ils auraient fait un cadeau à une multinationale. Je ne sais pas si vous pensez que j'erre ou que j'exagère, mais je trouve qu'il y avait plusieurs principes ou priorités à respecter en même temps et il va y avoir d'autres cas qui vont se présenter. Je ne sais pas comment vous voyez l'application de cet objectif-ci qui, en soi, est noble, mais je pense que, dès qu'on va entrer dans les opérations concrètes - je vais finir tantôt par une question là-dessus - il ne sera pas possible d'avoir des gestes qui ne favoriseront aucun individu, aucun groupe, aucun secteur.

Le ministre vous a posé une question tantôt à propos des anciens propriétaires, les occupants actuels, lesquels doivent passer en avant, etc. C'est évident que, si on choisit la formule de la SIC ou la formule que met de l'avant le CIAC, il y en a qui ne seront pas contents. Avec la formule du CIAC, il y en a qui vont dire: Nous travaillons cette terre depuis tant de temps et on la donne à un gars qui n'a rien eu à y faire depuis plusieurs années. Si vous prenez l'autre formule, il y en a qui vont dire: On frustre des gens qui étaient des propriétaires de ça qui ont été dépossédés de manière injustifiée. En tout cas, c'est un problème qui se pose. Il n'est pas tranché. Quant à moi, je suis en présence de deux orientations différentes. Je m'interroge là-dessus. Peut-être qu'il y aurait des travaux plus poussés qui peuvent être faits, mais il m'intéresserait d'entendre vos commentaires à ce sujet.

Quant à la vie communautaire et sociale, on en a parlé beaucoup. Je voudrais vous dire que j'ai beaucoup insisté, dès la première intervention que j'ai faite à la commission, hier - je vous fais remettre une copie du texte pendant que vous êtes avec nous - sur la nécessité de mettre fin au régime de tutelle qui a existé depuis plusieurs années à Mirabel. Quand vous signalez que c'est là la racine du mal, que c'est le point qu'il faut attaquer d'abord, je veux vous dire que je suis profondément d'accord avec vous et prêt à appuyer, encore une fois, toute mesure, toute action qui sera prise dans cette direction.

En conclusion, je me permettrais peut-être de vous poser une question. Depuis qu'on discute ces choses, depuis quelques mois, le gouvernement fédéral a annoncé un programme de rétrocession qui comporte la revente d'un certain nombre de terres - à peu près 150 - situées dans diverses parties du territoire, mais surtout dans Saint-Hermas; deuxièmement, un programme qui comporte la revente de toutes les résidences situées dans le territoire périphérique suivant certains critères. Dans le cas des résidences, la politique annoncée par M. Fox, en mai dernier, disait qu'on vendrait toutes les résidences, en tenant compte de certains problèmes humains qui pourraient se présenter ici et là, par exemple, des personnes âgées qui ne pourraient pas déménager facilement, selon ce que j'ai cru comprendre. Mais, le troisième élément, c'est la vente d'un certain nombre de commerces, je pense que c'est une cinquantaine de propriétés commerciales qu'on veut mettre en vente également. Je ne sais pas si vous avez pu examiner ce projet attentivement. Si vous avez formulé un jugement là-dessus ou si vous avez des opinions à nous communiquer, je pense que cela pourrait être intéressant.

Mgr Valois: Dans votre exposé, vous avez fait allusion - je vais prendre des points - à la GLC, la Great Lakes Carbon, à la question de la revente, à qui doit-on revendre aux deux positions qui se présentent à la vie communautaire et au régime de tutelle, au programme de rétrocession, de revente de résidences et de commerces selon certains critères. La GLC ou la question de revente ou de rétrocession, ce sont des points techniques. J'ai beaucoup d'hésitation à m'embarquer là-dedans étant donné mon peu de compétence dans ces aspects techniques. Du côté de la GLC, lorsqu'ils ont acheté le terrain dans la région de Lachute, le gouvernement a-t-il fait de la surenchère en vendant le terrain? Il y a des choses qui sont liées à cela. Il y a les subventions que le gouvernement fédéral donne à une compagnie de ce genre pour s'installer dans un coin où le chômage est très poussé. En retour, on vend le terrain à 100 cents dans la piastre ou plus cher, je ne sais pas trop. Est-ce de la spéculation ou pas? C'est technique. Il y a tellement d'aspects différents qui interviennent là-dedans. Je vous dis ma réaction face à cela.

Quant à la question de revente, vous avez fait allusion à deux positions, celle de la Société immobilière du Canada et celle du CIAC. La Société immobilière du Canada, à mon avis, a une faiblesse. Elle revend automatiquement à l'occupant actuel, tandis que la position du CIAC me semble être plus souple et se rappocher un peu plus de la justice, parce que le CIAC dit: II faudrait vendre ou rétrocéder à l'ancien occupant, mais, si cet ancien occupant veut se prévaloir de son droit de rachat, il faudrait

qu'il dédommage celui qui a entretenu la terre durant cinq, huit ou dix ans et qui a permis à cette terre de garder sa pleine valeur. Il y a, dans la position du CIAC un élément qui veut apporter une plus grande justice à tout le monde. C'est ma réaction, regardant cela de l'extérieur.

Quant au troisième point, vous dites que vous voulez mettre fin au régime de tutelle pour favoriser une meilleure vie communautaire et, sous cet aspect, je suis entièrement avec vous, parce que j'ai connu des vies communautaires florissantes dans ce coin et elles sont tombées. Ce n'est pas avec des moyens artificiels, une foire ou une espèce de bazar western qu'on va recréer un esprit communautaire. Il faudrait voir la vie communautaire d'un village comme Saint-Benoît, qui n'a presque pas été touché. Cela veut dire quelque chose à Saint-Benoît, la vie communautaire. Quand le Club Optimiste de la place organise le festival du blé d'Inde, c'est de la vie communautaire, ce sont les gens de la place qui prennent cela en main. Ce ne sont pas des chevaux de l'Ouest avec des pseudo-cowboys qui viennent animer l'affaire. La vie communautaire, je me dis que c'est de remettre aux gens la possibilité de faire leur propre vie.

Quant au programme de rétrocession annoncé par le gouvernement, il y a beaucoup d'incertitude actuellement face à la revente des terres. Le prix, par exemple. Je pense que je vous ai déjà raconté l'expérience que j'avais eue dans un coin du diocèse où j'étais devant des gens qui étaient situés, justement, dans ce territoire qui devait être rétrocédé. Je demande à une femme: Allez-vous racheter la terre? La femme regarde autour d'elle. Il y avait des gens autour et elle n'a pas parlé. Quelques minutes après, elle me rejoint dans un coin avec son mari et elle me dit: Monseigneur, vous ne savez pas combien on désire racheter notre terre, mais on ne peut pas le dire devant le monde, parce que, si on le dit, le prix va monter. C'était une réaction d'une bonne famille de cultivateurs qui a les deux pieds à terre et qui se disait: Comment va-t-on la payer cette terre-là? (21 h 30)

Dans le coin, ils me le disent: On veut la racheter, mais, vous savez, on nous l'a payée tel prix et s'il faut, comme ils disent, suivre le marché, ce serait inaccessible. Mettez une terre qui a été payée 75 000 $ - j'ai vu des factures de 75 000 $ - en 1969; aujourd'hui, une terre comme celle-là, au prix du marché, pourrait peut-être valoir 400 000 $ ou 500 000 $, si elle a été bien entretenue, bien irriguée. Alors, si on part avec le prix du marché, le gars qui a reçu 75 000 $, est-ce qu'il a 400 000 $ à donner pour cette terre aujourd'hui? Je pense qu'il faut avoir les deux pieds à terre et que les prix qu'on va demander pour les terres puissent rejoindre la bourse des gens qui sont là.

Pour la question des résidences et des commerces, c'est la même chose. On a payé une petite maison 25 000 $; aujourd'hui, peut-être qu'on va en demander 50 000 $. Est-ce que les gens qui ont reçu 25 000 $ il y a onze ans ont placé l'argent nécessairement en prévision de racheter la maison aujourd'hui? Il y a des maisons qui ont été réparées. J'ai des amis qui avaient une petite maison et la société immobilière s'est mise en frais de la réparer; il était nécessaire qu'on refasse le solage. On n'a pas refait le solage, mais on a changé les fenêtres et on a posé de l'aluminium tout le tour. Le solage n'est pas fait encore. Alors, les gens qui habitent cette maison disent: Est-ce qu'on va racheter notre maison? Il faut en refaire le solage, si je veux la garder. La première réparation qu'il aurait fallu faire, c'est le solage, avant de mettre un "contre-plaqué" d'aluminium tout le tour. Je vous donne ça comme exemple, et c'est un fait, ce sont des amis que je rencontre souvent. Ce sont des choses comme ça qui se sont produites. Alors, quand on vient pour fixer les prix - je reprends une expression que j'ai déjà dite - il faudrait que le crayon qui va servir à calculer le prix de la revente ne soit pas plus pesant que le crayon qui a servi à calculer le prix de l'achat.

Est-ce que ça répond un peu à toutes les questions que vous m'avez posées?

M. Ryan: II y a peut-être seulement un point sur lequel vous n'avez pas fait de commentaire. C'est le premier que j'avais souligné. Comment refaire la jonction avec les gens concernés? Comment les impliquer dans le dossier sans faire naître des attentes que les autorités ne pourraient pas satisfaire en fin de compte? Parce que, même si on admet le principe de la négociation - que moi-même je préconise - s'il n'y a pas d'accord, il va falloir qu'une décision se prenne. Qui va la prendre et comment? Dans quelles conditions?

Mgr Valois: C'est un problème important. Comment faire la jonction avec les gens? Parce que je suis un peu inquiet; devant la revente, je me dis: Le cultivateur qui est tout seul dans son coin et qui va être appelé à négocier avec une société comme la Société immobilière du Canada va être mal placé. Il faudrait que ce cultivateur soit appuyé par des gens, soit aidé, pour qu'il soit sur un pied d'égalité avec la société immobilière. Vous savez qu'il y a déjà un bureau d'évaluateurs qui a été engagé par la société immobilière pour évaluer les terres. Le petit cultivateur n'en a pas de bureau d'évaluateurs; il va falloir que quelqu'un l'aide dans ce sens, il va falloir qu'ils se mettent ensemble. Sous cet

angle, il va falloir que la société immobilière ne boude pas l'organisme qui va se présenter au nom des cultivateurs et ne cherche pas à lui faire des tracas de multiples façons. Parce qu'il y a des organismes qui vont représenter les cultivateurs, mais, si la société immobilière refuse de négocier avec cette association, cela va être très difficile. Comment faire la jonction? Eh bien, c'est en respectant les groupes qui vont représenter ces cultivateurs.

M. Ryan: De même que les autres éléments intéressés.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le député de Groulx.

M. Fallu: Comme cela fait plusieurs fois que j'entends la même remarque, spontanément, je ne peux plus éviter de réagir. Chaque fois qu'il s'agit de la GLC, la Great Lakes Carbon, on se demande toujours si c'est un juste prix. Moi, je refuse de voir ce problème sous cet angle. Je me dis que la Great Lakes Carbon, c'est d'abord et avant tout le premier aveu d'avoir trop exproprié et c'est également un détournement de fonds envers les anciens expropriés.

Monseigneur, je suis heureux de vous saluer et je suis heureux de voir la participation d'une des principales composantes de la société parmi nous. Vous êtes le premier, avec la municipalité, à venir nous faire percevoir qu'au-delà de la possession des biens, qu'au-delà de la possession d'un maison, d'un commerce, d'un terrain, qu'au-delà de l'occupation quotidienne pour gagner sa vie, il y a un encadrement, que ce soit celui de la paroisse, de la commission scolaire, de l'école, de la municipalité. Il y a toute une série d'outils qu'une population se donne: c'est la coopérative, c'est la meunerie, c'est le restaurant du coin, c'est ce qu'on appelle la paroisse ou la municipalité. Vous venez précisément, ce soir, nous dire, dans une commission portant sur l'agriculture, qu'un des éléments de la vie, de la survie de l'agriculture, c'est aussi l'encadrement communautaire et l'encadrement social. Vous êtes le premier à venir nous le dire avec autant d'intensité en si peu de mots.

Toutefois, cela pose, je dirais, presque un problème moral à tout gouvernement parce que si, d'une part il y a eu ce démembrement de la communauté par l'expropriation et la démolition, il y a eu aussi un autre type de démembrement qui a été fait par l'Assemblée nationale du Québec, cette espèce de fusion, de défusion et de déchirement de toute une série de communautés à l'occasion de ce grand remue-ménage causé par cette mise en tutelle. Je pense que le gouvernement du

Québec a aussi été responsable d'une partie de la disparition de ces outils de vie normale. Il s'agit, évidemment après coup, d'évaluer si l'impact maintenant est plus positif que négatif. Je pense pas que ce soit à vous d'apporter une réponse à une question qu'on se pose maintenant aux Affaires municipales sur l'organisation de la vie à Mirabel, que ce soit la vie municipale des anciennes paroisses, comme les gens l'ont toujours dit, c'est-à-dire des anciennes municipalités, ou encore l'organisation de la vie régionale dans une MRC. Vous venez nous poser le problème et il est, à mon avis, intimement lié à la vie agricole, en termes de représentation, en termes de demandes d'irrigation, en termes de surveillance des fossés verbalisés, en termes de surveillance des fossés de ligne, en termes de surveillance des mauvaises herbes, toutes les responsabilités municipales auxquelles on peut ajouter la représentation des producteurs agricoles à un conseil qui est lui-même formé majoritairement de représentants agricoles.

Pour le moment, personnellement, je n'ai que des questions. Vous êtes venu ce soir amplifier, je dirais, cette problématique de l'organisation du territoire. Je voudrais vous remercier de votre témoignage. Je n'ose pas vous retourner la question, parce qu'elle devient technique et je pense que vous nous avez déjà répondu en partie, car, dans la toute première partie de votre mémoire, vous nous dites: S'il y a quelque chose à faire, il faut le faire en consultation avec les gens et dans le respect de leur volonté. Je vous en remercie.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Monseigneur, si c'est un précédent, si c'est difficile pour un honorable ministre, si c'est difficile pour le sage député d'Argenteuil, c'est encore plus difficile pour un jeune député d'une région rurale de s'adresser à vous dans ce cadre d'une commission parlementaire qui, depuis deux jours, est chargée d'éléments humains, d'humanisme, finalement, à bloc. C'est peut-être la commission parlementaire, depuis que je suis à l'Assemblée nationale, qui revêt le plus de ces éléments.

Mais il demeure quand même qu'il y a des grands principes et qu'il y a des grandes valeurs morales que vous avez soulignés dans votre mémoire et sur lesquels je voudrais revenir brièvement, si vous me le permettez. Lorsque vous avez parlé du droit de propriété, dans votre mémoire, et que vous avez parlé de l'intervention du gouvernement du Québec, je vais vous avouer que j'ai été un peu inquiet. Si j'ai été un peu inquiet, c'est que j'avais, dans les coupures de presse que j'avais préparées pour cette commission,

retracé deux coupures de 1979. Dans la Presse, on disait: "Mirabel: Québec veut rapatrier les terres expropriées en trop". Je cite le journaliste, Jean-Paul Charbonneau: "Le gouvernement québécois demanderait le transfert, à sa future banque de terres du Québec de quelque 76 000 acres de terre agricole expropriées en trop, il y a maintenant dix ans, par Ottawa en vue de la construction de l'aéroport de Mirabel. La banque de terres que le Québec créera sous peu - elle a été créée depuis ce temps-là -aura le mandat de louer par baux emphytéotiques les terres agricoles aux producteurs intéressés. Comme solution temporaire, le gouvernement demande au fédéral de donner aux résidents de Mirabel la possibilité de détenir dès maintenant de tels baux comme condition préalable à l'application des programmes d'aide relevant de son autorité." En conclusion, il dit: "Le ministre a expliqué que ces baux à long terme donnent aux locataires un droit de quasi-propriété avec la possibilité de contracter des hypothèques en regard du bien loué, d'effectuer des améliorations sur ce lieu et de pouvoir être dédommagé pour ces investissements lorsqu'ils cessent d'être locataires."

J'ai cru percevoir, dans une des réponses que vous avez données, une mise en garde au gouvernement du Québec de ne pas faire ce qu'Ottawa a fait, finalement, de ne pas être gérant des terres. Là-dessus, je vous rejoins. Cela éclaire le petit doute que j'avais à la lecture du mémoire. Je vous remercie de cette intervention.

M. Garon: M. le Président.

M. Paradis: M. le Président, est-ce que j'ai la parole?

Le Président (M. Rochefort): Est-ce qu'il y a consentement?

M. Paradis: Oui, il y a consentement.

M. Garon: C'est simplement pour rétablir les faits. Les gens qui sont ici dans la salle sauront qu'à ce moment-là c'était la pensée du temps et c'est après les avoir consultés qu'on a parlé de baux emphytéotiques. Des démarches ont été faites auprès du gouvernement fédéral pour des baux emphytéotiques, parce que le gouvernement fédéral ne voulait rien savoir de laisser aller la propriété. Alors, c'est après avoir consulté des gens de Mirabel qu'on en était venu à un accord pour dire: Ce qui conviendrait le mieux dans les circonstances, ce serait un bail emphytéotique. C'est pour cela qu'on a revendiqué un bail emphytéotique. Mais je suis content, vous nous donnez la preuve que j'intervenais.

(21 h 45)

M. Paradis: Mais, pour reprendre un peu les sens de vos propos, monseigneur, un bail emphytéotique avec Québec ou un bail emphytéotique avec Ottawa, c'est un bail emphytéotique, cela ne donne pas la propriété à l'agriculteur occupant.

Maintenant, le deuxième point, c'est celui où vous traitez de spéculation. Vous dites: "Éviter la spéculation foncière. Le respect de la vocation agricole du territoire de Mirabel implique que soit évitée toute spéculation foncière sur ce territoire, que ce soit au niveau public ou privé. Dans le mémoire adressé à la Société immobilière du Canada en septembre 1981, j'ai parlé de cette question. Je ne veux pas la reprendre en longueur".

Je suis retourné au mémoire que vous aviez adressé ou présenté à la Société immobilière du Canada, étant donné que vous ne vouliez pas la reprendre en longueur. Vous dites ce qui suit: "Le phénomène de la spéculation foncière n'est pas facile à circonscrire. Ces dernières années, la Commission sociale de l'épiscopat français s'est penchée sur cette question". Là, vous avez une citation que vous me ferez grâce de lire; vous vous en souvenez certainement. Ce n'était pas encore, dans mon esprit, complètement clair. Je suis donc retourné au texte intégral où vous aviez pris la citation. Le texte s'intitule - vous vous en souvenez certainement - La spéculation foncière en milieu urbain. Ce qui m'a inquiété, est dans l'avant-dernier paragraphe où on peut lire ce qui suit: "La pression des besoins fonciers peut conduire à une crise de l'urbanisme qui impose une solution mettant en cause la conception courante du droit de propriété individuelle des sols urbains. Elle sera alors mal accueillie et donc difficilement applicable sans drames psychologiques et sociaux. L'idée d'une maîtrise accrue, voire générale, des sols par les collectivités locales fait pourtant son chemin au niveau des administrations ou des professions. Mais les mentalités individuelles restent plus que jamais attachées au goût de la propriété et sont même de plus en plus tentées par la spéculation. Sans se placer au niveau des modalités, il apparaît difficile de ne pas souhaiter cette maîtrise accrue des sols par les collectivités locales". La conclusion de cet article se lit comme suit: "Dès lors, si l'on veut tenir compte des besoins des familles et des collectivités locales, se référer à la conception biblique de la destination universelle des biens, il est nécessaire de travailler à une transformation des mentalités par rapport à la propriété et de trouver les modalités qui assureront une maîtrise sociale plus efficace des sols". C'est sur cette conclusion que j'ai accroché et je me demandais si vous faisiez vôtre strictement le passage cité, mais non les

conclusions que je retrouve.

Mgr Valois: Le problème de la spéculation foncière est un problème très vaste. Quand nous avons composé l'intervention pour la Société immobilière du Canada ... Je dis "nous", parce que j'avais invité à participer à ce travail une équipe dans laquelle il y avait des laïques, il y avait le curé de Sainte-Scholastique, un curé de Lachute, parce que le problème de Great Lakes était en cause, et un père jésuite, le Père Desrochers, qui est un chercheur et un théologien. C'est lui qui a fait des recherches du côté de l'expropriation et c'est lui qui nous a apporté ce document français qui portait sur...

M. Paradis: La spéculation.

Mgr Valois: ... la spéculation urbaine. Il nous avait apporté aussi un deuxième document qui portait sur la spéculation en milieu agricole. Ce deuxième document de l'épiscopat français avait été préparé par des membres de l'Action catholique en milieu agricole, conjointement avec des économistes. Nous avons étudié ces deux documents et nous avons retenu des grandes lignes de réflexion. Nous pouvons difficilement dire où commence la spéculation et où se termine la spéculation. Ce que nous voulions faire, c'était rappeler, au fond, au gouvernement de faire attention pour éviter la spéculation lui-même et de faire attention aussi à ne pas vendre les terres à des gens qui auraient spéculé sur elles après. Vous avez des gens qui peuvent se mettre à spéculer sur les terres. Ils achètent une terre à un très bas prix et, deux ou trois jours après, ils la revendent. Alors, c'est ce que nous voulions faire. Ce n'est pas facile d'éviter la spéculation, ce n'est pas facile pour un gouvernement de voir à ce qu'il n'y en ait pas, mais le gouvernement, selon nous, devait le plus possible trouver les moyens d'éviter la spéculation.

M. Paradis: Parce que même - et mon interrogation vient de là - au niveau de la ferme familiale - et c'est un peu un des éléments du présent dossier - le producteur agricole, propriétaire de sa ferme en 1969 dans une autre région du Québec, qui avait cette ferme de 75 000 $ que vous mentionniez tantôt, possède aujourd'hui une ferme - et j'utilise les mêmes chiffres que vous avez utilisés - de 450 000 $. Ce n'est pas un achat pour une vente. Son but premier n'est pas la spéculation sur cette terre, mais, comme plusieurs agriculteurs sont venus en témoigner, c'est leur fonds de retraite, c'est leur coussin de sécurité, c'est 50% de leur revenu. Ils se contentent de moins pour vivre que l'ouvrier de manufacture. Mais ils comptent quand même sur cet élément. Si on assimile cela à de la spéculation et qu'on est contre tout genre de spéculation, comme législateur, je me pose une grosse question.

Mgr Valois: Vous savez, ce n'est pas facile, le problème de la spéculation. On a travaillé de longues soirées là-dessus. Il reste qu'il y a un esprit qu'on doit essayer de sauvegarder là-dedans, un esprit qui va guider les gens qui sont appelés à revendre ces terres, un esprit qui va les amener à éviter une surenchère qui s'approcherait de la spéculation.

M. Paradis: On peut dire que le sens de votre intervention, que votre vue de la question sur le plan moral, c'est que le gouvernement fédéral ou la société fédérale, dans ce dossier, ne devrait d'aucune façon être un spéculateur.

Mgr Valois: Oui, c'est ça, sûrement.

M. Paradis: Le troisième point, et cela touche les petites communautés dont a parlé le député de Terrebonne...

M. Fallu: De Groulx.

M. Paradis: De Groulx, excusez-moi, M. Blais n'aimerait pas ça, cela touche nos communautés locales et ça touche peut-être aussi l'action prise par le gouvernement provincial à l'époque de réunir dans une même municipalité toutes ces petites paroisses-là. Maintenant, le problème se pose et s'est posé ce matin; le ministre des Affaires municipales était présent, le maire de la ville de Mirabel y était également. Est-ce que vous seriez d'avis qu'on devrait, au niveau de l'entité municipale, recréer les entités municipales qui existaient à l'époque, qui ont continué d'exister d'une manière très forte dans certains villages et plus affaiblie dans d'autres? Seriez-vous d'avis qu'on devrait retourner vers ces municipalités, vers ces communautés d'appartenance locale?

Mgr Valois: Je n'ai pas de réponse à ça. Je ne sais pas. Il y avait des avantages anciennement. C'était la vie de village, au fond. Maintenant, la vie s'est modernisée. Dans une municipalité comme Mirabel, on a construit une aréna, et on dit qu'on va en construire une deuxième. Chaque petit village n'aurait pas pu avoir son aréna. Il y a des avantages à ce que ce soit centralisé et il y a des désavantages aussi, parce que les gens perdent l'esprit de leur petit village. Je ne sais pas. Il y a des quartiers forts comme Saint-Benoît. Saint-Benoît fait partie de cette municipalité, c'est un quartier fort et c'est resté Saint-Benoît. Les gens y ont encore leur vie de village. Mais je n'ai pas de réponse à ça. Je sais qu'on entend dire

que Mirabel pourrait être divisée en MRC et que certaines parties de Mirabel s'en iraient dans une MRC et d'autres dans une autre. Il n'y a rien de décidé, j'imagine. On entend parler de ça.

M. Paradis: Mais on en profite pour sonder les coeurs et les reins sur ce point pendant qu'on est en commission parlementaire. Maintenant, comme dernière question - je l'ai posée hier, je pense à un agriculteur moyen - au niveau de la rétrocession des terres, il y a des cultivateurs qui étaient propriétaires d'une certaine partie de terrain au moment de l'expropriation. Aujourd'hui, ils ont agrandi -ils sont tous sous location - mais ils ont débordé leur propriété initiale pour aller, sous location, cultiver la terre voisine ou adjacente. Je tombe peut-être dans la mécanique et vous ne voulez peut-être pas vous y embarquer, mais, si vous pouvez nous apporter quelque lumière, ce serait apprécié. Est-ce que, sur la rétrocession, cette terre, dans sa totalité maintenant, devrait être rétrocédée à ce cultivateur à un prix uniforme?

Mgr Valois: II y a des implications dans ce que vous apportez. Vous savez, dans le territoire de Mirabel, en 1969, il y avait de 860 à 880 cultivateurs qui avaient chacun une terre familiale et, aujourd'hui, il y a 350 cultivateurs qui cultivent les 850 terres de ce temps. Est-ce que les 350 cultivateurs qui exploitent deux ou trois terres ont le droit de racheter les deux ou trois terres à un prix minimal? C'est peut-être dans ce sens que je disais tout à l'heure que le CIAC avait une proposition qui, parce qu'elle était nuancée, parce qu'elle faisait appel aux anciens propriétaires, mais en tenant compte du travail fait par les locataires, est peut-être une solution se rapprochant le plus d'une certaine justice.

Ce qui me fait peur là-dedans, c'est qu'il y a des gens qui se trouvent à s'approprier plusieurs terres auxquelles ils n'auraient peut-être pas droit directement.

M. Paradis: De la spéculation intellectuelle.

Mgr Valois: Oui. Je fais une spéculation intellectuelle, mais je m'interroge. Je n'ai pas de solution parce que, comme vous l'avez dit, c'est du domaine technique. Je laisse cela aux gens qui vont avoir à étudier tous ces aspects.

M. Paradis: Je vous remercie beaucoup de votre participation...

Mgr Valois: Très bien.

M. Paradis: ... à cette commission ainsi que pour les lumières que vous y avez apportées.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dupré: Permettez-moi de féliciter bien humblement Mgr Valois de son appui et de son soutien à la population. Maintenant, le ministre Garon disait tantôt, faisant allusion au fait que c'était une première: J'espère que vous allez récidiver. J'espère que, si jamais un autre évêque récidive, cela ne sera pas dans des circonstances semblables, après des gestes assez las et aussi bas.

Dans votre touchante, mais combien réaliste intervention, monseigneur, je lis avec vous la page 3: "Pourquoi a-t-il fallu exproprier 97 000 acres pour l'aéroport de Mirabel?" Je vous avouerai bien candidement que j'y ai ajouté: Pourquoi Seigneur?

Vous qui avez vécu intensément ce drame au coeur même de votre population tourmentée au cours des ans, avez-vous pu déceler ou avez-vous eu, à un certain moment, une raison de croire ou d'apercevoir une seule fois une seule raison qui justifiait ou qui aurait pu justifier un tel désastre?

Mgr Valois: J'ai rencontré des gens et j'ai demandé pourquoi on avait exproprié 97 000 acres. On m'a donné quelques versions. D'abord, on m'a donné la version suivante. Quand le gouvernement fédéral a annoncé qu'il installait un aéroport à Mirabel, on m'a dit que le gouvernement provincial du temps avait songé à adopter une loi pour protéger les gens qui étaient autour de l'aéroport et une loi qui aurait exigé du gouvernement fédéral que celui-ci dédommage les propriétaires des terres autour de l'aéroport pour le bruit et les autres inconvénients de l'aéroport et qu'il les dédommage progressivement, c'est-à-dire que les occupants des terres tout près de l'aéroport auraient reçu et, puis en s'en éloignant, rien au bout. On m'a dit que le gouvernement provincial avait, dans ce temps-là, l'idée de faire une telle loi, que le gouvernement fédéral ne voulait pas avoir à obéir à une loi du gouvernement provincial et qu'il avait exproprié 97 000 acres. C'est une opinion, je n'ai aucune preuve de cela, mais on m'a répondu cela; vous me posez la question, je vous dis ce qu'on m'a dit sur ce point. (22 heures)

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le député de Champlain.

M. Gagnon: Merci beaucoup. Moi aussi, je vous félicite et vous remercie pour votre mémoire. Je vous dis que, par-delà la commission parlementaire, certainement que cette discussion et les rencontres qu'on a

eues avec les gens de votre milieu vont se continuer, entre autres à l'intérieur du caucus agricole et certainement que votre mémoire va continuer de nous inspirer.

Lorsqu'on parle de spéculation et que j'entends certaines interventions, cela me fait un peu peur. J'ai peur qu'on prenne la tendance de vouloir pardonner, excuser ou comprendre les possibilités de spéculation. Vous avez dit que le crayon ne devrait pas être plus pesant pour faire le chiffre ou pour mettre le chiffre de revente qu'il ne l'a été pour mettre le chiffre d'achat; je suis entièrement d'accord avec vous. Entre autres, le député de Brome-Missisquoi mentionnait que dans le cas d'un producteur agricole qui aurait eu une ferme de 150 000 $, par exemple, 75 000 $ il y a dix ans, aujourd'hui, à la suite de ce que vous avez mentionné aussi, cette ferme pourrait valoir de 400 000 $ à 450 000 $; mais le producteur qui a été sur cette ferme et qui en était propriétaire, je pense, est justifié de la revendre éventuellement et ce n'est pas, à mon point de vue, de la spéculation puisque c'est son fonds de retraite et la plus-value, il l'a gagnée par son travail. Je trouverais complètement injuste dans le cas... Je m'excuse, laissez-moi continuer.

M. Paradis: Je m'excuse. Tantôt, lorsque j'ai fait...

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Brome-Missisquoi. Question de règlement.

M. Paradis: C'est pour rectifier...

Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Gagnon: Laissez-moi continuer, vous pourrez rectifier...

Le Président (M. Rochefort): S'il vous plaît! M. le député de Brome-Missisquoi, si vous soulevez une question de règlement, je voudrais seulement vous rappeler qu'en commission parlementaire, il n'y a pas de question de privilège et qu'une question de règlement n'est pas une façon déguisée de soulever une question de privilège.

M. Paradis: Je suis d'accord, M. le Président.

Le Président (M. Rochefort): Je voudrais donc vous entendre sur une question de règlement en m'indiquant quel article du règlement n'est pas respecté dans le fonctionnement de nos travaux.

M. Paradis: Je voulais strictement rappeler au député de Champlain qu'il a mal compris mes paroles tantôt. J'ai très clairement spécifié...

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Brome-Missisquoi, à l'ordre, s'il vous plaît!

M. Paradis: Si vous voulez m'inscrire, je parlerai tantôt.

Le Président (M. Rochefort): C'est cela, vous aurez l'occasion, à votre prochaine intervention, de faire les nuances, les précisions que vous voudrez apporter.

M. le député de Champlain, vous avez la parole, si vous voulez poursuivre.

M. Gagnon: Merci. Je serais très heureux que le député de Brome-Missisquoi puisse m'expliquer de nouveau ce qu'il a dit tantôt, parce que c'est justement pour cette raison que je prends la parole. Je me verrais très mal, comme cultivateur, sur une terre de Mirabel qui m'a été enlevée ou expropriée pour des raisons que je connaissais à peine; où j'ai continué de travailler et ai donné à cette ferme une plus-value, me faire dire aujourd'hui: On va te la revendre à, je ne sais pas moi, 80%, 85% ou 75% de sa valeur à ce jour. Je trouverais cela très grave. C'est pour cela que, lorsqu'on parle de spéculation, la plus-value d'une ferme dont on est propriétaire depuis toujours, c'est correct; mais, lorsque cette ferme nous a été enlevée ou qu'on l'a achetée sans qu'on veuille la vendre, qu'on reste locataire sur cette ferme et qu'au bout d'un certain nombre d'années, on veuille la rétrocéder, je crois qu'il est important de se servir, pour calculer le prix de revente, du même crayon dont on s'est servi pour calculer le prix de la première vente.

Il y a aussi le député d'Argenteuil qui semblait... Là aussi on pourra peut-être rectifier, j'ai peut-être aussi mal compris. Il a dit que si du territoire ou du terrain vendu à une compagnie au prix de 3500 $ l'acre -c'est cela? - avait été acheté, si mes informations sont bonnes, autour de 210 $ l'acre, si on l'avait vendu à meilleur prix à la compagnie, on lui aurait fait un cadeau. Il faut bien savoir que, s'il y a quelqu'un qui s'est fait un cadeau dans ce cas, cela n'a pas été le cultivateur. Celui qui a fait le cadeau, c'est le cultivateur qui s'est fait enlever le terrain. D'après moi, c'est de la spéculation.

C'étaient les renseignements que je voulais avoir, parce que les députés de Brome-Missisquoi et d'Argenteuil pourront s'expliquer. Pour ma part, il faudra être extrêmement vigilant. Vous avez bien fait de nous en avertir et de continuer de surveiller le dossier. Je pense qu'il y a une injustice tellement grande qui s'est commise sur ce territoire qu'on n'aurait le droit d'aucune façon, lorsqu'on le remettra, si possible, le

plus tôt et le plus complètement possible aux anciens propriétaires, de se trouver des raisons pour le leur remettre à un prix qui serait plus fort que celui qu'on a payé pour le leur enlever.

Là-dessus, je suis entièrement d'accord. On va continuer à surveiller ce dossier de cette façon. Merci.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: M. le Président, vous me permettrez de prendre Mgr Valois à témoin. Lorsque je l'ai questionné tout à l'heure sur la spéculation, je lui ai posé la question suivante, à partir d'un exemple que Mgr Valois avait donné d'un propriétaire actuel qui pourrait résider dans le territoire exproprié et dont la ferme valait, en 1969, 75 000 $ et vaudrait aujourd'hui sur le marché 450 000 $. Je lui ai expliqué à ce moment que le cultivateur qui fait cela dans une autre région - c'est son cas - et qui travaille sur sa ferme, cela fait partie de son revenu. On a même parlé de 50% de son revenu lors de dépositions d'agriculteurs devant cette commission. J'ai également ajouté à ce moment que cela était considéré par un producteur agricole comme une espèce de fonds de retraite, si on me permet l'expression. J'ai tout simplement demandé à Mgr Valois si, à partir des textes invoqués et des citations qui avaient été faites, il considérait a ce moment qu'il s'agissait là de spéculation. Mgr Valois m'a répondu là-dessus. Je ne sais pas si le député de Champlain surveillait le dossier Mirabel d'un oeil distrait, mais, s'il veut apporter des solutions concrètes au dossier de Mirabel et ne pas reprendre les débats de façon à les retarder, de façon à empêcher d'autres témoins d'être entendus, il aurait avantage à être plus éveillé en commission et à surveiller attentivement les propos qui y sont prononcés.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Boucher: Merci, M. le Président. Dans votre mémoire, monseigneur, à la page 6, où vous dites: II faut rendre à ces communautés locales une dignité qui leur a été arbitrairement enlevée. Cela m'a fait réfléchir. D'ailleurs, depuis deux jours, j'ai l'impression de revivre ce que, à une certaine époque, dans les années soixante, un autre gouvernement - et étant de la région du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie, vous me permettrez d'en faire mention - pour ne pas être partisan, très libéral lui aussi, nous avait imposé, c'est-à-dire une planification du genre plan d'aménagement qui s'est terminé, par un plan de déménagement, c'est-à-dire qu'on a commencé à vider des paroisses et à fermer des paroisses. Vous avez dû lire énormément sur cette période sombre de la Gaspésie et du Bas-Saint-Laurent, où on a, à un moment donné, justement mis un frein à cette vaste entreprise par des opérations dignité. Sûrement que vous en avez entendu parler par des collègues qui ont été les leaders de ces opérations dignité et qui étaient évidemment les curés de paroisse et qui ont mis un frein à cette vaste opération de déménagement.

Ne croyez-vous pas que, pour ce qui est de Mirabel - l'opération dignité, cela en a pris deux dans le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie, l'opération dignité 1 et l'opération dignité 2 - une bonne opération dignité du type de celles qui ont été faites dans le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie pourrait justement apporter une solution pour redonner à ces communautés la dignité de se reprendre en main et de reprendre leurs choses, comme vous le dites à la fin: II faut leur redonner le droit de gérer leur propre territoire? J'en prends à témoin les petites municipalités du comté de mon collègue du Témiscouata, du genre qu'on appelle aujourd'hui le JAL, Auclair, Lejeune et Saint-Juste-du-Lac. Ces gens-là étaient en difficulté dans leur municipalité et, par l'opération dignité, ils ont repris en main et ont bloqué cette hémorragie. Aujourd'hui, ce sont trois paroisses qui augmentent de population et où le taux de chômage est le plus bas, parce que les gens ont repris leurs affaires en main et ont exploité leurs ressources. Il y aurait peut-être aussi des exemples à trouver là pour la façon de rétrocéder les terres parce que la rétrocession des lots forestiers est en train de se faire dans le territoire du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie. Dans certaines paroisses, des terres ont été rachetées par le gouvernement et elles ont été rétrocédées aujourd'hui à des gens du milieu qui exploitent ces lots forestiers et qui en font profiter tout l'environnement sur le plan économique.

Mgr Valois: Vous avez raison en disant que l'opération dignité est importante et qu'il faut la faire. Maintenant, il y a une opération survie qui doit être faite dans le territoire de Mirabel. Je ne veux pas être méchant, mais je ne suis pas sûr que la Société immobilière du Canada ne tente pas par toutes sortes de moyens d'écoeurer les gens pour qu'ils s'en aillent.

C'est le seul écart que je n'aurais pas dû faire, mais, à un moment donné, il faut dire certaines choses.

M. Boucher: II va falloir prévoir, au lendemain de la reprise, si jamais elle arrive, un réaménagement puis une reprise en main de toutes les ressources du milieu pour le

développement futur des municipalités de Mirabel. Justement, sur la question de l'entité de chacune de ces paroisses, moi aussi, je me pose la question: Les gens vont-ils tenir à demeurer dans une seule entité qui va s'appeler Mirabel ou reprendront-ils les noms des paroisses comme les gens de la Gaspésie ont tenu à le faire?

Le Président (M. Rochefort): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: J'aurais seulement une brève remarque à faire avant de terminer. Il y a un élément qui me laisse un peu insatisfait dans cette conversation très intéressante qu'on a eue; c'est le problème de la frontière entre l'éthique et la technique. J'ai remarqué que, sur bien des points où on aurait aimé pousser la conversation plus loin, vous avez coupé court en disant: Mais cela, c'est une question technique. Je ne dis pas cela pour ce soir, mais pour la période qui s'en vient. Je vous le dis comme député du comté que recouvre en partie votre diocèse. Il me semble que ceux qui incarnent la dimension éthique doivent constater que, pour que la dimension éthique ait de la valeur, il Faut qu'elle soit présentée avec des données techniques également, sinon elle risque d'être coupée de la réalité. Vice versa, ceux qui sont placés dans la zone plus technique peuvent essayer de s'intéresser eux aussi à la dimension éthique, à la développer eux-mêmes, mais pas seulement faire venir un spécialiste, en disant: Là, on l'a entendu, on est correct maintenant, on va reprendre chacun notre affaire.

C'est le seul point que je voudrais signaler en terminant. Parce que je regarde les problèmes comme ceux dont on a parlé, je ne voudrais pas que certains députés, autant de notre côté comme de l'autre, s'imaginent que, parce qu'eux autres disent une affaire qui va être plus émotive, par exemple, cela témoigne d'une sensibilité Unique plus grande. Il y a des exemples sur esquels on ne peut pas revenir à ce moment-ci; on va avoir l'occasion d'y revenir, mais c'est seulement une considération qui me semblait s'imposer vers a fin de cet échange.

Mgr Valois: Je suis d'accord avec vous. Maintenant, il devient difficile d'entrer trop loin dans la technique. Il devient difficile pour un "éthicien", un moraliste ou un pasteur d'entrer dans le domaine technique. à un moment donné, on peut se faire dire: Vous ne connaissez pas cela, vous ne savez pas les implications. Mais c'est sûr qu'à ce moment-là il faudrait que je consulte et que je m'entoure de techniciens. M. le député de Brome-Missisquoi a fait allusion aux textes français, à ces textes, et sur la spéculation urbaine et sur la spéculation rurale, qui ont été faits par des équipes dans lesquelles il y avait des moralistes et aussi des spécialistes, des techniciens. C'est pour cela que les textes sont tellement nuancés qu'il devient difficile de les interpréter. Je suis de votre avis que, dans ces domaines, il faudrait que j'aie une équipe formée de personnes plus compétentes au point de vue technique. (22 h 15)

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le député de Rousseau.

M. Blouin: Mgr Valois, j'ai l'honneur d'habiter dans la région de Saint-Jérôme et d'y être député, c'est pour cela que j'ai été moins étonné que d'autres, qui ne sont pas habitués à vous côtoyer, de la qualité et de la profondeur de l'opinion que vous émettez dans le mémoire que vous nous présentez. Évidemment, vous soulevez dans votre mémoire des problèmes de fond, des problèmes qui touchent principalement la dignité humaine. Évidemment, sur le plan moral, qu'un individu perde sa dignité ou que des centaines d'individus la perdent, le problème est aussi grave, mais je pense qu'il est plus bouleversant, compte tenu du nombre de personnes qui sont en cause, dans le cas qui nous préoccupe. Je sais que ce sujet vous a préoccupé vous aussi, celui de l'importance de l'étendue de l'expropriation, parce que vous avez même contacté des gens de Dallas, aux États-Unis, pour essayer de savoir si, vraiment, lorsqu'on décidait de bâtir l'aéroport qui, au monde, nécessite la plus grande superficie, on était satisfait de cette superficie ou si on ne pouvait pas imaginer ce qu'il y avait de mieux ou ce qu'il y avait de pire et voir si on ne pouvait pas excéder des besoins de territoire qui sont au-delà de ceux de Dallas, qui sont à peu ceux de la zone qu'on appelle opérationnelle, mais où on fait presque de la science-fiction lorsqu'on appelle cela une zone opérationnelle.

Avec tous les contacts que vous avez eus, les réflexions que vous avez faites à ce sujet, au-delà de ce qu'on vous avait dit sur cette éventuelle loi québécoise dont on n'a pas entendu parler depuis le début, vous nous apprenez cette possibilité; je ne sais pas d'où vous tenez cela non plus, mais, en tout cas, puisqu'on vous a dit cela, je présume que quelqu'un y avait peut-être pensé un jour, enfin, il ne semble pas que cela ait connu une suite très articulée. Cette loi québécoise n'aurait pas pu avoir tellement d'effet, parce que la loi fédérale de l'aéronautique permet au gouvernement fédéral d'exercer des contrôles très sévères sur les territoires qui entourent les aéroports, de toute façon. Nous avons aussi questionné les spécialistes en aéronautique du ministère des Transports du Québec, qui n'ont pas été capables d'expliquer, sur le plan strictement technique, les motifs qui auraient pu inciter

le gouvernement fédéral à multiplier les problèmes de dignité que vous évoquez dans votre mémoire. Sans cette optique et d'après les réflexions et les contacts que vous avez eus, les discussions que vous avez tenues à ce sujet, est-ce qu'il vous est venu un éclairage auquel on n'aurait pas pensé et qui vous permette à vous d'entrevoir des hypothèses d'explication au sujet de l'immensité du territoire exproprié?

Mgr Valois: Quand le territoire a été exproprié, j'était professeur avec le député de Groulx au célèbre collège Lionel-Groulx. À ce moment, cela a été une bombe qui est tombée sur les gens de Sainte-Thérèse en haut, parce que Sainte-Thérèse en haut faisait partie de l'expropriation. Je me souviens de la réaction des gens de Sainte-Thérèse en haut, il y avait quelques professeurs qui demeuraient là, dont Elie. Ils disaient: Cela n'a pas de bon sens qu'on soit exproprié dans cette histoire-là. En dedans de quelques jours, Sainte-Thérèse en haut a été sortie de l'expropriation. À ce moment, on avait questionné un peu les gens. On disait: Comment se fait-il qu'ils ont exproprié Sainte-Thérèse en haut? On nous a dit - encore là, ce sont des sources plus ou moins officielles - que, pour que le secret soit bien gardé, le gouvernement fédéral avait fait appel à des géographes de l'Ouest canadien pour tracer les lignes de l'expropriation et que ceux-ci auraient travaillé sur des cartes de 1922. C'est ce qu'on nous avait dit dans le temps. De fait, en 1922, Sainte-Thérèse en haut, c'était la terre du séminaire. On a dit des choses comme cela, je n'ai aucune preuve encore que les géographes en question étaient vraiment de l'Ouest canadien. De fait, le secret avait été bien gardé.

Pourquoi a-t-on exproprié 97 000 acres de terres? Je pense qu'il y a eu une erreur; il faudrait reconnaître cette erreur. Aujourd'hui, je cherche une réponse. Je me demande régulièrement pourquoi le gouvernement fédéral ne veut pas se débarrasser de ces terres expropriées en trop? Pourquoi ne veut-il pas s'en débarrasser? C'est clair que c'est exproprié en trop. C'est clair. Vous savez l'histoire de Dallas: Fort Worth est le plus grand aéroport au monde, avec 17 000 acres de terre. C'est clair que c'est exproprié en trop. Pourquoi ne veut-il pas le remettre aux anciens propriétaires? Pourquoi ne veut-il pas? Ensuite, il diminuerait ses dépenses. Cela lui coûte cher administrer cela, le territoire exproprié en trop. En tout cas, je cherche une réponse et je ne suis pas capable de la trouver. Si vous êtes capables de me la donner, j'aimerais bien cela l'avoir.

M. Blouin: On va être obligé de continuer à chercher ensemble ou bien de finir, après les auditions de notre commission parlementaire, par tirer des conclusions parce qu'il semble qu'effectivement, personne ne soit capable de nous fournir d'explications, de quelque nature qu'elles soient, sur l'étendue de ce territoire exproprié. Quant à moi, je peux vous dire que, de plus en plus, j'ai le net sentiment que le témoignage et l'opinion, cet après-midi, de la Société nationale des Québécois des Laurentides commence à s'adapter assez précisément au territoire de Mirabel, c'est-à-dire que, purement et simplement, j'ai de plus en plus le sentiment que le gouvernement fédéral a voulu mettre un pied de plus au Québec, point final.

Le Président (M. Rochefort): Merci. Sur ce...

Mgr Valois: Vous me permettrez...

Le Président (M. Rochefort): Sûrement.

Mgr Valois: ... d'ajouter que mon intervention dans le dossier de Mirabel, ce n'est pas une intervention politique, ce n'est pas contre le gouvernement fédéral, ce n'est pas contre les libéraux fédéraux. Ce n'est pas dans ce sens. C'est vraiment une intervention pour défendre les intérêts des gens sur place. Si le gouvernement provincial, le gouvernement PQ entrait dans le dossier, s'il devenait propriétaire ou administrateur des terres expropriées en trop, je tiendrais le même langage.

M. Garon: C'est ce que j'avais compris.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Berthier.

M. Houde: M. le Président, tout d'abord, je voudrais vous féliciter, monseigneur. C'est magnifique ce que vous avez fait. Je voudrais seulement vous poser une question: Est-ce que vous seriez d'accord pour que le gouvernement provincial, le ministre en tête, s'implique directement dans le dossier actuel? Répondez oui ou non ou ne répondez pas, je ne vous en voudrai pas.

Mgr Valois: Je ne sais pas.

Le Président (M. Rochefort): Sur ce,

Mgr Valois, je tiens à vous remercier, au nom des membres de la commission, de vous être présenté devant nous, d'avoir collaboré avec nous. J'inviterais maintenant l'intervenant suivant, M. Euclide Proulx, à se présenter à la table.

Une voix: Bon voyage.

Le Président (M. Rochefort): Avant de vous accorder la parole, le député d'Argen-

teuil m'a demandé quelques minutes pour une intervention. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je voudrais m'excuser auprès de M. Proulx et du témoin suivant. Je suis obligé de partir. Je dois prendre l'avion pour Rome demain et j'ai une grosse journée avant de partir. Je dois aller à Rome pour la canonisation de Mère Marguerite Bourgeoys en tant que membre de la délégation du Québec et il faut absolument que je retourne à Montréal par l'autobus de 23 heures. J'espère que vous comprendrez, nous avons passé deux jours complets ensemble, il y a bien d'autres moments que nous allons devoir passer ensemble là-dessus et je voulais vous dire que je vais être avec vous en esprit. Merci.

M. Euclide Proulx

Le Président (M. Rochefort): Alors, M. et Mme Proulx, bienvenue à la commission, et je vous inviterais à nous présenter votre mémoire.

Mme Cousineau (Colette): Juste une petite rectification, M. le Président. Je ne suis pas Mme Proulx. J'ai tout simplement répondu à la demande de M. Proulx de faire la lecture de son mémoire.

Le Président (M. Rochefort): Veuillez n'excuser. Je voudrais que vous repreniez, je ne vous ai pas entendu.

Mme Cousineau: Une petite précision. je ne suis pas Mme Proulx. M. Proulx m'a tout simplement demandé de faire la lecture le son mémoire.

Le Président (M. Rochefort): Parfait. Une voix: Merci.

Le Président (M. Rochefort): Toutefois, pour les fins du journal des Débats, j'aimerais que vous vous identifiiez.

Mme Cousineau: Colette Cousineau. Le Président (M. Rochefort): Merci.

Mme Cousineau: M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, mon espoir est de continuer à vivre là où nous avons pris racine. Un peu d'histoire.

En juin 1970, je remplaçais et louais la terre de mon père, plus les terres voisines, ce qui comprenait alors 242 arpents. J'avais donc une garantie de travail assuré. Alors, ce fut le grand dérangement par les travaux pour fins publiques. En 1971, le chemin de fer et Hydro-Québec. En 1972, la route 158. En 1973, l'aqueduc de Mirabel. Pour tous ces dérangements, j'ai réclamé 7100 $ et on ne m'a donné que 2437 $ sous forme de crédit de loyer. Aussi, en 1980, deux câbles de Bell Canada traversaient la terre dans toute sa largeur sans aucune compensation.

En avril 1973, le BANAIM présentait son livre vert: Services de location et gestion agricole. J'ai eu confiance d'évoluer en agriculture par le moyen des locations. Pour les améliorations ou constructions nouvelles, le ministère devait s'impliquer par la fourniture des matériaux et la construction devait être faite par nous.

La grange-étable et le silo. En janvier 1974, je demandais un silo et l'autorisation d'agrandir la grange-étable. En avril 1974, j'avais l'autorisation de bâtir en me servant d'un silo qui était à démolir à Sainte-Monique; amortissement du coût sur une durée de dix ans, puis le ministère deviendrait propriétaire sans verser d'argent. Le pire, c'est qu'en septembre 1974, ils m'ont dit qu'ils n'avaient plus de budget pour la grange-étable et que je devais donc en assumer tous les frais. Je me retrouve donc avec un silo et sans grange-étable.

Le garage. En 1976, je demandais et j'obtenais l'autorisation de bâtir un garage. On me disait qu'ils le paieraient et que je paierais ensuite un loyer. L'entente était que le garage coûterait 15 529,25 $.

Dernièrement, en juillet 1981, on m'offrait 11 272 $ pour un garage évalué à 1300 $ de plus par les agents du ministère, cinq ans auparavant. J'ai refusé. Qu'est-ce que vous auriez fait à ma place? (22 h 30)

Le deuxième silo. En 1979, j'ai dû acheter un deuxième silo, amorti sur une période de douze ans, en assumant la totalité du coût.

La perte d'un silo. En 1980, on m'enlevait le droit de sous-louer un silo inoccupé, situé près d'une résidence dont la grange avait passé au feu avant 1969. C'était sur des terres que je loue et j'avais employé ce silo depuis 1975. On m'empêche maintenant de l'utiliser et il reste là à ne rien faire.

Les réparations. En 1976, renouvellement du bail de dix ans, avec option de cinq ans supplémentaires. Une entente sur la réparation dans la maison, une fenêtre, un lavabo et la couverture. On donnait une augmentation de loyer de 102 $ par mois. Quand ils sont venus pour la réparation, ils ont changé toutes les fenêtres, même s'il n'y en avait qu'une seule de brisée. Ils ont aussi changé toutes les armoires pour rien. Les nouvelles fenêtres sont moins étanches que les anciennes.

En 1973, j'ai cru au BANAIM qui prêchait qu'on épargnait 200 $ par année, par location, en comparaison avec un propriétaire, mais on ne parlait pas de la plus-value de la terre; on ne parlait pas de sécurité; on ne parlait pas de l'impossibilité

d'assurer nos investissements; on ne parlait pas du refus du gouvernement de payer les matériaux; on ne parlait pas non plus de la possibilité d'une relève. J'ai cru au BANAIM et ils m'ont fait perdre huit ans. Aujourd'hui, je peux vous garantir que tous les cultivateurs locataires de ma paroisse, Saint-Canut, qui font uniquement de l'élevage d'animaux et de la culture du sol, ne peuvent pas vivre uniquement de leur terre. Tout cela, parce qu'ils n'ont pu agrandir et se moderniser normalement. C'est cela mon histoire et ma déception d'avoir cru aux promesses du BANAIM en 1973.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre.

M. Garon: Je comprends que vous avez été mal pris, si vous vous êtes retrouvé avec un silo et pas de grange-étable. Qu'est-ce que vous avez fait avec des silos pendant cet été?

M. Proulx (Euclide): On a mis les animaux dehors...

M. Garon: Pardon?

M. Proulx (Euclide): ... et ils entraient dans la grange. On a mis les animaux dehors; on les faisait monter dans une batterie dans la grange. J'ai une étable et 242 arpents avec 18 attaches. Il faut agrandir pour exploiter 242 arpents. Par contre, j'ai d'autres granges-étables sur les terres voisines.

M. Garon: Êtes-vous membre du CIAC? M. Proulx (Euclide): Oui et directeur de i'upa.

M. Garon: Directeur de I'UPA. M. Proulx (Euclide): Oui. M. Garon: Du syndicat de base? M. Proulx (Euclide): Oui.

M. Garon: Dans quelle production êtes-vous?

M. Proulx (Euclide): L'élevage de la vache laitière et des animaux de boucherie.

M. Garon: Êtes-vous membre de la chambre de commerce?

M. Proulx (Euclide): Non. J'ai assisté à la dernière assemblée, par contre.

M. Garon: Oui. Est-ce qu'il y avait beaucoup de cultivateurs?

M. Proulx (Euclide): II y avait un cultivateur, producteur de tourbe, je dirais un cultivateur commercial.

M. Garon: II n'y en avait pas d'autres? M. Proulx (Euclide): Non.

M. Garon: Est-ce que vous étiez à une réunion habituelle ou...

M. Proulx (Euclide): C'était une assemblée pour réparer la conférence de presse qu'ils avaient faite au mois de septembre. J'ai assisté à cela.

M. Garon: Ah!

M. Proulx (Euclide): C'était une rencontre avec les fonctionnaires plutôt qu'avec la chambre de commerce.

M. Garon: Quel est le prix, dans votre esprit, auquel devrait être rétrocédée votre ferme?

M. Proulx (Euclide): Le prix que mon père a été payé, moins les dommages et moins ce que j'ai mentionné. Pour ce qui est des dommages, quand on voit passer Hydro-Québec, l'aqueduc, des câbles du Bell, la route 158, ce sont des contraintes; mon père a été payé, mais il n'y avait rien de cela. Quand je parle du prix de 1969, ces contraintes-là n'existaient pas en 1969.

M. Garon: En quelle année avez-vous avez pris la succession de votre père?

M. Proulx (Euclide): En 1970.

M. Garon: Vous êtes sur la ferme de votre père depuis 1970.

M. Proulx (Euclide): Oui, plus des terres voisines.

M. Garon: Dans la paroisse où vous demeurez, est-ce que le nombre d'agriculteurs a diminué au cours des années?

M. Proulx (Euclide): Beaucoup, je ne pourrais pas vous dire le nombre, mais c'est moins de 50%.

M. Garon: Je vous remercie.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le député de Berthier.

M. Houde: Je voudrais vous féliciter, premièrement, M. Proulx, pour votre patience et votre ténacité. Quand on lit attentivement votre mémoire, vous avez été courageux et vous l'êtes encore. Ne lâchez pas, j'espère qu'ils vont finir par vous donner ce que vous

souhaitez depuis plusieurs années. Merci.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: M. Proulx, lorsque vous avez pris la relève de votre père, la terre était déjà expropriée. Est-ce le cas?

M. Proulx (Euclide): Oui.

M. Paradis: Quand, en 1971, le chemin de fer et Hydro-Québec sont passés; quand, en 1972, la route 158; quand, en 1973, on a passé l'aqueduc de Mirabel, vous avez reçu 2437 $ de compensation.

M. Proulx (Euclide): Oui.

M. Paradis: Je ne sais pas qui était le propriétaire, mais disons le gouvernement fédéral...

M. Proulx (Euclide): BANAIM.

M. Paradis: Combien le BANAIM a-t-il reçu à l'époque?

M. Proulx (Euclide): Pardon?

M. Paradis: Le BANAIM a dû recevoir une compensation du ministère des Transports du Québec pour la route, d'Hydro-Québec pour sa ligne, etc.

M. Proulx (Euclide): C'est toute une histoire à raconter.

M. Paradis: Est-ce trop long?

M. Proulx (Euclide): C'est une histoire avec...

M. Paradis: C'est parce que je veux savoir s'ils ne vous ont pas pris de l'argent entre les deux.

M. Proulx (Euclide): Ils m'ont loué la terre.

M. Paradis: Oui.

M. Proulx (Euclide): C'était Caïn qui faisait les opérations. Caïn n'avait pas averti BANAIM quand la route 158 et l'aqueduc ont été passés. C'était un jeu de lance-balles de tous côtés. La ville de Mirabel débutait, à ce moment-là. Il a fallu réunir tout le monde, à un moment donné, parce que j'avais porté plainte et l'entrepreneur de l'aqueduc avait un contrat de plusieurs millions - je sais que ça coûtait cher - et, pour qu'il soit payé, il fallait régler le problème. Ils se garrochaient la balle l'un et l'autre.

M. Paradis: Mais vous n'êtes pas au courant si de l'argent aurait été versé soit par Hydro-Québec ou le ministère des Transports du Québec à BANAIM, en plus de ce que vous auriez reçu?

M. Proulx (Euclide): Non.

M. Paradis: Vous n'êtes pas au courant de cet aspect du dossier.

M. Proulx (Euclide): Je me suis arrangé avec BANAIM.

M. Paradis: Vous êtes dans une des zones jaunes sur la carte.

M. Proulx (Euclide): Non. M. Paradis: Non?

M. Proulx (Euclide): Je suis à Saint-Canut, à côté de...

M. Paradis: Vous n'êtes pas dans les terres à rétrocéder?

M. Proulx (Euclide): Dans les 14%, selon M. Goyer. Des terres ont déjà été dégelées dès 1969 ou 1970.

M. Paradis: Vous n'êtes pas dans l'opération à rétrocéder.

M. Proulx (Euclide): Non, pas dans la première opération.

M. Paradis: Pas dans la première phase.

M. Proulx (Euclide): Quand on lit le programme de M. Fox, je suis dans les 14%.

M. Paradis: D'accord. Si cela vous était offert aux conditions de la rétrocession qui ont été énumérées par plusieurs autres intervenants, est-ce que vous seriez intéressé...

M. Proulx (Euclide): Je suis acheteur.

M. Paradis: Vous êtes acheteur à ces conditions-là?

M. Proulx (Euclide): Oui, monsieur.

M. Paradis: Est-ce que vous avez présentement de la relève qui commence à pousser?

M. Proulx (Euclide): Oui.

M. Paradis: Quel âge ont-ils?

M. Proulx (Euclide): Cinq ans.

M. Paradis: II faut cumuler si on veut

leur passer. Très bien. Merci beaucoup de votre participation.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le député de Rousseau.

M. Blouin: M. Proulx, à la page 2, avant-dernier paragraphe de votre mémoire, vous nous expliquez quelque chose d'assez curieux. Sur une terre que vous louez, vous avez utilisé un silo pendant un certain nombre d'années et, à un moment donné, vous n'avez plus eu la permission d'utiliser un silo qui était inutilisé si vous ne l'utilisiez pas.

M. Proulx (Euclide): Oui. Je voulais faire des réparations à ce silo, y mettre une couverture. Je sous-louais ce silo. Quand je l'ai demandé, ils m'ont dit: Tu n'as pas affaire là, toi. Ce n'est pas à toi, tu n'as pas affaire là. Le silo est sur le bail de la résidence.

M. Blouin: Pourquoi? Pour servir de hangar?

M. Proulx (Euclide): Je m'étais entendu avec le résident, sur une des fermes que je loue, pour prendre le silo. On s'était entendu. Quand j'ai demandé une permission pour tous les travaux et les investissements que je voulais faire, j'ai eu la permission, l'autorisation à chaque investissement. Quand j'ai parlé de faire des réparations au silo, mettre une couverture et un videur de silo, on m'a refusé.

M. Blouin: Celui qui restait sur cette terre ne cultivait pas.

M. Proulx (Euclide): Non, la grange avait passé au feu. C'est une terre que je loue.

M. Blouin: II ne cultivait pas et...

M. Proulx (Euclide): Le silo est seul et ne sert à rien dans le moment.

M. Blouin: Ils ne veulent pas que vous l'utilisiez.

M. Proulx (Euclide): Non.

M. Blouin: Vous avez argumenté, je suppose.

M. Proulx (Euclide): Oui, j'ai des lettres en main.

M. Blouin: Qu'est-ce qu'ils vous répondent? Pourquoi ne veulent-ils pas? Puisqu'ils savent que l'autre ne cultive pas de toute façon, cela dérange quoi?

M. Proulx (Euclide): C'est parce que le bail est déjà signé au résident. Pour aller à cette résidence, la route passe sur un lopin de terre et il y a la rivière en arrière. On a dit que faire une annexe au bail, ce serait trop pour juste un silo.

M. Blouin: C'est trop compliqué.

M. Proulx (Euclide): C'est trop compliqué. Ils se compliquent assez la vie Je peux vous en donner un exemple, celui des cultivateurs qui veulent budgétiser avec un système de hausse de loyer. Vous devriez examiner cela et prendre le temps de le calculer.

M. Blouin: Vous êtes en train de confirmer les propos de Mgr Valois qui ont fait sursauter la sténographe dans les galeries tout à l'heure.

M. Proulx (Euclide): J'espère qu'elle va comprendre quel groupement représentent les expropriés.

M. Blouin: À titre d'information, elle a dû quitter quand Mgr Valois a prononcé ces paroles, un peu comme l'eau bénite chassait le démon pendant les tempêtes.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Champlain.

M. Gagnon: Merci. Vous avez mentionne que, dans votre paroisse, il y a plus de 50% des producteurs agricoles, des cultivateurs qui sont disparus. Je voudrais savoir s'il y a des fermes qui sont abandonnées ou si ce acres de terre sont cultivées en ce moment.

M. Proulx (Euclide): II y a beaucoup de terrain inutilisé, à l'abandon. En pourcentage ce serait au moins 25%. Je vous parle de Saint-Canut et non pas d'ailleurs.

M. Gagnon: Les terres sont abandonnée autour de vous ou un peu plus loin; lorsqu'on a fait la tournée du territoire, on s'est aperçu qu'il y avait beaucoup de mauvaise herbes. Évidemment, le terrain étant abandonné, il y a toutes sortes de choses qui poussent. Est-ce que cela nuit à vos récolte que les terres voisines soient infestées de mauvaises herbes? Avez-vous remarqué que cela a pu être un élément qui vous a fait perdre une récolte?

M. Proulx (Euclide): Je pourrais vous raconter l'histoire de mon frère qui a loué une terre il y a environ trois ans pour produire de l'asperge. Dans le bas de la terre, cela avait été abandonné depuis l'expropriation et cela a pris 34 jours, à trois hommes, pour défricher les érables Giguère et rendre le terrain cultivable.

M. Gagnon: II y a une loi qui permet à trois cultivateurs, je crois, de faire une demande au propriétaire pour qu'il entretienne son terrain. Même s'il ne le fait pas, la municipalité peut le faire et lui envoyer le compte. Sur le territoire de Mirabel, compte tenu que vous avez un propriétaire très riche, est-ce que vous avez déjà fait la demande pour faire justement l'entretien des mauvaises herbes?

M. Proulx (Euclide): Non. On fait les apparences, par contre, le bord des routes, mais les trécarrés, ils ne les font pas. (22 h 45)

M. Gagnon: Là où vous habitez, il y a tout un carré qui n'a pas été exproprié. On remarque cela un peu partout sur le territoire; à un moment donné, c'est de la dentelle tout le tour. Il y a des endroits que probablement le son affectait moins que d'autres, parce qu'il y a des terres qui ne sont pas expropriées. D'autres le sont juste à côté. Vous, vous êtes dans le coin, en haut, et ce carré qui n'a pas été exproprié, pour quelle raison ne l'a-t-il pas été?

M. Proulx (Euclide): Je ne pourrais pas vous le dire. Ils ont fait un détour. C'est le village de Saint-Canut, le grand rectangle? Un peu plus loin, vous avez une autre terre, dont je suis voisin, à environ un demi-mille. Lui, il est venu à bout de se faire enlever de l'expropriation en 1969 ou 1970. Il y a son frère qui est voisin. Il a tout fait pour se faire enlever et il n'a jamais été capable.

M. Gagnon: Le voisin n'a pas pu se faire enlever, mais son frère s'est fait enlever.

M. Proulx (Euclide): Oui.

M. Gagnon: On ne vous a jamais donné d'explication à cela? Parce que je ne sais pas, moi, un boisé, une montagne, je ne sais pas trop quoi qui faisait que le bruit passait par-dessus cette ferme?

M. Proulx (Euclide): Pas par écrit. M. Gagnon: Merci.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le député de Berthier.

M. Houde: Une question bien courte. Lorsque vous avez fait votre deuxième silo en 1979, est-ce que vous avez eu des subventions?

M. Proulx (Euclide): Aucune subvention. M. Houde: Aucune subvention. Merci. Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre.

M. Garon: Vous avez dû demander des subventions quelque part pour votre silo en 1979?

M. Proulx (Euclide): Je n'en avais pas.

M. Garon: Avez-vous demandé des subventions pour votre silo en 1979?

M. Proulx (Euclide): Non, je n'ai pas demandé de subvention.

M. Garon: Vous n'avez pas demandé de subvention.

M. Proulx (Euclide): Non.

M. Garon: J'aimerais vous demander une chose. On vient de me montrer une page dans votre bail. Votre bail est-il décrit... Comment votre bail est-il décrit?

M. Proulx (Euclide): Je suis encore sous l'ancien cadastre. Par contre, j'ai un petit morceau que j'ai loué dernièrement et lui est avec des points géodésiques et "cazimuts". J'ai un autre bail que j'ai signé dernièrement. Il y a des points géodésiques et des points "cazimuts".

M. Garon: Êtes-vous capable de vérifier où sont ces affaires-là?

M. Proulx (Euclide): Non. Je ne suis pas capable de trouver les quatre coins de la terre avec ces quatre points. C'est impossible pour un cultivateur de trouver ça. Par contre, vous lisez l'ancien cadastre, je pense que n'importe qui va s'en aller et va le trouver.

M. Garon: Ce sont les nouveaux contrats de la société immobilière. Qui préside la société immobilière?

M. Proulx (Euclide): M. Jean-Pierre Goyer.

M. Garon: Le président. Quels sont les autres qui dirigent cela?

M. Proulx (Euclide): Les fonctionnaires. Je connais M. Brien, M. Pierre Marinier.

M. Garon: M. Brien, c'est qui? Le premier nom?

M. Proulx (Euclide): Ce n'est pas une lumière.

M. Garon: M. Pierre Brien.

M. Proulx (Euclide): Pierre Brien. Après cela...

M. Garon: Qu'est-ce que fait M. Brien?

M. Proulx (Euclide): Je n'ai jamais eu affaire à lui. Après cela, j'ai eu affaire avec M. Pierre Marinier.

M. Garon: M. Pierre Marinier.

M. Proulx (Euclide): Celui qui a acheté mon garage pour 1 $, qui se dit propriétaire de mon garage pour 1 $.

M. Garon: II a acheté votre garage. Comment ça, votre garage?

M. Proulx (Euclide): Parce que j'ai reçu une lettre, à un moment donné, parce que je refusais le montant d'argent que j'ai d'écrit dans mon mémoire. Il devenait propriétaire de mon garage.

M. Garon: Pour 1 $. M. Proulx (Euclide): Oui.

M. Garon: Avez-vous reçu la piastre? Est-il propriétaire ou si c'est la Société immobilière du Canada?

M. Proulx (Euclide): La société immobilière, remarquez bien. Au nom de la société.

M. Garon: Qu'est-ce que fait M. Pierre Marinier là-dedans?

M. Proulx (Euclide): C'est un directeur.

Une voix: Vice-président.

M. Proulx (Euclide): Vice-président.

M. Garon: II est vice-président, lui. Il a acheté le garage pour lui?

M. Proulx (Euclide): II a acheté le garage au nom de la société. Je pourrais vous procurer les documents.

M. Garon: Ils vous l'ont reloué après?

M. Proulx (Euclide): Non, non, je ne paie rien non plus.

M. Garon: Est-ce vous qui en avez la jouissance?

M. Proulx (Euclide): Par contre, le premier silo que vous voyez dans le mémoire, je suis allé chercher un silo qu'on était pour démolir. On m'a donné quatre silos avant que je puisse en avoir un. Chaque fois que j'arrivais pour prendre le silo, ils étaient en train de le démolir dans la région de Sainte-Monique.

M. Garon: On vous a donné un silo existant?

M. Proulx (Euclide): Au moment où on a fait la voie d'accès, en 1973, on a démoli plusieurs silos, et je voulais en avoir un. J'ai dit: Je suis capable d'en avoir un, au lieu de l'enterrer. On a enterré des silos flambant neufs. Quand je suis arrivé là, on finissait de les enterrer. On m'en donnait sur papier mais, quand j'arrivais là, ils étaient dans la terre.

M. Garon: M. Brien... Son prénom encore?

M. Proulx (Euclide): Pierre.

M. Garon: Pierre Brien. Que fait-il là-dedans? Vous ne le savez pas?

M. Proulx (Euclide): Non. Ensuite, cela tombe à Léo Ferland, Claude Vermette notre avocate.

M. Garon: Votre loyer, comprenez-vous comment il fonctionne? J'ai la formule ici L-1 égale L multiplié par C-1 sur C multiplié par P sur E.

M. Proulx (Euclide): Cela dépend de la couleur des yeux.

Des voix: Ah! Ah!

M. Garon: Est-ce que tous les gens ont des calculs de loyer semblables?

M. Proulx (Euclide): Je n'en connais pas beaucoup.

M. Garon: Vous n'en connaissez pas d'autres qui ont une formule semblable pour calculer le prix de leur loyer?

M. Proulx (Euclide): J'en connais un seulement.

M. Garon: Les baux ne sont-ils pas uniformes?

M. Proulx (Euclide): Cela dépend de la couleur des yeux.

M. Garon: Oui.

M. Proulx (Euclide): Je ne sais pas si un cultivateur est capable de budgétiser quelque chose dans l'avenir de cette façon quand on voit que le crédit agricole a un mode de paiement qui est fixe tout le temps.

M. Garon: Cela n'a pas de bon sens. On vous remercie, monsieur.

M. Proulx (Euclide): C'est parce que vous changez de fonctionnaire et que celui-là peut changer certains indices.

M. Garon: Les indices changent avec les fonctionnaires.

M. Proulx (Euclide): Les indices peuvent être changés par les fonctionnaires dans cette formule. Le gars qui a signé cela en 1976, qui a présenté cela, n'est plus là. C'est un autre fonctionnaire qui est là aujourd'hui. Il change l'indice et ce n'est jamais à notre avantage.

M. Garon: Je vous remercie, M. Proulx.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Strictement pour l'information des membres de la commission et, je pense, également pour l'information des membres qui assistent à cette commission, j'ai réussi, sur l'heure du midi, à découvrir ce qu'était le système géodésique, parce que cela m'intriguait autant que cela pouvait intriguer l'honorable ministre. Cela pourrait vous intéresser également. J'ai communiqué avec le service géodésique du ministère de l'Énergie et des Ressources du Québec. On nous dit que le système géodésique de représentation graphique est la façon la plus permanente de représenter graphiquement le morcellement du territoire. On ajoute que ledit système a été appliqué par le ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement du gouvernement fédéral sur le territoire de Mirabel, en collaboration avec le service géodésique du ministère de l'Énergie et des Ressources du Québec, lequel a apporté l'aide technique nécessaire. On ajoute également que ce principe est présentement utilisé par Hydro-Québec et Bell Canada. À la ville de Montréal - parce qu'on a également là de la séparation d'eau à faire -on dit que c'est le système qu'elle utilise ouvertement à l'heure actuelle. Si vous désirez de plus amples renseignements sur tous ces systèmes, vous pouvez communiquer avec M. Jean Bédard à 643-8536 ou à la ville de Montréal avec M. Roger Guénette à 873-3841. C'est l'information que j'ai obtenue, mais je ne suis pas plus en mesure de vous expliquer comment cela fonctionne dans ce qu'on appelle le pratico-pratique.

M. Garon: Mais vous avez dit...

M. Blouin: Cela ne fonctionne pas à Mirabel, parce que les notaires de la Beauce ne connaissent pas cela.

M. Paradis: C'était la première fois -la même chose pour l'honorable ministre de l'Agriculture - que j'en entendais parler et je pense que c'était le cas du député de Beauce-Sud qui est notaire de profession. Hier, c'était la première fois qu'il en entendait parler lui aussi.

M. Garon: Qui vous a donné cette information? Vous dites: "On dit".

M. Paradis: Non, la source, c'est mon recherchiste qui a appelé, en début d'après-midi, Jean Bédard, au service géodésique du ministère de l'Énergie et des Ressources, à 643-8536. Il a également appelé Guénette, parce que moi, je me suis dit: Qui j'appelle si j'ai un problème d'enregistrement? La première chose qui m'est venue à l'idée, c'est: J'appelle un bureau d'enregistrement avant que le gouvernement les déménage... Par la suite, au bureau d'enregistrement, je n'ai rien pu avoir. Ensuite, j'ai pensé à ça, je me suis dit: On va appeler à Énergie et Ressources, ils ont les services géodégiques.

M. Garon: II y a un service géodésique, mais ce n'est pas pour les contrats du gouvernement du Québec.

M. Paradis: Ils sont situés au 1995 Charest ouest, à Québec. Il faudrait peut-être aller visiter ça ensemble.

Le Président (M. Rochefort): Cela va? M. Garon: On va le vérifier.

Le Président (M. Rochefort): Sur ce, M.

Proulx, je tiens à vous remercier, au nom des membres de la commission, de vous être présenté devant nous. J'inviterais maintenant le témoin suivant à se présenter, Mme Rita Clermont.

Bienvenue à la commission, madame. Je vous demanderais, sans plus tarder, de nous présenter votre mémoire.

Mme Rita Clermont

Mme Clermont (Rita): M. le Président, M. le ministre, MM. les députés de la commission parlementaire, enfin une commission parlementaire par le gouvernement du Québec, après avoir souffert durant treize années les affronts d'une expropriation injuste et inutile par le gouvernement fédéral, ministère des Transports, pour la construction d'un aéroport au Québecl De propriétaire que j'étais en 1969, dans la belle municipalité du village de Sainte-Scholastique, on m'a réduite au titre de locataire, avec toutes les responsabilités de propriétaire, gouvernée par la Société immobilière du Canada, société à but lucratif.

Ce dossier du territoire exproprié dans trois comtés de la province de Québec est

une véritable balafre faite à la population et au territoire par une administration publique et fédérale inconsciente de ses responsabilités et obnubilée par la nécessité de prouver son existence et son utilité en occupant le plus de territoire possible au Québec. Est-ce là une réponse d'Ottawa aux séparatistes, à moi la première? Pour ma part, il s'agit là du plus important abus d'autorité d'une administration publique toute-puissante dans ses rapports avec les citoyens.

Si on m'avait laissé ma propriété, je n'aurais pas perdu mon emploi de journaliste au journal hebdomadaire de la région. J'aurais eu seulement les taxes municipales et scolaires à payer. Je pourrais bénéficier des subventions concernant l'isolation, le chauffage, etc. J'avais une hypthèque à 6% le nombre d'années que je voulais, le prêteur étant un ami.

Ce quatrième gouvernement à nous gouverner, nous, les expropriés - parce que nous avons le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial, le gouvernement municipal et la Société immobilière du Canada - crée, sur tout le territoire, un climat d'insécurité, de mécontentement et de stress continuel. (23 heures)

L'histoire des baux de location est une vraie injustice, une vraie honte de la part du gouvernement fédéral. On a falsifié ma signature, après que j'ai signé mon bail, parce qu'on nous remet notre bail un mois après qu'il a été signé au bureau. Ainsi, le proprio fédéral veut me faire payer les frais d'une nouvelle cheminée exigée par le service d'incendie de Mirabel. Refusant de payer lesdits frais, la société immobilière m'envoie un avis d'éviction, annulation de bail: cheminée dangereuse pour moi et pour les autres. À la Régie du logement, surprise de la part du régisseur, de mon avocat et de moi-même! La société immobilière retire sa plainte. Le fédéral se désiste. On fera une nouvelle cheminée et je devrai en payer les frais, selon l'administrateur de la société immobilière. Après une étude de mon bail par le bureau médical de criminologie de Montréal, qui relève de la Sûreté du Québec, la preuve est faite qu'il y a eu contrefaçon dans mon bail. L'enquête se poursuit, selon la police de Mirabel, et on en saura plus long bientôt.

Devenue une assistée sociale, c'est encore l'aide juridique du Québec qui paiera pour les tricheries de cette administration fédérale. La situation n'est plus vivable sur le territoire. On veut nous avoir par l'usure. Nous lutterons. Il faut que justice soit faite dès 1983, au plus tard, c'est urgent. Veut-on faire, comme à Hull, une ville de fonctionnaires fédéraux? Non, messieurs du gouvernement provincial; et quand je dis non, c'est à vous tous, les élus du peuple. Il n'y a pas de place pour eux, ceux de la société immobilière, et pour nous; donc, ce sont eux qui doivent partir. Nous sommes assez adultes pour prendre nos décisions nous-mêmes. Vous n'ignorez pas que c'est un problème politique: Québec contre Ottawa. Je conteste cette expropriation aberrante, soi-disant pour un aéroport, et où on fait une rentabilité locative des pistes de ski de fond, un centre de sculpture à la Roussil et des Western, etc., après avoir détruit 80 maisons dans le seul village de Sainte-Scholastique.

On a détruit nos commerces, trois ferronneries, quatre postes d'essence, deux magasins de meubles, deux magasins de vêtements, deux maisons de vieillards, une pâtisserie, deux garages de réparation, une boulangerie, deux restaurants, le bureau d'enregistrement; il y a un opticien, que j'avais oublié et qu'on doit ajouter, deux médecins, une pharmacie, un notaire, deux salons de coiffure, deux cordonniers, deux couvents, un collège-école, un épicier-boucher, deux services de taxi, le bureau du conseil de comté. Tout cela, dans le seul village de Sainte-Scholastique, qui était le chef-lieu du comté de Deux-Montagnes. Et c'est la même chose sur tout le territoire. Nous devons parcourir maintenant quinze milles pour aller à Saint-Jérôme, à Saint-Eustache, pour des pilules et tout ce dont on a besoin, tout ce qu'on nous a enlevé.

Ma maison ancestrale, vieille de plus de 150 ans, aurait été démolie, comme les autres, si je l'avais abandonnée pour aller ailleurs. Non! Je la conserve. Elle est à moi, c'est mon château et il faut que vous m'aidiez à la récupérer.

En Ontario, à Pickering, les expropriés sont-ils traités comme nous, du Québec? Trop, c'est trop. Finies la tutelle et la seigneurie de Jean-Pierre Goyer et de ses associés. Je conteste cette expropriation inutile, aberrante, pour un éléphant blanc à la Jean-Luc Pépin et autres. Voler, c'est beau, mais se faire voler comme cela, c'est trop!

Québécoisement vôtre, Rita Clermont.

Ne me posez pas la question pour savoir si je suis membre de la chambre de commerce. Je vous dirais que, déjà, en 1966, 1967 et 1968, j'en étais le directeur dans Sainte-Scholastique. Je ne suis pas n'importe qui, vous savez.

Et maintenant, si vous voulez voir le joli bail falsifié, avec le papier du centre de criminologie, je pourrais vous les donner; je n'aurais pas pensé que cela vous intéresserait. À l'analyse, des messieurs du Québec prouvent que, vraiment, ce n'est pas bien de faire de choses comme cela. Je pense qu'on n'a pas le droit de signer à la place d'un autre. Cela est ma maison. Quand on parle de cette étendue immense du territoire, je peux vous montrer ici la photo

de M. Trudeau qui, le 14 juin 1969, visitait cet immense territoire et lui-même, à ses yeux, on voit qu'il est surpris en constatant qu'on a pris si grand. Il est tout étonné, le gars; il est ici, M. Trudeau. Est-ce que j'ai bien fait cela?

Le Président (M. Rochefort): Merci, madame. M. le ministre.

M. Garon: Vous avez déjà été membre de la chambre de commerce.

Mme Clermont: De celle de Sainte-Scholastique, non pas de celle de Mirabel.

M. Garon: Ah, bonne mère! C'est vrai que M. Trudeau a l'air un peu surpris.

Mme Clermont: Bien oui, n'est-ce pas? Connaissez-vous ceux qui sont là?

M. Garon: II y en a que j'ai déjà vus.

Mme Clermont: M. Cadieux, ministre; M. Comtois.

M. Garon: Celui qui... Puis l'autre, à côté?

Mme Clermont: M. Comtois, M. Gaston Binette. Ce sont les deux qui ont fait l'analyse pour nous vendre au fédéral. C'étaient M. Saindon et M. Binette. Oui, j'étais à côté. Celui qui se trouve en arrière de M. Trudeau, c'est son garde du corps et je le connais aussi.

M. Garon: Le président de la commission aimerait se rincer l'oeil. Vous avez été membre de la chambre de commerce?

Mme Clermont: De Sainte-Scholastique; il n'y avait pas de Mirabel en 1966.

M. Garon: II n'y avait pas de Mirabel. Actuellement, êtes-vous membre de la Chambre de commerce de Mirabel?

Mme Clermont: Jamais je n'irai là; voyons donc!

M. Garon: Êtes-vous membre du CIAC?

Mme Clermont: Oui, M. le ministre, mais c'est ma responsabilité.

M. Garon: C'est votre mémoire à vous; c'est cela que j'ai compris. Votre maison a été expropriée, non pas la ferme, seulement votre maison.

Mme Clermont: La maison avec un grand terrain.

M. Garon: Vous seriez intéressée à l'avoir à nouveau.

Mme Clermont: Je suis toujours chez nous, monsieur. On fait tout. On m'a envoyé un avis d'éviction disant que la cheminée n'était pas bonne, le 21 septembre.

M. Garon: Pourquoi un avis d'éviction pour dire que la cheminée n'était pas bonne?

Mme Clermont: Parce qu'ils disaient que la cheminée n'était pas bonne. Les pompiers disent à la société: Faites la cheminée de Mme Clermont. La société m'écrit de faire ma cheminée. Ce n'est pas à moi à la faire. Présentement, mon bail est à l'étude à la Sûreté du Québec, parce qu'il y a eu falsification de ma signature; mais, ils ne croyaient pas cela. Ce n'est pas fini, cela va aller en Cour criminelle, monsieur. Vous le savez, signer à la place d'un autre, c'est grave. Je ne le dirai pas; dites-le, vous, mais je l'ai dit ailleurs. Avez-vous d'autres questions à me poser, M. Garon?

M. Garon: Je vais donner la chance aux autres membres de la commission.

Mme Clermont: Excusez, je suis...

Le Président (M. Rochefort): M. le député, en alternance...

Mme Clermont: Tiens, prends cela toi.

Le Président (M. Rochefort): Vous n'avez pas de question. M. le député de Brome-Missisquoi... Nos secrétaires observent M. Trudeau. Nos secrétaires le regardent.

M. Paradis: Mme Clermont, vous indiquez, à la première page de votre mémoire, que vous êtes une séparatiste. Je n'ai pas besoin de vous indiquer que, de ce côté-ci de la table, on ne l'est pas, mais cela n'enlève pas ce fait de valeur à une cause. Ce n'est pas cela qui fait en sorte qu'une cause est valable ou non.

Mes questions vont se rapporter à votre cas personnel. Quelle était votre situation, à vous, en 1969, lorsque l'expropriation est arrivée? Quel genre de maison aviez-vous? Vous avez indiqué des notes sur votre financement, comment c'était financé, etc. Quel prix avez-vous reçu à ce moment-là?

Mme Clermont: En 1969, quand j'ai été expropriée, on m'a payée en 1978, monsieur; presque dix ans après.

M. Paradis: D'accord. Vous étiez propriétaire d'une maison...

Mme Clermont: Oui.

M. Paradis: Ils l'ont évaluée à combien pour vous payer?

Mme Clermont: Ils n'évaluaient pas notre maison, ils nous faisaient un prix.

M. Paradis: Ils vous ont payée combien?

Mme Clermont: 17 000 $, avec le garage. Le garage, c'est une grange, parce que, autrefois, c'était un type qui ferrait les chevaux qui était là.

M. Paradis: Quand ils vous ont finalement payée en 1978, vous ont-ils payé de l'intérêt sur ce montant?

Mme Clermont: Oui, 6%. M. Paradis: 6% d'intérêt? Mme Clermont: Oui.

M. Paradis: Vous avez toujours occupé cette résidence, si je comprends bien.

Mme Clermont: Je demeure à Sainte-Scholastique depuis 1958. J'ai acheté cette propriété en 1963 pour y vivre et y mourir.

M. Paradis: Est-ce qu'on peut savoir, en 1963, lorsque vous l'avez achetée, combien vous l'aviez payée à l'époque?

Mme Clermont: Je n'ai pas de cachette. Je l'ai payée "cash" 4500 $ avec l'argent du docteur de la place qui me l'a prêté.

M. Paradis: Entre 1963 et 1969, est-ce que vous avez apporté des améliorations importantes à cette maison?

Mme Clermont: Non, je me dépêchais de payer le prêteur.

M. Paradis: D'accord. Entre 1969 et aujourd'hui, avez-vous apporté des améliorations?

Mme Clermont: Oui.

M. Paradis: Pour quelle valeur, approximativement?

Mme Clermont: C'est assez difficile de dire la valeur - cela a l'air drôle de vous le dire, un petit bout de femme comme moi -parce que c'est moi qui fais tout dans la maison. Je peux vous poser une tôle sur un toit; si le toit coule, je vais monter et je vais mettre ce qu'il faut pour boucher les trous.

M. Paradis: En matériaux, pas la main-d'oeuvre, strictement au niveau matériel, selon votre estimation, vous en auriez mis pour combien depuis 1969?

Mme Clermont: C'est assez difficile à dire parce que j'ai eu la chance d'acheter du fédéral d'autres propriétés démolies au taux de 1 $. Alors, Rita prenait ce bois et cette tôle et elle réparait sa maison! Quand tu n'as pas de sous, il faut que tu fasses attention.

M. Paradis: C'est dur à évaluer! Au niveau de la disparition d'immeubles dans votre communauté, j'ai retenu principalement deux immeubles. C'est peut-être que ce sont deux immeubles ou des situations qu'on revit dans d'autres comtés du Québec présentement. Vous parlez d'un bureau d'enregistrement qui est disparu, à toutes fins utiles. En quelle année est-ce arrivé, la disparition du bureau d'enregistrement?

Mme Clermont: Le bureau d'enregistrement a été exproprié en 1969, il a dû quitter en 1971. C'est curieux à dire, mais c'est Pierre Marinier qui a négocié la transaction du bureau d'enregistrement.

M. Paradis: Qu'est-ce que vous voulez dire par "négocié"? Acheté?

Mme Clermont: Non, parce qu'il était -comment appelez-vous cela, M. de Bellefeuille, déjà, celui qui représente le comté?

M. de Bellefeuille: Protonotaire?

Mme Clermont: Non, un autre mot.

Une voix: Député?

Mme Clermont: Celui qui a la baguette.

M. de Bellefeuille: II a déjà été maire.

Mme Clermont: II était maire d'Oka, mais il représente tous les maires dans le comté.

M. de Bellefeuille: Préfet.

Mme Clermont: II était préfet du comté. Il a travaillé fort pour avoir un gros prix. Je le félicite, Pierre Marinier, parce que c'était une bâtisse qui appartenait au provincial. Il a travaillé fort auprès du gouvernement fédéral pour faire hausser le prix que le fédéral lui offrait.

M. Paradis: Votre bureau d'enregistrement le plus proche maintenant... Présentement, cela ne vous affecte pas trop, vous n'avez pas... J'étais pour le dire.

Mme Clermont: II est à Saint-Eustache,

monsieur. Cela faisait longtemps que Saint-Eustache voulait nous l'enlever. Il y avait déjà eu des procédures, quelques années auparavant, pour l'enlever.

M. Paradis: Vous y teniez?

Mme Clermont: C'est parce que c'est vrai, mon ami.

M. Paradis: D'accord. Il y a l'édifice du conseil de comté.

Mme Clermont: C'est là. C'est cela, le bureau d'enregistrement. Le conseil de comté était au deuxième, on siégeait là. En bas, c'était le bureau d'enregistrement. Il faut dire aussi qu'avec la venue du fédéral, beaucoup de notaires devaient aller là. C'était assez petit. Ce n'est pas mon problème, mais c'est pour vous dire que Sainte-Scholastique était quelque chose et elle devenue rien maintenant.

M. Paradis: Vous étiez attachée à ces deux institutions locales, entre autres?

Mme Clermont: Disons que, si j'avais affaire à y aller, c'était plus près. Pour les notaires qui venaient de Montréal, c'est plus facile d'arrêter à Saint-Eustache que de venir à Sainte-Scholastique et entrer dans les terres parce qu'on est un peu loin de la route nationale. Ce n'est pas le problème. Ce sont les maisons de vieillards qu'on a enlevées, alors qu'elles étaient nécessaires. Ce sont nos commerces. Si je veux acheter un clou - parce que vous savez que j'en cogne, des clous - je suis obligée d'aller à Saint-Jérôme, à Saint-Eustache ou à Lachute. Ce n'est pas un cadeau! Maintenant, on peut aller à Saint-Augustin. Avant cela, tu en avais trois autour de chez vous, monsieur. C'est abominable. Je vous dirais que le problème de Mirabel est aussi grand que le territoire exproprié. Comprends-tu un peu ce que je veux dire? (23 h 15)

M. Paradis: Cela déborde. Je peux qualifier cela en ces termes, c'est que cela déborde, mais...

Mme Clermont: Pour comprendre tout cela, M. le député, il faut vivre dedans. Je vais vous dire que, depuis 1969, je n'ai jamais eu le coeur de sourire et de rire, puis j'étais gaie, moi, avant, et j'ai ri, il y a trois semaines. J'étais à la cour, le fédéral s'est ésisté, on m'a fait une cheminée. La semaine suivante, je reçois une baisse de loyer de 1 $ par mois. Eh bien, là j'ai ri!

M. Paradis: Cela m'amène à une autre question. Combien payez-vous de loyer présentement pour l'occupation de votre maison?

Mme Clermont: Monsieur, mon loyer, à vos yeux, va vous paraître ridicule. Je ne veux pas mépriser ma maison, c'est une maison de 1850; il n'y a pas de garde-robes, il n'y a pas de lavabos dans la maison, il fait très froid, mais c'est mon château et c'est à moi. Je ne suis pas plus exigeante que cela, mais je ne paie pas 300 $, je paie 44,50 $ de loyer par mois. Ils ont baissé d'un dollar, cela fait 43,50 $.

M. Paradis: Avez-vous toujours été au même prix depuis l'expropriation?

Mme Clermont: Non. Au début, j'étais à 35 $, mais, au prix que M. Jean Laurin a donné ce matin, cela veut dire que je paie maintenant, en tant que locataire, cinq fois plus cher que si j'étais propriétaire parce que la maison est évaluée à 10 000 $ chez nous; elle était évaluée à 2300 $ quand je l'ai achetée. Étant évaluée à 10 000 $, je ne sais pas si j'ai bien calculé, cela me ferait des taxes - Oh! où tu l'as mis, Rita? - de 110 $ à peu près par année. Est-ce que c'est cela? Plus la taxe scolaire, plus 60 $ d'aqueduc. Actuellement, je paie 122 $ par année et je suis bénéficiaire du bien-être social, mon ami. C'est drôle à vous dire, hein? Cela n'est pas drôle, je l'accepte. C'est que je reçois moins que les autres parce que mon loyer est moins cher. Si j'étais à Saint-Eustache, je paierais 200 $, j'aurais plus de bien-être social. Là, j'en ai moins parce que mon loyer est moins cher. Si je m'en vais à Saint-Eustache, le bien-être social va augmenter, mais je vais en avoir encore moins parce que mon loyer va être plus cher, comprends-tu? Mais il n'est pas question que je déménage. On va essayer de me sortir, je ne sortirai pas, monsieur; parce que j'entends un peu dur et j'ai la tête dure. Tout est là, tu sais.

M. Paradis: Maintenant, quant à l'organisation de la communauté, on a entendu, et je pense que vous êtes présente depuis le début de l'audition des mémoires...

Mme Clermont: Rita est toujours là, monsieur.

M. Paradis: Vous, votre opinion personnelle, si vous en avez une, sur l'organisation de la vie municipale pour les petits villages autour, préconisez-vous une formule où, dans l'avenir, on devrait conserver une grande ville de Mirabel ou un retour aux institutions municipales qui existaient avant l'expropriation?

Mme Clermont: Eh bien! cela, c'est mon opinion. J'ai connu ce qu'était le maire de Sainte-Scholastique village, le maire de Sainte-Scholastique paroisse et vous aviez la même chose à Saint-Benoît, la même chose

à Saint-Placide; Saint-Hermas ne payait pas de taxes, la même chose à Sainte-Monique, 0,05 $ de taxes; oui, pour 0,05 $, tu avais 0,05 $. Je pense qu'il faut redevenir maîtres chez nous tout en restant avec Jean Laurin à Mirabel. Il ne perdra pas ses élections, le gars.

M. Paradis: Je vous remercie beaucoup, Mme Clermont.

Mme Clermont: Maintenant, il y a d'autres choses aussi. Tu sais que j'étais journaliste et que, lui, il a dit que les gens n'étaient pas informés; j'informais les gens dans les journaux La Concorde, La Victoire et The Victory, dans le comté de Deux-Montagnes. Lorsque les gens du fédéral me faisaient venir et me disaient... Je vais vous dire avant tout cela que moi, j'étais un très gros organisateur libéral, messieurs, entre 1960 et 1968. C'est moi qui ai fait l'élection de M. Trudeau dans Sainte-Scholastique. J'étais montée sur le théâtre: Votez Trudeau, la justice de l'Atlantique au Pacifique. Bon, je suis au journal, j'écris ce qui se passe aux assemblées de citoyens parce qu'on disait que j'avais le don d'ubiquité; dans une soirée, je pouvais parcourir trois assemblées, j'étais vite sur la pédale à gaz. Donc, ils me faisaient venir le lendemain, les gens du fédéral, M. Boissy et les autres, et me disaient: Rita, tu vas écrire: Ne vous inquiétez pas, les cultivateurs, vous allez être payés 100 000 $ l'arpent, vous allez être bien, vous allez pouvoir rester longtemps, on va vous améliorer. Non, M. Boissy, je n'écrirai jamais cela, parce qu'on est déjà en 1972 et il n'y a pas un cultivateur qui est payé. C'est impossible. Moi, j'écris ce qui se passe. Quand je vais à une conférence de presse du fédéral, j'écris ce qu'ils disent à la lettre. Lorsque je vais à une assemblée de citoyens ou à une assemblée du conseil municipal, du conseil de comté, j'écris ce qui se dit. Je ne pouvais pas dire: On a eu une assemblée pour le territoire exproprié et les gens sont contents. Je ne pouvais pas leur faire miroiter qu'ils seraient heureux.

Il y a un gars qui l'a fait, le maire de Sainte-Scholastique village, il l'a fait en 1969 dans ce qu'on appelait le "petit journal". Assis sur le bord de la clôture, ne vous inquiétez pas les cultivateurs, vous allez être bien payés; des 100 000 $, vous allez en avoir. Est-ce que tu sais ce qui est arrivé? Les gars restaient chez eux, il n'y avait pas de regroupement. Là, on essayait de négocier avec eux. Celui qui avait dix enfants dans la même famille, on lui donnait 40 000 $ et on lui disait: Ne dis pas combien on t'a donné; on a donné 30 000 $ à l'autre. Cela a fait un désordre social. Des familles se sont chicanées. Il y a eu des divorces, monsieur, par rapport à l'expropriation; même moi, j'ai divorcé à cause de l'expropriation. Parce que mon mari voulait que je lui donne l'argent. Je lui disais: Non, Claude, tu ne l'auras pas. L'argent, c'est pour acheter une autre maison. Cela a fait de la chicane. De fait, parce que j'étais journaliste, parce que j'écrivais ce qui se passait... Comme dans le cas du ministère de la Main-d'Oeuvre. C'était censé être pour les gens de la place. Les gens de la place allaient demander un emploi, est-ce que tu sais ce qu'on faisait? On les envoyait à l'école, à l'école du soir.

Donc, moi, j'écrivais la vérité, mais le vase a débordé quand je suis allée faire une manifestation à Ottawa à titre d'expropriée et non pas de journaliste. J'ai fait un petit coup, je ne le regrette pas, je ne le regrette pas. Le vase a débordé et j'ai perdu mon emploi. Alors, si tu veux calculer, les 17 000 $, ils sont finis, ils sont partis de 1973 à 1982; au mois de mai, j'ai été bénéficiaire de l'aide sociale. J'ai été obligée de dépenser cet argent, mon petit gars, pour vivre. Comprends-tu? Excusez si je dis: mon petit gars. Je suis une personne spontanée, une personne très franche et une personne qui aime le monde. Là, je vous regarde avec votre petite barbe, c'est mon petit gars que je vois. Je pense que M. de Bellefeuille me connaît un peu, parce que j'étais dans son comté avant; maintenant, je suis dans le comté de M. Ryan, c'est dommage qu'il soit parti. Quand M. Ryan parle, qu'il dit que, du côté de Lachute... Lui, on dirait qu'il est content qu'ils aient vendu à une société. Mais ils n'ont pas exproprié pour vendre. Si cette compagnie multinationale était arrivée et avait dit à ce cultivateur: Je veux avoir ta terre, le cultivateur la lui aurait vendue le prix qu'il aurait voulu. S'il faut que cela arrive comme cela, cela va être abominable.

En passant, M. de Bellefeuille, je tiens à vous dire qu'il y a un type qui reste dans votre ville de Saint-Eustache, qui est membre et directeur de la société immobilière et qui dit qu'il a bien hâte, M. Garon, que le gouvernement du Québec laisse tomber ce zonage agricole, afin que Sainte-Scholastique et Belle-Rivière deviennent une espèce de petite ville avec des belles maisons, des belles bâtisses. On veut enlever le zonage agricole pour bâtir à nouveau. Qui va profiter de ces belles maisons? Tous les employés ou le peu d'employés qui travaillent à l'aéroport.

En parlant de l'aéroport, mon gendre travaille là en tant que douanier. La semaine passée, il arrive à la maison à six heures. Je lui demande: Tu ne travailles pas, mon garçon? Il dit: Ne m'en parlez pas, le prochain avion est à onze heures et il n'y a que 68 passagers. Cela marche à Mirabel Est-ce que vous avez d'autres choses à me dire?

Le Président (M. Rochefort): Moi, non

madame. Mais il y a le député de Deux-Montagnes qui brûle d'impatience de vous adresser quelques questions. M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Cela me fait plaisir, Rita, de vous revoir dans un cadre différent, parce qu'on se connaît bien, on s'est vu; à toutes les réunions du CIAC auxquelles j'ai assisté, vous étiez toujours là. La commission tient des séances depuis hier. Vous nous avez parlé de planches, de tôle, de clous; bien, le clou, c'est vous. C'est vous qui êtes le clou de l'audience de la commission.

Mme Clermont: ... misère!

M. de Bellefeuille: Voilà! Vous venez de nous expliquer, Rita, que vous avez perdu votre emploi - là, vous l'avez expliqué un peu plus clairement que c'est expliqué dans votre mémoire - parce que vous êtes allée manifester à Ottawa pour la cause des expropriés.

Mme Clermont: Bien oui!

M. de Bellefeuille: Dans votre mémoire, vous dites cela d'une façon, il y a comme un raccourci; vous dites que vous avez perdu votre emploi parce qu'on a exproprié votre maison. Mes collègues et moi avions du mal à comprendre comment le fait d'avoir été expropriée vous avait fait perdre votre maison. Vous avez depuis expliqué que vous êtes partie avec les gens du CIAC - à l'époque, cela s'appelait le comité des expropriés peut-être, ou c'était déjà le CIAC - et vous êtes allée manifester à Ottawa. Je me souviens de vous avoir lu dans la Concorde et la Victoire; je suis journaliste, Rita.

Mme Clermont: C'est là que je t'ai connu comme journaliste, dans le temps du...

M. de Bellefeuille: Je trouvais que vous y alliez un petit peu fort pour les moyens de ces deux hebdomadaires qui n'étaient pas très portés à prendre position. Il y avait plusieurs articles qui parlaient de tout. À un moment donné, il y avait la chronique de Rita Clermont qui prenait position en faveur des expropriés avec des dénonciations et des apostrophes. Je trouvais que vous y alliez fort. Quand j'ai vu que le propriétaire vous avait donné votre congé, je me suis dit: Bien, Rita...

Mme Clermont: Tu étais content.

M. de Bellefeuille: Non, non. Je me suis dit: Rita, elle courait un peu après. Nos journaux ne sont pas habitués à ce genre de choses, mais je le regrette. Peut-être qu'aujourd'hui... Il a un concurrent, ce propriétaire de journaux, peut-être que le concurrent...

Mme Clermont: Mirabel? Mon ami, je tiens à te dire que le Journal de Mirabel, ce printemps, vient de congédier une journaliste. Trois semaines avant, Pierre Marinier m'a dit... J'ai dit: Pierre, ce qu'il y a d'écrit dans le journal, tu as dit que cela ne relève pas du ministre Cosgrove, que le territoire exproprié, cela relevait de toi; j'ai dit: C'est grave cela, Pierre. Tu prends des décisions, c'est affreux. Il a dit: On va te l'organiser, cette journaliste. Trois semaines après, elle perdait son emploi.

M. de Bellefeuille: Est-ce que vous parlez de Denise Proulx, par hasard?

Mme Clermont: Oui, mon ami, c'est cela. Tu le sais.

M. de Bellefeuille: Je sais, j'ai vu que le cercle de presse régional a fait des protestations sur cela, je pense qu'il y a une plainte au Conseil de presse. Peut-être?

Mme Clermont: Pierre, tu dis que j'y allais fort. Je suis Capricorne, c'est un peu mon genre.

M. de Bellefeuille: Ce n'est pas un reproche.

Mme Clermont: C'est pour te dire, Pierre, qu'une femme, dans tout ce qu'elle fait, si elle fait le bien, elle le fait à 100%, si elle fait le mal, elle le fait à 100%, elle se donne plus qu'un homme dans tout ce qu'elle fait.

M. de Bellefeuille: Rita, je trouve que vous y allez fort. Je veux juste vous donner un exemple, dans votre mémoire aussi. Vous parlez de Sainte-Scholastique; cela se lit très bien, cela se dit très bien, cet inventaire à l'envers, l'inventaire de tout ce qui est disparu, de tout ce qui est parti. Vous écrivez bien, hein! Une bonne journaliste.

Mme Clermont: J'écris bien, à part cela. As-tu vu? C'est bien lisible, autant que la voix est bien compréhensible.

M. de BeUefeuille: Oui, mais, en nous parlant ensuite, vous avez dit que Sainte-Scholastique n'est rien maintenant. Je trouve, Rita, que vous exagérez un peu, parce que ce qui est frappant dans le territoire en général, c'est peut-être inégal d'une localité à l'autre, c'est que c'est une communauté qui refuse de mourir. Il y a eu un moment assez bas. Je me souviens, j'ai fait un reportage sur l'ensemble de Mirabel. Je pense que c'est en 1973. En 1973, le monde

était pas mal déprimé, la falle basse, les maisons à l'abandon, les traîneries dans les rues. Pas partout. Sainte-Monique, je m'en souviens, même en auto, c'était dangereux de s'y promener, parce qu'il y avait de vieilles planches pleines de vieux clous qui traînaient partout. Le monde s'est repris en main, c'est vraiment une collectivité qui refuse de mourir; à Sainte-Scholastique, vous avez perdu toutes sortes de choses, bien sûr, mais c'est une communauté vivante aujourd'hui. Il faudrait le reconnaître, Rita. Ce n'est pas exempter de blâme tous ceux qui ont commis ce viol du territoire et qui continue de faire des difficultés à la population. Il faut en même temps savoir reconnaître que la population ne se laisse pas faire, que la population a réussi à reprendre goût à la vie et que ce n'est peut-être pas parfait, mais Sainte-Scholastique, c'est une place qui est belle à voir. Mgr Valois parlait de Saint-Benoît où on a conservé l'esprit communautaire. On pourrait dire cela de l'ensemble du territoire, que cela ne meurt pas, que cela ne mourra jamais grâce à vous autres. (23 h 30)

Mme Clermont: Bien non. Regarde, tu dis: C'est beau à voir. C'est farder l'affaire; les maisons ont été peinturées. Une autre chose que je pourrais te dire: Depuis lundi, la Banque Nationale est devenue un simple comptoir à Sainte-Scholastique. On a déménagé nos employés à Saint-Eustache. Tu penses que cela ne baisse pas un peu, mon pitou? Tant mieux, la Caisse populaire va grossir. Je suis optimiste, M. de Bellefeuille. Nous ne mourrons pas, nous vaincrons. On va rester dans nos maisons et on va les reprendre. On est assez adulte pour se diriger, pour décider de la couleur de notre maison, pour décider quels loisirs nous voulons avoir et nous avons, en tant que conseil municipal, quelque chose de très bien actuellement. T'as vu M. Lacroix? Ce n'est pas n'importe qui. Il dirige très bien la ville, ce gérant-là. C'est merveilleux et cela va aller très bien.

M. de Bellefeuille: Avec votre détermination, bien sûr. Merci, Rita.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de...

Mme Clermont: Vivent les femmes, à part cela!

Le Président (M. Rochefort): Mme Clermont, ne vous sauvez pas. M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): La récréation est finie.

Mme Clermont: Ce n'est pas parce que je veux faire rire le monde. Pas du tout. Je n'ai pas le goût de rire.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Ce n'est pas dans votre mémoire, mais vous avez cité tout à l'heure quelque chose. Vous avez dit que cela fait plusieurs mois ou plusieurs années que vous n'aviez pas ri et vous avez ri il y a à peu près quinze jours, en citant que vous aviez gagné quelque chose: un dollar sur le loyer, vous avez aussi gagné une cheminée neuve...

Mme Clermont: Et je ne paierai pas, quand bien même ils diraient...

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Écoutez, cela n'est pas de mes...

Mme Clermont: Je ne paierai pas, monsieur.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Pensez-vous - vous n'êtes pas obligée de me répondre - que, si cela a tourné comme ça en votre faveur, ce n'est pas pour vous attirer sur la scène fédérale?

Mme Clermont: Tout est là, monsieur. Si tu t'en vas et que tu dis: bla-bla-bla, tu vas retirer des bla-bla-bla.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Vous ne répondez pas à ma question.

Mme Clermont: Continue.

M. Boucher: II veut vous attirer sur la scène fédérale à la prochaine élection.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Vous ne pensez pas que toutes ces faveurs-là que vous avez eues, ce n'est pas plutôt pour essayer de vous attirer sur la scène fédérale, en politique?

Mme Clermont: Ah monsieur! Aux audiences de M. Jean-Pierre Goyer, en septembre 1981, je lui parle, je lui dis... Parce que je l'avais connu étant libérale des deux bords, au provincial et au fédéral, je l'ai connu. Il dit: Rita, si le gouvernement - et je lui dis: Je ne suis plus libérale, mon Jean-Pierre Goyer - fédéral fait quelque chose pour toi, est-ce que tu vas redevenir libérale? J'ai dit: Non, Jean-Pierre Goyer, c'est fini. J'ai connu mon histoire du Québec et mon histoire du Canada. Je ne suis plus capable de voter libéral; c'est fini, jamais.

M. Boucher: Passez-vous cela entre les dents!

Mme Clermont: Pierre Marinier me dit - excusez, cela ne veut pas dire que je ne t'aime pas - Rita, je peux faire ta cheminée,

je peux faire ta cheminée - il me dit cela au téléphone - mais je t'ai entendue sur une cassette la semaine passée, tu critiques toujours le gouvernement fédéral. Tu étais avec Mgr Valois. La semaine suivante, on avait une assemblée à Saint-Janvier - et vous savez qu'il y a toujours quelqu'un qui enregistre ce qu'on dit, même à travers les bâtisses - alors, je lui dis: Toi, mon Pierre Marinier, si on avait exproprié ton domaine à Oka, tel que je te connais, tu ne te serais pas laissé faire, mon garçon. En passant, M. de Bellefeuille, tu regarderas sur mon bail falsifié, celui qui a approuvé cette signature malhonnête, c'est ton bon ami, Pierre Marinier.

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.

M. Garon: Vous dites que votre loyer a baissé récemment. Est-ce que c'est le seul loyer qui a baissé ou si plusieurs loyers ont baissé?

Mme Clermont: Oui, oui. Ils ont baissé plusieurs loyers. Parce que, compte tenu des 5% et des 6% qu'on a décidés au fédéral en juin, nous avons baissé votre... Il y en a qui ont été baissés de 27 $, de 9 $; moi, j'ai été baissée de 1 $. Je ne pensais pas être baissée. Je suis toute surprise.

M. Garon: Est-ce que vous avez eu des remboursements?

Mme Clerrnont: Bien non. Cela fait plus d'un mois de cela et ils vont me renvoyer un chèque de 3 $, parce que j'ai payé juillet, août, septembre, 1 $ de trop; cela fait qu'ils vont me rembourser 3 $. Je ne sais pas à quel moment, mais...

M. Garon: D'accord. Je vous remercie.

Le Président (M. Rochefort): Au nom des membres de la commission, madame, je vous remercie de vous être présentée devant nous et, sur ce...

Mme Clermont: Je vous remercie de m'avoir écoutée. C'est merveilleux de vous avoir tous rencontrés, les amis.

Le Président (M. Rochefort): ... la commission ajourne ses travaux au mardi 16 novembre, à 10 heures.

Fin de la séance à 23 h 36)

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