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Version finale

33rd Legislature, 1st Session
(December 16, 1985 au March 8, 1988)

Wednesday, January 6, 1988 - Vol. 29 N° 55

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de politique de santé mentale pour le Québec énoncé dans le rapport Harnois


Journal des débats

 

(Dix heures neuf minutes)

Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission des affaires sociales est réunie afin de procéder à l'étude du projet de politique de santé mentale pour le Québec tel qu'énoncé dans le rapport du comité présidé par le Or Gaston Harnois et rendu public le 30 septembre 1987.

Nous avons quorum, madame?

La Secrétaire: Oui.

Le Président (M. Bélanger): Oui. Est-ce qu'il y a des modifications?

La Secrétaire: Oui, M. Gauthier (Roberval) sera remplacé pour la durée du mandat par M. Jolivet (Laviolette).

Le Président (M. Bélanger): D'accord. Il n'y a pas d'autres remplacements? Bien. Le premier organisme que nous recevons ce matin, c'est l'Association multiethnique pour l'intégration des personnes handicapées du Québec. C'est bien cela? Si vous voulez vous approcher à la table des témoins. Ce groupe est représenté par Mme Lina Vella, présidente, Mme Luciana Soave, directrice générale, Mme Teresa Penafiel, travailleuse sociale, Mme Hamida Kanani, Mme Isabelle Hemlin. Je n'ose pas être trop exotique dans ma prononciation. Est-ce que votre porte-parole sera Mme la présidente?

Mme Soave (Luciana): Ce sera moi, Luciana Soave.

Le Président (M. Bélanger): Bien. Les règles de procédure sont les suivantes: vous avez 20 minutes pour faire votre présentation et il y a 40 minutes pour la période de questions et de discussions avec la commission sur votre mémoire, pour une enveloppe totale d'une heure. Je vous prierais donc de commencer votre présentation, madame.

Association multiethnique pour l'intégration des personnes handicapées du Québec

Mme Soave: Merci beaucoup. J'ai oublié mes lunettes, alors fe vais jouer beaucoup plus sur ma mémoire de ce qui est écrit.

La première chose qu'on voudrait dire, c'est qu'on a remarqué dans le rapport que les communautés culturelles sont totalement absentes. C'est pour cette raison qu'on a décidé de présenter le mémoire pour souligner la présence des personnes des communautés culturelles. Parmi les communautés culturelles, il n'y a pas nécessairement plus de personnes atteintes des problè- mes de santé mentale que parmi la population en général. Cependant, ces personnes vivent des problèmes plus aigus, des problèmes différents, si on veut, de façon qu'elles ont besoin d'une attention toute particulière. Je pourrais apporter de nombreux exemples de cas qui sont arrivés: une jeune fille atteinte de schizophrénie demandée pour servir d'interprète auprès de ses parents avec les psychiatres, des cas de personnes dont les parents ne savent pas ce qui se passe et n'arrivent pas à communiquer avec les psychiatres, les problèmes des parents qui ne comprennent pas la terminologie. Ce sont des personnes qui vivent des problèmes très difficiles et qui ne peuvent pas communiquer. Je parle des gens qui viennent d'arriver; ils sont placés dans un hôpital psychiatrique et sont soignés par des professionnels qui ne parlent pas du tout leur langue. Souvent, il arrive que la personne atteinte de maladie mentale est née ici et parle la langue. Le problème survient avec les parents qui n'arrivent pas à communiquer avec les professionnels. C'est arrivé dernièrement le cas d'un jeune homme de 29 ans qui était dans un centre d'accueil. Il souffrait de douleurs au ventre depuis longtemps. Les gens du centre d'accueil disaient: C'est un type qui se plaint tout le temps et ils ne l'ont pas vraiment suivi. À un certain moment, le jeune homme a abouti à l'hôpital Jean-Talon. La mère ne savait pas du tout ce qui se passait et elle nous a appelés parce qu'elle ne pouvait pas du tout communiquer avec le centre d'accueil ni avec l'hôpital pour savoir ce qui arrivait à ce jeune homme-là. Ce sont des exemples pour démontrer que c'est très important de ne pas oublier les communautés culturelles.

Je veux aussi apporter des exemples sur les personnes à risque. Le rapport Harnois parle des personnes à risque et nous considérons que les personnes appartenant aux différentes communautés culturelles peuvent être aussi considérées comme des personnes à risque. Les difficultés de s'adapter au nouveau pays peuvent provoquer des problèmes d'adaptation, de crise de dépression. Je l'ai vécu moi-même quand je suis arrivée au pays, tout en étant une personne normale, Je crois. Pour une couple d'années, c'est très difficile de s'adapter parce qu'on ne parle pas la langue et, même si on parle la langue, tout est différent. On doit s'adapter aux nouvelles mentalités, trouver de nouvelles ressources. Je pense aux personnes qui ont dû quitter leur pays à cause de problèmes sociaux ou politiques, qui étaient des ingénieurs, des architectes, des médecins, des professionnels. Ils doivent recommencer à zéro, sans parler la langue du pays. Ils doivent laver la vaisselle dans les restaurants ou faire l'entretien dans les hôpitaux. Tout immigrant est prêt à faire n'Importe quoi, quand il arrive, pour s'adapter au

pays. Cependant, c'est bien facile de dire en théorie: Je suis prêt à faire n'Importe quoi. À un certain moment, quand on a la nostalgie du pays, la nostalgie des personnes, des parents qu'on a laissés en arrière, la nostalgie de tous ceux qu'on a quittés, devoir s'adapter à faire n'Importe quoi, cela peut devenir très frustrant. Cela arrive souvent Des hommes qui étalent des professionnels dans un autre pays en arrivent à des crises de dépression et cela retombe dans la violence conjugale; dans des moments de dépression, de crise, il y a des femmes battues. Cela augmente beaucoup la proportion des femmes battues dans les familles où les hommes ont perdu leur statut social. C'est très difficile aussi. Il y a des personnes qui ont dû quitter leur pays et qui n'ont pas de moyens financiers. Elles ne trouvent pas de travail. Elles doivent vivre du bien-être social, alors que, dans leur pays, c'est une honte d'être bénéficiaire de l'aide sociale.

La pauvreté dans le rapport Harnois est Indiquée comme une des raisons qui pourraient causer des situations à risque. Beaucoup de personnes qui arrivent au pays - je pense aux personnes en attente du statut de réfugié - peuvent souvent attendre des semaines ou des mois avant d'avoir leur permis de travail. J'ai connu des personnes qui ont attendu un an et demi avant d'avoir leur permis de travail. En l'attendant, elles doivent vivre de l'aide sociale, avec un montant très minimal, avec une famille à charge, des enfants, dans un pays qu'elles ne connaissent pas. La pauvreté est donc une des raisons. Souvent, les immigrants s'adaptent assez facilement, mais it y en a beaucoup qui vivent des situations très pénibles. Isabelle parlera un peu plus des personnes âgées qui sont parrainées par leurs parents. Ces personnes âgées vivent vraiment dans un état de pauvreté extrême.

Le choc culturel dans les familles. Souvent les familles sont séparées. On a le cas de personnes qui sont arrivées ici alors que les autres membres de la famille sont restés à l'étranger. Nous avons le cas de personnes qui sont les parents d'un enfant handicapé. Soit qu'il ne soit pas permis à cet enfant de venir au pays à cause de son handicap, soit qu'il soit ici sans un permis. Il y a plusieurs personnes à qui on a refusé le statut de réfugié, d'immigrant permanent à cause d'un enfant handicapé. Il y a une famille qui est Ici depuis dix ans, qui a ouvert une petite entreprise, qui paie ses impôts. C'est une famille assez bien. Elle n'a pas son statut de réfugié, cela fait dix ans qu'elle l'attend. Au mois de mars, cette année, cela fera dix ans qu'elle sera au pays. Au mois de décembre, elle a reçu encore une fois un refus du gouvernement fédéral à cause de l'enfant handicapé. C'est un stress énorme pour ces familles. Une autre famille est ici depuis sept ans et demi et a été refusée continuellement à cause de sa fille handicapée. Le père a subi une crise cardiaque et est en train d'avoir une dépression nerveuse très profonde. Il est toujours dans l'anxiété de savoir s'il peut rester ou s'il ne peut pas rester. Qu'est-ce qu'il arrivera s'il doit partir? Il a peur de retourner dans son pays. Il vient du Salvador. Ce sont des situations très pénibles pour beaucoup de gens.

Les femmes vivent des situations beaucoup plus difficiles. D'un côté, la femme se sent plus marginalisée si elle est obligée d'aller au travail en arrivant d'un pays où elle était habituée de rester à la maison et qu'ici tout le monde doit travailler, ou bien, elle est obligée de rester à la maison avec tes enfants sans prendre de cours de français parce qu'elle doit s'occuper de ta famille.

Comme je l'a! dit tantôt, souvent les pères ou les hommes qui sont obligés de faire des travaux Inférieurs à ce qu'ils faisaient dans leur pays deviennent plus agressifs. Il y a beaucoup de cas de violence conjugale. Cela retombe toujours sur les femmes. Il y a beaucoup de femmes dans tes centres de femmes battues qui ont subi des violences conjugales.

Il y a d'autres problèmes. Je pense, par exempte, aux crises d'identité des jeunes, des adolescents, surtout parmi (es communautés culturelles et tes minorités visibles. C'est encore plus accentué pour tes gens qui se sentent différents. Ils voudraient être Canadiens mais Ils s'aperçoivent qu'ils ne sont ni Canadiens, ni Québécois ni de leur pays d'origine. Ils perdent leur identité. Cela augmente la violence, l'agressivité.

Il y a aussi les différences culturelles. Je pense à un cas qui s'est produit l'année dernière à Montréal. Plusieurs Turcs de religion musulmane sont arrivés à Montréal. Pendant qu'ils étaient à l'hôtel, en attente de trouver des logements, des travailleurs et travailleuses sociaux prenaient soin de ces personnes. Dans un article rapporté dans la Gazette, on disait que des intervenants mâles distribuaient les serviettes sanitaires aux femmes. Pour vous, peut-être que ce n'est pas quelque chose de grave mais, dans une société où la pudeur des femmes est très intime, très réservée, se voir distribuer des serviettes sanitaires en public, par des hommes, cela peut être très frustrant, d'un côté pour la femme qui n'est pas habituée et pour l'homme qui se voit envahi dans ses sentiments personnels et intimes. Ce sont les premières approches dans un pays qui pourraient provoquer des crises qui, par la suite, vont dégénérer en dépression ou autres problèmes psychologiques.

Je ne voudrais pas oublier non plus les gens qui ont quitté leur pays pour des raisons politiques qui se retrouvent ici sans aucun accueil, des personnes qui ont subi la torture, qui viennent du Chili ou de l'Argentine ou du Liban ou d'autres pays où ils peuvent avoir subi la torture. Leur état psychologique est souvent très précaire. Ici, Ils ne connaissent personne. C'est seulement à Toronto qu'il y a un centre spécialisé pour accueillir les gens qui ont subi la torture.

Ce sont toutes des situations très difficiles. C'est pour cette raison qu'on a fait un court mémoire, on n'avait pas beaucoup de temps; on a simplement voulu mentionner là problématique des coûts pour les communautés culturelles, en espérant que des mesures seront prises dans la politique sur la santé mentale.

Les recommandations que nous faisons, c'est que toutes les recommandations du rapport Harriots soient modifiées pour inclure aussi la problématique et la réalité de la présence des communautés culturelles. C'est une réalité grandissante, ce n'est pas une réalité en diminution. On sait bien que le Québec a besoin de l'apport des nouveaux Québécois venant de différentes communautés culturelles. Donc, c'est une réalité qui va augmenter de plus en plus.

Nous demandons que le personnel, les professionnels et les conseils d'administration des différents établissements de santé et des autres ministères concernés reçoivent une formation sur la réalité multiculturelle du Québec.

Nous demandons aussi que dans le curriculum scolaire des futurs travailleurs de la santé soit donnée une formation sur la réalité muiticuiturelle du Québec et des différentes conceptions et aptitudes face à la santé mentale des personnes; que les Jeunes des communautés culturelles soient Incités, par la mise sur pied d'un programme spécial de bourses, à étudier pour faire carrière dans le domaine de la santé et des services sociaux, plus particulièrement de la santé mentale; que les règles administratives de la sectorisation des services sociaux soient assouplies de façon à permettre aux communautés culturelles d'utiliser au mieux les rares ressources spécialisées sans tenir compte des critères de sectorisation; que les programmes et tes ressources visant à soutenir les familles des communautés culturelles tiennent compte des différences culturelles et des difficultés linguistiques; que des subventions soient octroyées aux organismes des communautés culturelles offrant partiellement des services en santé mentale, d'écoute ou de "counseling".

Je voudrais souligner aussi que, parmi les communautés culturelles, il n'existe pas d'organismes spécialisés en santé mentale. Les organismes d'accueil et d'aide aux Immigrants, d'habitude, offrent tous types de services. Ce sont des organismes familiaux de santé et de services sociaux, d'accueil et de soutien. C'est multiclientèle et multisectoriel. On se trouve souvent à faire face à tous types de problématiques. C'est la famille qui se présente avec tous les types de problèmes qui peuvent survenir auprès de la femme, de l'homme, des enfants, ou de la famille au complet.

Que des subventions soient octroyées aux organismes des communautésculturelles offrant des services d'accueil et d'adaptation aux nouveaux arrivants afin qu'ils soient en mesure de fournir des services de soutien dans le but de prévenir les problèmes émotifs et de santé mentale; que soit développé un modèle d'intervention avec des interprètes communautaires rémunérés et professionnels de la santé et des services sociaux, modèle tenant compte de la culture et du vécu des communautés culturelles.

Il est très important d'avoir... Souvent, comme je l'ai dit tantôt, les membres de la famille et même les enfants servent d'interprètes auprès de psychiatres et de travailleurs sociaux, avec les parents ou la personne concernée.

Que, comme mesure préventive et de maintien de la santé mentale, les délais de réunification familiale soient raccourcis et que les conditions soient assouplies pour les membres d'une même unité familiale; que tes victimes de torture et leur famille soient référées à des centres spécialisés dès que les soins le nécessitent; que les recherches sur la déstabilisation et les problèmes engendrés par le déracinement des immigrants et des demandeurs de refuge soient stimulées; que, dans toutes les démarches et dans l'application de la politique de santé mentale, on considère les organismes des communautés culturelles comme des interlocuteurs et partenaires "À part., égalel* C'est terminé.

Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Il nous fait plaisir d'accueillir l'Association multiethnique pour l'intégration des personnes handicapées du Québec. Je sais d'ailleurs que, vis-à-vis de la problématique générale des personnes handicapées, votre organisme a déployé beaucoup d'efforts dans les deux ou trois dernières années. Je pense que c'est excellent et ceci se situe évidemment dans la foulée des Interventions que vous avez faites au nom des personnes handicapées.

Il est très juste que vous souligniez la nécessité de ne pas oublier, en cours de route ou dans quelque mesure ou plan d'action qui serait éventuellement adopté, qu'on tienne véritablement compte de la dimension des groupes culturels. Je pense qu'ici autour de la table - je ne connais pas la raison exacte pour laquelle vous n'avez pas été mentionnés... Vous avez été mentionnés dans le rapport, mais d'une façon très...

Mme Soave: Si on le cherche, on le trouve, mais, si on ne le cherche pas, c'est vraiment...

Mme Lavoie-Roux: C'est cela. Je pense que, de plus en plus, nous, comme parlementaires, et le réseau dans son ensemble, même si cela ne se concrétise pas toujours d'une façon exemplaire, sommes particulièrement sensibles aux aspects socioculturels, particulièrement dans le domaine de la santé mentale. Évidemment, la question linguistique intervient d'une façon encore plus prononcée quand il s'agit de personnes qui ont

un handicap mental que lorsqu'il s'agit d'une personne qui a un handicap physique. Même si déjà là cela peut être compliqué, cela l'est véritablement davantage, puisque la communication est un élément tellement important.

Alors, je peux vous assurer que vous êtes intégré. Si cela ne vous apparaît pas comme tel, dans la politique finale qui sera déposée, il y aura certainement cette préoccupation un peu plus élaborée, si vous voulez, et un peu mieux articulée sur la place qui doit être faite aux communautés culturelles.

J'aurais une question à vous poser. C'est votre cinquième recommandation. On ne l'a pas encore abordée ici en commission parlementaire et je pense que je ne vous demanderai pas de la traiter globalement parce que c'est une politique qui a été adoptée II y a plusieurs années quand on a intégré des départements de psychiatrie dans les hôpitaux généraux et qu'on a commencé à développer cette politique de sectorisation. Mais, par rapport à vous, je voudrais que vous me disiez exactement comment cela vous affecte. Est-ce que vraiment, du côté de la psychiatrie, vous êtes refusée par d'autres hôpitaux, parce qu'on dit: Vous n'êtes pas de notre secteur, etc.?

Mme Hemlin (Isabelle): II y a à peu près quatre ans, la table de concertation des réfugiés de Montréal a fait un répertoire des ressources en santé mentale bilingues et biculturelles sur te territoire de Montréal. Nous nous servons ordinairement de ça lorsque nous avons besoin de référer quelqu'un pour une évaluation ou des soins en psychiatrie. Très souvent, on nous dit: Ah! il n'est pas du bon DSC. Mme Fontaine, lorsque je l'ai rencontrée, il y a quelques mois, nous a dit qu'il est possible... Mais il faut vraiment faire de ta pression pour pouvoir passer au-dessus du territoire du DSC. Il y a un seul psychiatre chinois à Montréal. J'espère que le client malade va être dans son DSC. (10 h 30)

C'est cela, le problème. C'est pour cela qu'on parlait de désectorisation sur l'île de Montréal. Il y a très peu de personnes-ressources en psychiatrie et même en psychologie partant plusieurs langues et connaissant plusieurs cultures. C'est pour cela qu'on demande la désectorisation sur l'île de Montréal. On ne demande pas de le faire dans tout le Québec, mais qu'au moins, sur l'île, nous puissions envoyer un client du DSC Sainte-Justine au DSC Sacré-Coeur sans aucun problème, sans avoir besoin de passer une journée en pourparlers administratifs pour gagner. C'est notre point de vue.

Mme Lavoie-Roux: À Montréal, est-ce qu'il y a des ressources en psychiatrie qui semblent plus alertes aux problèmes des communautés culturelles, en d'autres termes, qui ont développé plus de personnes-ressources, même si ce ne sont que des individus, et où certains groupes culturels peuvent, finalement, peut-être pas trouver tous les services qu'ils voudraient, mais au moins où des moyens de communication sont établis?

Mme Hemlin: Je ne peux parler pour toutes les communautés culturelles, mais je peux dire que, pour les communautés du Sud-Est asiatique, ordinairement, nous avons affaire avec le Allan Memorial et le Sacré-Coeur. Normalement, ce sont les deux hôpitaux. Comme je travaille pour te service des interprètes Indochinois, je parle de notre clientèle. Mais je ne pourrais pas dire si, pour les gens du Sri Lanka, on a réussi à développer des contacts privilégiés avec un hôpital ou un autre.

Mme Lavoie-Roux: Mais vous, vous avez réussi, en tout cas, dans le cas des communautés asiatiques, à établir des liens plus personnalisés avec deux centres.

Mme Hemlin: C'est peut-être le hasard des références, mais cela a fonctionné pour ces deux-là C'est cela.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'ils accepteraient des patients d'autres secteurs que de celui du DSC de l'Hôpital générai? Dans le cas de Sacré-Coeur, est-ce qu'on va accepter des Asiatiques d'autres parties ou si on est très strict, compte tenu des liens un peu privilégiés qu'on a développés avec vous?

Mme Hemlin: Avec Sacré-Coeur, cela allait très bien. Une, pour ne pas dire la seule, travailleuse sociale vietnamienne en poste depuis longtemps étant au Sacré-Coeur, cela allait bien. C'est peut-être cela aussi.

Le Président (M. Bélanger): Excusez-moi! II y a madame, au bout.

Mme Lavoie-Roux: Oui, d'accord.

Le Président (M. Bélanger): Excusez-moi, je ne sais pas votre nom. Est-ce que vous pouvez donner votre nom auparavant?

Mme Kanani (Hamida): Oui, Hamida Khanani. Je travaille à la Maison internationale de la rive sud avec les femmes immigrantes. J'ai eu beaucoup à faire avec des problèmes de santé mentale chez les femmes. Voilà ce qui s'est passé justement en ce qui concerne la sectorisation. J'ai vu une jeune fille haïtienne qui avait des problèmes d'adaptation, de choc culturel. Elle faisait un peu de dépression. Au CLSC, on ne pouvait plus l'aider. Les médecins, les psychologues, tout le monde y est passé. On l'a envoyée à l'hôpital. Entre-temps, je lui al trouvé un endroit où se loger, à Montréal; elle avait des problèmes de logement. À l'hôpital, il y avait un médecin haïtien. Elle avait des problèmes de "vaudouisme" et il y a un psychiatre haïtien à l'hôpital

Charles-Lemoyne. On n'a pas pu avoir accès à lui parce qu'elle habitait Montréal. Son cas est en cours en ce moment. Il faut trouver quelqu'un à côté de l'hôpital où elle est. Merci.

Mme Lavoie-Roux: Pour le moment, je vais vous laisser. Mes collègues veulent aussi poser des questions. Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Vous me permettrez de dire ma surprise, un peu. Si on permet à Urgences-santé de distribuer les patients quand une urgence est comble, regorge de personnes... On lui permet même, par un 'dispatching" général, d'aller dans d'autres centres hospitaliers et on ne permettrait pas, en santé mentale, d'avoir à peu près la même procédure. Quand quelqu'un est loin ou près d'un centre hospitalier, on a bien beau sectoriser la santé comme telle sur une même He, je vous avoue que... C'est par règlement, de toute façon, et non pas...

Mme Lavoie-Roux: C'est strictement pour la psychiatrie. Et j'imagine que ce n'était pas nécessairement des cas d'urgence. Pour un cas d'urgence, on aurait joué le même jeu que lorsqu'il y a trop de...

M. Chevrette: En fait, ce sont des travailleurs sociaux qui acheminaient des personnes, si j'ai bien compris?

Mme Kanani: C'est la police qui nous a communiqué le cas et c'est un cas urgent, quand même.

M. Chevrette: Cela devient un cas d'urgence. À ce moment-là, je suis surpris qu'on ne puisse pas aller là où on peut Dans les cas d'urgence, il me semble que cela ne doit pas être une complication, au contraire: tu entres à l'urgence et tu te fais traiter par les médecins de garde. Je suis surpris qu'on agisse de cette façon, personnellement. Si vous m'aviez dit que ce n'était pas un cas d'urgence, comme vient de le dire Mme la ministre, j'aurais peut-être plus compris qu'ils veuillent véritablement respecter les territoires des départements de santé communautaire, mais, dans les cas d'urgence, un signalement policier en plus, il me semble que cela devrait être signalé à de plus hauts niveaux.

Mme Kanani: C'est une femme qui souffre de schizophrénie, qui a peur du système, on est ailé à l'urgence, on nous a fait attendre des heures et des heures pour nous dire de revenir le lendemain. Quand on est revenus, on nous a dit qu'on ne pouvait pas nous accepter, etc.

M. Chevrette: Je comprends, à ce mo- ment-là, quand vous parlez d'assouplissement des règles administratives, sur le plan des directives administratives, je pense que ces choses peuvent être corrigées plus que par réglementation.

Mme Lavoie-Roux: Toute la question de la sectorisation doit être revue parce qu'elle nous pose aussi des problèmes. Oublions, pour un moment, les gens des communautés culturelles. J'en ai eu de l'extérieur de Montréal, même il y a plusieurs années, qui ne voulaient pas se faire soigner dans leur patelin, à qui on refusait... Je trouve qu'on ne tient pas assez compte de facteurs qui doivent aussi être pris en considération.

M. Chevrette: Je m'excuse de m'adresser à la ministre. Vous ne devez pas avoir ce problème avec la communauté juive de Montréal qui accepte des gens de toute la périphérie au Jewish Hospital.

Mme Lavoie-Roux: En psychiatrie, vous avez le même problème.

M. Chevrette: Vous avez le même problème en psychiatrie? Est-ce que c'est le cas? Je pensais que non. Je ne voudrais pas contredire Mme la ministre, mais j'ai très bien compris, dans mes relations à l'époque avec le CSS juif, avec le centre hospitalier juif, qu'ils procédaient beaucoup selon la communauté culturelle comme telle, alors que ce n'était pas le cas dans les autres centres hospitaliers - là-dessus, vous avez raison - où c'est vraiment sectorisé.

Mme Soave: Je suis contente que M. le député ait mentionné l'hôpital juif, justement, parce que j'ai rencontré des cas de personnes -d'origine arabe qui habitent dans les quartiers adjacents à l'hôpital juif. Ils ont juré qu'ils vont mourir plutôt que d'être hospitalisés à l'hôpital juif. Dans ces questions aussi religieuses, c'est sûr que...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Là, vous m'apportez un exemple diamétralement opposé à ce que je voulais dire.

Mme Soave: ...la sectorisation.

M. Chevrette: Je ne demande pas ta guerre dans l'hôpital. Je parte de quelqu'un, par exemple, qui est juif et qui demeure en Montérégie. Pour faire suite à l'exemple de madame tantôt, je ne crois pas que la personne juive de la Monté-régie ait de la difficulté à se faire traiter au centre hospitalier juif. C'est ce que je voulais dire, alors que ce n'est pas le cas généralisé sur l'île de Montréal, je suis d'accord avec vous. Je pense que c'est à revoir, effectivement, comme Mme la ministre l'a dit. Cela n'a pas de bon sens

d'avoir des personnes... Surtout dans les cas d'urgence, je trouve cela inacceptable parce que, sur le plan administratif, pour les maladies ordinaires, les maladies physiques et non pas mentales, Us ont même le pouvoir de faire une répartition des urgences sur l'île de Montréal, et on ne permettrait pas, en santé mentale, d'avoir cette flexibilité. Je trouve cela un peu aberrant

Mme Lavoie-Roux: ...c'était de Montréal vers la rive sud.

M. Chevrette: On pourrait avoir le même problème sur le plan des DSC sur l'île de Montréal. Si on respecte les territoires des DSC, on pourrait avoir quelqu'un de l'est...

Mme Lavoie-Roux: ...la communication en psychiatrie, certainement

M. Chevrette: ...qui n'est pas capable d'aller dans l'ouest parce que, s'il se retrouve dans l'ouest, on lui dit: Non, va-t-en dans l'est. SI c'était une urgence physique, l'ambulancier d'Urgences-santé pourrait très bien changer de département de santé communautaire, précisément parce qu'il a le pouvoir de faire une répartition différente, compte tenu de l'encombrement des salles d'urgence. C'est fatigant de voir cette situation parce qu'effectivement il y a des gens qui se promènent à Montréal, dans le cas de la santé mentale... Même à Sacré-Cœur - Je suis content de voir que vous, vous n'avez pas de problème - on me dit que, dans certains cas, surtout dans des cas de crise, ils sont parfois débordés, qu'ils ont de la difficulté, à ce moment-là, parce que c'est toujours le respect du fameux territoire de DSC qui joue. Malheureusement c'est souvent trois, quatre mois ou un an, deux ans après qu'on l'apprend, dans ces cas-là.

Il y a une question que je veux vous poser. Vous parlez, dans toutes vos recommandations, de l'intégration des communautés culturelles. Que penseriez-vous d'une politique discriminatoire positive en faveur de l'embauche des gens représentant les communautés culturelles, en particulier dans certains départements?

Mme Soave: On serait bien d'accord qu'on facilite surtout l'intégration au travail des professionnels appartenant aux communautés culturelles. C'est d'ailleurs une des recommandations les plus Importantes qu'on a dans le rapport sur l'accessibilité des services sociaux pour les communautés culturelles dont M. Sirros était le président. La préoccupation de l'embauche des professionnels pariant différentes langues ou les connaissant, souvent II ne s'agit pas seulement de parler la langue, mais de connaître la culture, parce qu'on pourrait embaucher une personne qui parle l'espagnol ou l'Italien, mais qui ne connaît pas du tout la culture. Alors, c'est Important aussi d'avoir un respect et une perception des autres cultures, d'avoir une capacité de percevoir que la différence, ce n'est pas nécessairement être des gens sauvages ou qui viennent de pays où...

M. Chevrette: En ce qui regarde les jeunes Immigrants, sans vouloir entrer dans le domaine linguistique plus qu'il le faut, si on réglait le problème des immigrants dès l'arrivée, au point de vue linguistique, si on donnait des cours rapides, des cours intensifs pour permettre à la personne de s'en sortir le plus rapidement possible, je pense que le problème se réglerait assez bien. Là où le problème est majeur, ce qu'on m'a rapporté, en particulier le comité qui m'avait rencontré à l'époque, c'est que c'étaient souvent les aînés, qui ont, comme unique langue, la langue de leur pays natal et c'est tout, qui avaient le plus de difficulté à être Intégrés aux services sociaux et aux services de santé et non pas nécessairement les immigrants qui s'intègrent conformément aux lois du pays, pour autant qu'on leur offre la possibilité de suivre les cours le plus rapidement possible.

Mme Vella (Lina): Je vais répondre à cette question, je suis Mme Vella, la présidente de l'association. Pour avoir vécu moi-même ce problème, le fait de la langue, c'est une partie, c'est-à-dire qu'on peut apprendre la langue, comme vous l'avez bien dit, en arrivant ici, mais si on est confronté à des problèmes... Par exemple, on parle ici d'hôpital, s'il y a une personne qui parle espagnol, italien ou grec, cette personne peut parier la langue mais ne pas comprendre. SI, par exemple, je suis gênée pour une chose ou une autre... Je sais qu'ici on est plus libre de penser, mais si, dans mes habitudes de vie que j'avais ou que je peux garder, parce que garder les habitudes fait partie de la vie elle-même... À ce moment-là, même si la personne parle ma langue, elle ne comprendra pas les problèmes que je peux avoir. Donc, le fait qu'une personne apprenne la langue, cela peut régler une partie, c'est-à-dire qu'elle sera capable de s'exprimer afin de trouver la solution, mais si, dans le service où elle va s'adresser, elle trouve quelqu'un qui pariera non seulement sa langue, mais aussi qui comprendra son problème, la façon qu'elle a de s'exprimer...

Je vous donne un exemple, pour vous, ce sera banal, il n'y a rien là, il n'y a pas de problème, mais, pour mol, si j'ai vécu dans un milieu où c'était vraiment un handicap, même si on parie la même langue, on ne se comprendra pas. Je travaille dans un milieu québécois, je parie français, mais souvent je m'aperçois qu'on ne se comprend pas bien. Parfois, je laisse faire, parfois j'explique. Je dis: C'est pour telle ou telle raison. Or, imaginez-vous quelqu'un qui ne parie pas la langue du pays, qui s'en va dans un hôpital et qui a des problèmes personnels, de santé mentale surtout. S'il va au marché ou au magasin pour acheter du linge, s'il a des difficultés de langage, ce n'est pas compliqué. On

regarde les prix et on l'achète; ce n'est pas nécessaire de parler. Mais à l'hôpital, surtout si c'est un problème mental, à ce moment-là, il faut s'expliquer et il faut voir aussi qu'on est compris de notre interlocuteur. Or, si la personne parle la langue, mais ne comprend pas ce que je peux ressentir, pourquoi je me sens comme cela... (10 h 45)

Je vous donne un exemple. Il y avait une interprète dans un service social pour immigrants à Montréal, elle faisait l'interprète, mais elle partait un dialecte napolitain. Quand elle avait des clientes du Sud de l'Italie, c'était facile, on se comprenait, mais, à un moment donné, elle a eu une cliente du Nord de l'Italie et elles ne se comprenaient pas du tout. Elle m'a appelée et m'a dit: Comment cela se fait-Il? J'ai de la difficulté avec une personne. Peut-être qu'elle a vraiment besoin de parler avec une personne de la même langue et peut-être qu'une Italienne va plus la comprendre. Je me suis rendue au bureau. Alors, que vois-je? Elle commence à parler à la dame. Je ne comprenais pas ce qu'elle disait à l'Interprète. À la fin, j'ai dit: Excuse-moi, il n'est pas question de communication. La dame ne te comprend pas même quand tu parles. Voyez-vous, c'est un exemple pour vous faire comprendre que parfois, même si l'interprète... Tu dis: Je suis Québécois, j'apprends la langue, mais il faut savoir quelle genre de langue on parle, parce que tout le monde ne vient pas de la même place. Il faut aussi s'assurer que, si quelqu'un parie une langue, il faut qu'elle soit comprise par la majorité des personnes, surtout lorsqu'il s'agit de problèmes psychologiques.

Lorsqu'on vient Ici pour des raisons économiques, peut-être qu'on a plus de facilité à s'intégrer, mais si on vient Ici à cause de problèmes politiques, alors que, dans notre pays, on avait un statut, une façon de vivre aisée, on arrive Ici et on voit que c'est totalement différent, la langue, les coutumes, c'est un choc terrible. Si, en plus, on va quelque part pour se faire soigner, parce qu'il faut aussi choisir de se faire soigner, à ce moment-là, on veut rencontrer des personnes qui peuvent nous comprendre, pour fonctionner en citoyens à part égale comme tout le monde.

M. Chevrette: Je comprends et je partage avec vous le fait...

Le Président (M. Bélanger): Madame avait un complément de réponse, je pense.

M. Chevrette: Excusez-moi, cela me fait même plaisir.

Le Président (M. Bélanger): Excusez-moi.

Mme Soave: Vous avez mentionné les personnes âgées. C'est très Important de ne pas oublier la tragédie pour beaucoup de personnes âgées qui arrivent ici. Elles ne parient pas la langue. Elles n'ont pas les moyens de l'apprendre. Elles sont trop âgées. Elles se trouvent isolées complètement. J'ai connu le cas d'un couple de plus de 70 ans que leurs fils ont fait venir ici. Ce monsieur a perdu ses jambes. Il a été mis dans un centre d'accueil à Côte-Saint-Luc. La dame habitait sur le boulevard Saint-Michel. Elle n'avait jamais voyagé seule hors du quartier Saint-Michel. Là, elle devait se rendre à Côte-Saint-Luc, elle ne savait pas comment faire. Elle s'est essayée toute seule et elle s'est perdue. Elle devait donc attendre que quelqu'un l'amène. Pour un couple marié depuis 50 ans, cette femme, à l'âge de 70 ans, n'a pu voir son mari pendant plus d'un mois. Il se passait parfois deux, trois, quatre semaines avant que quelqu'un l'amène. C'était donc un problème énorme pour cette femme, pour ce monsieur qui était tout seul dans un milieu où les gens ne pariaient pas sa langue. La nourriture était différente, tout était différent.

Le temps passe. Je laisserai parier Isabelle du parrainage des personnes âgées aussi.

Mme Hemlin: Le parrainage actuellement place beaucoup de personnes âgées dans un état de dépendance qui va entraîner des problèmes sérieux chez les enfants qui les ont parrainés et chez les parents. Actuellement, les personnes âgées parrainées par leurs enfants le sont pour dix ans. Depuis un an, elles sont rétroactivement coupées de l'aide sociale. Elles sont aussi exclues de la pension de vieillesse. Les parents se trouvent complètement dévalorisés, dépendants et même parfois traités en domestiques par leurs enfants. Nous remarquons aussi que beaucoup de parents viennent se plaindre de la violence. Je vais vous donner des exemples. On Interdit aux parents de descendre au salon. Comme m'a dit une vieille dame: C'est comme si j'étais un chien qui mettait du poil partout. Comment voulez-vous qu'elle garde un équilibre lorsqu'elle est cloisonnée? Elle ne parle pas. Elle n'a accès à aucune ressource financière indépendante de la bonne volonté de son enfant.

Comment voulez-vous ensuite qu'on leur trouve quelque chose? Si on essaie de trouver une mesure alternative - on pariait de mesures de répit, etc., pour l'un ou pour l'autre - si ces personnes ne parlent pas la langue, elles sont exclues. Si elles n'ont pas l'aide sociale et qu'elles ne peuvent pas payer, elles sont exclues. En plus, on leur demande d'être citoyens canadiens les trois quarts du temps. Il ne reste plus grand-chose pour tes personnes âgées. Nous trouvons actuellement que c'est une situation porteuse de dangers. On voit de plus en plus de problèmes de relations enfants-parents et chez les parents. Lorsque je parle de parents âgés, ce sont ceux de 60 ans et plus. On peut quand même replacer l'âge un peu. Mais je voulais ajouter...

M. Chevrette: Les personnes âgées, pour la

plupart, ne seraient-elles pas entrées...

Mme Hemlin: En vertu du parrainage...

M. Chevrette: ...dans le cadre du programme de réunification des familles?

Mme Hemlin: Oui. Mais c'est quand même rendre quelqu'un dépendant d'un autre, à la merci d'un autre. Ce n'est jamais bon pour la santé de qui que ce soit d'être totalement dépendant de quelqu'un parce que cela permet un jeu de pouvoir qui n'est pas toujours bénéfique pour l'un comme pour l'autre. C'est dans ce sens que je dis que c'est très porteur de dangers.

On a parlé d'embauché. On a aussi rajouté, dans la recommandation 4, que les jeunes soient incités à entreprendre des carrières. Comme on le sait, pour ce qui est de la communauté vietnamienne, les premiers sont arrivés il y a douze ans. Tout le monde sait qu'il y a beaucoup de pharmacies vietnamiennes, énormément de dentistes. Combien y a-t-il de psychologues vietnamiens? Une seule et elle était formée avant de venir ici. Il n'y en a aucun en formation dans les universités. Il y a une travailleuse sociale, il y en a trois qui sont en formation. Il n'y a aucun Cambodgien ou Laotien en train de chercher une telle formation.

Peut-être qu'en mettant des mesures incitatives on dégorgerait certaines branches et on permettrait d'avoir accès aux services. Même si on nous donne de l'embauche dans certaines branches, II n'y en a même pas à embaucher C'est un problème.

M. Chevrette: Simplement pour revenir en arrière sur un point, à la suite des propos de Mme la présidente, il est évident que, si on donne des cours sur les communautés ethniques, les communautés culturelles, on ne réglera pas le problème complet mais, à mon point de vue, on améliorera la situation.

Quand vous me donnez l'exemple d'une Italienne du Sud par rapport à une Italienne du Nord qui ne se comprennent pas, vous comprendrez bien qu'on ne réglera sûrement pas le problème, à ce moment, avec un Québécois francophone contre un Italien du Nord ou un Italien du Sud. Je veux dire que vous me donnez un exemple qui, à mon point de vue, est trop poussé par rapport au réalisme qu'on doit avoir quand on tombé en terre québécoise. À mon point de vue, c'est poussé à l'extrême. Cela deviendrait irréaliste par rapport à l'application concrète d'une politique.

Mme Vella: Je n'ai pas dit cela. J'ai dit que l'interprète pensait qu'il parlait ta langue, tandis que c'était un dialecte qui ne pouvait pas être compris partout le monde.

M. Chevrette: Ah! C'est une mauvaise Interprétation.

Mme Hemlin: Je n'ai pas dit que les deux ne se comprenaient pas. J'ai dit que l'Interprète pensait parler italien tandis qu'il avait de la difficulté à comprendre les clients parce qu'il y avait un manque de communication.

M. Chevrette: C'est que l'image qui m'était venue en tête, c'est comme si un Wallon tombait malade en territoire flamand. Ils sont tous les deux en Belgique, mais il y en a qui ne connaissent pas un mot de flamand. C'est bien sûr qu'ils ne se comprendront pas même sur un même territoire. J'avais Interprété...

M. Polak:...

Mme Hemlin: Non, j'ai dit que c'est l'interprète.

M. Chevrette: Cela prendrait M. Polak, mais ce n'est pas tout le monde qui est arrangé comme cela.

Ce que je veux vous donner comme exemple, c'est que quelqu'un qui arrive ici, en terre québécoise, il est évident qu'il peut avoir des problèmes. Je prétends que la catégorie la plus pénalisée, et j'aimerais que vous me contredisiez si ce n'est pas vrai, ce sont ceux qui n'ont pas eu la chance d'apprendre la langue française du Québec. Ils sont sûrement pénalisés au départ parce qu'ils connaissent seulement la langue de leur pays. Ce n'est pas un cadeau et vous avez raison. Ils refusent d'aller à un CLSC parce qu'ils n'ont pas les services dans leur langue; ils refusent d'aller dans les CSS parce qu'ils n'ont pas les services dans leur langue. Comme vous dites, il y a beaucoup de timidité, il y a un choc culturel effectivement.

Pour les autres, je pense qu'il ne faut pas dramatiser non plus la situation. Je prends le CLSC Parc-Extension. Il y a quand même onze langues différentes qui sont parlées au CLSC pour rendre service aux communautés culturelles. Il ne faudrait pas qu'on donne l'impression, ce matin, qu'il n'y a pas des efforts concrets qui ont été faits à l'intérieur des réseaux de santé et de services sociaux.

Je ne vous dis pas qu'il n'y a pas lieu d'amélioration. Je pense que vous avez des recommandations extrêmement intéressantes, en particulier sur la perception ou la connaissance des communautés culturelles. Prenez l'exemple de la religion. C'est évident que si quelqu'un oeuvre surtout dans un quartier où II y a une concentration de Musulmans, s'il ne connaît pas ce que c'est, il peut absolument ne pas comprendre les réticences, par exemple, d'une personne à s'exprimer ou à vouloir ouvrir grand son livre, alors qu'ici ce sont des choses admises. Je comprends cela.

Je pense qu'on peut facilement corriger ces situations avec des cours de formation. Mais je ne voudrais pas qu'on ait l'impression qu'il ne se

fait rien. Il y a quand même des efforts assez gigantesques qui se sont faits, surtout sur l'île de Montréal. Vous n'êtes pas d'accord avec moi?

Mme Vella: Disons qu'il y a des choses que vous avez dites qui sont vraies. Mais vous donnez l'exemple d'un CLSC modèle dans l'île de Montréal. Dans le quartier, il y a beaucoup de communautés différentes. C'est peut-être dû à la volonté, à un moment donné, de quelqu'un qui était là, qui a su peut-être mettre en valeur le CLSC. Mais, si vous allez dans d'autres quartiers, ii y a beaucoup de personnes qui ne savent même pas ce qu'est un CLSC. Moi, je travaillais à Montréal-Nord et j'en connaissais beaucoup. Je parle Italien parce que je suis Italienne. J'ai dit: Pourquoi ne vas-tu pas au CLSC, il y a même des médecins, tu peux faire prendre ta pression, au lieu d'aller à l'urgence d'un hôpital? Où est-ce? Pourtant, le CLSC était bien situé; à Montréal-Nord, ce n'est pas sur une petite rue, c'est à ta vue de tout le monde, mais la personne ne savait même pas que ce service existait. Elle disait: Est-ce que je vais trouver quelqu'un? Donc, vous avez donné l'exemple d'un CLSC que je connais un peu, où il y a plusieurs personnes qui parlent différentes langues. Peut-être que c'est dû à la volonté, à un moment donné, de quelqu'un qui était là, qui a su mettre en valeur la vraie nature du CLSC. C'est peut-être cela et, d'ailleurs, il est dans la salle, M. Sirros; à un moment donné, il en était directeur. C'est peut-être une façon de valoriser le CLSC.

Mme Kanani: J'aimerais revenir sur ce point, pour ce qui est de plusieurs langues qu'on peut parler. On peut écouter un client et parler sa langue, mais c'est une tout autre dimension qui est incluse ici parce que les clientes que j'ai référées aux professionnels de la santé, c'étaient des femmes qui parlaient français, mais leurs cas étaient des cas légers qui sont devenus des cas lourds à cause de l'Incompréhension culturelle. Justement, ces femmes ont été obligées de prendre des médicaments pour faire face à leur situation, alors qu'on peut les aider de façon différente. Par exemple, l'organisme pour lequel je travaille peut prendre en charge ces clientes, mais on n'a pas les moyens nécessaires pour les aider. On n'a pas assez de subventions, par exemple, pour avoir assez de clientèles parce qu'on est spécialisés pour ces cas-là.

M. Chevrette: Mais prenons l'exemple que la dame du bout de la table nous donnait; je termine là-dessus, je sais que mon temps est épuisé

Le Président (M. Bélanger): Oui.

M. Chevrette: On aura beau susciter par des mesures ce qu'on appelle la discrimination positive, il reste que, si on n'a pas les ressour- ces humaines, on aura beau Inventer mille et un moyens, on n'aura pas plus de psychologues laotiens. Quand bien même on leur réserverait deux chaires universitaires, s'il n'y en a pas, il n'y en a pas. Donc, à partir de là, je crois beaucoup plus aux cours de formation - en tout cas, si vous me permettez de m'exprimer là-dessus - des personnes qui oeuvrent auprès des communautés culturelles que d'essayer de corriger cela. A ce moment-là, chaque communauté voudra avoir un psychologue, un psychiatre et des travailleurs sociaux de sa propre origine. Je pense que ce serait utopique, entre vous et moi; cela ne sert à rien de rêver à cela. On est mieux de rêver à quelque chose de concret, de pratique et aller vers la formation des personnes sur la connaissance même des communautés culturelles.

Mme Soave: Je suis d'accord avec vous, avec votre idée de la formation, parce que l'approche doit être faite des deux côtés. D'un côté, la personne doit avoir droit au cours de français dès son arrivée; elle doit aussi avoir droit.. Les cours de français devraient être faits non pas seulement sur la langue, mais sur la culture et le respect du pays d'accueil. Entre-temps, ii devrait y avoir, pour les gens déjà ici, dans les universités, les écoles et les centres de santé et de services sociaux, des cours aux professionnels pour comprendre les différentes mentalités. Je ne demanderais pas qu'ils parlent toutes les langues, nécessairement; vous dites que ce serait utopique. Si on a un Tamoul dans un CLSC, on ne peut pas avoir un travailleur social, un psychiatre et un médecin qui parlent sa langue, mais on peut avoir une approche de respect. Je l'ai vécu, je ne peux pas dire que je n'ai pas eu une bonne approche, mais je me suis trouvée parfois, puisque je ne parlais pas la langue, traitée comme un enfant ou traitée comme quelqu'un qui venait d'un pays de sauvages. On me demandait: Est-ce que les médecins en Italie font cela? Mon enfant a été opéré en Italie. Ici, ils disent: On doit refaire tout ce qui a été fait là. Je ne me suis pas toujours retrouvée, mais c'était quand je ne parlais pas la langue ou pas assez... Je dois dire que, maintenant que je me débrouille avec la langue, je me retrouve d'égal à égal; Je trouve le respect. Je ne trouve pas de discrimination. Mais, lorsque je ne parlais pas la langue, j'ai trouvé parfois, parmi les professionnels, une attitude de protection. Je me sentais traitée un peu comme une débile qui ne comprenait rien: Comprenez-vous? Comprenez-vous? C'est une attitude qui blesse beaucoup. Les personnes qui viennent d'un autre pays, ce sont des personnes adultes. Cela provoque aussi beaucoup de stress, de dépressions, de troubles émotifs, le fait de se sentir traités comme si on n'est pas d'ici, qu'on est toujours des étrangers. On a besoin de se sentir appuyés. C'est des deux côtés. Je suis d'accord que beaucoup de gens ne cherchent pas

à s'Intégrer. Il faut faire des efforts pour les pousser à apprendre la langue. La solution n'est pas toujours d'avoir des professionnels qui parlent toutes les langues. C'est une approche des deux côtés qu'on souhaite. (11 heures)

Mme Kanani: Je suis d'accord aussi pour l'information. Bien sûr, c'est le premier pas vers... L'information des Intervenants, des professionnels, est la plus importante. Ce que je veux dire par là, c'est qu'en attendant qu'il y ait une structure interne il faudrait prendre en charge cette clientèle qui a des besoins. C'est pourquoi je fais référence aux organismes en place qui sont capables de les aider sur le moment. C'est ce que je voulais dire. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: C'est M. le député de Laurier...

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Laurier, oui.

M. Sirros: Je disais justement que je ne sais pas trop ce qu'on peut poser comme question. Mme Soave est aussi membre du comité sur l'accessibilité des services sociaux et de santé aux communautés culturelles. Je pense qu'on a traité de la question pendant des semaines et des semaines, sinon des mois. Plusieurs des recommandations que vous faites Ici ont également été faites dans le cadre du rapport comme tel. Je suis très content que vous soyez venues parce que, effectivement, j'avais constaté un peu la même lacune que vous dans le rapport; dans ce sens, je pense que cela ne peut qu'aider que de faire la représentation que vous avez faite et ramener le point de vue des communautés culturelles et des services de santé et des services sociaux.

J'ai été particulièrement heureux aussi que vous souleviez toute la question de la sectorisation parce que, souvent, c'est quelque chose dont les effets ne sont pas nécessairement connus, particulièrement par rapport aux communautés culturelles.

J'ai simplement le goût de vous demander si vous avez un dernier message que vous voudriez passer à la commission à ce moment-ci. Je pense qu'il reste à peine trois ou quatre minutes à votre groupe,

Mme Soave: Ce serait d'être consulté la prochaine fois s'il y a encore des rapports ou des... On a remarqué que beaucoup d'organismes ont été consultés, mais pas un seul organisme des communautés culturelles n'a été consulté par la commission. Isabelle...

Mme Hemlin: Je veux ajouter... Vous avez pris la parole juste avant que je lève la main. Quand on a parte de formation et de mesures Incitatives, ce n'est pas pour qu'il y ait un psychologue de chaque langue dans chaque CLSC. D'abord ce serait de former des modèles. J'ai demandé une fois: Mais pourquoi y a-t-il autant de dentistes vietnamiens? Oh! M'a-t-on dit, une a commencé, cela a marché, il y en a eu deux l'année d'après et cinq l'année suivante. Tant qu'il n'y aura pas de mesures Incitatives pour orienter les gens vers des professions taboues... être psychologue ou être psychiatre dans beaucoup de cultures, c'est tabou, on n'en parle pas; être travailleur social, il n'en est pas question. Donc, si on leur fournit des modèles, on aura peut-être des intervenants dans cinq ou dans dix ans. Mais de toute façon, qu'on sensibilise le personnel. Qu'on ait des professionnels des communautés culturelles, on aura toujours besoin d'interprètes parce qu'on ne pourra jamais en avoir assez. Alors, former tes membres des corporations, sensibiliser les gens pour qu'il y ait une éthique pour travailler avec un Interprète; n'importe qui ne peut s'improviser interprète. Quand on a fait le tour des corporations des psychologues et des travailleurs sociaux pour savoir quelles sont les consignes, comment on forme les travailleurs sociaux, les psychologues pour travailler avec des Interprètes, croyez-le ou non, le secrétaire de la corporation m'a demandé: Ah! Cela existe? Est-ce qu'il n'est pas en contact avec ses membres ou quoi? Je me pose des questions. Je sais une chose à ce moment-là, c'est que les membres de la corporation agissent à leur gré avec les Interprètes. On peut en prendre un sur la rue, il y a tellement de gens bilingues, comme Ils nous disent; ce ne sont pas des interprètes. Il faudrait peut-être aussi sensibiliser les corporations à travailler avec des interprètes, à travailler avec des Immigrants en situation multiculturelle.

Le Président (M. Bélanger): En conclusion, M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Je tiens à vous remercier pour la présentation de votre mémoire. Je suis convaincu que beaucoup de recommandations peuvent être considérées dans l'élaboration d'une politique finale et globale.

J'espère que l'intégration au réseau de la santé et des services sociaux des communautés culturelles se fera le plus rapidement possible. Pour avoir été en contact avec plusieurs de vos groupes pendant une année, j'ai eu la chance de constater jusqu'à quel point les gens ignorent à ta fois, comme disait Mme la présidente, les structures dans certains cas ou les services disponibles. Il y aurait peut-être une campagne de sensibilisation à faire auprès de ces gens-là, auprès des communautés culturelles pour voir la possibilité qu'ils ont d'abord et, ensuite, améliorer les structures et les ressources humaines à l'interne pour rendre service au milieu multicul-

turd.

Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: À mon tour, Je voudrais vous remercier de votre présentation. Je voudrais Juste ajouter une information supplémentaire que le Dr Hamois m'a transmise en ce sens que, dans presque tous les départements de psychiatrie des centres hospitaliers de I'île de Montréal, on reçoit au moins 25 % des clients ou des bénéficiaires qui proviennent d'un autre secteur qui sont hors secteur. En fait, je ne sais pas sur quelle base, parce que la sectorisation était censée être une chose bien stricte. Ce sont peut-être les besoins qui ont fait que cela s'est élargi un peu et il faudrait peut-être examiner de plus près pourquoi, dans le cas de communautés culturelles, là où ce serait véritablement plus facile d'aller hors secteur, elles n'ont pas ordinairement accès.

L'excuse la plus facile, c'est peut-être de parier de sectorisation. Quand on ne veut pas recevoir un patient, on l'envoie ailleurs, cela se peut que ce soit... En tout cas, cela vaut la peine de l'examiner. Avec les autres mesures qu'on va tenter de mettre en place à la suite du rapport sur l'accessibilité aux services de santé et aux services sociaux, espérons qu'on pourra faire du progrès.

Mais c'est un problème complexe quand même, parce qu'avec peut-être 52 nationalités à Montréal... Évidemment, elles ne sont pas toutes de même importance, mais chaque individu devient une personne importante quand il est pris avec un problème de santé mentale. C'est évident qu'il restera peut-être toujours des personnes qui auront plus de difficulté à trouver les ressources. Alors, il faudra, au moins, faire un effort sensible pour les communautés plus Importantes qui ont des problèmes plus aigus dans ce domaine. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, mesdames de l'Association multiethnique pour l'intégration des personnes handicapées du Québec. J'appelle comme prochain groupe à la table des témoins l'Association des centres de services sociaux du Québec. On va suspendre pendant une minute, histoire de permettre aux deux groupes de se placer et aux membres de se délier les muscles.

(Suspension de la séance à 11 h 8) (Reprise à 11 h 10)

Le Président (M. Bélanger): Nous recevons l'Association des centres de services sociaux du Québec représentée par M. Maurice Sammut, président, par Mme Use Denis, directrice générale, par M. Rémi Gagnon, du Centre des services sociaux Laurentides-Lanaudière, et par M. Claude

Lancop, de l'Association des centres de services sociaux du Québec. Le porte-parole du groupe sera M. Sammut

Une voix: Et Mme Denis.

Le Président (M. Bélanger): Et madame. Bien. Vous connaissez nos règles de procédure. Vous avez 20 minutes pour faire la présentation de votre mémoire et II y a 40 minutes pour une discussion avec les membres de la commission. Je vous prie donc de commencer la présentation de votre mémoire.

Association des centres de services sociaux du Québec

M. Sammut (Maurice): Merci. Au nom de notre conseil d'administration, je tiens à vous remercier de nous accueillir à cette commission parlementaire. C'est la deuxième fois en peu de temps. Mais, cette fois-ci, c'est heureusement sur un dossier qui a trait à nos clientèles.

Nous venons vous présenter notre réaction au projet de politique de santé mentale, réaction qui est le fruit de discussions et de réflexions au sein de notre conseil d'administration. Nous représentons les 17 centres de services sociaux qui ont, entre autres, 300 intervenants travaillant auprès de clientèles en santé mentale. Pour situer notre action, en plus de la participation de nos Intervenants dans les équipes multidisciplinaires des centres hospitaliers, le travail fait avec les 5000 bénéficiaires adultes hébergés dans les ressources intermédiaires ainsi que celui réalisé auprès des 15 000 vivant avec leur famille naturelle fait que nous Intervenons auprès de la moitié de la clientèle psychiatrique adulte du Québec.

Mme Lavoie-Roux: Pourriez-vous nous dire quel texte vous lisez? On en a deux et je ne retrouve ni le résumé, ni l'autre. C'est un nouveau texte?

M. Sammut: C'est un nouveau texte... Mme Lavoie-Roux: Bon, d'accord. M. Sammut: ...de présentation.

M. Chevrette: Est-ce qu'il nous réserve des surprises?

M. Sammut: Possiblement. Tout d'abord, il nous apparaît important de souligner certains éléments positifs issus de ce projet. Au départ, nous trouvons très positive une approche qui privilégie la personne et ses proches, le milieu de vie de celle-ci et les services plutôt que les structures. Dans un deuxième temps, l'Identification et la priorisation des problèmes de santé mentale les plus importants, en les distinguant par des concepts de champ et de domaine de la

santé mentale, nous apparaissent très heureux, de même que, en dernier lieu, la reconnaissance de l'Importance de la dimension psychosociale pour une approche globale de la problématique afin d'assurer des services adéquats. Quand on dit "dimension psychosociale", on dit qui s'inspire de la psychologie de la personne, de son potentiel, essayant de faciliter sa relation avec la société en général. Il est passablement aisé, dans la majorité des situations, de déterminer avec assez de justesse les dimensions médicale ou juridique. Mais, quand on parle de dimension psychosociale, cela devient plus ambigu et. malheureusement, dans certains cas, plus ambigu, donc moins Important II demeure que cette dimension est, à l'occasion, primordiale. Que l'on parle de réinsertion sociale du détenu, du malade ou d'un ex-bénéficiaire, l'on peut recouvrer sa santé, sa liberté, son autonomie, son équilibre, mais il faut maintenant se réinsérer harmonieusement. Et c'est la dimension psychosociale qui agira comme une sorte de mortier pour sceller, avec le milieu et la société, cette transition, voire ce retour. Nous sommes heureux de voir cette dimension ici reconnue.

Par contre, ce projet de politique a suscité certaines réserves. Par exemple, peu de chiffres et de données concrètes, ce qui donne un aspect assez théorique à. certaines assertions. Nous aurions aimé, entre autres, que soient chiffrés les budgets respectifs actuels en services de santé et en services psychosociaux de santé mentale, ce qui nous empêche, dans certains cas, d'appuyer complètement certaines recommandations.

Il y a également ambiguïté quant au mandat particulier de chacune des Instances dans la livraison des services. Sans pour autant être d'accord avec la rigidité du mandat de chaque établissement, nous ne pouvons souscrire à une multi-identité de la part de ceux-ci.

Au chapitre des ressources intermédiaires, nous avons une autre réserve: le peu de place qui est donné aux ressources Intermédiaires dans cette proposition de politique, alors que c'est ce réseau qui a concrètement le plus servi et qui sert encore aujourd'hui à actualiser l'objectif de désinstitutionnalisation et ce, depuis les années soixante. J'invite maintenant Mme Denis, la directrice générale de l'association, à vous livrer certains commentaires sur notre position. Mme Denis.

Mme Denis (Lise): Nous aimerions reprendre particulièrement deux points: la question du plan d'organisation des services régionaux et la question des ressources Intermédiaires. Il y a quelques commentaires qu'on ajoutera sur d'autres dimensions, mais de façon plus complémentaire.

Sur fa question du plan d'organisation régional, nous souscrivons aux recommandations qui sont dans le document. Ce plan nous semble indispensable à la fois pour favoriser une équité interrégionale, un meilleur équilibre de la santé sociale et aussi parce que c'est au niveau de la région, et même parfois de la sous-région, que peuvent le mieux se planifier l'utilisation des personnes du milieu et de la communauté.

Nous croyons cependant que trois conditions devraient présider à la mise en place de tels plans. Tout d'abord, on pense que ces plans devraient procéder d'un cadre de référence unique qui, dans le fond, est largement contenu dans le rapport du comité et que le ministère devrait en être le maître d'oeuvre. Nous croyons aussi que ces plans devraient respecter les mandats généraux des établissements, un peu dans le sens où on l'Indiquait tantôt. Finalement, nous pensons que l'approche financière doit concorder avec l'approche de définition de plans régionaux. À titre d'exemple, j'indique que, pour nous, cela devrait vouloir dire une reconnaissance dans les faits des possibilités de réallocation budgétaire. Cela devrait vouloir dire des outils pour permettre des allocations budgétaires basées non seulement sur des variables reliées à la population, mais aussi sur des Indicateurs de problèmes psychosociaux. Finalement, cela pourrait vouloir dire l'octroi dans chacune des régions d'une marge de manoeuvre ou d'une enveloppe qui permette de s'ajuster aux besoins au fur et à mesure et qui permette aussi d'expérimenter des projets en cours de route. Il nous semble qu'au niveau d'une approche financière ces variables devraient être prises en considération.

On s'en voudrait de ne pas parler des ressources intermédiaires. Le rapport Harriots nous semble très muet là-dessus. C'est chez nous que ce réseau s'est développé et il héberge 5000 bénéficiaires aux prises avec des problèmes de santé mentale. La consolidation de ce réseau est pour nous une condition essentielle à tout le phénomène de la désinstitutionnalisation. D'abord, sur le plan des familles d'accueil, il nous semble qu'un soutien financier plus équitable devrait être envisagé. Il est certain que les opérations reliées à la catégorisation des familles d'accueil ont permis de faire de grands pas en avant. Il nous semble, cependant, qu'il reste des problèmes sur le plan des primes payées aux familles d'accueil pour les services spéciaux qu'on leur demande d'assumer. Il reste des problèmes sur le plan de la formation des familles d'accueil, de l'argent disponible pour leur formation, et des politiques de répit pour les familles d'accueil comme pour les familles naturelles et des montants pour le dépannage et l'Installation de ces familles.

Sur le plan des autres types de ressources Intermédiaires que les familles d'accueil - on pense ici aux foyers de groupe et aux appartements supervisés - il nous semble qu'il y a là nécessité de reconnaître officiellement et de façon explicite et d'inscrire dans leur programmation budgétaire les sommes nécessaires pour la consolidation et le développement des ressources

intermédiaires. On sait aussi que le ministère y travaille avec l'association, mais il nous semble que le lien avec la santé mentale est à établir de façon harmonieuse.

Sur les plans individualisés de services, généralement, on souscrit à ce qui est proposé dans te rapport. Nous pensons cependant que cela doit faire l'objet d'une réglementation. Nous pensons que, pour les jeunes, II y aurait moyen d'en arriver rapidement à une politique de santé mentale, compte tenu des orientations déjà proposées dans le rapport et qui pourraient s'appliquer à la Jeunesse. Nous pensons aussi que le plan d'action devrait établir des priorités. Par exemple, on devrait commencer au niveau des plans d'organisation de services régionaux, enclencher l'établissement de plans de services individualisés avec des clientèles prioritaires, consolider le réseau des ressources intermédiaires et prévoir dès maintenant des politiques de répit pour les familles qui gardent chez elles les 10 000 bénéficiaires maintenus en milieu naturel.

M. Sammut: M. le Président, en conclusion, nous voudrions insister sur le titre même du document: Pour un partenariat élargi. Nous souscrivons entièrement à cette positive Intention afin que, demain, aucun bénéficiaire du réseau ne se retrouve en manque de réponses à ses besoins parce qu'il n'aura pas les bons besoins dans ta bonne région ou au bon moment de l'année, afin que, de l'établissement au plus gros budget jusqu'à celui de la famille d'accueil ou de la ressource communautaire, il y ait une sorte d'équité dans le partenariat et que chaque entité, dans le respect de sa mission, y trouve son avantage par rapport à la réalisation de son mandat. Enfin, que de la Gaspésie au Grand-Nord, même si une région n'a pu établir un plan d'organisation de tous les services, elle puisse se concerter et offrir un plan de services individualisé aux bénéficiaires en besoin. être partenaire, c'est être complémentaire, et être complémentaire, c'est s'associer aux besoins au-delà de nos expertises, de nos missions ou même de nos ressources différentes, afin de trouver une réponse adéquate aux besoins des bénéficiaires. C'est oublier aussi nos structures afin de mieux répondre à une mission sociale commune. Il ne s'agit pas d'élargir nos structures individuelles, mais bien d'élargir ta volonté de travailler ensemble à un même but. Voilà!

Le Président (M. Bélanger): Vous avez terminé? Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Je veux remercier l'Association des centres de services sociaux du Québec pour son très bon mémoire. On sent que c'est une question qui vous préoccupe, que vous êtes des partenaires Importants dans ce domaine de la santé mentale.

Je vais immédiatement passer à certaines questions en rapport avec l'expertise que vous avez déjà développée. Au plan de la non-Institutionnalisation ou de la désinstitutionnalisation, vous avez quand même acquis une expérience relativement Importante, puisque vous parlez des 5000 bénéficiaires qui, quelque part au Québec, sont dans des appartements supervisés ou dans des familles d'accueil.

Pourriez-vous nous parler un peu plus des écueils que vous rencontrez, des limites, s'il y en a, de la désinstitutionnalisation et quelle est votre philosophie générale vis-à-vis de cette question de la désinstitutionnalisation? D'une part, on accorde beaucoup d'importance à la désinstitutionnalisation, mais il ne faut pas oublier qu'il y a aussi la non-institutionnalisation qui m'apparaît tout aussi importante et qu'elle ira en s'élargissant.

Alors, j'aimerais que vous parliez un peu de votre expertise du côté de la désinstitutionnalisation, dans un premier temps, et des autres problèmes reliés au fait que de moins en moins les personnes sont Institutionnalisées.

Mme Denis: On peut aborder les limites ou les difficultés que les familles d'accueil peuvent rencontrer. D'abord, les familles d'accueil ne doivent pas être isolées, elles doivent être en réseau lorsqu'elles accueillent des bénéficiaires. Elles ont besoin d'appui et cet appui n'a pas toujours été complémentaire. Ce n'est pas parce que quelqu'un est en famille d'accueil que la famille d'accueil, à elle seule, peut combler tous tes besoins du bénéficiaire. Cette famille-là a aussi besoin de répit, elle a aussi besoin de travailler avec des groupes communautaires, elle a aussi besoin de former un réseau avec les autres établissements. Je pense qu'on doit, dans cet esprit-là, associer les familles d'accueil aux mêmes types de besoins que pourrait avoir une famille naturelle, même si elle offre des services plus importants.

Je dirais aussi que l'autre limite pour les familles d'accueil, et c'est une difficulté qu'on vit depuis quand même un certain temps, c'est le niveau de services qu'on leur demande de rendre à des bénéficiaires qui ont de plus en plus des problèmes importants. Ce niveau de services qu'on leur demande de rendre n'est pas nécessairement, au moment où l'on se parle, adéquatement compensé, même s'il y a eu des efforts de faits dans ce sens-là. Comme philosophie par rapport à ta désinstitutionnalisation, pour l'association, la désinstitutionnalisation, comme la non-institutionnalisation, est un objectif à poursuivre à son maximum dans la mesure où les conditions effectives sont réunies pour que cette désinstitutionnalisation n'amène pas le bénéficiaire à retourner continuellement à l'urgence de l'hôpital ou à l'hôpital psychiatrique, mais qu'il puisse le plus harmonieusement possible s'intégrer et retrouver une vie, entre guillemets, la plus normale possible.

Peut-être que M. Gagnon, avec son expérience dans Laurentides-Lanaudière, pourrait

donner quelques exemples.

M. Gagnon (Rémi): Ce que j'observe, pas juste chez nous mais un peu partout dans la province actuellement, c'est qu'on assiste vraiment à une évolution du développement des ressources Intermédiaires au Québec en regard principalement de l'alourdissement des différentes clientèles, notamment en santé mentale. Pour ce qui est des familles d'accueil, une évolution se fait aussi dans le sens qu'il y a de plus en plus de personnes qualifiées, articulées, qui ont même une formation professionnelle. Je pense ici à des infirmières, à des éducateurs qui viennent offrir leurs services comme famille d'accueil. Il y a aussi la création de ressources intermédiaires devant l'alourdissement des clientèles, les familles d'accueil ne pouvant donner des services, notamment en ce qui a trait à la réadaptation. Dans ce sens, j'aurais deux exemples, notamment en ce qui a trait au désengorgement des hôpitaux dans certaines régions. Par exemple, il y a un certain nombre de résidences d'accueil qu'on a mises sur pied pour accueillir des jeunes adultes de 25, 30 ou 35 ans souffrant de problèmes de psychose doublés d'alcoolisme et de toxicomanie, qui se présentent à l'urgence deux, trois ou quatre fois par semaine; ils sont hospitalisés régulièrement pendant quelque temps, retournent dans leur milieu et reviennent au bout de deux mois. On a créé des ressources pour accueillir ces personnes. Un exemple, ce sont des Infirmiers psychiatriques et un éducateur qui accueillent un groupe de jeunes adultes comme ceux-là.

En ce qui concerne la désinstitutionnalisation dans la région de Lanaudière, il y a la création de ressources tout à fait nouvelles: résidences de groupes, foyers de réadaptation qui ont reçu des clientèles hospitalisées entre 5 et même 25 ans. Ce qui est particulièrement Intéressant dans cette expérience, cela a été l'effort de concertation de plusieurs établissements. Alors, quand on parle de partenariat, cela nous intéresse d'autant plus. Ressort aussi le fait que, quand on sort des gens de l'hôpital pour les amener dans des ressources à l'extérieur, il faut pouvoir donner des services pour éviter qu'ils ne retournent à l'hôpital. J'aurais apprécié qu'on fasse un peu plus de place, au comité Marnois, à l'importance du travail. On peut se donner bonne conscience de sortir les gens des hôpitaux, mais à la limite, si on fait du "parking", les gens peuvent se bercer autant dans de petites ressources que dans un hôpital.

Mors, je pense que le travail, l'appui du groupe aussi, les centres de crise pour éviter que les personnes ne retournent à l'hôpital, c'est important Ce qui est intéressant dans cette expérience, c'est que, depuis un an et demi, sur une centaine de personnes sorties de l'hôpital, avec plusieurs années d'hospitalisation en moyenne, à peine dix bénéficiaires ont été réhospitalisés à long terme. Pour les autres, cela a été une réhospitalisation temporaire, et ils sont ensuite retournés dans la ressource.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie. L'autre question que je voudrais vous poser, c'est que, de plus en plus, avec toute cette philosophie de maintien des personnes dans leur milieu naturel, de les ramener dans leur milieu naturel, de les garder là le plus longtemps possible, on veut développer des services fortement axés sur le développement des familles d'accueil et même des foyers de groupe; cela peut être trois, quatre ou cinq personnes. Comme vous avez une longue expérience des foyers de groupe et des familles d'accueil, est-ce que vous pensez qu'à un moment donné on ne va pas trop... Mettons de côté la question du financement, s'ils sont assez payés, s'ils étaient mieux payés, il y en aurait plus, etc. En dehors de cela, croyez-vous qu'on est en train de taxer d'une façon telle l'appel à ces ressources que, finalement, on risque de se retrouver avec un manque de ressources? On ne peut quand même pas mettre les gens à tellement d'endroits: ou ils s'en vont en appartement d'une façon autonome, ou en appartement supervisé, ou en foyer de petits groupes ou en famille d'accueil qui, elle aussi, peut recevoir plus d'une ou deux personnes.

Mors, c'est un peu mon inquiétude. On a ces demandes du côté de la protection de la jeunesse, on les a du côté de la santé mentale, du côté des malades physiques et des personnes âgées. Finalement, on a toute une série de personnes qui vont de plus en plus faire appel à ce genre de ressources. Je crains un peu, si on ne diversifie pas ce genre de ressources, qu'on ne se retrouve dans un cul-de-sac à un moment donné. (11 h 30)

Mme Denis: Je pense qu'on peut dire que depuis 1960 il y a eu vraiment des efforts de faits sur le plan de la désinstitutionnalisation, donc de développement dans ce réseau. D'une certaine façon, il faut s'assurer que ce réseau soit diversifié. Les familles d'accueil répondent à des types de bénéficiaires. À un moment donné, elles sont capables d'offrir certains services, mais il faut réussir à consolider tout le secteur autre que celui des familles d'accueil où il y a encore une capacité de développement.

Est-ce qu'on arrive à une sursaturation? Il y a sûrement un seuil à un moment donné qu'on ne pourra pas dépasser. Il y a environ 23 000 places à l'heure actuelle dans le réseau: 13 000 pour adultes et personnes âgées et environ 10 000 places pour enfants en familles d'accueil et ressources intermédiaires. Je ne pense pas qu'on puisse doubler cela, par exemple. C'est illusoire. Mais il y a encore de la place dans ta mesure où on consolide le réseau. J'oublie effectivement la question des primes. Quand on parle d'efforts financiers, je ne pense pas uniquement à des primes, je pense à des choses qui permettent de faciliter un peu la vie quotidienne des familles d'accueil. Je regarde. On a

un gros dossier sur les assurances avec les familles d'accueil à l'heure actuelle. Il y a aussi le régime fiscal, le statut fiscal et commercial avec lequel on a eu des problèmes, il me semble que, si on réussissait à consolider ces éléments, je ne dis pas qu'on aurait une capacité énorme de développement, mais je me dis qu'on aurait au moins la certitude que d'abord les familles qu'on a vont demeurer, mais qu'aussi ce ne sera pas qu'un ensemble de difficultés que de devenir famille d'accueil. Si on veut, et je pense que c'est souhaitable, utiliser et consolider ce réseau, il faut l'amener à son rythme de croisière sur le plan des ressources intermédiaires et le consolider pour qu'il soit attrayant pour les gens qui veulent devenir famille d'accueil ou ressource.

M. Sammut: Et possiblement de favoriser dans une large part ce qu'on peut appeler le répit pour ces fameuses familles. Hier, quand on parlait des personnes qui peuvent accompagner ces gens qui sont dans les établissements, on peut dire qu'il y a trois chiffres de huit heures de personnes qui se remplacent pour aider ces gens. Quand on regarde les familles d'accueil, quelquefois, c'est 24 heures par jour. C'est là que des formules de répit devront être pensées pour ces mêmes familles d'accueil.

Mme Lavoie-Roux: Je voulais vous demander: Est-ce que la grande partie de vos énergies dans les centres de services sociaux vont, dans le domaine de la santé mentale, à la recherche de ressources, au maintien de ces ressources, au contact à conserver avec ces ressources? Ou quelle est la partie consacrée, par exemple, à aider directement des familles qui gardent chez eux leurs enfants ou leurs jeunes adultes, peu Importe?

M. Gagnon: Un peu comme on l'annonçait au départ, actuellement, le développement des ressources n'est même pas fait par les gens qui travaillent dans le secteur de la santé mentale. Il est fait par du personnel faisant partie des bureaux réguliers des CSS. Dans ce domaine, on réussit à peine à faire le développement. Il y a toute la question de l'appui aux familles d'accueil. J'ajouterais comme condition à votre préoccupation tout à l'heure qu'il va falloir de plus en plus donner de la formation aux responsables de ces ressources qui sont appelés à intervenir de plus en plus avec des clientèles ayant des problématiques lourdes.

Maintenant, je pense qu'on fait beaucoup d'efforts là-dessus, mais ce n'est pas limité à cela. Pensons en particulier à toutes les clientèles qui vivent en milieu naturel, en santé mentale, tant les adultes que les enfants. On fait un investissement notamment dans les cliniques de secteur et auprès des familles de ces bénéficiaires.

Mme Lavoie-Roux: Merci.

M. Lancop (Claude): Si vous le permettez, j'apporterais une nuance quant à l'investissement respectif sur le plan du recrutement des ressources intermédiaires. La façon de fonctionner d'une région à l'autre peut varier. Au niveau provincial, les ressources Intermédiaires en santé mentale sont principalement recrutées, encadrées et appuyées par les équipes de travailleurs sociaux travaillant en santé mentale, mais il reste que le principal investissement se situe dans les équipes multidisciplinaires et dans les familles qui gardent elles-mêmes les membres de leur famille.

Le Président (M. Joly): M. le chef de l'Opposition, je vous reconnais.

M. Chevrette: J'aurais une question à poser à Mme la ministre. Y a-t-il eu une ponction budgétaire dans les familles d'accueil en juillet dernier?

Mme Lavoie-Roux: Non.

M. Chevrette: Au mois d'août?

Mme Lavoie-Roux: II n'y a pas eu de ponction.

M. Chevrette: D'accord.

Mme Lavoie-Roux: II y a eu des problèmes - je ne sais pas si je peux appeler cela d'arrimage - quand des montants ont été fixés pour des familles de réadaptation, des familles spéciales et des familles ordinaires, qu'on appelle régulières. Quand ils ont eu à faire appel aux différents types de familles, il s'est produit un déséquilibre dans certaines régions par rapport à l'accent qui avait pu être mis - je ne dis pas que ce n'était pas requis - sur les familles spéciales par rapport à d'autres. C'est là qu'on est entré dans des difficultés qui sont présentement examinées au ministère. Je pense que c'est à peu près cela, Mme Denis?

Mme Denis: C'est effectivement la projection qui avait été faite par rapport à la réalité qui s'était développée et qui n'était pas concordante. Dans les derniers mois, des ajustements se sont développés avec le ministère pour chacune des régions.

M. Chevrette: Je voudrais d'abord faire un commentaire. Vous partez beaucoup du rôle des CSS, bien sûr, avec les maisons d'accueil. Comment expliquez-vous - Je vous pose la question un peu bêtement - que les familles d'accueil se plaignent de l'absence presque totale de services, alors que vous parlez, vous autres, d'un service extraordinaire, tout le monde serait débordé chez vous? Pourriez-vous m'expliquer cela?

Mme Denis: Oui. Je pense que, pour les familles d'accueil, on calculait rapidement ce matin ce que cela donne comme ratio les intervenants qui suivent les familles d'accueil. En moyenne - évidemment, ces chiffres peuvent varier d'une région à l'autre comme ratio - je dirais qu'il y a un praticien pour à peu près 60 familles d'accueil. Alors, il est certain qu'en termes de suivi et d'encadrement, cela devient très lourd pour une personne et que les gens peuvent se plaindre à juste titre de ne pas recevoir le service ou l'encadrement auquel Ils auraient droit Je pense que, si l'on poursuit ta consolidation des réseaux de ressources Intermédiaires, II faudra aussi s'assurer que le personnel soit là pour recruter, encadrer et former ces familles d'accueil.

M. Chevrette: J'ai remarqué, Mme Denis, que vous aviez parlé d'une approche théorique, mais que, sur le plan pratique, il faudrait les ressources. Vous avez reproché au rapport Harnois de ne pas chiffrer. Pourriez-vous me dire quels sont les chiffres que vous avez analysés ou auxquels vous avez pensé pour répondre adéquatement à la situation qu'on exigerait dans le cadre d'une politique officielle?

Mme Denis: J'aimerais vous donner une réponse complète, mais ce ne serait pas honnête de ma part. Il reste que, lorsqu'on regarde les familles d'accueil et les ressources intermédiaires en général, je pense qu'une enveloppe doit être consentie, qui soit équivalente à ce qu'on souhaite se donner comme objectifs de désinstitutionnalisation à court et moyen terme. Je ne suis pas capable de vous dire maintenant exactement ce que cela devrait représenter pour la prochaine année et l'année suivante. Ce que je peux vous dire, c'est qu'en ce qui concerne les praticiens qui doivent suivre ces familles, les recruter, les encadrer, le besoin qui avait été évalué, II y a déjà deux ou trois ans, était de 240 praticiens au total, plus les quelque 200 qui sont là, pour suivre l'ensemble des familles d'accueil et des autres ressources intermédiaires.

Quant aux autres dimensions, je pense qu'on pourrait, avec un plan de travail et des objectifs régionaux, évaluer ce que cela prend en termes de programmes de formation pour les familles d'accueil. Le problème, ce n'est pas uniquement un problème de budget qui est là ou qui n'est pas là, c'est une stabilité du budget qui n'est pas encore inscrite de façon continue dans les programmes. Politique de dépannage, politique de répit. Je pense qu'on doit se donner les moyens d'expérimenter des choses là-dessus pour être capable d'avoir une souplesse qui permette un réajustement. Le réseau des ressources intermédiaires est peut-être le seul réseau qui doit, dans ses enveloppes budgétaires, avoir une forme de souplesse pour être capable d'absorber, le cas échéant, les différentes périodes qui peuvent se présenter dans une année d'entrée et de sortie des bénéficiaires. Je pense qu'il faut s'assurer d'une marge de manoeuvre. Au-delà de cela, je pense que le comité Harnois, s'il nous avait fourni des données plus précises concernant les budgets, ce serait peut-être plus facile de travailler. J'ai le sentiment qu'il y a des objectifs généraux et des plans d'organisation à camper qui devraient nous permettre d'arriver à une réponse plus concrète là-dessus.

M. Chevrette: Laissons la désinstitutionnalisation de côté pour aller temporairement du côté des équipes multidisciplinaires. On connaît la fragilité des relations entre certaines structures du réseau. Je pense bien qu'on n'Invente rien dans cela. Qui voyez-vous comme Intervenant de première ligne en santé mentale?

Mme Denis: En santé mentale, qu'appelez-vous un intervenant de première ligne?

M, Chevrette: Celui qui doit recevoir le client le premier.

Mme Denis: Ce qu'on a Indiqué et peut-être que Claude...

M. Chevrette: Vous êtes un groupe qui participez, vous avez une forte expérience, Mme la ministre vient de le dire. Vous êtes capables de me dire, à ce moment-là, qui doit être le premier intervenant.

Mme Denis: Nous - après cela. je vais demander à M. Lancop de terminer - quand on prend le champ de la santé mentale, c'est-à-dire les individus qui ont des problèmes de santé mentale, d'une certaine façon, la première ligne ne se définit pas de la même façon que quand on parle du domaine de la santé mentale. On reconnaît que, dans le domaine de la santé mentale, une activité importante doit être exercée à la fois par les groupes communautaires et les CLSC. On pense que, quand il s'agit d'individus qui sont aux prises avec des problèmes de santé mentale, la première ligne ne se définit pas comme une porte d'entrée comme on pourrait le faire pour un problème psychosocial très général en s'adressant d'abord au CLSC. Finalement, la porte d'entrée, c'est celle à laquelle le patient s'adresse, qui, elle, doit faire cheminer le patient comme il faut dans le système.

M. Chevrette: Avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Lancop: Non, cela va.

M. Chevrette: Non? D'accord. Prenons un exemple concret, Mme Denis. Je suis dans un CLSC. Il arrive quelqu'un qui a un Instinct suicidaire. Il a le goût de se tuer et il vient en

parler à un animateur communautaire, qui a peu de connaissances et qui peut difficilement... Cela dépend. Là où le cadre de partage a été réalisé, il y a quelques travailleurs sociaux qui sont là et qui peuvent parler. Il n'y a pas de psychologues parce que c'est un CLSC qui a démarré avec 230 000 $ ou 240 000 $, je ne me souviens pas du montant précis. Qu'est-ce qu'on fait avec cela?

Mme Denis: II est certain que le CLSC doit lui parler... Pas le CLSC, excusez. Qu'il doit y avoir un premier contact là, une forme d'accueil, et aussi une première évaluation de la situation. Selon la gravité du cas analysé, la personne sera dirigée là où le service pourra lui être rendu.

M. Chevrette: Continuons le raisonnement. On dit que cela ne nécessite pas les soins d'un psychiatre, mais que cela nécessite tout au moins les soins d'un psychologue. Il n'y a pas de psychologue au Centre hospitalier régional Lanaudière, admettons, et on doit s'adresser à des cliniques privées à 50 $ l'heure, mais le gars n'a pas une cenne. Qu'est-ce que vous faites avec?

M. Gagnon: Je peux répondre là-dessus. À mon point de vue, il me semble qu'on devrait avoir ce service au CLSC. Je réponds simplement comme cela.

M. Chevrette: II me semble qu'il devrait y avoir ce service-là?

M. Gagnon: Vous dites qu'il n'y a pas de psychologue. Peut-être qu'il faudrait qu'il y ait un psychologue au CLSC.

M. Chevrette: Oui, mais il n'y en a pas. On ne se contera pas fleurette. Vous ne me répondrez pas d'une façon théorique, je vais vous poser des questions d'ordre pratique. Vous savez très bien qu'avec le parachèvement du réseau des CLSC - et ce n'est pas seulement depuis Mme la ministre, cela remonte à trois ou quatre ans - il y au moins 50 CLSC qui ont été créés uniquement à partir du cadre de partage des CSS et des CLSC, mais il n'y a pas nécessairement de psychologues dans tous les CLSC, vous le savez très bien. Si vous comparez, par exemple, le CLSC Joli-Mont au CLSC Montcalm, vous savez que c'est disproportionné en comparaison...

Mme Lavoie-Roux: Ce sont des CLSC qu'on connaît bien.

M. Chevrette: Celui du secteur de Brandon aussi, madame, vous le connaissez bien. Ceci dit, je veux vous parler précisément du CLSC Montcalm qui n'a pas ce genre de ressource et où le travailleur social est pris avec des problèmes concrets. La seule façon d'Intervenir dans les circonstances, s'il n'y a pas de psychologues au

CHRDL, vous savez très bien que c'est de l'envoyer à un omnipraticien pour venir à bout de le faire rentrer à quelque part par ordonnance ou chez le psychiatre. Vrai ou faux?

M. Gagnon: Vous me demandez de vous répondre concrètement... Concrètement, je pense que cela fait ressortir un manque dans notre province, c'est cela que ça fait ressortir. Il y a un trou dans ce domaine et je pense qu'au niveau des CLSC, c'est un service qui devrait être rendu à la population parce que c'est rétablissement qui est le plus proche de la population. C'est la réponse que je peux vous donner. (11 h45)

M. Lancop: L'Association des centres de services sociaux n'a pas préconisé dans son rapport qu'il y ait une porte d'entrée unique. Par rapport aux problèmes qui se situent dans les faits, ce n'est pas proposé non plus par le rapport Harnois. Ce que l'on dit, cependant, c'est que là où les gens s'adressent: au cabinet du médecin, au CLSC, à l'urgence de l'hôpital, au CSS, chacune des instances devrait être en mesure, tout au moins, d'évaluer le besoin et d'orienter adéquatement s'il se pose un problème d'ordre mental important, de référer le plus tôt possible, et qu'il y ait accessibilité à ce point de vue, aux équipes en mesure d'assumer une prise en charge adéquate. Alors, s! c'est ce que vous voulez dire par première ligne, on ne préconise certainement pas une porte d'entrée unique.

M. Chevrette: Prenez l'exemple d'un Individu qui va toujours voir d'abord son médecin de famille. Prenez une mère de famille qui a un enfant qui est atteint de problèmes mentaux. Qu'est-ce qu'elle fait premièrement? Son premier réflexe, ce n'est pas d'aller au CLSC. Elle va aller voir son médecin de famille, même en cabinet privé. Est-ce à dire, d'après la réponse que vous venez de me donner, que vous formeriez les omnipraticiens à la psychiatrie?

M. Lancop: C'est proposé par la commission Harnois, qu'il y ait aussi pour les omnipraticiens...

M. Chevrette: Est-ce que vous partagez cette recommandation?

M. Lancop: Oui.

M. Chevrette: Est-ce que vous ne préférez pas donner à des corporations qui ont déjà une formation en santé mentale, comme les psychologues, le soin d'assumer cette partie plutôt que d'aller reformer des médecins omnipraticiens qui, à cause de cette conjoncture, se tireraient dans cela?

Je pourrais vous donner des exemples d'omnipraticlens qui se sont inventés, du jour au lendemain... Je pense que M. Gagnon va sourire,

mais II sait très bien qu'il y en a qui se sont donnés des vocations de psychiatres et qui n'en ont pas, mais qui, à cause de la conjoncture et des circonstances, se sont ramassés avec des fonctions qui...

M. Lancop: Oui, mais peut-être que par information plus adéquate, une sensibilisation et une formation minimale on éviterait de telles attitudes.

M. Chevrette: Là, vous venez de faire plaisir au Dr Harnoisl Je demeure quand même convaincu que sa proposition là-dessus est d'une faiblesse inouïe.

Dernière question, à moins que mon collègue ne veuille y aller tout de suite après. Dans les équipes multidisciplinaires, quel est te rôle que les CSS peuvent jouer à l'intérieur d'une équipe régionale?

Mme Denis: On va essayer de donner ta réponse la plus concrète possible. Rémi?

M. Gagnon: Je pense que le rôle important des intervenants sociaux à l'intérieur d'un CSS est d'assumer un bout important en ce qui concerne les gens des ressources intermédiaires. Maintenant, pour les personnes qui vivent dans leur milieu naturel, comme on le disait tout à l'heure, on intervient beaucoup à l'intérieur des équipes multidisciptinaires avec l'intention de permettre à la personne de récréer des liens ou un contact significatif avec sa famille, avec ses proches, avec son environnement, dans son milieu, de l'aider à s'intégrer sur le marché du travail. Je pense qu'il y a là un bout Important, très important, qu'on fait

Le Président (M. Joly): Je vais maintenant reconnaître, selon le principe de l'alternance, le député de Sainte-Anne.

M. Polak: il reste malheureusement seulement quelques minutes. Votre mémoire est très intéressant. À la page 22, quand vous parlez des ressources intermédiaires, d'abord, je dois vous dire que je suis totalement d'accord avec votre observation, que je considère comme une critique positive vis-à-vis du rapport du Dr Harnois et de son groupe, à savoir que les ressources Intermédiaires ne sont pas traitées de la manière et avec l'attention qu'elles méritent. J'espère qu'on va combler cette lacune plus tard.

Maintenant, vous êtes dans la boîte administrative et les ressources Intermédiaires relèvent dans une certaine structure où vous faites une certaine supervision. On a vu d'autres organismes comme, hier, par exemple, la Maison Saint-Jacques et, demain, il y a un groupe qui viendra et qui est très actif dans mon comté, le comté de Sainte-Anne, un groupe de ressources alternatives. Quelle est votre opinion vis-à-vis du travail fait dans le domaine de la santé mentale par ces ressources alternatives qui se considèrent comme une alternative?

M. Sammut: Dans l'Introduction, on a touché à cette fameuse complémentarité. Je crois que si, dans chacun des établissements, on reconnaît ces différents groupes communautaires comme étant un apport quand il y a des problèmes particuliers à régler on va arriver à les considérer comme faisant partie de cet éventail de moyens pour résoudre les différentes problématiques.

M, Polak: Est-ce que vous les voyez comme une vraie alternative? Ils ne veulent pas se voir comme un petit service à côté, dont se sert plus ou moins avec du volontariat. Ils considèrent qu'ils ont vraiment un rôle indépendant à jouer dans le domaine de la santé mentale, êtes-vous d'accord avec cela ou pas du tout?

M. Sammut: Je serais porté à dire que, si chacun se considère comme étant l'alternative, le partenariat élargi, pour moi, c'était un voeu pieux. Je me dis que, si nous voulons être complémentaires, il s'agit de mettre en commun toutes ces volontés et non pas de nous dire, chacun dans nos établissements ou dans les différents groupes communautaires, que nous sommes l'alternative.

M. Potak: Une dernière petite question. M. Sammut: Oui, un complément? M. Polak: Oui, excusez-moi.

Mme Denis: Me permettez-vous? Sur toute la notion des ressources communautaires, Je pense qu'il y a une chose qu'on trouve Importante, c'est qu'elles ne deviennent pas Institutionnalisées. Pour les ressources communautaires dont on parle dans le rapport, on pense qu'il doit y avoir une forme de stabilité dans le service qui est offert, complémentaire à ce qu'offrent d'autres milieux ou d'autres ressources à caractère plutôt d'hébergement. On ne pense pas que l'ensemble des ressources communautaires doive devenir institutionnalisé, même si on croit important qu'il y ait une forme de stabilité dans le service et qu'il y ait un financement, qui ne soit pas nécessairement attaché de façon continuelle à la ressource, mais plutôt qui soit attaché au type de service rendu, sauf le jour où il devient inutile, auquel cas cela se termine tout simplement. Il devrait y avoir complémentarité dans ce sens.

M. Polak: Un dernière question. Quand vous pariez des familles d'accueil, évidemment, vous possédez des chiffres de gens qui sont dans ce réseau. Juste avant Noël, dans mon comté, j'ai visité sans m'annoncer une famille d'accueil, mais j'ai aussi trouvé des familles qui ont des maisons

de chambres. Dans ces maisons de chambres, il y a d'ex-patients psychiatriques; II y a cinq, six ou sept personnes par maison de chambres. Ils sont d'ailleurs très bien reçus; il y a une atmosphère familiale et tout le reste, mais Ils ne sont pas dans le réseau. Ce sont des patients qui sont allés volontairement s'inscrire dans ces familles et qui paient un certain montant par mois. Ces patients, qui sont aussi d'ex-psychiatrisés et qui ont encore besoin d'un suivi, où est-ce qu'ils sont dans les statistiques? Est-ce que vous êtes au courant de cela? Est-ce qu'il y en a beaucoup?

M. Lancop: C'est tout le problème des ressources privées, que certains appellent ressources clandestines ou illicites, mais j'aime mieux tes appeler ressources privées. Elles fonctionnent pour la plupart, avec un permis municipal quand même, mais, à savoir si ces ressources reçoivent les services et toute la protection dont elles auraient besoin, le réseau de la santé et des services sociaux n'a pas actuellement de mandat de surveillance, d'encadrement. L'Association des centres de services sociaux a l'intention, dans les mois qui viennent, de prendre position par rapport à ce réseau de ressources privées pour un certain nombre de personnes souffrant de problèmes mentaux, certes, mais surtout pour les personnes âgées.

M. Polak: Merci.

Le Président (M. Joly): Je vais reconnaître le député de...

M. Gagnon:...

Le Président (M. Joly): Très rapidement, s'il vous plaît, pour ne pas enlever te droit de parole au député de Gouin.

M. Gagnon: Sur cette question, il y a actuellement une prolifération des ressources privées. Il y a beaucoup de familles d'accueil qui se désistent pour aller vers ce réseau parce qu'ensuite elles peuvent imposer les conditions qu'elles veulent aux bénéficiaires. On a des clientèles plus légères dans ces ressources et on demande souvent plus cher comme pension à ces personnes que ce qu'on donne aux familles qui accueillent des bénéficiaires lourds.

Le Président (M. Joly): M. le député de Gouin.

M. Rochefort: Merci, M. le Président. D'abord, j'ai une question à poser à la ministre, si elle accepte d'y répondre, qui me vient à la lecture du mémoire de l'Association des centres de services sociaux. Je comprends qu'ils ont répondu au député de Joliette qu'eux n'avaient pas été en mesure de chiffrer ce que représentait le rapport Harnois, Ils n'ont pas les moyens auxquels on peut penser, de la même façon que la commission Harnois n'a pas pu le faire, et je comprends là aussi qu'ils n'ont peut-être pas les moyens qu'il faut, mais la ministre a le rapport depuis plus de trois mois. Je comprends que tout ne se chiffre pas par un plus un dans ce rapport, mais il y a quand même des choses très claires qui, si elles devaient être retenues, Impliqueraient des conséquences budgétaires importantes. Est-ce que, soit aux services du ministère ou en relation avec le Conseil du trésor, Il y a une étude qui a été faite des implications budgétaires possibles de l'application de l'essentiel des recommandations qui se trouvent dans le rapport Harnois? Si oui, on parle d'un montant de quel ordre?

Mme Lavoie-Roux: De fait, nous sommes à travailler à l'évaluation du coût des mesures qui pourraient être retenues. Nous sommes également à établir un calendrier, si on veut, un échéancier pour la réalisation de ces objectifs. Il serait prématuré, à ce moment-ci, de vous donner des chiffres précis.

M. Rochefort: Merci. Quant aux questions que je veux poser au groupe qui est devant nous, M. le Président, moi aussi, je veux revenir à cette question très importante que vous avez soulevée, qui n'est effectivement pas assez présente dans le rapport Harnois et qui a été abordée par les autres membres de la commission, c'est-à-dire toute cette question des ressources intermédiaires pour lesquelles vous possédez une expertise très particulière et très importante.

Je pense qu'on a eu l'occasion, au cours des discussions avec les autres membres de la commission, de parler un peu de l'encadrement que les ressources intermédiaires reçoivent, notamment les familles d'accueil. Je voudrais qu'on aborde un peu la question de la formation des gens qu'on retrouve dans les familles d'accueil. On l'a évoqué rapidement tantôt. Je suis conscient que, lorsqu'on recrute, lorsqu'on choisit une famille d'accueil, il y a un processus. On les évalue, on regarde pour savoir comment cela va se passer, mais, une fois que c'est fait, on envoie des bénéficiaires, souvent, pas en assez grand nombre, mais il y a quand même des ressources qui assurent un suivi auprès du bénéficiaire. Il y a quelques ressources d'encadrement auxquelles vous avez fait allusion, mais je parie plus d'encadrement que de soutien, et encore moins de formation accordée à la famille d'accueil. Cela m'a toujours beaucoup frappé de voir que ce monde, qui est du bon monde et qui fait un travail que j'estime énormément... Je pense que, s'ils avaient une certaine formation... Je ne parle pas d'encadrement, je parle vraiment de formation. D'ailleurs, on en parie un peu partout, pour tout le monde, dans le rapport Harnois. Au fond, ce sont les gens qui ont le moins de formation de base et qui risquent d'être les plus démunis devant les problè-

mes qui se poseront et qui seront sûrement importants parce qu'ils accueillent des gens qui sont désinstitutionnalisés ou non institutionnalisés, donc des cas qui impliquent un suivi important Ce n'est pas vrai - on ne se racontera pas d'histoire - qu'il y a des ressources suffisantes pour assurer le suivi du bénéficiaire.

Est-ce que vous pouvez développer plus largement à quelle formation on pourrait penser rapidement, concrètement, dans des délais assez courts, pour ces familles d'accueil et quel suivi on pourrait assurer à cette formation?

M. Lancop: D'abord, en collaboration avec le ministère de l'Éducation et le ministère des Affaires sociales, il existe depuis quatre ans un programme de formation, autant pour les familles d'accueil à l'enfance que pour les familles d'accueil aux adultes, comprenant vingt cours différents. Ce programme existe depuis octobre 1985 et est inscrit dans la programmation de la DIGEC au niveau de la formation des adultes, dispensé par 23 cégeps actuellement.

M. Rochefort: J'ai le goût de vous poser une question. Je trouve cela intéressant et voilà pour moi un pas Important dans le sens de la préoccupation qui est la nôtre, mais quelle est la proportion des familles d'accueil qui...

M. Lancop: Je vais continuer.

M. Rochefort: Ah bon! D'accord, allez-y! Je pensais que vous aviez terminé.

M. Lancop: II s'est donné en moyenne, depuis quatre ans, 110 ou 120 sessions dans toute la province, avec, disons, par session, une moyenne d'à peu près 15 ou 16 personnes par rapport à un réseau de 23 000 familles d'accueil et environ 40 000 personnes, parce que la plupart sont des couples, ce qui est très insuffisant. (12 heures)

II y a là aussi, comme dans d'autres secteurs, un problème budgétaire à la base. La demande que nous avons faite au ministère des Affaires sociales, un peu à l'instar des comités paritaires, c'est qu'il y ait de prévu pour les familles d'accueil un budget de formation récurrent, parce qu'actuellement encore, dans les modalités de fonctionnement, il nous faut négocier à l'intérieur du budget formation-réseau, le budget chaque année. Que ce soit récurrent et qu'il y ait, par famille d'accueil, un montant identifié pour la formation, ce qui nous permettrait de vraiment systématiser cette formation. C'est la formation plus systématique. En plus, il y a, dans les CSS, et c'est variable d'un CSS à l'autre, ce qu'on appelle la formation sur mesure, des sessions de 45 heures. C'est une formation plus courte à partir de besoins plus particuliers, mais c'est encore embryonnaire, on le reconnaît.

M. Rochefort: Je vous remercie. Simplement une conclusion, M. le Président, en ce qui me concerne, sur cette question pour dire que je souhaite fortement que l'on retrouve dans ce qui sera mis en place éventuellement dans cette politique de santé mentale, un programme important de formation pour les familles d'accueil. On ne peut pas autant espérer et attendre des familles d'accueil s'il n'y a pas de formation pour elles, et je fais vraiment une distinction entre l'encadrement et la formation, je parle vraiment de la formation.

L'autre commentaire que je veux faire, tant à l'endroit de la ministre qu'à l'endroit de l'Association des centres de services sociaux, c'est de dire que je trouve très intéressante la formule qui existe dans les cégeps pour la formation des adultes, mais il faut aussi penser à des moyens plus simples, finalement, presque à de la formation sur place, dans la famille d'accueil, qui pourrait être - et là, je réfléchis tout haut - donnée par le professionnel qui travaille à l'encadrement. Il pourrait passer quelques heures de temps en temps à regarder les problèmes que les familles ont rencontrés ou qu'elles peuvent rencontrer, et voir comment y réagir de façon à mieux soutenir, à mieux aider le bénéficiaire. Déjà là, ce serait un gros plus qui permettrait à ces gens-là, qui, je le répète, font un travail important, de faire encore plus et mieux pour les bénéficiaires. Merci.

Le Président (M. Joly): Merci, M. le député de Gouin. Je vais maintenant reconnaître le député de Laviolette.

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Pour revenir à la dernière réponse de M. Gagnon à la question posée par le député de Sainte-Anne en rapport avec des possibilités nouvelles qui semblent émerger depuis que des gens sortent des Institutions, retournent, comme le disait Mme Denis, entre parenthèses, à la vie normale ou à une vie dans un milieu plus naturel, il y a des gens qui ont été victimes de difficultés en santé mentale, des ex-psychiatrisés qui ont dit que les meilleures personnes pour aider d'autres personnes à s'en sortir le mieux, ce sont des personnes qui ont eu ces problèmes. Dans ce contexte-là, il est arrivé - le député de Sainte-Anne en a fait mention - que des gens se regroupent par affinités, si on peut dire, et, dans ma région, une discussion a eu lieu entre le centre des services sociaux de ta région de la Mauricle, le centre régional des services de santé et des services sociaux et les gens qui ont vu arriver une telle ressource alternative. La difficulté qu'ont tes CSS, s'ils ont te mandat de surveiller ce qui se passe dans la société, c'est qu'on arrive avec un phénomène où il y a des réticences à accorder de nouvelles possibilités dans la mesure où il n'y a pas de ressources financières leur permettant de faire une surveillance normale des activités de ces groupes. Donc, sans les appeler illégaux, illicites ou peu Importe, ce sont

des gens qui se sont dit, sur le même principe que les alcooliques anonymes qui se prennent en charge eux-mêmes: Pourquoi ne pourrions-nous pas nous prendre nous-mêmes en charge et aider à cette transition entre l'Institution et le retour à la vie normale?

J'aimerais connaître votre opinion sur ces formules possibles d'avenir, dans le contexte de la sortie de ces personnes des institutions.

M. Gagnon: Ma réponse tout à l'heure portait sur des ressources d'hébergement et non pas sur des groupes intermédiaires, comme vous le dites. Sur ce plan, au contraire, je pense que la position qu'on développe, c'est qu'il faut les considérer comme des partenaires et qu'on doit travailler avec ces personnes. Effectivement, dans notre région, II y a des liens qui se créent et il y a même des contrats de services avec ces groupes-là.

M. Jolivet: Vous le faites à partir de vos propres budgets sans budget additionnel? Parce que la réponse que j'ai eue chez moi... Mon problème, c'est qu'ils ont dit: Nous, nos budgets sont tous épuisés et cela nous prendrait des budgets additionnels de la part du ministère. On ne peut pas accorder un permis additionnel ou s'assurer que cette ressource-là existe si on n'a pas les budgets nécessaires.

Une voix: II doit leur rester un petit coussin.

Des voix: Ha, ha, hat

M. Gagnon: Parfois, on doit prendre des décisions en vivant sur la corde raide.

Le Président (M. Bélanger): II vous reste deux minutes.

M. Chevrette: Je voudrais poser une dernière question. Quant aux bénéficiaires en maison d'accueil, est-ce que vous considérez qu'ils doivent être protégés par l'"ombudsperson" - comme on le surnomme - ou bien si ce sont seulement les personnes en institution?

Mme Denis: D'abord, sur la question de l'"ombudsperson", ce qu'on pense, à ce moment-ci, c'est qu'il y a un besoin. Cependant, il y a le rapport du comité Harnois, II y a des travaux qui se font avec le comité Marchand autour de la question des personnes âgées. Il y a une révision imminente de la loi de la curatelle. On pense qu'il ne doit pas y avoir, pour chacune de ces problématiques ou de cet ensemble de personnes, un système différent de protection, de droit ou d'"advocacy". Il devrait y avoir un système, un seul, bien intégré, qui touche autant la question des personnes ayant des problèmes de santé mentale que des personnes âgées qui sont, par exemple, victimes de négligence ou de mauvais traitement que d'autres types de clientèle adulte dans notre société.

M. Chevrette: Si je vous pose la question, c'est parce que, souvent, dans nos bureaux de comté, il nous arrive des malades mentaux qui viennent se plaindre du comportement des propriétaires des maisons d'accueil et on ne peut pas les référer au Protecteur du citoyen, ou à peu près pas. On a beau appeler certains travailleurs sociaux, ils nous disent: Écoutez, quand on y va, tout est correct, tout est normal et l'individu souvent n'est pas cru à tous les niveaux. Il passe pour un chiâleux, pour un plafgnard. C'est une psychose, mais il a froid, le gars, par exemple. Il dit: Ils ont mis même une broche au-dessus du thermostat pour ne pas que je me réchauffe. Que faites-vous avec cela?

M. Lancop: S'il y avait soit un "ombudsperson" ou un système d'"advocacy", comme certaines autres instances le proposent - en fait, les objectifs sont les mêmes - en termes de protection des droits de la personne, quant à mol, qu'elle soit placée en famille d'accueil, en milieu institutionnel ou dans son milieu naturel, je pense qu'un "ombudsperson" devrait avoir la possibilité de représenter la personne dont les droits sont plus ou moins respectés.

M. Chevrette: Avec pouvoir d'enquête et de...

M. Lancop: En termes de modalité. En tout cas, avoir la capacité réelle de pouvoir protéger les droits de la personne hébergée.

Le Président (M. Bélanger): Alors, en conclusion, M, le député de Joliette?

M. Chevrette: En conclusion, je tiens à vous remercier infiniment de votre rapport. Il y a sûrement des suggestions à l'intérieur de votre mémoire que nous appuierons fortement lors de l'élaboration de la politique finale, en particulier les chiffres.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Lavoie-Roux: Je suis certaine que vous pouvez y compter. Je veux vous remercier également. Ce que je souhaite, comme tous les groupes qui se sont présentés ici, c'est que finalement on aboutisse à des actions concrètes, à une mise en place d'un plan d'action qui est attendu depuis très très longtemps et qui, comme on dit, urge de plus en plus, compte tenu de l'évolution de notre société et d'une certaine ouverture maintenant vis-à-vis des personnes que l'on considérait autrefois comme devant être gardées au rancart; on n'y pensait même plus. Je pense que c'est important qu'on puisse avoir la collaboration de la population d'une façon générale et, particulièrement, de tous ceux qui

oeuvrent dans ce milieu. Alors, je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): Je remercie l'Association des centres de services sociaux de sa participation. J'inviterais le prochain groupe à la table des témoins, soit l'Association des aumôniers d'hôpitaux du Québec.

Vous connaissez nos règles de procédure. Vous avez 20 minutes pour faire votre présentation. Il y aura une période de «tassassions de 40 minutes avec la commission.

Avant de commencer, est-ce qu'il serait possible à votre porte-parole de s'identifier et de présenter le reste de l'équipe, s'il vous plaît?

Association des aumôniers d'hôpitaux du Québec

M. Dagenais (Robert): Très bien, M. te Président. Je suis l'abbé Robert Dagenais, directeur du service de pastorale à l'hôpital Notre-Dame; à ma droite, il y a le père Boekema, directeur du service de pastorale à l'hôpital Louis-Hippolyte-Lafontaine; à mon extrême droite, le père Claude Fortin, qui est au centre hospitalier régional de Lanaudière, et soeur Cécile Labonté, qui est rattachée à l'équipe de pastorale du centre hospitalier Douglas à Verdun.

M. le Président, Mme la ministre, mesdames et messieurs, nous saisissons l'occasion qui nous est offerte par cette commission parlementaire pour vous faire connaître le point de vue de tous ceux et celles qui travaillent dans la pastorale en milieu de santé au Québec concernant le projet de politique de santé mentale tel que soumis par le rapport Harnois. Nous répondons en même temps à l'invitation du comité qui a préparé ce rapport, invitation à la poursuite de ta réflexion sur certains thèmes que n'a pu aborder en profondeur ce document.

Nous nous réjouissons d'abord, avec bien d'autres, d'ailleurs, que l'accent ait été mis sur la personne plutôt que sur la maladie. Comme le souligne le rapport, cela nous invite à prendre en considération l'unicité et la spécificité de chaque personne, dans son contexte de vie, en tien avec d'autres personnes dans son environnement social et culturel, au sein d'une collectivité. Cela ne peut que contribuer à ce que nous appelons, en d'autres milieux, l'humanisation des soins de santé, objectif auquel notre association est particulièrement sensible.

L'Association des aumôniers d'hôpitaux regroupe 291 membres actuellement. Nous sommes même devenus l'Association des agents de pastorale de la santé pour refléter un peu plus la réalité qui est la nôtre maintenant.

Nous nous réjouissons également que le rapport préconise, dans ses orientations spécifiques, une approche globale de la personne. Nous sommes d'accord avec cette orientation même si nous considérons que, sur ce plan, il y a une lacune regrettable sur laquelle nous voulons attirer particulièrement votre attention aujourd'hui. Auparavant, nous aimerions vous dire notre appréciation par rapport à certaines autres orientations préconisées par le document, comme l'importance accordée aux familles, aux proches et aux différents groupes communautaires, la volonté d'élargir le partenariat dans la réponse aux besoins et par rapport à la prévention et à ta promotion en matière de santé mentale, l'attention accordée à certains épiphénomènes qui sont des plaies ouvertes au sein de notre collectivité, comme la progression du suicide, les différentes formes d'expression de la violence, notamment à l'égard des femmes et des enfants, et les répercussions sociales de l'alcoolisme et des différentes toxicomanies.

Enfin, le cadre de référence proposé nous apparaît une approche réaliste et concrète pour un projet d'une telle ampleur et d'une telle Importance. Par contre, nous nous étonnons que ce document ne fasse allusion en aucun endroit aux valeurs spirituelles et religieuses de la personne, qu'elle soit malade ou menacée de maladie. Cela nous apparaît une lacune grave à l'approche globale que prône le document. (12 h 15)

Également, nous nous étonnons que le document ait passé totalement sous silence les différentes ressources qu'offrent les services de pastorale tant dans les milieux de santé que dans la collectivité en général. C'est là ignorer un potentiel formidable dans la vision d'un partenariat élargi et c'est même nier la réalité quand on sait combien et à quel titre différents groupes de pastorale sont impliqués dans tout le problème de la santé mentale par le biais des nombreux organismes et des différentes structures déjà à l'oeuvre, tant dans ta réponse aux besoins que dans la promotion et la prévention de la santé mentale au Québec.

De telles omissions ont de quoi surprendre, surtout quand ce document affirme que le principe de la primauté de la personne et le respect auquel elle a droit rejoignent l'obligation du respect des droits tels que définis par les chartes et les lois. Faut-il vous rappeler que la Charte des droits et libertés de la personne du Québec mentionne explicitement les libertés fondamentales telles la liberté de conscience, la liberté de religion, la liberté de réunion pacifique et la liberté d'association? La distance n'est pas grande entre ignorer un droit et le nier.

Rappelons également que le règlement sur l'organisation et l'administration accompagnant la loi concernant la santé et les services sociaux, votée en 1984, stipule au chapitre III, article 7, ce qui suit: Le conseil d'administration d'un centre hospitalier ou d'un centre d'hébergement public ou privé doit adopter un règlement portant sur l'organisation de services de pastorale dans l'établissement. À cette fin, le conseil d'administration doit conclure une entente avec les autorités religieuses concernées, selon l'appartenance religieuse des bénéficiaires héber-

gés.

Si la loi reconnaît la nécessité de ces services, c'est qu'elle reconnaît qu'ils répondent à des besoins réeis et fondamentaux. Cet article 7, pour sa part, prend la relève du protocole d'entente signé en 1975 entre le ministère des Affaires sociales, l'Association des hôpitaux de la province de Québec, l'Assemblée des évêques du Québec, l'Église unie du Canada, l'Église anglicane et le Comité national des affaires religieuses du Congrès juif canadien, reconnaissant les agents de pastorale comme des intervenants professionnels de la santé. Ce protocole avait d'ailleurs été précédé par une vaste enquête de l'Association des hôpitaux de la province de Québec sur l'importance du soin spirituel en milieu de santé, en octobre 1974. Le document d'orientation concernant la pastorale hospitalière de l'Association des hôpitaux du Québec, en novembre 1981, va dans le même sens. Si bien qu'on doit rappeler Ici deux principes de base que le rapport n'a pas cru bon de retenir.

Le premier s'énoncerait ainsi: Dans une approche globale de la personne, la dimension spirituelle et religieuse doit être considérée au même titre que les dimensions biopsychosoclales. Le second principe, qui est son complément, serait le suivant: La présence des services de pastorale dans un établissement n'est pas fondée sur les croyances religieuses ni sur les convictions personnelles des membres de l'administration ou du personnel soignant, ni sur une quelconque volonté confessionnelle de l'établissement. Elle se fonde sur le droit de toute personne à recevoir des soins qui répondent à tous ses besoins et qui tiennent compte de toutes les dimensions de la personne; elle se fonde également sur la présence d'agents de pastorale qualifiés, reconnus et voulus par la loi pour répondre à ces besoins et tenir compte ainsi de la dimension spirituelle et religieuse de la personne.

Mis à part ces considérants juridiques, l'omission du rapport a de quoi étonner si on veut seulement tenir compte de ta réalité sociale et historique du Québec, notamment dans le domaine social et dans les milieux de santé. Nous n'insistons pas davantage ici, cela nous semble évident.

Allons plus loin et demandons-nous seulement quelle vision de la personne un projet d'une telle envergure doit préconiser. Bien sûr, ici, nous ne pouvons pas échapper à une certaine vision anthropologique ou philosophique de la personne humaine. C'est maintenant, d'ailleurs, que nous entendons préciser pourquoi nous distinguons la dimension spirituelle de ta dimension religieuse et pourquoi nous croyons qu'elles s'ajoutent, l'une et l'autre, aux dimensions biopsychosociales.

Dans toute personne humaine, il y a l'intelligence qui lui permet d'appréhender le réel et de lui donner un sens. De même, toute personne humaine est dotée d'une volonté libre qui lui permet d'être plus ou moins responsable de sa destinée et de faire des choix dans les valeurs qui lui sont proposées. C'est ce que nous appelons la dimension spirituelle et c'est ce qui, à nos yeux, la distingue de toutes les autres espèces animales et en fait un sujet de droit. Cette dimension se retrouve chez toute personne, qu'elle soit croyante ou non, pratiquante ou non, d'une religion ou non; elle se traduit surtout par la quête de sens à donner à sa vie. Nous croyons et nous affirmons qu'une telle dimension ne peut être Ignorée sans vider la personne de ce qui lui est spécifique et en fait sa dignité.

La plupart du temps, la personne humaine va trouver dans la croyance religieuse une réponse à sa recherche de sens et aux grandes questions qu'elle se pose sur son origine et sur sa destinée. De ce point de vue, la dimension religieuse vient spécifier la dimension spirituelle, en lien avec des croyances déterminées, des groupes spécifiques, des pratiques et des rites particuliers. Voilà pourquoi nous affirmons que le spirituel et le religieux ne se réduisent pas au psychosocial, pas plus qu'on ne saurait réduire la religion à un simple phénomène culturel. L'expérience nous démontre l'évidence que négliger de nourrir la dimension spirituelle de la personne humaine et son besoin de sens, c'est la laisser désemparée et désespérée. Cela affecte très dûment son équilibre psychique et n'est malheureusement pas étranger à plusieurs épiphénomènes signalés par le rapport Harnois. dont le suicide, l'alcoolisme et les différentes toxicomanies.

Cette Interaction entre le spirituel et le psychisme ne signifie pas que l'un se réduit à l'autre, pas plus que le religieux ne se réduit au culturel. Pour s'en convaincre, H suffit d'observer comment une même religion peut s'exprimer culturellement d'une manière fort diverse, même à l'intérieur d'une population relativement réduite comme celle du Québec.

Est-il besoin de rappeler que la dimension religieuse de la personne, parce qu'elle répond aux questions de sens et qu'elle la guide dans ses choix de valeurs, s'avère chez elle un facteur d'équilibre important, majeur, pour ne pas dire essentiel? La dimension religieuse est ainsi une source de sécurité Intérieure et favorise une image positive de soi et de son entourage. À ce titre, comment un projet en santé mentale peut-il l'ignorer? Bien sûr, les différents éléments d'une religion peuvent avoir été mal assimilés ou présentés et prêter flanc à certains déséquilibres. Cela suppose compétence et discernement des différentes pathologies de la part de tous les intervenants pour ne pas, ici, jeter le bébé avec l'eau du bain.

Nous voulons, en terminant, attirer votre attention sur l'apport particulier des services de pastorale hospitalière à un tel projet concernant la santé mentale des Québécoises et des Québécois. De par son statut, la pastorale hospitalière,

au même titre que les autres services, travaille au mieux-être et au soulagement de la personne malade, quelle que soit la nature de son mal et de ses besoins. La pastorale hospitalière est particulièrement sensible à promouvoir le respect de la personne et à en souligner l'éminente dignité.

La pastorale hospitalière vise à améliorer la qualité de vie de la personne malade; plus particulièrement, la pastorale de la santé a pour but d'aider à la croissance spirituelle des personnes en favorisant l'émergence du sens de la vie humaine, en facilitant l'intégration des aspects pénibles de la maladie et de l'existence, en clarifiant la relation avec Dieu ou les représentations qu'on s'en fait, en aidant au discernement dans les conflits de valeurs, en célébrant le lien entre le vécu de la personne humaine et ses croyances à travers le langage symbolique des sacrements ou des rites religieux. De plus, la pastorale hospitalière apporte un soutien aux familles et aux proches des malades ainsi qu'à tout le personnel oeuvrant dans le milieu.

Pour toutes ces raisons, nous croyons que les services de pastorale des établissements ne peuvent être mis de côté comme partenaires privilégiés dans un projet de politique de santé mentale. D'autre part, l'insertion de la pastorale hospitalière dans une pastorate d'ensemble en fait un lien tout désigné pour élargir le partenariat vers les autres ressources pastorales de notre collectivité québécoise et donner ainsi des assises plus solides encore à toute ta politique de la santé mentale que veut adopter le gouvernement du Québec.

C'est aussi pour toutes ces raisons que nous vous proposons un certain nombre de modifications que nous avons mises dans notre mémoire à partir de la page S. Ici, Je tiens à préciser que ces propositions sont aussi endossées par le Comité des affaires sociales de l'Assemblée des évêques du Québec et par le Carrefour des chrétiens du Québec pour la santé, qui est représenté par sœur Gisèle Fortier, ici présente, et qui nous a donné une lettre d'appui qui pourrait servir de document d'appoint à notre mémoire. Nous avons suffisamment de copies pour les membres de la commission. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Merci. Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier l'Association des aumôniers d'hôpitaux du Québec pour leur mémoire fort intéressant et qui apporte une dimension qui... Je parle en mon nom personnel et non au nom des membres du comité, mais c'est la perception que j'ai eue. Je ne croîs pas que le comité Harnois ait voulu exclure la dimension spirituelle dans les services à apporter aux personnes qui ont des problèmes d'ordre mental. Vous avez sans doute raison, mais vous arguez que, par exemple, le biopsychosocial, à votre point de vue, exclut le spirituel. Dans mon esprit, dans la dimension sociale entrent aussi les valeurs d'un individu, le milieu dans lequel il fonctionne. Il fonctionne dans un milieu qui est religieux, areligieux ou d'un certain type de dénomination religieuse ou autre. Pour moi, le social, c'est une constellation de facteurs d'ordre sociologique et, dans ce sens-là, pour moi, cela comprend le spirituel.

Mais vous, vous faites une différence entre le spirituel et le religieux et probablement que vous considéreriez dans votre analyse - c'est ce que j'en retire - le religieux comme étant peut-être davantage une variable sociale, alors que le spirituel transcende le social, dans le sens que c'est une valeur en soi. En tout cas, c'est la perception que j'ai eue.

Je ne sais pas si je me suis trompée. Vous pourrez me corriger, mais je ne pense pas qu'il y ait eu l'intention de quiconque de dire: Écoutez, les valeurs spirituelles ou les valeurs religieuses... Je pense qu'elles font partie - vous t'avez souligné vous-mêmes - de la considération de l'individu dans sa globalité. L'Individu dans sa globalité, c'est tout son schème de valeurs, etc. Mais, enfin, il reste que cela n'y est pas clairement indiqué. Là-dessus, je vous le concède.

Ce qui m'a Intéressée, c'est peut-être la première fois, à ma connaissance, depuis dix ou douze ans - vous me corrigerez encore une fois - sauf pour le projet de loi 27 que l'Association des aumôniers d'hôpitaux du Québec se présente en commission parlementaire Même pour le projet de loi 27, je ne m'en souviens pas exactement. Vous n'étiez pas venu?

M. Dagenais: Non.

Mme Lavoie-Roux: Alors, c'est une première aujourd'hui?

M. Dagenais: Oui.

Mme Lavoie-Roux: Je pense que c'est bon que vous soyez ici pour nous le rappeler. Personne ne veut retrancher la dimension spirituelle de la vie des gens, de leur fonctionnement, etc., mais c'est une réalité qui est moins partie du quotidien ou les gens en prennent moins conscience aujourd'hui, alors qu'elle aurait été davantage présente il y a 20 ou 25 ans. Je pense qu'aujourd'hui vous venez nous faire ce rappel. J'ai lu avec intérêt tous les domaines de la pastorale où vous oeuvrez, c'est-à-dire en relation avec la santé, dans le chapitre 4 du document. (12 h 30)

Je voudrais quand même, au plan concret, vous poser certaines questions. Dans vos recommandations - il y en a quelques-unes - en ce qui concerne l'information ou la campagne de sensibilisation, vous dites: Nous aimerions être présents. Enfin, ce n'est peut-être pas dit directement comme cela, mais c'est ce que vous Indiquez. Également, vous dites: Dans la prise en

charge du traitement d'un Individu, il faudrait que la pastorale ait sa place. Je suis convaincue que vous n'êtes pas uniquement actifs dans les centres hospitaliers; j'imagine que vous l'êtes également dans des organisations communautaires, dans des services bénévoles, etc. Au fond, vous demandez à l'équipe: Adjoignez-vous quelqu'un de la pastorale, si cela semble indiqué, compte tenu du vécu de la personne. Je pense que c'est ce que vous dites.

Il me semble que, déjà, dans les Institutions, ce doit être une Initiative qui vienne de vous et non pas nécessairement de l'équipe qui dirait: Là, il faut que j'appelle le directeur de la pastorale ou l'aumônier de l'hôpital. J'ai de la difficulté à voir comment on pourrait concrétiser cela. Supposons qu'un psychiatre voie un Individu et qu'il évalue que, pour cet individu, la dimension spirituelle ou religieuse est Importante, que c'est une dimension qui pourrait lui apporter un soutien additionnel, une aide additionnelle. Je pense que, normalement - je ne suis pas sûre que cela se fasse - il pourrait faire appel à l'aumônier pour que celui-ci rencontre cet individu et voie de quelle façon II peut l'aider. Mais j'essaie de comprendre comment, d'une façon réaliste et concrète, on peut, dans l'équipe de traitement - je vais l'appeler ainsi pour le moment - ou dans l'équipe interdisciplinaire, vous intégrer d'une manière systématique.

M. Dagenais: Oui? Je peux répondre?

Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.

M. Dagenais: Je pense que, dans l'ensemble des établissements de santé au Québec, les aumôniers et les agents de la pastorale ont leur place, même dans l'équipe soignante en psychiatrie. Vous disiez, Mme la ministre, que, pour vous, la dimension spirituelle et religieuse, dans le blopsychosocial, était implicite. Nous croyons important que cela soit explicite, et pour une raison bien particulière. Quand on est dans le domaine de la santé mentale, pour un certain nombre de gens qui oeuvrent dans ce milieu, la religion est souvent vue elle-même comme une pathologie et l'aumônier est souvent vu comme quelqu'un qui va venir troubler davantage les gens qui sont déjà perturbés. Alors, nous sentons le besoin de préciser les choses et de dire que c'est là qu'il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain.

Mme Lavoie-Roux: Oui, d'accord. Vous dites que, d'une façon générale, vous êtes intégrés dans l'équipe soignante en santé mentale.

M. Dagenais: Enfin, on visite les patients qui sont dans les départements de psychiatrie. Je peux laisser mes collègues répondre, ils travaillent dans des hôpitaux spécifiquement psychiatriques.

M. Fortin (Claude): Moi, je suis à Joliette. Je fais partie de l'équipe soignante en psychiatrie, au même titre que le travailleur social, le psychologue ou que les autres personnes-ressources. Concrètement, la façon dont je fais mon travail est la suivante. Je visite les unités, je suis présent. Dans les unités, je vois les bénéficiaires, soit que le personnel infirmier ou le psychiatre me dise: Voyez donc M. Untel ou Mme Unetelle, ou que, circulant et étant attentif aux bénéficiaires, l'un ou l'autre me dise: Oui, j'aimerais jaser avec vous. Concrètement, actuellement, c'est de cette façon que cela se fait, puisque, chez nous, il n'y a pas d'équipe multidisciplinaire comme telle, dans chacune des unités. Je ne sais pas, à Louis-H.-Lafontaine, comment cela fonctionne.

M. Boekema (Cornélius): Dans la question de Mme la ministre, il y avait deux aspects. Il y avait la question de la sensibilisation dans le domaine de la santé mentale. Nous avons pensé, présumant que, de fait, beaucoup de ressources pastorales existent dans ce milieu, qu'elles pourraient aider. Nous pouvons faire le joint entre l'hôpital ou l'Institution et ces ressources pour aider dans ces programmes. Tantôt, Robert pourrait peut-être ajouter certaines dimensions à cette problématique.

Par rapport à notre place dans l'équipe soignante, je pense qu'il y a beaucoup de chemin à faire. Nous sommes très heureux que, dans le rapport, on souligne l'importance d'un plan de soins individualisé. Normalement, dans un plan de soins individualisé qui part des besoins, on devrait avoir enregistré, par rapport à chaque patient ou patiente, ses besoins spirituels ou religieux s'il en a; s'il n'en a pas, cela devrait être notifié. En ce sens, les agents de pastorale pourraient aider dans ce programme, pas seulement pour établir ces besoins, mais aussi pour répondre ensuite à ces besoins. Chez nous, à l'hôpital Louis-H.-Lafontaine, nous sommes en train d'établir une façon de cueillir ces besoins. Cela se fait avec les infirmiers et les Infirmières.

On a mentionné les besoins spirituels et religieux, donc on doit en tenir compte. Dernièrement, j'ai eu une rencontre avec une directrice de programme et, de fait, elle ne savait pas trop qui on devrait inclure dans ce questionnement. Il y a toute une Interaction qui doit se faire. Je pense que nous sommes sur la bonne piste, mais nous sommes loin d'avoir réalisé cela, d'autant plus que, très souvent, les autres intervenants ne sont pas sensibilisés à ces dimensions. SI vous avez dit tantôt que le psychosocial peut englober le religieux ou le spirituel, on pense beaucoup plus à d'autres Intervenants qu'aux intervenants pastoraux.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de

Fabre.

M. Chevrette:...

Le Président (M. Bélanger): Ah, c'est parce que vous étiez occupé. M. le député de Joliette, en alternance.

M. Chevrette: M. le Président, je voulais continuer dans la ligne de pensée de la ministre. C'était une de mes questions, à savoir comment, concrètement, on pouvait Intégrer un aumônier à l'Intérieur d'une équipe multidisciplinaire. C'est ce qu'on préconise dans le rapport Harnois, sans avoir spécifié nommément que la dimension spirituelle ou religieuse en faisait partie. Je reconnais au départ que certains Individus atteints de maladie mentale, psychiatrisés. en milieu asilaire, ont besoin de recueillement, de vivre Intensément une vie religieuse. En visitant certains centres, on le sent, il s'y fait une prière assez permanente, Je reconnais cela.

La difficulté est la suivante, Je me pose une question. On parle de désinstitutionnalisation, donc on parie de personnes qui vont se retrouver en maison d'accueil et Dieu sait que, quand vous êtes affilié à un centre hospitalier, vous êtes seul. Je ne connais pas beaucoup de centres hospitaliers qui ont deux aumôniers, vous devez être seuls, partout, peut-être qu'il y en a deux à Louis-Hippolyte-Lafontaine.

M. Dagenais: ...gros comme nous.

M. Chevrette: C'est un gros village chez vous, vous êtes deux ou trois? À Joliette, père Fortin, vous êtes seul pour la partie psychiatrie?

M. Fortin (Claude): Nous sommes deux à temps partiel.

M. Chevrette: C'est cela, c'est la valeur de un.

M. Fortin (Claude): Évidemment.

M. Chevrette: Je me demande, concrètement, comment, sous forme de politique, on pourrait intégrer officiellement ta pastorale hospitalière à la structure alors que, avec le travail de désinstitutionnalisation, cela deviendra un travail extraordinaire que vous ne pourrez même pas remplir concrètement? Est-ce que vous pouvez m'éclairer sur cette dimension?

Mme Labonté (Cécile): J'aimerais dire que c'est vrai que les aumoniers ou les agents de pastorale dans les hôpitaux sont moins nombreux que d'autres professionnels. Cependant, il y en a plusieurs et de plus en plus s'ajoutent des laïcs et des religieuses, comme moi, qui se préparent pour ce rôle. Il ne faut pas oublier non plus que, dans les communautés paroissiales, il y a les prêtres, les agents de pastorale et il y a de plus en plus de laïcat qui s'ajoute à l'équipe de pastorale. Ces gens sont au service des personnes et sont désinstitutionnalisées davantage aussi.

M. Chevrette: Prenons un exemple concret, ma soeur. On forme, dans le centre hospitalier, dans la région, à partir du CLSC, du CSS, du département de santé communautaire, s'il en reste un, avec les psychiatres du milieu, les psychologues, les travailleurs sociaux, etc., une équipe multidisclpllnaire pour travailler autant auprès de ceux qui sont à l'intérieur de l'Institution que ceux qui sont en maison d'accueil. Vous savez qu'il peut y avoir des maisons d'accueil dans, Je ne sais pas, dix paroisses dans un seul arrondissement Est-ce que les dix curés ou les dix vicaires, parce que vous n'avez pas nécessairement un curé dans chacune des paroisses, il peut y avoir un curé pour deux paroisses, font partie Intégrante de l'équipe multidisciplinaire? Concrètement, comment vulgariser l'histoire pour qu'on puisse comprendre quel pourrait être votre rôle? Quand on parie d'une équipe multidisciplinaire, on tient pour acquis que c'est une équipe qui a des contacts permanents ou réguliers.

M. Boekema: Votre question est très pertinente. J'ai vu cela à Louis-H.-Lafontaine où, de fait, on est en processus de désinstitutionnalisation depuis quelques années. D'ailleurs, même avant que ce nouveau programme soit accepté, II y avait quand même déjà des efforts et, de fait, il y a une vingtaine de pavillons qui grativent autour de nous et qui m'ont toujours préoccupé. Depuis deux ans, nous avions, parmi nos objectifs pastoraux, celui de visiter ces pavillons systématiquement Nous en avons visité sept Jusqu'ici, parce qu'il y a beaucoup de travail à l'intérieur même de l'hôpital. D'un autre côté, cette visite doit se faire. Déjà, après avoir visité sept de ces pavillons, nous voyons combien il y a des problèmes parce qu'il y a des besoins religieux que ces gens vivent auxquels on ne trouve pas de réponse.

Tantôt, l'autre association touchait un peu à cela. Les patients eux-mêmes n'osent pas faire de réclamation. Parfois d'ailleurs, quand on visite ces pavillons, on ne peut pas vraiment parier avec ces personnes parce qu'on est tout de suite devant les propriétaires II n'y a pas un endroit spécial pour parier avec eux. Donc, c'est un peu par la bande qu'on apprend finalement qu'il y a des problèmes. Du côté des pasteurs, il y a aussi un problème parce qu'ils ne se sentent pas à l'aise avec les patients.

Donc, notre stratégie devrait être d'avoir d'abord un contact avec les pavillons, de faire une pastorale pour que doucement on puisse aider ces patients à cheminer dans la paroisse et les ressources communautaires qui existent. Notre objectif, comme agents de pastorale dans une Institution, ce n'est pas de faire tout ce travail, mais présentement, dans les années à venir, nous

avons beaucoup de travail à faire dans ce sens-là pour Intégrer davantage ces personnes dans les ressources communautaires qui existent

M. Chevrette: Si Je comprends bien, c'est le droit au pasteur de l'institution d'aller visiter les maisons d'accueil qui reçoivent des patients de cette institution, pour lui permettre éventuellement d'en arriver à les intégrer aux paroisses.

M. Boekema: Exactement, puis il y a aussi...

M. Chevrette: Et vous ne voyez pas cela à partir d'un droit, dans l'énoncé de politique, reconnu à l'individu ou au bénéficiaire et d'une obligation faite aux maisons d'accueil, par exemple? Parce que dans les institutions, il n'y a pas de problème, vous êtes accueillis, ce n'est pas parce que ce n'est pas mentionné dans le rapport. Dans les Institutions, on tenait tous pour acquis que c'était accepté. À partir de ce fait-là, s'il y a simplement dans l'énoncé de principe le droit reconnu de faire cela, pour ne pas vous faire fermer les portes, par exemple, d'une maison d'accueil, si je comprends bien, ne serait-ce pas suffisant au lieu de créer la complexité... Parce que je vois cela extrêmement complexe, la participation, non pas parce que je ne trouve pas cela intéressant, à l'intérieur de l'Institution, je trouve cela très simple, mais dès que vous parlez de santé mentale sur un territoire donné, sur une base régionale, qui va représenter qui, dans la pastorale hospitalière, si on se ramasse avec 3 centres hospitaliers et 175 maisons d'accueil sur un territoire de 30, 40 ou 50 municipalités? Concrètement, est-ce que ce serait une délégation qui se ferait par le diocèse ou si ce serait un choix entre individus de faire partie de cette équipe multidisctplinaire qui va chapeauter, quand même sur le plan régional, les différents services? C'est ce qui m'embête.

M. Fortin (Claude): Je regarde concrètement comment se fait mon travail actuellement à Joliette. À l'intérieur de l'institution, cela va bien, la présence est là et la présence sera toujours nécessaire parce qu'il y a ce qu'on appelle la clientèle active. Quelqu'un fait une dépression, a un épisode schizophrénique, ces gens-là vont venir dans l'institution pour une semaine, quinze jours ou trois semaines quand ce sont des cas graves. À l'extérieur, actuellement, je visite les centres de transition travail qui sont reliés au CHRDL Je vais dans les foyers, je fais le lien avec les paroisses, les curés ou les agents de pastorale qui sont dans ces milieux. Ces gens trouvent qu'ils n'ont pas ta compétence ou l'habitude ou la facilité. Alors, ils se réfèrent à moi. J'ai l'impression que pour les équipes à l'extérieur de l'institution... Les gens qui sont en foyer dans les pavillons - on a beaucoup de cela à Joliette - je crois qu'il faut continuer à travailler et rattacher cela avec l'Institution, à moins d'avoir quelqu'un de spécialisé qui ira uniquement dans ces ressources extérieures. Je fais beaucoup le lien et je vais souvent avec le personnel du centre hospitalier qui s'occupe des ressources Intermédiaires. Je travaille en accord avec eux pour répondre aux besoins des bénéficiaires. Le plan de soins individualisé commence à rentrer peu à peu et la pastorale fait son chemin là-dedans.

(12 h 45)

M. Chevrette: D'accord. Merci.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Fabre.

M. Joly: Merci, M. le Président. J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt la présentation de M. Dagenais. Ce qui m'a semblé transpirer à l'intérieur de ce que vous nous avez livré, c'est un peu ta déception que vous avez eue d'être oublié. Il semblerait que cela ne soit pas volontaire, mais tout simplement en reconnaissance de l'évolution qui s'est peut-être faite depuis les années soixante. Alors, partant de là, si on vit un autre tournant et que vous donnez l'impression aujourd'hui, aux yeux de certaines gens, de jouer du coude et de vouloir peut-être prendre votre place au soleil et travailler à l'intérieur de ce qu'on peut appeler un champ gardé pour certains, c'est tout simplement, à mon sens, à souligner et à souhaiter que vous continuiez de le faire davantage.

N'avez-vous pas l'Impression que. si on a semblé vous mettre de côté depuis peut-être quelques années, c'est justement parce que vous n'avez pas pris votre place, parce que vous n'avez peut-être pas su manifester ce que vous pouviez apporter parce qu'il y a quand même en ce qui concerne la prévention d'autres choses que vous faites? J'aimerais souligner des institutions telles que l'Abri des Jeunes, de Montréal, que vous avez fondé, la Maison Marguerite, de Montréal, concernant la toxicomanie, les femmes et ainsi de suite, Bon Jour Toi pour les femmes battues. Donc, vous débordez de ce qu'on peut appeler, si vous voulez, votre rôle ou votre pastorale hospitalière. Vous débordez largement. Mais est-ce que c'est aussi parce qu'on n'a pas reconnu la formation que vous aviez ou que vous même... On l'a souligné tantôt, ceux qui ne sont pas en relation directe avec l'institution n'avaient pas toute la formation nécessaire et on se devait toujours de référer au centre comme tel pour aller chercher les ressources. Est-ce que vous pensez que cette formation manquante pourrait vous être accordée? Si oui, de quelle façon pourrait-elle être appliquée? On me fait mention qu'à Joliette vous êtes deux à temps partiel et qu'on ne peut pas avoir cet effet multiplicateur. Même si on vous donne la formation, on ne peut pas aller en application. À Louis-Hippolyte-Lafontaine, d'après ma petite recherche, vous êtes quatre pour quand même 2000 patients. À ce moment, n'est-ce pas simplement donner des connaissances supplémentaires

à des Individus qui ne pourront pas les appliquer?

J'aimerais que vous commentiez davantage sur votre formation comme telle et le rôle que vous voulez vraiment jouer quand vous dites que vous voulez être plus impliqués. À ce moment, on a tendance à penser au professionnel de la santé qui, lui, vous référerait les cas. Actuellement, on n'a arrêté aucune décision dans ce sens, à savoir de qui c'est la responsabilité. Est-ce la responsabilité du patient de demander? Est-ce la responsabilité du professionnel de la santé d'Influencer ou de recommander? Ou est-ce que c'est comme M. Fortin, en faisant sa grande tournée sans pourtant s'Imposer, alors qu'il décide de lui-même d'arrêter et de s'intéresser aux problèmes du milieu? C'est un peu sur cela que j'aimerais vous entendre parler.

M. Dagenais: II y a quand même plusieurs choses. La première remarque que je ferai c'est que je pense que vous avez raison de dire que ta responsabilité est un peu partagée si on n'a pas eu tout à fait notre place au soleil. On n'est pas des gens bagarreurs de nature. On nous invite à l'être un peu plus. On a dit que c'est une première et je pense que c'est une façon de sensibiliser notre société au rôle qu'on joue, à la place qu'on tient dans les établissements de santé et dans la promotion de la santé en général au Québec. Ce faisant, nous voulons que, du côté des structures gouvernementales, administratives de nos établissements, là aussi ils prennent leur part de responsabilité.

Si vous me demandiez qui doit avoir la responsabilité de répondre à ces besoins qu'on appelle religieux et spirituels, je pense que les établissements ont tous cette responsabilité et qu'ils doivent se donner les structures et le personnel pour y répondre, un personnel qualifié et formé. Je trouverais extrêmement dommage que les Individus aient à promouvoir eux-mêmes leurs droits alors qu'on sait qu'ils sont déjà dans une situation où ils sont tellement en difficulté qu'ils ont de la difficulté à affirmer leurs droits les plus fondamentaux.

Pour ce qui est de la formation, peut-être que je peux laisser le père Boekema répondre à cette question.

M. Boekema: Par rapport à la formation, de fait il y a différents aspects parce qu'il y a les agents de pastorale mais il a surtout aussi tous les autres Intervenants. C'est très important que les autres intervenants soient aussi sensibilisés au rôle que peuvent jouer les agents de pastorale.

Donc, la réponse est double en ce sens que, oui, les établissements devraient s'occuper aussi de la qualification et de la formation des agents de pastorale et ensuite il y a aussi les autres professions qui devraient être sensibilisées à ces dimensions. Nous ne voyons pas comment cela peut se faire autrement que par la forma- tion.

M. Joly: Juste une petite sous-question. Hier, on a eu l'occasion d'écouter une mère de famille qui vivait un problème avec un de ses enfants qui est schizophrène. Elle se défendait qu'elle n'avait pas de ressources d'appui en tant que famille. Tantôt dans votre allocution, vous avez mentionné que vous apportiez - II y a deux dimensions que j'aimerais souligner - du soutien tant à la personne malade, c'est bien sûr, tant aussi à la famille mais aussi au personnel de l'institution. J'aimerais que vous nous disiez de quelle façon vous le faites. Est-ce que c'est à la suite de demandes ou si c'est de vous-mêmes que vous allez vers la famille?

M. Dagenais: C'est de nous-mêmes que nous allons vers la famille et, quelquefois, il peut y avoir des demandes spécifiques. C'est évident que notre travail nous met en contact avec des situations très souvent dramatiques, dans le domaine de la santé mentale comme dans les autres domaines. À ce moment-là, quand on voit que les gens sont en détresse... Dieu sait qu'il n'y a pas seulement la personne malade, mais Je dirais que c'est toute la cellule familiale qui est un peu en détresse. Quand il y a un problème à ce niveau, on essaie aussi d'apporter nos ressources et notre soutien aux familles. Quelquefois, elles-mêmes vont demander, mais on se rend compte que c'est plus facile pour nous de le faire aussi longtemps qu'on reste à l'Intérieur de l'institution parce qu'on est vraiment dans ce milieu.

Concernant le problème en dehors de l'institution comme telle, je pense qu'il faut souligner qu'il y a certains groupes - vous les avez mentionnés - qui sont assez autonomes et qui sont capables, par eux-mêmes, de donner une réponse adéquate. Je pense à l'Abri des Jeunes à Montréal. Sur le plan pastoral, il y a des communautés religieuses qui sont parties prenantes de ce projet et qui sont en mesure de répondre. Mais il y a un tas de milieux, je pense à des familles d'accueil... Là vraiment, faute de temps et d'énergie, on n'arrivera jamais à répondre à tous les besoins qui sont là. On ne peut pas non plus compter sur les ressources des paroisses si elles ne les connaissent pas. Là, II y aurait un gros problème d'Information du côté des paroisses et des régions pour faire savoir qu'il y a telle famille d'accueil ou telle maison d'accueil pour des gens en détresse; elles sont là uniquement pour remonter la pente après avoir vécu une période difficile. Bien souvent, les pasteurs des paroisses ne sont pas au courant de ce qui se passe dans leur milieu. Les gens en place, qui sont en responsabilité d'accueillir les malades ou les gens qui sont passés par une période de maladie, ne pensent pas spontanément non plus à faire appel à des ressources qui pourraient être disponibles là. Alors, je pense qu'il y a un creux, tant de notre côté que du côté des ressources

qui existent actuellement, qui n'est pas facile à combler. C'est peut-être par l'information - je pense que ce qu'on fait aujourd'hui, cela nous paraît Important pour sensibiliser non seulement la commission, mais toute la société à ce besoin.

M. Joly: Merci beaucoup.

Le Président (M. Bélanger): Merci. En conclusion, M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Je dois vous remercier et je voudrais ajouter, dans ma conclusion, un élément à la suite des questions du député de Fabre. Si l'on prend comme exempte la mère de famille d'hier, selon ses propres valeurs, il est vrai qu'elle peut retrouver un réconfort purement et simplement avec une discussion sur l'acceptation même de l'épreuve qu'elle vit Elle peut même s'en trouver réconfortée. Alors, je pense que toutes les ressources de la communauté sont importantes, à partir de tes propres valeurs. À ce compte-là, je pense que, dans les énoncés de principe de la politique, cela peut s'insérer comme étant un droit fondamental de l'Individu et, par le fait même, lui donner le droit d'être visité même en maison d'accueil, alors qu'en institution je pense que, déjà, vous n'avez pas de problème. Je vous remercie beaucoup d'être venus témoigner.

Mme Lavoie-Roux: À mon tour. M. le Président, je veux remercier l'Association des aumôniers d'hôpitaux du Québec. C'est une première, j'espère que cela vous incitera à récidiver. Je pense que vous faites un rappel de valeurs que les gens connaissent; ils savent qu'elles sont là, mais qu'on les tient peut-être pour acquises, etc. Je pense que c'est une excellente initiative que vous avez eue. L'objet de la commission parlementaire est évidemment de bonifier, nuancer, corriger et peut-être aussi rayer certaines choses qui peuvent être dans le rapport Harnois. Je pense qu'à cet égard on peut certainement, comme le disait le chef de l'Opposition, dans les principes, faire une référence plus claire et plus nette à cette composante importante des valeurs humaines que sont les valeurs religieuses et spirituelles. Je vous remercie de votre présentation.

Je pense qu'il est évident que personne n'a le monopole de la santé mentale dans la société. À moins que tous les membres d'une société s'Impliquent à un titre ou l'autre, ce sera toujours difficile de faire des progrès considérables. Dans ce domaine-là, comme le signalait le député de Fabre tout à l'heure, vous êtes déjà actifs dans plusieurs domaines. Il en a mentionné quelques-uns, je pourrais en nommer d'autres où des prêtres de paroisse sont fortement Impliqués, par exemple, auprès des jeunes qui ont des problèmes qu'on appelle de santé mentale ou de mésadaptation fort prononcée. Je pense que le rôle que vous jouez est Important et j'espère que vous allez continuer de le jouer non seulement dans les hôpitaux, mais aussi vos collègues dans les paroisses. C'est très Important. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Bélanger): La commission remercie l'Association des aumôniers d'hôpitaux du Québec et suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 heures)

(Reprise à 15 h 7)

Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît!

Veuillez prendre place afin que la commission reprenne ses travaux. Nous recevons cet après-midi, à la table des témoins, l'équipe du Fonds de la recherche en santé du Québec, représentée par le Dr Serge Carrière, président et par M. Yvan Poirier, directeur général. J'inviterais le Dr Carrière et M. Poirier à s'avancer à la table des témoins.

Pour vous expliquer un peu les règles de procédure, vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire et il y a, par la suite, 40 minutes de discussion avec les membres de la commission; c'est une enveloppe globale d'une heure. D'accord? Je présume que le porte-parole est le Dr Carrière. Nous vous écoutons.

Fonds de la recherche en santé du Québec

M. Carrière (Serge): M. le Président, tout d'abord, au nom du conseil d'administration du FRSQ, je vous remercie, ainsi que les membres de votre commission de nous avoir invités à présenter nos commentaires sur le rapport Harnois. Vous avez reçu deux documents: un document qui explique notre position globale et un autre qui est le résumé des propositions ou des commentaires que nous avons à faire.

Tout d'abord, bien que le problème de la santé mentale, comme tel, in globo, intéresse beaucoup notre organisme, nos commentaires seront limités aux recommandations 9, 10, 11 et 12 de ce rapport, qui touchent plus spécifiquement la recherche en santé mentale qui devrait se développer au Québec.

Pour bien se situer dans le contexte de la santé, et de la santé mentale en particulier, j'aimerais vous décrire brièvement le rôle de notre organisme. Le FRSQ, comme vous le savez, existe depuis 24 ans maintenant et s'est développé au cours des années en voulant se donner une vocation de complémentarité de subventionnement de la recherche en fonction des organismes déjà existants et, en particulier, des organismes nationaux tels Santé et Bien-Être social du Canada et le Conseil de recherches médicales du Canada.

L'orientation qui a été prise par le FRSQ au cours de ces années a été surtout une orientation de subventionnement de l'infrastructure de la recherche; 96 % de notre budget soutiennent l'infrastructure. Ce que l'on entend par infrastructure, c'est une infrastructure de personnes et de lieux de recherche. Par personnes, on veut dire la formation des étudiants, l'aide à l'établissement de jeunes chercheurs qui ont atteint l'autonomie comme chercheurs et qui reviennent dans les lieux de recherche que nous privilégions, c'est-à-dire les centres de recherche qui sont affiliés aux hôpitaux avec affiliation universitaire. Dans ces centres de recherche, le but était de créer une masse critique de chercheurs afin que, premièrement, il y ait des échanges entre ces Individus de différentes disciplines de recherche, des échanges de méthodologies de recherche et, également, qu'il y ait entre ces chercheurs dans les milieux cliniques des échanges et un transfert de technologies de la recherche fondamentale, à cause de la collaboration avec leurs chercheurs sur les campus universitaires, vers les milieux cliniques, endroits privilégiés pour faire l'application des connaissances fondamentales qui ont été mises au point, également, ces centres de recherche se sont avérés tout à fait privilégiés pour le développement de la recherche épidémiologique, de la recherche evaluative également. 24 de ces centres de recherche existent au Québec et trois d'entre eux, qui sont: Douglas, affilié à l'Université McGill, Louis-Hippolyte-Lafontaine, affilié à l'Université de Montréal, et Robert-Giffard, affilié à l'Université Laval, sont des centres que nous pouvons qualifier de mono-thématiques, c'est-à-dire dont les programmes de recherche sont uniquement orientés en fonction de la recherche en santé mentale. Donc, ces centres, pour nous, représentent des endroits privilégiés où des réponses peuvent être apportées aux problèmes de santé, qu'ils soient dans une discipline ou dans l'autre et, en particulier dans ces trois centres, aux problèmes de recherche en santé mentale.

Le FRSQ a procédé de cette façon - je l'ai mentionné plus tôt - parce que c'était en complémentarité avec ce qui existait. Également, avec les années, on a pu se rendre compte que l'Investissement que nous avons fait a été des plus rentables puisque, pour chaque dollar qui est investi dans les centres de recherche, les chercheurs vont chercher S $ des organismes nationaux, ce qui fait que supporter l'Infrastructure de la recherche permet donc, non seulement d'avoir, mais de développer une structure beaucoup plus Importante et beaucoup plus rentable pour nous. Donc, chaque petit investissement que nous pouvons faire se multiplie de façon importante. Nous croyons, aussi bien pour la recherche en général que pour la recherche en santé mentale, que c'est la structure sur laquelle nous devrions bâtir et c'est de cette façon que devraient émerger les programmes de recherche en santé mentale.

Si, donc, cette infrastructure est une base solide sur laquelle nous pouvons bâtir, il ne faut pas oublier le fait que, dans certains secteurs de recherche particuliers - et la santé mentale est un de ces secteurs - nous devons également investir sur du subventionnement de la recherche directe, c'est-à-dire sur des projets de recherche particuliers, parce que cela prend, quand même, un certain nombre d'années avant qu'un thème de recherche soit suffisamment développé pour que les chercheurs aient atteint une notoriété et des masses critiques suffisantes pour aller chercher les fonds de recherche ailleurs et être autosuffisants et autonomes.

Également, je pense qu'il est Important de mentionner qu'en plus des trois centres de recherche qui existent et qui sont intéressés à la santé mentale, dans le mémoire que nous avons présenté - nous en reparlerons tout à l'heure - nous voulons élargir cette base des centres de recherche pour rejoindre les réseaux universitaires, c'est-à-dire que nous voulons améliorer cette collaboration qui existe entre les chercheurs les plus organiques ou les plus moléculaires et les chercheurs qui ont l'orientation la plus psychosociale. Nous voulons élargir la base et avoir davantage une infrastructure basée sur des centres de recherche qui auront une base de réseau universitaire.

J'ai mentionné tout à l'heure les trois centres de recherche qui existent et, pour donner un exemple de la diversité de la recherche dans ces centres, je pourrais en nommer un autre, qui est le Réseau de médecine génétique du Québec, qui fonctionne tout à fait comme un centre de recherche et qui a des affiliations multiuniversitaires, multihospitalières. À l'Intérieur de son groupe de chercheurs, il y a des biologistes moléculaires jusqu'à des historiens. Donc, la diversité, ta multidisciplinarité des chercheurs est pour nous un point important et une base solide sur laquelle nous devons bâtir. (15 h 15)

Je passe rapidement; J'aurais beaucoup d'autres choses à vous dire, mais je veux mentionner le fait qu'en dehors des centres de recherche il existe également des équipes de recherche. Le FRSQ a traité en priorité, au cours des dernières années, trois secteurs de recherche: la recherche épidémiologique, évaluative et la recherche en santé mentale qui a été une de nos priorités de développement. Nous avons formé des équipes en santé mentale, une qui oeuvre à l'hôpital Douglas et une qui oeuvre à l'Université de Montréal où biologistes moléculaires et gens du domaine psychosocial se côtoient et peuvent aborder de façon logique des problèmes de recherche et non pas mettre l'emphase sur le développement de disciplines de recherche sans tenir compte des problèmes à solutionner

Donc, en résumé, une structure de recherche est présente au Québec et la qualité des

recherches qui sont produites par ces équipes est des plus Intéressantes et des plus compétitives. Je pourrais mentionner certains exemples, comme tout le travail qui a été fait sur la transmission au niveau des synapses dans la dépression, tous les travaux de groupes comme celui de l'hôpital Louis-Hippolyte-Lafontaine. Je passe sous silence beaucoup d'autres efforts qui ont été faits, mais ces efforts sont beaucoup trop restreints. Même si c'est une priorité actuellement dans notre organisme, il y a un manque de subsides très évident et ceci ressort du rapport Harnois, il y a des efforts, évidemment, qui devront être faits.

Un point Important aussi à mentionner, c'est que devant ce manque de subsides chronique pour subventionner la recherche en général et la recherche en santé mentale, ce qui a été traditionnel au cours des récentes années et même des années plus reculées, nous ne présentons pas aux jeunes chercheurs ou aux jeunes étudiants des perspectives intéressantes de carrière en recherche et nous les décourageons dès le départ. Donc, c'est une des raisons pour lesquelles il est Important de bâtir une structure de recherche attrayante, et ici on parle de santé mentale en particulier, pour attirer les jeunes scientifiques dans ce secteur.

Maintenant, je passerai aux commentaires plus spécifiques qui touchent les quatre recommandations qui ont été faites dans le rapport Harnois concernant la recherche en santé mentale. Tout d'abord, la recommandation 9, Essentiellement, cette recommandation dit d'augmenter d'ici trois ans le budget de recherche en santé mentale à 15 % du budget de la recherche en santé du Québec. Cette initiative est sûrement des plus heureuses et c'est une orientation que nous appuyons au FRSQ, bien qu'elle soft peut-être mal explicitée dans le contexte. Est-ce que 15 % du budget de la recherche en santé signifie 15 % de tous les montants d'argent dépensés pour la recherche en santé au Québec? Est-ce que ceci signifie 15 % du budget du Fonds de la recherche en santé du Québec? Eh bien, ceci demeure un peu imprécis dans le rapport.

Bien que nous considérions que c'est un principe général, le FRSQ, il y a environ 18 mois, s'est efforcé de consulter et de bâtir un programme de recherche en santé mentale qui répondrait à des besoins réels du Québec et non seulement basé sur les dépenses qui étaient faites, comme il est mentionné dans le rapport, dans le domaine de la santé mentale. Présentement, dans un organisme comme le FRSQ, la santé mentale va chercher 8 % de notre budget, c'est-à-dire environ 2 400 000 $ annuellement. Ceci fait partie d'une annexe du mémoire que nous avons soumis à votre commission. Les besoins plus réels qui sont exprimés ici dans notre mémoire sont de 3 500 000 $ à 7 000 000 $ supplémentaires sur une base de cinq ans.

Ceci est en fonction du développement et il est mentionné dans le rapport Harnois que le développement devrait se faire en fonction d'une complémentarité entre les différentes disciplines de recherche. Je pense que je vous ai exposé suffisamment que les centres et les équipes de recherche déjà subventionnés par le FRSQ sont les endroits privilégiés où cette complémentarité peut s'exercer.

Que le développement de la recherche soit focalisé, je dois avouer que nous avons plus de réserves à accepter cette position. Nous croyons que non seulement lorsqu'on parle de la personne, mais lorsqu'on parie de recherche en santé mentale, c'est une approche globale, multidisciplinaire et multiméthodologique qui doit se faire. Toute approche qui est focalisée, limitée en elle-même et isolée d'un contexte, nous croyons qu'elle a peu de chances de succès dans un tel contexte. Nous avons l'expérience de nombreux secteurs de recherche où l'agglomération de chercheurs représentant plusieurs disciplines nous apporte beaucoup plus de succès que d'essayer d'Isoler une discipline de recherche pour résoudre un problème.

Je pourrais donner des exemples qui sont très frappants. Si, par exemple, on s'Intéresse à un problème particulier - on pourrait peut-être mentionner le problème de la schizophrénie - il ne s'agit pas d'utiliser une méthodologie de recherche comme la psychologie ou encore l'approche psychosociale pour résoudre ce problème puisqu'une telle maladie peut avoir des fondements qui sont peut-être aussi sociaux que des mauvaises relations mère-enfant dans le bas âge. Par contre, vous avez d'autres écoles qui vous diront que c'est une maladie franchement organique qui trouvera sa solution par la biologie moléculaire et par une meilleure compréhension des phénomènes qui se passent à l'Intérieur des cellules. Donc, c'est la raison pour laquelle il est beaucoup plus logique de faire aborder des problèmes de santé mentale par des groupes multidisciplinaires que de privilégier des disciplines de recherche pour les résoudre.

Le programme du FRSQ vous est expliqué dans le document que nous avons présenté. Je vous résumerai les quinze recommandations très brièvement en disant qu'il s'agit, premièrement, pour développer la recherche en santé mentale, de renforcer les structures de nos centres de recherche déjà existants; d'élargir leur base en tes agglomérant ou les développant à l'intérieur de réseaux universitaires; de former des équipes qui favoriseront les échanges entre les différentes disciplines de recherche et la pluriméthodologie; de former des chercheurs et de former des étudiants. Donc, essentiellement, bien qu'elles soient détaillées dans le rapport, les quinze recommandations du FRSQ pourraient se résumer dans ces quatre principes.

Maintenant, passons à la recommandation 10 du rapport Harnois. Je pourrais fort bien vous lire ici, dans le mémoire, l'analyse que nous

avons faite et qui résume très bien notre position. Premièrement, cette recommandation veut qu'il y ait une meilleure collaboration entre le Conseil québécois de la recherche sociale et le Fonds de la recherche en santé du Québec afin de s'assurer du fonctionnement de mécanismes conjoints de détermination des priorités de recherche et d'octroi des subventions de recherche. Je peux vous dire que cette position est tout à fait soutenue par le FRSQ. d'autant plus que les relations entre le CQRS et le FRSQ, surtout au cours des derniers mois, se sont développées de façon très intéressante. C'est, d'ailleurs, un développement que nous souhaitions déjà au sein de notre organisme depuis un certain nombre d'années. Un exemple bien concret de ceci, c'est que, pour tout le programme des équipes, qui sont très importantes, à la base du développement de la recherche en santé mentale, nous sommes en train de mettre sur pied un programme conjoint de soutien des équipes, tel que préconisé dans notre programme, entre le CQRS et le FRSQ.

Le programme présenté par le FRSQ est entièrement endossé par le CQRS et il est évident, par ailleurs, que ces deux organismes, qui ont eu un cheminement différent au cours des années, doivent arrimer leur fonctionnement afin d'arriver à une collaboration bien précise. Je m'explique sur ceci. Les lieux de recherche du CQRS et du FRSQ sont sensiblement différents, c'est-à-dire que, pour le CQRS, c'est fait davantage dans les milieux universitaires et dans d'autres organisations que les milieux hospitaliers. Par contre, au point de vue de la formation des équipes, comme le programme du FRSQ mentionne très bien que l'intégration de ce qui relève le plus de la biologie moléculaire doit se faire avec ce qui est le plus psychosocial, eh bien, nous retrouvons un champ d'Intérêt commun.

L'évaluation scientifique des programmes de recherche n'est pas un problème en soi; ceci est déjà résolu au sein de nos deux organismes. Par contre, il y a, évidemment, deux conseils d'administration différents et c'est à ce niveau que nous devons arrimer tes mécanismes qui nous permettront de fonctionner de façon harmonieuse. Dans le passé, le CQRS a subventionné davantage les programmes de recherche directement, alors que, comme je vous l'ai expliqué, le FRSQ s'est plutôt orienté vers le subventionnement de l'infrastructure de la recherche et, évidemment, nous devons nous réajuster dans ce sens. Cela prendra sûrement un certain nombre d'années avant qu'il y ait un arrimage complet de tous les programmes. Mais il y a déjà un point de départ, surtout dans les équipes de recherche.

La recommandation 11 du rapport Harnois dit 'aux organismes subventionnaires de s'assurer pour les prochaines années que des efforts accrus de recherche seront orientés vers - et on mentionne quatre dimensions - la prévention et les dimensions psychosociales de la maladie mentale, etc." Si l'on se reporte au rapport qui a été présenté par le FRSQ, à l'enquête que nous avons faite à l'été 1986 et pour laquelle 44 mémoires nous ont été soumis aussi bien par les universités que par les CLSC, les CRSSS et tous les organismes Intéressés à la recherche et aux problèmes de la santé mentale, on voit dans ce rapport que nous Intégrons dans nos programmes de recherche ce qu'il y a de plus psychosocial jusqu'à ce qu'il y a de plus biomoléculaire. C'est une approche à laquelle nous croyons fermement et, à l'Intérieur de ceci, il est évident que nous voulons développer chacun des secteurs. Mais, pour nous, il semble difficile de privilégier un secteur plutôt que l'autre. Que nous pensions régler le problème de ta santé mentale ou améliorer l'état de la santé mentale des individus par une approche monothématique, c'est-à-dire qui s'intéresserait uniquement aux problèmes sociaux, ou par une autre approche qui, pour être à l'autre extrême, s'intéresserait uniquement aux problèmes de biologie moléculaire, nous pensons que c'est faire fausse route. En effet, comme je le mentionnais tout à l'heure dans l'exemple de la schizophrénie, ce sont des problèmes que nous voulons solutionner. Souvent, lorsqu'on comprend mieux les problèmes, on se rend compte que l'approche que l'on pensait poursuivre au départ pour les solutionner est une approche tout à fait autre et doit faire appel à d'autres méthodologies de recherche et à d'autres disciplines.

Alors, dans ce sens, nous préconisons que c'est une approche multidisciplinaire, d'autant plus qu'il nous est difficile de démontrer qu'il y a un sous-développement. Toute la recherche en santé mentale est sous-développée, mais elle ne l'est pas plus dans un secteur que dans l'autre. Si on regarde les subventions pour les recherches et les données tout à fait objectives que nous avons recueillies récemment de l'Université McGill en particulier, cela nous démontre que la recherche psychosociale n'est pas plus mal subventionnée que la recherche biomédicale. Je devrais peut-être dire que l'une n'est pas mieux subventionnée que l'autre. Les deux sont sous-subventionnées, mais il n'y a vraiment pas un écart du subventionnement entre les deux.

Le Président (M. Bélanger): En conclusion, Dr Carrière, s'il vous plaît.

M. Carrière: En conclusion, je parlerai très brièvement de la recommandation 12 qui parle de recherche évaluative en particulier. C'est un des trois secteurs privilégiés par la FRSQ. Je pense qu'il est très important de mentionner que, si l'on veut qu'une recherche évaluative soit bonne et donne des fruits, elle doit être faite par des gens Indépendants du fonctionnement des programmes réguliers quotidiens. Il y a un danger à ce que les gens qui produisent les actes ou qui sont impliqués dans le fonctionnement quotidien d'une structure fassent eux-mêmes l'évaluation de

leur programme. Il y a un certain danger à ceci parce que c'est une évaluation qui devient moins objective, qui doit répondre à des critères parce qu'on doit en même temps démontrer qu'on avait un bon rendement Donc, nous avons un doute sur ceci.

En résumé, donc, il est bien évident que notre organisme endosse entièrement toutes les recommandations positives pour développer la recherche en santé mentale au Québec. Il y a un sous-financement de cette recherche et notre organisme est entièrement prêt à assumer la responsabilité de ce développement s'il lui est confié.

Le dernier point dont j'aimerais parler et qui est mentionné dans le rapport, c'est que nous sommes tout à fait opposés à la formation d'un autre fonds pour subventionner la recherche en santé mentale, particulièrement parce que nous pensons que cette approche, qui est tout à fait monothématique, n'est pas la meilleure approche à poursuivre. Je pense que j'ai assez insisté sur la multidisciplinarité et la multiméthodologie et que, en plus, le fait d'isoler des chercheurs, sans les soumettre à la compétition d'autre, n'est rien qui permet de développer l'excellence. Ce sont donc les principaux commentaires que nous avions à faire sur ce rapport Je vous remercie, M. le Président. (15 h 30)

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, Or Carrière. Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier le FRSQ pour sa participation aux travaux de cette commission. Dans le projet de politique qui est contenu dans le rapport Hamois, II est évident qu'on a voulu faire une place Importante à la recherche en santé mentale. Je pense que c'est, d'ailleurs, ce qui vous a motivés a venir, sans compter le fait que, déjà, vous vous intéressez à la recherche en santé mentale.

Je voudrais souligner au passage - et je pense que c'est très bien démontré dans le mémoire que vous nous avez soumis - les réalisations importantes du Fonds de la recherche en santé du Québec quant aux appropriations, si je peux dire, de ressources financières, que ce soit au niveau fédéral, que ce soit même a partir de fondations américaines et autres. C'est, évidemment, le reflet, je pense, de la façon dont le FRSQ a été dirigé depuis un certain nombre d'années. Nous ne sommes plus dans une situation de défavorisés quant à l'obtention de ces subventions par rapport aux autres provinces, alors qu'autrefois peut-être .- je ne sais pas il y a combien d'années - l'Image était probablement assez à l'opposé de celle que vous nous révélez dans le mémoire aujourd'hui. Je voulais le souligner en passant parce que je pense que c'est peut-être la meilleure démonstration du sérieux du travail qui est fait par le Fonds de la recherche en santé du Québec.

Je voudrais, néanmoins, revenir sur une partie de votre mémoire dans laquelle vous semblez vous opposer non pas à la recherche psychosociale, mais à privilégier la recherche portant sur les facteurs psychosociaux. Vous croyez que ces aspects de la recherche sont déjà largement favorisés, probablement en fonction de la recherche biomédicale en santé mentale. Est-ce que je vous ai bien compris ou... Pardon?

M. Chevrette: Êtes-vous Inquiète du million que vous avez placé?

Mme Lavoie-Roux: Non, je ne suis pas inquiète du million que j'ai placé. Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Ha, ha, ha!

Mme Lavoie-Roux: C'est vraiment dans l'approche. Vous avez fait verbalement une démonstration assez éloquente pour nous dire que vous croyez que les deux doivent aller de pair, qu'il y aura, évidemment, des difficultés non pas insurmontables, mais longues à résoudre pour que les deux fonds de recherche, que ce soit en recherche sociale ou en santé, puissent arriver à arrimer tous leurs efforts pour devenir le plus productifs possible, si je puis dire.

J'ai l'Impression que ce qui est dans votre mémoire et ce que vous nous avez dit, ce n'est peut-être pas tout à fait la même chose. J'aimerais que vous développiez un peu votre pensée sur l'importance que vous accordez à ta recherche sur les facteurs psychosociaux en santé mentale comparativement à la recherche biomédicale.

M. Carrière: Premièrement, je vous remercie de vos commentaires du début. Deuxièmement, je pense qu'il est important de distinguer ce sur quoi nous mettons l'accent dans notre mémoire. Nous ne voulons pas privilégier une discipline de recherche. Par contre, nous voulons attaquer des problèmes de recherche. Pour nous, les problèmes psychosociaux de la santé mentale sont des problèmes très importants. Mais, pour les problèmes qui se présentent sous une forme psychosociale, nous n'aurons peut-être pas une solution simplement par une approche psychosociale. Et c'est ce que nous voulons mentionner. C'est ce sur quoi nous Insistons dans notre mémoire. Nous ne sommes pas là pour développer une discipline de recherche, mais bien pour résoudre des problèmes de recherche par les différentes avenues qui se présentent à nous.

D'ailleurs, dans les trois centres de recherche que nous soutenons présentement, l'aspect psychosocial est très important. Par exemple, à Louis-H.-Lafontaine, l'aspect de la recherche psychosociale est très Important. Au centre de recherche de Douglas, II se fait de la recherche fondamentale et une partie de cette recherche est nettement orientée en fonction des problèmes psychosociaux. À cet endroit, nous avons aussi

une équipe de recherche en épidémiologie que nous soutenons déjà et qui est nettement orientée du côté psychosocial. Le troisième centre, à Robert-Giffard, à Québec, a également une grande partie de ses activités dans le secteur psychosocial.

Donc, nous ne voulons pas dire que l'Importance ne doit pas être donnée aux problèmes psychosociaux, mais nous voulons donner une Importance aux problèmes qui se présentent L'approche pour les résoudre n'est pas simplement l'approche d'une seule discipline. Parmi les problèmes psychosociaux, il y a peut-être, comme exemple tout à fait particulier, les problèmes de drogue. Dans certains cas, les problèmes de drogue ont peut-être une base beaucoup plus organique qu'on ne le pense et ne seront pas nécessairement résolus par une approche psycho-sociale simplement II y a d'autres problèmes de comportement; par exemple, je mentionnais tout à l'heure le problème de la schizophrénie qui peut avoir différentes origines selon les écoles de chercheurs et selon les écoles de pensée. Donc, c'est un problème psychosocial très Important auquel nous vouions sûrement donner toute l'attention voulue, en l'approchant par différentes disciplines et non pas nécessairement en favorisant une discipline de recherche par rapport à une autre.

Mme Lavoie-Roux: Dr Carrière, vous mentionnez dans votre mémoire que le Fonds de la recherche en santé du Québec consacre 8,14 % à la recherche en santé mentale. Selon la description que vous venez de nous donner des trois centres, Giffard, Lafontaine et Douglas, j'aurais l'impression que la majorité de cette somme est affectée à de la recherche psychosociale plutôt qu'à de la recherche biomédicale. Est-ce que vous êtes capable de me donner les proportions pour l'une et l'autre?

M, Carrière: Je pense que M. Poirier a une statistique plus précise que moi sur cela.

M. Poirier (Yvan): Je n'aurai pas un chiffre très précis à vous donner actuellement, mais, selon nos données, effectivement, dans nos centres et dans nos équipes où se fait de la recherche en santé mentale, la recherche porte, d'abord et avant tout, sur les problèmes reliés à des comportements et réfère à des méthodologies dites psychosociales.

Mme Lavoie-Roux: C'est la grande partie de ce montant-là.

M. Poirier. La grande partie, effectivement

Mme Lavoie-Roux: À la suite de la consultation que vous avez faite auprès des universités, des différents établissements du réseau pour établir une politique de recherche en santé mentale, est-ce que les échos que vous avez eus ou les données que vous avez recueillies semblaient favoriser ou porter davantage sur les aspects psychosociaux que biomédicaux? Quel a été le résultat plus précis de cette consultation que vous avez faite quant aux préoccupations de l'un ou de l'autre?

M. Carrière: Selon les groupes qui nous ont répondu, évidemment, les préoccupations sont différentes. Si vous parlez des groupes dans les régions éloignées, par exemple, ou dans les régions périphériques des grands centres métropolitains, c'est évident que les problèmes psychosociaux ressortent davantage et que l'accent a été mis surtout sur des moyens de recherche pour résoudre des problèmes psychosociaux et également beaucoup sur la recherche évaluative, pour l'évaluation des interventions qui sont faites dans ces secteurs. Et quant à l'évaluation des interventions, si on regarde ce qui se passe, ce qui est un point très important, vous avez des Interventions de nature psychosociale, mais des interventions également de nature pharmacologique, comme on te sait très bien, qui sont faites régulièrement

Quand on parle de la recherche évaluative qui devrait se faire, elle devrait porter sur tout type d'intervention faite dans ces régions. Donc, cela prend des équipes qui peuvent regarder l'aspect psychosocial, mais également des gens qui connaissent davantage le biomédical aussi, pour voir si les interventions de nature pharmacologique qui sont faites sont toujours à propos et devraient avoir l'ampleur qu'elles ont versus d'autres types d'Interventions. Donc, les préoccupations de ces régions sont en fonction de problèmes psychosociaux, mais comme ces problèmes trouvent leurs solutions de deux façons, il faut faire examiner cela par des gens qui peuvent regarder les deux côtés de la médaille. Quand on regarde les Interventions des universités, je dirais qu'elles sont également partagées C'est peut-être 50-50 entre ce qui est plus moléculaire et ce qui est plus psychosocial.

Il y a un élément, quand même, qui ressort de façon très évidente. Si on regarde l'évolution des problèmes de santé mentale au cours des 20 dernières années, il ne faut pas négliger te rôle qui a été joué par la biologie moléculaire, par la psychopharmacologie pour la solution de ces problèmes avec, tout d'abord en surface, l'aspect psychosoclal. Donc, il est difficile de vous dire si c'est 50-50, si c'est 75-25 ou 60-40? Je dirai que c'est très partagé. Par contre, les préoccupations des gens qui ressortent clairement, c'est qu'on ne peut pas solutionner ces problèmes simplement par une approche unidfsciplinaire ou monothématique. Je pense que cela ressort de façon très claire.

Mme Lavoie-Roux: Comment expliquez-vous que la proportion des budgets qui vont à la recherche en santé mentale par rapport à votre budget global est de l'ordre de 8,4 %? Est-ce

parce que c'est une préoccupation plus récente? Vous exprimez également - je ne l'ai pas sous la main - le fait que, dans le domaine de la santé mentale, les chercheurs se trouvent peut-être plus isolés. Est-ce dû au fait qu'il y a eu moins de recherche? Historiquement, qu'est-ce qui explique cela? On sait que, dans les budgets globaux de la santé, par exemple, 20 % des budgets sont consacrés aux problèmes de santé mentale et, en recherche, on se retrouve avec une proportion de 8,4 %. Quels sont les facteurs historiques ou autres qui expliquent cela?

M, Carrière: Les facteurs historiques, c'est qu'il n'y a pas de doute que la recherche en santé mentale n'a pas été un pôle d'attraction, il y a un certain nombre d'années, pour les jeunes chercheurs. Toute cette discipline de la santé mentale est peut-être plus difficile à encadrer, aussi. Dans certaines disciplines, par exemple, purement biomédicales, on encadre bien le champ d'action de la recherche qui est plus précis, tandis que, dans le domaine de la santé mentale, il y a une plus grande difficulté à le définir et également, traditionnellement, historiquement, les gens se sont moins intéressés à ce secteur. Peut-être étaient-ils surchargés par la demande de soins de toute nature qu'ils avaient à rendre, par les problèmes qui les préoccupaient au jour le jour, tant et si bien qu'on peut dire que cette recherche est sous-flnancée et ne représente qu'une proportion faible des sommes que nous dépensons dans une organisation comme la nôtre, mais ta demande que nous avons est également relativement faible.

Nous avons eu l'occasion de voir ce qui se passe dans d'autres pays également. Quand on considère, par exemple, l'aspect purement psychosocial de la recherche dans le domaine de la santé mentale et qu'on se rend compte de ce qui se passe en France, par exemple, on voit que, là aussi, il y a un grand trou. Tous les gens se cherchent et se demandent de quelle façon aborder le problème et comment stimuler un intérêt pour la recherche dans ce secteur. C'est un secteur qu'on pourrait peut-être qualifier de plus difficile à définir que certains autres secteurs. Il apporte moins de rentabilité pour un chercheur, à court terme. II ne faut pas oublier que le chercheur est une personne qu'on met dans une espèce de fosse aux lions, qui doit survivre au jour le jour et produire pour régénérer ses subventions de recherche. Dans des secteurs moins bien définis, il a beaucoup plus de difficulté à survivre, ce qui fait qu'il a tendance à s'orienter dans des secteurs où le subventionnement semble meilleur. Vous savez, le Québec est un secteur, mais nous faisons partie d'un grand ensemble. Quand on parle de communauté scientifique, on ne parte plus de frontières. Le secteur de la santé mentale est sûrement internationalement un secteur beaucoup plus difficile à cerner et dans lequel il est plus difficile d'aboutir à des résultats plus immédiats; donc, il met toujours la carrière du chercheur beaucoup plus en péril.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous retrouvez cette même proportion affectée de la même façon dans les autres provinces? En Ontario, par exemple, ou même aux États-Unis, en regard de la santé mentale, est-ce qu'on retrouve cette disproportion, si on veut, entre la santé mentale et les autres types de recherche biomédicale?

M. Carrière: Quand on veut définir la santé mentale, on peut partir de la neurophysiologie, de la neuropharmacologie...

Mme Lavoie-Roux: Alors, à ce moment-là...

M. Carrière: ...jusqu'au plus psychosocial. Il est difficile de cerner ce secteur de façon très précise.

Par contre, quand on parle des interventions de nature nettement, si on veut, plus psychosociale, je pense que c'est un secteur qui est peut-être moins subventionné, certainement moins. Par contre, encore une fois, il faut regarder d'autres aspects. Est-ce que les mêmes Investissements sont nécessaires pour la recherche en santé mentale par rapport à la recherche davantage biomoléculaire? (15 h 45)

Je m'explique. Monter un laboratoire de recherche biomoléculaire, cela demande des investissements tout à fait incroyables. On parle d'un appareil de résonance magnétique nucléaire; cela coûte quelques millions de dollars, simplement pour Installer l'appareil. Pour la recherche dans un autre secteur comme la santé mentale, installer un chercheur, c'est peut-être beaucoup moins coûteux.

Or, il est difficile de faire l'adéquation entre uniquement le montant d'argent et la quantité de recherche faite. J'aimerais mieux parler de quantité de recherche faite dans ce secteur de la santé mentale. C'est nettement plus faible que dans bien d'autres secteurs. Par ailleurs, j'aimerais souligner que, pour un organisme comme le FRSQ, c'est une proportion relativement faible de notre budget. Mais il faut bien comprendre que 96 % de notre budget sont alloués à l'Infrastructure de la recherche que nous appuyons et que 4 % sont alloués de façon aléatoire ou selon des priorités établies. Dans les 4 % de priorités établies que nous avons, je dirais que 75 % de ces 4 % vont à la recherche en santé mentale, mais c'est un montant, quand même, très faible.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie, Dr Carrière. Je reviendrai peut-être s'il reste du temps.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Donc, 75 % de 4 %, cela fait 2,8 %.

M. Carrière: Oui, on partait en tout de 4 %.

M. Chevrette: On va aller loin en Mérodel C'est ce qui va nous permettre de faire le rattrapage en santé mentale, Je suppose?

J'ai une question très précise à vous poser, Dr Carrière. Vous ne préconisez pas la création d'un nouvel organisme subventionnaire. Quels sont les vrais motifs?

M. Carrière: Le vrai motif? M. Chevrette: Les vrais motifs?

M. Carrière: Les vrais motifs. C'est parce que nous croyons que, dans toute recherche, il y a un intérêt marqué à ce que les chercheurs de différentes disciplines soient regroupés, puissent échanger entre eux, à ce que les chercheurs qui abordent les problèmes de recherche par différentes méthodologies puissent avoir des interrelations entre eux, de la cofertilisation. Nous avons l'expérience, dans le domaine de la recherche, que les problèmes se solutionnent par des équipes multidisciplinaires et non pas par des groupes de chercheurs ou, pis encore, par des chercheurs isolés qui, à plus ou moins long terme, sont voués nécessairement à la disparition.

Ce serait réinventer la roue que de penser que nous avons un fonds de recherche en santé mentale, un fonds de recherche en neurologie, un fonds de recherche en cardiologie, un fonds de recherche pour les maladies du rein, etc. La recherche ne fonctionne plus comme ça. On parle davantage de méthodologie de recherche et les biologistes moléculaires, ce sont autant des gens qui s'Intéressent à la santé mentale qu'aux problèmes de cardiologie, qu'aux problèmes de gastro-entérologie. Alors, si vous essayez d'Isoler la santé mentale, vous allez vous retrouver, finalement, avec une agglomération de chercheurs de toutes les disciplines, donc avec une autre organisation de synthèse et qui regroupe des chercheurs de différentes disciplines.

M. Chevrette: Mais tel que conçu, le fonds de recherche a une certaine autonomie, pour ne pas dire une autonomie certaine, dans la sélection des projets de recherche, dans l'octroi de bourses aux chercheurs, etc. Le budget dépend du gouvernement, mais, pour le reste, vous avez une autonomie assez marquée. Je vous pose la question suivante. La ministre de la Santé et des Services sociaux désire, demain matin, effectuer un virage à 90 degrés pour réussir à faire de ta recherche en santé mentale, mais en particulier du côté psychosocial, sous prétexte qu'en pharmacologie vous avez étudié suffisamment de choses pour l'instant, mais que la dimension sociale a été tellement oubliée dans le passé qu'il nous faut donner un coup de barre extraor- dinaire. Quelle garantie a la ministre que le coup de barre sera donné?

M. Carrière: D'une part, je ne peux endosser l'assertion que vous faites en disant que le fonds de recherche est complètement libre de dépenser l'argent comme il le fait

M. Chevrette: Je n'ai pas dit libre; j'ai dit une autonomie dans l'octroi des bourses ou dans la sélection des boursiers et des types de recherche.

M. Carrière: II a une autonomie à l'Intérieur de programmes qui sont bien spécifiques, de programmes dont le budget est présenté au ministère chaque année pour approbation. À l'intérieur d'un programme, si vous me demandez s'il a l'autonomie de décider que c'est tel étudiant qui est plus méritoire que tel autre pour obtenir une bourse, oui et ceci est basé sur des évaluations par des comités de pairs et des scientifiques du milieu. Alors, il est évident qu'à l'intérieur de chacun des programmes c'est oui.

Par contre, chacun des programmes est sujet à une mesure d'approbation et quand nous disons que, dans le programme des chercheurs-boursiers, II y a 5 600 000 $ de dépensés annuellement, ces 5 600 000 $ font partie d'un budget bien clair et précis dans la programmation d'un organisme comme le FRSQ. Qu'un programme de recherche en santé mentale soit établi avec un budget défini, le FRSQ n'a jamais trahi ses obligations au cours des années et il y aura un montant dépensé en recherche en santé mentale après s'être entendu sur les termes de ce programme.

M. Chevrette: Mais, à supposer que la ministre veuille qu'il y ait de fa recherche bien spécifique, par exemple, sur le rôle des ressources intermédiaires, sur l'évaluation des ressources intermédiaires, sur leur impact sur la personne face, par exemple, à tel type de maladie bien spécifique, bien identifié - vous affirmez, dans un premier temps, que vous ne préconisez pas une discipline de recherche mais bien une approche beaucoup plus rigoureuse - elle pourrait le faire avec une structure qui lui est propre et qui est spécifique, comme le recommande le rapport Harnois, par rapport à ce que vous proposez vous-mêmes. Non?

M. Carrière: Les relations que notre organisme a avec Mme la ministre et le ministère de la Santé et des Services sociaux sont des relations où il y a un dialogue constant et une consultation constante. Je serais fort surpris qu'au ministère on ne tienne pas compte de l'opinion d'un organisme comme le FRSQ parce qu'on en tient régulièrement compte, on le consulte pour savoir comment procéder parce que, finalement, le FRSQ représente une agglomération de scientifiques qui ont de l'expérience

dans le secteur de la recherche. Le type de relations harmonieuses que nous avons actuellement ne me laisse pas tellement songeur quant à des mesures qui pourraient être imposées sans consultation.

M. Chevrette: C'est dommage qu'on ne puisse pas interroger le Dr Harnois. On pourrait lui demander pourquoi il a préconisé la création d'une autre structure. Est-ce que Mme la ministre pourrait nous répondre?

Mme Lavole-Roux: D'après ce que je comprends, à la page 75, je ne crois pas que c'est ce qui est préconisé.

M. Chevrette: Bien, c'est la recommandation 10. Je vais vous aider.

Mme Lavoie-Roux: Oui. "Que le Conseil québécois de la recherche sociale et le Fonds de la recherche en santé du Québec s'assurent du fonctionnement de mécanismes conjoints de détermination de priorités, d'analyse de projets et de modalités d'allocation..." Cela, c'est la recommandation 10 comme telle. Mais si on regarde avant...

M. Chevrette: Mais dans le mémoire, en tout cas, c'est clair que...

Mme Lavoie-Roux: Diverses possibilités ont été envisagées quant à la façon la plus appropriée de concrétiser l'impulsion qui doit être donnée au secteur de la recherche en santé mentale. La création d'un nouvel organisme subventionné ou la mise à contribution - il y a une alternative. C'est bien ce que je comprends - des organismes existants peuvent s'avérer des hypothèses plausibles. La nécessité d'une intégration beaucoup plus poussée des... Je ne crois pas qu'ils se soient prononcés strictement. Ils ont dit: C'est une possibilité, mais il y a aussi l'autre possibilité d'une plus grande collaboration.

M. Chevrette: Non, mais c'est ce qui est dommage. On étudie un rapport où on ne peut pas faire parler l'Individu. S'il a senti le besoin de nous dire qu'il y avait une alternative, c'est parce qu'il y avait quelque chose, II avait des objectifs. Il n'a pas lancé cela exclusivement pour faire des hypothèses. Je demeure convaincu que s'il l'a écrit... Puisqu'il ne veut pas parier on va parler, en son nom. En tout cas, on va parier en fonction de l'interprétation qu'on en fait

Mme Lavoie-Roux: Faites votre interprétation.

M. Chevrette: L'interprétation que j'en fais, c'est que le Dr Hamois voulait avoir la certitude que des sommes spécifiques pour des objectifs bien précis soient données. Il parle de coordina- tion entre deux structures. Le Dr Carrière a beau dire que cela fonctionne bien entre deux structures, chose dont je ne doute pas, il n'en demeure pas moins qu'une volonté politique gouvernementale est assujettie à la concertation de deux structures, alors que, dans le rapport, il y avait l'hypothèse, en tout cas... Moi, j'avais interprété le rapport Harnois comme se donnant une police d'assurance qu'on pouvait donner des coups de barre à des priorités bien spécifiques et ce, à court terme, surtout dans le cadre du rattrapage qu'on a à faire en santé mentale.

Mme Lavoie-Roux: Je l'ai demandé d'une façon plus précise.

M. Chevrette: Oui.

Mme Lavoie-Roux: C'est une hypothèse qui a été soulevée, mais ce qui a été véritablement retenu me semble être la recommandation encadrée, à savoir qu'il y a une collaboration étroite entre le FRSQ et le CQRS.

L'autre notion qui est introduite, c'est la présence de personnes issues du secteur de la santé mentale au sein des conseils d'administration des organismes subventionnaires de recherche; cela leur apparaît comme une exigence minimale. S'il n'y a vraiment personne qui se sent concerné ou intéressé de plus près, j'imagine que cela pourrait être une absence qui se traduirait peut-être par une "défavorisation" du secteur de ta santé mentale. Si vous accordez des subventions pour la recherche en santé mentale, je pense que, normalement, les fonds seront utilisés à cette fin.

Je suis peut-être plus inquiète, si vous me permettez d'ajouter, ceci M. le chef de l'Opposition...

M. Chevrette: Bien sûr.

Mme Lavoie-Roux: On sent, au FRSQ, selon ce qu'a exprimé le Dr Carrière, ce désir de collaborer avec le CQRS; par contre, il y a une tradition différente. D'abord, la vôtre est plus longue et il y a une tradition différente de fonctionner qui va créer des difficultés d'arrimage. Cela va prendre un certain temps avant que cela s'aplanisse et que le travail se fasse en véritable collaboration. Ce qu'ils ont retenu, finalement, c'est la collaboration entre les organismes.

M. Carrière: Si je peux commenter ceci, il est évident que deux structures qui ont deux conseils d'administration et qui veulent avoir des programmes communs, cela cause certaines difficultés administratives. Par ailleurs, nous nous sommes bien entendus que nous démarrions, et très bientôt si, évidemment, les budgets sont débloqués, la formation d'équipes conjointes, CQRS et FRSQ. C'est le premier jalon que nous avons trouvé parce que c'est le plus facile à

réaliser. C'est un de nos objectifs très Importants à réaliser; c'est un objectif important du CQRS également et celui qui, dans l'Immédiat, est le plus facilement réalisable.

Il est bien évident que, lorsqu'on parle, par exemple, d'augmenter le subventionnement de nos centres de recherche, il y en a trois, en particulier, qui ont des intérêts surtout en santé mentale, mais qui ont, quand même, d'autres Intérêts qui ne sont pas complètement orientés vers la santé mentale. Également, II y a d'autres centres de recherche qui n'ont pas, si vous voulez, l'étiquette "centre de recherche en santé mentale". Un exemple tout à fait pratique, l'institut neurologique de Montréal; évidemment, il y a beaucoup de travaux qui se font en collaboration avec des gens intéressés à la santé mentale. C'est un centre de recherche FRSQ. Donc, avant d'amalgamer tout cela dans une politique commune FRSQ-CQRS, c'est évident qu'il y a un bout de chemin à parcourir. Par contre, après de nombreuses rencontres avec des gens du CQRS, dans bien des secteurs, surtout en ce qui concerne les équipes et la formation de chercheurs, les objectifs sont tout à fait communs et il y a lieu d'entrevoir une collaboration dans un avenir très Immédiat

M. Chevrette: Avez-vous affirmé, tantôt, qu'il y avait peu de demandes en ce qui concerne la santé mentale?

M. Carrière: C'est vrai que les demandes sont relativement plus faibles que dans d'autres secteurs.

M. Chevrette: À quoi attribuez-vous cela?

M. Carrière: Aux pôles d'attraction. Il faut créer un milieu attrayant pour motiver les jeunes à s'orienter dans un secteur défini. Quand il n'y a pas de masse critique assez Importante, quand il n'y a pas suffisamment de groupes de chercheurs productifs, c'est difficile d'en attirer. C'est la raison pour laquelle j'ai toujours insisté - je pense que c'est une politique tout à fait défendable - pour dire que, le jour où on décide d'instaurer un programme de recherche en santé mentale valable, il ne faut pas y aller par miettes. Il faut vraiment y aller avec un programme qui se tient, un programme d'envergure, tenant compte des moyens du Québec, bien évidemment, mais un programme qui fera qu'on attirera ces masses critiques qui feront boule de neige et attireront des jeunes à s'intéresser à ces problèmes. Sinon, plus les chercheurs sont isolés, plus leurs chances de succès sont faibles. Ils le savent, vous savez, on n'a pas besoin de leur expliquer cela, au départ

M. Rochefort: M. le Président...

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Gouin.

M. Rochefort: ...seulement une petite question là-dessus au Dr Carrière. Qu'est-ce que veut dire la masse critique minimale requise pour bâtir cette force d'attraction?

M. Carrière: Les centres de recherche, avec l'expérience que nous avons actuellement dans les milieux hospitaliers, qui ont une dizaine ou une douzaine de chercheurs, ce sont des centres qui ont vraiment la masse critique nécessaire pour très bien fonctionner. Donc, si vous me demandez le nombre minimum de chercheurs, un centre de recherche devrait viser au moins huit, dix ou douze chercheurs autonomes, ce qui fait qu'il y a des assistants de recherche, des étudiants en formation postdoctorale, des étudiants à la maîtrise et au doctorat qui créent cette masse, ce milieu, ce climat scientifique intéressant et stimulant.

M. Rochefort: Cela veut dire un budget de quel ordre de grandeur à peu près? (16 heures)

M. Carrière: Bon. On a, dans notre mémoire, à la fin, un adendum qui donne la recommandation pour les centres de recherche. Peut-être que M. Poirier pourrait me dire le numéro. La recommandation 1 parle du nombre de chercheurs ajoutés aux centres déjà existants. Parlons d'un subventionnement de 500 000 $ à 1 000 000 $ comme chiffres pour supporter l'Infrastructure, les chercheurs et tous les centres de recherche. N'oublions pas qu'au départ on doit également apporter un support plus direct à la recherche qui elle-même est mal subventionnée. Tant que les gens n'auront pas pignon sur rue et n'auront pas atteint un certain degré de notoriété, ils ne seront pas très concurrentiels pour les organismes nationaux. Encore une fois, les fonds de recherche des organismes nationaux en fonction de la santé mentale sont peut-être plus difficiles à obtenir que dans d'autres secteurs. Donc, il y a une période d'émergence et on doit vraiment attendre quelques années avant qu'on ait bâti l'Infrastructure de ces centres de recherche, et qu'ils deviennent vraiment autonomes et rentables pour nous. Quand on parie de centres de recherche qui vont chercher 5 $ pour 1 $ qu'on investit, nous disons que c'est très rentable, C'est beaucoup d'emplois, c'est beaucoup de recherche scientifique et c'est très rentable pour notre milieu.

M. Rochefort: Merci.

Le Président (M. Bélanger): D'autres interventions?

Mme Legault: Vous faites beaucoup de recherche sur la santé mentale. Je voudrais savoir jusqu'à quel point vous faites de ta recherche aussi sur la "schivo"...

Une voix: La sclérose en plaques?

Mme Legault: Voyons, "schiphrocénie". Une voix: Schizophrénie.

M. Carrière: Personnellement, je ne suis pas un chercheur en santé mentale. Je suis néphrologue et je m'occupe surtout de problèmes rénaux. Quant à la recherche sur la schizophrénie, vous posez une bonne question. Directement, dans les équipes de recherche que nous subventionnons, je pourrais vous répondre d'emblée: Très peu. Au niveau international, je pourrais vous dire que, depuis de nombreuses années, c'est un problème qui retient, évidemment, l'attention de bien des gens. Mais je pense qu'on est encore loin de la solution.

Mme Legault: Merci.

M. Chevrette: En termes de données, II doit y avoir non seulement de la recherche, mais de la compilation de recherche qui se fait dans les organismes comme tels. Quels sont les échanges? Est-ce qu'il y a des ententes entre votre fonds de recherche, par exemple, et certains organismes nationaux ou internationaux?

M. Carrière: Premièrement, les échanges se font entre les organismes de recherche. Il est bien évident que nous sommes à l'affût de ce que chacun des organismes de recherche subventionne parce que notre but au Québec n'est pas de faire de la duplication, mais bien de stimuler l'émergence de recherche, de stimuler de l'infrastructure pour que, justement, on aille chercher tout ce qui est disponible. C'est fondamental.

Deuxièmement, au niveau de chacun des centres de recherche et des chercheurs, il est bien évident que l'échange d'informations scientifiques se fait par des colloques, des congrès, des publications, etc.

M. Chevrette: II y a eu quelques mémoires. Comment expliquer que des parents nous disent que les sources d'information sont soit à Toronto ou aux États-Unis alors qu'on dit qu'on est à la fine pointe des données et qu'on évite la duplication? Comment se fait-il qu'au Québec des citoyens, des groupes de citoyens ou des associations n'aient pas accès à ces genres d'études, par exemple?

M. Carrière: Je pense qu'il y a beaucoup de vulgarisation. Premièrement, le FRSQ est un organisme public. Il a un rapport annuel et tout. Les investissements qui se font dans un secteur et dans l'autre sont publics et sont disponibles pour tout le monde. C'est distribué largement. Également, si vous partez des organismes de recherche, des organismes comme le nôtre ont publié, par exemple, un numéro spécial de ta revue Forces pour, justement, diffuser dans le public, non seulement ici, mais internationalement, et bien mettre en valeur ce que nos chercheurs font dans chacun des centres, etc. Encore une fois, si vous parlez de diffusion d'information par des organismes comme le nôtre, nous sommes présents dans les médias régulièrement En ce qui concerne nos chercheurs, vous n'avez qu'à penser à certaines émissions à ta radio. En particulier, pour la santé mentale, on a un bonhomme à temps partiel au niveau de la presse écrite et de la presse orale, le Dr Lamontagne, qui est un psychiatre que tout le monde connaît. C'est quelqu'un qui donne de l'information et qui avise le public sur les problèmes de santé mentale. Je pense qu'il y en a de l'information qui est diffusée.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'il me reste une minute?

Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie, Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: II y a seulement une question que j'aurais aimé vous poser. Dans votre mémoire, lorsque vous faites une certaine comparaison entre la recherche biomédicale dans d'autres domaines et celle réalisée en santé mentale, vous parlez d'un critère de rentabilité de cinq à un, c'est-à-dire des autres domaines de ta santé par rapport à la santé mentale. Quelles sont les raisons de ceci? Le critère de rentabilité pourrait-il être modifié? Est-ce qu'on est dans une espèce de cercle vicieux? Vu qu'il se fait peu de recherche, cette rentabilité est-elle moindre? À quoi est due cette différence de rentabilité?

M. Carrière: Je pense que c'est un fait bien connu que des équipes qui ont un bon volume, qui ont une masse critique importante, qui ont une stimulation entre elles, qui ont beaucoup d'échanges au point de vue de la méthodologie, au point de vue des Idées, etc., deviennent très productives, ont une notoriété très bien établie et vont chercher beaucoup plus de subventionnement à l'extérieur que des groupes plus petits, qui s'affirment moins et qui, en plus, s'ils n'ont pas cette masse critique au départ, n'iront pas chercher la grosse subvention, mais les miettes. C'est la raison pour laquelle nous préconisons que, si on veut vraiment démarrer de solides recherches en santé mentale, il faut faire les Investissements voulus; sinon, cela ne sert à rien de faire de l'émiettage parce qu'on va toujours vivoter de cette manière.

Mme Lavoie-Roux: Ce que vous dites, Dr Carrière, c'est que cette différence de niveaux n'est pas due à l'objet de la recherche ou à la nature de la recherche, mais qu'elle est davantage due aux investissements qui, historiquement, ont été consacrés à l'un par rapport à l'autre. Est-il juste de penser cela?

M. Carrière: Nos groupes en santé mentale ne sont pas très gros. Ils ont une bonne qualité, mais Ils ne sont pas très gros. Moins un groupe est gros, moins il va générer des subventions substantielles.

Mme Lavoie-Roux: C'est le cercle vicieux dans le fond, oui. D'accord.

M. le Président, je voudrais remercier le Fonds de la recherche en santé du Québec, son président et son directeur général pour leur mémoire. Je peux vous assurer que, dans l'adoption ou l'élaboration finale d'une politique en santé mentale, l'élément recherche en est certainement un qui sera retenu. Il est difficile, pour moi, de vous dire quelle sera la générosité ou les disponibilités financières du gouvernement, mais c'est un élément qui, depuis bon nombre d'années, est continuellement porté, je pense, à l'attention des gouvernements comme un besoin essentiel et indispensable, si on veut avancer dans ce domaine.

Quand on regarde en rétrospective ce qui a été consacré comme montant de recherche, par exemple, pour le cancer comparativement à ce qui a été consacré - et ce n'est pas juste ce que les gouvernements ont accordé parce qu'il y a aussi des sociétés du cancer, des tas de fonds ou de subventions qu'on peut alter chercher d'autres sources - au domaine de la maladie ou de la santé mentale, il est évident que le deuxième est un parent très pauvre. Pourtant, comme je le disais tout à l'heure, c'est un domaine auquel le gouvernement et les contribuables doivent consacrer des efforts importants quotidiennement, mais sans qu'on ait - et peut-être que j'ai tort de dire cela; tout à l'heure, les psychiatres pourront me dire si j'ai raison ou si j'ai tort - l'Impression qu'on piétine, comparativement à d'autres secteurs de la santé, probablement davantage dans le domaine de la santé mentale que dans d'autres domaines de la santé physique.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Je vous remercie infiniment de votre apport à cette commission. Je vais en profiter parce que la ministre m'a ouvert une porte. Je ne pense pas que ce soit les psychiatres plus que d'autres groupes ou même le FRSQ qui font qu'on est en retard en santé mentale. C'est le manque de volonté politique, non seulement du dernier gouvernement, mais de l'ensemble des gouvernements depuis un bon nombre d'années.

Le Président (M. Bélanger): Alors, au nom de la commission, je remercie le Fonds de la recherche en santé du Québec, c'est-à-dire, le Dr Carrière et M. Poirier, et j'invite le prochain groupe, l'Association des psychiatres du Québec, à se présenter à la table des témoins. Il sera représenté par le Dr Jean-Jacques Bourque, président, le Dr Claude Ménard, trésorier, le Dr Serge Gauthier, secrétaire, le Dr Arthur Pires, conseiller, et le Dr Renée Roy, conseillère.

Alors, bonjour à l'Association des psychiatres du Québec. Je voudrais savoir, premièrement, qui est votre porte-parole, s'il vous plaît, et qu'il nous présente son équipe. Je vais ensuite vous expliquer un peu nos règles de procédure. Vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire et il y a 40 minutes de discussion avec les membres de la commission.

Alors, j'inviterais donc votre porte-parole à s'identifier, à identifier son équipe et ensuite à procéder a l'exposé du mémoire.

Association des psychiatres du Québec

M, Bourque (Jean-Jacques): Je suis le Dr Jean-Jacques Bourque, président de l'association, et je vous présente, à ma gauche, le Dr Arthur Pires, de Québec, à ma droite, te Dr Serge Gauthier, de Montréal, ensuite, le Dr Renée Roy, de Montréal, et le Dr Claude Ménard, de Gatineau.

Alors, l'Association des psychiatres du Québec vous transmet ses commentaires généraux à la suite de la lecture du rapport Harnois Vers un partenariat élargi. Il s'agit dans l'ensemble de commentaires généraux, étant donné que le comité s'est attaché, dans son effort de synthèse, à dégager surtout des éléments et des principes généraux d'une politique de santé mentale. Nous aurions, pour notre part, souhaité que le projet d'une politique de santé mentale du comité Harnois présente de façon un peu plus explicite ses recommandations, en tenant compte d'éléments documentés de la réalité, de la pratique, de la mise en application des soins et traitements des problématiques de la santé mentale.

L'orientation théorique privilégiée par le comité ne permet pas la mise en place d'un véritable plan d'action gouvernemental à l'égard d'une politique en santé mentale.

De plus, nous avons l'Impression que le rapport du comité, en privilégiant comme objet principal les pathologies dites lourdes et chroniques, reproduit l'impasse dans laquelle semblent s'être enfermés plusieurs services et départements cliniques de psychiatrie. À cet égard, et malgré l'ampleur du problème social que représentent les pathologies psychiatriques chroniques, nous avons l'impression que quelque rapport que ce soit privilégiant de façon prioritaire cette seule dimension ne saurait trouver un écho favorable de la part des intervenants nf de la population. En effet, et malgré, encore une fois, l'ampleur de cette problématique, les pathologies psychotiques lourdes et chroniques représentent une portion relativement faible de l'ensemble des problématiques psychiatriques, psychologiques et

de la santé mentale qui demeurent négligées et dans l'ombre.

Le domaine de la santé mentale regorge de difficultés particulières impliquant directement les compétences spécifiques du psychiatre: les enfants à risque (les pathologies précoces de la relation mère-enfant, la prématurité, les placements répétitifs, les enfants maltraités); l'adolescence problématique (la promiscuité sexuelle, l'adolescente enceinte, la polytoxicomanie); la violence conjugale; le nouveau patient chronique; les troubles sévères de la personnalité; les pathologies biologiques chroniques et leurs répercussions sur l'état psychologique du patient et de sa famille; la personne âgée (la démence, les dépressions masquées); le patient détenteur d'un double statut psychiatrique et judiciaire.

Cette énumération est loin d'être exhaustive, elle ne représente qu'un aperçu des problèmes rencontrés dans la pratique courante. (16 h 15)

Par ailleurs, les efforts en prévention et au plan de la recherche, réduits à une tranche en définitive limitée de ta population aux prises avec des problèmes de santé mentale, seront théoriquement souhaités et Invoqués. Mais, sur le plan de la logistique pratique, ils risquent d'être court-circuités et invalidés par la négligence de parties importantes du champ clinique. Nous pensons évidemment à la pédopsychiatrie, à la clinique psychosomatique et à la clinique gérontopsychiatrique considérée dans son sens large. Mais nous pensons aussi à la clinique psychiatrique adulte qui, par la force des choses, néglige une partie Importante de la population affligée de problèmes névrotiques d'adaptation, de difficultés familiales et au plan du travail.

Nous exprimons ces commentaires par le biais du clinicien psychiatre confronté quotidiennement à une multiplicité de problématiques, régulièrement lourdes, mais non nécessairement psychotiques chroniques. Confronté également à une pénurie de ressources et de moyens d'action qui laissent les équipes, les cliniciens et les Intervenants avec des sentiments d'impuissance, de frustration et d'insatisfaction. Nous ne retrouvons, dans le rapport du comité Harnois, aucun élément ni mesure concrète à court ou à moyen terme susceptibles de les encourager ni de leur transmettre un espoir réaliste d'améliorer la qualité de leur pratique.

Il est même frustrant en tant que psychiatre de constater l'absence totale de références à cette spécialité médicale qui a assuré historiquement un rôle de leadership et de pilier pour l'élaboration des plans de traitements et de soins. Cette négligence, dans la mesure où elle méconnaît l'expertise la plus qualifiée à l'égard des problématiques de la santé mentale, s'aggrave au niveau des recommandations par l'absence d'indications à l'égard des rôles de la psychiatrie dans les processus et mécanismes prévus de concertation.

L'évacuation dans te rapport du champ de la pédopsychiatrie nous laisse, dans un premier temps, perplexes. Un deuxième temps de la réflexion nous incite à y voir une confirmation de la négligence importante à l'égard non seulement des cliniciens de cette spécialité, mais surtout à l'égard de la partie de la population qui constitue la plus grande richesse naturelle de notre société.

Tout au long du rapport, la vision aliéniste, en ce qui concerne la psychiatrie, nous semble prédominer, ce qui constitue une perte d'occasion à l'intérieur d'un momentum propice à redéfinir la psychiatrie et à la présenter dans une perspective globale de façon à rassurer les organismes et les intervenants. Le psychiatre est l'expert tout désigné de par sa formation biopsychosociale pour élaborer des programmes de prévention, pour sensibiliser la population, pour former les intervenants oeuvrant dans des ressources clés. Le psychiatre a aussi un rôle essentiel d'aiguilleur, capable d'évaluer la psychopathologie et le traitement de choix à préconiser. Il nous semble que la population fonctionnelle et les intervenants peuvent, à juste titre, se sentir frustrés de ne pouvoir avoir accès à des services de qualité.

Nous félicitons, en terminant, te comité pour son effort de synthèse de l'ensemble des dimensions impliquées. Nous souhaitons qu'une politique gouvernementale en matière de santé mentale tienne compte de ce rapport. Mais nous croyons qu'une véritable politique de santé mentale devra s'enrichir des réflexions des cliniciens et des éléments pratiques de solution. L'expérience des psychiatres ayant mis en place des services de psychiatrie communautaire dans les années soixante-dix doit être considérée de près si l'on veut éviter de rencontrer tes mêmes embûches faute de support et de ressources spécialisées.

Maintenant, M. le Président, si vous me le permettez, je pourrais demander au Dr Pires d'apporter quelques commentaires, en fait, au texte que je viens de vous présenter.

Le Président (M. Joly): Oui, allez; je reconnais le Dr Pires.

M. Pires (Arthur): Merci. Je ferais aussi des félicitations aux membres de la commission puisqu'il s'agit, à mon avis, d'un travail gigantesque très séduisant et impressionnant, et qui a été fait en plus pendant les heures régulières de travail, je crois, des membres de la commission pendant la durée des travaux. Alors, je crois que c'est doublement méritoire.

Si je m'attarde un peu aux points positifs du rapport - ils sont nombreux - je dirais, au départ, que le rapport dégage un humanisme impressionnant. Du début à la fin du rapport, c'est cette notion d'humanisme qui m'a le plus frappé et qui se traduit concrètement à certains niveaux, notamment en ce qui concerne la valorisation de la personne, l'intérêt et l'accent

qui sont mis sur l'individu qui est au centre du processus thérapeutique ou de prévention, l'implication de la famille et de l'entourage du patient, l'esprit de concertation dans un contexte multidisciplinaire, les soins personnalisés, la place également ou, enfin, fa notion d'une décentralisation des choix des actions qui reviennent au plan local et régional; cela est un aspect que je trouve très pertinent puisque les besoins d'un secteur ne sont pas forcément les besoins de l'autre. Il y a aussi la place que le rapport fait à l'information qui, jusqu'à présent, a été assez négligée, la sensibilisation à la prévention, qui est un autre aspect très important, ta recherche, l'intérêt, la sensibilisation à la recherche et à l'enseignement continu, de même qu'une amélioration des communications interdisciplinaires. C'est un autre aspect sur lequel on n'a pas beaucoup évolué jusqu'à présent, malgré des efforts.

Je dirais cependant, concernant ces aspects positifs qui sont le coeur du rapport, c'est-à-dire la personne, le partenariat, la famille, que ce sont des notions qui existent déjà et qui sont déjà mises en pratique et te rapport joue le rôle de les renforcer, ce qui est extrêmement Intéressant Ces notions de l'implication de la famille, de la valorisation de la personne, de soins personnalisés, elles existent déjà. Heureusement, on les pratique et, en tant que psychiatres cliniciens, nous accordons énormément d'importance au rôle des travailleurs sociaux, à l'équipe multidisciplinaire, aux rencontres hebdomadaires de discussions, aux rencontres avec les organismes communautaires d'aide au patient Donc, il y a déjà des soins personnalisés, un contact personnalisé et la personne est déjà extrêmement importante, je dirais, pour ta plupart des soins psychiatriques et en santé mentale.

Passons donc aux points du rapport que je considère moins positifs. Je dirais que je trouve le rapport peut-être un peu trop théorique et peu pragmatique à prime abord. Il exprime une philosophie séduisante et intéressante; on aura l'occasion de revenir sur cela. Je considère aussi que le rapport est trop globalisant, trop uniformisant en ce qui concerne les pathologies, c'est-à-dire qu'il en tient compte, bien sûr, mais II ne tient peut-être pas suffisamment compte des différences entre les grandes pathologies, les pathologies légères et les pathologies, disons, mineures, psychosociales ou à la limite de la normalité. Je crois que le rapport aurait dû, à ce niveau, établir des nuances plus prononcées que celles qui sont inscrites.

Je crois aussi qu'il est un peu trop uniformisant en ce qui concerne les thérapeutes qu'on appelle "intervenants" et qu'on risque éventuellement de dépersonnaliser. C'est un point de vue. Je crois que le rapport ne distingue pas suffisamment les domaines de la prévention et du curatif. Pour un psychiatre clinicien qui a l'oeil aussi sur les aspects de prévention, j'aurais préféré voir dans le rapport une nuance plus marquée à ce plan. Concernant les facteurs biologiques, ils sont un peu escamotés et je crois qu'il y aurait avantage à Inclure cette dimension dans te rapport.

On ne parle pas - et c'est surprenant - du manque d'effectifs et de psychiatres dans certaines régions, ce qui est un problème crucial. Évidemment, j'aurais préféré y voir une définition plus détaillée des services surspéclallsés qu'on pourrait instaurer dans certaines régions, en tout cas, la plupart du temps, un peu partout, comme des unités pour les patients "borderline", des unités pour délinquants, des unités pour toxicomanie et alcoolisme, des unités pour enfants avec des pathologies chroniques à long terme comme les autistiques, des foyers de groupe pour adolescents ayant des troubles de comportement. En fait, ce sont des notions qui sont, de toute façon, dans le rapport, mais qui ne sont pas suffisamment développées pour susciter une mise en action.

J'aurais aussi préféré que le rapport puisse pondérer davantage les notions de médicalisation et d'Institution. Ce sont deux notions qui ont pris, au fil des années, une connotation quelque peu péjorative et je crois qu'il faudrait que la notion de médicalisation soit considérée dans le sens qui est souhaitable telle qu'elle est, donc cela veut dire la purifier de ce qui pourrait être une mauvaise médicalisation, une surmédicalisation, de même que l'Institution qui est nécessaire pour beaucoup de patients et qui pourrait être une bonne institution. Ce sont des notions que j'aurais aimé voir un peu plus pondérées, en tout cas, pour qu'on puisse faire une nuance entre les deux.

J'aurais également préféré y trouver une description - je suis peut-être trop porté vers tes détails - concernant les structures décisionnelles et les ressources thérapeutiques, concernant les différentes lignes des Interventions. J'aurais aimé y voir une définition du rôle du département de santé communautaire dans le cadre d'un territoire donné, de même que des CLSC. Je crois que, si nous allons vers une psychiatrie de la santé mentale globale qui Inclut la prévention et le traitement, qui connaît le problème de ta désinstitutionnalisation aussi, il aurait peut-être fallu définir avec plus de précision le rôle du département de la santé communautaire et des CLSC, de même que tous les mécanismes qui pourraient être en rapport avec certaines unités surspécialisées et certains instruments thérapeutiques que nous n'avons pas suffisamment aujourd'hui. Il aurait fallu mieux déterminer par exemple, ta création d'hôpitaux de jour, de maisons de transition pour jeunes schizophrènes et un réseau d'appartements supervisés. Tout cela y est d'une certaine façon dans le rapport, mais, là encore, il aurait peut-être fallu y mettre un peu plus de précision et que le rapport soit un peu plus pragmatique.

Je pourrais peut-être conclure mon impression du rapport en disant qu'il est un rapport

extrêmement intéressant qui traduit une philosophie humaniste des interventions en santé mentale, ce qui est pour nous un nouveau vocabulaire, je crois. Je considère par contre qu'il est trop théorique, qu'il aurait avantage à être plus pragmatique et qu'il devrait comporter des mécanismes et des échéances, notamment en ce qui concerne les définitions de certains instruments, le DSC, le CLSC, etc., à partir desquels des politiques pourraient être déterminées plus facilement.

Finalement, un commentaire plus théorique, c'est que les mots clés, les notions clés du rapport, c'est-à-dire la notion du partenariat, la notion de la famille, de l'individu au centre de tout le processus devraient être considérés non pas comme des instruments thérapeutiques primordiaux ou principaux, mais comme des attributs, des qualités qui devraient donner la couleur à tous nos actes thérapeutiques et de prévention. Je trouve que c'est l'aspect le plus honorable du rapport.

Je considère aussi qu'une politique en santé mentale doit tenir compte, d'une façon peut-être plus explicite, des différentes catégories de patients et de non-patients, de gens aux prises avec des problèmes de santé mentale avec des compensations à ce niveau-là, puisque les besoins des uns et des autres sont extrêmement différents. Alors, je crois que ce serait préférable de créer des sections, des orientations, des besoins ou des mécanismes différents pour les différents types de pathologies. Je crois aussi que le rapport devrait se pencher davantage sur la notion des effectifs psychiatriques en ce qui concerne les moyens à mettre en place pour créer plus de soins psychiatriques dans les régions où II n'y en a pas. Ce sont les commentaires que J'avais à faire, tout en disant que c'est un peu comme si ce rapport traduisait une philosophie. J'aurais aimé voir un autre chapitre, un autre tome, si vous voulez, avec la mise en application, c'est-à-dire toute la procédure de mise en application à compter de demain matin.

Je suis peut-être trop optimiste, mais Je crois que, pour la psychiatrie au Québec, pour la santé mentale, dans le moment le rapport est très pertinent, il est très Intéressant, mais il faudrait peut-être une partie plus pragmatique qui semble manquer actuellement.

Le Président (M. Joly): Merci. Je vais maintenant reconnaître Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier l'Association des psychiatres du Québec qui participe aux travaux de cette commission sur un projet de politique en santé mentale. Je dois vous dire que je suis un peu perplexe devant vos réactions, d'une part, celle du porte-parole officiel et ensuite celle du Dr Pires. (16 h 30)

D'après la présentation du président de l'association, on a l'impression de certaines frustrations. Par exemple cela n'est pas sans fondement quand vous dites: On n'a pas parié de pédopsychiatrie, on n'a pas parlé du psychia ' tre. C'est exact. Je suis d'accord avec vous.

Je ne sais pas si vous avez véritablement saisi l'esprit du rapport Harnols qui n'était justement pas de définir les tâches spécifiques de chaque intervenant dans le milieu, mais plutôt de travailler dans un esprit de convergence de tous les Intervenants dans le milieu.

Il faut bien se dire que la psychiatrie demeure un point d'appui important dans le domaine de la santé mentale. Je pense que personne ne remet cela en question. Est-ce que cela aurait pu être plus... Il aurait fallu le faire aussi pour le rôle de tous les autres intervenants dans le milieu. Je pense que le rapport Harnois a voulu éviter cela en essayant plutôt, comme je le disais tout à l'heure, de créer une approche d'ensemble, une approche plus globale des problèmes de psychiatrie, de santé mentale, qu'ils soient lourds ou plus légers, qu'ils soient dans le domaine de la prévention ou dans le domaine curatif. C'est peut-être à partir de cela que vous vous dites: On a l'Impression que vous avez mis de côté tout ce qui est la psychiatrie, qui est finalement un élément fondamental dans l'approche curative des problèmes de santé mentale.

De l'autre côté, le Dr Pires, dans la première partie de son exposé nous dit: Écoutez, vous parlez de la famille, vous partez - Je n'ai pas pris de notes, malheureusement - d'humanisme, etc. Ce sont toutes des choses qui existent en psychiatrie. Il n'y a rien de nouveau là.

J'aimerais vous demander pourquoi on a eu l'Impression qu'à un moment vous disiez qu'il n'y a rien de neuf dans le rapport Harnois, que ces choses existent. Si c'était si parfait que cela et si toutes ces choses existaient comme elles doivent exister ou comme on pense qu'elles existent, je pense qu'on n'aurait même pas besoin d'être ici aujourd'hui. Il faut bien se dire cela. Si on est ici aujourd'hui, c'est justement parce qu'il s'est fait des choses intéressantes dans le domaine de la santé mentale, it ne faut pas penser qu'il ne s'est rien fait jusqu'à aujourd'hui. Il reste qu'on semble être arrivés à un carrefour où, si on veut continuer de progresser, il faut essayer d'examiner des avenues qui ne sont pas nécessairement différentes, mais qui sont peut-être mieux articulées les unes avec les autres, c'est-à-dire qu'il faut que les actions des uns soient mieux articulées avec les actions des autres pour mieux servir la personne et que les actions soient toujours en fonction de la personne et non pas en fonction d'intérêts, remarquez bien, bien humains. Vous n'êtes pas tes seuls, à cet égard, qui êtes venus nous reprocher de ne pas avoir parlé de tel type d'intervenant ou de tel autre type d'Intervenant. Je pense que ce n'était pas dans cet esprit que le rapport a

été élaboré et je pense que ce n'est pas dans cet esprit que l'on veut continuer

Je voudrais quand même vous demander ceci: Devant les problèmes auxquels vous faites face, parce que vous aidez des gens quotidiennement, mais il reste que vous savez fort bien que dans le domaine de la santé mentale il y a des problèmes qui demeurent encore sans solution... On peut dire que c'est parce qu'il n'y a pas assez de ressources. Si c'était juste cela, peut-être que, si on ajoutait 1 000 000 000 $, il n'y aurait plus de problème. Mais Je pense que cela va au-delà d'une question de ressources financières, je pense que cela devrait aussi alter dans le sens d'un esprit nouveau ou d'un esprit jusqu'à un certain point renouvelé avec l'exploration d'avenues plus prometteuses du point de vue des résultats.

À tout événement, la question précise que je voudrais vous demander est celle-ci: Quelle est votre perception à vous, parce qu'on ne la perçoit pas dans votre mémoire, des gestes qui devraient être posés si on parle de l'élaboration d'une politique de santé mentale, quels sont pour vous les points clés d'une telle politique qui permettraient justement de franchir ce qui devient des étapes de plus en plus difficiles à franchir? On est passé de l'institutionnalisation à la désinstitutlonnalisatton. Là, on éprouve des difficultés. Un grand nombre de nouvelles problématiques se sont développées ou, à tout le moins, sont devenues plus aiguës dans les dernières années et auxquelles il faut trouver des réponses. J'aimerais savoir ceci: Comment percevez-vous l'avenir dans ce domaine?

M. Bourque: Merci, Mme la ministre. Il est possible que nous ayons mal compris, mais, en fait, remarquez que c'est vrai que nous nous sommes sentis un peu frustrés par rapport au rapport. Une des raisons, évidemment, c'est le fait que nous avions présenté un mémoire au comité Harnois. Il nous semble que, dans ce rapport, nos recommandations, dont plusieurs étaient pratiques et pragmatiques, on ne les retrouve pas. Ce que vous me demandez là aujourd'hui, c'est un peu, évidemment... Nous avions émis, à ce moment-là, des recommandations assez précises comme, par exemple, avoir plus de ressources humaines, matérielles, des soutiens intermédiaires pour les patients. Tout cela, évidemment, est là.

Ce qui nous fatigue et nous irrite un peu, peut-être à tort, c'est le fait que ce qu'on voit dans ce rapport, on le voit vague, on le voit un peu abstrait De belles choses y sont dites, mais, du point de vue pratique, on se demande où cela va aller.

La mise en application, dont parlait le Dr Pires, nous préoccupe beaucoup. En fait, on a un peu peur qu'à partir d'une politique trop vague on puisse aboutir à peu près à toutes sortes de choses qui pourront peut-être ne pas servir en priorité aux malades qui en auraient le plus besoin. Je pense, à cet égard... Disons que je me reporte à il y a quelques années, en fait, lorsqu'il était question de la mise sur pied des CLSC. Évidemment, il y avait aussi un discours qui était vague. Dans la mise en application, on a vu des choses qui ont fait que peut-être ce ne sont pas tout à fait les gens qui en auraient eu le plus besoin qui ont profité du service. Par contre, il s'est fait des choses extrêmement correctes.

Là, on pense qu'il y a un danger que, peut-être, les gens qui en auraient le plus besoin... Lorsqu'on parle de politique en santé mentale, pour nous, il est important de faire la distinction entre les problèmes de santé mentale et la maladie psychiatrique ou la maladie mentale. Évidemment, notre préoccupation majeure, celle pour laquelle nous sommes formés, c'est la maladie psychiatrique. il y a un autre volet, évidemment. Nous sommes préoccupés, pour le bénéfice du patient, du malade, qu'il reçoive des soins améliorés à l'intérieur du système.

Mme Lavoie-Roux: Je vais passer et je reviendrai, M. le Président

Le Président (M. Joly): Merci, Mme la ministre. M. le chef de l'Opposition.

M. Chevrette: Merci. À la lecture du mémoire et après les commentaires du Dr Pires, j'ai quatre types de réaction. Je suis, dans un premier temps, satisfait, dans un deuxième temps, surpris, dans un troisième temps, déçu et, dans un quatrième temps, inquiet. Je vais essayer de m'expliquer. Un psychiatre pourra toujours analyser mes quatre types de réaction!

D'abord, je suis satisfait de ne pas être le seul à constater que le rapport Hamois est loin d'être concret; c'est plutôt une approche très théorique. Je partage passablement votre point de vue sur la perception que vous en avez. Demain matin, on ne sait pas concrètement quels sont les soutiens additionnels, quelles sont les mesures additionnelles, tes programmes additionnels, les budgets additionnels qui seront fournis. Effectivement, le fonctionnement entre les diverses structures, les divers réseaux, on ne le sait pas. Ce sont de beaux voeux. C'est, par exemple, bien écrit

Ma surprise, c'était de lire votre mémoire et, après cela, d'entendre les commentaires du Dr Pires. Il n'y avait rien de bon dans votre mémoire sur le rapport Hamols. Le Dr Pires se fait ensuite très élogieux sur l'approche humaine présentée par le Dr Harnois. Je me demandais si ce n'était pas contradictoire, mais c'était peut-être une façon de se racheter d'un mémoire qu'on a expédié rapidement, de montrer qu'il y avait quand même du bon dedans.

Ma déception, c'est de ne vous entendre nullement parler de quelque chose de précis sur la multidisciplinarité de l'approche, par exemple,

sur le phénomène de désinstitutionnalisation, sur les relations entre individus oeuvrant en santé mentale. Je suis très surpris que vous n'ayez pas décortiqué cela.

Étant les leaders dans le domaine de la psychiatrie, dans le domaine de la santé mentale, étant les personnes les plus hautement qualifiées, je suis surpris de voir que vous n'avez pas abordé cette approche, ces chapitres, pour nous dire ce que vous en pensiez. Est-ce que vous partagez la prudence présentée par le recteur Harnois face à la désinstitutionnalisation? Comment voyez-vous la désinstitutionnalisation, vous, comme psychiatres, l'envoi dans les familles d'accueil de patients que vous revoyez sporadiquement? Comment voyez-vous vos relations avec les psychologues, par exemple? Ont-ils un rôle à jouer en santé mentale? Je suis surpris et je suis un peu déçu de voir que vous ne vous êtes pas prononcé là-dessus. Mais ma déception va amener sans doute une réaction. Je suis également inquiet parce que, si les leaders dans le domaine de la santé mentale regardent ce rapport qui sera fa bible de Mme la ministre, c'est à partir de cela qu'elle va se construire une politique, c'est à partir de cela qu'elle va nous pondre une politique qui, l'espère, sera concrète, non pas seulement 1 000 000 $ ou 2 000 000 $ de plus en santé mentale parce que Sacré-Coeur a même besoin de plus que cela pour fonctionner. Donc, il ne faudra pas arriver avec un suçon de 1 000 000 $ ou 2 000 000 $ pour faire accroire qu'on va donner une politique en santé mentale. Si on veut véritablement manifester une volonté politique, II va falloir y mettre le paquet. Ce sont les quatre réactions que j'ai à la suite de votre mémoire qui est très bref, soit dit en passant, qui critique et qui me laisse sur mon appétit

Vous avez parlé d'effectif. J'avais oui-dire que vous nous glisseriez un nombre additionnel de psychiatres dont on aurait besoin au Québec. J'avais même oui-dire un chiffre de 300. J'ai été ministre de la Santé et des Services sociaux. Vous vous le rappellerez, j'ai toujours été scandalisé - le mot ne sera pas trop fort - du fait que les psychiatres au Québec étaient concentrés à Québec et Montréal et qu'à peine à 30 ou 35 milles de Montréal, on n'était pas capable d'avoir de psychiatres. Cela n'a pas de bon sens et cela n'a pas plus de bon sens de ne pas avoir de spécialistes, par exemple. Ce n'est pas plus vous autres que d'autres. Cela n'a pas plus de bon sens d'avoir des grands chirurgiens dans les grands centres urbains et de ne pas en avoir en régions. Cela m'a toujours scandalisé aussi, mais plus particulièrement vous autres. Ce n'est pas croyable de voir la concentration à Montréal et à Québec. Je vous avoue qu'avec votre volonté de garder votre champ d'application intégral je suis inquiet en maudit, pour les gens de l'Abitibi, de la Côte-Nord, du Bas-Saint-Laurent, de la Gaspésie et même des périphéries des centres urbains, qu'ils n'aient pas de services de psychiatres. J'ai hâte de vous entendre dire que vous seriez d'accord avec une mesure radicale cherchant à permettre des services de qualité à l'ensemble des Québécois qui sont sur un pied d'égalité quand ils paient leurs impôts. Ce sont là mes commentaires et autant de questions.

M. Bourque: Oui, il y en a plusieurs. Peut-être que la plus difficile, en fait, c'est ta dernière que vous avez abordée. Remarquez que c'est un problème qui est bien complexe, je pense. Je suis parfaitement d'accord avec vous que les Québécois doivent recevoir, en fait, les mêmes traitements à travers le Québec. On ne peut pas être contre cela. On endosse cela. Cependant, on sait aussi que dans ta pratique, c'est vrai qu'il y a beaucoup de psychiatres à Montréal. En fait, il en manque encore. Comment expliquer cela?

Évidemment, parfois, on dit que les statistiques n'expliquent pas tout. Qu'est-ce qu'il y aurait à Montréal pour faire en sorte qu'on ait besoin de tant de psychiatres? Je pense que c'est peut-être une chose qu'on peut se demander. C'est vrai qu'il y a deux universités où on en forme. Alors, cela prend un peu plus de psychiatres pour former. Il y a l'Université McGill et l'Université de Montréal d'une part. D'autre part, Montréal est un des grands centres de psychanalyse au monde; il y a un bon nombre de psychanalystes, ils sont 150. On sait par exemple, que les psychanalystes ont, en fait, une pratique plus particulière, une excellente technique, mais qui donne un service à un nombre limité de personnes. (16 h 45)

II y a aussi l'élément féminin. On sait que, en psychiatrie, on a au-delà de 150 femmes; c'est la spécialité où il y a le plus de femmes, et il y a une grande proportion de femmes psychiatres qui pratiquent à Montréal. En général, les femmes psychiatres ont une pratique à temps partiel.

Il est sûr qu'on se pose les mêmes questions que vous. D'autre part, on sait aussi, en fait, il semble qu'il y a une attirance pour les grandes pathologies dans les grands centres. Cela est plus Impersonnel et, finalement, dans deux gros hôpitaux, l'hôpital Douglas et l'hôpital Louis-Hippolyte-Lafontaine, où il y a eu une désinstitutlonnalisation en partie, on a manqué, je pense, de soutien pour les personnes qui sont sorties des hôpitaux psychiatriques, ce qui a fait que ces gens-là ont eu besoin de revenir dans les hôpitaux généraux et on a eu le développement de ce qu'on appelle la porte tournante à l'intérieur des hôpitaux et qui demande évidemment plus d'effectifs psychiatriques pour y faire face. C'est une question importante, il semblerait évidemment qu'une grande portion de la population est concentrée à Montréal; la proportion entre Montréal, Québec et Sherbrooke, je ne sais pas quel est le pourcentage de la

population, mais c'est un grand pourcentage. J'ai vu une étude qui indiquait, par exemple, qu'à l'extérieur de ces trois centres il ne manquerait, en fait, qu'environ 50 psychiatres pour pouvoir régler le problème de la répartition des" psychiatres.

Alors, pour en revenir à votre déception, remarquez que nous avions présenté un mémoire dans lequel on parlait beaucoup de tous ces problèmes, et s'il est court maintenant c'est parce qu'on avait l'impression que, dans le premier mémoire qu'on avait présenté, il n'y avait pas - enfin, on avait cette impression - tellement de recommandations qui avaient été retenues, il est sûr que nous sommes pour la multidlsciplinarité. Nous avons été, en fait, ceux qui avons mis sur pied des programmes multidisciplinaires en psychiatrie. Nous trouvons que c'est une approche importante et qui mérite d'être continuée, malgré les grandes difficultés que cela comporte. Il y a des tensions Interprofessionnelles qui ne sont pas toujours faciles, Malgré cela, je pense qu'il est important que cela se maintienne.

Au sujet de la désinstitutionnalisation, nous croyons, en effet - et je pense que le Dr Pires l'a mentionné - qu'il y a un besoin de pondération, c'est-à-dire que de dire: il faut à tout prix sortir tous les malades des institutions... Je pense qu'il y en a un bon nombre qui en ont besoin. Mais qu'on puisse, par exemple, selon les moyens de notre société, sortir les gens qui pourraient vivre dans la société, ceux qui pourraient le faire, avec un soutien social, et que ces gens-là ne soient pas dans des taudis, qu'ils ne soient pas dans des conditions tout à fait inconfortables et qu'ils puissent avoir les soins requis, nous sommes parfaitement d'accord. Mais nous savons aussi que cela coûte cher. D'après nous, en tout cas, on n'est pas des spécialistes en la matière, mais, avec l'expérience passée, nous avons l'impression que la désinstitutionnalisation coûte cher en ressources humaines, en ressources matérielles et qu'elle doit être faite jusqu'à un certain degré; mais il y aura toujours certains malades qui, à notre avis, auront besoin d'une institution - ou qu'on l'appelle autrement - d'un endroit protégé. Je ne sais pas si j'ai oublié l'une de vos questions.

M. Chevrette: Avez-vous parlé de l'aspect de la multidisciplinarité?

Une voix: Oui.

M. Chevrette: Oui? J'ai été dérangé 30 secondes, c'est pourquoi je n'ai pas...

M. Bourque: Nous croyons que c'est une approche très valable, pour autant que nous respections les particularités de chacun. Je pense que c'est ce qui est important, à l'intérieur de l'équipe multidisciplinaire. L'expérience que nous en avons est que, parfois, cela peut être très difficile, il y a des tensions Interprofessionnelles, Mais, si les rôles de chacun sont bien établis et qu'il y a un respect pour la spécificité de l'autre, je pense que c'est quelque chose qu'il faut absolument continuer.

M. Chevrette: Je vais vous donner un exemple concret. Vous définissez à peu près "relève des problèmes autres" et vous dites que le rapport Harnois n'a pas touché aux enfants à risque, à l'adolescence problématique, à la violence conjugale, etc. Vous en faites une liste. Vous psychiatrisez l'enfant jusqu'au tombeau.

M. Bourque: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Je voudrais savoir concrètement... Prenez un enfant à l'âge de l'adolescence problématique. La mère va voir un omnipraticien et dit à ce dernier: Mon fils présente des symptômes que je ne comprends pas. Elle est démunie. Dans la conjoncture actuelle, dans plusieurs centres hospitaliers, même là où II y a de la psychiatrie, il n'y a pas nécessairement de psychologues. Je vous donne un exemple. Est-ce qu'il est nécessaire qu'un omnipraticien soft obligé, dans la conjoncture actuelle, de le référer à un psychiatre, si le parent n'a pas d'argent? Il y a seulement une clinique privée de psychologues, par exemple, dans une ville comme Joliette. Qu'est-ce qu'on fait avec cela, concrètement? L'omnipraticien n'a pas le choix, il va vous le référer parce que vous êtes payés par les services de santé et les services sociaux, alors qu'il pourrait y avoir une ressource alternative qui pourrait lui être offerte à beaucoup plus brève échéance que dans votre cas où vous êtes si peu nombreux. Je prends mon cas à Joliette où il y a à peine une couple de psychiatres dans toute la région. Concrètement, ce parent est pris avec un enfant qui ne pourra peut-être pas vous rencontrer avant un mois, deux mois, trois mois, mais qui pourrait très bien être servi par une ressource compétente pour ce type de problème qui ne présente pas un diagnostic grave. Qu'est-ce que vous répondez à cela?

M. Bourque: Je pense qu'on ne doit pas tout psychiatriser et on ne doit pas non plus tout "dépsychiatriser". Dans un cas, vous parliez d'adolescents, c'est ma sous-spécialité. Évidemment, il est sûr que, parfois, ce n'est pas facile de savoir si quelqu'un a une maladie ou un problème de développement qui pourrait bénéficier d'un traitement psychologique, par exemple. Dans ma pratique, je vois souvent des adolescents en crise et, d'après le diagnostic, je vais me référer soit à un psychologue ou à une infirmière, ou je vais entreprendre le traitement. Je comprends que c'est un problème. En fait, nous n'avons pas d'objection à ce qu'il y ait d'autres organismes psychosociaux et qu'il y ait d'autres professionnels payés par l'Etat pour s'occuper de problèmes de santé mentale.

Évidemment, nous donnons la priorité à ceux qui ont des maladies. Lorsqu'il y a un point d'Interrogation relativement à une maladie, je pense que t'omnipraticien, le généraliste devrait, si lui aussi a ce point d'Interrogation, se référer au psychiatre.

M. Chevrette: Remarquez bien que, malheureusement, on n'a pas le temps parce que je reprendrais ma question. À court terme, ce dont je parle, c'est l'incapacité, l'impossibilité pour le parent de vous rencontrer, dans bien des cas. Vous savez ce que c'est. Je connais des commissions scolaires qui réfèrent des enseignants parce qu'ils font des dépressions. Ils doivent passer un examen psychiatrique parce qu'après X temps... Pour avoir un rendez-vous avec un psychiatre, cela prend un mois, un mois et demi, deux mois, dans certains cas. Je ne parle pas nécessairement de Montréal, mais de certaines régions du Québec. C'est un problème majeur. Pour les maladies mentales sérieuses, je n'en disconviens pas avec vous, je ne veux pas que le psychologue se mette à jouer au psychiatre, mais moi, je dis que dans certains cas, face à des problèmes plutôt légers mais qui inquiètent des parents, pourquoi l'omnipraticien ne pourrait-Il pas, par exemple, le transférer à des psychologues? Cela voudrait dire, pour le service de santé, de permettre l'embauche de psychologues à qui vous référez d'ailleurs certains cas quand cela ne présente pas...

M. Bourque: Si vous le permettez, en fait, nous avons à la table ici un pédopsychiatre qui vient de Joliette et qui pourrait probablement donner des commentaires supplémentaires là-dessus.

M. Gauthier (Serge): J'ai un petit peu de difficulté à comprendre M. Chevrette, puisque étant pédopsychiatre moi-même à Joliette, j'ai régulièrement des contacts avec des omnipraticiens et des pédiatres de l'endroit de même qu'avec des psychologues scolaires. Je n'ai aucun souvenir d'un parent qui se soit plaint de ne pas avoir pu rencontrer le psychiatre soit à sa demande, soit à ta référence...

M. Chevrette: Je ne parle pas exclusivement pour Joliette.

M. Gauthier (Serge): Non, mais là, c'est parce que vous...

M. Chevrette: Vous savez combien vous êtes à Joliette, je sais combien il y en a, moi aussi, je pourrais vous donner les noms un après l'autre. Ce n'est pas ce que je veux savoir. Je vous dis que, dans tout le Québec, il y a des situations telles que ce sont des mois et des mois. Est-ce que vous niez cela comme organisme?

M. Gauthier (Serge): II y a même des secteurs où il n'y a pas de service, par exemple, en pédopsychiatrie.

M. Chevrette: Du tout; oui, Je comprends.

M. Gauthier (Serge): Même à Laval, II y a une partie à l'est de l'île où il n'y a pas du tout de service depuis deux ou trois ans, il y a d'autres secteurs comme ceux-là, je suis d'accord avec vous. Mais lorsqu'il y a des services, je pense que c'est possible de développer des mécanismes d'articulation avec les différents organismes d'intervention et, à Joliette, je pense que cela se passe relativement bien compte tenu du peu d'effectif qu'on a actuellement sur le plan psychiatrique.

Maintenant, l'autre volet, pourquoi l'omnipraticien ne pourrait-il pas référer à un psychologue ou à une travailleuse sociale? J'en suis, mais il y a une question de diagnostic différentiel et il y a aussi beaucoup de cas qui se présentent avec un symptôme. On ne peut pas présumer de la valeur pronostique de ce symptôme nt de son origine, nécessairement. C'est comme avoir mal à la tête, ce peut être le rhume de cerveau, ce peut être l'hypertension, ce peut être un cancer aussi. Il peut y avoir un enfant qui se présente avec un symptôme de fatigue et il peut avoir un cancer, mais aussi il peut avoir une dépression, il peut avoir autre chose. Donc, les médecins en général, par tradition omnipraticiens ou pédiatres, aiment avoir l'avis d'un collègue qui a une certaine expertise dans le diagnostic différentiel. À partir du moment où le diagnostic est fait, oui on peut référer à d'autres structures ou à d'autres Intervenants comme les psychologues ou d'autres types de thérapeutes.

M. Chevrette: Mais le Dr Harnois...

Le Président (M. Joly): S'il vous plaît, le temps est écoulé depuis déjà une minute. Alors, je ne sais pas... Peut-être en conclusion sur votre question, M. le député.

M. Chevrette: En conclusion, c'est ma dernière. Êtes-vous d'accord avec le Dr Harnois qui propose de former un peu plus les omnipraticiens face à la santé mentale?

M. Bourque: Oui. Quelles que soient les personnes qui ont à intervenir auprès de malades qui ont des troubles psychiatriques, je pense qu'elles devraient avoir une formation. Comme les généralistes sont appelés souvent à agir dans les premiers moments des troubles psychiatriques, je pense qu'à ce moment-là oui je suis d'accord avec cela.

Le Président (M. Joly): Je vais maintenant reconnaître le député de Laurier, s'il vous plaît.

M. Sirros: Merci, M. le Président. Vous avez dit dans votre mémoire et dans votre présentation que le rapport Harnois ne fait pas référence au rôle des psychiatres, etc. Dans un premier temps, j'aimerais que vous parliez un peu du rôle que vous voyez pour le psychiatre dans une gamme de services en santé mentale offerte à la population. J'aimerais que vous pariiez un peu du lien qui peut exister entre les psychiatres oeuvrant en établissements hospitaliers, psychiatriques et les services de première ligne, par exemple, CLSC. etc., et que vous situiez un peu pour nous la place que peut occuper le psychiatre selon vous dans une gamme de services qui est offerte.

M. Bourque: Oui, écoutez, je vais essayer évidemment de répondre assez brièvement, parce que c'est une grande question que vous posez là. Evidemment, nous, on pense qu'on devrait avoir un rôle important d'après notre formation, d'après l'expérience qu'on a et on peut en faire bénéficier le malade comme traitants, comme consultants, comme superviseurs, comme enseignants aussi, et comme coordonnateurs. En fait, je pense qu'en gros c'est là qu'on voit notre rôle.

Maintenant, je pourrais peut-être demander à quelqu'un qui voudrait compléter. (17 heures)

M. Pires: Je crois que, en fait, le rôle du psychiatre s'inscrit dans le cadre d'une équipe multidisciplinaire, à moins que le psychiatre ne travaille seul, comme certains psychanalystes. Je vols le psychiatre qui travaille continuellement avec une équipe multidisciplinalre. Pour votre question, Je pense qu'il y a une nuance. Si c'est un milieu hospitalier, je crois que le psychiatre doit être, en tant que responsable de l'évolution de son patient, celui qui doit assumer la coordination, la prise en charge du patient tout en confiant à d'autres professionnels, psychologues, ergothérapeutes, infirmières ou travailleurs sociaux, des rôles, des interventions spécifiques. Quant au milieu hospitalier, je crois que le psychiatre doit être le responsable; même si ce sont d'autres professionnels qui peuvent jouer le rôle thérapeutique premier à certains moments, la responsabilité revient au psychiatre.

En ce qui concerne les CLSC ou les soins à l'extérieur, je croîs que la situation est plus doue. Dans les CLSC, est-ce qu'il y a un psychiatre, est-ce qu'il y a une entente qui a été prise? Dans tes cas où il y a un psychiatre, je pense qu'il devrait assumer aussi la responsabilité et qu'il devrait avoir, je ne dirais pas un contrôle, mais un suivi, il doit être au courant du suivi de son patient Cela dit, il y a des patients qui peuvent être immédiatement, comme le Dr Gauthier le disait, référés au psychologue et être suivis par lui et, dans certains cas, par te travailleur social. Je crois que c'est la réponse à cette question.

Si vous me permettez, tout à l'heure, il y a différentes questions qui sont venues dans le contexte multidisciptinaire. Je voyais que le côté multidisciplinaire pourrait trouver son assise au niveau du CLSC où on pourrait trouver l'équipe multidisciplinaire la plus complète et la mieux articulée, avec tous les Intervenants du territoire. Je ne sais pas si ma formulation sera en dehors du sujet, mais Mme la ministre a posé la question au début, le chef de l'Opposition aussi et votre député. Je crois que dans la formulation, dans une programmation de sol, à partir du moment où le rapport Harnois a Instauré une philosophie, à partir de ce moment-là, il y aura des mises en pratique, une mise en action dans laquelle le département de santé communautaire, enfin dans mon esprit, et le CLSC devraient jouer un rôle clé. Là, on pourrait trouver un rôle multidisciplinaire extrêmement développé. Ce serait une expérience à développer avec beaucoup de participants, y compris le psychiatre Dans ma formulation, j'avais pensé que le DSC, dans l'esprit d'une décision locale et régionale Inspirée par le rapport, pourrait être une sorte d'organisme à vocation théorique, c'est-à-dire qu'il aurait un rôle de formulation d'objectifs pour un territoire donné, alors que le CLSC aurait un rôle d'exécutant de ces objectifs dans te même territoire. L'un travaillerait de façon théorique et l'autre sur le terrain, de façon plus pratique, dans l'accomplissement de ces objectifs.

Pour le DSC, à partir du moment où on parle du mécanisme de prévention, de formulation d'objectifs, évidemment, de prime abord c'est la prévention primaire qui pourrait revenir au DSC comme objectif. De même que toutes les études épidémiologiques pour un territoire donné pourraient être faites par le DSC, les études à caractère communautaire comme le suicide, les problèmes des Jeunes, la délinquance, la toxicomanie, les femmes violentées, la violence sous toutes formes, les personnes âgées. Le DSC pourrait avoir une sorte de contrôle épidémiologique et théorique, là encore, sur un territoire donné, tout en créant des liens fonctionnels avec d'autres organismes comme le CLSC. l'université, le CRSSS, la recherche et tous les agents de liaison qui peuvent exister dans les différents hôpitaux et les centres d'Intervention de crise. Alors, le CLSC serait un peu le pivot, si vous voulez, de tout ce qui se passe en dehors de l'institution. Au CLSC, on verra la création d'une équipe de santé mentale dans laquelle il serait souhaitable qu'il y ait un psychiatre qui agirait comme clinicien et comme consultant superviseur. Ce qui rejoint un peu le fonctionnement d'une équipe multkjisciplinaire, et le patient dont M. Chevrette parlait, c'est-à-dire le jeune adolescent qui est en crise, pourrait facilement être référé au psychologue de cette équipe de santé mentale.

Donc, cette équipe qui serait multidlsciplinaire, il va de soi, créerait des tiens fondamentaux et privilégiés avec les centres du territoire, les centres hospitaliers régionaux,

centres généraux et psychiatriques, avec les médecins en cabinet privé, avec toutes les ressources de la communauté, tous les services intermédiaires d'entraide et tous les groupes d'entraide. Toute l'information, que ce soit l'information aux professionnels ou l'information au public sur les ressources existantes, devrait émaner du CLSC. Alors j'achève.

De même que ce serait au CLSC où l'on pourrait trouver toute l'aide aux personnes qui ont quitté l'institution et qui souvent vagabondent, qui n'ont pas de structure à l'extérieur, ce qui rejoint un peu, je croîs, votre question de tout à l'heure. Le CLSC pourra jouer un rôle majeur à ce chapitre-là comme au chapitre d'une psychiatrie que je dirais moderne, en ce qui concerne la prise en charge des patients schizophrènes, mais avec leur famille. Comme certains groupes de psychiatres font aujourd'hui, cela veut dire faire de l'enseignement, c'est-à-dire une aide pédagogique et une aide familiale aux patients qui souffrent de schizophrénie et qui pourraient profiter d'une telle approche.

Dans cet esprit, le CLSC pourrait répondre à ces besoins au niveau communautaire. Je ne sais pas si je pourrais dire un mot sur...

Le Président (M, Joly): Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme Lavoie-Roux: Juste un dernier mot, M. le Président Notre temps tire à sa fin. Je voudrais revenir, sans vous poser de questions, strictement avec un commentaire de fa fin. Vous avez dit: Le rapport Harnois est un rapport théorique. J'aurais souhaité y retrouver des appartements supervisés, des ressources de telle ou telle nature, etc. Je regardais de nouveau la page 91. On est tous d'accord, et vous avez dit d'ailleurs que vous étiez d'accord, pour qu'il y ait au plan régional une meilleure distribution de services, etc., dans laquelle on parle d'une gamme de services qui, je pense, recouvre tous les éléments que vous avez soulevés tout à l'heure ou une bonne partie des éléments, Dr Pires, de la nécessité de programmes d'information, d'activités de prévention, des besoins d'Intervention en situation de crise, des fonctions d'accueil, d'orientation, de référence sur une base permanente. Cela m'apparait important qu'il y ait une réponse 24 heures pour tous ceux qui en ont besoin, les besoins d'évaluation et de traitement à court et à long terme qui, selon la nature des pathologies, peuvent être assumés par un professionnel ou dirigés vers un autre professionnel, les fonctions relatives à la réadaptation et à ta réinsertion sociale.

Je ne le lirai pas au complet, mais vous avez peut-être fait une lecture un peu pessimiste. Je n'ai pas à défendre le rapport Harnois, parce que le sujet de la commission est de l'enrichir à partir des principes qui y sont énoncés et sur lesquels vous n'avez pas d'objection, que la personne soit au centre de nos préoccupations, que son milieu proche, que le milieu plus large, communautaire soient un appui, qu'il y ait des actions du côté curatif préventif, qu'il y ait une meilleure approche multidisciplinaire, etc. Ces éléments-là on les retrouve et l'objet de la commission, je le dis encore une fois, c'est d'essayer de trouver une cohérence dans tout ça. Il y a aussi des questions fondamentales et c'est la dernière question que je vais vous poser qui, évidemment, n'a pas été soulevée ici en votre présence, mais qui est soulevée par plusieurs groupes. Je sais que j'amène un débat très large, mais ta psychiatrie veut évoluer dans ce sens-là ou enfin voir les choses différemment plutôt que nécessairement modifier ses points de vue: toute ta question de la psychiatrie alternative. Vous avez mentionné tout à l'heure, en passant, la question du débat sur la surmédicalisation ou la médicalisation, l'Institution, etc., l'approche communautaire. Je vous ai écouté parler en réponse aux questions des députés de Joliette et de Laurier. Vous n'avez pas abordé tous les services en santé mentale sous l'angle, pas nécessairement de ressources alternatives, de l'approche alternative. Comment voyez-vous cela dans une perspective générale de services en santé mentale?

M. Pires: Mme ta ministre.

Le Président (M. Joly): Excusez-moi. Très brièvement, s'il vous plaît.

M. Pires: Oui. Alors, votre question me concerne tous les jours puisque je fais une pratique psychiatrique dans un hôpital général. Je suis souvent aux prises avec les problèmes majeurs du fait qu'il n'y a pas assez de ressources alternatives pour les patients qu'on traite à l'externe la plupart du temps.

Mme Lavoie-Roux: Une approche alternative et non pas de ressources alternatives.

M. Pires: Ah! De ressources alternatives. Oui.

Mme Lavoie-Roux: J'ai parlé de l'approche. Une approche alternative à l'approche traditionnelle psychiatrique, par exemple.

M. Bourque: Pouvez-vous donner un exempte?

Mme Lavoie-Roux: La maison Saint-Jacques.

Mme Roy (Renée): Peut-être que cela dépend toujours des patients dont on parie. On peut situer les choses comme dans une espèce de continuité en pensant à des gens qui sont plus normaux jusqu'aux gens très malades.

Quand on parle de gens très malades, je pense que des ressources comme celle-là, en soi, ce n'est pas suffisant. Les gens qui sont moins

malades, les gens qui s'approchent de plus en plus de la normale et qui ne sont pas malades ou même les gens qui souffrent de maladies qui vont et qui viennent, à ce moment, je pense qu'ils peuvent très bien bénéficier de cela et peuvent se sentir plus confortables avec des approches de ce genre. Je pense que cela va dans le choix de chaque Individu à ce moment

Le Président (M. Joly): Conclusion, s'il vous plaît

M. Chevrette: Je trouve bien dommage qu'on n'ait pas plus de temps. Je m'étais préparé à peu près 40 questions. J'ai pu à peine en passer sept ou huit. Je vous remercie quand même d'avoir participé à notre commission. Je trouve qu'il y a une suggestion passablement Intéressante du Dr Pires en ce qui regarde l'assemblée multidisciplinaire sur un territoire de CLSC que ]e considère comme la structure la plus près des individus et à laquelle on peut développer un sentiment d'appartenance si véritablement on est capable d'informer nos populations et si on leur donne les budgets. Dans la conjoncture actuelle, cependant, je dois vous dire que ce serait utopique de penser confier cela à un CLSC parce que, pour une très grande majorité, ils n'ont que le résultat du cadre de partage entre CSS et CLSC plus 230 000 $ de frais d'administration ou à peu près. C'est évident que ce serait utopique si on ne débourse pas des sommes très importantes, d'abord, pour l'embauche des professionnels qui s'imposent et en particulier pour l'embauche de psychiatres. Il va falloir qu'un jour ou l'autre on en trouve pour alter en régions. Je demeure convaincu que la corporation, peut-être pas votre fédération ou votre association, devra coopérer là-dessus. Cela n'a aucun sens, actuellement, de voir le peu d'équité dans la répartition de certaines spécialités médicales au Québec. Cela n'a pas de bon sens!

D'autre part, je comprends que, tant et aussi longtemps qu'on ne fournira pas les équipements nécessaires, on se promènera toujours dans un cul-de-sac. Le médecin formé à l'université, dans un centre hospitalier universitaire sur de l'équipement sophistiqué, on ne lui demandera pas d'aller pratiquer avec un équipement désuet ou inexistant C'est un cul-de-sac, cette histoire! Si on veut véritablement agir et faire en sorte qu'on ait une Influence certaine, il va falloir qu'on mène de front les équipements spécialisés nécessaires et on pourra serrer la vis dans la répartition.

J'ai toujours cru que, quand on avait des enseignants de trop à Montréal, ils n'enseignaient pas. Théoriquement, on pourrait se ramasser avec 1300 médecins de trop au Québec qui pratiquent tous. Cela est très différent. Le ratio population-médecins, à ce moment, dans les centres urbains par rapport au ratio dans certaines régions, n'a aucune comparabilité. À mon sens, ce sont quand même tous des contribuables au Québec. Je m'en soucie énormément. Je vous remercie infiniment

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais également remercier l'Association des psychiatres pour sa présence ici. Je pense que cela aura permis d'éclairer certaines choses, d'atténuer certaines appréhensions. Ce dont je veux vous assurer, c'est que, lorsque la politique sera adoptée, normalement, elle devra être assortie d'un plan d'action dont, j'espère, le concret vous rassurera quant aux intentions.

Je reste quand même avec une préoccupation et on n'a pas eu le temps d'échanger suffisamment là-dessus pour approfondir. C'est qu'on peut voir le plan d'action uniquement par l'ajout de ressources. On peut ajouter des ressources, que ce soit des ressources en hébergement ou tout autre type de ressources, Intégration au travail, etc., mais je pense aussi qu'il y a un autre questionnement qui, sans doute, a cours, mais dont on n'a pas souvent l'occasion de discuter. Je veux parler des approches différentes, compte tenu de l'ampleur que prend toute la problématique de la santé mentale et de tous les autres épiphénomènes, comme on les appelle, qui vont en s'accroissant, en même temps qu'on peut conserver ce qu'on appelle une approche plus traditionnelle et qui a fait ses preuves à l'égard de certaines pathologies. Est-ce qu'il ne faut pas non plus penser à des approches différentes qui pourraient répondre mieux et plus rapidement à des pathologies moins lourdes? Je ne pense même pas au préventif, Je pense à des pathologies qui en demeurent, mais qui sont plus légères par rapport aux schizophrènes et aux cas de psychose, etc. Je pense que, là-dessus, j'aimerais savoir, un jour, quel cheminement l'Association des psychiatres fait dans ces autres approches qui, à mon point de vue, nous aideraient peut-être à répondre plus rapidement aux problèmes. On peut ajouter des ressources, mais si on ne modifie pas certaines approches - en tout cas, c'est une opinion personnelle - j'ai la conviction que les progrès vont être très lents, même s'il y a des ressources d'ajoutées.

M. Chevrette: II aurait été intéressant, Mme la ministre - c'est à vous que je m'adresse - d'avoir les différents types d'expériences qui se sont conduites dans le milieu, comme à Robert-Giffard, à Louis-Hippolyte-Lafontaine ou à Lanaudière, entre autres. Cela aurait été intéressant de voir, d'autre part, que, dans certains milieux, on a compris qu'il fallait évoluer vers une nouvelle approche; cela aurait pu donner des idées fort intéressantes aux membres de la commission. Malheureusement, on vient, surtout en ce qui concerne les associations... On ne pourra pas bénéficier, comme membres de l'Assemblée nationale, des expériences concrètes menées sur le terrain.

Mme Lavoie-Roux: Je pense que, dans les discussions qui ont cours ou dans tes représentations qui nous sont faites par un bon nombre de groupes, on n'est pas si loin que cela du type d'expériences, en fait, qui sont des expériences de désinstitutionnalisation avec des ressources de transition et alternatives dans la communauté. Alors, je vous remercie. Je ne sais pas s'il a un mot à ajouter.

Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission remercie l'Association des psychiatres du Québec et elle invite, à la table des témoins, M. Hubert Wallot. On suspend pour une minute ou deux.

(Suspension de la séance à 17 h 19)

(Reprise à 17 h 20)

Le Président {M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît!

Je demanderais à chacun de reprendre sa place. À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

J'Invite donc à la table des témoins M. Hubert Wallot M. Wallot, je présume que vous êtes familier avec nos procédures. Vous avez vu comment on procède. Vous avez 20 minutes pour faire la présentation de votre mémoire et fa commission bénéficie de 40 minutes pour discuter ou vous Interroger sur le contenu de votre mémoire. Je vous invite donc à procéder, s'il vous plaît.

Je demanderais à chacun de reprendre sa place, s'il vous plaît, pour qu'on puisse procéder dans l'ordre et écouter M. Wallot.

M. Hubert Wallot

M. Wallot (Hubert): Je vous remercie, M. le Président, de me donner cette occasion d'être entendu par la commission et je voudrais d'ailleurs rendre hommage ici à l'équipe du comité Harnois qui a fait, je pense, un rapport intéressant. On peut en discuter certains aspects, il faut ajouter que le domaine de fa santé mentale est un sujet assez difficile parce que la technologie, bien qu'on ait dit qu'il y a beaucoup de développements, reste quand même relativement sous-développée par rapport à d'autres secteurs et que c'est un domaine dont certains contestent d'ailleurs l'appartenance au domaine de la santé - on veut dire que c'est autre chose que de la santé - et qui comporte aussi des implications en ce qui concerne les valeurs. C'est pourquoi on a tant de débats dans ce domaine.

J'aimerais soulever par mon intervention certains aspects en ce qui touche la santé publique. J'aimerais attirer l'attention des membres de la commission sur le fait que j'ai remis cet après-midi, au secrétariat de la commission, un document révisé auquel je préférerais qu'on se réfère si on veut poser des questions puisque, comme vous le savez, nous n'avons pas eu beaucoup de temps pour réagir à ce mémoire, d'autant plus que, pour toutes sortes de raisons, le document m'est parvenu tardivement de la commission Harnois bien que j'avais contribué à certains aspects comme chercheur.

Je voulais aussi soulever certains éléments qui ne m'apparaissent pas extrêmement compliqués en termes de plan d'action pour certains, d'autres plus compliqués. Je lance des pistes pour, peut-être, que le travail se poursuive.

Le premier point que je voulais soulever est le rôle des médias et la violence. Vous savez que la violence est un fléau de notre monde contemporain. Il n'est pas seulement propre à notre monde, il a existé antérieurement, mais on pourrait s'attendre que notre univers, qui a développé tant de technologies, ait aussi adapté ses comportements à son développement, mais ce n'est pas le cas. J'attire l'attention sur le fait que, particulièrement dans les médias et chez les jeunes, puisqu'on sait que la santé mentale est souvent conditionnée par les jeunes années et les modèles qu'on en tire, on trouve malheureusement trop de violence, à mon avis, accessible aux jeunes par la voie des médias. Il me semble que la violence qui devrait être présentée devrait l'être d'une manière plus appropriée. Il est évident que toute personne a en soi des éléments agressifs et de violence et je pense qu'il est normal d'en présenter, mais il y a peut-être différentes façons de le faire. Vous savez très bien que, tant dans les bandes dessinées que dans les films, on rencontre des situations qui sont parfois, à mon avis, exagérées, que ce soit les bandes dessinées de He-Man ou de Gl Joe. Toutes ces bandes dessinées sont fondées sur un modèle purement agressif et cela n'est pas réintégré dans un contexte plus large comme dans d'autres bandes dessinées. J'en profite aussi pour dire que les annonces de films... Maintenant, on ne présente pas toujours des films aux heures des enfants, mais on présente des annonces où les choses les plus croustillantes et les plus violentes sont présentées dans l'annonce pour attirer les gens. Je pense qu'il y aurait lieu de voir à cela. On a déjà vu des scènes de viol à des heures d'écoute pour enfants, on a déjà vu un haut placé américain se suicider devant la caméra à l'heure du souper. Je pense que cela n'est pas acceptable. On pourrait aussi, par la même occasion, puisqu'il s'agit du rôle des médias, s'interroger sur le rôle des médias pour favoriser la toxicomanie et l'alcoolisme.

Évidemment, comme vous le savez, sur le plan de la recherche, il y a peu de choses de faites. Il y a quand même des références qui indiquent qu'il y a certainement certains effets des médias, mais est-ce que c'est sur toutes les populations? Ce n'est pas évident. Je pense que le fait de ne pas être certain que la violence dans les médias affecte tout le monde ne veut

pas dire qu'on ne doive pas agir en conséquence. Cela m'apparait évident.

Le deuxième point que je voulais soulever concerne la santé mentale des hommes. Comme dans le domaine de la santé en général, on a tendance à Imaginer que les hommes sont sans problème, mais quand on regarde les chiffres, non seulement les hommes vivent moins longtemps, mais, en matière de santé mentale, les hommes sont les champions dans la plupart des grandes pathologies. Cela commence très tôt. Cela commence depuis les troubles à l'âge de la maternelle, de l'école primaire, des troubles de dyslexie, troubles de langage, troubles de comportement Si vous allez dans les écoles, dans les garderies, vous allez voir qui posent des problèmes de comportement, ce sont les petits garçons et, plus tard, ce sont eux qui posent des problèmes de violence, des problèmes de perversion, et le suicide est beaucoup important chez les hommes. Il semble, en tout cas, que certaines pathologies sévères, telles que la schizophrénie, soient plus présentes; en tout cas, sa sévérité semble plus grande. Je fais référence à l'annexe 1, qui donne toutes les statistiques relativement aux différentes pathologies qu'on trouve en psychiatrie, avec des références québécoises et surtout américaines. Évidemment, on n'a pas encore les résultats de l'enquête Santé Québec, qui pourrait certainement aider. Je crois qu'on doit retenir qu'il y a certainement un problème sur ce plan-là.

SI on regarde la clientèle des hôpitaux psychiatriques, elle est surtout masculine. Je pense qu'il y aurait peut-être lieu de se pencher sur la possibilité de créer - parce que les problèmes de santé mentale sont un aspect, mais les hommes ont aussi beaucoup d'autres problèmes de santé - un comité ou un conseil de la condition des hommes. Les hommes n'ont pas de problèmes de statut, les femmes en ont un, mais pas les hommes; du moins, s'ils ont un problème de statut, il est différent Je pense toutefois que ce serait l'occasion de s'interroger sur l'aspect de la santé des hommes. Cela m'apparaît un point négligé actuellement. Il y a peut-être des lignes de conduite plus précises, mais je laisserais le soin à la commission de regarder le document et les références pour aller plus loin. J'aimerais d'ailleurs mentionner qu'il y a souvent des liens assez étroits entre les problèmes des uns et des autres. Les problèmes des hommes sont souvent les causes des problèmes des femmes; si les hommes étaient moins violents, il y aurait moins de problèmes de violence perçus chez les femmes.

Si la santé publique, c'est d'agir sur les causes, il faut peut-être essayer de les prévenir le mieux possible. Cela rejoint aussi ce que je disais au paragraphe précédent concernant la violence et les médias.

M. Chevrette: Vous seriez populaire au Québec vous, monsieur.

M. Wallot: Ma, hat

M. Chevrette: II y a 52 % de femmes.

M. Wallot: Le troisième point, c'est l'information de la santé et le citoyen. Je sais très bien que je pose ici une question qui est très embarrassante pour tout le monde et Je comprends, par ailleurs, les Intentions généreuses de la commission Harnois. Mais, comme clinicien - pour ceux qui ne le savent pas, je suis psychiatre et spécialiste en santé communautaire - j'ai eu à passer des dossiers à d'autres professionnels et à avoir d'autres dossiers. Il se pose tout un problème de confidentialité des informations qui est quadruplé ou "exponentialisé" par les nouvelles technologies modernes d'enregistrement et de transfert de l'Information. En même temps, on parle d'équipes impliquées dans le soin personnalisé d'un patient, on parle éventuellement de plusieurs ressources impliquées. Je ne dis pas qu'il y a une contradiction fondamentale, mais II faudrait, quelque part, soulever le problème de l'Information et voir quelles seraient les balises qui pourraient nous servir à le gérer. Ce n'est pas un problème typique à la santé mentale, mais il est, à mon avis, plus important à ce niveau-là parce qu'on a souvent des Informations très Intimes sur les personnes. Aussi, on a des informations familiales. On doit parfois transiger avec des families, avec des rôles d'un ou l'autre et on ne peut pas ne pas poser cette question-là. Je n'ai pas de solution à proposer, mais je dis que ne pas poser le problème, c'est éviter une question Importante que nous pose de plus en plus la facilité de la technologie et de la transmission de l'Information.

L'avant-dernier point, parce que J'en ai un qui n'est pas dans mon mémoire et dont je vais vous parler tout à l'heure, c'est la question de la sexualité. Je n'innove pas en soulevant cette question, mais je pense qu'une politique de santé mentale doit s'en préoccuper. L'éducation sexuelle ne doit pas être orientée uniquement vers des questions biologiques, mais doit aussi permettre de parler de la sexualité, de choses comme la contraception et de parler aussi de ce qu'est avoir des enfants. On sait qu'en psychiatrie on traite des gens qui n'ont pas été heureux comme enfants ou qui sont mal pris avec un enfant qu'ils n'auraient pas voulu tel qu'il est et tout cela. Peut-être qu'à ce niveau-là - et cela rejoint le rapport Harnois - il faut qu'il y ait une interaction avec d'autres intervenants dans l'ensemble des systèmes qui Interviennent comme en éducation. Je pense qu'il y aurait lieu de faire un effort au plan de l'éducation sexuelle. Je pense qu'on préviendrait beaucoup de choses, ne serait-ce qu'en permettant d'en parler. Ce n'est pas un thème original.

Le dernier point que j'aimerais soulever, mais qui n'est pas dans mon mémoire, c'est le rôle de la santé mentale au travail et le rôle du

travail dans la santé mentale. Aujourd'hui, la famille est beaucoup moins nombreuse, importante et accaparante à la maison et les communautés... Le milieu social des gens est souvent le travail. Vous Imaginez donc que quelqu'un qui est en chômage se retrouve à plus ou moins brève échéance avec des problèmes de dépression ou des difficultés d'adaptation qui ne mènent pas nécessairement à des problèmes psychiatriques; toute détresse n'est pas maladie. La façon de porter une détresse peut être la façon de vivre en santé. Mais, tout de même, ce sont des facteurs de risque Importants pour la santé mentale. Une fois qu'un réseau social est désintégré, il est très difficile d'en reconstituer un. (17 h 30)

Par ailleurs, au travail, on retrouve aussi des problèmes de santé mentale. Là comme dans les autres points, je n'ai pas de données très scientifiques pour étoffer mon point de vue. C'est plus un point de vue de clinicien. Aujourd'hui, les gens ne travaillent plus nécessairement pour gagner la vie. Souvent, un conjoint la gagne avec eux, ou les politiques sociales soutiennent en partie les enfants ou encore les gens n'ont pas d'enfant. Par contre, travailler pour apporter du pain à la maison ou travailler pour gagner son ciel, ce n'est plus tellement à la mode. Beaucoup de gens comptent sur le travail pour s'épanouir comme personne, il se trouve que les milieux de travail ne sont pas toujours orientés dans ce sens. La CSN, d'ailleurs, avait soulevé, il y a quelques années, le problème du "burnout" dans certains milieux de travail et je pense qu'elle voulait même qu'on en fasse une maladie. Moi, sur le plan de la pratique, je fais la distinction entre récoeurite" au travail et le "burnout". Le "burnout* n'est peut-être pas une dépression légère, ce n'est pas la même chose qu'une dépression, mais c'est une condition difficile. Il reste que tout cela, à plus ou moins long terme, ce sont des menaces à la santé mentale et cela peut affecter le fonctionnement d'une personne à plus long terme. Vivre certaines insatisfactions, certaines frustrations, cela va affecter le milieu familial qui va vivre des résonances de cela un peu plus loin.

Comme dans la politique de santé mentale il y avait peu de chose sur ce plan, l'idée de mon intervention était d'abord de forcer la commission... Enfin, je soupçonnais que beaucoup de gens viendraient ici parler de l'organisation des services, ce qui est une chose très importante. Malheureusement, trop souvent, on se centre là-dessus. Je voulais simplement attirer l'attention de la commission sur d'autres aspects. Je m'arrêterai là-dessus. Je suis disposé à répondre aux questions. Je sais que vous avez beaucoup de travaux et je ne voudrais pas accaparer votre temps plus longtemps. Je vous remercie de m'avoir écouté.

Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie, monsieur. Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais vous remercier, M. Wallot. Je ne sais pas si vous êtes venu de Chlcoutimi pour nous rencontrer. Je pense que vous apportez un témoignage qui, comme vous le dites, est peut-être moins centré sur les structures que sur certaines problématiques particulières reliées à la santé mentale dont la violence, la santé mentale chez les hommes et l'Information de santé du citoyen.

Je voudrais vous remercier de porter à notre attention toute la question de la façon dont l'information est recueillie, codée et transmissible - pour utiliser vos termes - grâce aux technologies modernes ainsi que le danger de bris de confidentialité dans le domaine de la maladie mentale. On sait combien - c'est peut-être davantage chez nos voisins du Sud qu'ici - il faut s'assurer... Je ne sais pas dans quelle mesure, avec toutes nos règles d'accès à l'information, etc., comment on peut véritablement protéger ces données pour ne pas qu'elles soient éventuellement utilisées au détriment des personnes. C'est peut-être un point très particulier, mais il faudrait y accorder un peu plus de réflexion. En tout cas, je vous remercie de nous l'avoir signalé.

En ce qui a trait à la santé mentale des hommes, évidemment, vous avez tout à fait raison de dire qu'il y a plus de garçons que de filles qui viennent au monde, pour commencer, et, pourtant, on finit...

Une voix:...

Mme Lavoie-Roux: Ah oui! Pourtant, pas longtemps après, on finit avec plus de filles que d'hommes.

Une voix: On leur donne moins de misère!

Mme Vermette: Vous ne supportez pas les épreuves!

Mme Lavoie-Roux: Les garçons sont plus fragiles à la naissance que les filles. Enfin, il y a tout un tas de données de cette nature auxquelles vous faites référence dans votre tableau de la fin.

Le Président (M. Bélanger): êtes-vous en train de nous dire qu'on a l'air fort, mais qu'on n'est pas fort?

Mme Lavoie-Roux: Exactement! Ha, ha, ha! Le Président (M. Bélanger): Ha, ha, ha!

Mme Lavoie-Roux: Plus sérieusement, je pense qu'une tentation un peu... Elle n'est peut-être pas facile, elle est peut-être normale jusqu'à un certain point compte tenu de l'accent qui a été mis sur la condition féminine dans les

dernières années, par exemple sur la surutilisation par les femmes des médicaments, de la chirurgie, etc., alors que, parce que l'homme est censé projeter l'image d'une personne forte, peut-être qu'on devrait également.. Je regardais vos chiffres, que j'ignorais, sur les statistiques en Institution des uns et des autres et j'aurais cru, compte tenue de la longévité des femmes, qu'il y aurait plus de femmes que d'hommes en institutions psychiatriques, mais c'est l'inverse.

M. Wallot: C'est une indication que les problèmes sont graves chez les hommes. Est-ce qu'ils sont moins autonomes que les femmes parce qu'ils sont gravement malades? Il faut dire aussi que, du fait que leur longévité est plus courte, cela affecte aussi... On parle de la prédominance des problèmes de la dépression chez la femme. Effectivement, la solitude est une source de dépression importante. Je crois que, malgré tout, cela doit affecter certainement la femme âgée.

Mme Lavoie-Roux: Oui. Je pense que vous avez raison aussi. Vous ne donnez peut-être pas les statistiques mais, du côté du suicide, en tout cas, chez tes adolescents, il semble qu'il y en ait beaucoup plus chez les garçons que chez les filles.

M. Wallot: II y a des hypothèses... si vous me permettez?

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Wallot: ...des hypothèses dans les écrits qui relient cela à ce qu'on appelle l'identité de genre ou de rôle et en quelque sorte le rôle masculin proposé impliquerait un certain degré de violence et aussi le besoin d'affirmer l'identité. Éventuellement aussi - cela est une hypothèse soulevée par certains - on a l'Impression que certains aspects ou certaines maladies mentales des hommes comme les perversions ou d'autres problèmes sont reliés, peut-être, à une certaine absence de la figure paternelle en très bas âge. Je réfère là-dessus aux travaux de Stoller entre autres. Évidemment, il y a beaucoup d'hypothèses là-dessus. Tout à l'heure, on a entendu le groupe du FRSQ parier de la recherche en santé mentale. Moi, tout ce que je peux vous dire, c'est qu'il y en a beaucoup à faire. Il faut peut-être aller dans des choses fondamentales et s'attendre à des résultats dans dix ans.

Mme Lavoie-Roux: L'autre point que vous soulevez, c'est la question des médias et de la propagande, si on peut dire, de la violence. Évidemment, c'est une question qui, je pense, Inquiète certainement beaucoup de parents, qui inquiète beaucoup d'aduttes. Cela a été discuté largement, en tout cas, d'une façon sociale. Comment peut-on contrer cela? Est-ce que c'est par des règles plus sévères? Là, c'est toute la question de censure, ainsi de suite. C'est un problème réel. C'est un problème qui - c'est ma conviction personnelle - a une Influence sur... ou peut avoir une influence sur l'augmentation de la violence et dont on commence à mesurer les effets sur les jeunes qui ont été exposés à ceci depuis l'âge de deux ans et demi, parce que la télévision sert de "baby sitter" dans la maison, avec tout ce que cela peut comporter de violence. Comment corriger ou contrer cela? Est-ce qu'il faudrait une volonté collective? Est-ce que cela fait maintenant partie de la vie de la fin du XXe siècle, que les enfants vont peut-être faire d'autres types d'adaptation à ces images de violence que peut-être pas vous, mais que, moi, je n'ai pas connue dans ma jeunesse? Je ne sais pas. Quel est votre point de vue là-dessus?

M, Wallot: Bien, écoutez, d'abord, évidemment, si j'étais dans un pays constamment en guerre, |e trouverais peut-être que ce sont de bons modèles à développer. Tout est question aussi de culture. J'ai par ailleurs moi-même des réticences à tout ce qui peut être censure. Par contre, lorsqu'il s'agit des jeunes, je pense qu'il devrait y avoir, au moins quant aux heures, un contrôle plus serré. Évidemment, c'est encore de juridiction fédérale. Je suis sûr que les ministres de la santé au Canada doivent être sensibilisés à ce problème de la violence. Je suis sûr qu'ils pourraient faire une démarche conjointe auprès du CRTC pour qu'il y ait des normes plus strictes. Je ne connais pas tous les détails constitutionnels et éventuellement l'Impact du libre-échange ou de la souveraineté culturelle sur le contenu des émissions pour enfants. Mais II me semble qu'il devrait y avoir un effort, dans ce sens-là et que cela devrait être un point spécifique. Je crois beaucoup plus à cela qu'à une campagne... Je n'ai rien contre une campagne de sensibilisation sur la maladie mentale, mais, et cela coûterait moins cher... Quant à mettre des restrictions aux médias, qu'on parle à fond de ces choses.

Mme Lavoie-Roux: D'accord. Une dernière question que Je voudrais vous poser. Comme vous venez d'une région.,. Tout le monde vient d'une région, mais vous ne venez pas d'une région centrale comme Montréal, je n'ose pas dire éloignée, quand même...

M. Waliot: Comme natif de Chicoutiml, je peux le dire.

Mme Lavoie-Roux: Le Saguenay-Lac-Saint-Jean, ce n'est pas rien. Il n'y a rien de péjoratif à venir d'une région éloignée non plus, d'une région périphérique, disons. Quelle est votre évaluation... Est-ce que vous n'enseignez pas à Québec?

M. Wallot: Non, je fais un séminaire au niveau des résidents en psychiatrie à l'hôpital

Robert-Giffard.

Mme Lavoie-Roux: Bon. L'organisation des services, par exemple, dans une région comme Chicoutimi, le Saguenay-Lac-Saint-Jean, par rapport à une région plus universitaire - quoique c'est universitaire, maintenant, Chicoutimi. comme Québec?

M. Wallot: Au niveau médical? Ce que je peux vous dire là-dessus, Mme ta ministre, d'abord, c'est que j'ai contribué au mémoire qui sera présenté par le CRSSS de la région 02. Mes remarques seront les suivantes. Le problème d'organisation des services, on le remet aux régions. C'est ainsi que je comprends le rapport On ne se commet pas à ce niveau. Peut-être que c'est sage parce que ce qu'on a reproché aux anciens rapports, souvent, c'était d'avoir des formules trop rigides. Est-ce que la commission Rochon va recommander que les CRSSS aient les pouvoirs d'agir dans ce sens, d'une part? D'autre part, est-ce qu'ils auront les ressources?

La question des ressources est une question assez large. C'est ma remarque. Quel genre de services veut-on avoir? Si on régionalise la responsabilité et qu'on ne régionalise pas les ressources financières et humaines, au fond, on camoufle un problème. Aussi bien le dire, ce sera difficile, il faudra prévoir un calendrier. On l'a mentionné, les ressources sont centralisées dans les grandes villes. C'est ma réaction, si vous vouiez, en bref, parce que je ne veux pas commenter tout le rapport. Comme je vous le dis, je soutiens dans l'ensemble de ses grandes lignes le rapport qui sera présenté. Je veux éviter à la commission...

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Joliene.

M. Chevrette: M. le Président, je trouve fort intéressante l'approche que vous présentez. Dans le fond, je la trouve très simple.

M. Wallot: Pardon?

M. Chevrette: Je la trouve très très simple. En psychologie, on nous disait: II y a deux choses contre lesquelles on ne peut à peu près rien, c'est l'hérédité et le milieu. C'est partir d'une base relativement simple pour démontrer que, si on place quelqu'un dans une ambiance, il risque de devenir exactement conforme à ce qu'il vit. Ils ont fait des expériences non seulement au Québec, mais au Canada et aux États-Unis, démontrant que, si tu places un type avec une éducation des plus sophistiquées, des plus raffinées, appelons cela comme on voudra, dans un certain délai l'environnement fait que les schèmes de pensées sont modifiés. C'est évident. Je trouve intéressant que vous présentiez quatre volets très simples qui démontrent que. tant et aussi longtemps que ce sera ainsi, on aura de la difficulté à changer... On aura beau mettre des structures sur pied, si on ne change pas le milieu, si on lui projette continuellement des images, il ne peut faire autrement que de les assimiler, surtout en bas âge. Vous avez raison. Je pense entre autres à des films où l'on voit la violence faite aux femmes, par exemple. Il n'y a pas une journée où quelqu'un ne voit pas un homme battre une femme à la télévision, non pas à 22 heures ou 23 heures, mais à 16 heures. Même dans les "cartoons", ce qu'on appelle les bandes dessinées, on voit de la violence faite aux femmes. On ne pourra pas être surpris de voir que cela augmente de plus en plus et qu'il y a de plus en plus d'Irrespect de ce côté-là. Je trouve cela fort Intéressant le message que vous nous passez, qui est simple, mais auquel on ne s'arrête pas bien souvent. Je trouve votre remarque aussi extrêmement Intéressante en ce qui regarde les médias en général. Effectivement, indépendamment du régime constitutionnel, il y a une démarche à faire pour serrer la vis. L'autorité est quand même assez forte au CRTC pour pouvoir réglementer les émissions et poser les réserves qui s'imposent pour dire, par exemple: Avant telle heure en soirée, il ne peut être question de films avec violence. Par contre, quand on voit un bulletin de nouvelles - et c'est perpétuel, que voulez-vous qu'on y fasse? En plus de cela, avec la câblodistribution on peut capter des films en direct des États-Unis où on voit assassiner un homme d'État. Cela va devenir extrêmement difficile. Je comprends qu'il y a un message important, un message clair. Mais il n'y a pas facilement de solution à cela, si ce n'est de préparer les éducateurs, préparer les parents, préparer les intervenants à un peu Immuniser les enfants dès le bas âge, sinon on ne réussira pas grand-chose. Je trouve que c'est un apport Intéressant que vous nous donnez. Je voudrais vous remercier. Je n'ai pas de question. Votre texte est d'une clarté, d'une limpidité. Cela m'a rappelé les beaux Jours de mes études en psychopédagogie.

Le Président (M. Bélanger): Y a-t-il d'autres questions, d'autres commentaires? Alors, en termes de conclusion.

M. Chevrette: En conclusion, je lui dis merci. Il a l'air d'un vrai bon prof.

Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie beaucoup, M. Wallot.

M. Wallot: Je vous remercie de m'avoir entendu.

Le Président (M. Bélanger): La commission

vous remercie beaucoup et elle suspend ses travaux jusqu'à 20 heures dans la même salle.

(Suspension de la séance à 17 h 46)

(Reprise à 20 h 10)

Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaîl! Je demanderais à chacun des participants de bien vouloir prendre son siège. La commission va reprendre ses travaux.

La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à l'étude du projet de politique de santé mentale pour le Québec tel qu'énoncé dans le rapport du comité présidé par le Dr Gaston Harnois et rendu public le 30 septembre 1987.

Comme prochain organisme, nous Invitons à la table des témoins te Comité des bénéficiaires de l'hôpital Louis-Hippolyte-Lafontaine, représenté par M. Martin Hurtubise, président, par M. Lucien Landry, secrétaire, par M. Benoît Boyer, personne-ressource et par M. Daniel Saint-Onge, personne ressource. Est-ce qu'on pourrait savoir qui est votre porte-parole? Le porte-parole de votre groupe est..

Une voix: M. le Président, je veux seulement vous Informer qu'on a préparé tout un scénario. On pourra vous informer au fur et à mesure.

Le Président (M. Bélanger): II n'y a pas de problème. Vous connaissez nos règles de procédure. Vous avez 20 minutes pour faire la présentation de votre mémoire et la commission bénéficie de 40 minutes pour interagir et discuter avec vous de votre mémoire. Je vous prie donc de procéder Immédiatement à la lecture de votre mémoire. S'il vous plaît, chaque fois que l'un de vous doit intervenir, je lui demanderais de se nommer pour les fins du Journal des débats afin que ceux qui font la transcription puissent avoir les noms parce qu'avec les voix ils ne peuvent pas s'y retrouver.

Comité des bénéficiaires de l'hôpital Louis-Hippolyte-Lafontaine

M. Hurtubise (Martin): Bonsoir! Mon nom est Martin Hurtubise, président du comité des bénéficiaires. Il me fait plaisir en ma qualité de représentant du comité des bénéficiaires, le plus gros au Canada, de vous remercier de nous accueillir ici ce soir dans cette enceinte, à l'Assemblée nationale. Il me fait plaisir aussi de remercier Mme la ministre ici présente et les membres de la commission, y compris le Dr Harnois. Je tiens à vous souligner que sont présents à mes côtés M. Lucien Landry, secrétaire-trésorier du comité des bénéficiaires; M. Daniel Saint-Onge, personne-ressource, étudiant à l'Université de Montréal, qui a bien voulu nous apporter son aide pour le mémoire. Aussi, à ma droite, M. Benoît-Marc Boyer, étudiant en droit de l'Université de Montréal, qui a bien voulu se joindre à notre équipe pour nous permettre de réaliser ce que nous avons à vous présenter aujourd'hui.

D'autre part, je dois aussi vous dire que, malheureusement, il y a deux absences, ma vice-présidente qui n'a pu être ici ce soir pour deux raisons. La première, c'est que, considérant qu'elle a ce qu'on appelle de multiples handicaps, premièrement, psychiatrique et, deuxièmement, physique, pour elle, le soir, c'est très difficile. Vous conviendrez avec mol que, quand on a cette pathologie en psychiatrie, Dieu sait qu'être devant vous le soir, par rapport aux déplacements et aux inconvénients que cela présente, je dois vous avouer que, pour elle, c'était trop lourd d'être présente Ici; je vous demande de l'en excuser. La deuxième, c'est M. Claude Panet, qui est conseiller auprès du comité des bénéficiaires. C'est aussi un bénéficiaire à long terme. Il n'a pu être ici ce soir. Ce n'est pas parce qu'on n'a pas voulu, mais parce qu'il y a des règles qui font qu'on n'a pas cette facilité. Je profite de l'occasion pour vous dire, M. le Président, membres de cette commission: S'il vous plaît, si jamais l'occasion se présente, je vous Invite tous à venir voir la situation à Louis-H. et, surtout, à venir voir le comité des bénéficiaires.

Ceci dit, membres de la commission, il me fait plaisir de constater que le comité des bénéficiaires, par sa composante, en vertu des articles 118.1 à 118.5 de la Loi sur la santé et les services sociaux... Vous dire la composante d'un comité de bénéficiaires, ce n'est pas facile. De la façon dont le législateur l'a faite, ce n'est pas facile, surtout pour ce qu'on appelle la clientèle en psychiatrie. Malheureusement, quand on a légiféré là-dessus, on a surtout pensé à ce qu'on appelle les hôpitaux généraux et certains ont pensé peut-être un peu, pour ne pas dire légèrement, à la psychiatrie. Je dois vous dire que les bénéficiaires, dans des hôpitaux psychiatriques, ce qu'on appelait avant, ne nous le cachons pas les fameux asiles, cette clientèle a été durement étiquetée. Ceci dit, j'aimerais qu'à un moment donné, vous, votre commission, dans le suivi qui sera donné par cette commission, j'espère qu'on repensera la loi sur les services sociaux en ce qui concerne les comités de bénéficiaires. Maintenant, je vais laisser la parole à mon collègue.

M. Landry (Lucien): Avant d'entreprendre le début de notre exposé, je voudrais attirer l'attention de cette commission et vous faire part de deux choses: la première, c'est que nous voulons vous remettre officiellement ce soir une note de correction à notre mémoire. Je voudrais officiellement l'inclure à des fins d'Information, M. le Président, si vous le permettez. Je voudrais aussi profiter de l'occasion, pour remercier Mme

Lamontagne qui a bien voulu nous faciliter la tâche, nous préparer, et qui a reçu cette invitation. Je tiens à le souligner parce que c'est une personne qui travaille dans l'ombre et que, souvent, on n'a pas la chance de remercier. Je tiens à le dire.

Les corrections à apporter au mémoire, c'est dans le résumé, à la page 1. à la note paginate sur la loi de la santé et des services sociaux, et, deuxièmement, sur les R-3 et R-4 du rapport Dans le mémoire, à la page 14, on y indiquait 17,9 % du budget de 1981 représentant 680 000 $, mais C'est 680 000 000 $, M. le Président, qu'on doit dire. Alors, ce sont les corrections qu'on voulait apporter à notre mémoire et nous n'avons pu le faire avant que cette commission puisse siéger.

Maintenant, on va vous présenter le résumé de notre mémoire pour que nous puissions plus facilement par la suite échanger avec les membres de cette commission. Les comités de bénéficiaires reconnus par le législateur ne sont mentionnés nulle part dans le projet de politique de santé mentale pour le Québec Pour un partenariat élargi. Or, pour qu'un réel partenariat s'établisse, il nous semble primordial d'assurer les bases de tels organismes déjà reconnus par la loi. De façon réaliste, il nous semble donc primordial d'abord de donner des moyens aux comités de bénéficiaires, quant à la participation et à la prise de décision affectant directement le bénéficiaire et ' quant à leur pouvoir d'enquêter sur les plaintes reçues pour confirmer leur rôle législatif et leur vocation de partenaires privilégiés dans l'Institution. La nature même du comité de bénéficiaires en fait un groupe de promotion et de défense des droits, ainsi qu'un groupe d'entraide. Nous suggérons donc que le comité de bénéficiaires soit le porte-parole officiel des gens Institutionnalisés à l'intérieur d'un établissement hospitalier.

Comme aucun support financier n'est proposé dans le rapport, nous suggérons... Nous avons apporté à ce stade-ci quelques suggestions. Il va sans dire que, depuis la rédaction de ce rapport, des initiatives ont été prises par le biais du comité des bénéficiaires en collaboration avec certains organismes. Lors de l'échange, on pourra donner quelques exemples concrets. Mais il va sans dire qu'actuellement, il n'y a aucun projet concret de financement du comité, d'une part, de la part des législateurs, et, d'autre part, ce qu'on appelle, nous, d'une façon très claire ce qui est prévu par la Loi sur les services de santé et les services sociaux, c'est-à-dire les normes de financement de ce comité-là. Moi, je peux vous dire avec conviction qu'il n'y a aucune norme de financement du comité de bénéficiaires à l'intérieur' du conseil d'administration de l'établissement.

Nous suggérons qu'un pourcentage statutaire, par exemple, 0,1 % des budgets des centres hospitaliers soit réservé aux comités de bénéficiaires, que l'Office des personnes handicapées du Québec subventionne directement les comités de bénéficiaires ou que ces comités de bénéficiaires se voient assurer prioritairement des budgets selon R-16 et R-17 des recommandations du comité Harnois. Pour assurer leur indépendance face à l'hôpital, dans ce même esprit, un comité de bénéficiaires devrait pouvoir s'incorporer, avoir accès aux différentes politiques de l'hôpital face aux services dispensés et même pouvoir représenter un bénéficiaire devant la Commission des affaires sociales ou la Curatelle publique.

Je vais laisser la parole à M. Benoît-Marc Boyer, étudiant en droit.

M. Boyer (Benoît-Marc): Merci. Alors, pour faire suite à cette prestation sur les comités de bénéficiaires, nous aborderons maintenant le sujet de l'"ombudsperson". La question des droits est sûrement le facteur qui est le plus touchant lorsqu'on est intervenant dans un hôpital psychiatrique. À l'heure actuelle, quelques lois cernent le problème de représentation. Par exemple, la Loi sur la Curatelle publique ou la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées qui confère des pouvoirs de représentation à l'OPHQ. Cependant, il y a des droits qui demeurent encore nébuleux. Ce n'est pas à vous que j'apprendrai que la Charte des droits et libertés de la personne du Québec prévoit des libertés de toutes sortes. C'est ainsi que certains avocats se demandent si cela ne va pas à rencontre de la charte, par exemple, de ne se préoccuper que du consentement Initial d'un bénéficiaire pour lui administrer tous les traitements subséquents ou de ne pas avoir de code d'éthique ou de suivi propre à chaque patient. Dans ce même esprit, on peut se demander si cela n'est pas contraire à certaines règles d'avoir des bénéficiaires qui ne sont pas officiellement en cure fermée et qui, pourtant, sont derrière les verrous et ne peuvent sortir librement de leur unité. Est-ce que, dans de tels cas, de façon un peu plus juridique, ils ne pourraient pas y avoir des habeas corpus? Est-ce qu'il n'y aurait pas des recours devant la Commission des affaires sociales?

Aux États-Unis, une certaine jurisprudence a déjà établi, en 1972 - on sait que les Etats-Unis sont souvent précurseurs du Canada - des points très précis. Une jurisprudence, qui vous est citée dans notre résumé, a établi en 45 points très précis les devoirs exprès qu'on devait respecter face aux bénéficiaires. À Toronto, une certaine jurisprudence tend à s'établir. Au Québec, de plus en plus de juristes se dirigent vers ce domaine. C'est probablement ce qui a poussé le comité Harnois à se pencher sur la question et à proposer l'"ombudsperson" régional.

Un peu Ironiquement, les motifs précis du rapport Harnois quant à la création d'un poste d'"ombudsperson* reprennent à peu de choses près l'article 118.5 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux qui donne des

pouvoirs de représentation et de défense des droits aux comités de bénéficiaires. Comme l'État-providence n'existe plus ou existe de moins en moins, comme on a de moins en moins d'argent, comme il faut rationaliser, on se demande quelle est la pertinence de dédoubler de telles fonctions. À cet égard, puisque les comités de bénéficiaires ont déjà ces fonctions reconnues législativement, on préconise que ces comités de bénéficiaires soient renforcés dans leur rôle de représentation en ayant des pouvoirs d'enquête, dans leur rôle auprès des organfsmes en pouvant s'incorporer. À ce moment-là, le poste d"ombudsperson" n'est plus nécessaire. En d'autres mots et pour me résumer, on devrait accorder ces pouvoirs et modifier les résolutions 3 et 4 en donnant ces pouvoirs aux comités de bénéficiaires pour ne pas dédoubler les structures administratives.

Je repasse maintenant la parole à M. Landry.

M. Landry: Au chapitre des conditions de vie, on en a beaucoup à vous dire, mais je pense que, lors de la visite de M. Chevrette et de Mme Lavoie-Roux au centre hospitalier Louis-H., vous avez certainement pu constater que les besoins sont immenses. On peut vous dire, en connaissance de cause, qu'on trouve inconcevable la situation actuelle. Nous vous lançons un cri d'alarme. C'est une façon très claire de vous dire: C'est inadmissible de voir que des bénéficiaires reçoivent des services dans l'état où ils vivent actuellement.

On peut vous citer un exemple concret, M. le Président Actuellement, dans une unité de soins où on héberge 39 bénéficiaires, 21 bénéficiaires ne peuvent pas sortir de l'unité, non pas parce qu'ils sont en cure fermée, mais parce que c'est une norme réglementaire de l'hôpital ou du médecin. Sur les 21 bénéficiaires qui ne peuvent pas sortir, il y en a 5 qui relèvent de la Curatelle publique. Dans cette unité où ces 39 bénéficiaires vivent jour après jour, il y a seulement trois toilettes, l'une est réservée au personnel, l'autre est réservée aux bénéficiaires et la troisième est brisée. Cela prend deux ou trois semaines... Cela se passe au moment où on vous parle ce soir. On trouve cela inconcevable. C'est un exemple concret des conditions de vie de plusieurs personnes qui vivent dans des institutions.

Je vais aborder le texte. Au chapitre des conditions de vie, plusieurs carences sont rapportées dans les centres hospitaliers. Or, les attitudes de l'ensemble du personnel en milieu psychiatrique doivent être empreintes de respect pour la personne, du désir de l'aider. De plus, le respect des droits et libertés est particulièrement important, d'autant plus que des habitudes se sont développées de non-respect de ces droits. Ce respect comprend le libre consentement d'un traitement, l'intimité de sol, la propriété des biens et l'Intégrité. Certaines pratiques, tels l'Isolement et la contention, devront être améliorées ou abolies. Les activités dans ces milieux devront être axées sur les besoins des bénéficiaires.

Au chapitre de la contention, je peux vous donner un exemple concret. Le soir du 24 décembre, les bénéficiaires assistent à la messe de minuit. Après la messe de minuit, un bénéficiaire sort de l'unité, va chercher une canette de Pepsi au restaurant de l'hôpital et, parce qu'il n'avait pas demandé la permission de sortir de l'unité, on t'a mis en jaquette; II s'est trouvé en chambre d'Isolement tout le reste de la nuit de Noël et toute la journée de Noël. Pendant trois jours, on l'a mis en jaquette. Cette personne est venue au comité nous rencontrer, nous demandant d'avoir ses vêtements. Ce sont des situations concrètes. À notre grande surprise, on a rencontré te médecin; le médecin n'était pas au courant, alors qu'un règlement stipule que toutes les contentions doivent être prescrites par un médecin, il se produit des abus énormes au chapitre de l'isolement On utilise l'isolement à des fins "aversives" et non à des fins thérapeutiques. Cela a déjà été mentionné tors des commissions d'enquête précédentes. M. le Président, cela se passe aujourd'hui. Je vais laisser la parole à M. Daniel Saint-Onge.

M. Saint-Onge (Daniel): D'accord. Avant d'aborder te chapitre sur le statut de la famille, j'aimerais remercier le comité de bénéficiaires de nous avoir fourni l'occasion de participer à cette commission parlementaire.

La famille. Le rapport reconnaît à sa juste valeur l'Importance et le rôle capital de la famille dans le traitement du bénéficiaire. Donc, le principe général à suivre devrait logiquement être d'informer et d'associer les parents au traitement de leur proche. Par contre, le rapport ne semble apporter aucune mesure ou proposition concrète et adéquate quant à l'exploitation du potentiel des proches et au renforcement du support de façon générale.

Nous proposons que te premier volet d'une campagne de sensibilisation, telle que proposée à la recommandation 1, vise d'abord les parents et les proches des malades mentaux quant à leurs droits et à leurs obligations comme la curatelle privée. De cette façon, on arriverait à atteindre les objectifs promis par le rapport. De plus, le comité suggère l'Implantation d'un programme de répit. L'efficacité et la structure me semblent nébuleuses, mais, toutefois, l'Idée d'offrir un tel programme me semble louable, s'il est bien structuré, car au-delà de 60 000 familles sont impliquées optimalement avec un proche atteint de maladie mentale. Donc, à mon avis, ces 60 000 familles méritent certainement un repos significatif à l'occasion.

Les familles dont un proche est en milieu psychiatrique sont aux prises avec une absence flagrante de services et de soutien appropriés. Comme exemple, je suis préposé aux bénéficiaires

à l'hôpital Douglas, et je peux voir qu'aucun accueil n'est réservé aux familles. Les familles arrivent dans les unités de soins; elles ne sont pas au courant de l'évolution de la maladie de leur proche. Comme je vous l'ai mentionné, il n'y a aucun accueil et aucun local n'est réservé aux familles pour pouvoir discuter et rencontrer leur proche. À mon avis, ce sont de graves lacunes. Elles devraient être associées au traitement, comme je l'ai mentionné, c'est-à-dire que le médecin devrait rencontrer les familles périodiquement pour évaluer la situation de leur proche - pourquoi pas leur donner un cours de formation sur la maladie mentale qui serait subventionné par les hôpitaux ou le collège des médecins? (20 h 30)

Par contre, la recommandation 18 sur l'accroissement des ressources psychosociales me semble un pas dans la bonne direction. Toutefois, certaines questions se posent à la lecture de cette recommandation. Entre autres, quels seront les services mis de l'avant? Qui va les financer? Est-ce que ce sera l'assurance-maladie? Les familles devront-elles passer par les institutions pour y avoir accès? Je pense que le rapport ne donne pas de réponses à ces questions.

Par ailleurs, on devrait rechercher la participation des familles en implantant un mécanisme pour favoriser un regroupement de soutien et ainsi encourager les discussions entre parents. La famille ne doit pas être considérée comme une ressource extérieure à des fins de désinstitution-nalisation qui ne coûtera absolument rien à l'État, Bref, si on veut s'en servir à des fins de désinstitutionnallsatlon, il faut lui fournir un soutien financier et humain approprié. Entre autres, les médecins, les travailleurs sociaux et les infirmières pourraient se déplacer en milieu familial au lieu que ce soient les familles qui viennent s'inscrire en milieu institutionnel pour avoir accès à ces services.

Bref, des moyens concrets plutôt que des voeux pieux devront être mis de l'avant pour assurer aux parents et aux intervenants un soutien et une participation positive au soin des bénéficiaires. Sur ce, je cède la parole au président, M. Martin Hurtublse, sur la désinstitution-nalisation. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Auparavant, M.

Hurtublse, en principe, le temps est écoulé. Si vous vouliez en arriver aux conclusions pour que nous puissions...

M. Chevrette: Le député indépendant n'y est pas. Il faudrait qu'on puisse allouer...

Le Président (M. Bélanger): D'accord. J'allais vous dire de prendre quelques minutes encore pour la conclusion, ce qui permettra à la commission de pouvoir discuter avec vous de vos Interactions. S'il vous plaît!

M. Hurtubise: Merci, M. le Président, je serai très bref. La désinstitutionnalisation. ce matin, j'écoutais la radio: On vit encore le problème de la "désin...". Je vais vous faire un léger historique. A l'hôpital Louis-H.-Lafontaine, nous avons eu la tutelle pour des raisons x, y, pour ne pas dire les raisons que vous connaissez. A la suite de cela, il y a eu ce qu'on appelle la volonté de mettre sur pied trois corporations distinctes. Maintenant, au moment où je vous parie, je dois vous dire qu'en ce qui concerne la gériatrie, il y a eu une entente, de sorte qu'il n'y a pas eu de corporation. En ce qui concerne la clientèle "déficience Intellectuelle", une corporation a été mise sur pied appelée Service d'intégration sociale de Montréal dont celui qui vous parie était le vice-président exécutif. Je peux vous dire qu'en ce qui concerne ce dossier de la déficience, tout récemment, notre exécutif recevait une lettre de la ministre avec des points très précis, à savoir que notre corporation, pour des raisons très précises, va être abolie. C'est le Conseil de la santé et des services sociaux du Montréal métropolitain qui va prendre cela de façon plus élargie pour la clientèle déficiente, si j'ai bien compris. Nous, membres de la corporation actuelle, allons appartenir à un comité aviseur émanant du CRSSS. Je dois vous dire qu'à ce stade-ci la transition n'est pas complétée, si ce n'est qu'elle est en vote de se faire. Je dis une chose: Le souci que j'ai pour les bénéficiaires par rapport à cette clientèle, qui, pour certains, sont là depuis dix, quinze, vingt ou trente ans... Oui, j'ai le souci d'aller au CRSSS représenter cette clientèle. On me dit que c'est à l'échelle de la métropole. Oui, j'ai l'intention d'y aller et oui j'ai l'intention de continuer le travail que je considère avoir bien fait au niveau de cette corporation. Mon inquiétude par rapport au transfert au CRSSS est la suivante: Est-ce que nous... Quand je dis nous, il s'agit des membres de cette corporation et du comité des bénéficiaires. Avec un oeil vigilant et aussi avec la latitude qu'on avait avec les parents, nous avions un très bon suivi. Est-ce qu'on va nous donner la même latitude, d'une part, et va-t-on faire en sorte qu'on soit un partenaire égal par rapport à la sortie de ces bénéficiaires pour qu'ils aient un bon suivi?

En terminant, je vous dirai qu'en ce qui concerne les bénéficiaires psychiatrisés, le problème est qu'on sort le bénéficiaire et on lui dit: Tu t'en vas vers une réinsertion sociale. On t'envoie dans la communauté et le problème est le suivant: Tu t'en vas, tu te ramasses une couple de 200 $ et après tu t'en vas dans la communauté et qu'arrive-t-ll? On le laisse à lui-même. C'est ce que j'appelle aujourd'hui encore du fameux dumping. Ce que je vous suggère ce soir - je ne sais pas si je devrais le faire, mais c'est en mon âme et conscience que je vous parie - c'est que, quand on sort un bénéficiaire qui a été trois, quatre ou six ans, et peut-être même six mois, qu'on le sorte avec des

ressources. Peut-être que j'expliciterai plus tard là-dessus. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Je m'excuse de vous couper, c'est pour se garder un peu de temps pour les échanges avec la commission. Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M, le Président. Je veux remercier le comité des bénéficiaires de l'hôpital Louis-Hippolyte-Lafontaine pour son mémoire. J'ai déjà eu à quelques reprises l'occasion d'échanger avec vous et, en fait, sur les points principaux auxquels vous revenez touchant le comité des bénéficiaires, II me semble que la situation ou tes lacunes que vous exprimiez il y a déjà assez longtemps sont toujours demeurées. Est-ce que pour vous c'est relié à la question du financement du comité des bénéficiaires ou est-ce relié à la place que l'on vous donne à l'Intérieur du centre hospitalier qui fait problème?

M. Hurtubise: J'aime bien votre question, elle est précise. Je peux vous dire que, oui, maintenant nous avons notre place. On a eu de la difficulté, mais, oui, nous l'avons. Il y a une collaboration du directeur général là-dessus et cela me fait plaisir de le souligner. Le problème qui existe est celui-ci: Chaque fois qu'on demande un budget de fonctionnement pour ce qu'on appelle les clientèles cibles, parce que vous savez qu'on a de multiples clients et qu'on en a aussi de l'externe; c'est pour cela que lorsqu'on parle de 7000, on parle de... Je dis qu'un budget de 18 600 $ et qu'on paie une seule secrétaire, c'est un non-sens. Deuxièmement, ce sont des bénéficiaires qui sont vulnérables. Quand je dis vulnérables, je le dis dans tous les termes qu'on peut employer de ce que j'appelle misérables. Ce que je veux préciser aussi là-dessus, c'est que je ne suis pas venu ici pour vous demander des cadeaux, on est terre à terre avec cette clientèle-là et quand ils nous demandent des choses aussi concrètes, on n'est pas capable de donner un suivi, parce qu'on n'a pas les ressources matérielles et financières. C'est notre problème.

Je peux vous dire que depuis mon arrivée, avec mon collègue et d'autres, on a essayé d'éviter ce qu'on appelle des confrontations autant avec le CRSSS qu'avec la direction générale. Dieu sait qu'on s'en sort bien, mais seulement le problème, c'est que si on avait les ressources financières .pour répondre à ces pauvres vulnérables et leur dire: Nous, le comité de bénéficiaires, on vous fait avoir ceci, nous, le comité de bénéficiaires, on vous fait avoir cela... Je vais vous donner juste un petit exemple, membres de !a commission. M. le directeur général a convoqué, dans le cadre de sa mission, tous les membres du personnel de l'hôpital Louis-H.-Lafontaine à une réunion annuelle. Savez-vous combien il y a eu de personnes? 21 personnes: les membres du conseil d'administra- tion, plus le président du Comité des bénéficiaires. J'ai fait une assemblée annuelle des bénéficiaires. Savez-vous combien j'en ai eu? 761. Ce n'est pas un mensonge que je vous conte. Quand j'ai rencontré le président du conseil d'administration, j'ai dit: Voyez-vous le souci qu'ils ont pour les bénéficiaires? Vous en avez la preuve maintenant. Je vous demande de prendre cela en considération. Ce que je trouve le moins drôle, c'est qu'on dit: M. Hurtubise, ton comité de bénéficiaires, cela va bien, etc. Je peux vous dire qu'on se fait tasser par les bénéficiaires parfois, parce qu'il y en a qui sont beaucoup plus cohérents qu'on pense. Je vous demande de me croire là-dessus, mais ce qui est Important, c'est que, lorsque cela va mat pour les bénéficiaires, ils ne vont pas voir le directeur général ou le directeur des services à long terme. Qui vont-ils voir? Leurs plus proches et qui est le plus proche? C'est nous. On comprend leur langage. On parte leur langage. Je n'ai peut-être pas le langage professionnel ici, mais j'ai le langage dans lequel je sais que je suis compris des bénéficiaires et compris de la clientèle cible. Quand on vous parle d'avoir ce qu'on appelle un financement raisonnable et adéquat, c'est qu'on veut répondre à une gamme de services auxquels ils ont droit. Vous me permettrez, M. le Président, et membres de la commission, d'ouvrir une petite parenthèse et, faites-moi confiance, |e la referme immédiatement après. J'ai fait une étude, elle n'est pas complétée mais je vous dirai - je ne veux pas être méchant - qu'une personne qui entre dans une institution carcérale pour ce qu'on appelle le court terme soit 23 soit mois, quand cette personne entre là, elle est punie, d'une part, mais elle reçoit un avocat, elle reçoit le service social, elle reçoit ce qu'on appelle les services juridiques et aussi elle a tous ses vêtements gratuits. SI elle travaille, elle retire 4 $ l'heure et plus présentement. Quand c'est le cas d'un bénéficiaire en psychiatrie, savez-vous ce qui arrive? Quand le bénéficiaire entre, il n'a même pas ce qu'on appelle te feuillet d'information pour savoir ce que sont ses droits. Deuxièmement, on rejette la famille. Si je vous dis cela, c'est parce que je suis une victime. Troisièmement, on ne protège pas la famille. Quelqu'un qui est dans un endroit carcéral, on voit à ce que la famille ait des ressources. Je ne suis pas contre, mais seulement pourquoi ne ferait-on pas un pas vers l'égalité ou, du moins, vers un peu plus de respect pour les parents et surtout pour des bénéficiaires qui sont victimes d'une maladie? Par rapport à cela, je dis que: oui on vit des contraintes très sérieuses. Nous disons: À l'intérieur des activités qu'on veut offrir aux bénéficiaires, on n'a pas de financement. Par exemple, j'essaie d'avoir ce qu'on appelle une radio communautaire à l'intérieur de l'hôpital. On m'a dit: Débrouille-toi. Moi, je peux vous dire que, quand je vais demander une piastre pour Louis-H., c'est encore un tabou. Mol, je peux vous dire aussi que le Dr Lamontagne a pré-

ché - je ne sais trop comment - pour avoir des ressources financières pour ouvrir son centre et il a de la misère. Moi, je vous demande bien humblement et bien candidement: J'aimerais qu'il y ait ce qu'on appelle une vraie bonne politique pour arriver à avoir des comités de bénéficiaires dans des hôpitaux psychiatriques aussi gros et aussi lourds que ceux que nous avons. On ne vient pas vous voir tout le temps, sauf que je vous dis: Oui, on a besoin d'un financement

M. Landry: Je voudrais seulement ajouter un élément de réponse à l'intention de Mme la ministre concernant les relations avec la direction générale et le financement On est rendu à un stade de dire: Ne nous demandons pas ce que l'institution peut faire pour nous mais comment nous associer avec l'Institution pour nous assurer que les services qui sont offerts soient mieux assurés. Souvent, pour être franc avec vous, nos relations avec la direction sont très bonnes. On fait même équipe face au ministère dans une situation concrète. Un exemple: l'hôpital actuellement attend après le ministère pour réparer le Bédard et le Riel pour les conditions... toute l'approche et la question des conduites d'eau. Or, on sait que le ministère vient d'envoyer un accusé de réception disant que les études préliminaires sont acceptées: Veuillez procéder à l'appel d'offres. Ironiquement, on s'associe avec le conseil d'administration et le comité des bénéficiaires pour appuyer cette démarche-là. On est rendu qu'on est à la veille de monter à Québec, pas seulement laisser le conseil et les représentants de la direction de Louis-H., mais on va s'asseoir avec eux et on va aller vous rencontrer. C'est un exemple concret. II existe, par exemple, des lacunes. Mais c'est une question d'éducation, de liming", de relations publiques et de relations avec la direction.

En ce qui a trait à la question du financement, on a pris des initiatives, M. le Président et Mme la ministre, à savoir qu'on s'est associé avec la Curatelle publique et on peut vous dire avec... On n'est pas venu aujourd'hui vous demander des sous, on vous demande d'une façon très claire d'appliquer certaines normes, certaines règles administratives, de demander au ministère de se tenir debout devant les hôpitaux. On s'aperçoit que les hôpitaux retournent et envoient promener le ministère. Je pense que c'est important que le ministère se tienne debout. C'est dans ce sens-là qu'on dit: Oui, on va faire équipe avec la direction, oui, on va s'associer avec les bénéficiaires.

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais seulement revenir sur un point particulier. Vous suggérez que le rôle de l'ombudsperson" soit confié au comité des bénéficiaires, ou que ce soit le comité des bénéficiaires, finalement, qui remplisse ce rôle-là. Il existe même déjà des "ombudspersons" dans certains établissements et, comme ils relèvent parfois de la direction générale ou du conseil d'administration, on a souvent critiqué et prétendu qu'ils pouvaient être en conflit d'Intérêts ou sous l'Influence du conseil d'administration. De toute façon, que leur objectivité n'était pas garantie (20 h 45).

Ne croyez-vous pas que, si ce rôle de protecteur du citoyen échoit au comité des bénéficiaires, à l'occasion, le comité des bénéficiaires se trouve dans une situation conflictuelle? Parce qu'il faut souvent statuer sur un conflit possible et, à cet égard, il est probablement mieux que cette personne-là soit totalement Indépendante de l'Institution, qu'elle ne soit pas attachée au conseil d'administration, que ce ne soit pas le comité des bénéficiaires, mais que ce soit vraiment une personne. D'autant plus que cette personne-là sera appelée à répondre non seulement aux représentations des bénéficiaires et des ressources satellites de l'institution, mais aussi aux besoins d'autres personnes qui vivent dans la communauté sans' avoir nécessairement un lien direct avec une institution, dont les droits, comme personnes ayant un handicap mental, peuvent être frustrés. Alors, vous ne trouvez pas qu'il y a un certain danger à suivre votre suggestion, que ce soit le comité des bénéficiaires qui devienne l"ombudsman", d'une certaine façon?

M. Hurtubise: Moi, je vous dis un point là-dessus, Mme fa ministre. C'est qu'on y a été, nous, à fond de train avec ce qu'on appelle objectivité, clarté et honnêteté. Ce que je veux dire par là, c'est que nous sommes assis avec ce qu'on appelle le représentant, comme exemple, du long terme. On a ce qu'on appelle un protocole sur les plaintes. Correct? Et, par rapport à cela, avant d'acheminer tout le dossier, d'une part, nous prenons connaissance de la plainte - pour vous faire un petit résumé - nous prenons connaissance de la plainte, nous faisons ce qu'on appelle une étude là-dessus et sur la véracité des faits. Par la suite, nous allons faire notre bout de chemin d'enquête et on laisse aussi le directeur du service faire lui-même son expertise. D'accord? Moi, Je dis que, comme comité de bénéficiaires, on n'a jamais été pris - et cela, je défie ici les membres de la commission - on ne nous a jamais dit: Vous avez été partisants pour x ou y bénéficiaires. Ce pourquoi je suis fier d'être ici ce soir, c'est qu'il n'y a pas un bénéficiaire qui peut me dire: Écoute, Hurtubise, pourquoi as-tu favorisé l'autre bénéficiaire à mon détriment? On n'est pas en conflit d'intérêts là-dessus et je suis fier de vous l'annoncer ce soir. Je vous dis qu'on y va de façon claire, honnête et précise, sauf qu'on pourrait y aller de façon plus concrète si on avait des ressources, mais, quant à ce qu'on appelle des situations conflictuelles, moi, je ne le vois pas. Mais, seulement, je dis une chose, c'est que je serais prêt, par exemple, et nous serions prêts à nous asseoir pour arriver à mettre en place un

mécanisme qui ferait qu'on aurait un partenariat. Là-dessus, je n'ai aucune objection.

Mme Lavoie-Roux: D'accord,

M. Boyer: Pour ajouter ici.

Mme Lavoie-Roux: Oui, monsieur.

M. Boyer: Si vous me permettez, sur un point très précis... Vous dites: Est-ce que vous n'avez pas peur pour les ressources qui viennent de l'extérieur? Bien, je me dis qu'un comité de bénéficiaires qui est dans un centre hospitalier n'est pas plus mal placé qu'un "ombudsperson" régional qui a ses bureaux, disons, au douzième étage de la Place Ville-Marie, de façon très concrète.

Dans la situation actuelle, il y a probablement des possibilités de conflit d'Intérêts parce qu'on est créé par l'hôpital, c'est l'hôpital qui décide, mais, d'un autre côté, on doit surveiller l'hôpital et on doit dire: Ce que vous faites là, ce n'est pas correct. Effectivement, on est pris dans un étau. Dans l'état actuel de la législation, oui, nous sommes en conflit d'intérêts. Voilà pourquoi, dans notre mémoire, nous demandons d'avoir des pouvoirs accrus de représentation, d'enquête. À l'heure actuelle, la loi nous permet de recevoir les plaintes, mais on ne peut pas faire enquête. Qu'est-ce que cela nous donne? En ayant ces pouvoirs accrus, je pense qu'il y aurait une cohésion parfaite et je vois difficilement comment on pourrait être en conflit d'intérêts. On serait totalement Indépendant face à l'hôpital en ayant, par exemple, un pourcentage statutaire de budget, en ayant des pouvoirs très précis qui nous permettraient de ne plus dépendre de l'hôpital qui, selon son bon vouloir, nous donne 1 %, 0,1 % ou 0,6 %. Je vois difficilement comment on ne serait pas objectif.

Mme Lavoie-Roux: D'accord. Très rapidement, deux autres points sur la question de la place des parents dans tout te processus de traitement. Là où il y a une famille, je pense que les intentions du comité ou du projet de politique en santé mentale sont claires là-dessus. C'est évident que, depuis. fort longtemps, les parents se sentent souvent mis de côté. Évidemment on Invoque toujours la question de l'âge de la majorité, mais je pense que ceci devrait être dosé différemment de telle sorte que, là où la famille peut être un appui, peut être un soutien, elle ne soit pas écartée comme elle l'est trop souvent aujourd'hui. Là-dessus, je pense que le projet de politique est assez clair. En tout cas, c'est l'intention de la politique en santé mentale.

En ce qui a trait à ta désinstitutionnalisation, vous avez dit: Écoutez, depuis x années, il y a eu tant de personnes de désinstitutionnalisées. On les a "dumpées", etc. Je suis d'accord avec vous et c'est justement l'objet de l'étude que nous faisons présentement de l'étude que le rapport Hamois a faite. Si on continue le processus de la désinstitutionnalisation, il faut s'assurer que les ressources nécessaires y soient pour éviter de mettre des bénéficiaires ou des patients dans une situation plus difficile que celle qu'ils connaissent présentement Mais la question précise que je veux vous poser est ta suivante: En soi, vous n'êtes pas contre une désinstitutionnalisation si les conditions environnantes viennent supporter cette désinstitutionnalisation?

M. Hurtubise: Mme la ministre, je vais répondre par rapport aux parents. Mme la ministre et vous, les membres de la commission, cela fait quatre ans bientôt que je suis impliqué à Louis-H.-Lafontaine. J'ai un proche de ma famille qui est là. J'ai toutes les misères du monde et je suis le président du comité des bénéficiaires. Imaginez-vous les autres. Bon sens! Combien cela va-t-il prendre de commissions avant qu'on ait ce qu'on appelle une meilleure approche pour les parents? Combien de sous cela va-t-il coûter? Mon comité a essayé de mettre sur pied un comité de parents et je peux vous dire qu'on nous a fauché l'herbe sous les pieds. C'est malheureux à dire, mais c'est cela.

Maintenant, ce que je dis en ce qui concerne ta désinstitutionnalisation pour les psychiatrisés, c'est qu'il faut encore faire très attention. Je dis non seulement qu'il faut penser que les ressources suivent, mais il faut que les montants d'argent soient sortis. Je vais vous dire pourquoi. On parle d'alternative, mats c'en est une, une alternative. Qu'on fasse suivre les montants d'argent et que les groupements alternatifs en santé mentale aient ce qu'on appelle les ressources financières pour arriver à apporter leur collaboration à l'extérieur. Je suis Impliqué aussi à l'extérieur. Je peux vous dire une chose. Ils seraient fiers d'arriver et de vous dire en fin de mandat: Oui, on a eu la désinstitutionnalisation et oui, avec les montants d'argent que vous nous avez donnés, on a pu s'Impliquer plus intensément. Plus on va avoir de ressources pour répondre à cela, plus le bénéficiaire va être satisfait en fin de compte parce que le problème, actuellement, c'est que ce n'est pas un cadeau pour les bénéficiaires les fins de semaine.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie.

M, Landry: J'aimerais ajouter un point, M. le Président, si vous me le permettez, en ce qui a trait à la question de la désinstitutionnalisation. il faut vous dire que je pourrais apporter un élément d'information fort Important. Il faut vous dire d'une façon très claire que je suis une personne qui a vécu en milieu institutionnel pendant 21 ans. Il faut vous dire d'une façon très claire, Mme la ministre, que, lorsque j'étais jeune, j'étais en milieu psychiatrique et j'ai dû me sauver de l'établissement. De ta jaquette, j'en

suis venu à fa cravate, c'est-à-dire qu'aujourd'hui je suis au conseil d'administration de ce même établissement'' dont autrefois j'étais bénéficiaire. Mais, quand on parte de désinstitutionnalisation, nous avons dit oui à M. Aucoin. Nous avons dit oui aussi à la présentation de nos recommandations lors de la commission parlementaire qu'il y a eu en 1985. Nous disons oui aujourd'hui et nous appuyons aussi d'une façon très claire la table provinciale des ressources alternatives parce qu'on voit dans la recommandation que ce dont il parle, c'est du service direct auprès des bénéficiaires. S'associer à cette démarche, je pense que même en termes d'économies... Ce serait curieux de voir combien en termes de sous... On parle aujourd'hui de "business", on parle de piastres, mais je pense que ce serait important de voir toute cette panoplie, cette richesse que l'État peut avoir en termes d'économies sur la question de la désinstitutionnalisation en supportant les ressources dans la communauté.

Mme Lavoie-Roux: Merci.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Oui, M. le Président, autant j'étais convaincu de ce que j'avançais le 19 septembre 1985, autant j'en suis convaincu, sinon plus, ce soir. Mon problème, c'est qu'ils sont tellement convaincants qu'ils sont dangereux. Je vais m'expliquer. Je me souviens très bien d'avoir eu à peu près le même genre de discussion que celle qu'on a présentement, en particulier sur la représentation par le comité des bénéficiaires tenant lieu et place de l'"ombudsman", parce qu'on ne parlait pas "d'ombudsperson". On se modernise d'une année à l'autre, on invente un nom et on évite souvent de lui donner une consonance française. En tout cas, parlons du protecteur du bénéficiaire, on va se comprendre.

Une voix: Oui.

M. Chevrette: Le danger que j'avais souligné à l'époque, je pense qu'il existe toujours - pour parler d'abord de cet aspect. C'est que te comité des bénéficiaires, à toutes fins utiles, à cause de ses convictions profondes et de sa façon de fonctionner à l'intérieur... Je me disais: Un jour ou l'autre, ils vont arriver, ils vont vouloir prendre la place du conseil d'administration du centre hospitalier parce que vous alliez dans le moindre détail. Je me souviens, vous étiez là tous les deux. Vous aviez la même conviction et vous étiez accompagnés par d'autres, d'ailleurs, à ce moment-là. C'était toujours la clé... Pas la clé, mais le joint. On cherchait un moyen, si vous vous rappelez, à l'époque... On disait: II faut absolument jouer te rôle d"ombudsman" ou de protecteur du bénéficiaire, mais sans pour autant se substituer au conseil d'administration comme tel du centre hospitalier. Ce sont à peu près les propos qu'on tenait à l'époque.

Je suis convaincu, d'autre part, qu'effectivement une équipe de bénévoles - ce sont des bénévoles, à toutes fins utiles - peut jouer un rôle extrêmement Important au sein d'un centre hospitalier; beaucoup plus en tout cas qu'une personne payée par l'Institution. J'avais acheté cela, si vous vous rappelez. Je l'achète toujours, je suis convaincu qu'une personne payée par l'institution pour représenter les droits des bénéficiaires, à mon point de vue, c'est dépassé, tout comme la Curatelle publique est dépassée, soit dit en passant, sous plusieurs aspects. D'ailleurs, je pense que la ministre ou l'ensemble du gouvernement est prêt à revoir la Loi sur la curatelle publique. En tout cas, je te souhaite parce qu'il y a eu d'autres institutions qui ont eu des problèmes avec la Curatelle publique, et on sait ce qui arrive avec cela. Je ne serai pas un de ceux qui, même dans l'Opposition, va critiquer le gouvernement pour améliorer la Loi sur la curatelle publique, bien au contraire. Pour le respect des bénéficiaires en particulier, je pense qu'on doit se placer au-dessus de toute partisanerie politique; on doit s'assurer, à tout prix, que le bénéficiaire est véritablement protégé dans tous ses droits, dans toutes les dimensions de sa vie humaine comme telle.

Cela dit, j'aimerais vous entendre, par exemple, sur les dangers que peut comporter le fait qu'un comité de bénéficiaires puisse être revendicateur pour des conditions de vie face à la représentation vis-à-vis d'une plainte, si vous comparez cela à la responsabilité de gestion de l'hôpital. Cela a toujours été te point, le seul point qui n'a jamais été clair dans ma tête et sur lequel j'aimerais vous entendre.

M. Landry: II va sans dire que comme expérience, même actuellement, depuis deux ans que je siège au conseil d'administration de l'hôpital comme représentant des bénéficiaires, cela prend une longue préparation pour être administrateur à l'intérieur d'un établissement comme celui de Louis-H., qui a un budget de fonctionnement de l'ordre de 125 000 000 $, 97 000 000 $ venant du ministère. À l'Intérieur, on nous dépose des séries de documents d'information, lesquels nous demandent beaucoup.

Vous, les partis politiques, avez une infrastructure en arrière pour vous permettre de faire de la recherche, de l'analyse, des études approfondies pour vous préparer à faire des dépositions à l'Assemblée nationale ou en commission parlementaire, tandis que les membres du conseil d'administration des établissements, oui, ils ont besoin de soutien. Je pense que cela manque à l'Intérieur des établissements en général. On n'est pas Ici ce soir pour parler de la question qu'on doit soulever prochainement, lors du dépôt du rapport de la commission Rochon. On en reparlera. Mais pour vous le dire d'une façon

très claire, c'est inconciliable le rôle de représentant du comité des bénéficiaires. D'ailleurs, il faut vous dire qu'en termes de formation, une fois qu'on est rendu au conseil d'administration, on ne doit pas se placer comme un représentant des bénéficiaires et voir toujours l'Intérêt des bénéficiaires, on doit agir comme un administrateur. On doit se placer sur le même pied que les représentants socio-économiques, les représentants du personnel clinique, etc. Donc, cela nous prend ce qu'on appelle une impartialité. Il faut pouvoir faire la part des choses. Mais, quand il s'agit de porter le chapeau de représentant et de défendre les droits des bénéficiaires, par exemple, cela, c'est plus Important On est capable de faire la distinction entre les deux. (21 heures)

M. Hurtubise: M. le chef de l'Opposition, je ferais le commentaire suivant. Si j'ai mis l'emphase sur notre impartialité par rapport à notre clientèle cible, je peux vous dire que ce n'est pas le cas avec rombudsman" présentement. En fin de compte, qui en souffre encore? Cela fait au-delà de cent ans que cet hôpital existe et je me dis que, si je me tais et que je me cache dans le sable, je suis responsable. Si je le mentionne, je dis: Vous, les législateurs, vous avez un devoir là-dessus. J'ai rencontré tous les bénéficiaires la veille de Noël pour leur dire que je venais ici, à la commission. Je peux vous dire une chose, cela a suscité - savez-vous quoi? - un paquet de questions de la part des bénéficiaires. Ils ont pris un Intérêt partisan, Je n'ai pas le goût de faire le procès de personne ici, mais je peux vous dire que cela nous prend quelqu'un d'Impartial actuellement comme 'ombudsman*, ou "ombudsperson" ou "ombuds-qui-tu-voudras".

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Hurtubise: Mais, comme représentant officiel des bénéficiaires, je dis que je ne suis pas entre l'arbre et l'écorce présentement. SI personne n'a rien fait jusqu'à maintenant, vous n'allez pas me dire que je suis entre l'arbre et l'écorce. Je suis très fier de ce que j'ai fait pour les bénéficiaires. Maintenant, s'il y en a qui pensent autrement ou qui émettent un doute, je leur dis: Qu'ils s'arrangent avec cela. Mais je dis qu'en mon âme et conscience, quand l'ombudsperson" est entré en fonctions à l'hôpital, cela devait être une personne de l'extérieur. Considérant surtout qu'on redorait le blason de cet hôpital - Dieu sait que ses bénéficiaires en ont arraché! - je m'attendais à avoir quelque chose de mieux que cela. Et je dis: Considérant qu'on n'a pas mieux, on ne peut pas avoir pire, allons-y nous-mêmes.

M. Chevrette: Une chose est certaine, M. Hurtubise, je suis convaincu que le bénéficiaire ne peut pas être mieux servi que par ses semblables, par ceux qui croient en lui; je suis convaincu de cela. Vous ne me convaincrez pas de cela, je l'achète comme principe. Par exemple, pour ce qui est de l'établissement d'une politique claire, it s'agirait de fixer les limites dans la façon de fonctionner, de fixer les cadres de fonctionnement; sinon on pourrait se ramasser, sur te plan administratif, avec de l'empiétement dans les juridictions, et vous savez ce que cela peut comporter.

M. Landry: C'est déjà fait, M. Chevrette.

M. Chevrette: Je sais que c'est déjà fait chez vous. Mais, quand vous vous êtes permis de parler pour l'ensemble des hôpitaux psychiatriques... Vous avez fait un cheminement chez vous qui ne s'est pas fait ailleurs, M. le secrétaire, vous le savez très bien.

M. Landry: Mais on est rendu à un autre stade.

M. Chevrette: Je pense que la...

M. Landry: M. Chevrette, seulement pour vous dire une chose qui s'est déjà faite, d'une façon très claire et non pas de notre côté. Le ministère, à l'intérieur de son service du contentieux, a fait une analyse de la responsabilité, de la reconnaissance, du financement des comités de bénéficiaires en février 1986. Il y a eu des échanges de correspondance à cette période avec le directeur général de Giffard et le ministère, pour demander de clarifier le rôle des comités de bénéficiaires, la représentation. C'est déjà fait.

M. Chevrette: Je sais tout cela. Vous êtes en train de dire ce que j'allais dire. Je n'ai pas d'objection, vous le dites bien. Ce que Je veux vous expliquer, c'est que, dans l'élaboration d'une politique, vous avez vécu chez vous quelque chose qui n'a pas été nécessairement vécu dans les autres centres psychiatriques. J'ai aussi rencontré, à l'époque, d'autres comités de bénéficiaires qui n'ont pas nécessairement... J'ai l'air de défendre la ministre, j'ai l'air fou, cela ne me plaît pas...

Mme Lavoie-Roux: ...j'ai l'impression.

M. Chevrette: Cela peut arriver une fois de temps en temps. Vous me rendrez la pareille, madame.

Ils n'ont pas nécessairement les mêmes perceptions que celles que vous pouvez avoir. Je pense que la tutelle de 1984, chez vous, a eu un effet extrêmement bénéfique, non seulement sur le comité des bénéficiaires, mais sur l'ensemble du personnel. Cela vous a permis de vous asseoir et de chercher des solutions concrètes aux problèmes vécus à l'intérieur. Personnellement - et là, je vais devenir partisan - après deux ans et demi, je regrette que le plan conçu par l'ensemble des intervenants de l'institution

ne soit pas attaqué. Quand on sait qu'il y a 700 personnes âgées qui sont en milieu psychiatrique qui pourraient se retrouver dans des centres d'accueil avec des soins humains, quand on sait qu'il y a 400 déficients Intellectuels qui se trouveraient beaucoup mieux avec des programmes d'encadrement, des programmes de soutien à l'intégration sociale dans des maisons d'accueil, quand on sait, d'autre part, qu'on pourrait aménager un hôpital beaucoup plus salubre pour les 700 psychiatrlsés qui doivent nécessairement avoir des soins en institution, je suis convaincu que cela devrait être fait et dans tes meilleurs délais. Quand mon ex-collègue, le Dr Laurin, a mis en tutelle et qu'on a réussi à l'été 1985 à bâtir, non pas à partir du ministère, vous vous en souviendrez, mais à partir de vous-mêmes, les personnes du milieu, les travailleurs syndiqués, les travailleurs non professionnels comme les travailleurs professionnels, à élaborer une solution à cet immense complexe qu'est l'hôpital Louis-H.-Lafontaine, à y trouver des recettes beaucoup plus humaines pour les bénéficiaires, je pense qu'on devrait s'arrêter très sérieusement à ce qu'on avait pensé. C'était la méthode la plus humaine. On faisait de la place pour les bénéficiaires, pour les représentants des bénéficiaires, mais on tenait compte d'abord et avant tout d'un constat qu'a fait le Dr Harnois et qui a été fait depuis longtemps: la personne avant toute chose. C'était de démêler d'abord, de classifier et de catégoriser les patients et les malades. Quant à mol, que ce soit un comité de bénéficiaires qui ait les ressources pour défendre, oui, mais dans un cadre juridique correct. J'insiste là-dessus parce que vous seriez les premiers perdants s'il n'y avait pas un cadre clair.

Que ce soit un comité au lieu d'une personne, tant mieux! Plus il y aura de monde qui va s'occuper des malades, mieux on sera comme collectivité. Ce n'est pas un reproche que je veux vous faire, mais je voulais attirer votre attention au départ sur le fait qu'à vouloir établir un modèle, on risque d'y substituer des structures. Ce n'est pas votre désir, je le sais, j'ai parlé avec vous assez lontemps et assez longuement un avant-midi, entre autres, où on a discuté de long en large des limites, mais aussi, par contre, des pouvoirs que pourrait avoir un comité de bénéficiaires. Vous avez raison de le dire, et je crois fondamentalement que vous pouvez faire des représentations extrêmement correctes à l'intérieur d'un cadre bien défini et cela permettrait peut-être davantage... M. Hurtubise donnait l'exemple tantôt d'une assemblée qu'il a convoquée. SI vous avez réussi à avoir au-delà de 700 personnes à une réunion, c'est qu'il y a des gens intéressés, des gens sensibles, des gens qui veulent, et cela m'impressionne énormément comme législateur. Quand II ne reste plus qu'à définir un cadre juridique, pour moi, c'est une pinotte. Ce n'est plus compliqué, on prend un avocat et on dit: Définis un cadre. Ce cadre-là, on le discute par la suite.

Je n'ai pas d'autres questions parce que vous avez touché à l'ensemble des questions. Il y a peut-être la question du financement que j'aurais pu discuter. Juste 30 secondes, je vais finir et vous pourrez compléter.

M. Saint-Onge (Daniel): Simplement sur la question...

Le Président (M. Bélanger): On va laisser finir le député de Joliette.

M. Saint-Onge (Daniel): Excusez-moi.

M. Chevrette: Sur la question du financement, je reconnais qu'avec 18 000 $ dans un institut comme le vôtre, cela fait dur. Dans le temps, vous vous payiez une secrétaire à mi-temps, je suppose que c'est à peu près la même chose. Cela fait assez dur merci, j'en conviens avec vous. Au contraire, je suis heureux que vous souligniez ce fait parce que juste un "ombudsman", cela coûte pas mal plus cher qu'une secrétaire, et vous faites probablement des représentations beaucoup plus adéquates, beaucoup plus sensibles, qui collent beaucoup plus aux réalités. Là-dessus, je ne pense pas que cela demande plus de preuves. La ministre est très sensible et elle va sûrement se rendre à vos demandes dans les plus brefs délais.

Ceci dit, je veux vous remercier et vous féliciter; vous remercier d'abord de la façon dont vous avez présenté votre mémoire. Vous touchez du doigt les problèmes particuliers qui vous regardent précisément, et je trouve cela intéressant. Je veux vous souhaiter bonne chance, et surtout bon courage, et vous dire ceci: Ne lâchez surtout pas. Des fois, il y a des projets qui prennent cinq ans à se réaliser; on est d'autant plus fier. On est cinq fois plus heureux après.

Le Président (M. Bélanger): Mme ta ministre.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président,...

M. Chevrette: Vous pouvez répondre sur mon temps, cela ne me dérange pas.

M. Saint-Onge (Daniel): Excusez mon intervention hâtive, mais c'est simplement pour compléter votre allocution. L'idée de base du rapport, étant donné que vous voulez considérer le bénéficiaire comme une personne humaine et non comme une maladie, il me semble logique que le comité doit avoir des représentations au CA de l'hôpital, étant donné qu'indirectement ce sont les patients qui participent à l'administration de l'hôpital et à sa gestion. À mon avis, c'est un point important et on devrait justement renforcer ces mesures.

M. Chevrette: Je ne mets pas cela en doute. Si vous avez pris...

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît! Le temps étant écoulé...

M. Chevrette: Ah! Je donne souvent mon consentement souvent et Je ne chiale pas. Si cela ne vous dérange pas, M. le Président, regardez ma voisine de droite, elle va vous dire qu'elle est d'accord avec moi.

Le Président (M. Bélanger): Brièvement.

M. Chevrette: Merci. Je dois vous dire ceci...

Mme Lavoie-Roux:...

M. Chevrette: Madame...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Je n'ai Jamais voulu mettre en doute la représentativité des bénéficiaires au conseil, ce dont J'ai voulu parler, c'est de l'encadrement juridique des pouvoirs d'un comité. C'est très différent. C'est seulement pour clarifier. Si vous avez interprété que je voulais vous soustraire de la représentativité au conseil d'administration, non, du tout Je n'ai pas parlé de la représentation au conseil d'administration. C'est seulement que, si on substituait le protecteur du bénéficiaire par un comité de bénéficiaires, il s'agirait de définir les pouvoirs. Tout comme on définit les pouvoirs d'un 'ombudsman* ou d'un protecteur du bénéficiaire, on peut facilement définir les pouvoirs d'un comité.

Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre, en conclusion.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, avant de remercier nos invités, je voudrais simplement faire une certaine mise au point Le chef de l'Opposition dit qu'il regrette beaucoup que le programme ne fonctionne pas totalement. Il faut bien se rappeler que ce projet de réinsertion sociale ou de réorganisation de l'hôpital Louis-Hippolyte-Lafontaine était un projet qui avait été prévu sur une période de cinq ans. Alors, ce serait quand même étonnant qu'aujourd'hui, dans les meilleures conditions possible, il soit terminé.

M. Chevrette: II y aurait deux ans et demi de faits.

Mme Lavoie-Roux: Non, je regrette, quand

Je suis arrivée, II n'y avait rien de parti. Alors, cela fait deux ans que je suis ministre.

M. Chevrette: ...septembre 1985, voyons)

Mme Lavoie-Roux: II n'y avait rien de parti avant que...

M. Chevrette: Rien de parti.,. Vous avez tout arrêté!

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

Mme Lavoie-Roux: De toute façon...

Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: ...M. le Président, je dois dire que le projet est parti dans le sens qu'il y a à peu près 80 personnes, du côté de la déficience mentale, qui ont maintenant été désinstitutionnalisées et réintégrées dans la communauté. Il y a, je pense, six unités qui ont été rénovées, II y a les devis fonctionnels et techniques pour l'hôpital de courte durée qui sont aussi terminés au moment où l'on se parle. Alors, je pense que le projet suit son cours. Je veux simplement donner cette information pour ne pas qu'on garde l'Impression que tout est paralysé. Je pense que, bien au contraire, les choses se sont poursuivies et on essaie qu'il y ait les meilleures conditions possible pour la réalisation de ce programme de désinstitutionnalisation.

Je voudrais remercier nos invités. D'abord, c'est déjà Important que vous ayez pu venir ici faire connaître votre point de vue comme bénéficiaires. C'est quand même une politique qui va toucher les personnes avec qui vous travaillez de très près et, que vous puissiez exprimer votre point de vue, je pense que c'est déjà important. Et que vous l'ayez fait, je vous en remercie. Je veux vous assurer que les travaux de la commission visent à améliorer ou à apporter les modifications qui, croyons-nous, seraient nécessaires pour l'adoption d'une politique en santé mentale. Je suis sûre que nous aurons le plaisir de collaborer encore comme nous l'avons fait dans le passé. Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission des affaires sociales remercie te Comité des bénéficiaires de l'hôpital Louis-Hippolyte-Lafontaine et invite les prochains intervenants à s'approcher à la table des témoins, en l'occurrence le Département de psychiatrie de l'hôpital du Sacré-Coeur de Montréal.

Nous recevons à la table des témoins le Département de psychiatrie de l'hôpital du Sacré-Coeur de Montréal qui est représenté par le Dr Camille Laurin, chef du département, et par monsieur que je connais, mais dont j'oublie le nom, je m'excuse.

M. Laurin (Camille): ...Gérard Marcoux, adjoint au directeur général.

Le Président (M. Bélanger): C'est bien cela. Vous êtes les bienvenus. Vous connaissez nos règles de procédure, je ne vous en apprendrai

pas là-dessus. Alors, je vous Invite donc, sans plus tarder, à procéder à la présentation de votre mémoire. (21 h 15)

Département de psychiatrie

de l'hôpital du Sacré-Coeur

M. Laurin: M. le Président, Mme la ministre, M. le chef de l'Opposition, honorables membres de la commission, je veux d'abord vous remercier d'avoir bien voulu nous recevoir et nous entendre, surtout à une heure aussi tardive.

Je voudrais d'abord vous dire que le mémoire que nous vous présentons aujourd'hui a fait l'objet d'une consultation chez tous les professionnels du département et qu'il a reçu leur aval ainsi que celui de la direction générale.

Je voudrais aussi vous présenter brièvement le département de psychiatrie. Je l'ai fait dans une annexe à notre mémoire que j'ai communiquée au secrétariat de la commission. J'en rappellerai simplement les quelques faits saillants. Le département de psychiatrie de l'hôpital du Sacré-Coeur dessert une population adulte, âgée de 18 ans et plus, de 260 000 personnes, ce qui est un secteur à peu près égal à celui de Louis-H.-Lafontaine et supérieur à la population de certaines régions du Québec. C'est donc un secteur très populeux. Il a 134 lits-adultes, alors qu'il y en a 273 à Louis-H.-Lafontaine. Nous avons aussi neuf cliniques externes, dont une en gérontopsychlatrie, dans le plan de Mme la ministre pour développer la psychogériatrie. Sur le plan de la pédopsychiatrie, nous desservons une population plus large encore, 550 000, dont 100 000 enfants. Pour cela, nous avons cinq cliniques externes et un centre de jour pour enfants d'âge préscolaire, qui est situé sur l'île Jésus, dans votre comté, je crois, M. le Président. Nous avons aussi dix lits pour adolescents ainsi qu'une clinique externe et un centre de jour pour adolescents. Là, nous desservons les trois régions 06, 06A, 06B. Je ne sais pas si cela va continuer avec la nouvelle délimination territoriale. Nous avons aussi un service de psychosomatique établi il y a quinze ans et qui dessert les 714 lits de notre hôpital général. Nous sommes un hôpital d'enseignement. Comme l'hôpital du Sacré-Cœur est un hôpital ultraspécialisé et universitaire, nous sommes très actifs dans l'enseignement de toutes les disciplines. Nous sommes également actifs sur le plan de la recherche. Donc, c'est un hôpital qui a une très grande importance dans le secteur francophone de l'île de Montréal.

Quant au rapport Harnois lui-même, évidemment, c'est à la lumière de notre situation particulière que nous l'avons examiné, en même temps qu'à la lumière de l'expérience que nous avons acquise au cours des 60 dernières années, puisque c'est là l'âge du département de psychiatrie.

Reconnaissons au départ, M. le Président, qu'il n'est pas facile d'élaborer une politique de santé mentale. Plusieurs pays en ont fait l'expérience et le Québec ne fait pas exception. Le rapport de 1985, 'À nous de décider", n'a pas été retenu. Il était pourtant intéressant et valable à plusieurs titres, mais II était incomplet. Le comité Harnols, formé en juin 1986, a repris le travail. D'ailleurs, il a remis son rapport au-delà de l'échéance qu'il s'était fixée, en octobre 1987, ce qui montre la difficulté du travail.

Malgré son Intérêt, cependant, nous ne pensons pas qu'il puisse fonder lui non plus une politique de santé mentale pour le Québec. L'analyse qu'il fait de la situation est éclairante à plusieurs égards. Elle s'appuie sur de nombreux documents et une abondante documentation, mais elle nous paraît minimiser ou ignorer certaines données essentielles. Ses recommandations sont pour la plupart pertinentes, mais les omissions sont, elles aussi, sérieuses. Le rapport ne nous parait pas mettre l'accent sur les vrais priorités. Le plan d'action qui en découle nous paraît, en conséquence, déficient. Il serait risqué, selon nous, sinon nocif, de l'appliquer dans l'immédiat

Le rapport Harnois s'étend longuement, abusivement sur les lacunes du système. Le malade est certes d'abord une personne à qui il faut redonner son autonomie, nous en convenons tous, mais c'est précisément ce que visent les thérapeutes et les équipes, du moins avec les personnes malades dont ils ont le temps de s'occuper. Or, leur 'case load" est souvent énorme et les écrase. Le soutien aux familles est également essentiel, et chacun le sait et le pratique. Mais une équipe clinique débordée ne peut pas toujours leur accorder l'attention et le temps requis.

Il faut certes aussi mettre à la disposition des malades chroniques, particulièrement des schizophrènes et "borderline", des services nombreux variés, thérapeutiques et "supportifs", axés sur la réinsertion sociale. Il est vrai que ces services doivent être accessibles, continus, complémentaires et coordonnés. Mais encore faut-il que ces services existent. Or, c'est là le premier et principal problème. Les urgences psychiatriques sont encore insuffisamment pourvues en locaux et en personnel pour répondre adéquatement aux besoins d'une clientèle croissante. Au Pavillon Albert-Prévost, par exemple, nous avons six lits pour accommoder une moyenne quotidienne de 16 à 20 patients.

Le taux d'occupation des services hospitaliers de courte durée frise le 100 %. C'est te cas du Pavillon Albert-Prévost et de tous les départements de psychiatrie des hôpitaux que je connais. Le quart des lits est occupé par des malades chroniques qu'il conviendrait de transférer dans des centres hospitaliers de longue durée, des foyers, des pavillons dont ta capacité d'accueil est très limitée et dont le nombre est

Insuffisant particulièrement dans la région nord de Montréal, nouvelle et en croissance.

Les cliniques externes sont elles aussi trop peu nombreuses. On reconnaît qu'il en faudrait une par 20 000 habitants alors que toutes nos cliniques desservent une population moyenne de 35 000 à 40 000 habitants. Elles sont aussi souvent mal pourvues sur le plan des effectifs psychiatriques. Au Pavillon Albert-Prévost, par exemple, aucune de nos quatorze équipes n'est complète. Au lieu d'avoir les cinq membres à temps complet, elles en ont deux, deux et demi ou trois. Donc, elles sont mal pourvues sur le plan des effectifs psychiatriques et aussi des ressources professionnelles. En conséquence, elles ne peuvent assurer un suivi thérapeutique adéquat à leurs malades chroniques ou à ceux que les centres d'accueil et d'hébergement leur réfèrent

Les hôpitaux et centres de Jour, les foyers de groupe, les appartements supervisés, les plateaux de réentraînement au travail, les centres de formation aux habiletés sociales constituent, pour leur part, des ressources intermédiaires essentielles entre les services hospitaliers et les organismes d'entraide. Mais elles viennent à peine de voir le Jour et leur nombre est encore largement insuffisant dans la plupart des régions ou sous-régions à forte croissance démographique. Les organismes d'entraide se multiplient - et tant mieux - et rapidement. Il faut certes les financer adéquatement, mais ils ne remplaceront jamais les ressources thérapeutiques et intermédiaires dans le prolongement desquelles ils viennent d'ailleurs s'Insérer. La nécessité de la complémentarité et de la coordination que le rapport prône ne vient donc qu'après une autre nécessité, celle de consolider et de multiplier les ressources thérapeutiques et "supportives" qui s'inscrivent au coeur du système de soins.

L'approche globale dont parle le rapport Harnois est biologique, psychologique et sociale. Une fois cette exigence posée, le rapport Harnois semble toutefois en oublier la dimension biologique. Alors que les services phsychosociaux sont, dans le rapport, l'objet de longs développements, les aspects biologiques de l'étiologle, du traitement et de ia prévention des maladies mentales sont pratiquement passés sous silence. Ce qui ne les empêche d'ailleurs pas d'exister et de s'imposer. C'est là le champ privilégié de l'expertise médicale et psychiatrique acquise au cours de longues années de formation.

Or, il semble que le rapport ne veuille pas reconnaître aux médecins et aux psychiatres cette expertise spécialisée, non plus que la capacité qu'ils possèdent plus que tout autre professionnel d'intégrer les trois dimensions, biologique, psychologique et sociale, de l'évaluation du traitement et de la réadaptation. Pour les membres du comité, tous les Intervenants sont égaux et leurs Interventions sont toutes qualifiées de relation d'aide. La formation de base et la formation continue doivent être, selon le rapport, réévaluées en fonction de cet unique critère de base et axées sur les seuls principes de continuité, complémentarité et pratique multidisciplinaire où chacun fait supposément la même chose. C'est là un déni de réalité, un réductionnisme et une simplification aussi abusifs qu'inacceptables.

Parmi les Intervenants, les uns sont professionnels et les autres ne le sont pas. Les Intervenants professionnels ont une compétence et un rôle spécifique auxquels une formation et une expérience particulière les préparent La coordination et la direction d'une équipe de diagnostic et de traitement doivent être assurées par le spécialiste de l'approche biopsychosociale à qui, d'ailleurs, ta loi impose cette responsabilité.

Le rapport Harnois décrit longuement, et souvent avec raison, les lacunes de notre système de soins. Mais il ne mentionne que très brièvement ses acquis, sur lesquels il faudrait pourtant tabler pour l'avenir. Or, ces acquis sont nombreux et importants. La génétique, la neurobiologie, la psychanalyse, la psychologie, la sociologie, la psychopharmacologie et le reste connaissent depuis longtemps un développement accéléré. Notre savoir s'étend dans toutes les directions. Nous cernons toujours mieux l'étiologle des maladies mentales. Nos connaissances pathogéni-ques se multiplient. Les psychothérapies se diversifient et acquièrent une spécificité et une efficacité plus grandes. Les effets thérapeutiques et nocifs des psychotropes sont mieux connus. Les bases scientifiques de la prévention s'élargissent. De nouveaux programmes de réadaptation sont constamment mis à l'épreuve et leur évaluation progresse, celui de Giffard autant que celui de Louis-H.-Lafontaine, d'ailleurs.

Dans ces divers domaines, le Québec se situe dans le peloton de tête. Il participe au développement du savoir et il en récotte les fruits. Le pessimisme est donc à exclure de même qu'un retour à l'empirisme et au spontanéisme dont les généreuses Intentions ne sauraient masquer te danger sur le plan de l'efficacité.

Les progrès sont tout aussi importants au niveau opérationnel. Ce n'est pas un mince exploit que d'avoir ainsi désinstitutionnalisé le Québec depuis 25 ans, que d'avoir réduit de 20 000 à 10 000 en 25 ans la population psychiatrique institutionnalisée, malgré la croissance démographique. Plus important encore, 75 % des malades psychiatriques sont maintenant traités en hôpital général et on réussit à éviter au plus grand nombre d'entre eux l'Institutionnalisation à demeure. Le phénomène de la porte tournante, d'ailleurs, en témoigne. On sait, par ailleurs, que les hospitalisations à répétition des grands malades, tels que schizophrènes et "borderline", pourraient être considérablement réduites s'ils pouvaient bénéficier d'un suivi clinique plus adéquat et d'un système de support social intégré.

L'affirmation du rapport Harnois que les

causes de la maladie mentale ne sont pas connues mérite donc d'être tempérée. Même s'il reste encore beaucoup à connaître, nous en connaissons assez pour traiter avec succès la plupart des malades et améliorer considérablement la condition des autres. Il ne faudrait pas non plus Inférer du fait que notre savoir étiologique est incomplet que le traitement importe moins que la réadaptation à laquelle il faudrait consacrer l'essentiel de nos efforts organisationnels et financiers. C'est le glissement et l'erreur que semble faire le rapport Harnois si l'on tient compte des quelques paragraphes qu'il accorde au traitement et des très longs développements qu'il consacre aux services de réadaptation. Il faut, au contraire, continuer de privilégier le traitement, même s'il faut mettre en place également des programmes de réadaptation dont la nécessité s'impose. C'est à la maladie qu'il faut d'abord s'attaquer plus qu'à ce qui l'entoure et en découle. La personne malade y trouvera davantage son compte.

Les maladies psychiatriques sévères, dont l'évolution se prolonge sur plusieurs années, requièrent au premier chef l'attention du comité Harnois et à juste titre. Mais le champ est quand même beaucoup plus vaste. Ici encore, le rapport Harnois se contente d'une description brève dont il oublie par la suite de tirer les conséquences. Les états névrotiques et psychotiques aigus constituent pourtant la plus grande part de notre clientèle.

Ces malades ne peuvent pas tous être traités en bureau privé et nos cliniques externes possèdent la compétence et le désir de les traiter. Il Importe donc de leur en donner les moyens. Ceux-ci sont divers et multiples: augmentation du nombre des cliniques et consolidation de leurs effectifs, partage avec les CLSC de l'énorme "case load" que constituent les maladies psychiatriques sévères à long terme, création d'unités spécialisées pour certaines catégories de malades ou certains types de traitements, par exemple, maladies affectives, troubles phobiques et anxieux, psychothérapies brèves d'orientation psychodynamique ou behaviorale, cliniques du lithium, psychothérapies familiales et conjugales et le reste. On pourra ainsi éviter l'hospitalisation ou en diminuer la durée et surtout procurer à ces malades l'assistance experte dont ils ont besoin sans ruptures familiales ou occupationnelles. (21 h 30)

II est une autre catégorie de troubles et maladies dont ne parle pas le rapport Harnois, sauf d'une façon allusive, lorsqu'il traite du suicide, de la violence ou des problèmes auxquels est confrontée la jeunesse. Il s'agit des pathlogies pédopsychiatriques, dont le nombre et la gravité s'accentuent. Il y a là des problématiques sérieuses que connaissent bien les parents, les omnlpraticiens, les pédiatres, les agences sociales, les écoles, les CLSC, les organismes de protection de la jeunesse, les centres de réadap- tation, etc. Nos services pédopsychiatriques sont inondés de demandes et ils ne peuvent actuellement y répondre faute d'effectifs suffisants et de ressources appropriées, tels que cliniques externes, services de consultation, centres de jour, etc. Les besoins sont criants et bien connus. Il importerait d'y répondre de toute urgence, sans devoir encore attendre un autre avis du Comité de la santé mentale. Cette action comporte également une dimension préventive qui s'avère essentielle pour la protection et l'optimisation de notre capital humain le plus précieux.

Il est enfin un dernier groupe de maladies, de plus en plus importantes, que ne mentionne même pas le rapport Harnois. Il s'agit des pathologies psychosomatiques. Les spécialistes de nos divers services médicaux et chirurgicaux reconnaissent de plus en plus la précieuse contribution qu'apportent les psychosomaticiens à l'exploration et au traitement de nombreux troubles organiques et fonctionnels. Mais là aussi les effectifs sont rares et insuffisants. Ces maladies font pourtant bien partie du champ de la santé mentale et on ne saurait priver ces malades de l'assistance nécessaire que peuvent leur apporter les psychosomaticiens.

Compte tenu de ces tendances, omissions et préjugés, il n'est pas étonnant que le rapport Harnois ait complètement mis de côté le mémoire de l'Association des psychiatres du Québec et celui du Département de psychiatrie de l'Université de Montréal, documents pourtant très étoffés qui contenaient des analyses judicieuses et des recommandations fort pertinentes. On ne comprend pas qu'on puisse ainsi négliger l'expertise de spécialistes bien formés et expérimentés qui assument, avec tes omnipraticiens, la responsabilité de l'évaluation et du traitement de la quasi-totalité des malades psychiatriques et dont les préoccupations sont à la fois scientifiques et humanitaires. Quand viendra le moment pour le ministère d'élaborer sa politique de santé mentale, il serait bien avisé de reprendre ces mémoires et de leur accorder toute son attention.

Pour les mêmes raisons, il n'est pas étonnant non plus que le rapport Hamois aille jusqu'à dire que c'est moins le nombre des psychiatres qui importe que leur équitable répartition dans toutes tes régions. Or, tes études les plus sérieuses, celles de GMNAC aux États-Unis, GEDPUM à Montréal et COFM à Toronto, nous amènent à la conclusion qu'il manque actuellement 300 psychiatres au Québec. iI en manque évidemment plus dans les régions Intermédiaires et éloignées que dans les centres urbains, mais il en manque aussi dans les villes universitaires de Montréal, Québec et Sherbrooke. La pénurie est particulièrement marquée en pédopsychiatrie et psychogériatrie. Dans certains hôpitaux, les omnipraticiens remplissent le vide que ne peuvent combler les psychiatres à l'urgence, dans tes services internes et externes. Les psychiatres tentent d'élever leur niveau de connaissances par un programme intensif de

formation mais des lacunes Importantes demeurent Même en nombre suffisant, les psychiatres devront d'ailleurs assumer un rôle toujours plus important au niveau de la formation, de la consultation et de l'encadrement auprès des omnipraticiens professionnels et autres intervenants institutionnels et non Institutionnels pour répondre à des besoins qualitatifs et quantitatifs en croissance.

À la pénurie des psychiatres s'ajoute également une sérieuse pénurie de professionnels. Nos services Internes et externes ont un besoin urgent de travailleurs sociaux, d'ergothérapeutes, de psychologues, d'infirmières, d'orthophonistes, de psychoéducateurs, etc. Le besoin augmentera au fil des années à mesure que se développera un réseau intégré de ressources intermédiaires et communautaires, telles que centres de crise, foyers de groupe, centres de jour, ateliers de réinsertion sociale, etc. Ces besoins de personnel qualifié sont prioritaires.

Les hôpitaux psychiatriques et les services de psychiatrie des hôpitaux généraux ont jusqu'Ici assumé une part trop lourde de la nécessaire prise en charge des malades psychiatriques. En raison de leurs effectifs Insuffisants et du temps considérable qu'ils doivent accorder aux maladies psychiatriques sévères et chroniques, leur expertise spécialisée a été sous-utilisée et n'a pu profiter en particulier - comme on l'a vu tantôt - comme il se devrait, aux clientèles psychiatriques moins atteintes.

Le Président (M, Bélanger): Si vous voulez conclure...

M. Laurin: D'accord.

Le Président (M. Bélanger): ...pour garder du temps pour la discussion, s'il vous plaît

M. Laurin: Je vais terminer comme ceci Le rapport Brunet et bien d'autres études sérieuses recommandent que les omnipraticlens et autres services de première ligne constituent la porte d'entrée du système de soins, dispensent les services courants non spécialisés et travaillent en articulation étroite avec les équipes spécialisées de deuxième ligne.

Un dernier mot sur les soins psychiatriques prolongés. Comme on le sait, l'hôpital Douglas et l'hôpital Louis-H.-Lafontaine ne reçoivent plus, depuis plusieurs années, les malades psychiatriques à carrière chronique. Le rapport Aird-Amyot-Charland recommandait que chaque territoire de DSC se dote d'unités de soins psychiatriques prolongés pour mieux répondre à la demande, éviter l'encombrement aussi bien des urgences que des services hospitaliers de courte durée. Le rapport Harnols ne mentionne pas ce problème, mais je crois que c'est un problème urgent qu'il faudra régler dans tes plus brefs délais.

Quant aux recommandations du rapport

Harnois, elles me paraissent toutes excellentes, mais, comme je le disais, elles ne me paraissent pas marquer les véritables priorités. Si beaucoup de fonds leur sont alloués, les autres priorités resteront avec nous et il faudra s'en occuper un Jour ou l'autre. Pour les avoir négligées durant trop longtemps, il deviendra beaucoup plus coûteux de pouvoir répondre aux carences énormes qu'elles auront signalées.

II faudra donc, selon moi, reprendre cette politique de santé mentale à la lumière de tous les rapports qui ont été publiés récemment et surtout des mémoires que vous entendrez à la commission parlementaire.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, Dr Laurin. Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier le Dr Laurin, qui est venu présenter un mémoire au nom du Département de psychiatrie de l'hôpital du Sacré-Coeur. Je ne vous cacherai, Dr Laurin, que J'ai été un peu étonnée de la teneur de votre mémoire. Je me suis demandé dans quelle perspective vous aviez lu le rapport Harnois.

Evidemment, le rapport Harnois aurait pu nous présenter un traité de psychiatrie, avec toutes les pathologies qu'on peut retrouver dans le domaine de la psychiatrie. Ce n'est pas ce qu'ils ont choisi de faire. Au moins, dans ce sens-là, j'en suis très heureuse, parce que ce ne serait pas non plus l'objet d'une politique en santé mentale d'entrer dans cette foule de détails.

J'ai eu l'occasion de le mentionner cet après-midi, c'est évident que le fait que chaque profession n'ait pas été Identifiée comme telle, mais ait été identifiée d'une façon globale, comme la nécessité de mettre en place les ressources de traitement adéquat pour tenir compte des différentes pathologies reliées aux différents groupes, c'est-à-dire aux différentes problématiques, qu'il s'agisse des jeunes, du suicide, des femmes, etc.. Il me semblait qu'on retrouvait là les éléments nécessaires, du moins Implicitement, dans cette façon de présenter, par exemple, dans chaque région, comme j'ai eu l'occasion - vous étiez là cet après-midi - de le mentionner.

Évidemment, vous nous faites une longue liste de tout ce qui manque, de vos complaintes dont certaines sont fort justifiées. C'est d'ailleurs l'objectif du gouvernement d'essayer, dans la mesure de ses disponibilités, de renforcer ce secteur de la santé, il n'y a aucun doute. Sans cela, on ne serait pas ici, en commission parlementaire, aujourd'hui.

Il y a seulement un point que je voudrais souligner. Vous mentionnez le cas d'occupation de lits par des malades chroniques, dans la région de Montréal, dans une proportion de 25 %. Est-ce que vous parlez uniquement de Sacré-Coeur ou de l'ensemble des hôpitaux de la

région de Montréal?

M. Laurin: L'ensemble.

Mme Lavoie-Roux: Là-dessus, je pense qu'il faudrait peut-être remettre vos statistiques un peu à jour. On est maintenant plus près de 17 % ou 18 % qu'on l'est de 25 %, ce qui est quand même, dans deux ans, une réduction importante et qui est reliée au plan des engorgements des urgences. Je vous donnerai comme exemple... Vous vous souviendrez du temps où la Cité de la santé de Laval avait connu jusqu'à 50 % d'occupation de malades chroniques, 50 % ou 51 %, ce qui avait diminué à la fin de 1985, mais qui était encore de l'ordre de 30 % ou 35 % et qui, aujourd'hui, est à peu près de l'ordre de 10 %. Alors, c'est juste une question de nuance peut-être.

M. Laurin: Les variations sont régionales, évidemment

Mme Lavoie-Roux: Ah oui. Cela peut varier d'un hôpital à l'autre. C'est pour cela que je ne sais pas non plus quel est le taux d'occupation de Sacré-Coeur. C'est peut-être 25 % et c'est pour cela que je vous demandais si c'est pour Sacré-Coeur uniquement. Alors, à ce moment-là, mes autres remarques auraient été superflues.

Vous dites qu'il manque beaucoup de ressources Intermédiaires, communautaires ou autres. Nous avons ouvert, dans la région nord de Montréal, un centre de crise, justement pour répondre au débordement des urgences psychiatriques dans cette région. Est-ce que vous l'utilisez? Vous avez également à peu près 80 places en appartements supervisés. Est-ce que vous les utilisez complètement? Vous avez un foyer de groupe pour huit personnes depuis un an et demi. Est-ce que, dans ce foyer, les places sont occupées? Ce sont des questions que je veux vous poser. Je comprends que vous fassiez valoir tout ce qui n'existe pas. On en est fort conscients, il n'y a pas de doute là-dessus. Mais, sur ces questions particulières, j'aimerais que vous me répondiez.

M. Laurin: Les foyers de groupe sont utilisés à 100 %; les huit places sont utilisées constamment, à 100 %. Les appartements supervisés sont habituellement utilisés à 90 %, 95 %. Là où it y a un flottement, c'est que parfois on en place, mais il y a peut-être des compensations qui arrivent. Un patient peut s'en aller et, avant qu'on puisse le remplacer, il y a une période où 11 faut trouver un autre patient pour occuper la ressource, mais on peut dire que c'est pleinement utilisé.

Quant au centre de crise, il y a eu une période de rodage aussi. Chaque nouvelle Institution tend à instituer ses propres critères qui ne sont pas toujours compatibles avec les critères des autres institutions avec lesquelles elle doit s'articuler. Il est assez compréhensible que cela prenne parfois un certain temps avant qu'on puisse fonctionner d'une façon coordonnée. Je peux dire qu'actuellement cela fonctionne d'une façon parfaite entre les trois hôpitaux que dessert le centre de crise, c'est-à-dire Cité de la santé, Fleury et Sacré-Coeur, particulièrement avec les urgences psychiatriques et, bientôt, avec les cliniques externes qui vont commencer à se référer directement au centre de crise. Je pense qu'après un an c'est un assez bon résultat. Ce n'est pas encore parfait, mais cela s'améiiore au fil des mois.

Mme Lavoie-Roux: II reste quand même que déjà, dans l'état actuel des choses, il y a un certain nombre de ressources supplémentaires qui ont été ajoutées.

M. Laurin: En ce qui concerne la région nord, ce qui manque encore le plus - parce que c'est une région à forte croissance démographique, comme vous le savez, et, à part cela, neuve, nouvelle - ce sont surtout les Institutions de réseau de soutien social Intégré, des centres de jour, de soir, des foyers de transition, dont le centre-ville, l'est de Montréal ou l'ouest, à cause de Douglas et Louis-H-Lafontaine, sont beaucoup mieux pourvus que la région nord. C'est là véritablement la grosse lacune, à mon avis.

Mme Lavoie-Roux: L'autre question que j'aimerais vous poser se rapporte au nombre de psychiatres ou à la pénurie de psychiatres au Québec. Cela a été soulevé à quelques reprises. On m'a remis des statistiques. Je pense que ce sont des statistiques avec lesquelles vous êtes familier, Dr Laurin. Au point de départ, on sait que le Québec et la Colombie britannique sont les deux provinces qui ont le plus de médecins; je pense qu'on sait cela. Le Québec est la province qui a le plus de spécialistes par habitant, au Canada. Le Québec est, après l'Ontario, la province qui a le plus de psychiatres par habitant, au Canada. Alors, il devient assez difficile de faire la preuve de cette pénurie de psychiatres.

Mais là où c'est beaucoup plus inquiétant, c'est quand vous dites: Même à Montréal, il en manque. On peut se demander si, dans la région de Montréal - puisque vous dites que, dans la grande région montréalaise, il en manque - sur I'île, parlons de l'île de Montréal, même là, il y a un problème de répartition. Mais quand vous faites la comparaison avec le reste du Québec, avec quand même un nombre de psychiatres relativement respectable, si on tient compte de l'ensemble des autres données qu'on a pour le reste du Canada, vous allez voir que la région du Bas-Saint-Laurent se trouve au même point qu'elle se trouvait en 1976, malgré une augmentation de près de 35 % des psychiatres au Québec. (21 h 45)

M. Laurln: Je n'ai jamais contesté cela. Je l'ai dit, d'ailleurs. Il n'y a aucun doute qu'il manque beaucoup plus de spécialistes, et particulièrement de psychiatres, dans les régions éloignées; je l'ai dit. Mais il reste que, même à Montréal, pour des raisons sur lesquelles on pourrait s'étendre très longuement, Il en manque aussi. Il en manque à Louis-H.-Lafontaine. C'est sûr que, tous les jours j'entends les gens de Louls-H.-Lafontaine se plaindre qu'il leur manque au moins une vingtaine de psychiatres. L'hôpital Pierre-Boucher n'a que deux psychiatres et je pense qu'il y en a un qui va partir bientôt parce qu'il faut une masse critique pour qu'il soit là. C'est qu'il y a beaucoup de psychiatres, comme on l'a dit cet après-midi, qui travaillent à temps partiel; il y en a dans la recherche et dans l'enseignement d'une façon marquée. Il y en a en psychanalyse en bureau privé. Il y en a en recherche aussi. Nous, les cliniciens, nous sommes en contact avec des besoins auxquels on ne peut répondre. C'est pour cela que ce que nous vous disons part vraiment de notre expérience. Quand nous vous disons qu'il n'y a pas assez de psychiatres, c'est parce que nous nous en rendons compte, comme je l'ai dit dans mon mémoire, particulièrement en pédopsychiatrie et en psychogériatrie où c'est encore plus marqué.

Les programmes de formation sont très exigents. Par exemple, nos psychiatres, à Prévost, enseignent à l'École de réadaptation, à l'École de pharmacie, à la Faculté de psychologie, à l'École de service social, etc., sans compter ta formation de stagiaires aussi qui leur prend beaucoup de temps sur place. Il faut savoir ce qu'est l'enseignement de la psychiatrie aux membres de l'équipe multidisciplinaire qui est un Ingrédient absolument essentiel de la pratique psychiatrique.

Mme Lavoie-Roux: Je pense que, du côté de la psychogériatrie et de la pédiatrie, Je serais portée à partager votre opinion sur la carence. Mais je trouve difficile, si vous mettez à part ces deux domaines davantage en psychogériatrie, d'ailleurs - de faire la démonstration qu'il y a une pénurie de psychiatres sur l'île de Montréal.

M. Laurin: Pourtant, j'ai mentionné trois études, Mme la ministre, dont je vous recommande fortement la lecture, GMNAC, GEDPUM et COFM, Council of Ontario's Faculties of Médecine. Je pense que tes arguments qu'elles apportent sont difficilement contestables.

Mme Lavoie-Roux: Écoutez, je sais qu'il y en a d'autres qui veulent vous poser des questions, je reviendrai s'il me reste du temps. Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Juliette.

M. Chevrette: Merci. Je voudrais, tout d'abord, parler des points de convergence et, après cela, des points de divergence. Je partage votre point de vue qu'un énoncé de politique doit Indiquer les pistes où on s'en va et, ordinairement, un échéancier d'arrivée, ainsi que des façons de fonctionner. Cela fixe des balises quant aux pouvoirs des structures à l'intérieur. On n'y retrouve pas cela. Cela fait plusieurs fois que j'ai la chance ou l'occasion, plutôt, de dire au Dr Harnois que son rapport là-dessus m'apparaît être un recueil de voeux pieux extrêmement intéressant à lire. Mais, sur te plan concret d'une politique pour la population en général, cela n'apporte rien. Cela ne dit rien aux CLSC pour demain matin, ni aux CSS, ni même aux psychiatres quant à leur rôle à jouer dans une équipe multidisciplinaire. Cela ne précise absolument pas les Intentions gouvernementales, par exemple, d'Injections quant au budget de la santé mentale au Québec. Cela ne dit pas du tout ce que la ministre entend faire sur une période de cinq ans en termes de désinstitutionnalisation. Cela dit de belles choses, de belles choses que certains ont constatées il y a vingt ans, d'autres, il y a dix ans et d'autres encore, il y a deux ou trois ans. C'est un recueil - là-dessus, |e partage votre point de vue - de beaux principes qui est intéressant à lire et qui nous confirme dans nos constats d'il y a quelques années. Donc, sur cette partie, je partage entièrement votre point de vue.

Là où j'aimerais que vous soyez plus loquace, mon cher docteur, c'est sur le nombre de psychiatres. J'aimerais savoir ta raison pour laquelle I 1 manque de psychiatres à Montréal. Serait-ce parce que le "soft money" est très Intéressant en cabinet privé ou bien parce qu'il n'y a pas de loi contraignant les psychiatres québécois à participer au traitement en institution? J'aimerais vous entendre, parce que vous dites: Pour une foule de raisons, mais vous n'en avez pas échappé une.

M. Laurin: Non, j'en ai échappé plusieurs, mais je continuerai.

M. Chevrette: Oui, continuez donc plus clairement

M. Laurin: Auparavant, j'aimerais que M. Desmarteaux réponde à votre première...

M. Chevrette: D'accord.

M. Laurin: ...remarque sur ce que doit être une politique.

M. Desmarteaux (Robert-H): Vous me permettrez d'Introduire un editorial - j'ai demandé à M. Francoeur, je ne pense pas qu'il soft encore dans la salle, mais je lui ai demandé auparavant...

M. Chevrette: II était là, mais il sera flatté de vous relire dans le Journal des débats.

M. Desmarteaux (Robert-H.): C'est le vendredi 2 octobre 1987, dans un editorial qu'il Intitulait: Un autre pas majeur. Vous venez de soulever le fait que nous ne nous trouvons pas devant une politique de santé mentale. On peut peut-être se poser la question, pourquoi? M. Francoeur disait: Ils ne le pouvaient pas. Mais pourquoi ne le pouvaient-Ils pas? M. Francoeur ajoute: Parce que la réflexion est dans une Impasse. Si on est dans une Impasse, pourquoi? Et que fait-on? Le rapport Harnols propose deux éléments majeurs. Le premier dit: On établit des bases, des balises de réflexion. Vous me permettrez d'ajouter qu'on peut probablement additionner les réflexions que le Dr Laurin nous présentait. La deuxième piste: Vous proposez une planification. Bien humblement, je vous propose un amendement à votre planification. Il existe trois types de planification: il y a de la planification stratégique, de la planification structurelle et de la planification opérationnelle. Le stratégique, c'est le quoi; l'opérationnel, c'est le comment et le structurel, c'est le qui. La majorité des interventions qui sont parues dans les journaux et probablement la majorité des intervenants qui sont venus ici se sont attaqués au qui et au comment. Oui fait quoi? Et comment fait-on le quoi? Mais ils ne se sont pas assez arrêtés sur le quoi: quoi faire?

Mme la ministre, dans la présentation du rapport Harnois, disait: Peu de pays ont su se donner, jusqu'à ce jour, une politique de santé mentale. Vous me permettrez une petite réflexion additionnelle, c'est une réflexion chinoise qui provient du JAMA, je pourrai vous déposer cet éditorial du 14 décembre 1984, du professeur U Zhi-Zhong qui est de la Chinese Medical Association of Beijing, China. Cela va prendre environ deux minutes et demie, mais je pense que la conclusion en vaut la peine: À la lumière des délibérations de leur treizième congrès, les Chinois manifestent une ouverture vis-à-vis de l'Occident. Peut-être pourrions-nous saisir cette opportunité non pas pour leur vendre quelque chose, mais pour aller voir ce qu'ils font. C'est donc l'extrait du JAMA. Le titre est: Traditional Chinese concept of mental health. Vous me permettrez une traduction libre de la conclusion.

Au. cours des millénaires - parce qu'on sait que c'est un peuple qui a 4000 ans et plus - nous avons développé un credo en santé mentale. Il contient les éléments suivants: l'équilibre d'un Individu vis-à-vis de lui-même, de sa famille et de son groupe de référence est principalement déterminé par l'état de sa santé mentale et ce, dans le sens le plus élevé de ces termes. Cet état d'équilibre peut être perturbé par la peur, l'anxiété, des obsessions, des situations ou des problèmes. Mais il peut aussi être maintenu par une très forte discipline personnelle. Tant que l'équilibre est là, l'har- monie blopsychosociale est là. Le professeur Zhong continue: Est-ce que cette doctrine est trop pauvre pour résister à l'analyse? La valeur d'une hypothèse en sciences appliquées n'est pas toujours jugée à partir d'exactitudes scientifiques. Souvent, une hypothèse se vérifie par des résultats qu'elle génère dans l'exercice de sa pratique. L'auteur poursuit: "Just like" la médecine traditionnelle chinoise qui s'est gagné sa réputation non seulement par des vérifications d'exactitudes scientifiques, mais principalement vis-à-vis des effets thérapeutiques, pratico-pratiques du quoi.

M. le Président, il devient peut-être approprié de souhaiter que les propos du professeur Zhong deviennent une source d'inspiration comme le furent, il y a maintenant plus de 40 ans, ceux du Dr Norman Bethume dans cette merveilleuse province d'Hebei de la République populaire de Chine. Avec votre permission, je pourrai vous donner une copie de cet editorial du professeur Zhong.

M. Chevrette: Cela me fait rire: cela me permettra de comprendre et de constater que ce n'est pas chinois.

Des voix: Ha, ha, ha! M. Laurin: Pour revenir à votre question... Le Président (M. Bélanger): Bien... M. Laurin: ...M. le député de Joliette... M. Chevrette: La blague était facile.

M. Laurin: ...je dirais que, s'il faut davantage de psychiatres, c'est parce que tout le monde se réfère aux psychiatres et après cela, on s'étonne qu'il en faille beaucoup.

Les omnipraticiens se réfèrent aux psychiatres, les CLSC, qui n'ont pas d'équipe de santé mentale, se réfèrent aux psychiatres. Les agents de services sociaux se réfèrent aux psychiatres. Les écoles se réfèrent aux psychiatres. Tout le monde se réfère aux psychiatres. Nos urgences sont toujours pleines et peut-être que les centres de crise vont changer la situation, mais on est bien obligés de constater que personne ne veut psychiatriser personne, mais que tout le monde envoie les malades voir les psychiatres, par exemple.

Je veux aussi rappeler qu'il y a seulement 15 % du temps psychiatrique qui est passé en bureau privé. 85 % du temps psychiatrique est passé dans les institutions du secteur public et cela, ce n'est pas assez connu.

M. Chevrette: Mais, Dr. Laurin, est-ce que vous me permettez une question accessoire dans ce cas-là? Est-ce que les psychiatres en général accepteraient facilement, comme corporation professionnelle... Parce que j'ai remarqué, dans le

rapport Harnois, que - c'est une autre affaire que j'ai observée - tout ce qui est conflictuel entre corporations, il ne touche pas à cela.

Mais, vous, comme psychiatres, acceptez-vous qu'il y a des cas qui normalement ne devraient pas vous être référés? Vous trouvez que vous avez beaucoup d'ouvrage.

M. Laurin: Nous acceptons volontiers, M. le député. On a trop de cas; on est débordés; on aimerait beaucoup cela, et on en réfère le plus possible, que ce soit à des Infirmières qui font partie de nos équipes, des psychologues, des travailleurs sociaux.

Plus les CLSC voudront en accepter, plus nous serons contents, parce que cela va nous permettre de traiter davantage de cas de névrose, comme je le disais, dont pas assez de gens ne s'occupent et cela va nous permettre de jouer ce rôle de formateurs continus, de consultants et d'encadreurs qui correspond à la formation que nous avons reçue.

Je n'aurais pas de plus grande satisfaction, pour ma part, en tout cas, que de voir les autres professions prendre une part de plus en plus grande de l'évaluation et du traitement d'une bonne partie de nos malades. Ce n'est sûrement pas là qu'est le problème,

M. Chevrette: Est-ce que votre...

M. Laurin: Contrairement à ce qu'on pense, ce n'est pas le pouvoir médical, c'est la trop grande référence aux équipes psychiatriques qui constitue le problème.

M. Chevrette: Est-ce que vous tiendriez les mêmes propos si la politique était claire au point qu'elle délègue spécifiquement à des types de professionnels, des types d'actes, par exemple, d'analyses ou de consultations? Est-ce que vous tiendriez les mêmes propos concernant le nombre de psychiatres à ce moment-là?

M. Laurin: Évidemment, si le rapport Brunet était appliqué, s'il y avait des équipes de santé mentale dans tous les CLSC du Québec, si elles pouvaient s'occuper des soins courants, si elles pouvaient prendre une partie des soins de réadaptation qui, au fond, ne sont pas toujours très complexes, à ce moment-là, effectivement, on aurait probablement besoin de moins de psychiatres qu'actuellement.

Cependant, il faut rappeler qu'il y a beaucoup de demandes actuellement qui ne sont pas satisfaites et qui nous viennent des centres d'accueil d'hébergement, des centres d'accueil de réadaptation, des centres hospitaliers de longue durée pour des consultations psychiatriques que nous ne sommes pas capables d'honorer et auxquelles nous ne sommes pas capables de répondre. Actuellement, nous disons non et ces gens-là se plaignent constamment. Vous allez probablement les entendre ici à ta commission.

Actuellement, on répond non. Si on pouvait alléger le fardeau actuel des équipes psychiatriques, on pourrait répondre davantage à ces autres besoins qui sont aussi pressants.

Donc, on aurait quand même besoin d'un certain nombre de psychiatres de plus, mais beaucoup moins que si la situation actuelle persiste.

M. Chevrette: Je vais passer pour le moment

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Seulement deux courtes questions à M. Laurin. À la page 1 de votre mémoire, vous dites qu'il faut mettre à la disposition des malades chroniques des services nombreux et variés, thérapeutiques et "supportifs", axés sur ta réinsertion sociale. À la page 4, vous dites: C'est à la maladie qu'il faut d'abord s'attaquer plus qu'à ce qui l'entoure et en découle. Est-ce qu'il n'y a pas une contradiction entre ces deux affirmations?

M. Laurin: Non, parce que j'ai bien souligné que, même si le traitement ne doit pas être négligé, parce que c'est cela l'essentiel, la pathologie qu'il faut corriger, II faut aussi s'occuper des séquelles de la maladie et c'est là que la réadaptation entre en ligne de compte. Il ne faut sacrifier ni l'un ni l'autre. Il faut donner toute son Importance au traitement, mais aussi, il faut accorder l'Importance qu'il convient à la réadaptation qui a pour but de réparer les séquelles, les handicaps, les déficiences consécutifs à une pathologie qui est souvent chronique, d'ailleurs. (22 heures)

II faut donc mettre dans un continuum, dans une continuité, traitement et réadaptation et, dans les services de soutien social intégré dont j'ai parlé, c'est là que la réadaptation deviendra particulièrement importante. Par exemple, dans tes centres de jour et de soir, dans le réentraînement aux aptitudes vocationnelles, aux relations sociales, ce que les Anglais appellent "social skills". Ce sont toutes des mesures de réadaptation importantes aussi, parce que si elles ne sont pas offertes et acceptées par le malade, elles provoqueront souvent des décompensations qui amèneront des réhospitalisations. Dans ce sens-là, on ne peut pas séparer traitement et réadaptation.

M. Polak: Une dernière question, M. te Président. Si vous aviez été ministre de la Santé, sur quelle principe auriez-vous fondé une politique de santé mentale?

M. Laurin: Les principes qui ont été mentionnés, bien sûr: la personne, la famille, la complémentarité, la continuité, mais il faut aller

plus loin. À mon avis, II faut préciser le rôle, les fonctions des divers partenaires. Il y en a beaucoup dans le champ de la santé mentale, il n'y a pas seulement les psychiatres, les psychologues, les travailleurs sociaux, les Infirmières, etc, au sein de l'équipe multidiscipllnalre, mais également tes intervenants institutionnels et non institutionnels comme, par exemple, les centres hospitaliers de courte durée, les urgences psychiatriques, les centres de crise, les foyers de groupe, les foyers de transition, les pavillons d'accueil. Il faut préciser les fonctions et tes responsabilités de chacun de ces intervenants

II faut même aller plus loin maintenant, il faut parler des tables de coordination à l'échelle sous-régionale. C'est aussi une recommandation avec laquelle je suis tout à fait d'accord. Il faut également renforcer le pouvoir des conseils régionaux.

Je vous apporte, Mme la ministre, le message du directeur générai et du CRSSS de Montréal qui, pour des raisons techniques, ne pourront pas présenter leur mémoire, mais qui m'ont demandé d'insister, si J'en avais la chance, sur la nécessité d'un pouvoir décisionnel accru pour les centres, les CRSSS des 14 régions du Québec - maintenant je crois qu'il y en aura 17 - sur la nécessité d'un financement accru identifié et décentralisé également. Ils m'ont également demandé de souligner qu'ils étaient d'accord pour une augmentation des effectifs psychiatriques dans la région de Montréal, au point où ils en sont de l'étude de leur plan d'effectifs fourni par les établissements.

Donc, je pense qu'il y aurait lieu d'être plus précis quant à l'attribution des rôles, fonctions, responsabilités, plus précis quant au financement, plus précis quant aux divers types d'assistance qu'il faut fournir. Par exemple, les soins prolongés, les CLSC, les centres d'accueil, le réseau de soutien social intégré et, surtout, mettre les prioritsés là où elles doivent être afin que le peu d'argent que nous possédons puisse être dépensé là où c'est le plus rentable, là où cela fera le plus de bien aux malades mentaux qui, comme on le sait, sont en augmentation partout au Québec comme dans les autres pays modernes. C'est fonction de facteurs qui dépassent évidemment la simple biologie, peut-être les mutations technologiques, le chômage accru, la crise, la télévision, mais on sait, en tout cas, qu'il y a une augmentation de l'incidence et de fa prévalence des maladies mentales. C'est une des raisons pour lesquelles une politique de santé mentale s'Impose, d'ailleurs.

M. Chevrette: M. le Président...

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Joliette. pour l'alternance.

M. Chevrette: Merci. Est-ce que vous êtes au courant qu'un cadre a été fixé par le ministère pour rétablissement des effectifs médicaux?

Pour le CRSSS de Montréal, il y a une coupure de 35.5 postes de psychiatres-spécialistes. Étiez-vous au courant de cela?

M. Laurin: Oui, j'ai lu les documents qui ont émané du ministère à cet effet. J'ai lu aussi le projet de toi. Je sais également la réaction que ces documents ont provoquée chez ceux qui ont eu à les appliquer, aussi bien dans les établissements qu'au sein de quelques CRSSS que je connais. Je sais que ce sera bien difficile.

M. Chevrette: II y a un commentaire sur lequel je voudrais avoir votre réaction. De plus en plus, je m'inscris dans la ligne de la démédicalisation dans le domaine de la santé et des services sociaux. Je trouve inconcevable - je vais vous donner mon opinion bien personnelle, surtout qu'à cette heure c'est peut-être le temps de parier encore plus avec ses tripes - que tout soit médicalisé dans le domaine de la santé. C'est rendu que tu passes par l'omnipraticien, cela prend une ordonnance pour voir le physia-tre, cela prend une autre ordonnance pour voir le physiothérapeute, il y a des centaines de millions de dollars d'injectés dans le domaine de la santé. C'est la même chose en santé mentale.

Je me demande quelle est la réaction d'un médecin, qui est quand même un ex-homme politique, vis-à-vis du cheminement d'un homme politique qui dit: II faut absolument sortir de ce carcan qui constitue, à mon point de vue, un cul-de-sac monumental. On n'aura jamais assez d'argent pour le curatif...

M. Laurin: II y a peut-être des malentendus là-dedans. C'est peut-être moins médicalisé que vous ne le pensez en santé mentale. Une fois le diagnostic fait, par exemple, une fois qu'on est sûr qu'il n'y a pas de maladie organique - il faut toujours penser qu'une tumeur ou un accident cérébro-vasculaire peut amener des symptômes d'apparence mentale, mais il faut être bien sûr qu'on n'a pas affaire à un accident organique qui, habituellement, peut rentrer dans l'ordre assez rapidement et dont les symptômes disparaissent - une fois qu'on a éliminé la possibilité d'une lésion organique, je dirais que 70 % des cas sont confiés, pour suivi thérapeutique et social, aux membres de l'équipe qui ne sont pas médecins. Même, c'est très conservateur, je serais porté à dire 80 % plutôt que 70 %, sans parler des cas qu'on réfère en bureau privé à des gens non médecins.

M. Chevrette: Dr Laurin, vous répondez comme responsable d'un département d'un centre hospitalier. Chaque fois qu'on fait appel à des corporations ou à des fédérations, sans le dire, tout le monde défend d'une façon sacrée son champ de juridiction. Connaissant la façon dont les lois sont conçues, le pouvoir dans le domaine de la santé est médical. Ne nous leurrons pas, il n'a pas une dimension sociale, il est médical,

point. Je pense qu'on n'a pas à se faire de dessin. Chacun, Jalousement, défend son petit jardin. Comment pourra-t-on évoluer concrètement? Je pense, par exemple, aux personnes qui, psychologiquement, croient fondamentalement aux médecines douces.

M. Laurin: Croient?

M. Chevrette: Aux médecines douces. Il y a des médecins qui me disent: Oui, tu as raison quand tu dis qu'il y a au moins 75 % des mala» dies qui sont psychologiques, qui ne sont même pas physiques. À partir de la, qu'est-ce qu'on répond à ces gens? Et même, il y a des médecins qui nous approuvent et on voit les corporations médicales les défendre avec tant d'acharnement. Je vous donne un exemple: aujourd'hui, Je recevais un télégramme du conseil de la santé qui nous recommande que les sages-femmes puissent maintenant, à partir d'un projet pilote... Je suppose que la ministre l'a reçu tout comme mol. Qui va se battre contre cela? La corporation des médecins, les omnipraticiens, peut-être moins les gynécologues, ils ne veulent plus en faire. Vous voyez cela et on veut évoluer vers quelque chose.

Vous avez vécu à la fois notre position et vous vivez comme médecin dans une institution. Comment pourra-t-on évoluer, un jour, vers quelque chose qui soit potable?

M.Laurin: La partie du problème que Je vois, ce n'est pas celle-là. La partie du problème que Je vois, ce sont des malades qui nous sont référés par tout le monde et qu'on est obligés de voir parce que, si on ne les voit pas, on va se faire appeler par l'ombudsman de l'hôpital et le CRSSS de Montréal qui vont dire: Vous manquez à votre responsabilité, ce malade vient vous consulter et vous êtes obligés de le voir. C'est ce qu'on voit. Une fois qu'on le voit, c'est un médecin qu'il veut voir, et si le diagnostic qu'on pose n'est pas exact, si on se trompe, il va nous poursuivre. C'est pour cela que les psychologues, tes travailleurs sociaux, dans nos équipes, ne veulent pas faire de diagnostic parce que s'ils se trompent, ils seront poursuivis. Donc, ils demandent au médecin de s'acquitter de cette responsabilité du diagnostic et du contrôle du traitement parce que c'est lui qui sera poursuivi s'il y a une erreur, en l'occurrence.

Mme Lavoie-Roux: Dr Laurin, ce n'est pas ce que nous ont dit les autres professions.

M. Laurin: C'est mon expérience. D'ailleurs, je ne connais pas de conflit, dans mes quinze cliniques externes, entre les professionnels et les médecins justement parce que cela fait bien l'affaire des professionnels de voir que le médecin se charge du médicament quand il faut le donner, du diagnostic quand il faut le poser et du contrôle du traitement, du résumé de dossier quand il faut l'écrire et que le patient demande accès à son dossier.

Il y a un langage corporatif, Mme la ministre, et il y a un langage de clinicien sur place et ce n'est souvent pas le même.

Le Président (M. Bélanger): En conclusion, M. le député de Joliette.

M. Chevrette: En conclusion, mille mercis. Je pense que vous avez quand même apporté un éclairage à la commission. Soyez assuré que cela me permettra peut-être de demander à d'autres qui auront un langage corporatif d'avoir te même langage en privé qu'en public.

Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, tout à l'heure, le député de Sainte-Anne vous a demandé sur quel principe vous baseriez une politique en santé mentale si vous aviez à en élaborer une. Vous avez répondu sur les principes qui sont dans le rapport Harnois: la personne, la famille, la communauté. Vous avez donné trois ou quatre éléments. Je comprends mai qu'on retrouve dans votre mémoire que vous n'êtes pas d'avis qu'on puisse fonder une politique de santé mentale pour le Québec sur ces principes-là. Où il m'apparaît - si je me trompe, vous me corrigerez - qu'il y a ambiguïté ou quiproquo, c'est que vous auriez sans aucun doute souhaité qu'on définisse pour chaque profession ce qu'elle devait faire. Je ne suis pas sûre non plus que ce soit le rôle de cette commission de faire cette définition. Est-ce que cela ne revient pas davantage aux corporations professionnelles qui, justement...

M. Laurin: C'est parce que Je crois que les principes, pour essentiels qu'ils soient, ne sont pas suffisants. Il faut aussi...

Mme Lavoie-Roux: Mais laissez-moi finir, si vous voulez.

M. Laurin: Ah bon!

Mme Lavoie-Roux: Bon! La première question est celle que Je vous al posée. La deuxième est celle-ci. Ne croyez-vous pas, et je suis d'accord, qu'à partir de l'élaboration d'une politique, dans une politique on ne peut pas rentrer dans une liste d'épicerie, on ne peut pas rentrer dans une série de... On peut bien vous ■ dire: II faut des appartements supervisés, etc., on les connaît tous. Il y en a peut-être d'autres qu'on ne connaît pas, mais on a appris hier, justement, un autre type de ressources qui n'existerait pas au Québec. Par la suite ou concurremment, ou parallèlement devra être déposé un pian d'action beaucoup plus concret qui rejoindra peut-être certaines des préoccupa-

tions que vous avez exprimées, celtes que vous nous avez transmises au nom du conseil régional de Montréal, qui disent: On voudrait que, sur des questions particulières, vous soyez un peu plus précis: sur les responsabilités du conseil régional, etc. Je pense que cela est du ressort du ministère de dire quelles sont les responsabilités interétablissements, mais je pense que c'est moins du ressort du ministère d'établir les rôles professionnels de chacun.

Je voudrais simplement connaître votre réaction à ceci.

M. Laurin: C'est vrai que c'est au ministère qu'il appartient d'établir les vocations, les rôles, tes responsabilités, mais c'est aussi le rôle d'un comité d'enquête de suggérer des orientations au ministère. C'est un peu ce que j'ai vu dans plusieurs projets de politique. J'en ai lu beaucoup, j'ai potassé beaucoup de projets de politique: la politique française, la politique britannique, la politique américaine, ta politique des ministres de la Santé du Conseil de l'Europe. Je m'en suis payé une quinzaine, et, dans presque toutes celtes que |'ai vues, il y avait, bien sûr, des principes, mais il y avait ensuite des analyses de situations, des analyses de l'incidence, de la prévalence des problèmes rencontrés, des grandes pathologies qui sont responsables de la croissance des coûts, que ce soient les coûts hospitaliers, les coûts des médicaments ou du système de soutien intégré. Il y avait des descriptions de situations, des descriptions de problèmes, pour aboutir ensuite à des recommandations, quant aux plans organisationnels, assez précises justement pour répondre aux priorités ou aux lacunes principales qui ont été observées.

C'est un peu ce qui m'a laissé sur mon appétit dans le rapport Harnois. Je trouve que ces gens auraient pu aller plus loin pour justement aider le ministère à mettre au point sa politique et définir les grandes orientations, quitte ensuite à confier à d'autres organismes régionaux et sous-régionaux l'application de cette politique.

Mme Lavoie-Roux: Alors, écoutez, je veux vous remercier, en terminant. Comme je l'ai dit à d'autres de nos invités, à partir de tous ces commentaires que nous recevons, nous essayerons d'établir la politique de santé mentale la plus cohérente possible, la plus pertinente possible. Je pense qu'il est Important qu'après 25 ans de tâtonnement, finalement, on sache ce qu'on veut faire. On se trompera peut-être, mais je pense que le rapport Harnois nous dit qu'une politique, c'est aussi un processus évolutif. Elle doit être revue, révisée à certaines périodes. Mais nous avons, comme gouvernement, la ferme conviction qu'on ne peut pas continuer strictement en disant: On ajoute ici, on ajoute là, sans jamais essayer d'établir une cohérence entre toutes les tendances que l'on sent dans la communauté et sans indiquer non plus une volonté gouvernemen- tale pour tenter de résoudre au moins une partie des problèmes dans ce domaine.

Le Président (M. Bélanger): La commission remercie le Département de psychiatrie de l'hôpital du Sacré-Coeur de Montréal et ajourne ses travaux jusqu'à demain, 10 heures, dans le même local.

(Fin de la séance à 22 h 16)

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