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(Dix heures dix-neuf minutes)
Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission permanente de l'agriculture, des pêcheries et de
l'alimentation reprend ses travaux, ce matin, aux fins d'entendre les personnes
et les organismes sur la question des terres expropriées en trop de
Mirabel.
Les membres de la commission sont: M. Baril (Arthabaska), M. de
Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Beauséjour (Iberville), M. Dubois
(Huntingdon), M. Dupré (Saint-Hyacinthe), M. Gagnon (Champlain), M.
Garon (Lévis), M. Houde (Berthier), M. Lévesque
(Kamouraska-Témiscouata), M. Mathieu (Beauce-Sud), M. Picotte
(Maskinongé).
Peuvent aussi intervenir: M. Blouin (Rousseau), M. Boucher
(Rivière-du-Loup), M. Dean (Prévost), M. Lachance (Bellechasse),
M. Fallu (Groulx), M. Lévesque (Bonaventure), M. Mailloux (Charlevoix),
M. Vaillancourt (Orford), M. Vallières (Richmond).
Le rapporteur de la commission a été désigné
hier. Il s'agit du député de Saint-Hyacinthe.
L'ordre des intervenants sera le suivant: la ville de Mirabel, la
Fédération de l'UPA des Laurentides, la Société
nationale des Québécois, région des Laurentides, M.
Réal Paquette, M. Jacques Desrosiers, Mme Berthe Lorrain et M. Pierre
Lorrain, M. Euclide Proulx, Mme Rita Clermont et l'évêché
de Saint-Jérôme.
M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: J'espère que je ne vous interromps pas dans les
annonces que vous faisiez.
Le Président (M. Rochefort): Non. J'avais
terminé.
M. Ryan: Tout d'abord, je voudrais confirmer que, ce matin, je
suis toujours le porte-parole de l'Opposition pour les séances de la
commission sur Mirabel. M. Albert Houde m'accompagne. M. Mathieu est absent
parce qu'il assiste à un congrès de l'UPA dans son comté
et il est remplacé, comme membre de la commission, ce matin, par M.
Paradis. M. Vallières sera également - je pense qu'on l'avait
annoncé hier - membre de la commission.
Le Président (M. Rochefort): C'est fort possible. Je n'ai
pas la liste d'hier.
M. Ryan: En tout cas, le reste, c'est comme hier. Est-ce que cela
va? Il y a un autre point que je voudrais clarifier.
Le Président (M. Rochefort): Juste une seconde, M. le
député d'Argenteuil. Hier, qui remplaciez-vous, de façon
à être inscrit? Quand je dis que vous remplaciez, c'est dans
l'ordre habituel des membres de la commission, évidemment.
M. Ryan: J'ai cela dans ma serviette, mais elle est tellement
épaisse que j'ai les bras fatigués ce matin.
Une voix: C'était M. Dubois, je pense. M. Ryan:
C'est M. Dubois.
M. Garon: Vous êtes un homme infatigable.
M. Ryan: C'est faux, comme bien d'autres choses qui circulent
à mon sujet.
Des voix: Ah!
Le Président (M. Rochefort): Pour les fins du journal des
Débats, M. Ryan (Argenteuil) remplace M. Dubois (Huntingdon), à
titre de membre de la commission, et M. Paradis (Brome-Missisquoi) remplace M.
Mathieu (Beauce-Sud), à titre de membre de la commission.
M. Ryan: C'est cela. J'aurais un autre point à soulever,
si vous me le permettez.
Le Président (M. Rochefort): Oui, allez-
y!
M. Ryan: Hier, un incident s'est présenté et je
crois que c'est le député de Groulx qui a demandé que vous
statuiez sur un document qui avait été distribué pendant
ou avant la séance d'hier soir. Je ne sais pas si vous avez quelque
chose à nous communiquer là-dessus ce matin.
Le Président (M. Rochefort) Oui, effectivement, hier, au
cours de la séance de l'après-midi ou de la soirée, le
député de Groulx m'avait demandé une information sur
la distribution du document qui provenait de la Chambre de commerce de
Mirabel, qui avait été faite au cours des travaux de notre
commission. Sur cette question, je n'ai pas mes documents avec moi ce matin,
mais je crois que c'est le président ou un membre de la chambre de
commerce qui m'a fait parvenir une lettre personnelle à titre de
président de la commission, avec 50 copies d'une lettre qu'il voulait
voir distribuer aux membres de la commission. J'ai fait distribuer cette lettre
aux membres de la commission par le secrétariat des commissions. C'est
une procédure habituelle en commission parlementaire. Il ne s'agit
d'aucune façon d'un mémoire déposé à notre
commission parlementaire, mais d'un document qui m'a été transmis
pour que je le transmette par la suite aux membres de la commission pour qu'ils
en fassent ce qu'ils souhaiteront en faire. Rien de plus et rien de moins.
M. Ryan: Est-ce que je sortirais des bornes si j'émettais
le voeu que nous invitions cet organisme à se présenter devant
nous au mois de novembre?
Le Président (M. Rochefort) Une commission est
maîtresse de ses travaux. Il y a des dispositions dans notre
règlement qui permettent à une commission de demander à
quelqu'un de venir témoigner en commission. C'est un voeu que vous
émettez, vous cherchez un consensus ou vous voulez en faire une motion
formelle?
M. Ryan: Non, s'il y avait consensus, je le
préférerais; sinon, j'attendrais.
M. Garon: Je n'ai pas d'objection.
Le Président (M. Rochefort) M. le ministre de
l'Agriculture, vous êtes d'accord là-dessus?
M. Garon: Oui, j'en profiterais même pour qu'on
émette le voeu que la Société immobilière du Canada
vienne également.
M. Ryan: D'accord.
M. Garon: D'autant plus qu'il n'y aurait pas de raison de
refuser, on me dit que la société a un observateur ici. En vertu
de l'article 153, M. le Président, peut-être que cet observateur
pourrait aussi être invité à venir témoigner. Cela
est possible aussi. La commission peut inviter quelqu'un et on m'a dit que
l'avocat de la Société immobilière du Canada est ici.
Donc, les explications dont on a besoin sur les baux... Pardon?
Une voix: Hydro-Québec.
M. Garon: On m'a dit que c'est Me
Sylvie Boivin, avocat. Elle pourrait peut-être venir nous donner
les informations dont on a besoin. On m'a dit que Me Sylvie Boivin serait ici
dans les galeries ou était ici hier. En vertu de l'article 153, on
pourrait peut-être l'inviter à venir nous donner des
renseignements concernant les baux.
M. Paradis: Si on finit assez de bonne heure ce soir.
M. Garon: II n'y a rien de méchant là-dedans; au
fond, ce seraient simplement des questions techniques. J'aimerais savoir, M. le
Président, au sujet de cette invitation de l'article 153, quelles formes
peuvent prendre les invitations aux gens qui n'ont pas demandé de venir
témoigner devant la commission.
Le Président (M. Rochefort): M. le député
d'Argenteuil sur cette question.
M. Ryan: Je suis tout à fait d'accord avec le ministre de
l'Agriculture sur le fait d'inviter d'une manière toute spéciale
la Société immobilière du Canada à venir
témoigner devant la commission lors des audiences que nous tiendrons au
mois de novembre. J'aurais des réserves sur l'idée de demander
à quelqu'un, qui serait dans les gradins, ici, de descendre sur le
parquet et de venir témoigner de manière impromptue. Je pense
qu'il faut s'adresser aux autorités compétentes de la
Société immobilière du Canada et miser sur leur bonne foi
et sur leur désir de collaborer à la recherche commune que nous
faisons ici. Dans cet esprit, j'appuierais volontiers l'idée
émise par le ministre de l'Agriculture.
M. Garon: Jusqu'à maintenant, on pouvait parler
d'invitations, mais, éventuellement, il va falloir se demander, pour
poursuivre nos travaux plus longuement, s'il ne faudrait pas assigner des
témoins. Il y a des gens qui devraient pouvoir venir. Il faudrait savoir
si on peut, comme membres de la commission parlementaire, assigner des
témoins. L'article 153 le prévoit. Si on veut clarifier certaines
questions, certaines personnes devront venir donner des explications.
La bonne foi, moi, je n'en préjuge jamais; on dit que la foi,
c'est un don. Je ne préjuge jamais, ni dans un sens ni dans un autre, je
ne prends que les faits.
M. Ryan: C'est le meilleur guide. M. Garon: Pardon?
M. Ryan: Les faits sont le meilleur guide. Je crois comprendre
que nous sommes d'accord, M. le Président.
Le Président (M. Rochefort): Je crois comprendre qu'il y
aurait consensus pour faire part d'une invitation au groupe mentionné
pour qu'il vienne se faire entendre lors d'une prochaine séance de la
commission. Si vous voulez aller plus loin que cela, je vous demanderai soit de
suspendre nos travaux afin d'être en mesure de vous fournir les
informations les plus précises et les plus complètes possible
à partir de l'application de notre règlement, soit que nous
revenions sur cette question à l'ouverture d'une prochaine
séance.
M. Fallu: Le consensus s'est établi.
Le Président (M. Rochefort): Pour l'instant, le consensus
s'est établi afin que nous transmettions une invitation au groupe.
M. Fallu: Quel groupe?
M. Garon: Je formulerai ma demande de façon plus directe
d'ici la fin de notre séance d'aujourd'hui. Cela donnera quelques jours
de délibération au président. Il y a peut-être des
questions plus formelles sur les droits de la commission d'assigner des
témoins.
Le Président (M. Rochefort): Lorsque vous serez
prêt, je vous entendrai; je prendrai ces questions en
délibéré et vous fournirai les renseignements
nécessaires en temps et lieu. Sur ce, ça va? Merci. Sans plus
tarder, j'invite les représentants de la ville de Mirabel, qui sont
déjà à la table, à s'identifier et à nous
présenter leur mémoire.
Ville de Mirabel
M. Laurin (Jean): Jean Laurin, maire de Mirabel.
M. Lacroix (Yves): Yves Lacroix, directeur général
de la ville.
M. Laurin (Jean): M. le Président, M. le ministre, MM. les
députés, je voudrais simplement, en premier lieu, vous remercier
d'avoir permis la tenue de cette commission parlementaire. Je pense que c'est
important pour nos citoyens qui habitent sur le territoire
périphérique. Avant de passer à la période des
questions, vous me permettrez de lire le mémoire que la ville de Mirabel
présente ce matin.
Dans le cadre des audiences de la commission permanente de
l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation, la ville de Mirabel a
jugé bon de faire connaître, au nom de ses 14 500 citoyens, sa
position sur l'avenir du très vaste territoire
périphérique exproprié par le gouvernement du Canada en
1969 pour les fins du nouvel aéroport international de
Montréal.
(10 h 30)
Née le 1er janvier 1971 de la fusion de quatorze
municipalités ou parties de municipalités, la ville de Mirabel
est "la plus grande ville agricole au Canada". Cela est tiré d'un
document du ministre d'État aux Affaires urbaines. De ses 122 800 acres,
plus des deux tiers sont la propriété du gouvernement
fédéral, soit 84 000 acres. C'est donc depuis maintenant plus de
treize ans que les citoyens de ce qui est devenu la ville de Mirabel vivent les
problèmes créés par une opération d'expropriation
d'une ampleur sans précédent.
Les particularités de la propriété
fédérale de Mirabel. L'aéroport de Mirabel et son
territoire périphérique ne constituent qu'une des nombreuses
propriétés du gouvernement du Canada au Québec. Cependant,
le territoire aéroportuaire de Mirabel se distingue des autres
propriétés fédérales en sol québécois
comme les pénitenciers, les installations portuaires, les camps
militaires, les édifices administratifs ou les autres
aéroports.
Cette distinction tient surtout à la très grande
superficie du territoire aéroportuaire de Mirabel, 96 000 acres, (84 000
dans Mirabel) dont seulement 5000 sont effectivement utilisées pour des
fins aéroportuaires et dont tout au plus 17 000 pourront l'être en
phase ultime; à la faiblesse des arguments invoqués pour une
aussi vaste opération, surtout de la part d'un gouvernement qui n'a
jamais caché ses intentions de mieux affirmer la présence
fédérale en territoire québécois; à ce
qu'une infime partie a été effectivement utilisée aux fins
de l'aéroport et que le reste a été mis en réserve
(dans des circonstances normales, quiconque doit céder sa
propriété à des fins publiques se console du fait que son
sacrifice est nécessaire à la collectivité et accepte son
sort lorsqu'il voit se réaliser l'objet de l'expropriation); à ce
que les craintes invoquées quant au bruit se sont, jusqu'à
maintenant, avérées non fondées et que toutes les
prévisions de besoins en espaces pour l'aéroport et ses fonctions
connexes, établies à grand renfort d'études, se sont
révélées fausses et que régulièrement on
remet en question la décision même de construire un
deuxième aéroport pour Montréal; à ce que le
territoire touché, riche d'un patrimoine architectural et
champêtre constitué en paroisses vieilles de plus de 150 ans,
avait une longue tradition agricole transmise de génération en
génération dans des familles parmi les plus vieilles au
Québec et que les agriculteurs sont les gens pour qui le patrimoine
familial a le plus de signification; à ce que, depuis treize ans, le
mode de gestion a fait que des terres que des générations
d'agriculteurs avaient défrichées et mises en valeur ont
été abandonnées à la friche, d'autres ont
été
surexploitées, des résidences ont été
évacuées et démolies pour des projets qui ne se sont
jamais réalisés (on peut penser ici, entre autres, au parc
industriel, au fameux PICA); enfin, à la volonté manifeste du
gouvernement fédéral d'utiliser son vaste domaine et les
importantes ressources financières qu'il se vote pour le gérer
à des fins qu'il est pour le moins difficile de rattacher à
l'aéronautique.
Parmi les interventions non pertinentes mentionnons: la fourniture
d'aide technique à la promotion des produits de l'érable via La
Mirablière; la promotion de la Foire agricole de Mirabel et du Festival
western de Sainte-Scholastique; la fourniture de ressources professionnelles,
techniques et financières à la promotion industrielle,
commerciale, agricole et touristique de la Chambre de commerce de Mirabel,
organisme qui oeuvre surtout en dehors du territoire exproprié.
L'ensemble de ces facteurs oblige à revoir les raisons qui sont
à l'origine de cette vaste expropriation, à en mesurer les
impacts et à considérer la possibilité, sinon de faire
marche arrière, au moins de réparer certains torts causés
et de favoriser la relance.
Les raisons invoquées par le gouvernement fédéral
pour exproprier et conserver un aussi vaste territoire. Le but de
l'expropriation de 1969 était de garantir Transports Canada contre toute
contrainte pouvant entraver la construction, l'exploitation et le
développement futur du nouvel aéroport international de
Montréal. À la suite d'un constat de difficultés
supposément insurmontables dans le contrôle de l'utilisation du
sol aux abords d'un aéroport, le gouvernement fédéral a
donc exproprié, en plus d'une zone opérationnelle qui, dans sa
phase ultime, doit occuper 17 000 acres - Dorval en occupe 2800 - un territoire
dit périphérique de 79 000 acres.
Les raisons de cette expropriation, telles que rappelées dans un
document présenté au ministre des Travaux publics par le
sous-ministre Mackay le 29 septembre 1980, peuvent se résumer à
peu près ainsi: contrôler la construction d'édifices et
autres structures pour éviter toute interférence dans les
manoeuvres des avions et le fonctionnement de l'équipement
électronique; contrôler l'utilisation du sol pour réduire
le péril aviaire; protéger le propriétaire de
l'aéroport des plaintes contre le bruit et des recours en dommages;
réserver certains territoires stratégiques pour des fonctions
complémentaires aux opérations aéroportuaires, parc
industriel, par exemple.
Le sous-ministre Mackay invoque aussi l'absence, à cette
époque, d'un zonage provincial ou municipal permettant d'empêcher
toute utilisation du territoire aux environs de l'aéroport à des
fins incompatibles avec l'aéroport ou préjudiciables à son
développement. Ces raisons ne signifiaient pas, pour autant, que le
territoire périphérique devait être évacué.
En devenant propriétaire, le gouvernement fédéral ne
dérangeait que ce qui était nécessaire et se donnait par
la même occasion des objectifs de gestion de son nouveau domaine, soit
assurer, bien sûr, le développement futur de l'aéroport,
préserver et mettre en valeur le territoire, générer du
développement économique dans la région de
Montréal.
Le mode de gestion retenu a été d'exclure toute
possibilité de revente et d'appliquer une formule de baux à court
terme, en fonction des critères suivants: possibilité
d'évacuer rapidement les différents territoires au fur et
à mesure des besoins d'expansion de l'aéroport ou de
l'implantation de fonctions complémentaires ou connexes; une plus grande
facilité de contrôler la construction et l'utilisation du sol et,
enfin, la possibilité d'inclure dans les baux des clauses de
renonciation à tout recours contre le gestionnaire ou Transports Canada
en raison du bruit ou de tout autre inconvénient créé par
la proximité de l'aéroport.
Il semble que la préoccupation principale du propriétaire
fédéral ait été d'éviter à tout prix
la moindre croissance (urbaine ou autre) dans le plus grand
périmètre possible autour de l'aéroport. L'argument du
gestionnaire est qu'aucune clause contractuelle ne pourrait protéger le
propriétaire de l'aéroport contre le harcèlement auquel ne
manqueraient pas de se livrer, à une époque ou à une
autre, les propriétaires affectés par le bruit.
Les effets de l'expropriation et de la gestion publique sur
l'agriculture à Mirabel: les statistiques de 1966 à 1981. Pour
tenter de quantifier les impacts de l'expropriation de 1969 et de la gestion de
la propriété fédérale sur l'agriculture, nous avons
compilé quelques données des recensements de 1966 à 1981
de Statistique Canada. Notre étude a consisté à comparer,
pour la période de 1966-1981, la ville de Mirabel au reste du
comté de Deux-Montagnes, sans Mirabel, de même qu'à
l'ensemble du Québec. Comme la ville de Mirabel n'apparaît comme
telle qu'au recensement de 1971 et que les limites du comté de
Deux-Montagnes ont changé durant la période 1966-1981, nous avons
régularisé les chiffres pour que les entités
comparées au cours de la période de quinze ans soient constantes.
Ces entités correspondent à Mirabel et au comté de
Deux-Montagnes de 1981.
Les résultats sont probants. Au chapitre du nombre de fermes,
alors que le comté de Deux-Montagnes se comportait beaucoup mieux que la
moyenne québécoise, et ce durant les deux périodes
étudiées, 1966-1971 et 1971-1981, avec des taux de croissance de
moins 14% et plus 4%, contre moins 24% et
moins 21% pour l'ensemble du Québec, Mirabel voyait diminuer son
nombre de fermes de 34% au cours de chacune des deux périodes.
Même constatation pour la population agricole, et même la
performance relative de la ville de Mirabel a été, à ce
chapitre, pire durant la période 1971-1976, où il y a eu une
baisse de 46%, que durant la période 1966-1971 (baisse de 47%) au cours
de laquelle s'était faite l'évacuation de la zone
opérationnelle. Durant les deux périodes, la perte de superficie
totale des fermes et de superficie améliorée a été
au moins deux fois plus importante à Mirabel que dans le reste du
comté et dans l'ensemble du Québec.
Il est entendu que nous ne disposons pas de données
détaillées pour comparer l'évolution de l'agriculture sur
le territoire périphérique à l'évolution de
l'agriculture sur le reste du territoire de Mirabel. Cependant, si on suppose
que la situation pour la partie non expropriée a été la
même que pour le reste du comté de Deux-Montagnes - ce qu'il est
vraisemblable de présumer - la situation pour la partie
expropriée a été pire que ce que nous illustrons pour
l'ensemble de la ville de Mirabel.
Enfin, dans un article paru dans l'édition du 9 septembre 1982 de
la Terre de chez nous et commandé par Statistique Canada, le journaliste
André Charbonneau déclare: "À cause de Mirabel, le
comté de Deux-Montagnes à lui seul totalise 36% des locataires
(de fermes) du Québec. Incidemment, on remarque que la valeur moyenne
des fermes n'est que de 187 000 $ alors que ce comté a
déjà occupé le premier rang dans ce domaine au
Québec."
D'après nos propres compilations des données de
Statistique Canada, alors qu'en 1966 la valeur totale des fermes de Mirabel
représentait 1,8% de la valeur totale des fermes du Québec, elle
n'en représentait plus que 0,9% en 1981.
L'évolution de certains facteurs liés aux perspectives de
développement de l'aéroport, au climat sonore et au
contrôle de l'utilisation du sol. La décision de doter
Montréal d'un nouvel aéroport international a été
prise au milieu des années soixante. À cette époque, le
transport aérien connaissait des taux de croissance de l'ordre de 10%
par année. Dorval atteignait son point de saturation.
L'exiguïté de sa zone opérationnelle ne permettait pas
d'agrandir, mais, surtout, la pression grandissante exercée par la
population avoisinante qui se plaignait du bruit obligeait l'aéroport
à se relocaliser. Or, au début des années soixante-dix,
avant même que le complexe de Mirabel n'accueille son premier passager,
le monde du transport aérien allait être bouleversé. La
crise de l'énergie et la période de réajustement
économique qui s'ensuivit, de même que la réorganisation du
transport aérien dans l'Est du Canada ont fait que Mirabel reste
sous-utilisé.
En 1975, le document Climat sonore du Bureau d'aménagement du
nouvel aéroport international de Montréal projetait pour Mirabel
le scénario de croissance suivant, basé sur des projections
faites par Transports Canada en 1968. Voici le tableau: On prévoyait, en
1975, deux pistes, en 1980 trois pistes, en 1985 trois pistes et, en 1990,
quatre pistes. On prévoyait un nombre annuel de mouvements
(atterrissages et décollages) pour 1975 de 78 800, pour 1980 de 170 800,
pour 1985 de 405 900 et, pour 1990, de 478 000. On a actuellement, dans des
périodes comme le mois de juillet, les périodes les plus
achalandées, moins de 50 000 mouvements. Des vols domestiques sont
prévus pour 1985 et 1990, des vols transfrontaliers sont prévus
pour 1980, 1985 et 1990, ce qui n'est pas le cas, et, enfin, les vols
internationaux étaient prévus à partir de 1975.
En 1982, nous n'avons même pas atteint le niveau d'activité
qui avait été prévu pour 1975. Bien plus, le 6 août
dernier, le ministre des Transports, Jean-Luc Pépin, annonçait
l'abandon du plan directeur de 1968 qui prévoyait le transfert de tous
les vols de Dorval à Mirabel dans les dix années de son
ouverture; la consécration de Dorval comme principal aéroport
pour les vols domestiques et transfrontaliers et la consécration de
Mirabel comme principal aéroport pour les vols internationaux et le
transport de fret. Ainsi, en vertu du nouveau plan directeur de Transports
Canada, toute hypothèse de nouveaux transferts de vols de Dorval
à Mirabel est écartée pour une période
indéterminée.
La question du climat sonore. On a voulu pour Mirabel une
flexibilité absolue, la liberté d'utilisation 24 heures par jour,
une possibilité quasi illimitée de croissance, une liberté
totale dans les mouvements d'approche et de décollage pour maximiser la
sécurité et l'efficacité. Ces considérations ne
sont pas à négliger. On ne peut qu'être d'accord avec les
objectifs qu'elles sous-tendent, mais, si le transport aérien est une
composante importante de l'économie, l'agriculture n'est pas à
négliger non plus. L'une ne doit pas être valorisée aux
dépens de l'autre, surtout si, comme tous semblent vouloir le
reconnaître, elles peuvent coexister.
Or, le seul véritable prétexte à l'expropriation de
96 000 acres des meilleures terres agricoles du Québec est
d'éviter les frictions que connaissent la plupart des grands
aéroports du monde avec leur population environnante à cause du
climat sonore. Mais, pendant toutes ces années où on a
retardé, pour maintenant l'abandonner, le transfert des vols de Dorval
à Mirabel, le dossier du climat sonore a, lui
aussi, évolué. À la suite de l'augmentation des
coûts du carburant, les transporteurs aériens ont
rationalisé leurs opérations. Ils ont modifié des trajets
et annulé des vols pour augmenter les taux d'occupation des avions. Le
résultat est qu'on transporte maintenant plus de passagers et plus de
fret en moins de mouvements, donc, en faisant moins de bruit. Les avions aussi
se sont améliorés; ils sont moins bruyants. Ces
améliorations technologiques sont la réponse qu'ont dû
apporter les constructeurs aux plaintes des millions de personnes qui, dans le
monde entier, vivent à proximité d'aéroports. À la
question de savoir si on doit créer des déserts autour des
aéroports ou rendre les avions moins bruyants, seul le Canada a choisi
la première voie et ce, même si les avions sont, de toute
façon, de moins en moins bruyants parce que nos voisins du sud, eux, ont
choisi la seconde voie.
Le contrôle de l'utilisation du sol. Un autre fait nouveau depuis
1969 est que tout le territoire exproprié pour l'aéroport,
à l'exception de quelques noyaux de village que la société
immobilière a accepté de vendre de toute façon, est
maintenant inclus dans la zone agricole permanente régie par la Loi sur
la protection du territoire agricole. Le même territoire est aussi
assujetti depuis 1975 à un règlement municipal de zonage tout
aussi restrictif. Les craintes fédérales d'urbanisation dans les
zones susceptibles, dans quelque avenir que ce soit, d'être
affectées par un climat sonore pouvant amener des frictions avec le
propriétaire de l'aéroport ne sont donc pas fondées.
Enfin, la question des restrictions de hauteur ne peut absolument pas
servir de prétexte au gouvernement fédéral pour ne pas
revendre une partie importante du territoire périphérique. C'est
actuellement la ville de Mirabel qui applique, par son règlement de
zonage, le règlement de zonage de l'aéroport de Mirabel. La ville
applique aussi par son règlement les restrictions de construction sur
les terrains adjacents au radar ASR SSR Mirabel. (10 h 45)
Les objectifs de la ville de Mirabel. Sept ans après l'ouverture
de l'aéroport et à la lumière de treize années de
gestion fédérale du territoire périphérique, la
ville de Mirabel a accueilli avec satisfaction l'annonce d'une revente
prochaine d'une partie du territoire périphérique et l'offre de
baux à long terme pour la partie qui ne pourra pas être vendue. En
tant que gouvernement municipal, la ville de Mirabel a cependant des objectifs
à proposer pour l'élaboration des politiques concernant l'avenir
de près de 70% de son territoire.
Ainsi, la ville de Mirabel appuiera toute solution qui permettra au plus
grand nombre possible de ses citoyens, agriculteurs ou autres, d'avoir une vie
sociale, économique et politique normale, notamment en devenant des
propriétaires à part entière, jouissant de leurs pleins
droits de participation aux décisions municipales; rétablira
l'équilibre socio-économique d'avant 1969 en réactivant
l'économie locale par la rentabilisation des exploitations agricoles et
la création d'emplois; libérera les noyaux de village des
contraintes qui ont entraîné, au détriment de la
qualité de la vie, la disparition d'une partie importante des services
communautaires et commerciaux nécessaires à la population;
permettra à la ville de se planifier sans dépendre des
décisions le plus souvent improvisées du gouvernement
fédéral d'utiliser le territoire périphique à
toutes sortes de fins; libérera au profit de la municipalité
certains espaces non agricoles réclamés depuis longtemps pour du
développement industriel ou commercial de façon à
réduire les pressions sur les bonnes terres agricoles; redonnera
à la ville son droit à la croissance pour rentabiliser certains
services existants et même, sans nuire à l'aéroport,
atteindre un seuil de population et d'économie pouvant justifier un
meilleur niveau de services.
La réévaluation des besoins du territoire
périphérique et la relance de l'agriculture. La proposition de la
société immobilière. Le 25 mai dernier, après
révision des nombreuses études faites dans le passé sur le
territoire, à la lumière d'un sondage "non publié" - il
faudrait maintenant parler d'un sondage publié de la maison SORECOM - et
à la suite des audiences publiques qu'elle avait tenues, la
Société immobilière du Canada a publié un document
intitulé L'avenir du territoire périphérique de
Mirabel.
Dans ce cahier de huit pages, la société
immobilière énonce le nouveau mandat que lui a confié le
Conseil des ministres et dresse les grandes lignes d'un programme de revente.
Selon les termes mêmes du document de la société, "ce
mandat a pour but de favoriser l'exploitation optimale des
propriétés du territoire en assurant une plus grande
sécurité à ses résidents, soit par la vente des
propriétés déclarées excédentaires, soit par
l'offre de baux à long terme, tout en poursuivant une politique de mise
en valeur du territoire".
Le programme de vente a été établi par la
société à la suite d'une révision des contraintes
aéroportuaires, soit des restrictions de hauteur et des restrictions
multiples, ces dernières étant manifestement dominées par
des projections révisées de la pire situation de climat sonore
pouvant survenir durant toute l'existence de l'aéroport.
Le programme déclare excédentaires 29 400 acres de
terrain, soit 30% de la superficie du territoire périphérique.
La
carte, intitulée La vente des propriétés,
annexée au document de huit pages, montre cinq sortes de terrains
vendables. Des 29 400 acres, 21 000 sont situées à
l'intérieur des limites de la ville de Mirabel et se répartissent
comme suit: 50 acres de zone résidentielle sans restrictions, soit la
partie est du village de Saint-Canut; 141 acres de zone résidentielle
avec restrictions de hauteur, soit la partie expropriée du village de
Saint-Hermas et la partie centrale de Saint-Janvier, 104 acres de zone
résidentielle avec restrictions multiples, soit la partie nord du
village de Saint-Janvier, 8927 acres de zone agricole et forestière sans
restrictions et 11 778 acres de zone agricole et forestière avec
restrictions de hauteur.
Le programme oublie notamment tout le territoire qui n'est sujet
à aucune restriction, mais qui n'est pas, à proprement parler,
agricole et où le gouvernement fédéral a prévu, en
vertu du plan directeur préparé par le ministère
d'État aux Affaires urbaines, certains projets particuliers comme les
aménagements récréatifs du Vide-Sac et du parc Mirabel, de
même que le pénitencier de Saint-Canut. Là aussi, il y
aurait lieu d'ajouter le parc industriel commercial et aéroportuaire. Le
programme ne considère pas, non plus, comme excédentaire le parc
industriel lourd de Lachute, non plus qu'un important bloc de terres à
l'est du noyau de Saint-Canut. Le programme est assorti de certaines conditions
de vente - droit de premier refus ou alternative de bail à long terme,
par exemple - qui varient selon que l'immeuble à vendre est agricole,
résidentiel ou commercial. Le prix est fixé à la valeur
marchande moins 15%.
La proposition de la ville de Mirabel. Compte tenu de l'évolution
de certains facteurs telle que discutée au chapitre
précédent, la ville de Mirabel considère que le
gouvernement fédéral pourrait, tout en respectant scrupuleusement
les critères qu'il s'est lui-même fixés pour
préserver l'intégrité présente et future de
l'aéroport, étendre son programme de vente à plus de 71%
du territoire périphérique, soit 48 000 acres à
l'intérieur des limites de la ville de Mirabel.
En plus des 21 000 acres déjà identifiées au
document L'avenir du territoire périphérique de Mirabel,
pourraient être déclarés excédentaires par rapport
aux besoins premiers du territoire périphérique
aéroportuaire tous les terrains qui ne sont assujettis à aucune
restriction et tous les terrains qui ne sont assujettis qu'à des
restrictions de hauteur. Il est clair qu'il n'est nullement nécessaire
que le gouvernement fédéral soit propriétaire pour que
soient appliqués les règlements de Transports Canada et le
règlement municipal de zonage. S'y ajoutent tous les terrains dont la
résidence est située en zone de 25 PBP même si le reste du
terrain peut être soumis à un climat sonore plus
sévère, quitte à imposer une servitude de non-construction
doublée d'une interdiction de construire en vertu du règlement
municipal de zonage pour, justement, les parties de terrain assujetties
à un climat sonore supérieur à 25 PBP.
Cette dernière proposition s'appuie sur le fait que, si les
résidences de la partie nord de Saint-Janvier, assujettis à un
climat sonore de 25 PBP et même possiblement de 30 PBP, ont
déjà été déclarées
excédentaires par la Société immobilière du Canada,
pourquoi n'en serait-il pas de même des fermes dont les résidences
sont situées le long de la rue Victor, dans un secteur où le
climat sonore maximal prévu est de 25 PBP, même si l'aire
cultivable s'étend dans une zone où le climat sonore pourrait
atteindre 30 PBP ou même 35 PBP?
De plus, la ville de Mirabel, à la lumière des
informations dont elle dispose sur le programme fédéral de
revente, considère que le prix demandé, 85% de la valeur
marchande, et les conditions proposées par la Société
immobilière du Canada ne favorisent pas la vente, surtout des terres
agricoles, et laissent plutôt croire que la Société
immobilière du Canada compte utiliser l'opération pour
démontrer que les agriculteurs sont satisfaits de leur sort de
locataires. Il est, en effet, notoire que les loyers actuellement payés
sur le territoire périphérique, au moins dans le secteur
agricole, représentent beaucoup moins que ce que serait, aux taux
d'intérêts courants, un éventuel paiement
hypothécaire pour un prix d'acquisition de 85% de la valeur
marchande.
C'est, d'ailleurs, une des principales raisons des énormes
déficits d'exploitation du gestionnaire. Le budget actuel de la
Société immobilière du Canada est de plus de 11 000 000 $
pour les seuls coûts d'administration et d'entretien des immeubles du
territoire périphérique, sans aucun service de la dette pour les
130 000 000 $ qu'a coûté l'expropriation.
Compte tenu de l'impossibilité absolue de rentabiliser ou
même de seulement administrer le territoire périphérique
sans déficit, le gouvernement fédéral a tout avantage
à vendre. On rétorquera que vendre à un prix
inférieur à la valeur marchande équivaudrait à une
subvention. Mais cette subvention ne s'appliquerait qu'à ceux qui ont un
droit de premier refus, c'est-à-dire les occupants actuels qui sont, au
dire même de la Société immobilière du Canada,
à 75% d'anciens propriétaires. Quelle que soit la valeur de cette
subvention indirecte, elle coûtera moins cher aux contribuables canadiens
que celle que s'apprête à perpétuer la
Société immobilière du Canada sous forme de loyers
inférieurs au marché.
Bien avant l'adoption de la Loi sur la
protection du territoire agricole par le gouvernement du Québec,
la ville s'était donné un schéma directeur et une
réglementation de zonage qui consacraient la vocation agricole de la
presque totalité de son territoire. La ville affecte même une
partie de son budget annuel à la promotion de l'agriculture, notamment
sous forme de subvention à la foire agricole annuelle. Mais le
véritable problème est que l'agriculture continuera à se
détériorer tant que le territoire périphérique sera
sous gestion publique. La ville de Mirabel n'est pas convaincue qu'une formule
de baux emphytéotiques réglera la question. Si des industriels
refusent la formule pour le PICA, les agriculteurs pour qui la valeur
foncière de leur ferme est la principale sécurité ne
sauraient s'en satisfaire.
La situation ne pourra revenir à la normale que par la revente
d'au moins 48 000 acres, soit tout ce qui a été identifié
comme excédentaire par la ville de Mirabel. De plus, le plan de relance
devra prévoir des conditions plus sécurisantes pour ceux des
agriculteurs qui devront rester locataires, au moins jusqu'au prochain plan
directeur de Transports Canada. Enfin, la ville de Mirabel attend du
gouvernement du Québec un plan de rattrapage dans les différents
programmes de subventions aux agriculteurs qui ont, jusqu'à maintenant,
fait les frais des différends entre les deux paliers de
gouvernement.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre de
l'Agriculture.
M. Garon: Vous avez dit que la chambre de commerce oeuvre surtout
en dehors du territoire exproprié. C'est un organisme auquel des gens se
sont référés occasionnellement. Considérez-vous la
chambre de commerce comme un organisme représentatif du
développement de l'agriculture dans Mirabel?
M. Laurin (Jean): II y a peut-être trois ans environ, la
chambre de commerce a organisé la foire de Mirabel. Alors,
évidemment, la chambre de commerce s'est impliquée dans le
secteur agricole, mais, à part cette implication au niveau de la foire,
je ne crois pas que la chambre de commerce, dans le passé, se soit
préoccupée beaucoup de l'agriculture sur le territoire.
M. Garon: Est-ce que, à votre connaissance, on retrouve
beaucoup d'agriculteurs à la chambre de commerce?
M. Laurin (Jean): Je ne pourrais pas répondre à
cette question, M. le ministre. J'ai appris que la chambre de commerce
regroupait entre 125 et 150 membres. Maintenant, est-ce qu'il y a plusieurs
agriculteurs qui sont membres de la chambre de commerce? J'en doute fortement.
Je n'ai pas les statistiques.
M. Garon: Êtes-vous membre vous-même de la chambre de
commerce?
M. Laurin (Jean): J'étais effectivement membre de la
chambre de commerce jusqu'à il y a trois semaines. Mais à la
suite des agissements de la chambre de commerce, spécialement de la
conférence de presse donnée par la chambre de commerce il y a un
mois environ, j'ai dû remettre ma carte de membre, compte tenu que cet
organisme a attaqué la ville de Mirabel et ses citoyens en
alléguant, entre autres, que le climat social à Mirabel
était perturbé et que le taux de criminalité était
alarmant. À titre de représentant d'une ville, je ne peux
m'associer à un organisme qui non seulement dénigre la
municipalité, ses administrateurs, mais qui dénigre
également ses citoyens.
M. Garon: Aux pages 20 et 21 de votre mémoire, vous dites
que la ville de Mirabel considère que la Société
immobilière du Canada ou plutôt le gouvernement
fédéral pourrait, en respectant ses propres critères pour
l'intégrité présente et future de l'aéroport,
"étendre son programme de vente à plus de 71% du territoire
périphérique, soit 48 000 acres à l'intérieur des
limites de la ville de Mirabel". Les 48 000 acres incluent les 29 000 ou si
c'est 48 000 acres en plus?
M. Laurin (Jean): M. le ministre, quand le gouvernement
fédéral parle de revendre 29 000 acres, il faut savoir que
seulement 21 000 sont situées à Mirabel. Ce que la ville
suggère, c'est 21 000 acres plus 27 000 acres. C'est donc une
augmentation, à l'intérieur de notre ville, de 27 000 acres.
C'est 48 000 acres à Mirabel seulement, sans tenir compte du territoire
à l'extérieur de notre municipalité.
M. Garon: Cela voudrait dire 27 000 acres plus 29 000 acres, soit
56 000 acres du territoire exproprié.
M. Laurin (Jean): C'est ça.
M. Garon: En respectant leurs propres critères.
M. Laurin (Jean): C'est ça, parce qu'on a parlé
tantôt de PBP, qui est, pour donner une information, la prévision
de bruit perçu, "noise exposure forecast". On se rend compte que, dans
certains secteurs de la municipalité, des terres ne sont pas revendues
parce que le trait carré de la terre se trouve dans un climat sonore
élevé. Je pense qu'il est assez rare qu'un agriculteur
bâtisse sa grange ou sa résidence
au trait carré de la terre. Alors qu'on vende la terre au complet
même si le trait carré fait l'objet d'agression sonore plus
élevée que là où sont bâtis la
résidence et les bâtiments de ferme. On a cité l'exemple de
la rue Victor à Saint-Janvier où on vend, en
périmètre urbain, à des endroits où l'agression
sonore est au moins aussi élevée que dans certains autres
endroits où le gouvernement fédéral a décidé
de ne pas revendre le territoire.
M. Garon: C'est une étude que la ville a faite, cela?
M. Laurin (Jean): Oui.
M. Garon: Et avec ces 48 000 acres du territoire de Mirabel, il y
a 8000 acres de plus qui sont à l'extérieur du territoire, qu'ils
sont déjà prêts à revendre.
M. Laurin (Jean): À l'extérieur de la ville, oui.
Évidemment, on a aussi nos règlements municipaux qu'on peut faire
appliquer, tel le règlement sur le zonage, la construction, le
lotissement...
M. Garon:: J'ai compris. Dans les règlements en
hauteur...
M. Laurin (Jean): Le gouvernement fédéral, en vertu
de la loi sur l'aéronautique, a des restrictions, mais nous, cela fait
partie intégrante de notre règlement. On applique ces
restrictions.
M. Garon: Quand on parle de climat sonore - je ne suis pas
familier avec cela -à Dorval quel est le climat sonore des maisons
autour? (11 heures)
M. Laurin (Jean): Je ne sais pas si on l'a dans les statistiques,
M. Lacroix. Je ne saurais répondre à cette question.
M. Garon: À la page 22, vous dites que "la
société immobilière compte utiliser l'opération
pour démontrer que les agriculteurs sont satisfaits de leur sort de
locataires." Qu'est-ce qui vous amène à penser cela?
M. Laurin (Jean): Actuellement, sur le territoire
exproprié - on s'adressera uniquement aux agriculteurs pour l'instant
-les taux de loyer représentent, à ce qu'on nous dit, 40% de la
valeur marchande locative ou réelle. Comment peut-on
espérer...
M. Garon: Quand vous dites 40%, voulez-vous dire 40%...
M. Laurin (Jean): De la valeur réelle.
M. Garon: Oui, mais quelqu'un qui n'a pas de contraintes ou
quelqu'un qui est pris dans des contraintes comme ça?
M. Laurin (Jean): C'est une moyenne sur le territoire. Le taux
des terres en culture sur le territoire représente à peu
près 40% de la valeur marchande réelle. Sans doute que certains
agriculteurs paient moins et que d'autres paient plus, mais compte tenu des
contraintes et de tout ce qui s'ensuit, le pourcentage est à peu
près 40% de la valeur réelle.
Comment pouvons-nous espérer, nous qui croyons qu'un agriculteur
devrait être propriétaire, que celui-ci serait
intéressé à acheter sa ferme au prix de la valeur
marchande d'aujourd'hui moins 15% compte tenu des loyers actuels qu'il paie?
Nous pensons que les 85% sont peut-être valables ou discutables, mais le
gouvernement fédéral et voire même le gouvernement
provincial devraient faire en sorte de favoriser - par le biais de prêts
consentis par le crédit agricole ou je ne sais trop de quelle nature -
ces agriculteurs pour leur permettre d'acheter leur ferme. Parce que le gars
prendra son crayon pour faire un calcul et il dira peut-être: Au loyer
actuel... Mais là, il y a deux inconnues importantes, c'est de savoir
quelle est la politique de la société vis-à-vis de
l'augmentation des loyers en territoire agricole et, deuxièmement,
quelle sera la valeur marchande des fermes. Quand l'agriculteur connaîtra
ces deux inconnues, il pourra prendre une décision.
Si le taux des loyers est bas et si la vente est élevée,
on ne privilégie sûrement pas la vente. Il faudrait faire en sorte
de bonifier la vente, ou de privilégier l'option vente selon ce que nous
pensons.
M. Garon: Quand on parle d'utiliser le territoire, il y a une
chose que je n'ai jamais comprise; peut-être que vous aurez des
explications à me donner. Il y a un parc industriel collé sur
l'aéroport et quand on dit, par exemple, qu'un cultivateur est
actuellement dans le parc industriel, en quoi une usine où il y aura
peut-être 100, 200 ou 500 employés sera-t-elle moins dommageable
à l'aéroport qu'un cultivateur qui est là avec sa famille
et qui cultive un champ? Je n'ai jamais été capable de comprendre
cela très bien.
M. Laurin (Jean): Le PICA en bleu, 2500 acres.
M. Garon: Ici. Là, on a les pistes collées. Je ne
comprends pas en quoi les fermes qui se trouveraient ici, que les gens sont
prêts à cultiver avec les contraintes de bruit, comporteraient un
plus grand risque pour le gouvernement fédéral qu'un parc
industriel qui est ici. Une usine qu'on ne
pourra pas exproprier éventuellement parce que je pense que
l'autre piste serait ici.
M. Laurin (Jean): Oui.
M. Garon: Cela veut dire qu'éventuellement l'autre piste
passerait juste à côté de l'usine. On est prêt
à accepter des usines collées sur les pistes, mais en même
temps on n'est pas prêt à accepter des terres agricoles
collées sur les pistes. Je ne comprends vraiment pas. On est dans la
phase 2, la phase opérationnelle, où éventuellement le
parc industriel sera collé...
M. Laurin (Jean): Le gouvernement fédéral est
prêt à accepter l'industrie. Par contre, dans ce
périmètre bleu, il y a du foin, des animaux et aucune industrie
actuellement. Peut-être que le gouvernement pense, à tort ou
à raison, qu'une industrie qui s'établirait là serait
moins susceptible d'avoir ces contraintes concernant le bruit parce que les
gens quittent le soir.
M. Garon: Est-ce que cela a déjà fait l'objet d'un
débat avec le fédéral, cette question-là?
M. Laurin (Jean): La question du PICA?
M. Garon: Oui, au point de vue d'une usine collée sur
l'aéroport et de toutes les questions de bruit. On veut éloigner
le monde de la zone sonore, des PBP. Par ailleurs, on est prêt à
avoir un parc industriel de 3000 acres. C'est immense, 3000 acres. Cela veut
dire des milliers d'employés collés sur l'aéroport, alors
qu'on disait que cela pouvait être dangereux qu'un aéroport soit
près d'un parc industriel. Je ne comprends pas la logique. Il pourrait y
avoir quelques centaines d'agriculteurs qui acceptent les contraintes; on
trouve que ce n'est pas normal et, par ailleurs, on est prêt à
avoir un parc industriel collé sur l'aéroport, 3000 acres de parc
industriel, soit des milliers d'employés, peut-être plusieurs
milliers d'employés. Je ne comprends pas du tout ce raisonnement.
M. Lacroix: Je veux simplement préciser qu'on est d'accord
avec vous. Selon les prétentions de la ville, l'agriculture est
conciliable avec le fonctionnement d'un aéroport. Cela nous paraît
logique d'implanter un parc industriel à proximité des
aéroports. Si on ne le fait pas, d'après nous, il y a deux
raisons. La première: on veut conserver le territoire à tout
prix; la deuxième: peut-être a-t-on des intentions, du
côté du gouvernement fédéral, d'être un agent
de développement économique. C'est là où on est
dans une position possiblement inconciliable avec celle du gouvernement
fédéral et celle de la société
immobilière.
À titre d'exemple, la ville a annoncé la création,
il y a trois semaines, d'une société de développement,
d'une corporation de développement économique à Mirabel.
On a pris une chance avec le PICA pendant six ans, ça n'a pas
fonctionné. La ville a décidé de s'implanter, elle a
annoncé la création d'une société de
développement. On a déjà écrit au gouvernement
fédéral pour lui faire part des intentions de la ville
d'acquérir du terrain pour le développement industriel et
commercial. On est prêt à en acquérir dans la partie du
PICA et également dans la partie expropriée de Saint-Janvier.
Évidemment, au moment où on se parle, on n'a pas eu de
réponse. C'est presque normal de ne pas avoir de réponse. Dans
une autre ville, on sait qu'avec un terrain à caractère
industriel ou avec un potentiel industriel ou commercial, on pourrait, en vertu
de la loi, procéder soit par l'acquisition de gré à
gré et même par expropriation; c'est là peut-être une
des raisons. Disons que la position de la ville est la même que la
vôtre, on prétend que l'agriculture est conciliable avec le
fonctionnement d'un aéroport. Si c'est conciliable à Paris,
à New York et à Chicago, pourquoi ne pas laisser
s'épanouir l'agriculture à proximité des pistes? Nous
sommes d'accord avec votre énoncé de principe.
M. Garon: J'aimerais vous poser une question sur les taxes
municipales. Comment ça fonctionne, actuellement? Vous avez la
Société immobilière du Canada. Est-ce qu'elle vous paie
des taxes sur toutes les résidences, les commerces, les églises
dont elle est propriétaire? Le fonds de terre?
M. Laurin (Jean): Actuellement, M. le ministre, le gouvernement
fédéral nous paie des taxes sur le territoire
périphérique pour une évaluation d'à peu
près 50 000 000 $; mais à compter du 1er janvier 1983, la ville
de Mirabel devra percevoir elle-même les taxes sur le territoire
périphérique. Évidemment, cela va nous créer
certains embêtements. Une première raison est que notre rôle
de nouvelle génération n'est pas encore terminé; il le
sera pour le 15 septembre 1983, pour respecter la loi. Â compter du 1er
janvier, la ville percevra elle-même les taxes. Dans le cas d'un
locataire qui ne paie pas ses taxes - cela peut arriver - ou d'un locataire qui
quitte le territoire, de quelle façon la ville va-t-elle
récupérer ces sommes d'argent? On se pose la question. Dans le
cas d'un type qui ne paie pas et qui est locataire, on n'a pas encore le
pouvoir, nous, de la municipalité, de faire vendre la reine; alors, on
devra absorber ces coûts. C'est assez embêtant. Les cadastres
à Mirabel ont été enlevés; là, ils sont en
train de refaire la section cadastrale, mais, nous, à la ville, on a
encore les fiches des expropriés de la première heure. Il
y a déjà là un problème assez important quant
à l'envoi des comptes de taxes. La décision semble
irrévocable, la société immobilière a
décidé de ne plus percevoir les taxes à compter de 1983.
Par contre, jusqu'au 31 décembre 1982, le gouvernement
fédéral nous payait des taxes, il va continuer à payer,
mais par l'intermédiaire des propriétaires, sur le territoire
périphérique.
M. Garon: Sur la valeur marchande réelle ou sur la
valeur...
M. Laurin (Jean): Selon l'évaluation de la
municipalité.
M. Garon: Et vous évaluez à la valeur marchande
réelle ou à la valeur...
M. Laurin (Jean): Notre rôle d'évaluation est
à environ 65% de la valeur réelle actuellement, exactement au
même taux que les résidents du territoire non
exproprié.
M. Garon: Au même taux? M. Laurin (Jean): Oui.
M. Garon: Une dernière question. Vous dites, au sujet de
l'organisation, à la page 3, qu'au fond le gouvernement
fédéral, par son intermédiaire, la société
immobilière, vise à être lui-même un agent de
développement. Il a usurpé, en quelque sorte, des rôles qui
appartiennent normalement au pouvoir municipal. Pouvez-vous nous indiquer de
quelle façon cela se passe?
M. Laurin (Jean): On peut sûrement donner des exemples. Le
budget de la ville de Mirabel est de 7 000 000 $ et le budget de la
société immobilière est d'au moins 4 000 000 $ plus
élevé. Évidemment, on a à administrer une ville
dont le territoire est, pour fins de comparaison, deux fois plus grand que
celui de Montréal, avec une population de 15 000 âmes et on ne
peut, évidemment, répondre à toutes les demandes. Par
exemple, la chambre de commerce nous faisait, assez récemment, une
demande de l'ordre de 10 000 $. La réponse a été non,
compte tenu que ce n'était pas prévu dans le budget.
M. Garon: Ils ne font pas cela ailleurs, non plus.
M. Laurin (Jean): Pardon?
M. Garon: Ailleurs, je ne pense pas que les municipalités
donnent des montants comme cela.
M. Laurin (Jean): Non, je ne le crois pas. Évidemment, la
société immobilière a des budgets élevés. On
a vu ce qui s'est passé dans la promotion de la foire agricole. On a vu
ce qui s'est passé également dans l'organisation du Festival
western à Sainte-Scholastique l'été dernier. La
société immobilière s'est également
impliquée dans les produits de l'érable par le truchement d'un
organisme qui s'appelle La Mirablière. Nous, on se dit: La
société est en train de plaire drôlement à certains
organismes sur le territoire et on pense que c'est dangereux pour la
municipalité, compte tenu qu'on ne se bat pas à armes
égales. On n'a pas les budgets pour contrebalancer ce que la
société fait.
Nous pensons qu'il devra y avoir une prise de conscience de la part du
conseil municipal, à savoir quel rôle la société
devrait jouer sur le territoire. Je dois admettre que, depuis la
création de la société immobilière, on a quand
même perçu des changements majeurs à Sainte-Scholastique en
ce qui regarde la rénovation des maisons, des résidences, des
commerces expropriés. Je pense que la société n'a pas le
choix, de toute façon. Elle doit se comporter comme n'importe quel autre
propriétaire et entretenir ses propriétés. Mais son
rôle est-il de participer à un festival western, entre autres? Son
rôle est-il de participer à la mise en marché des produits
de l'érable à Mirabel? Son rôle est-il de subventionner une
chambre de commerce? Je dis non.
M. Garon: Je vous remercie, M. le maire.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, il me fait plaisir de signaler
l'excellente qualité du mémoire qui nous a été lu
par le maire de Mirabel, qui donne une bonne vue d'ensemble du problème
qui se pose et qui témoigne, à mon sens, d'une certaine
évolution dans la pensée des autorités municipales de
Mirabel. Cela va être l'objet de la première question que je
voudrais vous adresser là-dessus et cela prolonge le bout de discussion
que vous avez eue avec le ministre de l'Agriculture au sujet du rôle de
la Société immobilière du Canada sur le territoire.
Je crois remarquer qu'en l'espace d'un an il s'est produit une
évolution sensible dans la pensée de la ville de Mirabel sur
cette question. À l'occasion des audiences publiques que la
société immobilière a tenues à Mirabel l'an
dernier, à l'automne 1981, la ville de Mirabel avait
présenté un mémoire dans lequel on pouvait trouver une
série de recommandations. Je vais vous en rappeler quelques-unes qui se
rattachent à notre sujet.
La ville de Mirabel demandait, par exemple, que la société
mette en place un programme d'investissements majeurs dans tous les secteurs
d'activité économique, principalement dans l'agriculture, les
commerces, les équipements récréatifs, les espaces verts,
etc. La ville demandait que la Société immobilière du
Canada favorise l'implantation de projets communautaires, tels jardin
zoologique, attraits touristiques, laboratoires de recherche, construction de
fermes expérimentales, etc.; que la Société
immobilière du Canada procède à un programme
d'embellissement sur tout son territoire afin d'améliorer la mise en
valeur de ce dernier. Enfin, vous les encouragiez même à
procéder à des sondages, questionnaires, etc. (11 h 15)
Je remarque que les recommandations contenues dans votre mémoire,
cette fois-ci, sont beaucoup plus réservées de ce point de vue,
en particulier à la page 3. Vous semblez voir avec plus d'esprit
critique, de réserve, même d'objection, cette volonté
manifeste du gouvernement fédéral - j'emploie les textes de votre
mémoire, à la page 3 - "d'utiliser son vaste domaine et les
importantes ressources financières" dont elle dispose pour fournir
l'aide à des organismes comme ceux qui viennent d'être
mentionnés. Est-ce qu'il s'est produit un changement dans la
pensée des autorités municipales de Mirabel là-dessus? Si
oui, pour quelles raisons?
M. Laurin (Jean): Au début, M. le député
d'Argenteuil, lors des audiences publiques, ce qu'on signifiait à la
Société immobilière du Canada, c'était d'entretenir
ses propriétés, ce qui avait été fait plus ou moins
bien dans le passé. Ce qu'on disait également à la
Société immobilière du Canada, c'était en quelque
sorte de se comporter comme un autre citoyen. Quand on dit ça, on sait
que, dans le secteur non exproprié, la ville de Mirabel a un
règlement et les gens qui bâtissent et qui font cadastrer doivent
payer 8% pour fins de parcs et de terrains de jeux. Évidemment, dans le
territoire exproprié, la construction était impensable. Il
était donc normal que la ville demande à la Société
immobilière du Canada de participer d'une autre façon que les 8%
sur son territoire, en aménageant certains petits parcs,
spécialement dans le secteur de Sainte-Scholastique, en continuant
à faire fonctionner même peut-être à améliorer
ce qu'on appelle aujourd'hui le bois de Belle-Rivière.
Il n'y a pas eu de changement véritable dans l'attitude de la
ville, mais ce dont on s'est rendu compte à la suite de ces audiences,
c'est que la société tend de plus en plus - on en a des exemples
ici - à subventionner l'entreprise privée, dont, en autres, le
Festival western de Sainte-
Scholastique. Elle essaie, à mon sens, de subventionner certains
organismes avec lesquels la Société immobilière du Canada
semble très bien fonctionner, pour ne pas dire plus. On trouve ça
déplorable. On a peur que ce soit un rattrapage énorme pour la
ville; on ne pourra plus contrer ce que la société veut faire sur
notre territoire et ça pourrait être néfaste pour
l'administration municipale.
M. Ryan: Est-ce que j'exagérerais en pensant que, si vous
aviez à récrire ce paragraphe, cette année, à la
lumière de l'expérience des quinze derniers mois, vous
l'écririez peut-être autrement? "Que la Société
immobilière du Canada mette en place un programme d'investissements
majeurs dans tous les secteurs d'activités économiques et
principalement dans l'agriculture, les commerces, les équipements
récréatifs, les espaces verts, etc." Est-ce qu'aujourd'hui, vous
ne seriez pas plus réservés à la lumière de ce que
contient votre mémoire et de ce que vous avez vu comme
expérience?
M. Laurin (Jean): Que la société investisse ou
mette en place des progammes pour aider aux agriculteurs, que ce soit pour le
drainage - naturellement, il y a une responsabilité provinciale
également dans ce domaine - on est encore favorable à ça;
que la société investisse actuellement sur un territoire comme
Sainte-Scholastique, par la rénovation de propriétés ou de
commerces existants, on est également favorable à ça.
M. Ryan: D'accord. Mais, dans d'autres domaines, vous êtes
beaucoup plus réservé?
M. Laurin (Jean): Oui.
M. Ryan: Je pense que ce serait bon qu'on nettoie un peu
l'affaire du PICA; il en a été question tantôt, mais
ça n'a peut-être pas été suffisamment clair. Le
PICA, c'est l'espace bleu d'un parc qui avait été
réservé pour des fins industrielles et commerciales,
confié à la gestion d'une société où
Québec avait 60% des actions et le fédéral 40%. Si je
comprends bien ce qui est arrivé - et on me corrigera, du
côté gouvernemental, si j'erre - l'entente qui régissait le
PICA expirait d'abord en 1979. C'était une entente de trois ans qui a
été reconduite pour trois ans. Elle a expiré le 31 mars
1982 et cette fois-ci, le gouvernement fédéral, à ma
connaissance, aurait refusé de reconduire davantage l'entente et il
aurait racheté les actions qu'il avait dans la société
chargée du développement du parc industriel et commercial. Ceci
sur la base du résultat que vous avez mentionné tantôt.
Après toutes ces années, il n'y a aucune industrie qui est venue
s'établir là et je ne pense pas qu'il y
avait, dans les carnets de la société chargée du
parc, aucun projet sérieux d'investissements dans un avenir
prévisible. Voyant cela, vous constatez que l'industrie ne se
développe pas dans votre ville et vous avez conçu des projets de
votre côté auxquels vous avez fait allusion tantôt.
Pourriez-vous nous dire comment vous voyez cela, comme responsabilité,
l'aide que vous attendez du gouvernement là-dessus et où en sont
les choses?
M. Laurin (Jean): La Société du parc industriel,
comme vous l'avez mentionné, M. Ryan, a été
créée en 1976. C'est peut-être une, sinon la
dernière loi que le gouvernement de l'époque avait
adoptée, créant la SPICAM. Alors, le budget était de 13
000 000 $, 60% par le fédéral, soit presque 8 000 000 $, 5 000
000 $ par le provincial, beaucoup d'argent dépensé durant les six
dernières années, plusieurs millions de dollars. Je dis un budget
de 13 000 000 $, mais il faudrait également parler des infrastructures
qu'il y a eu à part cela. Le gouvernement fédéral
récemment a décidé de ne pas renouveler l'entente. Le
gouvernement provincial a décidé également de ne pas
renouveler l'entente. Alors, SPICAM existe encore, mais juridiquement
parlant.
M. Ryan: Voulez-vous me permettre juste une petite correction? Le
gouvernement provincial, d'après une documentation qu'on m'a
passée qui était plus complète - celle que vous m'avez
transmise hier, et je l'apprécie - avait demandé que ce soit
reconduit pour une année et le fédéral a refusé
pour PICA. Continuez.
M. Laurin (Jean): D'accord. Alors, les problèmes auxquels
la Société du parc industriel et commercial a eu à faire
face sont que le gouvernement fédéral est propriétaire de
2500 acres. Il y a eu le zonage agricole, évidemment. Mais il y a 600
quelques acres qui ne sont pas zonées agricole. Alors, 600 acres pour un
parc industriel, au Québec, c'est drôlement important. Mais la
société n'a jamais été propriétaire des
terrains. Il n'y a jamais eu d'entente entre le gouvernement
fédéral et la société pour que celle-ci devienne
propriétaire des terrains. Évidemment, il n'y a pas beaucoup
d'industries qui ont manifesté l'intention de s'établir à
Mirabel, mais nous, à la SPICAM, on avait du personnel en place qui
allait vendre le PICA à l'extérieur du pays. C'était
drôlement difficile pour le bonhomme d'aller vendre cela, quand on sait
que tu n'es pas propriétaire d'un terrain et que tu essaies de vendre
ton parc industriel. Alors, plusieurs contraintes ont fait que cela ne s'est
pas développé.
Entre-temps, la ville de Mirabel vivait d'espoir et on a construit des
infrastructures dans ce parc industriel. Aujourd'hui, on s'aperçoit que
le secteur de Saint-Augustin a besoin de ces infrastructures pour fonctionner.
On a un réseau d'égout qui s'en va à plusieurs milles plus
loin, à Saint-Canut, de l'autre côté des pistes et on se
dit: Si l'entente fédérale-provinciale tombe, que va-t-il arriver
avec l'entretien des infrastructures de ce PICA-là, infrastructures
dont, fondamentalement, au départ, on n'avait pas besoin? On nous avait
promis qu'il y aurait de l'industrie, alors on s'est branché sur ces
infrastructures. Tout est organisé pour fonctionner avec l'usine
d'épuration à Saint-Canut et on s'aperçoit que non
seulement il n'y a pas d'industries, mais que les deux niveaux de gouvernement
refusent de... Vous me dites que le gouvernement provincial a l'intention de
prolonger l'entente. En tout cas, on verra ce qui se passera l'an prochain.
Pour cette année, les sommes ont été perçues par la
municipalité, mais c'est un problème auquel on devra faire face
l'an prochain.
M. Ryan: Est-ce que, pour l'entretien de ces
structures-là, c'est la SPICAM qui vous versait un montant?
M. Laurin (Jean): Oui, de 100 000 $ par année environ.
M. Ryan: La propriété de ces terres, si je
comprends bien, qui sont dans le parc industriel, c'est aux Travaux publics du
Canada. Ce n'est pas à la société immobilière.
M. Laurin (Jean): La propriété des terres?
M. Ryan: Des terres oui.
M. Laurin (Jean): Travaux publics.
M. Ryan: Travaux publics du Canada. Cela n'a pas
été affermé à la Société
immobilière du Canada. C'était la SPICAM, et comme la SPICAM
n'existe plus, le fédéral a racheté ses actions
là-dedans. Il est propriétaire du terrain. Alors, cela appartient
au fédéral, mais pas encore sous la juridiction de la
société immobilière. Est-ce que je me trompe?
M. Laurin (Jean): Je ne saurais répondre. J'en doute, mais
je ne peux l'affirmer. Je penserais que c'est sous la juridiction de la
Société immobilière du Canada, mais sous
réserve.
M. Ryan: Très bien. Les 48 000 acres que vous voudriez que
la société rétrocède ou abandonne, est-ce que cela
comprend le territoire du PICA? Quand vous avez fait votre calcul pour en
arriver à 48 000, est-ce
que le PICA était laissé en dehors?
M. Laurin (Jean): Oui, à l'extérieur.
M. Ryan: Est-ce que vous pourriez nous illustrer sur la carte
où se situeraient les 27 000 acres additionnelles que vous voulez
ajouter aux 21 000 qui sont déjà comprises dans le programme de
rétrocession?
M. Laurin (Jean): Une carte est annexée à cela. Il
y a du territoire. Vous le voyez peut-être mieux.
M. Ryan: Pourriez-vous identifier aussi les paroisses?
M. Laurin (Jean): En jaune, c'est un territoire à
revendre. Ce que nous trouvons excédentaire, c'est cette partie-ci,
Saint-Hermas, une partie de côte Saint-Louis, rang Saint-Hyacinthe,
près de Sainte-Scholastique, cette partie-ci et également une
partie tout près de Saint-Janvier, cette partie-ci, en haut, le long de
la rue Victor, l'autre partie là-bas et une partie ici, près de
Saint-Canut.
M. Ryan: Pourriez-vous nous indiquer jusqu'où va la
frontière de Mirabel du côté de Sainte-Anne-des-Plaines et
de Saint-Janvier, M. le maire?
M. Laurin (Jean): Le délimitations doivent être
ici.
M. Fallu: II y a une ligne bleue. M. Laurin (Jean): C'est
ça.
M. Ryan: D'accord, très bien. Aux pages 16 et 17 de votre
mémoire, vous énoncez les objectifs de la ville de Mirabel pour
l'avenir du territoire périphérique. Il y a une question que pose
une de vos propositions. Vous dites: Nous favorisons une solution qui
"permettra à la ville de se planifier sans dépendre des
décisions le plus souvent improvisées du gouvernement
fédéral d'utiliser le territoire périphérique
à toutes sortes de fins." Pourriez-vous expliquer un peu ce
paragraphe-là et peut-être évoquer des inconvénients
que vous avez connus, des problèmes qui se sont présentés,
le genre de complications auxquelles vous voulez apporter un remède, en
somme?
M. Lacroix: Je vais vous donner un exemple de ce qu'on visait par
cet énoncé. Le Solliciteur général du Canada, qui
était notre député fédéral du temps, M. Fox,
annonce la construction d'un pénitencier dans le secteur Saint-Canut. Il
nous a même téléphoné pour faire publier sa photo
dans Mirabel à vol d'oiseau. C'est important et on demande aux membres
du conseil d'être présents pour souligner la levée de la
première pelletée de terre. C'était un agent
économique important, un pénitencier; il y avait 300 ou 400
emplois prévus et peut-être des dépenses de 1 000 000 $
pour aménager le terrain. On a modifié notre plan de zonage en
conséquence dans le secteur Saint-Canut. On a modifié notre
infrastructure et notre planification, même au point de vue des services,
pour arriver aujourd'hui avec rien encore. Le territoire n'est pas zone
agricole, il n'est pas identifié actuellement pour des fins agricoles et
il est toujours conservé par le gouvernement fédéral.
Je l'ai dit souvent: Si on avait écouté toutes les
promesses d'hommes politiques, parfois des deux paliers de gouvernement, c'est
sûr que la ville de Mirabel serait en faillite. J'ai un rapport de la
Commission de police, qui nous dit d'avoir 50 policiers et 30 pompiers à
temps plein. Heureusement qu'on n'en a que deux. Tout s'est fait dans
l'euphorie, les rêves, la SPICAM, etc. Les présidents sont venus
nous annoncer cent et un exemples. Toutes les fois que vous annoncez un projet
donné - prenons SPIC, c'est un projet important, le pénitencier
de Saint-Canut - on modifie toute notre planification, notre plan directeur
pour les services et on est à la remorque de cela. C'est un territoire
qu'on ne contrôle pas. Cela pourrait se produire dans d'autres domaines.
Si le PICA est annoncé et que le gouvernement fédéral veut
faire autre chose demain matin, c'est le même problème. On a
beaucoup de difficultés à faire appliquer les lois municipales et
même les lois provinciales parfois, lorsque les objectifs ne
coïncident pas avec ceux du Québec ou ceux de la ville. D'accord?
(11 h 30)
M. Ryan: Une question. Le territoire proprement
opérationnel, l'aéroport, cela fait partie de votre juridiction
municipale aussi?
M. Lacroix: Oui.
M. Ryan: L'an dernier, dans le village de Sainte-Scholastique, il
s'est bâti des égouts. C'est en dehors du territoire
opérationnel, excusez. Le territoire de l'aéroport - on va finir
là-dessus - relève de votre juridiction municipale ordinaire.
Avez-vous des problèmes de ce côté avec le ministère
des Transports? C'est juste pour l'information de tout le monde. Cela
relève de la juridiction du ministère des Transports et non pas
de la Société immobilière du Canada, n'est-ce pas?
M. Lacroix: Je voudrais nuancer ma réponse. Dans toute la
zone aéroportuaire, la ville de Mirabel dessert l'aqueduc, les
égouts, s'occupe du traitement des eaux usées; c'est une zone qui
nous apporte moins de problèmes, à part les problèmes de
police, de taxes et de tout. L'autre territoire, le
territoire hors des 17 000 acres, cela nous pose toujours des
problèmes. Je vous donne le cas de Sainte-Scholastique. La ville a
refusé, et avec raison, pendant plusieurs années de reprendre
l'aqueduc municipal du secteur de Sainte-Scholastique parce qu'il a
été construit il y a peut-être 25 ans ou 30 ans et il est
désuet. Dans une ville normale, que fait-on? On étudie le projet,
on adopte un règlement d'emprunt et ce sont les citoyens qui
décident s'ils sont prêts à payer la note sur une taxe
spéciale dite de répartition locale, d'amélioration locale
ou taxe de travaux permanents, peu importe l'expression, pendant une
période de 20 ans ou de 30 ans.
En fait, ce sont les riverains qui paient pour leurs infrastructures et
les services qu'ils désirent. Le territoire fédéral nous
pose un problème qui est à peu près insoluble. Les
riverains n'ont pas le droit de vote. Tantôt, on a mentionné des
problèmes. On pourrait refaire un autre mémoire seulement sur les
affaires municipales. Pour vous donner un exemple, on a décidé
d'implanter une aréna, la construction d'un aqueduc ou d'un
égout. Les gens n'ont pas le droit de vote, les expropriés. Seuls
les propriétaires ont le droit de vote, de sorte que c'est le
propriétaire qui peut dire oui ou non. Le propriétaire
étant le gouvernement fédéral dans cela, on lui a
déjà proposé que, même dans le cas des villages
comme Sainte-Scholastique, la ville est prête à construire
l'aqueduc ou l'égout à une condition: puisqu'on n'est pas
assuré du remboursement de la taxe par le locataire qui peut quitter, on
a demandé une garantie. On est prêt à imposer une taxe, par
un règlement qui est une loi municipale, pour une période de 20
ans, à titre d'exemple, mais à la condition que le gouvernement
fédéral, advenant le non-paiement par le locataire - parce qu'on
ne peut pas vendre l'immeuble pour non-paiement de taxes -nous garantisse le
paiement. Il a refusé.
Un autre exemple. Dans le secteur Sainte-Scholastique, le gouvernement,
étant aux prises avec une infrastructure désuète, a
décidé de le faire lui-même et c'est à lui, à
ce moment-là, d'essayer de récupérer le coût de
l'infrastructure à même les loyers, de la même façon
qu'il le faisait en percevant à même les baux la taxe municipale
pendant un certain nombre d'années, même si, en vertu de la loi,
on devait imposer ou transmettre le compte aux locataires. Les cadastres ayant
été annulés, on pensait, dans le temps, d'une façon
administrative, que le fédéral, ayant à percevoir les
baux, c'était peut-être plus facile, en même temps, de
percevoir les taxes. Il faut bien mentionner qu'à Mirabel les taxes
étaient quand même payées par les locataires avant aussi,
sur le territoire exproprié, mais on ajoutait un montant au loyer
mensuel. En fait, la société ne faisait que remettre la
perception des taxes à la ville de Mirabel. Je ne vous donne qu'un
exemple pour vous montrer que c'est un problème particulier lorsqu'on
décide d'une infrastructure dans un territoire, dans un secteur ou dans
un village où les gens sont locataires. Ils n'ont pas droit de vote pour
dire s'ils consentent à payer, à s'imposer une charge fiscale
pendant une période d'années comme dans un autre secteur non
exproprié.
M. Ryan: Très bien. Je voudrais qu'on parle un peu du
programme de vente, de revente ou de rétrocession, qu'on l'appelle comme
on le voudra, de la Société immobilière du Canada.
À la page 22 de votre mémoire et à la page qui suit, vous
émettez les opinions de la ville sur ce projet. Je pense que c'est
très important que vous nous disiez ce que vous voulez signifier au
juste. Si j'ai bien compris votre mémoire, vous trouvez qu'il serait de
beaucoup préférable que l'on s'oriente vers la
réacquisition des terres par les citoyens plutôt que vers un
régime de location à perpétuité. Vous dites que la
manière dont cela a été annoncé et la
manière dont on entend procéder à la fixation du prix ne
sont pas de nature à favoriser le retour à la
propriété mais plutôt de nature à maintenir la
location à perpétuité.
Pourriez-vous nous expliquer ce paragraphe de votre mémoire,
à la page 22, M. le maire? Il y a un petit passage qui
m'intéresse. Vous dites: "La ville de Mirabel, à la
lumière des informations dont elle dispose..." À titre de maire,
vous faites partie du conseil d'administration de la Société
immobilière du Canada et vous avez peut-être des renseignements
qui pourraient être très intéressants pour nous ce matin.
Mais peut-être n'en avez-vous pas. J'aimerais que vous nous disiez
où vous en êtes.
M. Laurin (Jean): La ville de Mirabel dispose d'informations
qu'ont tous les citoyens, en fait. Les informations que j'ai et que la ville
n'a pas, par respect pour mes collègues du conseil d'administration, je
ne dois pas les dévoiler, les divulguer. Par contre, j'ouvre une
parenthèse pour dire qu'on a peut-être manqué de respect
à mon égard et à l'égard du conseil
d'administration lorsqu'on a publié tout dernièrement un sondage
auprès des locataires agricoles et résidentiels de la
Société immobilière du Canada à Mirabel, le sondage
SORECOM de juin qui était censé être la
propriété exclusive du conseil d'administration et dont les
membres n'avaient même pas une copie. La préparation de notre
mémoire est basée sur les informations que tous les membres du
conseil connaissent et nos fonctionnaires également.
Ce qu'on dit, M. Ryan, et ce que j'ai
dit tantôt, c'est que dans le secteur agricole la
société immobilière nous dit que le loyer
représente 40% de la valeur marchande réelle. Le gouvernement
fédéral a l'intention de revendre à 85% de la valeur
marchande. Les deux grandes inconnues, c'est, premièrement, quelle sera
la valeur marchande. En ce moment, l'agriculteur a exprimé le voeu
d'acquérir sa ferme, de redevenir propriétaire, et je pense que
c'est légitime. C'est tout à fait normal que l'agriculteur au
Canada soit propriétaire de sa ferme. Cependant, il y a des choses qu'il
ne connaît pas encore. Il ne connaît pas la valeur marchande. On
nous dit que la valeur marchande de 1982 serait, à plus ou moins 10%, le
montant payé aux expropriés lors de l'expropriation avec les ex
gratia, mais ce n'est pas encore déterminé.
Quelle sera la politique de la société quant à
l'augmentation des loyers actuels? Cette politique sera connue et je fais le
voeu devant cette commission qu'il y ait -et, encore une fois, j'ai toujours
prêché pour cela - cette consultation vis-à-vis des
expropriés, ces rencontres qui sont nécessaires et essentielles
pour que cette revente se fasse dans un climat serein, dans une bonne
atmosphère. Y en aura-t-il? C'est un voeu que j'exprime. Peut-être
y en aura-t-il, mais les expropriés, les agriculteurs doivent
connaître, primo, ce que sera la valeur marchande et, secundo, quel sera
leur loyer.
Y aura-t-il dans leur bail une clause "escalatoire"? Les gens qui paient
actuellement un loyer raisonnable d'après un bail emphytéotique
ou un bail à long terme se verront-ils offrir des loyers avec une clause
"escalatoire" qui fera qu'au bout de 20 ans l'individu aura quasiment
payé sa terre en loyers? Je ne le sais pas. Ces modalités ne sont
pas encore connues des agriculteurs, mais je dis qu'au moment où on se
parle, à 85% de la valeur marchande et compte tenu des loyers
actuellement payés sur le territoire... C'est peut-être normal que
les agriculteurs paient le loyer qu'ils paient actuellement. C'est normal,
parce que les terres, dans certains cas, n'ont pas
bénéficié de subventions comme sur le territoire non
exproprié. En tout cas, je ne veux pas discuter du taux du loyer, mais
je dis qu'actuellement le locataire dans le secteur agricole va
réfléchir et, malheureusement, si la valeur marchande est
à peu près ce que va représenter le rôle de la
nouvelle génération moins 85%, je pense que l'agriculteur pourra
difficilement redevenir propriétaire de sa ferme.
M. Lacroix: Je voudrais préciser seulement un point.
M. Ryan: Oui.
M. Lacroix: Nos prétentions, je pense qu'elles sont
partagées par plusieurs, mais je donnais un exemple. Je pense que dans
le débat, à la Chambre des communes, on avait pris un extrait
où le ministre, à l'époque, avait annoncé que les
loyers ne seraient pas haussés, que la politique des 5% et 6% serait
suivie au cours des deux prochaines années pour concorder avec le plan
fédéral. Puisque le loyer est à 40% ou environ, même
en appliquant les normes du fédéral des 5% et 6% annoncées
par le ministre, on a l'impression que cette formule est beaucoup plus
avantageuse au point de vue économique que celle d'un prix de vente
moins 15%. De sorte qu'on dit: Si c'est ça la politique et si
c'était l'alternative... Je pense que c'est M. Fox qui avait dit qu'il
ne pensait pas que 10% des agriculteurs allaient racheter. Il en connaît
peut-être plus que la ville de Mirabel, mais on a dit: Quand tu veux
vendre à tout prix, tu laisses un choix et ton choix doit faire en sorte
que c'est plus encourageant et plus avantageux d'acheter que de louer. Mais
à la lumière de ce qu'on connaît des deux options, compte
tenu de la politique des 5% et 6%, on doute beaucoup que la majorité des
agriculteurs concernés va choisir d'acheter si les conditions ne
changent pas. D'accord?
M. Ryan: Très bien.
M. Laurin (Jean): Mais l'agriculteur a quand même un choix
qui n'est pas disponible, si on veut, dans le secteur résidentiel ou
dans le secteur commercial, parce que, à l'intérieur du
territoire qui fait l'objet de la revente, on a 150 agriculteurs, 550
résidences, 50 commerces. Dans ces deux derniers secteurs,
résidentiel et commercial, les gens ont deux choix aussi: on
achète ou on s'en va, alors que, dans le secteur agricole, les
agriculteurs ont le choix, de devenir propriétaires ou de louer. C'est
peut-être une façon de plaire aux agriculteurs. Le gouvernement
fédéral serait peut-être enclin à dire: On n'a pas
de protestation sur le territoire. Bien sûr, on n'en a pas. Si au moins
les agriculteurs ne sont pas obligés de s'en aller, on élimine un
paquet de protestations, parce que ces gens sont capables de protester quand il
faut le faire. Alors, ils vont demeurer sur le territoire pendant un certain
nombre d'années, ils vont louer, mais peut-être que, à un
moment donné, ils vont se rendre compte que le loyer, avec les clauses
"escalatoires" ou le taux d'inflation... Je ne sais pas quelle sera la formule
de la Société immobilière du Canada, formule qui, je
l'espère, sera dévoilée incessamment. À ce moment,
les agriculteurs pourront juger s'ils doivent louer ou acheter, mais ils
pourraient peut-être se faire jouer un tour à la longue dans le
sens de ne pas acheter maintenant et de
s'apercevoir qu'ils ont commis une erreur. Pour un certain temps, le
gouvernement fédéral, compte tenu que les agriculteurs ont
l'option de louer, aura peut-être la paix. C'est peut-être cela que
je trouve un peu dangereux pour les agriculteurs.
M. Ryan: Le programme de revente, de la Société
immobilière du Canada doit commencer à s'appliquer à
compter du début de 1983, a-t-elle laissé entendre. Cela
comprendrait la revente d'à peu près 500 maisons dans les
villages, d'à peu près 150 fermes et d'une cinquantaine de
commerces, si j'ai bien compris. Est-ce que la ville de Mirabel a
été consultée par la Société
immobilière du Canada sur les conditions auxquelles devrait se faire le
transfert de ces propriétés? Est-ce qu'il y a eu une consultation
formelle? Est-ce qu'on a dit: On aimerait avoir votre opinion? 11 y a des
commerces qui vont changer de mains, il y a un grand nombre de
résidences dans les villages qui vont changer de mains, ça va
affecter des personnes, etc., on aimerait que vous nous fassiez des suggestions
là-dessus en disant: Voici comment on envisage ça, qu'est-ce que
vous en pensez? Y a-t-il eu consultation quelconque ou s'il n'y en a pas eu du
tout?
M. Laurin (Jean): II n'y en a pas eu, M. Ryan.
M. Ryan: Très bien. Maintenant, il y a une question qui
fait couler beaucoup d'encre et qui va être touchée dans des
mémoires que nous allons entendre après le vôtre; je ne
sais pas si c'est aujourd'hui ou au mois de novembre. Comme vous êtes
là, je pense que c'est important d'avoir votre point de vue
là-dessus. Il y en a qui disent: La ville de Mirabel, c'est une
création artificielle, un enfant plus ou moins légitime.
Maintenant qu'on sait à quoi s'en tenir au sujet de l'avenir de
l'aéroport, il faudra...
M. Garon: Qui a eu pour père un peu le
fédéral, ce qui explique qu'il soit illégitime!
Une voix: Surtout que depuis six mois on n'en a pas entendu
parler. (11 h 45)
M. Ryan: II n'a pas eu de mère depuis cinq ans. Je n'ai
pas dit maire.
Je voudrais vous demander, M. le maire, ce que vous pensez de cela. Il y
a un mémoire dont j'ai pris connaissance et qui dit: II faudrait qu'on
revienne au régime qui existait avant ces événements. Il
n'y a pas de MRC encore sur votre territoire. J'ai l'impression que le ministre
hésite. Il est un spectateur très assidu, très attentif
à nos délibérations. Cela me fait bien plaisir qu'il soit
avec nous, d'ailleurs. J'aimerais que vous nous disiez ce que vous pensez de
l'avenir de la ville de Mirabel. Suivant certaines recommandations qui vont
nous être communiquées sur la question de démembrer cette
ville et de revenir au statut qui existait auparavant, comment
réagiriez-vous, les administrateurs municipaux de Mirabel?
M. Laurin (Jean): À première vue, il
m'apparaît évident que les gens qui vont suggérer le
démantèlement ou la "défusion" de Mirabel ne connaissent
sûrement pas le territoire de Mirabel. J'espère que vos propos ont
fait sursauter les gens qui, tout autour, en haut, demeurent à Mirabel.
Évidemment, la question mérite d'être posée compte
tenu que cette ville a été créée pour que le
gouvernement fédéral n'ait affaire qu'à une seule
administration municipale. Évidemment, s'il n'y avait pas eu la
construction de cet aéroport, la ville de Mirabel n'aurait jamais
existé. Maintenant que tout le monde espère une revente du
territoire, la question mérite d'être posée.
Par contre, les citoyens se sont habitués à vivre dans une
ville comme Mirabel. Nous donnons maintenant des services à la
population, services qui étaient inexistants ou presque inexistants dans
la ville. Voici quelques services que la ville donne: prévention des
incendies, police, service de génie, création d'un réseau
de bibliothèques publiques, création d'un office municipal
d'habitation, création d'un Bureau de développement
économique tout dernièrement, service de loisirs, cour
municipale. Enfin, il y a beaucoup de services que la ville donne à la
population. Évidemment, si des secteurs comme Saint-Augustin,
Saint-Canut ou Saint-Janvier redeviennent autonomes, si on veut, de quelle
façon ces services seront-ils fournis à la population?
Certaines gens pensent que ce serait un voeu de la population de
redevenir comme dans le passé. Je dois vous dire - vous connaissez assez
bien le territoire, M. Ryan - que des secteurs comme Saint-Augustin,
Saint-Canut, Saint-Janvier et Saint-Benoît ont été peu ou
pas affectés par l'expropriation. La communauté de ces secteurs
existe encore: l'église, l'école. Les commerces sont encore
existants. Il y a, bien sûr, Sainte-Scholastique, Saint-Hermas et
Sainte-Monique qui sont disparues, à toutes fins utiles; l'expropriation
y a causé un tort énorme. Mais dans les autres secteurs, les
ravages sont beaucoup moins perceptibles.
Les gens qui ont connu le temps avant l'expropriation et qui connaissent
maintenant ce qui arrive avec l'expropriation, je pense,
préfèrent de beaucoup demeurer à Mirabel. Un sondage, une
enquête ou un référendum, peu importe, prouverait que la
population ne verrait sûrement pas d'un bon oeil ce
démantèlement de Mirabel. Qu'il suffise de
parler du taux des taxes, qui, il faut le dire, est quand même
assez bas à Mirabel, je pense que les citoyens se verraient
pénalisés à ce niveau. Je me pose la question: Qu'est-ce
qui arriverait pour les retombées "économiques", entre
guillemets, de l'aéroport? On perçoit des taxes du gouvernement
fédéral, de Transports Canada, pour l'aéroport et pour les
locataires dans la zone opérationnelle. Qui bénéficierait
de ces retombées? Je pense que tous les citoyens de Mirabel devraient
avoir une certaine part de ces retombées, compte tenu des promesses
qu'on nous avait faites, le directeur général l'a dit
tantôt. Les retombées compenseraient pour toutes les peines que
les gens auraient endurées.
Je pense qu'on aurait de bons arguments pour réfuter cette
idée, à savoir que Mirabel devrait redevenir de petits secteurs
avec des conseils municipaux respectifs. Je pense que les contribuables de
Mirabel sont fiers de demeurer dans la ville de Mirabel.
M. Ryan: Mirabel a demandé de former une MRC distincte.
C'est une position qui a été énoncée il y a un
certain temps déjà. Est-ce toujours la position de Mirabel?
Pourriez-vous donner les raisons qui justifient cette position, d'après
vous?
M. Laurin (Jean): C'est toujours la position de Mirabel. Il y a
plusieurs raisons. En fait, on dit qu'on a formé une MRC avant l'heure,
compte tenu que Mirabel est le résultat de la fusion de quatorze
municipalités. On avait devancé, en quelque sorte, la loi 125 et
on est habitué - c'est peut-être une réaction normale de
notre part - à avoir plusieurs intervenants sur notre territoire. Une
MRC seule pour Mirabel, si le ministre veut bien amender la loi, signifie un ou
des intervenants de moins. On a notre schéma d'aménagement. On
avait notre commission d'urbanisme. On avait reconnu à l'époque
que Mirabel avait sa commission d'urbanisme autonome. Alors, il y a beaucoup de
raisons. D'ailleurs, M. le ministre Léonard a certains documents qu'on
lui a fait parvenir pour justifier la position de la ville, mais on est encore
convaincu que Mirabel devrait être une MRC seule.
M. Lacroix: Je voudrais ajouter quelques points sur cette
question, parce que je pense que cela intéresse quelques personnes.
C'est évident que si on avait posé la question en 1971, les gens
sont toujours contre les fusions ou à peu près. C'est une fusion
qui a été décrétée en vertu d'une loi
spéciale, mais je pense que onze ans après les gens sont heureux
de leur municipalité et il y a des raisons à cela. Aujourd'hui,
pour desservir l'aéroport, avec les usines de traitement, cela prend
quand même un personnel technique qui connaît ces
opérations. Tout notre réseau d'infrastructures a
été planifié avec le territoire actuel. Notre
réseau de bibliothèques, notre réseau de protection contre
les incendies, notre réseau de loisirs, l'office municipal, les lieux,
les endroits, tout a été planifié en tenant pour acquis
que la ville conserverait ses limites actuelles. Posez la question à
Montréal, à toutes les villes du Québec. On pourrait
toujours défaire tout ce qui a été fait, mais je crois
qu'à Mirabel, les gens ne demandent pas cela. Même s'il y avait
des secteurs plus réticents au départ, je crois qu'on a
créé ce sentiment d'appartenance malgré toutes les
restrictions sur le terrain, malgré ce territoire
périphérique.
Au point de vue de l'organisation désirée, on pourrait
s'expliquer; ce n'est pas le but, mais quand même, cela mérite
peut-être d'être précisé. Je pense que ce n'est
sûrement pas de cela qu'on a besoin, d'autant plus que les secteurs sont
représentés par des districts électoraux. L'an prochain,
il y aura un district électoral de plus pour s'assurer que tous les
secteurs sont représentés au conseil municipal, lequel sera
formé de neuf conseillers provenant de neuf districts distincts, plus le
maire, à la municipalité. D'autant plus qu'on est parti de rien,
il y avait quatorze municipalités dont seulement une avait du personnel
à plein temps. On couvre tout le territoire. Je vais vous donner un
exemple: le service de police, une fois qu'on a vécu l'expérience
durant dix ans, ce n'est sûrement pas le problème principal
à Mirabel. Je crois que les gens sont satisfaits de la gestion
municipale.
M. Ryan: On entend quelquefois d'autres échos, mais cela
vient parfois de source impure. À la page 24 de votre mémoire -
cela nous intéresse encore plus immédiatement - vous
écrivez que "la ville de Mirabel attend du gouvernement du Québec
un plan de rattrapage dans les différents programmes de subventions aux
agriculteurs qui ont, jusqu'à maintenant, fait les frais des
différends entre les deux paliers de gouvernement". Pourriez-vous
expliquer cela, s'il vous plaît?
M. Laurin (Jean): On a vu l'annonce, il y a quelque temps, par le
ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, M. Garon,
d'un plan de relance de l'agriculture sur le territoire, un programme de
quelque 600 000 $ je pense, pour le nettoyage de...
M. Garon: Cela va atteindre à peu près 1 000 000
$.
Une voix: Ah bon!
M. Laurin (Jean): Ce qu'on veut dire, M. Ryan, c'est de permettre
aux agriculteurs d'obtenir les mêmes subventions, en fait, toutes les
subventions auxquelles ils ont droit.
M. Ryan: Je ne voudrais pas qu'on détourne la question. Je
pense que, dans le texte que vous avez ici, ce n'est pas tant le creusage et le
nettoyage des cours d'eau que les subventions aux agriculteurs. J'aimerais que
vous nous disiez ce que vous envisagez. Quand vous parlez d'un plan de
rattrapage, que voulez-vous dire?
M. Laurin (Jean): Certaines terres ont été
délaissées. Si les agriculteurs, sur le territoire
exproprié, n'ont pas bénéficié de certaines
subventions auxquelles ils auraient eu droit normalement en tant que
propriétaires, si le gouvernement peut avoir certains programmes pour
aider ces agriculteurs, on pourrait peut-être poser la question au
ministre: Est-ce que les agriculteurs sur le territoire n'ont pas
été quelque peu pénalisés compte tenu qu'ils
étaient des locataires?
M. Garon: M. le Président, vous me verriez très
heureux de négocier avec le gouvernement fédéral une
entente auxiliaire dans laquelle une partie des fonds viendrait du gouvernement
fédéral. Il y a un rattrapage à faire vu que dans certains
cas les terres ont été abandonnées pendant une quinzaine
d'années, douze ou treize ans. Il y aurait une partie payée par
le fédéral et une partie payée par le Québec. Ce
genre d'entente auxiliaire, le Québec l'administrerait pour ne pas avoir
deux ou trois intervenants comme on en a dans d'autres secteurs. Je pense que
ce serait une excellente idée, une entente auxiliaire
Ottawa-Québec qu'on administrerait pour ne pas avoir deux ou trois
intervenants sur le territoire, dans une perspective de relance de
l'agriculture. Je pense que cela serait la meilleure idée. Nous sommes
favorables à cela.
En même temps, on pourrait, en consultation avec les agriculteurs,
déterminer ensemble les productions qui devraient être
privilégiées. Je pense qu'il pourrait y avoir -si les
agriculteurs le souhaitent, on pourrait en discuter ensemble - des producteurs
de fraises, des producteurs maraîchers. Il y a des productions qui
pourraient être plus proches de l'aéroport, d'autres pourraient
être plus loin. Il pourrait y avoir un genre de planification. On
pourrait discuter ensemble ce qu'il serait le mieux de faire.
Si le fédéral est prêt à s'impliquer et qu'il
n'y a aucun problème, je suis convaincu que les agriculteurs seraient
intéressés. Nous serions intéressés. Je suis
habitué à voir ça, chaque fois que le gouvernement
fédéral casse des pots, on nous demande de les réparer. Il
faudrait que le fédéral contribue à la réparation
des pots. Si l'on voit sur le territoire un silo qu'on ne voit plus ailleurs au
Québec, avec les dômes écrasés dedans, il n'y a que
le moignon, il faut quand même dire que cela n'est pas dû au
gouvernement du Québec. Je pense qu'on est prêt à faire
notre part dans le plan de relance, mais il faut que le fédéral
soit prêt à faire la relance.
S'ils nous disaient seulement: On abolit la Société
immobilière du Canada, on revend les terres, on a un organisme de
revente et le budget de 13 000 000 $, on va le mettre dans le pot pendant tant
d'années - cinq ans, par exemple, cela représente 65 000 000 $
-peut-être que cela coûterait meilleur marché à tout
le monde. Ça coûterait meilleur marché au
fédéral. Il y aurait des impôts parce que les gens feraient
de l'argent. On aurait un fonds considérable qui ne coûterait pas
plus cher au gouvernement fédéral pour une relance extraordinaire
de l'agriculture dans le milieu.
M. Lacroix: On a eu à vivre les relations
fédérales-provinciales peut-être plus que toute autre
municipalité au Québec. On a demandé un plan de relance;
je pense que le gouvernement du Québec devrait considérer Mirabel
comme un cas spécial même au point de vue agricole, comme dans
d'autres cas. Voici notre crainte; si le fédéral diminuait
progressivement ses budgets - comme on l'a vu dans le cas de la SPICAM - et que
les 13 000 000 $ demandés et souhaités par le ministre
n'étaient pas acquis, il ne faudrait pas laisser les agriculteurs
seuls.
On a mentionné dans notre mémoire -j'ai devant moi
l'article de M. Charbonneau qui avait écrit pour Statistique Canada -
que c'était le comté où la valeur moyenne des fermes
était la plus élevée au Québec. On a un moyen
rattrapage à faire. Je ne nie pas tellement les chiffres qui ont
été publiés par SORECOM, disons par M. Guy Pinard. Ce que
je veux dire c'est que, même si ça va assez bien comparativement
à d'autres comtés du Québec... Dans la vallée du
Richelieu, c'est 300 000 $ de valeur moyenne des fermes. Lorsqu'on a 190 000 $
dans le nord de Montréal, on a un moyen rattrapage à faire pour
reprendre notre première place. Advenant le refus du
fédéral de contribuer, il ne faudrait pas laisser les
agriculteurs sur place, seuls avec la ville de Mirabel. (12 heures)
M. Ryan: Le ministre n'a pas été tout à fait
explicite. Il a dit que Québec est prêt à faire sa part. Il
n'a pas dit de quelle manière. Vous avez dit, à un moment
donné: Comme maître d'oeuvre, cela nous intéresse. Mais
est-ce que Québec est prêt à faire sa
part au point de vue financier pour qu'une action s'engage vraiment?
M. Garon: J'ai même dit hier que, pour démontrer
notre bonne foi, on n'a pas attendu des discussions. On a déjà
commencé en mettant en marche près de 1 000 000 $ de travaux pour
les cours d'eau. Ce sont des travaux préparatoires...
M. Ryan: Qui traînaient depuis longtemps.
M. Garon: ... au drainage souterrain et au drainage de surface,
qui sont importants dans une région où on pense à
développer la production céréalière ou la
production de légumes.
J'en profite pour vous demander si la Société
immobilière du Canada est responsable de l'entretien des bâtiments
de ferme ou seulement des résidences. Est-ce qu'on entretient les deux?
Est-ce qu'on entretient seulement les résidences ou si on entretient les
bâtiments de ferme?
M. Laurin (Jean): Je dois vous avouer, M. le ministre, que les
modalités qui sont incluses dans les baux, je ne les connais pas
beaucoup. Peut-être que les mieux placés pour répondre
seraient les gens qui sont ici, en haut. Je pense que, sous réserve, les
agriculteurs entretiennent eux-mêmes leur ferme ou leur
résidence.
M. Garon: Si le gouvernement fédéral a
été, pendant treize ans, propriétaire de bâtiments
de ferme qu'il n'a pas entretenus, il ne faut pas dire, à un moment
donné, au gouvernement du Québec: C'est toi, maintenant, qui vas
payer la note. Il me semble que, pour quelqu'un le moindrement intelligent,
cela se comprend que le fédéral doit investir de l'argent
là-dedans à cause de la détérioration dans
l'agriculture. Nous sommes prêts à faire notre part parce que,
s'il y avait eu un déroulement normal, le Québec aurait investi
de l'argent dans le projet de Mirabel. Il y aurait eu, au cours des
années, beaucoup plus de fonds et de subventions qui auraient
été mis dans le projet de Mirabel qu'il n'y en a eu dans la
situation actuelle.
Il faut voir les choses correctement aujourd'hui. Si, demain matin, le
gouvernement fédéral disait: Je vends les terres au prix du
marché moins 15%, financez-vous au crédit agricole étant
donné que vous avez de meilleures subventions qu'à la
Société fédérale de crédit agricole et qu'on
vend toutes les terres au prix du marché sans tenir compte de ce qui
s'est passé, cela veut dire environ 40 000 000 $ d'immobilisés
dans du financement d'intérêts, ce qui va coûter beaucoup
d'argent. Je préfère de beaucoup la formule qui a
été avancée jusqu'à maintenant par les
agriculteurs; elle m'apparaît équitable.
Je pense qu'il y aura d'autres mémoires - je ne voudrais pas
présumer des conclusions - dans lesquels on parlera du prix de vente. Si
on dit un prix de vente, je ne concevrais pas... Je vais le demander à
d'autres intervenants qui vont se présenter. C'est un domaine que vous
connaissez mieux. Moralement, est-ce qu'il serait normal que le gouvernement
fédéral, qui a fait une erreur, s'enrichisse dans
l'opération? Je pense que, moralement, il serait anormal que le
gouvernement fédéral dise: Maintenant, la plus-value, c'est moi
qui vais la prendre et qu'il s'enrichisse, par le fait même, dans
l'opération. Je pense que, dans l'opération, le gouvernement
fédéral ne peut pas viser à s'enrichir.
Dans le mémoire, on dit que 75% des expropriés sont sur
les terres. Si 75% des expropriés sont encore sur les terres,
normalement, s'il n'y avait pas eu cette erreur commise, ils seraient encore
propriétaires. Dans la formule de rétrocession, non seulement il
faudrait peut-être, mais il faudrait sûrement tenir compte qu'ils
ont été dépossédés pendant un certain temps
et il faudrait qu'ils redeviennent propriétaires. Comme ils le
mentionnent dans leur formule, ils ont reçu un montant de capital. Il y
a eu des intérêts sur ce montant de capital pour lequel ils ont
payé de l'impôt. Par ailleurs, ils ont payé un loyer et la
valeur de la rétrocession, dans le temps, ou la valeur de
l'expropriation devrait être le prix de base. Là, on pourrait
arriver à un prix de vente ou plutôt de rétrocession qui
serait un prix correct, moralement correct, équitable.
On ne pourra pas parler de valeur au marché. Il va falloir parler
d'équité dans un dossier comme celui-là. C'est pour cette
raison que je n'ai pas voulu m'avancer trop quand vous m'avez demandé,
hier, si j'étais allé négocier ces questions-là. Je
n'ai pas voulu. Cette question concerne d'abord les expropriés
eux-mêmes. Quand le fédéral les a expropriés, il
n'est pas venu leur demander quel prix ils pensaient qu'il devait payer. Le
gouvernement du Québec, dans le temps - ce n'était pas nous
autres - n'a pas dû dire au fédéral: Vous devriez les payer
tant. Je pense que ce sont eux-mêmes qui se sont défendus et, si
les expropriés ont besoin d'un soutien technique, je pense qu'on peut le
leur donner. Mais ce sont leurs terres, leurs propriétés et ce
sont eux-mêmes qui ont le dernier mot. Partant de là, dans un plan
de relance, on va s'asseoir à une table, de bonne foi, et on va dire:
Maintenant, il faudrait que, sur le territoire de Mirabel, l'agriculture soit
exactement comme elle devrait être en 1982, pas dans la moyenne mais
à la tête, comme elle le serait normalement parce que les terres
sont
meilleures qu'ailleurs.
Le député de Beauce-Sud a été
estomaqué hier quand M. Laframboise a parlé de son entreprise.
Que voulez-vous? C'est normal d'avoir de telles fermes. C'étaient des
leaders. M. Tremblay était à côté de moi hier et me
disait: Vous savez, à Mirabel, il y a un phénomène
particulier, il y a des fermes de cette nature depuis longtemps et plusieurs
sont petites. Je lui demandais pourquoi et il me disait: II y a moins de
consolidation parce que les gars tenaient tellement à leur ferme qu'ils
n'étaient pas capables d'acheter celle du voisin, alors qu'ailleurs
plusieurs fois on a acheté celle du voisin et la ferme a grossi de cette
façon-là. Il y a eu moins de ventes entre voisins dans ce
temps-là parce que les gens tenaient beaucoup plus à leurs biens.
Ce sont des facteurs qui ont joué.
On pourrait en profiter pour faire ensemble un plan de
développement qui serait peut-être un modèle à
suivre ailleurs. Pourquoi ne pas profiter de cette mauvaise expérience
pour faire quelque chose de mieux dans la période de rattrapage? Je
pense qu'on pourrait arriver dans les villages, par exemple, et dire: Le
bulldozer viendra pendant un certain temps et il fera tous les travaux. On peut
ainsi obtenir de meilleurs prix. Toutes sortes de choses peuvent se faire de
façon différente parce qu'il y a une période de rattrapage
qui pourrait aller très rapidement. Mais, là-dedans, il ne
faudrait pas être mesquins, je pense qu'il faudrait que les deux
gouvernements et les expropriés s'assoient pour convenir d'un plan.
M. Ryan: Je voudrais simplement dire au ministre que, s'il
mettait tout cela par écrit, s'il écrivait à son homologue
fédéral pour lui faire part de ce qu'il dit ce matin, cela ferait
peut-être plus avancer le dossier que des dénonciations à
l'emporte-pièce. C'est tout ce que j'ai demandé.
Je ne vois pas du tout de contradiction entre une démarche comme
celle-là et ce que le ministre dit, à savoir que c'est
évident que la négociation concrète, surtout pour la
disposition de chaque propriété, relèvera d'abord des
intéressés immédiats. C'est entendu, mais il me semble
qu'il n'y a pas de contradiction entre les deux et cela donnerait plus de force
à la démarche si elle se faisait sur les deux fronts en
même temps.
M. Houde: C'est bien, cela.
M. Garon: Le député de Berthier est content?
M. Houde: Oui, M. le ministre, parce que le député
d'Argenteuil répète les mêmes mots ce matin que ceux que
j'ai dits aux gens hier, à 1 h 30 du matin. Merci, M. le
Président.
M. Garon: On n'est pas fâchés non plus. Des voix:
On a manqué cela.
Le Président (M. Rochefort): Sur ce, si vous me le
permettez, M. le ministre de l'Agriculture, je voudrais quand même
rappeler aux gens qui sont dans les galeries que, malgré la
tolérance que j'ai affichée jusqu'à maintenant, notre
règlement ne nous permet pas cela, normalement.
M. Ryan: Je suis profondément blessé parce que
c'est la première fois que cela m'arrive.
M. Houde: J'ai dit cela toute la journée, hier.
M. Garon: Ce n'était peut-être pas le meilleur
moment pour le dire. Je pense que le président a peur que vous aimiez
cela.
Le Président (M. Rochefort): M. le ministre de
l'Agriculture, si vous me le permettez. M. le député
d'Argenteuil, je voulais justement m'assurer que les deux côtés en
avaient profité avant de faire cette remarque-là.
M. Ryan: Ah bon!
Le Président (M. Rochefort): Si on pouvait conclure
là-dessus, il reste quelques députés qui ont
demandé à intervenir.
M. Garon: Je dois dire, M. le Président, que j'ai
parlé à M. LeBlanc, que j'ai connu aux Pêcheries - je ne
connaissais pas M. Cosgrove - pour lui dire - ce n'est pas confidentiel -: M.
LeBlanc, je ne pense pas que vous ayez été partie au dossier de
Mirabel. Pourquoi assumeriez-vous une erreur passée? Pourquoi, au lieu
d'essayer de justifier les treize années passées, ne
recommenceriez-vous pas à neuf? Vous venez d'être nommé
dans le dossier. Vous êtes du Nouveau-Brunswick, vous n'êtes pas du
Québec; pourquoi ne regarderiez-vous pas le dossier avec un oeil neuf
dans la perspective de le régler, plutôt que de défendre
les erreurs passées? J'ai dit: On ne parlera pas du passé, on
parlera de l'avenir en essayant de voir comment on peut régler le
dossier.
Il m'a dit: Vous comprenez, je viens d'être nommé
là. C'est quasiment moi qui lui ai appris qu'il avait Mirabel dans sa
sacoche en devenant ministre des Travaux publics. Il pensait qu'il n'aurait
plus affaire à moi.
M. Ryan: Juste un point avant que je ne finisse avec les
autorités de Mirabel. Où en est le problème de la
perception des taxes? La société immobilière vous a
signifié
qu'à partir de la présente année vous devrez
percevoir vos taxes vous-mêmes. Autrefois, elle percevait les taxes avec
le loyer. Là, elle vous dit maintenant que c'est fini. À partir
de quand cela s'applique-t-il? Où en est ce dossier exactement?
M. Laurin (Jean): Cela s'appliquera à compter du 1er
janvier 1983. Comme je le mentionnais tantôt, même si notre
rôle de nouvelle génération n'est pas encore
terminé, cette décision de la société me semble
irrévocable maintenant. Elle a décidé de ne plus percevoir
les taxes directement des locataires du territoire périphérique,
mais que cette perception soit dorénavant faite par la ville et ce
à compter du 1er janvier 1983.
M. Ryan: Vous autres, vous auriez été mieux
placés, une fois que votre nouveau rôle aurait été
prêt, pour prendre cette responsabilité.
M. Laurin (Jean): Oui.
M. Ryan: Cela veut dire qu'un sursis d'un an aurait
été pour vous éminemment désirable.
M. Laurin (Jean): Évidemment. Originalement, ce qu'on
demandait à la société immobilière, c'était
de continuer de percevoir les taxes par la voie des loyers et des baux
signés avec les locataires du territoire périphérique.
Naturellement, c'est une responsabilité municipale. Donc, on s'est dit:
D'accord, on va assumer notre responsabilité, mais donnez-nous au moins
la chance de terminer notre rôle de nouvelle génération. Ce
sera extrêmement difficile pour nous, au début de l'année
1983, de faire l'envoi des comptes de taxes, compte tenu que nos fiches ne sont
pas à jour, aux bonnes personnes. Malheureusement, on est devant un
état de fait et on devra percevoir nous-mêmes les taxes en
1983.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Je suis heureux de retrouver ce matin en
commission parlementaire mes vieux amis, M. Laurin et M. Lacroix. Je voudrais,
tout d'abord, leur parler de cette question de vente du territoire. Les
représentants des expropriés ont beaucoup insisté
jusqu'ici durant les audiences de la commission sur la distinction qu'ils font
entre vente et rétrocession. La rétrocession, c'est le retour au
propriétaire; ce n'est pas la même chose que la vente. Je pense
que cette distinction entre vente et rétrocession prend une dimension
particulière quand on songe à certains types de ventes que le
gouvernement fédéral a faites, par exemple, dans le cas d'une
implantation industrielle à Great Lakes Carbon - près de Lachute
- où j'ai l'impression que le gouvernement fédéral a en
quelque sorte fait un coup d'argent. Ce qui a été payé
pour ce terrain, je crois que c'est très supérieur à ce
qui avait été versé en compensation au moment de
l'expropriation.
Il y a des rumeurs selon lesquelles il y aurait d'autres ventes massives
comme cela qui se prépareraient et qui feraient que, dans ce programme
de revente, on ne ferait pas seulement de la rétrocession;
peut-être même qu'on ne mettrait pas tellement l'accent sur la
rétrocession pour plutôt chercher, dans beaucoup de cas, à
vendre de très vastes étendues de terrain pour divers types
d'exploitation plus ou moins agricoles et sans tenir compte des anciens
propriétaires qui, à l'origine, ont été
expropriés.
Vous, M. Laurin, que pensez-vous de ces ventes massives? Voyez-vous
là un danger de dénaturer le territoire et de commettre en
quelque sorte une injustice envers les expropriés?
M. Laurin (Jean): Pour ce qui est de la vente sur les territoires
expropriés et dans la partie de Lachute de plusieurs acres de terrain
pour la Great Lakes Carbon, primo, à ce qu'on nous a dit - et je pense
que c'est exact - ce n'était pas un territoire propice à
l'agriculture. Maintenant, je voudrais vous faire part - et c'est une chose que
je peux affirmer - que la société immobilière nous disait
que les sommes que la société a récupérées
par la vente de ces acres de terrain pour la Great Lakes Carbon sont exactement
ce qui a été payé, plus les frais administratifs, etc.
Or, je dois vous avouer très honnêtement que je n'ai pas
vérifié plus qu'il ne le faut cette vente, compte tenu que ce
n'était pas dans un secteur propice à l'agriculture. Je verrais
mal la société immobilière profiter du fait que des
propriétaires ont beaucoup de terrains à Mirabel pour favoriser
l'industrie et le commerce au détriment des agriculteurs. Je peux vous
dire, M. le député de Deux-Montagnes, que, personnellement, je ne
suis pas au courant de ces intentions auxquelles vous avez fait allusion
tantôt, à savoir que la société immobilière
aurait l'intention de revendre une partie du territoire de la même
façon qu'elles a vendu à Great Lakes Carbon. C'est la
première nouvelle que j'en ai, mais je serai vigilant dans ce sens et je
pense que de toute façon la société immobilière n'a
pas le choix. Les expropriés de la première heure, les locataires
actuels, dis-je, ont le premier droit de regard. La société ne
peut dévier ou déroger au moins à ces modalités qui
favorisent les locataires actuels. (12 h 15)
M. de Bellefeuille: Vous dites, M. le maire, que vous serez
vigilant. On peut comprendre, par conséquent, que vous avez tendance,
vous aussi, à vous opposer aux ventes massives qui pourraient
dénaturer le territoire et priver définitivement les
propriétaires originaux de toute possibilité de
récupérer leur territoire.
M. Laurin (Jean): Je m'engage devant les... Je ne sais pas si
c'était le but de votre intervention, mais, de toute façon, les
gens qui sont en haut me connaissent quand même. Je m'opposerais
fortement à ce que la société immobilière vende du
terrain propice à l'agriculture - de toute façon, je suis
convaincu qu'elle ne peut le faire - qui est loué actuellement par des
agriculteurs, pour de l'industrie ou du commerce, même si je
désire de l'industrie et du commerce à Mirabel. Ce sont les
locataires actuels qui ont le premier droit de regards. Si on veut sauver
l'agriculture, on ne bâtira pas d'usines ou de commerces sur des terrains
propices à l'agriculture.
M. de Bellefeuille: À propos de la société
immobilière, M. Laurin, on a signalé, il y a quelques instants,
que vous étiez membre du conseil de cette société. Vous
vous présentez aujourd'hui devant nous portant votre chapeau de maire
et, comme maire, vous nous présentez un mémoire qui comporte
certaines critiques assez sévères à l'endroit de ce qui se
passe. Cela pourrait être interprété comme une critique de
la société immobilière. Je ne dis pas cela pour vous faire
un reproche, pas du tout, M. le maire, parce que je comprends fort bien que le
gouvernement fédéral ait voulu que le maire de Mirabel soit
d'office membre du conseil de la SIC. On ne peut s'opposer à cela. Je
comprends fort bien que vous, de votre part, vous acceptiez ce double
rôle afin d'user du pouvoir que vous avez au sein du conseil de la SIC
pour veiller aux intérêts de votre municipalité. Il n'y a
pas de reproche là-dedans, sauf que - là, je vous parle en toute
naïveté, en toute candeur -je me demande combien de temps vous
allez pouvoir être en désaccord avec la SIC et rester membre du
conseil de la SIC.
M. Laurin (Jean): Écoutez, je ne suis qu'un membre sur
sept, lors, une voix sur sept. Le langage que vous retrouvez dans notre
communiqué est exactement le même langage - M. le ministre l'a
souligné tantôt, il y a des gens de la société qui
sont ici dans le moment - que je tiens à la société
immobilière. C'est encore permis d'enregistrer sa dissidence sur
certaines résolutions et, quand je pense que ça va à
l'encontre des besoins ou du bien de la municipalité, je le fais.
Maintenant, combien de temps demeurerai-je au sein de la
société immobilière? Je vous répondrai: Aussi
longtemps que je serai convaincu que le rôle que j'ai à jouer
là est important pour les citoyens. Quand je m'apercevrai que je ne peux
faire avancer le dossier, que je ne peux intervenir pour venir en aide aux
citoyens de Mirabel, à ce moment j'aurai une décision à
prendre. Mais je pense qu'actuellement j'ai un rôle à jouer et
j'essaie de l'assumer au meilleur de ma connaissance.
M. de Bellefeuille: Quant à moi, M. le maire, cette
réponse est tout à fait satisfaisante. Je voudrais revenir
à la question des taxes municipales au sujet de laquelle le
député d'Argenteuil vous a interrogé. Est-ce qu'il n'y a
pas danger de contestation juridique dans une situation où il n'y a pas
de cadastre? Un locataire pourrait fort bien engager un avocat pour contester
la base sur laquelle vous avez déterminé la taxe applicable dans
son cas, et on sait fort bien alors ce qui arrive. Quand il y a
possibilité de contestation juridique, possibilité d'engager un
avocat, ce sont les gros qui s'en tirent le mieux parce que les petits sont
plus faciles à intimider et ont moins souvent recours aux avocats qui
coûtent cher. Est-ce que vous ne risquez pas de vous trouver dans une
situation assez difficile en percevant les taxes de façon un peu
inégale? En effet, ceux qui seront le plus en moyen engageront des
avocats et feront traîner cela devant les tribunaux en attendant que ces
questions de cadastre soient réglées, ce qui pourrait prendre des
années et des années.
M. Laurin (Jean): M. Lacroix va répondre.
M. Lacroix: Au sujet de la perception des taxes, même en
supposant que notre rôle n'est pas prêt, il y a un problème
très particulier, mais je pense que ce n'est pas l'endroit pour montrer
les difficultés techniques de la confection d'une maîtrise
graphique selon les lois et règlements du Québec. La direction de
l'évaluation foncière du ministère, qui est au courant,
est à la recherche d'une solution. Il est évident qu'en plus des
pertes qu'on va subir dans les années 1984 et suivantes, en 1983, on va
perdre plus que dans une autre année, parce qu'on est dans la position
d'envoyer des comptes de taxes aux locataires du territoire exproprié en
leur donnant, dans la majorité des cas, le bénéfice du
doute. On va être obligé d'évaluer à la baisse pour
avoir le moins de contestations possible. On sait que plusieurs comptes de
taxes seraient contestés de façon juridique par une bonne partie
des locataires, mais je pense qu'on prendra l'option d'envoyer un compte moins
élevé plutôt qu'un compte plus élevé,
à tout le
moins pour l'année 1983. Cela s'ajoutera aux pertes
éventuelles, de sorte qu'on est déjà assuré que, si
on n'a pas le choix et qu'on doit procéder à l'envoi des comptes
de taxes pour 1983, pour le territoire périphérique, on va faire
pour le mieux, parce qu'on ne peut pas faire mieux que cela, en étant
conscients que certains comptes pourraient facilement être
contestés devant les tribunaux. On va compter sur la bonne foi des gens
qui vivent sur le territoire exproprié, au moins pour l'année
prochaine. D'accord? La question est bonne, délicate et il est difficile
d'y répondre d'une façon précise.
M. de Bellefeuille: Merci. M. le maire, je voudrais vous ramener
à ce plan qui fait partie de votre mémoire. Il y a quelque chose
que j'ai du mal à comprendre quant à l'étendue du
territoire qui, selon les autorités municipales de Mirabel, devrait
être rétrocédée ou vendue, mais disons
rétrocédée. Vous proposez une étendue plus grande
que ce qui est proposé par la SIC, mais j'essaie de comprendre, dans
votre plan, pourquoi vous ne proposez pas que la partie sud de la
municipalité soit rétrocédée, soit Saint-Augustin
et Saint-Benoît.
M. Laurin (Jean): Mais cela n'appartient pas au territoire
exproprié.
M. de Bellefeuille: C'est du territoire non exproprié
jusqu'à la ligne pointillée?
M. Laurin (Jean): Oui, non exproprié.
M. de Bellefeuille: Dans ce secteur blanc, il y a beaucoup de
territoire exproprié.
M. Laurin (Jean): Non, non. Dans le secteur blanc, ce n'est pas,
M. de Bellefeuille, du territoire exproprié. Saint-Augustin et
Saint-Benoît ne sont pas des territoires expropriés.
M. de Bellefeuille: Mais il y a un territoire exproprié
à l'intérieur de Saint-Benoît, par exemple.
M. Laurin (Jean): Près de Saint-Hermas, dans le rang
Saint-Vincent.
M. de Bellefeuille: Ah, bon! Mais l'impression
générale, quand même, que je retiens, c'est que, si vous
regardez autour de l'aéroport proprement dit, il y a des territoires
assez vastes que vous laissez en blanc et qui, eux, sont nettement
expropriés, en majeure partie ou au complet.
M. Laurin (Jean): Oui, d'accord.
M. de Bellefeuille: Bon! Pourquoi laisser tous ces territoires
dans le blanc sur votre plan? Pourquoi ne pas les avoir inclus dans la zone
grise que la ville considérerait comme excédentaire?
M. Laurin (Jean): D'accord. On a voulu respecter, dans un premier
temps, les contraintes sonores et tout le territoire qu'on a identifié
comme revendable ne fait pas l'objet de contraintes sonores ou très peu.
Évidemment, Sainte-Scholastique étant située tout
près des pistes, elle ne fait pas, dans l'esprit du conseil, l'objet
d'une revente pour l'instant, mais il y aura lieu, à la suite de
nouvelles études sur l'agression sonore, d'étudier le
bien-fondé de la revente, peut-être même à
l'extérieur de la zone ultime des 17 000 acres. Évidemment ce
n'est pas coulé dans le béton. Si on pense que, pour l'instant,
le gouvernement fédéral devrait revendre 48 000 acres, il n'est
pas dit du tout que, dans l'esprit du conseil municipal, Sainte-Scholastique
n'est pas un territoire revendable, loin de là.
M. de Bellefeuille: Justement, à propos des questions de
bruit, je vous signale que le ministère des Transports du Québec
nous a présenté un mémoire qui contient des
considérations qui me paraissent très pertinentes
là-dessus, en vertu desquelles on pourrait diminuer de beaucoup le
secteur que vous avez indiqué en blanc dans votre plan, en fonction du
facteur sonore tel qu'il se présente selon les dernières
études. Alors, je pense que la ville aurait avantage à
réexaminer ça et à réviser ses positions
là-dessus, de sorte qu'il n'y ait pas du territoire qui reste
indéfiniment sous tutelle, alors qu'il pourrait, sans obstacles
sérieux du point de vue de l'aéronautique, être
rétrocédé.
M. Laurin (Jean): D'accord, mais moi, M. de Bellefeuille - et
j'en ai discuté à quelques reprises avec les expropriés -
je pense exprimer le voeu - tout le monde l'a fait ou le fera dans les
prochaines heures -que le gouvernement fédéral revende la plus
grande partie du territoire possible, c'est très louable. Nous, on
aurait pu, à la rigueur, suggérer de revendre tout le territoire
exproprié, sauf la zone opérationnelle. Mais il y a une question
fondamentale, c'est de quelle façon va-t-on vendre le territoire? C'est
bien beau de dire: Vendez 80 000 acres, mais si ça prend 80 ans pour
vendre 80 000 acres, si on n'a pas trouvé la formule pour revendre le
territoire. On peut exprimer toutes sortes de voeux; on peut dire que le
territoire, à l'extérieur de la zone opérationnelle, est
un territoire excédentaire qui devrait être revendu. Nous, on
prétend que tout ce qui n'est pas nécessaire au fonctionnement et
à la protection de l'aéroport, devrait être vendu. Mais ce
qui me préoccupe bien plus que la
suggestion de revendre un certain nombre d'acres, c'est la façon
de vendre. Je ne suis pas sûr qu'on ait trouvé encore la
façon de revendre le territoire.
M. de Bellefeuille: J'en déduis qu'au fond vous êtes
assez d'accord avec moi, mais que, à votre avis, il se pose des
problèmes quant à savoir à quel rythme cette
rétrocession pourra se faire.
M. Laurin (Jean): Exactement.
M. de Bellefeuille: Vous avez dit, à propos de la
rétrocession, qu'il faudrait qu'il y ait des consultations. Je voudrais
vous demander avec qui, à votre avis, ces consultations devraient se
faire.
M. Laurin (Jean): Avec les locateurs du territoire
périphérique.
M. de Bellefeuille: Pris individuellement?
M. Laurin (Jean): Non, en groupe, avec des associations qui
représentent les gens du milieu, les expropriés.
M. de Bellefeuille: Quelles sont ces associations?
M. Laurin (Jean): Entre autres, le CIAC, bien sûr; la ville
de Mirabel devrait également être impliquée et
possiblement, au prorata de la représentativité, d'autres groupes
qui oeuvrent sur le territoire actuellement.
M. de Bellefeuille: Au prorata de la
représentativité, ce sont les mots clés, c'est important,
parce que j'ai l'impression que, quand vous avez nommé le CIAC et la
ville de Mirabel, vous avez nommé les deux instances...
M. Laurin (Jean): Exactement.
M. de Bellefeuille: ... dont la représentativité
fait le moins de doute et est la plus forte. Est-ce que vous avez
vous-même été exproprié, M. Laurin?
M. Laurin (Jean): Non.
M. de Bellefeuille: Votre père?
M. Laurin (Jean): Non plus.
M. de Bellefeuille: Vous vivez à Saint-Hermas, je
crois.
M. Laurin (Jean): Oui.
M. de Bellefeuille: Vous êtes propriétaire?
M. Laurin (Jean): Exactement.
M. de Bellefeuille: Vous n'êtes pas exproprié?
M. Laurin (Jean): Non.
M. de Bellefeuille: Vous n'êtes pas locataire du
fédéral?
M. Laurin (Jean): Non.
M. de Bellefeuille: Cela vous donne une certaine autonomie par
rapport à ces questions.
Ce sera ma dernière question. À propos du prix de vente,
il y a une formule qui a été proposée par la SIC, c'est la
valeur marchande moins 15%. Les représentants des expropriés nous
ont proposé une autre formule qui est fondée sur une notion qui
me paraît assez claire, assez simple, assez bien fondée, c'est de
partir du prix qui a été payé au moment de
l'expropriation. Il faut bien ce rappeler ceci. J'ai souvent entendu des
porte-parole du gouvernement fédéral dire que les
expropriés ont été bien payés; je pourrais citer
une bonne douzaine de porte-parole du gouvernement fédéral qui,
publiquement, ont déclaré que les expropriés avaient
été suffisamment dédommagés et qu'ils avaient
été bien payés. Alors, s'ils ont été bien
payés, le raisonnement consiste à dire: Si le gouvernement
fédéral acceptait maintenant un prix qui serait - en tenant
compte de certains facteurs de pondération -fondé ultimement sur
le prix qui a été payé au moment de l'expropriation le
fédéral à ce moment-là, lui aussi, pour employer
les mêmes mots, serait bien payé. Est-ce que vous n'accepteriez
pas cette analyse? (12 h 30)
M. Laurin (Jean): J'aime mieux la consultation avant de
répondre à une question semblable. Le prix que l'agriculteur
devra payer, je n'ose même pas l'avancer, parce que l'agriculture est une
de nos préoccupations, mais il y a également le secteur
résidentiel et le secteur commercial. Alors, quel est le prix
décent qu'un agriculteur devrait payer pour reprendre sa
propriété? Je n'ose pas avancer de chiffre, M. le
député.
Je tiens à apporter une précision ou à nuancer vos
propos. Vous avez dit tantôt que la société
immobilière avait formulé une proposition de 85%. Je tiens
à vous faire remarquer que c'est le gouvernement fédéral,
de façon unilatérale, et non pas la société
immobilière qui a suggéré un montant de valeur marchande
de moins 15%.
M. de Bellefeuille: Je vous remercie de m'avoir corrigé,
M. le maire, mais c'est pourtant la SIC qui va être l'exécutrice
de cette politique et vous, comme membre du
conseil de la SIC, vous allez pouvoir veiller à ce que cela ne
devienne une politique appliquée qu'après consultation.
M. Laurin (Jean): J'espère. Je le souhaite, je le
favorise, et, au sein du conseil d'administration, je continuerai toujours
à prêcher cette consultation qui est nécessaire, à
mon sens, pour une rétrocession du territoire dans l'harmonie, la
sérénité et le calme, afin d'éviter la
provocation.
M. de Bellefeuille: Merci, M. le maire.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Avec la permission du président, M. Ryan
voulait revenir pour une question ou deux et je reviendrai ensuite.
M Ryan: C'est seulement sur un point. Tantôt, le
député de Deux-Montagnes a adressé une question à
M. le maire de Mirabel à propos du terrain qui a été vendu
à la société Great Lakes. D'abord, ce n'est pas dans le
territoire de la ville de Mirabel; c'est dans le territoire de Lachute, pour
votre information.
M. de Bellefeuille: C'est cela. Sous la juridiction de la SIC,
quand même.
M. Ryan: Je comprends, mais pas sous la juridiction de M. Laurin
en sa qualité de maire. Il est ici, il l'a dit lui-même, comme
maire et non pas comme administrateur de l'autre. Deuxièmement, il
faudrait dire qu'avant que ce terrain soit dézoné - il
était zone agricole - il y a eu une consultation en bonne et due forme,
comme le prévoit d'ailleurs la loi, avec les agriculteurs de la
région, avec à la fois l'UPA de langue française, ceux qui
sont ici pourront me le confirmer, et l'UPA de langue anglaise. Les deux
organismes ont donné leur approbation au changement de statut du
territoire. Ensuite, il fallait le vendre. Si la société
immobilière - je suis prêt à faire l'examen
indépendant et impartial, mais je veux qu'on soit juste aussi - avait
vendu ce terrain-là 300 $ l'acre, tout le monde aurait dit: C'est
effrayant, ces gens font un cadeau à une multinationale. Ils l'ont vendu
à un prix plus sérieux, je pense que c'est 2500 $ à 3000 $
l'acre. Au moins, ils l'ont vendu au prix que cela vaut. Je ne pense pas qu'on
puisse leur adresser de reproches là-dessus. Si vous trouvez que le
produit de la vente doit faire partie d'un règlement collectif
éventuel, je comprends, mais on ne peut pas demander qu'il y ait un
droit de veto pour chaque personne chaque fois qu'ils vont vendre un terrain.
Je vous dis une chose. Il est question que quelques autres terrains dans cette
région soient réservés pour les mêmes fins, de
manière à constituer une sorte de parc industriel lourd pour la
région de Lachute. Personnellement, je favorise cela à 100%.
J'espère qu'on aura assez d'ouverture d'esprit si cela se
présente, pour ne pas mettre d'entrave artificielle et
injustifiée au développement industriel de cette
région.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Je tiens personnellement à remercier M. le
maire et M. le directeur général. Ce sont des témoins qui
ont su faire avancer les travaux de cette commission. Je vais tenter de
procéder rapidement. Mon intervention portera principalement sur quatre
points. Voici le premier. M. le maire, si ce n'est pas trop indiscret, quelle
est la situation financière de la ville de Mirabel? Est-ce que vous
êtes dans une situation financière précaire, solide,
avantageuse, moyenne?
M. Laurin (Jean): Normale, avec un taux de taxe de 1,10 $ les 100
$ d'évaluation.
M. Paradis: Au niveau de l'endettement, est-ce que vous
êtes pris à la gorge?
M. Laurin (Jean): Non, pas du tout.
M. Paradis: Ma question s'adresserait peut-être à M.
Lacroix, qui connaît bien l'ensemble des autres municipalités du
Québec. Si vous vous comparez aux autres municipalités de la
province de Québec, est-ce que vous vous classez parmi les
municipalités qui sont pas simplement bien gérées, mais
bien financièrement aussi ou mal financièrement?
M. Lacroix: Ce que je peux dire, c'est que je pense que notre
situation financière, en toute honnêteté, est meilleure que
celle de la majorité des villes du Québec probablement parce que,
contrairement à plusieurs municipalités, au cours des
dernières années, on a commencé à utiliser des
méthodes restrictives bien avant d'autres. On a eu la clairvoyance, au
cours des dernières années, d'essayer le plus possible de payer
comptant les investissements à même les revenus courants au lieu
de les étaler à long terme, de sorte que le pourcentage de notre
dette à long terme est inférieur à la moyenne
provinciale.
Par contre, dans un vaste territoire comme Mirabel, il faut craindre,
même si notre situation est bonne, qu'une mauvaise gestion sur une
période relativement courte pourrait faire en sorte qu'on se retrouve,
dans quatre ou cinq ans, avec des difficultés financières. Il
faut être très vigilant et prudent même si notre situation
est bonne. Il
faut que l'administration utilise les mêmes méthodes que
celles qui ont prévalu au cours des dernières années. Si
quelqu'un se lançait dans des projets d'investissement importants et si
on y avait cru... Je vais vous donner un exemple. Dans toutes les
dépenses, au plan triennal, d'immobilisations annuelles, on n'a jamais
tenu compte d'aucune évaluation qui pourrait survenir de l'implantation
éventuelle d'une industrie ou de projets importants majeurs, tant du
gouvernement du Québec que du gouvernement du Canada. Mais, s'il avait
fallu administrer dans un autre contexte, on aurait d'énormes
difficultés compte tenu de l'immensité du territoire. Dans un
territoire aussi immense et de cette envergure, avec le peu de population qu'il
y a, c'est très facile de dépenser 15 000 000 $ ou 20 000 000 $.
Je vous réponds oui, mais en prévenant les administrateurs
éventuels d'être très prudents dans la gestion de ce vaste
territoire parce que la situation pourrait facilement devenir, disons, à
l'inverse et les administrateurs connaître des difficultés
financières très importantes à court terme, compte tenu du
territoire.
M. Paradis: Je vous remercie beaucoup. C'est complet comme
tableau.
M. le maire, je tente comme parlementaire de concilier -
là-dessus, je vais peut-être avoir besoin d'un peu d'explications
de votre part - le mémoire que vous avez présenté, il y a
un an, à la Société immobilière du Canada et le
mémoire que vous présentez aujourd'hui. Je ne dis pas qu'ils sont
inconciliables, mais il y a des zones grises, du moins dans la tête du
député de Brome-Missisquoi. Je vous réfère à
certains passages particuliers dans le but d'obtenir des réponses. En
septembre 1981, à la page 3 du mémoire... Je vais vous laisser le
temps de le retrouver. Est-ce que vous l'avez trouvé? Non. Si je vous
donne ma copie, je ne pourrai plus vous poser de questions.
M. Ryan: II ne voudrait pas vous dispenser de la chance de
répondre. Celui de l'an dernier?
M. Paradis: Oui. En septembre. À la page 3, vous
mentionniez, à l'époque: "La nouvelle équipe en place
témoigne déjà d'un certain dynamisme qui devrait se
refléter dans d'éventuelles politiques de développement et
de mise en valeur de la propriété fédérale." Un peu
plus loin, vous dites: "L'éventail du mandat confié à
cette société laisse présager qu'elle ne voudra plus
n'être qu'un gestionnaire passif et peu accessible aux citoyens, mais
qu'elle saura prêter une attention soutenue aux besoins particuliers des
résidents du territoire fédéral, tout en devenant
l'exemple à suivre dans une politique de relance et de remise sur pied
du territoire."
Ma question est la suivante: Vous ne semblez plus appuyer cela
aujourd'hui dans le mémoire que vous présentez à cette
commission. Qu'est-ce qui s'est passé, selon vous, entre les deux?
M. Laurin (Jean): Quand on parle de politique de relance et de
remise sur pied de ce même territoire - je l'ai mentionné
tantôt - je pense que la société immobilière a fait
un effort louable, précisément dans le secteur de
Sainte-Scholastique, pour rénover, débarricader certaines maisons
qui l'étaient depuis un certain temps, voire plusieurs années,
à l'occasion. Mais, depuis la présentation de ce mémoire,
en 1981, d'autres événements sont peut-être venus modifier
notre pensée sur la société, quoiqu'on considère
que la société ait quand même un rôle important
à jouer en tant que propriétaire des deux tiers du territoire de
notre ville. Mais la société s'est impliquée dans certains
domaines où, à notre point de vue, administrateurs municipaux,
elle n'aurait pas dû s'impliquer. C'est un risque pour la ville. On voit
ce qui s'est passé dernièrement avec la chambre de commerce qui
reçoit un appui presque total de la société
immobilière. Elle demande et obtient de la société
immobilière alors qu'elle demande à la ville et n'obtient pas
nécessairement.
M. Paradis: Est-ce que je peux conclure sur ce point que, dans
les faits, vous les avez invités a demeurer moins passifs, mais qu'ils
ont outrepassé votre invitation dans l'application quotidienne?
M. Laurin (Jean): Exactement.
M. Paradis: Ils sont allés plus loin que l'invitation que
vous leur aviez faite.
M. Laurin (Jean): Oui, beaucoup plus loin.
M. Lacroix: Je peux peut-être ajouter, pour aller dans la
même ligne de pensée, qu'il faut se rappeler historiquement
qu'à cette époque le mémoire de la ville était
fait, d'abord, avant l'annonce de la politique de la société. Il
y avait beaucoup d'espoir, compte tenu qu'on avait connu un autre régime
qui n'informait pas du tout. C'est également avant l'annonce de la
décision de M. Pépin.
Je vais vous donner un exemple où on demandait aux gens
d'informer les citoyens. Si vous vous rappelez l'ancienne gestion, l'ancienne
administration fédérale sur le territoire n'avait même pas
un bulletin d'information. Quand on leur a dit d'informer les gens, je pense
qu'on voulait informer de bonne foi, donner le plus de nouvelles,
d'informations possible à tous les expropriés.
Je pense que, dans certains domaines, ils l'ont pris pas mal plus parce
qu'on n'aurait pas cru que l'information consistait à consulter des
firmes et à embaucher des SORECOM. On voulait qu'on tienne compte que
consulter, pour nous, c'était tenir compte des volontés du milieu
dans l'opération quotidienne de la société. Je pense que,
dans les faits, une année après, c'est évident que la
pensée des administrateurs de la ville, autant au conseil municipal, a
évolué pour aboutir à l'approbation. Cela n'a
peut-être pas été dit, mais le mémoire a
été adopté à l'unanimité par le conseil qui
est composé de neuf membres actuellement.
Je vous rappelle que la majorité des membres du conseil sont des
non-expropriés. Pour préciser, lors de l'expropriation, les
expropriés représentaient à peu près les deux tiers
de la population de Mirabel. Ils occupaient également deux tiers du
territoire. Douze ou treize ans après, on s'aperçoit
qu'aujourd'hui ils occupent toujours deux tiers du territoire, mais avec
seulement un tiers de population, de sorte que, les élus municipaux
étant désignés par la population, leur importance relative
a diminué et diminuera probablement graduellement avec les
années.
Je pense que le dossier a évolué et, pour plusieurs
intervenants, cela explique probablement la prise de position initiale du
conseil qui a évolué sur une période de douze mois,
peut-être comme d'autres organismes. D'accord?
M. Paradis: Cela va, merci. À la page 9 de votre
mémoire de juin dernier, la ville demandait à la
société que celle-ci mette en place un programme
d'investissements majeurs dans tous les secteurs d'activité
économique et principalement dans l'agriculture, les commerces, les
équipements récréatifs et les espaces verts, qu'elle
favorise l'implantation de projets communautaires et également des
projets qui auraient comme conséquence d'apporter des investissements
intéressants en plus d'attirer les gens de l'extérieur, tels
jardins zoologiques, attraits touristiques, etc.
Est-ce que vous maintenez toujours -j'ai peut-être vu quelques
références dans le mémoire d'aujourd'hui - cette attitude?
Estelle différente aujourd'hui? Si oui, pourquoi?
M. Laurin (Jean): Lorsque la ville de Mirabel a
préparé ce mémoire présenté lors des
audiences de l'automne dernier, il faudrait savoir, en premier lieu, et je
pense que M. Lacroix l'a mentionné tantôt, que le gouvernement
fédéral n'avait pas annoncé, à cette
époque...
M. Paradis: ... Dorval.
(12 h 45)
M. Laurin (Jean): Cela, oui. Mais ce qui est encore plus
important, c'est qu'il y aurait du territoire qui serait revendu. La
société existait, fonctionnait, mais les gens n'étaient
pas du tout assurés qu'il y aurait du territoire qui serait revendu.
Maintenant, que la société mette en place un programme
d'investissements majeurs dans tous les secteurs d'activité,
principalement dans l'agriculture, on le souhaite encore quant à la
partie qui ne sera pas revendue. Par contre, on a dit à la
société immobilière: N'investissez pas sur un territoire
qui, possiblement, sera revendu; à la suite de cela, les agriculteurs
devront payer le prix. On avait fait une mise en garde: Investissez sur du
territoire qui, pour l'instant, est susceptible de ne pas faire l'objet de
revente, si revente il y a.
Je vous donne l'exemple de Sainte-Scholastique qui a été
expropriée à 100% et qui ne fait pas l'objet de la revente pour
l'instant. On trouve tout à fait normal que le gouvernement
fédéral répare les pots cassés dans ce secteur, et
non seulement cela, mais qu'il fasse des investissements comme le fait
l'entreprise privée ou un particulier. Quand il fait cadastrer un
terrain à Mirabel, le citoyen doit payer 8% de taxes. Compte tenu qu'il
est impossible de faire du développement à Sainte-Scholastique,
que la société, en contrepartie, aménage de petits parcs,
qu'elle continue à exploiter le bois de Belle-Rivière et qu'elle
fasse le nettoyage d'un cours d'eau sans que cela nuise à une revente
éventuelle du territoire, on n'avait pas et on n'a pas encore
d'objection à cela.
M. Paradis: J'ai fini avec l'ancien mémoire, je reviens
avec le nouveau mémoire et j'essaie d'y appliquer vos réponses.
À la page 3, vous mentionnez des interventions non pertinentes. Dans les
trois interventions non pertinentes que vous mentionnez, il y a La
Mirablière, la Foire agricole de Mirabel, le Festival western et des
interventions auprès de la chambre de commerce pour la fourniture de
ressources professionnelles, etc.
À la Foire agricole de Mirabel, avez-vous eu une participation du
ministère provincial de l'Agriculture ainsi que du ministère
fédéral de l'Agriculture, comme c'est le cas pour l'ensemble des
foires agricoles au Québec?
M. Laurin (Jean): Non, mais ce n'est pas une foire agricole comme
on en connaît.
M. Paradis: Ce n'est pas une société
d'agriculture...
M. Laurin (Jean): Non, absolument pas. Ce sont des kiosques, ce
sont les gens du
milieu qui exposent leurs produits; il y a une espèce de petite
exposition d'animaux de ferme, il y a des jugements qui se font, mais c'est une
exposition à très "low profiles".
M. Paradis: Elle n'est pas subventionnée?
M. Laurin (Jean): Non.
M. Paradis: J'en ai deux dans mon comté et cela
m'intéressait de savoir combien vous aviez reçu.
M. Laurin (Jean): Elle est quand même subventionnée
par...
M. Garon: Là, ça prendrait un mot d'explication. Je
regarde le député d'Argenteuil qui se tape sur les cuisses. Pour
avoir droit aux subventions, dans les expositions agricoles, il faut être
une exposition reconnue et il y a tout un processus à cela, en vertu
d'un programme existant. Au contraire, avant 1976, c'était à la
discrétion du ministre alors qu'aujourd'hui il y a un programme
existant. Les gens savent à l'avance quelles sont les règles du
jeu.
M. Ryan: Le ministre pourrait peut-être ajouter qu'il a
été invité à subventionner celle-ci et qu'à
cause de ces critères, il a refusé.
M. Garon: Pardon?
M. Ryan: Vous avez été invité à
subventionner la Foire agricole de Mirabel.
M. Garon: Je ne me rappelle pas d'avoir été
invité à la subventionner.
M. Ryan: Oui, je vous ai écrit moi-même à ce
sujet, il y a deux ans.
M. Garon: Pardon?
M. Ryan: Je vous ai écrit moi-même à ce sujet
et vous m'avez dit que vos critères...
M. Garon: Ce ne sont pas les députés qui me font
les demandes, habituellement, ce sont les sociétés
d'agriculture.
M. Ryan: On me l'a demandé et j'ai appuyé la
demande; vous avez dit que votre politique ne vous permettait pas de le faire.
J'ai respecté votre décision, mais vous avez refusé.
M. Paradis: On peut relancer l'invitation.
Généralement, lorsque le ministère subventionne et que
l'exposition agricole est reconnue, il y a 50% des prix aux agriculteurs qui
sont remboursés par le fédéral et 50% par le gouvernement
provincial. Cela permet d'augmenter les revenus aux agriculteurs dans cette
région. Ce serait un dossier intéressant pour la ville de
Mirabel; cela permettrait de tester immédiatement la volonté
politique du ministre.
M. Garon: À la condition de ne pas avoir des avocats comme
secrétaires qui empochent une très grosse partie des fonds.
M. Paradis: Si vous pouvez en trouver un dans la province de
Québec, M. le ministre, je vous incite à le nommer
immédiatement.
Le Président (M. Rochefort): Voulez-vous poursuivre, M. le
député de Brome-Missisquoi.
M. Ryan: II se fit un silence. Une voix: Le silence est
d'or.
M. Paradis: Pour en revenir au dossier agricole et des fermes, M.
le maire, aux pages 7, 8 et 9 de votre mémoire, vous avez des
statistiques qui tracent un portrait peu reluisant de l'agriculture sur votre
territoire si on le compare à l'évolution de l'agriculture sur
tous les autres territoires du Québec.
Maintenant, ma question s'adresse peut-être à vous, M. le
maire, ou à M. Lacroix, parce que c'est M. Lacroix qui y a fait allusion
tantôt. J'avais sur mon bureau un article qui est paru dans le journal La
Presse d'hier sous la plume de Guy Pinard et qui trace un tout autre programme
ou un tout autre visage. M. Pinard dit, avant de tracer le programme, et je le
cite: "Voici donc le portrait tracé par SORECOM, lequel vient s'ajouter
aux données du dernier sondage de SORECOM divulgué samedi dans
cette chronique. Mettre ce portrait en doute, ce serait aussi mettre en doute
l'exactitude des données corrigées par Statistique Canada
à l'aide d'un questionnaire de 48 pages lors du dernier recensement et
la compétence de SORECOM à interpréter ces chiffres."
Je ne sais pas, comme député d'un comté rural, mais
qui ne représente pas cette section de la province, à quels
chiffres me fier maintenant. La ville de Mirabel me dit: Voici les chiffres que
nous vous citons aux pages 7, 8 et 9 et, si j'en crois ces chiffres, Mirabel
est sérieusement en retard sur l'évolution, si on la compare au
reste de la province, mais, si on se fie aux chiffres qui ont été
publiés dans la Presse, on dit: Ils ne sont pas en retard. Ils sont
même, dans certains secteurs, avantagés. À quel saint se
voue-t-on?
M. Laurin (Jean): Je ne conteste pas les chiffres avancés
par M. Pinard, et on l'a mentionné tantôt, la superficie des
fermes en culture est de 70,4% à Mirabel, comparativement à 46,5%
au Québec. C'est probablement vrai, mais ce que M. Pinard devrait
ajouter, c'est qu'auparavant, la superficie des fermes en culture à
Mirabel était peut-être de 88%, 90% ou 92%. Il y aurait lieu de
faire la comparaison entre ce qui se passe actuellement et ce qui se passait
avant l'expropriation. D'ailleurs - je ne veux pas m'enfarger dans les
statistiques, mais M. Lacroix en a - je voudrais vous mentionner que le nombre
d'exploitations à Mirabel a diminué. Les chiffres que nous avons
de Statistique Canada sont les suivants: En 1966, 1071 exploitations; en 1971,
707 exploitations; en 1981, 465 exploitations. C'est un net recul.
M. Paradis: En 1981, combien? M. Laurin (Jean): 465.
M. Paradis: Autrement dit, vous dites aux membres de la
commission: Prenez les deux. Ils ne sont pas nécessairement
contradictoires et complétez les chiffres pour avoir un vrai
portrait.
M. Laurin (Jean): Oui, je pense que les chiffres
avancés... J'ai le sondage, je me le suis procuré avant de venir
à Québec hier.
M. Paradis: Pourrait-on en obtenir une copie, s'il est plus
complet, parce que je pensais l'obtenir de M. Pinard, mais je ne l'ai pas
encore.
M. Laurin (Jean): J'en ai seulement une copie et,
sincèrement, je préfère la conserver, la garder. La raison
pour laquelle je préfère la garder, c'est que je suis le seul
membre du conseil d'administration de la société qui l'a en main,
parce que les autres n'ont peut-être pas eu le temps de réagir
à cet article de M. Pinard samedi dernier.
M. Garon: Vous pouvez l'avoir directement de M. Landry, d'autant
plus qu'apparemment, il pourrait éventuellement devenir votre chef.
M. Paradis: Monsieur...? M. Garon: M. Landry, youpi! M.
Paradis: Je n'ai pas compris. Des voix: Ah! Ah!
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Garon: Vous n'avez rien compris, mais en tout cas!
M. Paradis: Je ne sais pas...
Une voix: C'est M. Landry, de la Presse.
M. Paradis: Ah! M. Landry de la Presse, celui qui vend la Presse
plus cher à l'extérieur de la région de
Montréal?
M. Garon: Oui, oui.
M. Paradis: À la suite des vérifications, le
ministre n'avait pas raison, mais il était tellement à court
d'arguments qu'il s'est attaqué aux journalistes.
M. Garon: Le ministre avait raison, si vous regardez le discours
que j'ai fait.
Le Président (M. Rochefort): Messieurs, à l'ordre,
s'il vous plaît!
M. Garon: J'avais dit que j'avais acheté le matin
même la Presse au prix de 0,45 $, le Devoir 0,35 $ et le Soleil, 0,30 $.
C'était vrai.
M. Paradis: En terminant, M. le maire, vous concluez au niveau
d'une politique chez les occupants expropriés. Vous dites que c'est 75%,
finalement, des gens visés en agriculture sur votre territoire. Vous
terminez en préconisant une politique de rétrocession.
Préconisez-vous la même politique pour les autres 25% qui sont des
occupants, aujourd'hui, mais qui n'ont pas été expropriés
à la source?
M. Laurin (Jean): On n'a pas tenu compte des
non-expropriés dans le mémoire, mais il m'apparaît
évident que ce sont les expropriés qui ont été
pénalisés depuis l'expropriation. Les non-expropriés, sur
le territoire de Mirabel en tout cas, ont continué à exploiter
leur ferme de façon convenable, comme tous les agriculteurs du
Québec. Notre préoccupation en ce moment -c'est le message qu'on
lance au gouvernement - c'est d'aider uniquement les expropriés. Cela
s'adresse uniquement aux expropriés.
M. Paradis: Pour en revenir â cette rétrocession des
terres en faveur de ces gens-là ou de ces occupants, on parle
présentement d'une mise en disposition de quelque 30 000 acres de
terrain. Vous avez répondu tantôt que ce qui importait pour
l'instant - vous me direz si je vous interprète mal - ce n'est pas
tellement de définir la grandeur que de trouver la vraie formule et, une
fois qu'on aura la vraie formule, on pourra l'étendre à des
superficies plus grandes qu'il reste à déterminer,
finalement. Est-ce que vous considérez, vous, comme maire que, si
les gens impliqués peuvent trouver une formule ensemble, une
première rétrocession de 30 000 acres semble acceptable pour la
ville de Mirabel ou souhaiteriez-vous qu'une fois la formule trouvée,
ça se fasse d'un bloc, c'est-à-dire qu'on mette plus de 30 000
acres et qu'on se fie au chiffre que vous avez cité tantôt?
M. Laurin (Jean): Une fois la formule trouvée... je ne
connais pas les formules de vente. Est-ce que c'est rapide revendre du
territoire? Je n'ai jamais vécu une revente de 50 000 ou 40 000 acres.
Je ne connais pas toutes les contraintes auxquelles la société ou
qui que ce soit devra faire face, mais ce qui est primordial, c'est de trouver
la façon de vendre, sans nécessairement plaire à tout le
monde, mais au moins qu'il y ait une majorité d'agriculteurs - parce
qu'on se préoccupe de l'agriculture pour l'instant - qui acceptent une
formule donnée. Après ça, je pense qu'une fois le
processus enclenché, ça pourra être assez rapide parce que,
quand on vend 150 fermes, on vend une grande partie de territoire; une ferme,
c'est assez vaste.
Si notre mémoire peut donner espoir à certaines personnes
qui ne sont pas dans le territoire susceptible d'être vendu pour
l'instant, tant mieux, parce que nous prétendons que ce territoire n'est
pas nécessaire au fonctionnement et à la protection de
l'aéroport. Mais de quelle façon le gouvernement
fédéral va-t-il revendre? Est-ce que c'est un bloc dans un
secteur donné ou, quand il s'agira des fermes, on les vendra un peu
partout sur le territoire situé dans le secteur revendable? Je ne sais
pas de quelle façon ça pourra fonctionner.
M. Paradis: Cela m'apparaît tellement complexe que
j'aimerais avoir votre opinion, vous sonder là-dessus. L'occupant qui
était propriétaire d'une ferme autrefois, qui a été
exproprié et qui désire la rétrocession aujourd'hui, mais
qui a agrandi sa ferme par location d'une ferme adjacente, est-ce que vous
voyez le même mode de rétrocession pour les deux parties du
terrain, celle qu'on lui a expropriée et celle qu'il a louée par
la suite?
M. Laurin (Jean): C'est une très bonne question, mais je
dois vous avouer que je ne me la suis jamais posée. Ce que je vois quand
même, c'est que l'exploitant agricole actuel a droit de regard non
seulement sur la ferme sur laquelle il a été exproprié,
mais sur les fermes qu'il loue actuellement.
Maintenant, est-ce qu'il devrait y avoir deux poids deux mesures pour le
terrain pour lequel il a été exproprié et le terrain qu'il
loue actuellement? Cela mérite réflexion.
C'est une bonne question et je la retiens.
M. Paradis: M. le Président, je veux remercier M. le
maire, je veux remercier M. le directeur général. Vous avez
collaboré de façon très positive aux travaux de cette
commission.
Le Président (M. Rochefort): Merci. Il est treize heures
et il y a encore deux membres de la commission qui souhaiteraient intervenir
dans le débat. Est-ce qu'il y a consentement pour que nous poursuivions
nos travaux et disposions des représentants de la ville de Mirabel avant
de suspendre pour le lunch?
M. Fallu: M. le Président.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Groulx.
M. Fallu: Pourrais-je faire valoir notamment que le prochain
intervenant est le ministre des Affaires municipales qui doit, lui, à
quatorze heures, être au Conseil des ministres?
Le Président (M. Rochefort): Oui.
M. Fallu: On pourrait se permettre d'excéder, en tenant
compte que les conventions collectives à l'Assemblée nationale
nous obligent au minimum à un battement d'une heure trente entre
l'arrêt de la commission et la reprise des travaux. Donc, selon l'heure,
vous pourriez donner l'ordre de retour à la commission une heure trente
après l'arrêt.
Le Président (M. Rochefort): Oui, mais la question que
j'adressais aux membres de la commission, ce n'était pas une question de
gestion de conventions . collectives, qui ne sont pas celles des
parlementaires, aux fins de la bonne compréhension de tout le monde. Ce
que je voulais savoir, c'est s'il y avait consentement des membres de la
commission pour que nous entendions les deux députés qui ont
demandé à intervenir avant d'ajourner.
M. le ministre des Affaires municipales.
M. Ryan: L'autre député, qui est-il?
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Rousseau, après le ministre des Affaires municipales. M. le ministre des
Affaires municipales.
M. Léonard: M. le Président, je vais quand
môme demander avant - je ne suis pas membre de la commission...
M. Ryan: Dans le cas de...
Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Ryan: Nous consentons avec autant plus de plaisir dans le cas
du ministre des Affaires municipales qu'il a été un spectateur
éminemment assidu de toutes les délibérations qui ont eu
lieu jusqu'à maintenant. C'est avec grand plaisir.
Le Président (M. Rochefort): M. le ministre des Affaires
municipales.
M. Léonard: M. le Président, je vous remercie, je
remercie l'Opposition et je note aussi qu'on me donne le droit de parole.
N'étant pas membre de la commission, je l'enregistre.
Le Président (M. Rochefort): J'ai compris qu'on fonctionne
sur le même consentement qu'hier. (13 heures)
M. Léonard: Très bien. Je voudrais d'abord
féliciter le maire de Mirabel ainsi que ses conseillers et le directeur
général pour la qualité de leur mémoire. Tout le
monde va reconnaître que c'est un excellent mémoire qui a
été déposé, qui fait le tour d'un grand nombre de
questions qui touchent à Mirabel et que c'est très clairement
exposé. Je voudrais, brièvement, pour ne pas allonger le temps,
poser un certain nombre de questions touchant la ville de Mirabel et le
fédéral.
Le fédéral est considéré, je suppose bien,
comme un citoyen à l'intérieur de la ville de Mirabel et je
suppose qu'il a adopté certains comportements. Je voudrais d'abord poser
une question, pour les fins de la commission surtout, sur la valeur
portée au rôle d'évaluation au compte du
fédéral ou de la Société immobilière du
Canada. Est-ce que vous pourriez me donner ces chiffres, s'il vous plaît,
par rapport aux valeurs totales portées au rôle
d'évaluation? Quelle est l'évaluation du fédéral,
quelle est l'évaluation totale de la municipalité?
M. Laurin (Jean): 50 000 000 $ et 340 000 000 $.
M. Léonard: Quand on fait...
M. Laurin (Jean): M. le ministre, évidemment, c'est
seulement les Travaux publics, excluant le fédéral, excluant
Transports Canada. Je parle simplement du territoire
périphérique.
M. Léonard: Oui, mais j'y arrivais aussi parce que
l'évaluation uniformisée, élargie sur le territoire de
Mirabel, de la partie aéroportuaire, serait de 207 000 000 $ par rapport
à une évaluation totale de 513 604 000 $. Ce serait exact?
M. Laurin (Jean): Mes chiffres donnent à peu près
200 000 000 $. Effectivement, Transports Canada, 90 000 000 $, zone
opérationnelle, quelque 50 000 000 $,
Travaux publics, 50 000 000 $, pour à peu près un total de
200 000 000 $ sur une évaluation de 350 000 000 $, mais, comme vous le
dites si bien, à 65% de la valeur réelle.
M. Léonard: Dans ce contexte, quel est le budget total de
la municipalité de Mirabel?
M. Laurin (Jean): 7 000 000 $.
M. Léonard: 7 000 000 $. Quel est le montant versé
par le fédéral en tout?
M. Laurin (Jean): Près de 2 000 000 $.
M. Léonard: Près de 2 000 000 $ sur l'ensemble.
Dans les états financiers de la municipalité, nous avons 981 000
$ de versés par le fédéral.
M. Laurin (Jean): Plus les "en lieu" de taxes. Transports Canada,
90 000 000 $, zone opérationnelle, les locataires du gouvernement
fédéral, 50 000 000 $. Je considère les locataires du
gouvernement fédéral dans ça. Transports Canada...
M. Léonard: Ah bon!
M. Laurin (Jean): ... 90 000 000 $, Travaux publics, 50 000 000
$; donc, 140 000 000 $ à 1,10 $, presque 1 500 000 $. On peut fouiller
dans le budget et vous donner des chiffres plus précis.
M. Léonard: À ce moment, est-ce que cela
signifierait que le fédéral paierait des taxes, ou des "en lieu"
de taxes en lieu et place des expropriés de Mirabel, en tout cas, des
locataires sur son territoire au même taux que les autres?
M. Laurin (Jean): Exactement.
M. Léonard: Sur ces évaluations, quant à ces
ministères, Travaux publics et Transports Canada, là aussi je
vous pose la question: Est-ce que les paiements de taxes sont substantiellement
équivalents à ce qui est payé ou au taux appliqué
aux autres contribuables?
M. Laurin (Jean): C'est équivalent, oui.
M. Léonard: D'autre part, sur le plan de l'administration
municipale, lorsqu'il y a des permis de construction, est-ce que les demandes
sont faites régulièrement en bonne
et due forme?
M. Laurin (Jean): De la part...
M. Léonard: Ou est-ce qu'il y a une information correcte
de donnée sur l'occupation des espaces par la SIC?
M. Laurin (Jean): Je m'excuse, je ne saisis pas votre question,
M. le ministre.
M. Léonard: Lorsqu'il y a des espaces vacants,
habituellement, ou différents types d'occupation d'espace, un
propriétaire donne ces indications à la municipalité, et
lorsqu'il y a des projets de construction, de rénovation, on demande des
permis à la municipalité. Est-ce que tous ces gestes sont
posés par la société immobilière?
M. Laurin (Jean): II n'y a pas eu, évidemment, beaucoup de
construction sur le territoire périphérique. Quand il s'agit de
demande de permis où la société doit payer, la
société ne demande pas de permis.
M. Léonard: La société ne demande pas de
permis.
M. Laurin (Jean): Non.
M. Léonard: Est-ce qu'il y a une raison à cela?
M. Laurin (Jean): Je pense qu'elle n'est pas tenue de respecter
les lois municipales, non plus que les lois provinciales. En tout cas, on a vu
ce qui s'est passé vis-à-vis du zonage agricole dans le fameux
litige qu'on a eu à Sainte-Scholastique: cette construction
n'était pas permise en vertu de la loi 90, mais en vertu d'un
règlement de zonage. Quand même, personne n'est intervenu. La
société a quand même rénové cette grange
à Belle-Rivière.
M. Garon: Ce n'est pas si simple que cela. Je ne voudrais pas
qu'on fasse d'affirmation erronée. Il y avait une demande devant la
commission et aucune décision n'avait encore été prise,
parce qu'il y avait une preuve à compléter ou quelque chose du
genre.
M. Laurin (Jean): M. le ministre, je pense que tout citoyen doit
attendre la décision de la commission avant d'aller de l'avant dans un
projet de ce genre-là.
M. Garon: Oui.
M. Léonard: II n'y en avait pas eu, à ce
moment-là?
M. Laurin (Jean): Non, alors c'est un point.
M. Lacroix: Regardez ce qui arrive quant au processus. Il y a des
règlements nouveaux, c'est sûr. On est parti de rien, aujourd'hui
on en a presque 300. Vous avez posé une question sur les permis de
construction. Il y a un règlement de lotissement et tous les
règlements pertinents à cela. Mais, la façon dont le
fédéral agit c'est tout simplement par bonne entente, il ne prend
jamais lui-même de permis de construction, mais ajoute une clause dans
ses devis pour obliger les entrepreneurs à se munir d'un permis
municipal. Alors, dans les faits - c'est surtout de la rénovation qu'ils
font, mais ils en font quand même plusieurs millions par année -
les permis municipaux sont demandés, non pas par la
société immobilière, mais par l'entrepreneur. C'est la
formule qu'ils ont trouvée. C'est évident que dans le cas que M.
le ministre a mentionné, où on a demandé un
règlement d'affichage, ou dans le cas du permis de construction que vous
avez soulevé sur l'atelier, dans une question précise aussi
à l'occasion - c'est très rare - où la
société elle-même part en régie, elle aurait
dû demander un permis. Si cela demande qu'il y ait approbation d'une loi,
dans ce cas précis, qui n'arrive pas souvent, on dit que, par exemple,
dans le cas de la loi du zonage agricole, la société n'est pas
soumise à cette loi dans ce territoire donné pour cette demande
spécifique. Dans le cas du permis de construction, parce que c'est
à peu près le cas le plus litigieux qu'on a vécu, le
permis de construction était conforme aux règlements municipaux
pour la modification ou pour la rénovation d'un immeuble pour fins
d'atelier de sculpteur. On pouvait donner le permis en vertu de nos
règlements municipaux. Pourquoi on ne l'a pas donné dans ce cas
précis? C'est qu'on était rendu dans une zone permanente et
à ce moment-là c'est la loi du zonage agricole qui s'applique. On
a demandé à la société immobilière,
puisqu'il y avait déjà des dispositions d'exceptions
prévues dans la loi du zonage agricole: pour le gouvernement du
Québec et le gouvernement fédéral, de soumettre une
déclaration en vertu de la loi comme quoi elle ne reconnaissait pas...
La réponse qu'on a eue est que dans ce cas-là, la loi ne
s'applique pas à la société. On n'a pas émis le
permis et on a soumis le dossier à la Société de
protection du territoire agricole, plutôt que d'aller nous-mêmes
à la Cour suprême du Canada. Est-ce que c'était une bonne
cause type? Mais dans ce cas où c'était serré, c'est la
réponse qu'on a reçue - pour cette fois-là, une
réponse écrite -comme quoi ce n'était pas la ville qui ne
faisait pas respecter les règlements, mais c'était une loi
provinciale qui était mise en cause.
Dans les autres cas de rénovation, c'est l'entrepreneur qui vient
chercher le permis de construction. Le permis est donné au nom
de l'entrepreneur et non pas au nom de la société. Au
moins, il y a paiement du permis dans ces cas-là et cela nous permet de
surveiller la construction. Je ne croirais pas que la société se
soumettrait d'elle-même. Car j'ai eu un cas de mutation: il y a un cas
dans la zone opérationnelle où une entreprise s'est
établie il y a deux ans. Il y avait une subdivision. Je me suis
essayé et on a demandé le 8% de parc. Cela montait à 8% en
argent ou en parc. Cela donnait 30 000 $. Mais c'était Transports Canada
lui-même dans ce cas-là, et on a eu la fameuse lettre disant que
Transports Canada n'était pas soumis... Il a fallu tolérer, et
même après consultation avec notre conseiller juridique, ne pas
exiger le 8% dans ce cas-là, parce que c'était Transports Canada
ou la Reine qui le demandait.
M. Léonard: Je laisse les membres de la commission tirer
leurs conclusions à ce sujet. Je pense bien que c'est assez clair.
Maintenant, je voudrais poser une question à M. le maire. Dans
votre mémoire, vous parlez de 48 000 acres qui pourraient être
rétrocédées. Je comprends cependant que vous ne seriez pas
en désaccord avec le ministère des Transports lorsqu'il dit qu'il
devrait y avoir 80 000 acres ou à peu près qui soient
complètement rétrocédées, plus 12 000 acres
où on pourrait maintenir les règlements d'urbanisme, en termes de
développement différé, cela pourrait aller. Ainsi on
pourrait récupérer quelque chose comme 92 000 acres au moins pour
les dernières 12 000 jusqu'en l'an 2023, disait-il hier dans le
mémoire. Je pense que vous êtes d'accord avec cette position.
M. Laurin (Jean): Absolument.
M. Léonard: Quand vous parlez de 48 000 acres, c'est le
minimum des "minimorum" dont vous parlez.
M. Laurin (Jean): Je pense que je peux répondre à
cela au nom du conseil municipal. C'est le voeu qu'on a exprimé lors des
audiences publiques, ce droit à la croissance que Mirabel exige. Il est
évident que plus la partie du territoire revendue va être immense,
plus ce droit à la croissance va pouvoir se faire à Mirabel. Si
des études et surtout une étude venant du ministère des
Transports prouvent que...
M. Léonard: Qu'on en a assez de 5000 acres, vous seriez
bien contents.
M. Laurin (Jean): Absolument.
M. Léonard: Maintenant, un détail que j'ai
relevé en regardant la carte. J'aimerais savoir si vous pourriez
répondre à cette question. Il y a quelques territoires
enclavés qui n'ont pas été expropriés et je me suis
demandé pourquoi ils ne l'avaient pas été. Un peu partout
vous avez des petites taches, des rectangles ou des carrés blancs qui
n'ont pas été expropriés. Est-ce qu'il y a une raison? Sur
le plan des transports, est-ce qu'il y a une raison pour laquelle il ne faut
pas exproprier cela, par rapport au reste du territoire? Vous devez
connaître ces territoires.
M. Lacroix: Ce que je peux vous dire c'est que c'est sûr
que l'expropriation - je pense que M. Laliberté, le sous-ministre, l'a
vécue - elle s'est faite très rapidement et le découpage
n'est pas parfait. Je vais vous donner un exemple dans le secteur Boisbriand ou
Sainte-Thérèse-Ouest, où on n'a pas exproprié les
industries. On passe dans la même rue, à un moment donné,
vous êtes dans Mirabel, deux minutes après, vous êtes dans
Boisbriand et vous revenez dans Mirabel. C'est le même
phénomène du côté de la rivière du Nord.
Là on a exproprié des cadastres complets. Lorsque le cadastre
complet de la terre allait de l'autre côté de la rivière du
Nord, on a exproprié cette terre et on n'a pas pris les deux terres. Il
n'y a pas eu un découpage parfait. La ville de Mirabel était
d'accord - le dossier a traîné pendant des années et on l'a
laissé faire - qu'il serait possible actuellement de redécouper
un peu le territoire pour avoir des limites naturelles. Cela n'a jamais
été fait parce que l'expropriation s'est faite tellement vite
qu'on n'a pas pris le temps de donner des limites naturelles et on a le
phénomène alentour du territoire, même dans les parties
expropriées.
M. Léonard: Si je comprends, la ville de Mirabel n'a pas
pu négocier un meilleur territoire que cela. On voit des
découpages en dents de scie un peu partout. Surtout quand on regarde
à droite, vous avez un rectangle, presque un carré, je pense que
c'est un peu étonnant...
M. Laurin (Jean): On ne pouvait pas intervenir, M. le
ministre.
M. Léonard: Vous n'avez pas pu négocier cela.
M. Laurin (Jean): À l'époque, on n'existait
même pas.
M. Ryan: Ce n'est pas le terrain de la Great Lakes qui est dans
le petit carré blanc?
M. Léonard: Ce sont des terrains revendus?
M. Ryan: C'est l'affaire de la Great Lakes, je pense.
M. Lacroix: À droite?
M. Ryan: Oui, au bout, à gauche.
M. Léonard: Ce sont les terrains de...
M. Ryan: Ce sont les terrains de la Great Lakes.
Une voix: C'est ce qu'on a vu la semaine passée.
M. Lacroix: Dans certains secteurs aussi, il y avait quand
même un découpage qui n'était pas très bien fait,
même au niveau municipal, dans la municipalité. Tantôt j'ai
mentionné Saint-Canut. Mais l'expropriation, lorsqu'il restait deux
terres -pour prendre Saint-Canut - même si le découpage
n'était pas parfait, dans ce cas on a dits' On exproprie quand
même parce que ces gens étaient habitués; ils relevaient de
la municipalité de Saint-Canut. On a exproprié cela, cela
s'explique, mais cela fait drôle parce que - l'exemple que je mentionne
-vous devez traverser Saint-Colomban pour aller dans Saint-Canut, dans cette
partie, parce que cela faisait partie originellement de la municipalité
de Saint-Canut et du même cadastre.
M. Léonard: Je voudrais aborder assez brièvement un
autre sujet qui a été touché par le député
d'Argenteuil, tout à l'heure. On a parlé des hypothèses en
ce qui concerne la municipalité régionale de comté. Vous
avez dit, M. le maire, que vous aviez devancé la loi 125. Cela fait
quand même un peu hésiter avant de dire cela. Au fond, la loi 125
a reconnu l'existence des municipalités composant une
municipalité régionale de comté. C'est à la base de
toute la loi. Chacune des municipalités locales continuait d'exister et
continue d'exister même après la loi. Alors que ce n'est pas le
cas dans la loi constitutive de Mirabel. Dans ce contexte-là, je trouve
que le parallèle prêcherait plutôt en faveur d'un retour aux
municipalités locales, mais à l'intérieur d'une
municipalité régionale de comté. En d'autres termes, il y
a peut-être d'autres hypothèses. Il y a l'hypothèse
où il y a un démembrement. À ce moment, il y a un
rattachement aux municipalités régionales de comté qui
viennent d'être créées. Il y a aussi l'hypothèse
d'une municipalité régionale de comté dans Mirabel, mais
à condition que les villages ou les municipalités qui
constituaient anciennement le territoire retrouvent leur entité ou leur
existence. Cela est aussi une hypothèse. On peut en
énumérer un certain nombre. (13 h 15)
J'aimerais avoir un peu plus d'explications. Vous avez dit tout à
l'heure que, dans la ville de Mirabel, on a déterminé des
secteurs d'aménagement qui correspondent peut-être, vous me le
direz, aux anciennes municipalités jusqu'à un certain point.
Donc, vous êtes en train de reconnaître l'existence des anciennes
municipalités à l'intérieur même du schéma
d'aménagement. J'aimerais que vous m'expliquiez un peu.
M. Lacroix: Ce que je peux dire, c'est qu'on a redéfini la
vocation de cette ville et, même s'il y avait quatorze anciennes
municipalités, la ville de Mirabel c'est aujourd'hui une ville à
trois pôles de développement. Il y a le pôle de
Saint-Augustin, le pôle de Saint-Janvier et le pôle de Saint-Canut.
Moi, je n'ai pas d'objection. C'est sûr que, dans chaque
municipalité, vous retrouvez peut-être le club de l'âge
d'or. Les gens ont encore leur vie communautaire, mais ils sont mal servis, je
crois; ils ont eu beaucoup plus de services parce que la ville de Mirabel
existe et on est en mesure aujourd'hui de donner... Tantôt, M. le maire a
mentionné le réseau de bibliothèques publiques. Je ne
crois pas qu'une municipalité comme Saint-Canut aurait pu avoir son
centre culturel seule et son réseau de bibliothèques et tous les
services qu'elle a; elle profite de cela principalement parce que les
municipalités ont été regroupées. Son
entité, même s'il y a un district électoral qui est
là, je crois que, dans la population de Mirabel, aucun secteur ne
souffre du fait que présentement le territoire de Mirabel constitue
seulement une ville.
M. Léonard: M. Lacroix, d'autres territoires où il
y a des municipalités rurales ont aussi des réseaux de
bibliothèques, des échanges intermunicipaux sur ce plan. Pourquoi
ce ne serait pas possible là, alors que c'est possible sur d'autres
territoires, à la minute où le territoire aura repris vie ou, en
tout cas, connaîtra un meilleur développement que maintenant?
M. Lacroix: Une autre réponse que je peux vous donner
c'est qu'aujourd'hui vous auriez une très grande réticence
à prendre chacun des anciens noyaux et leur dire: Demain matin, vous
faites partie d'autres noyaux d'autres municipalités qui vous entourent.
Il y aurait eu une protestation énorme parce que les gens sont
habitués à être desservis par la ville de Mirabel et cela
ne les empêche pas d'avoir leur vie communautaire. Vous les remettez avec
d'autres. Vous ne réglez pas le problème. Les gens ont
accepté la création d'une nouvelle ville, je pense que cette
nouvelle ville n'est plus remise en question par eux-mêmes au point de
vue des services. C'est sûr qu'on pourrait prendre chacune des
municipalités du Québec et trouver un nouveau découpage
qui serait mieux, comme les MRC pourraient
être refaites et défaites. Il y a une vie communautaire,
les gens vivent ensemble, s'aiment, participent aux mêmes clubs de
hockey, ils vont à l'aréna. Aujourd'hui, on a l'image au conseil
municipal qu'il y a de l'harmonie et qu'il n'y a aucun secteur qui vient
contester ce qui est fait dans un autre secteur. Je pense que les gens
acceptent facilement le fait de vivre ensemble. Je pense qu'il faut distinguer
beaucoup entre vivre dans Mirabel et le problème de l'expropriation.
M. Léonard: M. le directeur général, il
reste que le territoire de la ville de Mirabel est immense. Moi des territoires
de municipalités comme ça, je n'en trouve que dans des
territoires non organisés en général et pas sur des tissus
urbains aussi serrés, surtout sur le plan agricole. C'est une question
qu'on se pose présentement et c'est pour cela que, sur le plan de la
définition des territoires, je pense qu'il va falloir consulter
davantage. J'ai l'impression, je vais être d'accord avec vous, que les
gens eux-mêmes auront leur mot à dire si jamais il y avait des
modifications de statut ou de structure à la ville de Mirabel.
M. Ryan: ... engagement formel de tenir un
référendum avant d'agir unilatéralement?
M. Léonard: Non, on verra.
Une voix: Comme à Baie-Comeau.
M. Léonard: Non, vous savez, on a discuté
longuement autour de la fusion de deux villes, le printemps dernier, mais ici
il y a eu quatorze municipalités qui ont été
fusionnées en même temps. Il faut remarquer cela et je pense qu'il
y a peut-être là plus de questions à se poser que quant au
geste du printemps dernier.
M. Laurin (Jean): C'est dans ce sens, M. le ministre, que je
disais tantôt que c'est peut-être une MRC avant l'heure. Ce n'est
pas malicieux.
M. Léonard: J'ai un problème avec cela, M. le
maire. Les MRC n'ont pas fait disparaître les municipalités
locales, alors que cela les a fait disparaître. C'est un des points
fondamentaux qui accrochent, à mon avis.
M. Laurin (Jean): Les gens ont peut-être l'impression que
toutes les communautés d'antan ont disparu à Mirabel à
cause de l'expropriation, mais, comme je l'expliquais tantôt, ce n'est
pas le cas. À l'exception de Sainte-Scholastique, Sainte-Monique et une
partie de Saint-Hermas, tous les autres secteurs de Mirabel fonctionnent comme
ils fonctionnaient, c'est-à-dire que les entités demeurent, sauf
que les gens font maintenant affaires avec une municipalité, avec un
centre administratif. Je pense qu'ils trouvent...
M. Léonard: Je ne sais pas encore ce que toute la
population pense là-dessus, mais, en tout cas, je ne crois pas le savoir
et je ne voudrais pas parler en son nom là-dessus. Il reste que c'est un
cas où on a fait appel à la collaboration du gouvernement du
Québec avec le fédéral depuis 1970 dans ce dossier, mais
c'est un cas où le Québec a collaboré avec le gouvernement
fédéral. C'est peut-être un geste très discutable
qui a été posé que de fusionner de force quatorze
municipalités.
Je pense que ce dossier, à mon avis, n'est pas clos. Il va
falloir y revenir, compte tenu des discussions qu'il va y avoir et de la
rétrocession des terres et de la façon que cela va être
fait; je suppose bien qu'on y reviendra.
M. Laurin (Jean): Je fais une nette distinction entre le
démembrement possible -en tout cas, une des hypothèses - de
Mirabel et la création des MRC où Mirabel, dans son entier,
ferait partie d'une MRC, où certaines parties de Mirabel pourraient
faire partie d'une MRC et l'autre partie ferait partie d'une autre MRC.
M. Léonard: Oui, c'est autre chose. Je m'arrête
là. Je vous remercie, M. le maire et M. le directeur
général.
M. Laurin (Jean): Merci.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Rousseau.
M. Blouin: M. Laurin et M. Lacroix, je dois d'abord vous dire
que, comme les gens de l'Opposition et les gens du parti ministériel,
j'ai été impressionné par la qualité de ce
mémoire qui est rédigé de façon très claire
et très précise. On sait ce que vous voulez. On comprend
l'analyse que vous faites de la situation et ce qui m'a particulièrement
intéressé, puisqu'on est à la commission parlementaire de
l'agriculture, c'est le lien que vous faites, chiffres à l'appui, entre
l'arrivée de cet événement en 1969 et la diminution du
dynamisme agricole sur le territoire de Mirabel. Vous insistez beaucoup
là-dessus. Vous avez des arguments très convaincants, mais,
d'autre part, entre la dernière page de votre mémoire - la page
24 - et celle qui suit, qui n'est pas paginée, mais qui est très
importante, il m'apparaît y avoir un manque relatif de concordance entre
le contenu du mémoire et la carte dessinée à la page
suivante. Vous m'avez rassuré, il y a quelques minutes, lorsque vous
avez
répondu au ministre des Affaires municipales qu'à la
rigueur, si on vous démontre que 5000 acres suffisent pour rendre
opérationnel l'aéroport de Mirabel jusqu'en l'année 3000,
vous seriez le plus heureux du monde, mais je suis quand même
étonné et j'aimerais que vous m'expliquiez pourquoi vous vous
êtes accrochés avec tant d'insistance à cet argument sonore
qui est tellement discutable et tellement discuté aussi par les experts
et qui n'est surtout pas conforme à ce qui se passe dans les autres
entreprises aéroportuaires au monde. J'aimerais que vous m'expliquiez
pourquoi vous vous êtes tellement accrochés à cet argument
sonore et que vous n'ayez pas plutôt insisté, à tout le
moins, sur le rapetissement aux 17 000 acres qui étaient clairement
identifiées par le gouvernement fédéral. Pourquoi
êtes-vous entrés dans ces considérations techniques qui
sont tellement discutables, même au sein des experts en
aéronautique?
M. Laurin (Jean): II fallait quand même que nous tenions
compte de certains critères avant d'avancer un chiffre. On aurait pu
dire: Tout le territoire exproprié, sauf la zone opérationnelle,
17 000 acres. Alors, on fait l'équation. Ce sont 79 000 acres. On a une
étude qui démontre qu'il y a des contraintes au niveau sonore
à Mirabel et un péril aviaire également, mais on a tenu
compte, pour ce cas, des contraintes sonores et on s'est dit: Que le
gouvernement fédéral revende au moins le territoire qui ne fait
pas l'objet de ce genre de contraintes ou, s'il y a certaines contraintes,
comme je l'expliquais tantôt, aux trécarrés des terres, que
le gouvernement fédéral considère cela comme du territoire
revendable. Bien sûr -le ministère des Transports du Québec
l'a démontré dans un mémoire - si d'autres études
prouvent que non seulement l'agression sonore n'existe pas, mais que les 17 000
acres, en fait, sont suffisantes, même trop, pour le bon fonctionnement
de l'aéroport, on souscrira à une telle suggestion.
M. Blouin: En fait, vous êtes prêts, à la
lumière des discussions ultérieures, à remettre un peu en
cause ce que vous avez identifié comme territoire qui n'est pas
rétrocédé et qui ne concorde pas parfaitement avec les
principes que vous énoncez si, effectivement - comme je vous le dis -
ultérieurement, au cours de discussions, vous avez la conviction que ce
n'est pas nécessaire du tout. Sur votre carte, vous allez presque
à cinq ou six milles des pistes de l'aéroport.
M. Laurin (Jean): Oui, on est prêt à aller plus
loin, beaucoup plus loin même, et je vous avoue que ma
préoccupation première n'est pas la superficie du territoire qui
va être revendu. Mais qu'on enclenche le processus de revente et qu'on
commence à vendre des terres, des résidences et des commerces sur
le territoire. Quand le processus sera enclenché, je pense que ce sera
plus facile de faire la preuve qu'il y a eu trop de territoire exproprié
et, là, on pourra étendre ce territoire qui possiblement sera
à revendre par le gouvernement fédéral. Qu'on commence
à vendre dans n'importe quelle zone, mais qu'on manifeste l'intention,
le désir de rétrocéder les terres aux agriculteurs et,
quand ce processus sera enclenché, je pense qu'il ne sera pas trop tard
pour demander d'agrandir le territoire revendable.
M. Blouin: Je comprends bien votre préoccupation et je
pense que tous les membres de la commission apprécient votre ouverture
aussi. Merci.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre de
l'Agriculture a demandé quelques minutes additionnelles pour ajouter des
questions. M. le ministre.
M. Garon: Comme première question je voudrais vous
demander, M. le maire, si vous faites appliquer la loi sur les mauvaises herbes
sur votre territoire?
M. Laurin (Jean): Oui. On a un règlement municipal.
M. Garon: Oui?
M. Laurin (Jean): Oui.
M. Garon: Et la loi sur les mauvaises herbes est appliquée
partout?
M. Laurin (Jean): Oui.
M. Garon: Vous avez dit tantôt que le cadastre a
été annulé. Qu'est-ce qui s'est passé au juste?
M. Laurin (Jean): Je n'étais pas à la ville
à l'époque où c'est arrivé. Peut-être que M.
Lacroix...
M. Lacroix: Avant l'expropriation il y avait peut-être des
terrains subdivisés et cadastrés. Je pense que, dans l'esprit des
gestionnaires de l'époque, il n'était pas question de revendre le
territoire exproprié, de sorte qu'on a dit: Pourquoi garder... Je vais
vous donner un exemple: sur les pistes, il y avait plusieurs fermes, il y avait
des maisons qui avaient des numéros de cadastre. Le
fédéral a jugé que c'était mieux de tout annuler
ça et de faire des grands lots pour avoir 15 ou 50 grands lots à
la place. C'est ce qui a été fait, on a annulé tous les
cadastres parce qu'on n'en tenait plus
compte, et on repartait avec un cadastre administratif moderne.
Aujourd'hui, alors qu'on s'apprête à revendre, le problème
se pose à savoir si on doit recadastrer certaines parties qui doivent
être vendues. Mais le problème c'est qu'à Mirabel,
actuellement, tous les anciens cadastres... Imaginez une ville où vous
avez 6000 terrains cadastrés, subdivisés; vous annulez le
cadastre et vous n'avez que des grands lots et des parties de lots. Pour nos
taxes, ça posait un problème énorme, on n'avait pas les
superficies précises de chacun des lots et de chacune des occupations.
On n'avait pas d'objection à ça, pour autant que le
propriétaire nous payait pour l'ensemble de ces lots. On avait la
superficie totale, mais pas la superficie parcellaire de chacun des lots. C'est
là le problème majeur qui se pose: n'ayant pas ces superficies
avant 1984, on va taxer des superficies au meilleur de notre connaissance, en
1983. Dans le temps, ils ont jugé que c'était mieux de tout
annuler les cadastres parce que je pense bien que leur intention, à
l'époque, n'était pas de revendre. Dans toute la zone
opérationnelle, s'il y avait 500 lots cadastrés, ils ne mettaient
qu'un grand lot pour la zone opérationnelle. S'il y avait une demande de
permis de construction ou de rénovation, c'était le cadastre no
1, c'était la zone opérationnelle, et le cadastre no 2,
c'était tout le secteur exproprié de Saint-Janvier; on a fait de
grands lots à la place.
M. Laurin (Jean): II y avait quatre grands lots: la zone
opérationnelle; l'autoroute des Laurentides; l'est et l'ouest de
l'autoroute des Laurentides.
M. Garon: Êtes-vous au courant si, dans ces descriptions
techniques, on utilise des descriptions géodésiques avec des
azimuts et des pages de texte qui ne sont pas la description normale qu'on
trouve dans nos contrats notariés?
M. Laurin (Jean): Vous faites allusion au bail que les
expropriés ont à signer. Est-ce que c'est ça, M. le
ministre?
M. Garon: Oui.
M. Laurin (Jean): J'ai lu un bail et ça me semble
très compliqué. Maintenant, est-ce que les gens doivent tenir
compte de ça? Je ne sais pas si c'est tellement important, mais,
effectivement, il y a beaucoup de langage dans un bail que l'exproprié
doit signer.
M. Garon: II y a beaucoup de quoi?
M. Laurin (Jean): Beaucoup de langage, beaucoup de...
M. Lacroix: II y a beaucoup de descriptions techniques
compliquées, parce qu'à présent on prend les bornes
géodésiques comme description et c'est parfois un langage qui est
compliqué. (13 h 30)
M. Garon: Avez-vous déjà demandé des avis
juridiques là-dessus?
M. Laurin (Jean): Non.
M. Lacroix: Nous autres, la ville, on n'a jamais eu de
problème avec cela.
M. Garon: Vous avez vos quatre grands lots.
M. Lacroix: Peut-être que, pour les taxes, on va en avoir.
Peut-être qu'on va être obligés de se pencher sur le
problème. Actuellement, on n'a pas eu à vivre des
difficultés de la sorte avec les descriptions, surtout que les
descriptions sont plutôt employées pour de nouveaux baux, avec les
points géodésiques et probablement dans l'optique d'une revente
d'une partie du territoire où il faudra cadastrer avec une description,
avec comme référence les points géodésiques du
territoire.
M. Garon: Vous avez dit tantôt que le sondage était
censé être la propriété du conseil d'administration
de la Société immobilière du Canada et que les membres du
conseil d'administration n'en avaient pas eu de copie.
M. Laurin (Jean): On en a. Les membres du conseil
d'administration n'en ont pas de copie, les membres du conseil d'administration
ont eu une copie, on l'a étudiée lors d'une réunion il y a
quelques mois, peut-être en août, je ne me souviens plus
très bien...
M. Garon: On a ramassé les copies.
M. Laurin (Jean): ... et, à la suite de cela, on a
ramassé les copies, oui. Ce document était censé
être la propriété exclusive, si on veut, du conseil
d'administration de la société immobilière et, à ma
grande surprise, samedi dernier...
M. Ryan: On en a eu dans les journaux.
M. Garon: Le Parti libéral dit qu'il en a. Vous en avez,
vous autres?
M. Ryan: Pardon?
M. Garon: En avez-vous des copies?
M. Ryan: Je trouve qu'on est rendu à une heure où
on commence à abuser de notre temps.
M. Garon: Non, non.
M. Ryan: On a consenti un délai d'une demi-heure.
M. Garon: En avez-vous des copies ou si vous n'en avez pas?
M. Ryan: Pardon?
M. Garon: Avez-vous des copies du sondage?
M. Ryan: Je n'ai pas de réponse à vous donner
là-dessus!
M. Garon: Vous n'avez pas de réponse à nous donner
là-dessus.
M. Ryan: Vous pourrez le demander à mes collègues,
si vous voulez.
M. Garon: Le conseil d'administration n'a pas le droit d'en avoir
et le Parti libéral a le droit d'en avoir? J'ai compris tantôt: On
en a deux, nous autres.
M. Houde: Qui a dit cela?
M. Garon: Cela s'est dit de votre bord.
M. Ryan: Qui vous a dit cela?
M. Houde: Avez-vous entendu comme il le faut? Nommez ceux qui
l'ont dit. Nous sommes les trois seuls députés ici et on ne l'a
pas dit, qui l'a dit?
M. Garon: Je ne peux pas identifier la voix, mais il y a
quelqu'un de votre côté qui a dit: On en a deux copies, nous
autres.
M. Paradis: Cela va paraître au journal des
Débats.
M. Houde: Farce à part, on n'a pas dit cela.
M. Garon: J'aimerais mieux que le député
d'Argenteuil réponde franchement. Quand on n'a rien à cacher, on
répond.
M. Ryan: II n'y a rien dedans.
M. Garon: Concernant la rétrocession des terres, à
votre connaissance, est-ce que des organismes ont été
consultés par la Société immobilière du Canada?
M. Laurin (Jean): La seule consultation qui a eu lieu à ce
jour, c'est que, lors des audiences de l'automne dernier, la
société immobilière a rencontré des organismes qui
ont présenté des mémoires. Depuis ce temps, à ma
connaissance, les organismes n'ont pas été consultés.
M. Garon: Dernière question, considérez-vous le
CIAC comme un organisme représentatif sur le territoire de Mirabel?
M. Laurin (Jean): Oui, je pense qu'il est clair que c'est un
organisme qui s'est soucié du sort des expropriés depuis le tout
début. Le moins qu'on puisse dire est qu'il représente plusieurs
membres. Donc, je le considère comme un intervenant de taille quand il
s'agit de discuter du sort des expropriés.
M. Ryan: C'est une question qui a déjà
été posée.
M. Garon: Je vous remercie.
Le Président (M. Rochefort): Merci. Au nom des membres de
la commission, je tiens à vous remercier, MM. Laurin et Lacroix, de vous
être présentés devant nous ce matin. Avant d'ajourner nos
travaux, je voudrais vous informer que nous les suspendrons jusqu'à 15
heures et que nous reprendrons nos travaux au salon rouge, qui est maintenant
libéré.
Contrairement à l'avis que je vous ai donné ce matin, le
prochain organisme que nous entendrons sera la Société nationale
des Québécois, région des Laurentides, la
Fédération de l'UPA ne pouvant se présenter devant nous ce
matin et ayant demandé d'être entendue à une prochaine
séance. J'ai obtenu le consentement des représentants des deux
partis à cet effet.
Sur ce, la commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 34)
(Reprise de la séance à 15 h 30)
Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission permanente de l'agriculture, des pêcheries et de
l'alimentation reprend ses travaux sur le dossier de Mirabel. J'inviterais donc
dès maintenant les représentants de la Société
nationale des Québécois, région des Laurentides, à
se présenter à la table des témoins.
M. le député de Champlain.
M. Gagnon: M. le Président, cet avant-midi, j'ai eu
l'occasion de présider une commission parlementaire ici, et cette
commission était télévisée. Cet après-midi,
on siège au même endroit que la commission parlementaire qui
entendait Hydro-Québec et je voudrais savoir pourquoi on ne pourrait pas
avoir les services de la télévision, vu l'importance du dossier
qu'on traite.
Le Président (M. Rochefort): Dans un premier temps, vous
êtes sûrement au courant, M. le député de Champlain,
que la télédiffusion des débats ne fonctionne pas par
salle.
M. Gagnon: D'accord.
Le Président (M. Rochefort): Ce n'est pas que les travaux
qui se déroulent dans telle salle sont tous
télédiffusés ou pas, cela fonctionne par commission
parlementaire. Le comité qui se penche sur ces questions et qui comprend
des représentants des deux partis politiques et le président de
l'Assemblée nationale s'est réuni le 6 octobre dernier. À
ce moment, il y a eu deux demandes de télédiffusion de commission
parlementaire, celle d'Hydro-Québec, qui s'est justement
déroulée ici même hier et ce matin, et celle sur le dossier
de Mirabel. La décision qui a été prise à ce moment
a été de télédiffuser la commission parlementaire
qui entendait les représentants et les dirigeants d'Hydro-Québec
sur leurs propositions de tarification pour les années qui viennent.
Donc, la commission qui porte sur Mirabel ne pouvait être
télédiffusée puisqu'on ne peut télédiffuser
plus d'une commission à la fois.
Pour cet après-midi, il est absolument impossible que notre
commission soit télédiffusée, d'une part, parce qu'il faut
que cette question soit resoulevée au comité auquel j'ai fait
allusion tantôt et, d'autre part, parce qu'on ne peut fonctionner
à quelques heures d'avis. Finalement, les techniciens, eux, ont
quitté leur travail à 13 heures ou 13 h 15 cet après-midi;
ils ont quitté et on ne peut les rattraper, ils fonctionnent seulement
pour les mandats qui leur sont confiés.
Toutefois, je vous inviterais, si tel est votre désir, à
demander que le représentant de votre formation politique au
comité de la radiotélédiffusion des débats
resoulève la question pour les prochaines séances qui auront
lieu, je crois, les 16 et 17 novembre prochain, pour voir s'il est possible que
cette fois-ci cette portion de nos travaux soit
télédiffusée. Cela va-t-il?
M. Gagnon: Merci.
Le Président (M. Rochefort): Je souhaite la bienvenue aux
représentants de la Société nationale des
Québécois. Je vous demanderais de vous identifier et d'identifier
la personne qui vous accompagne pour les fins du journal des Débats et
de nous présenter sans plus tarder votre mémoire.
Société nationale des
Québécois, région des Laurentides
M. Mercier (Guy): M. le Président et MM. les membres de la
commission, mon nom est Guy Mercier, de la Société nationale des
Québécois. Mon compagnon collaborateur est M. Claude Gendreau,
sociologue, qui collabore régulièrement à nos travaux de
recherche et à nos interventions comme organisme impliqué,
engagé dans la région des Basses-Laurentides.
Je voudrais, dans un premier temps, tirer de la dernière page de
notre mémoire, pour le ramener au tout début, le mot de
félicitations et de remerciements à tous ceux qui ont eu cette
idée et qui on donné suite à cette convocation d'une
commission parlementaire se penchant sur toute la question du territoire
exproprié de Mirabel, commission qui permet finalement, après de
si nombreuses années, à des Québécoises et à
des Québécois, à des organismes aussi, impliqués
dans la vie régionale, dans la vie locale, de venir ici dire ce qu'ils
pensent, donner leur vision des choses, analyser et prospecter en fonction de
l'avenir.
Notre mémoire, M. le Président et messieurs, n'est pas un
mémoire technique. Vous en conviendrez facilement à sa lecture.
C'est plutôt une sorte de description et une vision que nos responsables,
nos militants et nos militantes se sont donnée et autour de laquelle
s'est créé un consensus sur une situation qui a trop longtemps
duré pour notre région. Et, bien sûr, de tirer quelques
prospectives concernant le présent et l'avenir de cette
région.
La Société nationale des Québécois,
région des Laurentides, compte près de 13 000 membres qui sont
répartis sur la carte dessinée par le diocèse catholique
de Saint-Jérôme. Celle-ci englobe des villes et des villages de
Terrebonne à Oka, de Lachute à Huberdeau. Elle touche les
agglomérations des centres de Sainte-Thérèse et de
Saint-Jérôme et toutes ces communautés sises plus au nord:
celles de Saint-Sauveur, de Sainte-Adèle, Mont-Rolland, Val-Morin. Un
beau coin de terre québécoise au centre duquel se retrouve
l'immense territoire exproprié qu'on a coiffé un jour du nom de
Mirabel.
Un pourcentage important de nos effectifs devenaient d'ailleurs les
victimes impuissantes de "l'invasion fédérale" du printemps 1969.
Mais, malgré les bouleversements répétés survenus
au cours des treize dernières années, malgré tous ces
départs de jeunes et de moins jeunes aussi, en recherche d'un foyer
à rebâtir, d'une vie à recommencer, la
Société nationale des Québécois regroupe encore
dans ses rangs plus de 1200 résidents, agriculteurs et
commerçants dépossédés, de Mirabel.
La Société nationale des Laurentides
atteint son trentième anniversaire cette année, sa
trentième année d'engagement, sa trentième année de
vie. Ses fondateurs l'ont mise sur pied en vue de servir les meilleurs
intérêts du peuple québécois et, plus
spécifiquement en ce qui touche notre société, des hommes
et des femmes de cette tranche de pays que sont les Basses-Laurentides. C'est
pourquoi elle n'a jamais cessé de multiplier efforts et moyens
susceptibles de devenir une réponse aux besoins sentis et une forme de
soutien aux aspirations légitimes de développement et de prise en
mains exprimées par les gens de notre région, par les gens d'ici.
La Société nationale des Québécois des Laurentides
s'est toujours engagée également dans les luttes
commencées et maintenues dans la voie qui réclame la justice, le
pouvoir de choisir et le respect intégral des droits soudés en
quelque sorte au statut de citoyens et de citoyennes qu'on dit être en
démocratie.
C'est dans ce sens que notre société intervient
aujourd'hui. Elle désire que son geste soit d'abord compris comme un
appui complet et indiscutable aux treize années de bataille des
expropriés de Mirabel.
Elle désire que sa position aujourd'hui véhicule, dans un
deuxième temps, sa ferme intention de consacrer ses meilleures
ressources à toutes les collaborations, à toutes les
solidarités concertées qui puissent réparer au mieux la
révoltante injustice commise à l'égard de la grande
communauté de Sainte-Scholastique et des villages environnants par la
décision insensée et unilatérale de politiciens et de
fonctionnaires à la solde du gouvernement d'Ottawa.
Troisièmement, nous voulons enfin que notre présence ici
ajoute aux dénonciations répétées de parlementaires
québécois - qui sont tombés finalement dans le même
panneau que nous tous - d'organismes nationaux aussi qui ont depuis longtemps
condamné le comportement sournois de ce gouvernement
fédéral s'installant frauduleusement en roi et maître d'un
nombre de plus en plus inquiétant de territoires, patrimoine
incontestable du seul peuple québécois.
Nous voudrions vous ramener à une tactique qui dépasse
Sainte-Scholastique. En 1978, le gouvernement fédéral avait
réussi à s'approprier 696 947 acres de terre au Québec. De
surcroît, il faut dire que ce chiffre ignore, pour le moment en tout cas,
les emplacements occupés par les chemins de fer nationaux dont on estime
la superficie à quelque 500 000 acres et que ne sont pas
additionnés non plus les larges secteurs de territoire impliqués
dans la convention de la Baie-James et toutes les propriétés
nouvelles acquisitions - de Petro-Canada.
C'est donc un bilan ultra-conservateur de dire que de 696 947 acres sur
407 040 000 acres au Québec - l'ensemble du Québec - le
fédéral possède, est propriétaire, a mainmise, sur
ces 700 000 acres et, bien sûr, l'acquisition de 97 000 acres de Mirabel
représente, compte tenu de ces chiffres, 13,9% de la somme totale des
quelque 3000 parcelles fédérales réparties en territoire
québécois. Un territoire - il faut le constater et il faut
l'accepter - qui est maintenant grugé avec ce que cela représente
surtout de juridiction perdue, d'impossibilité de planification,
d'aménagement et de développement réalisés à
l'image, à la ressemblance et à la conformité des besoins
d'une population qui a pourtant ses propres gouvernements aux niveaux municipal
et provincial. Des gouvernements qui, pour nous, sont les seuls mandataires
légitimes dans les compétences que je viens de souligner.
L'interrogation nous vient dès lors à l'esprit. Elle vient
peut-être au vôtre aussi. Pourquoi céder? Pourquoi le
fédéral rencontre-t-il si peu et si pauvre résistance
lorsque l'idée lui vient de mettre la patte chez nous, pour ne pas dire
sur nous? La réponse nous arrive vite à la lecture de l'ensemble
des démarches que le gouvernement d'Ottawa met en branle lorsqu'il
s'agit d'implanter un parc ou un aéroport, bien sûr, dans une
région, sur un site qu'il sera le seul à choisir.
Il lance d'abord l'idée dans la région en question. Il va
confier à de hauts fonctionnaires le soin d'aller plus loin, de
s'assurer que des citoyens influents et des groupes régionaux mordent
à l'hameçon. Nous citons un extrait d'analyses déjà
réalisées, nous citons des extraits de cette procédure, de
cette façon d'envahir, de faire accepter en quelque sorte une
marchandise aux Québécois, aux Québécoises, aux
groupes régionaux, aux gens influents d'un milieu. Pour Mirabel, on a
vécu le même phénomène; souvenez-vous.
Investissement de 400 000 000 $, création de 75 000 à 100 000
emplois, etc. Il y a toute une série de documents qui prouvent ou
appuient le fait qu'il y a eu là également, comme dans tous les
autres secteurs, ingérence ou prise en main par le fédéral
par des campagnes systématiques, planifiées, organisées de
vente, de mise en marché.
Vous me direz que cette description frise presque le cynisme. Je
demanderais à M. le Président l'autorisation de lire une lettre
personnelle et confidentielle, mais qui, comme toute lettre personnelle et
confidentielle, a été publiée jadis dans le journal Le
Jour, du 24 février 1976, et par la suite placée en annexe d'un
document déposé aux archives de la Bibliothèque nationale
et qui s'appelle "Les parcs fédéraux, c'est pas un cadeau".
Je vous lis rapidement cette lettre de M. Buchanan à M. Jamieson,
elle est intégrale: "Personnel et confidentiel. Mon
cher Don - l'honorable Don Jamieson, Expansion économique
régionale - pour faire suite à notre discussion du 24
février dernier, j'aimerais porter à ton attention un sujet
particulier concernant les négociations au niveau politique entre
moi-même et le ministre québécois du Tourisme en vue de la
création d'un parc national le long de la rivière Saguenay. Les
résultats que j'aimerais obtenir de ces négociations sont
incertains à cause du fait que le gouvernement provincial et le ministre
Claude Simard en particulier ne sont pas enthousiasmés à
l'idée de créer un tout nouveau parc national au Québec.
Toutefois, la population de toute la région appuie fortement la
création de ce parc, tout comme notre collègue, le
député fédéral Paul Langlois. De l'autre
côté - je lis toujours la lettre - mon prédécesseur,
Jean Chrétien, et moi-même, nous nous sommes personnellement
engagés à créer ce parc. À mon avis, les
propositions que j'ai faites à mon collègue de Québec
recevraient une réponse favorable si elles faisaient partie d'un
"package deal" qui lui serait acceptable ainsi qu'à la province. (15 h
45) "À l'heure actuelle, tu négocies un accord
général de trois ans pour le développement du tourisme
dans la province et dans lequel on prévoit, entre autres choses, que le
gouvernement fédéral assumera une partie des coûts des
acquisitions de terrains le long du Richelieu pour fins de parcs provinciaux:
bois de Verchères, mont Saint-Bruno, Rougemont et îles de Sorel.
Le développement du Richelieu est en fait une priorité pour le
gouvernement québécois. Heureusement, il en va de même pour
moi en ce qui concerne particulièrement le développement de ce
corridor à des fins de récréation et de conservation. "Le
gouvernement du Québec est au courant que je suis prêt à
négocier une entente de ce genre. Ayant tout cela à l'esprit et
à ce point particulier des négociations, j'aimerais te proposer
une stratégie qui pourrait aider nos deux ministères à
atteindre leurs objectifs communs au Québec. Ainsi,
j'apprécierais recevoir une assurance de ta part que l'entente entre le
Québec et le MEER ne sera pas signée avant qu'une lettre
d'intention au sujet de la création du parc national du Saguenay ne soit
signée entre moi-même et le ministre Claude Simard et que le MEER
comportera une clause à savoir que les contributions
fédérales pour l'acquisition de terrains dans la région du
Richelieu seront assujetties à la signature d'une entente sur la
récréation et la conservation entre les deux niveaux de
gouvernement. "Inutile de dire que je crois qu'en procédant de la sorte,
nous réussirons à mettre en grande évidence la
présence manifeste du fédéral dans deux régions
différentes de la province de Québec. Je pourrais ajouter que mon
prédécesseur a gagné deux parcs nationaux au
Québec" - je répète: Je pourrais ajouter que mon
prédécesseur a gagné deux parcs nationaux au Québec
- "en utilisant la même sorte de "package deal" alléchant pour la
province. "J'aimerais beaucoup connaître ton idée sur cette
proposition. Sincèrement, Judd."
Je poursuis, M. le Président. Description qui frise le cynisme,
me semble-t-il, et pourtant les populations expropriées et environnantes
de notre région l'on vécue dans tout ce qu'elle comporte de
manipulation d'opinion, de vente sous pression et de promesses aberrantes. En
effet, une analyse de 640 coupures de journaux publiés au cours des six
premiers mois de l'expropriation révèle et ce, sans l'ombre d'un
doute, que 70% des articles et communiqués, savamment agencés de
toute façon, mettaient en lumière les chicanes
fédérales-provinciales au sujet du lieu où devait
s'établir l'aéroport. Les autres portaient sur l'ampleur du
projet, sur ses retombées bénéfiques, bien sûr.
À peine une dizaine de textes, dont la majorité se retrouve dans
la chronique Opinion du lecteur, contestaient le projet, invoquant la
destruction du patrimoine agricole.
Même stratégie et même chronologie à Mirabel
que pour l'établissement des parcs fédéraux au
Québec. Le mal était fait; 97 000 acres de terre avaient
été réquisitionnées, et ce, avec le consentement!
de la population. Quant aux répercussions économiques, sociales
et autres, elles se sont dégonflées rapidement - les
répercussions qu'on nous faisait voir, bien sûr - comme des
ballons mal foutus. Même chose qu'ailleurs.
Générations de travail perdu. Milliers d'hommes et de
femmes déracinés. L'opération avortée de Mirabel ne
limite plus ses dégâts à l'envahissement de territoires. On
n'est plus uniquement dans des parcs, on commmence à toucher le monde,
on saccage la vie de familles entières, on disperse à tous les
vents les fragments d'un avenir rompu et on l'accepte. Certains des fils et des
filles de ces familles dépouillées à qui on avait promis
les 100 000 emplois se sont expatriés dans l'Ouest canadien. D'autres
cherchent toujours. D'autres, encore nombreux - et nous en connaissons - vivent
dans l'insécurité, tributaires d'une situation dont la
responsabilité leur a échappé.
Si c'est vraiment et uniquement un aéroport que le
fédéral voulait construire chez nous, pourquoi alors ne pas avoir
procédé comme cela se pratique ailleurs, peut-être pas dans
tous, mais dans certains des pays sous le régime démocratique,
dans des pays que j'appelle vraiment civilisés? On subventionne
l'activité, l'implantation du service en question, mais qui demeure
toutefois sous le contrôle du gouvernement régional ou
provincial. Comme le suggérait le juriste, M. McWhinney,
spécialiste du droit international en aéronautique, dans le cas
de Mirabel, est-ce que les buts du gouvernement fédéral auraient
été autres?
Nous posons la question: Avions-nous un réel besoin de cet
aéroport? La réalité nous répond, la
réalité nous frappe en 1982, M. le Président.
Je passe quelques paragraphes - dont vous pouvez prendre connaissance,
puisque le mémoire vous a été remis, je présume -
pour continuer d'affirmer, à la page 8, au nom de la
société nationale, que l'aéroport de Mirabel est une
faillite. Mais je voudrais ajouter que ce n'est pas uniquement
l'aéroport qui est une faillite, c'est tout l'aménagement, le
développement, ce sont toutes les promesses, c'est toute cette
stratégie de l'espoir qu'on a fait naître un jour dans un milieu
très précis, celui de Mirabel, et dans toute une région
également, voire dans tout le Québec, l'espoir d'une richesse
nouvelle, l'espoir d'un développement accéléré,
l'espoir d'un investissement fédéral important, vivifiant, qui
pouvait ouvrir les portes à toutes les possibilités. Faillite
économique, peut-être, sûrement. Faillite sociale, c'est
certain, faillite sociale, et on l'a acceptée.
Nous vous présentons, M. le Président, messieurs les
membres, des tableaux qui confirment par exemple que Mirabel, après
treize ans, ce grand aéroport international qui nécessitait
l'expropriation de 197 000 acres de territoire, ce grand aéroport, cette
sorte de paradis économique, de paradis de développement qu'on a
installé chez nous avec notre argent, est encore au neuvième rang
sur une liste seulement canadienne, une liste canadienne, je dis bien, par
rapport au nombre de vols, par rapport à tout l'achalandage,
neuvième, juste avant Québec, juste après Halifax.
L'importance du patrimoine agricole de Sainte-Scholastique qu'on nous a
littéralement - et je le réaffirme encore, même si les mots
semblent durs - frauduleusement enlevé, cette importance, il se trouve
certes d'autres organismes mieux documentés que notre
société pour vous la décrire et pour insister sur la
qualité de toutes ces terres dont on nous a
dépossédés, ces terres qui, dans le fond, comptaient et
comptent encore parmi les plus riches du Québec.
Nous nous permettons toutefois d'apporter ici notre humble commentaire
en rappelant que, selon les données même de TARDA, 95% du sol
québécois est impropre à l'agriculture. En effet, sur une
superficie de 135 000 000 d'hectares, seulement 1% de notre patrimoine agricole
peut être classé parmi les sols de type A-l. Et si on fait une
comparaison avec nos voisins, l'Ontario, par exemple, avec ses 2 156 776
hectares de terre, A-l toujours, bénéficie de 51,4% de tous les
sols A du Canada, donc de tous les sols de première qualité, en
termes d'agriculture du Canada.
C'est pourtant au Québec qu'on décidera d'exproprier pour
un aéroport et de choisir pour ce faire un emplacement - et il faut
revenir là-dessus; sans passer éternellement notre vie dans le
passé, il faut y revenir - un emplacement sur lequel se retrouvent
justement, comme par hasard, 59 814 acres soutenant une culture de très
bonne qualité, ce qui fera dire au journaliste Benoit Aubin que Mirabel
et toute cette expropriation auront bouffé à eux seuls 7% des
bonnes terres du Québec.
Vu les précédents, est-ce que le Québec pouvait se
permettre une telle dépossession, avec sa limite en termes de superficie
de territoire agricole véritablement productif? En 1971, deux ans
seulement après cet autre coup de force d'Ottawa, coup de force qui
s'ajoute à ceux qui ont précédé, sous la tutelle de
fonctionnaires fédéraux et l'application du mécanisme
irréaliste des locations à court terme, il ne restera plus, et on
le confirmait ce matin, que 48 053 acres en culture, une première perte
de 10 000 acres. Oui, c'est tout un coup, et un beau coup! Mais il n'y a qu'au
Québec qu'on puisse faire de pareilles choses, écrira Walter
Stewart.
Quant à l'aéroport de Pickering, puisqu'on parle
d'aéroport, on l'a placé au réfrigérateur
indéfiniment. Pourtant, il s'agissait non pas de 97 000 acres, mais bien
de 17 000 acres, dont la superficie a d'ailleurs été
contestée par nos voisins ontariens. Mais, comme le déclarait le
ministre Jean Chrétien, et il faut se le rappeler, le gouvernement de
l'Ontario n'a jamais voulu, pour quelque raison que ce soit, donner aucune
parcelle de terrain au gouvernement fédéral; et nous, on a
cédé.
Nous concluons, M. le Président, en disant que notre
réflexion - nos travaux de recherche, c'est beaucoup dire - nos travaux
de réflexion surtout, de consultations aussi, de contacts avec nos
membres, avec les gens expropriés, avec les gens qui vivent dans le
milieu, qui vivent les répercussions... Parce que ce n'est pas juste en
sol exproprié qu'on vit les répercussions de ce qui s'est
vécu à Mirabel, cela touche dans tout le territoire des
Basses-Laurentides. Cela touche toute une région, cela ne touche pas
uniquement un secteur exproprié. Après toutes ces consultations,
nous en arrivons à dire, à affirmer, à conclure aussi que
l'occupation systématique, parcelle par parcelle, du territoire
québécois par le gouvernement d'Ottawa est une
réalité qui a pris des proportions tragiques. Ce ne sont plus
juste des petits parcs, c'est devenu le bpuleversement, c'est devenu la
dépossession, c'est devenu la présence dans des zones
extraordinairement importantes pour l'agriculture du Québec. Cela
en fait maintenant une occupation tragique. Cette mainmise
fédérale, comme par hasard, se passe au Québec d'abord,
surtout pas en Ontario, comme le mentionnait M. Chrétien dans la
déclaration qu'on rapportait tantôt.
La réussite fédérale d'envahissement -parce que
c'est une réussite, on réussit à nous vendre une
marchandise - relève d'une volonté politique fermement
appliquée et savamment soutenue par des opérations de mises en
marché, je le répète, et de ventes sous pression que nous
n'hésitons pas à qualifier de malhonnêtes. Tout ce qui a
été fait à ce jour pour l'expropriation à Mirabel
afin de construire un aéroport se révèle la plus odieuse,
la plus inhumaine et la plus barbare des opérations, parce que encore
une fois elle a foulé, elle a brimé, elle a tué non
seulement une, mais des générations, et cela est odieux,
inhumain, barbare.
Nous constatons aussi que, depuis plus de treize ans, il y a des
citoyens et des citoyennes de Sainte-Scholastique et des environs, de toute
cette zone expropriée, regroupés à l'intérieur du
CIAC, Centre d'information et d'animation communautaire, et que ces citoyens et
citoyennes ont lutté quasi seuls, sans relâche - nous y
reviendrons - je le répète, ils ont lutté seuls, sans
relâche, pour reconquérir seuls, à force de leurs propres
forces, si l'on peut s'exprimer ainsi, pour reconquérir un sol
exproprié inutilement. (16 heures)
On sait aussi que, récemment, ces expropriés, dans une
première tentative, dans les premiers moyens de lancer la ligne pour
voir les réactions, ont eu la promesse d'une rétrocession de 30
000 acres de terre, mais à des conditions telles que, comme l'affirmait
un ministre fédéral, M. Fox, lors d'une conférence de
presse il y a quelques mois déjà, "pas dix agriculteurs et leur
famille pourront racheter leur terre". Nous croyons aussi, nous concluons que
la SIC, la Société immobilière du Canada, responsable de
la rétrocession et de l'aménagement (!) du territoire, est une
créature fédérale que nous qualifions d'illégitime,
d'antidémocratique aussi et qui a prouvé de toute façon,
vous en avez eu des échos depuis deux jours, combien elle a mille autres
raisons d'exister, vraisemblablement, que celle de respecter d'abord les droits
indiscutables des milliers d'hommes et de femmes
dépossédés de Mirabel. Et j'ajouterais les droits
indiscutables aussi de toute une région, voire de toute une province
qui, indirectement, directement même, subit les répercussions de
cette expropriation.
Finalement, nous souscrivons, il va sans dire, à l'avis juridique
donné en 1969 par Me Guy Dorion et Me Jacques Viau, que je vous rappelle
ici: "Sauf pour le territoire nécessairement requis pour l'installation
et la construction de l'aéroport et des ouvrages auxiliaires, le
gouvernement fédéral n'a pas juridiction pour
décréter l'expropriation des territoires de la
périphérie appelée zone de bruit." On en a parlé ce
matin. Le gouvernement fédéral n'a pas juridiction pour
décréter l'expropriation des territoires de la
périphérie appelée zone de bruit. "Nous sommes d'opinion
que le gouvernement fédéral, quant à la zone de bruit, n'a
pas le droit d'exproprier, d'autant plus que, dans le présent cas, il
reconnaît ne pas avoir besoin de tous les terrains ainsi
expropriés et être obligé de prévoir un
mécanisme pour en disposer par truchement de vente ou de location, ce
qui n'est sûrement pas de sa juridiction, et n'est pas non plus une
conséquence nécessaire de l'exploitation de
l'aéroport."
Nous demandons donc à notre gouvernement, mais notre gouvernement
pris dans le sens de tous les membres de l'Assemblée nationale du
Québec - on a trop souvent, quand on parle de gouvernement, tendance,
nous qui ne sommes pas dans le milieu, à voir uniquement le parti au
pouvoir; nous parlons de tous ceux qui nous représentent
démocratiquement, qui sont légitimement élus dans tous les
comtés du Québec et qui siègent à
l'Assemblée nationale - de faire valoir de façon
définitive les droits du Québec sur les 80 000 acres de son
territoire expropriées sous de fausses représentations par le
gouvernement d'Ottawa. Nous leur demandons de faire valoir leurs droits.
Je me permets ici d'ajouter au nom de notre société que
nous demandons à ce gouvernement et à tous les membres
élus de l'Assemblée nationale du Québec d'assumer
également leur devoir par rapport à ces droits du Québec,
par rapport aux droits des citoyens du Québec et, en conséquence,
de mettre sur pied une ou des structures légitimes, en quelque sorte un
regroupement officiel, pour voir à assumer juridiquement et
administrativernent - je dis bien juridiquement et administrativement - la
démarche même de rétrocession dans le respect du droit
premier des expropriés et de leur famille.
De s'assurer, par exemple, que toute structure qui serait
constituée par lui-même à cet égard accorde une
place majoritaire aux représentants des principaux
intéressés, à savoir, des représentants du CIAC,
des porte-parole officiels des agriculteurs expropriés, des hommes
d'affaires expropriés et des citoyens dépossédés de
Mirabel, l'UPA, les élus municipaux, en somme, ces groupes qui
représentent véritablement le mileu et qui pourraient et
devraient apporter... et sans lesquels toute reprise, toute relance et tout
réajustement logique ne pourraient finalement être
réalisés.
Nous demandons aussi à notre gouvernement, à
l'Assemblée nationale de privilégier - parce qu'il y aura
nécessairement des phases - dans la phase de rétrocession, le
secteur et les sols à vocation agricole, de ne rien ménager, tant
au niveau des ressources humaines que des besoins financiers, pour soutenir
adéquatement le fonctionnement et la bonne marche de cette
structure.
Bien sûr, vous nous permettrez ce dernier souhait, même s'il
ne touche pas implicitement et uniquement Mirabel: que le gouvernement du
Québec et l'Assemblée nationale, que nos élus, nos
représentants, poursuivent simultanément des démarches
fermes et des efforts soutenus afin de redonner au Québec les autres
territoires déjà occupés par le gouvernement
fédéral, situation qui brime le droit inaliénable du
peuple québécois. Merci, M. le Président. Merci,
messieurs.
Le Président (M. Rochefort): Merci. Je veux vous rappeler
la directive de ce matin quant à l'application de notre
règlement. La parole est à l'adjoint parlementaire du ministre
des Affaires municipales, M. le député de Groulx.
M. Fallu: Merci, M. le Président. Permettez-moi d'abord de
remercier le directeur de la SNQ des Laurentides ainsi que M. Claude Gendreau
de s'être présentés devant nous avec un mémoire
qu'ils ont d'ailleurs eux-mêmes appelés "une réflexion". Ce
n'est pas la première fois que la SNQ, dans la région, sert
d'agent de réflexion sur notre situation nationale, sur notre
développement économique, sur notre aménagement, et ce
n'est surtout pas la première fois que la Société
nationale des Québécois des Laurentides fait aussi un l'effort de
réflexion en ce qui a trait à l'installation d'un aéroport
international à Mirabel. J'ai souvenance des années
soixante-neuf, soixante-dix, soixante et onze où, j'allais dire contre
vents et marées, la Société nationale des
Québécois mettait en garde, faisait des réserves, disait
à quel point il fallait se méfier de ces promesses qui nous
étaient faites. Elle le faisait contre vents et marées parce que,
à l'époque, à peu près tout le monde était
obnubilé par la promesse... On nous disait que chez nous, à
Sainte-Thérèse, c'était quelque 190 000 habitants, en 1985
- c'est dans trois ans - et nous en sommes toujours à 63 000
habitants.
Entre-temps, on a démoli une partie de nos infrastructures ou
encore on nous en a construit de parfaitement inutiles. La SNQ était
là pour rappeler qu'il s'agissait en grande partie d'un mirage.
Aujourd'hui, la SNQ nous propose une approche sur l'intégrité du
territoire et, à l'occasion de cette réflexion, elle invite
l'Assemblée nationale, et le gouvernement du Québec, par
là même, à réfléchir sur l'ensemble de la
problématique de l'intégrité du territoire à
travers tout le Québec. C'est d'ailleurs la dernière partie de la
recommandation. Je prends acte - c'est un réflexe peut-être que
nous n'avons pas comme Assemblée nationale ni comme gouvernement - que
ces acquisitions se font très souvent à travers des mandats
successifs, peut-être pas toujours clairs, et, quand on arrive à
les découvrir, comme certains se font sous forme de chantage, c'est
toujours après coup qu'on s'en rend compte. Rarement a-t-on vu des
dossiers complets sur les possessions fédérales au Québec.
Le dernier ouvrage que j'ai pu lire là-dessus - il me semble que
c'était en 1974 - c'étaient plusieurs feuillets dans la Presse
à Montréal où, entre autres, on soulignait que quelque 10%
de l'île de Montréal est d'occupation fédérale.
Bref, ce sont des petits et des grands Mirabel qu'on s'est fabriqués au
cours des ans, sans jamais les remettre en question, sans jamais
rétrocéder, même si les usages sont déjà
dépassés.
Vous proposez un certain nombre de moyens pour que le territoire
redevienne dans une situation normale, mais j'apprécie, puisque souvent
la société nationale a tendance à être jugée
comme étant, je ne dirai pas extrémiste, mais, par rapport
à certains... Vous ne mettez pas en cause l'existence dans le cadre
actuel d'une propriété fédérale, d'un
aménagement pour fins aéroportuaires, même au sens assez
large du terme. Parce que, d'après ce que nous avons entendu hier matin,
il semble qu'on peut le restreindre encore davantage, notamment à ce qui
a trait à ces cônes de bruit. Donc, vous ne mettez pas la vocation
de Mirabel à nouveau en question; l'aéroport est là, dans
le cadre actuel de la constitution, il y a un agent qui doit s'en charger, mais
c'est tout le reste.
Vous nous proposez, entre autres, de mettre sur pied un mécanisme
que vous appelez, d'une part, une structure légitime et que, d'autre
part, vous décrivez comme étant une structure constituée
majoritairement des représentants des principaux
intéressés: CIAC, UPA, élus municipaux, etc. Ma
première question portera d'ailleurs sur cet et cetera: Quelle table de
concertation? Quelle largeur faudrait-il donner à cette table de
concertation dans le milieu?
M. Mercier: II me semble, sans être capable de vous citer,
de vous nommer ou de vous désigner tous les porte-parole de ce milieu,
que l'"et cetera" vient confirmer le fait ou vient confirmer notre
préoccupation que le milieu, les agriculteurs, on l'a mentionné -
cela va de soi et nous mettons l'emphase à ce niveau - et les autres
personnes, les autres citoyens et citoyennes
qui vivent dans des situations différentes, dans les villes, dans
les villages mêmes, commerçants, industriels - il y en a
très peu mais commerçants du territoire ou travailleurs
simplement à l'extérieur aient également la
possibilité de participer à cette consultation. Mais remarquez
que je précise qu'il en va au-delà d'une consultation, il est
question de participation véritable à des décisions qui
devraient se prendre - il me semble - en fonction de la rétrocession
immédiate et en fonction de tout l'avenir de ce territoire. Alors, l'"et
cetera", encore une fois, ce seront d'abord les gens de cette région qui
auront à les impliquer, à les pointer.
M. Fallu: Pourquoi demandez-vous au gouvernement, par le biais
des membres de l'Assemblée nationale, de mettre sur pied cette
structure? Nous avons un peu soutenu, depuis deux jours, que le rôle du
gouvernement - c'est votre troisième proposition - avait pour but de
soutenir la structure qui serait mise sur pied, mais on a toujours dit en
même temps que cette structure devait naître d'elle-même,
c'est-à-dire devrait naître de la légitimité de ceux
qui possédaient, qui s'étaient fait déposséder ou,
enfin, à qui appartenait le dossier. Pourquoi faudrait-il que ce soit le
gouvernement qui la mette sur pied? Est-ce que vous voudriez que cette
structure ait un caractère plus que légitime, qu'elle devienne
très officielle, qu'elle soit en quelque sorte incorporée? (16 h
15)
M. Mercier: Dans un sens, oui, M. le député. Quand
nous parlons de structure légitime, remarquez bien que ce qui me vient
immédiatement à l'esprit, ce sont les structures qui existent
déjà au sein même ou dans la structure même du
Parlement québécois: les ministères ou le Conseil des
ministres, les comités ou les commissions de l'Assemblée
nationale. À l'exception que, si nous avons parlé de structure
ici, on pourrait faire appel à tous les ministères pour
s'impliquer concrètement dans le dossier et ensemble faire valoir nos
droits et assumer l'administration de la démarche de
rétrocession. Si nous allons plus loin et que nous parlons de structure,
c'est que, dans notre esprit, il est nécessaire dans ces circonstances,
compte tenu qu'il y a des citoyens qui sont vraiment en cause - ce n'est pas
juste l'ensemble, ce n'est pas juste une collectivité, ce sont des
citoyens nommément désignés qui ont été
dépossédés - que ces citoyens aient tous les droits de
participer à la structure en question. Si nous employons le mot
"structure", c'est pour s'assurer qu'on ne se limite pas à la
légitimité des différents ministères, des
différents comités que créerait un gouvernement, mais une
structure qui, au- delà des simples élus du gouvernement,
regrouperait également les gens du milieu par leurs porte-parole
officiels, par leurs mandataires officiels.
M. Gendreau (Claude): Si je peux me permettre, je vais tirer un
commentaire d'un document qui vient du gouvernement du Québec, en 1978,
et qui s'appelle Évolution et orientation du développement et de
l'aménagement, publié par l'Office de planification et de
développement du Québec. Ces deux volets, la participation locale
et l'implication gouvernementale au niveau d'une concertation, sont tous deux
présents. Si vous me permettez d'en citer un petit extrait, c'est aussi
une forme , de réponse à la question. Cela s'intègre
parfaitement au type d'approche que la société nationale vient
défendre ici.
Dans ce document, au niveau de l'objectif d'utilisation optimale et
rationnelle du sol, on dit: "On doit veiller à ce que tous les agents
impliqués dans les décisions d'affectation ou de
réaffectation du sol agissent de manière concertée en
tenant compte de l'interdépendance des fonctions urbaines et des
répercussions sur l'ensemble de l'agglomération. Cette
concertation doit d'abord s'effectuer entre les agents publics, gouvernements
supérieurs - on entend municipalités, gouvernement du
Québec et probablement gouvernement fédéral - et tenir
compte de toutes les actions sectorielles qui ont une incidence sur
l'aménagement du territoire. L'aménagement du territoire ne se
réduit pas qu'à l'affectation du sol à des fins
précises. Il y a une incidence importante sur les activités de
l'homme qui utilise le sol pour satisfaire ses besoins. C'est pourquoi une
utilisation optimale du sol implique que l'on favorise un agencement spatial
des activités des groupes sociaux permettant la réalisation des
objectifs économiques et sociaux."
Je me permettrais de rajouter à cela un extrait de ce que le
ministre Jacques Léonard, dans une allocation prononcée à
l'hôtel Bonaventure le 13 juin 1977, disait: "Ce que je veux marquer,
c'est l'urgence pour les régions de partir d'elles-mêmes de leurs
ressources, de leurs capacités d'action et d'imagination pour assurer
leur développement. Mais, si je dis que les régions doivent
partir d'elles-mêmes pour assurer leur développement, il faut
surtout que l'organisation du territoire québécois permette
à la population de s'engager dans ce processus."
Ces deux citations sont pour situer un peu le contexte de la philosophie
de l'approche qui est présentée.
M. Fallu: Notez bien que la participation n'est pas mise en
cause. Bien au contraire, le gouvernement, jusqu'à
maintenant, s'est même borné strictement à soutenir,
y compris financièrement - ce qu'il entend faire d'ailleurs dans
l'avenir - ceux qui se sont pris en main. J'aurais deux questions relativement
rapides. La première: Quand vous proposez de privilégier dans la
phase de rétrocession le secteur des sols à vocation agricole,
vous n'avez jamais indiqué les étendues. J'imagine que vous avez
suivi ce matin la commission parlementaire où vous avez vu tout le
débat qui s'engage sur les quantités à
rétrocéder. Vous avez bien spécifié, au
début de votre présentation, que vous n'étiez pas des
techniciens. Vous engagez-vous à travailler avec le milieu pour bien
définir ce qu'est cette zone à rétrocéder et son
ampleur? Avez-vous même une réflexion pratique là-dessus,
une quantité d'acres ou je ne sais trop quoi?
M. Mercier: Dans notre esprit, tout est à
rétrocéder, à l'exception, vous l'avez mentionné au
début, de la zone phase 1, l'aéroport qui regroupe ou qui touche
17 000 acres. Tout ce qui est extérieur à cela et qui, un jour, a
été récupéré par le fédéral,
pris en possession par le fédéral, tout ce territoire est
à rétrocéder. Ce que nous apportons, c'est
l'hypothèse parce qu'on s'imagine que tout ne sera pas
rétrocédé globalement, catégoriquement, d'une
journée à l'autre, comme cela. Nous disons, nous, que tout ce
territoire qui n'est pas utilisé expressément par
l'aéroport de Mirabel doit être rétrocédé au
Québec, à ses propriétaires, mais en priorité. Nous
verrions qu'à travers les phases de cette rétrocession qu'on
devra normalement vivre - d'autres plus compétents que moi l'ont
mentionné ce matin - on voudrait que le gouvernement du Québec,
que tous les intervenants au niveau du dossier privilégient d'abord
toute la question de la rétrocession du territoire à vocation
agricole.
M. Fallu: Vous amenez justement ma dernière question. Vous
avez, par des allusions, par une citation notamment à la page 12 et par
une recommandation ferme -c'est d'ailleurs votre première -
recommandé que l'intégrité du territoire du Québec
soit respectée dans le cadre de l'actuelle constitution, de faire valoir
définitivement les droits du Québec "sur les 80 000 acres de son
territoire expropriées sous de fausses représentations par le
gouvernement d'Ottawa." Suggérez-vous, à ce moment-là, au
gouvernement du Québec que le Procureur général
requière contre le Solliciteur général à propos,
justement, de l'excès de juridiction qu'il se serait attribué en
1969, au moment de l'expropriation? Ou si, d'autre part, doit-on simplement
attendre que, phase après phase, 30 000 ou 40 000 acres à la
fois, le fédéral se décide enfin à en
rétrocéder jusqu'à zéro?
M. Mercier: Dans notre esprit, il y a d'abord un premier geste...
Oui, votre question est-elle complète?
M. Fallu: La question est: Suggérez-vous au gouvernement
que le Procureur général requière en Cour suprême
contre le Solliciteur général, à savoir que soit
déclaré inconstitutionnel le geste posé en 1969 par
l'expropriation de 79 000 acres en trop, de telle sorte que cela annule l'effet
de l'expropriation de 1969?
M. Mercier: Dans l'articulation ou la démarche que vous
entrevoyez, à savoir le Procureur général et ainsi de
suite, j'avoue que vous me perdez. Pour moi, de toute façon, c'est
l'État du Québec, à travers son porte-parole officiel,
légitime, démocratique, qui s'appelle l'Assemblée
nationale - son gouvernement est l'Assemblée nationale - qui doit exiger
cette rétrocession; qui doit peut-être, mais avec la collaboration
et en consultation étroite avec le milieu, nous l'avons souligné,
qui devrait assumer le devoir de la négociation globale de la
rétrocession.
M. Fallu: Des négociations et non pas requérir en
cour, en vertu de la constitution ou des règles de la loi
fédérale du transport.
M. Mercier: Nous parlons, nous, du point d'arrivée. Vous
me posez une question par rapport à la route à suivre. Je ne
pourrais pas vous répondre sur la démarche; la compétence
du gouvernement du Québec, des gens de l'Assemblée nationale et
de tous leurs soutiens est capable de découvrir la route à
suivre. Nous exprimons, dans le fond, non seulement un désir, mais ce
qui nous paraît tout à fait logique, normal et légitime.
C'est qu'il y ait un interlocuteur officiel, pas un exproprié; pas le
fermier que je respecte beaucoup, mais qui, finalement, devant cette grande
machine fédérale, n'a pas de pouvoir. Mais qu'il y ait un niveau
de gouvernement, un niveau de représentation à nous qui transige,
qui négocie avec un autre niveau de gouvernement par rapport à
une rétrocession, que cela se fasse à l'intérieur d'une
négociation, à l'intérieur d'une démarche
juridique; cela devient une stratégie, une route à suivre, de la
technique. Nous avons dit au départ que nous ne connaissions pas toutes
les techniques. Nous nous attendons à des résultats.
M. Fallu: Mais ce que vous nous proposez, est-ce que ce n'est pas
ce qu'a déjà fait l'Assemblée nationale le 18
décembre 1968 quand, à l'Assemblée nationale, une loi a
été votée, sanctionnée, à l'effet de donner
les pleins pouvoirs au Conseil des ministres pour permettre
l'aménagement du territoire dans
l'éventualité où un aéroport s'intallerait
au Québec? L'outil a été créé pour faire en
sorte qu'il n'y ait pas d'expropriation en dehors d'une zone strictement
aéroportuaire. C'est un geste qui date de 1968, attention! C'est donc
quatre mois avant que le fédéral n'exproprie. Ce geste de main
tendue, l'Assemblée nationale de l'époque l'a fait. Va-t-on
demander, maintenant, à l'Assemblée nationale, même unanime
- on sait qu'il y a déjà eu des motions unanimes à
l'Assemblée nationale, n'est-ce pas? - de faire une motion pour qu'il y
ait rétrocession? Ou va-t-on entreprendre une démarche devant les
tribunaux? Enfin, la question reste en suspens, vous nous laissez le choix des
armes.
M. Mercier: On pense que vous êtes capables d'assumer
cela.
M. Fallu: ...
M. Garon: Ce qui veut dire qu'on peut...
Le Président (M. Rochefort): Allez-y, M. le ministre.
M. Garon: On peut plaider devant les tribunaux, mais vous savez
ce que c'est, il y a des gens qui l'ont essayé. Le député
de Brome-Missisquoi connaît cela aussi-Quelquefois, les gens ne veulent
que du délai. Ils ne veulent pas gagner, ils savent qu'ils ne gagneront
pas, alors ils vont faire la Cour supérieure, la Cour d'appel, la Cour
suprême, avec toutes les procédures nécessaires, en disant
à l'avocat: Ton mandat, c'est de gagner du temps. Tout cela, ça
peut prendre sept ans, huit ans, neuf ans. Pendant ce temps, tout cela n'avance
pas. C'est pour cela que c'est un peu embêtant d'aller devant les
tribunaux. Comme les avocats sont connectés sur le fonds
consolidé du gouvernement fédéral, ils peuvent travailler
longtemps. C'est pour cela qu'aller devant les tribunaux, on peut bien y aller,
mais on n'est pas certain que ce serait la meilleure façon de
régler le dossier.
M. Paradis: Vous me permettez une information? Sauf erreur, M. le
ministre de l'Agriculture, on a, au gouvernement du Québec,
adopté une loi de référence dans le but, justement,
d'éviter tous ces délais et qui permet de procéder
directement à la Cour d'appel du Québec, en évitant tous
les délais, etc. Cela a été adopté par
l'Assemblée nationale du Québec.
M. Garon: Prenons les oeufs, cela fait combien de temps que vous
êtes dans le domaine des oeufs? Cela fait combien de temps que vous avez
commencé?
M. Paradis: C'est justement pour cela que je vous disais cela.
 ce moment-là, l'Assemblée nationale du Québec
n'avait pas une loi de référence. Depuis ce temps,
l'Assemblée nationale du Québec a adopté une loi sur la
référence des cas directement à la Cour d'appel, cela
passe sur le rôle prioritaire.
M. Garon: Malgré tout cela, cela va prendre des
années, quand même, aller à la Cour suprême, avec
toutes les procédures possibles, avec les remises, etc.
M. Paradis: Vous pourriez demander au ministère de la
Justice, il pourrait vous le dire exactement.
M. Garon: Vous le savez. Vous avez déjà
utilisé ces procédures.
M. Paradis: En ce qui concerne un cas de référence,
le délai habituel est, pour la dernière décision, un
délai maximum de deux ans.
M. Garon: Vous savez qu'il y a des clients qui vont voir leur
avocat et qui ne lui disent pas: Je veux que tu gagnes mon procès. Ils
disent: Je veux que tu me gagnes du temps.
M. Houde: ... parce que, lorsqu'on parle des ministres, le
ministre de la Justice, qui est le ministre Bédard, est bien proche de
vous, c'est facile de le rejoindre.
Le Président (M. Rochefort): M. le député
d'Argenteuil.
M. Garon: Ou le monsieur dans Tranchemontagne.
Le Président (M. Rochefort): M. le député
d'Argenteuil. À l'ordre! À l'ordre! S'il vous plaît!
La parole est au député d'Argenteuil. On a des
témoins qui sont présents pour répondre à nos
questions. (16 h 30)
M. Ryan: Je voudrais dire un mot sur le sujet dont on discutait.
Un recours judiciaire dans cette affaire, il n'y en a pas eu depuis 1969, je
pense qu'il commence à être tard. Je ne suis pas d'accord avec M.
le ministre sur la durée des délais. Je pense qu'il y a eu des
améliorations considérables au cours des dernières
années. La Cour suprême fonctionne beaucoup plus vite
qu'autrefois. Et, vous le savez, quand Québec a fait un
référé dans le cas de l'affaire constitutionnelle, cela a
peut-être même été un peu trop vite. Tout cela s'est
réglé à l'intérieur d'un an, si vous vous souvenez
bien, les deux étapes, l'étape de la Cour d'appel et
l'étape de la Cour suprême.
Moi-même, je ne le conseillerais pas dans ce cas, dans la mesure
où il faut avoir une certaine expérience; il faut dire que je ne
le conseillerais pas.
M. Garon: Dans ce cas, je ne suis pas convaincu que ce ne serait
que le côté, l'aspect constitutionnel qui serait plaidé; ce
serait aussi la finalité et si on a voulu exproprier, si on était
de bonne foi, etc. Vous le savez aussi bien que moi, mais, M. le
député de Brome-Missisquoi, vous avez... C'est un
spécialiste des sophismes.
M. Ryan: Mais, je m'excuse, on pourrait facilement vous renvoyer
la même considération, mais je ne le ferai pas.
Le Président (M. Rochefort): On s'imagine que vous avez
des questions à adresser au groupe, M. le député
d'Argenteuil.
M. Garon: Vous allez à Rome la semaine prochaine. Vous ne
pouvez pas parler en mal de votre prochain.
M. Ryan: Nous étions mieux partis que cela, M. le
Président, nous allons essayer de rester au niveau où nous avons
tenté de nous en tenir depuis le début.
Le Président (M. Rochefort): Je l'apprécierais.
M. Ryan: II y a une question, vous dites, M. Mercier: Nous
demandons à notre gouvernement de faire valoir "définitivement"
les droits du Québec sur les 80 000 acres de son territoire
exproprié. Le mot "définitivement", pourriez-vous me dire ce que
cela veut dire dans votre esprit?
M. Mercier: Cela voudrait dire fermement, clairement,
peut-être que l'adverbe est mal choisi, mais sans retour,
c'est-à-dire que, finalement, il y a 80 000 acres - et c'est ce qu'on
tente d'exprimer -il y a 80 000 acres qui ne sont pas utilisées,
expressément pour ce pourquoi on les a expropriées et ce pourquoi
on avait le droit d'exproprier. Donc, les 80 000 acres doivent revenir. Quand
on dit définitivement, cela veut dire dans le temps, cela veut dire dans
la fermeté, cela veut dire dans la volonté de
récupérer tout cela.
M. Ryan: Si on disait "de manière permanente et dans les
meilleurs délais", c'est cela que vous voulez dire, finalement?
M. Mercier: Oui, je vous remercie.
M. Ryan: Très bien. Ensuite, vous dites: "Nous demandons
à notre gouvernement, aux membres de l'Assemblée nationale, de
mettre sur pied une ou des structures légitimes pour voir à
assumer juridiquement et administrativement la démarche de
rétrocession dans le respect du droit premier des expropriés et
de leur famille." M. le député de Groulx a commencé
à vous demander des explications là-dessus, mais je pense que ce
serait bon que vous en fournissiez d'autres. Pourriez-vous essayer de
préciser cela plus concrètement? Qu'est-ce que vous voulez dire
par là?
M. Mercier: Nous disons que la façon peut-être la
plus claire d'exprimer ce que nous avons voulu dire, c'est que nous savons
tous, je pense que tout le monde ici sait comment s'est vécue la
période d'expropriation, c'est-à-dire comment l'opération
expropriation a placé finalement des citoyens individuellement face
à une machine, face à un pouvoir politique qui dirigeait cette
machine pour en arriver à ses fins, d'ailleurs à des fins qui ont
fait qu'il y a de ces citoyens et de ces citoyennes qui ont vu régler
leur cas, et au niveau de l'expropriation simplement, il y a à peine
deux ou trois ans.
Nous ne voyons pas la rétrocession, même si elle est
acceptée par le fédéral, s'engager dans la même
voie, dans les mêmes chemins que lors de l'expropriation, à savoir
que le fédéral ou sa société d'État ou sa
société de la couronne, ses mandataires, ses employés,
reprennent le processus de rétrocession en recommençant avec
chaque individu, en décidant de la façon et de la manière
et en utilisant les formes de pression qu'ils jugent à propos. En tout
cas, nous ne voulons pas que se vive la rétrocession comme s'est
vécue l'expropriation. Nous pensons que les gens de Mirabel, les
citoyens, les citoyennes, les familles de cette région et de toute la
périphérie ont droit à l'intervention du gouvernement au
niveau juridique et au niveau administratif, à l'intervention de leur
gouvernement, celui du Québec, dans l'opération, ce qui n'a pas
été le cas lors de l'expropriation.
Nous voulons voir le gouvernement du Québec assumer non seulement
ses droits, mais aussi ses devoirs. Ce que nous demandons, des structures
légitimes et l'idée d'assumer juridiquement et admi-
nistrativement, cela peut prendre la forme de soutenir juridiquement et
administrativement l'opération rétrocession, mais surtout les
citoyens qui, à la fin, sont toujours les laissés-pour-compte. Si
le gouvernement fédéral a réussi à se donner une
structure de fonctionnaires pour faire l'expropriation et qui va aller loin
dans la rétrocession, qui se permet même, comme le soulignait un
maire ce matin, de faire de l'aménagement - pensez-y, sur un territoire;
autrement dit, cette structure se permet de
remplacer la légitimité d'un gouvernement -si le
gouvernement d'Ottawa se donne un mécanisme du genre pour
négocier et pour en arriver à ses fins avec les citoyens d'un
milieu, pourquoi le gouvernement du Québec ne se donnerait-il pas les
mêmes moyens et pourquoi les citoyens de la région de Mirabel et
de toute la région des Basses-Laurentides ne profiteraient-ils pas
également des mêmes moyens?
Est-ce que cela éclaircit? C'est ici que nous parlons de
structures qui pourraient intervenir juridiquement et admi- nistrativement pour
soutenir et assurer que la démarche de rétrocession se fasse en
toute justice par rapport aux gens du milieu, mais également en toute
compétence par rapport à des interventions illégitimes que
le fédéral ou ses mandataires pourraient réaliser sur le
territoire.
M. Ryan: Avez-vous pensé au genre d'organisme qui pourrait
être créé? Est-ce que vous avez une certaine idée de
cela? En avez-vous discuté entre vous? Vous pouvez m'expliquer le
pourquoi pendant une heure, mais ce qui nous intéresse à ce
stade-ci, c'est de savoir si vous avez regardé cela d'une manière
un petit peu plus...
M. Mercier: Nous ne sommes pas allés, comme vous le dites,
jusqu'à tenter de cerner... Nous avons exprimé le fait que de
toute manière l'État du Québec, par son gouvernement, par
ses représentants élus, se doit d'être présent dans
cette opération de rétrocession pour que les gens du milieu aient
le droit indéniable de participer à la décision et de
participer aux choix qui vont être faits. Quant à la façon,
à la forme, à la structure et au cadre dans lesquels ces
principes devraient être respectés, nous n'en avons pas
discuté, je l'admets.
M. Ryan: Cela fait treize ans. Est-ce que vous ne trouvez pas que
cela aurait dû être fait bien avant aujourd'hui?
M. Mercier: Vraisemblablement, oui; sûrement, oui, sauf que
peut-être que le milieu lui-même... Vous savez, jusqu'à tout
récemment encore - je parle comme un citoyen qui ne vit pas sur le
territoire même exproprié - dans les journaux qui circulent dans
la périphérie de Mirabel, on nous faisait voir de nouveaux
éléments d'espoir pour l'avenir. Mirabel, vraisemblablement,
à travers le PICA, à travers l'installation de nouvelles
vocations, le transport de la marchandise... Finalement, ce n'est pas
terminé, la grande promesse de Mirabel pour toute la région, ce
n'est pas fini. Il y a eu un premier échec, mais on cherche; attendez et
espérez. Il y a des gens qui se laissent prendre encore chez nous, qui
se laissent prendre par la technique, par cette forme de vente, encore une
fois, sous pression. Peut-être que ce n'était pas mûr - je
m'excuse de dire cela comme ça - peut-être avons-nous
été - je parle pour nous, la société victimes, mais
complices aussi. Il faut admettre une chose, c'est que, s'il y a des lois et
s'il y a toujours des cadres qui assurent le respect du citoyen par rapport au
vendeur itinérant... Si un vendeur itinérant vient vous vendre
une balayeuse, par exemple - vous excuserez ma comparaison - qui se
révèle inefficace au bout d'un mois ou d'un mois et demi, le
citoyen a un recours. Pourquoi? Parce qu'on l'a trompé dans la vente de
l'équipement.
À nous, on a vendu une vie, un présent peut-être
plein de richesses, un avenir et des répercussions sur tout un
territoire et même à l'échelle du Québec, ce que
nous avons tous accepté. Ce qui m'apparaît fort, c'est que, depuis
ce temps-là, justement, personne n'a pu nous appuyer, rien ne nous a
vraiment permis de contester la vente qui nous a été faite, rien
ne nous a vraiment permis de revenir dire qu'on n'était pas satisfait et
qu'on avait brimé nos droits.
Votre commission, aujourd'hui, dans ce sens-là, est un geste
probant d'une volonté politique d'assumer une nouvelle
responsabilité, d'assumer nos responsabilités à ce niveau,
je crois. Ce matin, bien sûr, et hier aussi, on a beaucoup parlé
de ce que nous appelons, pas péjorativement, la tuyauterie, le comment,
le technique, le financier, les démarches, etc. Cela nous amène
à croire qu'il y a des spécialistes -vous en êtes messieurs
- qu'il y a des gens qui sont capables de trouver et qui ont
l'ingéniosité de trouver des réponses à ces
défis, techniques ou autres. Mais tout ce bagage de défis
techniques, tout ce bagage de gestes à poser, tout ce bagage de
positions à prendre relève avant tout d'une volonté
politique de les assumer. Finalement, on demande au gouvernement du
Québec, à tous nos représentants légitimes
d'assumer cette responsabilité de la volonté politique.
Il y a des citoyens ici qui sont venus vous dire qu'ils vont vous
appuyer. Nous l'avons cette volonté politique. Nous espérons que
vous aussi non seulement vous l'aurez, mais que vous l'assumerez. Merci.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le
député de Rousseau.
M. Blouin: Merci, M. le Président. M. Mercier, votre
mémoire insiste d'une façon assez originale sur la manière
dont le dossier de Mirabel a été présenté aux
Québécois, particulièrement aux citoyens qui habitent dans
la région de Saint-Jérôme et de Mirabel. D'ailleurs, votre
dossier de presse appuie bien le contenu de votre mémoire. Si, par
exemple, on regarde une manchette qui est parue juste avant l'expropriation
ou
simultanément, je ne sais trop, le 28 mars 1969, où le
ministre de l'époque, M. Jean Marchand, déclarait que
l'aéroport fournirait entre 75 000 et 100 000 emplois à la
région, il est sûr que, dans une telle perspective, c'est
davantage l'emballement sur le coup que la désolation qui s'emparait de
la population concernée.
Évidemment, treize ans se sont écoulés depuis et il
y en a beaucoup qui ont déchanté, pour toutes les raisons qu'on a
invoquées depuis hier à cette commission parlementaire. J'ai
comme le sentiment que l'opération, comme vous l'avez
précisé, était tellement bien orchestrée,
d'ailleurs un peu comme vous l'avez évoqué dans une lettre qu'un
ministre adressait à un autre ministre, une lettre confidentielle que
vous avez tirée je ne sais trop d'où et dont je souhaiterais
avoir des copies, si c'est possible... (16 h 45)
Une voix: Ce n'est pas possible.
M. Blouin: Enfin, si c'est possible. Ce qui me fait dire que
l'opération était tellement sophistiquée et tellement bien
réussie que, même treize ans après, avec toutes les
constatations qu'on a faites - sans vouloir vous blesser, M. Mercier - vous
comme d'autres, vous arrêtez encore à la barrière, que
j'appellerai psychologique, des 17 000 acres. Vous avez parlé dans votre
intervention d'une zone "opérationnelle"; alors, le terme même
d"'opérationnelle" n'est pas juste parce qu'effectivement, on a
étudié cette situation avec les représentants du
ministère des Transports, les experts en aéronautique, qui nous
ont évoqué que, dans la perspective la plus optimiste qu'on
puisse imaginer, c'est vers les années trois mille avancées que
cette zone pourrait effectivement devenir opérationnelle. Dans cette
perspective, n'avez-vous pas l'impression que, malgré toute la
clairvoyance dont vous avez fait preuve, et votre mémoire en est un
témoignage saisissant, on a beaucoup de difficulté à finir
même par accepter que le territoire de Mirabel ait été
bousculé d'une façon qui est tellement inconcevable qu'on a
encore de la misère, même aujourd'hui, à rationaliser nos
réflexions sur ce sujet?
En conclusion, ce que je vous demande, c'est sur quoi vous vous
êtes basés pour dire tout à l'heure que vous souhaitiez la
rétrocession des territoires situés en dehors de la zone dite
"opérationnelle" des 17 000 acres.
M. Mercier: C'est parce que peut-être on ne voulait pas
retourner assez loin en arrière - remarquez bien que je tiens compte de
votre question et de votre intervention qui l'a précédée -
les 17 000 acres faisaient partie de la première phase d'implantation.
Cela a fait partie de toute l'information qui nous a aussi été
transmise en cours de route et qu'on nous a vendue également. Si bien
que, dans notre esprit, même si cela nous paraît aberrant, les 17
000 acres, et que le besoin n'est que de 5200, selon le ministère des
Transports ou selon les spécialistes à ce niveau, nous disons
qu'il y a quand même des installations, il y a quand même des
choses, vraisemblablement, sans les avoir vérifiées de visu, qui
sont déjà en place, à l'intérieur de ces 17 000
acres, compte tenu encore une fois que c'était une étape.
Nous mettons fin à une étape en disant: L'étape de
l'expropriation aux fins d'un aéroport; l'étape de la phase 1
prévoyait 17 000 acres; c'est terminé; on ne va pas plus loin.
Dans un deuxième temps, je serais d'accord avec vous, j'aurais
été d'accord pour dire qu'il est trop tard pour le faire, que
l'aéroport aurait même pu être simplement mis en place,
c'est-à-dire sous forme de transfert, mais administré, comme cela
se fait dans d'autres régimes fédéraux, par le
Québec lui-même en termes de service. Québec serait
demeuré propriétaire du territoire; ce territoire pourrait
être loué; le Québec pourrait en demeurer le
propriétaire, finalement. Mais là, on va loin dans notre
réflexion. Alors, vous comprenez pourquoi nous avons choisi cette sorte
de mur psychologique, cette étape qu'on exprime ainsi: On n'ira pas plus
loin que cela, mais au moins, arrêtez de nous parler et de nous charrier
avec les zones de bruit, les petits parcs industriels à
côté, les bouts de chemins que vous allez construire, les terres
que vous allez protéger et ainsi de suite; n'allez pas plus loin, vous
avez 17 000 acres, c'est ce qu'il y a de plus grand au monde; votre patente,
c'est ce qu'il y a de plus petit dans le bout - excusez l'expression - ne
charriez plus! On met fin à cela, mais on a un entendement: Quand on
parle de 17 000 acres, tout le monde sait ce que cela veut dire. Alors, c'est
pour cela qu'on a pris cette approche.
M. Blouin: Lorsque vous dites: Ne charriez plus, on se limite
à 17 000 acres, est-ce que vous n'avez pas l'impression que, même
à 17 000 acres, vous vous laissez charrier?
M. Mercier: Oui, monsieur. M. Blouin: Oui.
M. Mercier: Excepté que les individus comme les peuples
sont souvent obligés de subir les conséquences de certains
moments d'emballement, comme vous dites, ou de faiblesse ou de quoi que ce
soit. On en subit les conséquences, mais, de grâce, arrêtons
l'hémorragie.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M.
le député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Une remarque bien brève et une question. Si je
saisis l'âme ou l'essence de votre mémoire, finalement, vous ne
vous attardez pas aux moyens, mais ce que vous dites à
l'Assemblée nationale du Québec, c'est: Mettez-y du coeur. C'est
un peu ce que je saisis dans votre message.
Ce qui m'inquiète, à la suite de ce message, ce sont les
propos que le ministre de l'Agriculture, hier soir, a prononcés en
commission, à minuit quinze, quand il a dit: Finalement, on va
laisser... On va continuer avec le CIAC, l'UPA, à assumer
financièrement... Aujourd'hui, on revient, on étudie un des
moyens et on dit: La question juridique, le Procureur général du
Québec contre le Solliciteur général du Canada, il n'en
est pas question. C'est un peu le genre de réponse lorsqu'on fait de la
pratique privée; si on ne veut pas s'occuper d'une cause, on dit
à un client: Cela est loin, cela va être dur, cela va être
de l'ouvrage, etc., et on se débarrasse du problème; on
écoute la personne, on laisse la vapeur sortir de la boîte,
finalement, et on renvoie les gens chez eux. Si j'ai bien saisi votre
mémoire, vous voulez que l'Assemblée nationale du Québec
mette tout en oeuvre, ne se débarrasse pas d'une solution possible sans
en avoir fait une étude sérieuse et qu'elle prenne le dossier en
main.
Je vous remercie. Je crois que c'est aussi ce que les gens, pour avoir
discuté avec eux autres, attendent de cette commission
parlementaire.
Maintenant, ma question porte sur les éléments qui vous
amènent là, qui sont peut-être extérieurs au dossier
de Mirabel et qui traitent des autres propriétés
fédérales en territoire québécois. En disant bien
clairement que l'on comprend toute l'argumentation lorsque vous parlez
d'occupation illégitime sur des territoires qui ne sont pas à
fins fédérales, etc., "l'acrage" qui ne sert pas à des
fins aéronautiques, ce qui m'intéresse dans la pensée de
la société que vous représentez est ceci. Quelle est votre
opinion sur les territoires fédéraux - je vais vous donner un
exemple dans le domaine agricole - qui sont occupés par le
ministère fédéral de l'Agriculture à titre de ferme
expérimentale? J'en ai une dans mon comté, entre autres, à
Frelighburg. Il s'agit d'une ferme de pommiers qui sert à des
expériences pour les agriculteurs. C'est un territoire
fédéral et ils l'utilisent à cette fin; ce n'est pas un
immense territoire, il n'y a jamais eu de débat public à son
sujet. Quelle est l'opinion de votre société sur ce genre
d'occupation fédérale ou ce genre de possession
fédérale au Québec?
M. Mercier: Remarquez bien que, sans s'être penché
spécifiquement sur le cas que vous nous apportez, il y a toujours le
principe qui dit que le fédéral ne devrait jamais être
propriétaire chez nous. Il peut venir jouer des rôles de
recherche, il peut venir participer à la mise en place de services,
mais, dans la totalité des cas, il devrait le faire en laissant la
juridiction ou en confiant l'administration au gouvernement provincial. S'il
veut obtenir des résultats, il y aura entente entre les deux paliers de
gouvernement afin que tels investissements du fédéral permettent
la réalisation de tel projet - par exemple, votre ferme de recherche -
mais je ne vois pas pourquoi on continuerait ou on accepterait la politique de
céder du territoire à un autre gouvernement pour qu'il vienne
faire je ne sais quoi chez nous. Rendre des services, peut-être, mais que
l'on ne perde pas la juridiction. Dans notre esprit, il importe de ne jamais
perdre la juridiction sur le territoire québécois. Permettre
toutes les participations, solliciter toutes les collaborations, on y a droit,
on paie les taxes, on ne nous fait pas de cadeau à cet égard;
mais, d'un autre côté, ne jamais délaisser notre
juridiction en termes de territoire, en termes de compétence aussi.
M. Paradis: M. Mercier, M. Gendreau, merci.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le
député de Champlain.
M. Gagnon: Merci, M. le Président. À ce moment-ci,
il y a des questions que je voulais poser, qui ont été
déjà posées, mais je dois vous faire une réflexion
et cela se terminera par une question, peut-être au ministre ou à
vous-même.
J'avais entendu parler du scandale de Mirabel, parce qu'on en a beaucoup
entendu parler depuis les années soixante-dix. Quand j'ai
travaillé à l'intérieur de l'UPA comme syndicaliste
agricole, j'en ai encore entendu parler. J'ai réalisé l'ampleur
du scandale la semaine passée lorsqu'on a fait le tour de ce territoire.
On a fait quelque chose comme 300 kilomètres en autobus pour faire le
tour du territoire. Je comprends vos termes quand vous parlez de
révoltante injustice ou des victimes impuissantes qui étaient sur
le territoire. Vous avez parlé aussi de stratégie d'espoir.
Finalement, on s'est emparé de ce territoire, un des plus riches du
Québec, un des mieux implantés aussi. Si on regarde l'aspect
spécifiquement agricole, je sais que le territoire de Mirabel comptait,
avant l'expropriation des cultivateurs moteurs, des gens qui entraînaient
l'agriculture vers l'avancement, alors que ce n'est plus cela aujourd'hui. Cela
veut dire que c'est l'ensemble du Québec qui y a perdu, dans ce
sens.
J'ai toujours eu l'impression que, lorsqu'on se fait leurrer... Si, par
exemple, je
fais une vente - vous avez employé souvent le mot "vente", parce
qu'on vous a "vendu" ce projet - et si on se rend compte que, dans la vente que
j'ai faite, il y avait des vices cachés, que j'ai leurré le
client, il y a un recours possible. On peut faire annuler éventuellement
cette vente. Vous parlez de structure légitime à mettre en place
avec les gens du milieu et le gouvernement. Je me demande si quelqu'un a
déjà envisagé la possibilité de contester purement
et simplement cette expropriation qui me paraît, à toutes fins
utiles, un vol de territoires; quelqu'un d'autre a employé cette
expression, mais elle se justifie très bien dans ce cas. Est-ce à
peu près cela que vous pensez quand vous dites qu'il faudrait avoir une
structure en place qui irait fermement... On vous a déjà
posé la question, c'est pour cela que je l'adresserai peut-être
aussi au ministre. Serait-ce possible actuellement, comme disait le
député d'Argenteuil, après douze ou treize ans... On a de
plus en plus de preuves que, finalement, ce qu'on vous a chanté sur le
territoire n'était pas vrai, que les objectifs que l'on visait
s'avèrent des objectifs complètement faux. Il y a en un paquet de
tromperies ou d'erreurs. Cela ne s'explique quasiment plus par des erreurs. Une
erreur, deux erreurs, trois erreurs, la quantité d'erreurs
accumulées faites par des gens soi-disant compétents en la
matière, à mon point de vue, ce ne sont plus des erreurs, c'est
de la tromperie. J'emploie à nouveau l'expression "vol de territoire",
c'est à peu près ce que je veux dire.
Si j'avais fait une vente semblable, je pense que le client pourrait
revenir contre moi et faire annuler la vente en prouvant que je l'ai
trompé volontairement. C'est à peu près la question que je
voulais poser. Est-ce qu'il y a quelqu'un sur le territoire, est-ce que la
société nationale ou l'UPA a déjà examiné
cette possibilité de contester purement et simplement devant les
tribunaux et de faire, non pas rétrocéder, mais remettre le
terrain qu'on n'aurait jamais dû prendre? À ce moment, je pense
aussi au terrain. Je ne pense pas à conserver 17 000 acres, mais il
faudrait conserver au maximum les 5000 acres qui sont déjà
occupées. Je pense aussi aux 97 000 acres, ce qui veut dire 90 000 acres
qui devraient être remises simplement aux gens du milieu. Est-ce que
cette possibilité a déjà été examinée
par votre groupe?
M. Mercier: Non. Dans toute la légalité des choses,
dans tout l'aspect constitutionnel, si vous voulez, dans tout ce que cela
implique de démarches juridiques, de négociations entre paliers
de gouvernement et ainsi de suite, nous n'avons jamais analysé les
conséquences d'une décision ou d'une volonté comme
celle-là qui pourrait être exprimée. On peut affirmer que
c'est la solution. Cela pourrait être la solution, c'est l'idéal.
L'idéal, dans notre esprit, selon nos convictions, cela devrait se
faire. Il reste toujours le possible. À ce niveau, vous êtes mieux
équipés et d'autres sont mieux équipés que nous
pour répondre s'il y a ce possible.
Le Président (M. Rochefort): Merci. Sur ce, j'aimerais
remercier les représentants de la Société nationale des
Québécois des Laurentides de s'être présentés
devant nous.
J'inviterais maintenant M. Réal Paquette à se
présenter à la table des témoins. Soyez le bienvenu
à la commission et je vous inviterais à nous faire la
présentation de votre mémoire.
M. Réal Paquette
M. Paquette (Réal): Vous allez m'excuser si je n'ai pas
tellement les talents d'un écrivain. (17 heures)
Le Président (M. Rochefort): On n'est pas ici pour
évaluer les talents d'écrivain de qui que ce soit.
M. Paquette (Réal): Je m'adresse à tous les
députés. Le mémoire, c'est pour dire pourquoi j'ai investi
sur le territoire. Disons qu'en 1967 j'achète une des fermes
paternelles. Comme celle-ci n'est pas la ferme résidentielle, il y a en
place le strict minimum au point de vue des bâtiments; beaucoup reste
à faire. En 1969, lors de l'expropriation, des travaux avaient
déjà été réalisés: un silo avait
été érigé, les divisions à
l'intérieur de l'étable avaient été refaites.
À partir de la date de l'expropriation et jusqu'à la fin de 1971,
je suis hésitant: Dois-je partir ou bien rester? J'avoue que je ne suis
tenté ni par l'une, ni par l'autre des solutions. Peu de temps
après, on commence à nous faire miroiter l'idée qu'il
serait intéressant pour les exploitants de la place d'y demeurer. On
nous sécurise en nous disant que l'idée d'être
forcés de quitter les lieux est à peu près inexistante,
car nous sommes dans la zone "corridor de son".
J'étais rassuré sur les possibilités de demeurer,
mais le fait que j'étais en voie d'organisation était toujours
là. Des travaux de construction étaient à faire. Je
consulte et l'on me conseille alors de continuer, que l'on comprenait ma
situation. On m'autorise alors à effectuer ces travaux jugés
nécessaires au bon fonctionnement de mon entreprise. Ainsi
rassuré en paroles, un geste vient confirmer en 1971 cette
sécurité. Nous avions entre-temps rénové
l'intérieur de notre maison. Pensant que ces travaux n'étaient
pas essentiels au fonctionnement de l'entreprise, que c'était
plutôt un luxe, j'avais donc décidé d'en assumer le
coût. Mais quelle ne fut pas ma surprise lorsqu'on me demanda de fournir
les factures de cette
dépense, de calculer le temps que j'ai mis à cette
rénovation. Par la suite, on m'accorde un crédit de loyer pour
cette amélioration et cela, sans avoir à le demander. Alors, vous
comprendrez pourquoi je me sentais tout confiant. C'est alors que je me suis
mis à continuer en toute confiance les travaux déjà
planifiés.
En 1971, je construis un garage; en 1972, une remise à
machinerie; en 1973, je rallonge l'étable; en 1975, je fais monter un
silo, je bâtis une remise à moulée et une étable
à veaux; en 1976, je construis une grainerie; en 1977, je bâtis
une étable froide et, en 1980, je bâtis un silo à grains.
Tous ces travaux ont été évalués à environ
137 000 $ par un évaluateur. J'ai eu recours à une maison pour
fixer la valeur de ces constructions parce qu'il était difficile
d'évaluer à leur juste valeur des travaux qui avaient
été exécutés par des parents et moi-même.
C'est ainsi que j'ai travaillé pendant à peu près dix ans
à réaliser mon plan d'établissement.
Mais, soudain, tout mon enthousiasme s'écroule. Tout à
coup, je m'aperçois que cela ne va pas aussi bien qu'on nous l'avait
dit. Pendant un certain temps, on retire les subventions pour les travaux
mécanisés. Ensuite, lorsqu'à un moment donné je
veux effectuer un emprunt auprès du crédit agricole, je me rends
compte que l'on veut essayer de me coincer. Comme on demande un bail de dix ans
pour allouer un prêt, lorsqu'on arrive pour en négocier un avec le
gouvernement, on me demande de renoncer à mes améliorations. On
refuse alors de me rembourser, comme il avait déjà
été entendu. Auparavant, on m'avait dit: Construis; il y a un
comité en place, si on juge de rembourser les constructions pour un type
en particulier, cette décision sera appliquée pour tous les
autres dans le même cas. Ce qui ne fut pas le cas, parce que d'autres ont
été remboursés et, lorsqu'il s'agit de moi, on refuse.
Pourquoi? Je ne sais pas. On évoque toutes sortes de raisons plus ou
moins valables. Je demande justice et, comme pour se débarrasser de moi,
on m'écrit pour me dire que mon dossier est à l'étude.
Mais, où il y a de l'homme, il y a de "l'hommerie". Cela fait tout
près de trois ans que mon dossier est à l'étude.
Devant ces faits, à l'enthousiasme d'autrefois fait place un
autre genre de sentiment. D'abord, devant le fléau, je n'ai aucune
protection. Si jamais le feu prend chez moi, aucune assurance ne m'aidera
à remplacer ce qu'il aura dévasté. Aussi bien dire
qu'advenant un désastre, j'ai presque le chemin comme partage.
Mais je ne suis pas prêt à abandonner la partie. Si,
aujourd'hui ou demain, je renonçais à me battre pour garder mes
investissements, ce serait renoncer au meilleur de moi-même. Je suis
réaliste, je ne suis pas âgé, mais je n'ai plus vingt ans.
Je sais très bien qu'à vingt ans, on a beaucoup plus
d'enthousiasme dans son travail qu'à quarante ans, donc, c'est plus
rentable. Si je me résignais, je laisserais là le meilleur de
moi-même. Le meilleur de moi-même, je ne le donnerai certainement
pas au gouvernement, je le réserve pour mes enfants. Ma terre, je la
veux. Vous n'en avez pas besoin. Je ne paierai certainement pas le prix de
votre erreur, en m'adressant au gouvernement fédéral.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre de
l'Agriculture.
M. Garon: Quel prix vous attendez-vous à payer pour la
rétrocession? Êtes-vous dans la partie qui va être
rétrocédée?
M. Paquette (Réal): Oui, dans la partie à
rétrocéder.
M. Garon: Dans quelle municipalité? M. Paquette
(Réal): Saint-Hermas.
M. Garon: Quelle prix vous attendez-vous à payer pour la
rétrocession?
M. Paquette (Réal): Le prix qu'on s'attend à payer,
on a un organisme qui a travaillé là-dessus pour établir
des prix. Il s'agit de rencontrer ces gens. Il y a des modalités qui ont
été établies. On a été consulté, tout
est là. On voit qu'ils essaient de nous prendre individu par individu
pour essayer de mieux nous coincer. On pourrait partir du prix qu'on a
été payé pour commencer, moins les dédommagements
et les contraintes, de la façon qu'on a été payé.
Au moment où on a été payé, ils nous ont
donné des intérêts; au moment où ils nous ont
donné des intérêts, ils nous ont demandé du loyer,
cela fait qu'ils ont mangé les intérêts, ils n'ont rien
donné. Cela a été la façon de procéder.
M. Garon: Quand vous dites qu'il y a un organisme qui travaille
pour vous, quel est cet organisme?
M. Paquette (Réal): Le CIAC.
M. Garon: Vous êtes membre du CIAC?
M. Paquette (Réal): Oui.
M. Garon: Plusieurs personnes dans votre place sont membres du
CIAC?
M. Paquette (Réal): Je dirais à environ 98%.
M. Garon: Êtes-vous membre de la chambre de commerce?
M. Paquette (Réal): Non.
M. Garon: L'avez-vous déjà été?
M. Paquette (Réal): Non. Je ne suis pas
représentatif dans ce comité, dans le fond.
M. Garon: Pardon?
M. Paquette (Réal): Je ne suis pas représentatif
dans le comité de la chambre de commerce, je ne suis pas là.
M. Garon: II ne vous représente pas, vous voulez dire. Je
pense que cela répond à mes questions.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: J'aurais deux petites questions. Vous dites, à la
page 3, M. Paquette,...
M. Paquette (Réal): Oui.
M. Ryan: Vous dites, à la page 3, M. Paquette: "Mais
soudain, tout mon enthousiasme s'écroule; tout à coup, je
m'aperçois que cela ne va pas aussi bien qu'on nous l'avait dit; pour un
certain temps, on enlève les subventions sur les travaux
mécanisés". On, qui était-ce?
M. Paquette (Réal): Pardon?
M. Ryan: Qui vous a enlevé les subventions sur les travaux
mécanisés? Vous dites: À un moment donné, on nous a
enlevé les subventions sur les travaux mécanisés.
M. Paquette (Réal): Oui. M. Ryan: Qui?
M. Paquette (Réal): Bien, on n'en avait plus. On faisait
la demande, mais, comme on était sur le territoire exproprié, on
n'avait plus de subventions.
M. Ryan: À qui faisiez-vous la demande?
M. Paquette (Réal): Toujours à la même place,
au bureau régional...
M. Ryan: Au bureau de l'agronome? M. Paquette (Réal):
Oui, justement.
M. Ryan: Et on vous a dit qu'il n'y en avait plus.
M. Paquette (Réal): II n'y en avait pas sur le
territoire exproprié.
M. Ryan: D'accord. Ensuite, vous êtes allé effectuer
un emprunt au crédit agricole. On vous a, je suppose, demandé un
bail de dix ans?
M. Paquette (Réal): Oui.
M. Ryan: Maintenant, comment aviez-vous financé toutes les
améliorations que vous avez faites sur la ferme? Vous en avez fait pour
une valeur de 137 000 $.
M. Paquette (Réal): Oui.
M. Ryan: Comment avez-vous financé cela?
M. Paquette (Réal): J'ai été
exproprié, j'étais en place. Et vu que j'avais fait des
démarches au début, avant de commencer à faire des
investissements, je ne voulais pas les faire à peu près;
même avant de débuter, je leur ai dit: Si je dois investir et
donner cela au gouvernement, je ne suis pas intéressé, je vais
m'en aller. C'est pour cela qu'ils m'ont dit: Ne sois pas inquiet, c'est une
expropriation qu'on a faite, cela ne s'est jamais vu dans le Canada, mais on a
un comité là-dessus qui va étudier de quelle façon
cela va être reconnu.
Là-dessus, j'ai été bien confiant et, à ce
moment, je leur ai demandé s'ils s'en occupaient vraiment. On m'a dit:
II n'y a pas de problème. Je n'étais pas le seul dans ce cas. On
savait que la Société immobiliaire n'avait pas besoin du terrain.
On m'a dit: Tu peux être là 25, 30 ans, même plus. Si jamais
on a besoin de la place pour une raison ou pour une autre, les investissements
que tu auras faits là, on te les paiera, cela finit là. Si c'est
le gouvernement ou si c'est une compagnie qui s'en vient à ta place pour
une raison valable, on te paiera tes investissements, cela finit là.
J'ai été confiant, étant assuré qu'on était
dans la zone agricole.
M. Ryan: Mais comment avez-vous financé ces
investissements, M. Paquette?
M. Paquette (Réal): Je les ai financés. J'avais
été exproprié, j'ai réinvesti sur le territoire.
Mais l'erreur que j'ai faite, pour bien dire, c'est que j'ai tout
réinvesti dans le terrain et dans les bâtisses. La plus grande
erreur de ma vie a été de croire les employés du
gouvernement; aujourd'hui, je ne serais pas ici si je n'avais pas cru en
eux.
M. Ryan: Mais là, la ferme a pris de la valeur, avec tout
ce que vous avez mis dessus.
M. Paquette (Réal): Oui, elle a pris de la valeur, mais
rien ne m'appartient là-dessus. Si je passe au feu, aujourd'hui pour
demain, je suis dans la rue. Je n'ai pas d'assurance.
M. Ryan: Maintenant, je pense que c'est M. Laframboise qui nous a
conté hier qu'on a fini par lui donner un papier selon lequel on
reconnaissait que cela lui appartenait.
M. Paquette (Réal): Disons que je ne peux pas vous exposer
tout le dossier, je n'ai pas eu connaissance, en tout cas aux dernières
nouvelles, qu'on avait reconnu ses investissements. Je n'en ai jamais eu de
nouvelles. Il a payé son loyer, j'ai entendu dire, mais je n'ai pas
entendu dire qu'on avait reconnu ses investissements. C'est une autre chose,
cela.
M. Ryan: Hier, il nous a dit le contraire, si j'ai bien
compris.
M. Paquette (Réal): C'est possible, remarquez.
M. Ryan: Je ne voudrais pas me mêler de cela directement,
mais je pense qu'en poussant les démarches, parce que vous l'avez fait
vous-même, avec votre argent, il me semble que cela vous appartient.
M. Paquette (Réal): Oui, cela m'appartient. Mettons qu'on
me dise que cela m'appartient, ce n'est pas reconnu, je n'ai pas de papier,
rien.
M. Ryan: Mais, à un moment donné, si vous avez
besoin d'interprète, j'irai moi-même auprès de la
société immobilière lui dire que cela ne tient pas debout.
Correct?
M. Paquette (Réal): Pardon?
M. Ryan: Je lui dirai que cela ne tient pas debout, que cela vous
appartient, si c'est vous qui l'avez fait avec votre argent.
M. Paquette (Réal): Oui, oui. M. Ryan: Votre
travail... M. Paquette (Réal): Oui, oui. M. Ryan:
Bien, c'est à vous.
M. Paquette (Réal): Oui, je suis d'accord que cela ne
tient pas debout. C'est pour cela qu'on est rendu ici aujourd'hui.
M. Ryan: C'est cela.
M. Paquette (Réal): À ce jour je suis en vie, cela
marche, mais supposons que je me fasse tuer en m'en allant, ce soir, ma femme
et mes enfants, qu'est-ce qu'il leur reste à eux? Il ne leur reste rien,
sacrement!
M. Ryan: Regardez, c'est cela qu'on va essayer de travailler,
pour qu'il vous reste quelque chose.
M. Paquette (Réal): Mais si cela prend dix ans, on a le
temps de disparaître.
M. Ryan: Non, non, vous n'êtes pas disparu. Vous êtes
encore là et je pense que vous allez y rester longtemps. On va essayer
de vous donner un coup de main. Si le ministre veut nous aider, cela va
faciliter les choses.
M. Garon: Vous pourriez montrer votre pouvoir en invitant la
société immobilière à venir devant la
commission.
M. Ryan: On l'a fait ce matin, M. le ministre. On va attendre sa
réponse. Si elle ne répond pas, on va voir. D'accord? Vous pouvez
dire que j'ai appuyé cela "au coton" et, de plus, je vais faire passer
le message dans le journal dès la semaine prochaine; dans l'Argenteuil,
vous pourrez lire cela. Maintenant...
M. Paquette (Réal): Bien, j'espère que la
société immobilière va en tenir compte. Mais disons
qu'à ce jour, on ne peut pas dire qu'elle n'est pas au courant, cela ne
se peut pas. Elle est au courant de tout cela, mais elle fait la sourde
oreille. (17 h 15)
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le
député de Saint-Hyacinthe.
M. Dupré: M. Paquette, vous dites un peu plus loin: "Peu
de temps après, on a commencé à nous faire miroiter
l'idée..." Les années ont passé et, un peu plus tard, vous
dites: "Je consulte et l'on me conseille..." Un peu plus loin, vous dites:
"L'on m'autorisait..." Est-ce que c'était le même bureau ou les
mêmes personnes qui avaient toujours affaire avec vous?
M. Paquette (Réal): Oui, c'était le BANAIM, je
crois, dans le temps. Cela a changé de noms plusieurs fois. En tout cas,
c'était toujours au bureau du gouvernement à Sainte-Scholastique.
Les employés du gouvernement, du BANAIM...
M. Dupré: Est-ce que vous aviez une personne
attitrée à qui vous vous adressiez ou si cela changeait d'une
fois à l'autre?
M. Paquette (Réal): Nous, on avait affaire à celui
qui s'occupait des baux de notre région. C'était plutôt
à l'intermédiaire qu'on le demandait; il avait un
supérieur, il lui en faisait part. C'était toujours comme cela,
par l'intermédiaire d'une autre personne.
M. Dupré: Est-ce que cela se faisait par correspondance ou
de vive voix lorsque vous vous présentiez au bureau?
M. Paquette (Réal): De vive voix, j'allais au bureau. Les
autorisations de bâtir, je les ai eues, ils me les ont données par
écrit. Je ne l'ai pas fait sans m'occuper de ce qu'ils me disaient. J'y
suis allé avec les autorisations.
M. Dupré: Un peu plus loin dans votre mémoire, vous
dites: "J'ai eu recours à une maison pour fixer la valeur de ces
constructions." Comme plusieurs d'entre vous qui êtes passés
ici... Le coût de ces évaluations se chiffrait à...
M. Paquette (Réal): L'évaluation, c'est
marqué 137 000 $ à la fin du...
M. Dupré: Non, je veux dire le coût de la maison que
vous engagiez, quel montant cela vous coûtait-il?
M. Paquette (Réal): Ce que j'ai fait? M. Dupré:
Oui.
M. Paquette (Réal): Pratiquement, c'est environ 5000 $, je
ne peux pas vous dire si c'est 5025 $, c'est environ 5000 $. Ils m'ont
donné un rabais de loyer, sans que je le demande, sur une période
de X années, pour me rembourser de cette façon. Je me suis dit:
S'ils me remboursent pour la maison, si jamais il y a quelque chose pour les
bâtiments et l'exploitation, il n'y aura pas plus de problème. En
attendant, si j'avais attendu d'avoir des papiers quand je me préparais
à bâtir - ce n'était pas dans deux ou trois ans que
j'étais prêt - si j'avais su ce que je sais, je ne serais pas ici,
je serais parti. C'est une erreur que j'ai faite.
M. Dupré: Pour préciser ma question, lorsque je
parle de recours à une maison...
M. Paquette (Réal): Oui.
M. Dupré: ... vous avez engagé une maison
spécialisée?
M. Paquette (Réal): En voyant...
M. Dupré: C'est ce montant que j'aimerais
connaître.
M. Paquette (Réal): C'est cela, c'est leur montant
à eux.
M. Dupré: 5000 $?
M. Paquette (Réal): Non, non. Le montant qu'ils m'ont
pris, eux?
M. Dupré: Oui.
M. Paquette (Réal): Ils m'ont demandé environ 400
$. J'ai un dossier; de toute façon, si je l'avais apporté,
j'aurais pu le montrer.
M. Dupré: Un peu plus loin, vous dites que vous vous
interrogez, que vous ne savez pas pourquoi on vous a refusé, et on vous
donnait toutes sortes de raisons, plus ou moins valables. Est-ce que vous
pourriez m'en énumérer quelques-unes? Quelles sont les raisons
les plus...
M. Paquette (Réal): La raison exacte que j'ai eue, c'est
qu'ils étudiaient mon dossier. Avant de faire avancer le dossier, j'ai
reçu une lettre disant qu'ils ne payaient pas mes investissements. La
raison exacte, je ne la connais pas, je ne peux pas vous la dire. Je me demande
encore pourquoi. Je me demande si ce n'est pas parce que j'étais trop
agriculteur; cela a été mon erreur, j'aimerais trop être
cultivateur. J'ai investi, j'ai donné tant que j'ai pu, j'ai fait
l'erreur, je l'avoue, d'avoir cru en eux.
M. Dupré: M. Paquette, au moment où l'on se parle,
croyez-vous que les aménagements et les nouvelles constructions que vous
avez faits, c'est vous qui en êtes le propriétaire ou si
c'est...
M. Paquette (Réal): Je crois que c'est moi qui suis le
propriétaire. C'est bien beau de dire que je le suis, mais, si je passe
au feu aujourd'hui pour demain, je n'ai plus rien. Être
propriétaire comme cela, ce n'est pas trop une grosse
sécurité.
M. Dupré: Pour pousser un peu plus loin, savez-vous que,
selon la Loi sur les assurances, si c'est le gouvernement qui en est le
propriétaire, vous pourriez même jusqu'à avoir des
réclamations pour dommages si jamais ces bâtiments passaient au
feu?
M. Paquette (Réal): Disons qu'on a eu des cas qui se sont
produits comme cela dans la région de Mirabel. J'imagine que vous avez
entendu parler de toutes les difficultés qu'ils ont eues pour venir
à bout de faire reconstruire; même construire à leurs
frais, même sans autorisation, il n'y avait pas possibilité. Pour
donner les autorisations, ils disaient: Signez ce bail, renoncez à vos
investissements, vous allez les avoir, les autorisations. C'est de même
qu'ils fonctionnent. Ce n'est pas une manière, c'est quasiment comme
Hitler: "Fais cela, ou bien tu plantes là". C'est à peu
près pareil.
M. Dupré: Est-ce que vous avez eu
connaissance que le gouvernement, qui se dit le propriétaire
présentement, ait réclamé des sommes à cause
d'incendie ou de délabrement?
M. Paquette (Réal): Oui, il y a une maison qui a
passé au feu, entre autres. Les gens ont demandé à
être payés. Il y a des montants qui ont été
donnés, la maison a été payée et celui qui a
passé au feu s'est rebâti à ses frais; en tout cas, cela a
fait l'objet d'un procès. Vivre ce que le gars a vécu, c'est
qu'ils l'ont fait vieillir de dix ans en cinq ans, c'est sûr, il n'y a
pas d'erreur. 3e me mets à sa place...
M. Dupré: Après le feu, il a été
obligé de reconstruire à ses frais.
M. Paquette (Réal): II a reconstruit à ses frais
parce qu'il logeait trop loin, ce n'était pas accessible. Quand vous
avez trois milles à faire que vous avez des bâtiments, et que vous
allez à l'étable deux ou trois fois par nuit.
M. Dupré: À la suite d'un jugement de la cour.
M. Paquette (Réal): Pardon.
M. Dupré: À la suite d'un jugement de la cour.
M. Paquette (Réal): Qu'il a?
M. Dupré: Qu'il a été obligé de
rebâtir.
M. Paquette (Réal): Non, non, non.
C'est lui qui a rebâti parce que ce n'était pas possible de
vivre dans des conditions comme ça.
M. Dupré: Merci.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le
député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Rapidement, ce qui m'inquiète, M. Paquette,
dans votre cas, à part du problème de rétrocession qui est
commun à tout le monde, c'est lorsque vous écrivez: "Aucune
assurance ne m'aidera à remplacer ce qui sera dévasté."
Cela c'est assez capital, comme vous dites, ça peut arriver
après-midi, ça peut arriver ce soir, ça peut arriver
demain matin. Sur le plan personnel, est-ce que vous avez fait des
démarches pour tenter de trouver un courtier ou une compagnie ou, si
vous n'en avez pas fait personnellement, est-ce que le CIAC en a fait?
Étant donné que vous représentez un paquet de gens, vous
êtes un client intéressant pour...
M. Paquette (Réal): Oui. On a fait des démarches.
J'en ai fait personnellement. Ils ne pouvaient pas m'assurer, étant
donné que je n'étais pas propriétaire. Demandez aux
mutuelles de paroisse, elles vont vous le confirmer. Je l'ai demandé. Je
voudrais être assuré au moins pour mes bâtisses parce que si
je passe au feu, je n'ai rien.
M. Paradis: C'est d'accord, ça va. Merci.
Le Président (M. Rochefort): M. le ministre de
l'Agriculture.
M. Garon: J'ai une question additionnelle. Quand vous êtes
allé au Crédit agricole on vous demandait un bail de dix ans. Ils
n'ont pas le choix, c'est la loi.
M. Paquette (Réal): Oui.
M. Garon: Vous dites: Lorsqu'on arrive pour en négocier un
avec le gouvernement -je suppose que ça devait être avec la
société immobilière? - ...
M. Paquette (Réal): Oui.
M. Garon: ... on me demande de renoncer à mes
améliorations. Ils vous ont demandé de renoncer dans quel
sens?
M. Paquette (Réal): Bien, disons, il aurait fallu que je
signe un papier. À la fin du compte, ils me l'ont accordé le
bail. On peut dire que dans ce temps-là, ça fait quelques
années, ça fait environ cinq ans, ils étaient un peu plus
coulants. Je n'aurais pas signé le bail pour avoir le prêt
agricole je l'aurais évité plutôt. Là, ils me l'ont
accordé; ils n'ont pas marqué que les investissements, ça
leur appartenait. Mais ça reste toujours. Je n'ai pas voulu le signer.
La clause a été enlevée et à ce moment-la je l'ai
eu. Mais, aujourd'hui, plus ça va plus ils serrent la vis. Si on n'avait
pas notre organisme pour nous défendre nous serions vraiment mal pris,
quelque chose de grave.
M. Garon: D'accord, je vous remercie, M. Paquette.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le
député de Rivière-du-Loup.
M. Boucher: Vous dites que lorsque vous avez fait les
réparations dans votre maison, ils vous ont offert, sans que vous le
demandiez, de vous rembourser par un crédit de loyer. En 1971, quand
vous avez construit votre garage, est-ce que vous avez fait une demande ou
est-ce qu'ils vous ont offert encore de vous rembourser en payant le loyer.
M. Paquette (Réal): Non, non. J'ai fait
une demande pour construire puis, pour les bâtisses, il n'en
était pas question parce qu'il y avait toujours de nouveaux baux. Ce
n'était pas fini, les baux étaient encore à
l'étude. Ils ont été à l'étude pendant huit
ans, je crois. On signait des baux. Ce bail qu'on signait on nous disait que
c'était un bail temporaire. Le bail qui s'appliquait, c'était
toujours le nouveau bail qui aurait été renégocié.
Il était supposé se passer avec notre organisme et d'autres; un
bail type, si on veut. C'était toujours le nouveau bail qui était
en vigueur. Autrement dit, c'est comme si on avait dit: Signe ce
bail-là, mais il ne vaut rien. Quand l'autre sera en vigueur on
l'acceptera, c'est celui-là qui va être bon. Ce sont les
réponses qu'ils m'ont faites. Ils travaillaient toujours dans le but
d'essayer de nous faire un bail qui aurait eu du bon sens, mais en fin de
compte on ne l'a jamais eu.
M. Boucher: Mais, chaque fois que vous faisiez un investissement,
ils vous disaient toujours: On réglera ça tout ensemble,
quoi?
M. Paquette (Réal): Oui, on va analyser ça. On a
quelqu'un qui travaille là-dessus. Dans les derniers temps, il y avait
M. André Ethier qui avait été nommé pour travailler
là-dessus, exactement, spécialement pour les investissements. Il
n'a pas été là énormément longtemps. Je les
ai toujours invités: Venez voir, vous allez voir ce que j'ai construit.
Je leur donnais les dimensions, tout, une évaluation approximative. Ils
ne sont jamais venus, je ne les ai jamais vus.
M. Boucher: Le moins qu'on puisse dire, c'est que vous leur
faisiez confiance.
M. Paquette (Réal): Trop confiance.
M. Boucher: Quand on regarde le nombre d'investissements que vous
avez faits chaque année...
M. Paquette (Réal): Je m'aperçois, je vous
dis...
M. Boucher: ... et que vous attendez encore parce qu'ils disent
que votre dossier est à l'étude.
M. Paquette (Réal): Oui. M. Boucher: Merci.
Le Président (M. Rochefort): Merci. Alors, M. Paquette, au
nom des membres de la commission je tiens à vous remercier de vous
être déplacé pour venir nous rencontrer. Vous vouliez
ajouter quelque chose?
M. Paquette (Réal): Non.
Le Président (M. Rochefort): Non, parfait. Merci
d'être venu.
M. Paquette (Réal): Si vous avez des questions, ça
va me faire plaisir. Je suis ici, c'est le temps.
Le Président (M. Rochefort): Je crois que les membres de
la commission ont eu l'occasion de vous adresser les questions qu'ils avaient
en tête. J'inviterais maintenant M. Jacques Desrosiers à prendre
place à la table.
M. Jacques Desrosiers M. Desrosiers (Jacques): Merci.
Le Président (M. Rochefort): M.
Desrosiers, bienvenue à la commission. Je vous demanderais de
nous présenter votre mémoire.
M. Desrosiers: Mon mémoire pourrait s'intituler "Un
changement de production"; cela n'a pas été inscrit
là-dessus.
M. le Président, M. le ministre, MM. les commissaires, en mars
1969, je suis devenu un locataire. Quelle déception! Pour un jeune de
mon âge qui devenait propriétaire de la ferme paternelle à
un prix minime. Ce pourquoi je suis sur le terrain exproprié, c'est que
mon père était propriétaire de la ferme que j'exploitais,
lors de l'expropriation. Dès le début de 1969, je faisais les
démarches pour acheter cette terre. Le notaire était en train de
monter le dossier. On l'avise que l'aéroport s'implantait à
Mirabel. Je décide quand même de prendre la relève en
continuant dans la production du lait. Mon troupeau était
localisé dans deux étables. En 1972, avec autorisation, j'ai
dû agrandir ma grange-étable pour garder plus d'animaux pour la
traite, en défrayant moi-même les coûts de la
bâtisse.
En 1974, j'ai dû me construire une remise pour mettre à
l'abri certaines machineries. En 1975, pendant que ma production
laitière allait bon train, j'ai dû investir à nouveau pour
avoir un silo pour entreposer ma récolte, toujours sur le territoire
loué. En 1979, je rencontre les responsables du ministère des
Travaux publics et de l'Approvisionnement, leur mentionnant que je
désire aménager tout mon troupeau dans une même
étable, leur faisant connaître mon plan, ma façon de
procéder et leur disant que j'étais prêt à la
construire moi-même, seulement moyennant quelques garanties de ma part.
J'ai obtenu la réponse quelques semaines plus tard. Ils me disent qu'il
fallait absolument que le tout soit fait par soumissions. On m'a établi
tout un procès-verbal concernant cette nouvelle vacherie, comme
résultat que le coût total de la bâtisse s'élevait
à une somme de 70 000 $ environ. La répartition de ce
montant s'élevait à une augmentation de loyer d'environ
300 $ par mois. Mon loyer actuel de 204 $ se chiffrait alors par 504 $ par
mois.
Réflexion faite de ma part, je renonce à ce projet, car je
trouvais l'augmentation de loyer trop élevée. Me voyant incapable
de continuer la production laitière sans faire d'amélioration,
j'ai envisagé de vendre mon troupeau et d'aller vers la production de
boeuf qui me demandait moins de réorganisation de la bâtisse.
En novembre 1979, je m'achète un coin de terre à environ
un mille de ma ferme louée du ministère, dans le même rang.
Je deviens propriétaire. En août 1980, je construis un parc
d'engraissement sur ma petite ferme. Je redeviens donc un cultivateur qui a le
droit, comme tous les agriculteurs du Québec, de planifier à long
terme son entreprise, sans avoir à demander de permission et surtout
sans craindre de se faire enlever ses investissements qui lui appartiennent.
J'obtiens aussi une subvention du gouvernement provincial pour mon parc
silo-puits à laquelle je n'aurais pas eu droit si je m'étais
bâti sur la ferme louée.
Étant dans le secteur de Saint-Hermas où il y a une
rétrocession, je suis un agriculteur qui est prêt à devenir
propriétaire, mais je ne suis pas prêt à payer l'erreur de
l'expropriation.
Je demande qu'on nous rende nos titres de propriété le
plus vite possible et qu'on tienne compte des dommages, de l'injustice, de
l'insécurité que l'on vit sur le territoire; qu'on nous rende nos
terres expropriées inutilement à un prix juste et raisonnable.
À mon avis, les conditions qu'offre la SIC vont être à
négocier plusieurs heures. Je suis un agriculteur qui veut redevenir
propriétaire. Merci. (17 h 30)
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre de
l'Agriculture.
M. Garon: Vous dites que vous avez voulu bâtir une nouvelle
vacherie. Si j'ai bien compris, c'est la société
immobilière qui devait la bâtir elle-même ou
l'organisme...
M. Desrosiers: Oui. C'était le ministère des
Travaux publics, dans le temps; j'avais demandé à la construire
moi-même mais ils avaient le projet de bâtir eux-mêmes. Cela
marchait par soumissions pour les entrepreneurs.
M. Garon: Si vous l'aviez bâtie vous-même, vous
auriez évalué le coût à combien?
M. Desrosiers: C'est pour cela que je leur avais demandé
de la bâtir, parce que je l'évaluais au moins à la
moitié de cela; à 35 000 $ ou à 40 000 $ je calculais
pouvoir la bâtir.
M. Garon: Vous auriez bâti cela vous-même avec...
M. Desrosiers: En engageant des ouvriers, en étant
moi-même l'entrepreneur, disons.
M. Garon: Qu'est-ce qui est arrivé? L'avez-vous
bâtie?
M. Desrosiers: Non, je ne l'ai pas bâtie; c'est cela qui
est arrivé. J'ai décidé que j'abandonnais l'industrie
laitière, puis c'est cela qui m'a amené à regarder pour
m'acheter une terre. J'ai acheté une terre à un mille de chez
moi, juste dans le même rang, dans Saint-Hermas, dans la partie qui n'est
pas expropriée. C'est là que je suis allé me
bâtir.
M. Garon: Avez-vous gardé la terre que vous aviez?
M. Desrosiers: Oui, j'ai continué à la louer parce
que j'ai un bail qui finit en 1986.
M. Garon: Quelle grandeur avez-vous?
M. Desrosiers: La terre que je loue?
M. Garon: Oui.
M. Desrosiers: Je loue 250 arpents.
M. Garon: Vous payez combien par...
M. Desrosiers: Actuellement, je paie 335 $ par mois, mais mon
bail est indexé au mois d'octobre, je ne sais pas comment je vais
payer.
M. Garon: Vous avez acheté un autre morceau pour votre
boeuf, pour l'engraissement?
M. Desrosiers: Oui.
M. Garon: Quelle grandeur?
M. Desrosiers: C'est 60 acres.
M. Garon: Vous avez bâti le parc d'engraissement.
M. Desrosiers: J'ai bâti le parc d'engraissement; mes
animaux sont là; je demeure quand même sur l'autre ferme, parce
qu'il n'y a pas de maison là encore.
M. Garon: Vous faites vos remboursements au crédit
agricole.
M. Desrosiers: Oui. Je suis devenu,
comme je dis dans mon mémoire, un cultivateur comme les autres au
Québec. J'ai emprunté à l'Office du crédit
agricole, je fais mes paiements là et je suis très heureux. Je me
dis que j'ai fait une erreur dans ma vie; c'est qu'en 1970 je ne suis pas
allé m'acheter une terre. J'ai attendu dix ans.
M. Garon: Est-ce que vos montants que vous remboursez sur votre
deuxième ferme sont très considérables?
M. Desrosiers: Actuellement, les montants que je rembourse sur
mon autre ferme, comparativement à mon loyer, il n'y a pas tellement de
différence, je les ai pris à assez court terme; dans quinze ans
je vais être complètement propriétaire de cela.
M. Garon: De la ferme, du parc d'engraissement et du silo.
M. Desrosiers: Tout. La partie hypothécaire était
de quinze ans, la partie nantissement était de sept ans; cela fait que
les montants vont baisser au bout de sept ans.
M. Garon: En ce qui concerne la ferme, est-ce que c'est vous qui
avez été exproprié ou votre père?
M. Desrosiers: Mon père, mais...
M. Garon: Combien avait-il obtenu de l'acre?
M. Desrosiers: C'était 210 $ dans ce temps-là, je
suis certain. Les montants exacts, je ne peux pas vous les dire.
M. Garon: Au fond, vous, vous étiez prêt à
vous établir à peu près à ce moment-là.
M. Desrosiers: Oui, parce que, lorsque l'aéroport est
arrivé, j'achetais la part paternelle; les papiers étaient
déjà rendus chez le notaire.
M. Garon: Achetiez-vous pour un prix très
élevé? Plus cher que l'expropriation ou moins cher?
M. Desrosiers: Pas mal moins cher, je dirais la moitié
prix de ce que mon père avait eu.
M. Garon: Cela veut dire qu'aujourd'hui, au bout de 15 ans, elle
serait payée aussi; vous auriez en plus la plus-value.
M. Desrosiers: Oui.
M. Garon: La ferme vous appartiendrait.
M. Desrosiers: Oui. C'est cela qui arrive lorsqu'un
agriculteur... Mon idée, c'est qu'un agriculteur qui est à loyer,
il perd la plus-value, parce que, en agriculture, qu'est-ce qui fait que le
cultivateur fait de l'argent ou qu'il se réveille, au bout de 20 ans, sa
terre à lui? Que ce soient des vaches, que ce soit du boeuf ou que ce
soit autre chose, cela le fait juste vivre. Il lui reste son fonds de pension,
il lui reste sa terre. Quand tu restes à loyer, tu perds tout cela. Ton
loyer, après cinq ans, après dix ans, s'il s'est indexé,
tu paies toujours un loyer, tu paies un crédit agricole, en fait. Pour
moi, c'est fini. Si je ne rachète pas là, je vais acheter
ailleurs. C'est officiel. À loyer, il n'en est plus question.
M. Garon: En fait, on a eu beaucoup de témoignages
jusqu'à maintenant de la part des cultivateurs. On remarque que les gens
qui ne sont pas familiers avec l'agriculture peuvent constater que la plupart
des agriculteurs sont d'importants investisseurs. Aussitôt qu'ils ont 1 $
- et parfois même quand ils ne l'ont pas - ils l'investissent
immédiatement. Quand ils ont atteint un certain âge, en tout cas,
tous ceux qui sont venus m'ont montré comment fonctionnent les
cultivateurs. C'est à peu près le même modèle
général. Rendus à un certain âge, ils pensent qu'il
y a un de leurs enfants qui va les remplacer sur la ferme, mais il y a une
période de transition. Quel prix pensez-vous payer pour votre ferme,
pour la rétrocession?
M. Desrosiers: Ce ne sera pas plus que le prix qu'ils ont
payé moins les dommages. C'est officiel. Cela fait dix ans qu'ils nous
causent des dommages. En fait, ils nous ont expropriés pour rien. Ils
sont arrivés et ils ont pris. Normalement, une expropriation, c'est pour
des fins publiques. Donc, des fins publiques, ça peut être un
aéroport, mais l'aéroport ne vient pas jusqu'à
Saint-Hermas, même si nous sommes dans la rétrocession. Donc, elle
a été expropriée pour rien. On n'a pas raison de payer
plus cher que le prix qu'ils ont payé moins les dommages, parce que ce
sont eux qui ont causé les dommages. Ce matin, on parlait de la Great
Lakes, à Lachute, qui a été bâtie. Si j'avais
été propriétaire de ce terrain, je serais encore avec
cette affaire, parce que je me dis qu'ils ont exproprié ces fermiers
dans le but de faire un aéroport et non de vendre cela à une
compagnie multinationale. Si les gouvernements font cela, il n'y a plus de
justice, il n'y a plus rien. Ils vont s'en aller chez vous et ils vont vous
exproprier votre maison pour la revendre à un autre. Cela ne fonctionne
plus.
M. Garon: Vous posez un problème
moral, vous!
M. Desrosiers: C'est un problème moral, mais c'est ce par
quoi on passe. Cela n'a pas d'allure, cela n'a pas de sens.
M. Garon: Cela a dû vous poser un problème, parce
que souvent, le moral est élastique.
M. Desrosiers: Oui.
M. Garon: Les gens ont des convictions temporaires. Je suis
parfaitement de votre avis. Je ne pense pas que le gouvernement
fédéral ait le droit de s'enrichir dans une opération
comme celle-là.
M. Desrosiers: Le gouvernement fédéral ou
provincial; toute forme de gouvernement, en fait!
M. Garon: Qui exproprie pour une fausse raison. D'ailleurs, j'ai
un cas d'expropriation où on hésite terriblement, parce qu'on
calcule que les gens, localement, doivent faire leur travail. Ce serait un parc
d'hivernement à Newport où ce serait un investissement
considérable, mais des gens ont acheté les terrains et ils
veulent faire une piastre parce qu'ils ont su que le gouvernement était
près d'acheter. Ce n'est pas plus moral pour les individus que pour les
gouvernements. La Loi sur la protection du territoire agricole a
été faite justement pour empêcher cette spéculation
qui se faisait sur les terres agricoles, un peu dans le sens que vous
mentionnez. Il y a encore des chasseurs de sorcières qui nous disent
qu'on a zone des cimetières, alors qu'il y avait des droits acquis pour
les cimetières dans le zonage agricole.
J'aurais d'autres questions à vous poser. Êtes-vous membre
du CIAC?
M. Desrosiers: Oui. Même que je suis directeur de
l'UPA.
M. Garon: Êtes-vous membre de la chambre de commerce?
M. Desrosiers: Non. Mais j'ai mon idée là-dessus.
Je crois que les cultivateurs, on devrait prendre cela en main, la chambre de
commerce, on devrait tous devenir membres de la chambre de commerce, puis la
contrôler, en fait.
M. Garon: Connaissez-vous des cultivateurs qui sont membres de la
chambre de commerce?
M. Desrosiers: Non, je n'en connais pas. Je pense que c'est un
mouvement, la chambre de commerce, qui a toujours représenté les
commerces ou... les cultivateurs ne se sont jamais affiliés à
cela. Pour les cultivateurs, tu as l'UPA, tu as d'autres organismes qui te
représentent, mais si la chambre de commerce vient mettre son nez
là-dedans, il va falloir qu'on embarque avec elle, nous autres.
M. Garon: Je vous remercie.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Je voudrais poser une question au ministre. Est-ce que
je pourrais lui demander quel intérêt il poursuit en posant
toujours une question à propos d'un organisme particulier qui n'est
même pas devant nous, ici, qu'on a décidé ce matin
d'inviter à venir nous rencontrer? Je ne sais pas quelle utilité
cela peut avoir, je cherche cela.
M. Garon: Eh bien, c'est parce que, simplement, au début,
on a parlé du développement de la chambre de commerce, et vous en
avez parlé entre autres. J'ai dit que, quand on parlait de
développement agro-alimentaire, il y avait des organismes qu'on
consultait: l'Union des producteurs agricoles, les sociétés
d'agriculture, parfois les coopératives. On consulte rarement les
chambres de commerce et il arrive parfois que les organismes s'arrogent des
droits de représentation qu'ils n'ont pas. Ils laissent entendre au
public qu'ils représentent du monde qu'ils ne représentent pas.
Comme j'ai cru discerner au début que la chambre de commerce et ceux
qu'on mentionnait à un moment donné avaient indiqué
qu'elle pouvait parler au nom de l'agriculture, je vérifie tout
simplement, parce que, moi, je ne connais pas le caractère
représentatif de la chambre de commerce dans le secteur agricole et je
veux m'informer. Comme il passe des cultivateurs, eh bien, je le leur demande.
Je me dis qu'à un moment donné, arrive un monsieur de
Saint-Hermas de Sainte-Monique, ou d'une autre paroisse qui peut m'apporter un
renseignement. À ce jour, je n'ai vu personne qui connaissait des
membres de la chambre de commerce et qui était cultivateur, sauf un qui
dit qu'il l'a déjà été puis qu'il a
lâché. C'est donc pour voir d'un peu plus près;
après cela, je vais avoir une idée des organismes
représentatifs du territoire, parce qu'il y en a parfois qui mettent en
doute le caractère représentatif du CIAC. Moi, le premier, la
première fois que j'ai rencontré des gens du CIAC, je me suis
informé de leur caractère représentatif, s'ils
étaient représentatifs ou non. Selon les rapports que j'ai eus,
ils représentent beaucoup de gens dans le territoire, principalement les
expropriés de la première heure, puis, graduellement, ils en sont
venus à en représenter d'autres. Je pense bien que
c'est important de connaître la représentativité des
organismes parce que, éventuellement quand on fait des consultations, il
faut consulter les personnes qui représentent vraiment le monde.
Comme vous savez, au temps des pays colonisés, quand l'Angleterre
ou la France avaient des colonies en Afrique, il y avait toujours le
nègre de service, comprenez-vous? On le présentait car il avait
réussi. Il parlait au nom des autres, mais il ne représentait pas
nécessairement les autres. Alors, je m'informe toujours pour savoir si
les organismes sont vraiment représentatifs. Je l'ai demandé
à la municipalité, qui est un organisme indépendant, et
qui m'a dit qu'elle aussi considérait le CIAC comme un organisme
représentatif. Le maire de Mirabel me disait ce matin que la chambre de
commerce représentait plutôt des gens en dehors du territoire de
Mirabel; je pense que c'est un témoignage important.
Il n'y a rien de mauvais pour un organisme de représenter des
gens, mais, s'il représente des gens qui sont en dehors du territoire,
il représente ces gens-là, pas nécessairement les gens du
territoire. C'est important pour nous de savoir quels sont les gens qui parlent
au nom des gens de Mirabel. Il y a des individus qui viennent, mais on ne
pourra pas rencontrer les 5000. On pourra en rencontrer un certain nombre, il y
a 43 mémoires. Mais, pour la suite des choses, avec qui allons-nous
dialoguer pour établir les modalités de l'opération, les
plans de relance, les choses comme cela? Je pense que c'est important de savoir
quels sont les organismes représentatifs et c'est dans ce but que je
pose ces questions.
M. Ryan: Je trouve que cela prend bien du temps avant d'avoir une
réponse à une question bien élémentaire.
Franchement, si vous voulez vous enquérir, M. le ministre, de la
représentativité du CIAC, ce sont des gens du CIAC qui sont ici
de toute évidence; c'est parfait, il n'y a personne qui n'a d'objection
à cela. Je l'ai fait moi-même et j'ai été content
des réponses qu'on m'a apportées, et on continue. La chambre de
commerce va venir et vous dites qu'elle s'est présentée comme
porte-parole de la classe agricole. Vous avez été mal
informé, parce qu'à ma connaissance elle n'a jamais fait
cela.
M. Garon: Je n'ai pas dit cela.
M. Ryan: Elle a le droit d'émettre des opinions sur
l'agriculture, même si elle n'est pas elle-même une
représentante directe de la classe agricole. Elle en a le droit, comme
on parle tous d'éducation. On ne connaît pas beaucoup cela, tout
le monde, mais on en parle tous ou à peu près.
M. Garon: Ce n'est pas pareil.
M. Ryan: On a hâte de connaître votre opinion
là-dessus vous aussi, mais je reviens à notre sujet. C'est
seulement une remarque que je faisais, mais, comme on achève, cela
n'aura pas beaucoup d'effet de toute manière et les réponses
qu'on a ne changent pas le problème de la chambre de commerce, pas du
tout; elle va venir, on va l'écouter, si elle vient. On va voir ce
qu'elle représente, on va le leur demander et, si on n'est pas
satisfait, on fera d'autres enquêtes.
M. le témoin, je n'ai pas énormément de choses
à vous demander sauf une question: Vous avez fait des
améliorations assez importantes à la ferme dont vous êtes
locataire, une ancienne ferme de votre père.
M. Desrosiers: Oui.
M. Ryan: Vous avez agrandi la grange-étable, vous avez
construit une remise pour votre machinerie.
M. Desrosiers: Oui.
M. Ryan: Ensuite, vous avez construit un silo.
M. Desrosiers: Oui.
M. Ryan: Vous auriez voulu aller plus loin, mais il y a eu des
stops qui ont été mis, vous avez dit: C'est quasiment aussi bien
d'acheter quelque chose ailleurs. Les améliorations que vous avez faites
là-dessus, quelle valeur cela peut-il avoir?
M. Desrosiers: Cela se chiffre à environ 20 000 $.
M. Ryan: 20 000 $?
M. Desrosiers: Que j'ai investis de ma poche. Pour aller plus
loin, ce n'est pas écrit dans mon mémoire, mais je suis rendu en
Cour supérieure avec le fédéral. Depuis 1978, j'ai retenu
mon loyer pour me faire reconnaître mes investissements. Je demande
seulement un papier disant qu'on reconnaît mes investissements, disant
qu'ils m'appartiennent, qu'on ne voudra pas me les revendre et je paie le
loyer. Je ne l'ai pas encore ce papier. On est encore en Cour
supérieure. Si jamais cela passe, c'est le juge qui décidera,
mais en tout cas.
M. Ryan: Votre loyer n'a pas été changé
à cause de ces améliorations?
M. Desrosiers: Mon loyer est déposé en fiducie
à la caisse populaire, dans un compte à part.
M. Ryan: Vous êtes parmi ceux qui sont
encore en démarche judiciaire?
M. Desrosiers: Oui. De toute façon, il y a eu des offres
de faites, il y a tout eu.
M. Ryan: Et la ferme que vous avez achetée, vous avez dit
tantôt combien vous l'avez payée, je pense que c'est ...Non, vous
ne l'avez pas dit.
M. Desrosiers: Non, je ne l'ai pas dit.
M. Ryan: Combien l'avez-vous payée celle-là, si ce
n'est pas indiscret?
M. Desrosiers: La ferme que j'ai achetée, je l'ai
payée 1000 $ l'arpent.
M. Ryan: 1000 $ l'arpent.
M. Desrosiers: Maintenant, je vais vous expliquer pour quelle
raison, et dans le contexte. Une ferme, si elle avait eu 250 arpents, je ne
l'aurais pas payée ce prix-là, non, c'est parce qu'elle
était située à un mille...
M. Ryan: De chez-vous.
M. Desrosiers: ... de chez-nous. Le propriétaire qui est
à côté de moi, c'est le gouvernement fédéral,
donc, j'étais le première ferme. Et puis si je bâtissais
mon parc d'engraissement sur le terrain loué, je n'avais aucune
subvention du Québec; donc, en le bâtissant là-bas, j'ai eu
la subvention des parcs d'engraissement et tout ce qui se rattachait à
cela. Et puis, il y a autre chose. Si le prix des terres à
l'extérieur du territoire est si élevé ou était si
élevé - là, il l'est un peu moins - c'est que quand ils
ont gelé 97 000 acres, cela a créé une rareté de
terres à l'extérieur.
Je sais qu'en 1970, j'ai été voir des terres à
l'extérieur du territoire, pas loin, et les gars nous voyaient venir.
Ils nous demandaient vraiment des prix de fous. Encore là, je l'ai
payée un prix de fou. Mais c'était un petit coin de terrain pour
bâtir, pour être chez nous.
M. Ryan: Très bien, quand vous dites, vous...
M. Desrosiers: Après cela, je vais vous répondre.
Quand ils nous parlent de la revente et qu'ils nous disent - cela m'a fait
sauter - qu'ils ne veulent pas revendre tout le territoire, qu'on parle de 48
000, 50 000 acres, parce que s'ils vendent tout dans un bloc, ils vont
démolir la valeur marchande à l'extérieur du territoire,
mais ils l'ont créée artificiellement en 1969, et ils n'ont pas
parlé de cela. Ils ne le disaient pas, qu'ils l'ont créée
artificiellement.
Après cela, ils disent que les maisons, les commerces, ils les
vendent, mais les fermes, ils vont les louer ou les vendre. Encore là,
c'est pour ne pas en mettre trop sur le marché, pour ne pas
démolir à l'extérieur du territoire la valeur marchande.
Je ne suis pas d'accord avec eux. C'est nous qui l'avons subie, la hausse,
c'est le gars qui est parti, qui est sorti du territoire, qui s'en est
allé à l'extérieur, à dix milles de chez lui,
où il a payé la terre probablement une fois et demie ce qu'elle
valait. Parce que le prix avait monté. Donc, c'est le
fédéral qui l'a créée artificiellement à
l'extérieur du territoire. L'argument selon lequel ils ne veulent pas
faire baisser la valeur marchande à l'extérieur du territoire ne
tient plus.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Kamouraska-Témiscouata.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):
Moi, j'ai eu la chance d'aller cet été visiter un peu les
abords de l'aéroport, venant du Bas-du-Fleuve, une région
où certains d'entre vous connaissez sûrement des fermes, des
terres de roches. Je suis même producteur agricole, au moment où
je vous parle, et député. J'ai peut-être mal
tourné... Je me demande une chose, Quand on voit tout cela, moi, je
trouve cela aberrant et inacceptable, je ne comprends pas. Connaissant le
milieu agricole, comme je vous l'ai dis tout à l'heure, je suis
agriculteur, il me semble que ces gens sont malins, fermes et quand c'est le
temps de prendre une décision, cela ne prend pas dix jours. S'il faut
faire les foins demain matin, on commence; si c'est pour labourer, on ne niaise
pas avec cela. Devant une affaire comme cela, ce n'est pas une expropriation,
vous vous êtes fait voler.
Des voix: C'est vrai.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):
Chez nous, surtout la partie Témiscouata, c'est de la foresterie
et les travailleurs forestiers ce ne sont pas des manchots non plus. Il y avait
des choses ridicules qui se passaient, à peu près semblables
à cela, sauf que ce n'était pas le même palier de
gouvernement. On avait une forêt, la matière première, on
avait la main-d'oeuvre, deuxièmement, mais notre bois était
exporté à l'extérieur pour des moulins, des
multinationales ailleurs. Les gens se sont dit: "Un instant, c'est assez." Les
gens se sont levés debout et ils se sont regroupés. Ils ont fait
sauter des ponts, ils ont renversé les camions jusqu'à ce qu'ils
aient leur cartonnerie à Cabano.
Je pense que vous allez tous aller au ciel, parce que vous êtes
doux, vous êtes d'une douceur! Je ne prêche pas la violence, mais
depuis onze, douze, ou treize ans, depuis 1968-1969, je trouve que vous avez
été patients. Je pense demander au
gouvernement local, au gouvernement provincial de vous aider ou prendre
des mesures pour redonner au Québec ce qui appartenait au Québec
avant 1968. Je crois que vous êtes complètement dans le droit
chemin. En tout cas, à la suite de ces deux journées que nous
venons de passer je trouve cela aberrant, cela n'a pas de maudit bon sens des
choses comme cela. Je pense qu'il va falloir se serrer les coudes.
Par contre il y a des fermes qui ont été
expropriées, comme celle du type qui a passé avant. Il disait:
"Je n'aurais jamais dû investir", je le comprends. Venant du milieu
agricole, je dis qu'il aurait dû prendre son argent d'expropriation et
aller s'acheter une ferme ailleurs; dans le Bas-du-fleuve, on en avait à
vendre dans ce temps; cela aurait été intéressant de voir
les gens de Sainte-Scholastique ou d'ailleurs venir s'installer. Avant cela, il
n'y a pas eu de mouvement? Je connais la classe agricole, les cultivateurs...
Il n'y a pas eu de mouvement pour dire: " Y a-t-il moyen d'arrêter cela?
Qu'est-ce qu'on fait?". Après que vous vous êtes fait, le vrai mot
en cultivateur, vous vous êtes fait fourrer, quand vous vous en
êtes aperçus, il me semble qu'il aurait dû se produire
quelque chose qui aurait fait les manchettes et qui aurait brassé...
M. Desrosiers: Le problème de cela c'est que le mouvement
qu'il y a eu - il y en a eu un mouvement très fort - au début il
y a eu l'expropriation, les énergies ont été
dépensées pour se faire payer nos terres à un prix qui
avait de l'allure.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):
Ils vous ont occupé l'idée ailleurs mais je pense...
M. Desrosiers: Je pense qu'il y a eu quoi... il a fallu dix ans
avant que ce dossier se règle pour l'expropriation. Toutes les
énergies ont été concentrées là-dessus.
À un moment donné, travailler là-dessus et travailler pour
dire...
Une voix: Quand vous vous en êtes aperçu.
M. Desrosiers: ... on se fait voler notre territoire. Là,
c'est fini l'expropriation, mais là on doit commencer à
travailler sur l'autre côté et se dire: Cela n'a pas d'allure.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):
Là-dessus, vous allez avoir mon appui et je vous souhaite bonne
chance.
Le Président (M. Gagnon): Je vous remercie. M. le
député de Berthier.
M. Houde: J'aimerais faire une remarque au député
de Kamouraska-Témis- couata. Si c'est comme cela, les gens seraient
mieux de se serrer les coudes. Que le ministre aille à la réunion
du Conseil des ministres, le mercredi, et qu'il les force à impliquer le
gouvernement pour représenter les gens qui sont à
l'arrière ici et qu'il leur dise qu'il est temps de se serrer les
coudes. Fessez de l'autre côté et dites-leur qu'il faut que cela
bouge au Conseil des ministres et au gouvernement.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):
M. le Président, je pense que, jusqu'à maintenant, pour
répondre au député de...
M. Houde: Berthier.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): ... quand
c'est le temps de prendre nos responsabilités, comme gouvernement, on
est capable de les prendre.
M. Houde: M. le Président, était-il ici, hier soir,
lorsque le ministre... Je vais lire le texte si vous voulez, à la suite
de la question posée par M. Ryan. Même si c'est un peu long, je
peux vous le lire.
M. Garon: Lisez-le au complet.
M. Houde: Je vais vous le lire au complet, tout ce qu'il y a ici,
par exemple. "M. Ryan: - c'est lui qui prend la parole -Je comprends..."
Le Président (M. Gagnon): Voulez-vous vous approcher du
micro, M. le député?
M. Houde: Ah oui!
M. Garon: Ne soyez pas nerveux d'un coup sec.
M. Houde: Non, je vais parler bien tranquillement pour que vous
saisissiez... Je demanderai même qu'on lui en fasse parvenir des
copies.
M. Garon: Vous n'êtes pas habitué de parler
énergiquement. Vous allez lire ce que j'ai dit.
M. Houde: M. Ryan prend la parole: "Non, j'essaie de comprendre
les deux bords, mais quand il n'y a rien à côté, je ne
comprends rien. Ils s'en viennent avec un programme et avant qu'on soit pris
devant les faits accomplis, je voudrais vous demander - il parle toujours au
ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation - si vous
êtes prêt à décrocher le téléphone et
à dire à votre homologue à Ottawa: II faut que je te
rencontre vite, cela presse, avant que tu nous arrives avec la masse sur la
table. C'est pressé, parce qu'ils vont nous arriver
avec cela au début de 1983, M. le ministre." M. le ministre Garon
de répondre: "Je voudrais dire, M. le Président, que je suis un
peu étonné de la façon dont le député
d'Argenteuil voit cela, parce que, essentiellement, ce sont des individus qui
ont été expropriés qui sont en cause. Depuis l'annonce du
mois de mai - cela fait cinq mois, de juin à octobre - on n'a pas encore
consulté les principaux intéressés. Ce sont leurs terres,
ce ne sont pas les terres du gouvernement. Pensez-vous que j'aurais
l'autorité et le mandat pour négocier en leur nom? Je n'ai pas ce
mandat. Je ne pourrai pas aller dire: Voici comment vous devriez
rétrocéder les terres aux expropriés. Je ne pourrais pas
dire cela, parce que je pense que c'est aux expropriés eux-mêmes
de le faire. À ce sujet, on va les aider et on le leur a dit."
Des voix: Très bien.
M. Houde: Ah! Je n'ai pas terminé. "C'est cela que je suis
allé leur dire au mois de juin - vous étiez présent... M.
le Président, est-ce que je peux avoir la parole?
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît; Allez-y.
M. Houde: Avec le député de Rousseau...
Le Président (M. Gagnon): Allez-y, M. le
député de Berthier.
M. Houde: "C'est cela que je suis allé leur dire au mois
de juin - vous étiez d'ailleurs présent dans l'église -
qu'on les aiderait concernant l'expropriation afin qu'ils puissent s'organiser
eux-mêmes. S'ils ont besoin de soutien technique, on est prêt
à les aider pour cela. C'est cela que je leur ai dit. Mais ce n'est pas
le gouvernement du Québec qui est exproprié, ce sont les gens qui
ont des intérêts personnels, des cas individuels, qui ont
indiqué que le CIAC, dans chacun des cas, les a aidés au moment
de l'expropriation et en cours de route. Je considère qu'aujourd'hui le
CIAC et l'UPA sont les véritables organismes qui devraient
négocier avec les expropriés auprès du gouvernement
fédéral et/ou la Société immobilière du
Canada, mais de préférence auprès du gouvernement
fédéral. Nous sommes prêts à leur donner l'appui
dont ils ont besoin, mais nous ne sommes pas ceux qui ont été
expropriés." Cela se termine là.
Je disais hier soir et ce matin que le ministre lui-même et son
gouvernement ne s'engageaient pas à travailler pour représenter
les gens, avec eux. "Allez-y! On vous fournira des piastres pour travailler."
Je lui réponds.
M. Garon: Vous n'avez pas compris.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):
M. le Président, je pense que la question s'adressait
à...
M. Houde: Ah non! Non, il n'y a que toi qui comprends.
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre! À
l'ordre, s'il vous plaît! De toute façon, nos travaux
s'achèvent.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):
Je pense que la question s'adressait à moi.
M. Houde: Non, non, c'est au ministre.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):
Ah! Tu as peur que je te réponde.
Le Président (M. Gagnon): La commission parlementaire de
l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation suspend ses travaux
jusqu'à 20 heures parce qu'il est déjà 18 heures.
M. Garon: D'accord.
Le Président (M. Gagnon): D'accord. On se reprendra
à 20 heures et vous aurez la parole, M. le ministre.
Une voix: Vous allez avoir le temps de
réfléchir.
(Suspension de la séance à 18 h 01)
(Reprise de la séance à 20 h 19)
Le Président (M. Rochefort): À l'ordre s'il vous
plaît! À l'ordre s'il vous plaît! La commission permanente
de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation reprend ses travaux
sur le dossier de Mirabel. Au moment de la suspension de nos travaux, la parole
était au ministre de l'Agriculture. M. le ministre.
Mise au point du ministre
M. Garon: Juste avant la suspension, M. le Président, le
député de Berthier laissait entendre que je ne voulais pas faire
de représentations pour les expropriés de Mirabel concernant la
rétrocession. Je veux être bien clair là-dessus - je me
demande, d'ailleurs, si cela ne devrait pas être une des conclusions de
la commission parlementaire de l'agriculture - justement pour être bien
certain qu'on dise tous la même chose. Quant à moi, je l'ai dit
hier soir et je vais le répéter encore ce soir pour être
bien compris: C'est un des buts de la commission parlementaire de ne pas
déterminer des
choses à la place de ceux qui ont été
expropriés. Je pense que c'est une mauvaise chose quand,
d'autorité, des gens comme nous, par exemple, prenons des positions en
décidant nous-mêmes, ex cathedra. Ce n'est pas le but. Le but,
c'est de faire une consultation pour connaître ce que les gens pensent
et, ensuite, prendre position après avoir été bien
informés. Tous ceux qui sont venus ici sont venus pour nous informer. Je
pense qu'on ne pourra pas, à la fin d'une commission comme
celle-là, lorsqu'il s'agira de tirer des conclusions, dire qu'il faut
tenir compte de l'opinion de gens qui ne sont pas venus. Je veux être
bien clair, parce que je sais ce qui arrive habituellement, dans ces
commissions parlementaires. C'est une salle ouverte. Ce qui est dit est
enregistré par les machines qui sont là et, après cela,
imprimé, de sorte qu'on peut se référer à des
documents.
Moi, je souhaite qu'à la fin de cette commission parlementaire,
nous en arrivions à des conclusions concernant le prix de la
rétrocession, un prix équitable. À ce moment-là, on
ne s'en ira pas, chacun de son côté, en ayant plusieurs formes de
langage: un langage en public, un langage en petit groupe, un langage avec
telle association et un langage avec telle autre association. Ce que je
souhaite, c'est qu'on ait le même langage partout. Et la façon
d'avoir le même langage partout, en terminant cette commission
parlementaire, c'est de faire un rapport dans lequel la commission va dire:
Nous, comme commission parlementaire de l'agriculture, des pêcheries et
de l'alimentation du Québec, considérons que le prix de
rétrocession devrait être ceci après avoir entendu les
expropriés, le Centre d'information et d'animation communautaire,
l'Union des producteurs agricoles que vous allez entendre plus tard et tous les
organismes qui seront venus nous rencontrer.
Cela ne donne rien de précipiter les événements. Le
député de Berthier demande actuellement de prendre position
d'avance. Cela n'est pas correct. Le but de la commission parlementaire est,
justement, de prendre position après avoir entendu tous les
intervenants. Cela a, d'ailleurs, été le but de mon appel au
ministre des Travaux publics, M. Roméo LeBlanc, quelques jours
après sa nomination, afin de l'informer qu'il y avait une commission
parlementaire et que je souhaitais que les organismes fédéraux
concernés viennent nous rencontrer pour qu'on puisse amorcer un
dialogue.
Eventuellement, j'ai dit aussi que c'était un aspect, la
rétrocession des terres, et qu'il devrait y avoir aussi un plan de
relance dans lequel il y aurait une participation du gouvernement
fédéral et une participation du gouvernement du Québec.
C'est pour cela que je n'aimerais pas, en cours de débat, alors qu'on
rencontre les gens pour connaître leur opinion, qu'on se donne des
distractions et qu'on fasse autre chose que d'essayer de savoir le mieux
possible, en posant des questions, ce qui se passe à Mirabel, ce que les
gens veulent, ce qui serait raisonnable, ce qui ne serait pas raisonnable, qui
est le représentant de ces gens, parce qu'éventuellement, nous
aurons à dialoguer avec des gens du territoire, des gens du gouvernement
fédéral et des gens du Québec.
C'est le but de la commission parlementaire et c'est pour cela que je
souhaite qu'on obtienne le maximum d'information. Je ne voudrais pas qu'on me
demande de prendre position sur des choses qui concernent en premier lieu les
expropriés. Je suis persuadé que les expropriés n'auraient
pas été heureux de m'entendre défendre telle et telle
position, sans avoir d'abord un portrait d'ensemble des positions qu'ils
représentent eux-mêmes.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le
député d'Argenteuil sur cette question.
M. Ryan: Je pense que la façon dont le ministre s'est
exprimé ce soir est beaucoup mieux que celle dont il s'exprimait hier
soir.
M. Garon: C'est enregistré. C'est pareil.
M. Ryan: Non. C'est justement parce que c'est enregistré
que je peux vous dire cela.
M. Garon: C'est facile à dire, mais...
M. Ryan: Soyons clairs. Je suis content que vous
l'atténuiez beaucoup ce soir. Hier, vous avez dit: Nous autres, dans
cette affaire-là, on ne peut pas intervenir directement. Ce sont des
individus qui ont été expropriés et c'est à eux de
s'organiser, mais on est prêt à les aider. Ce que je vous
soulignais, c'est qu'il y a un aspect collectif en plus de l'aspect individuel;
il y a une responsabilité constitutionnelle du gouvernement du
Québec vis-à-vis de son homologue fédéral et cela
ne peut pas être assuré par le CIAC ou par les gens de Mirabel. Il
y a une responsabilité propre du gouvernement du Québec que je
vous demandais d'assumer et que je constatais que vous n'aviez pas
exercée au cours des dernières années comme vous auriez
dû le faire. La meilleure preuve a été fournie par
vous-même quand vous nous avez dit que vous ne connaissiez même pas
M. Cosgrove qui a été là pendant au moins une couple
d'années. Vous avez dit cela et vous avez semblé glisser... De la
manière dont vous avez dit le nom, je ne sais pas ce que cela voulait
dire. Vous avez dit: Je ne le connais même pas. Franchement, c'est un
aveu de
non-contact évident. Je suis content que vous ayez replacé
l'affaire. Là, vous dites: On va s'orienter vers la fin de ces
travaux-là; on va voir, on continue à travailler. Il n'y a pas de
problème là-dessus, c'est correct.
Hier, en plus du passage qu'a cité M. Houde, il y en avait un
autre. Je suis revenu à la charge pour vous rappeler clairement ces deux
dimensions. Je vous ai dit: Sur le plan qui est le vôtre, qu'est-ce que
vous entendez faire? Vous avez dit: On donne des subventions et on les
multiplie actuellement pour le creusage des cours d'eau. Ce n'est pas cela que
je voulais dire; je parlais à un niveau plus élevé que
celui-là. Mais on va peut-être se retrouver en fin de compte,
malgré tout.
Le Président (M. Rochefort): Est-ce que cela va?
M. Garon: M. le Président...
Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.
M. Garon: ... j'aimerais rétablir les faits pour la
dernière fois parce que je n'aime pas ces demi-vérités. Je
vais recommencer une dernière fois et j'espère que le
député d'Argenteuil comprendra.
Dans le dossier de Mirabel, je suis intervenu sans arrêt depuis
que j'ai été nommé et surtout seulement quand les gens
m'ont demandé d'intervenir. La première fois que j'ai
rencontré les gens du Centre d'information et d'animation communautaire
dans le bureau, en bas, au coin de l'édifice, je leur ai dit: C'est un
dossier qui est très politique; je ne voudrais pas intervenir sans que
vous me demandiez d'intervenir pour que, plus tard, on ne m'accuse pas
d'être intervenu dans ce dossier et d'avoir fait de la politique avec le
dossier. Je leur ai dit: Quand vous aurez épuisé - M. Raymond
était là, Mme Lafond et plusieurs autres - les moyens que vous
avez à votre disposition et que vous croirez qu'il faut que vous
demandiez au gouvernement du Québec d'intervenir et que vous me le
demanderez comme ministre de l'Agriculture, cela me fera plaisir de le faire.
Mais j'interviendrai seulement lorsque vous me l'aurez demandé parce que
je ne voudrais pas intervenir dans un dossier dans lequel vous êtes
impliqués, qui a des chances de succès et pour lequel vous ou
d'autres pourraient dire qu'il y a eu des interventions politiques qui vous ont
nui.
Cela a été dit clairement et, par la suite, quelques mois
plus tard - je pense que c'est au printemps ou à l'été de
1978 - une pétition a été signée par plusieurs
milliers de personnes qui m'ont demandé d'intervenir. Je suis intervenu
auprès de M. Cosgrove. Certains de mes fonctionnaires ont
rencontré des fonctionnaires fédéraux. Il n'y a eu aucun
aboutissement et il y a eu de longues discussions au cours desquelles le
gouvernement fédéral nous a quasiment demandé de changer
le Code civil parce qu'il disait que c'étaient des baux
emphytéotiques, difficiles à réaliser, etc. Finalement, il
y a eu un changement de gouvernement. En cours de route, j'ai écrit
à M. Cosgrove. Des fonctionnaires ont rencontré des
fonctionnaires fédéraux et des membres de mon cabinet ont
également participé à ces réunions.
Ensuite, les conservateurs sont arrivés au pouvoir en 1979. Nous
avons eu des rencontres immédiates avec les conservateurs à
l'été et à l'automne et, au mois de novembre, on peut dire
que le dossier était terminé. Il devait être
acheminé au Conseil des ministres. On m'a dit qu'il a été
acheminé au Conseil des ministres et j'ai même la copie du
document qui a été signé et acheminé au Conseil des
ministres par le gouvernement conservateur. On m'a dit qu'il a
été approuvé, mais je n'ai pas eu la décision du
Conseil des ministres. Il y a eu un changement de gouvernement et les
conservateurs n'ont pas jugé bon à ce moment-là d'annoncer
leur décision parce qu'elle pouvait avoir des implications sur la
campagne électorale en Ontario.
Il y eut les élections de février 1980. Dès le
printemps de 1980, une rencontre publique a eu lieu à la ville de
Mirabel. J'ai demandé qu'elle soit publique parce que j'étais
fatigué d'avoir différentes versions, selon les différents
auditoires. À ce moment-là il y a eu à la ville de Mirabel
des gens de mon ministère, des gens de l'OPDQ, des gens du
ministère des Travaux publics du Canada, d'autres organismes, l'Office
du crédit agricole, etc. Les gens qui ont assisté à la
rencontre se sont rendu compte que cela tournait en rond. (20 h 30)
Quand le député d'Argenteuil insinue malicieusement que je
ne suis pas intervenu, je peux dire que sans arrêt, aussitôt que
les gens du CIAC m'ont demandé dans le temps d'intervenir par une
pétition, je suis intervenu de façon constante dans le dossier de
Mirabel. Encore récemment, au printemps, nous sommes intervenus pour
aider les gens de Mirabel. On sait que, dans un dossier comme celui-là,
surtout avec les poursuites judiciaires en cours, les gens ont besoin de
support. On leur a offert le support nécessaire et, encore là,
cela a été fait publiquement. D'ailleurs, dans le dossier de
Mirabel, j'ai pris bien soin de faire publiquement la plupart des gestes que
j'ai faits parce que je savais à peu près quel genre
d'entourloupettes on pouvait retrouver avec des organismes fantômes,
téléguidés ou parachutés avec les nègres de
service. Je connais ça, j'ai assez d'expérience là-dedans
pour ça.
J'ai donc toujours voulu poser les gestes publiquement et, au mois de
juin, je suis allé publiquement, encore une fois, à Mirabel.
Quand on a dit qu'on retirait les subventions, je l'ai fait publiquement devant
800 personnes, pas à la cachette - ce n'est pas ma manière - et
quand on a remis les subventions, encore là on l'a fait publiquement
devant autant de gens. Chaque fois j'ai posé les gestes publiquement et,
encore là, actuellement, on les pose publiquement.
Je voudrais bien être compris pour qu'on sache que je n'ai pas
voulu faire étalage de ces différentes interventions
jusqu'à maintenant. Je suis intervenu de façon
régulière. Si quelqu'un ne peut pas être accusé de
ne pas avoir fait d'interventions, c'est bien moi, parce que j'ai
été présent de façon constante dans le dossier de
Mirabel. Pas avec grand succès, mais je pense qu'il y a quand même
eu une évolution.
Encore récemment j'ai appelé le ministre Roméo
LeBlanc, que je connais, pour lui dire qu'il y avait une commission
parlementaire et l'inviter à demander à la Société
immobilière du Canada de venir nous rencontrer pour mieux comprendre les
modalités et en discuter avec nous. Je lui ai, d'ailleurs, dit
qu'après la commission parlementaire il y aurait de grosses chances que
je demande à le rencontrer. Je l'ai même invité à
suivre le dossier et je lui ai conseillé de ne pas assumer le
passé. J'ai dit: Vous êtes un homme neuf dans le dossier que vous
ne connaissez peut-être pas beaucoup. Je souhaite que vous le preniez
comme un dossier neuf et n'essayiez pas de défendre le passé,
mais surtout de regarder vers l'avenir pour régler le problème
des gens dont on dit chez nous qu'ils ont eu l'équivalent de la
déportation des Acadiens. M. LeBlanc est lui-même acadien.
J'espère que je n'aurai pas encore à recommencer ces
explications qui me semblent assez claires. Maintenant, si on veut que je
fournisse des documents, je suis en mesure de les produire pour justifier tout
ce que je viens de dire.
M. Ryan: Vous nous fournirez tous les documents additionnels qui
peuvent appuyer vos dires, mais ce que je remarque en vous écoutant -
vous dites: Tout ce que j'ai fait, je l'ai fait publiquement - c'est que du
côté d'Ottawa, depuis deux ans et demi, c'étaient surtout
des conversations privées, des conversations dans un aéroport,
à un moment donné, un fonctionnaire avec un fonctionnaire de M.
Cosgrove. Vous nous avez dit que vous ne l'aviez même jamais
rencontré, que vous ne lui avez jamais parlé.
M. Garon: Quelles conversations dans les aéroports?
M. Ryan: C'est dans le compte rendu d'hier.
M. Garon: Lequel?
M. Ryan: "J'en ai même parlé aussi à M. Fox
que j'avais rencontré dans un aéroport." C'est toujours
assaisonné de souvenirs...
Une voix: Est-ce interdit de leur parler dans un
aéroport?
M. Garon: Je n'ai pas parié...
Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous
plaît! M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: C'est parce que ce n'est pas tout à fait conforme
à ce que vous avez dit. On vous dit de produire les pièces
publiques dont vous avez parlé. Donnez-nous le dossier complet de ce que
vous avez fait depuis deux ans et demi. C'est très bien et, si c'est
bon, on vous le dira.
M. Garon: Mais les gens de Mirabel le savent, M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Oui, mais...
Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous
plaît! M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: ... nous le savons moins. Et on vous demande de nous
produire toutes les pièces qui justifient les interventions que vous
avez faites de manière qu'on puisse vous rendre justice. C'est tout.
M. Dupré: M. le Président...
Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Ryan: Ce ne sont pas les souvenirs de vos années dans
l'armée avec M. Fox qui nous intéressent.
M. Dupré: Question de règlement, M. le
Président. Comme on a un nombre considérable d'intervenants, je
pense qu'on devrait laisser ces luttes infantiles et continuer.
Le Président (M. Rochefort): Merci. Cette question est
close. M. Desrosiers, vouliez-vous ajouter quelque chose avant de terminer
votre présentation?
M. Desrosiers: Oui, je n'aurais qu'un voeu à exprimer,
qu'indépendamment des deux partis les députés nous aident
et nous appuient dans notre démarche; que ce soit le Parti
libéral ou le Parti québécois, qu'ils nous appuient dans
notre démarche auprès du
fédéral. Je pense qu'on a tous l'impression que le
fédéral n'a pas l'intention de nous revendre le terrain au
même prix qu'il l'a payé. Il va falloir que cela entre dans la
tête de ces gens-là. Je ne suis pas le seul et je ne suis pas
prêt à payer plus cher pour le terrain. Il va falloir que tout le
monde nous aide à pousser de ce côté. C'est tout ce que
j'avais à ajouter.
Le Président (M. Rochefort): M.
Desrosiers, je tiens à vous remercier au nom des membres de la
commission de vous être déplacé pour venir présenter
votre mémoire.
Avant d'inviter les intervenants suivants, M. le député de
Groulx, adjoint parlementaire du ministre des Affaires municipales, m'a
demandé la parole.
M. Fallu: M. le Président, ce sera très bref. C'est
pour accomplir une tâche que nous avions décidé ce matin de
faire ensemble au cours de la journée: de fignoler la motion qui nous
permettrait d'inviter un certain nombre d'intervenants. J'ai, avec mes
collègues de l'Opposition, essayé de la rédiger de telle
sorte qu'elle soit dans l'esprit même où le chef de l'Opposition
nous proposait de la faire ce matin, c'est-à-dire dans un esprit
d'entente, d'invitation et non pas selon même les règles de
procédure de l'Assemblée nationale en vertu de l'article 153 qui
aurait exigé plutôt qu'on requière au sens du pouvoir
judiciaire de l'Assemblée nationale.
Motion pour convoquer la SIC et la Chambre de commerce
de Mirabel
Je fais donc motion, M. le Président, que les membres de la
commission parlementaire de l'agriculture, des pêcheries et de
l'alimentation invitent la Société immobilière du Canada
(Mirabel) et la Chambre de commerce de Mirabel à se présenter
devant la commission, à l'une de ses prochaines séances du mois
de novembre prochain, pour s'y faire entendre sur le sujet suivant: les terres
expropriées en trop de Mirabel et, en particulier, sur... Vous me
permettrez d'éviter la lecture puisqu'il s'agit du mandat même de
la commission, qui est en quatre volets, comme chacun le sait.
Le Président (M. Rochefort); Merci.
M. Fallu: J'en fais motion, M. le Président.
Le Président (M. Rochefort): Y a-t-il un membre de la
commission qui s'interroge sur la recevabilité de cette motion? Je puis
donc, dès maintenant, rendre ma décision sur la
recevabilité de cette motion. Je la reçois. Quelqu'un veut-il
intervenir? Vouliez-vous la présenter un peu plus à fond, M. le
député de Groulx?
M. Fallu: Non. J'avais, d'ailleurs, annoncé que je ne
serais pas plus long que cela pour la présentation.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: J'appuie la motion volontiers.
Le Président (M. Rochefort): Vous appuyez la motion.
M. Ryan: Oui.
Le Président (M. Rochefort): Cette motion est-elle
adoptée?
M. Ryan: Adopté.
Le Président (M. Rochefort): Cette motion est
adoptée, merci. Nous allons poursuivre nos travaux d'audition. Le groupe
suivant était Mme Berthe Lorrain et M. Pierre Lorrain qui nous ont
informés que leur mémoire a été envoyé
à la commission pour dépôt uniquement. C'est fait, nous en
avons pris connaissance.
Maintenant, on m'informe que Mgr Charles Valois, évêque de
Saint-Jérôme, est présent avec nous. Il y a entente entre
les partis pour qu'il comparaisse immédiatement. Mgr Valois, je vous
inviterais à prendre place à la barre. Bienvenue à la
commission, monseigneur. Je vous inviterais, sans plus tarder, à nous
présenter votre mémoire.
Mgr Charles Valois
Mgr Valois (Charles): M. le Président, M. le ministre, MM.
les députés, mesdames et messieurs, je voudrais tout d'abord
faire quelques remarques avant de commencer à lire le mémoire que
je vous ai remis. Mon intervention ici ce soir n'est pas d'ordre technique. Si
je viens ici ce soir, c'est parce qu'il y a des valeurs humaines en cause. Je
voudrais, par ma présence ici, exprimer ma solidarité avec des
personnes, avec des familles et avec des communautés. C'est le sens de
ma participation à cette commission parlementaire.
En septembre 1981, la Société immobilière du Canada
(Mirabel) invitait des individus et des groupes à présenter leur
point de vue sur l'avenir du territoire périphérique de Mirabel.
À ce moment-là, j'ai répondu avec empressement à
cette invitation, car j'estimais que l'évêque du lieu avait
quelque chose à dire dans un dossier qui touche la vie d'un si grand
nombre de personnes et l'avenir de communautés civiles et/ou
chrétiennes.
Quand je me suis présenté devant la Société
immobilière du Canada, j'étais
évêque depuis trois ans dans le diocèse de
Saint-Jérôme. J'avais visité plusieurs paroisses du
territoire de Mirabel. C'est devant l'état de ces paroisses que j'ai
décidé d'intervenir. Jeune prêtre, j'étais
professeur au séminaire de Sainte-Thérèse et, à
plusieurs reprises, j'avais été appelé à faire du
ministère dans les paroisses de Saint-Hermas, Sainte-Scholastique,
Sainte-Monique, Saint-Janvier, Saint-Augustin, Saint-Canut. J'étais
allé dans ces paroisses et j'avais toujours été
frappé par la qualité de ces communautés humaines. Lorsque
je suis retourné dans ces communautés, comme évêque
de Saint-Jérôme, j'ai vu la grande détérioration de
ces communautés. C'est pourquoi je me suis empressé d'aller
à la société immobilière présenter mon point
de vue. C'est donc avec la même conviction d'alors que je me
présente devant la commission parlementaire.
Depuis un an, le dossier a évolué, en ce sens que le
gouvernement fédéral a annoncé la revente d'environ 30%
des terres expropriées, soit près de 30 000 acres. À cette
occasion, d'ailleurs, M. le ministre Francis Fox aurait laissé entendre
que le gouvernement fédéral pouvait être disposé
à laisser au gouvernement du Québec le soin de gérer le
territoire qui ne servait pas immédiatement aux besoins de
l'aéroport. Quoi qu'il en soit de cette intention, il semble opportun et
important que le gouvernement du Québec s'implique de quelque
façon dans ce dossier si lourd socialement et politiquement. Mais alors
on doit avoir en vue quelques perspectives fondamentales sans lesquelles on ne
saurait garantir ou espérer une solution équitable au
problème de Mirabel.
Tout d'abord, il faut redire avec force et vigueur un principe qui a
été maintes fois énoncé, mais qui demeure
essentiel: la population locale doit être associée à toute
démarche concernant le réaménagement du territoire; elle
doit participer pleinement à toute démarche concernant son
avenir. Le problème fondamental dans le dossier de Mirabel demeure la
mise en tutelle d'une population qu'on a dépouillée de ses biens
et d'une partie de sa dignité. On ne peut résoudre ce
problème qu'en cherchant des voies pour libérer la population de
Mirabel de cette mise en tutelle. Bien sûr, il se trouvera des gens pour
dire que la tutelle peut être avantageuse financièrement. À
court terme, il est possible que ce soit vrai; c'est à voir. Mais du
point de vue qui m'intéresse avant tout, celui de la dignité
humaine, la tutelle est toujours désavantageuse. Aucune
communauté ne peut avoir le désir de se bâtir à long
terme sans un minimum de sécurité et d'autonomie. La mise en
tutelle, c'est payer trop cher pour une apparente sécurité et une
absence d'autonomie.
C'est pourquoi il faut favoriser, pardessus tout, la revente de la plus
grande partie possible des territoires expropriés à la population
locale, expropriés, locataires actuels. Sans entrer à fond dans
des questions techniques que d'autres peuvent aborder mieux que moi - les
modalités de la revente, par exemple - il y a quand même quelques
points qui méritent d'être soulignés à partir d'une
recherche même sommaire. À titre d'exemple, j'ai consulté
un responsable de l'aéroport de Dallas-Fort Worth, au Texas, un
aéroport qui a été construit à la même
période que celui de Mirabel et qui devait desservir une population
analogue à celle de Montréal. J'ai alors appris qu'avec 17 800
acres cet aéroport pouvait répondre à tous ses besoins
présents et futurs. Pourquoi a-t-il fallu exproprier 97 000 acres pour
l'aéroport de Mirabel?
Il semble maintenant acquis que l'expropriation dépassait de loin
les besoins réels de l'aéroport international de Montréal.
D'ailleurs, le gouvernement fédéral l'a admis à sa
façon en offrant de revendre 30% du territoire. Même si cette
revente se concrétisait, il resterait environ 67 000 acres de terres
expropriées. La différence avec l'aéroport de Dallas-Fort
Worth est tellement grande qu'il y a lieu de se poser de sérieuses
questions. Les comparaisons sont toujours boiteuses, dit-on, mais elles ont le
mérite de nous donner une échelle de valeur qui aide à se
former un jugement sur une situation. Beaucoup d'autres grands aéroports
fonctionnent avec encore moins de territoire que celui de Dallas-Fort Worth.
(20 h 45)
II reviendrait certes aux gens compétents de pousser plus loin
ces recherches d'ordre technique qui pourraient aller jusqu'à remettre
en question le bien-fondé de l'expropriation comme telle. Bien
sûr, on ne refera pas le passé; on n'effacera pas des souffrances
et des déplacements inutiles, mais on pourra faire en sorte de
réparer le mieux possible ce qui, avec le recul des années,
ressemble à une grave injustice. À ce niveau, le gouvernement du
Québec peut s'impliquer en fournissant les fonds et le personnel
nécessaires à la réalisation de ces recherches d'ordre
technique. Ce serait sa façon de collaborer à mettre un terme
à une tutelle qui, de mon point de vue de pasteur, je le
répète, est ce qu'il y a de plus néfaste à la vie
des communautés civiles et/ou chrétiennes. Et cela
préparerait le gouvernement du Québec à ne pas prolonger
la tutelle s'il s'avérait que les propos du ministre Fox deviennent un
jour réalité.
Deuxièmement, respecter la vocation agricole du territoire. Le
territoire périphérique de Mirabel avait, avant l'expropriation,
une vocation largement agricole. La venue de l'aéroport a
modifié
sensiblement l'orientation de ce territoire, mais cette modification
n'aurait dû et ne devrait toucher que l'environnement immédiat de
l'aéroport et certains secteurs non propices à l'agriculture. En
tout cas, le gouvernement du Québec, via le ministère de
l'Agriculture, aurait sûrement un rôle à jouer pour que la
vocation agricole du territoire de Mirabel soit respectée le plus
possible. Il ne s'agit pas de nier le droit à l'existence des autres
résidents - non-agriculteurs - ou des autres entreprises qui sont sur le
territoire actuellement. Mais il y a certes un mouvement à faire pour
stopper le recul des entreprises familiales agricoles.
Dernièrement, le comité des affaires sociales de
l'Assemblée des évêques du Québec publiait un texte
intitulé Les jeunes face à la crise. Il mettait en lumière
le désarroi de nombreux jeunes pour qui l'avenir est sans
débouché au Québec. Cela est de plus en plus vrai,
hélas pour les jeunes agriculteurs. Plusieurs d'entre eux souhaiteraient
prendre la relève sur la terre que leurs pères ont
cultivée; mais voudront-ils s'embarquer dans cette galère qu'est
pour eux le territoire de Mirabel dans ses conditions actuelles? Cela
s'applique d'abord aux enfants des expropriés de 1969. Mais cela
s'applique aussi à tous les jeunes agriculteurs qui voudraient
s'installer sur le territoire de Mirabel à la suite d'une
éventuelle revente des terres expropriées en trop et compte tenu
des droits acquis par les expropriés et les résidents
actuels.
Est-il présomptueux de penser que le gouvernement du
Québec aurait un rôle à jouer pour que la vocation agricole
du territoire soit respectée?
Troisièmement, éviter la spéculation
foncière. Le respect de la vocation agricole du territoire de Mirabel
implique que soit évitée toute spéculation foncière
sur ce territoire que ce soit au niveau public ou privé. Dans le
mémoire adressé à la Société
immobilière du Canada en septembre 1981, j'ai parlé de cette
question. Je ne veux pas la reprendre en longueur ici, mais je veux insister
sur le rôle qu'a tout gouvernement de veiller à ce qu'aucune
revente ou mise à l'enchère d'un territoire comme celui de
Mirabel ne favorise tel ou tel individu, tel ou tel groupe au détriment
d'une population, en l'occurrence ici la population locale qui a acquis
certains droits, pour ne pas dire des droits certains.
Quatrièmement, faire en sorte que la vie communautaire et sociale
soit viable à long terme sur ce territoire. Enfin, je voudrais insister
sur un point qui me touche le plus comme pasteur du diocèse de
Saint-Jérôme et qui reprend comme une interrogation ce qui s'est
dit plus haut: Comment faire en sorte que la vie communautaire et sociale soit
viable à long terme sur le territoire de Mirabel?
Sur ce territoire, il y a des communautés humaines et
chrétiennes qui ont résisté tant bien que mal à
l'usure du temps et des déplacements. Ces communautés ont un nom:
Sainte-Scholastique, Saint-Hermas, Sainte-Monique, Saint-Canut, Saint-Janvier,
Saint-Augustin, Saint-Placide, Saint-Benoît. Elle ont toutes
été touchées par l'expropriation, certaines beaucoup plus
que d'autres. Ces communautés souhaitent vivre, mais, pour cela, il faut
que de bonnes conditions sociales, économiques et politiques leur soient
assurées. Il faut que l'avenir du territoire exproprié de Mirabel
soit débloqué. Et il n'y a pas cent façons de le faire. Il
faut rendre à ces communautés locales une dignité qui leur
a été arbitrairement enlevée. Il faut leur redonner le
droit de gérer leur propre territoire, le droit de gérer leur
propre avenir sans que l'épée de Damoclès soit toujours
suspendue au-dessus de leur tête. Si le gouvernement du Québec
peut faire quelque chose en ce sens, il est urgent qu'il le fasse.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre de
l'Agriculture.
M. Garon: Monseigneur, quelqu'un me disait tout à l'heure
- je ne sais pas si c'est exact, je n'ai pas vérifié
personnellement -que vous créez aujourd'hui un précédent,
que ce serait la première fois qu'un évêque viendrait
témoigner devant une commission parlementaire. Je ne peux pas dire si
c'est exact, mais on m'a dit ça tantôt.
Mgr Valais: C'est peut-être vrai, mais vous avez un
évêque en permanence ici, dans la salle; vous avez Mgr de Laval
là-haut.
M. Garon: Oui.
Mgr Valois: Quand j'ai vu Mgr de Laval, je lui ai adressé
une prière pour les gens de Mirabel.
M. Garon: Je veux vous remercier de l'avoir fait et surtout
d'avoir insisté sur les aspects moraux nécessaires à
respecter dans cette démarche. Vous auriez dû assister au
débat qui a précédé un peu votre arrivée. Le
premier point que vous faites ressortir: "La population locale doit être
associée à toute démarche concernant le
réaménagement du territoire, elle doit participer pleinement
à toute démarche concernant son avenir", je pense que c'est
fondamental et que nous ne pouvons pas nous arroger des mandats sans consulter
les gens du territoire. Je suis parfaitement de votre avis. Il est difficile
d'imaginer - j'ai essayé à quelques reprises de donner des
exemples - tous les troubles et les traumatismes par lesquels peuvent passer
les gens qui reçoivent des lettres d'avocat, qui sont pris dans des
procédures
qu'ils n'ont pas souhaitées ou qui vivent toutes sortes de
tracasseries à cause d'une situation qu'ils n'ont pas
recherchée.
C'est pourquoi, dans la démarche que nous faisons actuellement,
j'ai voulu qu'on écoute d'abord les gens du territoire avant de prendre
position, et qu'on connaisse ce qu'ils recherchent et comment ils voient
l'avenir, comment ils voient même les modalités d'application de
certains processus qui ont été annoncés et qui doivent
être suivis.
Deuxièmement, vous dites: "Le gouvernement du Québec peut
s'impliquer en fournissant les fonds et le personnel nécessaires
à la réalisation de ces recherches d'ordre technique". C'est un
peu ce que j'ai mentionné tantôt, sans avoir, à ce
moment-là, regardé cette partie de votre mémoire. Le
gouvernement du Québec a fourni certains fonds ce printemps. Je sais
qu'il va sans doute en falloir d'autres et, sur le plan technique, travailler
avec les gens représentatifs du territoire pour les aider dans la
démarche qu'ils ont à suivre.
À ce point de vue, j'ai une question que j'aimerais vous poser et
j'aimerais bien que vous vous sentiez bien à l'aise de répondre
ou de ne pas répondre, selon que vous le voulez ou non. Quand vous
parlez de s'impliquer avec les gens du territoire, dans votre esprit, quels
sont les organismes représentatifs, quels sont les organismes qui
devraient être associés à cette démarche? Je ne pose
pas la question pour vous embêter, vous savez.
Mgr Valois: J'ai pensé tout à l'heure que cette
question pourrait venir et je me suis fait la réflexion suivante. Je me
suis dit que si j'avais à revendre le territoire et que je voulais
m'associer la population locale, je demanderais aux gens localement de se
prononcer sur l'association qui est la plus représentative. Je le
demanderais aux gens. Je demanderais aux habitants de ce territoire de se
prononcer. Il y a un certain nombre d'associations et je leur demanderais:
Laquelle parmi ces associations est la plus représentative,
représente le mieux vos intérêts? Je leur demanderais cela.
Je pense qu'il y aurait des réponses et je pense que la ville de Mirabel
est un organisme élu dont on doit tenir compte.
Mais sur les autres organismes, il faudrait vraiment que les gens se
prononcent. Aujourd'hui, voudriez-vous que je vous dise que le CIAC est le plus
représentatif des organismes de la région? Chaque fois que j'ai
assisté à des réunions du CIAC, il y avait des centaines
de personnes. Quand le CIAC invitait les gens, il y avait beaucoup de monde qui
répondait. Les autres organismes ne m'ont jamais invité à
participer à une réunion ou l'autre de leurs membres. J'ai vu des
réunions du CIAC avec 500 personnes dans la salle de
Sainte-Scholastique. Alors, il y a des indications comme cela, mais je ne peux
pas aller plus loin que cela.
M. Garon: Je m'aperçois que vous avez fait les mêmes
constatations que j'ai faites, parce qu'au début je me demandais aussi
par quel organisme passer et c'est devant les faits, à un moment
donné, que j'ai dit: Le CIAC doit représenter du monde parce que,
chaque fois que je vais à Mirabel, il y a du monde quand il se tient une
réunion. Si le CIAC ne représentait personne, il n'y aurait pas
de monde. Comment associer ces gens à la démarche? Associer qui
et comment les associer?
Mgr Valois: Le comment dépend de l'objectif que vous
voulez poursuivre: si vous voulez les associer pour une revente ou si vous
voulez les associer pour une négociation. Je pense que la
première chose est de fixer l'objectif et, après cela, on
établit le comment avec les personnes autour de la table.
M. Garon: II y a d'anciens expropriés qui sont encore sur
le territoire de Mirabel et, dans certains cas, plusieurs sont venus nous dire
que leur père avait été exproprié et que maintenant
ce sont les enfants qui poursuivent la ferme familiale. Il y a des
résidents qui ont été expropriés et qui sont des
locataires dans leur propre résidence. Il y a des gens qui sont
locataires dans leur propre commerce. Dans certains cas, les résidents
sont partis, les fermes ont été louées par d'autres. Quand
une ferme est occupée par un exproprié qui est encore sur ladite
ferme, je pense que cela ne fait aucun doute que c'est à lui qu'on doit
l'offrir en premier. Mais quand l'exproprié est parti depuis
peut-être pas longtemps ou longtemps et qu'il y a un nouveau locataire
qui occupe la terre expropriée, à qui devraient d'abord
être faites les offres dans votre esprit? (21 heures)
Mgr Valois: C'est une question d'ordre technique dans laquelle
j'entre difficilement, mais je vais vous donner un petit peu ma perception.
C'est une perception, ce n'est pas une réponse à votre question.
Il y a des gens qui ont été expropriés et qui
étaient très heureux de l'être, qui ont pris l'argent et
qui sont partis. Ils avaient atteint 60 ans, 65 ans et les enfants ne voulaient
pas avoir les fermes. Ils sont allés s'installer à
Saint-Jérôme, à Saint-Eustache, à Saint-Colomban.
Ils sont allés s'y installer pour leurs vieux jours. Il y en a qui sont
partis parce qu'on leur a fait peur. On leur a dit: II faut que tu partes. On
leur a envoyé des avis d'éviction. Il y en a qui sont partis de
cette façon, dont la terre a été louée
immédiatement à d'autres. Il y a quelque chose qui frise
l'injustice dans ces
déplacements. On leur a dit: II faut que vous partiez et on a
poussé dessus pour qu'ils s'en aillent. Ces gens-là ont certains
droits, mais comment les évaluer? Il reste que c'est difficile à
faire. Il y en a qui sont partis obligatoirement, parce que leur terre
était sous la piste d'atterrissage. Un certain nombre d'entre eux ont
été relocalisés ailleurs, c'est-à-dire qu'ils ont
loué des terres ailleurs dans Mirabel. Alors, je vous donne les
perceptions que j'ai. J'ai rencontré des gens qui étaient partis
par pression. On avait fait pression pour qu'ils s'en aillent. J'ai
rencontré des gens dont la terre était sous les pistes et qui
sont maintenant relocalisés ailleurs et j'ai également
rencontré des gens qui sont très heureux de leur nouvelle
situation.
M. Garon: II y a une chose que je voudrais dire, par exemple.
Vous avez écrit au début de votre mémoire que M. Fox avait
"laissé entendre qu'il voulait laisser au gouvernement du Québec
le soin de gérer..."
Mgr Valois: Je n'étais pas là, parce que je n'avais
pas été invité. Il paraît qu'il "aurait
laissé entendre - c'est pour cela que j'ai un conditionnel - que le
gouvernement fédéral pouvait être disposé à
laisser au gouvernement du Québec le soin de gérer le territoire
qui ne servait pas immédiatement aux besoins de l'aéroport".
Alors, je me suis dit: Qu'est-ce que cela veut dire? Est-ce que c'est remettre
le territoire qui ne sert pas immédiatement à l'aéroport
pour que le gouvernement provincial en assure la revente ou bien le lui
remettre en disant: Cela ne se revend pas et vous allez le gérer? Alors,
qu'est-ce que cela voulait dire, je ne le sais pas. Est-ce que c'est une
boutade qu'il a voulu faire? Je ne lui ai jamais demandé d'expliquer
cette phrase. Je n'étais pas là, mais cela a été
rapporté. Je pense qu'il y a des gens qui l'ont entendu.
Dans ce sens-là, et c'est peut-être un peu pour cela que je
suis ici aujourd'hui, si le gouvernement provincial devient le gérant de
ces terres, ce que je dis actuellement pour la Société
immobilière de Mirabel, je vais continuer à le dire au
gouvernement provincial.
M. Garon: Je n'ai jamais eu le sentiment que le gouvernement
fédéral voulait nous laisser gérer le territoire. Je ne
suis pas persuadé d'ailleurs que le problème soit la gestion,
c'est plutôt la propriété. Ceux qui sont venus devant nous
hier ont clairement démontré, je pense bien, que le territoire
pouvait être rétrocédé dans sa très grande
partie. Certains même laissent entendre qu'avec 5200 acres... C'est,
d'ailleurs, à peu près la moyenne des grands aéroports
dans le monde, parce qu'on nous a démontré hier que les sept plus
grands aéroports au monde entreraient dans la moitié du
territoire exproprié de Mirabel. En faisant une addition rapide, ces
sept aéroports ont transporté la dernière année 207
000 000 de passagers et à Mirabel, pendant la plus grosse année
qui est 1979, cela a été 1 250 0000.
Mgr Valois: Oui. Vous savez, le problème de
l'aéroport comme tel, je ne voudrais pas y toucher, parce qu'au fond il
y a eu une planification en 1968-1969, au moment où les voyages en avion
étaient en croissance. On sait ce qui s'est passé en 1973: avec
la crise de l'énergie, cela a diminué. Je pense que lorsqu'on
parle des 17 000 acres de Dallas-Fort Worth, c'est un chiffre qui, en
1969-1970, était le chiffre magique, c'est-à-dire une grandeur
raisonnable pour les besoins d'un aéroport. À Pickering, au nord
de l'Ontario, le gouvernement fédéral a exproprié 17 000
acres. 17 000 acres à Pickering, 17 000 acres à Dallas, dans la
région de Vancouver, pour le nouvel aéroport, environ 17 000
acres. Alors, pourquoi 97 000 acres à Mirabel? Vous me direz que
c'était une question de bruit, une question de zonage, etc. Le directeur
général de Dallas-Fort Worth m'a écrit une lettre mais,
malheureusement, je ne l'ai pas apportée aujourd'hui. J'avais
demandé à ma secrétaire de la donner à Jean-Marc,
mais elle ne l'a pas rejoint parce qu'il était parti. Il m'a
donné beaucoup de détails sur le territoire. Il a dit: On a
exproprié tout d'abord 17 000 acres et on est allé chercher 800
acres pour une compagnie aérienne qui voulait être à la
périphérie du territoire. On a permis à des agriculteurs
de cultiver à l'intérieur des 17 000 acres pendant de nombreuses
années, parce qu'on en avait trop. Ces 17 000 acres sont suffisantes
pour nos besoins actuels et futurs. Pour ce qui est du bruit et du zonage, les
municipalités environnantes s'en chargent. La construction en hauteur et
la question du bruit, ce sont des règlements des
municipalités.
A Mirabel, on aurait pu faire exactement la même chose. On aurait
pu exproprier 17 000 acres et les municipalités des environs auraient
compris que c'était de leur devoir d'établir un zonage. On a
exproprié 97 000 acres. Qu'on revende donc 80 000 acres ou 75 000 acres
et qu'on en garde 5000 pour le PICA et qu'on mette dans les contrats de vente
les clauses de zonage, les clauses de bruit, les clauses de construction en
hauteur. Non seulement cela ne posera aucun problème parce que c'est un
territoire agricole, mais il faut continuer à promouvoir ce territoire
comme territoire agricole. On possède 8% des meilleures terres agricoles
du Québec. Est-ce qu'on va les laisser tomber? Si on veut continuer
à s'autosuffire au point de vue de l'agriculture,
il faut continuer à respecter cette vocation agricole du
territoire.
Deuxièmement, l'entreprise familiale. Dans le midwest
américain, on a fait de la culture. De grandes compagnies se sont
emparées des terres et font de la culture en série. Aujourd'hui,
on s'aperçoit qu'on a peut-être fait fausse route. On se pose la
question. Pourquoi? Parce qu'on n'a pas respecté l'entreprise familiale.
Chez nous, il y a des entreprises familiales. Respectons-les, permettons-leur
de se développer. C'est le problème humain qui est là,
l'entreprise familiale qui est à la base de ces terres et de cette
agriculture.
M. Garon: À ce point de vue, vous allez trouver un
allié en ma personne parce que j'ai toujours défendu la ferme
familiale; les programmes du gouvernement ne devraient jamais dépasser
la ferme familiale. Je pense aussi que la ferme familiale est plus efficace,
plus à l'échelle humaine et elle permet à plus de monde de
gagner sa vie.
J'ai laissé entendre au cours de la commission, pour
répondre à ce qui est mentionné à la page 5, que le
gouvernement du Québec aurait un rôle à jouer pour que la
vocation agricole du territoire soit respectée, que la Loi sur la
protection du territoire agricole s'applique sur le territoire.
Évidemment, on a eu une zone grise ou un point difficile, comme des gens
me l'ont mentionné, parce que la commission n'avait pas encore rendu de
décision. Au moment où un atelier de sculpture a
été incendié, il y avait une cause devant la commission.
Mais de façon générale, la loi s'applique à
l'ensemble du territoire.
J'ai dit aussi que je serais d'accord pour travailler avec le
gouvernement fédéral, pour faire un plan de relance de
l'agriculture dans lequel il pourrait y avoir des ententes auxiliaires par
lesquelles le gouvernement fédéral et le gouvernement du
Québec investissent des fonds pour un projet particulier. On le fait
occasionnellement pour différents types de travaux et je pense qu'il
serait souhaitable dans ce cas-là qu'il y ait un genre d'entente entre
les deux gouvernements pour différents types de travaux; par exemple, la
remise en valeur des bâtiments, le drainage, les travaux
mécanisés, le défrichage des terres qui ont
été laissées en friche. Il y a une foule de travaux qui
peuvent être faits pour mettre les terres de Mirabel à l'heure de
1982 ou 1983, parce qu'il y a des endroits qui ont été
passablement laissés à l'abandon. Ce n'est cependant pas le cas
partout: c'est terriblement inégal.
Quant à limiter la spéculation foncière, j'ai
mentionné comme principe que le gouvernement fédéral ne
devrait pas s'enrichir dans l'opération parce que, lorsqu'il a
exproprié en 1969, c'était à certaines fins et on se rend
compte qu'elles étaient exagérées. Il faut
rétrocéder des terres. Il ne faudrait pas faire de
spéculation pour essayer de faire un coup d'argent à l'occasion
et se servir de la plus-value que les terres ont acquise pour compenser les
erreurs d'investissements qui ont occasionné des pertes de fonds.
Autrement, ce sont les victimes qui devront payer les dommages si on essaie de
faire le plus d'argent possible avec la revente des terres.
Là-dessus, on n'a pas tous les pouvoirs qu'on peut imaginer.
Même que le maire disait hier: Je ne peux pas faire telle chose parce que
j'ai mes pouvoirs en vertu de la Loi municipale, qui est une loi du
gouvernement du Québec, et je ne peux pas faire tel et tel geste contre
la reine parce que je ne pourrais pas aller devant les tribunaux, je n'ai pas
de cause.
C'est un peu la même chose au gouvernement du Québec dans
un certain nombre de cas. D'une façon certaine, on ne peut pas agir dans
certains cas parce que, si le fédéral dit non, c'est
terminé, on ne pourra pas aller plus loin dans certain cas. C'est pour
ça qu'on n'a pas à ce sujet toute la marge de manoeuvre qu'on
peut penser.
Souvent, les gens me demandent au Québec: Ça n'a pas de
bon sens, il y a des produits importés qui entrent. Comme ministre de
l'Agriculture, pourquoi est-ce que vous n'arrêtez pas ça? Je dis:
Je ne le peux pas, je n'ai pas le pouvoir de faire ça. Beaucoup de gens
ne me croient pas et disent: C'est parce qu'il ne veut pas. Je n'ai aucun
pouvoir et le gouvernement du Québec n'a aucun pouvoir par rapport aux
importations. La même chose s'applique vis-à-vis de certains
agissements. Parfois, pour gagner ces causes, il faut démontrer qu'il y
a eu mauvaise foi. Ce n'est pas toujours facile de démontrer la mauvaise
foi. Il n'y a rien de plus difficile à démontrer que la mauvaise
foi de quelqu'un.
En principe, pour qu'il n'y ait pas de spéculation à cette
occasion-là et qu'un groupe ne soit pas favorisé au
détriment d'un autre, je pense que la meilleure façon, c'est que
ces actes-là soient faits le plus publiquement possible, avec
l'implication de gens représentatifs et de la ville de Mirabel. Ce
serait peut-être la meilleure garantie qu'il n'y aura pas de gens qui
profiteront d'une situation pour s'enrichir au détriment d'autres qui
ont été les victimes.
Votre quatrième point: "faire en sorte que la vie communautaire
et sociale soit viable à long terme sur ce territoire." Je pense que
c'est ce qu'on peut souhaiter de mieux, c'est-à-dire que la vie
communautaire et sociale reprenne le plus rapidement possible,
c'est-à-dire qu'elle soit celle d'une communauté normale. (21 h
15)
C'est un peu pour ça que j'ai mentionné qu'on avait
lancé au printemps des travaux de réfection de cours d'eau pour
près de 1 000 000 $ sur le territoire de Mirabel, travaux qui sont en
cours actuellement. Mon ministère pensait que c'était la
meilleure façon d'indiquer que le gouvernement du Québec voulait
vraiment s'impliquer dans une relance. Cela a été demandé
par la municipalité, par le fédéral et par d'autres. Le
faire immédiatement, ce serait peut-être indicatif pour les gens
et aussi pour le gouvernement fédéral qu'on est
véritablement, au-delà des mots, intéressé à
ce qu'il y ait une relance et à ce qu'une vie normale se fasse sur le
territoire.
Je ne voudrais pas être plus long, il y a peut-être d'autres
membres de la commission qui aimeraient discuter avec vous, monseigneur. Je
voudrais vous remercier encore une fois d'être venu et d'avoir
créé ce précédent. J'espère qu'il y aura des
récidives. Je vous remercie.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Monseigneur, ça nous a fait bien plaisir de vous
entendre. Je m'aperçois que la ligne de conduite que vous avez
proposée dans votre intervention ce soir est dans la même ligne
que celle que vous aviez proposée quand vous êtes allé
rencontrer la Société immobilière du Canada il y a un an.
Quand il y a de la stabilité, c'est toujours bon.
Il y a une chose que je voudrais signaler, au début. On ne veut
pas faire de partisanerie. Vous étiez loin, mais cela s'est assez bien
passé depuis deux jours. Parfois, on est un peu fatigué, vers la
fin, il y a des petits écarts qui se produisent. J'entendais, sur votre
premier point, le ministre y aller libéralement en matière
d'ouverture à la participation locale. Je voudrais simplement signaler
à nos concitoyens d'Argenteuil qui sont ici que c'est toujours facile
pour un gouvernement ou pour un homme politique de dire: On va vous en donner,
de la participation, surtout quand c'est un autre qui est responsable. Quand ce
sont eux qui sont en cause, ils trouvent toujours cela plus difficile.
Le gouvernement actuel doit faire preuve de réserve de ce
côté-là. On n'a qu'à regarder comment il a
respecté ses conventions avec ses propres travailleurs syndiqués
pour lui rappeler que c'est peut-être mieux de ne pas prendre
d'engagement en blanc, mais d'y aller sérieusement et de manière
réaliste. J'ai discuté assez souvent avec nos amis qui sont ici
et je vais continuer de le faire. Je pense qu'ils me donneront le crédit
de n'avoir jamais essayé de faire naître des attentes
irréelles chez eux. J'essaie toujours de leur dire: Je ne peux pas vous
promettre ceci et, s'il y en a qui vous le promettent, vous êtes mieux de
faire attention.
Il ne faudrait pas laisser créer l'impression qu'on va pouvoir
avoir un régime comme la négociation collective. La
négociation collective se fait en vertu d'une loi qui s'appelle la Loi
sur les relations du travail et qui crée des obligations précises
pour l'employeur quand ses travailleurs se sont réunis dans un syndicat.
Il va y avoir ici un élément de bonne foi très important.
Je comprends que le gouvernement pourrait toujours, à la rigueur,
adopter une loi spéciale pour ce cas-ci, mais le genre de
problème qui est à régler ne se prêtera pas
exactement à la même mécanique qu'on peut trouver dans le
domaine des relations du travail. Je pense qu'il y a de l'invention à
faire de ce côté-là. Certaines décisions devront
rester du côté de l'autorité publique:
fédérale parce que c'est elle qui est immédiatement
impliquée dans des choix à faire, provinciale dans certains
domaines et municipale, évidemment, aussi. Je crois qu'il y a un effort
de recherche à faire ensemble de ce côté-ci.
Tout en souscrivant au principe que vous énoncez, je me borne
simplement à prévenir nos visiteurs, qui ont été
admirablement assidus au travail de la commission depuis deux jours, qu'il y a
un travail de recherche à faire et qu'il faut éviter de faire
naître des attentes qui vont faire qu'on va se retrouver un bon soir en
se disant: On a été encore trompé là-dedans, cela
ne s'est pas réalisé. Il y a une limite jusqu'où on peut
aller, il faut la pousser le plus loin possible. Elle n'est pas définie
avec une précision spéciale dans votre texte - je pense que ce
n'était pas votre objet ce soir - et ce n'est pas facile à
trouver. Vous avez dit: On va vérifier. C'est très bien, mais
quand il s'agit de définir l'objet et la portée de la
négociation, c'est plus difficile. Vous pourrez nous donner vos
commentaires là-dessus tantôt, si vous le voulez.
Je regarde les choses qui se dessinent. Le député de
Prévost est ici et je pense que cela va l'intéresser
spécialement. On ne l'a pas entendu parler bien fort sur certaines
propositions récentes. Il y a un problème qui se pose et il faut
le voir en face. Sur la vocation agricole du territoire, je pense qu'un accord
très large s'est dégagé des interventions des deux jours,
autant du côté du gouvernement que du côté de
l'Opposition et des intervenants qui sont venus nous rencontrer, sur la
priorité manifeste, impérieuse, du caractère agricole, de
la vocation du territoire périphérique. Je peux vous assurer que,
de notre côté, tout ce que nous pourrons faire pour appuyer ou
inspirer les initiatives du gouvernement, nous le ferons avec la conviction que
nous servons les intérêts non seulement de Mirabel, mais
de tout le Québec en agissant ainsi.
Quant à la spéculation foncière, j'avais
remarqué ce que vous aviez dit à la Société
immobilière du Canada, mais vous êtes assez concis
là-dessus. On a un cas intéressant qui s'est
présenté et, si vous vouliez le commenter, ça
m'intéresserait. J'ai entendu, à bien des reprises, des gens dire
que la Société immobilière du Canada, en vendant le
territoire qui est situé tout près de Lachute sur la 148 à
la Great Lakes Carbon, a fait de la spéculation. Je vous dirai
franchement que s'ils l'avaient vendu moins cher, ils auraient fait un cadeau
à une multinationale. Je ne sais pas si vous pensez que j'erre ou que
j'exagère, mais je trouve qu'il y avait plusieurs principes ou
priorités à respecter en même temps et il va y avoir
d'autres cas qui vont se présenter. Je ne sais pas comment vous voyez
l'application de cet objectif-ci qui, en soi, est noble, mais je pense que,
dès qu'on va entrer dans les opérations concrètes - je
vais finir tantôt par une question là-dessus - il ne sera pas
possible d'avoir des gestes qui ne favoriseront aucun individu, aucun groupe,
aucun secteur.
Le ministre vous a posé une question tantôt à propos
des anciens propriétaires, les occupants actuels, lesquels doivent
passer en avant, etc. C'est évident que, si on choisit la formule de la
SIC ou la formule que met de l'avant le CIAC, il y en a qui ne seront pas
contents. Avec la formule du CIAC, il y en a qui vont dire: Nous travaillons
cette terre depuis tant de temps et on la donne à un gars qui n'a rien
eu à y faire depuis plusieurs années. Si vous prenez l'autre
formule, il y en a qui vont dire: On frustre des gens qui étaient des
propriétaires de ça qui ont été
dépossédés de manière injustifiée. En tout
cas, c'est un problème qui se pose. Il n'est pas tranché. Quant
à moi, je suis en présence de deux orientations
différentes. Je m'interroge là-dessus. Peut-être qu'il y
aurait des travaux plus poussés qui peuvent être faits, mais il
m'intéresserait d'entendre vos commentaires à ce sujet.
Quant à la vie communautaire et sociale, on en a parlé
beaucoup. Je voudrais vous dire que j'ai beaucoup insisté, dès la
première intervention que j'ai faite à la commission, hier - je
vous fais remettre une copie du texte pendant que vous êtes avec nous -
sur la nécessité de mettre fin au régime de tutelle qui a
existé depuis plusieurs années à Mirabel. Quand vous
signalez que c'est là la racine du mal, que c'est le point qu'il faut
attaquer d'abord, je veux vous dire que je suis profondément d'accord
avec vous et prêt à appuyer, encore une fois, toute mesure, toute
action qui sera prise dans cette direction.
En conclusion, je me permettrais peut-être de vous poser une
question. Depuis qu'on discute ces choses, depuis quelques mois, le
gouvernement fédéral a annoncé un programme de
rétrocession qui comporte la revente d'un certain nombre de terres -
à peu près 150 - situées dans diverses parties du
territoire, mais surtout dans Saint-Hermas; deuxièmement, un programme
qui comporte la revente de toutes les résidences situées dans le
territoire périphérique suivant certains critères. Dans le
cas des résidences, la politique annoncée par M. Fox, en mai
dernier, disait qu'on vendrait toutes les résidences, en tenant compte
de certains problèmes humains qui pourraient se présenter ici et
là, par exemple, des personnes âgées qui ne pourraient pas
déménager facilement, selon ce que j'ai cru comprendre. Mais, le
troisième élément, c'est la vente d'un certain nombre de
commerces, je pense que c'est une cinquantaine de propriétés
commerciales qu'on veut mettre en vente également. Je ne sais pas si
vous avez pu examiner ce projet attentivement. Si vous avez formulé un
jugement là-dessus ou si vous avez des opinions à nous
communiquer, je pense que cela pourrait être intéressant.
Mgr Valois: Dans votre exposé, vous avez fait allusion -
je vais prendre des points - à la GLC, la Great Lakes Carbon, à
la question de la revente, à qui doit-on revendre aux deux positions qui
se présentent à la vie communautaire et au régime de
tutelle, au programme de rétrocession, de revente de résidences
et de commerces selon certains critères. La GLC ou la question de
revente ou de rétrocession, ce sont des points techniques. J'ai beaucoup
d'hésitation à m'embarquer là-dedans étant
donné mon peu de compétence dans ces aspects techniques. Du
côté de la GLC, lorsqu'ils ont acheté le terrain dans la
région de Lachute, le gouvernement a-t-il fait de la surenchère
en vendant le terrain? Il y a des choses qui sont liées à cela.
Il y a les subventions que le gouvernement fédéral donne à
une compagnie de ce genre pour s'installer dans un coin où le
chômage est très poussé. En retour, on vend le terrain
à 100 cents dans la piastre ou plus cher, je ne sais pas trop. Est-ce de
la spéculation ou pas? C'est technique. Il y a tellement d'aspects
différents qui interviennent là-dedans. Je vous dis ma
réaction face à cela.
Quant à la question de revente, vous avez fait allusion à
deux positions, celle de la Société immobilière du Canada
et celle du CIAC. La Société immobilière du Canada,
à mon avis, a une faiblesse. Elle revend automatiquement à
l'occupant actuel, tandis que la position du CIAC me semble être plus
souple et se rappocher un peu plus de la justice, parce que le CIAC dit: II
faudrait vendre ou rétrocéder à l'ancien occupant, mais,
si cet ancien occupant veut se prévaloir de son droit de rachat, il
faudrait
qu'il dédommage celui qui a entretenu la terre durant cinq, huit
ou dix ans et qui a permis à cette terre de garder sa pleine valeur. Il
y a, dans la position du CIAC un élément qui veut apporter une
plus grande justice à tout le monde. C'est ma réaction, regardant
cela de l'extérieur.
Quant au troisième point, vous dites que vous voulez mettre fin
au régime de tutelle pour favoriser une meilleure vie communautaire et,
sous cet aspect, je suis entièrement avec vous, parce que j'ai connu des
vies communautaires florissantes dans ce coin et elles sont tombées. Ce
n'est pas avec des moyens artificiels, une foire ou une espèce de bazar
western qu'on va recréer un esprit communautaire. Il faudrait voir la
vie communautaire d'un village comme Saint-Benoît, qui n'a presque pas
été touché. Cela veut dire quelque chose à
Saint-Benoît, la vie communautaire. Quand le Club Optimiste de la place
organise le festival du blé d'Inde, c'est de la vie communautaire, ce
sont les gens de la place qui prennent cela en main. Ce ne sont pas des chevaux
de l'Ouest avec des pseudo-cowboys qui viennent animer l'affaire. La vie
communautaire, je me dis que c'est de remettre aux gens la possibilité
de faire leur propre vie.
Quant au programme de rétrocession annoncé par le
gouvernement, il y a beaucoup d'incertitude actuellement face à la
revente des terres. Le prix, par exemple. Je pense que je vous ai
déjà raconté l'expérience que j'avais eue dans un
coin du diocèse où j'étais devant des gens qui
étaient situés, justement, dans ce territoire qui devait
être rétrocédé. Je demande à une femme:
Allez-vous racheter la terre? La femme regarde autour d'elle. Il y avait des
gens autour et elle n'a pas parlé. Quelques minutes après, elle
me rejoint dans un coin avec son mari et elle me dit: Monseigneur, vous ne
savez pas combien on désire racheter notre terre, mais on ne peut pas le
dire devant le monde, parce que, si on le dit, le prix va monter.
C'était une réaction d'une bonne famille de cultivateurs qui a
les deux pieds à terre et qui se disait: Comment va-t-on la payer cette
terre-là? (21 h 30)
Dans le coin, ils me le disent: On veut la racheter, mais, vous savez,
on nous l'a payée tel prix et s'il faut, comme ils disent, suivre le
marché, ce serait inaccessible. Mettez une terre qui a été
payée 75 000 $ - j'ai vu des factures de 75 000 $ - en 1969;
aujourd'hui, une terre comme celle-là, au prix du marché,
pourrait peut-être valoir 400 000 $ ou 500 000 $, si elle a
été bien entretenue, bien irriguée. Alors, si on part avec
le prix du marché, le gars qui a reçu 75 000 $, est-ce qu'il a
400 000 $ à donner pour cette terre aujourd'hui? Je pense qu'il faut
avoir les deux pieds à terre et que les prix qu'on va demander pour les
terres puissent rejoindre la bourse des gens qui sont là.
Pour la question des résidences et des commerces, c'est la
même chose. On a payé une petite maison 25 000 $; aujourd'hui,
peut-être qu'on va en demander 50 000 $. Est-ce que les gens qui ont
reçu 25 000 $ il y a onze ans ont placé l'argent
nécessairement en prévision de racheter la maison aujourd'hui? Il
y a des maisons qui ont été réparées. J'ai des amis
qui avaient une petite maison et la société immobilière
s'est mise en frais de la réparer; il était nécessaire
qu'on refasse le solage. On n'a pas refait le solage, mais on a changé
les fenêtres et on a posé de l'aluminium tout le tour. Le solage
n'est pas fait encore. Alors, les gens qui habitent cette maison disent: Est-ce
qu'on va racheter notre maison? Il faut en refaire le solage, si je veux la
garder. La première réparation qu'il aurait fallu faire, c'est le
solage, avant de mettre un "contre-plaqué" d'aluminium tout le tour. Je
vous donne ça comme exemple, et c'est un fait, ce sont des amis que je
rencontre souvent. Ce sont des choses comme ça qui se sont produites.
Alors, quand on vient pour fixer les prix - je reprends une expression que j'ai
déjà dite - il faudrait que le crayon qui va servir à
calculer le prix de la revente ne soit pas plus pesant que le crayon qui a
servi à calculer le prix de l'achat.
Est-ce que ça répond un peu à toutes les questions
que vous m'avez posées?
M. Ryan: II y a peut-être seulement un point sur lequel
vous n'avez pas fait de commentaire. C'est le premier que j'avais
souligné. Comment refaire la jonction avec les gens concernés?
Comment les impliquer dans le dossier sans faire naître des attentes que
les autorités ne pourraient pas satisfaire en fin de compte? Parce que,
même si on admet le principe de la négociation - que
moi-même je préconise - s'il n'y a pas d'accord, il va falloir
qu'une décision se prenne. Qui va la prendre et comment? Dans quelles
conditions?
Mgr Valois: C'est un problème important. Comment faire la
jonction avec les gens? Parce que je suis un peu inquiet; devant la revente, je
me dis: Le cultivateur qui est tout seul dans son coin et qui va être
appelé à négocier avec une société comme la
Société immobilière du Canada va être mal
placé. Il faudrait que ce cultivateur soit appuyé par des gens,
soit aidé, pour qu'il soit sur un pied d'égalité avec la
société immobilière. Vous savez qu'il y a
déjà un bureau d'évaluateurs qui a été
engagé par la société immobilière pour
évaluer les terres. Le petit cultivateur n'en a pas de bureau
d'évaluateurs; il va falloir que quelqu'un l'aide dans ce sens, il va
falloir qu'ils se mettent ensemble. Sous cet
angle, il va falloir que la société immobilière ne
boude pas l'organisme qui va se présenter au nom des cultivateurs et ne
cherche pas à lui faire des tracas de multiples façons. Parce
qu'il y a des organismes qui vont représenter les cultivateurs, mais, si
la société immobilière refuse de négocier avec
cette association, cela va être très difficile. Comment faire la
jonction? Eh bien, c'est en respectant les groupes qui vont représenter
ces cultivateurs.
M. Ryan: De même que les autres éléments
intéressés.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le
député de Groulx.
M. Fallu: Comme cela fait plusieurs fois que j'entends la
même remarque, spontanément, je ne peux plus éviter de
réagir. Chaque fois qu'il s'agit de la GLC, la Great Lakes Carbon, on se
demande toujours si c'est un juste prix. Moi, je refuse de voir ce
problème sous cet angle. Je me dis que la Great Lakes Carbon, c'est
d'abord et avant tout le premier aveu d'avoir trop exproprié et c'est
également un détournement de fonds envers les anciens
expropriés.
Monseigneur, je suis heureux de vous saluer et je suis heureux de voir
la participation d'une des principales composantes de la société
parmi nous. Vous êtes le premier, avec la municipalité, à
venir nous faire percevoir qu'au-delà de la possession des biens,
qu'au-delà de la possession d'un maison, d'un commerce, d'un terrain,
qu'au-delà de l'occupation quotidienne pour gagner sa vie, il y a un
encadrement, que ce soit celui de la paroisse, de la commission scolaire, de
l'école, de la municipalité. Il y a toute une série
d'outils qu'une population se donne: c'est la coopérative, c'est la
meunerie, c'est le restaurant du coin, c'est ce qu'on appelle la paroisse ou la
municipalité. Vous venez précisément, ce soir, nous dire,
dans une commission portant sur l'agriculture, qu'un des éléments
de la vie, de la survie de l'agriculture, c'est aussi l'encadrement
communautaire et l'encadrement social. Vous êtes le premier à
venir nous le dire avec autant d'intensité en si peu de mots.
Toutefois, cela pose, je dirais, presque un problème moral
à tout gouvernement parce que si, d'une part il y a eu ce
démembrement de la communauté par l'expropriation et la
démolition, il y a eu aussi un autre type de démembrement qui a
été fait par l'Assemblée nationale du Québec, cette
espèce de fusion, de défusion et de déchirement de toute
une série de communautés à l'occasion de ce grand
remue-ménage causé par cette mise en tutelle. Je pense que le
gouvernement du
Québec a aussi été responsable d'une partie de la
disparition de ces outils de vie normale. Il s'agit, évidemment
après coup, d'évaluer si l'impact maintenant est plus positif que
négatif. Je pense pas que ce soit à vous d'apporter une
réponse à une question qu'on se pose maintenant aux Affaires
municipales sur l'organisation de la vie à Mirabel, que ce soit la vie
municipale des anciennes paroisses, comme les gens l'ont toujours dit,
c'est-à-dire des anciennes municipalités, ou encore
l'organisation de la vie régionale dans une MRC. Vous venez nous poser
le problème et il est, à mon avis, intimement lié à
la vie agricole, en termes de représentation, en termes de demandes
d'irrigation, en termes de surveillance des fossés verbalisés, en
termes de surveillance des fossés de ligne, en termes de surveillance
des mauvaises herbes, toutes les responsabilités municipales auxquelles
on peut ajouter la représentation des producteurs agricoles à un
conseil qui est lui-même formé majoritairement de
représentants agricoles.
Pour le moment, personnellement, je n'ai que des questions. Vous
êtes venu ce soir amplifier, je dirais, cette problématique de
l'organisation du territoire. Je voudrais vous remercier de votre
témoignage. Je n'ose pas vous retourner la question, parce qu'elle
devient technique et je pense que vous nous avez déjà
répondu en partie, car, dans la toute première partie de votre
mémoire, vous nous dites: S'il y a quelque chose à faire, il faut
le faire en consultation avec les gens et dans le respect de leur
volonté. Je vous en remercie.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le
député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Monseigneur, si c'est un précédent, si
c'est difficile pour un honorable ministre, si c'est difficile pour le sage
député d'Argenteuil, c'est encore plus difficile pour un jeune
député d'une région rurale de s'adresser à vous
dans ce cadre d'une commission parlementaire qui, depuis deux jours, est
chargée d'éléments humains, d'humanisme, finalement,
à bloc. C'est peut-être la commission parlementaire, depuis que je
suis à l'Assemblée nationale, qui revêt le plus de ces
éléments.
Mais il demeure quand même qu'il y a des grands principes et qu'il
y a des grandes valeurs morales que vous avez soulignés dans votre
mémoire et sur lesquels je voudrais revenir brièvement, si vous
me le permettez. Lorsque vous avez parlé du droit de
propriété, dans votre mémoire, et que vous avez
parlé de l'intervention du gouvernement du Québec, je vais vous
avouer que j'ai été un peu inquiet. Si j'ai été un
peu inquiet, c'est que j'avais, dans les coupures de presse que j'avais
préparées pour cette commission,
retracé deux coupures de 1979. Dans la Presse, on disait:
"Mirabel: Québec veut rapatrier les terres expropriées en trop".
Je cite le journaliste, Jean-Paul Charbonneau: "Le gouvernement
québécois demanderait le transfert, à sa future banque de
terres du Québec de quelque 76 000 acres de terre agricole
expropriées en trop, il y a maintenant dix ans, par Ottawa en vue de la
construction de l'aéroport de Mirabel. La banque de terres que le
Québec créera sous peu - elle a été
créée depuis ce temps-là -aura le mandat de louer par baux
emphytéotiques les terres agricoles aux producteurs
intéressés. Comme solution temporaire, le gouvernement demande au
fédéral de donner aux résidents de Mirabel la
possibilité de détenir dès maintenant de tels baux comme
condition préalable à l'application des programmes d'aide
relevant de son autorité." En conclusion, il dit: "Le ministre a
expliqué que ces baux à long terme donnent aux locataires un
droit de quasi-propriété avec la possibilité de contracter
des hypothèques en regard du bien loué, d'effectuer des
améliorations sur ce lieu et de pouvoir être
dédommagé pour ces investissements lorsqu'ils cessent
d'être locataires."
J'ai cru percevoir, dans une des réponses que vous avez
données, une mise en garde au gouvernement du Québec de ne pas
faire ce qu'Ottawa a fait, finalement, de ne pas être gérant des
terres. Là-dessus, je vous rejoins. Cela éclaire le petit doute
que j'avais à la lecture du mémoire. Je vous remercie de cette
intervention.
M. Garon: M. le Président.
M. Paradis: M. le Président, est-ce que j'ai la
parole?
Le Président (M. Rochefort): Est-ce qu'il y a
consentement?
M. Paradis: Oui, il y a consentement.
M. Garon: C'est simplement pour rétablir les faits. Les
gens qui sont ici dans la salle sauront qu'à ce moment-là
c'était la pensée du temps et c'est après les avoir
consultés qu'on a parlé de baux emphytéotiques. Des
démarches ont été faites auprès du gouvernement
fédéral pour des baux emphytéotiques, parce que le
gouvernement fédéral ne voulait rien savoir de laisser aller la
propriété. Alors, c'est après avoir consulté des
gens de Mirabel qu'on en était venu à un accord pour dire: Ce qui
conviendrait le mieux dans les circonstances, ce serait un bail
emphytéotique. C'est pour cela qu'on a revendiqué un bail
emphytéotique. Mais je suis content, vous nous donnez la preuve que
j'intervenais.
(21 h 45)
M. Paradis: Mais, pour reprendre un peu les sens de vos propos,
monseigneur, un bail emphytéotique avec Québec ou un bail
emphytéotique avec Ottawa, c'est un bail emphytéotique, cela ne
donne pas la propriété à l'agriculteur occupant.
Maintenant, le deuxième point, c'est celui où vous traitez
de spéculation. Vous dites: "Éviter la spéculation
foncière. Le respect de la vocation agricole du territoire de Mirabel
implique que soit évitée toute spéculation foncière
sur ce territoire, que ce soit au niveau public ou privé. Dans le
mémoire adressé à la Société
immobilière du Canada en septembre 1981, j'ai parlé de cette
question. Je ne veux pas la reprendre en longueur".
Je suis retourné au mémoire que vous aviez adressé
ou présenté à la Société immobilière
du Canada, étant donné que vous ne vouliez pas la reprendre en
longueur. Vous dites ce qui suit: "Le phénomène de la
spéculation foncière n'est pas facile à circonscrire. Ces
dernières années, la Commission sociale de l'épiscopat
français s'est penchée sur cette question". Là, vous avez
une citation que vous me ferez grâce de lire; vous vous en souvenez
certainement. Ce n'était pas encore, dans mon esprit,
complètement clair. Je suis donc retourné au texte
intégral où vous aviez pris la citation. Le texte s'intitule -
vous vous en souvenez certainement - La spéculation foncière en
milieu urbain. Ce qui m'a inquiété, est dans l'avant-dernier
paragraphe où on peut lire ce qui suit: "La pression des besoins
fonciers peut conduire à une crise de l'urbanisme qui impose une
solution mettant en cause la conception courante du droit de
propriété individuelle des sols urbains. Elle sera alors mal
accueillie et donc difficilement applicable sans drames psychologiques et
sociaux. L'idée d'une maîtrise accrue, voire
générale, des sols par les collectivités locales fait
pourtant son chemin au niveau des administrations ou des professions. Mais les
mentalités individuelles restent plus que jamais attachées au
goût de la propriété et sont même de plus en plus
tentées par la spéculation. Sans se placer au niveau des
modalités, il apparaît difficile de ne pas souhaiter cette
maîtrise accrue des sols par les collectivités locales". La
conclusion de cet article se lit comme suit: "Dès lors, si l'on veut
tenir compte des besoins des familles et des collectivités locales, se
référer à la conception biblique de la destination
universelle des biens, il est nécessaire de travailler à une
transformation des mentalités par rapport à la
propriété et de trouver les modalités qui assureront une
maîtrise sociale plus efficace des sols". C'est sur cette conclusion que
j'ai accroché et je me demandais si vous faisiez vôtre strictement
le passage cité, mais non les
conclusions que je retrouve.
Mgr Valois: Le problème de la spéculation
foncière est un problème très vaste. Quand nous avons
composé l'intervention pour la Société immobilière
du Canada ... Je dis "nous", parce que j'avais invité à
participer à ce travail une équipe dans laquelle il y avait des
laïques, il y avait le curé de Sainte-Scholastique, un curé
de Lachute, parce que le problème de Great Lakes était en cause,
et un père jésuite, le Père Desrochers, qui est un
chercheur et un théologien. C'est lui qui a fait des recherches du
côté de l'expropriation et c'est lui qui nous a apporté ce
document français qui portait sur...
M. Paradis: La spéculation.
Mgr Valois: ... la spéculation urbaine. Il nous avait
apporté aussi un deuxième document qui portait sur la
spéculation en milieu agricole. Ce deuxième document de
l'épiscopat français avait été
préparé par des membres de l'Action catholique en milieu
agricole, conjointement avec des économistes. Nous avons
étudié ces deux documents et nous avons retenu des grandes lignes
de réflexion. Nous pouvons difficilement dire où commence la
spéculation et où se termine la spéculation. Ce que nous
voulions faire, c'était rappeler, au fond, au gouvernement de faire
attention pour éviter la spéculation lui-même et de faire
attention aussi à ne pas vendre les terres à des gens qui
auraient spéculé sur elles après. Vous avez des gens qui
peuvent se mettre à spéculer sur les terres. Ils achètent
une terre à un très bas prix et, deux ou trois jours
après, ils la revendent. Alors, c'est ce que nous voulions faire. Ce
n'est pas facile d'éviter la spéculation, ce n'est pas facile
pour un gouvernement de voir à ce qu'il n'y en ait pas, mais le
gouvernement, selon nous, devait le plus possible trouver les moyens
d'éviter la spéculation.
M. Paradis: Parce que même - et mon interrogation vient de
là - au niveau de la ferme familiale - et c'est un peu un des
éléments du présent dossier - le producteur agricole,
propriétaire de sa ferme en 1969 dans une autre région du
Québec, qui avait cette ferme de 75 000 $ que vous mentionniez
tantôt, possède aujourd'hui une ferme - et j'utilise les
mêmes chiffres que vous avez utilisés - de 450 000 $. Ce n'est pas
un achat pour une vente. Son but premier n'est pas la spéculation sur
cette terre, mais, comme plusieurs agriculteurs sont venus en témoigner,
c'est leur fonds de retraite, c'est leur coussin de sécurité,
c'est 50% de leur revenu. Ils se contentent de moins pour vivre que l'ouvrier
de manufacture. Mais ils comptent quand même sur cet
élément. Si on assimile cela à de la spéculation et
qu'on est contre tout genre de spéculation, comme législateur, je
me pose une grosse question.
Mgr Valois: Vous savez, ce n'est pas facile, le problème
de la spéculation. On a travaillé de longues soirées
là-dessus. Il reste qu'il y a un esprit qu'on doit essayer de
sauvegarder là-dedans, un esprit qui va guider les gens qui sont
appelés à revendre ces terres, un esprit qui va les amener
à éviter une surenchère qui s'approcherait de la
spéculation.
M. Paradis: On peut dire que le sens de votre intervention, que
votre vue de la question sur le plan moral, c'est que le gouvernement
fédéral ou la société fédérale, dans
ce dossier, ne devrait d'aucune façon être un
spéculateur.
Mgr Valois: Oui, c'est ça, sûrement.
M. Paradis: Le troisième point, et cela touche les petites
communautés dont a parlé le député de
Terrebonne...
M. Fallu: De Groulx.
M. Paradis: De Groulx, excusez-moi, M. Blais n'aimerait pas
ça, cela touche nos communautés locales et ça touche
peut-être aussi l'action prise par le gouvernement provincial à
l'époque de réunir dans une même municipalité toutes
ces petites paroisses-là. Maintenant, le problème se pose et
s'est posé ce matin; le ministre des Affaires municipales était
présent, le maire de la ville de Mirabel y était
également. Est-ce que vous seriez d'avis qu'on devrait, au niveau de
l'entité municipale, recréer les entités municipales qui
existaient à l'époque, qui ont continué d'exister d'une
manière très forte dans certains villages et plus affaiblie dans
d'autres? Seriez-vous d'avis qu'on devrait retourner vers ces
municipalités, vers ces communautés d'appartenance locale?
Mgr Valois: Je n'ai pas de réponse à ça. Je
ne sais pas. Il y avait des avantages anciennement. C'était la vie de
village, au fond. Maintenant, la vie s'est modernisée. Dans une
municipalité comme Mirabel, on a construit une aréna, et on dit
qu'on va en construire une deuxième. Chaque petit village n'aurait pas
pu avoir son aréna. Il y a des avantages à ce que ce soit
centralisé et il y a des désavantages aussi, parce que les gens
perdent l'esprit de leur petit village. Je ne sais pas. Il y a des quartiers
forts comme Saint-Benoît. Saint-Benoît fait partie de cette
municipalité, c'est un quartier fort et c'est resté
Saint-Benoît. Les gens y ont encore leur vie de village. Mais je n'ai pas
de réponse à ça. Je sais qu'on entend dire
que Mirabel pourrait être divisée en MRC et que certaines
parties de Mirabel s'en iraient dans une MRC et d'autres dans une autre. Il n'y
a rien de décidé, j'imagine. On entend parler de ça.
M. Paradis: Mais on en profite pour sonder les coeurs et les
reins sur ce point pendant qu'on est en commission parlementaire. Maintenant,
comme dernière question - je l'ai posée hier, je pense à
un agriculteur moyen - au niveau de la rétrocession des terres, il y a
des cultivateurs qui étaient propriétaires d'une certaine partie
de terrain au moment de l'expropriation. Aujourd'hui, ils ont agrandi -ils sont
tous sous location - mais ils ont débordé leur
propriété initiale pour aller, sous location, cultiver la terre
voisine ou adjacente. Je tombe peut-être dans la mécanique et vous
ne voulez peut-être pas vous y embarquer, mais, si vous pouvez nous
apporter quelque lumière, ce serait apprécié. Est-ce que,
sur la rétrocession, cette terre, dans sa totalité maintenant,
devrait être rétrocédée à ce cultivateur
à un prix uniforme?
Mgr Valois: II y a des implications dans ce que vous apportez.
Vous savez, dans le territoire de Mirabel, en 1969, il y avait de 860 à
880 cultivateurs qui avaient chacun une terre familiale et, aujourd'hui, il y a
350 cultivateurs qui cultivent les 850 terres de ce temps. Est-ce que les 350
cultivateurs qui exploitent deux ou trois terres ont le droit de racheter les
deux ou trois terres à un prix minimal? C'est peut-être dans ce
sens que je disais tout à l'heure que le CIAC avait une proposition qui,
parce qu'elle était nuancée, parce qu'elle faisait appel aux
anciens propriétaires, mais en tenant compte du travail fait par les
locataires, est peut-être une solution se rapprochant le plus d'une
certaine justice.
Ce qui me fait peur là-dedans, c'est qu'il y a des gens qui se
trouvent à s'approprier plusieurs terres auxquelles ils n'auraient
peut-être pas droit directement.
M. Paradis: De la spéculation intellectuelle.
Mgr Valois: Oui. Je fais une spéculation intellectuelle,
mais je m'interroge. Je n'ai pas de solution parce que, comme vous l'avez dit,
c'est du domaine technique. Je laisse cela aux gens qui vont avoir à
étudier tous ces aspects.
M. Paradis: Je vous remercie beaucoup de votre
participation...
Mgr Valois: Très bien.
M. Paradis: ... à cette commission ainsi que pour les
lumières que vous y avez apportées.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le
député de Saint-Hyacinthe.
M. Dupré: Permettez-moi de féliciter bien
humblement Mgr Valois de son appui et de son soutien à la population.
Maintenant, le ministre Garon disait tantôt, faisant allusion au fait que
c'était une première: J'espère que vous allez
récidiver. J'espère que, si jamais un autre évêque
récidive, cela ne sera pas dans des circonstances semblables,
après des gestes assez las et aussi bas.
Dans votre touchante, mais combien réaliste intervention,
monseigneur, je lis avec vous la page 3: "Pourquoi a-t-il fallu exproprier 97
000 acres pour l'aéroport de Mirabel?" Je vous avouerai bien candidement
que j'y ai ajouté: Pourquoi Seigneur?
Vous qui avez vécu intensément ce drame au coeur
même de votre population tourmentée au cours des ans, avez-vous pu
déceler ou avez-vous eu, à un certain moment, une raison de
croire ou d'apercevoir une seule fois une seule raison qui justifiait ou qui
aurait pu justifier un tel désastre?
Mgr Valois: J'ai rencontré des gens et j'ai demandé
pourquoi on avait exproprié 97 000 acres. On m'a donné quelques
versions. D'abord, on m'a donné la version suivante. Quand le
gouvernement fédéral a annoncé qu'il installait un
aéroport à Mirabel, on m'a dit que le gouvernement provincial du
temps avait songé à adopter une loi pour protéger les gens
qui étaient autour de l'aéroport et une loi qui aurait
exigé du gouvernement fédéral que celui-ci
dédommage les propriétaires des terres autour de
l'aéroport pour le bruit et les autres inconvénients de
l'aéroport et qu'il les dédommage progressivement,
c'est-à-dire que les occupants des terres tout près de
l'aéroport auraient reçu et, puis en s'en éloignant, rien
au bout. On m'a dit que le gouvernement provincial avait, dans ce
temps-là, l'idée de faire une telle loi, que le gouvernement
fédéral ne voulait pas avoir à obéir à une
loi du gouvernement provincial et qu'il avait exproprié 97 000 acres.
C'est une opinion, je n'ai aucune preuve de cela, mais on m'a répondu
cela; vous me posez la question, je vous dis ce qu'on m'a dit sur ce point. (22
heures)
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le
député de Champlain.
M. Gagnon: Merci beaucoup. Moi aussi, je vous félicite et
vous remercie pour votre mémoire. Je vous dis que, par-delà la
commission parlementaire, certainement que cette discussion et les rencontres
qu'on a
eues avec les gens de votre milieu vont se continuer, entre autres
à l'intérieur du caucus agricole et certainement que votre
mémoire va continuer de nous inspirer.
Lorsqu'on parle de spéculation et que j'entends certaines
interventions, cela me fait un peu peur. J'ai peur qu'on prenne la tendance de
vouloir pardonner, excuser ou comprendre les possibilités de
spéculation. Vous avez dit que le crayon ne devrait pas être plus
pesant pour faire le chiffre ou pour mettre le chiffre de revente qu'il ne l'a
été pour mettre le chiffre d'achat; je suis entièrement
d'accord avec vous. Entre autres, le député de Brome-Missisquoi
mentionnait que dans le cas d'un producteur agricole qui aurait eu une ferme de
150 000 $, par exemple, 75 000 $ il y a dix ans, aujourd'hui, à la suite
de ce que vous avez mentionné aussi, cette ferme pourrait valoir de 400
000 $ à 450 000 $; mais le producteur qui a été sur cette
ferme et qui en était propriétaire, je pense, est justifié
de la revendre éventuellement et ce n'est pas, à mon point de
vue, de la spéculation puisque c'est son fonds de retraite et la
plus-value, il l'a gagnée par son travail. Je trouverais
complètement injuste dans le cas... Je m'excuse, laissez-moi
continuer.
M. Paradis: Je m'excuse. Tantôt, lorsque j'ai fait...
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Brome-Missisquoi. Question de règlement.
M. Paradis: C'est pour rectifier...
Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Gagnon: Laissez-moi continuer, vous pourrez rectifier...
Le Président (M. Rochefort): S'il vous plaît! M. le
député de Brome-Missisquoi, si vous soulevez une question de
règlement, je voudrais seulement vous rappeler qu'en commission
parlementaire, il n'y a pas de question de privilège et qu'une question
de règlement n'est pas une façon déguisée de
soulever une question de privilège.
M. Paradis: Je suis d'accord, M. le Président.
Le Président (M. Rochefort): Je voudrais donc vous
entendre sur une question de règlement en m'indiquant quel article du
règlement n'est pas respecté dans le fonctionnement de nos
travaux.
M. Paradis: Je voulais strictement rappeler au
député de Champlain qu'il a mal compris mes paroles tantôt.
J'ai très clairement spécifié...
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Brome-Missisquoi, à l'ordre, s'il vous plaît!
M. Paradis: Si vous voulez m'inscrire, je parlerai
tantôt.
Le Président (M. Rochefort): C'est cela, vous aurez
l'occasion, à votre prochaine intervention, de faire les nuances, les
précisions que vous voudrez apporter.
M. le député de Champlain, vous avez la parole, si vous
voulez poursuivre.
M. Gagnon: Merci. Je serais très heureux que le
député de Brome-Missisquoi puisse m'expliquer de nouveau ce qu'il
a dit tantôt, parce que c'est justement pour cette raison que je prends
la parole. Je me verrais très mal, comme cultivateur, sur une terre de
Mirabel qui m'a été enlevée ou expropriée pour des
raisons que je connaissais à peine; où j'ai continué de
travailler et ai donné à cette ferme une plus-value, me faire
dire aujourd'hui: On va te la revendre à, je ne sais pas moi, 80%, 85%
ou 75% de sa valeur à ce jour. Je trouverais cela très grave.
C'est pour cela que, lorsqu'on parle de spéculation, la plus-value d'une
ferme dont on est propriétaire depuis toujours, c'est correct; mais,
lorsque cette ferme nous a été enlevée ou qu'on l'a
achetée sans qu'on veuille la vendre, qu'on reste locataire sur cette
ferme et qu'au bout d'un certain nombre d'années, on veuille la
rétrocéder, je crois qu'il est important de se servir, pour
calculer le prix de revente, du même crayon dont on s'est servi pour
calculer le prix de la première vente.
Il y a aussi le député d'Argenteuil qui semblait...
Là aussi on pourra peut-être rectifier, j'ai peut-être aussi
mal compris. Il a dit que si du territoire ou du terrain vendu à une
compagnie au prix de 3500 $ l'acre -c'est cela? - avait été
acheté, si mes informations sont bonnes, autour de 210 $ l'acre, si on
l'avait vendu à meilleur prix à la compagnie, on lui aurait fait
un cadeau. Il faut bien savoir que, s'il y a quelqu'un qui s'est fait un cadeau
dans ce cas, cela n'a pas été le cultivateur. Celui qui a fait le
cadeau, c'est le cultivateur qui s'est fait enlever le terrain. D'après
moi, c'est de la spéculation.
C'étaient les renseignements que je voulais avoir, parce que les
députés de Brome-Missisquoi et d'Argenteuil pourront s'expliquer.
Pour ma part, il faudra être extrêmement vigilant. Vous avez bien
fait de nous en avertir et de continuer de surveiller le dossier. Je pense
qu'il y a une injustice tellement grande qui s'est commise sur ce territoire
qu'on n'aurait le droit d'aucune façon, lorsqu'on le remettra, si
possible, le
plus tôt et le plus complètement possible aux anciens
propriétaires, de se trouver des raisons pour le leur remettre à
un prix qui serait plus fort que celui qu'on a payé pour le leur
enlever.
Là-dessus, je suis entièrement d'accord. On va continuer
à surveiller ce dossier de cette façon. Merci.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le
député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: M. le Président, vous me permettrez de prendre
Mgr Valois à témoin. Lorsque je l'ai questionné tout
à l'heure sur la spéculation, je lui ai posé la question
suivante, à partir d'un exemple que Mgr Valois avait donné d'un
propriétaire actuel qui pourrait résider dans le territoire
exproprié et dont la ferme valait, en 1969, 75 000 $ et vaudrait
aujourd'hui sur le marché 450 000 $. Je lui ai expliqué à
ce moment que le cultivateur qui fait cela dans une autre région - c'est
son cas - et qui travaille sur sa ferme, cela fait partie de son revenu. On a
même parlé de 50% de son revenu lors de dépositions
d'agriculteurs devant cette commission. J'ai également ajouté
à ce moment que cela était considéré par un
producteur agricole comme une espèce de fonds de retraite, si on me
permet l'expression. J'ai tout simplement demandé à Mgr Valois
si, à partir des textes invoqués et des citations qui avaient
été faites, il considérait a ce moment qu'il s'agissait
là de spéculation. Mgr Valois m'a répondu
là-dessus. Je ne sais pas si le député de Champlain
surveillait le dossier Mirabel d'un oeil distrait, mais, s'il veut apporter des
solutions concrètes au dossier de Mirabel et ne pas reprendre les
débats de façon à les retarder, de façon à
empêcher d'autres témoins d'être entendus, il aurait
avantage à être plus éveillé en commission et
à surveiller attentivement les propos qui y sont prononcés.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le
député de Rivière-du-Loup.
M. Boucher: Merci, M. le Président. Dans votre
mémoire, monseigneur, à la page 6, où vous dites: II faut
rendre à ces communautés locales une dignité qui leur a
été arbitrairement enlevée. Cela m'a fait
réfléchir. D'ailleurs, depuis deux jours, j'ai l'impression de
revivre ce que, à une certaine époque, dans les années
soixante, un autre gouvernement - et étant de la région du
Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie, vous me permettrez d'en faire
mention - pour ne pas être partisan, très libéral lui
aussi, nous avait imposé, c'est-à-dire une planification du genre
plan d'aménagement qui s'est terminé, par un plan de
déménagement, c'est-à-dire qu'on a commencé
à vider des paroisses et à fermer des paroisses. Vous avez
dû lire énormément sur cette période sombre de la
Gaspésie et du Bas-Saint-Laurent, où on a, à un moment
donné, justement mis un frein à cette vaste entreprise par des
opérations dignité. Sûrement que vous en avez entendu
parler par des collègues qui ont été les leaders de ces
opérations dignité et qui étaient évidemment les
curés de paroisse et qui ont mis un frein à cette vaste
opération de déménagement.
Ne croyez-vous pas que, pour ce qui est de Mirabel - l'opération
dignité, cela en a pris deux dans le Bas-Saint-Laurent et la
Gaspésie, l'opération dignité 1 et l'opération
dignité 2 - une bonne opération dignité du type de celles
qui ont été faites dans le Bas-Saint-Laurent et la
Gaspésie pourrait justement apporter une solution pour redonner à
ces communautés la dignité de se reprendre en main et de
reprendre leurs choses, comme vous le dites à la fin: II faut leur
redonner le droit de gérer leur propre territoire? J'en prends à
témoin les petites municipalités du comté de mon
collègue du Témiscouata, du genre qu'on appelle aujourd'hui le
JAL, Auclair, Lejeune et Saint-Juste-du-Lac. Ces gens-là étaient
en difficulté dans leur municipalité et, par l'opération
dignité, ils ont repris en main et ont bloqué cette
hémorragie. Aujourd'hui, ce sont trois paroisses qui augmentent de
population et où le taux de chômage est le plus bas, parce que les
gens ont repris leurs affaires en main et ont exploité leurs ressources.
Il y aurait peut-être aussi des exemples à trouver là pour
la façon de rétrocéder les terres parce que la
rétrocession des lots forestiers est en train de se faire dans le
territoire du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie. Dans certaines
paroisses, des terres ont été rachetées par le
gouvernement et elles ont été rétrocédées
aujourd'hui à des gens du milieu qui exploitent ces lots forestiers et
qui en font profiter tout l'environnement sur le plan économique.
Mgr Valois: Vous avez raison en disant que l'opération
dignité est importante et qu'il faut la faire. Maintenant, il y a une
opération survie qui doit être faite dans le territoire de
Mirabel. Je ne veux pas être méchant, mais je ne suis pas
sûr que la Société immobilière du Canada ne tente
pas par toutes sortes de moyens d'écoeurer les gens pour qu'ils s'en
aillent.
C'est le seul écart que je n'aurais pas dû faire, mais,
à un moment donné, il faut dire certaines choses.
M. Boucher: II va falloir prévoir, au lendemain de la
reprise, si jamais elle arrive, un réaménagement puis une reprise
en main de toutes les ressources du milieu pour le
développement futur des municipalités de Mirabel.
Justement, sur la question de l'entité de chacune de ces paroisses, moi
aussi, je me pose la question: Les gens vont-ils tenir à demeurer dans
une seule entité qui va s'appeler Mirabel ou reprendront-ils les noms
des paroisses comme les gens de la Gaspésie ont tenu à le
faire?
Le Président (M. Rochefort): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: J'aurais seulement une brève remarque à
faire avant de terminer. Il y a un élément qui me laisse un peu
insatisfait dans cette conversation très intéressante qu'on a
eue; c'est le problème de la frontière entre l'éthique et
la technique. J'ai remarqué que, sur bien des points où on aurait
aimé pousser la conversation plus loin, vous avez coupé court en
disant: Mais cela, c'est une question technique. Je ne dis pas cela pour ce
soir, mais pour la période qui s'en vient. Je vous le dis comme
député du comté que recouvre en partie votre
diocèse. Il me semble que ceux qui incarnent la dimension éthique
doivent constater que, pour que la dimension éthique ait de la valeur,
il Faut qu'elle soit présentée avec des données techniques
également, sinon elle risque d'être coupée de la
réalité. Vice versa, ceux qui sont placés dans la zone
plus technique peuvent essayer de s'intéresser eux aussi à la
dimension éthique, à la développer eux-mêmes, mais
pas seulement faire venir un spécialiste, en disant: Là, on l'a
entendu, on est correct maintenant, on va reprendre chacun notre affaire.
C'est le seul point que je voudrais signaler en terminant. Parce que je
regarde les problèmes comme ceux dont on a parlé, je ne voudrais
pas que certains députés, autant de notre côté comme
de l'autre, s'imaginent que, parce qu'eux autres disent une affaire qui va
être plus émotive, par exemple, cela témoigne d'une
sensibilité Unique plus grande. Il y a des exemples sur esquels on ne
peut pas revenir à ce moment-ci; on va avoir l'occasion d'y revenir,
mais c'est seulement une considération qui me semblait s'imposer vers a
fin de cet échange.
Mgr Valois: Je suis d'accord avec vous. Maintenant, il devient
difficile d'entrer trop loin dans la technique. Il devient difficile pour un
"éthicien", un moraliste ou un pasteur d'entrer dans le domaine
technique. à un moment donné, on peut se faire dire: Vous ne
connaissez pas cela, vous ne savez pas les implications. Mais c'est sûr
qu'à ce moment-là il faudrait que je consulte et que je m'entoure
de techniciens. M. le député de Brome-Missisquoi a fait allusion
aux textes français, à ces textes, et sur la spéculation
urbaine et sur la spéculation rurale, qui ont été faits
par des équipes dans lesquelles il y avait des moralistes et aussi des
spécialistes, des techniciens. C'est pour cela que les textes sont
tellement nuancés qu'il devient difficile de les interpréter. Je
suis de votre avis que, dans ces domaines, il faudrait que j'aie une
équipe formée de personnes plus compétentes au point de
vue technique. (22 h 15)
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le
député de Rousseau.
M. Blouin: Mgr Valois, j'ai l'honneur d'habiter dans la
région de Saint-Jérôme et d'y être
député, c'est pour cela que j'ai été moins
étonné que d'autres, qui ne sont pas habitués à
vous côtoyer, de la qualité et de la profondeur de l'opinion que
vous émettez dans le mémoire que vous nous présentez.
Évidemment, vous soulevez dans votre mémoire des problèmes
de fond, des problèmes qui touchent principalement la dignité
humaine. Évidemment, sur le plan moral, qu'un individu perde sa
dignité ou que des centaines d'individus la perdent, le problème
est aussi grave, mais je pense qu'il est plus bouleversant, compte tenu du
nombre de personnes qui sont en cause, dans le cas qui nous préoccupe.
Je sais que ce sujet vous a préoccupé vous aussi, celui de
l'importance de l'étendue de l'expropriation, parce que vous avez
même contacté des gens de Dallas, aux États-Unis, pour
essayer de savoir si, vraiment, lorsqu'on décidait de bâtir
l'aéroport qui, au monde, nécessite la plus grande superficie, on
était satisfait de cette superficie ou si on ne pouvait pas imaginer ce
qu'il y avait de mieux ou ce qu'il y avait de pire et voir si on ne pouvait pas
excéder des besoins de territoire qui sont au-delà de ceux de
Dallas, qui sont à peu ceux de la zone qu'on appelle
opérationnelle, mais où on fait presque de la science-fiction
lorsqu'on appelle cela une zone opérationnelle.
Avec tous les contacts que vous avez eus, les réflexions que vous
avez faites à ce sujet, au-delà de ce qu'on vous avait dit sur
cette éventuelle loi québécoise dont on n'a pas entendu
parler depuis le début, vous nous apprenez cette possibilité; je
ne sais pas d'où vous tenez cela non plus, mais, en tout cas, puisqu'on
vous a dit cela, je présume que quelqu'un y avait peut-être
pensé un jour, enfin, il ne semble pas que cela ait connu une suite
très articulée. Cette loi québécoise n'aurait pas
pu avoir tellement d'effet, parce que la loi fédérale de
l'aéronautique permet au gouvernement fédéral d'exercer
des contrôles très sévères sur les territoires qui
entourent les aéroports, de toute façon. Nous avons aussi
questionné les spécialistes en aéronautique du
ministère des Transports du Québec, qui n'ont pas
été capables d'expliquer, sur le plan strictement technique, les
motifs qui auraient pu inciter
le gouvernement fédéral à multiplier les
problèmes de dignité que vous évoquez dans votre
mémoire. Sans cette optique et d'après les réflexions et
les contacts que vous avez eus, les discussions que vous avez tenues à
ce sujet, est-ce qu'il vous est venu un éclairage auquel on n'aurait pas
pensé et qui vous permette à vous d'entrevoir des
hypothèses d'explication au sujet de l'immensité du territoire
exproprié?
Mgr Valois: Quand le territoire a été
exproprié, j'était professeur avec le député de
Groulx au célèbre collège Lionel-Groulx. À ce
moment, cela a été une bombe qui est tombée sur les gens
de Sainte-Thérèse en haut, parce que Sainte-Thérèse
en haut faisait partie de l'expropriation. Je me souviens de la réaction
des gens de Sainte-Thérèse en haut, il y avait quelques
professeurs qui demeuraient là, dont Elie. Ils disaient: Cela n'a pas de
bon sens qu'on soit exproprié dans cette histoire-là. En dedans
de quelques jours, Sainte-Thérèse en haut a été
sortie de l'expropriation. À ce moment, on avait questionné un
peu les gens. On disait: Comment se fait-il qu'ils ont exproprié
Sainte-Thérèse en haut? On nous a dit - encore là, ce sont
des sources plus ou moins officielles - que, pour que le secret soit bien
gardé, le gouvernement fédéral avait fait appel à
des géographes de l'Ouest canadien pour tracer les lignes de
l'expropriation et que ceux-ci auraient travaillé sur des cartes de
1922. C'est ce qu'on nous avait dit dans le temps. De fait, en 1922,
Sainte-Thérèse en haut, c'était la terre du
séminaire. On a dit des choses comme cela, je n'ai aucune preuve encore
que les géographes en question étaient vraiment de l'Ouest
canadien. De fait, le secret avait été bien gardé.
Pourquoi a-t-on exproprié 97 000 acres de terres? Je pense qu'il
y a eu une erreur; il faudrait reconnaître cette erreur. Aujourd'hui, je
cherche une réponse. Je me demande régulièrement pourquoi
le gouvernement fédéral ne veut pas se débarrasser de ces
terres expropriées en trop? Pourquoi ne veut-il pas s'en
débarrasser? C'est clair que c'est exproprié en trop. C'est
clair. Vous savez l'histoire de Dallas: Fort Worth est le plus grand
aéroport au monde, avec 17 000 acres de terre. C'est clair que c'est
exproprié en trop. Pourquoi ne veut-il pas le remettre aux anciens
propriétaires? Pourquoi ne veut-il pas? Ensuite, il diminuerait ses
dépenses. Cela lui coûte cher administrer cela, le territoire
exproprié en trop. En tout cas, je cherche une réponse et je ne
suis pas capable de la trouver. Si vous êtes capables de me la donner,
j'aimerais bien cela l'avoir.
M. Blouin: On va être obligé de continuer à
chercher ensemble ou bien de finir, après les auditions de notre
commission parlementaire, par tirer des conclusions parce qu'il semble
qu'effectivement, personne ne soit capable de nous fournir d'explications, de
quelque nature qu'elles soient, sur l'étendue de ce territoire
exproprié. Quant à moi, je peux vous dire que, de plus en plus,
j'ai le net sentiment que le témoignage et l'opinion, cet
après-midi, de la Société nationale des
Québécois des Laurentides commence à s'adapter assez
précisément au territoire de Mirabel, c'est-à-dire que,
purement et simplement, j'ai de plus en plus le sentiment que le gouvernement
fédéral a voulu mettre un pied de plus au Québec, point
final.
Le Président (M. Rochefort): Merci. Sur ce...
Mgr Valois: Vous me permettrez...
Le Président (M. Rochefort): Sûrement.
Mgr Valois: ... d'ajouter que mon intervention dans le dossier de
Mirabel, ce n'est pas une intervention politique, ce n'est pas contre le
gouvernement fédéral, ce n'est pas contre les libéraux
fédéraux. Ce n'est pas dans ce sens. C'est vraiment une
intervention pour défendre les intérêts des gens sur place.
Si le gouvernement provincial, le gouvernement PQ entrait dans le dossier, s'il
devenait propriétaire ou administrateur des terres expropriées en
trop, je tiendrais le même langage.
M. Garon: C'est ce que j'avais compris.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Berthier.
M. Houde: M. le Président, tout d'abord, je voudrais vous
féliciter, monseigneur. C'est magnifique ce que vous avez fait. Je
voudrais seulement vous poser une question: Est-ce que vous seriez d'accord
pour que le gouvernement provincial, le ministre en tête, s'implique
directement dans le dossier actuel? Répondez oui ou non ou ne
répondez pas, je ne vous en voudrai pas.
Mgr Valois: Je ne sais pas.
Le Président (M. Rochefort): Sur ce,
Mgr Valois, je tiens à vous remercier, au nom des membres de la
commission, de vous être présenté devant nous, d'avoir
collaboré avec nous. J'inviterais maintenant l'intervenant suivant, M.
Euclide Proulx, à se présenter à la table.
Une voix: Bon voyage.
Le Président (M. Rochefort): Avant de vous accorder la
parole, le député d'Argen-
teuil m'a demandé quelques minutes pour une intervention. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Je voudrais m'excuser auprès de M. Proulx et du
témoin suivant. Je suis obligé de partir. Je dois prendre l'avion
pour Rome demain et j'ai une grosse journée avant de partir. Je dois
aller à Rome pour la canonisation de Mère Marguerite Bourgeoys en
tant que membre de la délégation du Québec et il faut
absolument que je retourne à Montréal par l'autobus de 23 heures.
J'espère que vous comprendrez, nous avons passé deux jours
complets ensemble, il y a bien d'autres moments que nous allons devoir passer
ensemble là-dessus et je voulais vous dire que je vais être avec
vous en esprit. Merci.
M. Euclide Proulx
Le Président (M. Rochefort): Alors, M. et Mme Proulx,
bienvenue à la commission, et je vous inviterais à nous
présenter votre mémoire.
Mme Cousineau (Colette): Juste une petite rectification, M. le
Président. Je ne suis pas Mme Proulx. J'ai tout simplement
répondu à la demande de M. Proulx de faire la lecture de son
mémoire.
Le Président (M. Rochefort): Veuillez n'excuser. Je
voudrais que vous repreniez, je ne vous ai pas entendu.
Mme Cousineau: Une petite précision. je ne suis pas Mme
Proulx. M. Proulx m'a tout simplement demandé de faire la lecture le son
mémoire.
Le Président (M. Rochefort): Parfait. Une voix:
Merci.
Le Président (M. Rochefort): Toutefois, pour les fins du
journal des Débats, j'aimerais que vous vous identifiiez.
Mme Cousineau: Colette Cousineau. Le Président (M.
Rochefort): Merci.
Mme Cousineau: M. le Président, M. le ministre, MM. les
députés, mon espoir est de continuer à vivre là
où nous avons pris racine. Un peu d'histoire.
En juin 1970, je remplaçais et louais la terre de mon
père, plus les terres voisines, ce qui comprenait alors 242 arpents.
J'avais donc une garantie de travail assuré. Alors, ce fut le grand
dérangement par les travaux pour fins publiques. En 1971, le chemin de
fer et Hydro-Québec. En 1972, la route 158. En 1973, l'aqueduc de
Mirabel. Pour tous ces dérangements, j'ai réclamé 7100 $
et on ne m'a donné que 2437 $ sous forme de crédit de loyer.
Aussi, en 1980, deux câbles de Bell Canada traversaient la terre dans
toute sa largeur sans aucune compensation.
En avril 1973, le BANAIM présentait son livre vert: Services de
location et gestion agricole. J'ai eu confiance d'évoluer en agriculture
par le moyen des locations. Pour les améliorations ou constructions
nouvelles, le ministère devait s'impliquer par la fourniture des
matériaux et la construction devait être faite par nous.
La grange-étable et le silo. En janvier 1974, je demandais un
silo et l'autorisation d'agrandir la grange-étable. En avril 1974,
j'avais l'autorisation de bâtir en me servant d'un silo qui était
à démolir à Sainte-Monique; amortissement du coût
sur une durée de dix ans, puis le ministère deviendrait
propriétaire sans verser d'argent. Le pire, c'est qu'en septembre 1974,
ils m'ont dit qu'ils n'avaient plus de budget pour la grange-étable et
que je devais donc en assumer tous les frais. Je me retrouve donc avec un silo
et sans grange-étable.
Le garage. En 1976, je demandais et j'obtenais l'autorisation de
bâtir un garage. On me disait qu'ils le paieraient et que je paierais
ensuite un loyer. L'entente était que le garage coûterait 15
529,25 $.
Dernièrement, en juillet 1981, on m'offrait 11 272 $ pour un
garage évalué à 1300 $ de plus par les agents du
ministère, cinq ans auparavant. J'ai refusé. Qu'est-ce que vous
auriez fait à ma place? (22 h 30)
Le deuxième silo. En 1979, j'ai dû acheter un
deuxième silo, amorti sur une période de douze ans, en assumant
la totalité du coût.
La perte d'un silo. En 1980, on m'enlevait le droit de sous-louer un
silo inoccupé, situé près d'une résidence dont la
grange avait passé au feu avant 1969. C'était sur des terres que
je loue et j'avais employé ce silo depuis 1975. On m'empêche
maintenant de l'utiliser et il reste là à ne rien faire.
Les réparations. En 1976, renouvellement du bail de dix ans, avec
option de cinq ans supplémentaires. Une entente sur la réparation
dans la maison, une fenêtre, un lavabo et la couverture. On donnait une
augmentation de loyer de 102 $ par mois. Quand ils sont venus pour la
réparation, ils ont changé toutes les fenêtres, même
s'il n'y en avait qu'une seule de brisée. Ils ont aussi changé
toutes les armoires pour rien. Les nouvelles fenêtres sont moins
étanches que les anciennes.
En 1973, j'ai cru au BANAIM qui prêchait qu'on épargnait
200 $ par année, par location, en comparaison avec un
propriétaire, mais on ne parlait pas de la plus-value de la terre; on ne
parlait pas de sécurité; on ne parlait pas de
l'impossibilité
d'assurer nos investissements; on ne parlait pas du refus du
gouvernement de payer les matériaux; on ne parlait pas non plus de la
possibilité d'une relève. J'ai cru au BANAIM et ils m'ont fait
perdre huit ans. Aujourd'hui, je peux vous garantir que tous les cultivateurs
locataires de ma paroisse, Saint-Canut, qui font uniquement de l'élevage
d'animaux et de la culture du sol, ne peuvent pas vivre uniquement de leur
terre. Tout cela, parce qu'ils n'ont pu agrandir et se moderniser normalement.
C'est cela mon histoire et ma déception d'avoir cru aux promesses du
BANAIM en 1973.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre.
M. Garon: Je comprends que vous avez été mal pris,
si vous vous êtes retrouvé avec un silo et pas de
grange-étable. Qu'est-ce que vous avez fait avec des silos pendant cet
été?
M. Proulx (Euclide): On a mis les animaux dehors...
M. Garon: Pardon?
M. Proulx (Euclide): ... et ils entraient dans la grange. On a
mis les animaux dehors; on les faisait monter dans une batterie dans la grange.
J'ai une étable et 242 arpents avec 18 attaches. Il faut agrandir pour
exploiter 242 arpents. Par contre, j'ai d'autres granges-étables sur les
terres voisines.
M. Garon: Êtes-vous membre du CIAC? M. Proulx (Euclide):
Oui et directeur de i'upa.
M. Garon: Directeur de I'UPA. M. Proulx (Euclide): Oui.
M. Garon: Du syndicat de base? M. Proulx (Euclide): Oui.
M. Garon: Dans quelle production êtes-vous?
M. Proulx (Euclide): L'élevage de la vache laitière
et des animaux de boucherie.
M. Garon: Êtes-vous membre de la chambre de commerce?
M. Proulx (Euclide): Non. J'ai assisté à la
dernière assemblée, par contre.
M. Garon: Oui. Est-ce qu'il y avait beaucoup de cultivateurs?
M. Proulx (Euclide): II y avait un cultivateur, producteur de
tourbe, je dirais un cultivateur commercial.
M. Garon: II n'y en avait pas d'autres? M. Proulx (Euclide):
Non.
M. Garon: Est-ce que vous étiez à une
réunion habituelle ou...
M. Proulx (Euclide): C'était une assemblée pour
réparer la conférence de presse qu'ils avaient faite au mois de
septembre. J'ai assisté à cela.
M. Garon: Ah!
M. Proulx (Euclide): C'était une rencontre avec les
fonctionnaires plutôt qu'avec la chambre de commerce.
M. Garon: Quel est le prix, dans votre esprit, auquel devrait
être rétrocédée votre ferme?
M. Proulx (Euclide): Le prix que mon père a
été payé, moins les dommages et moins ce que j'ai
mentionné. Pour ce qui est des dommages, quand on voit passer
Hydro-Québec, l'aqueduc, des câbles du Bell, la route 158, ce sont
des contraintes; mon père a été payé, mais il n'y
avait rien de cela. Quand je parle du prix de 1969, ces contraintes-là
n'existaient pas en 1969.
M. Garon: En quelle année avez-vous avez pris la
succession de votre père?
M. Proulx (Euclide): En 1970.
M. Garon: Vous êtes sur la ferme de votre père
depuis 1970.
M. Proulx (Euclide): Oui, plus des terres voisines.
M. Garon: Dans la paroisse où vous demeurez, est-ce que le
nombre d'agriculteurs a diminué au cours des années?
M. Proulx (Euclide): Beaucoup, je ne pourrais pas vous dire le
nombre, mais c'est moins de 50%.
M. Garon: Je vous remercie.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le
député de Berthier.
M. Houde: Je voudrais vous féliciter, premièrement,
M. Proulx, pour votre patience et votre ténacité. Quand on lit
attentivement votre mémoire, vous avez été courageux et
vous l'êtes encore. Ne lâchez pas, j'espère qu'ils vont
finir par vous donner ce que vous
souhaitez depuis plusieurs années. Merci.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le
député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: M. Proulx, lorsque vous avez pris la relève de
votre père, la terre était déjà expropriée.
Est-ce le cas?
M. Proulx (Euclide): Oui.
M. Paradis: Quand, en 1971, le chemin de fer et
Hydro-Québec sont passés; quand, en 1972, la route 158; quand, en
1973, on a passé l'aqueduc de Mirabel, vous avez reçu 2437 $ de
compensation.
M. Proulx (Euclide): Oui.
M. Paradis: Je ne sais pas qui était le
propriétaire, mais disons le gouvernement fédéral...
M. Proulx (Euclide): BANAIM.
M. Paradis: Combien le BANAIM a-t-il reçu à
l'époque?
M. Proulx (Euclide): Pardon?
M. Paradis: Le BANAIM a dû recevoir une compensation du
ministère des Transports du Québec pour la route,
d'Hydro-Québec pour sa ligne, etc.
M. Proulx (Euclide): C'est toute une histoire à
raconter.
M. Paradis: Est-ce trop long?
M. Proulx (Euclide): C'est une histoire avec...
M. Paradis: C'est parce que je veux savoir s'ils ne vous ont pas
pris de l'argent entre les deux.
M. Proulx (Euclide): Ils m'ont loué la terre.
M. Paradis: Oui.
M. Proulx (Euclide): C'était Caïn qui faisait les
opérations. Caïn n'avait pas averti BANAIM quand la route 158 et
l'aqueduc ont été passés. C'était un jeu de
lance-balles de tous côtés. La ville de Mirabel débutait,
à ce moment-là. Il a fallu réunir tout le monde, à
un moment donné, parce que j'avais porté plainte et
l'entrepreneur de l'aqueduc avait un contrat de plusieurs millions - je sais
que ça coûtait cher - et, pour qu'il soit payé, il fallait
régler le problème. Ils se garrochaient la balle l'un et
l'autre.
M. Paradis: Mais vous n'êtes pas au courant si de l'argent
aurait été versé soit par Hydro-Québec ou le
ministère des Transports du Québec à BANAIM, en plus de ce
que vous auriez reçu?
M. Proulx (Euclide): Non.
M. Paradis: Vous n'êtes pas au courant de cet aspect du
dossier.
M. Proulx (Euclide): Je me suis arrangé avec BANAIM.
M. Paradis: Vous êtes dans une des zones jaunes sur la
carte.
M. Proulx (Euclide): Non. M. Paradis: Non?
M. Proulx (Euclide): Je suis à Saint-Canut, à
côté de...
M. Paradis: Vous n'êtes pas dans les terres à
rétrocéder?
M. Proulx (Euclide): Dans les 14%, selon M. Goyer. Des terres ont
déjà été dégelées dès 1969 ou
1970.
M. Paradis: Vous n'êtes pas dans l'opération
à rétrocéder.
M. Proulx (Euclide): Non, pas dans la première
opération.
M. Paradis: Pas dans la première phase.
M. Proulx (Euclide): Quand on lit le programme de M. Fox, je suis
dans les 14%.
M. Paradis: D'accord. Si cela vous était offert aux
conditions de la rétrocession qui ont été
énumérées par plusieurs autres intervenants, est-ce que
vous seriez intéressé...
M. Proulx (Euclide): Je suis acheteur.
M. Paradis: Vous êtes acheteur à ces
conditions-là?
M. Proulx (Euclide): Oui, monsieur.
M. Paradis: Est-ce que vous avez présentement de la
relève qui commence à pousser?
M. Proulx (Euclide): Oui.
M. Paradis: Quel âge ont-ils?
M. Proulx (Euclide): Cinq ans.
M. Paradis: II faut cumuler si on veut
leur passer. Très bien. Merci beaucoup de votre
participation.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le
député de Rousseau.
M. Blouin: M. Proulx, à la page 2, avant-dernier
paragraphe de votre mémoire, vous nous expliquez quelque chose d'assez
curieux. Sur une terre que vous louez, vous avez utilisé un silo pendant
un certain nombre d'années et, à un moment donné, vous
n'avez plus eu la permission d'utiliser un silo qui était
inutilisé si vous ne l'utilisiez pas.
M. Proulx (Euclide): Oui. Je voulais faire des réparations
à ce silo, y mettre une couverture. Je sous-louais ce silo. Quand je
l'ai demandé, ils m'ont dit: Tu n'as pas affaire là, toi. Ce
n'est pas à toi, tu n'as pas affaire là. Le silo est sur le bail
de la résidence.
M. Blouin: Pourquoi? Pour servir de hangar?
M. Proulx (Euclide): Je m'étais entendu avec le
résident, sur une des fermes que je loue, pour prendre le silo. On
s'était entendu. Quand j'ai demandé une permission pour tous les
travaux et les investissements que je voulais faire, j'ai eu la permission,
l'autorisation à chaque investissement. Quand j'ai parlé de faire
des réparations au silo, mettre une couverture et un videur de silo, on
m'a refusé.
M. Blouin: Celui qui restait sur cette terre ne cultivait
pas.
M. Proulx (Euclide): Non, la grange avait passé au feu.
C'est une terre que je loue.
M. Blouin: II ne cultivait pas et...
M. Proulx (Euclide): Le silo est seul et ne sert à rien
dans le moment.
M. Blouin: Ils ne veulent pas que vous l'utilisiez.
M. Proulx (Euclide): Non.
M. Blouin: Vous avez argumenté, je suppose.
M. Proulx (Euclide): Oui, j'ai des lettres en main.
M. Blouin: Qu'est-ce qu'ils vous répondent? Pourquoi ne
veulent-ils pas? Puisqu'ils savent que l'autre ne cultive pas de toute
façon, cela dérange quoi?
M. Proulx (Euclide): C'est parce que le bail est
déjà signé au résident. Pour aller à cette
résidence, la route passe sur un lopin de terre et il y a la
rivière en arrière. On a dit que faire une annexe au bail, ce
serait trop pour juste un silo.
M. Blouin: C'est trop compliqué.
M. Proulx (Euclide): C'est trop compliqué. Ils se
compliquent assez la vie Je peux vous en donner un exemple, celui des
cultivateurs qui veulent budgétiser avec un système de hausse de
loyer. Vous devriez examiner cela et prendre le temps de le calculer.
M. Blouin: Vous êtes en train de confirmer les propos de
Mgr Valois qui ont fait sursauter la sténographe dans les galeries tout
à l'heure.
M. Proulx (Euclide): J'espère qu'elle va comprendre quel
groupement représentent les expropriés.
M. Blouin: À titre d'information, elle a dû quitter
quand Mgr Valois a prononcé ces paroles, un peu comme l'eau
bénite chassait le démon pendant les tempêtes.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Champlain.
M. Gagnon: Merci. Vous avez mentionne que, dans votre paroisse,
il y a plus de 50% des producteurs agricoles, des cultivateurs qui sont
disparus. Je voudrais savoir s'il y a des fermes qui sont abandonnées ou
si ce acres de terre sont cultivées en ce moment.
M. Proulx (Euclide): II y a beaucoup de terrain inutilisé,
à l'abandon. En pourcentage ce serait au moins 25%. Je vous parle de
Saint-Canut et non pas d'ailleurs.
M. Gagnon: Les terres sont abandonnée autour de vous ou un
peu plus loin; lorsqu'on a fait la tournée du territoire, on s'est
aperçu qu'il y avait beaucoup de mauvaise herbes. Évidemment, le
terrain étant abandonné, il y a toutes sortes de choses qui
poussent. Est-ce que cela nuit à vos récolte que les terres
voisines soient infestées de mauvaises herbes? Avez-vous remarqué
que cela a pu être un élément qui vous a fait perdre une
récolte?
M. Proulx (Euclide): Je pourrais vous raconter l'histoire de mon
frère qui a loué une terre il y a environ trois ans pour produire
de l'asperge. Dans le bas de la terre, cela avait été
abandonné depuis l'expropriation et cela a pris 34 jours, à trois
hommes, pour défricher les érables Giguère et rendre le
terrain cultivable.
M. Gagnon: II y a une loi qui permet à trois cultivateurs,
je crois, de faire une demande au propriétaire pour qu'il entretienne
son terrain. Même s'il ne le fait pas, la municipalité peut le
faire et lui envoyer le compte. Sur le territoire de Mirabel, compte tenu que
vous avez un propriétaire très riche, est-ce que vous avez
déjà fait la demande pour faire justement l'entretien des
mauvaises herbes?
M. Proulx (Euclide): Non. On fait les apparences, par contre, le
bord des routes, mais les trécarrés, ils ne les font pas. (22 h
45)
M. Gagnon: Là où vous habitez, il y a tout un
carré qui n'a pas été exproprié. On remarque cela
un peu partout sur le territoire; à un moment donné, c'est de la
dentelle tout le tour. Il y a des endroits que probablement le son affectait
moins que d'autres, parce qu'il y a des terres qui ne sont pas
expropriées. D'autres le sont juste à côté. Vous,
vous êtes dans le coin, en haut, et ce carré qui n'a pas
été exproprié, pour quelle raison ne l'a-t-il pas
été?
M. Proulx (Euclide): Je ne pourrais pas vous le dire. Ils ont
fait un détour. C'est le village de Saint-Canut, le grand rectangle? Un
peu plus loin, vous avez une autre terre, dont je suis voisin, à environ
un demi-mille. Lui, il est venu à bout de se faire enlever de
l'expropriation en 1969 ou 1970. Il y a son frère qui est voisin. Il a
tout fait pour se faire enlever et il n'a jamais été capable.
M. Gagnon: Le voisin n'a pas pu se faire enlever, mais son
frère s'est fait enlever.
M. Proulx (Euclide): Oui.
M. Gagnon: On ne vous a jamais donné d'explication
à cela? Parce que je ne sais pas, moi, un boisé, une montagne, je
ne sais pas trop quoi qui faisait que le bruit passait par-dessus cette
ferme?
M. Proulx (Euclide): Pas par écrit. M. Gagnon:
Merci.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le
député de Berthier.
M. Houde: Une question bien courte. Lorsque vous avez fait votre
deuxième silo en 1979, est-ce que vous avez eu des subventions?
M. Proulx (Euclide): Aucune subvention. M. Houde: Aucune
subvention. Merci. Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le
ministre.
M. Garon: Vous avez dû demander des subventions quelque
part pour votre silo en 1979?
M. Proulx (Euclide): Je n'en avais pas.
M. Garon: Avez-vous demandé des subventions pour votre
silo en 1979?
M. Proulx (Euclide): Non, je n'ai pas demandé de
subvention.
M. Garon: Vous n'avez pas demandé de subvention.
M. Proulx (Euclide): Non.
M. Garon: J'aimerais vous demander une chose. On vient de me
montrer une page dans votre bail. Votre bail est-il décrit... Comment
votre bail est-il décrit?
M. Proulx (Euclide): Je suis encore sous l'ancien cadastre. Par
contre, j'ai un petit morceau que j'ai loué dernièrement et lui
est avec des points géodésiques et "cazimuts". J'ai un autre bail
que j'ai signé dernièrement. Il y a des points
géodésiques et des points "cazimuts".
M. Garon: Êtes-vous capable de vérifier où
sont ces affaires-là?
M. Proulx (Euclide): Non. Je ne suis pas capable de trouver les
quatre coins de la terre avec ces quatre points. C'est impossible pour un
cultivateur de trouver ça. Par contre, vous lisez l'ancien cadastre, je
pense que n'importe qui va s'en aller et va le trouver.
M. Garon: Ce sont les nouveaux contrats de la
société immobilière. Qui préside la
société immobilière?
M. Proulx (Euclide): M. Jean-Pierre Goyer.
M. Garon: Le président. Quels sont les autres qui dirigent
cela?
M. Proulx (Euclide): Les fonctionnaires. Je connais M. Brien, M.
Pierre Marinier.
M. Garon: M. Brien, c'est qui? Le premier nom?
M. Proulx (Euclide): Ce n'est pas une lumière.
M. Garon: M. Pierre Brien.
M. Proulx (Euclide): Pierre Brien. Après cela...
M. Garon: Qu'est-ce que fait M. Brien?
M. Proulx (Euclide): Je n'ai jamais eu affaire à lui.
Après cela, j'ai eu affaire avec M. Pierre Marinier.
M. Garon: M. Pierre Marinier.
M. Proulx (Euclide): Celui qui a acheté mon garage pour 1
$, qui se dit propriétaire de mon garage pour 1 $.
M. Garon: II a acheté votre garage. Comment ça,
votre garage?
M. Proulx (Euclide): Parce que j'ai reçu une lettre,
à un moment donné, parce que je refusais le montant d'argent que
j'ai d'écrit dans mon mémoire. Il devenait propriétaire de
mon garage.
M. Garon: Pour 1 $. M. Proulx (Euclide): Oui.
M. Garon: Avez-vous reçu la piastre? Est-il
propriétaire ou si c'est la Société immobilière du
Canada?
M. Proulx (Euclide): La société immobilière,
remarquez bien. Au nom de la société.
M. Garon: Qu'est-ce que fait M. Pierre Marinier
là-dedans?
M. Proulx (Euclide): C'est un directeur.
Une voix: Vice-président.
M. Proulx (Euclide): Vice-président.
M. Garon: II est vice-président, lui. Il a acheté
le garage pour lui?
M. Proulx (Euclide): II a acheté le garage au nom de la
société. Je pourrais vous procurer les documents.
M. Garon: Ils vous l'ont reloué après?
M. Proulx (Euclide): Non, non, je ne paie rien non plus.
M. Garon: Est-ce vous qui en avez la jouissance?
M. Proulx (Euclide): Par contre, le premier silo que vous voyez
dans le mémoire, je suis allé chercher un silo qu'on était
pour démolir. On m'a donné quatre silos avant que je puisse en
avoir un. Chaque fois que j'arrivais pour prendre le silo, ils étaient
en train de le démolir dans la région de Sainte-Monique.
M. Garon: On vous a donné un silo existant?
M. Proulx (Euclide): Au moment où on a fait la voie
d'accès, en 1973, on a démoli plusieurs silos, et je voulais en
avoir un. J'ai dit: Je suis capable d'en avoir un, au lieu de l'enterrer. On a
enterré des silos flambant neufs. Quand je suis arrivé là,
on finissait de les enterrer. On m'en donnait sur papier mais, quand j'arrivais
là, ils étaient dans la terre.
M. Garon: M. Brien... Son prénom encore?
M. Proulx (Euclide): Pierre.
M. Garon: Pierre Brien. Que fait-il là-dedans? Vous ne le
savez pas?
M. Proulx (Euclide): Non. Ensuite, cela tombe à Léo
Ferland, Claude Vermette notre avocate.
M. Garon: Votre loyer, comprenez-vous comment il fonctionne? J'ai
la formule ici L-1 égale L multiplié par C-1 sur C
multiplié par P sur E.
M. Proulx (Euclide): Cela dépend de la couleur des
yeux.
Des voix: Ah! Ah!
M. Garon: Est-ce que tous les gens ont des calculs de loyer
semblables?
M. Proulx (Euclide): Je n'en connais pas beaucoup.
M. Garon: Vous n'en connaissez pas d'autres qui ont une formule
semblable pour calculer le prix de leur loyer?
M. Proulx (Euclide): J'en connais un seulement.
M. Garon: Les baux ne sont-ils pas uniformes?
M. Proulx (Euclide): Cela dépend de la couleur des
yeux.
M. Garon: Oui.
M. Proulx (Euclide): Je ne sais pas si un cultivateur est capable
de budgétiser quelque chose dans l'avenir de cette façon quand on
voit que le crédit agricole a un mode de paiement qui est fixe tout le
temps.
M. Garon: Cela n'a pas de bon sens. On vous remercie,
monsieur.
M. Proulx (Euclide): C'est parce que vous changez de
fonctionnaire et que celui-là peut changer certains indices.
M. Garon: Les indices changent avec les fonctionnaires.
M. Proulx (Euclide): Les indices peuvent être
changés par les fonctionnaires dans cette formule. Le gars qui a
signé cela en 1976, qui a présenté cela, n'est plus
là. C'est un autre fonctionnaire qui est là aujourd'hui. Il
change l'indice et ce n'est jamais à notre avantage.
M. Garon: Je vous remercie, M. Proulx.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Oui, M. le Président. Strictement pour
l'information des membres de la commission et, je pense, également pour
l'information des membres qui assistent à cette commission, j'ai
réussi, sur l'heure du midi, à découvrir ce
qu'était le système géodésique, parce que cela
m'intriguait autant que cela pouvait intriguer l'honorable ministre. Cela
pourrait vous intéresser également. J'ai communiqué avec
le service géodésique du ministère de l'Énergie et
des Ressources du Québec. On nous dit que le système
géodésique de représentation graphique est la façon
la plus permanente de représenter graphiquement le morcellement du
territoire. On ajoute que ledit système a été
appliqué par le ministère des Travaux publics et de
l'Approvisionnement du gouvernement fédéral sur le territoire de
Mirabel, en collaboration avec le service géodésique du
ministère de l'Énergie et des Ressources du Québec, lequel
a apporté l'aide technique nécessaire. On ajoute également
que ce principe est présentement utilisé par Hydro-Québec
et Bell Canada. À la ville de Montréal - parce qu'on a
également là de la séparation d'eau à faire -on dit
que c'est le système qu'elle utilise ouvertement à l'heure
actuelle. Si vous désirez de plus amples renseignements sur tous ces
systèmes, vous pouvez communiquer avec M. Jean Bédard à
643-8536 ou à la ville de Montréal avec M. Roger Guénette
à 873-3841. C'est l'information que j'ai obtenue, mais je ne suis pas
plus en mesure de vous expliquer comment cela fonctionne dans ce qu'on appelle
le pratico-pratique.
M. Garon: Mais vous avez dit...
M. Blouin: Cela ne fonctionne pas à Mirabel, parce que les
notaires de la Beauce ne connaissent pas cela.
M. Paradis: C'était la première fois -la même
chose pour l'honorable ministre de l'Agriculture - que j'en entendais parler et
je pense que c'était le cas du député de Beauce-Sud qui
est notaire de profession. Hier, c'était la première fois qu'il
en entendait parler lui aussi.
M. Garon: Qui vous a donné cette information? Vous dites:
"On dit".
M. Paradis: Non, la source, c'est mon recherchiste qui a
appelé, en début d'après-midi, Jean Bédard, au
service géodésique du ministère de l'Énergie et des
Ressources, à 643-8536. Il a également appelé
Guénette, parce que moi, je me suis dit: Qui j'appelle si j'ai un
problème d'enregistrement? La première chose qui m'est venue
à l'idée, c'est: J'appelle un bureau d'enregistrement avant que
le gouvernement les déménage... Par la suite, au bureau
d'enregistrement, je n'ai rien pu avoir. Ensuite, j'ai pensé à
ça, je me suis dit: On va appeler à Énergie et Ressources,
ils ont les services géodégiques.
M. Garon: II y a un service géodésique, mais ce
n'est pas pour les contrats du gouvernement du Québec.
M. Paradis: Ils sont situés au 1995 Charest ouest,
à Québec. Il faudrait peut-être aller visiter ça
ensemble.
Le Président (M. Rochefort): Cela va? M. Garon: On
va le vérifier.
Le Président (M. Rochefort): Sur ce, M.
Proulx, je tiens à vous remercier, au nom des membres de la
commission, de vous être présenté devant nous. J'inviterais
maintenant le témoin suivant à se présenter, Mme Rita
Clermont.
Bienvenue à la commission, madame. Je vous demanderais, sans plus
tarder, de nous présenter votre mémoire.
Mme Rita Clermont
Mme Clermont (Rita): M. le Président, M. le ministre, MM.
les députés de la commission parlementaire, enfin une commission
parlementaire par le gouvernement du Québec, après avoir souffert
durant treize années les affronts d'une expropriation injuste et inutile
par le gouvernement fédéral, ministère des Transports,
pour la construction d'un aéroport au Québecl De
propriétaire que j'étais en 1969, dans la belle
municipalité du village de Sainte-Scholastique, on m'a réduite au
titre de locataire, avec toutes les responsabilités de
propriétaire, gouvernée par la Société
immobilière du Canada, société à but lucratif.
Ce dossier du territoire exproprié dans trois comtés de la
province de Québec est
une véritable balafre faite à la population et au
territoire par une administration publique et fédérale
inconsciente de ses responsabilités et obnubilée par la
nécessité de prouver son existence et son utilité en
occupant le plus de territoire possible au Québec. Est-ce là une
réponse d'Ottawa aux séparatistes, à moi la
première? Pour ma part, il s'agit là du plus important abus
d'autorité d'une administration publique toute-puissante dans ses
rapports avec les citoyens.
Si on m'avait laissé ma propriété, je n'aurais pas
perdu mon emploi de journaliste au journal hebdomadaire de la région.
J'aurais eu seulement les taxes municipales et scolaires à payer. Je
pourrais bénéficier des subventions concernant l'isolation, le
chauffage, etc. J'avais une hypthèque à 6% le nombre
d'années que je voulais, le prêteur étant un ami.
Ce quatrième gouvernement à nous gouverner, nous, les
expropriés - parce que nous avons le gouvernement fédéral,
le gouvernement provincial, le gouvernement municipal et la
Société immobilière du Canada - crée, sur tout le
territoire, un climat d'insécurité, de mécontentement et
de stress continuel. (23 heures)
L'histoire des baux de location est une vraie injustice, une vraie honte
de la part du gouvernement fédéral. On a falsifié ma
signature, après que j'ai signé mon bail, parce qu'on nous remet
notre bail un mois après qu'il a été signé au
bureau. Ainsi, le proprio fédéral veut me faire payer les frais
d'une nouvelle cheminée exigée par le service d'incendie de
Mirabel. Refusant de payer lesdits frais, la société
immobilière m'envoie un avis d'éviction, annulation de bail:
cheminée dangereuse pour moi et pour les autres. À la
Régie du logement, surprise de la part du régisseur, de mon
avocat et de moi-même! La société immobilière retire
sa plainte. Le fédéral se désiste. On fera une nouvelle
cheminée et je devrai en payer les frais, selon l'administrateur de la
société immobilière. Après une étude de mon
bail par le bureau médical de criminologie de Montréal, qui
relève de la Sûreté du Québec, la preuve est faite
qu'il y a eu contrefaçon dans mon bail. L'enquête se poursuit,
selon la police de Mirabel, et on en saura plus long bientôt.
Devenue une assistée sociale, c'est encore l'aide juridique du
Québec qui paiera pour les tricheries de cette administration
fédérale. La situation n'est plus vivable sur le territoire. On
veut nous avoir par l'usure. Nous lutterons. Il faut que justice soit faite
dès 1983, au plus tard, c'est urgent. Veut-on faire, comme à
Hull, une ville de fonctionnaires fédéraux? Non, messieurs du
gouvernement provincial; et quand je dis non, c'est à vous tous, les
élus du peuple. Il n'y a pas de place pour eux, ceux de la
société immobilière, et pour nous; donc, ce sont eux qui
doivent partir. Nous sommes assez adultes pour prendre nos décisions
nous-mêmes. Vous n'ignorez pas que c'est un problème politique:
Québec contre Ottawa. Je conteste cette expropriation aberrante,
soi-disant pour un aéroport, et où on fait une rentabilité
locative des pistes de ski de fond, un centre de sculpture à la Roussil
et des Western, etc., après avoir détruit 80 maisons dans le seul
village de Sainte-Scholastique.
On a détruit nos commerces, trois ferronneries, quatre postes
d'essence, deux magasins de meubles, deux magasins de vêtements, deux
maisons de vieillards, une pâtisserie, deux garages de réparation,
une boulangerie, deux restaurants, le bureau d'enregistrement; il y a un
opticien, que j'avais oublié et qu'on doit ajouter, deux
médecins, une pharmacie, un notaire, deux salons de coiffure, deux
cordonniers, deux couvents, un collège-école, un
épicier-boucher, deux services de taxi, le bureau du conseil de
comté. Tout cela, dans le seul village de Sainte-Scholastique, qui
était le chef-lieu du comté de Deux-Montagnes. Et c'est la
même chose sur tout le territoire. Nous devons parcourir maintenant
quinze milles pour aller à Saint-Jérôme, à
Saint-Eustache, pour des pilules et tout ce dont on a besoin, tout ce qu'on
nous a enlevé.
Ma maison ancestrale, vieille de plus de 150 ans, aurait
été démolie, comme les autres, si je l'avais
abandonnée pour aller ailleurs. Non! Je la conserve. Elle est à
moi, c'est mon château et il faut que vous m'aidiez à la
récupérer.
En Ontario, à Pickering, les expropriés sont-ils
traités comme nous, du Québec? Trop, c'est trop. Finies la
tutelle et la seigneurie de Jean-Pierre Goyer et de ses associés. Je
conteste cette expropriation inutile, aberrante, pour un éléphant
blanc à la Jean-Luc Pépin et autres. Voler, c'est beau, mais se
faire voler comme cela, c'est trop!
Québécoisement vôtre, Rita Clermont.
Ne me posez pas la question pour savoir si je suis membre de la chambre
de commerce. Je vous dirais que, déjà, en 1966, 1967 et 1968,
j'en étais le directeur dans Sainte-Scholastique. Je ne suis pas
n'importe qui, vous savez.
Et maintenant, si vous voulez voir le joli bail falsifié, avec le
papier du centre de criminologie, je pourrais vous les donner; je n'aurais pas
pensé que cela vous intéresserait. À l'analyse, des
messieurs du Québec prouvent que, vraiment, ce n'est pas bien de faire
de choses comme cela. Je pense qu'on n'a pas le droit de signer à la
place d'un autre. Cela est ma maison. Quand on parle de cette étendue
immense du territoire, je peux vous montrer ici la photo
de M. Trudeau qui, le 14 juin 1969, visitait cet immense territoire et
lui-même, à ses yeux, on voit qu'il est surpris en constatant
qu'on a pris si grand. Il est tout étonné, le gars; il est ici,
M. Trudeau. Est-ce que j'ai bien fait cela?
Le Président (M. Rochefort): Merci, madame. M. le
ministre.
M. Garon: Vous avez déjà été membre
de la chambre de commerce.
Mme Clermont: De celle de Sainte-Scholastique, non pas de celle
de Mirabel.
M. Garon: Ah, bonne mère! C'est vrai que M. Trudeau a
l'air un peu surpris.
Mme Clermont: Bien oui, n'est-ce pas? Connaissez-vous ceux qui
sont là?
M. Garon: II y en a que j'ai déjà vus.
Mme Clermont: M. Cadieux, ministre; M. Comtois.
M. Garon: Celui qui... Puis l'autre, à
côté?
Mme Clermont: M. Comtois, M. Gaston Binette. Ce sont les deux qui
ont fait l'analyse pour nous vendre au fédéral. C'étaient
M. Saindon et M. Binette. Oui, j'étais à côté. Celui
qui se trouve en arrière de M. Trudeau, c'est son garde du corps et je
le connais aussi.
M. Garon: Le président de la commission aimerait se rincer
l'oeil. Vous avez été membre de la chambre de commerce?
Mme Clermont: De Sainte-Scholastique; il n'y avait pas de Mirabel
en 1966.
M. Garon: II n'y avait pas de Mirabel. Actuellement,
êtes-vous membre de la Chambre de commerce de Mirabel?
Mme Clermont: Jamais je n'irai là; voyons donc!
M. Garon: Êtes-vous membre du CIAC?
Mme Clermont: Oui, M. le ministre, mais c'est ma
responsabilité.
M. Garon: C'est votre mémoire à vous; c'est cela
que j'ai compris. Votre maison a été expropriée, non pas
la ferme, seulement votre maison.
Mme Clermont: La maison avec un grand terrain.
M. Garon: Vous seriez intéressée à l'avoir
à nouveau.
Mme Clermont: Je suis toujours chez nous, monsieur. On fait tout.
On m'a envoyé un avis d'éviction disant que la cheminée
n'était pas bonne, le 21 septembre.
M. Garon: Pourquoi un avis d'éviction pour dire que la
cheminée n'était pas bonne?
Mme Clermont: Parce qu'ils disaient que la cheminée
n'était pas bonne. Les pompiers disent à la
société: Faites la cheminée de Mme Clermont. La
société m'écrit de faire ma cheminée. Ce n'est pas
à moi à la faire. Présentement, mon bail est à
l'étude à la Sûreté du Québec, parce qu'il y
a eu falsification de ma signature; mais, ils ne croyaient pas cela. Ce n'est
pas fini, cela va aller en Cour criminelle, monsieur. Vous le savez, signer
à la place d'un autre, c'est grave. Je ne le dirai pas; dites-le, vous,
mais je l'ai dit ailleurs. Avez-vous d'autres questions à me poser, M.
Garon?
M. Garon: Je vais donner la chance aux autres membres de la
commission.
Mme Clermont: Excusez, je suis...
Le Président (M. Rochefort): M. le député,
en alternance...
Mme Clermont: Tiens, prends cela toi.
Le Président (M. Rochefort): Vous n'avez pas de question.
M. le député de Brome-Missisquoi... Nos secrétaires
observent M. Trudeau. Nos secrétaires le regardent.
M. Paradis: Mme Clermont, vous indiquez, à la
première page de votre mémoire, que vous êtes une
séparatiste. Je n'ai pas besoin de vous indiquer que, de ce
côté-ci de la table, on ne l'est pas, mais cela n'enlève
pas ce fait de valeur à une cause. Ce n'est pas cela qui fait en sorte
qu'une cause est valable ou non.
Mes questions vont se rapporter à votre cas personnel. Quelle
était votre situation, à vous, en 1969, lorsque l'expropriation
est arrivée? Quel genre de maison aviez-vous? Vous avez indiqué
des notes sur votre financement, comment c'était financé, etc.
Quel prix avez-vous reçu à ce moment-là?
Mme Clermont: En 1969, quand j'ai été
expropriée, on m'a payée en 1978, monsieur; presque dix ans
après.
M. Paradis: D'accord. Vous étiez propriétaire d'une
maison...
Mme Clermont: Oui.
M. Paradis: Ils l'ont évaluée à combien pour
vous payer?
Mme Clermont: Ils n'évaluaient pas notre maison, ils nous
faisaient un prix.
M. Paradis: Ils vous ont payée combien?
Mme Clermont: 17 000 $, avec le garage. Le garage, c'est une
grange, parce que, autrefois, c'était un type qui ferrait les chevaux
qui était là.
M. Paradis: Quand ils vous ont finalement payée en 1978,
vous ont-ils payé de l'intérêt sur ce montant?
Mme Clermont: Oui, 6%. M. Paradis: 6%
d'intérêt? Mme Clermont: Oui.
M. Paradis: Vous avez toujours occupé cette
résidence, si je comprends bien.
Mme Clermont: Je demeure à Sainte-Scholastique depuis
1958. J'ai acheté cette propriété en 1963 pour y vivre et
y mourir.
M. Paradis: Est-ce qu'on peut savoir, en 1963, lorsque vous
l'avez achetée, combien vous l'aviez payée à
l'époque?
Mme Clermont: Je n'ai pas de cachette. Je l'ai payée
"cash" 4500 $ avec l'argent du docteur de la place qui me l'a
prêté.
M. Paradis: Entre 1963 et 1969, est-ce que vous avez
apporté des améliorations importantes à cette maison?
Mme Clermont: Non, je me dépêchais de payer le
prêteur.
M. Paradis: D'accord. Entre 1969 et aujourd'hui, avez-vous
apporté des améliorations?
Mme Clermont: Oui.
M. Paradis: Pour quelle valeur, approximativement?
Mme Clermont: C'est assez difficile de dire la valeur - cela a
l'air drôle de vous le dire, un petit bout de femme comme moi -parce que
c'est moi qui fais tout dans la maison. Je peux vous poser une tôle sur
un toit; si le toit coule, je vais monter et je vais mettre ce qu'il faut pour
boucher les trous.
M. Paradis: En matériaux, pas la main-d'oeuvre,
strictement au niveau matériel, selon votre estimation, vous en auriez
mis pour combien depuis 1969?
Mme Clermont: C'est assez difficile à dire parce que j'ai
eu la chance d'acheter du fédéral d'autres
propriétés démolies au taux de 1 $. Alors, Rita prenait ce
bois et cette tôle et elle réparait sa maison! Quand tu n'as pas
de sous, il faut que tu fasses attention.
M. Paradis: C'est dur à évaluer! Au niveau de la
disparition d'immeubles dans votre communauté, j'ai retenu
principalement deux immeubles. C'est peut-être que ce sont deux immeubles
ou des situations qu'on revit dans d'autres comtés du Québec
présentement. Vous parlez d'un bureau d'enregistrement qui est disparu,
à toutes fins utiles. En quelle année est-ce arrivé, la
disparition du bureau d'enregistrement?
Mme Clermont: Le bureau d'enregistrement a été
exproprié en 1969, il a dû quitter en 1971. C'est curieux à
dire, mais c'est Pierre Marinier qui a négocié la transaction du
bureau d'enregistrement.
M. Paradis: Qu'est-ce que vous voulez dire par
"négocié"? Acheté?
Mme Clermont: Non, parce qu'il était -comment appelez-vous
cela, M. de Bellefeuille, déjà, celui qui représente le
comté?
M. de Bellefeuille: Protonotaire?
Mme Clermont: Non, un autre mot.
Une voix: Député?
Mme Clermont: Celui qui a la baguette.
M. de Bellefeuille: II a déjà été
maire.
Mme Clermont: II était maire d'Oka, mais il
représente tous les maires dans le comté.
M. de Bellefeuille: Préfet.
Mme Clermont: II était préfet du comté. Il a
travaillé fort pour avoir un gros prix. Je le félicite, Pierre
Marinier, parce que c'était une bâtisse qui appartenait au
provincial. Il a travaillé fort auprès du gouvernement
fédéral pour faire hausser le prix que le fédéral
lui offrait.
M. Paradis: Votre bureau d'enregistrement le plus proche
maintenant... Présentement, cela ne vous affecte pas trop, vous n'avez
pas... J'étais pour le dire.
Mme Clermont: II est à Saint-Eustache,
monsieur. Cela faisait longtemps que Saint-Eustache voulait nous
l'enlever. Il y avait déjà eu des procédures, quelques
années auparavant, pour l'enlever.
M. Paradis: Vous y teniez?
Mme Clermont: C'est parce que c'est vrai, mon ami.
M. Paradis: D'accord. Il y a l'édifice du conseil de
comté.
Mme Clermont: C'est là. C'est cela, le bureau
d'enregistrement. Le conseil de comté était au deuxième,
on siégeait là. En bas, c'était le bureau
d'enregistrement. Il faut dire aussi qu'avec la venue du fédéral,
beaucoup de notaires devaient aller là. C'était assez petit. Ce
n'est pas mon problème, mais c'est pour vous dire que
Sainte-Scholastique était quelque chose et elle devenue rien
maintenant.
M. Paradis: Vous étiez attachée à ces deux
institutions locales, entre autres?
Mme Clermont: Disons que, si j'avais affaire à y aller,
c'était plus près. Pour les notaires qui venaient de
Montréal, c'est plus facile d'arrêter à Saint-Eustache que
de venir à Sainte-Scholastique et entrer dans les terres parce qu'on est
un peu loin de la route nationale. Ce n'est pas le problème. Ce sont les
maisons de vieillards qu'on a enlevées, alors qu'elles étaient
nécessaires. Ce sont nos commerces. Si je veux acheter un clou - parce
que vous savez que j'en cogne, des clous - je suis obligée d'aller
à Saint-Jérôme, à Saint-Eustache ou à
Lachute. Ce n'est pas un cadeau! Maintenant, on peut aller à
Saint-Augustin. Avant cela, tu en avais trois autour de chez vous, monsieur.
C'est abominable. Je vous dirais que le problème de Mirabel est aussi
grand que le territoire exproprié. Comprends-tu un peu ce que je veux
dire? (23 h 15)
M. Paradis: Cela déborde. Je peux qualifier cela en ces
termes, c'est que cela déborde, mais...
Mme Clermont: Pour comprendre tout cela, M. le
député, il faut vivre dedans. Je vais vous dire que, depuis 1969,
je n'ai jamais eu le coeur de sourire et de rire, puis j'étais gaie,
moi, avant, et j'ai ri, il y a trois semaines. J'étais à la cour,
le fédéral s'est ésisté, on m'a fait une
cheminée. La semaine suivante, je reçois une baisse de loyer de 1
$ par mois. Eh bien, là j'ai ri!
M. Paradis: Cela m'amène à une autre question.
Combien payez-vous de loyer présentement pour l'occupation de votre
maison?
Mme Clermont: Monsieur, mon loyer, à vos yeux, va vous
paraître ridicule. Je ne veux pas mépriser ma maison, c'est une
maison de 1850; il n'y a pas de garde-robes, il n'y a pas de lavabos dans la
maison, il fait très froid, mais c'est mon château et c'est
à moi. Je ne suis pas plus exigeante que cela, mais je ne paie pas 300
$, je paie 44,50 $ de loyer par mois. Ils ont baissé d'un dollar, cela
fait 43,50 $.
M. Paradis: Avez-vous toujours été au même
prix depuis l'expropriation?
Mme Clermont: Non. Au début, j'étais à 35 $,
mais, au prix que M. Jean Laurin a donné ce matin, cela veut dire que je
paie maintenant, en tant que locataire, cinq fois plus cher que si
j'étais propriétaire parce que la maison est
évaluée à 10 000 $ chez nous; elle était
évaluée à 2300 $ quand je l'ai achetée.
Étant évaluée à 10 000 $, je ne sais pas si j'ai
bien calculé, cela me ferait des taxes - Oh! où tu l'as mis,
Rita? - de 110 $ à peu près par année. Est-ce que c'est
cela? Plus la taxe scolaire, plus 60 $ d'aqueduc. Actuellement, je paie 122 $
par année et je suis bénéficiaire du bien-être
social, mon ami. C'est drôle à vous dire, hein? Cela n'est pas
drôle, je l'accepte. C'est que je reçois moins que les autres
parce que mon loyer est moins cher. Si j'étais à Saint-Eustache,
je paierais 200 $, j'aurais plus de bien-être social. Là, j'en ai
moins parce que mon loyer est moins cher. Si je m'en vais à
Saint-Eustache, le bien-être social va augmenter, mais je vais en avoir
encore moins parce que mon loyer va être plus cher, comprends-tu? Mais il
n'est pas question que je déménage. On va essayer de me sortir,
je ne sortirai pas, monsieur; parce que j'entends un peu dur et j'ai la
tête dure. Tout est là, tu sais.
M. Paradis: Maintenant, quant à l'organisation de la
communauté, on a entendu, et je pense que vous êtes
présente depuis le début de l'audition des mémoires...
Mme Clermont: Rita est toujours là, monsieur.
M. Paradis: Vous, votre opinion personnelle, si vous en avez une,
sur l'organisation de la vie municipale pour les petits villages autour,
préconisez-vous une formule où, dans l'avenir, on devrait
conserver une grande ville de Mirabel ou un retour aux institutions municipales
qui existaient avant l'expropriation?
Mme Clermont: Eh bien! cela, c'est mon opinion. J'ai connu ce
qu'était le maire de Sainte-Scholastique village, le maire de
Sainte-Scholastique paroisse et vous aviez la même chose à
Saint-Benoît, la même chose
à Saint-Placide; Saint-Hermas ne payait pas de taxes, la
même chose à Sainte-Monique, 0,05 $ de taxes; oui, pour 0,05 $, tu
avais 0,05 $. Je pense qu'il faut redevenir maîtres chez nous tout en
restant avec Jean Laurin à Mirabel. Il ne perdra pas ses
élections, le gars.
M. Paradis: Je vous remercie beaucoup, Mme Clermont.
Mme Clermont: Maintenant, il y a d'autres choses aussi. Tu sais
que j'étais journaliste et que, lui, il a dit que les gens
n'étaient pas informés; j'informais les gens dans les journaux La
Concorde, La Victoire et The Victory, dans le comté de Deux-Montagnes.
Lorsque les gens du fédéral me faisaient venir et me disaient...
Je vais vous dire avant tout cela que moi, j'étais un très gros
organisateur libéral, messieurs, entre 1960 et 1968. C'est moi qui ai
fait l'élection de M. Trudeau dans Sainte-Scholastique. J'étais
montée sur le théâtre: Votez Trudeau, la justice de
l'Atlantique au Pacifique. Bon, je suis au journal, j'écris ce qui se
passe aux assemblées de citoyens parce qu'on disait que j'avais le don
d'ubiquité; dans une soirée, je pouvais parcourir trois
assemblées, j'étais vite sur la pédale à gaz. Donc,
ils me faisaient venir le lendemain, les gens du fédéral, M.
Boissy et les autres, et me disaient: Rita, tu vas écrire: Ne vous
inquiétez pas, les cultivateurs, vous allez être payés 100
000 $ l'arpent, vous allez être bien, vous allez pouvoir rester
longtemps, on va vous améliorer. Non, M. Boissy, je n'écrirai
jamais cela, parce qu'on est déjà en 1972 et il n'y a pas un
cultivateur qui est payé. C'est impossible. Moi, j'écris ce qui
se passe. Quand je vais à une conférence de presse du
fédéral, j'écris ce qu'ils disent à la lettre.
Lorsque je vais à une assemblée de citoyens ou à une
assemblée du conseil municipal, du conseil de comté,
j'écris ce qui se dit. Je ne pouvais pas dire: On a eu une
assemblée pour le territoire exproprié et les gens sont contents.
Je ne pouvais pas leur faire miroiter qu'ils seraient heureux.
Il y a un gars qui l'a fait, le maire de Sainte-Scholastique village, il
l'a fait en 1969 dans ce qu'on appelait le "petit journal". Assis sur le bord
de la clôture, ne vous inquiétez pas les cultivateurs, vous allez
être bien payés; des 100 000 $, vous allez en avoir. Est-ce que tu
sais ce qui est arrivé? Les gars restaient chez eux, il n'y avait pas de
regroupement. Là, on essayait de négocier avec eux. Celui qui
avait dix enfants dans la même famille, on lui donnait 40 000 $ et on lui
disait: Ne dis pas combien on t'a donné; on a donné 30 000 $
à l'autre. Cela a fait un désordre social. Des familles se sont
chicanées. Il y a eu des divorces, monsieur, par rapport à
l'expropriation; même moi, j'ai divorcé à cause de
l'expropriation. Parce que mon mari voulait que je lui donne l'argent. Je lui
disais: Non, Claude, tu ne l'auras pas. L'argent, c'est pour acheter une autre
maison. Cela a fait de la chicane. De fait, parce que j'étais
journaliste, parce que j'écrivais ce qui se passait... Comme dans le cas
du ministère de la Main-d'Oeuvre. C'était censé être
pour les gens de la place. Les gens de la place allaient demander un emploi,
est-ce que tu sais ce qu'on faisait? On les envoyait à l'école,
à l'école du soir.
Donc, moi, j'écrivais la vérité, mais le vase a
débordé quand je suis allée faire une manifestation
à Ottawa à titre d'expropriée et non pas de journaliste.
J'ai fait un petit coup, je ne le regrette pas, je ne le regrette pas. Le vase
a débordé et j'ai perdu mon emploi. Alors, si tu veux calculer,
les 17 000 $, ils sont finis, ils sont partis de 1973 à 1982; au mois de
mai, j'ai été bénéficiaire de l'aide sociale. J'ai
été obligée de dépenser cet argent, mon petit gars,
pour vivre. Comprends-tu? Excusez si je dis: mon petit gars. Je suis une
personne spontanée, une personne très franche et une personne qui
aime le monde. Là, je vous regarde avec votre petite barbe, c'est mon
petit gars que je vois. Je pense que M. de Bellefeuille me connaît un
peu, parce que j'étais dans son comté avant; maintenant, je suis
dans le comté de M. Ryan, c'est dommage qu'il soit parti. Quand M. Ryan
parle, qu'il dit que, du côté de Lachute... Lui, on dirait qu'il
est content qu'ils aient vendu à une société. Mais ils
n'ont pas exproprié pour vendre. Si cette compagnie multinationale
était arrivée et avait dit à ce cultivateur: Je veux avoir
ta terre, le cultivateur la lui aurait vendue le prix qu'il aurait voulu. S'il
faut que cela arrive comme cela, cela va être abominable.
En passant, M. de Bellefeuille, je tiens à vous dire qu'il y a un
type qui reste dans votre ville de Saint-Eustache, qui est membre et directeur
de la société immobilière et qui dit qu'il a bien
hâte, M. Garon, que le gouvernement du Québec laisse tomber ce
zonage agricole, afin que Sainte-Scholastique et Belle-Rivière
deviennent une espèce de petite ville avec des belles maisons, des
belles bâtisses. On veut enlever le zonage agricole pour bâtir
à nouveau. Qui va profiter de ces belles maisons? Tous les
employés ou le peu d'employés qui travaillent à
l'aéroport.
En parlant de l'aéroport, mon gendre travaille là en tant
que douanier. La semaine passée, il arrive à la maison à
six heures. Je lui demande: Tu ne travailles pas, mon garçon? Il dit: Ne
m'en parlez pas, le prochain avion est à onze heures et il n'y a que 68
passagers. Cela marche à Mirabel Est-ce que vous avez d'autres choses
à me dire?
Le Président (M. Rochefort): Moi, non
madame. Mais il y a le député de Deux-Montagnes qui
brûle d'impatience de vous adresser quelques questions. M. le
député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Cela me fait
plaisir, Rita, de vous revoir dans un cadre différent, parce qu'on se
connaît bien, on s'est vu; à toutes les réunions du CIAC
auxquelles j'ai assisté, vous étiez toujours là. La
commission tient des séances depuis hier. Vous nous avez parlé de
planches, de tôle, de clous; bien, le clou, c'est vous. C'est vous qui
êtes le clou de l'audience de la commission.
Mme Clermont: ... misère!
M. de Bellefeuille: Voilà! Vous venez de nous expliquer,
Rita, que vous avez perdu votre emploi - là, vous l'avez expliqué
un peu plus clairement que c'est expliqué dans votre mémoire -
parce que vous êtes allée manifester à Ottawa pour la cause
des expropriés.
Mme Clermont: Bien oui!
M. de Bellefeuille: Dans votre mémoire, vous dites cela
d'une façon, il y a comme un raccourci; vous dites que vous avez perdu
votre emploi parce qu'on a exproprié votre maison. Mes collègues
et moi avions du mal à comprendre comment le fait d'avoir
été expropriée vous avait fait perdre votre maison. Vous
avez depuis expliqué que vous êtes partie avec les gens du CIAC -
à l'époque, cela s'appelait le comité des
expropriés peut-être, ou c'était déjà le CIAC
- et vous êtes allée manifester à Ottawa. Je me souviens de
vous avoir lu dans la Concorde et la Victoire; je suis journaliste, Rita.
Mme Clermont: C'est là que je t'ai connu comme
journaliste, dans le temps du...
M. de Bellefeuille: Je trouvais que vous y alliez un petit peu
fort pour les moyens de ces deux hebdomadaires qui n'étaient pas
très portés à prendre position. Il y avait plusieurs
articles qui parlaient de tout. À un moment donné, il y avait la
chronique de Rita Clermont qui prenait position en faveur des expropriés
avec des dénonciations et des apostrophes. Je trouvais que vous y alliez
fort. Quand j'ai vu que le propriétaire vous avait donné votre
congé, je me suis dit: Bien, Rita...
Mme Clermont: Tu étais content.
M. de Bellefeuille: Non, non. Je me suis dit: Rita, elle courait
un peu après. Nos journaux ne sont pas habitués à ce genre
de choses, mais je le regrette. Peut-être qu'aujourd'hui... Il a un
concurrent, ce propriétaire de journaux, peut-être que le
concurrent...
Mme Clermont: Mirabel? Mon ami, je tiens à te dire que le
Journal de Mirabel, ce printemps, vient de congédier une journaliste.
Trois semaines avant, Pierre Marinier m'a dit... J'ai dit: Pierre, ce qu'il y a
d'écrit dans le journal, tu as dit que cela ne relève pas du
ministre Cosgrove, que le territoire exproprié, cela relevait de toi;
j'ai dit: C'est grave cela, Pierre. Tu prends des décisions, c'est
affreux. Il a dit: On va te l'organiser, cette journaliste. Trois semaines
après, elle perdait son emploi.
M. de Bellefeuille: Est-ce que vous parlez de Denise Proulx, par
hasard?
Mme Clermont: Oui, mon ami, c'est cela. Tu le sais.
M. de Bellefeuille: Je sais, j'ai vu que le cercle de presse
régional a fait des protestations sur cela, je pense qu'il y a une
plainte au Conseil de presse. Peut-être?
Mme Clermont: Pierre, tu dis que j'y allais fort. Je suis
Capricorne, c'est un peu mon genre.
M. de Bellefeuille: Ce n'est pas un reproche.
Mme Clermont: C'est pour te dire, Pierre, qu'une femme, dans tout
ce qu'elle fait, si elle fait le bien, elle le fait à 100%, si elle fait
le mal, elle le fait à 100%, elle se donne plus qu'un homme dans tout ce
qu'elle fait.
M. de Bellefeuille: Rita, je trouve que vous y allez fort. Je
veux juste vous donner un exemple, dans votre mémoire aussi. Vous parlez
de Sainte-Scholastique; cela se lit très bien, cela se dit très
bien, cet inventaire à l'envers, l'inventaire de tout ce qui est
disparu, de tout ce qui est parti. Vous écrivez bien, hein! Une bonne
journaliste.
Mme Clermont: J'écris bien, à part cela. As-tu vu?
C'est bien lisible, autant que la voix est bien compréhensible.
M. de BeUefeuille: Oui, mais, en nous parlant ensuite, vous avez
dit que Sainte-Scholastique n'est rien maintenant. Je trouve, Rita, que vous
exagérez un peu, parce que ce qui est frappant dans le territoire en
général, c'est peut-être inégal d'une
localité à l'autre, c'est que c'est une communauté qui
refuse de mourir. Il y a eu un moment assez bas. Je me souviens, j'ai fait un
reportage sur l'ensemble de Mirabel. Je pense que c'est en 1973. En 1973, le
monde
était pas mal déprimé, la falle basse, les maisons
à l'abandon, les traîneries dans les rues. Pas partout.
Sainte-Monique, je m'en souviens, même en auto, c'était dangereux
de s'y promener, parce qu'il y avait de vieilles planches pleines de vieux
clous qui traînaient partout. Le monde s'est repris en main, c'est
vraiment une collectivité qui refuse de mourir; à
Sainte-Scholastique, vous avez perdu toutes sortes de choses, bien sûr,
mais c'est une communauté vivante aujourd'hui. Il faudrait le
reconnaître, Rita. Ce n'est pas exempter de blâme tous ceux qui ont
commis ce viol du territoire et qui continue de faire des difficultés
à la population. Il faut en même temps savoir reconnaître
que la population ne se laisse pas faire, que la population a réussi
à reprendre goût à la vie et que ce n'est peut-être
pas parfait, mais Sainte-Scholastique, c'est une place qui est belle à
voir. Mgr Valois parlait de Saint-Benoît où on a conservé
l'esprit communautaire. On pourrait dire cela de l'ensemble du territoire, que
cela ne meurt pas, que cela ne mourra jamais grâce à vous autres.
(23 h 30)
Mme Clermont: Bien non. Regarde, tu dis: C'est beau à
voir. C'est farder l'affaire; les maisons ont été
peinturées. Une autre chose que je pourrais te dire: Depuis lundi, la
Banque Nationale est devenue un simple comptoir à Sainte-Scholastique.
On a déménagé nos employés à Saint-Eustache.
Tu penses que cela ne baisse pas un peu, mon pitou? Tant mieux, la Caisse
populaire va grossir. Je suis optimiste, M. de Bellefeuille. Nous ne mourrons
pas, nous vaincrons. On va rester dans nos maisons et on va les reprendre. On
est assez adulte pour se diriger, pour décider de la couleur de notre
maison, pour décider quels loisirs nous voulons avoir et nous avons, en
tant que conseil municipal, quelque chose de très bien actuellement.
T'as vu M. Lacroix? Ce n'est pas n'importe qui. Il dirige très bien la
ville, ce gérant-là. C'est merveilleux et cela va aller
très bien.
M. de Bellefeuille: Avec votre détermination, bien
sûr. Merci, Rita.
Le Président (M. Rochefort): M. le député
de...
Mme Clermont: Vivent les femmes, à part cela!
Le Président (M. Rochefort): Mme Clermont, ne vous sauvez
pas. M. le député de Kamouraska-Témiscouata.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): La
récréation est finie.
Mme Clermont: Ce n'est pas parce que je veux faire rire le monde.
Pas du tout. Je n'ai pas le goût de rire.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Ce n'est pas
dans votre mémoire, mais vous avez cité tout à l'heure
quelque chose. Vous avez dit que cela fait plusieurs mois ou plusieurs
années que vous n'aviez pas ri et vous avez ri il y a à peu
près quinze jours, en citant que vous aviez gagné quelque chose:
un dollar sur le loyer, vous avez aussi gagné une cheminée
neuve...
Mme Clermont: Et je ne paierai pas, quand bien même ils
diraient...
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):
Écoutez, cela n'est pas de mes...
Mme Clermont: Je ne paierai pas, monsieur.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Pensez-vous -
vous n'êtes pas obligée de me répondre - que, si cela a
tourné comme ça en votre faveur, ce n'est pas pour vous attirer
sur la scène fédérale?
Mme Clermont: Tout est là, monsieur. Si tu t'en vas et que
tu dis: bla-bla-bla, tu vas retirer des bla-bla-bla.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Vous ne
répondez pas à ma question.
Mme Clermont: Continue.
M. Boucher: II veut vous attirer sur la scène
fédérale à la prochaine élection.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Vous ne
pensez pas que toutes ces faveurs-là que vous avez eues, ce n'est pas
plutôt pour essayer de vous attirer sur la scène
fédérale, en politique?
Mme Clermont: Ah monsieur! Aux audiences de M. Jean-Pierre Goyer,
en septembre 1981, je lui parle, je lui dis... Parce que je l'avais connu
étant libérale des deux bords, au provincial et au
fédéral, je l'ai connu. Il dit: Rita, si le gouvernement - et je
lui dis: Je ne suis plus libérale, mon Jean-Pierre Goyer -
fédéral fait quelque chose pour toi, est-ce que tu vas redevenir
libérale? J'ai dit: Non, Jean-Pierre Goyer, c'est fini. J'ai connu mon
histoire du Québec et mon histoire du Canada. Je ne suis plus capable de
voter libéral; c'est fini, jamais.
M. Boucher: Passez-vous cela entre les dents!
Mme Clermont: Pierre Marinier me dit - excusez, cela ne veut pas
dire que je ne t'aime pas - Rita, je peux faire ta cheminée,
je peux faire ta cheminée - il me dit cela au
téléphone - mais je t'ai entendue sur une cassette la semaine
passée, tu critiques toujours le gouvernement fédéral. Tu
étais avec Mgr Valois. La semaine suivante, on avait une
assemblée à Saint-Janvier - et vous savez qu'il y a toujours
quelqu'un qui enregistre ce qu'on dit, même à travers les
bâtisses - alors, je lui dis: Toi, mon Pierre Marinier, si on avait
exproprié ton domaine à Oka, tel que je te connais, tu ne te
serais pas laissé faire, mon garçon. En passant, M. de
Bellefeuille, tu regarderas sur mon bail falsifié, celui qui a
approuvé cette signature malhonnête, c'est ton bon ami, Pierre
Marinier.
Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.
M. Garon: Vous dites que votre loyer a baissé
récemment. Est-ce que c'est le seul loyer qui a baissé ou si
plusieurs loyers ont baissé?
Mme Clermont: Oui, oui. Ils ont baissé plusieurs loyers.
Parce que, compte tenu des 5% et des 6% qu'on a décidés au
fédéral en juin, nous avons baissé votre... Il y en a qui
ont été baissés de 27 $, de 9 $; moi, j'ai
été baissée de 1 $. Je ne pensais pas être
baissée. Je suis toute surprise.
M. Garon: Est-ce que vous avez eu des remboursements?
Mme Clerrnont: Bien non. Cela fait plus d'un mois de cela et ils
vont me renvoyer un chèque de 3 $, parce que j'ai payé juillet,
août, septembre, 1 $ de trop; cela fait qu'ils vont me rembourser 3 $. Je
ne sais pas à quel moment, mais...
M. Garon: D'accord. Je vous remercie.
Le Président (M. Rochefort): Au nom des membres de la
commission, madame, je vous remercie de vous être présentée
devant nous et, sur ce...
Mme Clermont: Je vous remercie de m'avoir écoutée.
C'est merveilleux de vous avoir tous rencontrés, les amis.
Le Président (M. Rochefort): ... la commission ajourne ses
travaux au mardi 16 novembre, à 10 heures.
Fin de la séance à 23 h 36)