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(Dix heures neuf minutes)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît!
La commission des affaires sociales est réunie afin de
procéder à l'étude du projet de politique de santé
mentale pour le Québec tel qu'énoncé dans le rapport du
comité présidé par le Or Gaston Harnois et rendu public le
30 septembre 1987.
Nous avons quorum, madame?
La Secrétaire: Oui.
Le Président (M. Bélanger): Oui. Est-ce qu'il y a
des modifications?
La Secrétaire: Oui, M. Gauthier (Roberval) sera
remplacé pour la durée du mandat par M. Jolivet (Laviolette).
Le Président (M. Bélanger): D'accord. Il n'y a pas
d'autres remplacements? Bien. Le premier organisme que nous recevons ce matin,
c'est l'Association multiethnique pour l'intégration des personnes
handicapées du Québec. C'est bien cela? Si vous voulez vous
approcher à la table des témoins. Ce groupe est
représenté par Mme Lina Vella, présidente, Mme Luciana
Soave, directrice générale, Mme Teresa Penafiel, travailleuse
sociale, Mme Hamida Kanani, Mme Isabelle Hemlin. Je n'ose pas être trop
exotique dans ma prononciation. Est-ce que votre porte-parole sera Mme la
présidente?
Mme Soave (Luciana): Ce sera moi, Luciana Soave.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Les règles
de procédure sont les suivantes: vous avez 20 minutes pour faire votre
présentation et il y a 40 minutes pour la période de questions et
de discussions avec la commission sur votre mémoire, pour une enveloppe
totale d'une heure. Je vous prierais donc de commencer votre
présentation, madame.
Association multiethnique pour l'intégration
des personnes handicapées du Québec
Mme Soave: Merci beaucoup. J'ai oublié mes lunettes, alors
fe vais jouer beaucoup plus sur ma mémoire de ce qui est
écrit.
La première chose qu'on voudrait dire, c'est qu'on a
remarqué dans le rapport que les communautés culturelles sont
totalement absentes. C'est pour cette raison qu'on a décidé de
présenter le mémoire pour souligner la présence des
personnes des communautés culturelles. Parmi les communautés
culturelles, il n'y a pas nécessairement plus de personnes atteintes des
problè- mes de santé mentale que parmi la population en
général. Cependant, ces personnes vivent des problèmes
plus aigus, des problèmes différents, si on veut, de façon
qu'elles ont besoin d'une attention toute particulière. Je pourrais
apporter de nombreux exemples de cas qui sont arrivés: une jeune fille
atteinte de schizophrénie demandée pour servir
d'interprète auprès de ses parents avec les psychiatres, des cas
de personnes dont les parents ne savent pas ce qui se passe et n'arrivent pas
à communiquer avec les psychiatres, les problèmes des parents qui
ne comprennent pas la terminologie. Ce sont des personnes qui vivent des
problèmes très difficiles et qui ne peuvent pas communiquer. Je
parle des gens qui viennent d'arriver; ils sont placés dans un
hôpital psychiatrique et sont soignés par des professionnels qui
ne parlent pas du tout leur langue. Souvent, il arrive que la personne atteinte
de maladie mentale est née ici et parle la langue. Le problème
survient avec les parents qui n'arrivent pas à communiquer avec les
professionnels. C'est arrivé dernièrement le cas d'un jeune homme
de 29 ans qui était dans un centre d'accueil. Il souffrait de douleurs
au ventre depuis longtemps. Les gens du centre d'accueil disaient: C'est un
type qui se plaint tout le temps et ils ne l'ont pas vraiment suivi. À
un certain moment, le jeune homme a abouti à l'hôpital Jean-Talon.
La mère ne savait pas du tout ce qui se passait et elle nous a
appelés parce qu'elle ne pouvait pas du tout communiquer avec le centre
d'accueil ni avec l'hôpital pour savoir ce qui arrivait à ce jeune
homme-là. Ce sont des exemples pour démontrer que c'est
très important de ne pas oublier les communautés culturelles.
Je veux aussi apporter des exemples sur les personnes à risque.
Le rapport Harnois parle des personnes à risque et nous
considérons que les personnes appartenant aux différentes
communautés culturelles peuvent être aussi
considérées comme des personnes à risque. Les
difficultés de s'adapter au nouveau pays peuvent provoquer des
problèmes d'adaptation, de crise de dépression. Je l'ai
vécu moi-même quand je suis arrivée au pays, tout en
étant une personne normale, Je crois. Pour une couple d'années,
c'est très difficile de s'adapter parce qu'on ne parle pas la langue et,
même si on parle la langue, tout est différent. On doit s'adapter
aux nouvelles mentalités, trouver de nouvelles ressources. Je pense aux
personnes qui ont dû quitter leur pays à cause de problèmes
sociaux ou politiques, qui étaient des ingénieurs, des
architectes, des médecins, des professionnels. Ils doivent recommencer
à zéro, sans parler la langue du pays. Ils doivent laver la
vaisselle dans les restaurants ou faire l'entretien dans les hôpitaux.
Tout immigrant est prêt à faire n'Importe quoi, quand il arrive,
pour s'adapter au
pays. Cependant, c'est bien facile de dire en théorie: Je suis
prêt à faire n'Importe quoi. À un certain moment, quand on
a la nostalgie du pays, la nostalgie des personnes, des parents qu'on a
laissés en arrière, la nostalgie de tous ceux qu'on a
quittés, devoir s'adapter à faire n'Importe quoi, cela peut
devenir très frustrant. Cela arrive souvent Des hommes qui
étalent des professionnels dans un autre pays en arrivent à des
crises de dépression et cela retombe dans la violence conjugale; dans
des moments de dépression, de crise, il y a des femmes battues. Cela
augmente beaucoup la proportion des femmes battues dans les familles où
les hommes ont perdu leur statut social. C'est très difficile aussi. Il
y a des personnes qui ont dû quitter leur pays et qui n'ont pas de moyens
financiers. Elles ne trouvent pas de travail. Elles doivent vivre du
bien-être social, alors que, dans leur pays, c'est une honte d'être
bénéficiaire de l'aide sociale.
La pauvreté dans le rapport Harnois est Indiquée comme une
des raisons qui pourraient causer des situations à risque. Beaucoup de
personnes qui arrivent au pays - je pense aux personnes en attente du statut de
réfugié - peuvent souvent attendre des semaines ou des mois avant
d'avoir leur permis de travail. J'ai connu des personnes qui ont attendu un an
et demi avant d'avoir leur permis de travail. En l'attendant, elles doivent
vivre de l'aide sociale, avec un montant très minimal, avec une famille
à charge, des enfants, dans un pays qu'elles ne connaissent pas. La
pauvreté est donc une des raisons. Souvent, les immigrants s'adaptent
assez facilement, mais it y en a beaucoup qui vivent des situations très
pénibles. Isabelle parlera un peu plus des personnes âgées
qui sont parrainées par leurs parents. Ces personnes âgées
vivent vraiment dans un état de pauvreté extrême.
Le choc culturel dans les familles. Souvent les familles sont
séparées. On a le cas de personnes qui sont arrivées ici
alors que les autres membres de la famille sont restés à
l'étranger. Nous avons le cas de personnes qui sont les parents d'un
enfant handicapé. Soit qu'il ne soit pas permis à cet enfant de
venir au pays à cause de son handicap, soit qu'il soit ici sans un
permis. Il y a plusieurs personnes à qui on a refusé le statut de
réfugié, d'immigrant permanent à cause d'un enfant
handicapé. Il y a une famille qui est Ici depuis dix ans, qui a ouvert
une petite entreprise, qui paie ses impôts. C'est une famille assez bien.
Elle n'a pas son statut de réfugié, cela fait dix ans qu'elle
l'attend. Au mois de mars, cette année, cela fera dix ans qu'elle sera
au pays. Au mois de décembre, elle a reçu encore une fois un
refus du gouvernement fédéral à cause de l'enfant
handicapé. C'est un stress énorme pour ces familles. Une autre
famille est ici depuis sept ans et demi et a été refusée
continuellement à cause de sa fille handicapée. Le père a
subi une crise cardiaque et est en train d'avoir une dépression nerveuse
très profonde. Il est toujours dans l'anxiété de savoir
s'il peut rester ou s'il ne peut pas rester. Qu'est-ce qu'il arrivera s'il doit
partir? Il a peur de retourner dans son pays. Il vient du Salvador. Ce sont des
situations très pénibles pour beaucoup de gens.
Les femmes vivent des situations beaucoup plus difficiles. D'un
côté, la femme se sent plus marginalisée si elle est
obligée d'aller au travail en arrivant d'un pays où elle
était habituée de rester à la maison et qu'ici tout le
monde doit travailler, ou bien, elle est obligée de rester à la
maison avec tes enfants sans prendre de cours de français parce qu'elle
doit s'occuper de ta famille.
Comme je l'a! dit tantôt, souvent les pères ou les hommes
qui sont obligés de faire des travaux Inférieurs à ce
qu'ils faisaient dans leur pays deviennent plus agressifs. Il y a beaucoup de
cas de violence conjugale. Cela retombe toujours sur les femmes. Il y a
beaucoup de femmes dans tes centres de femmes battues qui ont subi des
violences conjugales.
Il y a d'autres problèmes. Je pense, par exempte, aux crises
d'identité des jeunes, des adolescents, surtout parmi (es
communautés culturelles et tes minorités visibles. C'est encore
plus accentué pour tes gens qui se sentent différents. Ils
voudraient être Canadiens mais Ils s'aperçoivent qu'ils ne sont ni
Canadiens, ni Québécois ni de leur pays d'origine. Ils perdent
leur identité. Cela augmente la violence, l'agressivité.
Il y a aussi les différences culturelles. Je pense à un
cas qui s'est produit l'année dernière à Montréal.
Plusieurs Turcs de religion musulmane sont arrivés à
Montréal. Pendant qu'ils étaient à l'hôtel, en
attente de trouver des logements, des travailleurs et travailleuses sociaux
prenaient soin de ces personnes. Dans un article rapporté dans la
Gazette, on disait que des intervenants mâles distribuaient les
serviettes sanitaires aux femmes. Pour vous, peut-être que ce n'est pas
quelque chose de grave mais, dans une société où la pudeur
des femmes est très intime, très réservée, se voir
distribuer des serviettes sanitaires en public, par des hommes, cela peut
être très frustrant, d'un côté pour la femme qui
n'est pas habituée et pour l'homme qui se voit envahi dans ses
sentiments personnels et intimes. Ce sont les premières approches dans
un pays qui pourraient provoquer des crises qui, par la suite, vont
dégénérer en dépression ou autres problèmes
psychologiques.
Je ne voudrais pas oublier non plus les gens qui ont quitté leur
pays pour des raisons politiques qui se retrouvent ici sans aucun accueil, des
personnes qui ont subi la torture, qui viennent du Chili ou de l'Argentine ou
du Liban ou d'autres pays où ils peuvent avoir subi la torture. Leur
état psychologique est souvent très précaire. Ici, Ils ne
connaissent personne. C'est seulement à Toronto qu'il y a un centre
spécialisé pour accueillir les gens qui ont subi la torture.
Ce sont toutes des situations très difficiles. C'est pour cette
raison qu'on a fait un court mémoire, on n'avait pas beaucoup de temps;
on a simplement voulu mentionner là problématique des coûts
pour les communautés culturelles, en espérant que des mesures
seront prises dans la politique sur la santé mentale.
Les recommandations que nous faisons, c'est que toutes les
recommandations du rapport Harriots soient modifiées pour inclure aussi
la problématique et la réalité de la présence des
communautés culturelles. C'est une réalité grandissante,
ce n'est pas une réalité en diminution. On sait bien que le
Québec a besoin de l'apport des nouveaux Québécois venant
de différentes communautés culturelles. Donc, c'est une
réalité qui va augmenter de plus en plus.
Nous demandons que le personnel, les professionnels et les conseils
d'administration des différents établissements de santé et
des autres ministères concernés reçoivent une formation
sur la réalité multiculturelle du Québec.
Nous demandons aussi que dans le curriculum scolaire des futurs
travailleurs de la santé soit donnée une formation sur la
réalité muiticuiturelle du Québec et des
différentes conceptions et aptitudes face à la santé
mentale des personnes; que les Jeunes des communautés culturelles soient
Incités, par la mise sur pied d'un programme spécial de bourses,
à étudier pour faire carrière dans le domaine de la
santé et des services sociaux, plus particulièrement de la
santé mentale; que les règles administratives de la sectorisation
des services sociaux soient assouplies de façon à permettre aux
communautés culturelles d'utiliser au mieux les rares ressources
spécialisées sans tenir compte des critères de
sectorisation; que les programmes et tes ressources visant à soutenir
les familles des communautés culturelles tiennent compte des
différences culturelles et des difficultés linguistiques; que des
subventions soient octroyées aux organismes des communautés
culturelles offrant partiellement des services en santé mentale,
d'écoute ou de "counseling".
Je voudrais souligner aussi que, parmi les communautés
culturelles, il n'existe pas d'organismes spécialisés en
santé mentale. Les organismes d'accueil et d'aide aux Immigrants,
d'habitude, offrent tous types de services. Ce sont des organismes familiaux de
santé et de services sociaux, d'accueil et de soutien. C'est
multiclientèle et multisectoriel. On se trouve souvent à faire
face à tous types de problématiques. C'est la famille qui se
présente avec tous les types de problèmes qui peuvent survenir
auprès de la femme, de l'homme, des enfants, ou de la famille au
complet.
Que des subventions soient octroyées aux organismes des
communautésculturelles offrant des services d'accueil et d'adaptation
aux nouveaux arrivants afin qu'ils soient en mesure de fournir des services de
soutien dans le but de prévenir les problèmes émotifs et
de santé mentale; que soit développé un modèle
d'intervention avec des interprètes communautaires
rémunérés et professionnels de la santé et des
services sociaux, modèle tenant compte de la culture et du vécu
des communautés culturelles.
Il est très important d'avoir... Souvent, comme je l'ai dit
tantôt, les membres de la famille et même les enfants servent
d'interprètes auprès de psychiatres et de travailleurs sociaux,
avec les parents ou la personne concernée.
Que, comme mesure préventive et de maintien de la santé
mentale, les délais de réunification familiale soient raccourcis
et que les conditions soient assouplies pour les membres d'une même
unité familiale; que tes victimes de torture et leur famille soient
référées à des centres spécialisés
dès que les soins le nécessitent; que les recherches sur la
déstabilisation et les problèmes engendrés par le
déracinement des immigrants et des demandeurs de refuge soient
stimulées; que, dans toutes les démarches et dans l'application
de la politique de santé mentale, on considère les organismes des
communautés culturelles comme des interlocuteurs et partenaires
"À part., égalel* C'est terminé.
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Il nous fait
plaisir d'accueillir l'Association multiethnique pour l'intégration des
personnes handicapées du Québec. Je sais d'ailleurs que,
vis-à-vis de la problématique générale des
personnes handicapées, votre organisme a déployé beaucoup
d'efforts dans les deux ou trois dernières années. Je pense que
c'est excellent et ceci se situe évidemment dans la foulée des
Interventions que vous avez faites au nom des personnes handicapées.
Il est très juste que vous souligniez la nécessité
de ne pas oublier, en cours de route ou dans quelque mesure ou plan d'action
qui serait éventuellement adopté, qu'on tienne
véritablement compte de la dimension des groupes culturels. Je pense
qu'ici autour de la table - je ne connais pas la raison exacte pour laquelle
vous n'avez pas été mentionnés... Vous avez
été mentionnés dans le rapport, mais d'une façon
très...
Mme Soave: Si on le cherche, on le trouve, mais, si on ne le
cherche pas, c'est vraiment...
Mme Lavoie-Roux: C'est cela. Je pense que, de plus en plus, nous,
comme parlementaires, et le réseau dans son ensemble, même si cela
ne se concrétise pas toujours d'une façon exemplaire, sommes
particulièrement sensibles aux aspects socioculturels,
particulièrement dans le domaine de la santé mentale.
Évidemment, la question linguistique intervient d'une façon
encore plus prononcée quand il s'agit de personnes qui ont
un handicap mental que lorsqu'il s'agit d'une personne qui a un handicap
physique. Même si déjà là cela peut être
compliqué, cela l'est véritablement davantage, puisque la
communication est un élément tellement important.
Alors, je peux vous assurer que vous êtes intégré.
Si cela ne vous apparaît pas comme tel, dans la politique finale qui sera
déposée, il y aura certainement cette préoccupation un peu
plus élaborée, si vous voulez, et un peu mieux articulée
sur la place qui doit être faite aux communautés culturelles.
J'aurais une question à vous poser. C'est votre cinquième
recommandation. On ne l'a pas encore abordée ici en commission
parlementaire et je pense que je ne vous demanderai pas de la traiter
globalement parce que c'est une politique qui a été
adoptée II y a plusieurs années quand on a intégré
des départements de psychiatrie dans les hôpitaux
généraux et qu'on a commencé à développer
cette politique de sectorisation. Mais, par rapport à vous, je voudrais
que vous me disiez exactement comment cela vous affecte. Est-ce que vraiment,
du côté de la psychiatrie, vous êtes refusée par
d'autres hôpitaux, parce qu'on dit: Vous n'êtes pas de notre
secteur, etc.?
Mme Hemlin (Isabelle): II y a à peu près quatre
ans, la table de concertation des réfugiés de Montréal a
fait un répertoire des ressources en santé mentale bilingues et
biculturelles sur te territoire de Montréal. Nous nous servons
ordinairement de ça lorsque nous avons besoin de référer
quelqu'un pour une évaluation ou des soins en psychiatrie. Très
souvent, on nous dit: Ah! il n'est pas du bon DSC. Mme Fontaine, lorsque je
l'ai rencontrée, il y a quelques mois, nous a dit qu'il est possible...
Mais il faut vraiment faire de ta pression pour pouvoir passer au-dessus du
territoire du DSC. Il y a un seul psychiatre chinois à Montréal.
J'espère que le client malade va être dans son DSC. (10 h 30)
C'est cela, le problème. C'est pour cela qu'on parlait de
désectorisation sur l'île de Montréal. Il y a très
peu de personnes-ressources en psychiatrie et même en psychologie partant
plusieurs langues et connaissant plusieurs cultures. C'est pour cela qu'on
demande la désectorisation sur l'île de Montréal. On ne
demande pas de le faire dans tout le Québec, mais qu'au moins, sur
l'île, nous puissions envoyer un client du DSC Sainte-Justine au DSC
Sacré-Coeur sans aucun problème, sans avoir besoin de passer une
journée en pourparlers administratifs pour gagner. C'est notre point de
vue.
Mme Lavoie-Roux: À Montréal, est-ce qu'il y a des
ressources en psychiatrie qui semblent plus alertes aux problèmes des
communautés culturelles, en d'autres termes, qui ont
développé plus de personnes-ressources, même si ce ne sont
que des individus, et où certains groupes culturels peuvent, finalement,
peut-être pas trouver tous les services qu'ils voudraient, mais au moins
où des moyens de communication sont établis?
Mme Hemlin: Je ne peux parler pour toutes les communautés
culturelles, mais je peux dire que, pour les communautés du Sud-Est
asiatique, ordinairement, nous avons affaire avec le Allan Memorial et le
Sacré-Coeur. Normalement, ce sont les deux hôpitaux. Comme je
travaille pour te service des interprètes Indochinois, je parle de notre
clientèle. Mais je ne pourrais pas dire si, pour les gens du Sri Lanka,
on a réussi à développer des contacts
privilégiés avec un hôpital ou un autre.
Mme Lavoie-Roux: Mais vous, vous avez réussi, en tout cas,
dans le cas des communautés asiatiques, à établir des
liens plus personnalisés avec deux centres.
Mme Hemlin: C'est peut-être le hasard des
références, mais cela a fonctionné pour ces deux-là
C'est cela.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'ils accepteraient des patients
d'autres secteurs que de celui du DSC de l'Hôpital générai?
Dans le cas de Sacré-Coeur, est-ce qu'on va accepter des Asiatiques
d'autres parties ou si on est très strict, compte tenu des liens un peu
privilégiés qu'on a développés avec vous?
Mme Hemlin: Avec Sacré-Coeur, cela allait très
bien. Une, pour ne pas dire la seule, travailleuse sociale vietnamienne en
poste depuis longtemps étant au Sacré-Coeur, cela allait bien.
C'est peut-être cela aussi.
Le Président (M. Bélanger): Excusez-moi! II y a
madame, au bout.
Mme Lavoie-Roux: Oui, d'accord.
Le Président (M. Bélanger): Excusez-moi, je ne sais
pas votre nom. Est-ce que vous pouvez donner votre nom auparavant?
Mme Kanani (Hamida): Oui, Hamida Khanani. Je travaille à
la Maison internationale de la rive sud avec les femmes immigrantes. J'ai eu
beaucoup à faire avec des problèmes de santé mentale chez
les femmes. Voilà ce qui s'est passé justement en ce qui concerne
la sectorisation. J'ai vu une jeune fille haïtienne qui avait des
problèmes d'adaptation, de choc culturel. Elle faisait un peu de
dépression. Au CLSC, on ne pouvait plus l'aider. Les médecins,
les psychologues, tout le monde y est passé. On l'a envoyée
à l'hôpital. Entre-temps, je lui al trouvé un endroit
où se loger, à Montréal; elle avait des problèmes
de logement. À l'hôpital, il y avait un médecin
haïtien. Elle avait des problèmes de "vaudouisme" et il y a un
psychiatre haïtien à l'hôpital
Charles-Lemoyne. On n'a pas pu avoir accès à lui parce
qu'elle habitait Montréal. Son cas est en cours en ce moment. Il faut
trouver quelqu'un à côté de l'hôpital où elle
est. Merci.
Mme Lavoie-Roux: Pour le moment, je vais vous laisser. Mes
collègues veulent aussi poser des questions. Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Joliette.
M. Chevrette: Merci, M. le Président. Vous me permettrez
de dire ma surprise, un peu. Si on permet à Urgences-santé de
distribuer les patients quand une urgence est comble, regorge de personnes...
On lui permet même, par un 'dispatching" général, d'aller
dans d'autres centres hospitaliers et on ne permettrait pas, en santé
mentale, d'avoir à peu près la même procédure. Quand
quelqu'un est loin ou près d'un centre hospitalier, on a bien beau
sectoriser la santé comme telle sur une même He, je vous avoue
que... C'est par règlement, de toute façon, et non pas...
Mme Lavoie-Roux: C'est strictement pour la psychiatrie. Et
j'imagine que ce n'était pas nécessairement des cas d'urgence.
Pour un cas d'urgence, on aurait joué le même jeu que lorsqu'il y
a trop de...
M. Chevrette: En fait, ce sont des travailleurs sociaux qui
acheminaient des personnes, si j'ai bien compris?
Mme Kanani: C'est la police qui nous a communiqué le cas
et c'est un cas urgent, quand même.
M. Chevrette: Cela devient un cas d'urgence. À ce
moment-là, je suis surpris qu'on ne puisse pas aller là où
on peut Dans les cas d'urgence, il me semble que cela ne doit pas être
une complication, au contraire: tu entres à l'urgence et tu te fais
traiter par les médecins de garde. Je suis surpris qu'on agisse de cette
façon, personnellement. Si vous m'aviez dit que ce n'était pas un
cas d'urgence, comme vient de le dire Mme la ministre, j'aurais peut-être
plus compris qu'ils veuillent véritablement respecter les territoires
des départements de santé communautaire, mais, dans les cas
d'urgence, un signalement policier en plus, il me semble que cela devrait
être signalé à de plus hauts niveaux.
Mme Kanani: C'est une femme qui souffre de schizophrénie,
qui a peur du système, on est ailé à l'urgence, on nous a
fait attendre des heures et des heures pour nous dire de revenir le lendemain.
Quand on est revenus, on nous a dit qu'on ne pouvait pas nous accepter,
etc.
M. Chevrette: Je comprends, à ce mo- ment-là, quand
vous parlez d'assouplissement des règles administratives, sur le plan
des directives administratives, je pense que ces choses peuvent être
corrigées plus que par réglementation.
Mme Lavoie-Roux: Toute la question de la sectorisation doit
être revue parce qu'elle nous pose aussi des problèmes. Oublions,
pour un moment, les gens des communautés culturelles. J'en ai eu de
l'extérieur de Montréal, même il y a plusieurs
années, qui ne voulaient pas se faire soigner dans leur patelin,
à qui on refusait... Je trouve qu'on ne tient pas assez compte de
facteurs qui doivent aussi être pris en considération.
M. Chevrette: Je m'excuse de m'adresser à la ministre.
Vous ne devez pas avoir ce problème avec la communauté juive de
Montréal qui accepte des gens de toute la périphérie au
Jewish Hospital.
Mme Lavoie-Roux: En psychiatrie, vous avez le même
problème.
M. Chevrette: Vous avez le même problème en
psychiatrie? Est-ce que c'est le cas? Je pensais que non. Je ne voudrais pas
contredire Mme la ministre, mais j'ai très bien compris, dans mes
relations à l'époque avec le CSS juif, avec le centre hospitalier
juif, qu'ils procédaient beaucoup selon la communauté culturelle
comme telle, alors que ce n'était pas le cas dans les autres centres
hospitaliers - là-dessus, vous avez raison - où c'est vraiment
sectorisé.
Mme Soave: Je suis contente que M. le député ait
mentionné l'hôpital juif, justement, parce que j'ai
rencontré des cas de personnes -d'origine arabe qui habitent dans les
quartiers adjacents à l'hôpital juif. Ils ont juré qu'ils
vont mourir plutôt que d'être hospitalisés à
l'hôpital juif. Dans ces questions aussi religieuses, c'est sûr
que...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: Là, vous m'apportez un exemple
diamétralement opposé à ce que je voulais dire.
Mme Soave: ...la sectorisation.
M. Chevrette: Je ne demande pas ta guerre dans l'hôpital.
Je parte de quelqu'un, par exemple, qui est juif et qui demeure en
Montérégie. Pour faire suite à l'exemple de madame
tantôt, je ne crois pas que la personne juive de la
Monté-régie ait de la difficulté à se faire traiter
au centre hospitalier juif. C'est ce que je voulais dire, alors que ce n'est
pas le cas généralisé sur l'île de Montréal,
je suis d'accord avec vous. Je pense que c'est à revoir, effectivement,
comme Mme la ministre l'a dit. Cela n'a pas de bon sens
d'avoir des personnes... Surtout dans les cas d'urgence, je trouve cela
inacceptable parce que, sur le plan administratif, pour les maladies
ordinaires, les maladies physiques et non pas mentales, Us ont même le
pouvoir de faire une répartition des urgences sur l'île de
Montréal, et on ne permettrait pas, en santé mentale, d'avoir
cette flexibilité. Je trouve cela un peu aberrant
Mme Lavoie-Roux: ...c'était de Montréal vers la
rive sud.
M. Chevrette: On pourrait avoir le même problème sur
le plan des DSC sur l'île de Montréal. Si on respecte les
territoires des DSC, on pourrait avoir quelqu'un de l'est...
Mme Lavoie-Roux: ...la communication en psychiatrie,
certainement
M. Chevrette: ...qui n'est pas capable d'aller dans l'ouest parce
que, s'il se retrouve dans l'ouest, on lui dit: Non, va-t-en dans l'est. SI
c'était une urgence physique, l'ambulancier d'Urgences-santé
pourrait très bien changer de département de santé
communautaire, précisément parce qu'il a le pouvoir de faire une
répartition différente, compte tenu de l'encombrement des salles
d'urgence. C'est fatigant de voir cette situation parce qu'effectivement il y a
des gens qui se promènent à Montréal, dans le cas de la
santé mentale... Même à Sacré-Cur - Je suis
content de voir que vous, vous n'avez pas de problème - on me dit que,
dans certains cas, surtout dans des cas de crise, ils sont parfois
débordés, qu'ils ont de la difficulté, à ce
moment-là, parce que c'est toujours le respect du fameux territoire de
DSC qui joue. Malheureusement c'est souvent trois, quatre mois ou un an, deux
ans après qu'on l'apprend, dans ces cas-là.
Il y a une question que je veux vous poser. Vous parlez, dans toutes vos
recommandations, de l'intégration des communautés culturelles.
Que penseriez-vous d'une politique discriminatoire positive en faveur de
l'embauche des gens représentant les communautés culturelles, en
particulier dans certains départements?
Mme Soave: On serait bien d'accord qu'on facilite surtout
l'intégration au travail des professionnels appartenant aux
communautés culturelles. C'est d'ailleurs une des recommandations les
plus Importantes qu'on a dans le rapport sur l'accessibilité des
services sociaux pour les communautés culturelles dont M. Sirros
était le président. La préoccupation de l'embauche des
professionnels pariant différentes langues ou les connaissant, souvent
II ne s'agit pas seulement de parler la langue, mais de connaître la
culture, parce qu'on pourrait embaucher une personne qui parle l'espagnol ou
l'Italien, mais qui ne connaît pas du tout la culture. Alors, c'est
Important aussi d'avoir un respect et une perception des autres cultures,
d'avoir une capacité de percevoir que la différence, ce n'est pas
nécessairement être des gens sauvages ou qui viennent de pays
où...
M. Chevrette: En ce qui regarde les jeunes Immigrants, sans
vouloir entrer dans le domaine linguistique plus qu'il le faut, si on
réglait le problème des immigrants dès l'arrivée,
au point de vue linguistique, si on donnait des cours rapides, des cours
intensifs pour permettre à la personne de s'en sortir le plus rapidement
possible, je pense que le problème se réglerait assez bien.
Là où le problème est majeur, ce qu'on m'a
rapporté, en particulier le comité qui m'avait rencontré
à l'époque, c'est que c'étaient souvent les
aînés, qui ont, comme unique langue, la langue de leur pays natal
et c'est tout, qui avaient le plus de difficulté à être
Intégrés aux services sociaux et aux services de santé et
non pas nécessairement les immigrants qui s'intègrent
conformément aux lois du pays, pour autant qu'on leur offre la
possibilité de suivre les cours le plus rapidement possible.
Mme Vella (Lina): Je vais répondre à cette
question, je suis Mme Vella, la présidente de l'association. Pour avoir
vécu moi-même ce problème, le fait de la langue, c'est une
partie, c'est-à-dire qu'on peut apprendre la langue, comme vous l'avez
bien dit, en arrivant ici, mais si on est confronté à des
problèmes... Par exemple, on parle ici d'hôpital, s'il y a une
personne qui parle espagnol, italien ou grec, cette personne peut parier la
langue mais ne pas comprendre. SI, par exemple, je suis gênée pour
une chose ou une autre... Je sais qu'ici on est plus libre de penser, mais si,
dans mes habitudes de vie que j'avais ou que je peux garder, parce que garder
les habitudes fait partie de la vie elle-même... À ce
moment-là, même si la personne parle ma langue, elle ne comprendra
pas les problèmes que je peux avoir. Donc, le fait qu'une personne
apprenne la langue, cela peut régler une partie, c'est-à-dire
qu'elle sera capable de s'exprimer afin de trouver la solution, mais si, dans
le service où elle va s'adresser, elle trouve quelqu'un qui pariera non
seulement sa langue, mais aussi qui comprendra son problème, la
façon qu'elle a de s'exprimer...
Je vous donne un exemple, pour vous, ce sera banal, il n'y a rien
là, il n'y a pas de problème, mais, pour mol, si j'ai vécu
dans un milieu où c'était vraiment un handicap, même si on
parie la même langue, on ne se comprendra pas. Je travaille dans un
milieu québécois, je parie français, mais souvent je
m'aperçois qu'on ne se comprend pas bien. Parfois, je laisse faire,
parfois j'explique. Je dis: C'est pour telle ou telle raison. Or, imaginez-vous
quelqu'un qui ne parie pas la langue du pays, qui s'en va dans un hôpital
et qui a des problèmes personnels, de santé mentale surtout. S'il
va au marché ou au magasin pour acheter du linge, s'il a des
difficultés de langage, ce n'est pas compliqué. On
regarde les prix et on l'achète; ce n'est pas nécessaire
de parler. Mais à l'hôpital, surtout si c'est un problème
mental, à ce moment-là, il faut s'expliquer et il faut voir aussi
qu'on est compris de notre interlocuteur. Or, si la personne parle la langue,
mais ne comprend pas ce que je peux ressentir, pourquoi je me sens comme
cela... (10 h 45)
Je vous donne un exemple. Il y avait une interprète dans un
service social pour immigrants à Montréal, elle faisait
l'interprète, mais elle partait un dialecte napolitain. Quand elle avait
des clientes du Sud de l'Italie, c'était facile, on se comprenait, mais,
à un moment donné, elle a eu une cliente du Nord de l'Italie et
elles ne se comprenaient pas du tout. Elle m'a appelée et m'a dit:
Comment cela se fait-Il? J'ai de la difficulté avec une personne.
Peut-être qu'elle a vraiment besoin de parler avec une personne de la
même langue et peut-être qu'une Italienne va plus la comprendre. Je
me suis rendue au bureau. Alors, que vois-je? Elle commence à parler
à la dame. Je ne comprenais pas ce qu'elle disait à
l'Interprète. À la fin, j'ai dit: Excuse-moi, il n'est pas
question de communication. La dame ne te comprend pas même quand tu
parles. Voyez-vous, c'est un exemple pour vous faire comprendre que parfois,
même si l'interprète... Tu dis: Je suis Québécois,
j'apprends la langue, mais il faut savoir quelle genre de langue on parle,
parce que tout le monde ne vient pas de la même place. Il faut aussi
s'assurer que, si quelqu'un parie une langue, il faut qu'elle soit comprise par
la majorité des personnes, surtout lorsqu'il s'agit de problèmes
psychologiques.
Lorsqu'on vient Ici pour des raisons économiques, peut-être
qu'on a plus de facilité à s'intégrer, mais si on vient
Ici à cause de problèmes politiques, alors que, dans notre pays,
on avait un statut, une façon de vivre aisée, on arrive Ici et on
voit que c'est totalement différent, la langue, les coutumes, c'est un
choc terrible. Si, en plus, on va quelque part pour se faire soigner, parce
qu'il faut aussi choisir de se faire soigner, à ce moment-là, on
veut rencontrer des personnes qui peuvent nous comprendre, pour fonctionner en
citoyens à part égale comme tout le monde.
M. Chevrette: Je comprends et je partage avec vous le fait...
Le Président (M. Bélanger): Madame avait un
complément de réponse, je pense.
M. Chevrette: Excusez-moi, cela me fait même plaisir.
Le Président (M. Bélanger): Excusez-moi.
Mme Soave: Vous avez mentionné les personnes
âgées. C'est très Important de ne pas oublier la
tragédie pour beaucoup de personnes âgées qui arrivent ici.
Elles ne parient pas la langue. Elles n'ont pas les moyens de l'apprendre.
Elles sont trop âgées. Elles se trouvent isolées
complètement. J'ai connu le cas d'un couple de plus de 70 ans que leurs
fils ont fait venir ici. Ce monsieur a perdu ses jambes. Il a été
mis dans un centre d'accueil à Côte-Saint-Luc. La dame habitait
sur le boulevard Saint-Michel. Elle n'avait jamais voyagé seule hors du
quartier Saint-Michel. Là, elle devait se rendre à
Côte-Saint-Luc, elle ne savait pas comment faire. Elle s'est
essayée toute seule et elle s'est perdue. Elle devait donc attendre que
quelqu'un l'amène. Pour un couple marié depuis 50 ans, cette
femme, à l'âge de 70 ans, n'a pu voir son mari pendant plus d'un
mois. Il se passait parfois deux, trois, quatre semaines avant que quelqu'un
l'amène. C'était donc un problème énorme pour cette
femme, pour ce monsieur qui était tout seul dans un milieu où les
gens ne pariaient pas sa langue. La nourriture était différente,
tout était différent.
Le temps passe. Je laisserai parier Isabelle du parrainage des personnes
âgées aussi.
Mme Hemlin: Le parrainage actuellement place beaucoup de
personnes âgées dans un état de dépendance qui va
entraîner des problèmes sérieux chez les enfants qui les
ont parrainés et chez les parents. Actuellement, les personnes
âgées parrainées par leurs enfants le sont pour dix ans.
Depuis un an, elles sont rétroactivement coupées de l'aide
sociale. Elles sont aussi exclues de la pension de vieillesse. Les parents se
trouvent complètement dévalorisés, dépendants et
même parfois traités en domestiques par leurs enfants. Nous
remarquons aussi que beaucoup de parents viennent se plaindre de la violence.
Je vais vous donner des exemples. On Interdit aux parents de descendre au
salon. Comme m'a dit une vieille dame: C'est comme si j'étais un chien
qui mettait du poil partout. Comment voulez-vous qu'elle garde un
équilibre lorsqu'elle est cloisonnée? Elle ne parle pas. Elle n'a
accès à aucune ressource financière indépendante de
la bonne volonté de son enfant.
Comment voulez-vous ensuite qu'on leur trouve quelque chose? Si on
essaie de trouver une mesure alternative - on pariait de mesures de
répit, etc., pour l'un ou pour l'autre - si ces personnes ne parlent pas
la langue, elles sont exclues. Si elles n'ont pas l'aide sociale et qu'elles ne
peuvent pas payer, elles sont exclues. En plus, on leur demande d'être
citoyens canadiens les trois quarts du temps. Il ne reste plus grand-chose pour
tes personnes âgées. Nous trouvons actuellement que c'est une
situation porteuse de dangers. On voit de plus en plus de problèmes de
relations enfants-parents et chez les parents. Lorsque je parle de parents
âgés, ce sont ceux de 60 ans et plus. On peut quand même
replacer l'âge un peu. Mais je voulais ajouter...
M. Chevrette: Les personnes âgées, pour la
plupart, ne seraient-elles pas entrées...
Mme Hemlin: En vertu du parrainage...
M. Chevrette: ...dans le cadre du programme de
réunification des familles?
Mme Hemlin: Oui. Mais c'est quand même rendre quelqu'un
dépendant d'un autre, à la merci d'un autre. Ce n'est jamais bon
pour la santé de qui que ce soit d'être totalement
dépendant de quelqu'un parce que cela permet un jeu de pouvoir qui n'est
pas toujours bénéfique pour l'un comme pour l'autre. C'est dans
ce sens que je dis que c'est très porteur de dangers.
On a parlé d'embauché. On a aussi rajouté, dans la
recommandation 4, que les jeunes soient incités à entreprendre
des carrières. Comme on le sait, pour ce qui est de la communauté
vietnamienne, les premiers sont arrivés il y a douze ans. Tout le monde
sait qu'il y a beaucoup de pharmacies vietnamiennes, énormément
de dentistes. Combien y a-t-il de psychologues vietnamiens? Une seule et elle
était formée avant de venir ici. Il n'y en a aucun en formation
dans les universités. Il y a une travailleuse sociale, il y en a trois
qui sont en formation. Il n'y a aucun Cambodgien ou Laotien en train de
chercher une telle formation.
Peut-être qu'en mettant des mesures incitatives on
dégorgerait certaines branches et on permettrait d'avoir accès
aux services. Même si on nous donne de l'embauche dans certaines
branches, II n'y en a même pas à embaucher C'est un
problème.
M. Chevrette: Simplement pour revenir en arrière sur un
point, à la suite des propos de Mme la présidente, il est
évident que, si on donne des cours sur les communautés ethniques,
les communautés culturelles, on ne réglera pas le problème
complet mais, à mon point de vue, on améliorera la situation.
Quand vous me donnez l'exemple d'une Italienne du Sud par rapport
à une Italienne du Nord qui ne se comprennent pas, vous comprendrez bien
qu'on ne réglera sûrement pas le problème, à ce
moment, avec un Québécois francophone contre un Italien du Nord
ou un Italien du Sud. Je veux dire que vous me donnez un exemple qui, à
mon point de vue, est trop poussé par rapport au réalisme qu'on
doit avoir quand on tombé en terre québécoise. À
mon point de vue, c'est poussé à l'extrême. Cela
deviendrait irréaliste par rapport à l'application
concrète d'une politique.
Mme Vella: Je n'ai pas dit cela. J'ai dit que l'interprète
pensait qu'il parlait ta langue, tandis que c'était un dialecte qui ne
pouvait pas être compris partout le monde.
M. Chevrette: Ah! C'est une mauvaise Interprétation.
Mme Hemlin: Je n'ai pas dit que les deux ne se comprenaient pas.
J'ai dit que l'Interprète pensait parler italien tandis qu'il avait de
la difficulté à comprendre les clients parce qu'il y avait un
manque de communication.
M. Chevrette: C'est que l'image qui m'était venue en
tête, c'est comme si un Wallon tombait malade en territoire flamand. Ils
sont tous les deux en Belgique, mais il y en a qui ne connaissent pas un mot de
flamand. C'est bien sûr qu'ils ne se comprendront pas même sur un
même territoire. J'avais Interprété...
M. Polak:...
Mme Hemlin: Non, j'ai dit que c'est l'interprète.
M. Chevrette: Cela prendrait M. Polak, mais ce n'est pas tout le
monde qui est arrangé comme cela.
Ce que je veux vous donner comme exemple, c'est que quelqu'un qui arrive
ici, en terre québécoise, il est évident qu'il peut avoir
des problèmes. Je prétends que la catégorie la plus
pénalisée, et j'aimerais que vous me contredisiez si ce n'est pas
vrai, ce sont ceux qui n'ont pas eu la chance d'apprendre la langue
française du Québec. Ils sont sûrement
pénalisés au départ parce qu'ils connaissent seulement la
langue de leur pays. Ce n'est pas un cadeau et vous avez raison. Ils refusent
d'aller à un CLSC parce qu'ils n'ont pas les services dans leur langue;
ils refusent d'aller dans les CSS parce qu'ils n'ont pas les services dans leur
langue. Comme vous dites, il y a beaucoup de timidité, il y a un choc
culturel effectivement.
Pour les autres, je pense qu'il ne faut pas dramatiser non plus la
situation. Je prends le CLSC Parc-Extension. Il y a quand même onze
langues différentes qui sont parlées au CLSC pour rendre service
aux communautés culturelles. Il ne faudrait pas qu'on donne
l'impression, ce matin, qu'il n'y a pas des efforts concrets qui ont
été faits à l'intérieur des réseaux de
santé et de services sociaux.
Je ne vous dis pas qu'il n'y a pas lieu d'amélioration. Je pense
que vous avez des recommandations extrêmement intéressantes, en
particulier sur la perception ou la connaissance des communautés
culturelles. Prenez l'exemple de la religion. C'est évident que si
quelqu'un oeuvre surtout dans un quartier où II y a une concentration de
Musulmans, s'il ne connaît pas ce que c'est, il peut absolument ne pas
comprendre les réticences, par exemple, d'une personne à
s'exprimer ou à vouloir ouvrir grand son livre, alors qu'ici ce sont des
choses admises. Je comprends cela.
Je pense qu'on peut facilement corriger ces situations avec des cours de
formation. Mais je ne voudrais pas qu'on ait l'impression qu'il ne se
fait rien. Il y a quand même des efforts assez gigantesques qui se
sont faits, surtout sur l'île de Montréal. Vous n'êtes pas
d'accord avec moi?
Mme Vella: Disons qu'il y a des choses que vous avez dites qui
sont vraies. Mais vous donnez l'exemple d'un CLSC modèle dans
l'île de Montréal. Dans le quartier, il y a beaucoup de
communautés différentes. C'est peut-être dû à
la volonté, à un moment donné, de quelqu'un qui
était là, qui a su peut-être mettre en valeur le CLSC.
Mais, si vous allez dans d'autres quartiers, ii y a beaucoup de personnes qui
ne savent même pas ce qu'est un CLSC. Moi, je travaillais à
Montréal-Nord et j'en connaissais beaucoup. Je parle Italien parce que
je suis Italienne. J'ai dit: Pourquoi ne vas-tu pas au CLSC, il y a même
des médecins, tu peux faire prendre ta pression, au lieu d'aller
à l'urgence d'un hôpital? Où est-ce? Pourtant, le CLSC
était bien situé; à Montréal-Nord, ce n'est pas sur
une petite rue, c'est à ta vue de tout le monde, mais la personne ne
savait même pas que ce service existait. Elle disait: Est-ce que je vais
trouver quelqu'un? Donc, vous avez donné l'exemple d'un CLSC que je
connais un peu, où il y a plusieurs personnes qui parlent
différentes langues. Peut-être que c'est dû à la
volonté, à un moment donné, de quelqu'un qui était
là, qui a su mettre en valeur la vraie nature du CLSC. C'est
peut-être cela et, d'ailleurs, il est dans la salle, M. Sirros; à
un moment donné, il en était directeur. C'est peut-être une
façon de valoriser le CLSC.
Mme Kanani: J'aimerais revenir sur ce point, pour ce qui est de
plusieurs langues qu'on peut parler. On peut écouter un client et parler
sa langue, mais c'est une tout autre dimension qui est incluse ici parce que
les clientes que j'ai référées aux professionnels de la
santé, c'étaient des femmes qui parlaient français, mais
leurs cas étaient des cas légers qui sont devenus des cas lourds
à cause de l'Incompréhension culturelle. Justement, ces femmes
ont été obligées de prendre des médicaments pour
faire face à leur situation, alors qu'on peut les aider de façon
différente. Par exemple, l'organisme pour lequel je travaille peut
prendre en charge ces clientes, mais on n'a pas les moyens nécessaires
pour les aider. On n'a pas assez de subventions, par exemple, pour avoir assez
de clientèles parce qu'on est spécialisés pour ces
cas-là.
M. Chevrette: Mais prenons l'exemple que la dame du bout de la
table nous donnait; je termine là-dessus, je sais que mon temps est
épuisé
Le Président (M. Bélanger): Oui.
M. Chevrette: On aura beau susciter par des mesures ce qu'on
appelle la discrimination positive, il reste que, si on n'a pas les ressour-
ces humaines, on aura beau Inventer mille et un moyens, on n'aura pas plus de
psychologues laotiens. Quand bien même on leur réserverait deux
chaires universitaires, s'il n'y en a pas, il n'y en a pas. Donc, à
partir de là, je crois beaucoup plus aux cours de formation - en tout
cas, si vous me permettez de m'exprimer là-dessus - des personnes qui
oeuvrent auprès des communautés culturelles que d'essayer de
corriger cela. A ce moment-là, chaque communauté voudra avoir un
psychologue, un psychiatre et des travailleurs sociaux de sa propre origine. Je
pense que ce serait utopique, entre vous et moi; cela ne sert à rien de
rêver à cela. On est mieux de rêver à quelque chose
de concret, de pratique et aller vers la formation des personnes sur la
connaissance même des communautés culturelles.
Mme Soave: Je suis d'accord avec vous, avec votre idée de
la formation, parce que l'approche doit être faite des deux
côtés. D'un côté, la personne doit avoir droit au
cours de français dès son arrivée; elle doit aussi avoir
droit.. Les cours de français devraient être faits non pas
seulement sur la langue, mais sur la culture et le respect du pays d'accueil.
Entre-temps, ii devrait y avoir, pour les gens déjà ici, dans les
universités, les écoles et les centres de santé et de
services sociaux, des cours aux professionnels pour comprendre les
différentes mentalités. Je ne demanderais pas qu'ils parlent
toutes les langues, nécessairement; vous dites que ce serait utopique.
Si on a un Tamoul dans un CLSC, on ne peut pas avoir un travailleur social, un
psychiatre et un médecin qui parlent sa langue, mais on peut avoir une
approche de respect. Je l'ai vécu, je ne peux pas dire que je n'ai pas
eu une bonne approche, mais je me suis trouvée parfois, puisque je ne
parlais pas la langue, traitée comme un enfant ou traitée comme
quelqu'un qui venait d'un pays de sauvages. On me demandait: Est-ce que les
médecins en Italie font cela? Mon enfant a été
opéré en Italie. Ici, ils disent: On doit refaire tout ce qui a
été fait là. Je ne me suis pas toujours retrouvée,
mais c'était quand je ne parlais pas la langue ou pas assez... Je dois
dire que, maintenant que je me débrouille avec la langue, je me retrouve
d'égal à égal; Je trouve le respect. Je ne trouve pas de
discrimination. Mais, lorsque je ne parlais pas la langue, j'ai trouvé
parfois, parmi les professionnels, une attitude de protection. Je me sentais
traitée un peu comme une débile qui ne comprenait rien:
Comprenez-vous? Comprenez-vous? C'est une attitude qui blesse beaucoup. Les
personnes qui viennent d'un autre pays, ce sont des personnes adultes. Cela
provoque aussi beaucoup de stress, de dépressions, de troubles
émotifs, le fait de se sentir traités comme si on n'est pas
d'ici, qu'on est toujours des étrangers. On a besoin de se sentir
appuyés. C'est des deux côtés. Je suis d'accord que
beaucoup de gens ne cherchent pas
à s'Intégrer. Il faut faire des efforts pour les pousser
à apprendre la langue. La solution n'est pas toujours d'avoir des
professionnels qui parlent toutes les langues. C'est une approche des deux
côtés qu'on souhaite. (11 heures)
Mme Kanani: Je suis d'accord aussi pour l'information. Bien
sûr, c'est le premier pas vers... L'information des Intervenants, des
professionnels, est la plus importante. Ce que je veux dire par là,
c'est qu'en attendant qu'il y ait une structure interne il faudrait prendre en
charge cette clientèle qui a des besoins. C'est pourquoi je fais
référence aux organismes en place qui sont capables de les aider
sur le moment. C'est ce que je voulais dire. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: C'est M. le député de
Laurier...
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Laurier, oui.
M. Sirros: Je disais justement que je ne sais pas trop ce qu'on
peut poser comme question. Mme Soave est aussi membre du comité sur
l'accessibilité des services sociaux et de santé aux
communautés culturelles. Je pense qu'on a traité de la question
pendant des semaines et des semaines, sinon des mois. Plusieurs des
recommandations que vous faites Ici ont également été
faites dans le cadre du rapport comme tel. Je suis très content que vous
soyez venues parce que, effectivement, j'avais constaté un peu la
même lacune que vous dans le rapport; dans ce sens, je pense que cela ne
peut qu'aider que de faire la représentation que vous avez faite et
ramener le point de vue des communautés culturelles et des services de
santé et des services sociaux.
J'ai été particulièrement heureux aussi que vous
souleviez toute la question de la sectorisation parce que, souvent, c'est
quelque chose dont les effets ne sont pas nécessairement connus,
particulièrement par rapport aux communautés culturelles.
J'ai simplement le goût de vous demander si vous avez un dernier
message que vous voudriez passer à la commission à ce moment-ci.
Je pense qu'il reste à peine trois ou quatre minutes à votre
groupe,
Mme Soave: Ce serait d'être consulté la prochaine
fois s'il y a encore des rapports ou des... On a remarqué que beaucoup
d'organismes ont été consultés, mais pas un seul organisme
des communautés culturelles n'a été consulté par la
commission. Isabelle...
Mme Hemlin: Je veux ajouter... Vous avez pris la parole juste
avant que je lève la main. Quand on a parte de formation et de mesures
Incitatives, ce n'est pas pour qu'il y ait un psychologue de chaque langue dans
chaque CLSC. D'abord ce serait de former des modèles. J'ai
demandé une fois: Mais pourquoi y a-t-il autant de dentistes
vietnamiens? Oh! M'a-t-on dit, une a commencé, cela a marché, il
y en a eu deux l'année d'après et cinq l'année suivante.
Tant qu'il n'y aura pas de mesures Incitatives pour orienter les gens vers des
professions taboues... être psychologue ou être psychiatre dans
beaucoup de cultures, c'est tabou, on n'en parle pas; être travailleur
social, il n'en est pas question. Donc, si on leur fournit des modèles,
on aura peut-être des intervenants dans cinq ou dans dix ans. Mais de
toute façon, qu'on sensibilise le personnel. Qu'on ait des
professionnels des communautés culturelles, on aura toujours besoin
d'interprètes parce qu'on ne pourra jamais en avoir assez. Alors, former
tes membres des corporations, sensibiliser les gens pour qu'il y ait une
éthique pour travailler avec un Interprète; n'importe qui ne peut
s'improviser interprète. Quand on a fait le tour des corporations des
psychologues et des travailleurs sociaux pour savoir quelles sont les
consignes, comment on forme les travailleurs sociaux, les psychologues pour
travailler avec des Interprètes, croyez-le ou non, le secrétaire
de la corporation m'a demandé: Ah! Cela existe? Est-ce qu'il n'est pas
en contact avec ses membres ou quoi? Je me pose des questions. Je sais une
chose à ce moment-là, c'est que les membres de la corporation
agissent à leur gré avec les Interprètes. On peut en
prendre un sur la rue, il y a tellement de gens bilingues, comme Ils nous
disent; ce ne sont pas des interprètes. Il faudrait peut-être
aussi sensibiliser les corporations à travailler avec des
interprètes, à travailler avec des Immigrants en situation
multiculturelle.
Le Président (M. Bélanger): En conclusion, M. le
député de Joliette.
M. Chevrette: Je tiens à vous remercier pour la
présentation de votre mémoire. Je suis convaincu que beaucoup de
recommandations peuvent être considérées dans
l'élaboration d'une politique finale et globale.
J'espère que l'intégration au réseau de la
santé et des services sociaux des communautés culturelles se fera
le plus rapidement possible. Pour avoir été en contact avec
plusieurs de vos groupes pendant une année, j'ai eu la chance de
constater jusqu'à quel point les gens ignorent à ta fois, comme
disait Mme la présidente, les structures dans certains cas ou les
services disponibles. Il y aurait peut-être une campagne de
sensibilisation à faire auprès de ces gens-là,
auprès des communautés culturelles pour voir la
possibilité qu'ils ont d'abord et, ensuite, améliorer les
structures et les ressources humaines à l'interne pour rendre service au
milieu multicul-
turd.
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: À mon tour, Je voudrais vous remercier de
votre présentation. Je voudrais Juste ajouter une information
supplémentaire que le Dr Hamois m'a transmise en ce sens que, dans
presque tous les départements de psychiatrie des centres hospitaliers de
I'île de Montréal, on reçoit au moins 25 % des clients ou
des bénéficiaires qui proviennent d'un autre secteur qui sont
hors secteur. En fait, je ne sais pas sur quelle base, parce que la
sectorisation était censée être une chose bien stricte. Ce
sont peut-être les besoins qui ont fait que cela s'est élargi un
peu et il faudrait peut-être examiner de plus près pourquoi, dans
le cas de communautés culturelles, là où ce serait
véritablement plus facile d'aller hors secteur, elles n'ont pas
ordinairement accès.
L'excuse la plus facile, c'est peut-être de parier de
sectorisation. Quand on ne veut pas recevoir un patient, on l'envoie ailleurs,
cela se peut que ce soit... En tout cas, cela vaut la peine de l'examiner. Avec
les autres mesures qu'on va tenter de mettre en place à la suite du
rapport sur l'accessibilité aux services de santé et aux services
sociaux, espérons qu'on pourra faire du progrès.
Mais c'est un problème complexe quand même, parce qu'avec
peut-être 52 nationalités à Montréal...
Évidemment, elles ne sont pas toutes de même importance, mais
chaque individu devient une personne importante quand il est pris avec un
problème de santé mentale. C'est évident qu'il restera
peut-être toujours des personnes qui auront plus de difficulté
à trouver les ressources. Alors, il faudra, au moins, faire un effort
sensible pour les communautés plus Importantes qui ont des
problèmes plus aigus dans ce domaine. Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie,
mesdames de l'Association multiethnique pour l'intégration des personnes
handicapées du Québec. J'appelle comme prochain groupe à
la table des témoins l'Association des centres de services sociaux du
Québec. On va suspendre pendant une minute, histoire de permettre aux
deux groupes de se placer et aux membres de se délier les muscles.
(Suspension de la séance à 11 h 8) (Reprise à 11 h
10)
Le Président (M. Bélanger): Nous recevons
l'Association des centres de services sociaux du Québec
représentée par M. Maurice Sammut, président, par Mme Use
Denis, directrice générale, par M. Rémi Gagnon, du Centre
des services sociaux Laurentides-Lanaudière, et par M. Claude
Lancop, de l'Association des centres de services sociaux du
Québec. Le porte-parole du groupe sera M. Sammut
Une voix: Et Mme Denis.
Le Président (M. Bélanger): Et madame. Bien. Vous
connaissez nos règles de procédure. Vous avez 20 minutes pour
faire la présentation de votre mémoire et II y a 40 minutes pour
une discussion avec les membres de la commission. Je vous prie donc de
commencer la présentation de votre mémoire.
Association des centres de services sociaux du Québec
M. Sammut (Maurice): Merci. Au nom de notre conseil
d'administration, je tiens à vous remercier de nous accueillir à
cette commission parlementaire. C'est la deuxième fois en peu de temps.
Mais, cette fois-ci, c'est heureusement sur un dossier qui a trait à nos
clientèles.
Nous venons vous présenter notre réaction au projet de
politique de santé mentale, réaction qui est le fruit de
discussions et de réflexions au sein de notre conseil d'administration.
Nous représentons les 17 centres de services sociaux qui ont, entre
autres, 300 intervenants travaillant auprès de clientèles en
santé mentale. Pour situer notre action, en plus de la participation de
nos Intervenants dans les équipes multidisciplinaires des centres
hospitaliers, le travail fait avec les 5000 bénéficiaires adultes
hébergés dans les ressources intermédiaires ainsi que
celui réalisé auprès des 15 000 vivant avec leur famille
naturelle fait que nous Intervenons auprès de la moitié de la
clientèle psychiatrique adulte du Québec.
Mme Lavoie-Roux: Pourriez-vous nous dire quel texte vous lisez?
On en a deux et je ne retrouve ni le résumé, ni l'autre. C'est un
nouveau texte?
M. Sammut: C'est un nouveau texte... Mme Lavoie-Roux: Bon,
d'accord. M. Sammut: ...de présentation.
M. Chevrette: Est-ce qu'il nous réserve des surprises?
M. Sammut: Possiblement. Tout d'abord, il nous apparaît
important de souligner certains éléments positifs issus de ce
projet. Au départ, nous trouvons très positive une approche qui
privilégie la personne et ses proches, le milieu de vie de celle-ci et
les services plutôt que les structures. Dans un deuxième temps,
l'Identification et la priorisation des problèmes de santé
mentale les plus importants, en les distinguant par des concepts de champ et de
domaine de la
santé mentale, nous apparaissent très heureux, de
même que, en dernier lieu, la reconnaissance de l'Importance de la
dimension psychosociale pour une approche globale de la problématique
afin d'assurer des services adéquats. Quand on dit "dimension
psychosociale", on dit qui s'inspire de la psychologie de la personne, de son
potentiel, essayant de faciliter sa relation avec la société en
général. Il est passablement aisé, dans la majorité
des situations, de déterminer avec assez de justesse les dimensions
médicale ou juridique. Mais, quand on parle de dimension psychosociale,
cela devient plus ambigu et. malheureusement, dans certains cas, plus ambigu,
donc moins Important II demeure que cette dimension est, à l'occasion,
primordiale. Que l'on parle de réinsertion sociale du détenu, du
malade ou d'un ex-bénéficiaire, l'on peut recouvrer sa
santé, sa liberté, son autonomie, son équilibre, mais il
faut maintenant se réinsérer harmonieusement. Et c'est la
dimension psychosociale qui agira comme une sorte de mortier pour sceller, avec
le milieu et la société, cette transition, voire ce retour. Nous
sommes heureux de voir cette dimension ici reconnue.
Par contre, ce projet de politique a suscité certaines
réserves. Par exemple, peu de chiffres et de données
concrètes, ce qui donne un aspect assez théorique à.
certaines assertions. Nous aurions aimé, entre autres, que soient
chiffrés les budgets respectifs actuels en services de santé et
en services psychosociaux de santé mentale, ce qui nous empêche,
dans certains cas, d'appuyer complètement certaines recommandations.
Il y a également ambiguïté quant au mandat
particulier de chacune des Instances dans la livraison des services. Sans pour
autant être d'accord avec la rigidité du mandat de chaque
établissement, nous ne pouvons souscrire à une
multi-identité de la part de ceux-ci.
Au chapitre des ressources intermédiaires, nous avons une autre
réserve: le peu de place qui est donné aux ressources
Intermédiaires dans cette proposition de politique, alors que c'est ce
réseau qui a concrètement le plus servi et qui sert encore
aujourd'hui à actualiser l'objectif de désinstitutionnalisation
et ce, depuis les années soixante. J'invite maintenant Mme Denis, la
directrice générale de l'association, à vous livrer
certains commentaires sur notre position. Mme Denis.
Mme Denis (Lise): Nous aimerions reprendre
particulièrement deux points: la question du plan d'organisation des
services régionaux et la question des ressources Intermédiaires.
Il y a quelques commentaires qu'on ajoutera sur d'autres dimensions, mais de
façon plus complémentaire.
Sur fa question du plan d'organisation régional, nous souscrivons
aux recommandations qui sont dans le document. Ce plan nous semble
indispensable à la fois pour favoriser une équité
interrégionale, un meilleur équilibre de la santé sociale
et aussi parce que c'est au niveau de la région, et même parfois
de la sous-région, que peuvent le mieux se planifier l'utilisation des
personnes du milieu et de la communauté.
Nous croyons cependant que trois conditions devraient présider
à la mise en place de tels plans. Tout d'abord, on pense que ces plans
devraient procéder d'un cadre de référence unique qui,
dans le fond, est largement contenu dans le rapport du comité et que le
ministère devrait en être le maître d'oeuvre. Nous croyons
aussi que ces plans devraient respecter les mandats généraux des
établissements, un peu dans le sens où on l'Indiquait
tantôt. Finalement, nous pensons que l'approche financière doit
concorder avec l'approche de définition de plans régionaux.
À titre d'exemple, j'indique que, pour nous, cela devrait vouloir dire
une reconnaissance dans les faits des possibilités de
réallocation budgétaire. Cela devrait vouloir dire des outils
pour permettre des allocations budgétaires basées non seulement
sur des variables reliées à la population, mais aussi sur des
Indicateurs de problèmes psychosociaux. Finalement, cela pourrait
vouloir dire l'octroi dans chacune des régions d'une marge de manoeuvre
ou d'une enveloppe qui permette de s'ajuster aux besoins au fur et à
mesure et qui permette aussi d'expérimenter des projets en cours de
route. Il nous semble qu'au niveau d'une approche financière ces
variables devraient être prises en considération.
On s'en voudrait de ne pas parler des ressources intermédiaires.
Le rapport Harriots nous semble très muet là-dessus. C'est chez
nous que ce réseau s'est développé et il héberge
5000 bénéficiaires aux prises avec des problèmes de
santé mentale. La consolidation de ce réseau est pour nous une
condition essentielle à tout le phénomène de la
désinstitutionnalisation. D'abord, sur le plan des familles d'accueil,
il nous semble qu'un soutien financier plus équitable devrait être
envisagé. Il est certain que les opérations reliées
à la catégorisation des familles d'accueil ont permis de faire de
grands pas en avant. Il nous semble, cependant, qu'il reste des
problèmes sur le plan des primes payées aux familles d'accueil
pour les services spéciaux qu'on leur demande d'assumer. Il reste des
problèmes sur le plan de la formation des familles d'accueil, de
l'argent disponible pour leur formation, et des politiques de répit pour
les familles d'accueil comme pour les familles naturelles et des montants pour
le dépannage et l'Installation de ces familles.
Sur le plan des autres types de ressources Intermédiaires que les
familles d'accueil - on pense ici aux foyers de groupe et aux appartements
supervisés - il nous semble qu'il y a là nécessité
de reconnaître officiellement et de façon explicite et d'inscrire
dans leur programmation budgétaire les sommes nécessaires pour la
consolidation et le développement des ressources
intermédiaires. On sait aussi que le ministère y travaille
avec l'association, mais il nous semble que le lien avec la santé
mentale est à établir de façon harmonieuse.
Sur les plans individualisés de services,
généralement, on souscrit à ce qui est proposé dans
te rapport. Nous pensons cependant que cela doit faire l'objet d'une
réglementation. Nous pensons que, pour les jeunes, II y aurait moyen
d'en arriver rapidement à une politique de santé mentale, compte
tenu des orientations déjà proposées dans le rapport et
qui pourraient s'appliquer à la Jeunesse. Nous pensons aussi que le plan
d'action devrait établir des priorités. Par exemple, on devrait
commencer au niveau des plans d'organisation de services régionaux,
enclencher l'établissement de plans de services individualisés
avec des clientèles prioritaires, consolider le réseau des
ressources intermédiaires et prévoir dès maintenant des
politiques de répit pour les familles qui gardent chez elles les 10 000
bénéficiaires maintenus en milieu naturel.
M. Sammut: M. le Président, en conclusion, nous voudrions
insister sur le titre même du document: Pour un partenariat
élargi. Nous souscrivons entièrement à cette positive
Intention afin que, demain, aucun bénéficiaire du réseau
ne se retrouve en manque de réponses à ses besoins parce qu'il
n'aura pas les bons besoins dans ta bonne région ou au bon moment de
l'année, afin que, de l'établissement au plus gros budget
jusqu'à celui de la famille d'accueil ou de la ressource communautaire,
il y ait une sorte d'équité dans le partenariat et que chaque
entité, dans le respect de sa mission, y trouve son avantage par rapport
à la réalisation de son mandat. Enfin, que de la Gaspésie
au Grand-Nord, même si une région n'a pu établir un plan
d'organisation de tous les services, elle puisse se concerter et offrir un plan
de services individualisé aux bénéficiaires en besoin.
être partenaire, c'est être complémentaire, et être
complémentaire, c'est s'associer aux besoins au-delà de nos
expertises, de nos missions ou même de nos ressources différentes,
afin de trouver une réponse adéquate aux besoins des
bénéficiaires. C'est oublier aussi nos structures afin de mieux
répondre à une mission sociale commune. Il ne s'agit pas
d'élargir nos structures individuelles, mais bien d'élargir ta
volonté de travailler ensemble à un même but.
Voilà!
Le Président (M. Bélanger): Vous avez
terminé? Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Je veux remercier l'Association des centres de
services sociaux du Québec pour son très bon mémoire. On
sent que c'est une question qui vous préoccupe, que vous êtes des
partenaires Importants dans ce domaine de la santé mentale.
Je vais immédiatement passer à certaines questions en
rapport avec l'expertise que vous avez déjà
développée. Au plan de la non-Institutionnalisation ou de la
désinstitutionnalisation, vous avez quand même acquis une
expérience relativement Importante, puisque vous parlez des 5000
bénéficiaires qui, quelque part au Québec, sont dans des
appartements supervisés ou dans des familles d'accueil.
Pourriez-vous nous parler un peu plus des écueils que vous
rencontrez, des limites, s'il y en a, de la désinstitutionnalisation et
quelle est votre philosophie générale vis-à-vis de cette
question de la désinstitutionnalisation? D'une part, on accorde beaucoup
d'importance à la désinstitutionnalisation, mais il ne faut pas
oublier qu'il y a aussi la non-institutionnalisation qui m'apparaît tout
aussi importante et qu'elle ira en s'élargissant.
Alors, j'aimerais que vous parliez un peu de votre expertise du
côté de la désinstitutionnalisation, dans un premier temps,
et des autres problèmes reliés au fait que de moins en moins les
personnes sont Institutionnalisées.
Mme Denis: On peut aborder les limites ou les difficultés
que les familles d'accueil peuvent rencontrer. D'abord, les familles d'accueil
ne doivent pas être isolées, elles doivent être en
réseau lorsqu'elles accueillent des bénéficiaires. Elles
ont besoin d'appui et cet appui n'a pas toujours été
complémentaire. Ce n'est pas parce que quelqu'un est en famille
d'accueil que la famille d'accueil, à elle seule, peut combler tous tes
besoins du bénéficiaire. Cette famille-là a aussi besoin
de répit, elle a aussi besoin de travailler avec des groupes
communautaires, elle a aussi besoin de former un réseau avec les autres
établissements. Je pense qu'on doit, dans cet esprit-là, associer
les familles d'accueil aux mêmes types de besoins que pourrait avoir une
famille naturelle, même si elle offre des services plus importants.
Je dirais aussi que l'autre limite pour les familles d'accueil, et c'est
une difficulté qu'on vit depuis quand même un certain temps, c'est
le niveau de services qu'on leur demande de rendre à des
bénéficiaires qui ont de plus en plus des problèmes
importants. Ce niveau de services qu'on leur demande de rendre n'est pas
nécessairement, au moment où l'on se parle, adéquatement
compensé, même s'il y a eu des efforts de faits dans ce
sens-là. Comme philosophie par rapport à ta
désinstitutionnalisation, pour l'association, la
désinstitutionnalisation, comme la non-institutionnalisation, est un
objectif à poursuivre à son maximum dans la mesure où les
conditions effectives sont réunies pour que cette
désinstitutionnalisation n'amène pas le
bénéficiaire à retourner continuellement à
l'urgence de l'hôpital ou à l'hôpital psychiatrique, mais
qu'il puisse le plus harmonieusement possible s'intégrer et retrouver
une vie, entre guillemets, la plus normale possible.
Peut-être que M. Gagnon, avec son expérience dans
Laurentides-Lanaudière, pourrait
donner quelques exemples.
M. Gagnon (Rémi): Ce que j'observe, pas juste chez nous
mais un peu partout dans la province actuellement, c'est qu'on assiste vraiment
à une évolution du développement des ressources
Intermédiaires au Québec en regard principalement de
l'alourdissement des différentes clientèles, notamment en
santé mentale. Pour ce qui est des familles d'accueil, une
évolution se fait aussi dans le sens qu'il y a de plus en plus de
personnes qualifiées, articulées, qui ont même une
formation professionnelle. Je pense ici à des infirmières,
à des éducateurs qui viennent offrir leurs services comme famille
d'accueil. Il y a aussi la création de ressources intermédiaires
devant l'alourdissement des clientèles, les familles d'accueil ne
pouvant donner des services, notamment en ce qui a trait à la
réadaptation. Dans ce sens, j'aurais deux exemples, notamment en ce qui
a trait au désengorgement des hôpitaux dans certaines
régions. Par exemple, il y a un certain nombre de résidences
d'accueil qu'on a mises sur pied pour accueillir des jeunes adultes de 25, 30
ou 35 ans souffrant de problèmes de psychose doublés d'alcoolisme
et de toxicomanie, qui se présentent à l'urgence deux, trois ou
quatre fois par semaine; ils sont hospitalisés
régulièrement pendant quelque temps, retournent dans leur milieu
et reviennent au bout de deux mois. On a créé des ressources pour
accueillir ces personnes. Un exemple, ce sont des Infirmiers psychiatriques et
un éducateur qui accueillent un groupe de jeunes adultes comme
ceux-là.
En ce qui concerne la désinstitutionnalisation dans la
région de Lanaudière, il y a la création de ressources
tout à fait nouvelles: résidences de groupes, foyers de
réadaptation qui ont reçu des clientèles
hospitalisées entre 5 et même 25 ans. Ce qui est
particulièrement Intéressant dans cette expérience, cela a
été l'effort de concertation de plusieurs établissements.
Alors, quand on parle de partenariat, cela nous intéresse d'autant plus.
Ressort aussi le fait que, quand on sort des gens de l'hôpital pour les
amener dans des ressources à l'extérieur, il faut pouvoir donner
des services pour éviter qu'ils ne retournent à l'hôpital.
J'aurais apprécié qu'on fasse un peu plus de place, au
comité Marnois, à l'importance du travail. On peut se donner
bonne conscience de sortir les gens des hôpitaux, mais à la
limite, si on fait du "parking", les gens peuvent se bercer autant dans de
petites ressources que dans un hôpital.
Mors, je pense que le travail, l'appui du groupe aussi, les centres de
crise pour éviter que les personnes ne retournent à
l'hôpital, c'est important Ce qui est intéressant dans cette
expérience, c'est que, depuis un an et demi, sur une centaine de
personnes sorties de l'hôpital, avec plusieurs années
d'hospitalisation en moyenne, à peine dix bénéficiaires
ont été réhospitalisés à long terme. Pour
les autres, cela a été une réhospitalisation temporaire,
et ils sont ensuite retournés dans la ressource.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie. L'autre question que je
voudrais vous poser, c'est que, de plus en plus, avec toute cette philosophie
de maintien des personnes dans leur milieu naturel, de les ramener dans leur
milieu naturel, de les garder là le plus longtemps possible, on veut
développer des services fortement axés sur le
développement des familles d'accueil et même des foyers de groupe;
cela peut être trois, quatre ou cinq personnes. Comme vous avez une
longue expérience des foyers de groupe et des familles d'accueil, est-ce
que vous pensez qu'à un moment donné on ne va pas trop... Mettons
de côté la question du financement, s'ils sont assez payés,
s'ils étaient mieux payés, il y en aurait plus, etc. En dehors de
cela, croyez-vous qu'on est en train de taxer d'une façon telle l'appel
à ces ressources que, finalement, on risque de se retrouver avec un
manque de ressources? On ne peut quand même pas mettre les gens à
tellement d'endroits: ou ils s'en vont en appartement d'une façon
autonome, ou en appartement supervisé, ou en foyer de petits groupes ou
en famille d'accueil qui, elle aussi, peut recevoir plus d'une ou deux
personnes.
Mors, c'est un peu mon inquiétude. On a ces demandes du
côté de la protection de la jeunesse, on les a du
côté de la santé mentale, du côté des malades
physiques et des personnes âgées. Finalement, on a toute une
série de personnes qui vont de plus en plus faire appel à ce
genre de ressources. Je crains un peu, si on ne diversifie pas ce genre de
ressources, qu'on ne se retrouve dans un cul-de-sac à un moment
donné. (11 h 30)
Mme Denis: Je pense qu'on peut dire que depuis 1960 il y a eu
vraiment des efforts de faits sur le plan de la
désinstitutionnalisation, donc de développement dans ce
réseau. D'une certaine façon, il faut s'assurer que ce
réseau soit diversifié. Les familles d'accueil répondent
à des types de bénéficiaires. À un moment
donné, elles sont capables d'offrir certains services, mais il faut
réussir à consolider tout le secteur autre que celui des familles
d'accueil où il y a encore une capacité de
développement.
Est-ce qu'on arrive à une sursaturation? Il y a sûrement un
seuil à un moment donné qu'on ne pourra pas dépasser. Il y
a environ 23 000 places à l'heure actuelle dans le réseau: 13 000
pour adultes et personnes âgées et environ 10 000 places pour
enfants en familles d'accueil et ressources intermédiaires. Je ne pense
pas qu'on puisse doubler cela, par exemple. C'est illusoire. Mais il y a encore
de la place dans ta mesure où on consolide le réseau. J'oublie
effectivement la question des primes. Quand on parle d'efforts financiers, je
ne pense pas uniquement à des primes, je pense à des choses qui
permettent de faciliter un peu la vie quotidienne des familles d'accueil. Je
regarde. On a
un gros dossier sur les assurances avec les familles d'accueil à
l'heure actuelle. Il y a aussi le régime fiscal, le statut fiscal et
commercial avec lequel on a eu des problèmes, il me semble que, si on
réussissait à consolider ces éléments, je ne dis
pas qu'on aurait une capacité énorme de développement,
mais je me dis qu'on aurait au moins la certitude que d'abord les familles
qu'on a vont demeurer, mais qu'aussi ce ne sera pas qu'un ensemble de
difficultés que de devenir famille d'accueil. Si on veut, et je pense
que c'est souhaitable, utiliser et consolider ce réseau, il faut
l'amener à son rythme de croisière sur le plan des ressources
intermédiaires et le consolider pour qu'il soit attrayant pour les gens
qui veulent devenir famille d'accueil ou ressource.
M. Sammut: Et possiblement de favoriser dans une large part ce
qu'on peut appeler le répit pour ces fameuses familles. Hier, quand on
parlait des personnes qui peuvent accompagner ces gens qui sont dans les
établissements, on peut dire qu'il y a trois chiffres de huit heures de
personnes qui se remplacent pour aider ces gens. Quand on regarde les familles
d'accueil, quelquefois, c'est 24 heures par jour. C'est là que des
formules de répit devront être pensées pour ces mêmes
familles d'accueil.
Mme Lavoie-Roux: Je voulais vous demander: Est-ce que la grande
partie de vos énergies dans les centres de services sociaux vont, dans
le domaine de la santé mentale, à la recherche de ressources, au
maintien de ces ressources, au contact à conserver avec ces ressources?
Ou quelle est la partie consacrée, par exemple, à aider
directement des familles qui gardent chez eux leurs enfants ou leurs jeunes
adultes, peu Importe?
M. Gagnon: Un peu comme on l'annonçait au départ,
actuellement, le développement des ressources n'est même pas fait
par les gens qui travaillent dans le secteur de la santé mentale. Il est
fait par du personnel faisant partie des bureaux réguliers des CSS. Dans
ce domaine, on réussit à peine à faire le
développement. Il y a toute la question de l'appui aux familles
d'accueil. J'ajouterais comme condition à votre préoccupation
tout à l'heure qu'il va falloir de plus en plus donner de la formation
aux responsables de ces ressources qui sont appelés à intervenir
de plus en plus avec des clientèles ayant des problématiques
lourdes.
Maintenant, je pense qu'on fait beaucoup d'efforts là-dessus,
mais ce n'est pas limité à cela. Pensons en particulier à
toutes les clientèles qui vivent en milieu naturel, en santé
mentale, tant les adultes que les enfants. On fait un investissement notamment
dans les cliniques de secteur et auprès des familles de ces
bénéficiaires.
Mme Lavoie-Roux: Merci.
M. Lancop (Claude): Si vous le permettez, j'apporterais une
nuance quant à l'investissement respectif sur le plan du recrutement des
ressources intermédiaires. La façon de fonctionner d'une
région à l'autre peut varier. Au niveau provincial, les
ressources Intermédiaires en santé mentale sont principalement
recrutées, encadrées et appuyées par les équipes de
travailleurs sociaux travaillant en santé mentale, mais il reste que le
principal investissement se situe dans les équipes multidisciplinaires
et dans les familles qui gardent elles-mêmes les membres de leur
famille.
Le Président (M. Joly): M. le chef de l'Opposition, je
vous reconnais.
M. Chevrette: J'aurais une question à poser à Mme
la ministre. Y a-t-il eu une ponction budgétaire dans les familles
d'accueil en juillet dernier?
Mme Lavoie-Roux: Non.
M. Chevrette: Au mois d'août?
Mme Lavoie-Roux: II n'y a pas eu de ponction.
M. Chevrette: D'accord.
Mme Lavoie-Roux: II y a eu des problèmes - je ne sais pas
si je peux appeler cela d'arrimage - quand des montants ont été
fixés pour des familles de réadaptation, des familles
spéciales et des familles ordinaires, qu'on appelle
régulières. Quand ils ont eu à faire appel aux
différents types de familles, il s'est produit un
déséquilibre dans certaines régions par rapport à
l'accent qui avait pu être mis - je ne dis pas que ce n'était pas
requis - sur les familles spéciales par rapport à d'autres. C'est
là qu'on est entré dans des difficultés qui sont
présentement examinées au ministère. Je pense que c'est
à peu près cela, Mme Denis?
Mme Denis: C'est effectivement la projection qui avait
été faite par rapport à la réalité qui
s'était développée et qui n'était pas concordante.
Dans les derniers mois, des ajustements se sont développés avec
le ministère pour chacune des régions.
M. Chevrette: Je voudrais d'abord faire un commentaire. Vous
partez beaucoup du rôle des CSS, bien sûr, avec les maisons
d'accueil. Comment expliquez-vous - Je vous pose la question un peu
bêtement - que les familles d'accueil se plaignent de l'absence presque
totale de services, alors que vous parlez, vous autres, d'un service
extraordinaire, tout le monde serait débordé chez vous?
Pourriez-vous m'expliquer cela?
Mme Denis: Oui. Je pense que, pour les familles d'accueil, on
calculait rapidement ce matin ce que cela donne comme ratio les intervenants
qui suivent les familles d'accueil. En moyenne - évidemment, ces
chiffres peuvent varier d'une région à l'autre comme ratio - je
dirais qu'il y a un praticien pour à peu près 60 familles
d'accueil. Alors, il est certain qu'en termes de suivi et d'encadrement, cela
devient très lourd pour une personne et que les gens peuvent se plaindre
à juste titre de ne pas recevoir le service ou l'encadrement auquel Ils
auraient droit Je pense que, si l'on poursuit ta consolidation des
réseaux de ressources Intermédiaires, II faudra aussi s'assurer
que le personnel soit là pour recruter, encadrer et former ces familles
d'accueil.
M. Chevrette: J'ai remarqué, Mme Denis, que vous aviez
parlé d'une approche théorique, mais que, sur le plan pratique,
il faudrait les ressources. Vous avez reproché au rapport Harnois de ne
pas chiffrer. Pourriez-vous me dire quels sont les chiffres que vous avez
analysés ou auxquels vous avez pensé pour répondre
adéquatement à la situation qu'on exigerait dans le cadre d'une
politique officielle?
Mme Denis: J'aimerais vous donner une réponse
complète, mais ce ne serait pas honnête de ma part. Il reste que,
lorsqu'on regarde les familles d'accueil et les ressources
intermédiaires en général, je pense qu'une enveloppe doit
être consentie, qui soit équivalente à ce qu'on souhaite se
donner comme objectifs de désinstitutionnalisation à court et
moyen terme. Je ne suis pas capable de vous dire maintenant exactement ce que
cela devrait représenter pour la prochaine année et
l'année suivante. Ce que je peux vous dire, c'est qu'en ce qui concerne
les praticiens qui doivent suivre ces familles, les recruter, les encadrer, le
besoin qui avait été évalué, II y a
déjà deux ou trois ans, était de 240 praticiens au total,
plus les quelque 200 qui sont là, pour suivre l'ensemble des familles
d'accueil et des autres ressources intermédiaires.
Quant aux autres dimensions, je pense qu'on pourrait, avec un plan de
travail et des objectifs régionaux, évaluer ce que cela prend en
termes de programmes de formation pour les familles d'accueil. Le
problème, ce n'est pas uniquement un problème de budget qui est
là ou qui n'est pas là, c'est une stabilité du budget qui
n'est pas encore inscrite de façon continue dans les programmes.
Politique de dépannage, politique de répit. Je pense qu'on doit
se donner les moyens d'expérimenter des choses là-dessus pour
être capable d'avoir une souplesse qui permette un réajustement.
Le réseau des ressources intermédiaires est peut-être le
seul réseau qui doit, dans ses enveloppes budgétaires, avoir une
forme de souplesse pour être capable d'absorber, le cas
échéant, les différentes périodes qui peuvent se
présenter dans une année d'entrée et de sortie des
bénéficiaires. Je pense qu'il faut s'assurer d'une marge de
manoeuvre. Au-delà de cela, je pense que le comité Harnois, s'il
nous avait fourni des données plus précises concernant les
budgets, ce serait peut-être plus facile de travailler. J'ai le sentiment
qu'il y a des objectifs généraux et des plans d'organisation
à camper qui devraient nous permettre d'arriver à une
réponse plus concrète là-dessus.
M. Chevrette: Laissons la désinstitutionnalisation de
côté pour aller temporairement du côté des
équipes multidisciplinaires. On connaît la fragilité des
relations entre certaines structures du réseau. Je pense bien qu'on
n'Invente rien dans cela. Qui voyez-vous comme Intervenant de première
ligne en santé mentale?
Mme Denis: En santé mentale, qu'appelez-vous un
intervenant de première ligne?
M, Chevrette: Celui qui doit recevoir le client le premier.
Mme Denis: Ce qu'on a Indiqué et peut-être que
Claude...
M. Chevrette: Vous êtes un groupe qui participez, vous avez
une forte expérience, Mme la ministre vient de le dire. Vous êtes
capables de me dire, à ce moment-là, qui doit être le
premier intervenant.
Mme Denis: Nous - après cela. je vais demander à M.
Lancop de terminer - quand on prend le champ de la santé mentale,
c'est-à-dire les individus qui ont des problèmes de santé
mentale, d'une certaine façon, la première ligne ne se
définit pas de la même façon que quand on parle du domaine
de la santé mentale. On reconnaît que, dans le domaine de la
santé mentale, une activité importante doit être
exercée à la fois par les groupes communautaires et les CLSC. On
pense que, quand il s'agit d'individus qui sont aux prises avec des
problèmes de santé mentale, la première ligne ne se
définit pas comme une porte d'entrée comme on pourrait le faire
pour un problème psychosocial très général en
s'adressant d'abord au CLSC. Finalement, la porte d'entrée, c'est celle
à laquelle le patient s'adresse, qui, elle, doit faire cheminer le
patient comme il faut dans le système.
M. Chevrette: Avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Lancop: Non, cela va.
M. Chevrette: Non? D'accord. Prenons un exemple concret, Mme
Denis. Je suis dans un CLSC. Il arrive quelqu'un qui a un Instinct suicidaire.
Il a le goût de se tuer et il vient en
parler à un animateur communautaire, qui a peu de connaissances
et qui peut difficilement... Cela dépend. Là où le cadre
de partage a été réalisé, il y a quelques
travailleurs sociaux qui sont là et qui peuvent parler. Il n'y a pas de
psychologues parce que c'est un CLSC qui a démarré avec 230 000 $
ou 240 000 $, je ne me souviens pas du montant précis. Qu'est-ce qu'on
fait avec cela?
Mme Denis: II est certain que le CLSC doit lui parler... Pas le
CLSC, excusez. Qu'il doit y avoir un premier contact là, une forme
d'accueil, et aussi une première évaluation de la situation.
Selon la gravité du cas analysé, la personne sera dirigée
là où le service pourra lui être rendu.
M. Chevrette: Continuons le raisonnement. On dit que cela ne
nécessite pas les soins d'un psychiatre, mais que cela nécessite
tout au moins les soins d'un psychologue. Il n'y a pas de psychologue au Centre
hospitalier régional Lanaudière, admettons, et on doit s'adresser
à des cliniques privées à 50 $ l'heure, mais le gars n'a
pas une cenne. Qu'est-ce que vous faites avec?
M. Gagnon: Je peux répondre là-dessus. À mon
point de vue, il me semble qu'on devrait avoir ce service au CLSC. Je
réponds simplement comme cela.
M. Chevrette: II me semble qu'il devrait y avoir ce
service-là?
M. Gagnon: Vous dites qu'il n'y a pas de psychologue.
Peut-être qu'il faudrait qu'il y ait un psychologue au CLSC.
M. Chevrette: Oui, mais il n'y en a pas. On ne se contera pas
fleurette. Vous ne me répondrez pas d'une façon théorique,
je vais vous poser des questions d'ordre pratique. Vous savez très bien
qu'avec le parachèvement du réseau des CLSC - et ce n'est pas
seulement depuis Mme la ministre, cela remonte à trois ou quatre ans -
il y au moins 50 CLSC qui ont été créés uniquement
à partir du cadre de partage des CSS et des CLSC, mais il n'y a pas
nécessairement de psychologues dans tous les CLSC, vous le savez
très bien. Si vous comparez, par exemple, le CLSC Joli-Mont au CLSC
Montcalm, vous savez que c'est disproportionné en comparaison...
Mme Lavoie-Roux: Ce sont des CLSC qu'on connaît bien.
M. Chevrette: Celui du secteur de Brandon aussi, madame, vous le
connaissez bien. Ceci dit, je veux vous parler précisément du
CLSC Montcalm qui n'a pas ce genre de ressource et où le travailleur
social est pris avec des problèmes concrets. La seule façon
d'Intervenir dans les circonstances, s'il n'y a pas de psychologues au
CHRDL, vous savez très bien que c'est de l'envoyer à un
omnipraticien pour venir à bout de le faire rentrer à quelque
part par ordonnance ou chez le psychiatre. Vrai ou faux?
M. Gagnon: Vous me demandez de vous répondre
concrètement... Concrètement, je pense que cela fait ressortir un
manque dans notre province, c'est cela que ça fait ressortir. Il y a un
trou dans ce domaine et je pense qu'au niveau des CLSC, c'est un service qui
devrait être rendu à la population parce que c'est
rétablissement qui est le plus proche de la population. C'est la
réponse que je peux vous donner. (11 h45)
M. Lancop: L'Association des centres de services sociaux n'a pas
préconisé dans son rapport qu'il y ait une porte d'entrée
unique. Par rapport aux problèmes qui se situent dans les faits, ce
n'est pas proposé non plus par le rapport Harnois. Ce que l'on dit,
cependant, c'est que là où les gens s'adressent: au cabinet du
médecin, au CLSC, à l'urgence de l'hôpital, au CSS, chacune
des instances devrait être en mesure, tout au moins, d'évaluer le
besoin et d'orienter adéquatement s'il se pose un problème
d'ordre mental important, de référer le plus tôt possible,
et qu'il y ait accessibilité à ce point de vue, aux
équipes en mesure d'assumer une prise en charge adéquate. Alors,
s! c'est ce que vous voulez dire par première ligne, on ne
préconise certainement pas une porte d'entrée unique.
M. Chevrette: Prenez l'exemple d'un Individu qui va toujours voir
d'abord son médecin de famille. Prenez une mère de famille qui a
un enfant qui est atteint de problèmes mentaux. Qu'est-ce qu'elle fait
premièrement? Son premier réflexe, ce n'est pas d'aller au CLSC.
Elle va aller voir son médecin de famille, même en cabinet
privé. Est-ce à dire, d'après la réponse que vous
venez de me donner, que vous formeriez les omnipraticiens à la
psychiatrie?
M. Lancop: C'est proposé par la commission Harnois, qu'il
y ait aussi pour les omnipraticiens...
M. Chevrette: Est-ce que vous partagez cette recommandation?
M. Lancop: Oui.
M. Chevrette: Est-ce que vous ne préférez pas
donner à des corporations qui ont déjà une formation en
santé mentale, comme les psychologues, le soin d'assumer cette partie
plutôt que d'aller reformer des médecins omnipraticiens qui,
à cause de cette conjoncture, se tireraient dans cela?
Je pourrais vous donner des exemples d'omnipraticlens qui se sont
inventés, du jour au lendemain... Je pense que M. Gagnon va sourire,
mais II sait très bien qu'il y en a qui se sont donnés des
vocations de psychiatres et qui n'en ont pas, mais qui, à cause de la
conjoncture et des circonstances, se sont ramassés avec des fonctions
qui...
M. Lancop: Oui, mais peut-être que par information plus
adéquate, une sensibilisation et une formation minimale on
éviterait de telles attitudes.
M. Chevrette: Là, vous venez de faire plaisir au Dr
Harnoisl Je demeure quand même convaincu que sa proposition
là-dessus est d'une faiblesse inouïe.
Dernière question, à moins que mon collègue ne
veuille y aller tout de suite après. Dans les équipes
multidisciplinaires, quel est te rôle que les CSS peuvent jouer à
l'intérieur d'une équipe régionale?
Mme Denis: On va essayer de donner ta réponse la plus
concrète possible. Rémi?
M. Gagnon: Je pense que le rôle important des intervenants
sociaux à l'intérieur d'un CSS est d'assumer un bout important en
ce qui concerne les gens des ressources intermédiaires. Maintenant, pour
les personnes qui vivent dans leur milieu naturel, comme on le disait tout
à l'heure, on intervient beaucoup à l'intérieur des
équipes multidisciptinaires avec l'intention de permettre à la
personne de récréer des liens ou un contact significatif avec sa
famille, avec ses proches, avec son environnement, dans son milieu, de l'aider
à s'intégrer sur le marché du travail. Je pense qu'il y a
là un bout Important, très important, qu'on fait
Le Président (M. Joly): Je vais maintenant
reconnaître, selon le principe de l'alternance, le député
de Sainte-Anne.
M. Polak: il reste malheureusement seulement quelques minutes.
Votre mémoire est très intéressant. À la page 22,
quand vous parlez des ressources intermédiaires, d'abord, je dois vous
dire que je suis totalement d'accord avec votre observation, que je
considère comme une critique positive vis-à-vis du rapport du Dr
Harnois et de son groupe, à savoir que les ressources
Intermédiaires ne sont pas traitées de la manière et avec
l'attention qu'elles méritent. J'espère qu'on va combler cette
lacune plus tard.
Maintenant, vous êtes dans la boîte administrative et les
ressources Intermédiaires relèvent dans une certaine structure
où vous faites une certaine supervision. On a vu d'autres organismes
comme, hier, par exemple, la Maison Saint-Jacques et, demain, il y a un groupe
qui viendra et qui est très actif dans mon comté, le comté
de Sainte-Anne, un groupe de ressources alternatives. Quelle est votre opinion
vis-à-vis du travail fait dans le domaine de la santé mentale par
ces ressources alternatives qui se considèrent comme une
alternative?
M. Sammut: Dans l'Introduction, on a touché à cette
fameuse complémentarité. Je crois que si, dans chacun des
établissements, on reconnaît ces différents groupes
communautaires comme étant un apport quand il y a des problèmes
particuliers à régler on va arriver à les
considérer comme faisant partie de cet éventail de moyens pour
résoudre les différentes problématiques.
M, Polak: Est-ce que vous les voyez comme une vraie alternative?
Ils ne veulent pas se voir comme un petit service à côté,
dont se sert plus ou moins avec du volontariat. Ils considèrent qu'ils
ont vraiment un rôle indépendant à jouer dans le domaine de
la santé mentale, êtes-vous d'accord avec cela ou pas du tout?
M. Sammut: Je serais porté à dire que, si chacun se
considère comme étant l'alternative, le partenariat
élargi, pour moi, c'était un voeu pieux. Je me dis que, si nous
voulons être complémentaires, il s'agit de mettre en commun toutes
ces volontés et non pas de nous dire, chacun dans nos
établissements ou dans les différents groupes communautaires, que
nous sommes l'alternative.
M. Potak: Une dernière petite question. M. Sammut:
Oui, un complément? M. Polak: Oui, excusez-moi.
Mme Denis: Me permettez-vous? Sur toute la notion des ressources
communautaires, Je pense qu'il y a une chose qu'on trouve Importante, c'est
qu'elles ne deviennent pas Institutionnalisées. Pour les ressources
communautaires dont on parle dans le rapport, on pense qu'il doit y avoir une
forme de stabilité dans le service qui est offert, complémentaire
à ce qu'offrent d'autres milieux ou d'autres ressources à
caractère plutôt d'hébergement. On ne pense pas que
l'ensemble des ressources communautaires doive devenir
institutionnalisé, même si on croit important qu'il y ait une
forme de stabilité dans le service et qu'il y ait un financement, qui ne
soit pas nécessairement attaché de façon continuelle
à la ressource, mais plutôt qui soit attaché au type de
service rendu, sauf le jour où il devient inutile, auquel cas cela se
termine tout simplement. Il devrait y avoir complémentarité dans
ce sens.
M. Polak: Un dernière question. Quand vous pariez des
familles d'accueil, évidemment, vous possédez des chiffres de
gens qui sont dans ce réseau. Juste avant Noël, dans mon
comté, j'ai visité sans m'annoncer une famille d'accueil, mais
j'ai aussi trouvé des familles qui ont des maisons
de chambres. Dans ces maisons de chambres, il y a d'ex-patients
psychiatriques; II y a cinq, six ou sept personnes par maison de chambres. Ils
sont d'ailleurs très bien reçus; il y a une atmosphère
familiale et tout le reste, mais Ils ne sont pas dans le réseau. Ce sont
des patients qui sont allés volontairement s'inscrire dans ces familles
et qui paient un certain montant par mois. Ces patients, qui sont aussi
d'ex-psychiatrisés et qui ont encore besoin d'un suivi, où est-ce
qu'ils sont dans les statistiques? Est-ce que vous êtes au courant de
cela? Est-ce qu'il y en a beaucoup?
M. Lancop: C'est tout le problème des ressources
privées, que certains appellent ressources clandestines ou illicites,
mais j'aime mieux tes appeler ressources privées. Elles fonctionnent
pour la plupart, avec un permis municipal quand même, mais, à
savoir si ces ressources reçoivent les services et toute la protection
dont elles auraient besoin, le réseau de la santé et des services
sociaux n'a pas actuellement de mandat de surveillance, d'encadrement.
L'Association des centres de services sociaux a l'intention, dans les mois qui
viennent, de prendre position par rapport à ce réseau de
ressources privées pour un certain nombre de personnes souffrant de
problèmes mentaux, certes, mais surtout pour les personnes
âgées.
M. Polak: Merci.
Le Président (M. Joly): Je vais reconnaître le
député de...
M. Gagnon:...
Le Président (M. Joly): Très rapidement, s'il vous
plaît, pour ne pas enlever te droit de parole au député de
Gouin.
M. Gagnon: Sur cette question, il y a actuellement une
prolifération des ressources privées. Il y a beaucoup de familles
d'accueil qui se désistent pour aller vers ce réseau parce
qu'ensuite elles peuvent imposer les conditions qu'elles veulent aux
bénéficiaires. On a des clientèles plus
légères dans ces ressources et on demande souvent plus cher comme
pension à ces personnes que ce qu'on donne aux familles qui accueillent
des bénéficiaires lourds.
Le Président (M. Joly): M. le député de
Gouin.
M. Rochefort: Merci, M. le Président. D'abord, j'ai une
question à poser à la ministre, si elle accepte d'y
répondre, qui me vient à la lecture du mémoire de
l'Association des centres de services sociaux. Je comprends qu'ils ont
répondu au député de Joliette qu'eux n'avaient pas
été en mesure de chiffrer ce que représentait le rapport
Harnois, Ils n'ont pas les moyens auxquels on peut penser, de la même
façon que la commission Harnois n'a pas pu le faire, et je comprends
là aussi qu'ils n'ont peut-être pas les moyens qu'il faut, mais la
ministre a le rapport depuis plus de trois mois. Je comprends que tout ne se
chiffre pas par un plus un dans ce rapport, mais il y a quand même des
choses très claires qui, si elles devaient être retenues,
Impliqueraient des conséquences budgétaires importantes. Est-ce
que, soit aux services du ministère ou en relation avec le Conseil du
trésor, Il y a une étude qui a été faite des
implications budgétaires possibles de l'application de l'essentiel des
recommandations qui se trouvent dans le rapport Harnois? Si oui, on parle d'un
montant de quel ordre?
Mme Lavoie-Roux: De fait, nous sommes à travailler
à l'évaluation du coût des mesures qui pourraient
être retenues. Nous sommes également à établir un
calendrier, si on veut, un échéancier pour la réalisation
de ces objectifs. Il serait prématuré, à ce moment-ci, de
vous donner des chiffres précis.
M. Rochefort: Merci. Quant aux questions que je veux poser au
groupe qui est devant nous, M. le Président, moi aussi, je veux revenir
à cette question très importante que vous avez soulevée,
qui n'est effectivement pas assez présente dans le rapport Harnois et
qui a été abordée par les autres membres de la commission,
c'est-à-dire toute cette question des ressources intermédiaires
pour lesquelles vous possédez une expertise très
particulière et très importante.
Je pense qu'on a eu l'occasion, au cours des discussions avec les autres
membres de la commission, de parler un peu de l'encadrement que les ressources
intermédiaires reçoivent, notamment les familles d'accueil. Je
voudrais qu'on aborde un peu la question de la formation des gens qu'on
retrouve dans les familles d'accueil. On l'a évoqué rapidement
tantôt. Je suis conscient que, lorsqu'on recrute, lorsqu'on choisit une
famille d'accueil, il y a un processus. On les évalue, on regarde pour
savoir comment cela va se passer, mais, une fois que c'est fait, on envoie des
bénéficiaires, souvent, pas en assez grand nombre, mais il y a
quand même des ressources qui assurent un suivi auprès du
bénéficiaire. Il y a quelques ressources d'encadrement auxquelles
vous avez fait allusion, mais je parie plus d'encadrement que de soutien, et
encore moins de formation accordée à la famille d'accueil. Cela
m'a toujours beaucoup frappé de voir que ce monde, qui est du bon monde
et qui fait un travail que j'estime énormément... Je pense que,
s'ils avaient une certaine formation... Je ne parle pas d'encadrement, je parle
vraiment de formation. D'ailleurs, on en parie un peu partout, pour tout le
monde, dans le rapport Harnois. Au fond, ce sont les gens qui ont le moins de
formation de base et qui risquent d'être les plus démunis devant
les problè-
mes qui se poseront et qui seront sûrement importants parce qu'ils
accueillent des gens qui sont désinstitutionnalisés ou non
institutionnalisés, donc des cas qui impliquent un suivi important Ce
n'est pas vrai - on ne se racontera pas d'histoire - qu'il y a des ressources
suffisantes pour assurer le suivi du bénéficiaire.
Est-ce que vous pouvez développer plus largement à quelle
formation on pourrait penser rapidement, concrètement, dans des
délais assez courts, pour ces familles d'accueil et quel suivi on
pourrait assurer à cette formation?
M. Lancop: D'abord, en collaboration avec le ministère de
l'Éducation et le ministère des Affaires sociales, il existe
depuis quatre ans un programme de formation, autant pour les familles d'accueil
à l'enfance que pour les familles d'accueil aux adultes, comprenant
vingt cours différents. Ce programme existe depuis octobre 1985 et est
inscrit dans la programmation de la DIGEC au niveau de la formation des
adultes, dispensé par 23 cégeps actuellement.
M. Rochefort: J'ai le goût de vous poser une question. Je
trouve cela intéressant et voilà pour moi un pas Important dans
le sens de la préoccupation qui est la nôtre, mais quelle est la
proportion des familles d'accueil qui...
M. Lancop: Je vais continuer.
M. Rochefort: Ah bon! D'accord, allez-y! Je pensais que vous
aviez terminé.
M. Lancop: II s'est donné en moyenne, depuis quatre ans,
110 ou 120 sessions dans toute la province, avec, disons, par session, une
moyenne d'à peu près 15 ou 16 personnes par rapport à un
réseau de 23 000 familles d'accueil et environ 40 000 personnes, parce
que la plupart sont des couples, ce qui est très insuffisant. (12
heures)
II y a là aussi, comme dans d'autres secteurs, un problème
budgétaire à la base. La demande que nous avons faite au
ministère des Affaires sociales, un peu à l'instar des
comités paritaires, c'est qu'il y ait de prévu pour les familles
d'accueil un budget de formation récurrent, parce qu'actuellement
encore, dans les modalités de fonctionnement, il nous faut
négocier à l'intérieur du budget formation-réseau,
le budget chaque année. Que ce soit récurrent et qu'il y ait, par
famille d'accueil, un montant identifié pour la formation, ce qui nous
permettrait de vraiment systématiser cette formation. C'est la formation
plus systématique. En plus, il y a, dans les CSS, et c'est variable d'un
CSS à l'autre, ce qu'on appelle la formation sur mesure, des sessions de
45 heures. C'est une formation plus courte à partir de besoins plus
particuliers, mais c'est encore embryonnaire, on le reconnaît.
M. Rochefort: Je vous remercie. Simplement une conclusion, M. le
Président, en ce qui me concerne, sur cette question pour dire que je
souhaite fortement que l'on retrouve dans ce qui sera mis en place
éventuellement dans cette politique de santé mentale, un
programme important de formation pour les familles d'accueil. On ne peut pas
autant espérer et attendre des familles d'accueil s'il n'y a pas de
formation pour elles, et je fais vraiment une distinction entre l'encadrement
et la formation, je parle vraiment de la formation.
L'autre commentaire que je veux faire, tant à l'endroit de la
ministre qu'à l'endroit de l'Association des centres de services
sociaux, c'est de dire que je trouve très intéressante la formule
qui existe dans les cégeps pour la formation des adultes, mais il faut
aussi penser à des moyens plus simples, finalement, presque à de
la formation sur place, dans la famille d'accueil, qui pourrait être - et
là, je réfléchis tout haut - donnée par le
professionnel qui travaille à l'encadrement. Il pourrait passer quelques
heures de temps en temps à regarder les problèmes que les
familles ont rencontrés ou qu'elles peuvent rencontrer, et voir comment
y réagir de façon à mieux soutenir, à mieux aider
le bénéficiaire. Déjà là, ce serait un gros
plus qui permettrait à ces gens-là, qui, je le
répète, font un travail important, de faire encore plus et mieux
pour les bénéficiaires. Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le député
de Gouin. Je vais maintenant reconnaître le député de
Laviolette.
M. Jolivet: Merci, M. le Président. Pour revenir à
la dernière réponse de M. Gagnon à la question
posée par le député de Sainte-Anne en rapport avec des
possibilités nouvelles qui semblent émerger depuis que des gens
sortent des Institutions, retournent, comme le disait Mme Denis, entre
parenthèses, à la vie normale ou à une vie dans un milieu
plus naturel, il y a des gens qui ont été victimes de
difficultés en santé mentale, des ex-psychiatrisés qui ont
dit que les meilleures personnes pour aider d'autres personnes à s'en
sortir le mieux, ce sont des personnes qui ont eu ces problèmes. Dans ce
contexte-là, il est arrivé - le député de
Sainte-Anne en a fait mention - que des gens se regroupent par
affinités, si on peut dire, et, dans ma région, une discussion a
eu lieu entre le centre des services sociaux de ta région de la
Mauricle, le centre régional des services de santé et des
services sociaux et les gens qui ont vu arriver une telle ressource
alternative. La difficulté qu'ont tes CSS, s'ils ont te mandat de
surveiller ce qui se passe dans la société, c'est qu'on arrive
avec un phénomène où il y a des réticences à
accorder de nouvelles possibilités dans la mesure où il n'y a pas
de ressources financières leur permettant de faire une surveillance
normale des activités de ces groupes. Donc, sans les appeler
illégaux, illicites ou peu Importe, ce sont
des gens qui se sont dit, sur le même principe que les alcooliques
anonymes qui se prennent en charge eux-mêmes: Pourquoi ne pourrions-nous
pas nous prendre nous-mêmes en charge et aider à cette transition
entre l'Institution et le retour à la vie normale?
J'aimerais connaître votre opinion sur ces formules possibles
d'avenir, dans le contexte de la sortie de ces personnes des institutions.
M. Gagnon: Ma réponse tout à l'heure portait sur
des ressources d'hébergement et non pas sur des groupes
intermédiaires, comme vous le dites. Sur ce plan, au contraire, je pense
que la position qu'on développe, c'est qu'il faut les considérer
comme des partenaires et qu'on doit travailler avec ces personnes.
Effectivement, dans notre région, II y a des liens qui se créent
et il y a même des contrats de services avec ces groupes-là.
M. Jolivet: Vous le faites à partir de vos propres budgets
sans budget additionnel? Parce que la réponse que j'ai eue chez moi...
Mon problème, c'est qu'ils ont dit: Nous, nos budgets sont tous
épuisés et cela nous prendrait des budgets additionnels de la
part du ministère. On ne peut pas accorder un permis additionnel ou
s'assurer que cette ressource-là existe si on n'a pas les budgets
nécessaires.
Une voix: II doit leur rester un petit coussin.
Des voix: Ha, ha, hat
M. Gagnon: Parfois, on doit prendre des décisions en
vivant sur la corde raide.
Le Président (M. Bélanger): II vous reste deux
minutes.
M. Chevrette: Je voudrais poser une dernière question.
Quant aux bénéficiaires en maison d'accueil, est-ce que vous
considérez qu'ils doivent être protégés par
l'"ombudsperson" - comme on le surnomme - ou bien si ce sont seulement les
personnes en institution?
Mme Denis: D'abord, sur la question de l'"ombudsperson", ce qu'on
pense, à ce moment-ci, c'est qu'il y a un besoin. Cependant, il y a le
rapport du comité Harnois, II y a des travaux qui se font avec le
comité Marchand autour de la question des personnes âgées.
Il y a une révision imminente de la loi de la curatelle. On pense qu'il
ne doit pas y avoir, pour chacune de ces problématiques ou de cet
ensemble de personnes, un système différent de protection, de
droit ou d'"advocacy". Il devrait y avoir un système, un seul, bien
intégré, qui touche autant la question des personnes ayant des
problèmes de santé mentale que des personnes âgées
qui sont, par exemple, victimes de négligence ou de mauvais traitement
que d'autres types de clientèle adulte dans notre
société.
M. Chevrette: Si je vous pose la question, c'est parce que,
souvent, dans nos bureaux de comté, il nous arrive des malades mentaux
qui viennent se plaindre du comportement des propriétaires des maisons
d'accueil et on ne peut pas les référer au Protecteur du citoyen,
ou à peu près pas. On a beau appeler certains travailleurs
sociaux, ils nous disent: Écoutez, quand on y va, tout est correct, tout
est normal et l'individu souvent n'est pas cru à tous les niveaux. Il
passe pour un chiâleux, pour un plafgnard. C'est une psychose, mais il a
froid, le gars, par exemple. Il dit: Ils ont mis même une broche
au-dessus du thermostat pour ne pas que je me réchauffe. Que faites-vous
avec cela?
M. Lancop: S'il y avait soit un "ombudsperson" ou un
système d'"advocacy", comme certaines autres instances le proposent - en
fait, les objectifs sont les mêmes - en termes de protection des droits
de la personne, quant à mol, qu'elle soit placée en famille
d'accueil, en milieu institutionnel ou dans son milieu naturel, je pense qu'un
"ombudsperson" devrait avoir la possibilité de représenter la
personne dont les droits sont plus ou moins respectés.
M. Chevrette: Avec pouvoir d'enquête et de...
M. Lancop: En termes de modalité. En tout cas, avoir la
capacité réelle de pouvoir protéger les droits de la
personne hébergée.
Le Président (M. Bélanger): Alors, en conclusion,
M, le député de Joliette?
M. Chevrette: En conclusion, je tiens à vous remercier
infiniment de votre rapport. Il y a sûrement des suggestions à
l'intérieur de votre mémoire que nous appuierons fortement lors
de l'élaboration de la politique finale, en particulier les
chiffres.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Lavoie-Roux: Je suis certaine que vous pouvez y compter. Je
veux vous remercier également. Ce que je souhaite, comme tous les
groupes qui se sont présentés ici, c'est que finalement on
aboutisse à des actions concrètes, à une mise en place
d'un plan d'action qui est attendu depuis très très longtemps et
qui, comme on dit, urge de plus en plus, compte tenu de l'évolution de
notre société et d'une certaine ouverture maintenant
vis-à-vis des personnes que l'on considérait autrefois comme
devant être gardées au rancart; on n'y pensait même plus. Je
pense que c'est important qu'on puisse avoir la collaboration de la population
d'une façon générale et, particulièrement, de tous
ceux qui
oeuvrent dans ce milieu. Alors, je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): Je remercie
l'Association des centres de services sociaux de sa participation. J'inviterais
le prochain groupe à la table des témoins, soit l'Association des
aumôniers d'hôpitaux du Québec.
Vous connaissez nos règles de procédure. Vous avez 20
minutes pour faire votre présentation. Il y aura une période de
«tassassions de 40 minutes avec la commission.
Avant de commencer, est-ce qu'il serait possible à votre
porte-parole de s'identifier et de présenter le reste de
l'équipe, s'il vous plaît?
Association des aumôniers d'hôpitaux du Québec
M. Dagenais (Robert): Très bien, M. te Président.
Je suis l'abbé Robert Dagenais, directeur du service de pastorale
à l'hôpital Notre-Dame; à ma droite, il y a le père
Boekema, directeur du service de pastorale à l'hôpital
Louis-Hippolyte-Lafontaine; à mon extrême droite, le père
Claude Fortin, qui est au centre hospitalier régional de
Lanaudière, et soeur Cécile Labonté, qui est
rattachée à l'équipe de pastorale du centre hospitalier
Douglas à Verdun.
M. le Président, Mme la ministre, mesdames et messieurs, nous
saisissons l'occasion qui nous est offerte par cette commission parlementaire
pour vous faire connaître le point de vue de tous ceux et celles qui
travaillent dans la pastorale en milieu de santé au Québec
concernant le projet de politique de santé mentale tel que soumis par le
rapport Harnois. Nous répondons en même temps à
l'invitation du comité qui a préparé ce rapport,
invitation à la poursuite de ta réflexion sur certains
thèmes que n'a pu aborder en profondeur ce document.
Nous nous réjouissons d'abord, avec bien d'autres, d'ailleurs,
que l'accent ait été mis sur la personne plutôt que sur la
maladie. Comme le souligne le rapport, cela nous invite à prendre en
considération l'unicité et la spécificité de chaque
personne, dans son contexte de vie, en tien avec d'autres personnes dans son
environnement social et culturel, au sein d'une collectivité. Cela ne
peut que contribuer à ce que nous appelons, en d'autres milieux,
l'humanisation des soins de santé, objectif auquel notre association est
particulièrement sensible.
L'Association des aumôniers d'hôpitaux regroupe 291 membres
actuellement. Nous sommes même devenus l'Association des agents de
pastorale de la santé pour refléter un peu plus la
réalité qui est la nôtre maintenant.
Nous nous réjouissons également que le rapport
préconise, dans ses orientations spécifiques, une approche
globale de la personne. Nous sommes d'accord avec cette orientation même
si nous considérons que, sur ce plan, il y a une lacune regrettable sur
laquelle nous voulons attirer particulièrement votre attention
aujourd'hui. Auparavant, nous aimerions vous dire notre appréciation par
rapport à certaines autres orientations préconisées par le
document, comme l'importance accordée aux familles, aux proches et aux
différents groupes communautaires, la volonté d'élargir le
partenariat dans la réponse aux besoins et par rapport à la
prévention et à ta promotion en matière de santé
mentale, l'attention accordée à certains
épiphénomènes qui sont des plaies ouvertes au sein de
notre collectivité, comme la progression du suicide, les
différentes formes d'expression de la violence, notamment à
l'égard des femmes et des enfants, et les répercussions sociales
de l'alcoolisme et des différentes toxicomanies.
Enfin, le cadre de référence proposé nous
apparaît une approche réaliste et concrète pour un projet
d'une telle ampleur et d'une telle Importance. Par contre, nous nous
étonnons que ce document ne fasse allusion en aucun endroit aux valeurs
spirituelles et religieuses de la personne, qu'elle soit malade ou
menacée de maladie. Cela nous apparaît une lacune grave à
l'approche globale que prône le document. (12 h 15)
Également, nous nous étonnons que le document ait
passé totalement sous silence les différentes ressources
qu'offrent les services de pastorale tant dans les milieux de santé que
dans la collectivité en général. C'est là ignorer
un potentiel formidable dans la vision d'un partenariat élargi et c'est
même nier la réalité quand on sait combien et à quel
titre différents groupes de pastorale sont impliqués dans tout le
problème de la santé mentale par le biais des nombreux organismes
et des différentes structures déjà à l'oeuvre, tant
dans ta réponse aux besoins que dans la promotion et la
prévention de la santé mentale au Québec.
De telles omissions ont de quoi surprendre, surtout quand ce document
affirme que le principe de la primauté de la personne et le respect
auquel elle a droit rejoignent l'obligation du respect des droits tels que
définis par les chartes et les lois. Faut-il vous rappeler que la Charte
des droits et libertés de la personne du Québec mentionne
explicitement les libertés fondamentales telles la liberté de
conscience, la liberté de religion, la liberté de réunion
pacifique et la liberté d'association? La distance n'est pas grande
entre ignorer un droit et le nier.
Rappelons également que le règlement sur l'organisation et
l'administration accompagnant la loi concernant la santé et les services
sociaux, votée en 1984, stipule au chapitre III, article 7, ce qui suit:
Le conseil d'administration d'un centre hospitalier ou d'un centre
d'hébergement public ou privé doit adopter un règlement
portant sur l'organisation de services de pastorale dans
l'établissement. À cette fin, le conseil d'administration doit
conclure une entente avec les autorités religieuses concernées,
selon l'appartenance religieuse des bénéficiaires
héber-
gés.
Si la loi reconnaît la nécessité de ces services,
c'est qu'elle reconnaît qu'ils répondent à des besoins
réeis et fondamentaux. Cet article 7, pour sa part, prend la
relève du protocole d'entente signé en 1975 entre le
ministère des Affaires sociales, l'Association des hôpitaux de la
province de Québec, l'Assemblée des évêques du
Québec, l'Église unie du Canada, l'Église anglicane et le
Comité national des affaires religieuses du Congrès juif
canadien, reconnaissant les agents de pastorale comme des intervenants
professionnels de la santé. Ce protocole avait d'ailleurs
été précédé par une vaste enquête de
l'Association des hôpitaux de la province de Québec sur
l'importance du soin spirituel en milieu de santé, en octobre 1974. Le
document d'orientation concernant la pastorale hospitalière de
l'Association des hôpitaux du Québec, en novembre 1981, va dans le
même sens. Si bien qu'on doit rappeler Ici deux principes de base que le
rapport n'a pas cru bon de retenir.
Le premier s'énoncerait ainsi: Dans une approche globale de la
personne, la dimension spirituelle et religieuse doit être
considérée au même titre que les dimensions
biopsychosoclales. Le second principe, qui est son complément, serait le
suivant: La présence des services de pastorale dans un
établissement n'est pas fondée sur les croyances religieuses ni
sur les convictions personnelles des membres de l'administration ou du
personnel soignant, ni sur une quelconque volonté confessionnelle de
l'établissement. Elle se fonde sur le droit de toute personne à
recevoir des soins qui répondent à tous ses besoins et qui
tiennent compte de toutes les dimensions de la personne; elle se fonde
également sur la présence d'agents de pastorale qualifiés,
reconnus et voulus par la loi pour répondre à ces besoins et
tenir compte ainsi de la dimension spirituelle et religieuse de la
personne.
Mis à part ces considérants juridiques, l'omission du
rapport a de quoi étonner si on veut seulement tenir compte de ta
réalité sociale et historique du Québec, notamment dans le
domaine social et dans les milieux de santé. Nous n'insistons pas
davantage ici, cela nous semble évident.
Allons plus loin et demandons-nous seulement quelle vision de la
personne un projet d'une telle envergure doit préconiser. Bien
sûr, ici, nous ne pouvons pas échapper à une certaine
vision anthropologique ou philosophique de la personne humaine. C'est
maintenant, d'ailleurs, que nous entendons préciser pourquoi nous
distinguons la dimension spirituelle de ta dimension religieuse et pourquoi
nous croyons qu'elles s'ajoutent, l'une et l'autre, aux dimensions
biopsychosociales.
Dans toute personne humaine, il y a l'intelligence qui lui permet
d'appréhender le réel et de lui donner un sens. De même,
toute personne humaine est dotée d'une volonté libre qui lui
permet d'être plus ou moins responsable de sa destinée et de faire
des choix dans les valeurs qui lui sont proposées. C'est ce que nous
appelons la dimension spirituelle et c'est ce qui, à nos yeux, la
distingue de toutes les autres espèces animales et en fait un sujet de
droit. Cette dimension se retrouve chez toute personne, qu'elle soit croyante
ou non, pratiquante ou non, d'une religion ou non; elle se traduit surtout par
la quête de sens à donner à sa vie. Nous croyons et nous
affirmons qu'une telle dimension ne peut être Ignorée sans vider
la personne de ce qui lui est spécifique et en fait sa
dignité.
La plupart du temps, la personne humaine va trouver dans la croyance
religieuse une réponse à sa recherche de sens et aux grandes
questions qu'elle se pose sur son origine et sur sa destinée. De ce
point de vue, la dimension religieuse vient spécifier la dimension
spirituelle, en lien avec des croyances déterminées, des groupes
spécifiques, des pratiques et des rites particuliers. Voilà
pourquoi nous affirmons que le spirituel et le religieux ne se réduisent
pas au psychosocial, pas plus qu'on ne saurait réduire la religion
à un simple phénomène culturel. L'expérience nous
démontre l'évidence que négliger de nourrir la dimension
spirituelle de la personne humaine et son besoin de sens, c'est la laisser
désemparée et désespérée. Cela affecte
très dûment son équilibre psychique et n'est
malheureusement pas étranger à plusieurs
épiphénomènes signalés par le rapport Harnois. dont
le suicide, l'alcoolisme et les différentes toxicomanies.
Cette Interaction entre le spirituel et le psychisme ne signifie pas que
l'un se réduit à l'autre, pas plus que le religieux ne se
réduit au culturel. Pour s'en convaincre, H suffit d'observer comment
une même religion peut s'exprimer culturellement d'une manière
fort diverse, même à l'intérieur d'une population
relativement réduite comme celle du Québec.
Est-il besoin de rappeler que la dimension religieuse de la personne,
parce qu'elle répond aux questions de sens et qu'elle la guide dans ses
choix de valeurs, s'avère chez elle un facteur d'équilibre
important, majeur, pour ne pas dire essentiel? La dimension religieuse est
ainsi une source de sécurité Intérieure et favorise une
image positive de soi et de son entourage. À ce titre, comment un projet
en santé mentale peut-il l'ignorer? Bien sûr, les
différents éléments d'une religion peuvent avoir
été mal assimilés ou présentés et
prêter flanc à certains déséquilibres. Cela suppose
compétence et discernement des différentes pathologies de la part
de tous les intervenants pour ne pas, ici, jeter le bébé avec
l'eau du bain.
Nous voulons, en terminant, attirer votre attention sur l'apport
particulier des services de pastorale hospitalière à un tel
projet concernant la santé mentale des Québécoises et des
Québécois. De par son statut, la pastorale
hospitalière,
au même titre que les autres services, travaille au
mieux-être et au soulagement de la personne malade, quelle que soit la
nature de son mal et de ses besoins. La pastorale hospitalière est
particulièrement sensible à promouvoir le respect de la personne
et à en souligner l'éminente dignité.
La pastorale hospitalière vise à améliorer la
qualité de vie de la personne malade; plus particulièrement, la
pastorale de la santé a pour but d'aider à la croissance
spirituelle des personnes en favorisant l'émergence du sens de la vie
humaine, en facilitant l'intégration des aspects pénibles de la
maladie et de l'existence, en clarifiant la relation avec Dieu ou les
représentations qu'on s'en fait, en aidant au discernement dans les
conflits de valeurs, en célébrant le lien entre le vécu de
la personne humaine et ses croyances à travers le langage symbolique des
sacrements ou des rites religieux. De plus, la pastorale hospitalière
apporte un soutien aux familles et aux proches des malades ainsi qu'à
tout le personnel oeuvrant dans le milieu.
Pour toutes ces raisons, nous croyons que les services de pastorale des
établissements ne peuvent être mis de côté comme
partenaires privilégiés dans un projet de politique de
santé mentale. D'autre part, l'insertion de la pastorale
hospitalière dans une pastorate d'ensemble en fait un lien tout
désigné pour élargir le partenariat vers les autres
ressources pastorales de notre collectivité québécoise et
donner ainsi des assises plus solides encore à toute ta politique de la
santé mentale que veut adopter le gouvernement du Québec.
C'est aussi pour toutes ces raisons que nous vous proposons un certain
nombre de modifications que nous avons mises dans notre mémoire à
partir de la page S. Ici, Je tiens à préciser que ces
propositions sont aussi endossées par le Comité des affaires
sociales de l'Assemblée des évêques du Québec et par
le Carrefour des chrétiens du Québec pour la santé, qui
est représenté par sur Gisèle Fortier, ici
présente, et qui nous a donné une lettre d'appui qui pourrait
servir de document d'appoint à notre mémoire. Nous avons
suffisamment de copies pour les membres de la commission. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Merci. Mme la
ministre.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier
l'Association des aumôniers d'hôpitaux du Québec pour leur
mémoire fort intéressant et qui apporte une dimension qui... Je
parle en mon nom personnel et non au nom des membres du comité, mais
c'est la perception que j'ai eue. Je ne croîs pas que le comité
Harnois ait voulu exclure la dimension spirituelle dans les services à
apporter aux personnes qui ont des problèmes d'ordre mental. Vous avez
sans doute raison, mais vous arguez que, par exemple, le biopsychosocial,
à votre point de vue, exclut le spirituel. Dans mon esprit, dans la
dimension sociale entrent aussi les valeurs d'un individu, le milieu dans
lequel il fonctionne. Il fonctionne dans un milieu qui est religieux,
areligieux ou d'un certain type de dénomination religieuse ou autre.
Pour moi, le social, c'est une constellation de facteurs d'ordre sociologique
et, dans ce sens-là, pour moi, cela comprend le spirituel.
Mais vous, vous faites une différence entre le spirituel et le
religieux et probablement que vous considéreriez dans votre analyse -
c'est ce que j'en retire - le religieux comme étant peut-être
davantage une variable sociale, alors que le spirituel transcende le social,
dans le sens que c'est une valeur en soi. En tout cas, c'est la perception que
j'ai eue.
Je ne sais pas si je me suis trompée. Vous pourrez me corriger,
mais je ne pense pas qu'il y ait eu l'intention de quiconque de dire:
Écoutez, les valeurs spirituelles ou les valeurs religieuses... Je pense
qu'elles font partie - vous t'avez souligné vous-mêmes - de la
considération de l'individu dans sa globalité. L'Individu dans sa
globalité, c'est tout son schème de valeurs, etc. Mais, enfin, il
reste que cela n'y est pas clairement indiqué. Là-dessus, je vous
le concède.
Ce qui m'a Intéressée, c'est peut-être la
première fois, à ma connaissance, depuis dix ou douze ans - vous
me corrigerez encore une fois - sauf pour le projet de loi 27 que l'Association
des aumôniers d'hôpitaux du Québec se présente en
commission parlementaire Même pour le projet de loi 27, je ne m'en
souviens pas exactement. Vous n'étiez pas venu?
M. Dagenais: Non.
Mme Lavoie-Roux: Alors, c'est une première
aujourd'hui?
M. Dagenais: Oui.
Mme Lavoie-Roux: Je pense que c'est bon que vous soyez ici pour
nous le rappeler. Personne ne veut retrancher la dimension spirituelle de la
vie des gens, de leur fonctionnement, etc., mais c'est une
réalité qui est moins partie du quotidien ou les gens en prennent
moins conscience aujourd'hui, alors qu'elle aurait été davantage
présente il y a 20 ou 25 ans. Je pense qu'aujourd'hui vous venez nous
faire ce rappel. J'ai lu avec intérêt tous les domaines de la
pastorale où vous oeuvrez, c'est-à-dire en relation avec la
santé, dans le chapitre 4 du document. (12 h 30)
Je voudrais quand même, au plan concret, vous poser certaines
questions. Dans vos recommandations - il y en a quelques-unes - en ce qui
concerne l'information ou la campagne de sensibilisation, vous dites: Nous
aimerions être présents. Enfin, ce n'est peut-être pas dit
directement comme cela, mais c'est ce que vous Indiquez. Également, vous
dites: Dans la prise en
charge du traitement d'un Individu, il faudrait que la pastorale ait sa
place. Je suis convaincue que vous n'êtes pas uniquement actifs dans les
centres hospitaliers; j'imagine que vous l'êtes également dans des
organisations communautaires, dans des services bénévoles, etc.
Au fond, vous demandez à l'équipe: Adjoignez-vous quelqu'un de la
pastorale, si cela semble indiqué, compte tenu du vécu de la
personne. Je pense que c'est ce que vous dites.
Il me semble que, déjà, dans les Institutions, ce doit
être une Initiative qui vienne de vous et non pas nécessairement
de l'équipe qui dirait: Là, il faut que j'appelle le directeur de
la pastorale ou l'aumônier de l'hôpital. J'ai de la
difficulté à voir comment on pourrait concrétiser cela.
Supposons qu'un psychiatre voie un Individu et qu'il évalue que, pour
cet individu, la dimension spirituelle ou religieuse est Importante, que c'est
une dimension qui pourrait lui apporter un soutien additionnel, une aide
additionnelle. Je pense que, normalement - je ne suis pas sûre que cela
se fasse - il pourrait faire appel à l'aumônier pour que celui-ci
rencontre cet individu et voie de quelle façon II peut l'aider. Mais
j'essaie de comprendre comment, d'une façon réaliste et
concrète, on peut, dans l'équipe de traitement - je vais
l'appeler ainsi pour le moment - ou dans l'équipe interdisciplinaire,
vous intégrer d'une manière systématique.
M. Dagenais: Oui? Je peux répondre?
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.
M. Dagenais: Je pense que, dans l'ensemble des
établissements de santé au Québec, les aumôniers et
les agents de la pastorale ont leur place, même dans l'équipe
soignante en psychiatrie. Vous disiez, Mme la ministre, que, pour vous, la
dimension spirituelle et religieuse, dans le blopsychosocial, était
implicite. Nous croyons important que cela soit explicite, et pour une raison
bien particulière. Quand on est dans le domaine de la santé
mentale, pour un certain nombre de gens qui oeuvrent dans ce milieu, la
religion est souvent vue elle-même comme une pathologie et
l'aumônier est souvent vu comme quelqu'un qui va venir troubler davantage
les gens qui sont déjà perturbés. Alors, nous sentons le
besoin de préciser les choses et de dire que c'est là qu'il ne
faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain.
Mme Lavoie-Roux: Oui, d'accord. Vous dites que, d'une
façon générale, vous êtes intégrés
dans l'équipe soignante en santé mentale.
M. Dagenais: Enfin, on visite les patients qui sont dans les
départements de psychiatrie. Je peux laisser mes collègues
répondre, ils travaillent dans des hôpitaux spécifiquement
psychiatriques.
M. Fortin (Claude): Moi, je suis à Joliette. Je fais
partie de l'équipe soignante en psychiatrie, au même titre que le
travailleur social, le psychologue ou que les autres personnes-ressources.
Concrètement, la façon dont je fais mon travail est la suivante.
Je visite les unités, je suis présent. Dans les unités, je
vois les bénéficiaires, soit que le personnel infirmier ou le
psychiatre me dise: Voyez donc M. Untel ou Mme Unetelle, ou que, circulant et
étant attentif aux bénéficiaires, l'un ou l'autre me dise:
Oui, j'aimerais jaser avec vous. Concrètement, actuellement, c'est de
cette façon que cela se fait, puisque, chez nous, il n'y a pas
d'équipe multidisciplinaire comme telle, dans chacune des unités.
Je ne sais pas, à Louis-H.-Lafontaine, comment cela fonctionne.
M. Boekema (Cornélius): Dans la question de Mme la
ministre, il y avait deux aspects. Il y avait la question de la sensibilisation
dans le domaine de la santé mentale. Nous avons pensé,
présumant que, de fait, beaucoup de ressources pastorales existent dans
ce milieu, qu'elles pourraient aider. Nous pouvons faire le joint entre
l'hôpital ou l'Institution et ces ressources pour aider dans ces
programmes. Tantôt, Robert pourrait peut-être ajouter certaines
dimensions à cette problématique.
Par rapport à notre place dans l'équipe soignante, je
pense qu'il y a beaucoup de chemin à faire. Nous sommes très
heureux que, dans le rapport, on souligne l'importance d'un plan de soins
individualisé. Normalement, dans un plan de soins individualisé
qui part des besoins, on devrait avoir enregistré, par rapport à
chaque patient ou patiente, ses besoins spirituels ou religieux s'il en a; s'il
n'en a pas, cela devrait être notifié. En ce sens, les agents de
pastorale pourraient aider dans ce programme, pas seulement pour établir
ces besoins, mais aussi pour répondre ensuite à ces besoins. Chez
nous, à l'hôpital Louis-H.-Lafontaine, nous sommes en train
d'établir une façon de cueillir ces besoins. Cela se fait avec
les infirmiers et les Infirmières.
On a mentionné les besoins spirituels et religieux, donc on doit
en tenir compte. Dernièrement, j'ai eu une rencontre avec une directrice
de programme et, de fait, elle ne savait pas trop qui on devrait inclure dans
ce questionnement. Il y a toute une Interaction qui doit se faire. Je pense que
nous sommes sur la bonne piste, mais nous sommes loin d'avoir
réalisé cela, d'autant plus que, très souvent, les autres
intervenants ne sont pas sensibilisés à ces dimensions. SI vous
avez dit tantôt que le psychosocial peut englober le religieux ou le
spirituel, on pense beaucoup plus à d'autres Intervenants qu'aux
intervenants pastoraux.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de
Fabre.
M. Chevrette:...
Le Président (M. Bélanger): Ah, c'est parce que
vous étiez occupé. M. le député de Joliette, en
alternance.
M. Chevrette: M. le Président, je voulais continuer dans
la ligne de pensée de la ministre. C'était une de mes questions,
à savoir comment, concrètement, on pouvait Intégrer un
aumônier à l'Intérieur d'une équipe
multidisciplinaire. C'est ce qu'on préconise dans le rapport Harnois,
sans avoir spécifié nommément que la dimension spirituelle
ou religieuse en faisait partie. Je reconnais au départ que certains
Individus atteints de maladie mentale, psychiatrisés. en milieu
asilaire, ont besoin de recueillement, de vivre Intensément une vie
religieuse. En visitant certains centres, on le sent, il s'y fait une
prière assez permanente, Je reconnais cela.
La difficulté est la suivante, Je me pose une question. On parle
de désinstitutionnalisation, donc on parie de personnes qui vont se
retrouver en maison d'accueil et Dieu sait que, quand vous êtes
affilié à un centre hospitalier, vous êtes seul. Je ne
connais pas beaucoup de centres hospitaliers qui ont deux aumôniers, vous
devez être seuls, partout, peut-être qu'il y en a deux à
Louis-Hippolyte-Lafontaine.
M. Dagenais: ...gros comme nous.
M. Chevrette: C'est un gros village chez vous, vous êtes
deux ou trois? À Joliette, père Fortin, vous êtes seul pour
la partie psychiatrie?
M. Fortin (Claude): Nous sommes deux à temps partiel.
M. Chevrette: C'est cela, c'est la valeur de un.
M. Fortin (Claude): Évidemment.
M. Chevrette: Je me demande, concrètement, comment, sous
forme de politique, on pourrait intégrer officiellement ta pastorale
hospitalière à la structure alors que, avec le travail de
désinstitutionnalisation, cela deviendra un travail extraordinaire que
vous ne pourrez même pas remplir concrètement? Est-ce que vous
pouvez m'éclairer sur cette dimension?
Mme Labonté (Cécile): J'aimerais dire que c'est
vrai que les aumoniers ou les agents de pastorale dans les hôpitaux sont
moins nombreux que d'autres professionnels. Cependant, il y en a plusieurs et
de plus en plus s'ajoutent des laïcs et des religieuses, comme moi, qui se
préparent pour ce rôle. Il ne faut pas oublier non plus que, dans
les communautés paroissiales, il y a les prêtres, les agents de
pastorale et il y a de plus en plus de laïcat qui s'ajoute à
l'équipe de pastorale. Ces gens sont au service des personnes et sont
désinstitutionnalisées davantage aussi.
M. Chevrette: Prenons un exemple concret, ma soeur. On forme,
dans le centre hospitalier, dans la région, à partir du CLSC, du
CSS, du département de santé communautaire, s'il en reste un,
avec les psychiatres du milieu, les psychologues, les travailleurs sociaux,
etc., une équipe multidisclpllnaire pour travailler autant auprès
de ceux qui sont à l'intérieur de l'Institution que ceux qui sont
en maison d'accueil. Vous savez qu'il peut y avoir des maisons d'accueil dans,
Je ne sais pas, dix paroisses dans un seul arrondissement Est-ce que les dix
curés ou les dix vicaires, parce que vous n'avez pas
nécessairement un curé dans chacune des paroisses, il peut y
avoir un curé pour deux paroisses, font partie Intégrante de
l'équipe multidisciplinaire? Concrètement, comment vulgariser
l'histoire pour qu'on puisse comprendre quel pourrait être votre
rôle? Quand on parie d'une équipe multidisciplinaire, on tient
pour acquis que c'est une équipe qui a des contacts permanents ou
réguliers.
M. Boekema: Votre question est très pertinente. J'ai vu
cela à Louis-H.-Lafontaine où, de fait, on est en processus de
désinstitutionnalisation depuis quelques années. D'ailleurs,
même avant que ce nouveau programme soit accepté, II y avait quand
même déjà des efforts et, de fait, il y a une vingtaine de
pavillons qui grativent autour de nous et qui m'ont toujours
préoccupé. Depuis deux ans, nous avions, parmi nos objectifs
pastoraux, celui de visiter ces pavillons systématiquement Nous en avons
visité sept Jusqu'ici, parce qu'il y a beaucoup de travail à
l'intérieur même de l'hôpital. D'un autre côté,
cette visite doit se faire. Déjà, après avoir
visité sept de ces pavillons, nous voyons combien il y a des
problèmes parce qu'il y a des besoins religieux que ces gens vivent
auxquels on ne trouve pas de réponse.
Tantôt, l'autre association touchait un peu à cela. Les
patients eux-mêmes n'osent pas faire de réclamation. Parfois
d'ailleurs, quand on visite ces pavillons, on ne peut pas vraiment parier avec
ces personnes parce qu'on est tout de suite devant les propriétaires II
n'y a pas un endroit spécial pour parier avec eux. Donc, c'est un peu
par la bande qu'on apprend finalement qu'il y a des problèmes. Du
côté des pasteurs, il y a aussi un problème parce qu'ils ne
se sentent pas à l'aise avec les patients.
Donc, notre stratégie devrait être d'avoir d'abord un
contact avec les pavillons, de faire une pastorale pour que doucement on puisse
aider ces patients à cheminer dans la paroisse et les ressources
communautaires qui existent. Notre objectif, comme agents de pastorale dans une
Institution, ce n'est pas de faire tout ce travail, mais présentement,
dans les années à venir, nous
avons beaucoup de travail à faire dans ce sens-là pour
Intégrer davantage ces personnes dans les ressources communautaires qui
existent
M. Chevrette: Si Je comprends bien, c'est le droit au pasteur de
l'institution d'aller visiter les maisons d'accueil qui reçoivent des
patients de cette institution, pour lui permettre éventuellement d'en
arriver à les intégrer aux paroisses.
M. Boekema: Exactement, puis il y a aussi...
M. Chevrette: Et vous ne voyez pas cela à partir d'un
droit, dans l'énoncé de politique, reconnu à l'individu ou
au bénéficiaire et d'une obligation faite aux maisons d'accueil,
par exemple? Parce que dans les institutions, il n'y a pas de problème,
vous êtes accueillis, ce n'est pas parce que ce n'est pas
mentionné dans le rapport. Dans les Institutions, on tenait tous pour
acquis que c'était accepté. À partir de ce fait-là,
s'il y a simplement dans l'énoncé de principe le droit reconnu de
faire cela, pour ne pas vous faire fermer les portes, par exemple, d'une maison
d'accueil, si je comprends bien, ne serait-ce pas suffisant au lieu de
créer la complexité... Parce que je vois cela extrêmement
complexe, la participation, non pas parce que je ne trouve pas cela
intéressant, à l'intérieur de l'Institution, je trouve
cela très simple, mais dès que vous parlez de santé
mentale sur un territoire donné, sur une base régionale, qui va
représenter qui, dans la pastorale hospitalière, si on se ramasse
avec 3 centres hospitaliers et 175 maisons d'accueil sur un territoire de 30,
40 ou 50 municipalités? Concrètement, est-ce que ce serait une
délégation qui se ferait par le diocèse ou si ce serait un
choix entre individus de faire partie de cette équipe multidisctplinaire
qui va chapeauter, quand même sur le plan régional, les
différents services? C'est ce qui m'embête.
M. Fortin (Claude): Je regarde concrètement comment se
fait mon travail actuellement à Joliette. À l'intérieur de
l'institution, cela va bien, la présence est là et la
présence sera toujours nécessaire parce qu'il y a ce qu'on
appelle la clientèle active. Quelqu'un fait une dépression, a un
épisode schizophrénique, ces gens-là vont venir dans
l'institution pour une semaine, quinze jours ou trois semaines quand ce sont
des cas graves. À l'extérieur, actuellement, je visite les
centres de transition travail qui sont reliés au CHRDL Je vais dans les
foyers, je fais le lien avec les paroisses, les curés ou les agents de
pastorale qui sont dans ces milieux. Ces gens trouvent qu'ils n'ont pas ta
compétence ou l'habitude ou la facilité. Alors, ils se
réfèrent à moi. J'ai l'impression que pour les
équipes à l'extérieur de l'institution... Les gens qui
sont en foyer dans les pavillons - on a beaucoup de cela à Joliette - je
crois qu'il faut continuer à travailler et rattacher cela avec
l'Institution, à moins d'avoir quelqu'un de spécialisé qui
ira uniquement dans ces ressources extérieures. Je fais beaucoup le lien
et je vais souvent avec le personnel du centre hospitalier qui s'occupe des
ressources Intermédiaires. Je travaille en accord avec eux pour
répondre aux besoins des bénéficiaires. Le plan de soins
individualisé commence à rentrer peu à peu et la pastorale
fait son chemin là-dedans.
(12 h 45)
M. Chevrette: D'accord. Merci.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Fabre.
M. Joly: Merci, M. le Président. J'ai écouté
avec beaucoup d'intérêt la présentation de M. Dagenais. Ce
qui m'a semblé transpirer à l'intérieur de ce que vous
nous avez livré, c'est un peu ta déception que vous avez eue
d'être oublié. Il semblerait que cela ne soit pas volontaire, mais
tout simplement en reconnaissance de l'évolution qui s'est
peut-être faite depuis les années soixante. Alors, partant de
là, si on vit un autre tournant et que vous donnez l'impression
aujourd'hui, aux yeux de certaines gens, de jouer du coude et de vouloir
peut-être prendre votre place au soleil et travailler à
l'intérieur de ce qu'on peut appeler un champ gardé pour
certains, c'est tout simplement, à mon sens, à souligner et
à souhaiter que vous continuiez de le faire davantage.
N'avez-vous pas l'Impression que. si on a semblé vous mettre de
côté depuis peut-être quelques années, c'est
justement parce que vous n'avez pas pris votre place, parce que vous n'avez
peut-être pas su manifester ce que vous pouviez apporter parce qu'il y a
quand même en ce qui concerne la prévention d'autres choses que
vous faites? J'aimerais souligner des institutions telles que l'Abri des
Jeunes, de Montréal, que vous avez fondé, la Maison Marguerite,
de Montréal, concernant la toxicomanie, les femmes et ainsi de suite,
Bon Jour Toi pour les femmes battues. Donc, vous débordez de ce qu'on
peut appeler, si vous voulez, votre rôle ou votre pastorale
hospitalière. Vous débordez largement. Mais est-ce que c'est
aussi parce qu'on n'a pas reconnu la formation que vous aviez ou que vous
même... On l'a souligné tantôt, ceux qui ne sont pas en
relation directe avec l'institution n'avaient pas toute la formation
nécessaire et on se devait toujours de référer au centre
comme tel pour aller chercher les ressources. Est-ce que vous pensez que cette
formation manquante pourrait vous être accordée? Si oui, de quelle
façon pourrait-elle être appliquée? On me fait mention
qu'à Joliette vous êtes deux à temps partiel et qu'on ne
peut pas avoir cet effet multiplicateur. Même si on vous donne la
formation, on ne peut pas aller en application. À
Louis-Hippolyte-Lafontaine, d'après ma petite recherche, vous êtes
quatre pour quand même 2000 patients. À ce moment, n'est-ce pas
simplement donner des connaissances supplémentaires
à des Individus qui ne pourront pas les appliquer?
J'aimerais que vous commentiez davantage sur votre formation comme telle
et le rôle que vous voulez vraiment jouer quand vous dites que vous
voulez être plus impliqués. À ce moment, on a tendance
à penser au professionnel de la santé qui, lui, vous
référerait les cas. Actuellement, on n'a arrêté
aucune décision dans ce sens, à savoir de qui c'est la
responsabilité. Est-ce la responsabilité du patient de demander?
Est-ce la responsabilité du professionnel de la santé
d'Influencer ou de recommander? Ou est-ce que c'est comme M. Fortin, en faisant
sa grande tournée sans pourtant s'Imposer, alors qu'il décide de
lui-même d'arrêter et de s'intéresser aux problèmes
du milieu? C'est un peu sur cela que j'aimerais vous entendre parler.
M. Dagenais: II y a quand même plusieurs choses. La
première remarque que je ferai c'est que je pense que vous avez raison
de dire que ta responsabilité est un peu partagée si on n'a pas
eu tout à fait notre place au soleil. On n'est pas des gens bagarreurs
de nature. On nous invite à l'être un peu plus. On a dit que c'est
une première et je pense que c'est une façon de sensibiliser
notre société au rôle qu'on joue, à la place qu'on
tient dans les établissements de santé et dans la promotion de la
santé en général au Québec. Ce faisant, nous
voulons que, du côté des structures gouvernementales,
administratives de nos établissements, là aussi ils prennent leur
part de responsabilité.
Si vous me demandiez qui doit avoir la responsabilité de
répondre à ces besoins qu'on appelle religieux et spirituels, je
pense que les établissements ont tous cette responsabilité et
qu'ils doivent se donner les structures et le personnel pour y répondre,
un personnel qualifié et formé. Je trouverais extrêmement
dommage que les Individus aient à promouvoir eux-mêmes leurs
droits alors qu'on sait qu'ils sont déjà dans une situation
où ils sont tellement en difficulté qu'ils ont de la
difficulté à affirmer leurs droits les plus fondamentaux.
Pour ce qui est de la formation, peut-être que je peux laisser le
père Boekema répondre à cette question.
M. Boekema: Par rapport à la formation, de fait il y a
différents aspects parce qu'il y a les agents de pastorale mais il a
surtout aussi tous les autres Intervenants. C'est très important que les
autres intervenants soient aussi sensibilisés au rôle que peuvent
jouer les agents de pastorale.
Donc, la réponse est double en ce sens que, oui, les
établissements devraient s'occuper aussi de la qualification et de la
formation des agents de pastorale et ensuite il y a aussi les autres
professions qui devraient être sensibilisées à ces
dimensions. Nous ne voyons pas comment cela peut se faire autrement que par la
forma- tion.
M. Joly: Juste une petite sous-question. Hier, on a eu l'occasion
d'écouter une mère de famille qui vivait un problème avec
un de ses enfants qui est schizophrène. Elle se défendait qu'elle
n'avait pas de ressources d'appui en tant que famille. Tantôt dans votre
allocution, vous avez mentionné que vous apportiez - II y a deux
dimensions que j'aimerais souligner - du soutien tant à la personne
malade, c'est bien sûr, tant aussi à la famille mais aussi au
personnel de l'institution. J'aimerais que vous nous disiez de quelle
façon vous le faites. Est-ce que c'est à la suite de demandes ou
si c'est de vous-mêmes que vous allez vers la famille?
M. Dagenais: C'est de nous-mêmes que nous allons vers la
famille et, quelquefois, il peut y avoir des demandes spécifiques. C'est
évident que notre travail nous met en contact avec des situations
très souvent dramatiques, dans le domaine de la santé mentale
comme dans les autres domaines. À ce moment-là, quand on voit que
les gens sont en détresse... Dieu sait qu'il n'y a pas seulement la
personne malade, mais Je dirais que c'est toute la cellule familiale qui est un
peu en détresse. Quand il y a un problème à ce niveau, on
essaie aussi d'apporter nos ressources et notre soutien aux familles.
Quelquefois, elles-mêmes vont demander, mais on se rend compte que c'est
plus facile pour nous de le faire aussi longtemps qu'on reste à
l'Intérieur de l'institution parce qu'on est vraiment dans ce
milieu.
Concernant le problème en dehors de l'institution comme telle, je
pense qu'il faut souligner qu'il y a certains groupes - vous les avez
mentionnés - qui sont assez autonomes et qui sont capables, par
eux-mêmes, de donner une réponse adéquate. Je pense
à l'Abri des Jeunes à Montréal. Sur le plan pastoral, il y
a des communautés religieuses qui sont parties prenantes de ce projet et
qui sont en mesure de répondre. Mais il y a un tas de milieux, je pense
à des familles d'accueil... Là vraiment, faute de temps et
d'énergie, on n'arrivera jamais à répondre à tous
les besoins qui sont là. On ne peut pas non plus compter sur les
ressources des paroisses si elles ne les connaissent pas. Là, II y
aurait un gros problème d'Information du côté des paroisses
et des régions pour faire savoir qu'il y a telle famille d'accueil ou
telle maison d'accueil pour des gens en détresse; elles sont là
uniquement pour remonter la pente après avoir vécu une
période difficile. Bien souvent, les pasteurs des paroisses ne sont pas
au courant de ce qui se passe dans leur milieu. Les gens en place, qui sont en
responsabilité d'accueillir les malades ou les gens qui sont
passés par une période de maladie, ne pensent pas
spontanément non plus à faire appel à des ressources qui
pourraient être disponibles là. Alors, je pense qu'il y a un
creux, tant de notre côté que du côté des
ressources
qui existent actuellement, qui n'est pas facile à combler. C'est
peut-être par l'information - je pense que ce qu'on fait aujourd'hui,
cela nous paraît Important pour sensibiliser non seulement la commission,
mais toute la société à ce besoin.
M. Joly: Merci beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): Merci. En conclusion,
M. le député de Joliette.
M. Chevrette: Je dois vous remercier et je voudrais ajouter, dans
ma conclusion, un élément à la suite des questions du
député de Fabre. Si l'on prend comme exempte la mère de
famille d'hier, selon ses propres valeurs, il est vrai qu'elle peut retrouver
un réconfort purement et simplement avec une discussion sur
l'acceptation même de l'épreuve qu'elle vit Elle peut même
s'en trouver réconfortée. Alors, je pense que toutes les
ressources de la communauté sont importantes, à partir de tes
propres valeurs. À ce compte-là, je pense que, dans les
énoncés de principe de la politique, cela peut s'insérer
comme étant un droit fondamental de l'Individu et, par le fait
même, lui donner le droit d'être visité même en maison
d'accueil, alors qu'en institution je pense que, déjà, vous
n'avez pas de problème. Je vous remercie beaucoup d'être venus
témoigner.
Mme Lavoie-Roux: À mon tour. M. le Président, je
veux remercier l'Association des aumôniers d'hôpitaux du
Québec. C'est une première, j'espère que cela vous
incitera à récidiver. Je pense que vous faites un rappel de
valeurs que les gens connaissent; ils savent qu'elles sont là, mais
qu'on les tient peut-être pour acquises, etc. Je pense que c'est une
excellente initiative que vous avez eue. L'objet de la commission parlementaire
est évidemment de bonifier, nuancer, corriger et peut-être aussi
rayer certaines choses qui peuvent être dans le rapport Harnois. Je pense
qu'à cet égard on peut certainement, comme le disait le chef de
l'Opposition, dans les principes, faire une référence plus claire
et plus nette à cette composante importante des valeurs humaines que
sont les valeurs religieuses et spirituelles. Je vous remercie de votre
présentation.
Je pense qu'il est évident que personne n'a le monopole de la
santé mentale dans la société. À moins que tous les
membres d'une société s'Impliquent à un titre ou l'autre,
ce sera toujours difficile de faire des progrès considérables.
Dans ce domaine-là, comme le signalait le député de Fabre
tout à l'heure, vous êtes déjà actifs dans plusieurs
domaines. Il en a mentionné quelques-uns, je pourrais en nommer d'autres
où des prêtres de paroisse sont fortement Impliqués, par
exemple, auprès des jeunes qui ont des problèmes qu'on appelle de
santé mentale ou de mésadaptation fort prononcée. Je pense
que le rôle que vous jouez est Important et j'espère que vous
allez continuer de le jouer non seulement dans les hôpitaux, mais aussi
vos collègues dans les paroisses. C'est très Important. Je vous
remercie beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): La commission remercie
l'Association des aumôniers d'hôpitaux du Québec et suspend
ses travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 heures)
(Reprise à 15 h 7)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Veuillez prendre place afin que la commission reprenne ses travaux. Nous
recevons cet après-midi, à la table des témoins,
l'équipe du Fonds de la recherche en santé du Québec,
représentée par le Dr Serge Carrière, président et
par M. Yvan Poirier, directeur général. J'inviterais le Dr
Carrière et M. Poirier à s'avancer à la table des
témoins.
Pour vous expliquer un peu les règles de procédure, vous
avez 20 minutes pour présenter votre mémoire et il y a, par la
suite, 40 minutes de discussion avec les membres de la commission; c'est une
enveloppe globale d'une heure. D'accord? Je présume que le porte-parole
est le Dr Carrière. Nous vous écoutons.
Fonds de la recherche en santé du
Québec
M. Carrière (Serge): M. le Président, tout d'abord,
au nom du conseil d'administration du FRSQ, je vous remercie, ainsi que les
membres de votre commission de nous avoir invités à
présenter nos commentaires sur le rapport Harnois. Vous avez reçu
deux documents: un document qui explique notre position globale et un autre qui
est le résumé des propositions ou des commentaires que nous avons
à faire.
Tout d'abord, bien que le problème de la santé mentale,
comme tel, in globo, intéresse beaucoup notre organisme, nos
commentaires seront limités aux recommandations 9, 10, 11 et 12 de ce
rapport, qui touchent plus spécifiquement la recherche en santé
mentale qui devrait se développer au Québec.
Pour bien se situer dans le contexte de la santé, et de la
santé mentale en particulier, j'aimerais vous décrire
brièvement le rôle de notre organisme. Le FRSQ, comme vous le
savez, existe depuis 24 ans maintenant et s'est développé au
cours des années en voulant se donner une vocation de
complémentarité de subventionnement de la recherche en fonction
des organismes déjà existants et, en particulier, des organismes
nationaux tels Santé et Bien-Être social du Canada et le Conseil
de recherches médicales du Canada.
L'orientation qui a été prise par le FRSQ au cours de ces
années a été surtout une orientation de subventionnement
de l'infrastructure de la recherche; 96 % de notre budget soutiennent
l'infrastructure. Ce que l'on entend par infrastructure, c'est une
infrastructure de personnes et de lieux de recherche. Par personnes, on veut
dire la formation des étudiants, l'aide à l'établissement
de jeunes chercheurs qui ont atteint l'autonomie comme chercheurs et qui
reviennent dans les lieux de recherche que nous privilégions,
c'est-à-dire les centres de recherche qui sont affiliés aux
hôpitaux avec affiliation universitaire. Dans ces centres de recherche,
le but était de créer une masse critique de chercheurs afin que,
premièrement, il y ait des échanges entre ces Individus de
différentes disciplines de recherche, des échanges de
méthodologies de recherche et, également, qu'il y ait entre ces
chercheurs dans les milieux cliniques des échanges et un transfert de
technologies de la recherche fondamentale, à cause de la collaboration
avec leurs chercheurs sur les campus universitaires, vers les milieux
cliniques, endroits privilégiés pour faire l'application des
connaissances fondamentales qui ont été mises au point,
également, ces centres de recherche se sont avérés tout
à fait privilégiés pour le développement de la
recherche épidémiologique, de la recherche evaluative
également. 24 de ces centres de recherche existent au Québec et
trois d'entre eux, qui sont: Douglas, affilié à
l'Université McGill, Louis-Hippolyte-Lafontaine, affilié à
l'Université de Montréal, et Robert-Giffard, affilié
à l'Université Laval, sont des centres que nous pouvons qualifier
de mono-thématiques, c'est-à-dire dont les programmes de
recherche sont uniquement orientés en fonction de la recherche en
santé mentale. Donc, ces centres, pour nous, représentent des
endroits privilégiés où des réponses peuvent
être apportées aux problèmes de santé, qu'ils soient
dans une discipline ou dans l'autre et, en particulier dans ces trois centres,
aux problèmes de recherche en santé mentale.
Le FRSQ a procédé de cette façon - je l'ai
mentionné plus tôt - parce que c'était en
complémentarité avec ce qui existait. Également, avec les
années, on a pu se rendre compte que l'Investissement que nous avons
fait a été des plus rentables puisque, pour chaque dollar qui est
investi dans les centres de recherche, les chercheurs vont chercher S $ des
organismes nationaux, ce qui fait que supporter l'Infrastructure de la
recherche permet donc, non seulement d'avoir, mais de développer une
structure beaucoup plus Importante et beaucoup plus rentable pour nous. Donc,
chaque petit investissement que nous pouvons faire se multiplie de façon
importante. Nous croyons, aussi bien pour la recherche en général
que pour la recherche en santé mentale, que c'est la structure sur
laquelle nous devrions bâtir et c'est de cette façon que devraient
émerger les programmes de recherche en santé mentale.
Si, donc, cette infrastructure est une base solide sur laquelle nous
pouvons bâtir, il ne faut pas oublier le fait que, dans certains secteurs
de recherche particuliers - et la santé mentale est un de ces secteurs -
nous devons également investir sur du subventionnement de la recherche
directe, c'est-à-dire sur des projets de recherche particuliers, parce
que cela prend, quand même, un certain nombre d'années avant qu'un
thème de recherche soit suffisamment développé pour que
les chercheurs aient atteint une notoriété et des masses
critiques suffisantes pour aller chercher les fonds de recherche ailleurs et
être autosuffisants et autonomes.
Également, je pense qu'il est Important de mentionner qu'en plus
des trois centres de recherche qui existent et qui sont
intéressés à la santé mentale, dans le
mémoire que nous avons présenté - nous en reparlerons tout
à l'heure - nous voulons élargir cette base des centres de
recherche pour rejoindre les réseaux universitaires, c'est-à-dire
que nous voulons améliorer cette collaboration qui existe entre les
chercheurs les plus organiques ou les plus moléculaires et les
chercheurs qui ont l'orientation la plus psychosociale. Nous voulons
élargir la base et avoir davantage une infrastructure basée sur
des centres de recherche qui auront une base de réseau
universitaire.
J'ai mentionné tout à l'heure les trois centres de
recherche qui existent et, pour donner un exemple de la diversité de la
recherche dans ces centres, je pourrais en nommer un autre, qui est le
Réseau de médecine génétique du Québec, qui
fonctionne tout à fait comme un centre de recherche et qui a des
affiliations multiuniversitaires, multihospitalières. À
l'Intérieur de son groupe de chercheurs, il y a des biologistes
moléculaires jusqu'à des historiens. Donc, la diversité,
ta multidisciplinarité des chercheurs est pour nous un point important
et une base solide sur laquelle nous devons bâtir. (15 h 15)
Je passe rapidement; J'aurais beaucoup d'autres choses à vous
dire, mais je veux mentionner le fait qu'en dehors des centres de recherche il
existe également des équipes de recherche. Le FRSQ a
traité en priorité, au cours des dernières années,
trois secteurs de recherche: la recherche épidémiologique,
évaluative et la recherche en santé mentale qui a
été une de nos priorités de développement. Nous
avons formé des équipes en santé mentale, une qui oeuvre
à l'hôpital Douglas et une qui oeuvre à l'Université
de Montréal où biologistes moléculaires et gens du domaine
psychosocial se côtoient et peuvent aborder de façon logique des
problèmes de recherche et non pas mettre l'emphase sur le
développement de disciplines de recherche sans tenir compte des
problèmes à solutionner
Donc, en résumé, une structure de recherche est
présente au Québec et la qualité des
recherches qui sont produites par ces équipes est des plus
Intéressantes et des plus compétitives. Je pourrais mentionner
certains exemples, comme tout le travail qui a été fait sur la
transmission au niveau des synapses dans la dépression, tous les travaux
de groupes comme celui de l'hôpital Louis-Hippolyte-Lafontaine. Je passe
sous silence beaucoup d'autres efforts qui ont été faits, mais
ces efforts sont beaucoup trop restreints. Même si c'est une
priorité actuellement dans notre organisme, il y a un manque de subsides
très évident et ceci ressort du rapport Harnois, il y a des
efforts, évidemment, qui devront être faits.
Un point Important aussi à mentionner, c'est que devant ce manque
de subsides chronique pour subventionner la recherche en général
et la recherche en santé mentale, ce qui a été
traditionnel au cours des récentes années et même des
années plus reculées, nous ne présentons pas aux jeunes
chercheurs ou aux jeunes étudiants des perspectives intéressantes
de carrière en recherche et nous les décourageons dès le
départ. Donc, c'est une des raisons pour lesquelles il est Important de
bâtir une structure de recherche attrayante, et ici on parle de
santé mentale en particulier, pour attirer les jeunes scientifiques dans
ce secteur.
Maintenant, je passerai aux commentaires plus spécifiques qui
touchent les quatre recommandations qui ont été faites dans le
rapport Harnois concernant la recherche en santé mentale. Tout d'abord,
la recommandation 9, Essentiellement, cette recommandation dit d'augmenter
d'ici trois ans le budget de recherche en santé mentale à 15 % du
budget de la recherche en santé du Québec. Cette initiative est
sûrement des plus heureuses et c'est une orientation que nous appuyons au
FRSQ, bien qu'elle soft peut-être mal explicitée dans le contexte.
Est-ce que 15 % du budget de la recherche en santé signifie 15 % de tous
les montants d'argent dépensés pour la recherche en santé
au Québec? Est-ce que ceci signifie 15 % du budget du Fonds de la
recherche en santé du Québec? Eh bien, ceci demeure un peu
imprécis dans le rapport.
Bien que nous considérions que c'est un principe
général, le FRSQ, il y a environ 18 mois, s'est efforcé de
consulter et de bâtir un programme de recherche en santé mentale
qui répondrait à des besoins réels du Québec et non
seulement basé sur les dépenses qui étaient faites, comme
il est mentionné dans le rapport, dans le domaine de la santé
mentale. Présentement, dans un organisme comme le FRSQ, la santé
mentale va chercher 8 % de notre budget, c'est-à-dire environ 2 400 000
$ annuellement. Ceci fait partie d'une annexe du mémoire que nous avons
soumis à votre commission. Les besoins plus réels qui sont
exprimés ici dans notre mémoire sont de 3 500 000 $ à 7
000 000 $ supplémentaires sur une base de cinq ans.
Ceci est en fonction du développement et il est mentionné
dans le rapport Harnois que le développement devrait se faire en
fonction d'une complémentarité entre les différentes
disciplines de recherche. Je pense que je vous ai exposé suffisamment
que les centres et les équipes de recherche déjà
subventionnés par le FRSQ sont les endroits privilégiés
où cette complémentarité peut s'exercer.
Que le développement de la recherche soit focalisé, je
dois avouer que nous avons plus de réserves à accepter cette
position. Nous croyons que non seulement lorsqu'on parle de la personne, mais
lorsqu'on parie de recherche en santé mentale, c'est une approche
globale, multidisciplinaire et multiméthodologique qui doit se faire.
Toute approche qui est focalisée, limitée en elle-même et
isolée d'un contexte, nous croyons qu'elle a peu de chances de
succès dans un tel contexte. Nous avons l'expérience de nombreux
secteurs de recherche où l'agglomération de chercheurs
représentant plusieurs disciplines nous apporte beaucoup plus de
succès que d'essayer d'Isoler une discipline de recherche pour
résoudre un problème.
Je pourrais donner des exemples qui sont très frappants. Si, par
exemple, on s'Intéresse à un problème particulier - on
pourrait peut-être mentionner le problème de la
schizophrénie - il ne s'agit pas d'utiliser une méthodologie de
recherche comme la psychologie ou encore l'approche psychosociale pour
résoudre ce problème puisqu'une telle maladie peut avoir des
fondements qui sont peut-être aussi sociaux que des mauvaises relations
mère-enfant dans le bas âge. Par contre, vous avez d'autres
écoles qui vous diront que c'est une maladie franchement organique qui
trouvera sa solution par la biologie moléculaire et par une meilleure
compréhension des phénomènes qui se passent à
l'Intérieur des cellules. Donc, c'est la raison pour laquelle il est
beaucoup plus logique de faire aborder des problèmes de santé
mentale par des groupes multidisciplinaires que de privilégier des
disciplines de recherche pour les résoudre.
Le programme du FRSQ vous est expliqué dans le document que nous
avons présenté. Je vous résumerai les quinze
recommandations très brièvement en disant qu'il s'agit,
premièrement, pour développer la recherche en santé
mentale, de renforcer les structures de nos centres de recherche
déjà existants; d'élargir leur base en tes
agglomérant ou les développant à l'intérieur de
réseaux universitaires; de former des équipes qui favoriseront
les échanges entre les différentes disciplines de recherche et la
pluriméthodologie; de former des chercheurs et de former des
étudiants. Donc, essentiellement, bien qu'elles soient
détaillées dans le rapport, les quinze recommandations du FRSQ
pourraient se résumer dans ces quatre principes.
Maintenant, passons à la recommandation 10 du rapport Harnois. Je
pourrais fort bien vous lire ici, dans le mémoire, l'analyse que
nous
avons faite et qui résume très bien notre position.
Premièrement, cette recommandation veut qu'il y ait une meilleure
collaboration entre le Conseil québécois de la recherche sociale
et le Fonds de la recherche en santé du Québec afin de s'assurer
du fonctionnement de mécanismes conjoints de détermination des
priorités de recherche et d'octroi des subventions de recherche. Je peux
vous dire que cette position est tout à fait soutenue par le FRSQ.
d'autant plus que les relations entre le CQRS et le FRSQ, surtout au cours des
derniers mois, se sont développées de façon très
intéressante. C'est, d'ailleurs, un développement que nous
souhaitions déjà au sein de notre organisme depuis un certain
nombre d'années. Un exemple bien concret de ceci, c'est que, pour tout
le programme des équipes, qui sont très importantes, à la
base du développement de la recherche en santé mentale, nous
sommes en train de mettre sur pied un programme conjoint de soutien des
équipes, tel que préconisé dans notre programme, entre le
CQRS et le FRSQ.
Le programme présenté par le FRSQ est entièrement
endossé par le CQRS et il est évident, par ailleurs, que ces deux
organismes, qui ont eu un cheminement différent au cours des
années, doivent arrimer leur fonctionnement afin d'arriver à une
collaboration bien précise. Je m'explique sur ceci. Les lieux de
recherche du CQRS et du FRSQ sont sensiblement différents,
c'est-à-dire que, pour le CQRS, c'est fait davantage dans les milieux
universitaires et dans d'autres organisations que les milieux hospitaliers. Par
contre, au point de vue de la formation des équipes, comme le programme
du FRSQ mentionne très bien que l'intégration de ce qui
relève le plus de la biologie moléculaire doit se faire avec ce
qui est le plus psychosocial, eh bien, nous retrouvons un champ
d'Intérêt commun.
L'évaluation scientifique des programmes de recherche n'est pas
un problème en soi; ceci est déjà résolu au sein de
nos deux organismes. Par contre, il y a, évidemment, deux conseils
d'administration différents et c'est à ce niveau que nous devons
arrimer tes mécanismes qui nous permettront de fonctionner de
façon harmonieuse. Dans le passé, le CQRS a subventionné
davantage les programmes de recherche directement, alors que, comme je vous
l'ai expliqué, le FRSQ s'est plutôt orienté vers le
subventionnement de l'infrastructure de la recherche et, évidemment,
nous devons nous réajuster dans ce sens. Cela prendra sûrement un
certain nombre d'années avant qu'il y ait un arrimage complet de tous
les programmes. Mais il y a déjà un point de départ,
surtout dans les équipes de recherche.
La recommandation 11 du rapport Harnois dit 'aux organismes
subventionnaires de s'assurer pour les prochaines années que des efforts
accrus de recherche seront orientés vers - et on mentionne quatre
dimensions - la prévention et les dimensions psychosociales de la
maladie mentale, etc." Si l'on se reporte au rapport qui a été
présenté par le FRSQ, à l'enquête que nous avons
faite à l'été 1986 et pour laquelle 44 mémoires
nous ont été soumis aussi bien par les universités que par
les CLSC, les CRSSS et tous les organismes Intéressés à la
recherche et aux problèmes de la santé mentale, on voit dans ce
rapport que nous Intégrons dans nos programmes de recherche ce qu'il y a
de plus psychosocial jusqu'à ce qu'il y a de plus biomoléculaire.
C'est une approche à laquelle nous croyons fermement et, à
l'Intérieur de ceci, il est évident que nous voulons
développer chacun des secteurs. Mais, pour nous, il semble difficile de
privilégier un secteur plutôt que l'autre. Que nous pensions
régler le problème de ta santé mentale ou améliorer
l'état de la santé mentale des individus par une approche
monothématique, c'est-à-dire qui s'intéresserait
uniquement aux problèmes sociaux, ou par une autre approche qui, pour
être à l'autre extrême, s'intéresserait uniquement
aux problèmes de biologie moléculaire, nous pensons que c'est
faire fausse route. En effet, comme je le mentionnais tout à l'heure
dans l'exemple de la schizophrénie, ce sont des problèmes que
nous voulons solutionner. Souvent, lorsqu'on comprend mieux les
problèmes, on se rend compte que l'approche que l'on pensait poursuivre
au départ pour les solutionner est une approche tout à fait autre
et doit faire appel à d'autres méthodologies de recherche et
à d'autres disciplines.
Alors, dans ce sens, nous préconisons que c'est une approche
multidisciplinaire, d'autant plus qu'il nous est difficile de démontrer
qu'il y a un sous-développement. Toute la recherche en santé
mentale est sous-développée, mais elle ne l'est pas plus dans un
secteur que dans l'autre. Si on regarde les subventions pour les recherches et
les données tout à fait objectives que nous avons recueillies
récemment de l'Université McGill en particulier, cela nous
démontre que la recherche psychosociale n'est pas plus mal
subventionnée que la recherche biomédicale. Je devrais
peut-être dire que l'une n'est pas mieux subventionnée que
l'autre. Les deux sont sous-subventionnées, mais il n'y a vraiment pas
un écart du subventionnement entre les deux.
Le Président (M. Bélanger): En conclusion, Dr
Carrière, s'il vous plaît.
M. Carrière: En conclusion, je parlerai très
brièvement de la recommandation 12 qui parle de recherche
évaluative en particulier. C'est un des trois secteurs
privilégiés par la FRSQ. Je pense qu'il est très important
de mentionner que, si l'on veut qu'une recherche évaluative soit bonne
et donne des fruits, elle doit être faite par des gens
Indépendants du fonctionnement des programmes réguliers
quotidiens. Il y a un danger à ce que les gens qui produisent les actes
ou qui sont impliqués dans le fonctionnement quotidien d'une structure
fassent eux-mêmes l'évaluation de
leur programme. Il y a un certain danger à ceci parce que c'est
une évaluation qui devient moins objective, qui doit répondre
à des critères parce qu'on doit en même temps
démontrer qu'on avait un bon rendement Donc, nous avons un doute sur
ceci.
En résumé, donc, il est bien évident que notre
organisme endosse entièrement toutes les recommandations positives pour
développer la recherche en santé mentale au Québec. Il y a
un sous-financement de cette recherche et notre organisme est
entièrement prêt à assumer la responsabilité de ce
développement s'il lui est confié.
Le dernier point dont j'aimerais parler et qui est mentionné dans
le rapport, c'est que nous sommes tout à fait opposés à la
formation d'un autre fonds pour subventionner la recherche en santé
mentale, particulièrement parce que nous pensons que cette approche, qui
est tout à fait monothématique, n'est pas la meilleure approche
à poursuivre. Je pense que j'ai assez insisté sur la
multidisciplinarité et la multiméthodologie et que, en plus, le
fait d'isoler des chercheurs, sans les soumettre à la compétition
d'autre, n'est rien qui permet de développer l'excellence. Ce sont donc
les principaux commentaires que nous avions à faire sur ce rapport Je
vous remercie, M. le Président. (15 h 30)
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, Or
Carrière. Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier
le FRSQ pour sa participation aux travaux de cette commission. Dans le projet
de politique qui est contenu dans le rapport Hamois, II est évident
qu'on a voulu faire une place Importante à la recherche en santé
mentale. Je pense que c'est, d'ailleurs, ce qui vous a motivés a venir,
sans compter le fait que, déjà, vous vous intéressez
à la recherche en santé mentale.
Je voudrais souligner au passage - et je pense que c'est très
bien démontré dans le mémoire que vous nous avez soumis -
les réalisations importantes du Fonds de la recherche en santé du
Québec quant aux appropriations, si je peux dire, de ressources
financières, que ce soit au niveau fédéral, que ce soit
même a partir de fondations américaines et autres. C'est,
évidemment, le reflet, je pense, de la façon dont le FRSQ a
été dirigé depuis un certain nombre d'années. Nous
ne sommes plus dans une situation de défavorisés quant à
l'obtention de ces subventions par rapport aux autres provinces, alors
qu'autrefois peut-être .- je ne sais pas il y a combien d'années -
l'Image était probablement assez à l'opposé de celle que
vous nous révélez dans le mémoire aujourd'hui. Je voulais
le souligner en passant parce que je pense que c'est peut-être la
meilleure démonstration du sérieux du travail qui est fait par le
Fonds de la recherche en santé du Québec.
Je voudrais, néanmoins, revenir sur une partie de votre
mémoire dans laquelle vous semblez vous opposer non pas à la
recherche psychosociale, mais à privilégier la recherche portant
sur les facteurs psychosociaux. Vous croyez que ces aspects de la recherche
sont déjà largement favorisés, probablement en fonction de
la recherche biomédicale en santé mentale. Est-ce que je vous ai
bien compris ou... Pardon?
M. Chevrette: Êtes-vous Inquiète du million que vous
avez placé?
Mme Lavoie-Roux: Non, je ne suis pas inquiète du million
que j'ai placé. Ha, ha, ha!
M. Chevrette: Ha, ha, ha!
Mme Lavoie-Roux: C'est vraiment dans l'approche. Vous avez fait
verbalement une démonstration assez éloquente pour nous dire que
vous croyez que les deux doivent aller de pair, qu'il y aura,
évidemment, des difficultés non pas insurmontables, mais longues
à résoudre pour que les deux fonds de recherche, que ce soit en
recherche sociale ou en santé, puissent arriver à arrimer tous
leurs efforts pour devenir le plus productifs possible, si je puis dire.
J'ai l'Impression que ce qui est dans votre mémoire et ce que
vous nous avez dit, ce n'est peut-être pas tout à fait la
même chose. J'aimerais que vous développiez un peu votre
pensée sur l'importance que vous accordez à ta recherche sur les
facteurs psychosociaux en santé mentale comparativement à la
recherche biomédicale.
M. Carrière: Premièrement, je vous remercie de vos
commentaires du début. Deuxièmement, je pense qu'il est important
de distinguer ce sur quoi nous mettons l'accent dans notre mémoire. Nous
ne voulons pas privilégier une discipline de recherche. Par contre, nous
voulons attaquer des problèmes de recherche. Pour nous, les
problèmes psychosociaux de la santé mentale sont des
problèmes très importants. Mais, pour les problèmes qui se
présentent sous une forme psychosociale, nous n'aurons peut-être
pas une solution simplement par une approche psychosociale. Et c'est ce que
nous voulons mentionner. C'est ce sur quoi nous Insistons dans notre
mémoire. Nous ne sommes pas là pour développer une
discipline de recherche, mais bien pour résoudre des problèmes de
recherche par les différentes avenues qui se présentent à
nous.
D'ailleurs, dans les trois centres de recherche que nous soutenons
présentement, l'aspect psychosocial est très important. Par
exemple, à Louis-H.-Lafontaine, l'aspect de la recherche psychosociale
est très Important. Au centre de recherche de Douglas, II se fait de la
recherche fondamentale et une partie de cette recherche est nettement
orientée en fonction des problèmes psychosociaux. À cet
endroit, nous avons aussi
une équipe de recherche en épidémiologie que nous
soutenons déjà et qui est nettement orientée du
côté psychosocial. Le troisième centre, à
Robert-Giffard, à Québec, a également une grande partie de
ses activités dans le secteur psychosocial.
Donc, nous ne voulons pas dire que l'Importance ne doit pas être
donnée aux problèmes psychosociaux, mais nous voulons donner une
Importance aux problèmes qui se présentent L'approche pour les
résoudre n'est pas simplement l'approche d'une seule discipline. Parmi
les problèmes psychosociaux, il y a peut-être, comme exemple tout
à fait particulier, les problèmes de drogue. Dans certains cas,
les problèmes de drogue ont peut-être une base beaucoup plus
organique qu'on ne le pense et ne seront pas nécessairement
résolus par une approche psycho-sociale simplement II y a d'autres
problèmes de comportement; par exemple, je mentionnais tout à
l'heure le problème de la schizophrénie qui peut avoir
différentes origines selon les écoles de chercheurs et selon les
écoles de pensée. Donc, c'est un problème psychosocial
très Important auquel nous vouions sûrement donner toute
l'attention voulue, en l'approchant par différentes disciplines et non
pas nécessairement en favorisant une discipline de recherche par rapport
à une autre.
Mme Lavoie-Roux: Dr Carrière, vous mentionnez dans votre
mémoire que le Fonds de la recherche en santé du Québec
consacre 8,14 % à la recherche en santé mentale. Selon la
description que vous venez de nous donner des trois centres, Giffard,
Lafontaine et Douglas, j'aurais l'impression que la majorité de cette
somme est affectée à de la recherche psychosociale plutôt
qu'à de la recherche biomédicale. Est-ce que vous êtes
capable de me donner les proportions pour l'une et l'autre?
M, Carrière: Je pense que M. Poirier a une statistique
plus précise que moi sur cela.
M. Poirier (Yvan): Je n'aurai pas un chiffre très
précis à vous donner actuellement, mais, selon nos
données, effectivement, dans nos centres et dans nos équipes
où se fait de la recherche en santé mentale, la recherche porte,
d'abord et avant tout, sur les problèmes reliés à des
comportements et réfère à des méthodologies dites
psychosociales.
Mme Lavoie-Roux: C'est la grande partie de ce
montant-là.
M. Poirier. La grande partie, effectivement
Mme Lavoie-Roux: À la suite de la consultation que vous
avez faite auprès des universités, des différents
établissements du réseau pour établir une politique de
recherche en santé mentale, est-ce que les échos que vous avez
eus ou les données que vous avez recueillies semblaient favoriser ou
porter davantage sur les aspects psychosociaux que biomédicaux? Quel a
été le résultat plus précis de cette consultation
que vous avez faite quant aux préoccupations de l'un ou de l'autre?
M. Carrière: Selon les groupes qui nous ont
répondu, évidemment, les préoccupations sont
différentes. Si vous parlez des groupes dans les régions
éloignées, par exemple, ou dans les régions
périphériques des grands centres métropolitains, c'est
évident que les problèmes psychosociaux ressortent davantage et
que l'accent a été mis surtout sur des moyens de recherche pour
résoudre des problèmes psychosociaux et également beaucoup
sur la recherche évaluative, pour l'évaluation des interventions
qui sont faites dans ces secteurs. Et quant à l'évaluation des
interventions, si on regarde ce qui se passe, ce qui est un point très
important, vous avez des Interventions de nature psychosociale, mais des
interventions également de nature pharmacologique, comme on te sait
très bien, qui sont faites régulièrement
Quand on parle de la recherche évaluative qui devrait se faire,
elle devrait porter sur tout type d'intervention faite dans ces régions.
Donc, cela prend des équipes qui peuvent regarder l'aspect psychosocial,
mais également des gens qui connaissent davantage le biomédical
aussi, pour voir si les interventions de nature pharmacologique qui sont faites
sont toujours à propos et devraient avoir l'ampleur qu'elles ont versus
d'autres types d'Interventions. Donc, les préoccupations de ces
régions sont en fonction de problèmes psychosociaux, mais comme
ces problèmes trouvent leurs solutions de deux façons, il faut
faire examiner cela par des gens qui peuvent regarder les deux
côtés de la médaille. Quand on regarde les Interventions
des universités, je dirais qu'elles sont également
partagées C'est peut-être 50-50 entre ce qui est plus
moléculaire et ce qui est plus psychosocial.
Il y a un élément, quand même, qui ressort de
façon très évidente. Si on regarde l'évolution des
problèmes de santé mentale au cours des 20 dernières
années, il ne faut pas négliger te rôle qui a
été joué par la biologie moléculaire, par la
psychopharmacologie pour la solution de ces problèmes avec, tout d'abord
en surface, l'aspect psychosoclal. Donc, il est difficile de vous dire si c'est
50-50, si c'est 75-25 ou 60-40? Je dirai que c'est très partagé.
Par contre, les préoccupations des gens qui ressortent clairement, c'est
qu'on ne peut pas solutionner ces problèmes simplement par une approche
unidfsciplinaire ou monothématique. Je pense que cela ressort de
façon très claire.
Mme Lavoie-Roux: Comment expliquez-vous que la proportion des
budgets qui vont à la recherche en santé mentale par rapport
à votre budget global est de l'ordre de 8,4 %? Est-ce
parce que c'est une préoccupation plus récente? Vous
exprimez également - je ne l'ai pas sous la main - le fait que, dans le
domaine de la santé mentale, les chercheurs se trouvent peut-être
plus isolés. Est-ce dû au fait qu'il y a eu moins de recherche?
Historiquement, qu'est-ce qui explique cela? On sait que, dans les budgets
globaux de la santé, par exemple, 20 % des budgets sont consacrés
aux problèmes de santé mentale et, en recherche, on se retrouve
avec une proportion de 8,4 %. Quels sont les facteurs historiques ou autres qui
expliquent cela?
M,
Carrière: Les facteurs historiques, c'est qu'il
n'y a pas de doute que la recherche en santé mentale n'a pas
été un pôle d'attraction, il y a un certain nombre
d'années, pour les jeunes chercheurs. Toute cette discipline de la
santé mentale est peut-être plus difficile à encadrer,
aussi. Dans certaines disciplines, par exemple, purement biomédicales,
on encadre bien le champ d'action de la recherche qui est plus précis,
tandis que, dans le domaine de la santé mentale, il y a une plus grande
difficulté à le définir et également,
traditionnellement, historiquement, les gens se sont moins
intéressés à ce secteur. Peut-être
étaient-ils surchargés par la demande de soins de toute nature
qu'ils avaient à rendre, par les problèmes qui les
préoccupaient au jour le jour, tant et si bien qu'on peut dire que cette
recherche est sous-flnancée et ne représente qu'une proportion
faible des sommes que nous dépensons dans une organisation comme la
nôtre, mais ta demande que nous avons est également relativement
faible.
Nous avons eu l'occasion de voir ce qui se passe dans d'autres pays
également. Quand on considère, par exemple, l'aspect purement
psychosocial de la recherche dans le domaine de la santé mentale et
qu'on se rend compte de ce qui se passe en France, par exemple, on voit que,
là aussi, il y a un grand trou. Tous les gens se cherchent et se
demandent de quelle façon aborder le problème et comment stimuler
un intérêt pour la recherche dans ce secteur. C'est un secteur
qu'on pourrait peut-être qualifier de plus difficile à
définir que certains autres secteurs. Il apporte moins de
rentabilité pour un chercheur, à court terme. II ne faut pas
oublier que le chercheur est une personne qu'on met dans une espèce de
fosse aux lions, qui doit survivre au jour le jour et produire pour
régénérer ses subventions de recherche. Dans des secteurs
moins bien définis, il a beaucoup plus de difficulté à
survivre, ce qui fait qu'il a tendance à s'orienter dans des secteurs
où le subventionnement semble meilleur. Vous savez, le Québec est
un secteur, mais nous faisons partie d'un grand ensemble. Quand on parle de
communauté scientifique, on ne parte plus de frontières. Le
secteur de la santé mentale est sûrement internationalement un
secteur beaucoup plus difficile à cerner et dans lequel il est plus
difficile d'aboutir à des résultats plus immédiats; donc,
il met toujours la carrière du chercheur beaucoup plus en
péril.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous retrouvez cette même
proportion affectée de la même façon dans les autres
provinces? En Ontario, par exemple, ou même aux États-Unis, en
regard de la santé mentale, est-ce qu'on retrouve cette disproportion,
si on veut, entre la santé mentale et les autres types de recherche
biomédicale?
M. Carrière: Quand on veut définir la santé
mentale, on peut partir de la neurophysiologie, de la neuropharmacologie...
Mme Lavoie-Roux: Alors, à ce moment-là...
M. Carrière: ...jusqu'au plus psychosocial. Il est
difficile de cerner ce secteur de façon très précise.
Par contre, quand on parle des interventions de nature nettement, si on
veut, plus psychosociale, je pense que c'est un secteur qui est peut-être
moins subventionné, certainement moins. Par contre, encore une fois, il
faut regarder d'autres aspects. Est-ce que les mêmes Investissements sont
nécessaires pour la recherche en santé mentale par rapport
à la recherche davantage biomoléculaire? (15 h 45)
Je m'explique. Monter un laboratoire de recherche biomoléculaire,
cela demande des investissements tout à fait incroyables. On parle d'un
appareil de résonance magnétique nucléaire; cela
coûte quelques millions de dollars, simplement pour Installer l'appareil.
Pour la recherche dans un autre secteur comme la santé mentale,
installer un chercheur, c'est peut-être beaucoup moins coûteux.
Or, il est difficile de faire l'adéquation entre uniquement le
montant d'argent et la quantité de recherche faite. J'aimerais mieux
parler de quantité de recherche faite dans ce secteur de la santé
mentale. C'est nettement plus faible que dans bien d'autres secteurs. Par
ailleurs, j'aimerais souligner que, pour un organisme comme le FRSQ, c'est une
proportion relativement faible de notre budget. Mais il faut bien comprendre
que 96 % de notre budget sont alloués à l'Infrastructure de la
recherche que nous appuyons et que 4 % sont alloués de façon
aléatoire ou selon des priorités établies. Dans les 4 % de
priorités établies que nous avons, je dirais que 75 % de ces 4 %
vont à la recherche en santé mentale, mais c'est un montant,
quand même, très faible.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie, Dr Carrière. Je
reviendrai peut-être s'il reste du temps.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Joliette.
M. Chevrette: Donc, 75 % de 4 %, cela fait 2,8 %.
M. Carrière: Oui, on partait en tout de 4 %.
M. Chevrette: On va aller loin en Mérodel C'est ce qui va
nous permettre de faire le rattrapage en santé mentale, Je suppose?
J'ai une question très précise à vous poser, Dr
Carrière. Vous ne préconisez pas la création d'un nouvel
organisme subventionnaire. Quels sont les vrais motifs?
M. Carrière: Le vrai motif? M. Chevrette: Les vrais
motifs?
M. Carrière: Les vrais motifs. C'est parce que nous
croyons que, dans toute recherche, il y a un intérêt marqué
à ce que les chercheurs de différentes disciplines soient
regroupés, puissent échanger entre eux, à ce que les
chercheurs qui abordent les problèmes de recherche par
différentes méthodologies puissent avoir des interrelations entre
eux, de la cofertilisation. Nous avons l'expérience, dans le domaine de
la recherche, que les problèmes se solutionnent par des équipes
multidisciplinaires et non pas par des groupes de chercheurs ou, pis encore,
par des chercheurs isolés qui, à plus ou moins long terme, sont
voués nécessairement à la disparition.
Ce serait réinventer la roue que de penser que nous avons un
fonds de recherche en santé mentale, un fonds de recherche en
neurologie, un fonds de recherche en cardiologie, un fonds de recherche pour
les maladies du rein, etc. La recherche ne fonctionne plus comme ça. On
parle davantage de méthodologie de recherche et les biologistes
moléculaires, ce sont autant des gens qui s'Intéressent à
la santé mentale qu'aux problèmes de cardiologie, qu'aux
problèmes de gastro-entérologie. Alors, si vous essayez d'Isoler
la santé mentale, vous allez vous retrouver, finalement, avec une
agglomération de chercheurs de toutes les disciplines, donc avec une
autre organisation de synthèse et qui regroupe des chercheurs de
différentes disciplines.
M. Chevrette: Mais tel que conçu, le fonds de recherche a
une certaine autonomie, pour ne pas dire une autonomie certaine, dans la
sélection des projets de recherche, dans l'octroi de bourses aux
chercheurs, etc. Le budget dépend du gouvernement, mais, pour le reste,
vous avez une autonomie assez marquée. Je vous pose la question
suivante. La ministre de la Santé et des Services sociaux désire,
demain matin, effectuer un virage à 90 degrés pour réussir
à faire de ta recherche en santé mentale, mais en particulier du
côté psychosocial, sous prétexte qu'en pharmacologie vous
avez étudié suffisamment de choses pour l'instant, mais que la
dimension sociale a été tellement oubliée dans le
passé qu'il nous faut donner un coup de barre extraor- dinaire. Quelle
garantie a la ministre que le coup de barre sera donné?
M. Carrière: D'une part, je ne peux endosser l'assertion
que vous faites en disant que le fonds de recherche est complètement
libre de dépenser l'argent comme il le fait
M. Chevrette: Je n'ai pas dit libre; j'ai dit une autonomie dans
l'octroi des bourses ou dans la sélection des boursiers et des types de
recherche.
M. Carrière: II a une autonomie à
l'Intérieur de programmes qui sont bien spécifiques, de
programmes dont le budget est présenté au ministère chaque
année pour approbation. À l'intérieur d'un programme, si
vous me demandez s'il a l'autonomie de décider que c'est tel
étudiant qui est plus méritoire que tel autre pour obtenir une
bourse, oui et ceci est basé sur des évaluations par des
comités de pairs et des scientifiques du milieu. Alors, il est
évident qu'à l'intérieur de chacun des programmes c'est
oui.
Par contre, chacun des programmes est sujet à une mesure
d'approbation et quand nous disons que, dans le programme des
chercheurs-boursiers, II y a 5 600 000 $ de dépensés
annuellement, ces 5 600 000 $ font partie d'un budget bien clair et
précis dans la programmation d'un organisme comme le FRSQ. Qu'un
programme de recherche en santé mentale soit établi avec un
budget défini, le FRSQ n'a jamais trahi ses obligations au cours des
années et il y aura un montant dépensé en recherche en
santé mentale après s'être entendu sur les termes de ce
programme.
M. Chevrette: Mais, à supposer que la ministre veuille
qu'il y ait de fa recherche bien spécifique, par exemple, sur le
rôle des ressources intermédiaires, sur l'évaluation des
ressources intermédiaires, sur leur impact sur la personne face, par
exemple, à tel type de maladie bien spécifique, bien
identifié - vous affirmez, dans un premier temps, que vous ne
préconisez pas une discipline de recherche mais bien une approche
beaucoup plus rigoureuse - elle pourrait le faire avec une structure qui lui
est propre et qui est spécifique, comme le recommande le rapport
Harnois, par rapport à ce que vous proposez vous-mêmes. Non?
M. Carrière: Les relations que notre organisme a avec Mme
la ministre et le ministère de la Santé et des Services sociaux
sont des relations où il y a un dialogue constant et une consultation
constante. Je serais fort surpris qu'au ministère on ne tienne pas
compte de l'opinion d'un organisme comme le FRSQ parce qu'on en tient
régulièrement compte, on le consulte pour savoir comment
procéder parce que, finalement, le FRSQ représente une
agglomération de scientifiques qui ont de l'expérience
dans le secteur de la recherche. Le type de relations harmonieuses que
nous avons actuellement ne me laisse pas tellement songeur quant à des
mesures qui pourraient être imposées sans consultation.
M. Chevrette: C'est dommage qu'on ne puisse pas interroger le Dr
Harnois. On pourrait lui demander pourquoi il a préconisé la
création d'une autre structure. Est-ce que Mme la ministre pourrait nous
répondre?
Mme Lavole-Roux: D'après ce que je comprends, à la
page 75, je ne crois pas que c'est ce qui est préconisé.
M. Chevrette: Bien, c'est la recommandation 10. Je vais vous
aider.
Mme Lavoie-Roux: Oui. "Que le Conseil québécois de
la recherche sociale et le Fonds de la recherche en santé du
Québec s'assurent du fonctionnement de mécanismes conjoints de
détermination de priorités, d'analyse de projets et de
modalités d'allocation..." Cela, c'est la recommandation 10 comme telle.
Mais si on regarde avant...
M. Chevrette: Mais dans le mémoire, en tout cas, c'est
clair que...
Mme Lavoie-Roux: Diverses possibilités ont
été envisagées quant à la façon la plus
appropriée de concrétiser l'impulsion qui doit être
donnée au secteur de la recherche en santé mentale. La
création d'un nouvel organisme subventionné ou la mise à
contribution - il y a une alternative. C'est bien ce que je comprends - des
organismes existants peuvent s'avérer des hypothèses plausibles.
La nécessité d'une intégration beaucoup plus
poussée des... Je ne crois pas qu'ils se soient prononcés
strictement. Ils ont dit: C'est une possibilité, mais il y a aussi
l'autre possibilité d'une plus grande collaboration.
M. Chevrette: Non, mais c'est ce qui est dommage. On
étudie un rapport où on ne peut pas faire parler l'Individu. S'il
a senti le besoin de nous dire qu'il y avait une alternative, c'est parce qu'il
y avait quelque chose, II avait des objectifs. Il n'a pas lancé cela
exclusivement pour faire des hypothèses. Je demeure convaincu que s'il
l'a écrit... Puisqu'il ne veut pas parier on va parler, en son nom. En
tout cas, on va parier en fonction de l'interprétation qu'on en fait
Mme Lavoie-Roux: Faites votre interprétation.
M. Chevrette: L'interprétation que j'en fais, c'est que le
Dr Hamois voulait avoir la certitude que des sommes spécifiques pour des
objectifs bien précis soient données. Il parle de coordina- tion
entre deux structures. Le Dr Carrière a beau dire que cela fonctionne
bien entre deux structures, chose dont je ne doute pas, il n'en demeure pas
moins qu'une volonté politique gouvernementale est assujettie à
la concertation de deux structures, alors que, dans le rapport, il y avait
l'hypothèse, en tout cas... Moi, j'avais interprété le
rapport Harnois comme se donnant une police d'assurance qu'on pouvait donner
des coups de barre à des priorités bien spécifiques et ce,
à court terme, surtout dans le cadre du rattrapage qu'on a à
faire en santé mentale.
Mme Lavoie-Roux: Je l'ai demandé d'une façon plus
précise.
M. Chevrette: Oui.
Mme Lavoie-Roux: C'est une hypothèse qui a
été soulevée, mais ce qui a été
véritablement retenu me semble être la recommandation
encadrée, à savoir qu'il y a une collaboration étroite
entre le FRSQ et le CQRS.
L'autre notion qui est introduite, c'est la présence de personnes
issues du secteur de la santé mentale au sein des conseils
d'administration des organismes subventionnaires de recherche; cela leur
apparaît comme une exigence minimale. S'il n'y a vraiment personne qui se
sent concerné ou intéressé de plus près, j'imagine
que cela pourrait être une absence qui se traduirait peut-être par
une "défavorisation" du secteur de ta santé mentale. Si vous
accordez des subventions pour la recherche en santé mentale, je pense
que, normalement, les fonds seront utilisés à cette fin.
Je suis peut-être plus inquiète, si vous me permettez
d'ajouter, ceci M. le chef de l'Opposition...
M. Chevrette: Bien sûr.
Mme Lavoie-Roux: On sent, au FRSQ, selon ce qu'a exprimé
le Dr Carrière, ce désir de collaborer avec le CQRS; par contre,
il y a une tradition différente. D'abord, la vôtre est plus longue
et il y a une tradition différente de fonctionner qui va créer
des difficultés d'arrimage. Cela va prendre un certain temps avant que
cela s'aplanisse et que le travail se fasse en véritable collaboration.
Ce qu'ils ont retenu, finalement, c'est la collaboration entre les
organismes.
M. Carrière: Si je peux commenter ceci, il est
évident que deux structures qui ont deux conseils d'administration et
qui veulent avoir des programmes communs, cela cause certaines
difficultés administratives. Par ailleurs, nous nous sommes bien
entendus que nous démarrions, et très bientôt si,
évidemment, les budgets sont débloqués, la formation
d'équipes conjointes, CQRS et FRSQ. C'est le premier jalon que nous
avons trouvé parce que c'est le plus facile à
réaliser. C'est un de nos objectifs très Importants
à réaliser; c'est un objectif important du CQRS également
et celui qui, dans l'Immédiat, est le plus facilement
réalisable.
Il est bien évident que, lorsqu'on parle, par exemple,
d'augmenter le subventionnement de nos centres de recherche, il y en a trois,
en particulier, qui ont des intérêts surtout en santé
mentale, mais qui ont, quand même, d'autres Intérêts qui ne
sont pas complètement orientés vers la santé mentale.
Également, II y a d'autres centres de recherche qui n'ont pas, si vous
voulez, l'étiquette "centre de recherche en santé mentale". Un
exemple tout à fait pratique, l'institut neurologique de
Montréal; évidemment, il y a beaucoup de travaux qui se font en
collaboration avec des gens intéressés à la santé
mentale. C'est un centre de recherche FRSQ. Donc, avant d'amalgamer tout cela
dans une politique commune FRSQ-CQRS, c'est évident qu'il y a un bout de
chemin à parcourir. Par contre, après de nombreuses rencontres
avec des gens du CQRS, dans bien des secteurs, surtout en ce qui concerne les
équipes et la formation de chercheurs, les objectifs sont tout à
fait communs et il y a lieu d'entrevoir une collaboration dans un avenir
très Immédiat
M. Chevrette: Avez-vous affirmé, tantôt, qu'il y
avait peu de demandes en ce qui concerne la santé mentale?
M. Carrière: C'est vrai que les demandes sont relativement
plus faibles que dans d'autres secteurs.
M. Chevrette: À quoi attribuez-vous cela?
M. Carrière: Aux pôles d'attraction. Il faut
créer un milieu attrayant pour motiver les jeunes à s'orienter
dans un secteur défini. Quand il n'y a pas de masse critique assez
Importante, quand il n'y a pas suffisamment de groupes de chercheurs
productifs, c'est difficile d'en attirer. C'est la raison pour laquelle j'ai
toujours insisté - je pense que c'est une politique tout à fait
défendable - pour dire que, le jour où on décide
d'instaurer un programme de recherche en santé mentale valable, il ne
faut pas y aller par miettes. Il faut vraiment y aller avec un programme qui se
tient, un programme d'envergure, tenant compte des moyens du Québec,
bien évidemment, mais un programme qui fera qu'on attirera ces masses
critiques qui feront boule de neige et attireront des jeunes à
s'intéresser à ces problèmes. Sinon, plus les chercheurs
sont isolés, plus leurs chances de succès sont faibles. Ils le
savent, vous savez, on n'a pas besoin de leur expliquer cela, au
départ
M. Rochefort: M. le Président...
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Gouin.
M. Rochefort: ...seulement une petite question là-dessus
au Dr Carrière. Qu'est-ce que veut dire la masse critique minimale
requise pour bâtir cette force d'attraction?
M. Carrière: Les centres de recherche, avec
l'expérience que nous avons actuellement dans les milieux hospitaliers,
qui ont une dizaine ou une douzaine de chercheurs, ce sont des centres qui ont
vraiment la masse critique nécessaire pour très bien fonctionner.
Donc, si vous me demandez le nombre minimum de chercheurs, un centre de
recherche devrait viser au moins huit, dix ou douze chercheurs autonomes, ce
qui fait qu'il y a des assistants de recherche, des étudiants en
formation postdoctorale, des étudiants à la maîtrise et au
doctorat qui créent cette masse, ce milieu, ce climat scientifique
intéressant et stimulant.
M. Rochefort: Cela veut dire un budget de quel ordre de grandeur
à peu près? (16 heures)
M. Carrière: Bon. On a, dans notre mémoire,
à la fin, un adendum qui donne la recommandation pour les centres de
recherche. Peut-être que M. Poirier pourrait me dire le numéro. La
recommandation 1 parle du nombre de chercheurs ajoutés aux centres
déjà existants. Parlons d'un subventionnement de 500 000 $
à 1 000 000 $ comme chiffres pour supporter l'Infrastructure, les
chercheurs et tous les centres de recherche. N'oublions pas qu'au départ
on doit également apporter un support plus direct à la recherche
qui elle-même est mal subventionnée. Tant que les gens n'auront
pas pignon sur rue et n'auront pas atteint un certain degré de
notoriété, ils ne seront pas très concurrentiels pour les
organismes nationaux. Encore une fois, les fonds de recherche des organismes
nationaux en fonction de la santé mentale sont peut-être plus
difficiles à obtenir que dans d'autres secteurs. Donc, il y a une
période d'émergence et on doit vraiment attendre quelques
années avant qu'on ait bâti l'Infrastructure de ces centres de
recherche, et qu'ils deviennent vraiment autonomes et rentables pour nous.
Quand on parie de centres de recherche qui vont chercher 5 $ pour 1 $ qu'on
investit, nous disons que c'est très rentable, C'est beaucoup d'emplois,
c'est beaucoup de recherche scientifique et c'est très rentable pour
notre milieu.
M. Rochefort: Merci.
Le Président (M. Bélanger): D'autres
interventions?
Mme Legault: Vous faites beaucoup de recherche sur la
santé mentale. Je voudrais savoir jusqu'à quel point vous faites
de ta recherche aussi sur la "schivo"...
Une voix: La sclérose en plaques?
Mme Legault: Voyons, "schiphrocénie". Une voix:
Schizophrénie.
M. Carrière: Personnellement, je ne suis pas un chercheur
en santé mentale. Je suis néphrologue et je m'occupe surtout de
problèmes rénaux. Quant à la recherche sur la
schizophrénie, vous posez une bonne question. Directement, dans les
équipes de recherche que nous subventionnons, je pourrais vous
répondre d'emblée: Très peu. Au niveau international, je
pourrais vous dire que, depuis de nombreuses années, c'est un
problème qui retient, évidemment, l'attention de bien des gens.
Mais je pense qu'on est encore loin de la solution.
Mme Legault: Merci.
M. Chevrette: En termes de données, II doit y avoir non
seulement de la recherche, mais de la compilation de recherche qui se fait dans
les organismes comme tels. Quels sont les échanges? Est-ce qu'il y a des
ententes entre votre fonds de recherche, par exemple, et certains organismes
nationaux ou internationaux?
M. Carrière: Premièrement, les échanges se
font entre les organismes de recherche. Il est bien évident que nous
sommes à l'affût de ce que chacun des organismes de recherche
subventionne parce que notre but au Québec n'est pas de faire de la
duplication, mais bien de stimuler l'émergence de recherche, de stimuler
de l'infrastructure pour que, justement, on aille chercher tout ce qui est
disponible. C'est fondamental.
Deuxièmement, au niveau de chacun des centres de recherche et des
chercheurs, il est bien évident que l'échange d'informations
scientifiques se fait par des colloques, des congrès, des publications,
etc.
M. Chevrette: II y a eu quelques mémoires. Comment
expliquer que des parents nous disent que les sources d'information sont soit
à Toronto ou aux États-Unis alors qu'on dit qu'on est à la
fine pointe des données et qu'on évite la duplication? Comment se
fait-il qu'au Québec des citoyens, des groupes de citoyens ou des
associations n'aient pas accès à ces genres d'études, par
exemple?
M. Carrière: Je pense qu'il y a beaucoup de vulgarisation.
Premièrement, le FRSQ est un organisme public. Il a un rapport annuel et
tout. Les investissements qui se font dans un secteur et dans l'autre sont
publics et sont disponibles pour tout le monde. C'est distribué
largement. Également, si vous partez des organismes de recherche, des
organismes comme le nôtre ont publié, par exemple, un
numéro spécial de ta revue Forces pour, justement, diffuser dans
le public, non seulement ici, mais internationalement, et bien mettre en valeur
ce que nos chercheurs font dans chacun des centres, etc. Encore une fois, si
vous parlez de diffusion d'information par des organismes comme le nôtre,
nous sommes présents dans les médias régulièrement
En ce qui concerne nos chercheurs, vous n'avez qu'à penser à
certaines émissions à ta radio. En particulier, pour la
santé mentale, on a un bonhomme à temps partiel au niveau de la
presse écrite et de la presse orale, le Dr Lamontagne, qui est un
psychiatre que tout le monde connaît. C'est quelqu'un qui donne de
l'information et qui avise le public sur les problèmes de santé
mentale. Je pense qu'il y en a de l'information qui est diffusée.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'il me reste une minute?
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie, Mme la
ministre.
Mme Lavoie-Roux: II y a seulement une question que j'aurais
aimé vous poser. Dans votre mémoire, lorsque vous faites une
certaine comparaison entre la recherche biomédicale dans d'autres
domaines et celle réalisée en santé mentale, vous parlez
d'un critère de rentabilité de cinq à un,
c'est-à-dire des autres domaines de ta santé par rapport à
la santé mentale. Quelles sont les raisons de ceci? Le critère de
rentabilité pourrait-il être modifié? Est-ce qu'on est dans
une espèce de cercle vicieux? Vu qu'il se fait peu de recherche, cette
rentabilité est-elle moindre? À quoi est due cette
différence de rentabilité?
M. Carrière: Je pense que c'est un fait bien connu que des
équipes qui ont un bon volume, qui ont une masse critique importante,
qui ont une stimulation entre elles, qui ont beaucoup d'échanges au
point de vue de la méthodologie, au point de vue des Idées, etc.,
deviennent très productives, ont une notoriété très
bien établie et vont chercher beaucoup plus de subventionnement à
l'extérieur que des groupes plus petits, qui s'affirment moins et qui,
en plus, s'ils n'ont pas cette masse critique au départ, n'iront pas
chercher la grosse subvention, mais les miettes. C'est la raison pour laquelle
nous préconisons que, si on veut vraiment démarrer de solides
recherches en santé mentale, il faut faire les Investissements voulus;
sinon, cela ne sert à rien de faire de l'émiettage parce qu'on va
toujours vivoter de cette manière.
Mme Lavoie-Roux: Ce que vous dites, Dr Carrière, c'est que
cette différence de niveaux n'est pas due à l'objet de la
recherche ou à la nature de la recherche, mais qu'elle est davantage due
aux investissements qui, historiquement, ont été consacrés
à l'un par rapport à l'autre. Est-il juste de penser cela?
M. Carrière: Nos groupes en santé mentale ne sont
pas très gros. Ils ont une bonne qualité, mais Ils ne sont pas
très gros. Moins un groupe est gros, moins il va générer
des subventions substantielles.
Mme Lavoie-Roux: C'est le cercle vicieux dans le fond, oui.
D'accord.
M. le Président, je voudrais remercier le Fonds de la recherche
en santé du Québec, son président et son directeur
général pour leur mémoire. Je peux vous assurer que, dans
l'adoption ou l'élaboration finale d'une politique en santé
mentale, l'élément recherche en est certainement un qui sera
retenu. Il est difficile, pour moi, de vous dire quelle sera la
générosité ou les disponibilités financières
du gouvernement, mais c'est un élément qui, depuis bon nombre
d'années, est continuellement porté, je pense, à
l'attention des gouvernements comme un besoin essentiel et indispensable, si on
veut avancer dans ce domaine.
Quand on regarde en rétrospective ce qui a été
consacré comme montant de recherche, par exemple, pour le cancer
comparativement à ce qui a été consacré - et ce
n'est pas juste ce que les gouvernements ont accordé parce qu'il y a
aussi des sociétés du cancer, des tas de fonds ou de subventions
qu'on peut alter chercher d'autres sources - au domaine de la maladie ou de la
santé mentale, il est évident que le deuxième est un
parent très pauvre. Pourtant, comme je le disais tout à l'heure,
c'est un domaine auquel le gouvernement et les contribuables doivent consacrer
des efforts importants quotidiennement, mais sans qu'on ait - et
peut-être que j'ai tort de dire cela; tout à l'heure, les
psychiatres pourront me dire si j'ai raison ou si j'ai tort - l'Impression
qu'on piétine, comparativement à d'autres secteurs de la
santé, probablement davantage dans le domaine de la santé mentale
que dans d'autres domaines de la santé physique.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Joliette.
M. Chevrette: Je vous remercie infiniment de votre apport
à cette commission. Je vais en profiter parce que la ministre m'a ouvert
une porte. Je ne pense pas que ce soit les psychiatres plus que d'autres
groupes ou même le FRSQ qui font qu'on est en retard en santé
mentale. C'est le manque de volonté politique, non seulement du dernier
gouvernement, mais de l'ensemble des gouvernements depuis un bon nombre
d'années.
Le Président (M. Bélanger): Alors, au nom de la
commission, je remercie le Fonds de la recherche en santé du
Québec, c'est-à-dire, le Dr Carrière et M. Poirier, et
j'invite le prochain groupe, l'Association des psychiatres du Québec,
à se présenter à la table des témoins. Il sera
représenté par le Dr Jean-Jacques Bourque, président, le
Dr Claude Ménard, trésorier, le Dr Serge Gauthier,
secrétaire, le Dr Arthur Pires, conseiller, et le Dr Renée Roy,
conseillère.
Alors, bonjour à l'Association des psychiatres du Québec.
Je voudrais savoir, premièrement, qui est votre porte-parole, s'il vous
plaît, et qu'il nous présente son équipe. Je vais ensuite
vous expliquer un peu nos règles de procédure. Vous avez 20
minutes pour présenter votre mémoire et il y a 40 minutes de
discussion avec les membres de la commission.
Alors, j'inviterais donc votre porte-parole à s'identifier,
à identifier son équipe et ensuite à procéder a
l'exposé du mémoire.
Association des psychiatres du Québec
M, Bourque (Jean-Jacques): Je suis le Dr Jean-Jacques Bourque,
président de l'association, et je vous présente, à ma
gauche, le Dr Arthur Pires, de Québec, à ma droite, te Dr Serge
Gauthier, de Montréal, ensuite, le Dr Renée Roy, de
Montréal, et le Dr Claude Ménard, de Gatineau.
Alors, l'Association des psychiatres du Québec vous transmet ses
commentaires généraux à la suite de la lecture du rapport
Harnois Vers un partenariat élargi. Il s'agit dans l'ensemble de
commentaires généraux, étant donné que le
comité s'est attaché, dans son effort de synthèse,
à dégager surtout des éléments et des principes
généraux d'une politique de santé mentale. Nous aurions,
pour notre part, souhaité que le projet d'une politique de santé
mentale du comité Harnois présente de façon un peu plus
explicite ses recommandations, en tenant compte d'éléments
documentés de la réalité, de la pratique, de la mise en
application des soins et traitements des problématiques de la
santé mentale.
L'orientation théorique privilégiée par le
comité ne permet pas la mise en place d'un véritable plan
d'action gouvernemental à l'égard d'une politique en santé
mentale.
De plus, nous avons l'Impression que le rapport du comité, en
privilégiant comme objet principal les pathologies dites lourdes et
chroniques, reproduit l'impasse dans laquelle semblent s'être
enfermés plusieurs services et départements cliniques de
psychiatrie. À cet égard, et malgré l'ampleur du
problème social que représentent les pathologies psychiatriques
chroniques, nous avons l'impression que quelque rapport que ce soit
privilégiant de façon prioritaire cette seule dimension ne
saurait trouver un écho favorable de la part des intervenants nf de la
population. En effet, et malgré, encore une fois, l'ampleur de cette
problématique, les pathologies psychotiques lourdes et chroniques
représentent une portion relativement faible de l'ensemble des
problématiques psychiatriques, psychologiques et
de la santé mentale qui demeurent négligées et dans
l'ombre.
Le domaine de la santé mentale regorge de difficultés
particulières impliquant directement les compétences
spécifiques du psychiatre: les enfants à risque (les pathologies
précoces de la relation mère-enfant, la
prématurité, les placements répétitifs, les enfants
maltraités); l'adolescence problématique (la promiscuité
sexuelle, l'adolescente enceinte, la polytoxicomanie); la violence conjugale;
le nouveau patient chronique; les troubles sévères de la
personnalité; les pathologies biologiques chroniques et leurs
répercussions sur l'état psychologique du patient et de sa
famille; la personne âgée (la démence, les
dépressions masquées); le patient détenteur d'un double
statut psychiatrique et judiciaire.
Cette énumération est loin d'être exhaustive, elle
ne représente qu'un aperçu des problèmes rencontrés
dans la pratique courante. (16 h 15)
Par ailleurs, les efforts en prévention et au plan de la
recherche, réduits à une tranche en définitive
limitée de ta population aux prises avec des problèmes de
santé mentale, seront théoriquement souhaités et
Invoqués. Mais, sur le plan de la logistique pratique, ils risquent
d'être court-circuités et invalidés par la
négligence de parties importantes du champ clinique. Nous pensons
évidemment à la pédopsychiatrie, à la clinique
psychosomatique et à la clinique gérontopsychiatrique
considérée dans son sens large. Mais nous pensons aussi à
la clinique psychiatrique adulte qui, par la force des choses, néglige
une partie Importante de la population affligée de problèmes
névrotiques d'adaptation, de difficultés familiales et au plan du
travail.
Nous exprimons ces commentaires par le biais du clinicien psychiatre
confronté quotidiennement à une multiplicité de
problématiques, régulièrement lourdes, mais non
nécessairement psychotiques chroniques. Confronté
également à une pénurie de ressources et de moyens
d'action qui laissent les équipes, les cliniciens et les Intervenants
avec des sentiments d'impuissance, de frustration et d'insatisfaction. Nous ne
retrouvons, dans le rapport du comité Harnois, aucun
élément ni mesure concrète à court ou à
moyen terme susceptibles de les encourager ni de leur transmettre un espoir
réaliste d'améliorer la qualité de leur pratique.
Il est même frustrant en tant que psychiatre de constater
l'absence totale de références à cette
spécialité médicale qui a assuré historiquement un
rôle de leadership et de pilier pour l'élaboration des plans de
traitements et de soins. Cette négligence, dans la mesure où elle
méconnaît l'expertise la plus qualifiée à
l'égard des problématiques de la santé mentale, s'aggrave
au niveau des recommandations par l'absence d'indications à
l'égard des rôles de la psychiatrie dans les processus et
mécanismes prévus de concertation.
L'évacuation dans te rapport du champ de la
pédopsychiatrie nous laisse, dans un premier temps, perplexes. Un
deuxième temps de la réflexion nous incite à y voir une
confirmation de la négligence importante à l'égard non
seulement des cliniciens de cette spécialité, mais surtout
à l'égard de la partie de la population qui constitue la plus
grande richesse naturelle de notre société.
Tout au long du rapport, la vision aliéniste, en ce qui concerne
la psychiatrie, nous semble prédominer, ce qui constitue une perte
d'occasion à l'intérieur d'un momentum propice à
redéfinir la psychiatrie et à la présenter dans une
perspective globale de façon à rassurer les organismes et les
intervenants. Le psychiatre est l'expert tout désigné de par sa
formation biopsychosociale pour élaborer des programmes de
prévention, pour sensibiliser la population, pour former les
intervenants oeuvrant dans des ressources clés. Le psychiatre a aussi un
rôle essentiel d'aiguilleur, capable d'évaluer la psychopathologie
et le traitement de choix à préconiser. Il nous semble que la
population fonctionnelle et les intervenants peuvent, à juste titre, se
sentir frustrés de ne pouvoir avoir accès à des services
de qualité.
Nous félicitons, en terminant, te comité pour son effort
de synthèse de l'ensemble des dimensions impliquées. Nous
souhaitons qu'une politique gouvernementale en matière de santé
mentale tienne compte de ce rapport. Mais nous croyons qu'une véritable
politique de santé mentale devra s'enrichir des réflexions des
cliniciens et des éléments pratiques de solution.
L'expérience des psychiatres ayant mis en place des services de
psychiatrie communautaire dans les années soixante-dix doit être
considérée de près si l'on veut éviter de
rencontrer tes mêmes embûches faute de support et de ressources
spécialisées.
Maintenant, M. le Président, si vous me le permettez, je pourrais
demander au Dr Pires d'apporter quelques commentaires, en fait, au texte que je
viens de vous présenter.
Le Président (M. Joly): Oui, allez; je reconnais le Dr
Pires.
M. Pires (Arthur): Merci. Je ferais aussi des
félicitations aux membres de la commission puisqu'il s'agit, à
mon avis, d'un travail gigantesque très séduisant et
impressionnant, et qui a été fait en plus pendant les heures
régulières de travail, je crois, des membres de la commission
pendant la durée des travaux. Alors, je crois que c'est doublement
méritoire.
Si je m'attarde un peu aux points positifs du rapport - ils sont
nombreux - je dirais, au départ, que le rapport dégage un
humanisme impressionnant. Du début à la fin du rapport, c'est
cette notion d'humanisme qui m'a le plus frappé et qui se traduit
concrètement à certains niveaux, notamment en ce qui concerne la
valorisation de la personne, l'intérêt et l'accent
qui sont mis sur l'individu qui est au centre du processus
thérapeutique ou de prévention, l'implication de la famille et de
l'entourage du patient, l'esprit de concertation dans un contexte
multidisciplinaire, les soins personnalisés, la place également
ou, enfin, fa notion d'une décentralisation des choix des actions qui
reviennent au plan local et régional; cela est un aspect que je trouve
très pertinent puisque les besoins d'un secteur ne sont pas
forcément les besoins de l'autre. Il y a aussi la place que le rapport
fait à l'information qui, jusqu'à présent, a
été assez négligée, la sensibilisation à la
prévention, qui est un autre aspect très important, ta recherche,
l'intérêt, la sensibilisation à la recherche et à
l'enseignement continu, de même qu'une amélioration des
communications interdisciplinaires. C'est un autre aspect sur lequel on n'a pas
beaucoup évolué jusqu'à présent, malgré des
efforts.
Je dirais cependant, concernant ces aspects positifs qui sont le coeur
du rapport, c'est-à-dire la personne, le partenariat, la famille, que ce
sont des notions qui existent déjà et qui sont déjà
mises en pratique et te rapport joue le rôle de les renforcer, ce qui est
extrêmement Intéressant Ces notions de l'implication de la
famille, de la valorisation de la personne, de soins personnalisés,
elles existent déjà. Heureusement, on les pratique et, en tant
que psychiatres cliniciens, nous accordons énormément
d'importance au rôle des travailleurs sociaux, à l'équipe
multidisciplinaire, aux rencontres hebdomadaires de discussions, aux rencontres
avec les organismes communautaires d'aide au patient Donc, il y a
déjà des soins personnalisés, un contact
personnalisé et la personne est déjà extrêmement
importante, je dirais, pour ta plupart des soins psychiatriques et en
santé mentale.
Passons donc aux points du rapport que je considère moins
positifs. Je dirais que je trouve le rapport peut-être un peu trop
théorique et peu pragmatique à prime abord. Il exprime une
philosophie séduisante et intéressante; on aura l'occasion de
revenir sur cela. Je considère aussi que le rapport est trop
globalisant, trop uniformisant en ce qui concerne les pathologies,
c'est-à-dire qu'il en tient compte, bien sûr, mais II ne tient
peut-être pas suffisamment compte des différences entre les
grandes pathologies, les pathologies légères et les pathologies,
disons, mineures, psychosociales ou à la limite de la normalité.
Je crois que le rapport aurait dû, à ce niveau, établir des
nuances plus prononcées que celles qui sont inscrites.
Je crois aussi qu'il est un peu trop uniformisant en ce qui concerne les
thérapeutes qu'on appelle "intervenants" et qu'on risque
éventuellement de dépersonnaliser. C'est un point de vue. Je
crois que le rapport ne distingue pas suffisamment les domaines de la
prévention et du curatif. Pour un psychiatre clinicien qui a l'oeil
aussi sur les aspects de prévention, j'aurais
préféré voir dans le rapport une nuance plus
marquée à ce plan. Concernant les facteurs biologiques, ils sont
un peu escamotés et je crois qu'il y aurait avantage à Inclure
cette dimension dans te rapport.
On ne parle pas - et c'est surprenant - du manque d'effectifs et de
psychiatres dans certaines régions, ce qui est un problème
crucial. Évidemment, j'aurais préféré y voir une
définition plus détaillée des services
surspéclallsés qu'on pourrait instaurer dans certaines
régions, en tout cas, la plupart du temps, un peu partout, comme des
unités pour les patients "borderline", des unités pour
délinquants, des unités pour toxicomanie et alcoolisme, des
unités pour enfants avec des pathologies chroniques à long terme
comme les autistiques, des foyers de groupe pour adolescents ayant des troubles
de comportement. En fait, ce sont des notions qui sont, de toute façon,
dans le rapport, mais qui ne sont pas suffisamment développées
pour susciter une mise en action.
J'aurais aussi préféré que le rapport puisse
pondérer davantage les notions de médicalisation et
d'Institution. Ce sont deux notions qui ont pris, au fil des années, une
connotation quelque peu péjorative et je crois qu'il faudrait que la
notion de médicalisation soit considérée dans le sens qui
est souhaitable telle qu'elle est, donc cela veut dire la purifier de ce qui
pourrait être une mauvaise médicalisation, une
surmédicalisation, de même que l'Institution qui est
nécessaire pour beaucoup de patients et qui pourrait être une
bonne institution. Ce sont des notions que j'aurais aimé voir un peu
plus pondérées, en tout cas, pour qu'on puisse faire une nuance
entre les deux.
J'aurais également préféré y trouver une
description - je suis peut-être trop porté vers tes détails
- concernant les structures décisionnelles et les ressources
thérapeutiques, concernant les différentes lignes des
Interventions. J'aurais aimé y voir une définition du rôle
du département de santé communautaire dans le cadre d'un
territoire donné, de même que des CLSC. Je crois que, si nous
allons vers une psychiatrie de la santé mentale globale qui Inclut la
prévention et le traitement, qui connaît le problème de ta
désinstitutionnalisation aussi, il aurait peut-être fallu
définir avec plus de précision le rôle du
département de la santé communautaire et des CLSC, de même
que tous les mécanismes qui pourraient être en rapport avec
certaines unités surspécialisées et certains instruments
thérapeutiques que nous n'avons pas suffisamment aujourd'hui. Il aurait
fallu mieux déterminer par exemple, ta création d'hôpitaux
de jour, de maisons de transition pour jeunes schizophrènes et un
réseau d'appartements supervisés. Tout cela y est d'une certaine
façon dans le rapport, mais, là encore, il aurait peut-être
fallu y mettre un peu plus de précision et que le rapport soit un peu
plus pragmatique.
Je pourrais peut-être conclure mon impression du rapport en disant
qu'il est un rapport
extrêmement intéressant qui traduit une philosophie
humaniste des interventions en santé mentale, ce qui est pour nous un
nouveau vocabulaire, je crois. Je considère par contre qu'il est trop
théorique, qu'il aurait avantage à être plus pragmatique et
qu'il devrait comporter des mécanismes et des échéances,
notamment en ce qui concerne les définitions de certains instruments, le
DSC, le CLSC, etc., à partir desquels des politiques pourraient
être déterminées plus facilement.
Finalement, un commentaire plus théorique, c'est que les mots
clés, les notions clés du rapport, c'est-à-dire la notion
du partenariat, la notion de la famille, de l'individu au centre de tout le
processus devraient être considérés non pas comme des
instruments thérapeutiques primordiaux ou principaux, mais comme des
attributs, des qualités qui devraient donner la couleur à tous
nos actes thérapeutiques et de prévention. Je trouve que c'est
l'aspect le plus honorable du rapport.
Je considère aussi qu'une politique en santé mentale doit
tenir compte, d'une façon peut-être plus explicite, des
différentes catégories de patients et de non-patients, de gens
aux prises avec des problèmes de santé mentale avec des
compensations à ce niveau-là, puisque les besoins des uns et des
autres sont extrêmement différents. Alors, je crois que ce serait
préférable de créer des sections, des orientations, des
besoins ou des mécanismes différents pour les différents
types de pathologies. Je crois aussi que le rapport devrait se pencher
davantage sur la notion des effectifs psychiatriques en ce qui concerne les
moyens à mettre en place pour créer plus de soins psychiatriques
dans les régions où II n'y en a pas. Ce sont les commentaires que
J'avais à faire, tout en disant que c'est un peu comme si ce rapport
traduisait une philosophie. J'aurais aimé voir un autre chapitre, un
autre tome, si vous voulez, avec la mise en application, c'est-à-dire
toute la procédure de mise en application à compter de demain
matin.
Je suis peut-être trop optimiste, mais Je crois que, pour la
psychiatrie au Québec, pour la santé mentale, dans le moment le
rapport est très pertinent, il est très Intéressant, mais
il faudrait peut-être une partie plus pragmatique qui semble manquer
actuellement.
Le Président (M. Joly): Merci. Je vais maintenant
reconnaître Mme la ministre, s'il vous plaît.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier
l'Association des psychiatres du Québec qui participe aux travaux de
cette commission sur un projet de politique en santé mentale. Je dois
vous dire que je suis un peu perplexe devant vos réactions, d'une part,
celle du porte-parole officiel et ensuite celle du Dr Pires. (16 h 30)
D'après la présentation du président de
l'association, on a l'impression de certaines frustrations. Par exemple cela
n'est pas sans fondement quand vous dites: On n'a pas parié de
pédopsychiatrie, on n'a pas parlé du psychia ' tre. C'est exact.
Je suis d'accord avec vous.
Je ne sais pas si vous avez véritablement saisi l'esprit du
rapport Harnols qui n'était justement pas de définir les
tâches spécifiques de chaque intervenant dans le milieu, mais
plutôt de travailler dans un esprit de convergence de tous les
Intervenants dans le milieu.
Il faut bien se dire que la psychiatrie demeure un point d'appui
important dans le domaine de la santé mentale. Je pense que personne ne
remet cela en question. Est-ce que cela aurait pu être plus... Il aurait
fallu le faire aussi pour le rôle de tous les autres intervenants dans le
milieu. Je pense que le rapport Harnois a voulu éviter cela en essayant
plutôt, comme je le disais tout à l'heure, de créer une
approche d'ensemble, une approche plus globale des problèmes de
psychiatrie, de santé mentale, qu'ils soient lourds ou plus
légers, qu'ils soient dans le domaine de la prévention ou dans le
domaine curatif. C'est peut-être à partir de cela que vous vous
dites: On a l'Impression que vous avez mis de côté tout ce qui est
la psychiatrie, qui est finalement un élément fondamental dans
l'approche curative des problèmes de santé mentale.
De l'autre côté, le Dr Pires, dans la première
partie de son exposé nous dit: Écoutez, vous parlez de la
famille, vous partez - Je n'ai pas pris de notes, malheureusement -
d'humanisme, etc. Ce sont toutes des choses qui existent en psychiatrie. Il n'y
a rien de nouveau là.
J'aimerais vous demander pourquoi on a eu l'Impression qu'à un
moment vous disiez qu'il n'y a rien de neuf dans le rapport Harnois, que ces
choses existent. Si c'était si parfait que cela et si toutes ces choses
existaient comme elles doivent exister ou comme on pense qu'elles existent, je
pense qu'on n'aurait même pas besoin d'être ici aujourd'hui. Il
faut bien se dire cela. Si on est ici aujourd'hui, c'est justement parce qu'il
s'est fait des choses intéressantes dans le domaine de la santé
mentale, it ne faut pas penser qu'il ne s'est rien fait jusqu'à
aujourd'hui. Il reste qu'on semble être arrivés à un
carrefour où, si on veut continuer de progresser, il faut essayer
d'examiner des avenues qui ne sont pas nécessairement
différentes, mais qui sont peut-être mieux articulées les
unes avec les autres, c'est-à-dire qu'il faut que les actions des uns
soient mieux articulées avec les actions des autres pour mieux servir la
personne et que les actions soient toujours en fonction de la personne et non
pas en fonction d'intérêts, remarquez bien, bien humains. Vous
n'êtes pas tes seuls, à cet égard, qui êtes venus
nous reprocher de ne pas avoir parlé de tel type d'intervenant ou de tel
autre type d'Intervenant. Je pense que ce n'était pas dans cet esprit
que le rapport a
été élaboré et je pense que ce n'est pas
dans cet esprit que l'on veut continuer
Je voudrais quand même vous demander ceci: Devant les
problèmes auxquels vous faites face, parce que vous aidez des gens
quotidiennement, mais il reste que vous savez fort bien que dans le domaine de
la santé mentale il y a des problèmes qui demeurent encore sans
solution... On peut dire que c'est parce qu'il n'y a pas assez de ressources.
Si c'était juste cela, peut-être que, si on ajoutait 1 000 000 000
$, il n'y aurait plus de problème. Mais Je pense que cela va
au-delà d'une question de ressources financières, je pense que
cela devrait aussi alter dans le sens d'un esprit nouveau ou d'un esprit
jusqu'à un certain point renouvelé avec l'exploration d'avenues
plus prometteuses du point de vue des résultats.
À tout événement, la question précise que je
voudrais vous demander est celle-ci: Quelle est votre perception à vous,
parce qu'on ne la perçoit pas dans votre mémoire, des gestes qui
devraient être posés si on parle de l'élaboration d'une
politique de santé mentale, quels sont pour vous les points clés
d'une telle politique qui permettraient justement de franchir ce qui devient
des étapes de plus en plus difficiles à franchir? On est
passé de l'institutionnalisation à la
désinstitutlonnalisatton. Là, on éprouve des
difficultés. Un grand nombre de nouvelles problématiques se sont
développées ou, à tout le moins, sont devenues plus
aiguës dans les dernières années et auxquelles il faut
trouver des réponses. J'aimerais savoir ceci: Comment percevez-vous
l'avenir dans ce domaine?
M. Bourque: Merci, Mme la ministre. Il est possible que nous
ayons mal compris, mais, en fait, remarquez que c'est vrai que nous nous sommes
sentis un peu frustrés par rapport au rapport. Une des raisons,
évidemment, c'est le fait que nous avions présenté un
mémoire au comité Harnois. Il nous semble que, dans ce rapport,
nos recommandations, dont plusieurs étaient pratiques et pragmatiques,
on ne les retrouve pas. Ce que vous me demandez là aujourd'hui, c'est un
peu, évidemment... Nous avions émis, à ce
moment-là, des recommandations assez précises comme, par exemple,
avoir plus de ressources humaines, matérielles, des soutiens
intermédiaires pour les patients. Tout cela, évidemment, est
là.
Ce qui nous fatigue et nous irrite un peu, peut-être à
tort, c'est le fait que ce qu'on voit dans ce rapport, on le voit vague, on le
voit un peu abstrait De belles choses y sont dites, mais, du point de vue
pratique, on se demande où cela va aller.
La mise en application, dont parlait le Dr Pires, nous préoccupe
beaucoup. En fait, on a un peu peur qu'à partir d'une politique trop
vague on puisse aboutir à peu près à toutes sortes de
choses qui pourront peut-être ne pas servir en priorité aux
malades qui en auraient le plus besoin. Je pense, à cet égard...
Disons que je me reporte à il y a quelques années, en fait,
lorsqu'il était question de la mise sur pied des CLSC.
Évidemment, il y avait aussi un discours qui était vague. Dans la
mise en application, on a vu des choses qui ont fait que peut-être ce ne
sont pas tout à fait les gens qui en auraient eu le plus besoin qui ont
profité du service. Par contre, il s'est fait des choses
extrêmement correctes.
Là, on pense qu'il y a un danger que, peut-être, les gens
qui en auraient le plus besoin... Lorsqu'on parle de politique en santé
mentale, pour nous, il est important de faire la distinction entre les
problèmes de santé mentale et la maladie psychiatrique ou la
maladie mentale. Évidemment, notre préoccupation majeure, celle
pour laquelle nous sommes formés, c'est la maladie psychiatrique. il y a
un autre volet, évidemment. Nous sommes préoccupés, pour
le bénéfice du patient, du malade, qu'il reçoive des soins
améliorés à l'intérieur du système.
Mme Lavoie-Roux: Je vais passer et je reviendrai, M. le
Président
Le Président (M. Joly): Merci, Mme la ministre. M. le chef
de l'Opposition.
M. Chevrette: Merci. À la lecture du mémoire et
après les commentaires du Dr Pires, j'ai quatre types de
réaction. Je suis, dans un premier temps, satisfait, dans un
deuxième temps, surpris, dans un troisième temps,
déçu et, dans un quatrième temps, inquiet. Je vais essayer
de m'expliquer. Un psychiatre pourra toujours analyser mes quatre types de
réaction!
D'abord, je suis satisfait de ne pas être le seul à
constater que le rapport Hamois est loin d'être concret; c'est
plutôt une approche très théorique. Je partage passablement
votre point de vue sur la perception que vous en avez. Demain matin, on ne sait
pas concrètement quels sont les soutiens additionnels, quelles sont les
mesures additionnelles, tes programmes additionnels, les budgets additionnels
qui seront fournis. Effectivement, le fonctionnement entre les diverses
structures, les divers réseaux, on ne le sait pas. Ce sont de beaux
voeux. C'est, par exemple, bien écrit
Ma surprise, c'était de lire votre mémoire et,
après cela, d'entendre les commentaires du Dr Pires. Il n'y avait rien
de bon dans votre mémoire sur le rapport Hamols. Le Dr Pires se fait
ensuite très élogieux sur l'approche humaine
présentée par le Dr Harnois. Je me demandais si ce n'était
pas contradictoire, mais c'était peut-être une façon de se
racheter d'un mémoire qu'on a expédié rapidement, de
montrer qu'il y avait quand même du bon dedans.
Ma déception, c'est de ne vous entendre nullement parler de
quelque chose de précis sur la multidisciplinarité de l'approche,
par exemple,
sur le phénomène de désinstitutionnalisation, sur
les relations entre individus oeuvrant en santé mentale. Je suis
très surpris que vous n'ayez pas décortiqué cela.
Étant les leaders dans le domaine de la psychiatrie, dans le
domaine de la santé mentale, étant les personnes les plus
hautement qualifiées, je suis surpris de voir que vous n'avez pas
abordé cette approche, ces chapitres, pour nous dire ce que vous en
pensiez. Est-ce que vous partagez la prudence présentée par le
recteur Harnois face à la désinstitutionnalisation? Comment
voyez-vous la désinstitutionnalisation, vous, comme psychiatres, l'envoi
dans les familles d'accueil de patients que vous revoyez sporadiquement?
Comment voyez-vous vos relations avec les psychologues, par exemple? Ont-ils un
rôle à jouer en santé mentale? Je suis surpris et je suis
un peu déçu de voir que vous ne vous êtes pas
prononcé là-dessus. Mais ma déception va amener sans doute
une réaction. Je suis également inquiet parce que, si les leaders
dans le domaine de la santé mentale regardent ce rapport qui sera fa
bible de Mme la ministre, c'est à partir de cela qu'elle va se
construire une politique, c'est à partir de cela qu'elle va nous pondre
une politique qui, l'espère, sera concrète, non pas seulement 1
000 000 $ ou 2 000 000 $ de plus en santé mentale parce que
Sacré-Coeur a même besoin de plus que cela pour fonctionner. Donc,
il ne faudra pas arriver avec un suçon de 1 000 000 $ ou 2 000 000 $
pour faire accroire qu'on va donner une politique en santé mentale. Si
on veut véritablement manifester une volonté politique, II va
falloir y mettre le paquet. Ce sont les quatre réactions que j'ai
à la suite de votre mémoire qui est très bref, soit dit en
passant, qui critique et qui me laisse sur mon appétit
Vous avez parlé d'effectif. J'avais oui-dire que vous nous
glisseriez un nombre additionnel de psychiatres dont on aurait besoin au
Québec. J'avais même oui-dire un chiffre de 300. J'ai
été ministre de la Santé et des Services sociaux. Vous
vous le rappellerez, j'ai toujours été scandalisé - le mot
ne sera pas trop fort - du fait que les psychiatres au Québec
étaient concentrés à Québec et Montréal et
qu'à peine à 30 ou 35 milles de Montréal, on
n'était pas capable d'avoir de psychiatres. Cela n'a pas de bon sens et
cela n'a pas plus de bon sens de ne pas avoir de spécialistes, par
exemple. Ce n'est pas plus vous autres que d'autres. Cela n'a pas plus de bon
sens d'avoir des grands chirurgiens dans les grands centres urbains et de ne
pas en avoir en régions. Cela m'a toujours scandalisé aussi, mais
plus particulièrement vous autres. Ce n'est pas croyable de voir la
concentration à Montréal et à Québec. Je vous avoue
qu'avec votre volonté de garder votre champ d'application
intégral je suis inquiet en maudit, pour les gens de l'Abitibi, de la
Côte-Nord, du Bas-Saint-Laurent, de la Gaspésie et même des
périphéries des centres urbains, qu'ils n'aient pas de services
de psychiatres. J'ai hâte de vous entendre dire que vous seriez d'accord
avec une mesure radicale cherchant à permettre des services de
qualité à l'ensemble des Québécois qui sont sur un
pied d'égalité quand ils paient leurs impôts. Ce sont
là mes commentaires et autant de questions.
M. Bourque: Oui, il y en a plusieurs. Peut-être que la plus
difficile, en fait, c'est ta dernière que vous avez abordée.
Remarquez que c'est un problème qui est bien complexe, je pense. Je suis
parfaitement d'accord avec vous que les Québécois doivent
recevoir, en fait, les mêmes traitements à travers le
Québec. On ne peut pas être contre cela. On endosse cela.
Cependant, on sait aussi que dans ta pratique, c'est vrai qu'il y a beaucoup de
psychiatres à Montréal. En fait, il en manque encore. Comment
expliquer cela?
Évidemment, parfois, on dit que les statistiques n'expliquent pas
tout. Qu'est-ce qu'il y aurait à Montréal pour faire en sorte
qu'on ait besoin de tant de psychiatres? Je pense que c'est peut-être une
chose qu'on peut se demander. C'est vrai qu'il y a deux universités
où on en forme. Alors, cela prend un peu plus de psychiatres pour
former. Il y a l'Université McGill et l'Université de
Montréal d'une part. D'autre part, Montréal est un des grands
centres de psychanalyse au monde; il y a un bon nombre de psychanalystes, ils
sont 150. On sait par exemple, que les psychanalystes ont, en fait, une
pratique plus particulière, une excellente technique, mais qui donne un
service à un nombre limité de personnes. (16 h 45)
II y a aussi l'élément féminin. On sait que, en
psychiatrie, on a au-delà de 150 femmes; c'est la
spécialité où il y a le plus de femmes, et il y a une
grande proportion de femmes psychiatres qui pratiquent à
Montréal. En général, les femmes psychiatres ont une
pratique à temps partiel.
Il est sûr qu'on se pose les mêmes questions que vous.
D'autre part, on sait aussi, en fait, il semble qu'il y a une attirance pour
les grandes pathologies dans les grands centres. Cela est plus Impersonnel et,
finalement, dans deux gros hôpitaux, l'hôpital Douglas et
l'hôpital Louis-Hippolyte-Lafontaine, où il y a eu une
désinstitutlonnalisation en partie, on a manqué, je pense, de
soutien pour les personnes qui sont sorties des hôpitaux psychiatriques,
ce qui a fait que ces gens-là ont eu besoin de revenir dans les
hôpitaux généraux et on a eu le développement de ce
qu'on appelle la porte tournante à l'intérieur des hôpitaux
et qui demande évidemment plus d'effectifs psychiatriques pour y faire
face. C'est une question importante, il semblerait évidemment qu'une
grande portion de la population est concentrée à Montréal;
la proportion entre Montréal, Québec et Sherbrooke, je ne sais
pas quel est le pourcentage de la
population, mais c'est un grand pourcentage. J'ai vu une étude
qui indiquait, par exemple, qu'à l'extérieur de ces trois centres
il ne manquerait, en fait, qu'environ 50 psychiatres pour pouvoir régler
le problème de la répartition des" psychiatres.
Alors, pour en revenir à votre déception, remarquez que
nous avions présenté un mémoire dans lequel on parlait
beaucoup de tous ces problèmes, et s'il est court maintenant c'est parce
qu'on avait l'impression que, dans le premier mémoire qu'on avait
présenté, il n'y avait pas - enfin, on avait cette impression -
tellement de recommandations qui avaient été retenues, il est
sûr que nous sommes pour la multidlsciplinarité. Nous avons
été, en fait, ceux qui avons mis sur pied des programmes
multidisciplinaires en psychiatrie. Nous trouvons que c'est une approche
importante et qui mérite d'être continuée, malgré
les grandes difficultés que cela comporte. Il y a des tensions
Interprofessionnelles qui ne sont pas toujours faciles, Malgré cela, je
pense qu'il est important que cela se maintienne.
Au sujet de la désinstitutionnalisation, nous croyons, en effet -
et je pense que le Dr Pires l'a mentionné - qu'il y a un besoin de
pondération, c'est-à-dire que de dire: il faut à tout prix
sortir tous les malades des institutions... Je pense qu'il y en a un bon nombre
qui en ont besoin. Mais qu'on puisse, par exemple, selon les moyens de notre
société, sortir les gens qui pourraient vivre dans la
société, ceux qui pourraient le faire, avec un soutien social, et
que ces gens-là ne soient pas dans des taudis, qu'ils ne soient pas dans
des conditions tout à fait inconfortables et qu'ils puissent avoir les
soins requis, nous sommes parfaitement d'accord. Mais nous savons aussi que
cela coûte cher. D'après nous, en tout cas, on n'est pas des
spécialistes en la matière, mais, avec l'expérience
passée, nous avons l'impression que la désinstitutionnalisation
coûte cher en ressources humaines, en ressources matérielles et
qu'elle doit être faite jusqu'à un certain degré; mais il y
aura toujours certains malades qui, à notre avis, auront besoin d'une
institution - ou qu'on l'appelle autrement - d'un endroit
protégé. Je ne sais pas si j'ai oublié l'une de vos
questions.
M. Chevrette: Avez-vous parlé de l'aspect de la
multidisciplinarité?
Une voix: Oui.
M. Chevrette: Oui? J'ai été dérangé
30 secondes, c'est pourquoi je n'ai pas...
M. Bourque: Nous croyons que c'est une approche très
valable, pour autant que nous respections les particularités de chacun.
Je pense que c'est ce qui est important, à l'intérieur de
l'équipe multidisciplinaire. L'expérience que nous en avons est
que, parfois, cela peut être très difficile, il y a des tensions
Interprofessionnelles, Mais, si les rôles de chacun sont bien
établis et qu'il y a un respect pour la spécificité de
l'autre, je pense que c'est quelque chose qu'il faut absolument continuer.
M. Chevrette: Je vais vous donner un exemple concret. Vous
définissez à peu près "relève des problèmes
autres" et vous dites que le rapport Harnois n'a pas touché aux enfants
à risque, à l'adolescence problématique, à la
violence conjugale, etc. Vous en faites une liste. Vous psychiatrisez l'enfant
jusqu'au tombeau.
M. Bourque: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: Je voudrais savoir concrètement... Prenez un
enfant à l'âge de l'adolescence problématique. La
mère va voir un omnipraticien et dit à ce dernier: Mon fils
présente des symptômes que je ne comprends pas. Elle est
démunie. Dans la conjoncture actuelle, dans plusieurs centres
hospitaliers, même là où II y a de la psychiatrie, il n'y a
pas nécessairement de psychologues. Je vous donne un exemple. Est-ce
qu'il est nécessaire qu'un omnipraticien soft obligé, dans la
conjoncture actuelle, de le référer à un psychiatre, si le
parent n'a pas d'argent? Il y a seulement une clinique privée de
psychologues, par exemple, dans une ville comme Joliette. Qu'est-ce qu'on fait
avec cela, concrètement? L'omnipraticien n'a pas le choix, il va vous le
référer parce que vous êtes payés par les services
de santé et les services sociaux, alors qu'il pourrait y avoir une
ressource alternative qui pourrait lui être offerte à beaucoup
plus brève échéance que dans votre cas où vous
êtes si peu nombreux. Je prends mon cas à Joliette où il y
a à peine une couple de psychiatres dans toute la région.
Concrètement, ce parent est pris avec un enfant qui ne pourra
peut-être pas vous rencontrer avant un mois, deux mois, trois mois, mais
qui pourrait très bien être servi par une ressource
compétente pour ce type de problème qui ne présente pas un
diagnostic grave. Qu'est-ce que vous répondez à cela?
M. Bourque: Je pense qu'on ne doit pas tout psychiatriser et on
ne doit pas non plus tout "dépsychiatriser". Dans un cas, vous parliez
d'adolescents, c'est ma sous-spécialité. Évidemment, il
est sûr que, parfois, ce n'est pas facile de savoir si quelqu'un a une
maladie ou un problème de développement qui pourrait
bénéficier d'un traitement psychologique, par exemple. Dans ma
pratique, je vois souvent des adolescents en crise et, d'après le
diagnostic, je vais me référer soit à un psychologue ou
à une infirmière, ou je vais entreprendre le traitement. Je
comprends que c'est un problème. En fait, nous n'avons pas d'objection
à ce qu'il y ait d'autres organismes psychosociaux et qu'il y ait
d'autres professionnels payés par l'Etat pour s'occuper de
problèmes de santé mentale.
Évidemment, nous donnons la priorité à ceux qui ont
des maladies. Lorsqu'il y a un point d'Interrogation relativement à une
maladie, je pense que t'omnipraticien, le généraliste devrait, si
lui aussi a ce point d'Interrogation, se référer au
psychiatre.
M. Chevrette: Remarquez bien que, malheureusement, on n'a pas le
temps parce que je reprendrais ma question. À court terme, ce dont je
parle, c'est l'incapacité, l'impossibilité pour le parent de vous
rencontrer, dans bien des cas. Vous savez ce que c'est. Je connais des
commissions scolaires qui réfèrent des enseignants parce qu'ils
font des dépressions. Ils doivent passer un examen psychiatrique parce
qu'après X temps... Pour avoir un rendez-vous avec un psychiatre, cela
prend un mois, un mois et demi, deux mois, dans certains cas. Je ne parle pas
nécessairement de Montréal, mais de certaines régions du
Québec. C'est un problème majeur. Pour les maladies mentales
sérieuses, je n'en disconviens pas avec vous, je ne veux pas que le
psychologue se mette à jouer au psychiatre, mais moi, je dis que dans
certains cas, face à des problèmes plutôt légers
mais qui inquiètent des parents, pourquoi l'omnipraticien ne pourrait-Il
pas, par exemple, le transférer à des psychologues? Cela voudrait
dire, pour le service de santé, de permettre l'embauche de psychologues
à qui vous référez d'ailleurs certains cas quand cela ne
présente pas...
M. Bourque: Si vous le permettez, en fait, nous avons à la
table ici un pédopsychiatre qui vient de Joliette et qui pourrait
probablement donner des commentaires supplémentaires
là-dessus.
M. Gauthier (Serge): J'ai un petit peu de difficulté
à comprendre M. Chevrette, puisque étant pédopsychiatre
moi-même à Joliette, j'ai régulièrement des contacts
avec des omnipraticiens et des pédiatres de l'endroit de même
qu'avec des psychologues scolaires. Je n'ai aucun souvenir d'un parent qui se
soit plaint de ne pas avoir pu rencontrer le psychiatre soit à sa
demande, soit à ta référence...
M. Chevrette: Je ne parle pas exclusivement pour Joliette.
M. Gauthier (Serge): Non, mais là, c'est parce que
vous...
M. Chevrette: Vous savez combien vous êtes à
Joliette, je sais combien il y en a, moi aussi, je pourrais vous donner les
noms un après l'autre. Ce n'est pas ce que je veux savoir. Je vous dis
que, dans tout le Québec, il y a des situations telles que ce sont des
mois et des mois. Est-ce que vous niez cela comme organisme?
M. Gauthier (Serge): II y a même des secteurs où il
n'y a pas de service, par exemple, en pédopsychiatrie.
M. Chevrette: Du tout; oui, Je comprends.
M. Gauthier (Serge): Même à Laval, II y a une partie
à l'est de l'île où il n'y a pas du tout de service depuis
deux ou trois ans, il y a d'autres secteurs comme ceux-là, je suis
d'accord avec vous. Mais lorsqu'il y a des services, je pense que c'est
possible de développer des mécanismes d'articulation avec les
différents organismes d'intervention et, à Joliette, je pense que
cela se passe relativement bien compte tenu du peu d'effectif qu'on a
actuellement sur le plan psychiatrique.
Maintenant, l'autre volet, pourquoi l'omnipraticien ne pourrait-il pas
référer à un psychologue ou à une travailleuse
sociale? J'en suis, mais il y a une question de diagnostic différentiel
et il y a aussi beaucoup de cas qui se présentent avec un
symptôme. On ne peut pas présumer de la valeur pronostique de ce
symptôme nt de son origine, nécessairement. C'est comme avoir mal
à la tête, ce peut être le rhume de cerveau, ce peut
être l'hypertension, ce peut être un cancer aussi. Il peut y avoir
un enfant qui se présente avec un symptôme de fatigue et il peut
avoir un cancer, mais aussi il peut avoir une dépression, il peut avoir
autre chose. Donc, les médecins en général, par tradition
omnipraticiens ou pédiatres, aiment avoir l'avis d'un collègue
qui a une certaine expertise dans le diagnostic différentiel. À
partir du moment où le diagnostic est fait, oui on peut
référer à d'autres structures ou à d'autres
Intervenants comme les psychologues ou d'autres types de
thérapeutes.
M. Chevrette: Mais le Dr Harnois...
Le Président (M. Joly): S'il vous plaît, le temps
est écoulé depuis déjà une minute. Alors, je ne
sais pas... Peut-être en conclusion sur votre question, M. le
député.
M. Chevrette: En conclusion, c'est ma dernière.
Êtes-vous d'accord avec le Dr Harnois qui propose de former un peu plus
les omnipraticiens face à la santé mentale?
M. Bourque: Oui. Quelles que soient les personnes qui ont
à intervenir auprès de malades qui ont des troubles
psychiatriques, je pense qu'elles devraient avoir une formation. Comme les
généralistes sont appelés souvent à agir dans les
premiers moments des troubles psychiatriques, je pense qu'à ce
moment-là oui je suis d'accord avec cela.
Le Président (M. Joly): Je vais maintenant
reconnaître le député de Laurier, s'il vous
plaît.
M. Sirros: Merci, M. le Président. Vous avez dit dans
votre mémoire et dans votre présentation que le rapport Harnois
ne fait pas référence au rôle des psychiatres, etc. Dans un
premier temps, j'aimerais que vous parliez un peu du rôle que vous voyez
pour le psychiatre dans une gamme de services en santé mentale offerte
à la population. J'aimerais que vous pariiez un peu du lien qui peut
exister entre les psychiatres oeuvrant en établissements hospitaliers,
psychiatriques et les services de première ligne, par exemple, CLSC.
etc., et que vous situiez un peu pour nous la place que peut occuper le
psychiatre selon vous dans une gamme de services qui est offerte.
M. Bourque: Oui, écoutez, je vais essayer
évidemment de répondre assez brièvement, parce que c'est
une grande question que vous posez là. Evidemment, nous, on pense qu'on
devrait avoir un rôle important d'après notre formation,
d'après l'expérience qu'on a et on peut en faire
bénéficier le malade comme traitants, comme consultants, comme
superviseurs, comme enseignants aussi, et comme coordonnateurs. En fait, je
pense qu'en gros c'est là qu'on voit notre rôle.
Maintenant, je pourrais peut-être demander à quelqu'un qui
voudrait compléter. (17 heures)
M. Pires: Je crois que, en fait, le rôle du psychiatre
s'inscrit dans le cadre d'une équipe multidisciplinaire, à moins
que le psychiatre ne travaille seul, comme certains psychanalystes. Je vols le
psychiatre qui travaille continuellement avec une équipe
multidisciplinalre. Pour votre question, Je pense qu'il y a une nuance. Si
c'est un milieu hospitalier, je crois que le psychiatre doit être, en
tant que responsable de l'évolution de son patient, celui qui doit
assumer la coordination, la prise en charge du patient tout en confiant
à d'autres professionnels, psychologues, ergothérapeutes,
infirmières ou travailleurs sociaux, des rôles, des interventions
spécifiques. Quant au milieu hospitalier, je crois que le psychiatre
doit être le responsable; même si ce sont d'autres professionnels
qui peuvent jouer le rôle thérapeutique premier à certains
moments, la responsabilité revient au psychiatre.
En ce qui concerne les CLSC ou les soins à l'extérieur, je
croîs que la situation est plus doue. Dans les CLSC, est-ce qu'il y a un
psychiatre, est-ce qu'il y a une entente qui a été prise? Dans
tes cas où il y a un psychiatre, je pense qu'il devrait assumer aussi la
responsabilité et qu'il devrait avoir, je ne dirais pas un
contrôle, mais un suivi, il doit être au courant du suivi de son
patient Cela dit, il y a des patients qui peuvent être
immédiatement, comme le Dr Gauthier le disait,
référés au psychologue et être suivis par lui et,
dans certains cas, par te travailleur social. Je crois que c'est la
réponse à cette question.
Si vous me permettez, tout à l'heure, il y a différentes
questions qui sont venues dans le contexte multidisciptinaire. Je voyais que le
côté multidisciplinaire pourrait trouver son assise au niveau du
CLSC où on pourrait trouver l'équipe multidisciplinaire la plus
complète et la mieux articulée, avec tous les Intervenants du
territoire. Je ne sais pas si ma formulation sera en dehors du sujet, mais Mme
la ministre a posé la question au début, le chef de l'Opposition
aussi et votre député. Je crois que dans la formulation, dans une
programmation de sol, à partir du moment où le rapport Harnois a
Instauré une philosophie, à partir de ce moment-là, il y
aura des mises en pratique, une mise en action dans laquelle le
département de santé communautaire, enfin dans mon esprit, et le
CLSC devraient jouer un rôle clé. Là, on pourrait trouver
un rôle multidisciplinaire extrêmement développé. Ce
serait une expérience à développer avec beaucoup de
participants, y compris le psychiatre Dans ma formulation, j'avais pensé
que le DSC, dans l'esprit d'une décision locale et régionale
Inspirée par le rapport, pourrait être une sorte d'organisme
à vocation théorique, c'est-à-dire qu'il aurait un
rôle de formulation d'objectifs pour un territoire donné, alors
que le CLSC aurait un rôle d'exécutant de ces objectifs dans te
même territoire. L'un travaillerait de façon théorique et
l'autre sur le terrain, de façon plus pratique, dans l'accomplissement
de ces objectifs.
Pour le DSC, à partir du moment où on parle du
mécanisme de prévention, de formulation d'objectifs,
évidemment, de prime abord c'est la prévention primaire qui
pourrait revenir au DSC comme objectif. De même que toutes les
études épidémiologiques pour un territoire donné
pourraient être faites par le DSC, les études à
caractère communautaire comme le suicide, les problèmes des
Jeunes, la délinquance, la toxicomanie, les femmes violentées, la
violence sous toutes formes, les personnes âgées. Le DSC pourrait
avoir une sorte de contrôle épidémiologique et
théorique, là encore, sur un territoire donné, tout en
créant des liens fonctionnels avec d'autres organismes comme le CLSC.
l'université, le CRSSS, la recherche et tous les agents de liaison qui
peuvent exister dans les différents hôpitaux et les centres
d'Intervention de crise. Alors, le CLSC serait un peu le pivot, si vous voulez,
de tout ce qui se passe en dehors de l'institution. Au CLSC, on verra la
création d'une équipe de santé mentale dans laquelle il
serait souhaitable qu'il y ait un psychiatre qui agirait comme clinicien et
comme consultant superviseur. Ce qui rejoint un peu le fonctionnement d'une
équipe multkjisciplinaire, et le patient dont M. Chevrette parlait,
c'est-à-dire le jeune adolescent qui est en crise, pourrait facilement
être référé au psychologue de cette équipe de
santé mentale.
Donc, cette équipe qui serait multidlsciplinaire, il va de soi,
créerait des tiens fondamentaux et privilégiés avec les
centres du territoire, les centres hospitaliers régionaux,
centres généraux et psychiatriques, avec les
médecins en cabinet privé, avec toutes les ressources de la
communauté, tous les services intermédiaires d'entraide et tous
les groupes d'entraide. Toute l'information, que ce soit l'information aux
professionnels ou l'information au public sur les ressources existantes,
devrait émaner du CLSC. Alors j'achève.
De même que ce serait au CLSC où l'on pourrait trouver
toute l'aide aux personnes qui ont quitté l'institution et qui souvent
vagabondent, qui n'ont pas de structure à l'extérieur, ce qui
rejoint un peu, je croîs, votre question de tout à l'heure. Le
CLSC pourra jouer un rôle majeur à ce chapitre-là comme au
chapitre d'une psychiatrie que je dirais moderne, en ce qui concerne la prise
en charge des patients schizophrènes, mais avec leur famille. Comme
certains groupes de psychiatres font aujourd'hui, cela veut dire faire de
l'enseignement, c'est-à-dire une aide pédagogique et une aide
familiale aux patients qui souffrent de schizophrénie et qui pourraient
profiter d'une telle approche.
Dans cet esprit, le CLSC pourrait répondre à ces besoins
au niveau communautaire. Je ne sais pas si je pourrais dire un mot sur...
Le Président (M, Joly): Mme la ministre, s'il vous
plaît.
Mme Lavoie-Roux: Juste un dernier mot, M. le Président
Notre temps tire à sa fin. Je voudrais revenir, sans vous poser de
questions, strictement avec un commentaire de fa fin. Vous avez dit: Le rapport
Harnois est un rapport théorique. J'aurais souhaité y retrouver
des appartements supervisés, des ressources de telle ou telle nature,
etc. Je regardais de nouveau la page 91. On est tous d'accord, et vous avez dit
d'ailleurs que vous étiez d'accord, pour qu'il y ait au plan
régional une meilleure distribution de services, etc., dans laquelle on
parle d'une gamme de services qui, je pense, recouvre tous les
éléments que vous avez soulevés tout à l'heure ou
une bonne partie des éléments, Dr Pires, de la
nécessité de programmes d'information, d'activités de
prévention, des besoins d'Intervention en situation de crise, des
fonctions d'accueil, d'orientation, de référence sur une base
permanente. Cela m'apparait important qu'il y ait une réponse 24 heures
pour tous ceux qui en ont besoin, les besoins d'évaluation et de
traitement à court et à long terme qui, selon la nature des
pathologies, peuvent être assumés par un professionnel ou
dirigés vers un autre professionnel, les fonctions relatives à la
réadaptation et à ta réinsertion sociale.
Je ne le lirai pas au complet, mais vous avez peut-être fait une
lecture un peu pessimiste. Je n'ai pas à défendre le rapport
Harnois, parce que le sujet de la commission est de l'enrichir à partir
des principes qui y sont énoncés et sur lesquels vous n'avez pas
d'objection, que la personne soit au centre de nos préoccupations, que
son milieu proche, que le milieu plus large, communautaire soient un appui,
qu'il y ait des actions du côté curatif préventif, qu'il y
ait une meilleure approche multidisciplinaire, etc. Ces
éléments-là on les retrouve et l'objet de la commission,
je le dis encore une fois, c'est d'essayer de trouver une cohérence dans
tout ça. Il y a aussi des questions fondamentales et c'est la
dernière question que je vais vous poser qui, évidemment, n'a pas
été soulevée ici en votre présence, mais qui est
soulevée par plusieurs groupes. Je sais que j'amène un
débat très large, mais ta psychiatrie veut évoluer dans ce
sens-là ou enfin voir les choses différemment plutôt que
nécessairement modifier ses points de vue: toute ta question de la
psychiatrie alternative. Vous avez mentionné tout à l'heure, en
passant, la question du débat sur la surmédicalisation ou la
médicalisation, l'Institution, etc., l'approche communautaire. Je vous
ai écouté parler en réponse aux questions des
députés de Joliette et de Laurier. Vous n'avez pas abordé
tous les services en santé mentale sous l'angle, pas
nécessairement de ressources alternatives, de l'approche alternative.
Comment voyez-vous cela dans une perspective générale de services
en santé mentale?
M. Pires: Mme ta ministre.
Le Président (M. Joly): Excusez-moi. Très
brièvement, s'il vous plaît.
M. Pires: Oui. Alors, votre question me concerne tous les jours
puisque je fais une pratique psychiatrique dans un hôpital
général. Je suis souvent aux prises avec les problèmes
majeurs du fait qu'il n'y a pas assez de ressources alternatives pour les
patients qu'on traite à l'externe la plupart du temps.
Mme Lavoie-Roux: Une approche alternative et non pas de
ressources alternatives.
M. Pires: Ah! De ressources alternatives. Oui.
Mme Lavoie-Roux: J'ai parlé de l'approche. Une approche
alternative à l'approche traditionnelle psychiatrique, par exemple.
M. Bourque: Pouvez-vous donner un exempte?
Mme Lavoie-Roux: La maison Saint-Jacques.
Mme Roy (Renée): Peut-être que cela dépend
toujours des patients dont on parie. On peut situer les choses comme dans une
espèce de continuité en pensant à des gens qui sont plus
normaux jusqu'aux gens très malades.
Quand on parle de gens très malades, je pense que des ressources
comme celle-là, en soi, ce n'est pas suffisant. Les gens qui sont
moins
malades, les gens qui s'approchent de plus en plus de la normale et qui
ne sont pas malades ou même les gens qui souffrent de maladies qui vont
et qui viennent, à ce moment, je pense qu'ils peuvent très bien
bénéficier de cela et peuvent se sentir plus confortables avec
des approches de ce genre. Je pense que cela va dans le choix de chaque
Individu à ce moment
Le Président (M. Joly): Conclusion, s'il vous
plaît
M. Chevrette: Je trouve bien dommage qu'on n'ait pas plus de
temps. Je m'étais préparé à peu près 40
questions. J'ai pu à peine en passer sept ou huit. Je vous remercie
quand même d'avoir participé à notre commission. Je trouve
qu'il y a une suggestion passablement Intéressante du Dr Pires en ce qui
regarde l'assemblée multidisciplinaire sur un territoire de CLSC que ]e
considère comme la structure la plus près des individus et
à laquelle on peut développer un sentiment d'appartenance si
véritablement on est capable d'informer nos populations et si on leur
donne les budgets. Dans la conjoncture actuelle, cependant, je dois vous dire
que ce serait utopique de penser confier cela à un CLSC parce que, pour
une très grande majorité, ils n'ont que le résultat du
cadre de partage entre CSS et CLSC plus 230 000 $ de frais d'administration ou
à peu près. C'est évident que ce serait utopique si on ne
débourse pas des sommes très importantes, d'abord, pour
l'embauche des professionnels qui s'imposent et en particulier pour l'embauche
de psychiatres. Il va falloir qu'un jour ou l'autre on en trouve pour alter en
régions. Je demeure convaincu que la corporation, peut-être pas
votre fédération ou votre association, devra coopérer
là-dessus. Cela n'a aucun sens, actuellement, de voir le peu
d'équité dans la répartition de certaines
spécialités médicales au Québec. Cela n'a pas de
bon sens!
D'autre part, je comprends que, tant et aussi longtemps qu'on ne
fournira pas les équipements nécessaires, on se promènera
toujours dans un cul-de-sac. Le médecin formé à
l'université, dans un centre hospitalier universitaire sur de
l'équipement sophistiqué, on ne lui demandera pas d'aller
pratiquer avec un équipement désuet ou inexistant C'est un
cul-de-sac, cette histoire! Si on veut véritablement agir et faire en
sorte qu'on ait une Influence certaine, il va falloir qu'on mène de
front les équipements spécialisés nécessaires et on
pourra serrer la vis dans la répartition.
J'ai toujours cru que, quand on avait des enseignants de trop à
Montréal, ils n'enseignaient pas. Théoriquement, on pourrait se
ramasser avec 1300 médecins de trop au Québec qui pratiquent
tous. Cela est très différent. Le ratio
population-médecins, à ce moment, dans les centres urbains par
rapport au ratio dans certaines régions, n'a aucune
comparabilité. À mon sens, ce sont quand même tous des
contribuables au Québec. Je m'en soucie énormément. Je
vous remercie infiniment
Mme Lavoie-Roux: Je voudrais également remercier
l'Association des psychiatres pour sa présence ici. Je pense que cela
aura permis d'éclairer certaines choses, d'atténuer certaines
appréhensions. Ce dont je veux vous assurer, c'est que, lorsque la
politique sera adoptée, normalement, elle devra être assortie d'un
plan d'action dont, j'espère, le concret vous rassurera quant aux
intentions.
Je reste quand même avec une préoccupation et on n'a pas eu
le temps d'échanger suffisamment là-dessus pour approfondir.
C'est qu'on peut voir le plan d'action uniquement par l'ajout de ressources. On
peut ajouter des ressources, que ce soit des ressources en hébergement
ou tout autre type de ressources, Intégration au travail, etc., mais je
pense aussi qu'il y a un autre questionnement qui, sans doute, a cours, mais
dont on n'a pas souvent l'occasion de discuter. Je veux parler des approches
différentes, compte tenu de l'ampleur que prend toute la
problématique de la santé mentale et de tous les autres
épiphénomènes, comme on les appelle, qui vont en
s'accroissant, en même temps qu'on peut conserver ce qu'on appelle une
approche plus traditionnelle et qui a fait ses preuves à l'égard
de certaines pathologies. Est-ce qu'il ne faut pas non plus penser à des
approches différentes qui pourraient répondre mieux et plus
rapidement à des pathologies moins lourdes? Je ne pense même pas
au préventif, Je pense à des pathologies qui en demeurent, mais
qui sont plus légères par rapport aux schizophrènes et aux
cas de psychose, etc. Je pense que, là-dessus, j'aimerais savoir, un
jour, quel cheminement l'Association des psychiatres fait dans ces autres
approches qui, à mon point de vue, nous aideraient peut-être
à répondre plus rapidement aux problèmes. On peut ajouter
des ressources, mais si on ne modifie pas certaines approches - en tout cas,
c'est une opinion personnelle - j'ai la conviction que les progrès vont
être très lents, même s'il y a des ressources
d'ajoutées.
M. Chevrette: II aurait été intéressant, Mme
la ministre - c'est à vous que je m'adresse - d'avoir les
différents types d'expériences qui se sont conduites dans le
milieu, comme à Robert-Giffard, à Louis-Hippolyte-Lafontaine ou
à Lanaudière, entre autres. Cela aurait été
intéressant de voir, d'autre part, que, dans certains milieux, on a
compris qu'il fallait évoluer vers une nouvelle approche; cela aurait pu
donner des idées fort intéressantes aux membres de la commission.
Malheureusement, on vient, surtout en ce qui concerne les associations... On ne
pourra pas bénéficier, comme membres de l'Assemblée
nationale, des expériences concrètes menées sur le
terrain.
Mme Lavoie-Roux: Je pense que, dans les discussions qui ont cours
ou dans tes représentations qui nous sont faites par un bon nombre de
groupes, on n'est pas si loin que cela du type d'expériences, en fait,
qui sont des expériences de désinstitutionnalisation avec des
ressources de transition et alternatives dans la communauté. Alors, je
vous remercie. Je ne sais pas s'il a un mot à ajouter.
Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission
remercie l'Association des psychiatres du Québec et elle invite,
à la table des témoins, M. Hubert Wallot. On suspend pour une
minute ou deux.
(Suspension de la séance à 17 h 19)
(Reprise à 17 h 20)
Le Président {M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Je demanderais à chacun de reprendre sa place. À l'ordre,
s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!
J'Invite donc à la table des témoins M. Hubert Wallot M.
Wallot, je présume que vous êtes familier avec nos
procédures. Vous avez vu comment on procède. Vous avez 20 minutes
pour faire la présentation de votre mémoire et fa commission
bénéficie de 40 minutes pour discuter ou vous Interroger sur le
contenu de votre mémoire. Je vous invite donc à procéder,
s'il vous plaît.
Je demanderais à chacun de reprendre sa place, s'il vous
plaît, pour qu'on puisse procéder dans l'ordre et écouter
M. Wallot.
M. Hubert Wallot
M. Wallot (Hubert): Je vous remercie, M. le Président, de
me donner cette occasion d'être entendu par la commission et je voudrais
d'ailleurs rendre hommage ici à l'équipe du comité Harnois
qui a fait, je pense, un rapport intéressant. On peut en discuter
certains aspects, il faut ajouter que le domaine de fa santé mentale est
un sujet assez difficile parce que la technologie, bien qu'on ait dit qu'il y a
beaucoup de développements, reste quand même relativement
sous-développée par rapport à d'autres secteurs et que
c'est un domaine dont certains contestent d'ailleurs l'appartenance au domaine
de la santé - on veut dire que c'est autre chose que de la santé
- et qui comporte aussi des implications en ce qui concerne les valeurs. C'est
pourquoi on a tant de débats dans ce domaine.
J'aimerais soulever par mon intervention certains aspects en ce qui
touche la santé publique. J'aimerais attirer l'attention des membres de
la commission sur le fait que j'ai remis cet après-midi, au
secrétariat de la commission, un document révisé auquel je
préférerais qu'on se réfère si on veut poser des
questions puisque, comme vous le savez, nous n'avons pas eu beaucoup de temps
pour réagir à ce mémoire, d'autant plus que, pour toutes
sortes de raisons, le document m'est parvenu tardivement de la commission
Harnois bien que j'avais contribué à certains aspects comme
chercheur.
Je voulais aussi soulever certains éléments qui ne
m'apparaissent pas extrêmement compliqués en termes de plan
d'action pour certains, d'autres plus compliqués. Je lance des pistes
pour, peut-être, que le travail se poursuive.
Le premier point que je voulais soulever est le rôle des
médias et la violence. Vous savez que la violence est un fléau de
notre monde contemporain. Il n'est pas seulement propre à notre monde,
il a existé antérieurement, mais on pourrait s'attendre que notre
univers, qui a développé tant de technologies, ait aussi
adapté ses comportements à son développement, mais ce
n'est pas le cas. J'attire l'attention sur le fait que, particulièrement
dans les médias et chez les jeunes, puisqu'on sait que la santé
mentale est souvent conditionnée par les jeunes années et les
modèles qu'on en tire, on trouve malheureusement trop de violence,
à mon avis, accessible aux jeunes par la voie des médias. Il me
semble que la violence qui devrait être présentée devrait
l'être d'une manière plus appropriée. Il est évident
que toute personne a en soi des éléments agressifs et de violence
et je pense qu'il est normal d'en présenter, mais il y a peut-être
différentes façons de le faire. Vous savez très bien que,
tant dans les bandes dessinées que dans les films, on rencontre des
situations qui sont parfois, à mon avis, exagérées, que ce
soit les bandes dessinées de He-Man ou de Gl Joe. Toutes ces bandes
dessinées sont fondées sur un modèle purement agressif et
cela n'est pas réintégré dans un contexte plus large comme
dans d'autres bandes dessinées. J'en profite aussi pour dire que les
annonces de films... Maintenant, on ne présente pas toujours des films
aux heures des enfants, mais on présente des annonces où les
choses les plus croustillantes et les plus violentes sont
présentées dans l'annonce pour attirer les gens. Je pense qu'il y
aurait lieu de voir à cela. On a déjà vu des scènes
de viol à des heures d'écoute pour enfants, on a
déjà vu un haut placé américain se suicider devant
la caméra à l'heure du souper. Je pense que cela n'est pas
acceptable. On pourrait aussi, par la même occasion, puisqu'il s'agit du
rôle des médias, s'interroger sur le rôle des médias
pour favoriser la toxicomanie et l'alcoolisme.
Évidemment, comme vous le savez, sur le plan de la recherche, il
y a peu de choses de faites. Il y a quand même des
références qui indiquent qu'il y a certainement certains effets
des médias, mais est-ce que c'est sur toutes les populations? Ce n'est
pas évident. Je pense que le fait de ne pas être certain que la
violence dans les médias affecte tout le monde ne veut
pas dire qu'on ne doive pas agir en conséquence. Cela m'apparait
évident.
Le deuxième point que je voulais soulever concerne la
santé mentale des hommes. Comme dans le domaine de la santé en
général, on a tendance à Imaginer que les hommes sont sans
problème, mais quand on regarde les chiffres, non seulement les hommes
vivent moins longtemps, mais, en matière de santé mentale, les
hommes sont les champions dans la plupart des grandes pathologies. Cela
commence très tôt. Cela commence depuis les troubles à
l'âge de la maternelle, de l'école primaire, des troubles de
dyslexie, troubles de langage, troubles de comportement Si vous allez dans les
écoles, dans les garderies, vous allez voir qui posent des
problèmes de comportement, ce sont les petits garçons et, plus
tard, ce sont eux qui posent des problèmes de violence, des
problèmes de perversion, et le suicide est beaucoup important chez les
hommes. Il semble, en tout cas, que certaines pathologies
sévères, telles que la schizophrénie, soient plus
présentes; en tout cas, sa sévérité semble plus
grande. Je fais référence à l'annexe 1, qui donne toutes
les statistiques relativement aux différentes pathologies qu'on trouve
en psychiatrie, avec des références québécoises et
surtout américaines. Évidemment, on n'a pas encore les
résultats de l'enquête Santé Québec, qui pourrait
certainement aider. Je crois qu'on doit retenir qu'il y a certainement un
problème sur ce plan-là.
SI on regarde la clientèle des hôpitaux psychiatriques,
elle est surtout masculine. Je pense qu'il y aurait peut-être lieu de se
pencher sur la possibilité de créer - parce que les
problèmes de santé mentale sont un aspect, mais les hommes ont
aussi beaucoup d'autres problèmes de santé - un comité ou
un conseil de la condition des hommes. Les hommes n'ont pas de problèmes
de statut, les femmes en ont un, mais pas les hommes; du moins, s'ils ont un
problème de statut, il est différent Je pense toutefois que ce
serait l'occasion de s'interroger sur l'aspect de la santé des hommes.
Cela m'apparaît un point négligé actuellement. Il y a
peut-être des lignes de conduite plus précises, mais je laisserais
le soin à la commission de regarder le document et les
références pour aller plus loin. J'aimerais d'ailleurs mentionner
qu'il y a souvent des liens assez étroits entre les problèmes des
uns et des autres. Les problèmes des hommes sont souvent les causes des
problèmes des femmes; si les hommes étaient moins violents, il y
aurait moins de problèmes de violence perçus chez les femmes.
Si la santé publique, c'est d'agir sur les causes, il faut
peut-être essayer de les prévenir le mieux possible. Cela rejoint
aussi ce que je disais au paragraphe précédent concernant la
violence et les médias.
M. Chevrette: Vous seriez populaire au Québec vous,
monsieur.
M. Wallot: Ma, hat
M. Chevrette: II y a 52 % de femmes.
M. Wallot: Le troisième point, c'est l'information de la
santé et le citoyen. Je sais très bien que je pose ici une
question qui est très embarrassante pour tout le monde et Je comprends,
par ailleurs, les Intentions généreuses de la commission Harnois.
Mais, comme clinicien - pour ceux qui ne le savent pas, je suis psychiatre et
spécialiste en santé communautaire - j'ai eu à passer des
dossiers à d'autres professionnels et à avoir d'autres dossiers.
Il se pose tout un problème de confidentialité des informations
qui est quadruplé ou "exponentialisé" par les nouvelles
technologies modernes d'enregistrement et de transfert de l'Information. En
même temps, on parle d'équipes impliquées dans le soin
personnalisé d'un patient, on parle éventuellement de plusieurs
ressources impliquées. Je ne dis pas qu'il y a une contradiction
fondamentale, mais II faudrait, quelque part, soulever le problème de
l'Information et voir quelles seraient les balises qui pourraient nous servir
à le gérer. Ce n'est pas un problème typique à la
santé mentale, mais il est, à mon avis, plus important à
ce niveau-là parce qu'on a souvent des Informations très Intimes
sur les personnes. Aussi, on a des informations familiales. On doit parfois
transiger avec des families, avec des rôles d'un ou l'autre et on ne peut
pas ne pas poser cette question-là. Je n'ai pas de solution à
proposer, mais je dis que ne pas poser le problème, c'est éviter
une question Importante que nous pose de plus en plus la facilité de la
technologie et de la transmission de l'Information.
L'avant-dernier point, parce que J'en ai un qui n'est pas dans mon
mémoire et dont je vais vous parler tout à l'heure, c'est la
question de la sexualité. Je n'innove pas en soulevant cette question,
mais je pense qu'une politique de santé mentale doit s'en
préoccuper. L'éducation sexuelle ne doit pas être
orientée uniquement vers des questions biologiques, mais doit aussi
permettre de parler de la sexualité, de choses comme la contraception et
de parler aussi de ce qu'est avoir des enfants. On sait qu'en psychiatrie on
traite des gens qui n'ont pas été heureux comme enfants ou qui
sont mal pris avec un enfant qu'ils n'auraient pas voulu tel qu'il est et tout
cela. Peut-être qu'à ce niveau-là - et cela rejoint le
rapport Harnois - il faut qu'il y ait une interaction avec d'autres
intervenants dans l'ensemble des systèmes qui Interviennent comme en
éducation. Je pense qu'il y aurait lieu de faire un effort au plan de
l'éducation sexuelle. Je pense qu'on préviendrait beaucoup de
choses, ne serait-ce qu'en permettant d'en parler. Ce n'est pas un thème
original.
Le dernier point que j'aimerais soulever, mais qui n'est pas dans mon
mémoire, c'est le rôle de la santé mentale au travail et le
rôle du
travail dans la santé mentale. Aujourd'hui, la famille est
beaucoup moins nombreuse, importante et accaparante à la maison et les
communautés... Le milieu social des gens est souvent le travail. Vous
Imaginez donc que quelqu'un qui est en chômage se retrouve à plus
ou moins brève échéance avec des problèmes de
dépression ou des difficultés d'adaptation qui ne mènent
pas nécessairement à des problèmes psychiatriques; toute
détresse n'est pas maladie. La façon de porter une
détresse peut être la façon de vivre en santé. Mais,
tout de même, ce sont des facteurs de risque Importants pour la
santé mentale. Une fois qu'un réseau social est
désintégré, il est très difficile d'en reconstituer
un. (17 h 30)
Par ailleurs, au travail, on retrouve aussi des problèmes de
santé mentale. Là comme dans les autres points, je n'ai pas de
données très scientifiques pour étoffer mon point de vue.
C'est plus un point de vue de clinicien. Aujourd'hui, les gens ne travaillent
plus nécessairement pour gagner la vie. Souvent, un conjoint la gagne
avec eux, ou les politiques sociales soutiennent en partie les enfants ou
encore les gens n'ont pas d'enfant. Par contre, travailler pour apporter du
pain à la maison ou travailler pour gagner son ciel, ce n'est plus
tellement à la mode. Beaucoup de gens comptent sur le travail pour
s'épanouir comme personne, il se trouve que les milieux de travail ne
sont pas toujours orientés dans ce sens. La CSN, d'ailleurs, avait
soulevé, il y a quelques années, le problème du "burnout"
dans certains milieux de travail et je pense qu'elle voulait même qu'on
en fasse une maladie. Moi, sur le plan de la pratique, je fais la distinction
entre récoeurite" au travail et le "burnout". Le "burnout* n'est
peut-être pas une dépression légère, ce n'est pas la
même chose qu'une dépression, mais c'est une condition difficile.
Il reste que tout cela, à plus ou moins long terme, ce sont des menaces
à la santé mentale et cela peut affecter le fonctionnement d'une
personne à plus long terme. Vivre certaines insatisfactions, certaines
frustrations, cela va affecter le milieu familial qui va vivre des
résonances de cela un peu plus loin.
Comme dans la politique de santé mentale il y avait peu de chose
sur ce plan, l'idée de mon intervention était d'abord de forcer
la commission... Enfin, je soupçonnais que beaucoup de gens viendraient
ici parler de l'organisation des services, ce qui est une chose très
importante. Malheureusement, trop souvent, on se centre là-dessus. Je
voulais simplement attirer l'attention de la commission sur d'autres aspects.
Je m'arrêterai là-dessus. Je suis disposé à
répondre aux questions. Je sais que vous avez beaucoup de travaux et je
ne voudrais pas accaparer votre temps plus longtemps. Je vous remercie de
m'avoir écouté.
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie,
monsieur. Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Je voudrais vous remercier, M. Wallot. Je ne
sais pas si vous êtes venu de Chlcoutimi pour nous rencontrer. Je pense
que vous apportez un témoignage qui, comme vous le dites, est
peut-être moins centré sur les structures que sur certaines
problématiques particulières reliées à la
santé mentale dont la violence, la santé mentale chez les hommes
et l'Information de santé du citoyen.
Je voudrais vous remercier de porter à notre attention toute la
question de la façon dont l'information est recueillie, codée et
transmissible - pour utiliser vos termes - grâce aux technologies
modernes ainsi que le danger de bris de confidentialité dans le domaine
de la maladie mentale. On sait combien - c'est peut-être davantage chez
nos voisins du Sud qu'ici - il faut s'assurer... Je ne sais pas dans quelle
mesure, avec toutes nos règles d'accès à l'information,
etc., comment on peut véritablement protéger ces données
pour ne pas qu'elles soient éventuellement utilisées au
détriment des personnes. C'est peut-être un point très
particulier, mais il faudrait y accorder un peu plus de réflexion. En
tout cas, je vous remercie de nous l'avoir signalé.
En ce qui a trait à la santé mentale des hommes,
évidemment, vous avez tout à fait raison de dire qu'il y a plus
de garçons que de filles qui viennent au monde, pour commencer, et,
pourtant, on finit...
Une voix:...
Mme Lavoie-Roux: Ah oui! Pourtant, pas longtemps après, on
finit avec plus de filles que d'hommes.
Une voix: On leur donne moins de misère!
Mme Vermette: Vous ne supportez pas les épreuves!
Mme Lavoie-Roux: Les garçons sont plus fragiles à
la naissance que les filles. Enfin, il y a tout un tas de données de
cette nature auxquelles vous faites référence dans votre tableau
de la fin.
Le Président (M. Bélanger): êtes-vous en
train de nous dire qu'on a l'air fort, mais qu'on n'est pas fort?
Mme Lavoie-Roux: Exactement! Ha, ha, ha! Le Président
(M. Bélanger): Ha, ha, ha!
Mme Lavoie-Roux: Plus sérieusement, je pense qu'une
tentation un peu... Elle n'est peut-être pas facile, elle est
peut-être normale jusqu'à un certain point compte tenu de l'accent
qui a été mis sur la condition féminine dans les
dernières années, par exemple sur la surutilisation par
les femmes des médicaments, de la chirurgie, etc., alors que, parce que
l'homme est censé projeter l'image d'une personne forte, peut-être
qu'on devrait également.. Je regardais vos chiffres, que j'ignorais, sur
les statistiques en Institution des uns et des autres et j'aurais cru, compte
tenue de la longévité des femmes, qu'il y aurait plus de femmes
que d'hommes en institutions psychiatriques, mais c'est l'inverse.
M. Wallot: C'est une indication que les problèmes sont
graves chez les hommes. Est-ce qu'ils sont moins autonomes que les femmes parce
qu'ils sont gravement malades? Il faut dire aussi que, du fait que leur
longévité est plus courte, cela affecte aussi... On parle de la
prédominance des problèmes de la dépression chez la femme.
Effectivement, la solitude est une source de dépression importante. Je
crois que, malgré tout, cela doit affecter certainement la femme
âgée.
Mme Lavoie-Roux: Oui. Je pense que vous avez raison aussi. Vous
ne donnez peut-être pas les statistiques mais, du côté du
suicide, en tout cas, chez tes adolescents, il semble qu'il y en ait beaucoup
plus chez les garçons que chez les filles.
M. Wallot: II y a des hypothèses... si vous me
permettez?
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Wallot: ...des hypothèses dans les écrits qui
relient cela à ce qu'on appelle l'identité de genre ou de
rôle et en quelque sorte le rôle masculin proposé
impliquerait un certain degré de violence et aussi le besoin d'affirmer
l'identité. Éventuellement aussi - cela est une hypothèse
soulevée par certains - on a l'Impression que certains aspects ou
certaines maladies mentales des hommes comme les perversions ou d'autres
problèmes sont reliés, peut-être, à une certaine
absence de la figure paternelle en très bas âge. Je
réfère là-dessus aux travaux de Stoller entre autres.
Évidemment, il y a beaucoup d'hypothèses là-dessus. Tout
à l'heure, on a entendu le groupe du FRSQ parier de la recherche en
santé mentale. Moi, tout ce que je peux vous dire, c'est qu'il y en a
beaucoup à faire. Il faut peut-être aller dans des choses
fondamentales et s'attendre à des résultats dans dix ans.
Mme Lavoie-Roux: L'autre point que vous soulevez, c'est la
question des médias et de la propagande, si on peut dire, de la
violence. Évidemment, c'est une question qui, je pense, Inquiète
certainement beaucoup de parents, qui inquiète beaucoup d'aduttes. Cela
a été discuté largement, en tout cas, d'une façon
sociale. Comment peut-on contrer cela? Est-ce que c'est par des règles
plus sévères? Là, c'est toute la question de censure,
ainsi de suite. C'est un problème réel. C'est un problème
qui - c'est ma conviction personnelle - a une Influence sur... ou peut avoir
une influence sur l'augmentation de la violence et dont on commence à
mesurer les effets sur les jeunes qui ont été exposés
à ceci depuis l'âge de deux ans et demi, parce que la
télévision sert de "baby sitter" dans la maison, avec tout ce que
cela peut comporter de violence. Comment corriger ou contrer cela? Est-ce qu'il
faudrait une volonté collective? Est-ce que cela fait maintenant partie
de la vie de la fin du XXe siècle, que les enfants vont peut-être
faire d'autres types d'adaptation à ces images de violence que
peut-être pas vous, mais que, moi, je n'ai pas connue dans ma jeunesse?
Je ne sais pas. Quel est votre point de vue là-dessus?
M, Wallot: Bien, écoutez, d'abord, évidemment, si
j'étais dans un pays constamment en guerre, |e trouverais
peut-être que ce sont de bons modèles à développer.
Tout est question aussi de culture. J'ai par ailleurs moi-même des
réticences à tout ce qui peut être censure. Par contre,
lorsqu'il s'agit des jeunes, je pense qu'il devrait y avoir, au moins quant aux
heures, un contrôle plus serré. Évidemment, c'est encore de
juridiction fédérale. Je suis sûr que les ministres de la
santé au Canada doivent être sensibilisés à ce
problème de la violence. Je suis sûr qu'ils pourraient faire une
démarche conjointe auprès du CRTC pour qu'il y ait des normes
plus strictes. Je ne connais pas tous les détails constitutionnels et
éventuellement l'Impact du libre-échange ou de la
souveraineté culturelle sur le contenu des émissions pour
enfants. Mais II me semble qu'il devrait y avoir un effort, dans ce
sens-là et que cela devrait être un point spécifique. Je
crois beaucoup plus à cela qu'à une campagne... Je n'ai rien
contre une campagne de sensibilisation sur la maladie mentale, mais, et cela
coûterait moins cher... Quant à mettre des restrictions aux
médias, qu'on parle à fond de ces choses.
Mme Lavoie-Roux: D'accord. Une dernière question que Je
voudrais vous poser. Comme vous venez d'une région.,. Tout le monde
vient d'une région, mais vous ne venez pas d'une région centrale
comme Montréal, je n'ose pas dire éloignée, quand
même...
M. Waliot: Comme natif de Chicoutiml, je peux le dire.
Mme Lavoie-Roux: Le Saguenay-Lac-Saint-Jean, ce n'est pas rien.
Il n'y a rien de péjoratif à venir d'une région
éloignée non plus, d'une région
périphérique, disons. Quelle est votre évaluation...
Est-ce que vous n'enseignez pas à Québec?
M. Wallot: Non, je fais un séminaire au niveau des
résidents en psychiatrie à l'hôpital
Robert-Giffard.
Mme Lavoie-Roux: Bon. L'organisation des services, par exemple,
dans une région comme Chicoutimi, le Saguenay-Lac-Saint-Jean, par
rapport à une région plus universitaire - quoique c'est
universitaire, maintenant, Chicoutimi. comme Québec?
M. Wallot: Au niveau médical? Ce que je peux vous dire
là-dessus, Mme ta ministre, d'abord, c'est que j'ai contribué au
mémoire qui sera présenté par le CRSSS de la région
02. Mes remarques seront les suivantes. Le problème d'organisation des
services, on le remet aux régions. C'est ainsi que je comprends le
rapport On ne se commet pas à ce niveau. Peut-être que c'est sage
parce que ce qu'on a reproché aux anciens rapports, souvent,
c'était d'avoir des formules trop rigides. Est-ce que la commission
Rochon va recommander que les CRSSS aient les pouvoirs d'agir dans ce sens,
d'une part? D'autre part, est-ce qu'ils auront les ressources?
La question des ressources est une question assez large. C'est ma
remarque. Quel genre de services veut-on avoir? Si on régionalise la
responsabilité et qu'on ne régionalise pas les ressources
financières et humaines, au fond, on camoufle un problème. Aussi
bien le dire, ce sera difficile, il faudra prévoir un calendrier. On l'a
mentionné, les ressources sont centralisées dans les grandes
villes. C'est ma réaction, si vous vouiez, en bref, parce que je ne veux
pas commenter tout le rapport. Comme je vous le dis, je soutiens dans
l'ensemble de ses grandes lignes le rapport qui sera présenté. Je
veux éviter à la commission...
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Joliene.
M. Chevrette: M. le Président, je trouve fort
intéressante l'approche que vous présentez. Dans le fond, je la
trouve très simple.
M. Wallot: Pardon?
M. Chevrette: Je la trouve très très simple. En
psychologie, on nous disait: II y a deux choses contre lesquelles on ne peut
à peu près rien, c'est l'hérédité et le
milieu. C'est partir d'une base relativement simple pour démontrer que,
si on place quelqu'un dans une ambiance, il risque de devenir exactement
conforme à ce qu'il vit. Ils ont fait des expériences non
seulement au Québec, mais au Canada et aux États-Unis,
démontrant que, si tu places un type avec une éducation des plus
sophistiquées, des plus raffinées, appelons cela comme on voudra,
dans un certain délai l'environnement fait que les schèmes de
pensées sont modifiés. C'est évident. Je trouve
intéressant que vous présentiez quatre volets très simples
qui démontrent que. tant et aussi longtemps que ce sera ainsi, on aura
de la difficulté à changer... On aura beau mettre des structures
sur pied, si on ne change pas le milieu, si on lui projette continuellement des
images, il ne peut faire autrement que de les assimiler, surtout en bas
âge. Vous avez raison. Je pense entre autres à des films où
l'on voit la violence faite aux femmes, par exemple. Il n'y a pas une
journée où quelqu'un ne voit pas un homme battre une femme
à la télévision, non pas à 22 heures ou 23 heures,
mais à 16 heures. Même dans les "cartoons", ce qu'on appelle les
bandes dessinées, on voit de la violence faite aux femmes. On ne pourra
pas être surpris de voir que cela augmente de plus en plus et qu'il y a
de plus en plus d'Irrespect de ce côté-là. Je trouve cela
fort Intéressant le message que vous nous passez, qui est simple, mais
auquel on ne s'arrête pas bien souvent. Je trouve votre remarque aussi
extrêmement Intéressante en ce qui regarde les médias en
général. Effectivement, indépendamment du régime
constitutionnel, il y a une démarche à faire pour serrer la vis.
L'autorité est quand même assez forte au CRTC pour pouvoir
réglementer les émissions et poser les réserves qui
s'imposent pour dire, par exemple: Avant telle heure en soirée, il ne
peut être question de films avec violence. Par contre, quand on voit un
bulletin de nouvelles - et c'est perpétuel, que voulez-vous qu'on y
fasse? En plus de cela, avec la câblodistribution on peut capter des
films en direct des États-Unis où on voit assassiner un homme
d'État. Cela va devenir extrêmement difficile. Je comprends qu'il
y a un message important, un message clair. Mais il n'y a pas facilement de
solution à cela, si ce n'est de préparer les éducateurs,
préparer les parents, préparer les intervenants à un peu
Immuniser les enfants dès le bas âge, sinon on ne réussira
pas grand-chose. Je trouve que c'est un apport Intéressant que vous nous
donnez. Je voudrais vous remercier. Je n'ai pas de question. Votre texte est
d'une clarté, d'une limpidité. Cela m'a rappelé les beaux
Jours de mes études en psychopédagogie.
Le Président (M. Bélanger): Y a-t-il d'autres
questions, d'autres commentaires? Alors, en termes de conclusion.
M. Chevrette: En conclusion, je lui dis merci. Il a l'air d'un
vrai bon prof.
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie beaucoup, M. Wallot.
M. Wallot: Je vous remercie de m'avoir entendu.
Le Président (M. Bélanger): La commission
vous remercie beaucoup et elle suspend ses travaux jusqu'à 20
heures dans la même salle.
(Suspension de la séance à 17 h 46)
(Reprise à 20 h 10)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaîl! Je demanderais à chacun des participants de bien
vouloir prendre son siège. La commission va reprendre ses travaux.
La commission des affaires sociales se réunit afin de
procéder à l'étude du projet de politique de santé
mentale pour le Québec tel qu'énoncé dans le rapport du
comité présidé par le Dr Gaston Harnois et rendu public le
30 septembre 1987.
Comme prochain organisme, nous Invitons à la table des
témoins te Comité des bénéficiaires de
l'hôpital Louis-Hippolyte-Lafontaine, représenté par M.
Martin Hurtubise, président, par M. Lucien Landry, secrétaire,
par M. Benoît Boyer, personne-ressource et par M. Daniel Saint-Onge,
personne ressource. Est-ce qu'on pourrait savoir qui est votre porte-parole? Le
porte-parole de votre groupe est..
Une voix: M. le Président, je veux seulement vous Informer
qu'on a préparé tout un scénario. On pourra vous informer
au fur et à mesure.
Le Président (M. Bélanger): II n'y a pas de
problème. Vous connaissez nos règles de procédure. Vous
avez 20 minutes pour faire la présentation de votre mémoire et la
commission bénéficie de 40 minutes pour interagir et discuter
avec vous de votre mémoire. Je vous prie donc de procéder
Immédiatement à la lecture de votre mémoire. S'il vous
plaît, chaque fois que l'un de vous doit intervenir, je lui demanderais
de se nommer pour les fins du Journal des débats afin que ceux qui font
la transcription puissent avoir les noms parce qu'avec les voix ils ne peuvent
pas s'y retrouver.
Comité des bénéficiaires de l'hôpital
Louis-Hippolyte-Lafontaine
M. Hurtubise (Martin): Bonsoir! Mon nom est Martin Hurtubise,
président du comité des bénéficiaires. Il me fait
plaisir en ma qualité de représentant du comité des
bénéficiaires, le plus gros au Canada, de vous remercier de nous
accueillir ici ce soir dans cette enceinte, à l'Assemblée
nationale. Il me fait plaisir aussi de remercier Mme la ministre ici
présente et les membres de la commission, y compris le Dr Harnois. Je
tiens à vous souligner que sont présents à mes
côtés M. Lucien Landry, secrétaire-trésorier du
comité des bénéficiaires; M. Daniel Saint-Onge,
personne-ressource, étudiant à l'Université de
Montréal, qui a bien voulu nous apporter son aide pour le
mémoire. Aussi, à ma droite, M. Benoît-Marc Boyer,
étudiant en droit de l'Université de Montréal, qui a bien
voulu se joindre à notre équipe pour nous permettre de
réaliser ce que nous avons à vous présenter
aujourd'hui.
D'autre part, je dois aussi vous dire que, malheureusement, il y a deux
absences, ma vice-présidente qui n'a pu être ici ce soir pour deux
raisons. La première, c'est que, considérant qu'elle a ce qu'on
appelle de multiples handicaps, premièrement, psychiatrique et,
deuxièmement, physique, pour elle, le soir, c'est très difficile.
Vous conviendrez avec mol que, quand on a cette pathologie en psychiatrie, Dieu
sait qu'être devant vous le soir, par rapport aux déplacements et
aux inconvénients que cela présente, je dois vous avouer que,
pour elle, c'était trop lourd d'être présente Ici; je vous
demande de l'en excuser. La deuxième, c'est M. Claude Panet, qui est
conseiller auprès du comité des bénéficiaires.
C'est aussi un bénéficiaire à long terme. Il n'a pu
être ici ce soir. Ce n'est pas parce qu'on n'a pas voulu, mais parce
qu'il y a des règles qui font qu'on n'a pas cette facilité. Je
profite de l'occasion pour vous dire, M. le Président, membres de cette
commission: S'il vous plaît, si jamais l'occasion se présente, je
vous Invite tous à venir voir la situation à Louis-H. et,
surtout, à venir voir le comité des
bénéficiaires.
Ceci dit, membres de la commission, il me fait plaisir de constater que
le comité des bénéficiaires, par sa composante, en vertu
des articles 118.1 à 118.5 de la Loi sur la santé et les services
sociaux... Vous dire la composante d'un comité de
bénéficiaires, ce n'est pas facile. De la façon dont le
législateur l'a faite, ce n'est pas facile, surtout pour ce qu'on
appelle la clientèle en psychiatrie. Malheureusement, quand on a
légiféré là-dessus, on a surtout pensé
à ce qu'on appelle les hôpitaux généraux et certains
ont pensé peut-être un peu, pour ne pas dire
légèrement, à la psychiatrie. Je dois vous dire que les
bénéficiaires, dans des hôpitaux psychiatriques, ce qu'on
appelait avant, ne nous le cachons pas les fameux asiles, cette
clientèle a été durement étiquetée. Ceci
dit, j'aimerais qu'à un moment donné, vous, votre commission,
dans le suivi qui sera donné par cette commission, j'espère qu'on
repensera la loi sur les services sociaux en ce qui concerne les comités
de bénéficiaires. Maintenant, je vais laisser la parole à
mon collègue.
M. Landry (Lucien): Avant d'entreprendre le début de notre
exposé, je voudrais attirer l'attention de cette commission et vous
faire part de deux choses: la première, c'est que nous voulons vous
remettre officiellement ce soir une note de correction à notre
mémoire. Je voudrais officiellement l'inclure à des fins
d'Information, M. le Président, si vous le permettez. Je voudrais aussi
profiter de l'occasion, pour remercier Mme
Lamontagne qui a bien voulu nous faciliter la tâche, nous
préparer, et qui a reçu cette invitation. Je tiens à le
souligner parce que c'est une personne qui travaille dans l'ombre et que,
souvent, on n'a pas la chance de remercier. Je tiens à le dire.
Les corrections à apporter au mémoire, c'est dans le
résumé, à la page 1. à la note paginate sur la loi
de la santé et des services sociaux, et, deuxièmement, sur les
R-3 et R-4 du rapport Dans le mémoire, à la page 14, on y
indiquait 17,9 % du budget de 1981 représentant 680 000 $, mais C'est
680 000 000 $, M. le Président, qu'on doit dire. Alors, ce sont les
corrections qu'on voulait apporter à notre mémoire et nous
n'avons pu le faire avant que cette commission puisse siéger.
Maintenant, on va vous présenter le résumé de notre
mémoire pour que nous puissions plus facilement par la suite
échanger avec les membres de cette commission. Les comités de
bénéficiaires reconnus par le législateur ne sont
mentionnés nulle part dans le projet de politique de santé
mentale pour le Québec Pour un partenariat élargi. Or, pour qu'un
réel partenariat s'établisse, il nous semble primordial d'assurer
les bases de tels organismes déjà reconnus par la loi. De
façon réaliste, il nous semble donc primordial d'abord de donner
des moyens aux comités de bénéficiaires, quant à la
participation et à la prise de décision affectant directement le
bénéficiaire et ' quant à leur pouvoir d'enquêter
sur les plaintes reçues pour confirmer leur rôle législatif
et leur vocation de partenaires privilégiés dans l'Institution.
La nature même du comité de bénéficiaires en fait un
groupe de promotion et de défense des droits, ainsi qu'un groupe
d'entraide. Nous suggérons donc que le comité de
bénéficiaires soit le porte-parole officiel des gens
Institutionnalisés à l'intérieur d'un établissement
hospitalier.
Comme aucun support financier n'est proposé dans le rapport, nous
suggérons... Nous avons apporté à ce stade-ci quelques
suggestions. Il va sans dire que, depuis la rédaction de ce rapport, des
initiatives ont été prises par le biais du comité des
bénéficiaires en collaboration avec certains organismes. Lors de
l'échange, on pourra donner quelques exemples concrets. Mais il va sans
dire qu'actuellement, il n'y a aucun projet concret de financement du
comité, d'une part, de la part des législateurs, et, d'autre
part, ce qu'on appelle, nous, d'une façon très claire ce qui est
prévu par la Loi sur les services de santé et les services
sociaux, c'est-à-dire les normes de financement de ce
comité-là. Moi, je peux vous dire avec conviction qu'il n'y a
aucune norme de financement du comité de bénéficiaires
à l'intérieur' du conseil d'administration de
l'établissement.
Nous suggérons qu'un pourcentage statutaire, par exemple, 0,1 %
des budgets des centres hospitaliers soit réservé aux
comités de bénéficiaires, que l'Office des personnes
handicapées du Québec subventionne directement les comités
de bénéficiaires ou que ces comités de
bénéficiaires se voient assurer prioritairement des budgets selon
R-16 et R-17 des recommandations du comité Harnois. Pour assurer leur
indépendance face à l'hôpital, dans ce même esprit,
un comité de bénéficiaires devrait pouvoir s'incorporer,
avoir accès aux différentes politiques de l'hôpital face
aux services dispensés et même pouvoir représenter un
bénéficiaire devant la Commission des affaires sociales ou la
Curatelle publique.
Je vais laisser la parole à M. Benoît-Marc Boyer,
étudiant en droit.
M. Boyer (Benoît-Marc): Merci. Alors, pour faire suite
à cette prestation sur les comités de
bénéficiaires, nous aborderons maintenant le sujet de
l'"ombudsperson". La question des droits est sûrement le facteur qui est
le plus touchant lorsqu'on est intervenant dans un hôpital psychiatrique.
À l'heure actuelle, quelques lois cernent le problème de
représentation. Par exemple, la Loi sur la Curatelle publique ou la Loi
assurant l'exercice des droits des personnes handicapées qui
confère des pouvoirs de représentation à l'OPHQ.
Cependant, il y a des droits qui demeurent encore nébuleux. Ce n'est pas
à vous que j'apprendrai que la Charte des droits et libertés de
la personne du Québec prévoit des libertés de toutes
sortes. C'est ainsi que certains avocats se demandent si cela ne va pas
à rencontre de la charte, par exemple, de ne se préoccuper que du
consentement Initial d'un bénéficiaire pour lui administrer tous
les traitements subséquents ou de ne pas avoir de code d'éthique
ou de suivi propre à chaque patient. Dans ce même esprit, on peut
se demander si cela n'est pas contraire à certaines règles
d'avoir des bénéficiaires qui ne sont pas officiellement en cure
fermée et qui, pourtant, sont derrière les verrous et ne peuvent
sortir librement de leur unité. Est-ce que, dans de tels cas, de
façon un peu plus juridique, ils ne pourraient pas y avoir des habeas
corpus? Est-ce qu'il n'y aurait pas des recours devant la Commission des
affaires sociales?
Aux États-Unis, une certaine jurisprudence a déjà
établi, en 1972 - on sait que les Etats-Unis sont souvent
précurseurs du Canada - des points très précis. Une
jurisprudence, qui vous est citée dans notre résumé, a
établi en 45 points très précis les devoirs exprès
qu'on devait respecter face aux bénéficiaires. À Toronto,
une certaine jurisprudence tend à s'établir. Au Québec, de
plus en plus de juristes se dirigent vers ce domaine. C'est probablement ce qui
a poussé le comité Harnois à se pencher sur la question et
à proposer l'"ombudsperson" régional.
Un peu Ironiquement, les motifs précis du rapport Harnois quant
à la création d'un poste d'"ombudsperson* reprennent à peu
de choses près l'article 118.5 de la Loi sur les services de
santé et les services sociaux qui donne des
pouvoirs de représentation et de défense des droits aux
comités de bénéficiaires. Comme l'État-providence
n'existe plus ou existe de moins en moins, comme on a de moins en moins
d'argent, comme il faut rationaliser, on se demande quelle est la pertinence de
dédoubler de telles fonctions. À cet égard, puisque les
comités de bénéficiaires ont déjà ces
fonctions reconnues législativement, on préconise que ces
comités de bénéficiaires soient renforcés dans leur
rôle de représentation en ayant des pouvoirs d'enquête, dans
leur rôle auprès des organfsmes en pouvant s'incorporer. À
ce moment-là, le poste d"ombudsperson" n'est plus nécessaire. En
d'autres mots et pour me résumer, on devrait accorder ces pouvoirs et
modifier les résolutions 3 et 4 en donnant ces pouvoirs aux
comités de bénéficiaires pour ne pas dédoubler les
structures administratives.
Je repasse maintenant la parole à M. Landry.
M. Landry: Au chapitre des conditions de vie, on en a beaucoup
à vous dire, mais je pense que, lors de la visite de M. Chevrette et de
Mme Lavoie-Roux au centre hospitalier Louis-H., vous avez certainement pu
constater que les besoins sont immenses. On peut vous dire, en connaissance de
cause, qu'on trouve inconcevable la situation actuelle. Nous vous
lançons un cri d'alarme. C'est une façon très claire de
vous dire: C'est inadmissible de voir que des bénéficiaires
reçoivent des services dans l'état où ils vivent
actuellement.
On peut vous citer un exemple concret, M. le Président
Actuellement, dans une unité de soins où on héberge 39
bénéficiaires, 21 bénéficiaires ne peuvent pas
sortir de l'unité, non pas parce qu'ils sont en cure fermée, mais
parce que c'est une norme réglementaire de l'hôpital ou du
médecin. Sur les 21 bénéficiaires qui ne peuvent pas
sortir, il y en a 5 qui relèvent de la Curatelle publique. Dans cette
unité où ces 39 bénéficiaires vivent jour
après jour, il y a seulement trois toilettes, l'une est
réservée au personnel, l'autre est réservée aux
bénéficiaires et la troisième est brisée. Cela
prend deux ou trois semaines... Cela se passe au moment où on vous parle
ce soir. On trouve cela inconcevable. C'est un exemple concret des conditions
de vie de plusieurs personnes qui vivent dans des institutions.
Je vais aborder le texte. Au chapitre des conditions de vie, plusieurs
carences sont rapportées dans les centres hospitaliers. Or, les
attitudes de l'ensemble du personnel en milieu psychiatrique doivent être
empreintes de respect pour la personne, du désir de l'aider. De plus, le
respect des droits et libertés est particulièrement important,
d'autant plus que des habitudes se sont développées de
non-respect de ces droits. Ce respect comprend le libre consentement d'un
traitement, l'intimité de sol, la propriété des biens et
l'Intégrité. Certaines pratiques, tels l'Isolement et la
contention, devront être améliorées ou abolies. Les
activités dans ces milieux devront être axées sur les
besoins des bénéficiaires.
Au chapitre de la contention, je peux vous donner un exemple concret. Le
soir du 24 décembre, les bénéficiaires assistent à
la messe de minuit. Après la messe de minuit, un
bénéficiaire sort de l'unité, va chercher une canette de
Pepsi au restaurant de l'hôpital et, parce qu'il n'avait pas
demandé la permission de sortir de l'unité, on t'a mis en
jaquette; II s'est trouvé en chambre d'Isolement tout le reste de la
nuit de Noël et toute la journée de Noël. Pendant trois jours,
on l'a mis en jaquette. Cette personne est venue au comité nous
rencontrer, nous demandant d'avoir ses vêtements. Ce sont des situations
concrètes. À notre grande surprise, on a rencontré te
médecin; le médecin n'était pas au courant, alors qu'un
règlement stipule que toutes les contentions doivent être
prescrites par un médecin, il se produit des abus énormes au
chapitre de l'isolement On utilise l'isolement à des fins "aversives" et
non à des fins thérapeutiques. Cela a déjà
été mentionné tors des commissions d'enquête
précédentes. M. le Président, cela se passe aujourd'hui.
Je vais laisser la parole à M. Daniel Saint-Onge.
M. Saint-Onge (Daniel): D'accord. Avant d'aborder te chapitre sur
le statut de la famille, j'aimerais remercier le comité de
bénéficiaires de nous avoir fourni l'occasion de participer
à cette commission parlementaire.
La famille. Le rapport reconnaît à sa juste valeur
l'Importance et le rôle capital de la famille dans le traitement du
bénéficiaire. Donc, le principe général à
suivre devrait logiquement être d'informer et d'associer les parents au
traitement de leur proche. Par contre, le rapport ne semble apporter aucune
mesure ou proposition concrète et adéquate quant à
l'exploitation du potentiel des proches et au renforcement du support de
façon générale.
Nous proposons que te premier volet d'une campagne de sensibilisation,
telle que proposée à la recommandation 1, vise d'abord les
parents et les proches des malades mentaux quant à leurs droits et
à leurs obligations comme la curatelle privée. De cette
façon, on arriverait à atteindre les objectifs promis par le
rapport. De plus, le comité suggère l'Implantation d'un programme
de répit. L'efficacité et la structure me semblent
nébuleuses, mais, toutefois, l'Idée d'offrir un tel programme me
semble louable, s'il est bien structuré, car au-delà de 60 000
familles sont impliquées optimalement avec un proche atteint de maladie
mentale. Donc, à mon avis, ces 60 000 familles méritent
certainement un repos significatif à l'occasion.
Les familles dont un proche est en milieu psychiatrique sont aux prises
avec une absence flagrante de services et de soutien appropriés. Comme
exemple, je suis préposé aux bénéficiaires
à l'hôpital Douglas, et je peux voir qu'aucun accueil n'est
réservé aux familles. Les familles arrivent dans les
unités de soins; elles ne sont pas au courant de l'évolution de
la maladie de leur proche. Comme je vous l'ai mentionné, il n'y a aucun
accueil et aucun local n'est réservé aux familles pour pouvoir
discuter et rencontrer leur proche. À mon avis, ce sont de graves
lacunes. Elles devraient être associées au traitement, comme je
l'ai mentionné, c'est-à-dire que le médecin devrait
rencontrer les familles périodiquement pour évaluer la situation
de leur proche - pourquoi pas leur donner un cours de formation sur la maladie
mentale qui serait subventionné par les hôpitaux ou le
collège des médecins? (20 h 30)
Par contre, la recommandation 18 sur l'accroissement des ressources
psychosociales me semble un pas dans la bonne direction. Toutefois, certaines
questions se posent à la lecture de cette recommandation. Entre autres,
quels seront les services mis de l'avant? Qui va les financer? Est-ce que ce
sera l'assurance-maladie? Les familles devront-elles passer par les
institutions pour y avoir accès? Je pense que le rapport ne donne pas de
réponses à ces questions.
Par ailleurs, on devrait rechercher la participation des familles en
implantant un mécanisme pour favoriser un regroupement de soutien et
ainsi encourager les discussions entre parents. La famille ne doit pas
être considérée comme une ressource extérieure
à des fins de désinstitution-nalisation qui ne coûtera
absolument rien à l'État, Bref, si on veut s'en servir à
des fins de désinstitutionnallsatlon, il faut lui fournir un soutien
financier et humain approprié. Entre autres, les médecins, les
travailleurs sociaux et les infirmières pourraient se déplacer en
milieu familial au lieu que ce soient les familles qui viennent s'inscrire en
milieu institutionnel pour avoir accès à ces services.
Bref, des moyens concrets plutôt que des voeux pieux devront
être mis de l'avant pour assurer aux parents et aux intervenants un
soutien et une participation positive au soin des bénéficiaires.
Sur ce, je cède la parole au président, M. Martin Hurtublse, sur
la désinstitution-nalisation. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Auparavant, M.
Hurtublse, en principe, le temps est écoulé. Si vous
vouliez en arriver aux conclusions pour que nous puissions...
M. Chevrette: Le député indépendant n'y est
pas. Il faudrait qu'on puisse allouer...
Le Président (M. Bélanger): D'accord. J'allais vous
dire de prendre quelques minutes encore pour la conclusion, ce qui permettra
à la commission de pouvoir discuter avec vous de vos Interactions. S'il
vous plaît!
M. Hurtubise: Merci, M. le Président, je serai très
bref. La désinstitutionnalisation. ce matin, j'écoutais la radio:
On vit encore le problème de la "désin...". Je vais vous faire un
léger historique. A l'hôpital Louis-H.-Lafontaine, nous avons eu
la tutelle pour des raisons x, y, pour ne pas dire les raisons que vous
connaissez. A la suite de cela, il y a eu ce qu'on appelle la volonté de
mettre sur pied trois corporations distinctes. Maintenant, au moment où
je vous parie, je dois vous dire qu'en ce qui concerne la gériatrie, il
y a eu une entente, de sorte qu'il n'y a pas eu de corporation. En ce qui
concerne la clientèle "déficience Intellectuelle", une
corporation a été mise sur pied appelée Service
d'intégration sociale de Montréal dont celui qui vous parie
était le vice-président exécutif. Je peux vous dire qu'en
ce qui concerne ce dossier de la déficience, tout récemment,
notre exécutif recevait une lettre de la ministre avec des points
très précis, à savoir que notre corporation, pour des
raisons très précises, va être abolie. C'est le Conseil de
la santé et des services sociaux du Montréal métropolitain
qui va prendre cela de façon plus élargie pour la
clientèle déficiente, si j'ai bien compris. Nous, membres de la
corporation actuelle, allons appartenir à un comité aviseur
émanant du CRSSS. Je dois vous dire qu'à ce stade-ci la
transition n'est pas complétée, si ce n'est qu'elle est en vote
de se faire. Je dis une chose: Le souci que j'ai pour les
bénéficiaires par rapport à cette clientèle, qui,
pour certains, sont là depuis dix, quinze, vingt ou trente ans... Oui,
j'ai le souci d'aller au CRSSS représenter cette clientèle. On me
dit que c'est à l'échelle de la métropole. Oui, j'ai
l'intention d'y aller et oui j'ai l'intention de continuer le travail que je
considère avoir bien fait au niveau de cette corporation. Mon
inquiétude par rapport au transfert au CRSSS est la suivante: Est-ce que
nous... Quand je dis nous, il s'agit des membres de cette corporation et du
comité des bénéficiaires. Avec un oeil vigilant et aussi
avec la latitude qu'on avait avec les parents, nous avions un très bon
suivi. Est-ce qu'on va nous donner la même latitude, d'une part, et
va-t-on faire en sorte qu'on soit un partenaire égal par rapport
à la sortie de ces bénéficiaires pour qu'ils aient un bon
suivi?
En terminant, je vous dirai qu'en ce qui concerne les
bénéficiaires psychiatrisés, le problème est qu'on
sort le bénéficiaire et on lui dit: Tu t'en vas vers une
réinsertion sociale. On t'envoie dans la communauté et le
problème est le suivant: Tu t'en vas, tu te ramasses une couple de 200 $
et après tu t'en vas dans la communauté et qu'arrive-t-ll? On le
laisse à lui-même. C'est ce que j'appelle aujourd'hui encore du
fameux dumping. Ce que je vous suggère ce soir - je ne sais pas si je
devrais le faire, mais c'est en mon âme et conscience que je vous parie -
c'est que, quand on sort un bénéficiaire qui a été
trois, quatre ou six ans, et peut-être même six mois, qu'on le
sorte avec des
ressources. Peut-être que j'expliciterai plus tard
là-dessus. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Je m'excuse de vous
couper, c'est pour se garder un peu de temps pour les échanges avec la
commission. Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M, le Président. Je veux remercier
le comité des bénéficiaires de l'hôpital
Louis-Hippolyte-Lafontaine pour son mémoire. J'ai déjà eu
à quelques reprises l'occasion d'échanger avec vous et, en fait,
sur les points principaux auxquels vous revenez touchant le comité des
bénéficiaires, II me semble que la situation ou tes lacunes que
vous exprimiez il y a déjà assez longtemps sont toujours
demeurées. Est-ce que pour vous c'est relié à la question
du financement du comité des bénéficiaires ou est-ce
relié à la place que l'on vous donne à l'Intérieur
du centre hospitalier qui fait problème?
M. Hurtubise: J'aime bien votre question, elle est
précise. Je peux vous dire que, oui, maintenant nous avons notre place.
On a eu de la difficulté, mais, oui, nous l'avons. Il y a une
collaboration du directeur général là-dessus et cela me
fait plaisir de le souligner. Le problème qui existe est celui-ci:
Chaque fois qu'on demande un budget de fonctionnement pour ce qu'on appelle les
clientèles cibles, parce que vous savez qu'on a de multiples clients et
qu'on en a aussi de l'externe; c'est pour cela que lorsqu'on parle de 7000, on
parle de... Je dis qu'un budget de 18 600 $ et qu'on paie une seule
secrétaire, c'est un non-sens. Deuxièmement, ce sont des
bénéficiaires qui sont vulnérables. Quand je dis
vulnérables, je le dis dans tous les termes qu'on peut employer de ce
que j'appelle misérables. Ce que je veux préciser aussi
là-dessus, c'est que je ne suis pas venu ici pour vous demander des
cadeaux, on est terre à terre avec cette clientèle-là et
quand ils nous demandent des choses aussi concrètes, on n'est pas
capable de donner un suivi, parce qu'on n'a pas les ressources
matérielles et financières. C'est notre problème.
Je peux vous dire que depuis mon arrivée, avec mon
collègue et d'autres, on a essayé d'éviter ce qu'on
appelle des confrontations autant avec le CRSSS qu'avec la direction
générale. Dieu sait qu'on s'en sort bien, mais seulement le
problème, c'est que si on avait les ressources financières .pour
répondre à ces pauvres vulnérables et leur dire: Nous, le
comité de bénéficiaires, on vous fait avoir ceci, nous, le
comité de bénéficiaires, on vous fait avoir cela... Je
vais vous donner juste un petit exemple, membres de !a commission. M. le
directeur général a convoqué, dans le cadre de sa mission,
tous les membres du personnel de l'hôpital Louis-H.-Lafontaine à
une réunion annuelle. Savez-vous combien il y a eu de personnes? 21
personnes: les membres du conseil d'administra- tion, plus le président
du Comité des bénéficiaires. J'ai fait une
assemblée annuelle des bénéficiaires. Savez-vous combien
j'en ai eu? 761. Ce n'est pas un mensonge que je vous conte. Quand j'ai
rencontré le président du conseil d'administration, j'ai dit:
Voyez-vous le souci qu'ils ont pour les bénéficiaires? Vous en
avez la preuve maintenant. Je vous demande de prendre cela en
considération. Ce que je trouve le moins drôle, c'est qu'on dit:
M. Hurtubise, ton comité de bénéficiaires, cela va bien,
etc. Je peux vous dire qu'on se fait tasser par les bénéficiaires
parfois, parce qu'il y en a qui sont beaucoup plus cohérents qu'on
pense. Je vous demande de me croire là-dessus, mais ce qui est
Important, c'est que, lorsque cela va mat pour les bénéficiaires,
ils ne vont pas voir le directeur général ou le directeur des
services à long terme. Qui vont-ils voir? Leurs plus proches et qui est
le plus proche? C'est nous. On comprend leur langage. On parte leur langage. Je
n'ai peut-être pas le langage professionnel ici, mais j'ai le langage
dans lequel je sais que je suis compris des bénéficiaires et
compris de la clientèle cible. Quand on vous parle d'avoir ce qu'on
appelle un financement raisonnable et adéquat, c'est qu'on veut
répondre à une gamme de services auxquels ils ont droit. Vous me
permettrez, M. le Président, et membres de la commission, d'ouvrir une
petite parenthèse et, faites-moi confiance, |e la referme
immédiatement après. J'ai fait une étude, elle n'est pas
complétée mais je vous dirai - je ne veux pas être
méchant - qu'une personne qui entre dans une institution
carcérale pour ce qu'on appelle le court terme soit 23 soit mois, quand
cette personne entre là, elle est punie, d'une part, mais elle
reçoit un avocat, elle reçoit le service social, elle
reçoit ce qu'on appelle les services juridiques et aussi elle a tous ses
vêtements gratuits. SI elle travaille, elle retire 4 $ l'heure et plus
présentement. Quand c'est le cas d'un bénéficiaire en
psychiatrie, savez-vous ce qui arrive? Quand le bénéficiaire
entre, il n'a même pas ce qu'on appelle te feuillet d'information pour
savoir ce que sont ses droits. Deuxièmement, on rejette la famille. Si
je vous dis cela, c'est parce que je suis une victime. Troisièmement, on
ne protège pas la famille. Quelqu'un qui est dans un endroit
carcéral, on voit à ce que la famille ait des ressources. Je ne
suis pas contre, mais seulement pourquoi ne ferait-on pas un pas vers
l'égalité ou, du moins, vers un peu plus de respect pour les
parents et surtout pour des bénéficiaires qui sont victimes d'une
maladie? Par rapport à cela, je dis que: oui on vit des contraintes
très sérieuses. Nous disons: À l'intérieur des
activités qu'on veut offrir aux bénéficiaires, on n'a pas
de financement. Par exemple, j'essaie d'avoir ce qu'on appelle une radio
communautaire à l'intérieur de l'hôpital. On m'a dit:
Débrouille-toi. Moi, je peux vous dire que, quand je vais demander une
piastre pour Louis-H., c'est encore un tabou. Mol, je peux vous dire aussi que
le Dr Lamontagne a pré-
ché - je ne sais trop comment - pour avoir des ressources
financières pour ouvrir son centre et il a de la misère. Moi, je
vous demande bien humblement et bien candidement: J'aimerais qu'il y ait ce
qu'on appelle une vraie bonne politique pour arriver à avoir des
comités de bénéficiaires dans des hôpitaux
psychiatriques aussi gros et aussi lourds que ceux que nous avons. On ne vient
pas vous voir tout le temps, sauf que je vous dis: Oui, on a besoin d'un
financement
M. Landry: Je voudrais seulement ajouter un élément
de réponse à l'intention de Mme la ministre concernant les
relations avec la direction générale et le financement On est
rendu à un stade de dire: Ne nous demandons pas ce que l'institution
peut faire pour nous mais comment nous associer avec l'Institution pour nous
assurer que les services qui sont offerts soient mieux assurés. Souvent,
pour être franc avec vous, nos relations avec la direction sont
très bonnes. On fait même équipe face au ministère
dans une situation concrète. Un exemple: l'hôpital actuellement
attend après le ministère pour réparer le Bédard et
le Riel pour les conditions... toute l'approche et la question des conduites
d'eau. Or, on sait que le ministère vient d'envoyer un accusé de
réception disant que les études préliminaires sont
acceptées: Veuillez procéder à l'appel d'offres.
Ironiquement, on s'associe avec le conseil d'administration et le comité
des bénéficiaires pour appuyer cette démarche-là.
On est rendu qu'on est à la veille de monter à Québec, pas
seulement laisser le conseil et les représentants de la direction de
Louis-H., mais on va s'asseoir avec eux et on va aller vous rencontrer. C'est
un exemple concret. II existe, par exemple, des lacunes. Mais c'est une
question d'éducation, de liming", de relations publiques et de relations
avec la direction.
En ce qui a trait à la question du financement, on a pris des
initiatives, M. le Président et Mme la ministre, à savoir qu'on
s'est associé avec la Curatelle publique et on peut vous dire avec... On
n'est pas venu aujourd'hui vous demander des sous, on vous demande d'une
façon très claire d'appliquer certaines normes, certaines
règles administratives, de demander au ministère de se tenir
debout devant les hôpitaux. On s'aperçoit que les hôpitaux
retournent et envoient promener le ministère. Je pense que c'est
important que le ministère se tienne debout. C'est dans ce
sens-là qu'on dit: Oui, on va faire équipe avec la direction,
oui, on va s'associer avec les bénéficiaires.
Mme Lavoie-Roux: Je voudrais seulement revenir sur un point
particulier. Vous suggérez que le rôle de l'ombudsperson" soit
confié au comité des bénéficiaires, ou que ce soit
le comité des bénéficiaires, finalement, qui remplisse ce
rôle-là. Il existe même déjà des
"ombudspersons" dans certains établissements et, comme ils
relèvent parfois de la direction générale ou du conseil
d'administration, on a souvent critiqué et prétendu qu'ils
pouvaient être en conflit d'Intérêts ou sous l'Influence du
conseil d'administration. De toute façon, que leur objectivité
n'était pas garantie (20 h 45).
Ne croyez-vous pas que, si ce rôle de protecteur du citoyen
échoit au comité des bénéficiaires, à
l'occasion, le comité des bénéficiaires se trouve dans une
situation conflictuelle? Parce qu'il faut souvent statuer sur un conflit
possible et, à cet égard, il est probablement mieux que cette
personne-là soit totalement Indépendante de l'Institution,
qu'elle ne soit pas attachée au conseil d'administration, que ce ne soit
pas le comité des bénéficiaires, mais que ce soit vraiment
une personne. D'autant plus que cette personne-là sera appelée
à répondre non seulement aux représentations des
bénéficiaires et des ressources satellites de l'institution, mais
aussi aux besoins d'autres personnes qui vivent dans la communauté sans'
avoir nécessairement un lien direct avec une institution, dont les
droits, comme personnes ayant un handicap mental, peuvent être
frustrés. Alors, vous ne trouvez pas qu'il y a un certain danger
à suivre votre suggestion, que ce soit le comité des
bénéficiaires qui devienne l"ombudsman", d'une certaine
façon?
M. Hurtubise: Moi, je vous dis un point là-dessus, Mme fa
ministre. C'est qu'on y a été, nous, à fond de train avec
ce qu'on appelle objectivité, clarté et honnêteté.
Ce que je veux dire par là, c'est que nous sommes assis avec ce qu'on
appelle le représentant, comme exemple, du long terme. On a ce qu'on
appelle un protocole sur les plaintes. Correct? Et, par rapport à cela,
avant d'acheminer tout le dossier, d'une part, nous prenons connaissance de la
plainte - pour vous faire un petit résumé - nous prenons
connaissance de la plainte, nous faisons ce qu'on appelle une étude
là-dessus et sur la véracité des faits. Par la suite, nous
allons faire notre bout de chemin d'enquête et on laisse aussi le
directeur du service faire lui-même son expertise. D'accord? Moi, Je dis
que, comme comité de bénéficiaires, on n'a jamais
été pris - et cela, je défie ici les membres de la
commission - on ne nous a jamais dit: Vous avez été partisants
pour x ou y bénéficiaires. Ce pourquoi je suis fier d'être
ici ce soir, c'est qu'il n'y a pas un bénéficiaire qui peut me
dire: Écoute, Hurtubise, pourquoi as-tu favorisé l'autre
bénéficiaire à mon détriment? On n'est pas en
conflit d'intérêts là-dessus et je suis fier de vous
l'annoncer ce soir. Je vous dis qu'on y va de façon claire,
honnête et précise, sauf qu'on pourrait y aller de façon
plus concrète si on avait des ressources, mais, quant à ce qu'on
appelle des situations conflictuelles, moi, je ne le vois pas. Mais, seulement,
je dis une chose, c'est que je serais prêt, par exemple, et nous serions
prêts à nous asseoir pour arriver à mettre en place un
mécanisme qui ferait qu'on aurait un partenariat.
Là-dessus, je n'ai aucune objection.
Mme Lavoie-Roux: D'accord,
M. Boyer: Pour ajouter ici.
Mme Lavoie-Roux: Oui, monsieur.
M. Boyer: Si vous me permettez, sur un point très
précis... Vous dites: Est-ce que vous n'avez pas peur pour les
ressources qui viennent de l'extérieur? Bien, je me dis qu'un
comité de bénéficiaires qui est dans un centre hospitalier
n'est pas plus mal placé qu'un "ombudsperson" régional qui a ses
bureaux, disons, au douzième étage de la Place Ville-Marie, de
façon très concrète.
Dans la situation actuelle, il y a probablement des possibilités
de conflit d'Intérêts parce qu'on est créé par
l'hôpital, c'est l'hôpital qui décide, mais, d'un autre
côté, on doit surveiller l'hôpital et on doit dire: Ce que
vous faites là, ce n'est pas correct. Effectivement, on est pris dans un
étau. Dans l'état actuel de la législation, oui, nous
sommes en conflit d'intérêts. Voilà pourquoi, dans notre
mémoire, nous demandons d'avoir des pouvoirs accrus de
représentation, d'enquête. À l'heure actuelle, la loi nous
permet de recevoir les plaintes, mais on ne peut pas faire enquête.
Qu'est-ce que cela nous donne? En ayant ces pouvoirs accrus, je pense qu'il y
aurait une cohésion parfaite et je vois difficilement comment on
pourrait être en conflit d'intérêts. On serait totalement
Indépendant face à l'hôpital en ayant, par exemple, un
pourcentage statutaire de budget, en ayant des pouvoirs très
précis qui nous permettraient de ne plus dépendre de
l'hôpital qui, selon son bon vouloir, nous donne 1 %, 0,1 % ou 0,6 %. Je
vois difficilement comment on ne serait pas objectif.
Mme Lavoie-Roux: D'accord. Très rapidement, deux autres
points sur la question de la place des parents dans tout te processus de
traitement. Là où il y a une famille, je pense que les intentions
du comité ou du projet de politique en santé mentale sont claires
là-dessus. C'est évident que, depuis. fort longtemps, les parents
se sentent souvent mis de côté. Évidemment on Invoque
toujours la question de l'âge de la majorité, mais je pense que
ceci devrait être dosé différemment de telle sorte que,
là où la famille peut être un appui, peut être un
soutien, elle ne soit pas écartée comme elle l'est trop souvent
aujourd'hui. Là-dessus, je pense que le projet de politique est assez
clair. En tout cas, c'est l'intention de la politique en santé
mentale.
En ce qui a trait à ta désinstitutionnalisation, vous avez
dit: Écoutez, depuis x années, il y a eu tant de personnes de
désinstitutionnalisées. On les a "dumpées", etc. Je suis
d'accord avec vous et c'est justement l'objet de l'étude que nous
faisons présentement de l'étude que le rapport Hamois a faite. Si
on continue le processus de la désinstitutionnalisation, il faut
s'assurer que les ressources nécessaires y soient pour éviter de
mettre des bénéficiaires ou des patients dans une situation plus
difficile que celle qu'ils connaissent présentement Mais la question
précise que je veux vous poser est ta suivante: En soi, vous
n'êtes pas contre une désinstitutionnalisation si les conditions
environnantes viennent supporter cette désinstitutionnalisation?
M. Hurtubise: Mme la ministre, je vais répondre par
rapport aux parents. Mme la ministre et vous, les membres de la commission,
cela fait quatre ans bientôt que je suis impliqué à
Louis-H.-Lafontaine. J'ai un proche de ma famille qui est là. J'ai
toutes les misères du monde et je suis le président du
comité des bénéficiaires. Imaginez-vous les autres. Bon
sens! Combien cela va-t-il prendre de commissions avant qu'on ait ce qu'on
appelle une meilleure approche pour les parents? Combien de sous cela va-t-il
coûter? Mon comité a essayé de mettre sur pied un
comité de parents et je peux vous dire qu'on nous a fauché
l'herbe sous les pieds. C'est malheureux à dire, mais c'est cela.
Maintenant, ce que je dis en ce qui concerne ta
désinstitutionnalisation pour les psychiatrisés, c'est qu'il faut
encore faire très attention. Je dis non seulement qu'il faut penser que
les ressources suivent, mais il faut que les montants d'argent soient sortis.
Je vais vous dire pourquoi. On parle d'alternative, mats c'en est une, une
alternative. Qu'on fasse suivre les montants d'argent et que les groupements
alternatifs en santé mentale aient ce qu'on appelle les ressources
financières pour arriver à apporter leur collaboration à
l'extérieur. Je suis Impliqué aussi à l'extérieur.
Je peux vous dire une chose. Ils seraient fiers d'arriver et de vous dire en
fin de mandat: Oui, on a eu la désinstitutionnalisation et oui, avec les
montants d'argent que vous nous avez donnés, on a pu s'Impliquer plus
intensément. Plus on va avoir de ressources pour répondre
à cela, plus le bénéficiaire va être satisfait en
fin de compte parce que le problème, actuellement, c'est que ce n'est
pas un cadeau pour les bénéficiaires les fins de semaine.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie.
M, Landry: J'aimerais ajouter un point, M. le Président, si vous
me le permettez, en ce qui a trait à la question de la
désinstitutionnalisation. il faut vous dire que je pourrais apporter un
élément d'information fort Important. Il faut vous dire d'une
façon très claire que je suis une personne qui a vécu en
milieu institutionnel pendant 21 ans. Il faut vous dire d'une façon
très claire, Mme la ministre, que, lorsque j'étais jeune,
j'étais en milieu psychiatrique et j'ai dû me sauver de
l'établissement. De ta jaquette, j'en
suis venu à fa cravate, c'est-à-dire qu'aujourd'hui je
suis au conseil d'administration de ce même établissement'' dont
autrefois j'étais bénéficiaire. Mais, quand on parte de
désinstitutionnalisation, nous avons dit oui à M. Aucoin. Nous
avons dit oui aussi à la présentation de nos recommandations lors
de la commission parlementaire qu'il y a eu en 1985. Nous disons oui
aujourd'hui et nous appuyons aussi d'une façon très claire la
table provinciale des ressources alternatives parce qu'on voit dans la
recommandation que ce dont il parle, c'est du service direct auprès des
bénéficiaires. S'associer à cette démarche, je
pense que même en termes d'économies... Ce serait curieux de voir
combien en termes de sous... On parle aujourd'hui de "business", on parle de
piastres, mais je pense que ce serait important de voir toute cette panoplie,
cette richesse que l'État peut avoir en termes d'économies sur la
question de la désinstitutionnalisation en supportant les ressources
dans la communauté.
Mme Lavoie-Roux: Merci.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Joliette.
M. Chevrette: Oui, M. le Président, autant j'étais
convaincu de ce que j'avançais le 19 septembre 1985, autant j'en suis
convaincu, sinon plus, ce soir. Mon problème, c'est qu'ils sont
tellement convaincants qu'ils sont dangereux. Je vais m'expliquer. Je me
souviens très bien d'avoir eu à peu près le même
genre de discussion que celle qu'on a présentement, en particulier sur
la représentation par le comité des bénéficiaires
tenant lieu et place de l'"ombudsman", parce qu'on ne parlait pas
"d'ombudsperson". On se modernise d'une année à l'autre, on
invente un nom et on évite souvent de lui donner une consonance
française. En tout cas, parlons du protecteur du
bénéficiaire, on va se comprendre.
Une voix: Oui.
M. Chevrette: Le danger que j'avais souligné à
l'époque, je pense qu'il existe toujours - pour parler d'abord de cet
aspect. C'est que te comité des bénéficiaires, à
toutes fins utiles, à cause de ses convictions profondes et de sa
façon de fonctionner à l'intérieur... Je me disais: Un
jour ou l'autre, ils vont arriver, ils vont vouloir prendre la place du conseil
d'administration du centre hospitalier parce que vous alliez dans le moindre
détail. Je me souviens, vous étiez là tous les deux. Vous
aviez la même conviction et vous étiez accompagnés par
d'autres, d'ailleurs, à ce moment-là. C'était toujours la
clé... Pas la clé, mais le joint. On cherchait un moyen, si vous
vous rappelez, à l'époque... On disait: II faut absolument jouer
te rôle d"ombudsman" ou de protecteur du bénéficiaire, mais
sans pour autant se substituer au conseil d'administration comme tel du centre
hospitalier. Ce sont à peu près les propos qu'on tenait à
l'époque.
Je suis convaincu, d'autre part, qu'effectivement une équipe de
bénévoles - ce sont des bénévoles, à toutes
fins utiles - peut jouer un rôle extrêmement Important au sein d'un
centre hospitalier; beaucoup plus en tout cas qu'une personne payée par
l'Institution. J'avais acheté cela, si vous vous rappelez. Je
l'achète toujours, je suis convaincu qu'une personne payée par
l'institution pour représenter les droits des
bénéficiaires, à mon point de vue, c'est
dépassé, tout comme la Curatelle publique est
dépassée, soit dit en passant, sous plusieurs aspects.
D'ailleurs, je pense que la ministre ou l'ensemble du gouvernement est
prêt à revoir la Loi sur la curatelle publique. En tout cas, je te
souhaite parce qu'il y a eu d'autres institutions qui ont eu des
problèmes avec la Curatelle publique, et on sait ce qui arrive avec
cela. Je ne serai pas un de ceux qui, même dans l'Opposition, va
critiquer le gouvernement pour améliorer la Loi sur la curatelle
publique, bien au contraire. Pour le respect des bénéficiaires en
particulier, je pense qu'on doit se placer au-dessus de toute partisanerie
politique; on doit s'assurer, à tout prix, que le
bénéficiaire est véritablement protégé dans
tous ses droits, dans toutes les dimensions de sa vie humaine comme telle.
Cela dit, j'aimerais vous entendre, par exemple, sur les dangers que
peut comporter le fait qu'un comité de bénéficiaires
puisse être revendicateur pour des conditions de vie face à la
représentation vis-à-vis d'une plainte, si vous comparez cela
à la responsabilité de gestion de l'hôpital. Cela a
toujours été te point, le seul point qui n'a jamais
été clair dans ma tête et sur lequel j'aimerais vous
entendre.
M. Landry: II va sans dire que comme expérience,
même actuellement, depuis deux ans que je siège au conseil
d'administration de l'hôpital comme représentant des
bénéficiaires, cela prend une longue préparation pour
être administrateur à l'intérieur d'un établissement
comme celui de Louis-H., qui a un budget de fonctionnement de l'ordre de 125
000 000 $, 97 000 000 $ venant du ministère. À
l'Intérieur, on nous dépose des séries de documents
d'information, lesquels nous demandent beaucoup.
Vous, les partis politiques, avez une infrastructure en arrière
pour vous permettre de faire de la recherche, de l'analyse, des études
approfondies pour vous préparer à faire des dépositions
à l'Assemblée nationale ou en commission parlementaire, tandis
que les membres du conseil d'administration des établissements, oui, ils
ont besoin de soutien. Je pense que cela manque à l'Intérieur des
établissements en général. On n'est pas Ici ce soir pour
parler de la question qu'on doit soulever prochainement, lors du
dépôt du rapport de la commission Rochon. On en reparlera. Mais
pour vous le dire d'une façon
très claire, c'est inconciliable le rôle de
représentant du comité des bénéficiaires.
D'ailleurs, il faut vous dire qu'en termes de formation, une fois qu'on est
rendu au conseil d'administration, on ne doit pas se placer comme un
représentant des bénéficiaires et voir toujours
l'Intérêt des bénéficiaires, on doit agir comme un
administrateur. On doit se placer sur le même pied que les
représentants socio-économiques, les représentants du
personnel clinique, etc. Donc, cela nous prend ce qu'on appelle une
impartialité. Il faut pouvoir faire la part des choses. Mais, quand il
s'agit de porter le chapeau de représentant et de défendre les
droits des bénéficiaires, par exemple, cela, c'est plus Important
On est capable de faire la distinction entre les deux. (21 heures)
M. Hurtubise: M. le chef de l'Opposition, je ferais le
commentaire suivant. Si j'ai mis l'emphase sur notre impartialité par
rapport à notre clientèle cible, je peux vous dire que ce n'est
pas le cas avec rombudsman" présentement. En fin de compte, qui en
souffre encore? Cela fait au-delà de cent ans que cet hôpital
existe et je me dis que, si je me tais et que je me cache dans le sable, je
suis responsable. Si je le mentionne, je dis: Vous, les législateurs,
vous avez un devoir là-dessus. J'ai rencontré tous les
bénéficiaires la veille de Noël pour leur dire que je venais
ici, à la commission. Je peux vous dire une chose, cela a suscité
- savez-vous quoi? - un paquet de questions de la part des
bénéficiaires. Ils ont pris un Intérêt partisan, Je
n'ai pas le goût de faire le procès de personne ici, mais je peux
vous dire que cela nous prend quelqu'un d'Impartial actuellement comme
'ombudsman*, ou "ombudsperson" ou "ombuds-qui-tu-voudras".
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Hurtubise: Mais, comme représentant officiel des
bénéficiaires, je dis que je ne suis pas entre l'arbre et
l'écorce présentement. SI personne n'a rien fait jusqu'à
maintenant, vous n'allez pas me dire que je suis entre l'arbre et
l'écorce. Je suis très fier de ce que j'ai fait pour les
bénéficiaires. Maintenant, s'il y en a qui pensent autrement ou
qui émettent un doute, je leur dis: Qu'ils s'arrangent avec cela. Mais
je dis qu'en mon âme et conscience, quand l'ombudsperson" est
entré en fonctions à l'hôpital, cela devait être une
personne de l'extérieur. Considérant surtout qu'on redorait le
blason de cet hôpital - Dieu sait que ses bénéficiaires en
ont arraché! - je m'attendais à avoir quelque chose de mieux que
cela. Et je dis: Considérant qu'on n'a pas mieux, on ne peut pas avoir
pire, allons-y nous-mêmes.
M. Chevrette: Une chose est certaine, M. Hurtubise, je suis
convaincu que le bénéficiaire ne peut pas être mieux servi
que par ses semblables, par ceux qui croient en lui; je suis convaincu de cela.
Vous ne me convaincrez pas de cela, je l'achète comme principe. Par
exemple, pour ce qui est de l'établissement d'une politique claire, it
s'agirait de fixer les limites dans la façon de fonctionner, de fixer
les cadres de fonctionnement; sinon on pourrait se ramasser, sur te plan
administratif, avec de l'empiétement dans les juridictions, et vous
savez ce que cela peut comporter.
M. Landry: C'est déjà fait, M. Chevrette.
M. Chevrette: Je sais que c'est déjà fait chez
vous. Mais, quand vous vous êtes permis de parler pour l'ensemble des
hôpitaux psychiatriques... Vous avez fait un cheminement chez vous qui ne
s'est pas fait ailleurs, M. le secrétaire, vous le savez très
bien.
M. Landry: Mais on est rendu à un autre stade.
M. Chevrette: Je pense que la...
M. Landry: M. Chevrette, seulement pour vous dire une chose qui
s'est déjà faite, d'une façon très claire et non
pas de notre côté. Le ministère, à
l'intérieur de son service du contentieux, a fait une analyse de la
responsabilité, de la reconnaissance, du financement des comités
de bénéficiaires en février 1986. Il y a eu des
échanges de correspondance à cette période avec le
directeur général de Giffard et le ministère, pour
demander de clarifier le rôle des comités de
bénéficiaires, la représentation. C'est déjà
fait.
M. Chevrette: Je sais tout cela. Vous êtes en train de dire
ce que j'allais dire. Je n'ai pas d'objection, vous le dites bien. Ce que Je
veux vous expliquer, c'est que, dans l'élaboration d'une politique, vous
avez vécu chez vous quelque chose qui n'a pas été
nécessairement vécu dans les autres centres psychiatriques. J'ai
aussi rencontré, à l'époque, d'autres comités de
bénéficiaires qui n'ont pas nécessairement... J'ai l'air
de défendre la ministre, j'ai l'air fou, cela ne me plaît
pas...
Mme Lavoie-Roux: ...j'ai l'impression.
M. Chevrette: Cela peut arriver une fois de temps en temps. Vous
me rendrez la pareille, madame.
Ils n'ont pas nécessairement les mêmes perceptions que
celles que vous pouvez avoir. Je pense que la tutelle de 1984, chez vous, a eu
un effet extrêmement bénéfique, non seulement sur le
comité des bénéficiaires, mais sur l'ensemble du
personnel. Cela vous a permis de vous asseoir et de chercher des solutions
concrètes aux problèmes vécus à l'intérieur.
Personnellement - et là, je vais devenir partisan - après deux
ans et demi, je regrette que le plan conçu par l'ensemble des
intervenants de l'institution
ne soit pas attaqué. Quand on sait qu'il y a 700 personnes
âgées qui sont en milieu psychiatrique qui pourraient se retrouver
dans des centres d'accueil avec des soins humains, quand on sait qu'il y a 400
déficients Intellectuels qui se trouveraient beaucoup mieux avec des
programmes d'encadrement, des programmes de soutien à
l'intégration sociale dans des maisons d'accueil, quand on sait, d'autre
part, qu'on pourrait aménager un hôpital beaucoup plus salubre
pour les 700 psychiatrlsés qui doivent nécessairement avoir des
soins en institution, je suis convaincu que cela devrait être fait et
dans tes meilleurs délais. Quand mon ex-collègue, le Dr Laurin, a
mis en tutelle et qu'on a réussi à l'été 1985
à bâtir, non pas à partir du ministère, vous vous en
souviendrez, mais à partir de vous-mêmes, les personnes du milieu,
les travailleurs syndiqués, les travailleurs non professionnels comme
les travailleurs professionnels, à élaborer une solution à
cet immense complexe qu'est l'hôpital Louis-H.-Lafontaine, à y
trouver des recettes beaucoup plus humaines pour les
bénéficiaires, je pense qu'on devrait s'arrêter très
sérieusement à ce qu'on avait pensé. C'était la
méthode la plus humaine. On faisait de la place pour les
bénéficiaires, pour les représentants des
bénéficiaires, mais on tenait compte d'abord et avant tout d'un
constat qu'a fait le Dr Harnois et qui a été fait depuis
longtemps: la personne avant toute chose. C'était de
démêler d'abord, de classifier et de catégoriser les
patients et les malades. Quant à mol, que ce soit un comité de
bénéficiaires qui ait les ressources pour défendre, oui,
mais dans un cadre juridique correct. J'insiste là-dessus parce que vous
seriez les premiers perdants s'il n'y avait pas un cadre clair.
Que ce soit un comité au lieu d'une personne, tant mieux! Plus il
y aura de monde qui va s'occuper des malades, mieux on sera comme
collectivité. Ce n'est pas un reproche que je veux vous faire, mais je
voulais attirer votre attention au départ sur le fait qu'à
vouloir établir un modèle, on risque d'y substituer des
structures. Ce n'est pas votre désir, je le sais, j'ai parlé avec
vous assez lontemps et assez longuement un avant-midi, entre autres, où
on a discuté de long en large des limites, mais aussi, par contre, des
pouvoirs que pourrait avoir un comité de bénéficiaires.
Vous avez raison de le dire, et je crois fondamentalement que vous pouvez faire
des représentations extrêmement correctes à
l'intérieur d'un cadre bien défini et cela permettrait
peut-être davantage... M. Hurtubise donnait l'exemple tantôt d'une
assemblée qu'il a convoquée. SI vous avez réussi à
avoir au-delà de 700 personnes à une réunion, c'est qu'il
y a des gens intéressés, des gens sensibles, des gens qui
veulent, et cela m'impressionne énormément comme
législateur. Quand II ne reste plus qu'à définir un cadre
juridique, pour moi, c'est une pinotte. Ce n'est plus compliqué, on
prend un avocat et on dit: Définis un cadre. Ce cadre-là, on le
discute par la suite.
Je n'ai pas d'autres questions parce que vous avez touché
à l'ensemble des questions. Il y a peut-être la question du
financement que j'aurais pu discuter. Juste 30 secondes, je vais finir et vous
pourrez compléter.
M. Saint-Onge (Daniel): Simplement sur la question...
Le Président (M. Bélanger): On va laisser finir le
député de Joliette.
M. Saint-Onge (Daniel): Excusez-moi.
M. Chevrette: Sur la question du financement, je reconnais
qu'avec 18 000 $ dans un institut comme le vôtre, cela fait dur. Dans le
temps, vous vous payiez une secrétaire à mi-temps, je suppose que
c'est à peu près la même chose. Cela fait assez dur merci,
j'en conviens avec vous. Au contraire, je suis heureux que vous souligniez ce
fait parce que juste un "ombudsman", cela coûte pas mal plus cher qu'une
secrétaire, et vous faites probablement des représentations
beaucoup plus adéquates, beaucoup plus sensibles, qui collent beaucoup
plus aux réalités. Là-dessus, je ne pense pas que cela
demande plus de preuves. La ministre est très sensible et elle va
sûrement se rendre à vos demandes dans les plus brefs
délais.
Ceci dit, je veux vous remercier et vous féliciter; vous
remercier d'abord de la façon dont vous avez présenté
votre mémoire. Vous touchez du doigt les problèmes particuliers
qui vous regardent précisément, et je trouve cela
intéressant. Je veux vous souhaiter bonne chance, et surtout bon
courage, et vous dire ceci: Ne lâchez surtout pas. Des fois, il y a des
projets qui prennent cinq ans à se réaliser; on est d'autant plus
fier. On est cinq fois plus heureux après.
Le Président (M. Bélanger): Mme ta ministre.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président,...
M. Chevrette: Vous pouvez répondre sur mon temps, cela ne
me dérange pas.
M. Saint-Onge (Daniel): Excusez mon intervention hâtive,
mais c'est simplement pour compléter votre allocution. L'idée de
base du rapport, étant donné que vous voulez considérer le
bénéficiaire comme une personne humaine et non comme une maladie,
il me semble logique que le comité doit avoir des représentations
au CA de l'hôpital, étant donné qu'indirectement ce sont
les patients qui participent à l'administration de l'hôpital et
à sa gestion. À mon avis, c'est un point important et on devrait
justement renforcer ces mesures.
M. Chevrette: Je ne mets pas cela en doute. Si vous avez
pris...
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît!
Le temps étant écoulé...
M. Chevrette: Ah! Je donne souvent mon consentement souvent et Je
ne chiale pas. Si cela ne vous dérange pas, M. le Président,
regardez ma voisine de droite, elle va vous dire qu'elle est d'accord avec
moi.
Le Président (M. Bélanger): Brièvement.
M. Chevrette: Merci. Je dois vous dire ceci...
Mme Lavoie-Roux:...
M. Chevrette: Madame...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: Je n'ai Jamais voulu mettre en doute la
représentativité des bénéficiaires au conseil, ce
dont J'ai voulu parler, c'est de l'encadrement juridique des pouvoirs d'un
comité. C'est très différent. C'est seulement pour
clarifier. Si vous avez interprété que je voulais vous soustraire
de la représentativité au conseil d'administration, non, du tout
Je n'ai pas parlé de la représentation au conseil
d'administration. C'est seulement que, si on substituait le protecteur du
bénéficiaire par un comité de bénéficiaires,
il s'agirait de définir les pouvoirs. Tout comme on définit les
pouvoirs d'un 'ombudsman* ou d'un protecteur du bénéficiaire, on
peut facilement définir les pouvoirs d'un comité.
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre, en
conclusion.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, avant de remercier nos
invités, je voudrais simplement faire une certaine mise au point Le chef
de l'Opposition dit qu'il regrette beaucoup que le programme ne fonctionne pas
totalement. Il faut bien se rappeler que ce projet de réinsertion
sociale ou de réorganisation de l'hôpital
Louis-Hippolyte-Lafontaine était un projet qui avait été
prévu sur une période de cinq ans. Alors, ce serait quand
même étonnant qu'aujourd'hui, dans les meilleures conditions
possible, il soit terminé.
M. Chevrette: II y aurait deux ans et demi de faits.
Mme Lavoie-Roux: Non, je regrette, quand
Je suis arrivée, II n'y avait rien de parti. Alors, cela fait
deux ans que je suis ministre.
M. Chevrette: ...septembre 1985, voyons)
Mme Lavoie-Roux: II n'y avait rien de parti avant que...
M. Chevrette: Rien de parti.,. Vous avez tout
arrêté!
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît!
S'il vous plaît!
Mme Lavoie-Roux: De toute façon...
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: ...M. le Président, je dois dire que le
projet est parti dans le sens qu'il y a à peu près 80 personnes,
du côté de la déficience mentale, qui ont maintenant
été désinstitutionnalisées et
réintégrées dans la communauté. Il y a, je pense,
six unités qui ont été rénovées, II y a les
devis fonctionnels et techniques pour l'hôpital de courte durée
qui sont aussi terminés au moment où l'on se parle. Alors, je
pense que le projet suit son cours. Je veux simplement donner cette information
pour ne pas qu'on garde l'Impression que tout est paralysé. Je pense
que, bien au contraire, les choses se sont poursuivies et on essaie qu'il y ait
les meilleures conditions possible pour la réalisation de ce programme
de désinstitutionnalisation.
Je voudrais remercier nos invités. D'abord, c'est
déjà Important que vous ayez pu venir ici faire connaître
votre point de vue comme bénéficiaires. C'est quand même
une politique qui va toucher les personnes avec qui vous travaillez de
très près et, que vous puissiez exprimer votre point de vue, je
pense que c'est déjà important. Et que vous l'ayez fait, je vous
en remercie. Je veux vous assurer que les travaux de la commission visent
à améliorer ou à apporter les modifications qui,
croyons-nous, seraient nécessaires pour l'adoption d'une politique en
santé mentale. Je suis sûre que nous aurons le plaisir de
collaborer encore comme nous l'avons fait dans le passé. Je vous
remercie.
Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission
des affaires sociales remercie te Comité des bénéficiaires
de l'hôpital Louis-Hippolyte-Lafontaine et invite les prochains
intervenants à s'approcher à la table des témoins, en
l'occurrence le Département de psychiatrie de l'hôpital du
Sacré-Coeur de Montréal.
Nous recevons à la table des témoins le Département
de psychiatrie de l'hôpital du Sacré-Coeur de Montréal qui
est représenté par le Dr Camille Laurin, chef du
département, et par monsieur que je connais, mais dont j'oublie le nom,
je m'excuse.
M. Laurin (Camille): ...Gérard Marcoux, adjoint au
directeur général.
Le Président (M. Bélanger): C'est bien cela. Vous
êtes les bienvenus. Vous connaissez nos règles de
procédure, je ne vous en apprendrai
pas là-dessus. Alors, je vous Invite donc, sans plus tarder,
à procéder à la présentation de votre
mémoire. (21 h 15)
Département de psychiatrie
de l'hôpital du Sacré-Coeur
M. Laurin: M. le Président, Mme la ministre, M. le chef de
l'Opposition, honorables membres de la commission, je veux d'abord vous
remercier d'avoir bien voulu nous recevoir et nous entendre, surtout à
une heure aussi tardive.
Je voudrais d'abord vous dire que le mémoire que nous vous
présentons aujourd'hui a fait l'objet d'une consultation chez tous les
professionnels du département et qu'il a reçu leur aval ainsi que
celui de la direction générale.
Je voudrais aussi vous présenter brièvement le
département de psychiatrie. Je l'ai fait dans une annexe à notre
mémoire que j'ai communiquée au secrétariat de la
commission. J'en rappellerai simplement les quelques faits saillants. Le
département de psychiatrie de l'hôpital du Sacré-Coeur
dessert une population adulte, âgée de 18 ans et plus, de 260 000
personnes, ce qui est un secteur à peu près égal à
celui de Louis-H.-Lafontaine et supérieur à la population de
certaines régions du Québec. C'est donc un secteur très
populeux. Il a 134 lits-adultes, alors qu'il y en a 273 à
Louis-H.-Lafontaine. Nous avons aussi neuf cliniques externes, dont une en
gérontopsychlatrie, dans le plan de Mme la ministre pour
développer la psychogériatrie. Sur le plan de la
pédopsychiatrie, nous desservons une population plus large encore, 550
000, dont 100 000 enfants. Pour cela, nous avons cinq cliniques externes et un
centre de jour pour enfants d'âge préscolaire, qui est
situé sur l'île Jésus, dans votre comté, je crois,
M. le Président. Nous avons aussi dix lits pour adolescents ainsi qu'une
clinique externe et un centre de jour pour adolescents. Là, nous
desservons les trois régions 06, 06A, 06B. Je ne sais pas si cela va
continuer avec la nouvelle délimination territoriale. Nous avons aussi
un service de psychosomatique établi il y a quinze ans et qui dessert
les 714 lits de notre hôpital général. Nous sommes un
hôpital d'enseignement. Comme l'hôpital du Sacré-Cur
est un hôpital ultraspécialisé et universitaire, nous
sommes très actifs dans l'enseignement de toutes les disciplines. Nous
sommes également actifs sur le plan de la recherche. Donc, c'est un
hôpital qui a une très grande importance dans le secteur
francophone de l'île de Montréal.
Quant au rapport Harnois lui-même, évidemment, c'est
à la lumière de notre situation particulière que nous
l'avons examiné, en même temps qu'à la lumière de
l'expérience que nous avons acquise au cours des 60 dernières
années, puisque c'est là l'âge du département de
psychiatrie.
Reconnaissons au départ, M. le Président, qu'il n'est pas
facile d'élaborer une politique de santé mentale. Plusieurs pays
en ont fait l'expérience et le Québec ne fait pas exception. Le
rapport de 1985, 'À nous de décider", n'a pas été
retenu. Il était pourtant intéressant et valable à
plusieurs titres, mais II était incomplet. Le comité Harnols,
formé en juin 1986, a repris le travail. D'ailleurs, il a remis son
rapport au-delà de l'échéance qu'il s'était
fixée, en octobre 1987, ce qui montre la difficulté du
travail.
Malgré son Intérêt, cependant, nous ne pensons pas
qu'il puisse fonder lui non plus une politique de santé mentale pour le
Québec. L'analyse qu'il fait de la situation est éclairante
à plusieurs égards. Elle s'appuie sur de nombreux documents et
une abondante documentation, mais elle nous paraît minimiser ou ignorer
certaines données essentielles. Ses recommandations sont pour la plupart
pertinentes, mais les omissions sont, elles aussi, sérieuses. Le rapport
ne nous parait pas mettre l'accent sur les vrais priorités. Le plan
d'action qui en découle nous paraît, en conséquence,
déficient. Il serait risqué, selon nous, sinon nocif, de
l'appliquer dans l'immédiat
Le rapport Harnois s'étend longuement, abusivement sur les
lacunes du système. Le malade est certes d'abord une personne à
qui il faut redonner son autonomie, nous en convenons tous, mais c'est
précisément ce que visent les thérapeutes et les
équipes, du moins avec les personnes malades dont ils ont le temps de
s'occuper. Or, leur 'case load" est souvent énorme et les écrase.
Le soutien aux familles est également essentiel, et chacun le sait et le
pratique. Mais une équipe clinique débordée ne peut pas
toujours leur accorder l'attention et le temps requis.
Il faut certes aussi mettre à la disposition des malades
chroniques, particulièrement des schizophrènes et "borderline",
des services nombreux variés, thérapeutiques et "supportifs",
axés sur la réinsertion sociale. Il est vrai que ces services
doivent être accessibles, continus, complémentaires et
coordonnés. Mais encore faut-il que ces services existent. Or, c'est
là le premier et principal problème. Les urgences psychiatriques
sont encore insuffisamment pourvues en locaux et en personnel pour
répondre adéquatement aux besoins d'une clientèle
croissante. Au Pavillon Albert-Prévost, par exemple, nous avons six lits
pour accommoder une moyenne quotidienne de 16 à 20 patients.
Le taux d'occupation des services hospitaliers de courte durée
frise le 100 %. C'est te cas du Pavillon Albert-Prévost et de tous les
départements de psychiatrie des hôpitaux que je connais. Le quart
des lits est occupé par des malades chroniques qu'il conviendrait de
transférer dans des centres hospitaliers de longue durée, des
foyers, des pavillons dont ta capacité d'accueil est très
limitée et dont le nombre est
Insuffisant particulièrement dans la région nord de
Montréal, nouvelle et en croissance.
Les cliniques externes sont elles aussi trop peu nombreuses. On
reconnaît qu'il en faudrait une par 20 000 habitants alors que toutes nos
cliniques desservent une population moyenne de 35 000 à 40 000
habitants. Elles sont aussi souvent mal pourvues sur le plan des effectifs
psychiatriques. Au Pavillon Albert-Prévost, par exemple, aucune de nos
quatorze équipes n'est complète. Au lieu d'avoir les cinq membres
à temps complet, elles en ont deux, deux et demi ou trois. Donc, elles
sont mal pourvues sur le plan des effectifs psychiatriques et aussi des
ressources professionnelles. En conséquence, elles ne peuvent assurer un
suivi thérapeutique adéquat à leurs malades chroniques ou
à ceux que les centres d'accueil et d'hébergement leur
réfèrent
Les hôpitaux et centres de Jour, les foyers de groupe, les
appartements supervisés, les plateaux de réentraînement au
travail, les centres de formation aux habiletés sociales constituent,
pour leur part, des ressources intermédiaires essentielles entre les
services hospitaliers et les organismes d'entraide. Mais elles viennent
à peine de voir le Jour et leur nombre est encore largement insuffisant
dans la plupart des régions ou sous-régions à forte
croissance démographique. Les organismes d'entraide se multiplient - et
tant mieux - et rapidement. Il faut certes les financer adéquatement,
mais ils ne remplaceront jamais les ressources thérapeutiques et
intermédiaires dans le prolongement desquelles ils viennent d'ailleurs
s'Insérer. La nécessité de la
complémentarité et de la coordination que le rapport prône
ne vient donc qu'après une autre nécessité, celle de
consolider et de multiplier les ressources thérapeutiques et
"supportives" qui s'inscrivent au coeur du système de soins.
L'approche globale dont parle le rapport Harnois est biologique,
psychologique et sociale. Une fois cette exigence posée, le rapport
Harnois semble toutefois en oublier la dimension biologique. Alors que les
services phsychosociaux sont, dans le rapport, l'objet de longs
développements, les aspects biologiques de l'étiologle, du
traitement et de ia prévention des maladies mentales sont pratiquement
passés sous silence. Ce qui ne les empêche d'ailleurs pas
d'exister et de s'imposer. C'est là le champ privilégié de
l'expertise médicale et psychiatrique acquise au cours de longues
années de formation.
Or, il semble que le rapport ne veuille pas reconnaître aux
médecins et aux psychiatres cette expertise spécialisée,
non plus que la capacité qu'ils possèdent plus que tout autre
professionnel d'intégrer les trois dimensions, biologique, psychologique
et sociale, de l'évaluation du traitement et de la réadaptation.
Pour les membres du comité, tous les Intervenants sont égaux et
leurs Interventions sont toutes qualifiées de relation d'aide. La
formation de base et la formation continue doivent être, selon le
rapport, réévaluées en fonction de cet unique
critère de base et axées sur les seuls principes de
continuité, complémentarité et pratique multidisciplinaire
où chacun fait supposément la même chose. C'est là
un déni de réalité, un réductionnisme et une
simplification aussi abusifs qu'inacceptables.
Parmi les Intervenants, les uns sont professionnels et les autres ne le
sont pas. Les Intervenants professionnels ont une compétence et un
rôle spécifique auxquels une formation et une expérience
particulière les préparent La coordination et la direction d'une
équipe de diagnostic et de traitement doivent être assurées
par le spécialiste de l'approche biopsychosociale à qui,
d'ailleurs, ta loi impose cette responsabilité.
Le rapport Harnois décrit longuement, et souvent avec raison, les
lacunes de notre système de soins. Mais il ne mentionne que très
brièvement ses acquis, sur lesquels il faudrait pourtant tabler pour
l'avenir. Or, ces acquis sont nombreux et importants. La
génétique, la neurobiologie, la psychanalyse, la psychologie, la
sociologie, la psychopharmacologie et le reste connaissent depuis longtemps un
développement accéléré. Notre savoir s'étend
dans toutes les directions. Nous cernons toujours mieux l'étiologle des
maladies mentales. Nos connaissances pathogéni-ques se multiplient. Les
psychothérapies se diversifient et acquièrent une
spécificité et une efficacité plus grandes. Les effets
thérapeutiques et nocifs des psychotropes sont mieux connus. Les bases
scientifiques de la prévention s'élargissent. De nouveaux
programmes de réadaptation sont constamment mis à
l'épreuve et leur évaluation progresse, celui de Giffard autant
que celui de Louis-H.-Lafontaine, d'ailleurs.
Dans ces divers domaines, le Québec se situe dans le peloton de
tête. Il participe au développement du savoir et il en
récotte les fruits. Le pessimisme est donc à exclure de
même qu'un retour à l'empirisme et au spontanéisme dont les
généreuses Intentions ne sauraient masquer te danger sur le plan
de l'efficacité.
Les progrès sont tout aussi importants au niveau
opérationnel. Ce n'est pas un mince exploit que d'avoir ainsi
désinstitutionnalisé le Québec depuis 25 ans, que d'avoir
réduit de 20 000 à 10 000 en 25 ans la population psychiatrique
institutionnalisée, malgré la croissance démographique.
Plus important encore, 75 % des malades psychiatriques sont maintenant
traités en hôpital général et on réussit
à éviter au plus grand nombre d'entre eux l'Institutionnalisation
à demeure. Le phénomène de la porte tournante, d'ailleurs,
en témoigne. On sait, par ailleurs, que les hospitalisations à
répétition des grands malades, tels que schizophrènes et
"borderline", pourraient être considérablement réduites
s'ils pouvaient bénéficier d'un suivi clinique plus
adéquat et d'un système de support social
intégré.
L'affirmation du rapport Harnois que les
causes de la maladie mentale ne sont pas connues mérite donc
d'être tempérée. Même s'il reste encore beaucoup
à connaître, nous en connaissons assez pour traiter avec
succès la plupart des malades et améliorer
considérablement la condition des autres. Il ne faudrait pas non plus
Inférer du fait que notre savoir étiologique est incomplet que le
traitement importe moins que la réadaptation à laquelle il
faudrait consacrer l'essentiel de nos efforts organisationnels et financiers.
C'est le glissement et l'erreur que semble faire le rapport Harnois si l'on
tient compte des quelques paragraphes qu'il accorde au traitement et des
très longs développements qu'il consacre aux services de
réadaptation. Il faut, au contraire, continuer de privilégier le
traitement, même s'il faut mettre en place également des
programmes de réadaptation dont la nécessité s'impose.
C'est à la maladie qu'il faut d'abord s'attaquer plus qu'à ce qui
l'entoure et en découle. La personne malade y trouvera davantage son
compte.
Les maladies psychiatriques sévères, dont
l'évolution se prolonge sur plusieurs années, requièrent
au premier chef l'attention du comité Harnois et à juste titre.
Mais le champ est quand même beaucoup plus vaste. Ici encore, le rapport
Harnois se contente d'une description brève dont il oublie par la suite
de tirer les conséquences. Les états névrotiques et
psychotiques aigus constituent pourtant la plus grande part de notre
clientèle.
Ces malades ne peuvent pas tous être traités en bureau
privé et nos cliniques externes possèdent la compétence et
le désir de les traiter. Il Importe donc de leur en donner les moyens.
Ceux-ci sont divers et multiples: augmentation du nombre des cliniques et
consolidation de leurs effectifs, partage avec les CLSC de l'énorme
"case load" que constituent les maladies psychiatriques sévères
à long terme, création d'unités spécialisées
pour certaines catégories de malades ou certains types de traitements,
par exemple, maladies affectives, troubles phobiques et anxieux,
psychothérapies brèves d'orientation psychodynamique ou
behaviorale, cliniques du lithium, psychothérapies familiales et
conjugales et le reste. On pourra ainsi éviter l'hospitalisation ou en
diminuer la durée et surtout procurer à ces malades l'assistance
experte dont ils ont besoin sans ruptures familiales ou occupationnelles. (21 h
30)
II est une autre catégorie de troubles et maladies dont ne parle
pas le rapport Harnois, sauf d'une façon allusive, lorsqu'il traite du
suicide, de la violence ou des problèmes auxquels est confrontée
la jeunesse. Il s'agit des pathlogies pédopsychiatriques, dont le nombre
et la gravité s'accentuent. Il y a là des problématiques
sérieuses que connaissent bien les parents, les omnlpraticiens, les
pédiatres, les agences sociales, les écoles, les CLSC, les
organismes de protection de la jeunesse, les centres de réadap- tation,
etc. Nos services pédopsychiatriques sont inondés de demandes et
ils ne peuvent actuellement y répondre faute d'effectifs suffisants et
de ressources appropriées, tels que cliniques externes, services de
consultation, centres de jour, etc. Les besoins sont criants et bien connus. Il
importerait d'y répondre de toute urgence, sans devoir encore attendre
un autre avis du Comité de la santé mentale. Cette action
comporte également une dimension préventive qui s'avère
essentielle pour la protection et l'optimisation de notre capital humain le
plus précieux.
Il est enfin un dernier groupe de maladies, de plus en plus importantes,
que ne mentionne même pas le rapport Harnois. Il s'agit des pathologies
psychosomatiques. Les spécialistes de nos divers services
médicaux et chirurgicaux reconnaissent de plus en plus la
précieuse contribution qu'apportent les psychosomaticiens à
l'exploration et au traitement de nombreux troubles organiques et fonctionnels.
Mais là aussi les effectifs sont rares et insuffisants. Ces maladies
font pourtant bien partie du champ de la santé mentale et on ne saurait
priver ces malades de l'assistance nécessaire que peuvent leur apporter
les psychosomaticiens.
Compte tenu de ces tendances, omissions et préjugés, il
n'est pas étonnant que le rapport Harnois ait complètement mis de
côté le mémoire de l'Association des psychiatres du
Québec et celui du Département de psychiatrie de
l'Université de Montréal, documents pourtant très
étoffés qui contenaient des analyses judicieuses et des
recommandations fort pertinentes. On ne comprend pas qu'on puisse ainsi
négliger l'expertise de spécialistes bien formés et
expérimentés qui assument, avec tes omnipraticiens, la
responsabilité de l'évaluation et du traitement de la
quasi-totalité des malades psychiatriques et dont les
préoccupations sont à la fois scientifiques et humanitaires.
Quand viendra le moment pour le ministère d'élaborer sa politique
de santé mentale, il serait bien avisé de reprendre ces
mémoires et de leur accorder toute son attention.
Pour les mêmes raisons, il n'est pas étonnant non plus que
le rapport Hamois aille jusqu'à dire que c'est moins le nombre des
psychiatres qui importe que leur équitable répartition dans
toutes tes régions. Or, tes études les plus sérieuses,
celles de GMNAC aux États-Unis, GEDPUM à Montréal et COFM
à Toronto, nous amènent à la conclusion qu'il manque
actuellement 300 psychiatres au Québec. iI en manque évidemment
plus dans les régions Intermédiaires et éloignées
que dans les centres urbains, mais il en manque aussi dans les villes
universitaires de Montréal, Québec et Sherbrooke. La
pénurie est particulièrement marquée en
pédopsychiatrie et psychogériatrie. Dans certains hôpitaux,
les omnipraticiens remplissent le vide que ne peuvent combler les psychiatres
à l'urgence, dans tes services internes et externes. Les psychiatres
tentent d'élever leur niveau de connaissances par un programme intensif
de
formation mais des lacunes Importantes demeurent Même en nombre
suffisant, les psychiatres devront d'ailleurs assumer un rôle toujours
plus important au niveau de la formation, de la consultation et de
l'encadrement auprès des omnipraticiens professionnels et autres
intervenants institutionnels et non Institutionnels pour répondre
à des besoins qualitatifs et quantitatifs en croissance.
À la pénurie des psychiatres s'ajoute également une
sérieuse pénurie de professionnels. Nos services Internes et
externes ont un besoin urgent de travailleurs sociaux,
d'ergothérapeutes, de psychologues, d'infirmières,
d'orthophonistes, de psychoéducateurs, etc. Le besoin augmentera au fil
des années à mesure que se développera un réseau
intégré de ressources intermédiaires et communautaires,
telles que centres de crise, foyers de groupe, centres de jour, ateliers de
réinsertion sociale, etc. Ces besoins de personnel qualifié sont
prioritaires.
Les hôpitaux psychiatriques et les services de psychiatrie des
hôpitaux généraux ont jusqu'Ici assumé une part trop
lourde de la nécessaire prise en charge des malades psychiatriques. En
raison de leurs effectifs Insuffisants et du temps considérable qu'ils
doivent accorder aux maladies psychiatriques sévères et
chroniques, leur expertise spécialisée a été
sous-utilisée et n'a pu profiter en particulier - comme on l'a vu
tantôt - comme il se devrait, aux clientèles psychiatriques moins
atteintes.
Le Président (M, Bélanger): Si vous voulez
conclure...
M. Laurin: D'accord.
Le Président (M. Bélanger): ...pour garder du temps
pour la discussion, s'il vous plaît
M. Laurin: Je vais terminer comme ceci Le rapport Brunet et bien
d'autres études sérieuses recommandent que les omnipraticlens et
autres services de première ligne constituent la porte d'entrée
du système de soins, dispensent les services courants non
spécialisés et travaillent en articulation étroite avec
les équipes spécialisées de deuxième ligne.
Un dernier mot sur les soins psychiatriques prolongés. Comme on
le sait, l'hôpital Douglas et l'hôpital Louis-H.-Lafontaine ne
reçoivent plus, depuis plusieurs années, les malades
psychiatriques à carrière chronique. Le rapport
Aird-Amyot-Charland recommandait que chaque territoire de DSC se dote
d'unités de soins psychiatriques prolongés pour mieux
répondre à la demande, éviter l'encombrement aussi bien
des urgences que des services hospitaliers de courte durée. Le rapport
Harnols ne mentionne pas ce problème, mais je crois que c'est un
problème urgent qu'il faudra régler dans tes plus brefs
délais.
Quant aux recommandations du rapport
Harnois, elles me paraissent toutes excellentes, mais, comme je le
disais, elles ne me paraissent pas marquer les véritables
priorités. Si beaucoup de fonds leur sont alloués, les autres
priorités resteront avec nous et il faudra s'en occuper un Jour ou
l'autre. Pour les avoir négligées durant trop longtemps, il
deviendra beaucoup plus coûteux de pouvoir répondre aux carences
énormes qu'elles auront signalées.
II faudra donc, selon moi, reprendre cette politique de santé
mentale à la lumière de tous les rapports qui ont
été publiés récemment et surtout des
mémoires que vous entendrez à la commission parlementaire.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, Dr
Laurin. Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier
le Dr Laurin, qui est venu présenter un mémoire au nom du
Département de psychiatrie de l'hôpital du Sacré-Coeur. Je
ne vous cacherai, Dr Laurin, que J'ai été un peu
étonnée de la teneur de votre mémoire. Je me suis
demandé dans quelle perspective vous aviez lu le rapport Harnois.
Evidemment, le rapport Harnois aurait pu nous présenter un
traité de psychiatrie, avec toutes les pathologies qu'on peut retrouver
dans le domaine de la psychiatrie. Ce n'est pas ce qu'ils ont choisi de faire.
Au moins, dans ce sens-là, j'en suis très heureuse, parce que ce
ne serait pas non plus l'objet d'une politique en santé mentale d'entrer
dans cette foule de détails.
J'ai eu l'occasion de le mentionner cet après-midi, c'est
évident que le fait que chaque profession n'ait pas été
Identifiée comme telle, mais ait été identifiée
d'une façon globale, comme la nécessité de mettre en place
les ressources de traitement adéquat pour tenir compte des
différentes pathologies reliées aux différents groupes,
c'est-à-dire aux différentes problématiques, qu'il
s'agisse des jeunes, du suicide, des femmes, etc.. Il me semblait qu'on
retrouvait là les éléments nécessaires, du moins
Implicitement, dans cette façon de présenter, par exemple, dans
chaque région, comme j'ai eu l'occasion - vous étiez là
cet après-midi - de le mentionner.
Évidemment, vous nous faites une longue liste de tout ce qui
manque, de vos complaintes dont certaines sont fort justifiées. C'est
d'ailleurs l'objectif du gouvernement d'essayer, dans la mesure de ses
disponibilités, de renforcer ce secteur de la santé, il n'y a
aucun doute. Sans cela, on ne serait pas ici, en commission parlementaire,
aujourd'hui.
Il y a seulement un point que je voudrais souligner. Vous mentionnez le
cas d'occupation de lits par des malades chroniques, dans la région de
Montréal, dans une proportion de 25 %. Est-ce que vous parlez uniquement
de Sacré-Coeur ou de l'ensemble des hôpitaux de la
région de Montréal?
M. Laurin: L'ensemble.
Mme Lavoie-Roux: Là-dessus, je pense qu'il faudrait
peut-être remettre vos statistiques un peu à jour. On est
maintenant plus près de 17 % ou 18 % qu'on l'est de 25 %, ce qui est
quand même, dans deux ans, une réduction importante et qui est
reliée au plan des engorgements des urgences. Je vous donnerai comme
exemple... Vous vous souviendrez du temps où la Cité de la
santé de Laval avait connu jusqu'à 50 % d'occupation de malades
chroniques, 50 % ou 51 %, ce qui avait diminué à la fin de 1985,
mais qui était encore de l'ordre de 30 % ou 35 % et qui, aujourd'hui,
est à peu près de l'ordre de 10 %. Alors, c'est juste une
question de nuance peut-être.
M. Laurin: Les variations sont régionales,
évidemment
Mme Lavoie-Roux: Ah oui. Cela peut varier d'un hôpital
à l'autre. C'est pour cela que je ne sais pas non plus quel est le taux
d'occupation de Sacré-Coeur. C'est peut-être 25 % et c'est pour
cela que je vous demandais si c'est pour Sacré-Coeur uniquement. Alors,
à ce moment-là, mes autres remarques auraient été
superflues.
Vous dites qu'il manque beaucoup de ressources Intermédiaires,
communautaires ou autres. Nous avons ouvert, dans la région nord de
Montréal, un centre de crise, justement pour répondre au
débordement des urgences psychiatriques dans cette région. Est-ce
que vous l'utilisez? Vous avez également à peu près 80
places en appartements supervisés. Est-ce que vous les utilisez
complètement? Vous avez un foyer de groupe pour huit personnes depuis un
an et demi. Est-ce que, dans ce foyer, les places sont occupées? Ce sont
des questions que je veux vous poser. Je comprends que vous fassiez valoir tout
ce qui n'existe pas. On en est fort conscients, il n'y a pas de doute
là-dessus. Mais, sur ces questions particulières, j'aimerais que
vous me répondiez.
M. Laurin: Les foyers de groupe sont utilisés à 100
%; les huit places sont utilisées constamment, à 100 %. Les
appartements supervisés sont habituellement utilisés à 90
%, 95 %. Là où it y a un flottement, c'est que parfois on en
place, mais il y a peut-être des compensations qui arrivent. Un patient
peut s'en aller et, avant qu'on puisse le remplacer, il y a une période
où 11 faut trouver un autre patient pour occuper la ressource, mais on
peut dire que c'est pleinement utilisé.
Quant au centre de crise, il y a eu une période de rodage aussi.
Chaque nouvelle Institution tend à instituer ses propres critères
qui ne sont pas toujours compatibles avec les critères des autres
institutions avec lesquelles elle doit s'articuler. Il est assez
compréhensible que cela prenne parfois un certain temps avant qu'on
puisse fonctionner d'une façon coordonnée. Je peux dire
qu'actuellement cela fonctionne d'une façon parfaite entre les trois
hôpitaux que dessert le centre de crise, c'est-à-dire Cité
de la santé, Fleury et Sacré-Coeur, particulièrement avec
les urgences psychiatriques et, bientôt, avec les cliniques externes qui
vont commencer à se référer directement au centre de
crise. Je pense qu'après un an c'est un assez bon résultat. Ce
n'est pas encore parfait, mais cela s'améiiore au fil des mois.
Mme Lavoie-Roux: II reste quand même que
déjà, dans l'état actuel des choses, il y a un certain
nombre de ressources supplémentaires qui ont été
ajoutées.
M. Laurin: En ce qui concerne la région nord, ce qui
manque encore le plus - parce que c'est une région à forte
croissance démographique, comme vous le savez, et, à part cela,
neuve, nouvelle - ce sont surtout les Institutions de réseau de soutien
social Intégré, des centres de jour, de soir, des foyers de
transition, dont le centre-ville, l'est de Montréal ou l'ouest, à
cause de Douglas et Louis-H-Lafontaine, sont beaucoup mieux pourvus que la
région nord. C'est là véritablement la grosse lacune,
à mon avis.
Mme Lavoie-Roux: L'autre question que j'aimerais vous poser se
rapporte au nombre de psychiatres ou à la pénurie de psychiatres
au Québec. Cela a été soulevé à quelques
reprises. On m'a remis des statistiques. Je pense que ce sont des statistiques
avec lesquelles vous êtes familier, Dr Laurin. Au point de départ,
on sait que le Québec et la Colombie britannique sont les deux provinces
qui ont le plus de médecins; je pense qu'on sait cela. Le Québec
est la province qui a le plus de spécialistes par habitant, au Canada.
Le Québec est, après l'Ontario, la province qui a le plus de
psychiatres par habitant, au Canada. Alors, il devient assez difficile de faire
la preuve de cette pénurie de psychiatres.
Mais là où c'est beaucoup plus inquiétant, c'est
quand vous dites: Même à Montréal, il en manque. On peut se
demander si, dans la région de Montréal - puisque vous dites que,
dans la grande région montréalaise, il en manque - sur
I'île, parlons de l'île de Montréal, même là,
il y a un problème de répartition. Mais quand vous faites la
comparaison avec le reste du Québec, avec quand même un nombre de
psychiatres relativement respectable, si on tient compte de l'ensemble des
autres données qu'on a pour le reste du Canada, vous allez voir que la
région du Bas-Saint-Laurent se trouve au même point qu'elle se
trouvait en 1976, malgré une augmentation de près de 35 % des
psychiatres au Québec. (21 h 45)
M. Laurln: Je n'ai jamais contesté cela. Je l'ai dit,
d'ailleurs. Il n'y a aucun doute qu'il manque beaucoup plus de
spécialistes, et particulièrement de psychiatres, dans les
régions éloignées; je l'ai dit. Mais il reste que,
même à Montréal, pour des raisons sur lesquelles on
pourrait s'étendre très longuement, Il en manque aussi. Il en
manque à Louis-H.-Lafontaine. C'est sûr que, tous les jours
j'entends les gens de Louls-H.-Lafontaine se plaindre qu'il leur manque au
moins une vingtaine de psychiatres. L'hôpital Pierre-Boucher n'a que deux
psychiatres et je pense qu'il y en a un qui va partir bientôt parce qu'il
faut une masse critique pour qu'il soit là. C'est qu'il y a beaucoup de
psychiatres, comme on l'a dit cet après-midi, qui travaillent à
temps partiel; il y en a dans la recherche et dans l'enseignement d'une
façon marquée. Il y en a en psychanalyse en bureau privé.
Il y en a en recherche aussi. Nous, les cliniciens, nous sommes en contact avec
des besoins auxquels on ne peut répondre. C'est pour cela que ce que
nous vous disons part vraiment de notre expérience. Quand nous vous
disons qu'il n'y a pas assez de psychiatres, c'est parce que nous nous en
rendons compte, comme je l'ai dit dans mon mémoire,
particulièrement en pédopsychiatrie et en psychogériatrie
où c'est encore plus marqué.
Les programmes de formation sont très exigents. Par exemple, nos
psychiatres, à Prévost, enseignent à l'École de
réadaptation, à l'École de pharmacie, à la
Faculté de psychologie, à l'École de service social, etc.,
sans compter ta formation de stagiaires aussi qui leur prend beaucoup de temps
sur place. Il faut savoir ce qu'est l'enseignement de la psychiatrie aux
membres de l'équipe multidisciplinaire qui est un Ingrédient
absolument essentiel de la pratique psychiatrique.
Mme Lavoie-Roux: Je pense que, du côté de la
psychogériatrie et de la pédiatrie, Je serais portée
à partager votre opinion sur la carence. Mais je trouve difficile, si
vous mettez à part ces deux domaines davantage en
psychogériatrie, d'ailleurs - de faire la démonstration qu'il y a
une pénurie de psychiatres sur l'île de Montréal.
M. Laurin: Pourtant, j'ai mentionné trois études,
Mme la ministre, dont je vous recommande fortement la lecture, GMNAC, GEDPUM et
COFM, Council of Ontario's Faculties of Médecine. Je pense que tes
arguments qu'elles apportent sont difficilement contestables.
Mme Lavoie-Roux: Écoutez, je sais qu'il y en a d'autres
qui veulent vous poser des questions, je reviendrai s'il me reste du temps. Je
vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Juliette.
M. Chevrette: Merci. Je voudrais, tout d'abord, parler des points
de convergence et, après cela, des points de divergence. Je partage
votre point de vue qu'un énoncé de politique doit Indiquer les
pistes où on s'en va et, ordinairement, un échéancier
d'arrivée, ainsi que des façons de fonctionner. Cela fixe des
balises quant aux pouvoirs des structures à l'intérieur. On n'y
retrouve pas cela. Cela fait plusieurs fois que j'ai la chance ou l'occasion,
plutôt, de dire au Dr Harnois que son rapport là-dessus
m'apparaît être un recueil de voeux pieux extrêmement
intéressant à lire. Mais, sur te plan concret d'une politique
pour la population en général, cela n'apporte rien. Cela ne dit
rien aux CLSC pour demain matin, ni aux CSS, ni même aux psychiatres
quant à leur rôle à jouer dans une équipe
multidisciplinaire. Cela ne précise absolument pas les Intentions
gouvernementales, par exemple, d'Injections quant au budget de la santé
mentale au Québec. Cela ne dit pas du tout ce que la ministre entend
faire sur une période de cinq ans en termes de
désinstitutionnalisation. Cela dit de belles choses, de belles choses
que certains ont constatées il y a vingt ans, d'autres, il y a dix ans
et d'autres encore, il y a deux ou trois ans. C'est un recueil -
là-dessus, |e partage votre point de vue - de beaux principes qui est
intéressant à lire et qui nous confirme dans nos constats d'il y
a quelques années. Donc, sur cette partie, je partage entièrement
votre point de vue.
Là où j'aimerais que vous soyez plus loquace, mon cher
docteur, c'est sur le nombre de psychiatres. J'aimerais savoir ta raison pour
laquelle I 1 manque de psychiatres à Montréal. Serait-ce parce
que le "soft money" est très Intéressant en cabinet privé
ou bien parce qu'il n'y a pas de loi contraignant les psychiatres
québécois à participer au traitement en institution?
J'aimerais vous entendre, parce que vous dites: Pour une foule de raisons, mais
vous n'en avez pas échappé une.
M. Laurin: Non, j'en ai échappé plusieurs, mais je
continuerai.
M. Chevrette: Oui, continuez donc plus clairement
M. Laurin: Auparavant, j'aimerais que M. Desmarteaux
réponde à votre première...
M. Chevrette: D'accord.
M. Laurin: ...remarque sur ce que doit être une
politique.
M. Desmarteaux (Robert-H): Vous me permettrez d'Introduire un
editorial - j'ai demandé à M. Francoeur, je ne pense pas qu'il
soft encore dans la salle, mais je lui ai demandé auparavant...
M. Chevrette: II était là, mais il sera
flatté de vous relire dans le Journal des débats.
M. Desmarteaux (Robert-H.): C'est le vendredi 2 octobre 1987,
dans un editorial qu'il Intitulait: Un autre pas majeur. Vous venez de soulever
le fait que nous ne nous trouvons pas devant une politique de santé
mentale. On peut peut-être se poser la question, pourquoi? M. Francoeur
disait: Ils ne le pouvaient pas. Mais pourquoi ne le pouvaient-Ils pas? M.
Francoeur ajoute: Parce que la réflexion est dans une Impasse. Si on est
dans une Impasse, pourquoi? Et que fait-on? Le rapport Harnols propose deux
éléments majeurs. Le premier dit: On établit des bases,
des balises de réflexion. Vous me permettrez d'ajouter qu'on peut
probablement additionner les réflexions que le Dr Laurin nous
présentait. La deuxième piste: Vous proposez une planification.
Bien humblement, je vous propose un amendement à votre planification. Il
existe trois types de planification: il y a de la planification
stratégique, de la planification structurelle et de la planification
opérationnelle. Le stratégique, c'est le quoi;
l'opérationnel, c'est le comment et le structurel, c'est le qui. La
majorité des interventions qui sont parues dans les journaux et
probablement la majorité des intervenants qui sont venus ici se sont
attaqués au qui et au comment. Oui fait quoi? Et comment fait-on le
quoi? Mais ils ne se sont pas assez arrêtés sur le quoi: quoi
faire?
Mme la ministre, dans la présentation du rapport Harnois, disait:
Peu de pays ont su se donner, jusqu'à ce jour, une politique de
santé mentale. Vous me permettrez une petite réflexion
additionnelle, c'est une réflexion chinoise qui provient du JAMA, je
pourrai vous déposer cet éditorial du 14 décembre 1984, du
professeur U Zhi-Zhong qui est de la Chinese Medical Association of Beijing,
China. Cela va prendre environ deux minutes et demie, mais je pense que la
conclusion en vaut la peine: À la lumière des
délibérations de leur treizième congrès, les
Chinois manifestent une ouverture vis-à-vis de l'Occident.
Peut-être pourrions-nous saisir cette opportunité non pas pour
leur vendre quelque chose, mais pour aller voir ce qu'ils font. C'est donc
l'extrait du JAMA. Le titre est: Traditional Chinese concept of mental health.
Vous me permettrez une traduction libre de la conclusion.
Au. cours des millénaires - parce qu'on sait que c'est un peuple
qui a 4000 ans et plus - nous avons développé un credo en
santé mentale. Il contient les éléments suivants:
l'équilibre d'un Individu vis-à-vis de lui-même, de sa
famille et de son groupe de référence est principalement
déterminé par l'état de sa santé mentale et ce,
dans le sens le plus élevé de ces termes. Cet état
d'équilibre peut être perturbé par la peur,
l'anxiété, des obsessions, des situations ou des
problèmes. Mais il peut aussi être maintenu par une très
forte discipline personnelle. Tant que l'équilibre est là, l'har-
monie blopsychosociale est là. Le professeur Zhong continue: Est-ce que
cette doctrine est trop pauvre pour résister à l'analyse? La
valeur d'une hypothèse en sciences appliquées n'est pas toujours
jugée à partir d'exactitudes scientifiques. Souvent, une
hypothèse se vérifie par des résultats qu'elle
génère dans l'exercice de sa pratique. L'auteur poursuit: "Just
like" la médecine traditionnelle chinoise qui s'est gagné sa
réputation non seulement par des vérifications d'exactitudes
scientifiques, mais principalement vis-à-vis des effets
thérapeutiques, pratico-pratiques du quoi.
M. le Président, il devient peut-être approprié de
souhaiter que les propos du professeur Zhong deviennent une source
d'inspiration comme le furent, il y a maintenant plus de 40 ans, ceux du Dr
Norman Bethume dans cette merveilleuse province d'Hebei de la République
populaire de Chine. Avec votre permission, je pourrai vous donner une copie de
cet editorial du professeur Zhong.
M. Chevrette: Cela me fait rire: cela me permettra de comprendre
et de constater que ce n'est pas chinois.
Des voix: Ha, ha, ha! M. Laurin: Pour revenir à
votre question... Le Président (M. Bélanger): Bien...
M. Laurin: ...M. le député de Joliette... M. Chevrette:
La blague était facile.
M. Laurin: ...je dirais que, s'il faut davantage de psychiatres,
c'est parce que tout le monde se réfère aux psychiatres et
après cela, on s'étonne qu'il en faille beaucoup.
Les omnipraticiens se réfèrent aux psychiatres, les CLSC,
qui n'ont pas d'équipe de santé mentale, se
réfèrent aux psychiatres. Les agents de services sociaux se
réfèrent aux psychiatres. Les écoles se
réfèrent aux psychiatres. Tout le monde se réfère
aux psychiatres. Nos urgences sont toujours pleines et peut-être que les
centres de crise vont changer la situation, mais on est bien obligés de
constater que personne ne veut psychiatriser personne, mais que tout le monde
envoie les malades voir les psychiatres, par exemple.
Je veux aussi rappeler qu'il y a seulement 15 % du temps psychiatrique
qui est passé en bureau privé. 85 % du temps psychiatrique est
passé dans les institutions du secteur public et cela, ce n'est pas
assez connu.
M. Chevrette: Mais, Dr. Laurin, est-ce que vous me permettez une
question accessoire dans ce cas-là? Est-ce que les psychiatres en
général accepteraient facilement, comme corporation
professionnelle... Parce que j'ai remarqué, dans le
rapport Harnois, que - c'est une autre affaire que j'ai observée
- tout ce qui est conflictuel entre corporations, il ne touche pas à
cela.
Mais, vous, comme psychiatres, acceptez-vous qu'il y a des cas qui
normalement ne devraient pas vous être référés? Vous
trouvez que vous avez beaucoup d'ouvrage.
M. Laurin: Nous acceptons volontiers, M. le député.
On a trop de cas; on est débordés; on aimerait beaucoup cela, et
on en réfère le plus possible, que ce soit à des
Infirmières qui font partie de nos équipes, des psychologues, des
travailleurs sociaux.
Plus les CLSC voudront en accepter, plus nous serons contents, parce que
cela va nous permettre de traiter davantage de cas de névrose, comme je
le disais, dont pas assez de gens ne s'occupent et cela va nous permettre de
jouer ce rôle de formateurs continus, de consultants et d'encadreurs qui
correspond à la formation que nous avons reçue.
Je n'aurais pas de plus grande satisfaction, pour ma part, en tout cas,
que de voir les autres professions prendre une part de plus en plus grande de
l'évaluation et du traitement d'une bonne partie de nos malades. Ce
n'est sûrement pas là qu'est le problème,
M. Chevrette: Est-ce que votre...
M. Laurin: Contrairement à ce qu'on pense, ce n'est pas le
pouvoir médical, c'est la trop grande référence aux
équipes psychiatriques qui constitue le problème.
M. Chevrette: Est-ce que vous tiendriez les mêmes propos si
la politique était claire au point qu'elle délègue
spécifiquement à des types de professionnels, des types d'actes,
par exemple, d'analyses ou de consultations? Est-ce que vous tiendriez les
mêmes propos concernant le nombre de psychiatres à ce
moment-là?
M. Laurin: Évidemment, si le rapport Brunet était
appliqué, s'il y avait des équipes de santé mentale dans
tous les CLSC du Québec, si elles pouvaient s'occuper des soins
courants, si elles pouvaient prendre une partie des soins de
réadaptation qui, au fond, ne sont pas toujours très complexes,
à ce moment-là, effectivement, on aurait probablement besoin de
moins de psychiatres qu'actuellement.
Cependant, il faut rappeler qu'il y a beaucoup de demandes actuellement
qui ne sont pas satisfaites et qui nous viennent des centres d'accueil
d'hébergement, des centres d'accueil de réadaptation, des centres
hospitaliers de longue durée pour des consultations psychiatriques que
nous ne sommes pas capables d'honorer et auxquelles nous ne sommes pas capables
de répondre. Actuellement, nous disons non et ces gens-là se
plaignent constamment. Vous allez probablement les entendre ici à ta
commission.
Actuellement, on répond non. Si on pouvait alléger le
fardeau actuel des équipes psychiatriques, on pourrait répondre
davantage à ces autres besoins qui sont aussi pressants.
Donc, on aurait quand même besoin d'un certain nombre de
psychiatres de plus, mais beaucoup moins que si la situation actuelle
persiste.
M. Chevrette: Je vais passer pour le moment
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Sainte-Anne.
M. Polak: Seulement deux courtes questions à M. Laurin.
À la page 1 de votre mémoire, vous dites qu'il faut mettre
à la disposition des malades chroniques des services nombreux et
variés, thérapeutiques et "supportifs", axés sur ta
réinsertion sociale. À la page 4, vous dites: C'est à la
maladie qu'il faut d'abord s'attaquer plus qu'à ce qui l'entoure et en
découle. Est-ce qu'il n'y a pas une contradiction entre ces deux
affirmations?
M. Laurin: Non, parce que j'ai bien souligné que,
même si le traitement ne doit pas être négligé, parce
que c'est cela l'essentiel, la pathologie qu'il faut corriger, II faut aussi
s'occuper des séquelles de la maladie et c'est là que la
réadaptation entre en ligne de compte. Il ne faut sacrifier ni l'un ni
l'autre. Il faut donner toute son Importance au traitement, mais aussi, il faut
accorder l'Importance qu'il convient à la réadaptation qui a pour
but de réparer les séquelles, les handicaps, les
déficiences consécutifs à une pathologie qui est souvent
chronique, d'ailleurs. (22 heures)
II faut donc mettre dans un continuum, dans une continuité,
traitement et réadaptation et, dans les services de soutien social
intégré dont j'ai parlé, c'est là que la
réadaptation deviendra particulièrement importante. Par exemple,
dans tes centres de jour et de soir, dans le réentraînement aux
aptitudes vocationnelles, aux relations sociales, ce que les Anglais appellent
"social skills". Ce sont toutes des mesures de réadaptation importantes
aussi, parce que si elles ne sont pas offertes et acceptées par le
malade, elles provoqueront souvent des décompensations qui
amèneront des réhospitalisations. Dans ce sens-là, on ne
peut pas séparer traitement et réadaptation.
M. Polak: Une dernière question, M. te Président.
Si vous aviez été ministre de la Santé, sur quelle
principe auriez-vous fondé une politique de santé mentale?
M. Laurin: Les principes qui ont été
mentionnés, bien sûr: la personne, la famille, la
complémentarité, la continuité, mais il faut aller
plus loin. À mon avis, II faut préciser le rôle, les
fonctions des divers partenaires. Il y en a beaucoup dans le champ de la
santé mentale, il n'y a pas seulement les psychiatres, les psychologues,
les travailleurs sociaux, les Infirmières, etc, au sein de
l'équipe multidiscipllnalre, mais également tes intervenants
institutionnels et non institutionnels comme, par exemple, les centres
hospitaliers de courte durée, les urgences psychiatriques, les centres
de crise, les foyers de groupe, les foyers de transition, les pavillons
d'accueil. Il faut préciser les fonctions et tes responsabilités
de chacun de ces intervenants
II faut même aller plus loin maintenant, il faut parler des tables
de coordination à l'échelle sous-régionale. C'est aussi
une recommandation avec laquelle je suis tout à fait d'accord. Il faut
également renforcer le pouvoir des conseils régionaux.
Je vous apporte, Mme la ministre, le message du directeur
générai et du CRSSS de Montréal qui, pour des raisons
techniques, ne pourront pas présenter leur mémoire, mais qui
m'ont demandé d'insister, si J'en avais la chance, sur la
nécessité d'un pouvoir décisionnel accru pour les centres,
les CRSSS des 14 régions du Québec - maintenant je crois qu'il y
en aura 17 - sur la nécessité d'un financement accru
identifié et décentralisé également. Ils m'ont
également demandé de souligner qu'ils étaient d'accord
pour une augmentation des effectifs psychiatriques dans la région de
Montréal, au point où ils en sont de l'étude de leur plan
d'effectifs fourni par les établissements.
Donc, je pense qu'il y aurait lieu d'être plus précis quant
à l'attribution des rôles, fonctions, responsabilités, plus
précis quant au financement, plus précis quant aux divers types
d'assistance qu'il faut fournir. Par exemple, les soins prolongés, les
CLSC, les centres d'accueil, le réseau de soutien social
intégré et, surtout, mettre les prioritsés là
où elles doivent être afin que le peu d'argent que nous
possédons puisse être dépensé là où
c'est le plus rentable, là où cela fera le plus de bien aux
malades mentaux qui, comme on le sait, sont en augmentation partout au
Québec comme dans les autres pays modernes. C'est fonction de facteurs
qui dépassent évidemment la simple biologie, peut-être les
mutations technologiques, le chômage accru, la crise, la
télévision, mais on sait, en tout cas, qu'il y a une augmentation
de l'incidence et de fa prévalence des maladies mentales. C'est une des
raisons pour lesquelles une politique de santé mentale s'Impose,
d'ailleurs.
M. Chevrette: M. le Président...
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Joliette. pour l'alternance.
M. Chevrette: Merci. Est-ce que vous êtes au courant qu'un
cadre a été fixé par le ministère pour
rétablissement des effectifs médicaux?
Pour le CRSSS de Montréal, il y a une coupure de 35.5 postes de
psychiatres-spécialistes. Étiez-vous au courant de cela?
M. Laurin: Oui, j'ai lu les documents qui ont émané
du ministère à cet effet. J'ai lu aussi le projet de toi. Je sais
également la réaction que ces documents ont provoquée chez
ceux qui ont eu à les appliquer, aussi bien dans les
établissements qu'au sein de quelques CRSSS que je connais. Je sais que
ce sera bien difficile.
M. Chevrette: II y a un commentaire sur lequel je voudrais avoir
votre réaction. De plus en plus, je m'inscris dans la ligne de la
démédicalisation dans le domaine de la santé et des
services sociaux. Je trouve inconcevable - je vais vous donner mon opinion bien
personnelle, surtout qu'à cette heure c'est peut-être le temps de
parier encore plus avec ses tripes - que tout soit médicalisé
dans le domaine de la santé. C'est rendu que tu passes par
l'omnipraticien, cela prend une ordonnance pour voir le physia-tre, cela prend
une autre ordonnance pour voir le physiothérapeute, il y a des centaines
de millions de dollars d'injectés dans le domaine de la santé.
C'est la même chose en santé mentale.
Je me demande quelle est la réaction d'un médecin, qui est
quand même un ex-homme politique, vis-à-vis du cheminement d'un
homme politique qui dit: II faut absolument sortir de ce carcan qui constitue,
à mon point de vue, un cul-de-sac monumental. On n'aura jamais assez
d'argent pour le curatif...
M. Laurin: II y a peut-être des malentendus
là-dedans. C'est peut-être moins médicalisé que vous
ne le pensez en santé mentale. Une fois le diagnostic fait, par exemple,
une fois qu'on est sûr qu'il n'y a pas de maladie organique - il faut
toujours penser qu'une tumeur ou un accident cérébro-vasculaire
peut amener des symptômes d'apparence mentale, mais il faut être
bien sûr qu'on n'a pas affaire à un accident organique qui,
habituellement, peut rentrer dans l'ordre assez rapidement et dont les
symptômes disparaissent - une fois qu'on a éliminé la
possibilité d'une lésion organique, je dirais que 70 % des cas
sont confiés, pour suivi thérapeutique et social, aux membres de
l'équipe qui ne sont pas médecins. Même, c'est très
conservateur, je serais porté à dire 80 % plutôt que 70 %,
sans parler des cas qu'on réfère en bureau privé à
des gens non médecins.
M. Chevrette: Dr Laurin, vous répondez comme responsable
d'un département d'un centre hospitalier. Chaque fois qu'on fait appel
à des corporations ou à des fédérations, sans le
dire, tout le monde défend d'une façon sacrée son champ de
juridiction. Connaissant la façon dont les lois sont conçues, le
pouvoir dans le domaine de la santé est médical. Ne nous leurrons
pas, il n'a pas une dimension sociale, il est médical,
point. Je pense qu'on n'a pas à se faire de dessin. Chacun,
Jalousement, défend son petit jardin. Comment pourra-t-on évoluer
concrètement? Je pense, par exemple, aux personnes qui,
psychologiquement, croient fondamentalement aux médecines douces.
M. Laurin: Croient?
M. Chevrette: Aux médecines douces. Il y a des
médecins qui me disent: Oui, tu as raison quand tu dis qu'il y a au
moins 75 % des mala» dies qui sont psychologiques, qui ne sont même
pas physiques. À partir de la, qu'est-ce qu'on répond à
ces gens? Et même, il y a des médecins qui nous approuvent et on
voit les corporations médicales les défendre avec tant
d'acharnement. Je vous donne un exemple: aujourd'hui, Je recevais un
télégramme du conseil de la santé qui nous recommande que
les sages-femmes puissent maintenant, à partir d'un projet pilote... Je
suppose que la ministre l'a reçu tout comme mol. Qui va se battre contre
cela? La corporation des médecins, les omnipraticiens, peut-être
moins les gynécologues, ils ne veulent plus en faire. Vous voyez cela et
on veut évoluer vers quelque chose.
Vous avez vécu à la fois notre position et vous vivez
comme médecin dans une institution. Comment pourra-t-on évoluer,
un jour, vers quelque chose qui soit potable?
M.Laurin: La partie du problème que Je vois, ce n'est pas
celle-là. La partie du problème que Je vois, ce sont des malades
qui nous sont référés par tout le monde et qu'on est
obligés de voir parce que, si on ne les voit pas, on va se faire appeler
par l'ombudsman de l'hôpital et le CRSSS de Montréal qui vont
dire: Vous manquez à votre responsabilité, ce malade vient vous
consulter et vous êtes obligés de le voir. C'est ce qu'on voit.
Une fois qu'on le voit, c'est un médecin qu'il veut voir, et si le
diagnostic qu'on pose n'est pas exact, si on se trompe, il va nous poursuivre.
C'est pour cela que les psychologues, tes travailleurs sociaux, dans nos
équipes, ne veulent pas faire de diagnostic parce que s'ils se trompent,
ils seront poursuivis. Donc, ils demandent au médecin de s'acquitter de
cette responsabilité du diagnostic et du contrôle du traitement
parce que c'est lui qui sera poursuivi s'il y a une erreur, en
l'occurrence.
Mme Lavoie-Roux: Dr Laurin, ce n'est pas ce que nous ont dit les
autres professions.
M. Laurin: C'est mon expérience. D'ailleurs, je ne connais
pas de conflit, dans mes quinze cliniques externes, entre les professionnels et
les médecins justement parce que cela fait bien l'affaire des
professionnels de voir que le médecin se charge du médicament
quand il faut le donner, du diagnostic quand il faut le poser et du
contrôle du traitement, du résumé de dossier quand il faut
l'écrire et que le patient demande accès à son
dossier.
Il y a un langage corporatif, Mme la ministre, et il y a un langage de
clinicien sur place et ce n'est souvent pas le même.
Le Président (M. Bélanger): En conclusion, M. le
député de Joliette.
M. Chevrette: En conclusion, mille mercis. Je pense que vous avez
quand même apporté un éclairage à la commission.
Soyez assuré que cela me permettra peut-être de demander à
d'autres qui auront un langage corporatif d'avoir te même langage en
privé qu'en public.
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, tout à l'heure,
le député de Sainte-Anne vous a demandé sur quel principe
vous baseriez une politique en santé mentale si vous aviez à en
élaborer une. Vous avez répondu sur les principes qui sont dans
le rapport Harnois: la personne, la famille, la communauté. Vous avez
donné trois ou quatre éléments. Je comprends mai qu'on
retrouve dans votre mémoire que vous n'êtes pas d'avis qu'on
puisse fonder une politique de santé mentale pour le Québec sur
ces principes-là. Où il m'apparaît - si je me trompe, vous
me corrigerez - qu'il y a ambiguïté ou quiproquo, c'est que vous
auriez sans aucun doute souhaité qu'on définisse pour chaque
profession ce qu'elle devait faire. Je ne suis pas sûre non plus que ce
soit le rôle de cette commission de faire cette définition. Est-ce
que cela ne revient pas davantage aux corporations professionnelles qui,
justement...
M. Laurin: C'est parce que Je crois que les principes, pour
essentiels qu'ils soient, ne sont pas suffisants. Il faut aussi...
Mme Lavoie-Roux: Mais laissez-moi finir, si vous voulez.
M. Laurin: Ah bon!
Mme Lavoie-Roux: Bon! La première question est celle que
Je vous al posée. La deuxième est celle-ci. Ne croyez-vous pas,
et je suis d'accord, qu'à partir de l'élaboration d'une
politique, dans une politique on ne peut pas rentrer dans une liste
d'épicerie, on ne peut pas rentrer dans une série de... On peut
bien vous ■ dire: II faut des appartements supervisés, etc., on
les connaît tous. Il y en a peut-être d'autres qu'on ne
connaît pas, mais on a appris hier, justement, un autre type de
ressources qui n'existerait pas au Québec. Par la suite ou
concurremment, ou parallèlement devra être déposé un
pian d'action beaucoup plus concret qui rejoindra peut-être certaines des
préoccupa-
tions que vous avez exprimées, celtes que vous nous avez
transmises au nom du conseil régional de Montréal, qui disent: On
voudrait que, sur des questions particulières, vous soyez un peu plus
précis: sur les responsabilités du conseil régional, etc.
Je pense que cela est du ressort du ministère de dire quelles sont les
responsabilités interétablissements, mais je pense que c'est
moins du ressort du ministère d'établir les rôles
professionnels de chacun.
Je voudrais simplement connaître votre réaction à
ceci.
M. Laurin: C'est vrai que c'est au ministère qu'il
appartient d'établir les vocations, les rôles, tes
responsabilités, mais c'est aussi le rôle d'un comité
d'enquête de suggérer des orientations au ministère. C'est
un peu ce que j'ai vu dans plusieurs projets de politique. J'en ai lu beaucoup,
j'ai potassé beaucoup de projets de politique: la politique
française, la politique britannique, la politique américaine, ta
politique des ministres de la Santé du Conseil de l'Europe. Je m'en suis
payé une quinzaine, et, dans presque toutes celtes que |'ai vues, il y
avait, bien sûr, des principes, mais il y avait ensuite des analyses de
situations, des analyses de l'incidence, de la prévalence des
problèmes rencontrés, des grandes pathologies qui sont
responsables de la croissance des coûts, que ce soient les coûts
hospitaliers, les coûts des médicaments ou du système de
soutien intégré. Il y avait des descriptions de situations, des
descriptions de problèmes, pour aboutir ensuite à des
recommandations, quant aux plans organisationnels, assez précises
justement pour répondre aux priorités ou aux lacunes principales
qui ont été observées.
C'est un peu ce qui m'a laissé sur mon appétit dans le
rapport Harnois. Je trouve que ces gens auraient pu aller plus loin pour
justement aider le ministère à mettre au point sa politique et
définir les grandes orientations, quitte ensuite à confier
à d'autres organismes régionaux et sous-régionaux
l'application de cette politique.
Mme Lavoie-Roux: Alors, écoutez, je veux vous remercier,
en terminant. Comme je l'ai dit à d'autres de nos invités,
à partir de tous ces commentaires que nous recevons, nous essayerons
d'établir la politique de santé mentale la plus cohérente
possible, la plus pertinente possible. Je pense qu'il est Important
qu'après 25 ans de tâtonnement, finalement, on sache ce qu'on veut
faire. On se trompera peut-être, mais je pense que le rapport Harnois
nous dit qu'une politique, c'est aussi un processus évolutif. Elle doit
être revue, révisée à certaines périodes.
Mais nous avons, comme gouvernement, la ferme conviction qu'on ne peut pas
continuer strictement en disant: On ajoute ici, on ajoute là, sans
jamais essayer d'établir une cohérence entre toutes les tendances
que l'on sent dans la communauté et sans indiquer non plus une
volonté gouvernemen- tale pour tenter de résoudre au moins une
partie des problèmes dans ce domaine.
Le Président (M. Bélanger): La commission remercie
le Département de psychiatrie de l'hôpital du Sacré-Coeur
de Montréal et ajourne ses travaux jusqu'à demain, 10 heures,
dans le même local.
(Fin de la séance à 22 h 16)